Deuxième séance du mardi 29 octobre 2024
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (nos 325, 487, 480).
Deuxième partie (suite)
Mme la présidente
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la deuxième partie, s’arrêtant aux amendements identiques no 2356 et identiques à l’article 4.
Article 4 (suite)
Mme la présidente
Sur les amendements identiques no 2356, 2360 et 2361, je suis saisie par les groupes Ensemble pour la République et Les Démocrates de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 2356, 2360, 2361, 300, 344, 658, 904, 728, 888 et 1698, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2356, 2360 et 2361 sont identiques, tout comme les nos 300, 344, 658 et 904 ainsi que les nos 728, 888 et 1698.
La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi pour soutenir l’amendement no 2356.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
Je laisse à MM. Le Gac et Turquois le soin de défendre leurs amendements identiques à celui du Gouvernement.
Mme la présidente
La parole est à M. Didier Le Gac, pour soutenir l’amendement no 2360.
M. Didier Le Gac
Cet après-midi, nous avons longuement discuté du dispositif TODE, l’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi.
Lorsque nous examinerons l’article 6, nous évoquerons la réforme des allègements généraux de charges patronales puisque le texte prévoit notamment une hausse de 2 points du taux de la cotisation vieillesse de base pour les rémunérations au niveau du Smic.
En l’état du texte, cela s’appliquerait automatiquement au dispositif TODE – que nous avons défendu tout à l’heure – jusqu’à 1,25 Smic, ce qui représenterait un coût supplémentaire de 40 millions d’euros pour les employeurs de saisonniers agricoles.
Le présent amendement prévoit de neutraliser les effets de l’article 6 sur le dispositif TODE, afin d’assurer en 2025 un niveau d’exonération maximale identique à celui appliqué en 2024, conformément aux engagements, pris par le Gouvernement en début d’année 2024 – en pleine crise agricole –, de maintenir ce dispositif et même de le renforcer.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois, pour soutenir l’amendement no 2361.
M. Nicolas Turquois
Comme vient de l’expliquer mon collègue, l’article 6 mentionne un effet de revalorisation du taux de l’assurance vieillesse pour les rémunérations. Dans cette perspective, il faut prendre en considération le coût supplémentaire occasionné en le comparant au coût de la main-d’œuvre s’agissant des salariés agricoles saisonniers pour des activités telles que l’arboriculture ou le maraîchage – je fais écho aux discussions que nous avons eues tout à l’heure.
Il est important de neutraliser les effets de l’article 6, voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement très attendu par la profession.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l’amendement no 300.
Mme Danielle Brulebois
Le dispositif TODE aide des agriculteurs à recruter des saisonniers. Il est vital pour le maintien de l’emploi et de notre souveraineté alimentaire car il permet de compenser une partie des écarts entre la France et ses concurrents européens en matière de coût du travail. La prolongation de ce dispositif est une promesse qu’a tenue notre Premier ministre.
Cet amendement a pour objet de maintenir ce système spécifique d’exonération de cotisations et contributions sociales patronales pour l’embauche de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi du secteur agricole en dehors de la modification de la réduction générale des cotisations et contributions patronales prévue à l’article 8 de cette même loi, qui vise à abaisser le taux maximal d’exonération au niveau du Smic.
Alors que les I et II de l’article 4 viennent répondre à la forte demande des employeurs agricoles de pérenniser et d’améliorer le dispositif TODE, la baisse des allègements généraux appliquée à ce dispositif engendrerait une hausse du coût du travail de 39,5 millions pour les employeurs dès l’an prochain et de 80 millions par an à partir de 2026.
Cette mesure totalement contre-productive provoquerait en définitive une nette dégradation de la compétitivité de la ferme France et de probables ajustements à la baisse de l’emploi agricole. Il en résulterait également un sentiment d’incompréhension parmi les employeurs.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 344.
M. Thibault Bazin
Nous avons adopté en commission des affaires sociales un amendement visant à corriger l’article 4. Sinon celui-ci aurait été fortement amenui par les dispositions prévues à l’article 6. Madame la ministre, vous auriez pu sous-amender l’amendement adopté en commission des affaires sociales, ce qui aurait résolu le problème de date qui se posait. La méthode aurait été plus élégante – à votre image –, mais ce n’est pas la voie que vous avez choisie.
J’ai bien comparé votre amendement et le nôtre. Il mentionne la rédaction en vigueur « au 1er janvier 2024 » et non, comme le nôtre, « au 31 décembre 2024 ». C’est en effet plus avantageux pour nos agriculteurs, pour les producteurs de fruits de nos territoires. Votre amendement est donc meilleur mais une autre méthode aurait été plus appréciable.
Puisque votre amendement répond à une inquiétude fondée de nos producteurs ayant recours à des saisonniers et qu’il est le meilleur, je retire mon amendement no 344 ainsi que l’amendement no 1698, qui figure également dans cette discussion commune.
J’espère que, par la suite, nous pourrons prendre comme base de notre discussion les travaux de la commission, surtout lorsque celle-ci corrige le projet de loi du Gouvernement dans l’intérêt de nos producteurs agricoles.
(Les amendements nos 344 et 1698 sont retirés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement no 658.
M. Jean-Pierre Vigier
Je vous annonce tout d’abord qu’aujourd’hui mon collègue Julien Dive, auteur de cet amendement, vient d’être papa pour la troisième fois. Nous pouvons l’applaudir et le féliciter. (Applaudissements sur divers bancs.)
Mme Sarah Legrain
C’est bon pour nos retraites, ça !
M. Fabien Di Filippo
En matière de relance de la natalité, nous joignons les actes à la parole !
M. Jean-Pierre Vigier
Cet amendement vise à maintenir, malgré l’article 6, le dispositif TODE conçu, vous le savez, pour faciliter l’embauche des travailleurs saisonniers, essentielle pour de nombreuses exploitations agricoles.
D’une part, la suppression de cette exonération se traduirait par une hausse importante des coûts de main-d’œuvre pour les emplois de saisonniers. D’autre part, l’augmentation des charges risquerait d’inciter les exploitants à limiter leur recrutement voire, purement et simplement, à renoncer à certaines cultures qui nécessitent un nombre élevé de travailleurs. Un tel recul de l’emploi agricole aurait également des effets en chaîne sur les économies locales en zone rurale, où ces activités soutiennent très largement la vie économique et agricole.
Voilà pourquoi il faut soutenir fortement ces amendements identiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 904.
M. Fabien Di Filippo
Année après année, nous revenons sur le dispositif TODE. Mon amendement apporte donc une seule nuance par rapport aux précédents : il prévoit de pérenniser le dispositif plutôt que de s’engager sur seulement un an. De toute façon, le coût du travail saisonnier en France est déjà plus élevé de 27 % qu’en Allemagne et de 37 % qu’en Italie.
M. Fabrice Brun
Et plus élevé qu’en Espagne !
M. Fabien Di Filippo
Nous ne pourrons pas surseoir à ces exonérations. Le seul avantage de mon amendement, que je maintiendrai, est de prévoir une exonération permanente, ce qui nous permettrait de nous projeter dans l’avenir.
Mme la présidente
La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement no 728.
M. Fabrice Brun
Lorsque nous parlons du dispositif TODE, il est toujours utile de rappeler que nous l’avons sauvé ici même il y a quelques années,…
M. Philippe Vigier
Il a raison ! C’est lui qui l’a sauvé !
M. Fabrice Brun
…à une voix près, nuitamment, contre l’avis du Gouvernement.
Nous sommes nombreux à soutenir ce dispositif parce qu’il a fait ses preuves en matière de soutien à l’emploi de main-d’œuvre saisonnière ou de lutte contre la distorsion de concurrence. Il faut le conforter dès l’article 4 et le protéger des effets induits par d’autres articles du texte car il permet d’alléger des charges, de soutenir l’emploi et de lutter contre les distorsions de concurrence.
Il serait contre-productif mais aussi contre-intuitif de l’affaiblir au moment même où la colère des agriculteurs se réveille de nouveau, où les tracteurs sortent des fermes et où les agriculteurs demandent moins de charges, moins de normes, moins de contrôles, bref, plus de revenus. C’est en jouant sur les charges, notamment liées à la main-d’œuvre, que nous parviendrons à répondre à leurs attentes.
Mme la présidente
L’amendement no 888 de M. Charles Sitzenstuhl est défendu.
Mme la présidente
L’amendement no 1698 de M. Thibault Bazin a été retiré.
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur cette série d’amendements en discussion commune
M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales
Nous sommes tous d’accord sur les avantages du dispositif TODE, que chacun a soulignés : amélioration de la compétitivité des entreprises, lutte contre le travail illégal mais aussi création de nouveaux droits pour les saisonniers car il ne faut pas oublier leurs conditions de travail.
Cependant je souscris aux propos tenus par M. Bazin. La commission avait bien repéré le possible problème d’articulation entre les articles 4 et 6. Celui-ci pouvait avoir des effets de bord qui auraient réduit le champ d’application du dispositif et donc ses conséquences positives que nous avons saluées.
L’amendement du Gouvernement prévoit une meilleure rédaction que celle qui avait été proposée en commission. J’estime cependant, moi aussi, qu’il aurait été souhaitable de sous-amender l’amendement voté en commission.
L’amendement de Mme Brulebois et les identiques prévoient de retenir la date du 31 décembre. Or cela aurait supposé d’intégrer d’autres éléments dans l’assiette, ce qui n’est pas le cas si l’on retient le 1er janvier comme le prévoient l’amendement du Gouvernement et les deux amendements identiques de MM. Le Gac et Turquois. Voilà pourquoi la commission est favorable à ces trois amendements, dans l’intérêt des agriculteurs.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana
J’aimerais apporter ma pierre à l’édifice du dispositif TODE, qui est absolument nécessaire. Le département dont je viens est peut-être le plus agricole de France puisqu’on y dénombre plus de soixante-dix cultures différentes et de toutes petites exploitations. Or je peux vous dire que tous les agriculteurs me disent qu’il faut défendre ce dispositif.
On a entendu tout à l’heure des propos absolument faux, selon lesquels le dispositif TODE n’aurait pas empêché la fermeture d’autant d’exploitations agricoles qu’on le prétend. Bien sûr, des fermetures ont eu lieu mais on ignore combien il en a évité. Il suffit en tout cas d’écouter les agriculteurs pour comprendre qu’il est nécessaire de renforcer ce dispositif dans la durée.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2356, 2360 et 2361.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 185
Nombre de suffrages exprimés 179
Majorité absolue 90
Pour l’adoption 125
Contre 54
(Les amendements identiques nos 2356, 2360 et 2361 sont adoptés ; en conséquence, les amendements nos 300, 658, 904, 728 et 888 tombent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Hélène Laporte, pour soutenir l’amendement no 1418.
Mme Hélène Laporte
Le dispositif TODE, qui permet aux exploitations agricoles d’embaucher des travailleurs saisonniers à des coûts acceptables, doit non seulement être conservé et pérennisé mais encore amélioré.
C’est ce que prévoit cet amendement en étendant son champ d’application aux cotisations salariales ainsi qu’à la CSG, la contribution sociale généralisée, et à la CRDS, ou contribution pour le remboursement de la dette sociale, qui en sont pour l’heure exclues.
Je n’apprendrai à personne que nos filières de production de fruits et légumes, de fruits à coque et même notre filière viticole dépendent largement d’une main-d’œuvre saisonnière bien plus coûteuse en France que chez nos concurrents. Elles sont fragilisées par cette disparité.
Le dispositif TODE a montré son utilité, au point que sa pérennisation, que nous demandons depuis plus de deux ans – je l’avais fait à l’occasion de l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole –, est inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
En adoptant cet amendement, on peut aller plus loin et diminuer de près de 20 % le coût de l’emploi des travailleurs saisonniers. Cela permettra à de nombreuses exploitations en difficulté, comme c’est trop souvent le cas, de garder la tête hors de l’eau. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
L’objectif du dispositif TODE est d’améliorer la compétitivité des entreprises, notamment des exploitations agricoles. Votre amendement n’y contribue pas. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Votre amendement prévoit d’étendre l’exonération permise par le dispositif TODE aux cotisations et contributions salariales, de réduire ainsi la valeur du Smic prise en compte pour le calcul de l’exonération et d’augmenter le plafond d’exonération.
M. Hadrien Clouet
Augmentez le Smic !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Cela donnerait lieu à une différence de traitement entre les salariés dont les employeurs bénéficient de l’exonération TODE et les autres salariés. Concrètement, votre amendement augmenterait le coût de la main-d’œuvre saisonnière. C’est donc un avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Hélène Laporte.
Mme Hélène Laporte
Je souhaiterais répondre à cette attaque relative au montant du Smic. Le recours à un Smic dérogatoire constitue une nécessité technique imposée par la structure des prélèvements sur les salaires. Les prélèvements visés par l’amendement sont soustraits du salaire brut, à l’inverse des cotisations patronales, qui s’additionnent à lui.
