Deuxième séance du mardi 26 novembre 2024
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Apologie du terrorisme
- Exécution des mandats de la Cour pénale internationale
- Apologie du terrorisme
- Journée de solidarité supplémentaire
- Lutte contre les violences sexistes et sexuelles
- Situation en Ukraine
- Naufrages dans la Manche
- Journée de solidarité supplémentaire
- Lutte contre les violences sexistes et sexuelles
- Lutte contre les violences sexistes et sexuelles
- Conflit au Proche-Orient
- Arrestation de Boualem Sansal
- Fonds de soutien aux activités périscolaires
- Fraude fiscale à la résidence principale
- Arrestation de Boualem Sansal
- Crise agricole
- Budget de la culture
- Lutte contre les violences sexistes et sexuelles
- 2. Déclaration du gouvernement sur l’accord d’association entre l’Union européenne et le Mercosur
- Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt
- Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger
- M. André Chassaigne (GDR)
- M. Vincent Trébuchet (UDR)
- Présidence de M. Jérémie Iordanoff
- Mme Hélène Laporte (RN)
- M. Daniel Labaronne (EPR)
- M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP)
- M. Dominique Potier (SOC)
- M. Julien Dive (DR)
- Mme Marie Pochon (EcoS)
- M. Marc Fesneau (Dem)
- M. Loïc Kervran (HOR)
- M. Paul Molac (LIOT)
- M. Eddy Casterman (RN)
- M. Benjamin Dirx (EPR)
- Mme Mélanie Thomin (SOC)
- M. Antoine Vermorel-Marques (DR)
- M. Benoît Biteau (EcoS)
- M. Pascal Lecamp (Dem)
- M. Michel Castellani (LIOT)
- Mme Stella Dupont (NI)
- Mme Françoise Buffet (EPR)
- M. Jean-Pierre Vigier (DR)
- Mme Danielle Brulebois (EPR)
- Mme Danièle Carteron (EPR)
- M. Charles Sitzenstuhl (EPR)
- M. Christophe Marion (EPR)
- Mme Laetitia Saint-Paul, suppléant M. Bruno Fuchs, président de la commission des affaires étrangères
- Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
- Mme Sandrine Le Feur, présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
- M. Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes
- Mme Sophie Primas, ministre déléguée
- Mme Annie Genevard, ministre
- Vote en application de l’article 50-1 de la Constitution
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Apologie du terrorisme
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Jeanbrun.
M. Vincent Jeanbrun
Monsieur le premier ministre, en janvier prochain, nous commémorerons les dix ans du drame de l’Hyper Cacher, durant lequel Philippe Braham, habitant de ma commune de L’Haÿ-les-Roses, a été lâchement assassiné. Le 12 janvier 2015, alors tout jeune maire, je me suis rendu à l’institut médico-légal de Paris pour y soutenir sa famille. J’ai tenu sa veuve dans mes bras sans pouvoir prononcer des mots capables de l’apaiser. Je n’oublierai jamais cette douleur.
Mes chers collègues, ce n’est pas le terrorisme qui tue, ce sont les terroristes : des hommes et des femmes bien réels, élevés dans l’apologie de l’horreur, dans l’apologie d’une hiérarchie des êtres et des religions, dans l’apologie de la haine de notre république universaliste et fraternelle.
Alors, en voyant la proposition de loi du groupe LFI demandant l’abolition du délit d’apologie du terrorisme, je n’ai d’abord pas voulu y croire. (« C’est une honte ! » sur plusieurs bancs du groupe DR.) Pas en France ! Pas après tant de morts ! Pas après tout ce que nous avons vécu ! Hélas, si : après leurs provocations, après leurs indignités, voilà leur infamie. Les masques tombent : ceux qui sont complaisants avec le terrorisme revendiquent désormais de pouvoir l’être en toute impunité.
M. Thibault Bazin
Eh oui !
M. Vincent Jeanbrun
Collègues de La France insoumise, honte à vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs des groupes RN et EPR et Dem.) Excusez-vous devant les victimes, devant leurs familles, devant la République tout entière ! Chaque mot que vous prononcez pour justifier cette proposition est une insulte, un crachat sur les tombes de Samuel Paty, des enfants de Toulouse et de toutes les victimes de la barbarie ! (Mêmes mouvements.)
Mme Mathilde Panot
Honte à vous, à vous !
M. Vincent Jeanbrun
Honte à vous ! Et honte à toute la gauche, qui se dit républicaine mais qui ne dénonce pas son alliance électorale avec La France insoumise ! Je vous interpelle aujourd’hui devant la nation. Redressez-vous ! Reprenez vos esprits ! Faites preuve de courage ! Monsieur Hollande, comment pouvez-vous décemment continuer à siéger aux côtés de députés qui bafouent la République que vous avez présidée ? (M. François Hollande et plusieurs députés du groupe SOC rient.)
Comme vous, monsieur le premier ministre, avec mes collègues de la Droite républicaine, autour de Laurent Wauquiez, nous ne céderons jamais aux terroristes ni à ceux qui banalisent leurs crimes. Comment, avec Bruno Retailleau et votre gouvernement… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe UDR et plusieurs députés des groupes EPR et Dem applaudissent ce dernier.)
M. René Pilato
La maîtrise de la langue française, pour un député, c’est important !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur
Depuis 2012, le terrorisme islamiste a fait 273 morts sur le sol français et près d’un millier de blessés. Comme vous, en cet instant, je pense à toutes ces victimes, ainsi qu’à leurs familles, qui sont brisées par la souffrance. Le 13 novembre, je me suis rendu avec le premier ministre devant le Bataclan…
Un député du groupe LFI-NFP
Vous n’êtes pas le seul !
M. Bruno Retailleau, ministre
…pour célébrer le neuvième anniversaire de cette triste année, de cette année de sang, marquée par le Bataclan, l’Hyper Cacher et Charlie Hebdo.
M. Raphaël Arnault
Qui a combattu Daech ? Ce sont les antifascistes !
M. Bruno Retailleau, ministre
Or c’est précisément le mois de novembre qu’a choisi le groupe LFI pour déposer une proposition de loi scandaleuse, (Approbation sur de nombreux bancs des groupes DR, RN, EPR, Dem, HOR et UDR) qui vise à abolir le délit d’apologie du terrorisme.
Mme Andrée Taurinya
Menteur !
M. Emmanuel Fernandes
Escroc !
M. Bruno Retailleau, ministre
Si cette proposition de loi était adoptée, ce délit serait effacé de tout notre droit. C’est scandaleux, c’est honteux, et on voit bien l’objectif qui se cache derrière cette proposition d’abrogation : c’est un calcul cynique, électoraliste, clientéliste. En France, le terrorisme qui a frappé porte un nom : c’est le terrorisme islamiste. C’est scandaleux et c’est honteux, parce que vous trahissez l’héritage républicain de la gauche française. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. René Pilato
Ce qui est scandaleux, c’est que vous soyez ministre de l’intérieur !
M. Bruno Retailleau, ministre
Je veux rappeler que le texte qui a institué ce délit a été voté sous la présidence de François Hollande. Cette proposition de loi est honteuse ; c’est même une grave faute morale.
Mme Mathilde Panot
La faute morale, c’est vous !
M. Bruno Retailleau, ministre
Il y aura un avant et un après, LFI n’est pas un parti comme les autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Exécution des mandats de la Cour pénale internationale
Mme la présidente
La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono
« Ce tribunal est fait pour l’Afrique et pour les voyous comme Poutine. » Ces propos dégoulinant de racisme ont été adressés par un dirigeant occidental au procureur de la Cour pénale internationale pour qu’il cesse ses investigations sur les exactions des dirigeants israéliens. (« Oh ! » sur les bancs du groupe RN.) Refusant de céder aux pressions, le procureur de la CPI a demandé, en mai dernier, des mandats d’arrêts à l’encontre du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, de son ministre de la défense de l’époque, Yoav Gallant, ainsi que de trois chefs du Hamas, pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à Gaza et en Israël depuis le 7 octobre 2023.
