Première séance du jeudi 07 novembre 2024
- Présidence de M. Jérémie Iordanoff
- 1. Remédier aux déséquilibres du marché locatif
- Discussion générale
- Discussion générale
- M. Alexis Jolly
- M. David Amiel
- M. François Piquemal
- M. Laurent Lhardit
- M. Vincent Rolland
- M. Damien Girard
- M. Olivier Falorni
- M. Christophe Plassard
- M. Paul Molac
- M. Stéphane Peu
- M. Alexandre Allegret-Pilot
- M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission mixte paritaire
- Mme Valérie Létard, ministre
- Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
- Texte de la commission mixte paritaire
- Amendement no 1
- Vote sur l’ensemble
- 2. Projet de loi de finances pour 2025
- Première partie (suite)
- Après l’article 13 (suite)
- Amendement no 540
- M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
- Amendements nos 493, 2508, 2446, 2432, 1562, 1563, 2536, 3156, 1988, 2873, 3224, 1958, 3217, 3226, 3227, 1970, 960 rectifié, 90, 937, 947, 2315, 1983, 415, 950, 1130, 2323, 91, 2321, 1582, 117, 2870, 2644, 78 rectifié, 1350 rectifié, 1425, 1426, 2579, 1427, 328, 1303, 3618, 1027 rectifié, 2724, 2838, 3619 et 12rectifié
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 13 (suite)
- Première partie (suite)
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Remédier aux déséquilibres du marché locatif
Commission mixte paritaire
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale (no 492).
Discussion générale
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure de la commission mixte paritaire.
Mme Annaïg Le Meur, rapporteure de la commission mixte paritaire
Enfin ! Que le chemin fut long, semé d’embûches : un calendrier trop chargé, un amendement validé par erreur, de multiples rapports, de nombreux reports, une dissolution une semaine avant l’examen final et des notes blanches qui tombent juste avant le vote définitif… Tout cela n’a cependant pas mis à mal notre détermination et l’examen de ce texte arrive, enfin, à son terme.
Le chemin fut long, mais beau. De la sente empruntée aux côtés du député Vincent Rolland aux routes parcourues avec le député Inaki Echaniz, deux années ont été nécessaires pour nous retrouver aujourd’hui, ici, dans cet hémicycle. Deux années à glaner des informations, à parcourir les villes et les villages, à rencontrer les élus, les collectifs de citoyens, les professionnels de l’immobilier, de l’hôtellerie. Deux années qui ont enrichi ce texte, qui nous ont aussi enrichis. Le travail fut immense.
J’aimerais pouvoir vous décrire mes premières rencontres avec Marie Nédellec, adjointe au maire de La Rochelle, qui voyait en ce texte un espoir ; nos échanges avec notre ancien collègue Gilles Lurton, maire de Saint-Malo, qui, avec la fougue des pirates de sa cité, met tout en œuvre, expérimente, quitte à se retrouver face aux tribunaux ; l’engagement de Jean-René Etchegaray, qui nous a renseignés sur les problèmes basques ; et la volonté du président Marcangeli de préserver son territoire corse aux saveurs de clémentines.
De Milizac à Metz, de Paris à Saint-Denis de La Réunion, de Biarritz à Annecy, nous sommes allés à votre rencontre. Je remercie également les élus qui sont venus, ici, à l’Assemblée, il y a un an, pour une réunion de travail exceptionnelle, ceux qui nous ont transmis des notes, nous ont appelés, ont organisé des visioconférences. Nous avons fait cette loi pour vous, avec vous.
Ce texte vous permettra de réguler la location saisonnière, phénomène grandissant qui modifie nos villes et nos villages. Que restera-t-il des services publics, des écoles, des associations, mais aussi du vivre-ensemble, de l’identité territoriale, si, demain, nous n’agissons pas ?
Avoir un toit à l’année dans un contexte de crise est une priorité pour les citoyens mais aussi pour les entreprises qui peinent à recruter, faute de logements. La location de courte durée capte des biens qui avaient vocation à accueillir les salariés, les étudiants, les familles. Elle n’est pas la seule raison pour expliquer la crise du logement, nous en sommes conscients : cette crise est multifactorielle.
Redonner au logement sa fonction première est notre seul leitmotiv. Nous savons qu’il nous faudra construire, rénover, surélever, également conquérir des friches ; mais cela prend du temps, alors que nous avons là des logements existants qui pourraient revenir à la location de longue durée.
Les propriétaires ont choisi de louer à la semaine ou à la nuit pour éviter les impayés, pour pouvoir disposer de leur bien, pour plus de rentabilité et pour échapper aux obligations du diagnostic de performance énergétique (DPE). Nous le savons. Un statut du bailleur devrait les rassurer pour confier à nouveau leur bien à la location de longue durée.
Ce texte offre une boîte à outils aux maires, à tous les maires – jusqu’à présent, seules les communes de plus de 200 000 habitants en zone tendue pouvaient agir. Ils pourront désormais, partout en France, dans leur plan local d’urbanisme (PLU), appliquer le changement d’usage, décider de quotas, soumettre les biens au DPE, définir des zones dédiées à la résidence principale. Nous ne voulons pas attendre que les territoires soient tendus pour agir et préférons le préventif au curatif. Nous avons également voulu que la fiscalité soit plus juste, en réduisant les avantages offerts à la location de courte durée.
Je remercie les sénateurs pour leur implication : ils ont voté la proposition de loi à l’unanimité. La commission mixte paritaire (CMP) a permis d’adapter et d’enrichir le texte. Mon seul regret : qu’il soit toujours plus favorable fiscalement de louer un logement de tourisme. Le projet de loi de finances (PLF) permettra, je l’espère, que l’impôt ne distingue plus un bien selon son usage ou, si ce devait être le cas, que cela soit au bénéfice du logement de longue durée.
Un dernier mot pour le corapporteur, Inaki Echaniz. Nous portons tous deux un prénom et un nom régional, ce qui signe un attachement à nos territoires. Quand le Pays basque et le Béarn s’allient à la Bretagne, nous sommes forts pour lutter contre vents et marées. Certains définissent notre combat comme celui de David face à Goliath. Notre force fut d’être accompagnés et soutenus, partout en France. Nous avons su dépasser nos différends politiques au profit de l’intérêt général : c’est ce que nous demandent nos concitoyens.
Je souhaite que ce texte transpartisan soit voté. Il constitue une étape et non pas une fin. Nous devrons rester attentifs et faire confiance aux élus locaux pour l’adapter si besoin. Tous autant que vous êtes, partout en France, je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, Dem, HOR et GDR.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission mixte paritaire
Nous y sommes. Après deux ans de travail, un examen en première lecture déprogrammé à la dernière minute, une obstruction, une dissolution et quatre ministres du logement successifs, nous allons enfin pouvoir voter définitivement cette proposition de loi visant à réguler les meublés de tourisme. Nous avons tenu bon face aux vents contraires car, ce texte, nous le devions à toutes celles et à tous ceux qui se mobilisent depuis des années en faveur de l’habitat permanent.
Je parle ici de nombreux élus locaux d’appartenances politiques diverses, comme Jacques Baudrier et Barbara Gomes, élus communistes de Paris, Gilles Lurton, maire Les Républicains de Saint-Malo, Éric Fournier, maire centriste de Chamonix, Alexandre Mulatier-Gachet, premier adjoint de la ville d’Annecy, les élus socialistes Marie Nédellec, de La Rochelle, Pierre Froustey, de Vieux-Boucau, ou Anthony Krehmeier et Patrick Amico, de Marseille ; comme les maires Renaissance, Les Républicains et Abertzale de la communauté d’agglomération du Pays basque, comme Jean-René Etchegaray, Maider Arosteguy, Alain Iriart, Philippe Aramendi ; comme, enfin, Henri Bellegarde et Dany Barraud, des vallées béarnaises, pour ne citer qu’eux.
De nombreux mouvements citoyens et associatifs ont beaucoup nourri notre travail : l’association Alda, la plateforme Herrian Bizi – Se loger au pays –, la FAP ou encore le collectif national des habitants permanents.
En pleine crise du logement et face à l’augmentation explosive du nombre de meublés de tourisme, passé de 300 000 à 1,2 million en huit ans, ce texte était nécessaire, non pas pour interdire mais pour réguler, pour mener une politique préventive plutôt que curative. En effet, si l’économie touristique est précieuse, elle ne peut se développer excessivement, au détriment de la vie des quartiers, des services publics, des commerces de proximité, du logement des travailleurs, des étudiants, des familles, des personnes âgées, et de toutes celles et tous ceux qui donnent une âme à ces lieux et en construisent l’histoire.
Ce texte, à lui seul, ne résoudra pas la crise mais il permettra de réelles avancées pour en atténuer les effets. En premier lieu, il donnera à tous les élus locaux, car ce phénomène ne frappe pas uniquement les zones touristiques, la possibilité de mettre en place une régulation adaptée sans risque juridique. Désormais, les communes pourront solidement établir des autorisations préalables à la location touristique, des quotas de meublés de tourisme, le principe de compensation des locations, des zonages réservés à la résidence principale.
Le texte vise également à uniformiser les règles de décence énergétique, pour éviter une fuite des locations longues vers les locations courtes. Il permettra également de répondre à un enjeu de justice fiscale. Comment justifier, en effet, que le propriétaire d’un meublé de tourisme gagne plus et paye moins d’impôts qu’un propriétaire qui loue à l’année ? Je regrette que nous n’ayons pas pu aller plus loin à la fois sur le régime micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux) et sur le régime réel, qu’il faudra impérativement réformer, tout en protégeant mieux les gîtes ruraux et les maisons d’hôtes.
Nous aurions pu avancer plus vite mais ce texte demeure tout de même une belle victoire collective. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.) Je tiens à remercier l’ensemble des députés, sur tous les bancs – ou presque –, qui nous ont accompagnés : François Piquemal, William Martinet, Élise Leboucher, Julien Bayou, Danielle Simonnet, Stéphane Peu, Stéphane Delautrette, Christophe Plassard, Jean-Luc Bourgeaux, Vincent Rolland, Paul Molac, Jean-Félix Acquaviva et bien d’autres.
Une fois n’est pas coutume, je me dois aussi de remercier Guillaume Kasbarian, qui a su mettre de côté son costume de Margaret Thatcher, qui lui va si bien (Sourires), pour soutenir ce texte. Merci à mon président de groupe, Boris Vallaud, pour sa confiance, au groupe socialiste pour sa patience, aux sénateurs de gauche et, bien sûr, à ma chère Annaïg Le Meur.
Reste que le combat pour un logement digne et durable n’est pas terminé. En ces temps de crise il faut rapidement inciter à la location nue de longue durée par une baisse d’imposition des propriétaires bailleurs. Un amendement allant dans ce sens a été récemment voté lors de l’examen du PLF. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour qu’il soit conservé. Il est en outre essentiel de retrouver la confiance entre bailleurs et locataires, grâce à l’extension de la garantie Visale et, à terme, à la garantie universelle des loyers.