Notre objectif est d’alléger le coût du travail. Il est donc nécessaire de tenir compte de cette exonération dans l’établissement du Smic pour les contrats saisonniers, étant entendu qu’aucun travailleur ne peut recevoir moins que le montant net du Smic de droit commun. Voilà l’explication de la proposition que nous formulons. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
J’entends votre explication mais l’adoption de votre amendement entraînerait une diminution des droits sociaux.
M. Antoine Léaument
Vous vous y connaissez, vous êtes un expert !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Ce n’est pas l’objet du TODE.
(L’amendement no 1418 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de huit amendements, nos 265, 501, 573, 871, 1887, 500, 1969 et 2184, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 265, 501, 573, 871 et 1887 sont identiques, ainsi que les amendements nos 500, 1969 et 2184.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 265.
Mme Josiane Corneloup
L’embauche d’un salarié occasionnel ouvre droit à une exonération des cotisations et contributions sociales à la charge de l’employeur. Ce dispositif est toutefois limité aux seuls agriculteurs employeurs de main-d’œuvre.
Cet amendement vise à inclure dans son champ d’application les entreprises de travaux agricoles employeuses de main-d’œuvre auxquelles les exploitants agricoles délèguent des travaux. Cela mettra fin à une rupture d’égalité et renforcera la compétitivité économique de l’agriculture.
Mme la présidente
L’amendement no 501 de Mme Lise Magnier est défendu.
La parole est à M. Stéphane Buchou, pour soutenir l’amendement no 573.
M. Stéphane Buchou
Nous avons vu tout à l’heure qui soutenait les agriculteurs et qui ne les soutenait pas.
Pour mettre fin à la rupture d’égalité entre les agriculteurs employeurs et les entreprises de travaux agricoles, je vous propose d’élargir à ces dernières le bénéfice de l’exonération TODE, et j’invite toutes celles et tous ceux qui soutiennent les agriculteurs à voter cet excellent amendement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Marion, pour soutenir l’amendement no 871.
M. Christophe Marion
J’insiste sur le rôle essentiel des entreprises de travaux agricoles, auxquelles les exploitants délèguent un certain nombre de travaux. Il est important de leur appliquer les mêmes conditions d’exonération.
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Panifous, pour soutenir l’amendement no 1887.
M. Laurent Panifous
Dans le prolongement de ce que vient de dire notre collègue Christophe Marion, il s’agit de permettre une application plus large du dispositif TODE, afin d’en faire bénéficier les entreprises agricoles travaillant pour le compte des exploitants, qui embauchent également des travailleurs occasionnels. Il existe une rupture d’égalité entre les salariés occasionnels des exploitants et ceux des entreprises de travaux agricoles. Il convient de rapprocher leurs statuts.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 500.
M. Thibault Bazin
Le TODE est aussi un outil de lutte contre le travail dissimulé. Nous avons besoin qu’un certain nombre de travaux soient réalisés dans nos forêts car elles souffrent des modifications climatiques. Or certaines entreprises y emploient des travailleurs détachés dans des conditions innommables.
Il faut donc compléter le dispositif afin de lutter contre ce phénomène et d’assurer des conditions de travail dignes et équitables aux salariés des entreprises qui accomplissent les travaux saisonniers dans nos forêts. C’est tout l’enjeu de cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 1969.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Nous avons tous envie d’approuver l’extension du champ d’application du dispositif TODE aux entreprises de travaux et services agricoles, ruraux et forestiers, ou Etarf. Cependant, au vu du coût de cette extension, nous proposons, par cet amendement de repli, de la limiter aux entreprises de travaux forestiers, étant entendu que les entreprises de travaux des autres secteurs sont moins soumises qu’elles à la saisonnalité et à la compétition.
Il s’agirait d’un premier pas. Rien n’empêcherait ensuite une extension supplémentaire, si Mme la ministre consentait à la gager.
Mme la présidente
La parole est à Mme Hanane Mansouri, pour soutenir l’amendement no 2184.
Mme Hanane Mansouri
Je partage le point de vue du rapporteur général et retire mon amendement.
(L’amendement no 2184 est retiré.)
Mme la présidente
Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous nous préciser l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
À titre personnel, je suis favorable aux amendements de repli nos 500 et 1969, afin que la mesure proposée s’applique au moins aux entreprises de travaux forestiers.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Les amendements qui font l’objet de cette discussion commune visent à rendre les Etarf éligibles à l’exonération des cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi.
Je rappelle que le dispositif TODE a été conçu pour combler spécifiquement le besoin des entreprises de production agricole faisant un usage important de main-d’œuvre saisonnière, qui sont les plus exposées à une forte concurrence internationale par les prix. C’est donc notamment dans un souci de compétitivité que nous avions voté ce dispositif.
Depuis 2015, les Etarf sont exclues de son champ d’application. Cela se justifie par le fait que leur clientèle est diversifiée, de sorte qu’elles sont moins soumises à la saisonnalité que les exploitations agricoles. Leur permettre de bénéficier de cette exonération pourrait les inciter à recourir à des contrats saisonniers, alors même qu’en raison de la nature de leurs activités et de leur capacité de gestion elles ont vocation à recourir à des salariés permanents qualifiés. Cela entraînerait une précarisation injustifiée de l’emploi au sein de ces structures.
Je rappelle enfin que cette mesure représente un coût pour les finances publiques que l’on estime à environ 80 millions d’euros par an.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer vos amendements, faute de quoi le Gouvernement y sera défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Je m’inscris en faux contre vos propos, madame la ministre. Je rappelle que nos amendements ont été adoptés en commission, et que c’est votre collègue Annie Genevard qui est ministre de l’agriculture et de la forêt !
Sur le marché du bois, nous faisons de plus en plus face à une concurrence déloyale. C’est une réalité observable. Les modifications climatiques – j’en prends pour exemple les précipitations de ces derniers mois – sont telles que la saisonnalité du travail en forêt est de plus en plus marquée. Ceux qui le connaissent le savent.
Pour lutter contre la concurrence déloyale et le travail dissimulé et pour la compétitivité de nos filières, il faut prendre ces éléments en considération. C’est le sens de nos amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Par définition, les entreprises de travaux agricoles s’occupent de travaux agricoles. (MM. Louis Boyard et Hadrien Clouet applaudissent.) Certes, messieurs, c’est une évidence mais leur activité est donc tout aussi saisonnière que celle des exploitants, et peut nécessiter, de la même manière, d’importants déploiements de main-d’œuvre sur quelques jours.
Comme l’a fort bien dit Thibault Bazin, la mesure proposée constitue un très bon moyen de lutter contre le travail clandestin et au noir.
M. Sébastien Delogu
On ne dit pas travail au noir, on dit travail dissimulé !
M. Philippe Vigier
Dans mon territoire d’Eure-et-Loir, au-delà des questions de compétitivité, les entreprises de travaux agricoles se sont développées au fil du temps pour résoudre des problèmes liés à la transmission insuffisante des exploitations. Je suis persuadé que les textes que nous avons votés, notamment le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole, permettront dans les prochaines années d’inverser cette tendance. En attendant, si nous n’aidons les entreprises de travaux agricoles, nous les abandonnons à une concurrence déloyale, car n’imaginez pas que leurs tâches soient étalées dans le temps ; elles sont au contraire très concentrées !
Un dernier mot, puisque vous êtes ministre du travail et de l’emploi : grâce au dispositif TODE, les travailleurs saisonniers peuvent compter sur des pans d’activité répartis entre différentes productions tout au long de l’année.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Les Etarf sont exclues du champ d’application du dispositif TODE depuis 2015, précisément en raison de la nature de leur activité, qui n’est pas strictement saisonnière ni conditionnée à l’emploi d’une main-d’œuvre saisonnière, puisqu’elle repose davantage sur des emplois permanents.
Il est important de rappeler ces caractéristiques, qui distinguent l’activité des Etarf des activités d’exploitation agricole et justifient, outre leur coût, l’avis défavorable que j’émets au sujet de vos propositions.
(Les amendements identiques nos 265, 501, 573, 871 et 1887 ne sont pas adoptés.)
(Les amendements identiques nos 500 et 1969 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Sur l’article 4, je suis saisie par le groupe du groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 486.
M. Arthur Delaporte
Le coût du dispositif TODE est important pour les finances publiques, raison de plus pour que cette exonération ne puisse se faire sans conditions, et voici celles qu’on vous propose : d’une part, respecter évidemment des conditions minimales de travail décentes et en assurer le contrôle, puisqu’on a évoqué notamment le cas – cela m’a marqué – de quatre travailleurs saisonniers décédés en septembre dernier dans les vignes de Champagne ; d’autre part, respecter le droit au repos hebdomadaire. On va me dire : « Mais le droit au repos hebdomadaire, c’est la base ! » Sauf que le Gouvernement a pris, en juillet dernier, un décret qui permet aux entreprises agricoles de s’exonérer, en particulier en Champagne, de l’obligation du jour de repos hebdomadaire. Je pense, quant à moi, qu’il faut conditionner le bénéfice du dispositif TODE au respect du jour de repos hebdomadaire, qui est un principe fondamental du droit du travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. – Mme Karine Lebon applaudit également.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
J’entends vos arguments, mais c’est mal connaître l’agriculture et vouloir lui imposer une forme de bureaucratie. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) En effet, votre mesure induirait pour les agriculteurs beaucoup de paperasse, alors qu’ils en souhaitent moins, pour plus d’efficacité. En outre, ce serait ajouter une charge de travail extrêmement importante à la MSA, la mutuelle sociale agricole, quand elle va déjà en avoir beaucoup pour mettre en œuvre la règle de la retraite des vingt-cinq meilleures années puisqu’il va lui falloir procéder au récolement des carrières. Laissons-la accomplir une tâche aussi importante plutôt que de lui demander de remplir toute cette paperasse chronophage qui ne rapportera rien aux agriculteurs. L’avis est donc très défavorable. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Tout d’abord, je veux à mon tour saluer l’article 4 car, beaucoup l’ont dit ici, il est absolument vital pour nombre de nos productions agricoles, en particulier celles qui utilisent beaucoup de main-d’œuvre, comme la viticulture. C’était une demande très forte des agriculteurs en début d’année, quand ils ont manifesté, et cela a été un engagement de notre ancien premier ministre Gabriel Attal – et nous tenons ensemble cet engagement. Au passage, je veux rappeler à certains que c’est une activité dans laquelle il y a beaucoup de travailleurs étrangers et que nous sommes ravis qu’ils soient là pour s’occuper de nos vignes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Et puis j’avoue que je ne comprends pas votre amendement. Vous avez l’air de sous-entendre – j’espère que ce n’est pas le cas – que les agriculteurs ne respecteraient pas le droit du travail, voire que les employeurs seraient des voleurs en puissance. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP et SOC.) Vous semez le poison de la suspicion autour des agriculteurs, et je ne peux pas le supporter. S’il vous plaît, ne compliquez pas la vie des agriculteurs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Je ne suis pas sûr qu’on soit si nombreux dans cet hémicycle à être, comme moi, agriculteurs. J’aurais aimé que nous ayons une approche globale. En effet, depuis le début des débats sur le PLF, le projet de loi de finances, et sur le PLFSS, on est en train de supprimer tout ce qui va vers une agriculture vertueuse, les aides bio et les aides agroenvironnementales et climatiques, qui permettent à des agriculteurs de produire correctement, de préserver le climat et la biodiversité mais aussi la santé (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS). Si, au lieu de leur supprimer des revenus, nous soutenions cette agriculture-là, les agriculteurs auraient les moyens de payer leurs salariés sans se poser la question des exonérations de cotisation, et surtout, les conditions de travail proposées aux salariés seraient nettement meilleures, mon collègue Delaporte a raison : c’est fondamental.
M. Antoine Léaument
Eh oui !
Créons enfin un cercle vertueux où tout le monde sera gagnant, du patron jusqu’aux salariés, en passant par le climat, la biodiversité et la santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arthur Delaporte.
M. Arthur Delaporte
Pour répondre à Jean-René Cazeneuve, qui prétend que nous n’aimons pas les agriculteurs, je rappelle que ma collègue Marie-José Allemand, elle-même agricultrice, a montré que le dispositif TODE pouvait avoir un intérêt pour les agriculteurs, et nous l’avons évoqué tout à l’heure. Voyez que nous ne sommes pas bornés.
Nous ne mettons pas globalement en cause les agriculteurs mais pointons les cas où les conditions de travail peuvent être problématiques. Les quatre travailleurs saisonniers décédés dans la région de Reims en l’espace d’une semaine avaient été exposés à des températures de 30 à 35 degrés, ce qui peut tout de même conduire à se poser quelques questions. Quant à la suppression de l’obligation du jour de repos hebdomadaire au nom de l’assouplissement du droit du travail, elle provient d’un décret et donc du Gouvernement. Là non plus, ce n’est pas la faute des agriculteurs mais celle de l’État, qui ne remplit pas son rôle en ne protégeant pas les intérêts et la santé des travailleurs. Nous proposons en conséquence une mesure de bon sens.