Mme Émilie Bonnivard
Vous avez encore le droit de parler dans cette enceinte ? C’est une honte !
Mme Danièle Obono
Ce jeudi 21 novembre, la chambre préliminaire de la CPI, qui a elle aussi fait l’objet de nombreuses menaces, a suivi ces réquisitions et délivré trois mandats d’arrêt (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) contre Netanyahou, Gallant et Mohammed Deif, le dernier responsable du Hamas possiblement encore en vie. C’est une décision historique majeure, qui signe peut-être, nous l’espérons, la fin de l’impunité d’Israël, de ses complices et de ses soutiens inconditionnels.
Mme Émilie Bonnivard
Vous êtes tous seuls !
Mme Danièle Obono
Les 125 États membres de la CPI ont désormais l’obligation d’arrêter les fugitifs qui se trouveraient sur leur territoire. La majeure partie d’entre eux ont indiqué qu’ils le feraient. Toute honte bue, quelques-uns, comme l’Allemagne ou la Hongrie, s’y refusent. La France, quant à elle, s’est montrée bien timorée, alors qu’elle devrait parler clairement et agir avec célérité pour faire cesser les massacres qui continuent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Émilie Bonnivard
Plus personne ne vous écoute, vous êtes complètement décrédibilisés !
Mme Danièle Obono
Les victimes se comptent par dizaines de milliers à Gaza : 70 % d’entre elles sont des femmes et des enfants dont la moyenne d’âge est de 5 ans. Et maintenant, les criminels sévissent aussi au Liban !
Monsieur le premier ministre, votre gouvernement arrêtera-t-il, oui ou non, Netanyahou et Gallant, si d’aventure ils se retrouvent sur notre territoire ? Comptez-vous, oui ou non, entreprendre des poursuites à l’encontre des ressortissants français qui ont pris part, sous les ordres israéliens, aux crimes poursuivis par la CPI ? Comptez-vous, oui ou non, mettre fin aux livraisons de matériel militaire qui permettent à l’armée israélienne de commettre ces crimes ?
M. Laurent Jacobelli
Ces gens sont complètement fous !
Mme Danièle Obono
Comptez-vous, oui ou non, demander la fin de l’accord de coopération entre l’Union européenne et Israël ? Quand reconnaîtrez-vous l’État de Palestine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Hendrik Davi applaudit aussi.)
Nos engagements internationaux et la conscience de notre commune humanité nous obligent. Vous en avez le devoir et le pouvoir : agissez ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent.)
M. Vincent Descoeur
Personne ne vous soutient !
Mme Marie-Christine Dalloz
Vous êtes un peu seuls, à LFI !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Je vous prie d’excuser Jean-Noël Barrot, qui est en déplacement.
M. Thibault Bazin
Il est souvent en déplacement !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Comme vous l’avez dit, la chambre préliminaire de la Cour pénale internationale a délivré le 21 novembre des mandats d’arrêt visant le premier ministre et l’ancien ministre de la défense de l’État d’Israël, ainsi que le chef militaire du Hamas. La cour opère de façon indépendante : comme partie au statut de Rome, nous sommes très attachés à cette indépendance et nous n’avons pas vocation à commenter ses décisions, que ce soit pour les soutenir ou pour les critiquer.
La France appliquera, comme elle l’a toujours fait, les obligations qui lui incombent au titre du droit international. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.) Depuis le début du conflit à Gaza, nous avons demandé à toutes les parties le respect du droit international humanitaire et la protection des civils, et condamné leur violation.
Mme Danièle Obono
Qu’est-ce que vous allez faire ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Nous avons notamment condamné dans les termes les plus forts l’odieux massacre antisémite perpétré le 7 octobre 2023. Il n’y a aucune équivalence possible entre le Hamas, un groupe terroriste, et Israël, un État démocratique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme Danièle Obono
Qu’est-ce que vous allez faire ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Nous continuons à demander un cessez-le-feu, la libération inconditionnelle de tous les otages et l’entrée massive d’aide humanitaire à Gaza pour mettre fin à la tragédie dans laquelle la région est plongée depuis plus d’un an et retrouver enfin le chemin d’une solution politique juste et durable, avec deux États, israélien et palestinien, vivant côte à côte.
Mme Danièle Obono
Qu’est-ce que vous allez faire ?
Mme Andrée Taurinya
Allez-vous reconnaître l’État de Palestine ?
Mme Eliane Kremer
La ministre a répondu, il fallait écouter !
Apologie du terrorisme
Mme la présidente
La parole est à M. Ludovic Mendes.
Un député du groupe LFI-NFP
Il va nous parler d’obstruction ?
M. Ludovic Mendes
Je souhaite tout d’abord que nous ayons une pensée pour l’homme de lettres Boualem Sansal, qui a été arrêté le 16 novembre à l’aéroport d’Alger. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.) Nous sommes nombreux à partager avec lui la lutte contre le fondamentalisme religieux et à en avoir fait un pilier de notre engagement public.
Malheureusement, certains sur ces bancs font honte à notre nation. Comme des millions de Français, j’ai été frappé de dégoût lorsque j’ai vu la proposition de loi de La France insoumise visant à abroger le délit d’apologie du terrorisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.) L’Afghanistan, l’Irak, les États-Unis, l’Espagne, Israël, l’Algérie, le Mali, la Palestine, le Maroc, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique et, bien évidemment, la France : tous ces pays, particulièrement le nôtre, ont été durement frappés par le terrorisme.
Nous avons connu la barbarie, visant à détruire notre mode de vie et nos idéaux et, aujourd’hui encore, nous en portons les stigmates. Mais le délit d’apologie du terrorisme nous a donné de nouveaux outils pour éviter que les idées funestes du terrorisme ne se propagent aussi librement. (Mme Danièle Obono s’exclame.)
Mme Émilie Bonnivard
Silence, madame Obono !
M. Ludovic Mendes
Le supprimer, c’est propager les idées qui assassinent et c’est en être complice. Qu’en pense l’ancien président de la République, François Hollande, votre allié putatif, qui a vu de ses propres yeux l’horreur des massacres de centaines de Français, lors des pires attentats que notre pays ait connus ?
M. Pierre Cordier
Réagis un peu, François !
M. Ludovic Mendes
Que vais-je pouvoir dire aux parents et amis de Marie et Mathias, ce jeune couple originaire de Metz, lâchement assassiné au Bataclan et à qui nous rendons souvent hommage ? (Mme Danièle Obono s’exclame de nouveau et de façon continue jusqu’à la fin de l’intervention de M. Ludovic Mendes.)
M. Nicolas Meizonnet
Incapables !
M. Ludovic Mendes
Qu’allons-nous pouvoir dire à la famille Sandler, qui a perdu père et enfants ? Qu’allons-nous dire à nos policiers et à nos gendarmes, qui ont vu certains de leurs collègues donner leur propre vie ? Je ne vous demande pas de répondre à ces questions : les Français ont déjà les réponses. La honte se propage, passant des mains de ceux qui commettent des actes terroristes à ceux qui les défendent, d’une manière ou d’une autre.
M. Antoine Léaument
Vous racontez n’importe quoi !
M. Ludovic Mendes
Cette proposition de loi n’est peut-être qu’une manière de vous protéger, car plusieurs membres de La France insoumise sont actuellement poursuivis pour apologie du terrorisme !
M. Pierre Cordier
Eh oui !
Mme Caroline Colombier
Vous avez voté pour eux !
M. Ludovic Mendes
Monsieur le ministre de la justice, quel risque le vote d’une telle proposition de loi ferait-il peser sur le contre-terrorisme ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice
Je ne peux que m’opposer résolument à cette proposition de loi. La liberté d’expression ne justifie pas tout. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) Elle ne saurait servir à glorifier des actes susceptibles de faire des victimes sur notre sol, ni à justifier ceux qui veulent semer la terreur dans notre pays.