L’État doit, en même temps, assurer une protection accrue des locataires subissant des pratiques frauduleuses, en particulier les baux et les congés illégaux. Je n’oublie pas les bailleurs sociaux affaiblis, pour qui il faut renforcer le soutien financier, comme pour le logement étudiant. Il faut favoriser l’accession à la propriété en luttant contre la spéculation ou en renforçant le prêt à taux zéro (PTZ). Enfin, et j’ose dire surtout, investissons dans la rénovation énergétique des foyers, un des grands défis écologiques de la décennie à venir. Notre collègue Stéphane Delautrette présentera bientôt un texte en la matière.
Je mesure l’honneur qui m’a été donné de défendre cette proposition de loi qui me tenait tant à cœur. La façon dont nous avons pu la coconstruire est une grande satisfaction. Ce texte ouvre, je l’espère, la voie à de nombreuses avancées pour le logement – ce dernier, au cœur de la vie des Françaises et des Français, a été trop longtemps laissé à la marge des actions du Gouvernement. Je crois que le temps est venu d’une grande loi logement, afin de répondre à l’aspiration des Françaises et des Français à se loger dignement et durablement. (Les députés du groupe SOC se lèvent pour applaudir vivement. – Plusieurs députés des groupes DR, EcoS, Dem, HOR et GDR applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine
Le travail lancé il y a près de deux ans par Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz montre à quel point, quand on a des convictions chevillées au corps et qu’on défend un enjeu d’intérêt général, on sait réunir tous les bancs. C’est tout ce qu’on souhaite à un parlementaire : faire œuvre utile, concrète, au profit de nos concitoyens. Je tiens vraiment à saluer vos convictions communes.
Ce travail de longue haleine a connu de nombreux rebondissements tout long de ces derniers mois. Mais c’est un travail désormais abouti et je suis très heureuse de pouvoir le soutenir au nom du Gouvernement. C’est d’ailleurs un bel exemple de la capacité qu’a le logement de réunir des consensus transpartisans ; j’espère que cela sera encore le cas pour de nombreux textes, comme j’ai eu l’occasion de le dire hier devant la commission des affaires économiques.
Le phénomène d’éviction du logement locatif de longue durée au profit de la location meublée touristique est une réalité dans de nombreuses communes. Il touche les étudiants, les agents publics, tous ceux qui ont besoin de se loger et ne parviennent plus à accéder à un logement.
Plusieurs missions, dont celle de l’Inspection générale des finances (IGF), en 2022, et celle d’Annaïg Le Meur et de Vincent Rolland, en 2023, ont mis le doigt sur les difficultés profondes causées par la multiplication des meublés de tourisme. Cette hausse a été stimulée par plusieurs avantages concurrentiels, fiscaux ou normatifs, construits au fur et à mesure, de manière d’ailleurs souvent fortuite. Je pense notamment aux obligations de rénovation énergétique, qui pèsent sur le secteur locatif, mais pas sur les meublés de tourisme. Face à cette situation, il fallait rétablir l’équité.
Je souhaite saluer le travail du Sénat, le travail des rapporteurs Sylviane Noël et Jean-Paul Husson ainsi que la consultation menée auprès des élus locaux. Ce texte est aussi exemplaire eu égard à l’apport de chacune des deux assemblées.
Je ne détaillerai pas l’intégralité du texte, désormais bien connu de tous. J’insisterai simplement sur quelques mesures qui me semblent à même d’inverser la tendance dans les territoires qui ont besoin de rétablir un équilibre et d’offrir des logements de longue durée à leurs habitants.
Un travail collectif très fourni a été fait sur les normes de décence énergétique. Nous aurons très prochainement l’occasion, dans cette assemblée, de débattre du calendrier de la rénovation énergétique. Mais au préalable, il fallait assurer l’équité devant la loi entre les meublés touristiques et les logements de longue durée, afin d’éviter tout phénomène de fuite. C’est désormais une réalité, avec un équilibre que je salue, même si j’ai bien compris qu’il fallait continuer.
Avec cette loi, chaque meublé devra désormais être enregistré auprès de la mairie. Un numéro unique lui sera attribué par un téléservice que le Gouvernement mettra en place très rapidement, conformément d’ailleurs à des obligations européennes qui ont été utiles et précurseures en la matière.
S’agissant des sanctions, les amendes seront renforcées pour les loueurs se livrant à de fausses déclarations sous le numéro d’enregistrement des locations saisonnières. Une amende civile spécifique est par ailleurs prévue pour les plateformes ne se conformant pas à l’injonction du maire de retirer les annonces dont les numéros de déclaration ont été suspendus.
En plus de cette connaissance, les communes disposeront de nouveaux outils pour réguler le parc des meublés touristiques. Les maires auront la possibilité d’abaisser de 120 à 90 le nombre maximal par an de jours de location touristique dans une résidence principale, comme votre chambre l’avait voté.
Cela affectera très peu les Français qui font de la location meublée occasionnelle pour soutenir leur pouvoir d’achat. Quand bien même cela ne devrait pas changer le nombre de résidences principales, cela constitue néanmoins un signal important de confiance à l’égard des élus.
Ils pourront également instaurer dans leur commune des quotas de locations saisonnières et les maires de communes situées en zones tendues ou possédant plus de 20 % de résidences secondaires pourront créer des zones réservées uniquement aux résidences principales.
Le texte clarifie également la charge de la preuve en matière de changement d’usage. Ce sujet était bloquant pour beaucoup de collectivités, en particulier la Ville de Paris.
Le texte agit aussi au niveau des copropriétés, grâce à la mobilisation de Mme Gatel au Sénat, laquelle a abouti à un compromis intéressant, que vous avez accepté.
Enfin, la proposition de loi traite de la fiscalité des meublés touristiques. L’avantage fiscal dont bénéficient les propriétaires de meublés de tourisme apparaît excessif au regard de ceux dont jouissent les propriétaires de logements en location, et cela sans justification particulière compte tenu des charges induites par la gestion des biens.
Nous devons désormais mener un travail large sur la fiscalité, sur la rentabilité et sur la sécurité de l’activité de location résidentielle.
Cette proposition de loi renforcera nettement les instruments à la main des collectivités, pour réguler et maîtriser un phénomène qui menace la pérennité de l’offre de logements dans nos territoires tendus. Le Gouvernement soutient pleinement cette initiative, qui constitue un apport essentiel à notre ambition de relancer la politique du logement et d’aider nos concitoyens à retrouver un logement locatif. Bravo ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, DR et GDR ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à Mme la vice-présidente de la commission mixte paritaire.
Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
Pour la grande majorité des membres de la commission des affaires économiques, cette proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme constitue un aboutissement très positif.
Je remercie nos collègues Inaki Echaniz et Annaïg Le Meur pour les efforts prolongés qu’ils ont déployés pour y parvenir.
Évidemment, cette proposition de loi ne mettra pas fin à la profonde crise du logement que nous traversons. Je pense aux Français, bien trop nombreux, qui n’arrivent plus à se loger : plus de 300 000 sont à la rue dans notre pays et 4 millions sont mal logés.
Cette proposition de loi est fort utile pour faire face à la crise du logement. Trop de nos concitoyens n’arrivent plus à se loger, notamment dans les départements littoraux ou les centres historiques, car l’essentiel des logements, pourtant vides une partie de l’année, nourrit les bénéfices d’Airbnb et d’autres.
La transformation anarchique et incontrôlée de logements loués pour une très courte durée en meublés de tourisme doit cesser. Dire cela, ce n’est nullement remettre en question le développement du tourisme dans les territoires qui le souhaitent ou dont l’économie en dépend.
Cette proposition de loi est utile, d’abord parce qu’elle va renforcer les pouvoirs des élus locaux pour encadrer ces meublés de tourisme. La procédure d’enregistrement généralisée permettra aux élus locaux de disposer des informations nécessaires sur la part de loueurs et de plateformes dans leur territoire.
Les maires pourront plafonner à 90 jours le nombre annuel des nuitées autorisées dans une résidence principale. Cela suffit largement s’il s’agit seulement, pour les propriétaires occupants, de se ménager un complément de revenu.
Dans les quartiers en tension, les maires pourront définir des quotas de meublés de tourisme de courte durée ou décider d’assigner la construction de nouveaux logements à la résidence principale.
Cette proposition de loi était attendue des habitants qui souffrent des nuisances liées aux locations de courte durée. Désormais, une assemblée générale de copropriétaires pourra décider, à la majorité des deux tiers, d’interdire la location de meublés de tourisme dans leur immeuble.
Il a fallu faire des compromis pour que cette CMP aboutisse et les rapporteurs nous ont alertés sur deux points. Premièrement, les meublés de tourisme de très courte durée doivent désormais se conformer aux obligations de rénovation thermique. C’est un premier pas, mais ils disposent encore de dix ans pour que leur DPE ne soit plus classé F ou G. C’est excessif au regard du délai plus court imposé aux locations nues de longue durée. Deuxièmement, la proposition de loi a revu la fiscalité très avantageuse dont bénéficiaient les meublés de tourisme. Mais un écart important persiste avec les locations nues de longue durée.
Les contribuables louant un logement à une famille à l’année bénéficient d’un abattement de 30 % sur leurs revenus locatifs, alors que les revenus issus de la location d’un meublé de tourisme classé, lequel peut tout à fait être un Airbnb, bénéficient encore d’un abattement de 50 %. Qu’est-ce qui peut légitimer cela ?
Mme Sylvie Bonnet
Rien !
Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
Rien. C’est un privilège injuste, qui favorise la spéculation à vocation locative.
Je ne peux admettre que de tels privilèges fiscaux et réglementaires bénéficient aux promoteurs immobiliers ou aux ménages multipropriétaires ;…
M. Jean-Luc Bourgeaux
Je suis d’accord !
Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
…d’autant plus que 50 % du parc locatif est détenu par 3,5 % des propriétaires.
J’espère que nous pourrons remettre l’ouvrage sur le métier et avancer à ce sujet, comme ont commencé à le faire les rapporteurs Inaki Echaniz et Annaïg Le Meur, que je remercie de nouveau pour leur travail et leur esprit constructif. Je remercie également les parlementaires qui ont permis d’aboutir à cette proposition de loi, fruit d’un travail transpartisan et constructif. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EPR, SOC, DR, EcoS et HOR, ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. Philippe Gosselin
Et consensuel !
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à M. Alexis Jolly.
M. Alexis Jolly
Encore une fois, la gauche s’attaque aux petits propriétaires et aux familles qui n’ont pas les moyens de supporter une énième hausse fiscale. (« Oh là là ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
M. Nicolas Thierry
C’est parti !
M. Alexis Jolly
Cette proposition de loi, sous couvert de régulation des meublés de tourisme, est une manœuvre pour imposer de nouvelles taxes et faire payer ceux qui, le plus souvent, louent leur logement pour faire face aux charges qui explosent.
M. Hervé de Lépinau
Exactement !
M. Alexis Jolly
Pour beaucoup de foyers, il n’y a pas d’autre option que de recourir à la location de courte durée pour absorber l’augmentation des coûts de la vie.
Nous faisons face à une prétendue stratégie de régulation qui dissimule mal un objectif de ponction fiscale visant toujours les mêmes.
On parle ici d’une nouvelle fiscalité délirante et punitive : abaisser le plafond du micro-BIC de 77 000 euros à 15 000 euros et réduire l’abattement de 50 % à 30 %, c’est mettre le couteau sous la gorge de foyers tirant un revenu d’appoint de la location d’un bien immobilier, durement acquis ou hérité grâce au travail de leurs parents. Ce revenu locatif, souvent issu d’un bien familial, n’est pas un luxe.