Selon le rapporteur général, une telle mesure rajouterait encore de la paperasse, mais nous ne précisons pas si la conditionnalité prévue dans l’amendement est a priori ou a posteriori. Rien ne doit empêcher les contrôles et la suppression des exonérations si le droit du travail n’est pas respecté. Contrairement à vous, nous défendons la conditionnalité des aides de l’État, et c’est ce que nous proposons ici, notamment pour protéger la santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Je peux entendre M. Delaporte et toutes les explications qu’il nous donne, sous l’œil de la ministre et du rapporteur général, mais il n’en est pas moins vrai que cet article permet de lever le voile sur les intentions des uns et des autres au regard du soutien à l’agriculture. La démonstration de mon collègue Martineau est imparable à cet égard : lorsque des tâches agricoles réclament un nombre d’heures considérable – ce n’est pas le président Chassaigne qui me démentira –, cela suppose des adaptations particulières, sinon il n’y a plus de compétitivité. Les entreprises de travaux agricoles sont là pour faire ce que faisaient auparavant les agriculteurs seuls ou avec quelques employés.
Quant au Rassemblement national, qui prétend être toujours en train de défendre les agriculteurs, on l’a vu ce soir les abandonner en rase campagne !
Mme Joëlle Mélin
C’est n’est pas possible de dire ça !
M. Philippe Vigier
Et croyez bien qu’on n’est pas près de l’oublier car cet article est vraiment fondamental pour leur compétitivité. (M. Éric Martineau applaudit.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 486.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 280
Nombre de suffrages exprimés 217
Majorité absolue 109
Pour l’adoption 117
Contre 100
(L’amendement no 486 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS. – Vives exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Antoine Léaument
Arrêtez de râler ! Vous n’aviez qu’à gagner les élections !
Mme la présidente
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 1271.
M. André Chassaigne
Je vais défendre un amendement qui fera peut-être hurler certains parce que, dès qu’on aborde les aspects sociaux du travail, quand, par exemple, on parle des travailleurs saisonniers, que ce soit dans l’Hexagone ou en outre-mer à propos de la canne à sucre, et que l’on évoque leurs rémunérations, leurs conditions de travail et d’hébergement, certains considèrent d’emblée qu’on insulte ceux qui font appel à ces travailleurs saisonniers.
La réalité est pourtant bien différente et nous pouvons au moins nous mettre d’accord sur la nécessité de faire un constat. D’où l’objectif de cet amendement : que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les travailleurs saisonniers qui fournisse une radioscopie de ce qu’est leur travail, de ce que sont leurs conditions d’hébergement et leurs rémunérations. Ainsi, on sera en mesure de faire des recommandations et de se mettre d’accord sur des décisions législatives qui répondront à l’intérêt général.
Je demande donc à tous ceux qui jouent la commedia dell’arte chaque fois qu’on s’intéresse aux questions sociales de tenir compte, pour une fois, des personnes en souffrance. Quand on voit ces travailleurs saisonniers embauchés par des entreprises sous-traitantes et qui sont parfois traités comme de véritables esclaves, je crois au moins qu’on peut se mettre d’accord sur ce rapport. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Vous proposez une radioscopie des conditions de travail des travailleurs saisonniers. Pour ma part, je propose même un scanner. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Je crois que c’est dans l’esprit du travail accompli en commission, mes chers collègues, que de favoriser le dispositif TODE pour des raisons de compétitivité, mais aussi pour sortir ces travailleurs de l’illégalité puisque le dispositif est créateur de droits. Cela n’interdit évidemment pas de vérifier leurs conditions de travail. Cette demande de rapport a donc fait l’objet d’un avis favorable de ma part en commission, que je réitère aujourd’hui. Je tiens à remercier Yannick Monnet qui a tenu à y prévoir un volet spécifique sur l’outre-mer car nous avons essayé, durant tous les travaux de la commission, de traiter le plus possible du volet outre-mer qui doit nécessiter une attention particulière. Avis très favorable.
M. Pierre Cordier
Un rapport, ça ne mange pas de pain !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
J’émets également un avis favorable. Je signale qu’une convention nationale de partenariat relative à la lutte contre le travail illégal en agriculture pour les années 2024-2027 est en cours de signature entre plusieurs ministres, la MSA et les partenaires sociaux agricoles pour lutter contre le contournement du droit du travail. Je pense que ce sera une pièce importante à ajouter au dossier.
Mme la présidente
La parole est à Mme Joëlle Mélin.
Mme Joëlle Mélin
Cher collègue Chassaigne, nous voterons bien volontiers ce rapport. Mais nous émettons un vœu : qu’il fasse apparaître les avantages d’un dispositif national parfaitement piloté, orienté, et établi sur mesure, d’autres solutions, en l’occurrence le recours aux travailleurs détachés. Car il est clair que ce sont les plateformes de travailleurs détachés qui sont le plus souvent, et surtout pour les contrats très courts, à l’origine d’une véritable maltraitance des employés eux-mêmes.
M. Antoine Léaument
Dites-le à M. de Fournas !
Mme Joëlle Mélin
C’est le moment de dire bravo au dispositif national, et non au dispositif des travailleurs détachés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
(L’amendement no 1271 est adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 4, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 292
Nombre de suffrages exprimés 246
Majorité absolue 124
Pour l’adoption 238
Contre 8
(L’article 4, amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Thibault Bazin
C’est bon pour les mirabelles de Lorraine !
M. Pierre Cordier
Eh oui !
Après l’article 4
Mme la présidente
Je suis saisie de onze amendements identiques, nos 114, 482, 542, 572, 727, 823, 926, 1176, 1417, 2013 et 2297, portant article additionnel après l’article 4.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir l’amendement no 114.
M. Guillaume Garot
Il vise à permettre aux coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma), qui en sont actuellement exclues, de bénéficier du dispositif TODE. Or elles aussi emploient des saisonniers et on peut considérer qu’elles constituent un prolongement de l’exploitation de leurs adhérents. Les groupements d’employeurs associatifs bénéficiant du TODE, nous ne faisons que proposer une mesure d’équité au bénéfice des Cuma, à un coût très raisonnable pour les finances publiques. Il s’agit de soutenir un modèle agricole, fait d’entraide, de solidarité et de coopération, qui est une des forces de notre agriculture. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marine Hamelet, pour soutenir l’amendement no 482.
Mme Marine Hamelet
Les Cuma sont actuellement exclues du dispositif TODE qui les exonérerait des cotisations patronales. Le réseau des Cuma est très important pour les agriculteurs, encore plus pour les petites structures. Dans mon département, le Tarn-et-Garonne, existent 105 coopératives qui regroupent deux agriculteurs sur trois. Les Cuma permettent de se procurer du matériel et de créer des emplois en temps partagé, que les agriculteurs ne pourraient financer sans elles. Elles sont par ailleurs injustement exclues des dispositifs d’aide de l’État. Ainsi, elles n’ont pu bénéficier du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), ce qui a engendré un manque à gagner d’environ 6 millions d’euros. Il convient donc d’élargir le champ d’application du TODE aux Cuma. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Didier Le Gac, pour soutenir l’amendement no 542.
M. Didier Le Gac
Je me réjouis que nous ayons voté la prolongation du TODE en intégrant à l’article qui la prévoit un de mes amendements. Je regrette toutefois que l’application du dispositif ait été conditionnée au respect du droit du travail. (Mme Ségolène Amiot s’exclame.) Toutes les entreprises doivent évidemment le respecter et il est assez nouveau qu’on conditionne ainsi un avantage fiscal. De multiples entreprises et de multiples secteurs d’activité sont exonérés de charges patronales ou salariales sans qu’on vérifie s’ils respectent le droit du travail.
M. Jérôme Guedj
On devrait !
M. Didier Le Gac
Chez moi, les agriculteurs le respectent. Ce qui a été voté constitue une sorte de suspicion de maltraitance des salariés des exploitations agricoles. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Comme nos collègues qui se sont exprimés avant moi, je propose d’étendre l’application du TODE aux Cuma. Tous les députés des territoires agricoles savent ce que sont ces coopératives qui permettent de mutualiser du matériel. Qu’elles puissent employer des salariés qui partagent leur temps entre plusieurs exploitations est moins connu. Il serait juste de faire bénéficier ces groupements d’employeurs du TODE. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Buchou, pour soutenir l’amendement no 572.
M. Stéphane Buchou
Nous avons refusé tout à l’heure l’élargissement du TODE aux entreprises de travaux agricoles. J’espère que nous n’en ferons pas de même pour les Cuma, dont M. Didier Le Gac vient de rappeler l’utilité. J’invite toutes celles et tous ceux qui défendent les agriculteurs à voter en faveur de ces excellents amendements identiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement no 727.
M. Fabrice Brun
À mon tour, je défends cet amendement de soutien à l’agriculture collective et coopérative, élaboré en collaboration avec la Fédération nationale des coopératives d’utilisation de matériel agricole. Il vise à rendre éligibles au TODE les groupements coopératifs d’employeurs agricoles au même titre que les groupements d’employeurs associatifs agricoles. Les Cuma, qui concernent un agriculteur français sur deux, sont des prolongements des exploitations agricoles, qui méritent d’être accompagnés et de bénéficier du TODE. Cette mesure, au coût très raisonnable, améliorerait leur compétitivité.
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 114, 482, 542, 572, 727, 823, 926, 1176, 1417, 2013 et 2297, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 823 de Mme Virginie Duby-Muller est défendu.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l’amendement no 926.
Mme Danielle Brulebois
Moi aussi je veux défendre les Cuma, des coopératives de proximité injustement exclues du dispositif TODE alors que tous les groupements d’employeurs en bénéficient. Celles du Jura regroupent 150 adhérents dont elles accompagnent les projets innovants en permettant de réduire le coût des investissements et en leur donnant accès à des équipements modernes, bien entretenus et dotés des dernières technologies. Les Cuma, qui sont des outils importants en faveur du développement durable et de la transition écologique, fêtent cette année leur quatre-vingtième anniversaire. C’est dire si elles ont démontré leur utilité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Lepers, pour soutenir l’amendement no 1176.
M. Guillaume Lepers
Ma première intervention ne sera pas très originale puisque je propose d’établir une égalité de traitement entre les agriculteurs et les Cuma. Un agriculteur sur deux est membre d’une Cuma, des structures qui ne bénéficient pas d’exonérations alors qu’elles sont dirigées par des exploitants agricoles. J’appelle à adopter ces amendements identiques.
Mme la présidente
La parole est à Mme Hélène Laporte, pour soutenir l’amendement no 1417.
Mme Hélène Laporte
Il vise à étendre l’application du TODE aux Cuma. Près de 250 000 agriculteurs français ont choisi de s’organiser en Cuma afin d’investir en commun dans du matériel. Il faut encourager ce modèle de mutualisation. Un excellent moyen de le faire serait de cesser d’écarter les 10 000 Cuma du dispositif d’exonération de cotisations pour l’emploi de travailleurs saisonniers. La mesure que nous proposons concernerait chaque année environ 1 000 contrats de 250 à 300 saisonniers. Dans le cadre de ce PLFSS et pour un coût très modéré, nous pouvons agir concrètement en faveur de ces structures de coopération. Le faire nous grandirait. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 2013.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Le sujet des Cuma a fait l’unanimité au sein de la commission des affaires sociales. Elles sont bien connues dans le monde agricole où elles servent à l’achat et à l’utilisation mutualisés de matériel. Même si, comme M. Guillaume Garot l’a expliqué, chaque agriculteur adhérent peut bénéficier d’exonérations de cotisations, étendre cette possibilité aux Cuma simplifierait grandement les choses puisque l’utilisation d’équipements lourds tels que les moissonneuses-batteuses entraîne souvent l’emploi de salariés. Adopter ces amendements identiques permettrait d’établir une égalité de traitement entre les agriculteurs adhérents et la Cuma.
La commission a fortement exprimé la volonté que les Cuma puissent bénéficier du TODE, et l’adoption de la mesure serait très appréciée.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois, pour soutenir l’amendement no 2297.
M. Nicolas Turquois
Il me permet d’évoquer un autre sujet en lien avec les Cuma. Parmi les difficultés de l’agriculture française, dont on parle beaucoup, il faut souligner sa surmécanisation ou, plutôt, le fait que des investissements excessifs dans du matériel contribuent à la mauvaise situation économique de certaines fermes. Les Cuma permettant de résoudre ce problème, il faut les encourager. Elles emploient plus de salariés permanents que de saisonniers mais les aider par le biais du TODE dans ce dernier cas serait très positif. Nous soutenons donc ces amendements identiques.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Après avoir écouté les arguments des uns et des autres, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée sur cette question. (« Ah ! », sur divers bancs.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 114, 482, 542, 572, 727, 823, 926, 1176, 1417, 2013 et 2297.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 269
Nombre de suffrages exprimés 223
Majorité absolue 112
Pour l’adoption 222
Contre 1
(Les amendements identiques nos 114, 482, 542, 572, 727, 823, 926, 1176, 1417, 2013 et 2297, modifiés par la suppression du gage, sont adoptés.)
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et DR.)