Cette disposition a bien sûr une dimension politique,…
M. Antoine Léaument
Elle vous permet d’arrêter les leaders de la CGT !
M. Didier Migaud, garde des sceaux
…une dimension symbolique, mais elle est aussi un instrument utile pour lutter contre le terrorisme. (Mme Danièle Obono s’exclame. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) C’est ce qui explique la démarche du législateur, en 2014, consistant à faire figurer cette infraction dans le code pénal : le Parlement a souhaité la libérer des contraintes procédurales de la loi sur la liberté de la presse pour en faire un outil pleinement opérationnel de lutte contre le terrorisme. Le Conseil constitutionnel a considéré que cela ne portait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.) La Cour européenne des droits de l’homme a suivi le même raisonnement.
Mme Mathilde Panot
Ce n’était pas l’avis d’Henri Leclerc !
Mme la présidente
Madame la présidente Panot, s’il vous plaît !
M. Didier Migaud, garde des sceaux
Parce que la menace terroriste est toujours très forte dans le pays, aucun retour en arrière n’est souhaitable. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.) C’est la raison pour laquelle nous devons nous opposer résolument à cette proposition de loi et que j’invite votre assemblée à conserver cette disposition dans le code pénal. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, DR, Dem, HOR et LIOT.)
Journée de solidarité supplémentaire
Mme la présidente
La parole est à M. Gaëtan Dussausaye.
M. Gaëtan Dussausaye
Sept heures de travail supplémentaire non rémunéré : dans le langage macroniste, on appelle cela une contribution de solidarité, dans le langage courant, une journée sans salaire. Si quelques-uns avaient encore l’espoir que le bon sens revienne au cœur des débats budgétaires, les premiers travaux du Sénat confirment qu’il n’en sera rien. Travailler plus pour gagner moins : vous proposez tout simplement de rétablir la corvée. Cette trahison de la promesse méritocratique, du travail qui paie, de l’effort récompensé, est la vôtre ! Ce sont les parlementaires issus de vos propres rangs – pour une fois qu’ils sont là ! – qui ont soutenu cette proposition et qui renouvellent leur envie hargneuse de s’attaquer à toute limite du temps de travail dans le pays.
M. Pierre Cordier
Il faut dire que vous êtes moins représentés au Sénat…
M. Emeric Salmon
Ça va venir, ne vous inquiétez pas !
M. Gaëtan Dussausaye
Au-delà de cette mesure, les travaux du Sénat témoignent d’une aggravation de tout ce qui n’allait déjà pas dans le budget initial du gouvernement : désindexation des pensions de retraite, augmentation des taxes sur le soda et le tabac, hausse des cotisations pour les apprentis. Les membres du groupe Rassemblement national le répètent : ce budget est un mauvais budget ! Parce que vous faites reposer, une fois encore, tous les efforts sur les travailleurs, les employés, les ouvriers, les petites retraites, les petites et les moyennes entreprises.
M. Julien Odoul
Toujours les mêmes !
M. Gaëtan Dussausaye
Parce que vous refusez, une fois encore, de vous attaquer aux véritables mauvaises dépenses, comme le réclament au moins 11 millions de Français : celles qui sont liées à l’immigration,…
M. Erwan Balanant
Ah !
M. Gaëtan Dussausaye
…au millefeuille administratif, aux fraudes sociales et fiscales. Du Medef à la CGT en passant par Mme Borne il y a peu, ce mauvais budget fait l’unanimité contre lui.
Mme Émilie Bonnivard
Un programme politique conçu uniquement pour ses électeurs n’a pas de sens : ce n’est pas ça, la démocratie !
M. Gaëtan Dussausaye
Nous ne supportons plus ce chantage odieux, auquel se prête la porte-parole du gouvernement, menaçant d’un « scénario à la grecque » si l’Assemblée nationale ne vote pas le budget.
M. Thibault Bazin
C’est vous qui pratiquez le chantage !
M. Gaëtan Dussausaye
Pardonnez-moi, mais nous avons le droit de voter contre ! Nous avons le droit de nous s’opposer avec la plus grande fermeté à ce budget que nous trouvons, comme des millions de Français, profondément injuste. Quand retrouverez-vous la voie de la raison budgétaire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Pierre Cordier
Vous voterez la censure avec LFI !
M. Thibault Bazin
Ils ne manquent pas d’air !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
Je tiens à excuser M. Laurent Saint-Martin et Mme Geneviève Darrieussecq, présents au Sénat pour le vote solennel du PLFSS.
Le budget que nous proposons est responsable et vous cédez aux caricatures (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN) en évoquant à la fois des dispositions qui figuraient dans le PLFSS initial et des mesures votées au Sénat qui feront l’objet d’un débat en commission mixte paritaire, demain.
Preuve de notre esprit de responsabilité : c’est la première fois que nous ne considérons plus les retraités comme un bloc homogène, mais comme une population à l’image des salariés, avec d’un côté ceux dont le pouvoir d’achat doit être préservé et, de l’autre, ceux qui peuvent participer à l’effort national.
M. Julien Odoul
Un coup de matraque supplémentaire !
M. Laurent Jacobelli
Dites la vérité !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Ensuite, c’est méconnaître la réalité que d’oublier de rappeler que la France est le pays de l’OCDE qui rembourse le plus les dépenses de santé…
M. Laurent Jacobelli
Pour les migrants !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…et ce sera toujours le cas, quand bien même les efforts en la matière prévus par le PLFSS étaient votés.
Enfin, s’agissant des sept heures de travail supplémentaire par an,…
M. Laurent Jacobelli
Quelle honte !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…cette disposition, associée à l’augmentation du taux de la contribution de solidarité pour l’autonomie, proposée par le Sénat afin de financer la cinquième branche, a le mérite de soulever une bonne question, car nos aînés ont des besoins grandissants.
M. Thibault Bazin
Elle va être enterrée !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Cette disposition soulève aussi la question très intéressante de la quantité de travail effectuée en France par rapport à d’autres pays européens.
M. Pierre Cordier
Dites que vous la retirez, ce sera plus simple !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Ce sujet de la quantité de travail doit être abordé par les partenaires sociaux, sur la durée d’une vie entière, des jeunes aux personnes âgées ; le gouvernement considère qu’il relève du dialogue social.
M. Jérôme Guedj
Et d’une loi de programmation sur le grand âge !
M. Fabien Di Filippo
Dites clairement que cette mesure ne figurera pas dans le budget, les Français n’y comprennent rien !
Lutte contre les violences sexistes et sexuelles
Mme la présidente
La parole est à Mme Céline Thiébault-Martinez.
Mme Céline Thiébault-Martinez
Depuis le début de l’année, 122 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Combien d’assassinats devrons-nous supporter d’ici à la fin de l’année ? Quel sera le macabre bilan de la violence masculine en 2024 ? Cette addition terrifiante ne représente que la pointe émergée de l’iceberg : chaque année, 240 000 personnes, dont la plupart sont des femmes, déclarent avoir été violées ou agressées sexuellement en France. Cette réalité est d’autant plus glaçante si l’on pense que 94 % des plaintes pour viol sont classées sans suite, ou que seul 1 % des agresseurs présumés – le chiffre terrible de l’impunité, qui nous révolte ! – sont finalement condamnés.
La journée du 25 novembre a fourni une nouvelle illustration de la spécialité du gouvernement : les effets d’annonce. Les mesures présentées pour lutter contre les violences faites aux femmes figuraient déjà dans le projet de loi de finances : nous en avons débattu pendant un mois, mais le texte transmis au Sénat ignore totalement nos propositions, ainsi que les revendications des collectifs féministes.
Où sont les moyens pour mieux protéger les victimes, mieux enquêter et mieux juger ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS.) Où sont les ressources pour renforcer l’éducation à la vie affective et sexuelle ? Où sont les mesures pour combattre la pornographie et la prostitution, qui alimentent la culture du viol dans notre société ? Votre budget ne tient même pas compte de l’inflation ; il fait porter le poids de la prime Ségur sur les associations.