La gauche fait toujours l’amalgame entre les petits propriétaires et les grands investisseurs immobiliers. Elle s’attaque sous ce prétexte au droit de propriété des particuliers,…
M. Hervé de Lépinau
Exactement !
M. Alexis Jolly
…lequel constitue un des fondements de notre république.
Ce projet de loi ne vise pas les détenteurs du grand capital, mais nos concitoyens ayant réussi à épargner et à se constituer un petit patrimoine. Résultat ? On décourage les petits propriétaires, ceux qui louent un logement pour arrondir leurs fins de mois, mais pas les grands investisseurs ou les plateformes internationales.
Vous favorisez les géants du secteur hôtelier, au détriment de ceux qui veulent simplement tirer un revenu complémentaire de leur bien immobilier.
Mme Annaïg Le Meur, rapporteure
Aux dépens de ceux qui cherchent un logement !
M. Alexis Jolly
Cette inégalité de traitement est scandaleuse, car elle laisse une large place aux grands acteurs de la location touristique, tout en matraquant les citoyens ordinaires.
M. Stéphane Delautrette
Encore la nuance.
M. Alexis Jolly
Ce n’est pas tout. En imposant des contraintes de performance énergétique aux locations saisonnières, la gauche frappe encore ceux qui ont le moins de moyens.
Comment pensez-vous que les petits propriétaires pourront payer les travaux de rénovation énergétique ?
M. Inaki Echaniz, rapporteur
La demi-mesure de l’extrême droite nous avait manqué !
M. Alexis Jolly
Les élus qui soutiennent ces mesures ne connaissent visiblement pas la réalité de ceux qui doivent déjà débourser des fortunes pour maintenir leur logement en l’état. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Philippe Gosselin
Vous n’avez pas le monopole du terrain ! Soyez modestes et cessez la démagogie !
M. Alexis Jolly
La conséquence directe de cette loi, c’est la réduction de l’offre de logements.
M. Jean-Luc Bourgeaux
C’est déjà ce qui se passe !
M. Alexis Jolly
On durcit les règles ; on s’étonne que l’offre diminue et que les prix augmentent ; enfin, on regrette que les ménages ne trouvent plus de logement.
Les effets sont pourtant simples à comprendre. En pénalisant les petits propriétaires, on diminue le nombre de logements disponibles et on pousse les loyers à la hausse.
Les mêmes qui défendent ce projet de loi seront ensuite les premiers à s’indigner de l’inflation des prix de l’immobilier et du difficile accès au logement. Il est pourtant évident que cette législation accentuera la crise du secteur locatif, laquelle frappera de plein fouet les classes populaires que la gauche prétend défendre. La vieille boutade est donc toujours d’actualité : « La gauche aime tellement les pauvres qu’elle en fabrique. » (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Hervé de Lépinau
Exactement !
Mme Marie-José Allemand
N’exagérez pas !
M. Philippe Gosselin
Faut se renouveler un peu !
M. Alexis Jolly
Cette proposition de loi alourdit par ailleurs les réglementations qui s’imposent aux propriétaires. Elle contraint les propriétaires souhaitant louer leur bien à obtenir l’approbation des deux tiers du conseil syndical de leur copropriété. Or, dans de nombreuses résidences, l’accueil d’une population de passage, souvent à l’occasion des vacances, rencontre fréquemment une opposition de principe, particulièrement lorsque la copropriété est composée d’habitants âgés.
De même, dans les immeubles essentiellement composés de résidences principales, les occupants permanents manifestent une réticence notable face aux locations de courte durée.
M. Philippe Gosselin
Elle peut se comprendre !
M. Olivier Falorni
Vous êtes hors-sol !
M. Alexis Jolly
Cette législation, sous couvert de régulation, entrave considérablement la liberté des propriétaires tout en accentuant les tensions au sein des copropriétés.
M. Philippe Gosselin
Allez donc vivre dans un immeuble de ce type !
M. Jean-Luc Bourgeaux
Vous verrez alors !
M. Alexis Jolly
Dans nos zones touristiques, que je connais bien, étant élu d’un département de montagne, l’économie repose en grande partie sur le tourisme, donc sur ces locations de courte durée et la flexibilité qu’elles apportent.
M. Jean-Luc Bourgeaux
C’est dommage qu’il n’habite pas Saint-Malo !
M. Alexis Jolly
Vouloir brider cette activité en limitant les nuitées et en réduisant l’offre de logements, c’est mépriser les réalités économiques de nos territoires. C’est mettre en péril des emplois touristiques et des modèles économiques fonctionnels, dynamiques et exemplaires sur le plan environnemental.
Le Rassemblement national soutient une régulation des abus liés à l’ubérisation de notre société, en réduisant l’autorisation de location annuelle d’un bien à 60 nuitées, contre 120 actuellement, et cela sans toucher à la fiscalité, afin de ne pas encore pénaliser ceux qui peinent déjà à joindre les deux bouts.
Nous refusons de voir la gauche étouffer encore une fois les petits propriétaires et les économies locales, surtout dans un contexte de hausse générale des prix.
C’est pourquoi nous voterons contre ce texte.
Mme Annaïg Le Meur, rapporteure
C’est honteux !
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Insignifiant !
M. Olivier Falorni
Ce discours ne marquera pas l’histoire…
M. le président
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel
Après ces propos outranciers et quelque peu déconnectés de la réalité de nos territoires (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, HOR et LIOT), je saluerai le travail transpartisan d’Annaïg Le Meur et d’Inaki Echaniz : à l’heure où la discussion budgétaire donne le sentiment d’une impuissance généralisée, cette proposition de loi nous redonne de l’espoir.
Elle démontre d’abord que les forces républicaines savent s’entendre, au terme d’un travail sérieux de plusieurs mois, pour faire face à une urgence économique et sociale. L’entente large est possible lorsque la régulation est utile et nécessaire. Les locations de meublés touristiques ont offert de nouvelles possibilités de vacances à beaucoup de Français et des compléments de revenus à beaucoup de petits propriétaires, mais leur développement s’est révélé anarchique.
M. Philippe Gosselin
Tout est dans le terme « anarchique » : ce qu’il faut, c’est encadrer la pratique.
M. David Amiel
Conçue pour ne procurer que des revenus d’appoint, la location de meublés touristiques s’est parfois transformée en un véritable business, avec ses professionnels, au point de priver les habitants de logement, de déstabiliser des quartiers et des villes entières et de nuire à la tranquillité du voisinage. Cette réalité, c’est celle du Finistère, du Pays basque, de Paris et de beaucoup de grandes villes et territoires touristiques.
Rappelons des principes simples : rien ne justifie de priver des petits propriétaires d’un complément de revenu et les Français de voyages d’agrément ; rien ne justifie non plus que nous acceptions que l’explosion de l’offre de meublés de tourisme prive les habitants et les travailleurs de logements de longue durée.
Un cadre avait été posé il y a quelques années : Julien Denormandie et l’ancienne majorité gouvernementale avaient très utilement renforcé les contrôles et sanctions des plateformes, mais d’autres instruments de régulation manquaient, ce qu’a démontré le rapport établi par Mme Le Meur.
Il fallait d’abord mieux prendre en compte la diversité des communes : la réponse ne peut pas être la même dans une ville soumise à une pression touristique considérable et où les prix de l’immobilier sont si élevés que les travailleurs ne peuvent plus se loger et dans des territoires exempts de ces problèmes. La proposition de loi tend justement à instaurer une souplesse de gestion au niveau local, en accordant des compétences élargies pour réglementer la création de locaux à usage touristique, en élargissant le régime de changement d’usage d’un local – enjeu très important – ou en abaissant la durée maximale de location de 120 jours à 90 jours.
Réguler plus fortement l’implantation des meublés touristiques grâce à une plus grande souplesse locale, tel a été notre premier point d’entente.
Notre entente a aussi été rendue possible du fait de la demande criante de justice : il n’était plus acceptable que la réglementation de l’énergie et les abattements fiscaux incitent autant à la location touristique et aussi peu à la location de longue durée. La proposition de loi, sur laquelle un accord a été trouvé avec le Sénat en CMP, tend donc à faire évoluer les exigences en matière de DPE et à corriger la niche fiscale liée aux locations de meublés touristiques.
Son examen démontre que nous n’avons pas d’autre choix que de nous entendre si nous voulons continuer de préparer des réformes après le vote du budget. Certaines, très importantes, doivent justement nous permettre de résoudre la crise du logement : la proposition de loi ne prétend pas le faire, mais seulement limiter l’un de ses facteurs, la prolifération anarchique des locations de meublés touristiques.
Pour aboutir, les travaux qui nous attendent devront être menés dans l’esprit qu’ont démontré Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz jusqu’à présent : celui d’un travail transpartisan, sérieux, dans la durée. C’est ainsi que nous pourrons répondre aux urgences auxquelles font face nos concitoyens. Pour ces raisons, les députés du groupe Ensemble pour la République voteront en faveur de cette proposition de loi, avec beaucoup d’enthousiasme et de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC et EcoS, ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à M. François Piquemal.
M. François Piquemal
Vivre au pays, autrement dit, vivre là où l’on a grandi, là où l’on a ses proches, sa famille, là où l’on est actif au travail et en dehors : nous sommes beaucoup à le souhaiter !
Dès lors, comment expliquer que des millions de nos concitoyens en soient empêchés par le coût du logement ? Comment expliquer qu’il ne soit pas possible de le faire en Bretagne, où le littoral compte des milliers de maisons vides hors de la saison touristique ? Comment expliquer qu’il ne soit pas possible de le faire dans de grandes villes comme Toulouse, où des multipropriétaires peu scrupuleux font la loi ? Comment expliquer que des sociétés financières comme Airbnb imposent leur loi à nos concitoyens du Pays basque ?
C’est parce que nous nous posons ces questions que nous ne pouvons que soutenir la proposition de loi défendue par Inaki Echaniz et Annaïg Le Meur, qui vise à réguler le marché des locations touristiques, notamment en permettant aux communes de fixer un quota de meublés de tourisme.
Si les problèmes persistent, il nous faudra peut-être aller plus loin en nous inspirant de mesures prises par d’autres en Europe. Je pense à celles décidées par Ada Colau lorsqu’elle était maire de Barcelone et dont j’ai pu mesurer les résultats lors d’un récent voyage d’étude parlementaire. Lorsqu’elle a été élue en 2015, la capitale de la Catalogne comptait 900 000 utilisateurs de la plateforme Airbnb, où la moitié des annonces était publiées par des multipropriétaires. La situation était devenue intenable pour des habitants exposés à des nuisances et à des problèmes d’accès au logement.
Ada Colau a alors lancé une vaste campagne de répression contre les annonces illégales de logement et a introduit des règles spécifiques à chaque quartier pour réglementer l’établissement de boutiques touristiques. En quelques années, elle est parvenue à remettre un peu d’ordre dans le grand bordel du capitalisme.