Mme la présidente
L’amendement no 1183 de Mme Anaïs Sabatini est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Le rapport que cet amendement vise à faire rédiger contiendrait beaucoup d’informations qui figurent déjà dans d’autres rapports. Par ailleurs, un peu plus tôt dans la soirée, la demande, défendue par M. André Chassaigne, d’un rapport au périmètre similaire a été votée. Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 1183, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Article 5
Mme la présidente
La parole est à Mme Hélène Laporte.
Mme Hélène Laporte
D’ici à 2030, pas moins de 200 000 agriculteurs français prendront leur retraite et autant d’exploitations chercheront un repreneur. Nous ne le répéterons jamais assez : pour l’agriculture française, le renouvellement des générations est l’enjeu de la décennie alors que de nombreux exploitants ne parviennent même plus à vivre dignement de leur travail. Le secteur court à la catastrophe. Pour susciter des vocations de repreneur, il est plus qu’urgent de rendre la profession d’agriculteur attractive humainement et économiquement.
Soyons lucides : nous ne parviendrons jamais à cet objectif sans une profonde remise en cause des erreurs politiques magistrales des dernières décennies. Par-dessus tout, nous devons mettre fin à la concurrence déloyale insoutenable qui frappe nos filières en revenant sur une politique d’accords commerciaux délétère et en supprimant les surtranspositions. Nous devons enfin rendre aux agriculteurs leur force de négociation face à l’industrie et à la grande distribution. Dans cette perspective, la réduction des charges sociales pesant sur les jeunes agriculteurs constitue une mesure indispensable à défaut d’être suffisante.
C’est pourquoi nous voterons en faveur de l’article 5, qui va dans le bon sens. Il devrait toutefois s’inscrire dans une politique plus large de réforme et de renouveau de l’agriculture française. Le précédent gouvernement n’a pas su se hisser à la hauteur de l’enjeu au printemps dernier, avec son projet de loi agricole dans lequel il n’y avait rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Hignet.
Mme Mathilde Hignet
Le projet de loi d’orientation agricole adopté en mai par l’Assemblée nationale a fixé un objectif de 500 000 agriculteurs et agricultrices actifs en 2035. Pour l’atteindre, en tenant compte du rythme actuel des départs à la retraite, le nombre d’installations devrait doubler chaque année dès 2025. Aujourd’hui, on ne compte qu’une installation pour trois départs à la retraite. Les freins à l’installation sont encore bien trop nombreux et l’accès au foncier est de plus en plus difficile.
Vous allez dire : mais où veut-elle en venir ? Eh bien, ce qui me dérange, c’est que tout ce que vous avez à proposer pour favoriser l’installation, ce sont des exonérations de cotisations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Or ces exonérations vont appauvrir les caisses de la MSA – ce n’est pas moi qui le dis, c’est cette dernière. Vous allez ainsi mettre en difficulté la couverture sociale des agriculteurs et agricultrices, alors même qu’il existe d’autres solutions, bien plus profitables aux jeunes qui souhaitent s’installer. La preuve : en commission des finances, nous avons voté une augmentation de 60 millions d’euros de l’aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs. (Mêmes mouvements.) Pour notre part, nous défendons l’installation en agriculture par le subventionnement direct, qui aide à la conversion et protège les agriculteurs de la concurrence internationale. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
Comment, d’un simple article de cohérence, l’extrême droite et l’extrême gauche peuvent-elles tirer des conclusions qui n’ont rien à voir ? C’est quand même incroyable ! (Mme Sandra Marsaud applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Il existait depuis trente ans, afin de favoriser l’installation des jeunes agriculteurs, un dispositif de réduction dégressive des charges à hauteur de 65 % la première année, 55 % la deuxième, 35 % la troisième, etc. jusqu’à s’éteindre au bout de cinq ans. Or un autre dispositif de réduction des charges a été mis en place plus récemment pour l’ensemble des indépendants, et il se trouve que les jeunes agriculteurs en arrivaient, au bout de quatre ou cinq ans, à payer plus de charges que les autres indépendants.
L’article 5 et donc un article de cohérence. L’objectif est non pas de bouleverser l’ensemble des dispositifs, mais de mettre fin à une iniquité du système, point barre. N’en tirons pas d’autres conclusions et remercions le Gouvernement pour cette mise en cohérence. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Je voudrais réagir à l’appel à la cohérence de mon collègue Nicolas Turquois.
Ce que réclament les agriculteurs – vous le dites régulièrement –, ce n’est pas l’aumône, c’est du revenu, de la rémunération. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Or, en l’espèce, vous êtes encore en train de faire l’aumône aux agriculteurs !
Ce que nous devons faire avec l’argent public, c’est rémunérer les agriculteurs, parce qu’ils prennent soin du climat, de la biodiversité et de la santé – de la leur, mais aussi de celle de leurs salariés et de celle des consommateurs. (Mêmes mouvements.)
M. Fabien Di Filippo
Ils veulent vivre de leur travail !
M. Benoît Biteau
Mettons donc de l’argent public dans leur rémunération et donnons de la visibilité à leur métier. Quand on saura les rémunérer, on n’aura plus besoin de discuter sur un coin de table d’exonérations de cotisations sociales. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Je ne comprends pas bien. Vous êtes tout le temps en train de parler de justice. Or il y a là un sujet d’injustice, que l’article 5 corrige. Les jeunes agriculteurs étaient pénalisés : ils devaient acquitter un montant de cotisations parfois supérieur à celui dont ils auraient été redevables en application des dispositifs en vigueur. Nous corrigeons enfin cette anomalie, nous répondons à une demande des jeunes agriculteurs. Notre rôle est de répondre à la crise agricole et de respecter les engagements pris. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Votons tous pour l’article : il est attendu par nos agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l’amendement no 586.
M. Sébastien Peytavie
Nous avons eu en commission un débat concernant l’âge des jeunes agriculteurs. Le dispositif actuel est destiné aux moins de 40 ans. Or un tiers des nouvelles installations concernent des personnes âgées de plus de 40 ans, dont beaucoup sont en reconversion professionnelle. Par cet amendement, je propose donc de supprimer la limite d’âge et d’opter pour la formule que nous avions retenue, à savoir « nouvellement installés dans la profession », ce qui permettra à tout nouvel agriculteur de bénéficier pendant cinq ans des exonérations, quel que soit son âge.
Mme la présidente
Sur l’article 5, je suis saisie par le groupe du groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 586 ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Nous sommes tous favorables à l’article 5, car il permettra d’empêcher les effets de bord que pourrait avoir l’article 6 et d’éviter que la réforme ne soit en définitive défavorable aux jeunes agriculteurs.
Quant à l’amendement de M. Peytavie, la commission a beaucoup travaillé dessus ; nous avons même suspendu la réunion pour le sous-amender. L’idée était de revoir le critère d’âge, l’âge moyen des agriculteurs à l’installation étant de 36 ans. Or il se trouve que ce week-end, à l’occasion d’une fête des labours, j’ai rencontré beaucoup de jeunes agriculteurs. Ils ont appelé mon attention sur le fait qu’une telle mesure risquerait de diluer l’effet de certaines d’aides, comme la dotation jeunes agriculteurs (DJA), sur la gestion desquelles les régions ont autorité – en Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, nous avons fait le choix de favoriser l’installation des jeunes agriculteurs par une dotation extrêmement élevée.
M. Laurent Wauquiez
Très bien ! Qu’il est bien, ce rapporteur général !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
J’entends bien le problème que vous soulevez à propos de l’âge moyen des agriculteurs à l’installation mais, si nous voulons leur laisser la possibilité de bénéficier du TODE et que l’article 6 n’ait pas de répercussions sur eux, laissons les choses en l’état – le critère d’âge ayant déjà été revu, puisqu’il est passé de 35 à 40 ans. Si nous voulons respecter le choix des jeunes agriculteurs, maintenons le critère d’âge à 40 ans, ce qui ne nous empêchera pas de revenir sur d’autres critères, comme le temps écoulé depuis l’installation.
La commission avait émis un avis favorable sur l’amendement mais elle n’a pas adopté le texte et, à titre personnel, je suis défavorable à cette proposition.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
La suppression de la limite d’âge conduirait à une augmentation de près de 50 % du nombre des bénéficiaires de la mesure, soit 22 000 personnes d’ici cinq ans, ainsi qu’à une augmentation équivalente de son coût. Le dispositif actuel représentant un coût annuel de l’ordre de 40 millions d’euros pour la sécurité sociale, cela constituerait un effort financier considérable, de quelque 80 millions d’euros.
En outre, l’ensemble des nouveaux agriculteurs, quel que soit leur âge, peuvent déjà bénéficier de cotisations de début d’activité lors de leur première année d’exercice. Ce dispositif d’aide aux créateurs et aux repreneurs d’entreprise prévoit une exonération totale des cotisations maladie, famille, invalidité et vieillesse de base, lorsque les revenus annuels sont inférieurs à 35 000 euros. Les nouveaux installés acquittent donc déjà des montants de cotisations sociales très faibles.
C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie
Le montant que vous citez, madame la ministre, confirme la réalité du phénomène, à savoir qu’aujourd’hui un tiers des nouveaux installés ont plus de 40 ans. On sait les difficultés rencontrées pour le renouvellement des installations – cela a été rappelé. Le dispositif que vous évoquez ne dure qu’un an. Je crois qu’il serait bon de permettre à quelqu’un qui vient de s’installer de bénéficier d’exonérations pendant une durée de cinq ans. Je maintiens mon amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
Je mesure que cet amendement puisse avoir des effets de bord, néanmoins j’y suis favorable.
Le renouvellement des générations d’agriculteurs est un réel enjeu. Dès lors qu’un agriculteur s’installe, il apporte de la vie dans le territoire, il contribue à la pérennité et à la diversité de l’agriculture. Peu importe qu’il ait 35 ou 45 ans ! Aujourd’hui, on s’installe souvent sur le tard, parfois après avoir dépendu du régime général – c’est d’ailleurs pourquoi je soulignais hier l’intérêt d’homogénéiser les règles de retraite entre le régime général et le régime agricole. Il serait dommage de ne pas accompagner les personnes qui ont 42 ans, 45 ans, voire davantage. En tout cas, je suis favorable à l’initiative de notre collègue Peytavie, et je compte sur la navette parlementaire pour neutraliser certains effets de bord. (Applaudissements sur certains bancs des groupes Dem, EPR, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Wauquiez.
M. Laurent Wauquiez
Je pense que nous commettrions une erreur en adoptant cet amendement. Il faut être lucide : nos possibilités financières sont limitées. Si l’on augmente le nombre de bénéficiaires, que se passera-t-il ? Chaque agriculteur touchera moins. Au lieu de concentrer notre effort sur de jeunes agriculteurs qui ne disposent pas forcément d’une mise initiale importante, nous allons nous disperser et l’effet de levier ne sera plus suffisant. (M. Jérôme Guedj mime un joueur de pipeau.)
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
N’importe quoi ! Quelle bêtise !
M. Fabien Di Filippo
Stop au saupoudrage !
M. Laurent Wauquiez
On sait que la reprise d’une exploitation requiert désormais un niveau d’investissement très élevé. Yannick Neuder signalait qu’en Auvergne-Rhône-Alpes, nous avions réussi, en concentrant notre effort sur des DJA élevées, à augmenter très fortement le nombre d’installations, jusqu’à atteindre une moyenne de quelque 30 % de jeunes agriculteurs, soit presque le double de la moyenne nationale. À mon avis, en matière d’agriculture, il ne faut pas se disperser, sous peine de ne plus pouvoir aider personne à s’installer correctement. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
(L’amendement no 586 est adopté.)
(Applaudissements sur divers bancs.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 5, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 270
Nombre de suffrages exprimés 238
Majorité absolue 120
Pour l’adoption 238
Contre 0
(L’article 5, amendé, est adopté.)
Rappels au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour un rappel au règlement.
M. Jérôme Guedj
Il reste 630 amendements à examiner avant la fin de la deuxième partie, consacrée aux recettes. Nous souhaitons pour notre part examiner la totalité de cette partie et aller aussi loin que possible dans ce texte. Le groupe Socialistes et apparentés va retirer la moitié des amendements qu’il a déposés sur la deuxième partie (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Damien Maudet applaudit également) afin que nous puissions aborder l’ensemble des sujets qui s’y rapportent, notamment cet article très attendu qu’est l’article 6, porteur d’une réforme systémique et dont nous souhaiterions pouvoir débattre le plus tôt possible, peut-être dès ce soir. Je nous invite donc à avancer, sans altérer pour autant la qualité de nos débats, quand nous avons des positions convergentes – comme c’était le cas pour les deux articles que nous venons d’examiner –, de manière à arriver le plus rapidement possible à l’article 6. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Rist, pour un rappel au règlement.
Mme Stéphanie Rist
Le groupe Ensemble pour la République est d’accord pour avancer rapidement dans l’examen des prochains amendements, de manière à arriver rapidement à l’article 6.
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour un rappel au règlement.
M. Hadrien Clouet
Rappel au règlement sur le fondement de l’article 100, relatif à la bonne tenue de nos débats.
Le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire est lui aussi favorable à ce que nous puissions avancer dans l’examen du texte au moins jusqu’à l’article 6 et, si possible, plus loin.