Dans un élan et une démarche historiques, une coalition féministe a réclamé une « loi intégrale » pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, plaidant en faveur d’une politique publique financée à hauteur de 2,6 milliards d’euros par an et proposant de nombreuses mesures dont le gouvernement pourrait s’inspirer pour rédiger un projet de loi-cadre. Vous saisirez-vous de cette proposition ? Mettrez-vous les moyens nécessaires, qui s’avèrent à présent incontournables, pour agir contre les violences faites aux femmes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. – Les députés des groupes SOC et EcoS se lèvent et continuent d’applaudir.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes
J’ai pris connaissance avec beaucoup d’attention de cette proposition de « loi intégrale » par des associations dont j’ai d’ailleurs reçu des membres, hier. Je suis très reconnaissant à l’ensemble des forces associatives de la société civile qui s’engagent contre les violences sexuelles – M. le premier ministre Michel Barnier les a d’ailleurs saluées hier, lors de la présentation de son plan d’action contre les violences faites aux femmes. Ce combat sociétal appelle une mobilisation collective et l’engagement de tous : celui des anciens militants et des anciennes militantes des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, que je remercie pour leur inlassable détermination ; celui des nouveaux collectifs, qui entraînent avec eux les jeunes générations, qui nous disent « Assez ! » ; celui des manifestantes et manifestants qui marchaient, peut-être pour la première fois, samedi dernier, pour témoigner de leur solidarité avec les victimes et leur rejet de toute forme de violence. Soyez assurée que nous sommes, avec ma collègue Salima Saa, actuellement en déplacement, en lien étroit avec le tissu associatif national et local pour continuer de progresser et de renforcer l’efficacité de la loi.
Hier, le premier ministre a annoncé des mesures concrètes pour améliorer la reconnaissance des femmes victimes et le soutien apporté à celles-ci, ainsi qu’aux enfants covictimes – ne les oublions pas : dépôt de plainte à l’hôpital, implantation d’une maison des femmes dans chaque département, formation initiale et continue des forces de sécurité – que vous appelez de vos vœux – aux nouvelles formes de violences faites aux femmes.
Je souscris à votre préoccupation d’insister sur l’importance d’éduquer les plus jeunes. La loi du 4 juillet 2001 prévoit d’ailleurs des enseignements à la vie affective, relationnelle et sexuelle dans les programmes scolaires.
Mme Sarah Legrain
Mais elle n’est pas appliquée !
M. Paul Christophe, ministre
Avec la ministre de l’éducation nationale Anne Genetet, nous nous assurons qu’elle est bien appliquée. Bien que l’objectif d’une loi-cadre soit louable, avant d’envisager un nouveau texte législatif, il nous semble plus urgent de consolider l’application des lois – au nombre de huit – adoptées précédemment. La journée du 25 novembre est toujours un moment fort, mais le combat en faveur des femmes n’est pas celui d’une seule date, c’est un combat de tous les jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Situation en Ukraine
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Bouyx.
M. Bertrand Bouyx
La guerre en Ukraine a brutalement changé d’ampleur ces derniers jours. La décision de M. Poutine d’appeler des soldats nord-coréens au combat a donné au conflit une ampleur mondiale, alors qu’aucun soldat de l’Alliance atlantique n’est engagé sur le front ukrainien. Les États-Unis d’Amérique, par la voix de leur président sortant, ont alors autorisé l’utilisation de missiles de longue portée par l’Ukraine contre des cibles situées sur le territoire russe. En retour, la Russie a multiplié les menaces nucléaires, modifiant ses règles d’engagement : elle n’exclut plus de viser les pays qui aident l’Ukraine. Depuis trente ans, nous avons trop souvent oublié que le monde de l’après-guerre froide est toujours dominé par la dissuasion nucléaire : la capacité pour un État de protéger sa souveraineté et son territoire par la menace d’annihilation mutuelle contre toute autre puissance nucléaire. Cette menace inquiète à juste titre nombre de nos concitoyens. La Russie continue de pratiquer une stratégie de la terreur, menant une guerre hybride contre nos démocraties et agitant la peur de la destruction nucléaire envers tous les soutiens de l’Ukraine. Comment la France peut-elle agir face à ces menaces ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants.
M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants
Voilà mille jours que l’Ukraine est sous les bombes, mille jours qu’une puissance révisionniste essaie de redessiner par l’épée les frontières et la carte de l’Europe. Votre préoccupation est évidemment la nôtre : le pays mesure la gravité de la situation. Notre réponse est toujours identique : le sang-froid, la constance, la résolution. Cela signifie que nous nous tenons à quelques principes, posés par le président de la République : aider l’Ukraine à se défendre, sans l’encourager à l’escalade ni l’abandonner, en lui donnant des moyens de défense qui ne se limitent pas au territoire ukrainien, c’est-à-dire être en mesure, en vertu des principes du droit de la guerre, de frapper des cibles qui se trouveraient en Russie.
Par ailleurs, la France prend toute sa part du fardeau de l’aide à l’Ukraine. La formation, en France, des 2 700 hommes de la brigade Anne de Kiev, que nous avons équipés, a suscité l’admiration de beaucoup d’entre nous. Nous les regardons avec une grande émotion alors que ces hommes s’apprêtent à être engagés sur le front. La France se doit d’être à la hauteur de l’histoire et de tous ceux qui se sacrifient pour une certaine idée du droit, de la paix et de l’Europe. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR.)
Naufrages dans la Manche
Mme la présidente
Avant de donner la parole à Mme Elsa Faucillon, qui va intervenir au nom du groupe GDR, je souhaitais rendre hommage à André Lajoinie, qui nous a quittés aujourd’hui. (Mmes et MM. les députés, ainsi que les membres du gouvernement, se lèvent et applaudissent longuement.)
Député de l’Allier pendant près de vingt ans, président du groupe communiste de 1981 à 1993, président de la commission de la production et des échanges de 1997 à 2002, André Lajoinie fut une figure de notre vie politique et je voulais saluer sa mémoire avec vous. (Applaudissements.)
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
Merci, madame la présidente : le groupe GDR, en particulier ses membres communistes, est très sensible à votre hommage.
Le 24 novembre 2021, Maryam, 24 ans, tentait de rejoindre son fiancé à Londres sur une embarcation de fortune, avant de s’enfoncer dans les profondeurs marines avec vingt-six autres hommes, femmes et enfants. Ils ont appelé les secours à plus de quinze reprises, mais personne n’est venu. Une enquête est toujours en cours pour mettre en lumière les responsabilités des autorités françaises et condamner les passeurs.
Le 23 octobre 2024, trois ans après ce naufrage et comme un refrain tragique, c’est une autre Maryam, un bébé d’un mois et demi, qui s’est noyé à la suite d’un naufrage. Les années passent et les naufrages se multiplient : soixante-douze personnes sont mortes en 2024, soit davantage que durant les cinq années précédentes. Face à l’indifférence quasi générale, faisons entendre leurs noms : Maryam, Bryar, Meron, Mayar, Sara, Ahmad, Hicham, Omar et tant d’autres, pères, mères, sœurs ou fils. Ce ne sont ni des accidents ni, monsieur le ministre de l’intérieur, de vulgaires « conséquences néfastes », mais le résultat de dizaines d’années de politique migratoire répressive (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS), qui fait de l’Europe une forteresse…
M. Julien Odoul
Une forteresse passoire !
Mme Elsa Faucillon
…ceinturée de mers de sang, alors même que le droit international ne reconnaît pas de délit de séjour irrégulier en mer. La militarisation de la frontière n’a pas pour conséquence la diminution des départs mais l’augmentation des morts.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement !
Mme Elsa Faucillon
Les accords du Touquet font de la France le bras armé de la politique migratoire anglaise, alors même que la plupart de ceux qui parviennent à traverser jusqu’en Angleterre obtiennent le droit d’asile. Des enquêtes journalistiques ont révélé des agissements illégaux de certains membres des forces de l’ordre à l’égard d’embarcations.