« Remettre de l’ordre », « en finir avec le laxisme », « faire preuve de fermeté »… Voilà une rhétorique que vous faites souvent entendre, collègues du Rassemblement national ! Pourtant, face à l’ensauvagement capitaliste du marché du logement, vous choisissez aujourd’hui la soumission et la lâcheté, et vous apprêtez à voter contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR, ainsi que sur les bancs des commissions.)
Visiblement, le lobbying d’Airbnb a fait son œuvre dans vos rangs ! Une nouvelle fois, vous vous affirmez comme le parti des multipropriétaires, lesquels spéculent sur le dos de millions de Françaises et de Français, alors même que s’est ouvert cette semaine le procès des effondrements d’immeubles survenus en 2018 dans le quartier marseillais de Noailles, qu’un drame comparable a été évité de peu en mars à Toulouse et que l’habitat dégradé est aussi le fait de multipropriétaires, souvent plus pressés de mettre leur logement en location de courte durée sur Airbnb pour faire du profit que de s’assurer du bien-être et de la sécurité des habitants des appartements voisins de ceux qu’ils possèdent. Vous êtes le parti de l’insécurité du logement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NP, SOC, EcoS et GDR ainsi que sur les bancs des commissions.)
Mme Nadine Lechon
Il faut s’arrêter, là !
M. François Piquemal
Comment ne pas se satisfaire qu’un propriétaire soit désormais obligé d’informer le syndic de sa volonté d’affecter un logement à la location de courte durée ? Mieux réguler les meublés touristiques permet à la puissance publique de reprendre le contrôle sur l’organisation urbaine, condition essentielle pour prévenir la spéculation et réduire les conséquences des catastrophes naturelles sur les constructions.
Permettez-moi une pensée pour les victimes des inondations survenues récemment en Espagne. Celles-ci ne sont pas le fruit du hasard, mais sont le symptôme de l’accélération du dérèglement climatique. Leurs dégâts ont été aggravés par le déni de ce phénomène, mais également par le manque de planification urbaine.
Collègues du RN, vos amis du parti espagnol Vox ont une grande responsabilité dans ce drame. Alliés à la droite, ils gouvernent dans la région de Valence. Qu’ont-ils fait ces derniers mois ? Ils ont voté contre une proposition de loi tendant à prévenir les inondations provoquées par le changement climatique en Méditerranée. Ils ont supprimé une unité d’urgence, créée huit mois plus tôt, qui devait permettre de raccourcir le temps de réponse à une catastrophe naturelle. Ils ont également supprimé l’agence du changement climatique.
Mme Marie Pochon
Eh oui.
M. François Piquemal
Dans le programme que vous défendiez derrière M. Bardella lors des dernières élections législatives, les seules propositions que nous trouvions en matière de logement étaient la suppression de l’interdiction de louer des passoires thermiques – bravo – et l’aménagement de l’interdiction d’imperméabiliser les sols. À Valence, c’est précisément l’imperméabilisation des sols qui a partie liée à la catastrophe.
Avec vous, c’est l’insécurité du logement et l’enfer climatique garantis ! Nos villes et nos logements deviennent le paillasson sur lequel votre entreprise américaine préférée essuie les pieds sales de son évasion fiscale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Marie-José Allemand
Très bien !
M. François Piquemal
Vous êtes le parti qui accepte que les habitants des zones touristiques ne puissent vivre au pays, car ils subissent la loi d’Airbnb. Nous leur disons qu’ils ont le droit de vivre au pays et qu’une société financière américaine n’a pas à dicter sa loi au peuple de France. (Mêmes mouvements) La France insoumise, consciente de la nécessité de permettre à ceux vivant dans les zones touristiques de se loger dignement, votera pour la proposition de loi. (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Victor Castor
Excellent !
M. le président
La parole est à M. Laurent Lhardit.
M. Laurent Lhardit
Le logement est un droit fondamental. Se loger, c’est être protégé ; le faciliter, c’est assurer la plus élémentaire des conditions d’existence, de sécurité et d’émancipation de nos concitoyens. Nous comptons encore et toujours 4 millions de mal-logés en France. Quelles que soient nos convictions, nous pourrons tous convenir qu’assurer la sécurité d’un logement pour chacun doit être l’une des toutes premières préoccupations de la représentation nationale.
À mon tour, je salue les rapporteurs : ils ont démontré qu’un travail parlementaire mené en parfaite intelligence, assis sur un dialogue réel ainsi que sur une volonté de compromis sincère donne toute sa puissance à la défense de l’intérêt général.
Par mes fonctions d’adjoint au maire de Marseille, j’ai pu mesurer à quel point le développement sans limite des meublés de tourisme, alors soutenu par un exécutif municipal très permissif,…
M. Jean-Luc Bourgeaux
Ce n’était pas entièrement de sa faute !
M. Laurent Lhardit
…mettait en danger l’équilibre de certains quartiers, leur vie économique et leur cohésion sociale. J’ai mesuré aussi combien ce développement exponentiel a mené à l’exclusion sociale : il a provoqué l’envolée des prix de l’immobilier, la baisse de fréquentation de certains commerces, la dévitalisation de quartiers entiers et a chassé les habitants – souvent les plus jeunes ou les plus âgés – qui ne trouvaient plus à se loger dans le quartier où ils ont toujours vécu.
Aux côtés de Benoît Payan, nous avons pris de nombreuses mesures pour limiter et réguler l’impact de plateformes comme Airbnb. Nous sommes aujourd’hui allés au bout des possibilités qu’offrait la loi pour faire face à une dynamique d’autant plus prédatrice qu’en transformant un logement en simple produit financier, elle ouvre la voie à toutes les formes de fraudes.
L’adoption de cette proposition de loi fournira aux élus locaux des outils supplémentaires puissants, applicables sans conditions de zonage et adaptés aux situations locales. En élargissant les prérogatives des maires, elle permettra la régulation la plus adaptée.
La proposition de loi comprend des mesures de régulation efficaces, notamment des mécanismes de quotas ou des zones réservées aux seules résidences principales. Elle généralise aussi l’enregistrement des meublés de tourisme, pour une meilleure connaissance du parc et son plus grand contrôle. Elle prévoit une réduction sensible de l’avantage fiscal que permettaient les meublés de tourisme, contrairement à la location nue.
Seul regret – profond et partagé au sein de mon groupe : que le Sénat se soit arc-bouté pour maintenir un abattement de 50 % pour les meublés de tourisme classés. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour que les critères de classement soient suffisamment stricts et exigeants pour justifier d’un tel écart d’avantage fiscal.
Enfin, nous espérons que le projet de loi de finances en cours d’examen comprendra des avancées sur l’amortissement et le régime réel, afin que l’ensemble des enjeux fiscaux soit enfin traité au bénéfice du logement de longue durée.
Cette proposition de loi est attendue avec impatience par des centaines de maires, de Paris à Biarritz, d’Annecy à Saint-Malo. À Marseille, le conseil municipal se tient prêt à délibérer dès la promulgation de la loi, pour appliquer la réglementation la plus stricte en France, à la mesure du fléau qu’il combat.
Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour résister aux lobbys, qui sont déjà à l’œuvre pour ralentir la publication des décrets d’application. Ceux-ci doivent paraître rapidement, car les maires doivent disposer aussi vite que possible de moyens d’agir – rien ne justifierait d’attendre.
Mes chers collègues, les membres du groupe Socialistes et apparentés voteront cette proposition de loi avec enthousiasme, car c’est une mesure de justice qui améliorera les conditions d’existence de millions de nos concitoyens, mais conscients qu’il nous faudra aller plus loin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR et sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Vincent Rolland.
M. Vincent Rolland
Dans cette Assemblée nationale remaniée, où certains n’imaginaient que des blocages, il est des questions sur lesquelles des compromis sont possibles, entre deux discussions budgétaires. Celle des outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale en est une.
Ce texte révisé, issu du travail avec nos collègues sénateurs en CMP, entend lutter contre la pénurie de logements à l’année dans certaines zones touristiques. Ce texte n’apporte évidemment qu’une réponse partielle aux difficultés colossales que rencontre le secteur du logement, mais il est de notre responsabilité de saisir chacune des occasions qui se présentent de remédier à cette situation.
Concrètement, ce texte renforce la boîte à outils des maires pour réguler les meublés de tourisme. Il consacre le fait que l’échelon local est le plus pertinent pour appliquer des dispositions spécifiques sur le logement. Les grandes mesures générales butent toujours sur la spécificité de nos territoires – élu de la montagne, je peux vous le certifier. Les maires pourront désormais instaurer des quotas et les communes pourront mieux contrôler la qualité de résidence principale pour limiter les fraudes, grâce à une procédure d’enregistrement des meublés dans laquelle des preuves seront exigées.
Surtout, il sera possible de créer des zones où les constructions nouvelles seront réservées durablement à l’usage des résidences principales si la commune est située en zone tendue ou si plus de 20 % de son parc est constitué de résidences secondaires. C’est une proposition que nous avions formulée, avec Mme Annaïg Le Meur, dans notre rapport sur le logement. C’est aussi une demande majeure de nos concitoyens, qui n’arrivent plus à se loger sur leur lieu de travail parce que l’explosion des prix de l’immobilier et du foncier les en empêchent. C’est un point fondamental.
Mme Émilie Bonnivard
Très bien !
M. Vincent Rolland
Concernant les plateformes, les maires auront la possibilité, au 1er janvier 2025, d’abaisser le nombre maximal de jours de location des résidences principales à 90 jours, contre 120 jours actuellement.
Ce texte apporte du pragmatisme sur plusieurs points. Il adapte d’abord les règlements de copropriétés : pour interdire la location de meublés, un vote à l’unanimité ne sera plus nécessaire, la majorité des deux tiers suffira. Par ailleurs, les nouveaux meublés de tourisme en zone tendue soumis à une autorisation de changement d’usage devront respecter les mêmes règles, s’agissant du DPE, que les autres meublés ou locations nues. Pour les locations existantes, je me réjouis qu’une solution plus acceptable ait été trouvée que celle votée en mai : on laissera, non pas cinq, mais dix ans aux propriétaires pour obtenir l’étiquette D. À ce propos, il existe encore trop de divergences entre les résultats des différents prestataires pour que nous ne cherchions pas à faire évoluer les méthodes d’évaluation du DPE.
Le volet fiscal de cette proposition de loi était pour nous un sujet épineux et ce texte, je l’ai dit, est le fruit d’un compromis. Je suis convaincu que ce n’est pas avec la fiscalité que l’on rééquilibrera réellement le marché. Il faut arrêter de changer sans arrêt les règles fiscales en cours de partie : cela décourage et met à mal les petits investisseurs.
Mme Sylvie Bonnet
Il a raison !
M. Vincent Rolland
La version initiale du texte, qui réduisait drastiquement les taux d’abattement des meublés de tourisme classés et les plafonds annuels, n’était pas acceptable. Notre groupe a pesé pour obtenir un texte beaucoup plus équilibré, avec une révision modérée du taux d’abattement, qui passe de 71 à 50 %, et un ajustement du plafond. Nous nous réjouissons d’avoir évité un rabotage qui aurait été dévastateur pour nos territoires et, dans ces conditions, nous voterons pour ce texte. Je remercie les rapporteurs pour leur travail au long cours. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, sur plusieurs bancs des groupes EPR, HOR et SOC ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Damien Girard.