M. Thibault Bazin
Vous dites vouloir avancer mais vous faites des rappels au règlement !
M. Fabien Di Filippo
Montrez l’exemple : retirez vos amendements !
M. Hadrien Clouet
Nous sommes en train d’examiner un texte d’utilité publique et il serait dommage que des manœuvres dilatoires ou d’obstruction, comme le dépôt de centaines d’amendements, nous empêchent d’aller jusqu’au bout.
M. Pierre Cordier
M. Clouet sait de quoi il parle !
M. Hadrien Clouet
Soyons constructifs. Le groupe La France insoumise retirera un certain nombre d’amendements pour que nous puissions avoir les débats de qualité que les Françaises et les Français attendent.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Après l’article 5
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 353, 863 et 1563, portant article additionnel après l’article 5.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 353.
M. Thibault Bazin
La France connaît une terrible crise du logement. L’accession à la propriété est en panne, je souhaite y remédier en vous proposant un dispositif attractif, consistant à aider l’employeur qui prend en charge tout ou partie des intérêts du coût du crédit immobilier contracté par le salarié primo-accédant en vue de l’acquisition de sa résidence principale en l’exonérant de cotisations sociales, hors CSG, CRDS et forfait à 20 %.
Le dispositif serait bien sûr plafonné. Le coût moyen des intérêts s’élevant à 1 700 euros par an environ, nous proposons de limiter la prise en charge à 8 % du plafond annuel de la sécurité sociale (Pass) – quelque 3 700 euros. Il permettrait cependant à un certain nombre de dossiers, qui, pour le moment, ne débouchent pas sur un financement, d’aboutir, favorisant ainsi l’accès à la propriété des salariés primo-accédants, notamment dans les zones tendues.
On évalue à plus de 100 000 le nombre de salariés qui n’ont pu accéder au crédit en vue d’une première acquisition l’an dernier. D’autre part, quelque 19 % des candidats à un poste, engagés dans un processus de recrutement, ont renoncé à rejoindre une entreprise pour des raisons d’accès au logement. Un mécanisme très peu coûteux pourrait efficacement favoriser l’accès à la propriété. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Lionel Causse, pour soutenir l’amendement no 863.
M. Lionel Causse
Pour compléter ce qu’a dit mon collège Bazin, j’ajoute qu’un tel amendement ne coûte rien à l’État – mieux, il lui rapporte de l’argent. Il facilitera, en outre, l’accès à la propriété de salariés primo-accédants grâce à l’aide de leurs employeurs tout en contribuant à relancer le secteur de la construction, qui traverse une période de baisse d’activité inédite.
L’amendement favorise l’accès à la propriété de celles et ceux qui en ont besoin. Qui plus est, il s’agit d’un amendement transpartisan.
Mme la présidente
La parole est à M. Romain Daubié, pour soutenir l’amendement no 1563.
M. Romain Daubié
Il vise à faciliter l’acquisition d’un bien immobilier par les primo-accédants. Je ne reviendrai pas sur la crise du logement, bien connue : selon les experts, en 2023, du fait de la hausse des taux, quelque 100 000 personnes n’ont pu accéder à la propriété en réalisant un premier achat.
M. le rapporteur général ou Mme la ministre me diront que d’autres dispositifs existent, comme le prêt à taux zéro (PTZ) ou Action logement. Certes, mais le premier coûte près de 1,9 milliard d’argent public – il était d’ailleurs cité dans un rapport de la Cour des comptes en 2017 – correspondant à 47 000 prêts seulement en 2023. Le second concernait moins de 18 000 dossiers.
Le prêt subventionné par l’employeur existe déjà, mais il faut le favoriser en alignant les taux de cotisations sur ceux pratiqués en matière d’épargne salariale.
Outre les êtres humains logés, ce dispositif assurerait des ressources fiscales supplémentaires tant pour l’État que pour nos communes et nos départements, mis à mal par le projet de loi de finances – je défendrai d’autres amendements à ce sujet.
Ni unique, ni magique, il s’agit d’une des solutions très concrètes que l’on peut apporter à la crise du logement, au même titre que la proposition de loi Le Meur, ou celle visant à faciliter la transformation des bureaux en logements, l’élargissement du PTZ ou encore l’assouplissement de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) dans les zones accueillant beaucoup d’habitants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Je comprends bien la volonté d’atténuer la crise du logement qui s’exprime à travers ces amendements, amplement débattus en commission.
Des réflexions sont cependant en cours, afin d’améliorer le PTZ. Par ailleurs, si l’allègement de cotisations proposé n’affecte pas le budget de l’État, il représente de moindres recettes pour le budget de la sécurité sociale.
Je demande en conséquence le retrait des amendements ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Même avis que M. le rapporteur général : demande de retrait ou avis défavorable.
Mme la présidente
Ces amendements sont-ils maintenus ? M. Bazin me fait signe qu’il le maintient. Monsieur Causse ?
M. Lionel Causse
Oui, je maintiens un amendement qui permettra de dégager des ressources supplémentaires : 20 % de cotisations salariales sur le montant de la subvention et 9,5 % de CSG et CRDS. On ne peut pas dire qu’il coûtera de l’argent, au contraire : il en rapportera aux caisses de l’État.
Mme la présidente
Même question, monsieur Daubié.
M. Romain Daubié
Je confirme que je maintiens également le mien. Des cotisations seraient bien versées – à hauteur de 20 % si l’on aligne le taux sur celui de l’épargne salariale.
Les experts estiment en outre que le dispositif permettrait la construction de 800 000 logements de plus en cinq ans, qui représentent des recettes supplémentaires. Il faut parfois savoir investir pour pouvoir récupérer plus.
(Les amendements identiques nos 353, 863 et 1563 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Maud Petit, pour soutenir l’amendement no 535.
Mme Maud Petit
Cet amendement est proposé par la Fnap – Fédération nationale des ambulanciers privés. Dans un souci de cohérence, il vise à étendre aux ambulances privées le bénéfice de l’exonération de la taxe sur les salaires qui s’applique déjà aux Sdis – services départementaux d’incendie et de secours.
Une partie de l’activité des Sdis et des sapeurs-pompiers consiste à concourir aux secours et aux soins d’urgence aux personnes, ainsi qu’à leur évacuation. Or les ambulanciers participent également au transport sanitaire d’urgence – le Samu fait d’ailleurs appel en priorité aux ambulances privées et, à titre subsidiaire, aux Sdis. Pendant le transport, l’ambulancier assure la surveillance du patient, pratique les gestes appropriés à son état, qu’il s’agisse d’un malade, d’un blessé ou d’une parturiente.
Ainsi, les entreprises de transport sanitaire qui emploient les ambulanciers et les Sdis concourent, les unes comme les autres, au service public du transport d’urgence. L’amendement vise donc à mettre fin à une différence de traitement entre personnes morales distinctes, mais concourant à des missions de service public identiques.
Je tiens à préciser que si l’amendement était adopté, ses dispositions permettraient aux « ambulanciers » de proposer des conditions de recrutement attractives, alors que 18 000 postes sont actuellement vacants dans ce secteur. Il permettrait aussi de procéder au renouvellement de leur flotte automobile, thermique, au profit de véhicules électriques. Je vous remercie pour eux.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Je comprends bien le sens de votre amendement : il est tout à fait souhaitable que les sociétés d’ambulances participent au transfert des patients, souvent en lieu et place du Sdis, qui doit se concentrer sur d’autres missions.
Les Sdis étant des services publics départementaux, ils sont exonérés de la taxe sur les salaires ; les entreprises d’ambulanciers privés, malgré la noblesse de la mission qu’ils accomplissent, restent des entreprises à but lucratif.
Par ailleurs, le coût d’une telle mesure est estimé à une centaine de millions d’euros.
J’entends vos arguments : nous partageons tous la volonté de voir nos ambulanciers et nos Sdis travailler ensemble, les premiers soulageant parfois les seconds. Cependant, dans le contexte actuel, cela ne suffit pas pour émettre un avis favorable. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je comprends également le sens de cet amendement. Simplement, il coûte 100 millions d’euros.
M. Pierre Cordier
Au Modem, on ne compte plus !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
J’y suis donc défavorable.
(L’amendement no 535 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 489, 1912, 177, 178, 490 et 1658, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 489 et 1912 sont identiques, ainsi que les amendements nos 178, 490 et 1658.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 489.
Mme Josiane Corneloup
Il vise à soutenir les structures non lucratives – associations, fondations et fonds de dotation – en les exonérant de la taxe sur les salaires.
Les associations constituent des piliers du lien social, mais leur modèle économique a été fragilisé au cours des dernières années en raison de différents facteurs : la baisse des dons et des subventions, la montée de l’inflation ou la difficulté à recruter des bénévoles. Une telle mesure leur permettrait de dégager de nouvelles marges de manœuvre financières. La Cour des comptes considérait d’ailleurs fin juillet 2018 la taxe sur les salaires comme « un impôt ancien, dont les règles de calcul doivent être réformées rapidement ».
Mme la présidente
L’amendement identique no 1912 de Mme Martine Froger est défendu.
L’amendement no 177 de M. Philippe Fait est également défendu.
Il en est de même des amendements identiques nos 178 de M. Philippe Fait, 490 de Mme Valérie Bazin-Malgras et 1658 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Après en avoir débattu en commission, nous sommes finalement parvenus à une position commune autour de l’amendement no 2328 de M. Raux, qui doit être appelé dans un instant et sur lequel j’ai d’ailleurs déposé un sous-amendement. Il s’agit de ne pas appliquer les taux majorés de la taxe sur les salaires aux hôpitaux publics et aux établissements médico-sociaux ou médico-sanitaires.
En conséquence, si les amendements ne sont pas retirés au profit de l’amendement no 2328, j’émettrai sur eux un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je comprends votre volonté d’exonérer les associations, les fondations et les fonds de dotation de la taxe sur les salaires à compter du 1er janvier prochain, mais il faut avoir en tête ce que cela coûte très concrètement.
M. Pierre Cordier
Eh oui !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Les amendements nos 489, 1912 et 177 coûteraient plus de 2 milliards d’euros et les amendements no 178, 490 et 1658, 650 millions.
M. Thibault Bazin
Une paille !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
J’y suis donc défavorable.
(Les amendements identiques nos 489 et 1912 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 177 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 178, 490 et 1658 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 997, 2328 et 1660, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 2328 fait l’objet d’un sous-amendement.
La parole est à M. Damien Maudet, pour soutenir l’amendement no 997.
M. Damien Maudet
« Avant, on faisait au mieux. Aujourd’hui, on ne peut plus. On ne fait plus correctement les soins, on supprime des soins car on manque de trop de collègues, et des fois nous sommes seulement deux pour trente personnes. » C’est ce que nous ont dit les soignants qui étaient mobilisés cet après-midi à quelques mètres de l’Assemblée nationale ; nous leur témoignons tout notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mmes Karine Lebon et Sandra Regol applaudissent également.)
Nous ne pouvons d’ailleurs que nous désoler : alors que l’Assemblée étudie un projet de loi de financement de la sécurité sociale, il n’y est jamais question de santé ! Nous sommes obligés d’aller à l’extérieur de son enceinte pour enfin entendre des gens tenir des propos sensés sur notre système de santé. (Mme Stéphanie Rist s’exclame.)
À l’intérieur de l’Assemblée, que se passe-t-il ? Au bout de deux heures trente de discours, la ministre de la santé ne répond même pas à ce que nous lui disons sur le système de santé. (M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit.) Rien n’est proposé pour résoudre le problème des 50 000 nouveaux postes d’infirmières vacants depuis 2020 ! On peut même se poser la question : avec un budget pareil, qui ne dit rien sur la santé, quel est votre projet ? Que prévoyez-vous pour notre système de santé dans le cadre de ce PLFSS ?
M. Thibault Bazin
Où étiez-vous tout à l’heure ? On en a parlé tout l’après-midi !
M. Fabien Di Filippo
Expliquez-lui ce que c’est qu’un PLFSS !
M. Damien Maudet
Avec cet amendement, nous faisons un peu votre travail : nous proposons de mettre fin à la taxe sur les salaires, afin de dégager – c’est un minimum – 5 milliards d’euros pour l’hôpital ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.) Vous savez que le secteur demande encore 2 milliards au titre de l’année dernière, et que vous allez encore lui retirer plusieurs milliards cette année : il est temps d’arrêter d’asphyxier notre système de santé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
L’amendement no 2328 de M. Jean-Claude Raux, qui fait l’objet d’un sous-amendement no 2366, est défendu.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir le sous-amendement no 2366.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Conformément à l’intention de M. Raux, il s’agit de donner un peu de marge aux structures non lucratives du secteur social et médico-social. Pour les aider à affronter les difficultés auxquelles elles font face, l’amendement prévoit de conserver un taux unique de la taxe sur les salaires fixé à 4,25 %. C’est un amendement de repli qui a paru répondre aux attentes de la commission : à défaut d’une exonération totale, il permet de faire un geste en direction de ces établissements publics.