M. Julien Odoul
Vous préférez taper sur la police !
Mme Elsa Faucillon
Les élus du littoral ont confirmé, il y a quelques jours, la dangerosité et l’inutilité de ces pratiques violentes. Nous demandons d’urgence la création d’une commission d’enquête à ce propos.
Associations et élus locaux, notamment de Dunkerque, Wimereux et Grande-Synthe, réclament davantage de moyens pour la prévention et pour le déploiement de l’aide humanitaire, pas pour la construction de nouveaux centres de rétention administrative. Que sont devenus les propos du président de la République qui, le jour du naufrage de 2021, promettait que « la France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, dont les membres se lèvent, et sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS, dont plusieurs membres se lèvent aussi.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la mer et de la pêche. (Vives protestations sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Karim Ben Cheikh
Vous êtes sérieux ?
Mme Clémentine Autain
Ce n’est pas possible !
Mme Sandrine Rousseau
C’est à M. Retailleau de répondre ! Les migrants sont des êtres humains, pas des poissons ! Honte à vous !
M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche
Le sujet, dont chacun mesure la gravité, doit être abordé sans esprit polémique. Rappelons le déroulement des opérations de sauvetage en 2021, sous l’autorité du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord : elles ont mobilisé de nombreux moyens de l’État, notamment ceux du Cross Gris-Nez et de la SNSM, ainsi que ceux de la marine britannique, comme c’est souvent le cas ; cependant, elles n’ont pas permis d’éviter le triste bilan que vous avez rappelé. (Exclamations répétées sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
S’il vous plaît, un peu de silence !
M. Fabrice Loher, ministre délégué
La Manche est l’une des mers les plus fréquentées du globe, où transite 20 % du trafic mondial ; il s’agit donc d’un secteur particulièrement dangereux.
Mme Clémentine Autain
Mais de quoi parlez-vous, enfin ?
Mme Sandrine Rousseau
On ne parle pas des ports !
M. Fabrice Loher, ministre délégué
Fin octobre 2024, plus de 40 000 personnes avaient déjà tenté la traversée ; plus de 6 000 ont été secourues en mer. Le décès d’une soixantaine de personnes est à déplorer et je tiens à exprimer ma compassion pour ces victimes.
M. André Chassaigne
Incroyable, le ministre de la pêche ! C’est une honte !
M. Fabrice Loher, ministre délégué
Le Cross Gris-Nez a coordonné depuis 2018 plus de 5 000 opérations de recherche et de sauvetage. Les traversées se font dans des bateaux en très mauvais état, surchargés, sans brassières de sauvetage ni équipements de sécurité, et qui cherchent à éviter les services de l’État. Depuis 2022, les moyens de l’État ont été renforcés, en effectifs comme en navires. La priorité du gouvernement…
M. Alexis Corbière
C’est la pêche !
M. Fabrice Loher, ministre délégué
…est, à terre, la répression déterminée et implacable des réseaux criminels qui tirent profit de ces tentatives de traversées. Sous l’autorité du ministre de l’intérieur, 280 passeurs ont été arrêtés depuis le début de l’année. Je salue la robustesse du dispositif de surveillance et de sauvetage en mer, qui permet chaque année de sauver de très nombreuses vies. (M. Pouria Amirshahi pointe son pouce vers le bas.)
Mme Clémentine Autain
Vous racontez n’importe quoi !
M. Fabrice Loher, ministre délégué
Les femmes et les hommes qui s’y emploient quotidiennement… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
M. André Chassaigne
C’est une honte que ce soit le ministre de la pêche qui réponde ! (M. André Chassaigne se tenant debout, tourné vers les bancs du gouvernement, les députés des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS se lèvent aussi et l’applaudissent longuement tout en proférant de vives exclamations. – Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe RN. – Mme Brigitte Liso applaudit également.)
M. Sébastien Chenu
Chassaigne a raison !
M. Jérôme Guedj
On n’a jamais vu ça !
Mme la présidente
S’il vous plaît !
Journée de solidarité supplémentaire
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen
Le Sénat a adopté la semaine dernière un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui exige que les Français offrent sept heures de leur temps de travail. Comment peut-on décemment demander à nos concitoyens de travailler gratuitement ? Comment peut-on galvauder à ce point la valeur travail et ses effets bénéfiques d’émancipation, d’intégration et d’épanouissement ?
M. Pierre Cordier
M. Naegelen n’est pas ministre, alors il est en colère !
M. Christophe Naegelen
Il importe de défendre cette valeur travail et de cesser de taxer toujours davantage les travailleurs, qui sont déjà les principaux contributeurs du système de solidarité. Monsieur le premier ministre, nous savons que le projet de loi de financement de la sécurité sociale est voué à un 49.3 : vous engagez-vous à retirer cette disposition du texte que vous retiendrez ? En outre, que comptez-vous faire pour que le travail paye davantage et pour que le salaire net récompense l’engagement de ceux qui travaillent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – Mme Anne-Laure Blin applaudit aussi.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi.
M. Pierre Cordier
Pour dire que l’on retire cette mesure !
Mme Émilie Bonnivard
C’est oui ou c’est non, il faut répondre clairement !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
La mesure adoptée par le Sénat vise à financer la branche autonomie de la sécurité sociale par l’instauration d’une contribution de solidarité équivalant à sept heures de travail par an.
M. Laurent Jacobelli
Mme Wikipédia !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Le financement de la branche autonomie doit-il être assuré par l’augmentation du temps de travail ? Le Sénat a eu le mérite de poser cette question, qui cache le problème plus général du financement de notre modèle social. Le financement de la protection sociale repose essentiellement sur le travail. La spécificité française d’un coût superbrut très élevé pour l’employeur, alors que le salaire net perçu par le travailleur reste bas, soulève d’indéniables difficultés.
S’agissant du nombre d’heures de travail, la France est le pays de l’OCDE qui travaille le moins. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
Ce n’est pas vrai !
M. Louis Boyard
Ce n’est pas possible de dire ça !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Cependant, si les travailleurs français à temps complet travaillent moins que leurs homologues, le temps partiel est moins développé en France et les indépendants y travaillent davantage.
M. Laurent Jacobelli
Il est temps de partir !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
La question…
M. Laurent Jacobelli
Que faites-vous là ? Qui êtes-vous ? C’est la seule question ! (Sourires sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…est moins celle du travail durant l’année que celle du travail durant toute la vie.
Un député du groupe RN
Tout travail mérite salaire !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
En France, l’insertion sur le marché du travail est plus difficile lorsqu’on est jeune, et l’on quitte ce marché plus tôt. Le Sénat a lancé un débat incontournable, mais le premier ministre et le gouvernement pensent que la question des sept heures supplémentaires doit d’abord être posée aux partenaires sociaux. C’est la raison pour laquelle le gouvernement avait émis un avis défavorable sur cet amendement sénatorial.
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen
Qu’il soit nécessaire de financer la branche autonomie ne fait aucun doute, mais ceux qui travaillent y contribuent déjà. D’autres sources de financement sont possibles, plutôt que de toujours taper sur les mêmes : ceux qui se lèvent le matin pour aller travailler ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et SOC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe RN. – Mmes Anne-Laure Blin et Stéphanie Rist applaudissent aussi.) Vous n’avez pas répondu à ma question : comptez-vous conserver cette proposition en cas de 49.3 ?
M. Thibault Bazin
Non, on n’en veut pas !
Lutte contre les violences sexistes et sexuelles
Mme la présidente
La parole est à Mme Sarah Legrain.
Mme Sarah Legrain
Monsieur le premier ministre, après avoir relégué le ministère des droits des femmes au rang de secrétariat d’État, vous vous êtes exprimé hier à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. C’est donc à vous que je demanderai des comptes.