M. Damien Girard
L’explosion du nombre des Airbnb et autres meublés de tourisme a des conséquences directes sur la vie des gens et sur leur capacité à se loger, à se projeter et à se sentir en sécurité. Dans les grandes métropoles ou les zones touristiques, les offres de logement à l’année diminuent, les prix s’envolent, les classes moyennes et populaires sont chassées des centres-villes, les couples qui se séparent sont parfois contraints de vivre ensemble. Un Français sur dix connaît des difficultés durables pour accéder à un logement.
Cette crise du logement est une crise du quotidien. Dans ma circonscription comme ailleurs, des parents craignent que leurs enfants ne puissent pas se loger là où ils sont nés, faute de logements à un prix abordable. Dans l’agglomération de Lorient, le nombre de locations Airbnb a bondi de 19 % en un an, alors que 7 800 ménages attendent un logement social ; des étudiants dorment dans la rue. Sur l’île de Groix, l’omniprésence des Airbnb porte atteinte aux hôteliers, fragilise les commerces, rompt le dynamisme du tissu local. Laisser courir un modèle comme Airbnb, c’est alimenter le ressentiment et le sentiment de déclassement. Plus d’Airbnb, c’est plus d’insécurité pour les classes populaires et les classes moyennes ; c’est aussi moins de mixité et de vie de quartier. Ces situations, vous les retrouvez toutes et tous dans vos territoires.
C’est pourquoi cette proposition de loi est bienvenue ; elle poursuit le combat de ma collègue Danielle Simonnet, que je remplace aujourd’hui et que je remercie pour son engagement et son travail. Ce texte est vertueux car il s’attaque de façon ciblée aux multipropriétaires loueurs. Il tend à doter les pouvoirs publics de moyens réels de contrôle, en exigeant notamment des propriétaires mettant en location leur bien qu’ils fournissent leur dernier avis d’imposition. C’est un progrès dans la lutte contre la fraude. L’inscription en toutes lettres de cette mesure dans le texte doit engager le Gouvernement à la reprendre dans le décret d’application.
Les pouvoirs supplémentaires confiés aux maires répondent à une attente forte. Même si nous aurions préféré qu’il soit ramené à 60 jours, nous nous félicitions que le nombre maximal de jours de location d’un meublé de tourisme ait été abaissé à 90 : cela permettra de réguler l’activité d’Airbnb dans les zones en tension. Par ailleurs, la possibilité donnée aux maires de restreindre le nombre de locations de meublés ou de réserver certaines zones aux logements d’habitation principale ouvre une marge de manœuvre pertinente. Les dispositions relatives à la copropriété doivent également préserver la tranquillité des voisinages et impliquer les résidents dans la gestion de leur cadre de vie.
Il va de soi que cette proposition de loi ne peut, ni ne prétend, résoudre à elle seule l’intégralité de la crise du logement. Elle ne traite pas de la question de la multirésidence secondaire, ni de la fragilisation du modèle économique du logement social, mis à mal par les politiques macronistes. Je pense notamment à la réduction de loyer de solidarité – RLS – qui a ponctionné 1,3 milliard d’euros par an depuis 2018 dans les caisses des offices de logements sociaux ou à l’augmentation de la TVA sur la production de logements sociaux. Ces décisions ont eu un impact majeur sur leur contruction, qui est au plus bas. Il importe de soutenir les bailleurs sociaux, sans tarder.
Cela étant, ce texte donnera à l’État et aux maires des moyens concrets d’agir face à l’explosion des meublés de tourisme ; le groupe Écologiste et social le votera. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC, sur quelques bancs du groupe DR ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Olivier Falorni.
M. Olivier Falorni
L’accord trouvé en commission mixte paritaire constitue une avancée importante dans la lutte contre la crise du logement, puisqu’il nous fournit de nouveaux outils pour lutter contre la prolifération incontrôlée des locations de type Airbnb dans les zones tendues, de la Bretagne au Sud-Ouest, du littoral à la montagne. Je remercie les rapporteurs pour le travail qu’ils ont mené. Nous devons continuer à œuvrer pour garantir des logements de qualité et abordables ; il s’agit, vous le savez, d’une préoccupation constante du groupe Les Démocrates.
Comme de trop nombreux territoires touristiques, La Rochelle et l’Île de Ré ont souffert de l’explosion du nombre de meublés de tourisme. En quatre ans, La Rochelle a ainsi vu leur nombre augmenter de plus 200 % ; ils représentent désormais 12 % du parc immobilier de la ville, ce qui oblige les habitants à aller toujours plus loin pour trouver des habitations à un prix abordable. Or cette dynamique négative est parfois de nature à changer ce qui fait la singularité d’une ville, à savoir son esprit et son visage.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous voyons partout à travers le monde des villes prendre des décisions drastiques pour limiter, voire interdire, les locations de tourisme meublées. C’est par exemple le cas de Barcelone et de New York. Notre qualité de pays le plus visité du monde nous oblige également à agir. Il ne s’agit pas de prendre des décisions excessives, mais de mettre fin à certaines aberrations qui favorisent ce type de location de courte durée, alors que nous manquons cruellement de logements sur le marché. À cet égard, la fin de cette fameuse niche fiscale Airbnb est une excellente nouvelle. L’alignement des exonérations pour les meublés touristiques sur les locations de longue durée mettra fin à l’appel d’air qu’avait créé cet avantage fiscal.
Je sais, chers rapporteurs, que vous auriez souhaité un régime moins avantageux pour les meublés de tourisme classés, mais il faut saluer l’immense avancée que nous réalisons aujourd’hui et donner désormais de la stabilité à nos concitoyens sur le régime appliqué aux investissements locatifs.
Si la fiscalité est une part importante des évolutions de ce texte, elle ne saurait résoudre à elle seule le problème de l’explosion du nombre de locations saisonnières. L’obligation de respecter un calendrier en matière de DPE, notamment pour les nouvelles locations, comble un oubli de la loi « climat et résilience » et évitera la fuite de certains logements vers un régime moins-disant sur le plan environnemental.
Mais c’est surtout la boîte à outils mise à la disposition des élus locaux et des communes pour limiter les changements d’usage qui permettra d’apporter de véritables réponses et de sécuriser juridiquement les décisions prises par de nombreuses villes pour limiter ces locations. Ainsi, la création d’un quota d’autorisations temporaires de changements d’usage redonne aux mairies un pouvoir souple et équilibré, qui leur permet d’agir sur une prolifération jusqu’ici incontrôlée.
Dans une proposition de résolution, le groupe Dem appelait en début d’année à rebâtir une politique du logement cohérente et efficace. Nous devons mener un travail de fond global pour réussir à relancer la construction, mieux mobiliser les logements vacants, fluidifier le marché locatif, dans le parc privé comme dans le parc social, soutenir les rénovations ou encore faciliter les transmissions. Alors que le logement est devenu le premier poste de dépenses des Français, vous nous trouverez à vos côtés pour mener ces chantiers, madame la ministre. (Mme la ministre acquiesce.)
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Démocrates soutiendra ce très bon texte transpartisan. Se loger ne peut pas, ne doit pas être un luxe. Au contraire, ce droit fondamental doit être une réalité au quotidien, partout et pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, sur quelques bancs des groupes EPR, SOC et DR ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Christophe Plassard.
M. Christophe Plassard
Un long processus, témoin d’un engagement collectif sans faille, aboutit enfin : communiqués de presse, mobilisation législative, interruption puis reprise de l’examen en séance publique, nouvelle interruption de la navette pour cause de dissolution, jusqu’à la convocation d’une nouvelle commission mixte paritaire. Ce long processus trouve aujourd’hui un point final à l’Assemblée, après l’adoption du texte issu de la CMP par nos collègues du Sénat.
Beaucoup de temps a donc été consacré à ce texte qui est le fruit d’un travail transpartisan, d’Inaki Echaniz et d’Annaïg Le Meur – le Basque et la Bretonne –, de la gauche à la droite. Il apporte la preuve rafraîchissante qu’un tel travail est possible. J’en suis d’autant plus fier qu’à chacune de mes rencontres avec les habitants de ma circonscription, ils me rappellent la piètre qualité de nos débats, s’indignent du comportement des députés et de notre incapacité à faire prévaloir sérieux, engagement et responsabilité dans un monde si complexe. Xavier Roseren dans les Alpes, Julien Bayou à Paris au cours de la précédente législature et moi-même en Charente-Maritime avons rappelé à quel point nous représentons nos territoires.
Que sommes-nous parvenus à construire avec un tel collectif ? Nous héritions d’une situation laissée dans son état législatif de 1974, devenu obsolète face au changement des besoins, à la présence de nouveaux acteurs disruptifs et opportunistes ; nous arrivions après des batailles judiciaires gagnées ou perdues à Saint-Malo, sur l’île d’Oléron ou à Biarritz.
Le présent texte, qui régule les locations de courte durée, vise à rééquilibrer le cadre fiscal, à actualiser le cadre réglementaire, à doter les maires d’une boîte à outils. Globalement, il constitue un progrès. Il ne comblera pas le manque de logements en France mais il y contribuera, notamment en zone tendue, où la crise du logement est plus ancienne et plus violente encore, particulièrement dans les communes touristiques.
Qu’une ville soit touristique est une chance ; y vivre à l’année est un calvaire. Alors que le nombre de résidences secondaires restreint le foncier disponible, que l’expansion géographique est limitée par la nécessaire préservation des espaces naturels et que les meublés de tourisme rognent le marché locatif de longue durée, ceux qui travaillent ou vivent sur place ne peuvent plus se loger. Les villes balnéaires sont tout aussi concernées que les zones touristiques de montagne, qui font l’objet de l’engagement de mon collègue Xavier Roseren – je le salue.
Il n’est pas question d’empêcher ceux qui le souhaitent d’acquérir une résidence secondaire dans leur ville de cœur, ni d’interdire les locations meublées touristiques, partie intégrante de l’attrait des communes et de la vie économique locale. Il s’agit plutôt de corriger des injustices, notamment fiscales, qui favorisent les locations meublées touristiques au détriment des locations de longue durée. Ces dernières sont devenues bien trop rares, en particulier dans les communes soumises à la loi « littoral » ou à d’autres contraintes limitant la construction de nouveaux logements.
Les plateformes sont arrivées avec une promesse simple : mettez votre logement en location quelques jours ou quelques semaines, cela vous aidera à payer vos charges, vos travaux ou vos vacances. Mais elles ont été servies par un abattement fiscal de 71 % et un plafond de 188 000 euros, par la bien meilleure rentabilité de la location au jour ou à la semaine, par les aléas du bail locatif et par l’obligation d’isoler un logement en location, auxquels leurs adhérents pouvaient échapper. Dans plusieurs communes, elles ont fini par cannibaliser le marché immobilier : des immeubles entiers ont été achetés par des investisseurs qui ne font que de la location de courte durée, captant des logements autrefois loués à l’année. Comme le dirait François Jolivet, la facturation d’un service a remplacé le contrat de bail.