J’indique par avance que je serai bien sûr favorable à l’amendement de M. Raux (Mme Dominique Voynet applaudit), sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement de coordination. Avis défavorable à l’amendement de M. Maudet.
Mme la présidente
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l’amendement no 1660.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
En complément de ce que vient de dire M. Neuder, une telle mesure répond à une exigence de simplification, comme le demande la Cour des comptes – la taxe sur les salaires ne compterait plus qu’une seule tranche ; elle permet en outre d’accroître l’attractivité des métiers du secteur social et médico-social, que ce soit pour recruter ou pour augmenter les salaires, car nous savons tous que c’est un enjeu de taille.
Mme la présidente
Monsieur le rapporteur général, vous avez donné l’avis de la commission sur les amendements nos 997 et 2328. Qu’en est-il sur l’amendement no 1660 ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Madame Firmin Le Bodo, sur le fond, nous sommes totalement d’accord : c’est simplement pour des raisons rédactionnelles et de solidité que l’amendement de M. Raux, que je propose de sous-amender, a été privilégié. Avis défavorable.
(L’amendement no 1660 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Ce qui me surprend dans ces amendements, c’est leur caractère presque « autodéficitaire » !
M. Hadrien Clouet
Avec 1 000 milliards de dette, vous osez nous parler d’« autodéficit » ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Exactement, monsieur le député ! Ce que vous reprochez parfois au Gouvernement – et à celui qui l’a précédé – s’agissant notamment des allègements généraux de cotisations sociales, dont il sera question à l’article 6, vous voulez cette fois le faire vous-mêmes.
En introduisant une exonération de taxe sur les salaires, vous privez directement la sécurité sociale d’une ressource susceptible de la financer – à peu près 50 % vont à la branche vieillesse et 25 % à la branche maladie. Nous avons besoin de ces ressources ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) La mesure coûterait quasiment 3,5 milliards.
Le rapporteur général l’a très bien dit en défendant l’amendement de repli de M. Raux : il s’agit finalement d’un amendement d’appel, censé nous alerter sur la nécessité de financer les établissements en question. Si nous arrivons à l’examen de la troisième partie du PLFSS, la ministre de la santé pourra largement vous répondre à ce sujet ! En attendant, évitons de traiter la question en privant la sécurité sociale de ressources, alors qu’elle est elle-même – nous le disons depuis le début de la discussion – en déficit croissant. Vous aggravez le problème d’ensemble en essayant d’en résoudre une partie. Avis défavorable.
M. Damien Maudet
Vous ne proposez rien pour traiter la question, rien pour l’hôpital !
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie
Je n’ai pas eu le loisir, tout à l’heure, de défendre l’amendement de M. Raux, mais je voulais revenir sur la question de la taxe sur les salaires, en particulier en ce qui concerne les centres de santé associatifs. M. Raux et M. Neuder ont travaillé ensemble pour proposer un taux unique de la taxe à 4,25 % et exonérer ces structures d’intérêt commun des taux majorés.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre-Yves Cadalen.
M. Pierre-Yves Cadalen
Un médecin hospitalier brestois m’a dit l’autre jour : « Je crains qu’aujourd’hui, l’hôpital public se transforme en nouveau France Télécom. » En effet, monsieur le ministre, ce qui manque à l’hôpital public, dans notre pays, ce sont des moyens ! Il faut les mettre sur la table (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR) car le management de l’hôpital public se transforme en gestion de la pénurie. Apercevant ma collègue finistérienne Mélanie Thomin, je me tourne aussi vers Arnaud Le Gall, qui vient de Carhaix, car je veux saluer l’immense mobilisation en cours – à Carhaix – en faveur de l’accès aux soins et pour la défense de l’hôpital public. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
L’hôpital public a besoin de nouvelles recettes et c’est ainsi que nous pourrons faire face à la pénurie de personnel, plutôt qu’avec des solutions innovantes ou je ne sais quoi d’autre encore.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Vous supprimez des recettes !
M. Pierre-Yves Cadalen
Il est temps de mettre des moyens sur la table et de défendre la République sociale, comme nous y invitent la mobilisation en cours et l’amendement de M. Maudet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Stella Dupont.
Mme Stella Dupont
Je souhaite apporter mon soutien à ces amendements. J’ai écouté attentivement M. le ministre des comptes publics mais la difficulté à laquelle nous sommes confrontés, c’est l’impasse budgétaire dans laquelle se trouvent nombre de nos établissements de santé, médicaux et médico-sociaux. En l’absence de solutions, on nous en propose une : jouer sur le levier d’une réduction de la taxe sur les salaires ! Nous n’en avons pas d’autre.
Proposez d’autres perspectives mais comprenez que nos établissements publics vont dans le mur : il faut absolument leur apporter des réponses. (M. André Chassaigne applaudit.)
Mme Liliana Tanguy
Il faut les réorganiser !
(L’amendement no 997 n’est pas adopté.)
(Le sous-amendement no 2366 est adopté.)
(M. Ian Boucard applaudit.)
(L’amendement no 2328, sous-amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Ian Boucard
49.3 ! (Sourires.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je veux simplement préciser mon propos (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP) : en adoptant cet amendement, vous n’avez pas apporté de moyens à l’hôpital ! Ne laissez pas penser l’inverse.
Mme Ségolène Amiot
Laissez l’hôpital en juger lui-même !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce n’est pas bien. En supprimant une taxe sur les salaires, vous dites avoir redonné des marges de manœuvre financières aux établissements concernés, mais cette recette leur était affectée, par l’intermédiaire de la branche vieillesse et de la branche maladie. Ce n’est pas de cette manière que l’on résout le déficit de la sécurité sociale ! Vous lui retirez vous-même une recette, c’est-à-dire que vous prenez dans une poche pour mettre dans l’autre. Soyez cohérents ! Vous avez adopté l’amendement, c’est très bien, mais vous n’avez rien résolu. (MM. Romain Daubié, Cyrille Isaac-Sibille et M. Didier Le Gac applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement no 487.
M. Paul-André Colombani
Il vise à exonérer de cotisations sociales les agriculteurs dont le cheptel est touché par la fièvre catarrhale ovine (FCO). Cette exonération serait temporaire et ne concernerait que les rémunérations de l’année 2024.
Depuis 2023, le sérotype 3 de la FCO s’est introduit dans l’Union européenne et en France ; au 10 octobre 2024, 5 374 foyers étaient recensés, répartis sur une trentaine de départements. Quand on connaît l’impact d’une telle maladie pour les éleveurs concernés – la perte d’un troupeau et d’années d’investissements, et le temps considérable qu’il faudra pour reconstruire tout cela –, il me semble que nous leur devons cette aide, qui est juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Nous avons eu le débat en commission. L’État prend déjà en charge les prélèvements sanguins, la fourniture gratuite de 11,7 millions de doses de vaccin ou encore la visite des établissements suspects. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
C’est exactement le même que celui du rapporteur général.
Mme la présidente
La parole est à M. Paul-André Colombani.
M. Paul-André Colombani
Je ne suis pas d’accord avec M. le rapporteur général. Si des aides ont été effectivement apportées, nous avons affaire à un système bien particulier : les caisses de la MSA disposent d’une certaine autonomie, mais si nous ne votons pas cet amendement ce soir, elles ne pourront pas répondre à l’ensemble des besoins.
Mme la présidente
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier
Nous soutenons cet amendement. Les agriculteurs traversent des crises exceptionnelles à cause des épidémies. Les pertes s’inscrivent parfois sur le long terme : certains troupeaux ont perdu jusqu’à 50 % de leurs bêtes.
Hier, nous avions proposé par amendement une enveloppe de 330 millions d’euros pour indemniser les agriculteurs touchés par ces épidémies – c’est la somme qui a été jugée nécessaire par la Confédération paysanne. Vous avez revu cette somme à la baisse et n’avez voté que pour 75 millions. C’est regrettable.
C’est très bien de voter des exonérations fiscales exceptionnelles quand elles sont nécessaires, mais il faudrait aussi voter des budgets qui soient à la hauteur quand il y a de véritables besoins pour venir en aide à nos éleveurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Monsieur Colombani, mon avis ne change pas, mais je me permets de vous apporter quelques précisions. Les MSA départementales peuvent certes agir localement, mais ce n’est pas à la hauteur de la crise sanitaire en cours. Je vous invite donc à solliciter le ministère de l’agriculture s’agissant d’une matière qui relève davantage du projet de loi de finances que du PLFSS, et j’invite le ministre du budget à entendre cette demande car, si elle était acceptée, ce sujet pourrait intégrer un projet de loi de finances rectificative.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Malgré les limites mentionnées par M. Colombani concernant les échéanciers de paiement mis en place par les MSA, le Gouvernement a déployé plusieurs dispositifs pour venir en aide aux éleveurs touchés par cette épizootie : la vaccination gratuite, l’indemnisation à hauteur de 19 millions d’euros des pertes liées à l’épidémie, l’activation par le Gouvernement de la reconnaissance de la force majeure au titre de la politique agricole commune (PAC) pour la campagne 2025, afin que les éleveurs ne subissent pas de réfaction du calcul des aides.
Compte tenu de ces dispositifs déjà déployés, je reste défavorable à l’amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Benoît Biteau.
M. Benoît Biteau
Monsieur le rapporteur général, je comprends que nous discutions du PLFSS et que ce sujet relève du PLF, mais si l’on s’émeut régulièrement de la détresse des agriculteurs ou du suicide quotidien de deux d’entre eux, je vous assure que la perte d’animaux, parfois sélectionnés sur deux ou trois générations, à cause d’une crise sanitaire est une situation terriblement difficile à vivre pour les éleveurs.
Malgré l’indemnisation des pertes directes et la gratuité des vaccins, ce qui est prévu par le PLF reste largement insuffisant, comme l’a rappelé Manon Meunier, car rien n’est prévu pour indemniser la stérilité ou les avortements provoqués par ces épizooties.
Les éleveurs subissent parfois l’interruption d’un travail de plusieurs générations. Cela participe à la dégradation de leur santé mentale. Or le Gouvernement qui en fait un sujet central ne prévoit rien pour les aider ou les accompagner financièrement. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Guibert.
M. Julien Guibert
Le Rassemblement national soutiendra cet amendement, car il va dans le bon sens. La FCO affecte aujourd’hui une dizaine de départements. Dans la Nièvre, on recense plus d’une centaine de cas de FCO de sérotypes 3 et 8. Cela dégrade notamment le travail de sélection génétique que réalisent ces éleveurs pour constituer leurs troupeaux, les taux de mortalité pouvant atteindre 30 %dans mon département.
Dès le 10 août, j’avais interpellé le précédent ministre au sujet de la fourniture des doses de vaccin contre la FCO 3 et la FCO 8 dans les territoires. En réalité, ces doses, notamment à destination des ovins, sont achetées à l’étranger. Il s’agit d’une question connexe importante : il faut réfléchir à une souveraineté vaccinale et vétérinaire pour notre pays, car nous sommes dépendants des laboratoires étrangers.
Nous devons aider nos éleveurs à lutter contre les FCO 3 et FCO 8 – il faudrait aussi le faire pour la maladie hémorragique épizootique (MHE) –, c’est pourquoi nous soutenons cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Ne vous méprenez pas sur le sens de mes propos ! J’ai très bien compris les grandes difficultés que connaissent les éleveurs.
M. Ian Boucard
Il a entendu, mais il n’a pas compris !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Dès le 9 août, j’ai organisé dans mon département, un des premiers touchés dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, des réunions sur l’impact de la FCO. Celui-ci peut être immédiat par les pertes directes ; psychologique pour les éleveurs et agriculteurs ; retardé par les troubles de fertilité que provoque la maladie, notamment pour la production d’agneaux.
Nous faisons tous le même constat. Les mesures nécessaires sont très importantes et ne peuvent pas être intégrées à un PLFSS. Elles relèvent du ministère de l’agriculture et du budget. Je réitère mon message à l’adresse du ministère des finances.
Monsieur Colombani, les MSA ne peuvent pas assumer le volume financier des prises en charge. Elles doivent relever de l’État, du ministère de l’agriculture et de son budget. J’invite l’ensemble des agriculteurs à se faire entendre auprès du ministère de l’agriculture pour qu’il leur vienne en aide en obtenant des crédits lors d’un prochain projet de loi de finances rectificative.
On ne peut pas faire croire naïvement aux agriculteurs que l’adoption de cet amendement, lequel fera peser la réponse sur les MSA, soulagera leurs difficultés et leur détresse dans la lutte contre la FCO.
(L’amendement no 487 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Karine Lebon, pour soutenir l’amendement no 565.
Mme Karine Lebon
Les exploitants agricoles ultramarins, aux exploitations de petite taille et aux revenus largement insuffisants, sont contraints de limiter leur activité, à cause du risque que fait peser la suppression totale des exonérations sitôt le seuil de 40 hectares dépassé.
Les conditions pour continuer à bénéficier de cette exonération sur les 40 premiers hectares dans le cas d’un dépassement sont trop restrictives et le bénéfice en est limité dans le temps.