Voilà sept ans que #MeToo n’en finit pas de déferler sur notre société. Samedi, nous étions 100 000 dans la rue pour en finir avec la culture du viol et cesser de compter nos mortes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Voilà sept ans que nous n’en finissons pas d’applaudir les Adèle, les Gisèle et toutes nos sœurs qui se lèvent, qui n’ont plus peur (Mme Hanane Mansouri s’exclame) ; sept ans qu’Emmanuel Macron fait de nous sa « grande cause » et que nous entendons : « Cause toujours ! »
Une coalition d’associations demande une réponse globale contre les violences sexuelles, comme en Espagne ? Cause toujours, vous improvisez une énième cellule gouvernementale, gribouillez un plan dérisoire, bricolez des annonces contradictoires. (Mme Stéphanie Rist s’exclame.) Même votre mesure phare, le dépôt de plainte dans les hôpitaux, a dû être rectifiée, faute d’être financée. La Fondation des femmes évalue les besoins à 2,6 milliards d’euros ? Cause toujours, vous imposez 60 milliards d’économies et balayez les 600 millions d’euros adoptés en commission pour financer la lutte contre les violences sexuelles ; faute de compensation de la prime Ségur, les centres d’information sur les droits des femmes annoncent déjà leur fermeture. Le Planning familial réclame une véritable éducation à la sexualité, décisive pour la détection et la prévention des violences ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Cause toujours, vos ministres réactionnaires sont incapables d’appliquer la loi et restent muets face aux pressions de leurs amis. La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants alerte l’opinion sur l’omniprésence de l’inceste ? Cause toujours, on vire le juge Durand, on glorifie l’autorité paternelle, on explique aux mères isolées qu’on va automatiser la garde partagée. Cinq cents féministes vous enjoignent d’aller dans le sens de l’histoire, de prolonger l’œuvre de Gisèle Halimi et d’inscrire le consentement dans la loi ? Cause toujours, vous êtes soi-disant pour, mais vous rejetez mon texte en commission et empêchez son examen en séance en déposant 1 000 amendements ridicules sur le texte d’abrogation de la retraite à 64 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Jean-Claude Raux applaudit aussi.)
Monsieur le premier ministre, vous avez déclaré à propos du procès de Mazan qu’« il y aura un avant et un après ». Toutefois, pour que la honte change de camp, faut-il attendre l’après-Barnier ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes
Nous ne sommes pas trop de deux, avec la secrétaire d’État Salima Saa, pour aborder cette question – et il s’agit bien, dans mon cas, d’un ministre de plein exercice. Vous évoquez la nécessité de changer les choses et vous avez raison de souligner l’importance de l’éducation en la matière – avec Annie Genevard, pardon, Anne Genetet…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ils ne connaissent même pas la composition du gouvernement ! Mais ce n’est pas le moment de l’apprendre, elle va bientôt changer !
M. Paul Christophe, ministre
…nous y sommes attachés. L’éducation doit également concerner les adultes – intervenants en crèche ou à l’école, mais aussi parents, dont le discours est bien trop souvent genré.
Cependant, c’est aussi une question d’homme – 96 % des agressions sexuelles sont commises par des hommes. D’où l’importance qu’un homme s’adresse aux hommes et les appelle à une prise de conscience. Cette question concerne l’ensemble des politiques publiques et le premier ministre a rappelé les lignes rouges et la nécessité d’évoluer à ce sujet.
Vous mentionnez vos travaux ; pour ma part, je saluerai ceux conduits par Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et EPR), qui portent sur la définition pénale du viol et l’éventuelle intégration du consentement dans cette définition. La délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes est également mobilisée et conduit un travail transpartisan remarquable. Le combat contre les violences faites aux femmes est un sujet bien trop grave pour servir des intérêts partisans ou de communication. (Mme Nadège Abomangoli s’exclame.) Le garde des sceaux est lui aussi mobilisé sur la question de la définition du viol et du consentement. Nous aurons des mesures à proposer mais il convient d’attendre d’abord les recommandations de Mmes Garin et Riotton. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sarah Legrain.
Mme Sarah Legrain
J’ai bien compris : il est urgent d’attendre. Autrement dit, comme d’habitude, cause toujours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Lutte contre les violences sexistes et sexuelles
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Riotton.
Mme Véronique Riotton
Depuis sept ans, la lutte contre les violences faites aux femmes a été érigée en priorité par les gouvernements successifs, donnant lieu à des avancées notables : parole des victimes mieux prise en compte ; suivi renforcé des auteurs de violences ; formations spécifiques pour les forces de l’ordre et les magistrats.
Cependant, des défis demeurent. À l’heure où, dans le procès de Mazan, commencent les réquisitoires, la justice, et plus largement les pouvoirs publics, sont plus que jamais interpellés sur la réponse qu’ils apportent à ces violences.
L’Assemblée, vous l’avez dit, est au travail. La délégation aux droits des femmes, que j’ai l’honneur de présider, s’est saisie de la définition pénale du viol. Cet après-midi, nous entendrons le garde des sceaux au sujet de la réponse judiciaire aux violences sexistes et sexuelles. Nous avons plaidé, lors de l’examen de la loi de finances, pour une hausse des moyens alloués aux services de l’État – la police et la justice – mais aussi à toutes les associations qui accompagnent les femmes au quotidien. Toutes les parties prenantes de la chaîne judiciaire nous ont fait part des difficultés observées sur le terrain. Le viol est un crime dont l’impunité ne cesse d’être pointée du doigt.
J’appelle votre attention sur l’extension de la prime Ségur aux salariés du secteur sanitaire, social et médicosocial privé. L’État a accédé à une demande de revalorisation des salaires des professionnels que le secteur associatif et médico-social avait formulée de longue date. Toutefois – et notre délégation aux droits des femmes et ses corapporteurs vous avaient alerté à ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025 –, rien n’est prévu pour aider les associations spécialisées dans l’accompagnement des victimes de violences à financer cette mesure.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes, afin de soutenir l’action de ces associations spécialisées, et pour soutenir, plus généralement, la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
M. Laurent Jacobelli
La star du jour !
M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes
Permettez-moi de saluer votre engagement ainsi que celui de la délégation aux droits des femmes contre les violences sexistes, sexuelles et intrafamiliales.
Depuis sept ans, et le choix du président de la République de faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une grande cause nationale, le gouvernement a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes une de ses priorités. Si un arsenal juridique a été mis en place ces dernières années, les chiffres ne cessent de nous ramener à la réalité d’un combat qui ne doit jamais cesser.
Le premier ministre a présenté, hier, notre plan de bataille contre ces violences, détaillant des mesures concrètes : l’augmentation de l’aide universelle d’urgence, la possibilité pour les femmes de porter plainte dans chaque hôpital disposant d’un service d’urgence ou d’un service gynécologique, et la création, d’ici 2025, d’une maison des femmes dans chaque département. Il nous appartient, avec la secrétaire d’État Mme Salima Saa, de donner corps à ces engagements.
De nombreux travaux se poursuivent en parallèle. Ils demandent notre mobilisation collective contre ce fléau qui dit beaucoup de notre société. Marie-Charlotte Garin et Sandrine Josso rendront bientôt les conclusions de leurs travaux, respectivement sur la définition pénale du viol et sur la soumission chimique : nous y serons, mesdames les députées, particulièrement attentifs.
Je rappelle que le budget consacré à l’égalité entre les femmes et les hommes a progressé cette année de plus de 10 %. Je suis fier d’avoir, en défendant cette hausse, soutenu les associations qui font un remarquable travail d’accompagnement des victimes.
L’extension de la prime Ségur, enfin, n’engage que les financeurs des centres sociaux et médico-sociaux – ce que ne sont pas les centres d’information sur le droit des femmes et des familles. La protection des associations demeure néanmoins une de mes priorités, et j’entends vos inquiétudes. Des discussions sont en cours pour que ce sujet puisse aboutir dans le cadre du PLF.
Mme Sarah Legrain
Nous sommes sauvés !