La proposition de loi ne résoudra pas tous les problèmes liés à la crise immobilière mais contient des avancées essentielles : l’universalisation du numéro de déclaration ou d’enregistrement des meublés de tourisme ; le renforcement des obligations et le contrôle de la décence et de la sécurité des meublés ; l’interdiction de la location en tant que meublé de tourisme d’un local visé par un arrêté de péril ; le fait de soumettre toute nouvelle mise en location d’un meublé de tourisme aux mêmes conditions de performance énergétique que celles qui s’imposent aux locations longue durée ; de doter les élus locaux de compétences élargies pour réglementer l’implantation des locaux à usage touristique, en élargissant à toutes les communes le régime du changement d’usage d’un local ; ou en donnant aux communes la possibilité, sur délibération, d’abaisser à 90, contre 120 actuellement, le nombre maximal de jours durant lesquels une personne peut louer un meublé de tourisme. Le texte modifie enfin la fiscalité, réduisant les abattements et les plafonds, afin de réduire l’avantage de la location courte durée.
Je salue le fait que les biens classés bénéficient d’un plafond plus avantageux destiné à encourager une meilleure qualité de l’offre touristique. Je regrette cependant que l’abattement fiscal de la location longue durée reste encore en deçà de celui dont bénéficie la location courte durée ; cela aurait permis d’encourager les propriétaires, qui participent à rebâtir l’offre de logements.
L’objectif du texte était clair : faire en sorte que les locations touristiques de courte durée restent accessibles sur les plateformes ; conserver ou remettre sur le marché des biens afin de loger les habitants à l’année. Il est en grande partie atteint. Même si le logement, qui souffre tant en ce moment, doit encore être soutenu, le groupe Horizons & indépendants votera en faveur de la présente proposition de loi transpartisane. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et SOC, sur quelques bancs du groupe DR ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac
Bravo pour votre ténacité, chers rapporteurs ! Après deux années de travail sur cette proposition de loi, l’alliance entre la Bretagne et le Pays basque a vaincu la houle et les vents contraires.
Je suis député depuis douze ans et je peux vous dire que le logement est, avec les déserts médicaux, un point noir dans ma circonscription. Depuis la crise covid, le problème s’est encore aggravé. La multiplication des résidences secondaires et des meublés de tourisme l’explique en partie. Certaines zones touristiques sont soumises à une pression particulièrement forte. L’absence de logements disponibles et la hausse des prix font que certains de nos concitoyens ne peuvent plus se loger là où ils travaillent. Quand leur emploi se trouve sur la côte sud, ils sont obligés de monter très au nord pour trouver un logement ; ils sont parfois contraints de vivre dans leur voiture. C’est ça la réalité ! Certains, ici, ne semblent pas vouloir le comprendre : des gens dorment dans leur voiture !
M. Jean-Luc Bourgeaux
Exact.
M. Paul Molac
De leur côté, les chefs d’entreprise ont du mal à embaucher : les candidats potentiels refusent le poste s’il n’est pas accompagné d’une offre de logement car ils ne veulent pas voir leur salaire passer dans le loyer.
Les plateformes comme Airbnb, souvent montré du doigt, sont un peu responsables.
M. Frédéric Falcon
Elles ne sont pas taxées ! Taxez-les !
M. Paul Molac
En dépit de nombreuses alertes, les logements loués à court terme ont bénéficié d’un cadre légal plus favorable ; c’est incompréhensible ! Certains territoires, en fait toutes les côtes et toutes les montagnes,…
Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
Et les centres-villes !
M. Paul Molac
Ça fait beaucoup ! Disons qu’une majorité des territoires sont concernés. Nous réclamons de longue date de nouveaux outils à la main des élus locaux. Pour ma part, j’ai milité en ce sens dès le projet de loi de finances rectificative de juillet 2022. Je n’ai pas été compris tout de suite, mais certains collègues se sont penchés sur la question et le sujet a été évoqué quelques mois plus tard, lors de l’examen du budget. C’est ainsi que les idées avancent dans cet hémicycle.
Le groupe LIOT salue l’article 1er, qui vise à soumettre les meublés de tourisme à la réalisation d’un DPE, sauf lorsque le logement constitue la résidence principale du loueur.
De fait, ce texte n’a pas pour but de gêner les petits propriétaires qui cherchent à louer une ou deux chambres mais bien de sortir d’une situation où des immeubles entiers, comme à Saint-Malo, sont destinés à l’hébergement de courte durée – une boîte à clefs suffit et tient lieu de concierge.
Nous allons donner des outils aux maires. Les deux premiers maires à être intervenus, Jean-René Etchegaray à Bayonne et Gilles Lurton à Saint-Malo, n’étaient pas des gauchistes, mais des élus qui voulaient que les habitants continuent de vivre à l’année dans le centre-ville. Quand un centre-ville perd ses habitants, qu’il n’est plus occupé que par des gens de passage, la vie sociale disparaît, et la ville ne vit plus.
Cette proposition de loi est bienvenue, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires la soutiendra. L’ajout de seuils permet d’éviter que les petits propriétaires soient pénalisés : je ne comprends donc pas l’attitude du Rassemblement national ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS et sur les bancs des commissions.) Si je pouvais voter des deux mains, je le ferais ! (Mêmes mouvements.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu
Nous nous réjouissons de voter – enfin ! – ce texte. L’enjeu est important. Il constitue en effet l’une des réponses, sinon à la crise du logement, qui suppose d’agir à une tout autre échelle, du moins à la raréfaction inquiétante de l’offre de logement dans le parc locatif privé. Dans de nombreuses villes, l’essor de l’hébergement touristique par des particuliers s’est mué en un business qui pénalise lourdement non seulement les habitants, les salariés et les étudiants, mais aussi – cela a été souligné – le tissu économique local.
Le nombre des hébergements de ce type a quasiment triplé depuis 2016, pour s’établir à plus de 800 000, avec pour corollaires un renchérissement des coûts du foncier, l’éviction des résidents permanents, des troubles de voisinage au sein des copropriétés, la disparition des commerces de proximité et la dévitalisation du tissu urbain – cela fait un beau florilège de nuisances. Cette vogue très lucrative des meublés de tourisme laissait jusqu’ici les maires des communes et des agglomérations concernées assez démunis ; la présente proposition de loi vient enfin remédier à cette situation.
Après des années d’âpres combats menés par les plateformes de certaines multinationales du numérique, à l’instar de Airbnb, qui pensait se mettre à l’abri de la législation française en devenant partenaire des Jeux olympiques de Paris 2024, le lobbying cède enfin le pas devant l’intérêt général.
Le texte issu des deux chambres contient des évolutions majeures. Première avancée, la généralisation du numéro de déclaration – ou numéro d’enregistrement – des meublés de tourisme à l’ensemble des territoires affectés, notamment, par une attrition du logement. La mesure permettra aux communes concernées de mieux connaître leur parc de meublés et d’agir en conséquence. Nous regrettons néanmoins que le texte renvoie à un décret l’établissement des pièces à fournir pour enregistrer les biens loués et justifier de leur qualité de résidence principale. Le Sénat avait préconisé, plus simplement, la production du dernier avis d’imposition.
Autre avancée, l’extension aux meublés de tourisme des obligations de décence énergétique qui s’imposent à la location traditionnelle. Cette disposition permettra d’éviter que les propriétaires de logements qui ne répondent pas aux critères énergétiques de décence s’exonèrent de leurs obligations en les transformant en meublés de tourisme, au détriment des personnes qui cherchent à se loger.
La possibilité donnée aux communes d’abaisser de 120 à 90 le nombre maximal de jours de location d’une résidence principale, supprimée par le Sénat, a été rétablie. Nous nous en réjouissons, même si nous souhaitions abaisser ce seuil à 30 jours par an.
Le texte comporte deux autres avancées attendues : la faculté donnée aux communes qui le souhaitent d’instaurer un régime d’autorisation préalable des changements d’usage des locaux ; la faculté donnée aux élus locaux de définir des zones où les nouvelles constructions doivent être exclusivement réservées à la résidence principale.
Enfin, le texte s’attaque au régime fiscal des locations de meublés touristiques, outrageusement avantageux, que nous dénonçons depuis des années. Ce point a fait l’objet de discussions difficiles avec le Sénat, ce qui montre que le régime fiscal des locations constitue le nerf de la guerre. En effet, c’est lui qui incite tant de propriétaires à louer leur logement en meublé de tourisme plutôt qu’en logement classique.
Nous saluons ce texte, qui constitue une avancée importante – y compris sur le volet fiscal – dans la régulation d’un phénomène qui participe à l’ubérisation de l’économie et vampirise la politique du logement, au détriment des droits les plus élémentaires de nos concitoyens et de la vie des territoires. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera en sa faveur. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et EcoS ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. le président
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Nous sommes en 2024 après Jésus-Christ. Toute la Gaule est occupée par l’administration administrante, des taux d’intérêt élevés, une fiscalité des plus lourdes et un coût croissant des normes. Toute ? Non. Car un petit village peuplé d’irréductibles propriétaires résiste encore et toujours à l’envahisseur normatif et fiscal. Ils possèdent des meublés de courte et moyenne durée, qui ont la particularité de présenter un rendement attractif. Quelque chose fonctionnerait donc en France, sans sur-réglementation ni subventions arbitraires :…
M. Philippe Brun
Tu t’y connais, en subventions arbitraires !
M. Alexandre Allegret-Pilot
…un modèle fondé sur la rentabilité locative plutôt que sur la spéculation ; un système permettant de réinvestir pour rénover, consolider, améliorer.
Il faut immédiatement mettre un terme à cette folie ; le Parlement va s’en charger. Où allons-nous, si nous respectons le principe de prévisibilité des normes, au bénéfice de familles qui ont investi les économies d’une vie dans un actif à la rentabilité lointaine ? Où allons-nous encore, si nous tenons compte des nombreuses analyses qui pointent la fréquence des fraudes au DPE, son effet dissuasif sur les mises sur le marché locatif et le poids délétère de la fiscalité ? Déclaration, autorisation préalable, zonage communal, diagnostic de performance énergétique, limitation du nombre de jours de location, fiscalité à la hausse : nous assistons au retour tant attendu de l’économie soviétique administrée. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
M. Inaki Echaniz, rapporteur
Tout dans la mesure ! C’est bien dommage de finir à ce niveau !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Peu importe, me direz-vous : les gouvernements successifs ont détricoté tout lien entre le monde réel et les finances communales. Comment favoriser les décisions créatrices de richesses lorsque les communes n’y sont pas directement associées ? Vous avez laminé toute incitation efficace au financement des logements. Tant pis, les pots cassés seront pour un prochain président. Étendre encore le DPE et ses contraintes emportera des conséquences déplorables sur un marché immobilier qui part de trop loin pour s’y conformer dans les délais impartis. Ce n’est pas une coïncidence si les transactions dans l’ancien chutent depuis mi-2021. Les prix leur emboîtent le pas et les constructions, quant à elles, sont à l’arrêt.
Vous le savez et alimentez pourtant cette machine infernale. Les mêmes qui ont laminé notre parc nucléaire et notre indépendance énergétique expliquent que les Français doivent désormais payer pour réduire les émissions de gaz à effet de serre liées à leur logement, afin d’offrir une bonne conscience écologique et antilibérale à notre classe dirigeante épiméthéenne. Il faut décidément croire qu’en France, on ne change pas une méthode qui perd ! Quitte à saborder un secteur entier, autant ne pas faire de prisonnier : tous les propriétaires doivent y passer. Ce texte prétend annuler l’effet d’aubaine dont bénéficierait le meublé touristique…
Plusieurs députés du groupe SOC
Oui !