Or les territoires ultramarins accueillent une majorité de petites exploitations familiales qui souhaiteraient s’étendre et répondre aux objectifs collectifs en matière de souveraineté alimentaire. Force est de constater que cette disposition constitue une limite pour les capacités de production et un frein pour la diversification.
Cet amendement avait été adopté en commission. J’en appelle à votre sagesse pour voter une nouvelle fois en faveur de cette mesure. Il s’agit ni plus ni moins de prendre en considération les spécificités des outre-mer.
De nos débats d’hier et de nos discussions en off, il ressort que vous désirez envoyer un message de considération à nos compatriotes ultramarins. Vous en avez justement l’occasion. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Par l’intermédiaire de M. Monnet, vous nous avez souvent invités à la réflexion sur ce sujet en commission. Vous avez bien posé les bases de la discussion. Le sujet varie véritablement selon les spécificités de chaque département d’outre-mer. De plus, les coefficients de pondération sont pour certaines cultures trop exigeants.
La commission avait adopté un amendement assez proche. Afin d’alerter le Gouvernement sur la situation très particulière des outre-mer en la matière, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Votre amendement vise à permettre aux exploitants agricoles ultramarins qui franchissent le seuil de 40 hectares de la surface pondérée de continuer à bénéficier des exonérations de cotisations et à supprimer la limitation à cinq ans de cette prolongation.
Ce sont déjà 98 % des exploitations ultramarines qui sont totalement exonérées des cotisations maladie, famille et vieillesse de base. Le dispositif existant est donc déjà très large.
J’entends ce qui m’est dit et, comme la commission, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
À la suite de Mme la ministre, favorable à cet amendement important, nous le soutiendrons aussi.
M. André Chassaigne
Pour une fois !
M. Philippe Vigier
Le seuil de 40 hectares est un obstacle à l’équilibre. Il faut soutenir les petites exploitations ultramarines : il y va de la viabilité, de la souveraineté alimentaire et de la compétitivité des territoires ultramarins.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Naillet.
M. Philippe Naillet
Dans les territoires ultramarins, en particulier à La Réunion, comme l’expliquait Mme Lebon, les exploitations agricoles sont à caractère familial et de petite taille. Surtout, les revenus des agriculteurs sont très modestes.
Cet amendement traduit notre volonté de réduire notre dépendance aux importations et de tendre vers la souveraineté alimentaire. C’est ce qui est important. Nous voulons que les assiettes de nos enfants contiennent de plus en plus de produits locaux et que nos aînés bénéficient d’une alimentation saine, ce qui suppose une production locale. Il faut voter cet amendement.
(L’amendement no 565, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
M. Sébastien Peytavie
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 2342 du Gouvernement.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Très technique, cet amendement tend à ajuster la réforme de l’assiette des cotisations et contributions des travailleurs indépendants.
Prévue par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024, cette réforme devait permettre de mieux répartir les prélèvements contributifs et non contributifs et de simplifier la détermination de leur assiette ; elle faisait droit à la demande de plusieurs organisations professionnelles, notamment l’Union des entreprises de proximité (U2P).
La LFSS a donné à cette réforme une assise législative, mais de récents travaux techniques ont conduit à en proposer des aménagements, discutés en commission des affaires sociales.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Il est favorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Il n’est jamais trop tard pour corriger ses erreurs !
L’année dernière, l’adoption d’un amendement du Gouvernement, déposé au dernier moment, avait permis la réforme de l’assiette de calcul des cotisations et contributions des travailleurs indépendants. Attendue de longue date par les indépendants et les agriculteurs, cette réforme a été engagée sans étude d’impact, pourtant réclamée par des députés cherchant à en prévenir les conséquences.
M. Ian Boucard
Qui était le ministre ?
M. Thibault Bazin
Les éléments que nous attendions ont tardé à arriver et l’amendement no 2342 du Gouvernement corrige enfin la situation pour les indépendants, mais ce n’est pas suffisant – nous examinerons d’autres amendements ultérieurement. En tout état de cause, il serait intéressant de permettre à la représentation nationale d’identifier les perdants et les gagnants de cette réforme, afin qu’elle puisse mesurer toutes ses conséquences.
M. Vincent Descoeur
C’est un connaisseur qui a parlé.
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Rist.
Mme Stéphanie Rist
Cet amendement répondra aux attentes que formulent les indépendants depuis très longtemps. De nombreuses concertations ont eu lieu et la réforme avait été lancée l’an dernier par le gouvernement. Elle ouvre plus de droits sans imposer plus de cotisations : il semble donc bien qu’un tel chemin soit possible ! (M. Gabriel Attal applaudit.)
(L’amendement no 2342 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Stella Dupont, pour soutenir l’amendement no 897.
Mme Stella Dupont
Lorsqu’un agriculteur est victime d’un sinistre touchant un bâtiment de son exploitation et son contenu, il perçoit des indemnités d’assurance, mais celles-ci sont assimilées à des plus-values de cession si leur montant excède la valeur nette comptable de l’élément d’actif touché par le sinistre.
Nous entrons dans des considérations techniques, je vous le concède, mais qui ont des implications très concrètes pour les agriculteurs concernés. La plus-value est intégrée au résultat imposable de l’exploitation, et vient donc l’augmenter de façon exceptionnelle, ce qui entraîne une hausse importante des cotisations personnelles à la MSA pour l’année suivante.
En effet, alors que le code général des impôts permet l’étalement des effets fiscaux de la perception d’indemnités, il ne permet pas l’étalement de ses effets sociaux. Un agriculteur de ma circonscription, touché par un incendie très grave ayant bénéficié d’une indemnité pour reconstruire et redémarrer son exploitation, a fait l’expérience de ce qu’il conviendrait d’appeler une double peine, tant la note à payer à la MSA est importante et incomprise.
Il me semble possible de faire concorder les mécanismes fiscaux et sociaux de ces indemnisations. La vie des exploitants et les contrôles de l’administration s’en trouveraient simplifiés et j’y vois une mesure de justice pour les agriculteurs concernés.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Si l’amendement n’est pas retiré, mon avis sera défavorable. En effet, l’amendement no 2342, que nous venons d’adopter, le satisfait déjà.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je rejoins votre appel à plus de justice sociale. L’avis du Gouvernement est donc favorable, à moins que votre amendement ne soit satisfait, ce que nous vérifierons sans tarder.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
L’amendement de Mme Dupont ne me semble pas satisfait, contrairement à ce qu’indique M. le rapporteur général. Cet amendement relaie d’ailleurs le constat dressé par Jérôme Guedj en commission, qui soulignait que les nombreuses différences entre assiette fiscale et assiette sociale peuvent susciter l’incompréhension chez les profanes de la comptabilité. Leur homogénéisation, notamment dans le contexte d’un sinistre grave comme un incendie, me paraît utile : je suis donc favorable à l’amendement de notre collègue.
Mme la présidente
La parole est à Mme Stella Dupont.
Mme Stella Dupont
Si mon amendement était réellement satisfait par l’amendement no 2342, il serait devenu sans objet, et il serait tombé. Ce n’est pas le cas : je le maintiens donc et je vous appelle à l’adopter à l’unanimité.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
J’admets que mon analyse ne soit pas celle du Gouvernement. Dans le doute et après avoir entendu M. Turquois, je préfère donc donner à votre amendement un avis favorable.
(L’amendement no 897, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Mme Stella Dupont
Merci !
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 354 et 662.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 354.
M. Thibault Bazin
Il est encore relatif à l’assiette de calcul des cotisations sociales des travailleurs indépendants, qui attendent cette réforme, tout comme les agriculteurs. L’an passé, le gouvernement avait promis de la mener à droits constants, mais l’article L. 136-4 du code de la sécurité sociale ne reprend pas l’ensemble des spécificités de l’activité agricole.
L’amendement no 2342 traite du superbrut, mais il n’épuise pas le sujet : il faudrait également traiter des plus-values à court terme, de l’étalement des subventions d’équipement, du régime d’exonération en cas de transmission d’exploitation individuelle ou encore de l’étalement de certains produits d’assurance ! Tel est l’objet de mon amendement, qui doit répondre aux attentes des agriculteurs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
M. Ian Boucard
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 662.
Mme Josiane Corneloup
Il tend à corriger la détermination de l’assiette des cotisations sociales des exploitants et à rétablir l’assiette initiale, pour y réintégrer les plus-values à court terme, l’étalement fiscal des subventions d’équipement et le régime d’exonération des plus-values en cas de transmission d’exploitation individuelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Sur ces amendements très techniques, mon avis est favorable…
M. Ian Boucard
Oui !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
…sous réserve qu’ils ne soient pas satisfaits par les amendements précédemment adoptés.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cette fois, ils le sont !
M. Ian Boucard
Bravo ! Quand on a un bon député et un bon rapporteur, on s’en sort toujours !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Dès le printemps dernier, le Gouvernement s’est engagé auprès des professionnels de l’agriculture à corriger l’erreur matérielle de l’article 18 de la LFSS pour 2024, c’est-à-dire à rétablir l’exonération sociale des plus-values de cession de court terme, lesquelles font l’objet d’une exonération fiscale.
M. Ian Boucard
Très bien !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Il me semble que l’amendement no 2342 du Gouvernement que nous venons d’adopter permet de tenir cet engagement. Il reprend par ailleurs votre demande, et celle de la profession, de maintenir à droits constants la prise en compte, dans l’assiette sociale, de l’étalement de la plus-value d’équipement. Il procède aussi à d’autres corrections.
Je demande donc le retrait des amendements identiques qui sont satisfaits.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Des auditions des représentants de différents organismes professionnels que nous avons menées, il ressort que la correction que vous avez apportée, et que nous avons soutenue, n’est pas suffisante. S’agissant de l’assiette, d’autres mécanismes fiscaux doivent être corrigés.
M. Ian Boucard
Eh oui !
M. Thibault Bazin
Je vous invite à partager avec nous l’étude d’impact de la modification de l’assiette, sachant que la MSA, avec d’autres organismes professionnels, atteste que certaines des spécificités du monde agricole n’ont pas été prises en compte. C’est très technique, mais j’en ai justement dressé la liste dans l’amendement.
Nous pourrons profiter de la navette parlementaire pour ajuster le dispositif, mais force est de constater qu’à ce stade, le compte n’y est pas.
(Les amendements identiques nos 354 et 662 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 943 et 1272.
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l’amendement no 943.
Mme Ségolène Amiot
Pour justifier sa réforme des retraites, le précédent gouvernement n’a eu de cesse d’agiter le chiffon rouge de la faillite du système. La réalité, c’est qu’il a imposé une régression sociale, en dénonçant des déficits qu’il contribue lui-même à aggraver.
Mme Prisca Thevenot
C’est la démocratie !
Mme Ségolène Amiot
La non-compensation des exonérations de cotisations vieillesse sur les heures supplémentaires illustre mon propos : il est facile, en effet, de faire des cadeaux avec de l’argent qui ne nous appartient pas !
Chaque année, les cadeaux offerts par l’État coûtent 2 milliards d’euros à la sécurité sociale. Ce n’est donc pas un choix neutre que nous vous soumettons : en supprimant l’exonération sur les heures supplémentaires, nous affirmons que chaque heure de travail contribue à notre modèle social. Celui-ci ne vise pas la convergence à tout prix du salaire brut et du salaire net, que différencient des cotisations au système social qui n’appartiennent pas à l’État.
Vous parlez de gains de pouvoir d’achat, mais vous refusez l’augmentation des salaires qui les produirait tout en faisant progresser le niveau des cotisations. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Nous vous proposons donc de rendre l’argent, soit 2 milliards d’euros par an, en supprimant la niche sociale que constitue l’exonération de cotisations vieillesse sur les heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Tjibaou, pour soutenir l’amendement no 1272.
M. Emmanuel Tjibaou
Cet amendement du groupe GDR vise à mettre fin à la désocialisation des heures supplémentaires. L’annexe 4 du PLFSS chiffre à 2,37 milliards d’euros et à 2,47 milliards d’euros en 2025 la perte de recettes de la sécurité sociale induite par l’exonération des heures supplémentaires. Autant de ressources qui manquent pour répondre aux besoins sociaux et de santé.
L’incitation à l’exécution d’heures supplémentaires par leur désocialisation pose également question du point de vue du partage du temps de travail, alors que le taux de chômage est élevé et que l’emploi est de plus en plus précaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. Yannick Monnet
Très bien !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Nous avons déjà longuement débattu de l’exonération des heures supplémentaires et ne partageons pas votre point de vue : les heures supplémentaires offrent un gain de pouvoir d’achat à de nombreux concitoyens.
Mme Ségolène Amiot
Augmentez les salaires !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Certaines simulations révèlent que quatre heures supplémentaires de travail par semaine procurent 300 euros de salaire en plus chaque mois.
Dans le contexte que nous connaissons, c’est bien le pouvoir d’achat qui intéresse le plus nos concitoyens : nous devons donc leur laisser faire des heures supplémentaires ! (« Augmentez plutôt les salaires ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
L’avis de la commission sera défavorable si vous ne retirez pas vos amendements. Je doute d’ailleurs qu’à cette heure tardive, nous parvenions à un accord sur un tel sujet.