M. Louis Boyard
Quelle chance !
M. Paul Christophe, ministre
Je serai heureux de vous annoncer ces bonnes nouvelles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)
Conflit au Proche-Orient
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Je tenais d’abord, monsieur le premier ministre, à vous faire part de mon indignation, quant à votre choix de faire répondre M. le ministre de la pêche à la question que vous adressait Elsa Faucillon sur la protection des migrants. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR. – Mme Josy Poueyto applaudit également. – Assentiment sur plusieurs bancs du groupe Dem.)
Le 21 novembre, la Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt contre MM. Benyamin Netanyahou et Mohammed Deif. Cette décision est un pas significatif vers la paix et la justice, pour toutes les victimes civiles, depuis le 7 octobre.
M. Laurent Jacobelli
Allez vivre à Gaza !
Mme Cyrielle Chatelain
La Cour pénale internationale, qui a pris cette décision avec responsabilité et gravité, a établi, sur des motifs raisonnables, que Benyamin Netanyahou s’est rendu coupable de crimes contre l’humanité pour meurtres, persécutions et utilisation de la famine comme arme de guerre. Avec son gouvernement, il a privé et continue sciemment de priver la population civile de Gaza de nourriture, d’eau, de médicaments, de carburant et d’électricité.
M. Laurent Jacobelli
Quand allez-vous vous occuper des Français ?
Mme Cyrielle Chatelain
Cette décision fera date et rappelle la France et l’Union européenne a leurs responsabilités. Pour la première fois, un dirigeant soutenu par les Occidentaux est visé par une telle mesure. Cette décision doit conduire tous les pays à remettre en question la relation qu’ils entretiennent avec le gouvernement israélien. Il est temps d’en finir avec les doubles standards et les faux-semblants hypocrites. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Le droit international s’applique de la même manière pour Assad, Poutine ou Netanyahou.
Quelles mesures concrètes votre gouvernement entend-il prendre pour faire respecter le droit international et faire en sorte que la France ne soit pas complice d’actes que la CPI qualifie de crimes contre l’humanité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre.
M. Michel Barnier, premier ministre
Je souhaite tout d’abord, madame la présidente, saisir l’occasion de cette première prise de parole pour me joindre à l’hommage que vous avez rendu à André Lajoinie. Je l’ai personnellement connu. Je le respectais, et nous avons beaucoup travaillé ensemble. Je tiens à dire à ses amis et camarades du parti communiste que nous partageons leur peine. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR, LIOT, GDR, et UDR. – M. Laurent Jacobelli applaudit également.)
Vous avez commencé votre question par une évocation d’une précédente question posée par Elsa Faucillon. On peut toujours polémiquer (Protestations sur plusieurs bancs),…
Mme Sabrina Sebaihi
C’est une question de décence !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il suffisait d’écouter !
M. Michel Barnier, premier ministre
Écoutez-moi une seconde, s’il vous plaît. Nous avons pensé, à l’intitulé de la question que nous avons reçue – ces intitulés sont parfois assez sommaires –…
Un député du groupe LFI-NFP
Ah bah oui, les poissons !
M. Michel Barnier, Premier ministre
…qu’il s’agissait de sauvetages en mer : voilà pourquoi c’est le ministre chargé de la mer et des secours en mer…
Mme Sabrina Sebaihi
Cela veut-il dire que le ministre de l’intérieur ne peut pas répondre s’il n’a pas préparé ?
M. Jean-Pierre Taite
Soyez polie !
M. Michel Barnier, premier ministre
Ne vous énervez pas : sur une question aussi grave, cela ne sert à rien de polémiquer. Voilà donc pourquoi c’est M. Loher qui a répondu à la question, et je m’associe à l’hommage qu’il a rendu à toutes les personnes, hommes et femmes, qui risquent leur vie pour secourir en mer, tous les jours, des marins et des naufragés. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR, Dem et HOR.)
Au-delà d’un malentendu qui, s’agissant d’un sujet aussi grave, n’a pas lieu d’être, le ministre Bruno Retailleau, chargé des questions d’immigration, est tout à fait mobilisé sur cette question, et va se rendre à Calais dans quelques jours. (Mmes Sandrine Rousseau et Danièle Obono s’exclament.) Il va également se rendre à Londres, les 8 et 9 décembre, pour y rencontrer ses homologues, notamment le ministre britannique chargé de l’immigration. Nous allons tenter d’avancer, sur ces questions très graves – et qui ne méritent pas de polémique–, vers des solutions fermes, humaines, précises et bilatérales entre nos deux pays.
Mme Cyrielle Chatelain
Et un mot pour les victimes ?
M. Michel Barnier, premier ministre
Je vais maintenant, madame Chatelain, répondre à votre question, dans la continuité de la réponse que Mme Primas a faite tout à l’heure à la question de Mme Obono.
Vous avez raison de rappeler que la chambre préliminaire de la Cour pénale internationale vient de délivrer, ce 21 novembre, des mandats d’arrêt visant le premier ministre israélien, son ancien ministre de la défense ainsi que le chef militaire du Hamas. Cette cour, je le répète, opère de manière indépendante, indépendance à laquelle la République française est très attachée (Mme Danièle Obono s’exclame) : aussi n’avons-nous pas à commenter cette décision, ni pour la soutenir, ni pour la condamner.
Je tiens simplement à redire, puisque j’ai déjà eu l’occasion de le faire devant cette assemblée, que la France, dans ce domaine comme dans d’autres, appliquera rigoureusement, comme elle l’a toujours fait, les obligations qui lui incombent au titre du droit international.
Au-delà de ce grave problème, je saisis l’occasion de cette réponse pour vous dire que nous travaillons activement, avec le président de la République et le gouvernement – notamment M. Barrot – à un accord de cessez-le-feu que nous espérons voir aboutir au Liban. Ce pays, auquel je suis personnellement très attaché, a connu 3 800 morts et 1 million de déplacés. Toute la diplomatie française continuera à agir pour que cesse ce conflit au Proche-Orient pour que tous les otages – dont deux de nos compatriotes – soient libérés le plus rapidement possible, pour que vienne un cessez-le-feu et que nous puissions nous diriger à nouveau, avec des bases politiques et diplomatiques, vers la création de deux États, celui d’Israël et celui de Palestine, vivant côte à côte dans le respect mutuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Le cessez-le-feu doit avoir lieu immédiatement, au Liban et à Gaza. Israël est en train de mener des frappes en ce moment même. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Jean-François Coulomme applaudit également.)
Votre ministre a en effet dit que la France appliquera le droit international, mais en refusant de dire si, au cas où il venait sur notre sol, M. Benyamin Netanyahou serait arrêté.
Mme Danièle Obono
Arrêté, exactement !
Mme Cyrielle Chatelain
Nous avons donc besoin de clarté : appliquer le droit international, cela signifie-t-il que M. Benyamin Netanyahou serait arrêté dans l’hypothèse où il viendrait en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Sabrina Sebaihi
Est-ce oui ou non ?
Arrestation de Boualem Sansal
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Bigot.
M. Guillaume Bigot
Nous connaissons tous, monsieur le premier ministre, ce mot du général de Gaulle : « On n’embastille pas Voltaire. » Pourtant, à Alger, un régime cupide et brutal vient d’arrêter Boualem Sansal, un Voltaire arabe, un Voltaire algérien et un Voltaire français. Pourquoi alors ce silence oppressant de votre gouvernement ?
On nous explique que la diplomatie, pour être efficace, doit œuvrer discrètement. Mais l’arrestation, sans doute les mauvais traitements et la condamnation d’un homme de soixante-quinze ans, un des meilleurs esprits de langue arabe et de langue française, n’a pas été discrète et n’est pas le fait d’un groupe terroriste : elle est au contraire pour un régime le moyen spectaculaire de faire taire l’esprit critique, d’intimider les Algériens amoureux de la liberté ainsi que les Kabyles, que Boualem Sansal a défendus. C’est aussi pour ce régime le moyen d’intimider les millions de ressortissants franco-algériens qui doivent, eux aussi, apprendre à se taire.
Cette arrestation est aussi un moyen de défier et de tester notre pays. Depuis combien de décennies faisons-nous semblant de ne pas voir que ce régime nous méprise et méprise notre faiblesse ?
Il est temps que la culpabilité change de camp. La presse nous apprend que les deux enfants du ministre algérien de l’information, M. Meziane, sont scolarisés en France. Mais combien de hauts dignitaires du régime algérien ont-ils la double nationalité ? Combien de caciques du régime algériens se font-ils soigner dans nos hôpitaux ? Combien de biens mal acquis de ce régime inique se trouvent-ils à Paris ?
Allez-vous au moins menacer de suspendre les visas ou les transferts de fonds ? Boualem Sansal est un ami. Boualem Sansal est un compatriote. Boualem Sansal est devenu un symbole. La France, l’Algérie et le monde nous regardent. Que vaut la protection du passeport français ?
Ramenez-nous Boualem Sansal vivant, sans quoi le monde entier verra que vous aurez rompu le pacte vingt fois séculaire qui lie la liberté du monde et la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Vous me voyez désolée de votre déception…
M. Sébastien Chenu
On n’est pas exactement dans le sujet !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Boualem Sansal, grand écrivain franco-algérien, fait honneur à nos deux pays. Il a en effet été arrêté il y a quelques jours en Algérie, et n’a pas été encore inculpé. Le président de la République et M. Jean-Noël Barrot ont exprimé leur très grande préoccupation quant à cette arrestation. (« Alors… » sur les bancs du groupe RN.)
Un député du groupe RN
Le choix des mots !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Nous partageons la grande émotion du monde littéraire, du monde intellectuel et, au-delà, de très nombreux Français et de très nombreux Algériens…
M. Julien Odoul
Et à part ça ?
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
…qui connaissent et apprécient l’homme et son œuvre.
Les services de l’État sont pleinement mobilisés pour suivre la situation de notre compatriote et lui permettre de bénéficier de la protection consulaire prévue par le droit.
Je ne peux, à ce stade, vous en dire davantage : oui, la diplomatie a besoin de discrétion pour agir – et non pas pour se taire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
M. Sébastien Chenu
On a raison d’être déçu !
Fonds de soutien aux activités périscolaires
Mme la présidente
La parole est à M. Sacha Houlié.
Un député du groupe RN
Il est de plus en plus à gauche !
M. Sacha Houlié
Le principe établi par la loi, madame la ministre de l’éducation nationale, est celui d’une semaine scolaire de quatre jours et demi.
M. Xavier Breton
Cela relève du décret !
M. Sacha Houlié
La réforme des rythmes scolaires de 2013 prévoit, vous le savez, des activités sportives, culturelles ou artistiques en fin de journée. Ce beau projet favorise le développement intellectuel, la curiosité, et contribue à la réduction des inégalités sociales et scolaires. En dépit des dérogations décidées en 2014 et 2017, le principe n’a jamais changé : si de nombreuses communes ont préféré, pour des raisons principalement budgétaires, la semaine de quatre jours, la règle reste celle de quatre jours et demi.
Pour aider les communes à appliquer ce qui n’est ni plus ni moins que la loi de la République, l’État a créé un fonds de soutien aux activités périscolaires. Son existence légale demeure.
Toutefois, dès l’année dernière, le gouvernement a tenté de supprimer, purement et simplement, cet engagement qui s’élève désormais modestement à 40 millions d’euros. Devant les protestations légitimes des élus et des acteurs du terrain, dont les quatre députés de la Vienne, il avait – heureusement – dû reculer.
M. Pierre Cordier
Heureusement que tu étais là, tu auras au moins servi à quelque chose !
M. Sacha Houlié
Mais, pour la rentrée scolaire 2025, c’est à bas bruit que le projet de suppression pure et simple de cette ligne budgétaire se poursuit. La pseudo-consultation promise a fait pschitt et, dans le silence, votre gouvernement s’apprête à rayer ces crédits d’un trait de plume.
Dans mon département, une commune sur deux est concernée par cette enveloppe de 1,6 million d’euros, laquelle va brutalement lui manquer – on parle de 600 000 euros pour la seule ville de Poitiers.
Ces communes n’auront d’autre choix que de chercher ailleurs de l’argent – déjà rare – ou de supprimer les activités proposées.
Qui assurera alors un accès égalitaire au sport à ces enfants ? Qui les emmènera à la piscine ? Qui leur proposera des sorties culturelles ? Qui les accompagnera aux diverses activités des centres socio-culturels ?
Pouvez-vous vous engager solennellement à maintenir ces crédits ? Pouvez-vous rendre ces 40 millions d’euros aux enfants, aux enseignants, aux parents d’élèves, aux communes, aux élus ? Une telle somme ne manquera pas à l’État mais, à eux, si. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LIOT et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Mme Anne Genetet, ministre de l’éducation nationale
Je profite de votre question pour saluer les partenaires de l’école. Bien entendu, cette dernière fonctionne beaucoup mieux quand elle entretient de bonnes relations avec les collectivités locales, avec le monde associatif et celui de l’éducation populaire.
À l’occasion du Congrès des maires et des présidents d’intercommunalités de France, j’en ai débattu avec eux et j’ai rappelé l’importance pour l’école et les mairies d’avancer ensemble et en confiance. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SOC.)
Un protocole visant à fédérer les acteurs sera signé dans les toutes prochaines semaines avec le président de l’AMF, David Lisnard, rappelant l’enjeu de la continuité éducative. Il s’agit de rendre les accueils périscolaires et de loisirs accessibles au plus grand nombre.
Vous m’interrogez sur le fonds de soutien au développement des activités périscolaires. La plateforme de financement sera ouverte dans quelques jours. Ce fonds accompagne 1 300 communes, contre 20 000 à l’origine – elles sont donc beaucoup moins nombreuses aujourd’hui – et 600 000 élèves. Vous avez raison, entre 36 et 40 millions d’euros lui sont alloués.
Mais la loi est très claire et personne n’est pris par surprise : ce fonds avait une durée de vie limitée. Il devait même s’éteindre à la rentrée 2024. Si nous avons pu le maintenir, tel n’était pas le projet initial.
Nous devons continuer à travailler ensemble afin que tous nos jeunes bénéficient d’activités sportives, culturelles ou associatives de qualité, partout en France.
C’est le sens du dialogue que j’entretiens avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, avec les représentants des autres collectivités locales et avec le monde associatif.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Et les crédits ?
Mme Anne Genetet, ministre
Avec mon collègue Gil Avérous, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, nous y sommes aussi attachés que vous.
Fraude fiscale à la résidence principale
Mme la présidente
La parole est à M. Peio Dufau.
M. Peio Dufau
Député du Pays Basque, j’ai été alerté par de nombreux maires qui observent un phénomène de fraude fiscale massive.
Certains propriétaires déclarent en effet leur bien comme résidence principale – alors qu’il s’agit de leur résidence secondaire – afin d’échapper à la taxe sur les plus-values immobilières, à la surtaxe sur la taxe d’habitation des résidences secondaires, ainsi qu’aux règlements locaux sur les meublés de tourisme.
Dans certaines communes, la taxe d’habitation représente 15 % des recettes municipales et le manque à gagner est donc considérable. Si la surtaxe sur la taxe d’habitation rapporte 1,8 million d’euros par an à la commune de Biarritz, combien d’argent lui manque-t-il à cause de la fraude ?
En outre, ces déclarations frauduleuses viennent gonfler artificiellement les statistiques de la loi SRU. À Biarritz, on estime qu’il y a 1 000 fausses résidences principales, ce qui représente 250 logements sociaux supplémentaires à bâtir. C’est la double peine !
Au-delà des conséquences financières, il s’agit d’un enjeu de justice fiscale : des propriétaires de résidences secondaires profitent des ser