M. Alexandre Allegret-Pilot
…en alignant son régime sur celui des résidences principales en matière d’exigences énergétiques et sur celui des locations de longue durée en matière fiscale. Ce n’est pas en crevant le second pneu de la bicyclette qu’elle avancera plus vite.
M. Nicolas Sansu
Quelle belle image !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Pourtant, c’est ce que vous faites…
M. Arthur Delaporte
Vous n’avez rien compris au texte !
M. Alexandre Allegret-Pilot
…alors qu’on compte 800 000 meublés de tourisme pour un stock national de 38 millions de logements. Je vous invite, au contraire, à étendre le régime dont bénéficient les meublés de courte et moyenne durée, en réduisant le poids normatif et fiscal disproportionné qui s’applique à l’ensemble du secteur.
M. Pierre Pribetich
Non, il faut réguler !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Cela limiterait la paralysie dans laquelle le marché s’enfonce inexorablement, avec un taux de vacance croissant, un délabrement inédit du parc de logements et l’absence de rencontre entre l’offre et la demande, alors qu’il faudrait rénover et construire davantage. Ce n’est pas par la contrainte que nous y parviendrons, mais par la seule rentabilité : les lois de la gravité économique sont implacables. Ce vocabulaire doit faire saigner les oreilles de certains d’entre vous, nostalgiques des régimes suradministrés et liberticides, mais c’est la lecture de votre loi et de leur solde bancaire en fin de mois qui fera saigner les yeux et les poches de milliers de propriétaires endettés.
M. Arthur Delaporte
C’est vous qui faites les poches de l’État !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Rassurez-vous : nul besoin d’être tombé dans la marmite libérale étant petit pour apprécier les vertus du jeu raisonnable des acteurs économiques.
M. Arthur Delaporte
Et vous parlez de vertu !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Allons-y donc à la serpe et votons contre ce texte. Pour une fois, inspirons-nous du mouvement d’émancipation des corps et des âmes : en matière d’appartement, « mon bien, mon choix ». (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Arthur Delaporte
Quelle indécence !
M. le président
La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission mixte paritaire
Je remercie les orateurs et les groupes qui ont soutenu cette proposition de loi depuis deux ans : ceux du socle commun, de la Droite républicaine et du Nouveau Front populaire. Seule exception : l’extrême droite, qui n’a toujours pas compris le sens du texte et tient des propos caricaturaux.
M. Hervé de Lépinau
C’est normal, il est incompréhensible ! Vous posez une bonne question mais vous apportez une mauvaise réponse : c’est la loi de 1989 qu’il fallait réformer !
M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission mixte paritaire
Les meublés de tourisme, alimentant la spéculation immobilière, ont entraîné une augmentation de près de 20 % du prix des loyers. Nous défendons les petits propriétaires (M. Frédéric Falcon s’exclame), ceux qui ont mis, monsieur Falcon, toutes leurs économies dans l’achat de leur résidence principale et qui subissent les nuisances de voisinage – bruit des roues des valises, des fêtes et de tout ce qui se passe dans les Airbnb. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et LIOT.)
M. Frédéric Falcon
Le texte n’y changera rien, monsieur Echaniz !
M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission mixte paritaire
Nous défendons aussi les communes, les maires et les adjoints au maire qui se battent pour faire vivre leur territoire, à qui vous faites un doigt d’honneur en refusant les mesures qu’ils réclament depuis des années. Vous êtes une honte pour les territoires et pour les collectivités ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et LIOT.)
M. Thierry Tesson
La honte, c’est vous !
M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission mixte paritaire
Nous défendons aussi, ne vous en déplaise, le commerce de proximité, les bouchers, les boulangers, les artisans qui vivent grâce aux habitants à l’année. Mais peut-être voulez-vous uniquement des vendeurs de savons et de souvenirs ? C’est bien dommage ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous défendons aussi la réindustrialisation de notre pays. Si nous voulons que les entreprises recrutent et se développent, il faut de quoi loger les ouvriers et les salariés.
M. Julien Rancoule
Ils votent pour nous, les salariés ! Ils vous ont abandonnés, parce que vous les avez abandonnés !
M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission mixte paritaire
Surtout, pendant que vous défendez le capital, nous défendons les services publics (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et LIOT), qui ont besoin d’habitants permanents pour peupler les écoles et travailler à l’hôpital. Messieurs Jolly et Allegret-Pilot, je vous invite à venir à Bayonne…
M. Frédéric Falcon
Venez à Narbonne !
M. Inaki Echaniz, rapporteur de la commission mixte paritaire
…rencontrer les infirmières qui n’arrivent pas à se loger et sont obligées de faire deux heures de route à cause de la spéculation. Soyez sérieux, arrêtez la caricature ! Votons ensemble en faveur des territoires, de l’habitat permanent et d’un logement digne et durable ! (Les députés du groupe SOC et plusieurs députés du groupe EcoS se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR ainsi que sur les bancs des commissions.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
Je salue le sens de l’intérêt général exprimé par une grande partie des groupes parlementaires à propos d’un sujet central.
M. Frédéric Falcon
Stop aux taxes !
Mme Valérie Létard, ministre
Je respecte tous les groupes politiques ; mais tout ce qui est excessif est insignifiant. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et SOC.)
M. Philippe Gosselin
Eh oui !
Mme Valérie Létard, ministre
Monsieur Allegret-Pilot, j’ai cru comprendre que vous n’aviez pas l’habitude de la mesure. Vous dites défendre les salariés, les ménages modestes et les classes moyennes. Or le texte fait en sorte que des gens modestes puissent habiter près de leur lieu de travail, dans des zones touristiques où il est devenu impossible d’accéder à un logement de longue durée. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, SOC et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Hervé de Lépinau
Ce n’est pas la bonne réponse !
Mme Valérie Létard, ministre
En vous battant contre cette proposition de loi, vous desservez les gens qui travaillent pour gagner peu et qui ne peuvent plus se loger là où ils ont parfois toujours vécu. Soyez cohérents et réfléchissez à ce que vous venez de dire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EPR. – M. Alexandre Allegret-Pilot s’exclame.)
M. le président
La parole est à Mme la vice-présidente de la commission mixte paritaire.
Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
Je remercie les deux rapporteurs, Inaki Echaniz et Annaïg Le Meur. Je salue le travail effectué en commission des affaires économiques. Ce texte n’est évidemment pas tourné contre les petits propriétaires, bien au contraire.
Plusieurs députés du groupe RN
Si !
Mme Aurélie Trouvé, vice-présidente de la commission mixte paritaire
Le premier problème des petits propriétaires et de ceux qui souhaitent accéder à la propriété, ce sont les prix trop élevés de l’immobilier. Or les seuls intérêts auxquels s’attaque la proposition de loi sont ceux d’Airbnb et des grands promoteurs immobiliers, qui viennent injustement renforcer la hausse des prix. Je salue le travail transpartisan qui a été réalisé. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS, ainsi que sur les bancs des commissions.)
Texte de la commission mixte paritaire
M. le président
J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur l’amendement dont je suis saisi.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 1.
Mme Valérie Létard, ministre
Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui vise à apporter une correction légistique.
(L’amendement no 1, accepté par la commission, est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement adopté par l’Assemblée.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 222
Nombre de suffrages exprimés 222
Majorité absolue 112
Pour l’adoption 168
Contre 54
(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)
(Les députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, DR, EcoS, Dem, HOR, LIOT et GDR.)
M. le président
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Annaïg Le Meur, rapporteure
Je vous remercie tous pour ce vote tant attendu. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, DR, EcoS et GDR.) Un travail immense a été effectué avec les élus, les citoyens et vous tous qui avez participé à la réussite de ce texte. Les avancées qu’il contient changeront peut-être un peu nos villes, en permettant à chacun de vivre là où il le souhaite et aux entreprises de recruter. Une entreprise sur deux considère que le logement constitue un frein au recrutement et nos concitoyens recherchent parfois des logements à plus de 60 kilomètres de leur lieu de travail !
Je suis émue et fière de vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et SOC ainsi que sur les bancs des commissions.) Je tiens à remercier l’ensemble des collaborateurs des ministères, de la commission, des groupes politiques, ainsi que mes collaborateurs en circonscription et à Paris. Un grand merci à tous ! (Mêmes mouvements.)
2. Projet de loi de finances pour 2025
Première partie (suite)
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (nos 324, 468).
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 891 portant article additionnel après l’article 13.
Après l’article 13 (suite)
M. le président
L’amendement no 891 n’est pas défendu.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir l’amendement no 540.
Mme Émilie Bonnivard
Cet amendement d’appel vise à interpeller chacun sur l’usage réel du crédit d’impôt recherche (CIR), et à inviter le Gouvernement, avec les entreprises, à se pencher sur cette question.
Nous pouvons comprendre que des contraintes économiques poussent un certain nombre d’entreprises à délocaliser leurs activités ou à fermer ; mais certaines d’entre elles, parfois des multinationales, bénéficient de ce crédit d’impôt.
Ce dispositif est bénéfique, mais seulement dans la mesure où il ne crée pas d’effet d’aubaine. Il doit rester une incitation à la recherche et à l’innovation.
M. le président
La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
La commission a repoussé cet amendement. Vous fixez le montant maximal du crédit d’impôt à 3 milliards d’euros par an – sur une dépense fiscale de 7,6 milliards en 2023 : je ne vois pas quelle entreprise pourrait être concernée. J’en déduis qu’il s’agit bien, madame Bonnivard, d’un amendement d’appel. Je vous demande de le retirer.
M. le président
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Même avis, d’autant que nous avons déjà longuement débattu de cette question hier. Je donnerai désormais des avis rapides, afin que nous puissions avancer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
(L’amendement no 540 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 493.
M. André Chassaigne
Le débat que nous avons eu hier soir a permis à nombre d’entre nous de s’exprimer sur le maintien inconditionnel du crédit d’impôt recherche.
Nous ne pouvons pas être accusés d’être contre les entreprises ou de ne pas vouloir de grandes entreprises dans nos circonscriptions. Mais il faut se poser une question d’éthique. Peut-on accepter qu’une entreprise comme Sanofi, qui touche le CIR, passe de 6 200 salariés employés dans la recherche, en 2009, à 4 200, en 2015 ? Peut-on accepter qu’elle ferme des sites ?
Ce crédit d’impôt est souvent utilisé comme un outil d’optimisation fiscale, afin d’augmenter les dividendes, plutôt que pour stimuler l’innovation, la recherche, la créativité des ingénieurs et des chercheurs. Ne faut-il pas encadrer ces pratiques ? Ne peut-on pas dire qu’une entreprise, qui touche le CIR puis relocalise ses chercheurs sur d’autres sites à l’étranger, pratique une forme d’optimisation fiscale ? En quoi cela bénéficie-t-il à la recherche et à l’innovation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.)
M. Manuel Bompard
Très bien !
(L’amendement no 493, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Les amendements nos 2508 de M. Matthias Tavel, 2446 et 2432 de M. Aurélien Le Coq sont défendus.
(Les amendements nos 2508, 2446 et 2432, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement no 1562.
M. Paul-André Colombani
Il vise à harmoniser les critères d’éligibilité des investissements ouvrant droit au crédit d’impôt pour investissements en Corse (CIIC), critères qui font actuellement l’objet d’un durcissement de la part de l’administration fiscale. Cette situation naît d’une ambiguïté sur ce qui constitue un investissement initial et un investissement de remplacement, ambiguïté qui a conduit à des incohérences dans les décisions de l’administration fiscale. Cet arbitraire peut parfois plonger nos TPE et PME – très petites, petites et moyennes entreprises – dans les plus grandes difficultés.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission des finances a voté contre l’amendement, car la restriction du bénéfice du crédit d’impôt aux seuls investissements de remplacement découle de nos obligations européennes en matière d’aides d’État. Vous êtes pro-européen : je vous demande donc de le retirer.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Paul-André Colombani.
M. Paul-André Colombani
Je suis pro-européen et je retire d’autant plus l’amendement que d’autres, déposés par Mme Pirès Beaune, permettront d’éclaircir la question.
(L’amendement no 1562 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement no 1563.
M. Paul-André Colombani
Cet amendement est très important. Les banques ayant traditionnellement des difficultés à soutenir l’économie en Corse, le crédit d’impôt « Corse » permet aux entrepreneurs de recevoir, de la part de l’État, entre 20 et 30 % de retour sur investissement. Mais certaines activités, notamment de pêche, ne sont pas éligibles au CIIC. Il faut réparer cette injustice, d’autant que ce crédit d’impôt a longtemps été détourné, en particulier pour construire des résidences secondaires, sans que les autorités de tutelle ne réagissent. Dans les années 1990, il y avait 400 pêcheurs ; ils ne sont plus que 150. Il faut les aider à survivre et à verdir leur flotte.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a rejeté cet amendement ; je donne, à titre personnel, un avis de sagesse.
M. Jean-Paul Mattei
Plus que de sagesse !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Il est vrai que la flotte de pêche corse n’est pas très importante. En outre, les règles européennes n’interdisent pas explicitement une telle idée.
M. Jean-Paul Mattei
Très bien !
(L’amendement no 1563, repoussé par le Gouvernement, est adopté.)
(Applaudissement sur quelques bancs des groupes DR et LIOT.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2536 et 3156.
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune, pour soutenir l’amendement no 2536.
Mme Christine Pirès Beaune
Cet amendement fait suite à une mission effectuée en Corse en tant que rapporteure spéciale des crédits de la mission Remboursements et dégrèvements. L’administration fiscale nous a fait part d’une difficulté d’interprétation sur le crédit d’impôt « Corse », notamment dans la définition de l’investissement à usage mixte. L’amendement vise à préciser ce point délicat en prévoyant que seuls les investissements affectés exclusivement à un besoin éligible au crédit d’impôt sont visés.
M. le président
L’amendement no 3156 de M. Franck Allisio est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a voté en faveur de ces amendements qui tendent à éviter les débordements et les détournements des règles ouvrant droit au crédit d’impôt que nos collègues corses ont, à juste titre, dénoncés. Je salue leur travail, ainsi que celui de Mme Pirès Beaune, sur cette question.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Sagesse.
(Les amendements identiques nos 2536 et 3156 sont adoptés.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
L’amendement no 1988 de M. Louis Boyard est défendu.
(L’amendement no 1988, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 2873 de M. David Taupiac est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Contrairement à ce qu’indique son exposé sommaire, cet amendement réduit seulement le champ du Cifam, le crédit d’impôt famille, en excluant les dépenses de création de crèches et certaines dépenses allouées à la formation des salariés. On peut certes s’interroger sur le fait qu’il porte sur des dépenses déjà prises en charge par la branche famille de la sécurité sociale. La commission n’a pas examiné cet amendement, ni les suivants – je donne, à titre personnel, un avis de sagesse.
(L’amendement no 2873, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Sur les amendements nos 960 rectifié, 937 et 947, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Céline Hervieu, pour soutenir l’amendement no 3224.
Mme Céline Hervieu
Le Cifam soulève depuis quelque temps des soupçons – nous en avons déjà débattu ici. L’Igas, l’Inspection générale des affaires sociales, a dénoncé des détournements.
Cet amendement vise à faire respecter une loi qui n’est pas appliquée. Le Cifam permet aux entreprises de financer en partie des berceaux pour l’accueil des enfants de leurs salariés. Or de grands groupes privés – tel People & Baby – l’ont détourné et proposent à de très grandes entreprises des berceaux pour l’accueil des enfants de leurs dirigeants, à un prix excessivement élevé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission des finances a rejeté cet amendement qui propose d’exclure du bénéfice du Cifam les entreprises qui font bénéficier leurs dirigeants assimilés salariés de places de crèches.
Le détournement du Cifam pose avant tout une question de contrôle. Par ailleurs, certains dirigeants de PME peuvent légitimement utiliser ces places de crèches, rien ne justifie de pénaliser leurs enfants. Enfin, n’oublions pas que ce crédit d’impôt a permis d’orienter les financements des entreprises privées et de créer des places de crèches. Comme le soulignent les rapports d’inspection, il ne faut pas remettre en cause l’intégralité du dispositif sans avoir trouvé une alternative satisfaisante.
(L’amendement no 3224, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. Romain Eskenazi
Il était bien défendu pourtant !
M. le président
L’amendement no 1958 de Mme Isabelle Santiago est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Défavorable.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1958.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 147
Nombre de suffrages exprimés 146
Majorité absolue 74
Pour l’adoption 58
Contre 88
(L’amendement no 1958 n’est pas adopté.)
M. Fabien Di Filippo
Il faut déjouer les attaques contre la famille !
M. le président
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l’amendement no 3217.
M. Sébastien Peytavie
Au même titre que celle des Ehpad, la privatisation croissante du secteur des crèches a ouvert la porte à de multiples dérives. Profitant du manque de régulation, de grands groupes privés captent les ressources publiques et privilégient la rentabilité plutôt que le bien-être des enfants accueillis.
L’instrumentalisation de dispositifs fiscaux, tel que le Cifam, instauré en 2004 pour inciter les entreprises à investir dans les dispositifs de garde d’enfants pour leurs employés, est une pratique répandue.
Bien que plafonné à 500 000 euros par entreprise, et alors qu’il devait initialement financer les places à hauteur de 15 000 euros, le Cifam a permis aux grands groupes de crèches privées de pratiquer des tarifs anormalement élevés sur le prix des berceaux. Certaines places peuvent ainsi être facturées jusqu’à 20 000 euros par an, sans que la qualité soit au rendez-vous.
Ce crédit d’impôt représente désormais 200 millions d’euros de dépenses publiques annuelles.
Nous avons suivi les recommandations du rapporteur général et précisé que le plafond de prise en charge au titre du Cifam devrait être adapté aux coûts de fonctionnement et au prix du foncier de chaque département.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Cet amendement est intéressant car il cherche à territorialiser le montant de la prise en charge au titre du Cifam, afin d’éviter que cet outil soit détourné.
Toutefois, dans la mesure où l’assiette et le taux de l’impôt sont des prérogatives du Parlement, il serait inconstitutionnel de renvoyer à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) le soin de déterminer le montant du crédit d’impôt dont bénéficieront les entreprises.
Mme Eliane Kremer
Exactement.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Le détournement du Cifam met surtout en lumière le problème du contrôle des pratiques des crèches privées et de la régulation du secteur. Une réforme de cet outil sera sûrement nécessaire, mais prenons le temps de la réflexion pour ne pas pénaliser les personnes qui en bénéficient légitimement.
La commission a repoussé cet amendement. À titre personnel, je vous suggère de le retirer pour en peaufiner la rédaction. Le sujet est loin d’être épuisé.
(L’amendement no 3217, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 3226 et 3227, pouvant être soumis à une discussion commune et faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Céline Hervieu, pour les soutenir.
Mme Céline Hervieu
Actuellement, certaines entreprises facturent jusqu’à 27 000 euros le berceau.
Un député du groupe DR
C’est un beau berceau !
Mme Céline Hervieu
Que ce montant soit éligible au crédit d’impôt de 50 % est inacceptable ! Nous proposons qu’un tarif unitaire annuel plafond pour l’accueil d’un enfant soit fixé.
Vous plaidez pour une bonne gestion de nos deniers publics, mais les détournements sont connus, monsieur le rapporteur général ! Vous ajoutez qu’il faut des contrôles, mais les contrôles ont déjà mis en lumière ces détournements. L’Igas le dit et le récent livre de Victor Castanet le dévoile. C’est une gabegie : des entreprises privées de crèche bénéficient d’argent public et cela ne garantit pas pour autant la qualité de l’accueil des jeunes enfants !
Afin d’éviter ces surfacturations, et au regard des pratiques des collectivités, l’amendement no 3226 fixe le tarif unitaire annuel plafond à 12 000 euros. L’amendement no 3227 laisse le soin au pouvoir réglementaire de fixer ce tarif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a rejeté ces deux amendements. Fixer un tarif unitaire homogène sur tout le territoire pose problème car les situations sont très différentes, entre les centres-villes et les zones isolées par exemple.
M. Fabien Di Filippo
Bien sûr !
Mme Marie-Christine Dalloz
Ça, ils ne le comprennent pas, les socialistes…
M. Charles de Courson, rapporteur général
Le détournement du Cifam pose avant tout une question de contrôle des pratiques. Ce n’est pas en fixant un plafond qu’on y répondra, mais avec des contrôles de fond, puisque certaines crèches ne respectent pas les règles de bon fonctionnement.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je suis d’accord avec le rapporteur général. Nous ne nions pas les problèmes liés à certains réseaux de crèches privées, mais le Cifam n’en est pas responsable.
Mme Céline Hervieu
Hélas, si.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il faut suivre les recommandations et ne pas casser ce dispositif à court terme, car cela créerait plus de problèmes que cela n’en résoudrait. Bien entendu, à moyen terme, il faudra opérer une refonte de la politique de l’enfance. Ce qui est en jeu, c’est le respect par les crèches privées de leurs obligations ; ce n’est pas le Cifam.
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Cette succession d’amendements constitue, une fois de plus, une attaque en règle contre la famille. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Ayda Hadizadeh
C’est de la régulation ! Nous nous inquiétons de la bonne dépense de l’argent public !
M. Fabien Di Filippo
Je tiens à dénoncer les contradictions de la gauche.
M. Philippe Brun
Mais arrêtez !
M. Fabien Di Filippo
Je partage l’analyse du rapporteur général : il serait ubuesque de fixer un plafond à un tarif national car le coût de la garde d’enfants varie fortement d’un territoire à un autre.
En outre, vous plaidez régulièrement pour davantage de moyens dans les crèches, plus d’encadrement, une nourriture de meilleure qualité ou des activités. Mais, là, vous souhaitez tirer les tarifs, donc les coûts de fonctionnement, vers le bas. Cela signifierait moins d’encadrement, une nourriture de moins bonne qualité, la fin des activités pour les enfants. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Est-ce ce que vous souhaitez ?
Mme Ayda Hadizadeh
N’importe quoi !
M. Gabriel Amard