M. André Chassaigne
C’est classe contre classe ! (Sourires.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Cette exonération bénéficie à 7 millions de salariés, ainsi qu’à 600 000 agents publics ; sa suppression aurait un impact direct sur leur salaire net.
Mme Ségolène Amiot
Mais ils seront ravis d’avoir un système de santé qui fonctionne !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
J’insiste aussi sur le fait que ces heures supplémentaires, même si elles sont exonérées, créent des droits à la retraite.
Mme Ségolène Amiot
Les gens vont devoir travailler plus longtemps avant d’être à la retraite !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je sais que vous êtes attachés au pouvoir d’achat des travailleurs ; je suis donc un peu surprise par votre proposition. C’est sans doute à mettre sur le compte de l’heure tardive…
M. André Chassaigne
Pas du tout : c’est que nous sommes attachés à la sécurité sociale !
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je pensais, monsieur le ministre du budget, que vous alliez soutenir ces amendements ! Mais vous avez peut-être l’exonération sélective ? Vous dites que la désocialisation des heures supplémentaires est une mesure de pouvoir d’achat, mais pas forcément ! Parce que c’est moins d’argent pour l’hôpital, moins d’argent pour l’école, moins d’argent pour les services publics ! Donc c’est moins de services publics pour les salariés ! (Mmes Ségolène Amiot et Karine Lebon applaudissent.) Nous pensons que c’est une mauvaise mesure. Les gens font effectivement des heures supplémentaires pour gagner plus, mais s’ils avaient un salaire décent, ils n’auraient pas besoin d’en faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. André Chassaigne
Très bien !
(Les amendements identiques nos 943 et 1272 ne sont pas adoptés.)
M. André Chassaigne
Vous êtes réactionnaires !
Mme la présidente
L’amendement no 103 de M. Jérôme Guedj est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Demande de retrait ou avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Galzy.
Mme Stéphanie Galzy
Chers collègues, que vous ont fait nos entreprises ? Cette déduction forfaitaire est un outil essentiel pour soutenir nos petites et moyennes entreprises.
M. Jérôme Guedj
Vous vous trompez d’amendement ! La déduction forfaitaire, c’est le suivant !
Mme Stéphanie Galzy
En la supprimant, nous risquons de les fragiliser, alors qu’elles sont déjà confrontées à de nombreux défis économiques. Nos PME sont le cœur de notre économie et toute mesure qui augmente leurs charges sociales…
M. Yannick Monnet
Leurs cotisations sociales !
Mme Stéphanie Galzy
…pourrait avoir des conséquences négatives sur leur viabilité et leur capacité à créer des emplois. Une diminution des heures supplémentaires aurait un impact sur le pouvoir d’achat des salariés et aggraverait les difficultés financières de nombreuses familles. Plutôt que supprimer cette mesure, nous devrions explorer d’autres moyens de renforcer le financement de la sécurité sociale sans compromettre la compétitivité de nos entreprises et le pouvoir d’achat des salariés. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
(L’amendement no 103 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 102.
M. Jérôme Guedj
Cet amendement ne rognera en rien le pouvoir d’achat des salariés, madame la ministre, puisqu’il ne concerne pas la cotisation salariale, comme le précédent, mais la cotisation patronale. Nous proposons en effet de supprimer la déduction forfaitaire de cotisations sociales patronales qui est comprise entre 0,5 et 1,5 euro, selon la taille de l’entreprise.
Sans réduire le pouvoir d’achat du salarié qui bénéficie de l’heure supplémentaire – puisqu’on ne touche pas à sa cotisation vieillesse, qui est exonérée –, on pourrait, avec cet amendement, dégager une ressource de l’ordre de 900 millions d’euros pour la sécurité sociale, qui pourrait en avoir besoin.
Cette somme pourrait compenser en partie les effets de l’adoption de l’amendement relatif à la taxe sur les salaires, qui vous a mis dans l’embarras tout à l’heure – un amendement qui montre jusqu’où nous devons aller pour vous obliger à augmenter les moyens de l’hôpital ! Hier, nous avons déposé un amendement pour augmenter l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), dont vous n’avez pas voulu. Il nous a donc fallu trouver d’autres moyens, notamment cet amendement choc visant à supprimer la taxe sur les salaires. Si vous voulez pouvoir voter la deuxième partie, chers collègues, – et nous espérons que vous le ferez –, il faut rétablir des financements.
Le scandale qui nous meurtrit tous, s’agissant des heures supplémentaires, c’est que ce soit la seule exonération qui ne soit pas compensée par l’État. En ne compensant pas ces 2,3 milliards d’exonérations de cotisations, l’État est donc responsable de 20 % du déficit de la sécurité sociale.
Je sais que cela n’arrangera pas l’état des finances publiques mais, par respect pour les comptes de la sécurité sociale, nous défendrons des amendements demandant que l’État compense enfin les exonérations qu’il décide, à l’euro près. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – M. André Chassaigne applaudit également.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
On ne peut pas laisser passer sans rien dire cet amendement qui a l’air inoffensif et qui est présenté avec beaucoup de technicité par M. Guedj, sous l’angle affûté des cotisations que nous pourrions récupérer, à hauteur de 900 millions d’euros. Votre raisonnement économique est toutefois moins affûté que votre connaissance de toutes les cotisations sociales que nous pourrions prélever.
Sur le fond, je suis évidemment en désaccord avec votre philosophie du partage du travail, car je pense que c’est l’activité qui crée de la richesse et qui enclenche des cercles vertueux. Surtout, prétendre comme vous le faites que l’on peut récupérer 900 millions, c’est méconnaître profondément le fonctionnement des entreprises et les mécanismes économiques. D’abord, plus elles seront chères, moins les entreprises auront intérêt à faire faire des heures supplémentaires. Ensuite, et surtout, vous allez déduire ces 900 millions des bénéfices des entreprises, si bien que, mécaniquement, ce qu’elles paieront en plus de ce côté, elles le paieront en moins sur d’autres taxes et d’autres charges. Ce que vous proposez est donc un jeu à somme nulle qui consiste juste à détruire de l’activité et à appauvrir les entreprises et les salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Ian Boucard
Très bien !
(L’amendement no 102 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de six amendements identiques, nos 833, 916, 919, 1377, 2164 et 2195.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 833.
M. Thibault Bazin
L’outre-mer dispose d’un système d’allègements de charges spécifique qui n’a rien à voir avec ce qui s’applique dans l’Hexagone. À cet égard, la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodeom) a eu une grande importance.
Vous envisagez d’adapter l’article 6 aux outre-mer par voie d’ordonnance. Je pense qu’il serait préférable de procéder d’abord à une concertation avec les outre-mer. C’est pourquoi je propose de neutraliser dans ces territoires les réformes introduites par cet article et de renvoyer ce débat à l’examen du PLFSS pour 2026, après concertation.
M. Ian Boucard
Il a raison !
M. Philippe Gosselin
Excellente proposition !
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Tjibaou, pour soutenir l’amendement no 916.
M. Emmanuel Tjibaou
Depuis trente ans, La Réunion fait partie des territoires qui bénéficient de dispositifs d’exonération spécifiques. Ils ont été introduits pour pallier un déficit chronique de compétitivité de nos économies, qui pâtissent de leur éloignement et de leur insularité. Nos entreprises locales constituent 90 % de notre économie et sont pourvoyeuses d’emplois pour une grande partie de la population.
Ces outils sont devenus, au fil des années, des instruments de stabilité et de lisibilité pour les entreprises. Dès lors, on ne peut que regretter que le Gouvernement s’attelle à chercher des économies là où il devrait investir pour créer de la richesse et de l’emploi pour le pays. Il est dommage que les acteurs économiques aient été peu, voire pas consultés, alors qu’ils seront les premiers touchés par ces mesures drastiques.
Par cet amendement, nous cherchons simplement à éviter le chômage de masse qui menace de manière récurrente notre population. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Max Mathiasin, pour soutenir l’amendement no 919.
M. Max Mathiasin
Je souscris aux propos de mes collègues Emmanuel Tjibaou et Thibault Bazin : les dispositions de la Lodeom sont absolument nécessaires aux outre-mer, puisqu’elles servent à compenser les mesures structurelles qui n’ont pas été prises à temps pour le développement économique de nos outre-mer. Il faut maintenir les choses en l’état, ne pas appliquer l’article 6 aux outre-mer – à savoir la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion – et renvoyer ce débat à l’examen du PLFSS pour 2026.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l’amendement no 1377.
M. Philippe Naillet
Chacun l’aura compris, ces amendements visent à ce que la refonte générale des cotisations patronales ne vienne pas, par ricochet, impacter le dispositif de la Lodeom.
Comme l’a très bien expliqué notre collègue Emmanuel Tjibaou, ces exonérations de charges ne sont pas un cadeau fait au tissu économique ultramarin. Nous subissons en quelque sorte notre insularité et notre éloignement ; nos coûts de production ne sont pas les mêmes que dans l’Hexagone ; la taille des marchés n’est pas la même non plus. Ces dispositifs sont nécessaires pour que des investissements se fassent dans nos territoires.
Derrière l’enjeu économique, il y a bien sûr celui de l’emploi, qui est très important. Au moment où nous débattons, c’est aussi la question de la vie chère qui se pose dans tous nos territoires et, à cet égard, j’ai en mémoire l’une des conclusions de la commission d’enquête sur le coût de la vie outre-mer : elle expliquait que la vie chère, ce sont les prix, mais aussi la faiblesse des revenus, liée à l’absence de revenus du travail.
Si nous touchons à ces dispositifs, nous allons fragiliser notre tissu économique et ce sont des emplois que nous allons détruire.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 2164.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Ce qui est proposé, en fin de compte, c’est de faire pour la Lodeom ce que nous avons fait pour le dispositif TODE. L’idée est de ne pas appliquer mécaniquement aux outre-mer les allègements généraux de cotisations patronales introduits par l’article 6, afin de ne pas contrecarrer les avantages introduits par la Lodeom.
Nous prêtons, depuis le début de l’examen de ce PLFSS, une attention particulière aux outre-mer, sur les questions concernant directement la santé comme sur d’autres – je pense par exemple aux propositions de Mme Lebon sur l’agriculture. Avec ces amendements identiques, ce sont les entreprises de nos outre-mer qu’il s’agit de protéger. Je pense que, sur cette question, le Gouvernement pourrait rassurer l’ensemble des députés, qui sont globalement favorables à cette mesure.
Mme la présidente
La parole est à M. Frantz Gumbs, pour soutenir l’amendement no 2195.
M. Frantz Gumbs
Comme tous mes collègues l’ont très bien expliqué, il s’agit d’empêcher que la refonte du régime des allègements généraux des cotisations patronales n’ait, par ricochet, des conséquences sur le régime d’exonération des charges sociales patronales applicable en outre-mer, tel que l’a défini la Lodeom.
Compte tenu de la fragilité de ces territoires, et conformément aux conclusions d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales – Igas – dont il n’est pas encore tenu compte, il serait opportun de geler l’ensemble des paramètres de la Lodeom dans leur version actuelle. Ni plus, ni moins.
Mme la présidente
Monsieur le rapporteur général, vous avez défendu l’un des amendements identiques ; j’imagine que vous émettez un avis favorable ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Favorable en effet : nous étions tombés d’accord en commission et avions abouti à cette rédaction commune.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Vous proposez de pérenniser le dispositif d’exonération Lodeom en le figeant au 1er janvier 2024. Nous en discuterons à l’article 6, mais je peux d’ores et déjà annoncer que nous avons bien l’intention de conserver à ces territoires ultramarins un avantage comparatif significatif par rapport aux allégements généraux de droit commun.
Une mission est actuellement conduite par l’inspection générale des finances (IGF) et l’Igas, dont les conclusions devraient être connues la semaine prochaine. J’aurais préféré qu’elles arrivent plus tôt, afin que nous puissions en discuter en commission et en séance. Nous en tiendrons compte dans la rédaction du texte qui sera examiné au Sénat. Aussi, je vous demande de retirer les amendements. À défaut, mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon
J’entends vos arguments, madame la ministre, mais rien ne vous empêche de prendre des mesures de protection avant les conclusions de la mission. Je rappelle que nous devons faire preuve de vigilance quant à la situation de l’emploi : à La Réunion, par exemple, le taux de chômage atteignait 18,7 % au quatrième trimestre 2023. Nous ne pouvons prendre cette question à la légère ! Prenons des mesures de protection, adoptons ces amendements qui bénéficient d’un large consensus dans cette assemblée. Grâce à cet accord commun, nous avons l’occasion de terminer la soirée en beauté ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR et LIOT.)
Mme Prisca Thevenot
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Madame la ministre, il s’agit d’une mesure de précaution. Nous ne savons pas si l’article 6 sera adopté, ni comment il le sera. S’il ne l’est pas, vous ne pourrez pas prendre les décrets annoncés. Quant aux conclusions de l’IGF et de l’Igas, elles seront connues bientôt mais ne pourront être appliquées qu’en 2026.
(Les amendements identiques nos 833, 916, 919, 1377, 2164 et 2195 sont adoptés.)
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, demain, à quatorze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra