Première séance du jeudi 20 février 2025
- Présidence de M. Xavier Breton
- 1. Protéger la population des risques liés aux Pfas
- Présentation
- Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
- M. Nicolas Thierry, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
- Mme Sandrine Le Feur, présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article 1er (suite)
- Article 1er bis
- Suspension et reprise de la séance
- Article 1er ter
- Rappel au règlement
- Article 1er ter (suite)
- Article 2
- M. Cyrille Isaac-Sibille
- M. Eddy Casterman
- M. Roland Lescure
- M. Vincent Descoeur
- Amendements nos 37, 14, 24 et 17
- Rappel au règlement
- Article 2 (suite)
- Article 2 bis
- Rappel au règlement
- Article 2 bis (suite)
- Rappel au règlement
- Explications de vote
- Vote sur l’ensemble
- Présentation
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Xavier Breton
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Protéger la population des risques liés aux Pfas
Deuxième lecture
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (nos 161, 929).
Présentation
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Le sujet qui nous occupe ce matin est de première importance pour nos concitoyens, et je le prends très au sérieux. De quoi parle-t-on ? Des substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées (Pfas), ces substances chimiques utilisées par des industriels depuis les années 1950, dont les propriétés sont mises à profit dans de nombreux produits de la vie courante – dans notre salle de bains, dans nos appareils électroniques, dans nos réfrigérateurs, dans nos installations électriques.
Après ma nomination en tant que ministre de la transition écologique en septembre dernier, j’ai immédiatement souhaité m’emparer de ce sujet, en m’inscrivant dans le prolongement du travail mené par mon prédécesseur, Christophe Béchu, dont je tiens à saluer l’engagement, avec une seule ligne de conduite – écouter la science – et un seul objectif – protéger notre population.
Que nous dit la science ? Que le nombre de Pfas est estimé entre 5 000 et 12 000, et qu’elles répondent à des usages variés, avec des risques divers. Les Pfas se caractérisent par des propriétés de résistance remarquables. C’est la raison pour laquelle elles sont utilisées pour fabriquer les tenues protégeant nos pompiers ou les ouvriers de l’industrie lourde, pour produire des mousses permettant d’éteindre les incendies, pour protéger les réservoirs d’avion ou pour assurer l’étanchéité des pompes des installations nucléaires.
Cette grande résistance à des phénomènes extrêmes explique que ces composés se dégradent très peu. Ils sont donc très persistants dans l’environnement, d’où leur appellation de polluants éternels.
Les propriétés de certaines molécules de Pfas sont déjà connues, et les connaissances disponibles ont permis d’édicter des mesures réglementaires visant à prévenir les éventuels risques associés à leur usage, voire à les interdire lorsque les risques sont avérés.
Cependant, pour beaucoup d’entre elles, notamment les monomères, les connaissances sont parcellaires. On sait qu’elles peuvent contaminer l’eau et le sol et contribuer à la survenue de maladies, notamment de cancers. Inversement, nous savons que d’autres Pfas ont ce que les scientifiques appellent un impact limité.
Nous devons donc mener un double combat : d’une part, renforcer nos connaissances scientifiques et opérationnelles, d’autre part, trouver les solutions de substitution là où elles sont nécessaires, sans tomber dans une condamnation générale des Pfas.
Pour améliorer nos connaissances, dès juillet 2023, Élisabeth Borne, alors première ministre, a missionné votre collègue, le docteur Cyrille Isaac-Sibille, afin qu’il réalise un diagnostic et formule des recommandations.
Sur la base de ce travail, un premier plan d’actions a été élaboré en 2023, complété par un deuxième l’an dernier, pilotés conjointement par mon prédécesseur, Christophe Béchu, et par le ministre chargé de l’industrie de l’époque, Roland Lescure. Ce plan comporte cinquante-cinq actions précises, ambitieuses, dont déjà deux tiers ont été mises en œuvre. Il a permis d’enrichir nos connaissances, de mener des actions ciblées et d’aboutir à des résultats concrets.
Prenons un premier exemple relatif à l’un des principaux enjeux : l’évaluation des Pfas rejetées dans l’eau par les différents industriels. Nous avons demandé à plus de 2 900 sites industriels et usines de réaliser des mesures de la concentration en Pfas de leurs rejets dans l’eau. Il en est ressorti que l’acide trifluoroacétique ou TFA représente 95 % des rejets de ces sites industriels, et que ces rejets se concentrent sur 200 sites.
Nous savons donc où il faut agir, et c’est ce que nous avons fait : ces 200 sites, qui sont à l’origine de 99 % des rejets industriels de Pfas dans l’eau identifiés à ce jour, sont désormais soumis à des obligations visant à les réduire. C’est massif.
Il s’agit d’un exemple très concret de ce que doit être notre méthode : ne pas sous-estimer le problème, évaluer scientifiquement, puis agir avec résolution, en pleine transparence vis-à-vis de nos concitoyens. Ainsi, les résultats des mesures réalisées sont tous disponibles sur les sites internet des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), mes services en région.
Je souhaite que nous allions plus loin. C’est pourquoi, d’ici à l’été, avec l’appui du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), je mettrai en ligne et rendrai accessible pour tous pour nos concitoyens des cartes recensant les sites qui produisent, utilisent ou rejettent des Pfas, et plus de 1,8 million de données d’analyses liées aux Pfas.
Deuxième enjeu crucial qui préoccupe de nombreux Français : la qualité de l’eau. J’ai demandé à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) de lancer une campagne exploratoire pour mesurer le niveau de Pfas dans l’eau que nous buvons. Nous allons rechercher trente-quatre Pfas dans plusieurs centaines d’échantillons.
Cette étude complétera le travail déjà réalisé par Veolia, qui a analysé la présence éventuelle de Pfas en sortie de ses unités de production – l’entreprise alimente 20 millions de Français. Il en est ressorti que plus de 99 % des échantillons respectaient les normes. Cela ne veut pas dire que tout va bien – je suis consciente qu’il existe des points de captage d’eau potable contaminés par les Pfas, sur lesquels il faut agir – mais cela permet de mettre en perspective avec rigueur les risques dont nous parlons.
Troisième enjeu majeur : l’interdiction de produits dont on a prouvé qu’ils font courir des risques à notre santé ou à l’environnement. Sur ce point, vous le savez, l’Europe a prononcé l’interdiction de certaines Pfas dangereuses, comme l’acide perfluorooctanesulfonique, ou PFOS, et l’acide perfluorooctanoïque, ou PFOA.
En outre, la France a obtenu d’interdire l’utilisation des Pfas dans les emballages alimentaires à partir d’août 2026. Le gouvernement s’y était engagé ; les eurodéputés du groupe Renaissance se sont mobilisés ; c’est une promesse tenue.
Ce gouvernement, comme les précédents, n’a pas fui ses responsabilités sur les Pfas. Nous avons agi pour améliorer nos connaissances et évaluer les risques pour nos concitoyens, et nous continuons d’agir aux échelons locaux, national et européen, notamment dans le cadre de la révision du règlement Reach – enregistrement, évaluation, autorisation des substances chimiques et restrictions applicables à ces substances.
C’est pourquoi, en responsabilité et par cohérence, le gouvernement soutiendra votre proposition de loi, monsieur Thierry. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.) C’est ce qu’attendent nos concitoyens : ils souhaitent que nous nous mettions d’accord de manière transpartisane, lorsqu’il s’agit d’améliorer leur quotidien.
Dans le droit fil de notre action constante depuis plusieurs années, nous soutiendrons ce texte qui permet de graver dans la loi notre exigence collective de lutte contre les Pfas.
Toutefois, nous devrons continuer à travailler avec les scientifiques et les industriels si nous voulons que notre action soit efficace. Nous devrons continuer de tenir un discours de vérité et reconnaître que tout n’est pas blanc ou noir. Il y a des milliers de Pfas ; certaines sont bien connues, d’autres beaucoup moins. Certaines sont dangereuses, d’autres considérées comme à faible impact.
Parmi vous, certains ont été interpellés sur la situation d’entreprises qui utilisent des Pfas. En tant qu’ancienne ministre de l’industrie, j’estime que nous devons nous en tenir à la science – aux faits – et être vigilants sur les risques qui pourraient émerger, tout en prenant des mesures proportionnées pour s’en protéger, en fonction de la réalité.
Si vous l’adoptez, ce texte permettra aux agences de l’eau d’inclure une nouvelle composante relative aux Pfas dans les redevances afin de financer des dispositifs de filtration des points d’eau potable. Il nous permettra aussi d’interdire les Pfas dans les produits cosmétiques, le fart et les produits textiles. Le gouvernement y est favorable.
La qualité de vos débats et la quasi-unanimité des votes en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire témoignent de votre mobilisation et de votre esprit de responsabilité, en première comme en deuxième lecture, au Sénat comme à l’Assemblée. Je salue le rôle de la présidente Le Feur dans la bonne tenue de ces débats.
Face aux pressions et aux polémiques, il est crucial que nos débats se déroulent sereinement, éclairés par la science, car nous devons être au rendez-vous sur ce sujet potentiellement anxiogène, complexe et important pour la santé de nos concitoyens et la protection de l’environnement, mais aussi pour l’avenir de nos filières industrielles, et notre politique de transition énergétique. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Thierry, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
M. Nicolas Thierry, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
Permettez-moi de débuter cette journée dédiée aux propositions de loi du groupe Écologiste et social par la lecture des premières lignes de Printemps silencieux, ouvrage fondateur, publié en 1962 par Rachel Carson, scientifique et première grande lanceuse d’alerte : « Il était une fois une petite ville […], où toute vie semblait vivre en harmonie avec ce qui l’entourait […] où, au printemps, des nuages blancs de fleurs flottaient au-dessus des champs verts. […] Et puis, un mal étrange s’insinua dans le pays, et tout commença à changer. »
Ce mal étrange dont parle Rachel Carson, ce sont les insecticides, qui font taire le chant les oiseaux, disparaître les insectes et anéantissent progressivement le tissu du vivant. Les Pfas sont des substances chimiques différentes mais, à bien des égards, elles constituent un autre mal étrange qui s’insinue dans le pays.
Lorsque je lis ces lignes écrites par Rachel Carson il y a plus de soixante ans, je pense immédiatement aux communes que j’ai eu l’occasion de parcourir, depuis deux ans que je m’emploie à lutter contre les polluants éternels ; je pense à ces maires qui, ces derniers mois, ont découvert leur commune sur la carte mondiale de la pollution aux Pfas ; je pense à ces habitants à qui l’on interdit désormais de consommer les œufs de leurs poules, les quelques légumes qui poussent dans leur potager et même, parfois, l’eau de leur robinet.
Ce matin, je vous propose de leur apporter une première réponse, en faisant de la France l’un des pays les mieux armés pour protéger sa population des risques liés à ces polluants éternels. L’opportunité est historique : nous pouvons adopter sans modification la présente proposition de loi, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat.
Pour amorcer nos débats, accordez-moi quelques instants pour revenir sur les principales caractéristiques de ces polluants éternels. Les Pfas sont une famille de substances chimiques inventées au XXe siècle par quelques industriels, qui regroupe environ 12 000 composés, tous structurés autour d’une chaîne d’atomes de carbone et de fluor qui leur confère différentes propriétés. Les Pfas sont stables sous de fortes chaleurs, imperméables, repoussent les graisses et ont des propriétés antitaches ou antiadhésives.
Le revers de ces qualités est une grande résistance aux processus de dégradation dans l’environnement. Les Pfas s’infiltrent dans les milieux, si bien qu’il est impossible pour le vivant d’échapper à une exposition croissante. Or, une fois dans les organismes, le corps peine à s’en débarrasser car leurs propriétés entravent l’action des enzymes qui devraient les dégrader.
Cette exposition est préoccupante car la littérature scientifique l’associe à de sérieux risques pour la santé : altération de la fertilité, maladies thyroïdiennes, taux élevés de cholestérol, lésions au foie, cancers, réponse réduite aux vaccins ou faible poids à la naissance.
Ce problème sanitaire est donc d’une gravité inédite, d’une portée comparable à celle des ravages du chlordécone ou de l’amiante.
Le constat posé, j’en viens à la proposition de loi qui nous occupe ce matin, que je vous propose d’adopter dans sa rédaction issue du Sénat.
Peu nombreuses sont les propositions – particulièrement lorsqu’elles émanent des oppositions – à franchir les méandres de la navette parlementaire jusqu’à une éventuelle adoption définitive. C’est dans cette configuration que nous sommes ce matin.
Je remercie nos collègues du Sénat qui ont bien voulu considérer ce texte, et l’adopter dans de brefs délais. Dans les deux chambres, la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité. Je remercie aussi mes collègues de la commission du développement durable, qui ont voté la proposition sans modification la semaine dernière.
Le texte, dont je suis le rapporteur et l’auteur, a été amendé au cours de la discussion, à l’Assemblée puis au Sénat. Je l’avoue sincèrement : la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui n’est pas celle que j’ai déposée, elle ne correspond pas en tout point à l’ambition initiale qui était la mienne pour ce texte. Néanmoins, conscient des équilibres au sein de notre assemblée, conscient aussi de l’urgence à agir, je souhaite qu’elle soit définitivement adoptée car elle contient des avancées majeures, dont il serait impensable de se priver.
Quelles sont-elles ? La première vise à limiter la pollution à la source, en adoptant des restrictions dès 2026 pour les produits pour lesquels il existe des alternatives – cosmétiques, fart pour les skis, vêtements et chaussures. Je vous propose ensuite d’agir en 2030 pour l’ensemble des produits textiles. Ce calendrier est complété par certaines exceptions, dont le périmètre est bien encadré, et dont la liste devra faire l’objet de décrets.
Ces premières mesures sont essentielles car la procédure européenne de restriction des Pfas sera plus longue et plus incertaine que prévu. Adopter de premières restrictions au niveau national sera sans aucun doute un signal de notre ambition pour nos partenaires européens.
Je veux évoquer en toute transparence le sujet des ustensiles de cuisine, qui nous avait divisés en première lecture. Même si je n’ai pas trouvé de majorité parlementaire pour voter l’interdiction des Pfas dans les ustensiles de cuisine, je reste convaincu qu’il s’agit d’une bonne mesure car des solutions alternatives existent. Nous avons cependant remporté une bataille culturelle en mettant en lumière cet enjeu majeur. Je ne rouvrirai volontairement pas ce débat car cela oblitérerait toute possibilité d’adoption définitive.
La deuxième mesure consiste à contrôler la présence de Pfas dans l’eau potable en se fondant sur une liste de substances plus étoffée que celle prise en compte par le droit européen. Je souhaite par exemple que nous puissions rechercher le TFA, ce Pfas retrouvé massivement dans les eaux de nombreuses communes françaises. Cette disposition est assortie de la création d’une carte des sites à l’origine de la pollution aux Pfas et apportera une transparence bienvenue sur la situation de nos territoires.
Je vous propose aussi de doter la France d’une trajectoire de réduction des rejets aqueux de Pfas provenant des installations industrielles et d’établir un plan pour le financement de la dépollution des eaux potables. Dans la continuité de cette mesure, je vous propose de faire contribuer financièrement les industriels à l’origine de la pollution, en vertu du principe pollueur-payeur. Cette contribution qui prendra la forme d’une redevance assise sur les rejets de Pfas dans l’eau permettra aux collectivités chargées de dépolluer les eaux d’anticiper le mur d’investissement auquel elles seront bientôt confrontées. Je suis heureux qu’elle ait rencontré un soutien à l’Assemblée nationale, puis au Sénat, les sénateurs étant particulièrement au fait des contraintes qui pèseront bientôt sur les collectivités.
La dernière mesure vient garantir une information transparente sur les analyses qui mesurent la pollution aux Pfas dans l’eau potable. Le Sénat a souhaité préciser que ces analyses cibleraient aussi les eaux en bouteilles, précision à laquelle l’actualité donne toute sa pertinence.
En guise de conclusion, je veux rappeler l’opportunité de voter ce matin une loi qui fera date dans la lutte contre les toxiques qui empoisonnent nos vies. L’enjeu est simple : il faut adopter cette proposition de loi sans modification. Nous sommes observés ; j’espère que nous serons à la hauteur. Ne l’oubliez pas : chaque année perdue se compte, hélas, en vies humaines. (Applaudissements sur les bancs des groupes Ecos, LFI-NFP, SOC et GDR. – Mme Anne-Cécile Violland applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Mme Sandrine Le Feur, présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
Nous discutons une nouvelle fois de la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés à l’exposition aux Pfas. En tant que présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, je ne peux que me réjouir du retour de cette proposition de loi en deuxième lecture, car elle aborde un sujet majeur en matière de risques pour l’environnement et pour la santé – les deux sont liés.
Je salue la persévérance du rapporteur, Nicolas Thierry, et je remercie le groupe Écologiste et social, ainsi que l’ensemble des députés de la commission qui, par deux fois, se sont penchés sur ce texte. Ils avaient déjà eu l’occasion d’examiner une autre proposition de loi sur le même sujet, déposée par David Taupiac. Les sénateurs ont rapidement pris leur suite, en maintenant l’essentiel des dispositions du texte.
Je me réjouis enfin du soutien du gouvernement, en particulier de Mme Agnès Pannier-Runacher. Nous arrivons au bout d’un travail constructif : les Pfas étaient encore peu connus il y a quelques années et l’approche défendue dans ce texte faisait encore débat l’année dernière. À présent, nous nous sentons tous concernés par ce sujet d’actualité.
Je ne rappellerai pas ce que sont les Pfas. Je veux simplement souligner, comme tous les orateurs, à quel point ces substances sont présentes dans de nombreux produits, à la fois dans l’industrie mais aussi dans les secteurs de la consommation courante. Certains Pfas ont déjà été identifiés comme dangereux pour la santé : on peut les relier à la survenue de cancers, de dysfonctionnements thyroïdiens ou à des déficiences immunitaires. La persistance de ces substances dans l’environnement est donc extrêmement préoccupante. Elle nous expose, et expose les générations futures, à un risque persistant d’effets nocifs sur l’environnement et sur nos organismes.
Je ne peux donc que souscrire aux différentes dispositions de la proposition de loi, à savoir l’interdiction de la présence des Pfas dans certains produits d’ici à 2026 ou 2030, notamment dans les produits textiles non essentiels ; la mise à disposition d’une carte qui informera la population sur le niveau de pollution ; le renforcement du contrôle par les agences régionales de santé (ARS) de la présence de ces substances dans l’eau destinée à la consommation humaine ; l’introduction d’une redevance pour pollution de l’eau, spécifiquement assise sur les rejets aqueux de Pfas, redevance due par les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).
La surveillance de l’eau est un sujet très important : de nombreuses enquêtes et analyses montrent que les eaux de surface, comme l’eau potable, sont d’ores et déjà contaminées par certains Pfas. De plus, les travaux menés par les journalistes, les associations et les commissions parlementaires ont mis en lumière de nouveaux éléments, comme la présence généralisée d’un Pfas encore peu connu, le TFA, dont l’usage n’est pas encore encadré par une réglementation spécifique.
Au-delà de ce texte, le gouvernement s’est mobilisé dès 2023 en publiant des plans d’action qu’il a suivis et en prenant des mesures réglementaires.
Sur les 3 600 installations classées pour la protection de l’environnement concernées, plus de 2 900 ont déjà procédé à des mesures pour détecter et quantifier les Pfas présents dans leurs rejets aqueux. Cette campagne de mesure est déjà riche d’enseignements et permet d’envisager l’étape suivante – la dépollution et le choix des meilleures techniques de décontamination.
Je rappellerai pour finir qu’il est nécessaire que l’Union européenne agisse afin que la réglementation sur les Pfas soit similaire dans tous les États membres et que la pollution liée à ces substances chimiques diminue rapidement.
La commission du développement durable n’a pas modifié le texte adopté au Sénat en mai dernier en première lecture. Je ne peux que souhaiter qu’il en soit de même ce matin, et que la proposition soit définitivement adoptée. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Ses dispositions pourront alors entrer en vigueur rapidement. Nous montrerons ainsi à nos concitoyens que ce sujet est pris très au sérieux par la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, SOC, EcoS, HOR et GDR.)
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Charlotte Garin.
Mme Marie-Charlotte Garin
« Ai-je bien fait d’allaiter ? », se demande Stéphanie en apprenant que son lait est contaminé par des polluants éternels, les Pfas. Aujourd’hui elle s’interroge : « On pense faire au mieux, et puis finalement c’est peut-être plus dangereux d’allaiter que de donner du lait en poudre à son bébé. »
Thierry n’a jamais mis les pieds dans une usine chimique, il ne travaille pas dans l’industrie et n’a jamais manipulé de produits dangereux. Pourtant, quand il a fait analyser son sang, il a découvert que celui-ci contenait des Pfas en quantité alarmante. Pour quelle raison ? Parce qu’il a grandi au sud de Lyon, à Oullins-Pierre-Bénite, dans l’une des régions les plus polluées d’Europe.
Édith vit dans la même commune. Son voisin d’en face a un cancer ; celui de droite aussi, tout comme celui de gauche. Alors qu’elle a plus de 80 ans et qu’elle pourrait profiter de sa retraite, elle est de tous les combats contre les Pfas, et soutient une famille dont l’enfant de 14 ans souffre d’un cancer de stade 4.
Et puis, il y a moi, et nous. Voilà un an, avec plusieurs collègues écologistes, nous avons envoyé des mèches de cheveux à un laboratoire indépendant. Résultat ? Nous sommes tous et toutes contaminés. Ce n’était pas une surprise : les analyses menées par Santé publique France (SPF) ont montré que 100 % des Français avaient des Pfas dans le sang.
Nous savons par ailleurs que la vallée de la chimie, qui se trouve au sud de Lyon, est l’un des territoires les plus pollués d’Europe. Nous savons aussi que les travailleurs de l’industrie chimique sont les personnes les plus exposées à cette pollution.
Bref, nous avons tous du poison dans le sang.
Certains ont aussi du sang sur les mains. Les contaminations aux polluants éternels ne sont pas accidentelles. Elles sont la conséquence directe de décennies d’inaction, de mensonges et de compromis avec les lobbys. Lors des travaux préparatoires de cette loi, nous avons entendu toutes sortes d’arguments pour ne pas agir, brandis en particulier par l’extrême droite. Examinons-les un par un.
On nous a dit qu’il ne fallait pas fragiliser notre industrie.
M. Emeric Salmon
Avec vous, nous importerons des produits chinois !
Mme Marie-Charlotte Garin
Mais ce sont les industriels eux-mêmes qui sont responsables de cette situation, parce qu’ils ont refusé d’anticiper l’inévitable et continué à produire des substances dont ils connaissaient la toxicité. Aux États-Unis, des documents internes des entreprises 3M et Dupont montrent que les effets des Pfas sur la santé étaient connus dès les années 1960.
On nous a dit que les industriels ont des valeurs et qu’ils ne souhaitent pas empoisonner les gens. Pourtant, en février 2024, soixante-treize dirigeants de l’industrie chimique se sont réunis pour organiser un sabotage en règle de l’interdiction des Pfas. Devant les révélations, leur première réaction n’a jamais été d’indemniser les victimes ou d’organiser la transition vers d’autres procédés, mais de financer des études contradictoires, de retarder la régulation et de chercher à brouiller le débat – c’est ce qu’on appelle la fabrique du doute.
Mme Christine Arrighi
Eh oui !
Mme Marie-Charlotte Garin
Il en va de même pour l’industrie du pétrole ou l’amiante : certains industriels préfèrent l’argent à la santé des gens. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Danielle Simonnet
Exactement !
Mme Marie-Charlotte Garin
On nous a dit qu’interdire ces substances en France ne servirait à rien si on continuait d’importer des produits contaminés. C’est précisément pour cette raison que notre proposition de loi concerne aussi les importations. Nous avons pris nos responsabilités : nous ne laissons pas la porte ouverte à une pollution délocalisée.
M. Emeric Salmon
Vous n’avez pas de porte !
Mme Christine Arrighi
Et vous, vous avez du sang sur les mains !
M. Emeric Salmon
Vous n’avez ni porte, ni mur, ni frontière ! Vive les frontières !
Mme Marie-Charlotte Garin
On nous a dit que nous faisions dans l’idéologie, pas dans la science. Soyons clairs : l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’agence européenne des produits chimiques (Echa), Santé publique France, l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) confirment la toxicité des Pfas.
Cette proposition de loi de mon collègue Nicolas Thierry apporte une réponse à une menace prouvée, documentée, avérée. C’est une loi de santé publique, fondée sur des faits incontestables établis par les scientifiques et les enquêtes journalistiques, et soutenue par une mobilisation citoyenne hors norme.
À celles et ceux qui cherchent encore des excuses pour ne pas agir, je pose une question simple : qui protégez-vous ?
Pour notre part, nous avons déjà choisi. Nous défendons les habitants de Pierre-Bénite et de tant d’autres territoires pollués ; les ouvriers des usines chimiques, qui ont le droit de recevoir des informations transparentes et d’être protégés ; toutes celles et ceux qui paient dans leur chair le coût de l’inaction, souffrant de cancers, d’infertilité ou de troubles hormonaux ; les générations futures, pour qu’elles ne naissent pas avec un héritage toxique dans le sang. (Mme Christine Arrighi applaudit.)
Nous pouvons dire que nous avons certes été empoisonnés, mais que nous avons choisi de ne plus laisser faire. Je vous invite donc à voter cette loi. Nous disposons de preuves et de solutions, et nous avons le devoir d’agir. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC. – Mme Anne-Cécile Violland applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Il y a trois ans, une pollution massive aux Pfas, ces polluants éternels qui résistent à tout et menacent notre santé et nos écosystèmes, a été découverte dans ma circonscription, à Oullins-Pierre-Bénite, au sud de la métropole lyonnaise. Qu’il me soit permis de rendre hommage à l’équipe de journalistes de « Vert de rage ».
Ce que nous pensions être une catastrophe environnementale locale s’est avéré faire partie d’un problème plus vaste affectant notre pays, l’Europe et le monde entier.
Confronté à ce problème longtemps mis sous le tapis en France, j’ai immédiatement interpellé le gouvernement. Je remercie le ministre Christophe Béchu, qui s’est saisi du sujet. Il m’a confié une mission gouvernementale qui a débouché sur la publication d’un rapport. Le problème posé par les Pfas étant complexe, il s’agissait d’abord de rassembler les connaissances scientifiques disponibles, qu’elles relèvent du domaine de la chimie, de la toxicologie ou de la biosurveillance. Nous avons aussi fait le point sur l’état des pollutions en France, sur ce qu’il était nécessaire de faire afin de stopper les rejets et surtout de régler la question de la pollution historique.
Grâce au gouvernement et à ce rapport, la France a rejoint le groupe de cinq pays qui ont permis la restriction de l’usage des Pfas par le règlement Reach. Dans le cadre du Conseil de l’Europe, le gouvernement a soutenu l’interdiction des Pfas dans les emballages alimentaires. Il a aussi lancé un plan interministériel contre les Pfas.
Nombre des recommandations préconisées dans mon rapport ont été reprises par Nicolas Thierry, que je remercie pour cette proposition de loi ; ce texte représente une avancée, même s’il n’est qu’une première pierre. Je rends également hommage à mes collègues du groupe Les Démocrates, Jimmy Pahun et Philippe Bolo, qui s’intéressent aussi à ces questions. Fidèle à son engagement de longue date, le groupe Les Démocrates soutient sans réserve cette proposition de loi.
Il faut rappeler que les Pfas commencent à être utilisés avant la Seconde Guerre mondiale, pour améliorer la résistance des sous-marins, puis qu’ils sont employés dans la fabrication de la bombe atomique. Ces substances, créées par l’homme, se sont ensuite largement diffusées dans la fabrication de produits de consommation courante, sans aucun contrôle.
Ce que nous souhaitons donc, c’est envoyer un message clair aux industriels pour qu’ils en restreignent l’usage, en même temps qu’un message à l’Europe, indiquant que la France est prête et qu’il faut accélérer la réflexion par le biais du règlement Reach. À mes yeux en effet, la solution ne peut être qu’européenne.
D’autres défis nous attendent car, si nous avons progressé sur la pollution de l’eau, grâce à une métrologie plus fine, nous n’en savons pas encore suffisamment sur les rejets atmosphériques, sources d’une pollution largement méconnue et encore sous-estimée.
Interdire l’usage superflu des Pfas, ainsi que le propose cette proposition de loi, est une bonne chose, mais un véritable contrôle aux frontières s’impose, pour éviter que le marché européen ne soit inondé par des produits contaminés.
Le combat contre les Pfas est loin d’être terminé. Je fais souvent le parallèle entre les Pfas et la radioactivité. La radioactivité existe dans la nature, ce qui ne nous empêche pas de contrôler la filière nucléaire ; les Pfas, eux, n’existent pas à l’état naturel mais ont été largement diffusés : cela plaide pour la création d’une filière Pfas, afin de contrôler leur production et leur devenir.
Nous avons une responsabilité, celle de protéger durablement notre environnement et la santé de nos concitoyens. Ce texte n’est pas une conclusion mais un point de départ. À nous de poursuivre le travail engagé.
Le groupe Démocrates soutiendra évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Danielle Simonnet applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland.
Mme Anne-Cécile Violland
Au nom du groupe Horizons & indépendants, je tiens à saluer le travail précis et les échanges précieux et constructifs que nous avons pu avoir avec M. le rapporteur, sur un sujet aussi important que les Pfas.
Nous avons rappelé à de nombreuses reprises l’importance de légiférer sur ces polluants éternels, soupçonnés d’être des perturbateurs endocriniens, d’être cancérogènes, de favoriser l’obésité et le diabète, d’affecter la fertilité ou le développement du fœtus…
Nous souhaitons saluer le travail considérable en cours à l’échelle européenne, mais il n’est plus temps d’attendre. Nous devons désormais nous saisir de ce sujet, essentiel et urgent pour la préservation de notre santé et de notre environnement. Ce sont tous les enjeux de l’initiative One Health, « une seule santé », car le caractère persistant des Pfas se traduit par une exposition de tous les milieux qui affecte tant les hommes que les animaux et les écosystèmes.
Je tiens à saluer le travail engagé par Christophe Béchu, alors ministre de la transition écologique, qui avait présenté un plan d’action ministériel pour la période 2023-2027. Cette surveillance des milieux a permis d’accélérer les avancées scientifiques pour trouver des solutions de substitution et faciliter l’accès à l’information des citoyens.
Le texte, tel que travaillé en première lecture par nos deux assemblées, confirme la volonté de réduire les sources d’exposition aux Pfas et les risques sanitaires associés, en prévoyant notamment des interdictions de mise sur le marché dès 2026 pour des produits comme les cosmétiques, les farts, la plupart des textiles d’habillement et de chaussures.
Lors de cette première lecture nous sommes parvenus à un consensus maintenant l’équilibre entre notre obligation de supprimer les risques sanitaires et la nécessité économique de laisser aux industries le temps de trouver des solutions de substitution garantissant leur pérennité.
Horizons confirme son souhait d’une interdiction, déjà votée à deux reprises, harmonisée et coordonnée à l’échelle européenne, de l’ensemble des substances, hormis les dérogations proportionnées qui ont été reprises par nos collègues sénateurs.
Réduire la pollution par les Pfas en France nécessite une combinaison de stratégies à différents niveaux, allant de la régulation stricte à des efforts de prévention et de nettoyage.
Force est de constater que les négociations européennes ont pris du retard sur le sujet, quand bien même le travail de consultation continue, notamment via l’Agence européenne des produits chimiques (AEPC). C’est pourquoi, en tant que législateur, il nous incombe d’agir sans attendre plus longtemps et d’envoyer ainsi un signal à nos partenaires européens.
Nous soutenons également l’introduction par les sénateurs d’un amendement qui prévoit que les interdictions prévues dans cette proposition de loi soient soumises au régime de contrôle et de sanctions prévu par le règlement Reach, de manière à harmoniser la réglementation à l’échelle européenne.
De même, nous soutenons les politiques visant à mobiliser les connaissances scientifiques et la R&D – recherche et développement – des industries, pour trouver des substituts aux Pfas, quand bien même tous ne présenteraient pas le même risque pour la santé.
Enfin, nous ne pouvons que soutenir le renforcement des contrôles sur l’eau potable et la mise en place, prévue par cette proposition de loi, d’une trajectoire nationale visant à réduire les rejets de Pfas par les installations industrielles, en amont de leur interdiction.
En tant que présidente du groupe santé environnement (GSE) du plan national santé environnement, j’appelle votre attention sur cette pollution de l’eau mais aussi sur celle des sols et de l’air : il ne faut pas les négliger, et nous allons devoir nous y atteler. À cet égard, la question de la qualité de l’air a fait l’objet d’avancées scientifiques qu’il conviendra de prendre en compte.
J’appelle également votre attention, comme j’avais déjà pu le faire lors de la première lecture, sur le coût de la dépollution, qui ne pourra pas être supporté par les seules collectivités territoriales. À l’heure où les collectivités sont déjà touchées par le projet de loi de finances pour 2025, il nous appartient de nous en assurer.
En cela, la mise en place d’un principe de pollueur-payeur pour les pollutions aux Pfas, tant en amont de leur intégration dans les produits qu’en aval dans les rejets, constitue un signal important pour la prise en charge de l’impact de ces pollutions.
Encore une fois, nous pensons que le sujet doit être notamment traité à l’échelle européenne, comme a pu le préciser dans son rapport notre collègue Cyrille Isaac-Sibille.
Cette proposition de loi est une première étape. Elle permet d’envoyer un message fort en faveur de la santé et de l’environnement, mais elle nous invite surtout à aller plus loin et à faire encore mieux. C’est pourquoi, le groupe Horizons & indépendants est favorable à un vote conforme de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et Dem. – M. Vincent Descoeur applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. David Taupiac.
M. David Taupiac
Il ne se passe plus désormais un mois sans qu’une nouvelle alerte sur l’ampleur de la pollution de notre environnement par les Pfas, tant en France qu’en Europe, nous alarme. Les éléments chiffrés que nous avons en notre possession donnent le vertige, tant l’ampleur de la contamination par cette famille de plus 10 000 produits chimiques de synthèse employés dans l’industrie, notamment dans la fabrication de produits de consommation, depuis des années est massive, partout en Europe.
Longtemps sous-estimées, les Pfas – plus personne ne l’ignore désormais – sont une source de pollution majeure de ce qui est essentiel à l’être humain : l’eau et la nature. En l’état actuel de nos connaissances scientifiques, la liste des maladies reliées à une exposition à certaines de ces Pfas ne cesse de s’allonger : cancers, infertilité, toxicité pour le rein, le foie ou encore le système immunitaire.
Aussi cette journée marquera-t-elle une étape importante pour le Parlement, qui reprend des travaux entamés sous la XVIe législature. Notre assemblée confirme par là sa volonté d’affirmer l’impérieuse nécessité d’encadrer et d’appliquer à ces molécules chimiques le principe de précaution, afin de préserver la santé de nos concitoyens.
Plusieurs groupes parlementaires ont commencé des travaux dont le groupe LIOT. Je veux saluer le travail de Jimmy Pahun, de Cyrille Isaac-Sibille et, bien entendu, celui de Nicolas Thierry, que je remercie très sincèrement pour le travail nourri qu’il a fourni depuis plusieurs mois.
Mme Marie-Charlotte Garin
Excellent !
M. David Taupiac
Cette convergence des préoccupations aboutit aujourd’hui à une forme de consensus sur la proposition de loi que ce dernier nous présente dans le cadre de la niche écologiste.
À ce jour, la réglementation concernant les Pfas, qu’elle soit européenne ou nationale, est ciblée sur quelques substances, le PFOA et le PFOS. Les interdictions au niveau européen n’interviendront pas avant 2027 ou 2028... si elles aboutissent.
En juin 2024, le groupe LIOT avait proposé dans sa niche parlementaire un premier volet de mesures : l’interdiction de l’utilisation des Pfas dans les emballages alimentaires et la mise en place de normes de rejet industriel. Depuis, notre proposition d’interdire les Pfas dans les emballages alimentaires a été votée au Parlement européen, mais d’autres sujets restent à traiter.
Aussi, nous partageons la volonté des écologistes de mener une action plus rapide pour protéger les citoyens français et leur environnement. Certes, le texte présenté aujourd’hui peut nous paraître éloigné d’un objectif initial plus ambitieux, mais nous saluons la volonté de compromis de notre collègue Nicolas Thierry. Car la proposition de loi comporte des mesures utiles, qui peuvent être prises dans le cadre de nos connaissances scientifiques actuelles.
Elle propose ainsi un calendrier d’interdiction de l’utilisation des Pfas dans certains produits, comme le fart, les cosmétiques et certains textiles, pour lesquels il existe des solutions de substitution.
À cela s’ajoutent des mesures de réduction de la pollution à la source, par la mise en place de normes de rejet industriel. C’est une démarche nécessaire pour éviter que nos sols et nos eaux, déjà contaminés, continuent de voir ces substances s’accumuler. Quant à l’ajout des Pfas à la liste des substances assujetties à la redevance pour pollution de l’eau, il constitue une première étape vers un financement plus large de la dépollution.
Nous avons certes des regrets quant à la portée de ces mesures, d’une part, parce que la proposition de loi telle qu’issue du Sénat renvoie une grande partie des mesures à des décrets et ménage autant de voies de sortie pour les industriels, d’autre part, parce qu’elle ne concerne qu’un nombre très limité d’usages, qu’il conviendra d’élargir en travaillant avec les industriels concernés.
Ce travail doit notamment être mené sur la détermination des usages réellement « essentiels » de ces substances polluantes, usages indispensables à la santé, à la sécurité ou au fonctionnement de la société, contrairement à d’autres, qui pourraient être arrêtés dès maintenant.
Des travaux de recherche et de développement approfondis sont menés par les scientifiques de par le monde, en vue de trouver des solutions de remplacement. Il faut encourager ces recherches, en incitant plus fortement les industriels à y participer.
Dans l’optique d’aboutir à une adoption conforme de la proposition de loi, notre groupe s’est volontairement abstenu de déposer des amendements. Car, même amoindri, ce texte reste une étape importante et symbolique, et nous voterons en sa faveur. (Applaudissements sur les bancs des groupe LIOT, SOC, EcoS et Dem. – MM. Édouard Bénard et M. Anthony Brosse applaudissent également)
M. le président
La parole est à M. Édouard Bénard.
M. Édouard Bénard
Nous tenons tout d’abord à remercier le rapporteur Nicolas Thierry et nos collègues du groupe écologiste de proposer aujourd’hui, avec ce texte, que la France prenne enfin les devants en Europe dans la lutte contre les Pfas.
Largement utilisée depuis les années cinquante dans une grande diversité de produits de consommation courante, cette grande famille de substances représente une menace réelle pour la santé humaine et pour l’environnement. Ces polluants éternels se sont accumulés partout, dans l’air que nous respirons, dans l’eau que nous consommons, dans nos aliments, dans les sols…
La première certitude est leur niveau de toxicité. La connaissance scientifique, encore partielle, progresse rapidement, et ses conclusions sont sans appel : les liens avec une série de pathologies graves sont désormais bien documentés. Responsables de cancers des testicules et du rein, d’affections du foie, de maladies thyroïdiennes, les Pfas sont encore suspectés d’être impliqués dans le développement d’autres affections telles que le cancer du sein, le diabète, l’endométriose ou la puberté précoce.
La seconde certitude est que l’ensemble de la population française y est exposée à des niveaux variables. Nous devrons attendre les résultats de la nouvelle étude en cours, mais l’étude Esteban publiée en 2019 par Santé publique France a montré que, sur dix-sept Pfas, sept étaient régulièrement quantifiés chez les adultes et six chez les enfants. Le PFOA et le PFOS sont, quant à eux, présents chez tous les adultes et tous les enfants, à des niveaux qui varient selon le sexe, l’âge, la consommation de poisson et de produits de la mer, de légumes, l’utilisation de produits ou matériaux pendant les travaux de loisirs ou de bricolage…
Avec l’émission de quelque 75 000 tonnes en Europe en 2020 et une production moyenne d’environ 49 millions de tonnes sur trente ans, nous sommes devant un fléau sanitaire absolument majeur.
La réglementation européenne avance, prudemment, timidement, mais reste balbutiante.
De lourdes incertitudes pèsent de surcroît sur le processus de restriction universelle, défendu par plusieurs pays européens. Nos propres lacunes réglementaires sont béantes ; elles appellent une réponse d’urgence.
C’est l’ambition évidemment de ce texte qui, nous en sommes tous d’accord à la gauche de cet hémicycle, ne va pas assez loin. Nos débats en première lecture l’ont appauvri, mais les débats au Sénat ont permis d’aboutir à une rédaction dont nous ne pouvons sous-estimer la portée : interdiction, à partir du 1er janvier 2026, de la mise sur le marché des produits cosmétiques et textiles contenant des Pfas, assortie d’un régime équilibré d’exception ; mesures de contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables ; définition d’une trajectoire nationale de réduction des rejets aqueux de Pfas des installations industrielles, qui fixe un horizon de cinq ans pour la fin des rejets industriels ; définition d’un plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine ; mise en place d’une redevance sur les Pfas dans la logique incontournable du principe pollueur-payeur – entre autres. Toutes ces mesures sont certes le fruit d’un compromis, mais d’un compromis qui fait œuvre utile, car notre pays doit impérativement prendre ses responsabilités.
Comme l’a souligné avec raison M. le rapporteur, nous pouvons comparer la pollution liée aux Pfas aux scandales du chlordécone et de l’amiante. C’est pourquoi nous demeurons convaincus qu’il faudra, à compter de l’adoption de cette proposition de loi, acter très rapidement de nouvelles avancées pour les travailleurs, trop longtemps exposés dans un silence orchestré, et pour nos populations, comme celle de l’agglomération rouennaise qui découvrait, il y a quelques jours, grâce aux associations de consommateurs, une nouvelle contamination massive de ses eaux.
Ce texte met enfin un pied dans la porte. Il ouvre la voie à de nouvelles évolutions législatives concernant les dossiers prioritaires de la gestion des pollutions historiques, de la protection des salariés ou encore des rejets aériens. Nous voterons donc avec la même conviction qu’en première lecture ce texte, dont l’adoption définitive honorera le Parlement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux
Nous nous inquiétons de l’empressement que mettent nos collègues de gauche et d’extrême gauche à produire des lois et des répercussions d’un tel texte sur notre souveraineté industrielle. (« Oh là là ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Marie-Charlotte Garin
Nous sommes écologistes !
M. Éric Michoux
La prise en considération des enjeux de santé ne doit pas se faire au détriment de l’emploi, de la structuration de nos territoires et de nos fleurons industriels, qui sont pleinement conscients de la situation et des enjeux des Pfas pour la santé. Ce ne sont ni des pollueurs ni des empoisonneurs. Par ailleurs, ils sont déjà soumis au calendrier imposé par l’Union européenne d’ici à 2028, ainsi qu’au règlement Reach. Certains de nos amendements visent à contribuer à une mise en cohérence du calendrier à l’échelle européenne.
Cette proposition de loi anticipe l’évolution de la réglementation européenne et…
Mme Marie-Charlotte Garin
Protège les citoyens !
M. Éric Michoux
…risque de conduire à une surtransposition de normes.
M. Pierre Pribetich
Tant mieux !
M. Éric Michoux
Je tiens à évoquer avec vous la situation de l’entreprise Tefal, qui se situe dans ma circonscription et qui compte 3 000 salariés en France : elle emploie 1 800 personnes en Bourgogne-Franche-Comté, dont 300 à Tournus.
M. Pierre Pribetich
Voilà la raison de votre opposition !
Mme Marie-Charlotte Garin
Elle n’est pas concernée par la loi !
M. Éric Michoux
C’est un fleuron de notre industrie nationale et un poumon économique pour toute la région. Grâce à l’engagement acharné des parlementaires à l’Assemblée, puis au Sénat, l’entreprise est finalement épargnée par le texte, les ustensiles de cuisson ayant été retirés du champ d’application de la proposition de loi. Nous avons évité le pire pour Tefal et ses 1 800 salariés, ainsi que pour notre territoire. Sachez que nous serons particulièrement vigilants quant à l’application de la proposition de loi et de ses dispositions.
Il est nécessaire de laisser du temps aux entreprises pour s’adapter dans un contexte déjà tourmenté et pour trouver une solution durable. La précipitation ne peut que détruire l’emploi et nuire durablement à notre souveraineté industrielle.
M. Emeric Salmon
Il a raison !
M. Éric Michoux
L’inflation réglementaire, couplée à un calendrier accéléré et déconnecté de la réalité de terrain, inquiète à juste titre les professionnels – alors même que le président de la République parle de réindustrialiser la France. Nous devons faire confiance à nos entreprises et à nos entrepreneurs pour trouver des solutions de développement durable.
La proposition de loi ne propose pas de classement des substances en fonction de leur dangerosité et les traite d’un seul bloc. En rejetant l’ensemble des Pfas, on oublie que certains sont utilisés dans des dispositifs médicaux : stents, prothèses médicales, pacemakers, etc. On oublie aussi qu’on les retrouve dans les batteries au lithium, dans les éoliennes, ainsi que dans les mousses coupe-feu. On les retrouve dans nombre d’éléments importants. C’est dire l’absurdité de ce texte défendu par la gauche et l’extrême gauche. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Anne Stambach-Terrenoir
C’est vous qui êtes absurde !
M. Éric Michoux
Au nom d’une vision dogmatique, la proposition de loi contribuera à une destruction massive de nos industries, l’ironie étant que ceux qui souhaitent une interdiction des Pfas iront dans les entreprises en faillite, debout sur les palettes avec leurs complices de la CGT, vociférer leur indignation, apporter leur faux soutien aux salariés et exiger des aides de l’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.) Ce sont les mêmes qui, au nom du dogme de la voiture électrique, ont sacrifié l’automobile française et s’indignent des fermetures d’usines. Heureusement que la honte ne tue pas ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Une fois de plus, nous soumettrons notre économie à une concurrence déloyale – comme pour nos voitures, comme pour notre agriculture. En interdisant chez nous, nous renforcerons les importations depuis des pays moins regardants en matière environnementale. Finalement, la seule vraie promesse de ce texte est celle d’une casse sociale et industrielle au nom d’une lecture partisane des enjeux sanitaires. C’est également l’assurance d’importations massives de produits parfois toxiques, dont nous serons complices.
Si nous ne produisons plus de poêles Tefal à Tournus,…
Mme Marie-Charlotte Garin
Ce n’est pas dans le texte !
M. Éric Michoux
…les Chinois en exporteront…
Mme Marie-Charlotte Garin
Ça non plus !
M. Éric Michoux
…et notre marché sera envahi par des produits toxiques. Ces dogmatismes et ces idéologies mènent au grand remplacement de notre industrie par de la camelote toxique provenant de Chine.
Mme Marie-Charlotte Garin
C’est déjà le grand remplacement de l’intelligence !
M. Éric Michoux
Soucieux de l’intérêt collectif, soucieux des problèmes de santé,…
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Et soucieux des poêles !
Mme Marie-Charlotte Garin
Les cancers, ça vous préoccupe ?
M. Éric Michoux
…le groupe UDR est pleinement conscient des enjeux de santé publique que soulèvent les Pfas. Nous connaissons les préoccupations des Français, qui sont légitimes, mais nous connaissons également celles de l’industrie, tout aussi légitimes.
Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Marie-Charlotte Garin
Il aurait fallu le lire !
M. le président
La parole est à M. Emeric Salmon.
M. Emeric Salmon
Les Pfas constituent une préoccupation majeure pour nos compatriotes, qui s’inquiètent de leurs conséquences sur la santé publique, mais aussi des menaces qui pèsent sur l’emploi industriel en raison des restrictions imposées aux seules entreprises françaises. Ces contraintes favorisent les délocalisations et affaiblissent notre tissu économique.
Il est impératif de soutenir notre industrie, de la préserver d’une réglementation et d’une fiscalité excessive, afin de garantir une production souveraine sur notre territoire.
Nous manquons encore de connaissances précises sur les Pfas.
Mme Delphine Batho
Et c’est parti !
M. Emeric Salmon
Le sujet est si complexe que nous ne savons même pas combien de substances existent exactement. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Jean-Louis Roumégas
Si, mais il aurait fallu se renseigner !
Mme Sandrine Rousseau
Alors on ne fait rien ?
M. Emeric Salmon
En septembre 2023, l’Anses a lancé un appel à candidatures pour constituer un groupe de travail chargé d’établir des valeurs toxicologiques de référence pour les Pfas.
Mme Sandrine Rousseau
Un groupe de travail ? Nous sommes sauvés !
M. Emeric Salmon
Une approche scientifique rigoureuse est essentielle. Une fois que nous disposerons de davantage de données, nous pourrons voter des lois éclairées.
Mme Marie-Charlotte Garin
Vous n’avez pas écouté !
M. Emeric Salmon
C’est pourquoi nous proposerons un amendement portant sur les valeurs toxicologiques de référence pour les Pfas.
L’une des priorités du Rassemblement national, avec Marine Le Pen, est la réindustrialisation de la France. Nous examinerons donc avec la plus grande attention les mesures de soutien à l’industrie dans le cadre de notre commission d’enquête visant à identifier les freins à la réindustrialisation de la France.
Les propositions de loi interdisant les Pfas ont déjà des conséquences dramatiques pour l’emploi et pour notre souveraineté.
M. Kévin Mauvieux
Eh oui !
M. Emeric Salmon
Prenons l’exemple du Gard, dans la circonscription de mon collègue Pierre Meurin. Une usine fabriquant des produits contre le cancer y a fermé en raison d’une pression réglementaire croissante. C’était la seule usine d’Europe fabriquant ce produit stratégique pour les médicaments contre le cancer. Désormais, elle est en Chine.
Mme Marie-Charlotte Garin
Alors votez la proposition de loi !
M. Emeric Salmon
Même situation en Isère, où une usine qui travaille pour les secteurs de la défense, du spatial et du nucléaire cessera bientôt ses activités. Sa fermeture posera des problèmes d’approvisionnement pour des entreprises stratégiques françaises. Ce site industriel va fermer car il anticipe des normes étouffantes, voulues par l’extrême gauche du Nouveau Front populaire, qui feindra ensuite de soutenir les salariés, malgré sa responsabilité directe dans cette fermeture. Vous imposez des lois qui provoquent la fermeture de nos entreprises pour ensuite prétendre, sans gêne, soutenir les salariés mis au chômage par votre dogmatisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Marie-Charlotte Garin
Salariés qui sont directement exposés aux Pfas !
M. Emeric Salmon
Votre proposition de loi est un leurre, car il est impossible de contrôler la présence de Pfas dans les produits importés, comme nous l’avait confirmé Roland Lescure lorsqu’il était ministre. Comment prétendre instaurer des contrôles douaniers efficaces sur des milliers de conteneurs en provenance d’Asie alors que nous sommes incapables d’identifier l’ensemble des Pfas présents dans ces produits ? Cette proposition de loi entraînera la fermeture de sites industriels français,…
M. Sébastien Chenu
L’extrême gauche déteste les ouvriers !
Mme Marie-Charlotte Garin
Vous préférez leur filer le cancer !
M. Emeric Salmon
…tandis que des produits étrangers contenant des Pfas continueront d’inonder notre marché national.
Mme Marie-Charlotte Garin
Ce n’est pas ce que dit le texte !
M. Emeric Salmon
Prenons l’exemple de l’usine implantée dans ma circonscription,…
M. Pierre Pribetich
Encore un lobbyiste !
M. Emeric Salmon
…à Faucogney-et-la-Mer, en Haute-Saône, qui risque d’être délocalisée si la législation devient encore plus contraignante.
Mme Marie-Charlotte Garin
Que direz-vous aux ouvriers malades de votre circonscription ?
M. Emeric Salmon
L’entreprise délocalisée en Asie sera plus polluante et exportera chez nous des produits de moins bonne qualité. Pensez-vous qu’il est bénéfique que ce site industriel quitte la Haute-Saône pour aller dans un pays asiatique qui impose moins de normes et de contrôles ?
Mme Marie-Charlotte Garin
Ce n’est pas ce que dit la loi !
M. Emeric Salmon
Les élus de gauche, comme Laurent Seguin, président socialiste du conseil départemental de Haute-Saône, soutiennent localement les industriels, tandis que vous voulez détruire l’emploi des ouvriers avec votre volonté d’interdire les Pfas. Tout cela me paraît très hypocrite.
Mme Marie-Charlotte Garin
Vous ne devriez pas mentir !
M. Emeric Salmon
La proposition de loi introduit une nouvelle taxe, sous la forme d’une redevance, qui ne pénalisera que les entreprises françaises et offrira un avantage compétitif aux firmes étrangères, aggravant ainsi la concurrence déloyale. Toujours plus de taxes et d’impôts sur les entreprises alors que le gouvernement prétend les soutenir…
Cher rapporteur, je veux vous convaincre que le progrès scientifique et technique permettra de réduire l’impact des Pfas sans recourir à des interdictions destructrices pour l’emploi et l’économie.
Mme Marie-Charlotte Garin
Qui vous a donné ces éléments de langage ?
M. Pierre Pribetich
Dans tes rêves !
M. Emeric Salmon
Des chercheurs français font actuellement des avancées majeures, notamment en explorant l’utilisation de bactéries capables d’éliminer les Pfas dangereux. Faisons confiance à la recherche et à l’innovation,…
Mme Marie-Charlotte Garin
Ça fait soixante ans qu’on leur fait confiance !
M. Emeric Salmon
…plutôt que d’être le seul pays au monde à imposer ce type de réglementation absurde qui condamne nos industries.
Mme Marie-Charlotte Garin
Vous préférez condamner les travailleurs !
M. Emeric Salmon
Il est irresponsable d’interdire à nos entreprises d’utiliser les Pfas si nous ne disposons pas de produits de substitution viables et sans danger pour la santé humaine. Certains de ces composés ont des propriétés essentielles de durabilité contre l’obsolescence programmée, de résistance à la chaleur ou au froid, ou encore d’étanchéité. Une interdiction totale priverait nos compatriotes d’une centaine de médicaments indispensables à leur santé.
M. Emmanuel Duplessy
Ce n’est pas dans la proposition de loi !
M. Emeric Salmon
Il est impératif d’adopter une approche mesurée, basée sur la science et la protection de notre économie, plutôt que de céder à des mesures idéologiques aux conséquences désastreuses pour la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Marie-Charlotte Garin
Vous n’aurez qu’à dire ça aux travailleurs malades dans votre circonscription !
M. le président
La parole est à M. Anthony Brosse.
M. Anthony Brosse
Ce texte, que nous examinons pour la dernière fois je l’espère, vise à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées. Sa rédaction, qui a évolué au cours de la navette, n’est pas parfaite. Il ne peut pas être exhaustif tant les Pfas sont nombreuses et disséminées dans de nombreux objets de notre quotidien.
La présente proposition de loi marque cependant un premier pas essentiel dans la régulation de l’utilisation de ces polluants dans des secteurs importants à l’image des cosmétiques ou encore des textiles. Je salue la pugnacité du rapporteur et des collègues investis sur le sujet.
Les dates d’interdiction ont évolué et les produits concernés ont fait débat, mais nous avons su trouver un consensus entre parlementaires, accepté par les associations de consommateurs et de protection de l’environnement, ainsi que par la majorité des industriels producteurs de Pfas concernés par ces interdictions.
Ce dialogue entre différents acteurs et son aboutissement dans la proposition de loi démontrent que nous pouvons avancer tous ensemble vers des solutions concrètes et durables pour notre pays.
Certes, les ustensiles de cuisine n’ont pas été retenus dans l’interdiction au 1er janvier 2026. Les entreprises concernées et leurs salariés verront leurs outils de production et leurs emplois préservés. L’évolution de ce secteur, en réponse à un législateur prompt à infléchir la réglementation sur les Pfas, demeure toutefois nécessaire.
Dès lors, c’est toute une industrie qui devra consacrer plus de moyens à la recherche, dans l’objectif de trouver de nouveaux composants, moins nocifs pour l’être humain et son environnement. Ce défi est exigeant, mais fondamental ; il sera relevé avec le nécessaire soutien de l’État.
Autre point, tout aussi essentiel : la réduction des rejets aqueux et la création d’un plan de financement de la dépollution des eaux destinées à notre consommation. De récentes investigations journalistiques ont révélé la vaste contamination de l’environnement par ces polluants éternels – éternels, car la nature ne peut les éliminer par elle-même et parce qu’une action humaine est nécessaire pour les faire disparaître de nos sous-sols, de nos nappes phréatiques et de nos cours d’eau.
Si les estimations varient en fonction du degré de contamination supposé, la dépollution, à l’échelle européenne, coûterait plusieurs milliards d’euros et exigerait deux décennies. C’est donc un défi immense qui nous attend et cette proposition de loi a le mérite de commencer à le relever avec ses articles 1er bis, 1er ter et 2. L’Union européenne et la France doivent renforcer leurs moyens de surveillance des Pfas pour mieux mesurer leurs rejets. La proposition de loi vise précisément cet objectif et permettra de maîtriser leur production et leur importation. Ce dernier objectif semble être le plus complexe à atteindre tant le nombre de substances existantes est élevé – près de 15 000 – et les produits importés difficiles à contrôler du fait de la diversité de leur provenance.
La récente révision du règlement européen Reach, qui concerne l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des produits chimiques utilisés en Europe, décidée l’année dernière, démontre la volonté des parlementaires de poursuivre l’action européenne en faveur d’une plus grande protection environnementale et sanitaire, et c’est en ce sens que nous devrons poursuivre nos efforts.
Néanmoins, l’Union européenne devra encore renforcer ses contrôles afin de traiter plus efficacement les produits qui arrivent sur son marché et qui présentent des risques environnementaux et sanitaires. Aussi l’élaboration d’une cartographie des sites qui émettent des Pfas et qui présentent un danger a-t-elle été utilement introduite par amendement, lors de la première lecture du texte. Elle permettra d’identifier les sites prioritaires qui devront faire l’objet d’une dépollution et d’un suivi particulièrement étroit.
Bien que ces mesures n’impliquent pas l’arrêt total de la production de Pfas et de ses rejets dans l’environnement, le texte que nous examinons ce matin présente l’avantage d’inscrire dans la loi de premières dispositions importantes et engageantes pour l’avenir.
Le groupe Ensemble pour la République appelle donc l’Assemblée à une adoption conforme de la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. Marc Fesneau et Mme Anne-Cécile Violland applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Pfas : quatre lettres derrières lesquelles se cache peut-être le pire scandale sanitaire jamais connu, une pollution massive et généralisée, qui affecte la santé humaine et tout l’écosystème planétaire. Les scientifiques nous alertent : nous ne voyons encore probablement que le sommet de l’iceberg.
Ces composés chimiques et toxiques sont partout : dans nos vêtements, dans nos ustensiles de cuisine, dans nos maisons, dans nombre de pesticides et herbicides et, nous venons de l’apprendre, dans l’eau potable – du moins celle que l’on croyait potable –, massivement polluée. En bref, ils imprègnent notre quotidien.
En France, on compte plus de 900 sites contaminés, dont 108 présentent une concentration de Pfas dangereuse pour la santé – des chiffres que l’on sait largement sous-estimés.
Les Pfas se déplacent vite et loin et on les appelle polluants éternels parce qu’ils ne se dégradent pas dans la nature. Ils s’accumulent dans les organismes vivants, êtres humains compris, et nous sommes tous contaminés. Lésions hépatiques, maladies thyroïdiennes, cancers, problèmes de fertilité, baisse de la réponse immunitaire, obésité… Leurs conséquences sont dramatiques.
Les Pfas s’accumulent aussi le long de la chaîne alimentaire, et c’est à cause de ce phénomène de bioamplification qu’on a retrouvé plus d’une dizaine de ces composés chez des ours polaires, qui vivent pourtant loin de toute source de contamination. La pollution est donc planétaire. Chez les animaux exposés, on constate des troubles hormonaux, une réduction de la fertilité et des dysfonctionnements immunitaires. À l’heure de la sixième extinction des espèces, c’est une alerte rouge ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Karine Lebon applaudit également.)
Merci, monsieur le rapporteur, de permettre aujourd’hui, enfin, une avancée concrète contre ce fléau. Nous empêcherons tout amendement à ce texte, pour lui éviter un retour au Sénat à l’issue incertaine et potentiellement funeste, car il y a urgence à agir.
Enfin, c’est l’espoir qu’on entrevoit, après les tentatives de nos collègues Pahun et Taupiac, vidées de leur sens par une Macronie pour qui il était urgent d’attendre et de tout renvoyer au futur règlement européen Reach, et après les fameux plans Pfas du gouvernement, vides de toute mesure de réduction contraignante. Chapeau ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous devons agir sans attendre l’Europe : notre groupe avait fait ajouter en première lecture le recours à la clause de sauvegarde de l’article 129 du règlement Reach, qui permet à un pays de mener une action d’urgence pour protéger la santé humaine d’une substance nocive. Le Sénat l’a toutefois supprimé.
Je veux vous dire notre déception devant toutes les mesures de la proposition de loi qui ont été sacrifiées. Dans sa version initiale, elle prévoyait l’interdiction des Pfas dans les produits destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires. L’hémicycle a décidé de sa disparition, sous la pression de Tefal, de sorte que seule l’interdiction en 2026 des Pfas dans les cosmétiques, le fart et les textiles d’habillement demeure. L’interdiction de tout produit contenant des Pfas en 2027 est devenue interdiction de tout produit textile présentant ces substances en 2030.
Elles nous coûteront cher, les années perdues du fait de ces reports ! Elles coûteront cher, dans tous les sens du terme : selon Le Monde, la France devrait consacrer 12 milliards d’euros par an à l’élimination des Pfas, notamment du TFA, le plus microscopique d’entre eux. Au niveau européen, le coût de l’exposition aux Pfas pour la santé est estimé entre 52 et 84 milliards d’euros par an ! Derrière ces chiffres froids, des maladies et des souffrances. Alors faire payer aux pollueurs une taxe de 1 % sur leurs bénéfices, comme le proposait Nicolas Thierry, c’est bien le moins qu’on puisse leur demander. Mais cette mesure aussi a été balayée.
Face à l’ampleur de ce scandale sanitaire, nous devrions unanimement réclamer des mesures fortes ! Honte à ceux qui préfèrent les lobbys de la chimie et de la poêle à frire à notre santé ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Emeric Salmon
Vous croyez que les Chinois se soucient de votre santé ?
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Le 15 octobre, on a appris que l’usine de Daikin Chemical France à Pierre-Bénite avait lancé la fabrication d’un nouveau produit perfluoré. Or la zone est déjà soumise régulièrement à des interdictions de consommation de légumes, d’eau de pluie et d’œufs à cause de la pollution aux Pfas ! Tefal, de son côté, persiste à affirmer que le remplaçant du téflon, le polytétrafluoroéthylène (PTFE), n’est pas dangereux, alors que des Pfas sont émis lors de sa production et de sa destruction, et que l’ARS en a retrouvé dans les rejets actuels de l’usine !
M. Hadrien Clouet
Scandaleux !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Oui, il faut interdire largement les Pfas, et peut-être même d’abord au profit des salariés des industries concernées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
Exactement !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Jean-Louis Peyren, délégué syndical de la CGT, l’affirme au media Reporterre : « On ne va pas continuer à fabriquer un produit dangereux, simplement pour alimenter l’économie et faire travailler des personnes. » Il faut pourtant croire que c’est ce que veulent certains ici ! Fabriquer un produit, c’est y être exposé tous les jours ! Si nous, législateurs, n’intervenons pas, qui protège ces travailleurs ? Qui protège les riverains des usines ?
M. Maxime Laisney
Elle a raison !
Mme Karine Lebon
C’est vrai !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Il y aura encore beaucoup à faire, mais avec ce texte, nous mettons le pied dans la porte et ça, c’est déjà beaucoup trop pour le Rassemblement national, qui oublie toute urgence de santé publique par haine de l’écologie ! Après nous avoir quand même dit en commission que les Pfas étaient dus aux éoliennes,…
M. Julien Guibert
C’est n’importe quoi !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
…ses représentants osent écrire dans un amendement que « l’usage de ces substances est déjà encadré par des textes internationaux et européens, auxquels il n’est nul besoin d’ajouter. » Se relisent-ils ? Ils devraient se renseigner, lire des études scientifiques et pas se fier aux dires des lobbys.
M. Maxime Laisney
C’est vrai !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Seule une poignée des près de 12 000 composés que nous connaissons est réglementée aujourd’hui ! Pendant que nous parlons, ces 12 000 substances continuent de s’accumuler un peu partout sur le globe et dans nos organismes : on ne peut plus attendre ! Il faudra d’autres mesures et mon groupe y travaille déjà, avec résolution.
Aujourd’hui, nous franchissons une première étape, cruciale pour la préservation du seul écosystème qui permet la vie humaine. J’en appelle à la responsabilité de chacune et de chacun : engageons la bataille ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)
M. Sébastien Chenu
Nul ! Qu’est-ce que c’était nul !
M. le président
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
Quelques mois après son adoption en première lecture, le groupe Socialistes et apparentés se félicite de voir le texte de ses partenaires écologistes revenir aujourd’hui dans l’hémicycle, en deuxième lecture. Il salue aussi la ténacité du rapporteur, Nicolas Thierry.
Oui, il est grand temps que le législateur agisse contre les Pfas indestructibles dans la nature et capables de se disperser sur de très longues distances. C’est l’exemple même du combat que nous devons mener pour protéger la santé de nos concitoyens. Comme de nombreux collègues, je suis estomaqué des propos tenus par les représentants de l’extrême droite, qui préfèrent céder aux sirènes des lobbys plutôt que de la préserver.
Utilisés de nombreuses manières, ces substances sont plébiscitées par les industriels pour leurs qualités antiadhésives et imperméabilisantes. Pourtant, elles posent deux problèmes très concrets et ont fait l’objet d’une large attention médiatique ces derniers mois – nous ne pouvons d’ailleurs que nous féliciter du rôle de lanceur d’alerte joué par le monde de la recherche et les associations environnementales auprès des parlementaires.
Premier problème, ces substances sont partout dans notre environnement, comme l’ont démontré les rapports du BRGM et du Forever Pollution Project, qui ont recensé près de 17 000 sites contaminés dans toute l’Europe, dont près de 2 000 présentent des niveaux de pollution particulièrement inquiétants pour la santé des populations vivant à leur proximité.
Madame la ministre, vous avez fait état des travaux que vous allez conduire avec le BRGM et nous ne pouvons que saluer votre démarche.
La question de la présence des Pfas dans l’eau, l’air et dans certaines poussières n’est absolument pas anodine et le coût de la dépollution est mirobolant : près de 2 000 milliards d’euros sur vingt ans, selon les dernières estimations faites en Europe. C’est d’ailleurs en Europe que nous trouvons quelques exemples d’investissements dans la dépollution des Pfas qui laissent imaginer l’ampleur de la facture : gérer la contamination de l’eau bue par 1,2 million de riverains de l’aéroport de Düsseldorf en Allemagne a coûté la bagatelle de 100 millions d’euros. Filtrer l’eau dans la province de Vénétie en Italie a coûté plus de 16 millions.
Deuxième problème, et c’est là où le bât blesse, plusieurs Pfas produisent des effets nocifs et toxiques sur le métabolisme humain ; leur caractère cancérigène est avéré. Certaines font d’ailleurs déjà l’objet d’interdictions européennes. Le texte que nous examinons s’inscrit donc dans la continuité de ce mouvement réglementaire né au début des années 2000. Il marquera une étape fondatrice pour sortir notre pays de sa dépendance aux éléments chimiques nocifs.
Bien que la version que nous examinons aujourd’hui soit moins ambitieuse que celle que nous avons examinée il y a quelques mois, comment ne pas se satisfaire que le législateur s’empare de ce sujet écologique et sociétal majeur ?
Comme nous l’avons déjà fait en commission, nous soutiendrons donc cette proposition de loi et nous plaidons, comme le rapporteur, pour un vote conforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Vincent Descoeur.
M. Vincent Descoeur
La proposition de loi de Nicolas Thierry traite d’un sujet particulièrement préoccupant, régulièrement soulevé et de plus en plus fréquemment pointé du doigt, mais qui n’a pas encore trouvé de réponse législative : les risques sanitaires et environnementaux découlant de la présence, importante dans notre environnement, des substances per- et polyfluoroalkylées, les Pfas, tristement connues sous le nom de polluants éternels en raison de leur persistance dans l’environnement.
Si les Pfas présentent des propriétés particulières, qui ont incité les industriels à les développer – on en recense aujourd’hui plus de 11 000 –, elles présentent l’inconvénient majeur de persister dans l’environnement, où elles ne cessent de s’accumuler. On les retrouve en quantité dans les sols, dans l’air et dans l’eau, tout particulièrement dans celle destinée à la consommation humaine. Cela suffit à justifier que l’on se préoccupe de cette question de santé publique en introduisant sans délai le principe d’une recherche systématique de la présence de ces Pfas dans l’eau potable.
Au-delà de cette disposition, le texte a pour ambition de définir une trajectoire de réduction progressive des rejets industriels des Pfas dans l’eau et propose d’introduire l’interdiction de la production, de la mise sur le marché et de l’importation – précision utile – de plusieurs produits non essentiels contenant ces substances. Les produits utilisés à des fins professionnelles ou pour garantir la protection ou la sécurité des personnes seront exclus de cette liste, ainsi que ceux dont l’utilisation, sans alternative connue à ce jour, est essentielle à notre souveraineté nationale.
L’article 2 de la proposition de loi introduit le principe d’une redevance, acquittée par les producteurs de ces molécules, afin qu’ils contribuent à la dépollution, en accompagnant, par l’intermédiaire des agences de l’eau, les collectivités qui devront immanquablement investir massivement pour assurer la dépollution de l’eau destinée à la consommation humaine.
J’y souscris pleinement à titre personnel, avec d’autant plus d’enthousiasme que la proposition d’élargir aux Pfas la redevance pour pollutions diffuses figurait en bonne place dans le rapport d’information sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique, que j’ai cosigné avec mon collègue Yannick Haury. Cette proposition déclinant le principe du pollueur-payeur trouve ici sa traduction concrète.
La proposition de création d’un plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution des eaux, introduite par le Sénat, a quant à elle pour objectif de ne pas faire supporter par les seules collectivités locales le coût très élevé de cette dépollution.
Ce texte adopté en première lecture par l’Assemblée, fruit d’un compromis avec le Sénat auquel je remercie notre collègue d’avoir pris toute sa part, vise avant tout à protéger nos concitoyens des risques inhérents au rejet de ces substances désormais omniprésentes dans l’environnement, et à réduire ou interdire à terme leur usage, au regard de leur toxicité et de leur caractère persistant très préoccupant – le caractère nocif et cancérogène des Pfas ayant pu être établi.
Si je n’ignore pas les réserves de certains collègues qui souhaiteraient que l’on puisse distinguer ces substances en fonction de leur degré de toxicité, ni les interrogations sur la capacité des industriels à appliquer des solutions alternatives dans les délais impartis, nous ne pouvons pas rester sourds aux inquiétudes légitimes exprimées par nos concitoyens au vu des analyses qui confirment la présence de ces Pfas, en nombre toujours plus important, dans notre environnement quotidien, dans l’eau que nous buvons et dans les tissus humains.
La présente proposition de loi, amendée par notre assemblée en première lecture, puis par le Sénat, résulte d’une prise de conscience salutaire. Elle constitue une première solution à un problème de santé très préoccupant ; un premier pas auquel s’associera une très large majorité de mes collègues du groupe Droite républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Mme la présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire applaudit également.)
M. Alexandre Portier
Excellent !
M. le président
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Messieurs les députés Michoux et Salmon, je ne peux rester insensible à votre plaidoyer en faveur de l’industrie française. Nous défendons nous-mêmes depuis sept ans une politique de réindustrialisation qui a permis d’inverser la baisse de l’emploi industriel que connaissait de manière continue notre économie. Bien que nous traversions actuellement un moment difficile, cela mérite d’être souligné : alors qu’il n’y avait eu qu’une seule année de création d’emplois industriels entre 1980 et 2016, depuis sept ans, nous avons renversé la vapeur.
M. Hadrien Clouet
Comme par magie !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Ce n’est donc pas l’ancienne salariée de l’industrie automobile ni l’ancienne ministre chargée de l’industrie que je suis qui ira à l’encontre de votre plaidoyer. Cependant, je ne comprends pas pourquoi vous vous opposez à des dispositions destinées à protéger nos industriels contre la concurrence déloyale, alors qu’ils ont fait l’effort, notamment dans la filière cosmétique, de mettre au point des technologies pour éviter les Pfas. Pourquoi ne pas voter les mesures qui reconnaissent la qualité des procédés mis en place et nous donnent les moyens de contrôler les marchandises importées potentiellement dangereuses pour les Français ?
M. Emeric Salmon
Parce que c’est inapplicable, c’est totalement fictif ! Combien de contrôles auront lieu ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Cette proposition de loi ne concerne ni les usages médicaux, ni les batteries électriques, ni les éoliennes – je me réjouis que vous les évoquiez ! –, ni les mousses anti-incendie, ni les poêles antiadhésives produites par Tefal.
M. Emeric Salmon
M. le rapporteur l’a annoncé dans la presse : c’est l’étape suivante !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Plutôt que de ralentir son adoption en défendant des amendements que vous savez n’avoir aucune portée pratique ou qui sont déjà satisfaits, je vous invite à avancer, au service de l’industrie française et de la santé des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Vincent Jeanbrun applaudit également.)
Discussion des articles
M. le président
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.
Article 1er
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
L’article 1er revêt une importance particulière : il interdit les usages de Pfas que je qualifiais de futiles dans mon rapport du 27 mars 2024. Dans les produits de fart, les produits textiles et les cosmétiques, on peut très bien s’en passer. D’ailleurs, les industriels que j’ai auditionnés se disent prêts à modifier leurs processus de production en conséquence. Ainsi, les industriels de la filière cosmétique, pourtant attaqués aux États-Unis à cause de la présence de Pfas dans leurs produits, m’ont dit avoir compris le message que nous envoyons grâce à cet article 1er – c’est dire son importance – et modifié leurs procédés de fabrication pour qu’ils n’en contiennent plus. Cependant, d’autres Pfas sont essentiels, notamment pour la santé ou la transition énergétique : ceux-là doivent être conservés et contrôlés.
M. le président
La parole est à Mme Véronique Riotton.
Mme Véronique Riotton
Ce texte essentiel sert notre objectif commun de protéger la population contre les risques sanitaires et environnementaux liés au Pfas. Nos deux assemblées ont reconnu la nécessité d’agir en prenant le sujet au sérieux. Ainsi, dès 2026, nous pourrons en interdire l’usage dans les produits de fart, les cosmétiques, les textiles et les chaussures. Le groupe EPR est évidemment favorable à leur interdiction complète lorsqu’un produit de substitution existe. Procéder de la sorte est la meilleure manière d’engager une transition positive, sachant qu’il faudra attendre 2030 pour que l’ensemble des textiles soient interdits.
Il me paraît cependant important de clarifier la classification de ces substances. L’OCDE a proposé la sienne, en distinguant les Pfas non-polymères d’un côté, et les Pfas polymères de l’autre, comprenant les polymères à chaînes latérales fluorées, les perfluoropolyéthers et les fluoropolymères. Seuls ces derniers sont réputés sûrs.
Quoi qu’il en soit, il importe à nos industriels que les études menées au niveau européen visent chacune des molécules séparément. Parce que les industriels ne restent pas les bras croisés mais travaillent pour faire évoluer leur production et trouver des produits de substitution, l’État et les collectivités doivent les accompagner. Ce texte, attendu par les Haut-Savoyards et l’ensemble de nos concitoyens, est équilibré : fruit d’un travail transpartisan, il constitue un compromis qui satisfait les parties prenantes et permet à la France de devenir, en Europe, l’une des pionnières sur ce sujet. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Mme Anne-Cécile Violland applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Il s’agit effectivement d’un débat important, attendu par beaucoup. Lors de la discussion générale, que j’ai écoutée attentivement, j’ai constaté qu’il était facile de lancer des anathèmes. Je tiens donc à préciser d’emblée que je n’ai eu aucun contact avec des lobbys. Il ne semble pas non plus que des industries utilisant ces produits soient présentes dans ma circonscription. Enfin, si j’ai pu recevoir des mails sur le sujet, je ne les ai même pas lus. Je n’ai donc qu’un intérêt intellectuel et législatif pour le sujet.
Je ne critique pas la volonté de réduire l’usage de ces polluants. Les amendements que je défendrai portent sur la rédaction du texte, laquelle mérite d’être soignée afin que la loi soit bien appliquée. J’identifie deux problèmes, en l’état : le premier concerne la portée uniquement nationale du texte, alors que des tentatives existent pour réglementer les usages au niveau européen. Dans une région frontalière comme la mienne – c’est sans doute vrai partout ailleurs, puisque nous évoluons tous dans un marché commun –, l’échelle nationale n’est pas la plus pertinente. Le second problème concerne le contrôle des importations destiné à protéger la population des Pfas contenus dans les produits importés. Quels sont nos moyens en matière de contrôle aux frontières ?
M. Emeric Salmon et M. Julien Guibert
Il n’y en a pas !
M. Fabien Di Filippo
J’aimerais que nous puissions répondre à cette question…
Mme Marie-Charlotte Garin
Vous avez fini, collègue !
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin.
M. Pierre Meurin
Le texte est en effet d’une grande hypocrisie : nous nous apprêtons à interdire, dans notre pays, des produits que nous continuerons à importer bien qu’ils répondent à des normes sociales et environnementales moins-disantes. Le ministre Roland Lescure le soulignait en première lecture : les moyens de contrôle aux frontières sont inexistants.
Nous sommes évidemment sensibles au problème de santé publique posé par les Pfas. Cette proposition de loi présente toutefois un défaut : de manière transversale, elle touchera toute l’industrie française.
Mme Marie-Charlotte Garin
C’est faux !
M. Pierre Meurin
Il ne s’agit pas de jouer des lobbys contre d’autres lobbys : vous discutez vous aussi avec des groupes d’intérêt – ce texte émane d’ailleurs d’une étude de Générations futures, un lobby écologiste.
Mme Marie-Charlotte Garin
L’OMC et le Circ ne sont pas des lobbys !
M. Pierre Meurin
Ne semons pas le trouble au motif que nous avons des contacts avec les industriels. Ces derniers cherchent évidemment à se défendre en décrivant le quotidien qui sera le leur si cette proposition de loi était adoptée. Or cette adoption me semble trop précipitée. Je vous en conjure, chers collègues : votez au moins l’amendement repoussant à 2028 son application !
Mme Christine Arrighi
Ça suffit !
M. Pierre Meurin
Dans le cas contraire, d’ici à six mois, les industriels seront obligés de s’adapter à des mesures aux conséquences beaucoup plus importantes que ce que l’on croit. Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé à plusieurs reprises que cette proposition de loi ne serait qu’une étape vers une interdiction plus large. La direction que vous souhaitez prendre est connue, vous avez annoncé votre objectif. Aussi les industriels anticipent-ils des textes beaucoup plus contraignants à l’avenir. Une telle démarche constitue évidemment un frein à l’initiative privée et à l’activité économique. Ce texte envoie donc un très mauvais signal ; il faut absolument voter l’amendement qui reporte son application à 2028 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour un rappel au règlement.
Sur le fondement de quel article ?
M. Fabien Di Filippo
Sur le fondement de l’article 100, relatif au déroulement de nos débats.
Derrière un peu d’agitation, je remarque beaucoup de bonne volonté pour discuter du fond. Or plusieurs amendements ont été jugés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution. Ceux que j’avais déposés concernaient les conséquences industrielles et sanitaires des mesures envisagées. Je ne crois pas que quiconque y soit fondamentalement opposé. Certaines études sont encore en cours, des avis médicaux sur certaines molécules encore… (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Ségolène Amiot
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Fabien Di Filippo
Laissez-moi expliquer pourquoi je conteste l’irrecevabilité de ces amendements ! Pourquoi ont-ils été jugés irrecevables ?
M. le président
Ils l’ont été au titre de la règle de l’entonnoir, qui ressort en effet de l’article 45 de la Constitution selon lequel les amendements déposés lors de la navette ne portent que sur les dispositions restant en discussion.
Article 1er (suite)
M. le président
La parole est à M. Frédéric-Pierre Vos, pour soutenir l’amendement no 33.
M. Frédéric-Pierre Vos
Nous souhaitons tous faire en sorte que les Pfas n’aient pas d’effets indésirables sur la santé humaine, mais nous refusons de hurler avec les loups pour pleurer ensuite sur le lait renversé.
Si l’on s’en tient aux faits, aucune étude sérieuse publiée ne statue sur la dangerosité de ces produits. Mme la ministre a d’ailleurs reconnu que nous devions « renforcer nos connaissances » relatives à ces substances. Cette absence de données exactes permet aux tenants de la proposition de loi de mêler l’ensemble des Pfas, en les qualifiant tous de dangereux. En réalité, certains Pfas, utilisés d’une certaine manière, pourraient être dangereux pour la santé humaine mais d’autres, utilisés différemment, ne le seraient pas.
Mme Marie-Charlotte Garin
Ce n’est pas bien de mentir !
M. Frédéric-Pierre Vos
Le problème de la proposition de loi est qu’elle vise non un objectif de santé publique mais une satisfaction idéologique, ce qui la conduira à l’échec. L’interdiction des Pfas, qui vise à éliminer un risque, en crée d’autres, puisqu’aussi bien les joints résistants à la chaleur dans l’aéronautique que les protections contre les pesticides utilisées par les agriculteurs contiennent des Pfas.
Sur le plan juridique, j’appelle votre attention sur le fait que nous serons contraints de laisser entrer dans notre pays des marchandises, venues du monde entier, qui contiennent ces substances…
Mme Marie-Charlotte Garin
Ce n’est pas dans le texte !
M. Frédéric-Pierre Vos
…et votre proposition de loi n’y changera rien. C’est le principe de libre circulation des marchandises qui est en cause. En effet, l’article 34 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dispose que : « Les restrictions quantitatives à l’importation, ainsi que toutes mesures d’effet équivalent, sont interdites entre les États membres. » Le droit européen de la concurrence, à l’article 326 du même traité, interdit quant à lui toute « entrave » et « discrimination aux échanges entre les États membres » ainsi que les « distorsions de concurrence entre ceux-ci ».
L’interdiction prévue par le texte ira également à l’encontre des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui exige que les restrictions commerciales soient justifiées scientifiquement et appliquées de manière équitable. En somme, les Écologistes sont favorables à la sortie des traités de l’Union européenne.
M. Hadrien Clouet
Très bonne idée !
M. Frédéric-Pierre Vos
Outre ces traités, la Constitution française commande que les interdictions à la liberté d’entreprendre soient parfaitement ciblées et assurées par des dispositions législatives transitoires.
M. Hadrien Clouet
Von der Leyen vous remercie !
M. le président
Je suis saisi de demandes de scrutin public, par le groupe UDR sur l’amendement no 34 et par le groupe Rassemblement national sur l’amendement no 22.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
L’amendement no 33 tend à supprimer l’essentiel de l’article 1er. Vous comprendrez que j’y sois fermement opposé. Mais revenons sur trois points que vous avez soulevés.
Premièrement, s’agissant du droit de l’Union européenne, les règlements européens restreignent l’usage d’un très petit nombre de Pfas. Cette proposition de loi se propose d’intervenir sur des usages très précis, pour lesquels – je le répète – il existe des solutions de rechange. Votre argumentation, présentée dans l’exposé sommaire de l’amendement, qui consiste à souligner les dangers d’un élargissement du champ d’application du texte, est donc infondée. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Il suffit de lire le texte !
Deuxièmement, et pour répondre aux autres interventions, il est inexact de dire que la France ne pourra pas contrôler les importations de produits qui contiendraient des Pfas. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est tout à fait compétente pour le faire. Elle l’a déjà montré, avec une grande efficacité, sur deux produits précis, pourtant tout aussi complexes à appréhender : le bisphénol A et le dioxyde de titane, également connu sous le nom d’E171 dans les denrées alimentaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Vous n’avez peut-être pas confiance dans l’administration française ; moi, oui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Hadrien Clouet
Bravo, la DGCCRF !
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Troisièmement, concernant la conformité du texte au droit international, vous commettez une erreur, monsieur Vos. En effet, le droit international prévoit que des motifs de santé publique ou de protection de l’environnement puissent justifier des aménagements aux règles de libre circulation. Je rappelle que de telles mesures, à l’égard des Pfas, sont en passe d’être prises au Danemark, comme nous sommes invités à le faire.
Pour toutes ces raisons, mon avis est défavorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Même avis. Nous avons évidemment travaillé, lors de la préparation de l’examen de ce texte, avec les industriels français, qui sont en avance s’agissant du retrait des Pfas de leurs produits, en particulier dans la filière cosmétique.
Mme Anne-Cécile Violland
Eh oui !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Cosmed, l’association des PME de la filière cosmétique, a indiqué que les entreprises qu’elle représente allaient renoncer aux Pfas. C’est aussi pour elles un argument commercial,…
Mme Delphine Batho
Évidemment !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…auquel leurs clients sont sensibles, et qui leur confère un avantage compétitif. Attention donc à ne pas trop caricaturer l’industrie ; j’y ai travaillé…
M. Hadrien Clouet
Oui, c’est « la magie » !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…et je sais combien l’argument de la qualité des produits y est fondamental. Vous revendiquez souvent l’excellence de l’industrie française : c’est l’occasion de le montrer. Vous vous inquiétez du contrôle des marchandises. D’une part, cela doit vous inciter à favoriser une industrie française dont les produits peuvent être mis sur le marché sans difficulté. D’autre part, sachez que les contrôles peuvent être assurés par les douanes, la DGCCRF et par les Dreal. C’est ainsi que nous protégerons à la fois les Français et notre industrie.
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Le problème de ce texte est qu’il fait un amalgame entre des substances qui n’ont rien à voir entre elles. Certains Pfas sont – personne ne le conteste – réellement dangereux pour la santé, notamment les Pfas à chaîne courte ou moyenne. Mais certains Pfas sont des molécules inertes et inoffensives, en particulier ceux à très longue chaîne, qui ne franchissent pas les barrières biologiques. Ce texte ne les distingue pas et interdira donc à la fois les produits très dangereux et les produits qui ne présentent pas de risques.
Par ailleurs, il est souvent fait référence à l’amiante. Or l’amiante est toxique dès le premier filet auquel on est exposé, alors que certains Pfas sont toxiques à partir d’une certaine dose. Il faut tenir compte de cette différence.
Enfin, soyons sérieux à propos des importations : vous n’avez pas la capacité de contrôler les millions de paquets acheminés au domicile des Français – vous n’allez pas les ouvrir un par un –, en particulier ceux en provenance de fournisseurs chinois de textile. Vous pouvez affirmer que l’on contrôlera les importations, mais la vérité est qu’on ne peut pas le faire. (M. Pierre Meurin applaudit.)
M. Fabien Di Filippo
C’est une vraie question, il faut y répondre !
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Il est important de parler des Pfas dans cette assemblée. Cependant, il ne s’agit pas d’un problème franco-français. Au niveau européen, de nombreux pays se sont déjà saisis du sujet. Au niveau mondial, les États-Unis sont en avance sur nous. Il faut une prise de conscience de l’ensemble de la planète ; elle est en train de se faire et il est bon que cette proposition de loi l’accompagne.
Je veux aussi répondre à M. Juvin : ce sont les Pfas à chaîne longue de carbone qui sont dangereux et interdits. En revanche, on connaît moins la dangerosité des Pfas à chaîne carbonée courte.
M. Christophe Blanchet
Bien !
(L’amendement no 33 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 1.
M. Fabien Di Filippo
Devant l’insistance de mes collègues à vouloir entendre mes explications, je ne peux refuser de défendre cet amendement.
M. Jean-Louis Roumégas
Ha, ha, ha !
M. Fabien Di Filippo
L’article 1er complète le titre II du livre V du code de l’environnement par un chapitre IV intitulé : « Prévention des risques résultant de l’exposition aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées ». Le quatrième alinéa de cet article est rédigé de façon curieuse introduisant un article L. 524-1. – I. : « Sont interdites, à compter du 1er janvier 2026, la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit de […] ». Puis vient la liste des produits concernés.
M. Hadrien Clouet
Qui lui a rédigé ses amendements ?
M. Fabien Di Filippo
Si l’on veut rédiger cet alinéa en bon français, la position du verbe doit être modifiée. (Sourires sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Plusieurs députés du groupe EcoS
Oh là là !
M. Fabien Di Filippo
Je vois que vous comprenez exactement ce que je veux dire !
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Oui, on comprend !
M. Fabien Di Filippo
On doit placer le verbe en deuxième position. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) La rédaction que je suggère est la suivante : « À compter du 1er janvier 2026, sont interdites… », avant d’énumérer les produits concernés.
Je vois votre inquiétude : cela viendrait modifier le texte, qui ne serait donc pas voté dans les mêmes termes qu’au Sénat. Mais pour qu’un texte soit effectif, des décrets d’application sont nécessaires. Même si le texte s’en retournait au Sénat, sans doute dans un mois ou deux, puis revenait à l’Assemblée, cela ne changerait pas grand-chose à l’élaboration des décrets d’application. Nous aurions juste un texte de meilleure qualité.
Mme Sandrine Le Feur, présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire
Le temps de parole est limité à deux minutes, monsieur le président !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Défavorable.
M. le président
La parole est à M. Emeric Salmon.
M. Emeric Salmon
Je profite de cet amendement pour répondre à l’intervention précédente de la ministre. Vous avez évoqué, madame la ministre, la qualité des produits de l’industrie…
Mme Karine Lebon et Mme Marie-Charlotte Garin
Cela ne porte pas sur l’amendement !
M. Emeric Salmon
J’aimerais pouvoir revenir à l’amendement précédent, car je n’ai pas eu la parole ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.) Vous êtes habitués, dans le cadre de nos propres niches parlementaires, à procéder de la sorte, donc laissez-moi m’exprimer !
Madame la ministre, vous insistez sur la qualité des produits, mais si les Français se rendent dans des boutiques hard discount – chacun en connaît dans sa circonscription, citons par exemple NOZ ou Gifi –, qui vendent des produits à 10 euros importés de Chine par conteneurs entiers, c’est parce que leur pouvoir d’achat est limité. Nous sommes évidemment des défenseurs de la qualité des produits industriels, mais il faut aussi penser au pouvoir d’achat des Français !
Mme Marie-Charlotte Garin
Cela n’a rien à voir avec l’amendement, monsieur le président !
M. Emeric Salmon
De plus, vous n’avez aucun moyen de contrôler largement les produits vendus dans ces boutiques : ils arrivent par conteneurs au Havre, à Marseille, voire à Rotterdam et sont ensuite acheminés par camion. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Ce texte sera inefficace contre les importations de produits dangereux – voilà ce que nous dénonçons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Je vous propose, pour assurer la fluidité de l’examen du texte, de nous limiter à deux interventions par amendement. Il est possible que, parfois, l’une de ces interventions fasse référence à un amendement antérieur. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe EcoS). Je peux aussi autoriser dix interventions par amendement, cela prendra plus de temps ! Je vous propose donc ce système, afin que nous puissions avancer tout en permettant à chacun de s’exprimer.
M. Christophe Blanchet
Très bien, monsieur le président !
M. le président
La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Cet amendement est crucial puisqu’il s’agit de déplacer certains mots pour rendre la première phrase du quatrième alinéa « plus fluide ». D’autres amendements similaires pour « alléger les formulations » ou ajouter une simple conjonction de coordination sont à venir. Certains d’entre eux font même semblant d’être mieux-disants. Ceux qui nous écoutent doivent comprendre ce que certains collègues de droite sont en train de faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.) Leur objectif est d’obtenir une modification du texte – quand bien même elle serait absolument ridicule –, afin qu’il soit de nouveau transmis au Sénat avant de revenir, à une date indéterminée, à l’Assemblée.
Mme Sandrine Rousseau
Ils sont contre l’interdiction des Pfas !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Il s’agit pour eux de gagner du temps – selon le fameux « courage, fuyons » – et de ne surtout rien voter aujourd’hui qui contraindrait l’industrie à protéger notre santé et la ressource en eau. Ils cherchent à gagner du temps au profit d’intérêts privés, industriels et financiers, et au mépris de la santé de tous. C’est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
Rappels au règlement
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour un rappel au règlement. Sur quel fondement ?
M. Fabien Di Filippo
Sur le fondement de l’article 70 du règlement. Nous débattons tranquillement, sur le fond… Sur la forme aussi, entends-je : vous avez raison, c’est très important s’agissant d’un texte de loi –, et j’aimerais qu’on évite les anathèmes. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Je n’ai que dix amendements à défendre : vous pensez vraiment que j’essaie de gagner du temps ?
Mme Julie Laernoes et Mme Marie-Charlotte Garin
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Fabien Di Filippo
Je viens de vous répondre…
M. le président
Merci, monsieur Di Filippo, le rappel au règlement est terminé !
La parole est à M. Pierre Meurin, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Meurin
Il se fonde sur l’article 100 relatif à la bonne tenue des débats. Je rejoins l’orateur précédent : pas d’invectives personnelles !
Plusieurs députés du groupe EcoS
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Pierre Meurin
La navette parlementaire est prévue par la Constitution. Ce n’est pas une question de tactique, nous voulons débattre !
Mme Ayda Hadizadeh
Coupez !
M. Pierre Meurin
Ne nous accusez pas de vouloir faire traîner les débats… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Merci, monsieur Meurin !
Article 1er (suite)
(L’amendement no 1 n’est pas adopté.)
M. Fabien Di Filippo
Vous n’aimez pas la langue française !
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 34 et 22, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Éric Michoux, pour soutenir l’amendement no 34.
M. Éric Michoux
J’ignore si Mme la ministre, qui évoque son passé dans l’industrie, a elle-même dirigé de petites entreprises industrielles dans les territoires. C’est mon cas : je suis député et entrepreneur…
M. Alexis Corbière
Député et encore entrepreneur ?
M. Éric Michoux
…et je constate sur le terrain les difficultés que présentent toutes ces normes. C’est très bien que vous ayez travaillé dans l’industrie, madame la ministre, mais je ne sais pas que c’était dans la petite et moyenne industrie !
Monsieur Di Filippo, vous avez affirmé que les lobbyistes ne vous avaient pas appelé ; c’est bien triste ! Surtout, cela laisse planer un doute sur l’intégrité de cette assemblée, qui aurait été visitée par les lobbyistes. Je suis donc un peu circonspect quant à votre prise de position.
Mme Marie-Charlotte Garin
Cela ne porte pas sur l’amendement !
M. Éric Michoux
Pour ce qui concerne l’amendement no 34, le texte examiné contient plusieurs dates – 2026, 2028, 2030 –, on s’y perd ! Il faut faire simple. Les entrepreneurs nous disent en général : « Si vous voulez nous aider à l’Assemblée, ne changez rien, car vous passez votre temps à tout changer, et on ne s’y retrouve plus ! »
L’UDR propose donc de retenir une date unique – 2030 – qui donnera aux entrepreneurs et aux industriels le temps d’aller dans le sens que nous souhaitons. (Applaudissements les bancs du groupe UDR et sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric-Pierre Vos, pour soutenir l’amendement no 22.
M. Frédéric-Pierre Vos
L’état des connaissances scientifiques, je l’ai dit tout à l’heure, ne permet pas de se forger un avis définitif et complet sur la dangerosité des produits. Il faut donc décaler la date d’entrée en vigueur de la loi, le temps de faire sereinement la part des choses. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
M. Benoît Biteau
Et le principe de précaution ?
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Je suis surpris : vous prenez la parole au nom des industriels, mais – vous le savez – l’Union des industries textiles a informé les sénateurs et moi-même qu’elle plaidait pour une adoption conforme du texte. Il en va de même pour le secteur des cosmétiques ou pour les fabricants de fart pour les skis : vous êtes plus maximalistes que les industriels.
Alertes scientifiques, attente citoyenne immense, industriels favorables à une adoption conforme : rien de tout cela, je m’en étonne plus encore, ne semble assez pour vous. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Hadrien Clouet
Un troisième lobbyiste !
Un député
C’est une attaque personnelle !
M. le président
Pas de prise à partie, s’il vous plaît !
M. Pierre Cazeneuve
Je ne réagirais pas à la bêtise futile de notre collègue Clouet, qui aurait mieux fait de se taire – comme souvent.
Ces deux amendements témoignent de l’incohérence des positions du Rassemblement national. En défense du premier d’entre eux, nous avons entendu un grand plaidoyer pour une date unique – 2030 –, mais l’autre amendement que ce groupe défend dans la discussion commune mentionne, lui, la date de 2028. (M. Emeric Salmon s’exclame.)
Je reprends à mon compte l’argument du rapporteur, parfaitement juste et cohérent.
Mme Marie-Charlotte Garin
Ce n’est pas la peine de prendre la parole, alors !
M. Pierre Cazeneuve
Les industriels concernés par cette loi l’approuvent. Vous essayez de nous faire croire que vous représentez l’industrie cosmétique et l’industrie textile mieux qu’elles ne se représentent elles-mêmes : c’est absurde.
J’ai l’impression de revivre le débat sur les voitures électriques : vous nous expliquiez qu’il ne faut pas nous diriger vers une interdiction des moteurs thermiques en 2035, au motif que les constructeurs n’auraient pas le temps de s’y adapter, quand ces derniers y sont en fait eux-mêmes favorables.
M. Pierre Meurin
Ce n’est pas vrai !
M. Pierre Cazeneuve
Le texte que nous examinons aujourd’hui a fait l’objet d’un certain nombre de consensus. Les industriels n’étant pas prêts, nous avions, en première lecture et à l’issue de discussions mouvementées, sorti le téflon utilisé dans les poêles et les casseroles du périmètre de la proposition de loi. Le texte que nous examinons aujourd’hui est donc un texte raisonnable, qui va dans le bon sens. Il a été adopté à une large majorité par les sénateurs – républicains notamment. Adoptons-le de manière conforme, sans ces amendements ridicules. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Hadrien Clouet
Il n’y avait finalement que deux lobbyistes !
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Cette dernière intervention aura appris à M. Clouet – je l’espère – à ne pas juger trop précipitamment.
M. Hadrien Clouet
C’est l’habitude ! (Sourires.)
M. Fabien Di Filippo
Quand je précisais que je n’avais pas été contacté par des lobbyistes, c’était pour devancer certains procès. Personne ne peut, ici, prétendre parler au nom des victimes ou au nom des industries – tout le monde est député de la nation.
Vous dites que certaines industries se félicitent d’une date avancée : bien entendu, mais l’industrie cosmétique n’est pas l’industrie du téflon ou du textile. Les intérêts des uns et des autres diffèrent, et ce que nous essayons de dégager, dans nos débats, c’est l’intérêt général.
Mme Julie Laernoes
L’intérêt général, c’est la santé !
M. Fabien Di Filippo
Que nos débats durent jusqu’à douze ou treize heures, que le texte soit voté aujourd’hui ou revienne dans un mois, sa date d’entrée en vigueur restera la même. N’accusez pas certains d’entre nous d’essayer de gagner du temps et essayez plutôt de débattre du fond.
Le docteur Philippe Juvin…
M. Sébastien Peytavie
Il n’est pas docteur, il est député !
M. Fabien Di Filippo
…a dit qu’entre les deux types de molécules, la dangerosité pouvait varier : quelle réponse apportez-vous sur ce point ?
Autre question : comment contrôler, aux frontières, les produits importés susceptibles de contenir des Pfas ?
Si personne, ici, n’est chimiste et spécialiste de la question, on aimerait tout de même avoir des réponses précises et pouvoir ainsi nous prononcer en toute connaissance de cause – sans nous jeter mutuellement des anathèmes à la figure.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Je le redis, pour éviter que l’on revienne sur cette question dès les prochaines minutes : sans cette loi, il n’y a pas de possibilité de contrôle sur les produits importés – avec elle, il y en a, et le niveau des contrôles sera augmenté quelles que soient les forces dont nous disposons pour le faire.
M. Emeric Salmon
Il n’y aura donc pas de contrôle !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Ces contrôles pourront être réalisés par les douanes, la DGCCRF, la Dreal – relevant du ministère de la transition écologique.
Sur l’opposition des molécules dangereuses et de celles qui ne le sont pas, mon propos liminaire était, je crois, très clair. Je salue les compétences médicales du député Juvin : des molécules ont en effet été interdites du fait d’une dangerosité avérée, d’autres relèvent de ce qu’on appelle le low concern – molécules à faible incidence – quand d’autres font encore l’objet d’interrogations. Des études se poursuivent pour lever les doutes qui subsistent à propos de l’impact des monomères, molécules dont les chaînes sont les plus petites et passent les barrières cellulaires. Ce sont probablement les Pfas qui posent le plus problème.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 34.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 248
Nombre de suffrages exprimés 245
Majorité absolue 123
Pour l’adoption 57
Contre 188
(L’amendement no 34 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 22.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 248
Nombre de suffrages exprimés 245
Majorité absolue 123
Pour l’adoption 55
Contre 190
(L’amendement no 22 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public, l’une sur l’amendement no 13 par le groupe Rassemblement national, l’autre sur l’article 1er par le groupe Écologiste et social.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Fabien Di Filippo
Chers collègues, soyez rassurés : quoi qu’il arrive, même si un amendement rédactionnel améliorant la qualité du texte venait à être adopté, la date d’application de ce dernier n’en serait aucunement différée. Cela nous donnera peut-être un peu plus de travail, mais le plaisir de nous retrouver n’a pas de prix.
M. Maxime Laisney
Ça mérite un Molière !
M. Alexis Corbière
Plaisir réciproque ! (Sourires.)
M. Fabien Di Filippo
Mon amendement concerne l’alinéa 8, rédigé ainsi : « Tout produit textile d’habillement, toute chaussure et tous agents imperméabilisants de produits textiles d’habillement et de chaussures destinés aux consommateurs contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, à l’exception des textiles d’habillement et des chaussures qui sont conçus pour la protection et la sécurité des personnes, notamment dans l’accomplissement des missions de défense nationale ou de sécurité civile, et dont la liste est précisée par décret. »
Par cet amendement rédactionnel, nous proposons de rajouter, après le mot « consommateurs », le mot « et », afin de préciser que le mot « contenant » ne se rattache pas au mot « consommateurs » mais bien aux éléments de la liste commencée au début de l’alinéa. Cette amélioration, qui n’est pas seulement grammaticale, restitue tout son sens à l’alinéa – vous le reconnaîtrez bien, et je ne vois pas qui pourrait s’y opposer.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Fabien Di Filippo
Sagesse !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin.
M. Pierre Meurin
Il va être compliqué d’employer nos douaniers à d’autres tâches que le contrôle de chaque tee-shirt qui entre en France à partir d’un autre pays européen : voilà ce qu’expliquait Roland Lescure, le ministre de l’industrie aux bancs du gouvernement lors de la première lecture du texte – il est aujourd’hui vice-président de l’Assemblée nationale.
Mme Marie-Charlotte Garin
Ce n’est pas sur l’amendement !
M. Emeric Salmon
Et alors ?
M. Pierre Meurin
C’est donc un texte chimérique par lequel nous créerions nous-mêmes une situation de concurrence déloyale au profit des produits chinois. Ceux que vous défendez réellement, monsieur Cazeneuve, ce sont les écologistes et les Chinois – pas les industriels ou les victimes de la pollution. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Vous venez de reconnaître, madame la ministre, l’existence de Pfas inertes et inoffensifs – c’est le cas des PTFE en particulier.
Mme Marie-Charlotte Garin
Ce n’est pas sur l’amendement !
M. Philippe Juvin
Mais le texte ne distingue pas entre ceux qui sont dangereux, qu’il faut interdire, et ceux qui ne le sont pas. Je n’ai toujours pas de réponse à cette question fondamentale. (Mme Béatrice Roullaud applaudit.)
(L’amendement no 3 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 4.
M. Fabien Di Filippo
Si j’espère, avec mon collègue Philippe Juvin, que nous obtiendrons des réponses sur le fond, nous aurons en tout cas essayé de faire œuvre utile pour la langue française et la légistique (Sourires sur plusieurs bancs) – l’adoption de votre texte, chers collègues, n’en sera pas empêchée pour autant.
On trouve dans l’alinéa 8, qui déjà n’est formé que d’une seule longue phrase, une formulation plutôt lourde ; or l’intelligibilité de la loi importe à nos concitoyens. Je cite : « à l’exception des textiles d’habillement et des chaussures qui sont conçus pour la protection et la sécurité des personnes, notamment dans l’accomplissement des missions de défense nationale ou de sécurité civile, et dont la liste est précisée par décret. » Le « qui sont » ne sert à rien. Nous pourrions écrire : « à l’exception des textiles d’habillement et des chaussures conçus pour la protection et la sécurité des personnes. »
Certains d’entre vous commencent à être sensibles à mes arguments grammaticaux (M. Hadrien Clouet sourit) : je vais continuer à faire œuvre utile, dans l’espoir que nous puissions améliorer ce texte.
(L’amendement no 4, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin, pour soutenir l’amendement no 11.
M. Pierre Meurin
Par cet amendement de repli, nous demandons que le décret venant préciser la liste mentionnée à l’alinéa 8 soit pris en concertation avec les acteurs concernés.
Dans l’industrie, dans le BTP – bâtiment et travaux publics –, dans les métiers liés à la défense nationale ou à la sécurité civile, il n’existe pas d’alternative aux Pfas. Il en va de même pour les joints de nos voitures : l’industrie automobile se verrait ainsi condamnée. Vous ne vous rendez pas compte des conséquences possibles de cette loi, surtout si elle ne fait que commencer un processus – c’est l’effet cliquet. Les écologistes veulent aller plus loin encore, eux qui regrettent les exemptions dont bénéficie notamment l’industrie des ustensiles de cuisine.
Mais j’ai l’impression aujourd’hui que tous les députés ont adhéré à Europe Écologie-Les Verts. Il faut arrêter de légiférer avec une forme d’effroi et sans aucune étude d’impact. Je me demande si un jour nous nous réveillerons : arrêtons de pousser le principe de précaution jusqu’à l’idée complètement dingue que l’activité humaine tue. Tel est l’esprit d’une proposition de loi comme celle-ci. C’est toujours la même chose avec les écologistes ;…
Mme Marie-Charlotte Garin
C’est toujours la même chose avec le RN ! Vous vous fichez de la santé des gens !
M. Pierre Meurin
…arrêtons de céder des pouces de terrain à l’effroi créé par les écologistes. Gardons un peu de raison dans nos débats.
Une députée du groupe EcoS
L’histoire nous a donné raison !
M. Pierre Meurin
On a le droit de débattre. Vous êtes les spécialistes pour pourrir les niches des autres ; laissez-nous donc débattre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Le décret auquel renvoie l’article 1er sera éventuellement soumis à consultation du public et des entreprises, qui pourront faire valoir leur avis et apporter des informations. Il n’est pas coutume de prévoir une concertation dans la loi. Il appartient au pouvoir réglementaire de préciser par décret la liste exhaustive des exceptions en réunissant les informations nécessaires. C’est bien ce que le texte prévoit. Mon avis est donc défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Demande de retrait car l’amendement est satisfait : l’article 7 de la Charte de l’environnement prévoit que tout décret de cette nature fait l’objet d’une concertation et d’une consultation. C’est normal.
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
L’alinéa visé dans l’amendement prend en compte les industries de défense et les textiles très spécialisés pour lesquels il n’existe pas encore de solution de rechange. C’est grâce à la concertation conduite par M. le rapporteur et M. le ministre au moment de l’écriture du texte : les industriels ont fait part de leurs problèmes et les textiles très spécifiques ont été retirés du champ d’application de la loi.
Je le répète, cette loi instaure un équilibre intelligent : elle interdit les Pfas dans les industries qui sont prêtes à le faire et qui ont envie de s’engager dans cette voie, et elle exonère ceux qui ne sont pas en mesure d’avancer. Les textiles que vous ciblez dans l’amendement sont déjà concernés et la concertation a déjà eu lieu ; votre amendement est donc inutile.
S’agissant de votre vision de l’écologie, il n’y a aucun doute : le Rassemblement national est climatosceptique. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Il pense que le réchauffement climatique et le dérèglement du vivant ne posent aucun problème. Vous êtes parfaitement constants en la matière, et vous le resterez lorsque nous examinerons la proposition de loi, inscrite ce jeudi à l’ordre du jour, visant à protéger durablement la qualité de l’eau potable : vous ferez tout pour bloquer des améliorations concrètes.
Monsieur Meurin, 17 millions de Français ont bu de l’eau non potable en 2024. C’est le défi que nous essayons de relever modestement aujourd’hui. Vous devriez vous en préoccuper. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR.)
M. le président
Monsieur Meurin, vous retirez votre amendement ?
M. Pierre Meurin
Je rebondis, mais c’est aussi un rappel au règlement. Il y a eu une mise en cause personnelle : nous avons été accusés de climatoscepticisme.
Mme Marie-Charlotte Garin
Ce n’est pas une mise en cause personnelle !
Mme Dominique Voynet
Ce n’est pas une insulte mais un diagnostic !
M. Pierre Meurin
Monsieur Cazeneuve, vous défendez l’industrie chinoise contre l’industrie française. Il n’y a pas plus contraire au climat que de défendre des industries qui se trouvent à des milliers de kilomètres de chez nous, contre notre souveraineté. C’est exactement l’effet qu’aura ce texte.
Mme Marie-Charlotte Garin
Ce n’est pas sur l’amendement !
M. Pierre Meurin
Les industriels vont plus loin que cette proposition de loi : ils anticipent. Dans ma circonscription, l’usine Solvay de Salindres…
Mme Ségolène Amiot
C’est du blabla ! Cela n’a rien à voir !
M. Pierre Meurin
…fabrique de l’acide trifluoroacétique. Le TFA, qui n’est pas visé par le texte, n’est pas interdit aujourd’hui par les normes européennes, mais Solvay anticipe car elle voit quelle est la tendance avec ce type de texte. Elle ferme l’usine de Salindres ; les soixante-huit salariés se retrouvent sur le carreau, avec des crédits immobiliers. C’était la seule usine d’Europe à fabriquer ces TFA. Ces excipients servent à fabriquer des traitements antiviraux et contre le cancer. Les interdictions menacent aussi notre souveraineté médicale. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) On a besoin de ces molécules : nous continuerons à en importer de Chine.
Madame la ministre, je n’ai toujours pas obtenu de réponse concernant les contrôles des importations. M. Lescure, ministre de l’industrie d’un précédent gouvernement, nous expliquait qu’il n’y aurait pas de contrôles et qu’il serait impossible de les effectuer. Nous tuerons donc nos industries et nous favoriserons, comme d’habitude, l’industrie chinoise – on a fait la même chose pour les voitures électriques. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
La répétition d’un mensonge n’en fait pas une vérité, monsieur le député. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Je suis désolée de le répéter – je le dis avec beaucoup de calme. Ce que contestait mon collègue Roland Lescure, avec lequel je travaille très bien depuis des années, c’était l’application du texte aux ustensiles de cuisine. Pour le coup, nous ne disposions pas de faits établis sur la dangerosité. C’était plutôt le contraire : les usines ont renoncé à un Pfas dangereux au profit d’un Pfas qui entre dans la catégorie low concern. Ensuite, nous constations que toutes les marchandises importées ne peuvent pas être contrôlées – vous avez raison.
M. Pierre Meurin
Aucune !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
J’entends votre préoccupation pour le secteur de la défense, mais, sauf erreur, les produits cosmétiques ou le fart sont peu présents dans les usages de défense stratégique. C’est un peu un faux débat, vous en conviendrez. Vous avez peut-être d’autres arrière-pensées.
M. Emeric Salmon
Les arrière-pensées des parisiens !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Il est question d’usages dont les industriels français nous disent qu’ils sont raccord et qu’ils peuvent s’en passer. C’est un moyen de contrôler les marchandises étrangères. Même si ce n’est pas pleinement satisfaisant, l’interdiction permet de contrôler, contrairement à la position du zéro contrôle qui est la vôtre.
Un député du groupe RN
N’importe quoi !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
C’est toute la différence entre les gens qui parlent d’industrie mais qui ne la défendent pas, et les gens qui sont sur le terrain et qui la défendent.
M. Laurent Jacobelli
Aucun applaudissement ! C’est dire la force de conviction de la ministre !
(L’amendement no 11 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 2.
M. Fabien Di Filippo
La lecture de nos textes se révèle souvent fort intéressante. (Sourires.)
Mme Sophie Taillé-Polian
Comme vos interventions !
Mme Dominique Voynet
Une petite leçon de grammaire !
M. Fabien Di Filippo
Je suis en profond désaccord avec la nomination hier de Richard Ferrand à la présidence du Conseil constitutionnel. Mais quand il était à votre place au perchoir…
Mme Marie-Charlotte Garin
Cela n’a rien à voir avec l’amendement !
M. Fabien Di Filippo
Si, vous allez voir, il y a vraiment un lien. S’agissant de nos amendements et de la longueur des textes que nous écrivons, il avait dit que nous étions parfois atteints d’incontinence législative. Nous devrions légiférer moins mais mieux : c’est ce que j’essaie de vous apporter aujourd’hui.
L’alinéa 9 est rédigé de la même manière que l’alinéa 4 que je voulais modifier par mon amendement no 1 :…
M. Alexis Corbière
Cela devient un peu dilatoire ! On peut appeler ça de l’incontinence verbale !
M. Fabien Di Filippo
…« Sont interdites, à compter du 1er janvier 2030,…
M. Alexis Corbière
Monsieur le président, c’est de la manœuvre !
M. Fabien Di Filippo
…la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre onéreux ou gratuit de tout produit textile contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées […] » – notez que ma prononciation devient plus fluide à chacune de mes prises de parole – « à l’exception des produits textiles nécessaires à des utilisations essentielles, de ceux contribuant à l’exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n’existe pas de solution de substitution et des textiles techniques à usage industriel, dont la liste est précisée par décret. »
Je le répète, la position du verbe est absolument inconvenante. C’est pourquoi je propose de supprimer « sont interdites » au début et de la rajouter après la date : « à compter du 1er janvier 2030, sont interdites la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché ». Je vous rappelle mon argument. Mieux rédiger le texte ne changera en aucun cas sa date d’entrée…
M. le président
Merci cher collègue, l’amendement est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland.
Mme Anne-Cécile Violland
Tout d’abord, la répétition d’inepties, d’approximations et de mensonges, ne fait pas des vérités. Oui, monsieur Meurin, l’activité humaine tue. On pourrait citer de nombreux chiffres, je me limiterai à un seul : 40 000 morts par an sont attribuables à la qualité de l’air. Ensuite, Mme la ministre l’a souligné, l’amendement précédent est complètement satisfait : tous les industriels qui produisent du fart, des textiles et des cosmétiques soutiennent le texte. Arrêtons de perdre du temps !
Enfin, je vous l’apprends peut-être, l’écologie n’est pas que l’affaire d’Europe Écologie-Les Verts. Ce sujet concerne aussi la droite – nous l’assumons complètement sur ces bancs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.) J’en veux pour preuve le fait que sur une journée de niche écologiste, seuls deux textes sur sept concernent l’environnement. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Nous pouvons nous aussi revendiquer notre droit à l’écologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
M. le président
La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien Lachaud
Monsieur Meurin, vous vous inquiétez des effets du texte pour les industriels, notamment dans le secteur de la défense.
M. Fabien Di Filippo
On dirait qu’il s’en fiche !
M. Bastien Lachaud
Ce n’est pas ce texte qui prive les industriels français de marchés. C’est le gouvernement qui met au tapis l’entreprise Marck & Balsan à Calais (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP). Cette entreprise qui depuis vingt-cinq ans fournissait l’armée de terre en treillis, se voit aujourd’hui préférer une entreprise malgache. C’est ce gouvernement qui délocalise les industries stratégiques !
M. Pierre Meurin
Là, on est d’accord !
M. Bastien Lachaud
Il n’y a pas besoin pour cela de cette proposition de loi ; en revanche, elle est absolument nécessaire pour préserver la santé de tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
(L’amendement no 2 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin, pour soutenir l’amendement no 12.
M. Pierre Meurin
Cet amendement de précision porte sur l’industrie textile. Je précise ma pensée : tout le monde n’est pas adhérent à Europe Écologie-Les Verts.
Mme Marie-Charlotte Garin
Son propos ne porte pas sur l’amendement !
M. Pierre Meurin
En l’occurrence, on devrait plutôt dire Asie Écologie-Les Verts (Applaudissements sur les bancs du groupe RN), puisque vous êtes ici pour défendre l’industrie asiatique contre notre souveraineté industrielle. Pardonnez-moi, je modère mon propos. Vous êtes tous adhérents à Asie Écologie-Les Verts, grâce aux écolos qui n’ont évidemment qu’une obsession : tuer l’activité industrielle française. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Alexis Corbière
Mieux vaut Asie que nazi !
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Défavorable.
M. le président
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian
Je souhaite répondre au collègue Lachaud qui a évoqué Marck & Balsan à Calais, dans ma circonscription. L’entreprise ne fabriquait pas de treillis mais des uniformes de parade. Les treillis étaient fabriqués par Paul Boyé – j’en ai porté durant plusieurs années. Vous devriez peut-être vous rendre plus souvent sur le terrain pour connaître un peu mieux les dossiers. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
(L’amendement no 12 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin, pour soutenir l’amendement no 13.
M. Pierre Meurin
Il existe aussi des textiles à usage de construction. J’ai rencontré deux entreprises qui en fabriquent : elles mériteraient d’être exclues du champ d’application du texte. L’amendement vise à préserver une partie du secteur industriel. On tente là encore d’éponger ce que l’on peut des effets des bêtises proposées par les écologistes.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Le texte, dont j’ignore si vous l’avez lu, prévoit qu’une liste de produits fera l’objet d’une dérogation à partir de 2030. L’une de ces exceptions s’appliquera aux textiles techniques à usage industriel. Il reviendra donc au gouvernement, d’ici à 2030, de préciser par décret quels produits entrent dans cette liste. Mon avis est donc défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
J’ajouterai un point capital à ce stade du débat – nous essayons de débattre avec un maximum de sincérité d’un maximum de points. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Vous n’êtes pas à un quart d’heure près.
Mme Sandra Regol
C’est la santé des Français !
M. Fabien Di Filippo
Je vous rappelle que lors de la dernière niche du groupe de la Droite républicaine, vous aviez déposé 200 sous-amendements pour essayer de bloquer les débats. N’essayez pas de me faire ce coup-là : il y a seulement une dizaine d’amendements.
Si votre but est d’aboutir à un vote conforme sur ce texte et que vous refusez par principe tout débat sur le fond, ayez l’honnêteté de le dire…
Mme Dominique Voynet
Nous souhaitons un conforme, on l’a dit !
M. Fabien Di Filippo
…aux industriels, aux victimes, aux gens que cela intéresse et aux collègues qui viennent débattre de manière on ne peut plus sincère. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe EcoS.)
Si votre but est uniquement d’aboutir à un vote conforme, alors ne discutons pas des amendements : passons directement au vote sur le texte et tant pis, on verra ce qu’il se passera (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Mais ne faites pas semblant de vous intéresser au sujet ou au sort des victimes et des industriels. Ce n’est pas le cas. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Dominique Voynet
Un mouchoir pour M. Di Filippo !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 13.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 247
Nombre de suffrages exprimés 244
Majorité absolue 123
Pour l’adoption 63
Contre 181
(L’amendement no 13 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Emeric Salmon, pour soutenir l’amendement no 23.
M. Emeric Salmon
Cet amendement vise à faire participer les acteurs économiques nationaux concernés à la définition du seuil minimal qui fait l’objet de l’alinéa 10. Il faut agir en concertation avec eux, car ils sont les mieux placés pour savoir ce qui est possible en matière technologique, en tenant compte bien sûr de l’avis des acteurs scientifiques et médicaux. Pour ne pas exclure les acteurs économiques de la consultation, le mieux est de les citer à l’alinéa 10 de l’article 1er.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Comme je l’ai dit précédemment, le décret d’application fera l’objet d’une consultation dans laquelle les acteurs économiques et les entreprises pourront faire valoir leur avis. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Votre amendement est satisfait. Avis défavorable.
(L’amendement no 23 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 7.
M. Christophe Bentz
Il y en a qui bossent !
M. Fabien Di Filippo
Oui, et qui ont lu le texte dans le détail ! En l’occurrence, je quitte le champ grammatical pour en revenir sur le fond, avec l’alinéa 15 qui conclut l’article 1er.
Il comprend en effet une disposition importante : « Le ministre chargé de la prévention des risques élabore, conjointement avec le ministre chargé de la santé, une carte, mise à la disposition du public par voie électronique et révisée au moins tous les ans, de l’ensemble des sites ayant pu émettre ou émettant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans l’environnement. Cette carte comporte, lorsqu’elles sont disponibles, des mesures quantitatives des émissions de ces substances dans les milieux. Les actions de dépollution et les seuils maximaux d’émissions de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées sur l’ensemble des sites émetteurs sont fixés par arrêté. »
Je ne pense pas que cette carte soit amenée à changer profondément tous les ans. On se bat beaucoup pour des mesures de simplification, pour arrêter de rajouter de la norme et de surcharger des fonctionnements administratifs déjà extrêmement lourds. Or cette mesure crée une nouvelle carte dont l’élaboration nécessitera la collaboration de deux ministères différents et de plusieurs administrations, et qui devra être révisée tous les ans. C’est pourquoi nous proposons que la carte ne soit révisée que tous les deux ans, pour des motifs de pertinence mais aussi de coût et de faisabilité. En la révisant tous les ans, vous verrez qu’au bout d’un moment, le travail sera bâclé et expédié.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Nous tenons à ce que cette carte soit révisée tous les ans. Dès lors qu’elle sera élaborée une première fois, le travail de mise à jour ne consistera qu’à mesurer régulièrement les émissions nouvelles. Si vous êtes attentif à nos débats,…
M. Fabien Di Filippo
Très attentif !
M. Nicolas Thierry, rapporteur
…vous avez entendu la ministre nous dire que le gouvernement, avec l’appui du BRGM, développe des outils pour centraliser les données de la présence de Pfas. Une périodicité d’un an me paraît d’autant moins déraisonnable que nos concitoyens expriment une attente forte en matière d’information et de transparence des données. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Dans la mesure où cette cartographie est déjà en cours d’élaboration, je veux vous rassurer, en vous remerciant d’ailleurs pour votre sollicitude à l’égard des services de l’État. La carte sera mise en ligne d’ici à l’été – le ministère a pu en voir la version bêta – et sera automatiquement mise à jour en fonction des nouvelles mesures et analyses, dont certaines sont obligatoires. La périodicité de sa mise à jour n’est donc en aucun cas problématique et l’alinéa est parfaitement pertinent en l’état. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Semaine après semaine, on découvre de nouveaux points de pollution. Depuis trois ans, les prélèvements d’eau potable ont démontré la contamination aux Pfas de cinquante et une unités de production, avec un taux supérieur à 100 nanogrammes par litre. C’est pourquoi la cartographie dont nous débattons est très importante, s’agissant aussi bien des prélèvements d’eau potable que des rejets industriels.
Les analyses de l’eau potable et des rejets industriels relèvent des responsabilités respectives des ARS et des Dreal. Elles sont déjà régulièrement mises en ligne – ma région Auvergne-Rhône-Alpes est pilote en la matière –, même si leur interprétation est assez complexe. Il est important que nos concitoyens disposent de la réalité de la pollution de l’eau et des rejets industriels.
(L’amendement no 7 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 8.
M. Fabien Di Filippo
Au risque de couper l’herbe sous le pied à mes collègues – ce qui n’est pas très fair-play, je le reconnais –, je profite de cette prise de parole pour m’inscrire d’ores et déjà pour répondre au rapporteur et à la ministre, puisque j’ai encore une question relative à l’amendement précédent.
Il s’agit du dernier amendement sur l’article 1er, toujours à propos de l’alinéa 15. Je rejoins le rapporteur sur le fait que l’accès à l’information et la transparence des données sont des enjeux importants – nous ne le nions absolument pas. Toutefois, ces polluants étant éternels et utilisés dans l’industrie depuis des décennies, reconnaissons que, lorsqu’on dresse une cartographie de l’ensemble des sites ayant émis ou émettant encore des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées, certains de ces sites n’existent plus ou ont été oubliés et que des activités ont pu changer.
Prétendre à une recension exhaustive des installations, dans votre objectif de transparence, me semble donc chimérique. C’est pourquoi, à la première phrase de l’alinéa 15, après le mot « émettre », je propose d’insérer les mots « sur les vingt dernières années ». Ce serait un objectif déjà très satisfaisant que de réussir à lister les sites ayant pu émettre des Pfas au cours des vingt dernières années.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Vincent Descoeur.
M. Vincent Descoeur
Je crois utile de préciser, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, qu’une large majorité des collègues du groupe Droite républicaine est favorable à ce texte et donc, à l’adoption de cet article. Malgré l’amour de la langue française que je partage avec mon collègue, je souhaite que ce texte, issu d’un compromis au Sénat auquel ont participé les sénateurs Les Républicains, fasse l’objet d’une adoption conforme. (Mme Dieynaba Diop applaudit ainsi que Mme la présidente de la commission.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo. Vous souhaitiez couper l’herbe sous le pied à vos collègues, allez-y.
M. Fabien Di Filippo
Je remercie M. Descoeur qui reconnaît la pertinence de mon amendement. Madame la ministre, vous avez eu la gentillesse de répondre précisément à mon amendement précédent et vos arguments étaient plutôt convaincants. J’ai toutefois une question complémentaire : à l’heure où l’on s’inquiète beaucoup pour nos finances publiques, quel est le coût de cette cartographie ? C’est la curiosité d’un ancien secrétaire de la commission des finances qui me pousse à vous la poser.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Il est de 15 000 euros. (Sourires et applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
(L’amendement no 8 n’est pas adopté.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Emeric Salmon, pour un rappel au règlement.
M. Emeric Salmon
Qui se fonde sur l’article 100 relatif à la discussion des amendements. Notre collègue Vos avait déposé un amendement, qui a été sorti de la discussion à huit heures cinquante-neuf.
Mme Sandra Regol
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Emeric Salmon
Il visait à définir par décret une liste de substances selon leur niveau de dangerosité. Comme je l’évoquais lors de la discussion générale, il aurait permis de contribuer à asseoir cette proposition de loi sur la science. J’aimerais donc savoir pourquoi cet amendement a été supprimé.
M. Emmanuel Duplessy
Ça n’a rien à voir avec un rappel au règlement !
M. le président
Dans le cadre d’une deuxième lecture, chaque amendement doit avoir un lien direct avec le texte. Si le lien n’est qu’indirect, il n’est pas recevable.
M. Emeric Salmon
Donc, la science n’a rien à voir avec le sujet ?
Article 1er (suite)
M. le président
Je mets aux voix l’article 1er.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 274
Nombre de suffrages exprimés 269
Majorité absolue 135
Pour l’adoption 204
Contre 65
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Cet article, introduit par le groupe Démocrates, est important. Il vise à doter la France d’une trajectoire d’interdiction des rejets de Pfas. Beaucoup d’industriels utilisaient ces substances sans forcément le savoir – ils étaient joueurs malgré eux –, mais ils ont désormais bien conscience du problème : pas moins de 2 850 d’entre eux contrôlent déjà leurs rejets dans les eaux. Ce travail doit se poursuive.
La suppression des rejets de Pfas est tout à fait possible. L’exemple d’Arkema, dans le Rhône, est probant. Une telle trajectoire de deux ans a été suivie, au terme de laquelle tout rejet a été supprimé. En effet, l’entreprise a modifié son process de fabrication en supprimant l’utilisation des Pfas.
M. le président
La parole est à M. Anthony Brosse.
M. Anthony Brosse
Grâce au groupe Démocrates, l’article 1er bis de cette loi marque une avancée significative dans la lutte contre la contamination aux Pfas, ces polluants éternels dévastateurs pour l’environnement. Il introduit une obligation de surveillance renforcée dans les rejets, en imposant des mesures plus strictes aux industriels et en garantissant une meilleure transparence pour les collectivités et les citoyens. Les objectifs sont clairs : identifier les sources de pollution, responsabiliser les acteurs concernés et limiter l’exposition des populations.
Ce dispositif s’appuie sur des contrôles réguliers et une obligation de déclaration soumise à des seuils d’alerte plus bas, pour anticiper plutôt que subir. C’est une avancée nécessaire pour protéger nos ressources en eau et répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens, que nous évoquerons de nouveau en débattant d’un autre texte de la niche écologiste. Il reste du chemin à parcourir, mais cet article est un premier pas essentiel vers une réglementation plus rigoureuse et une action efficace contre ces substances toxiques. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et Dem.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
C’est un article plus intéressant et important qu’il n’y paraît au prime abord – peut-être même plus important que l’article 1er. Vous avez interdit l’utilisation des Pfas dans plusieurs secteurs et pour certains matériaux. Il s’agit, avec cet article, de la présence de Pfas en milieu aqueux. Autant on peut considérer que le consommateur parfaitement informé – cela relève de sa responsabilité – peut être vigilant et choisir des alternatives possibles à l’utilisation des Pfas, autant la consommation d’eau, qu’elle soit en bouteille ou au robinet, échappe largement au choix du consommateur. La présence de molécules potentiellement cancérigènes dans l’eau comporte effectivement un vrai risque. Mon amendement vous incitera donc à être encore plus ambitieux en la matière.
Par ailleurs, j’ai lu attentivement non seulement le texte, mais aussi un entretien récent de Mme la ministre dans la presse : vous y annoncez, pour financer la dépollution, la création ou l’augmentation d’une redevance liée aux agences de l’eau que paieraient les industriels.
M. Laurent Jacobelli
Ah !
M. Fabien Di Filippo
Mon inquiétude concerne donc cette contribution supplémentaire appliquée au secteur économique. Ai-je bien lu ou mal lu ? Nous devons en débattre ici même.
Est-ce réellement votre projet ? Si oui, dans quelles proportions et pour quel coût ? Je pose la question pour pousser jusqu’au bout le débat de fond, en toute transparence, car le législateur n’aura guère l’occasion de débattre de cette mesure par la suite. (M. Benoît Biteau s’exclame.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin.
M. Pierre Meurin
Je salue le courage de M. Di Filippo. À part lui et le Rassemblement national, toute cette assemblée est apparemment adhérente d’Asie Écologie-Les Verts. (Exclamations sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Cyrille Isaac-Sibille
L’environnement, c’est important !
M. Pierre Meurin
Le rapporteur et le gouvernement eux-mêmes reconnaissent que ce texte n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact, alors qu’il pourrait avoir de graves conséquences pour l’économie. Ils reconnaissent également que les contrôles à l’importation sont impossibles, ce qui signifie que l’interdiction exposera l’industrie française à une concurrence déloyale de l’industrie asiatique – je me répète, mais un peu de « marteau-thérapie » ne fait pas de mal.
En l’absence d’étude d’impact, tous les arguments se valent ; j’ajoute donc que le texte menace environ 15 000 emplois directs dans l’industrie chimique ainsi que des pans entiers de l’industrie, tels que le nucléaire médical ou la pharmacie. C’est pourquoi nous souhaitons avoir un débat de fond avec un peu d’honnêteté intellectuelle.
M. Di Filippo a raison : derrière la gauche se cache toujours l’obsession des taxes. Il a bien lu ; il est prévu de rajouter encore des taxes aux taxes (Mme Marietta Karamanli s’exclame), comme si notre économie était suffisamment dynamique.
Je crois avoir tout dit. Je le répète : je découvre avec surprise que je siège au sein d’une assemblée adhérente d’Asie Écologie-Les Verts.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures trente-cinq.)
M. le président
La séance est reprise.
Nous en venons aux amendements à l’article 1er bis.
La parole est à M. Xavier Roseren, pour soutenir l’amendement no 20.
M. Xavier Roseren
Il vise l’arrêt progressif des émissions atmosphériques de Pfas provenant d’installations industrielles, pour protéger durablement la santé et l’environnement. Il s’agit d’un enjeu majeur de santé publique : les Pfas sont présents non seulement dans l’eau, mais aussi dans l’air que nous respirons.
Mon territoire est fortement touché par la pollution de l’air, ce qui motive mon signal d’alerte. Bien que la qualité de l’air s’améliore, nous constatons chaque jour les effets de la pollution sur la santé et sur la qualité de vie des habitants. L’air est un vecteur majeur de contamination, il est donc essentiel que ce problème soit pleinement pris en considération dans nos politiques de prévention et de réduction de la pollution, y compris s’agissant des nouveaux polluants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Vous soulevez le problème important des rejets atmosphériques. Sachez qu’Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, l’organisme chargé de surveiller la qualité de l’air dans la région, mènera entre 2025 et 2028 une campagne relative à la pollution de l’air due aux Pfas auprès de certaines ICPE. Il est indispensable de développer des techniques de mesure fiables et d’accréditer des laboratoires pour mesurer les rejets atmosphériques de Pfas. Nous soutiendrons bien sûr cette opération dès qu’elle sera techniquement possible et planifierons une trajectoire en la matière mais, pour l’instant, mon avis est défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Vous posez l’excellente question de notre capacité à mesurer la présence de certains Pfas dans l’air. Le plan d’action interministériel lancé en 2023 et complété en 2024 prévoit d’effectuer ces mesures jusqu’en 2028, en commençant par les incinérateurs de déchets dangereux et en étendant progressivement la mesure aux autres sites susceptibles de rejeter des Pfas dans l’atmosphère. Très peu de laboratoires et de méthodologies spécifiques existent en Europe, ce qui freine notre avancée.
Je vous propose de retirer votre amendement, en vous assurant que je prends le sujet très au sérieux et que nous continuerons à progresser en la matière pour parvenir à un degré de maturité supérieur, comme nous l’avons fait l’année dernière s’agissant des rejets aqueux.
M. le président
La parole est à M. Xavier Roseren.
M. Xavier Roseren
Je vais retirer l’amendement, mais je tiens à alerter le gouvernement quant au mode de financement des associations comme Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, qui n’est plus adapté aux demandes de plus en plus nombreuses de nouvelles mesures portant sur de nouveaux polluants. Il convient de travailler dès cette année à le réformer, pour que les associations puissent s’appuyer sur de nouveaux financements à partir de 2026.
(L’amendement no 20 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. Frédéric-Pierre Vos, pour soutenir l’amendement no 32.
M. Frédéric-Pierre Vos
Il vise à démontrer l’incohérence du texte. L’article L. 523-6-1 que vous souhaitez insérer dans le code de l’environnement dispose que nous devons « tendre vers la fin [des rejets aqueux de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées par les installations industrielles] dans un délai de cinq ans », mais l’article 1er de la proposition de loi ne porte que sur trois types de produits industriels. Or les Pfas trouvées dans les effluents ne seront pas nécessairement liées à ces trois activités industrielles : si on fait la chasse aux Pfas, il faudra remonter le torrent jusqu’à la source, ce qui conduira à identifier des émissions liées à d’autres activités. De deux choses l’une : soit il s’agit d’une incohérence dans le texte, soit l’article 1er bis est un cheval de Troie visant à inscrire dans la loi l’interdiction à terme de tout rejet aqueux de Pfas.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Je suis fermement opposé à votre amendement, qui tend à modifier la trajectoire de fin des rejets aqueux de Pfas. Soyons très clairs : il faut les faire totalement disparaître, car les substances rejetées finissent dans l’environnement. Tous les Pfas ont en commun d’être persistants et bioaccumulables. Ils contaminent l’eau, affectent la faune et la flore… Nous devons donc couper entièrement le robinet de la pollution.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Défavorable.
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Monsieur Vos, il existe effectivement des milliers de Pfas, mais la grande majorité d’entre eux sont des Pfas dits de paillasse, c’est-à-dire mis au point par des chimistes. Le nombre de Pfas susceptibles d’être présents dans des rejets industriels est plus proche de 300, et les industriels interrogés sur les Pfas qu’ils utilisent en ont cité 169.
Le texte se concentre sur 20, 28 ou 34 Pfas industriels. Il conviendra sans doute d’étendre cette liste, mais pas aux milliers de Pfas de paillasse : elle pourrait concerner, à terme, entre 169 et 300 Pfas.
M. le président
Sur l’amendement no 16, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Frédéric-Pierre Vos.
M. Frédéric-Pierre Vos
On ne peut préjuger des propriétés d’un Pfas donné ; c’est pourquoi l’interdiction par défaut pose un vrai problème. Au fond, le procès qui est fait aux Pfas rappelle l’affaire du talc Morhange. Si une substance est identifiée comme dangereuse, alors oui, il faut l’interdire immédiatement, mais nous ne pouvons pas nous permettre de frapper d’interdiction immédiate des substances qui n’ont fait l’objet d’aucune étude scientifique sur le long terme. C’est incohérent.
Quand les agents des directions départementales de l’environnement commenceront à intenter des procès, il y aura nécessairement des embrouilles. Le juge lui-même sera perdu, étant donné l’incohérence du texte. (Mme Dominique Voynet s’exclame.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Il me semble que vous faites une confusion entre deux mesures. La première, consistant à interdire certaines utilisations de Pfas spécifiques identifiés comme dangereux, est distincte de la seconde, qui consiste à protéger les cours d’eau et les points de captage d’eau potable contre la présence de matières chimiques persistantes.
Pourquoi cette seconde mesure ? Prévenir coûte beaucoup moins cher que guérir. La dépollution de cours d’eau contaminés par des substances persistantes entraîne d’ores et déjà des coûts faramineux. Nous devons donc gérer ce risque.
Depuis l’examen du texte par l’Assemblée nationale en première lecture, il y a un an, le gouvernement a travaillé. Mon collègue Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie, et moi-même – et avant nous Roland Lescure et Christophe Béchu, nos prédécesseurs respectifs – avons réduit la présence de Pfas dans les effluents en mesurant leur concentration et en installant des systèmes de filtration. Nous avons tout simplement appuyé notre action sur la réalité du terrain, en nous concertant avec les industriels.
Si nous ne prenons pas des mesures aujourd’hui, nous le paierons demain, et les payeurs de demain ne seront pas les pollueurs d’aujourd’hui. J’en veux pour preuve la pollution persistante liée à des produits interdits il y a trente ans.
(L’amendement no 32 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin, pour soutenir l’amendement no 16.
M. Pierre Meurin
Chers collègues d’Asie Écologie-Les Verts – le gouvernement est aussi une succursale d’Asie Écologie-Les Verts –, je répète que vous défendez l’industrie chinoise au détriment de l’industrie française ! (Protestations sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Alexis Corbière
Le sujet ne supporte pas la médiocrité !
M. Pierre Meurin
L’amendement no 16 est un amendement d’appel. Je le maintiens néanmoins parce que, comme d’habitude, je ne recevrai aucune réponse. Vous vous dirigez au pifomètre, ce qui n’est pas sérieux quand on prétend légiférer. La proposition de loi envisage d’imposer aux entreprises « de tendre vers la fin des rejets » de Pfas dans un délai de cinq ans. Pourquoi retenir cinq ans et non dix ou quatre ? Comment avez-vous évalué ce délai ? Je rappelle que cette proposition de loi aux conséquences mésestimées n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact. L’absence totale de sérieux du travail législatif est manifeste. Vous vous fiez au pifomètre…
M. Emeric Salmon
Au Pfasomètre !
M. Pierre Meurin
…au Pfasomètre, exactement ! (Sourires sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Alexis Corbière
Il y a du niveau !
M. Erwan Balanant
Ils deviennent pires que LFI !
M. Pierre Meurin
On sait que ce sont des polluants, mais il n’y a aucune étude sérieuse sur les impacts sanitaires de tous les Pfas, alors qu’il y en a des dizaines de milliers. Vraiment, je trouve que ce n’est pas sérieux. Le mieux serait de tout arrêter, de se mettre autour de la table, de cogiter un peu et de revenir quand le travail aura été fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
À la lecture de l’amendement, je comprends que vous demandez au gouvernement d’établir une trajectoire de réduction des rejets de Pfas sans donner d’horizon temporel. Il ne serait pas prévu de date butoir pour la disparition de ces substances. Évidemment, ce n’est pas sérieux.
Pour savoir pourquoi un délai de cinq ans a été retenu, je vous renvoie au rapport de M. Isaac-Sibille publié en janvier 2024, qui explique qu’il est possible de limiter les rejets assez rapidement. Ce délai nous semble tout à fait raisonnable. Contrairement à ce que vous prétendez, le travail parlementaire a été fait.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Il est savoureux de voir le Rassemblement national nous donner des leçons de sérieux étant donné la nature et la qualité des arguments qu’il présente aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je rappelle que les industriels DuPont et 3M étaient au courant de la nature nocive des Pfas dès les années 1970. Depuis, les scandales sanitaires se multiplient et les études scientifiques prouvant la nocivité des Pfas s’accumulent. Il y a déjà eu deux tentatives de faire passer cette proposition de loi. En réalité, avec ce délai de cinq ans, ce sont cinq ans de trop. Vous essayez encore de repousser les échéances alors que 2 millions de Français sont atteints de pathologies liées à l’exposition aux Pfas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Violette Spillebout.
Mme Violette Spillebout
Comme beaucoup d’autres amendements du Rassemblement national sur cette proposition de loi, l’amendement no 16 vise à reculer l’arrêt des rejets de Pfas par les entreprises et les industriels. Nous pouvons comprendre que les entreprises aient besoin d’un délai pour réaliser leur transition écologique, mais nous devons aussi écouter les citoyens. De nombreux députés ont été sollicités par des associations de consommateurs. J’ai ainsi rencontré l’UFC-Que choisir métropole Lille, qui m’avait sollicitée. Ses représentants sont très inquiets, notamment à la suite des études réalisées en 2023 par l’ONG Générations futures, qui révèle la présence de nombreux Pfas dans l’eau.
Les prélèvements effectués à Lille en septembre 2024 ont permis de détecter 290 nanogrammes de TFA par litre et huit autres Pfas en cocktail. Même si ces quantités se situent encore au-dessous des normes françaises telles qu’elles seront appliquées en 2026, elles sont supérieures à celles que le Danemark va appliquer en imposant un maximum de 2 nanogrammes par litre pour quatre Pfas particuliers.
Les associations et les responsables politiques qui déposent cette proposition de loi avec le soutien du gouvernement jouent un rôle de lanceurs d’alerte pour les années à venir. En effet, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, les Pfas sont des polluants quasi indestructibles et bioaccumulables. Notre responsabilité est donc d’imposer une trajectoire d’arrêt de ces rejets.
Nous voterons contre l’amendement no 16 du Rassemblement national.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 16.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 236
Nombre de suffrages exprimés 235
Majorité absolue 118
Pour l’adoption 65
Contre 170
(L’amendement no 16 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 5.
M. Fabien Di Filippo
Il s’agit déjà du dernier amendement à l’article 1er bis qui porte sur les rejets aqueux contenant des Pfas. Par rapport aux données scientifiques à notre disposition, la mesure que vous annoncez est peut-être la plus dangereuse.
Je rappelle, en passant, que sur tous les écrans que nous utilisons dans cet hémicycle, il y a sans doute des Pfas. N’oubliez pas à chaque fois que vous touchez un écran pour téléphoner ou pour un autre usage que le risque est peut-être important.
L’alinéa 2, sur lequel porte l’amendement, dispose : « La France se dote d’une trajectoire nationale de réduction progressive des rejets aqueux de substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées des installations industrielles, de manière à tendre vers la fin de ces rejets dans un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi […] visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées. »
Cet alinéa pose une vraie question. Compte tenu du danger sur lequel vous avez mis l’accent, en particulier l’absence totale de contrôle une fois ces produits en milieu aqueux, pourquoi retenir un délai de cinq ans ? En partant du principe que la loi sera promulguée rapidement, étant donné le temps nécessaire à la concertation avant de prendre les décrets, nous pourrions arriver rapidement à 2031. Il n’y a pas de cohérence entre les délais retenus pour les interdictions et les autres mesures du texte.
Par l’amendement no 5, je veux vous aider à être absolument cohérents : je vous propose donc de réduire le délai de cinq à quatre ans. Vous voyez, je suis beaucoup plus ambitieux que vous en matière écologique et je vous aide à écrire un meilleur texte. Je compte sur votre soutien !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Merci pour votre aide ! (Sourires.) Vous êtes un lecteur attentif du texte, mais il y a un paradoxe dans ce que vous dites. En effet, si votre amendement était adopté, le texte repartirait au Sénat dans le cadre de la navette et le gain d’un an que vous proposez serait largement perdu. Avis défavorable. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC. – Mme Marina Ferrari applaudit également.)
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
La démonstration a été faite qu’il faut avancer, et avancer vite. Je reviens brièvement sur les propos tenus par M. Meurin, car ils étaient effarants. Il a dit en substance : « ce sont des polluants, on le sait, mais bon… blablabla. » Puis il a fait une blague qui n’a pas fait rire grand monde.
Les Pfas sont des polluants. Dès lors, notre responsabilité est d’appliquer tout simplement le principe de précaution pour les citoyens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. Emeric Salmon.
M. Emeric Salmon
Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué que l’amendement de M. Meurin visait à repousser la date à partir de laquelle les entreprises auront l’interdiction de rejeter des Pfas, alors qu’il se contentait de supprimer le délai de cinq ans à l’alinéa 2 pour vous interroger : pourquoi cinq ans ?
Nous soutiendrons l’amendement no 5, qui ramène ce délai à quatre ans, parce que nous le considérons comme un amendement d’appel. Comme l’a dit M. Di Filippo, dès lors que la date d’application a été fixée dans la proposition de loi, une nouvelle lecture au Sénat ne changerait rien – M. Di Filippo l’a suffisamment répété pour que ce soit bien ancré dans la tête de chacun.
M. Fabien Di Filippo
Je suis un grand pédagogue ! (Sourires.)
M. Emeric Salmon
Réduire ce délai de cinq à quatre ans ne conduira donc pas à repousser l’application de la mesure d’un an, mais bien à gagner un an.
Nous voulons comprendre la raison des délais inscrits dans le texte et apporter de la science dans le débat. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Pourquoi ce délai de cinq ans, demandions-nous à travers l’amendement no 16 ? Pourquoi refuser de réduire ce délai à quatre ans, comme le propose M. Di Filippo ? Pourquoi ne pas retenir un délai de dix ou de trois ans ? Quelles sont les raisons scientifiques qui justifient le délai retenu ?
(L’amendement no 5 n’est pas adopté.)
M. Fabien Di Filippo
Vous ne voulez pas protéger les Français !
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 1er ter
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
De nombreux prélèvements effectués dans les eaux destinées à la consommation humaine présentent des taux de Pfas supérieurs à 100 nanogrammes par litre. Il est important de les dépolluer. Cet article prévoit un financement pour aider les collectivités locales à procéder aux installations nécessaires, lesquelles sont assez coûteuses et utilisent des charbons actifs.
Madame la ministre, nous avons voté un fonds Pfas de 22 millions d’euros dans le dernier budget pour aider les collectivités à réaliser ces installations. Comment le gouvernement compte-t-il s’y prendre pour aider les collectivités, notamment les moins riches, à dépolluer l’eau que certains de nos concitoyens boivent ?
M. le président
La parole est à M. Anthony Brosse.
M. Anthony Brosse
L’article 1er ter constitue un ajout important du Sénat et vise à venir en aide aux collectivités territoriales responsables des services publics d’eau potable et d’assainissement, que cette compétence soit déléguée en gestion directe ou en régie. Le plan d’achat interministériel devrait prévoir un financement ; nous voudrions des précisions sur le sujet. Les collectivités l’attendent et sont inquiètes, notamment à l’égard des transferts de compétences dans les intercommunalités. Elles veulent savoir comment elles pourront gérer les urgences – il y en a beaucoup. Nous attendons de l’État une action forte. Merci d’avance à Mme la ministre pour les précisions qu’elle pourra nous apporter.
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
L’article 1er ter, qui vise à créer le fonds de dotation interministériel pour la gestion des pollutions aquatiques aux Pfas, soulève trois sujets d’inquiétude auxquels nous devrons répondre précisément. Je comprends très bien l’intention des sénateurs de protéger les collectivités territoriales qui se retrouveraient en première ligne : une fois que l’État leur a délégué une compétence, on sait qu’elles finissent toujours par assumer la responsabilité, même s’il leur délègue les moyens. Or la question de cette dépollution se posera évidemment avec acuité dans les années qui viennent.
Premièrement, d’où viendra l’argent pour abonder le fonds ? Deuxièmement, comment les collectivités territoriales en bénéficieront-elles et comment l’argent sera-t-il utilisé ? Troisièmement, je reviens sur une question que j’ai posée lors de l’examen de l’article précédent : dans votre interview d’hier dans Le Parisien, vous avez évoqué une contribution des industriels pour financer la dépollution en supplément d’une taxe sur les agences de l’eau. Est-ce lié à cette disposition ou la contribution vient-elle en plus ? Et surtout, à quel niveau évaluez-vous cette contribution ?
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin.
M. Pierre Meurin
Vous partez de l’idée que ce sont les entreprises qui doivent payer, mais pour l’amiante ou le chlordécone, c’est l’État. Pourquoi ne serait-ce pas à l’État de payer aussi pour la dépollution des Pfas ? C’est une vraie question, et nous attendons une réponse du gouvernement.
Une remarque aux membres d’Asie Écologie-Les Verts : dans cet hémicycle siège une ancienne ministre qui a fait fermer la centrale nucléaire Superphénix en 1993 (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS),…
Mme Dominique Voynet
J’en suis fière !
M. Pierre Meurin
…ce qui nous a conduits à importer de l’électricité produite à base de charbon. Alors pourrions-nous arrêter d’écouter les écolos ? Cela devrait nous interpeller et nous amener à nous ressaisir collectivement. Quand les écolos proposent quelque chose, c’est souvent qu’il vaut mieux faire l’inverse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Marie-Charlotte Garin
Ressaisissez-vous !
Mme Dominique Voynet
Mise en cause personnelle ! (Sourires.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Je vais m’efforcer de répondre aux questions que vous avez posées. La première est celle de savoir pourquoi ce sont les entreprises qui paient et non l’État. Comme vous le savez, l’État paie avec les impôts prélevés sur les entreprises et les ménages. La question est donc : faut-il que celui qui utilise des Pfas et qui les diffuse dans l’eau paie, ou bien est-ce à tout le monde de le faire ? Dans le second cas, un très faible montant est payé par l’entreprise qui utilise les Pfas, du fait de la dilution du paiement. Mais dans les deux cas, les entreprises sont amenées à payer, qu’elles émettent ou non des Pfas.
Nous appliquons quant à nous le principe logique et rationnel, reconnu en économie, de l’émetteur-payeur, ou pollueur-payeur, qui met à contribution celui qui est à l’origine de l’externalité négative pour la collectivité publique.
M. Erwan Balanant
On devrait faire la même chose avec les discours nauséabonds du RN !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Nous avons évidemment travaillé avec les entreprises et les industriels. Je rappelle, une nouvelle fois, que cela fait un an que nous préparons la mise en œuvre de ce texte, présenté en février 2024. Selon les évaluations, la contribution des entreprises s’élèvera à 10 millions d’euros par an. Parmi toutes les entreprises qui ont stabilisé leurs émissions de Pfas, il nous reste à définir le montant que devra payer un site qui réduit drastiquement – l’objectif est de 80 % – ses émissions. Les émetteurs connaissent le montant de leur redevance, qui finance les agences de bassin, lesquelles financent à leur tour les collectivités locales. Ce mécanisme économique incite les industriels à limiter les émissions en utilisant des filtres et des techniques particulières. Cela fonctionne : depuis un an, les émissions ont baissé, avec un bon rapport qualité-prix. En outre, nous prévoyons un budget pour aider les collectivités locales.
Vous m’avez interrogée sur le traitement des pollutions lorsque les collectivités locales sont confrontées à des pollutions qui remontent à trente ans. Dans ce cas, le pollueur est parti depuis des années. Tout l’enjeu est alors de tirer les leçons des pollutions antérieures, afin de mieux les intégrer dans les procédés industriels. C’est ainsi que nous gagnons en compétitivité, monsieur Meurin !
Enfin, nous pouvons nous féliciter d’être capables d’adopter des textes transpartisans, comme nous le demandent les Français. Le vote d’abstention que vous avez annoncé y contribuera.
Plusieurs députés du groupe RN
Non, nous voterons contre !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Alors les Français seront heureux d’entendre que vous ne vous souciez pas de leur santé ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Fabien Di Filippo
Cet amendement est le seul sur l’article 1er ter : il constitue donc l’unique occasion de nous interroger sur la manière dont cet article a été construit par les sénateurs, sans doute un peu trop rapidement.
L’article dispose : « Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement se dote d’un plan d’action interministériel pour le financement de la dépollution des eaux destinées à la consommation humaine gérées par les collectivités territoriales responsables des services publics d’eau potable et d’assainissement, que cette gestion soit en régie ou déléguée. Ce plan présente les différentes ressources à la disposition des collectivités pour leur politique de dépollution, le rôle et les missions des agences de l’eau, le rôle de l’État dans l’accompagnement de ces politiques publiques ainsi qu’un calendrier prévisionnel. »
Un an pour faire tout cela ! D’une part, cela ne colle pas à la réalité de ce que Mme la ministre vient de dire, car un travail de fond est nécessaire en collaboration avec les industriels et les collectivités, et il faut aussi tenir compte des démarches déjà engagées. D’autre part, cela ne correspond pas au calendrier budgétaire. Il n’est pas possible de faire miroiter des versements dès l’année prochaine, en 2026.
Je propose donc de faire passer le délai d’un an à dix-huit mois. M. le rapporteur escompte une promulgation très rapide, mais je le crois optimiste. Puisque tout le monde a l’air de bonne volonté, imaginons qu’elle intervienne d’ici l’été : un délai de dix-huit mois nous renverrait alors au début de l’année 2027, ce qui paraît plus réaliste. Si vous gardez le délai initial, vous risquez de commettre des erreurs dans la construction de ce fonds interministériel, sans qu’il soit prêt à la date de son entrée en vigueur. L’amendement tend donc à apporter de la cohérence au texte.
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Meurin
Sur le fondement de l’article 70, alinéa 3, pour mise en cause personnelle. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la ministre m’a interpellé nommément, avant d’accuser notre groupe de ne pas se préoccuper de la santé des Français. Cessez de prétendre appartenir au camp du bien et, pour la bonne tenue de nos débats, ne vous livrez pas à des invectives ou à des accusations de cette nature !
Madame la ministre, en fermant Fessenheim, vous avez donné du grain à moudre au marché du charbon. Du point de vue sanitaire, c’est très mauvais. En outre, votre gouvernement est responsable d’une pénurie de médicaments. Ne nous faites donc pas le coup de l’argument moral ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Un député du groupe LFI-NFP
Vous n’avez pas censuré !
Article 1er ter (suite)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 6 ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Même avis. Monsieur Meurin, je tiens à préciser que j’ai toujours soutenu le nucléaire, à la différence de votre présidente de groupe, qui a eu des sincérités successives sur ce sujet – et sur d’autres. Vous pouvez vérifier toutes mes déclarations, y compris celles qui remontent à la période où j’étais dans la vie civile. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.)
M. Erwan Balanant
Relisez le programme de Marine Le Pen de 2012 ! Elle était contre le nucléaire !
Mme Sandrine Rousseau
On s’en fiche, ce n’est pas le sujet ! Parlons des Pfas !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
S’agissant du plan national de financement, nous y travaillons depuis plus d’un an. Nous sommes prêts, il ne nous reste qu’un travail complémentaire à mener sur le site que j’ai mentionné et qui devrait être finalisé d’ici septembre. Le délai prévu sera respecté.
Plus généralement, le financement de la feuille de route sur la qualité de l’eau, qui répond aux impératifs des directives européennes, est une préoccupation majeure pour les intercommunalités. Le premier ministre a soutenu l’idée de son prédécesseur d’une grande conférence nationale sur l’eau d’ici à 2050, permettant d’aborder les différents enjeux du point de vue de la quantité comme de la qualité, dans la perspective du dérèglement climatique. Il est urgent de l’organiser. Vous le voyez, nous respectons le calendrier politique qui avait été fixé.
M. le président
La parole est à M. Laurent Jacobelli.
M. Laurent Jacobelli
Je viens de recevoir une belle leçon d’économie : les entreprises seront plus compétitives en étant soumises à davantage de normes et de taxes ! Je vous invite, madame la ministre, à lire quelques ouvrages d’économie avant de vous exprimer ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Erwan Balanant
Quelle morgue !
Mme Dominique Voynet
Les arguments d’autorité n’ont pas leur place ici !
M. Laurent Jacobelli
Taxer encore plus nos entreprises et leur imposer de trouver des substituts aux Pfas, c’est augmenter le prix de vente de leurs produits, alors même qu’elles sont confrontées à la concurrence directe des Chinois, qui n’auront pas à respecter les mêmes normes. (Exclamations sur les bancs des groupe LFI-NFP et GDR.)
Une fois encore, vous allez saborder notre économie ! Ce n’est pas un hasard, puisque vous vous alliez aux écologistes qui veulent la décroissance, ainsi que la fin des vêtements, du chauffage et de l’électricité. Vous vous associez aux Pierrafeu, c’est l’âge de pierre que vous nous promettez ! Vous êtes à côté de la plaque ! Retirez immédiatement cette mesure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Dominique Voynet
La caverne et la bougie !
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
Vos leçons d’économie et de soutien aux entreprises, alors que votre parti a défendu taxes sur taxes dans le dernier projet de loi de finances, pesant davantage encore sur les entreprises et les microentrepreneurs, n’ont aucune cohérence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Il y a quelques années, sur France Inter, votre présidente de groupe, Marine Le Pen, a affirmé que le nucléaire était dangereux et qu’il faudrait à terme y renoncer. Vous êtes complètement à la ramasse !
Mme Marie Pochon
Elle est où, Marine Le Pen ?
M. Pierre Cazeneuve
Les moratoires sur les énergies renouvelables, que vous allez encore nous proposer, nous condamneront à dépendre des énergies fossiles de vos amis russes et qataris. (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Quel ringard !
Plusieurs députés du groupe EcoS
Les Pfas !
M. Pierre Cazeneuve
Votre vision du mix énergétique est dépassée, comme votre vision de l’écologie, monsieur Meurin. Depuis le début de cette séance, vous nous donnez la preuve de votre climatoscepticisme et de votre incohérence totale sur les questions de santé publique ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Monsieur le député Jacobelli, vous ne dites pas comment financer la dépollution.
M. Erwan Balanant
Il s’en fiche de dépolluer !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Si ce n’est pas le pollueur qui paye, les autres entreprises devront s’en charger et leur compétitivité risque d’être compromise. J’ai bien compris que vous aviez une capsule à faire pour vos réseaux sociaux, mais ce débat mérite plus de rigueur.
(L’amendement no 6 n’est pas adopté.)
(L’article 1er ter est adopté.)
Article 2
M. le président
Sur l’amendement no 37, je suis saisi par le groupe UDR d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
L’article 2 vise à créer une redevance pollueur-payeur dont le principe semble logique, même si l’article 1er bis fixe une trajectoire d’interdiction des émissions. Alors que les Dreal estiment que plusieurs kilogrammes de Pfas sont rejetés par jour, la redevance de 1 000 euros pour 100 grammes ne sera pas suffisante, sachant qu’il faut aussi prendre en compte les pollutions historiques : il y a des tonnes de Pfas dans nos nappes phréatiques et dans nos sols. Cette mesure nous apportera des dizaines de millions, mais la dépollution nous en coûtera des dizaines, voire des centaines de milliards. Ce n’est donc pas ainsi qu’on dépolluera nos rivières, nos nappes phréatiques et nos sols.
M. le président
La parole est à M. Eddy Casterman.
M. Eddy Casterman
L’article 2 illustre la collusion objective entre les adeptes de l’écologie punitive, de la taxe et de la norme, et les industriels chinois qui rêvent de transformer la France et l’Europe en un désert industriel. Voilà ce que nous proposent les écolos, soutenus par Mme Pannier-Runacher et les groupes du socle commun : un problème, une taxe ; une émission de Pfas, une nouvelle redevance !
Cet article, qui ne sert strictement à rien, porte le stigmate du lobby de la décroissance industrielle. La redevance frappera indistinctement toutes les familles de Pfas, sans tenir compte de leur dangerosité pour l’environnement. Elle ne répond pas à l’enjeu de la dépollution nécessaire des sites industriels, qui ont besoin d’un véritable plan d’accompagnement de nos filières.
La recette estimée de cette nouvelle redevance représente moins de 0,2 % des ressources actuelles de l’agence de l’eau, soit à peine 2 millions, alors que le coût de la dépollution des eaux souterraines est estimé à 847 milliards. C’est un gadget qui cible, une fois de plus, l’industrie chimique française, accusée de tous les maux – sauf, bien sûr, de créer 220 000 emplois et de contribuer à hauteur de 18 milliards à notre richesse nationale. Acculée et stigmatisée, l’industrie alerte depuis des années sur le risque de décrochage ; elle a prévenu qu’elle supprimerait 15 000 emplois d’ici trois ans…
Monsieur Isaac-Sibille, pendant la discussion générale, vous avez dit que ce texte envoyait un message clair aux industriels français. En réalité, c’est aux industriels chinois, coréens et indiens que vous envoyez un message clair. Vous leur dites : « Regardez, nous avons encore voté une redevance. Nous avons encore pénalisé nos industries. Nous avons fermé l’usine Solvay, qui produisait du TFA, alors que cette substance est indispensable à la fabrication de traitements contre le cancer. Continuez à inonder nos marchés avec vos produits fabriqués dans des conditions sociales et environnementales épouvantables ! »
M. le président
Merci de conclure, cher collègue.
M. Eddy Casterman
Voilà le message désastreux que vous envoyez… (M. le président coupe le micro de l’orateur. – Les députés du groupe RN, ainsi que quelques députés du groupe UDR, applaudissent ce dernier.)
M. le président
La parole est à M. Roland Lescure.
M. Roland Lescure
Comme mon nom a été cité à plusieurs reprises ce matin, j’aimerais vous expliquer pourquoi je voterai cette proposition de loi et pourquoi je suis assez enthousiasmé par le travail qui a été réalisé depuis près d’un an pour la faire évoluer. Au moment où elle a été déposée, je l’ai trouvée attrape-tout et dangereuse, et je l’ai dit au banc, en tant que ministre de l’industrie. Elle ne me semblait pas en phase avec les défis que représentent ces polluants éternels, dont certains sont très dangereux – comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – et il me semblait qu’elle risquait d’affaiblir durablement des industries françaises compétitives, notamment celle qui fabrique les fameuses poêles, dont je ne citerai pas le nom.
Je voudrais remercier et féliciter le rapporteur, qui a réalisé un travail très important pour faire de cette proposition de loi un texte acceptable (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, SOC, EcoS et Dem), ainsi que le Sénat, qui a fait son travail. J’aimerais aussi souligner que la cohérence gouvernementale et la constance dans l’action gouvernementale, ça existe. Il y a près d’un an, c’est moi qui étais au banc, comme ministre de l’industrie, représentant Bercy ; aujourd’hui, c’est Mme Agnès Pannier-Runacher qui s’y trouve, représentant le ministère de l’écologie ; et nous allons adopter ce texte, qui tient compte à la fois des enjeux qui étaient ceux du ministère de l’industrie il y a un an et de ceux du ministère de l’écologie aujourd’hui.
Nous ciblons les secteurs qui peuvent se permettre de sortir rapidement des Pfas et nous les accompagnons. Nous donnons à certaines industries, comme celle du textile, le temps de s’adapter pour sortir des Pfas dangereux. Nous évitons de cibler certaines professions, par exemple les pompiers, car les Pfas sont avant tout pour eux un gage de sécurité. Enfin, nous finançons la transition. Et tout cela se fait, sinon de manière consensuelle, du moins loin des caricatures.
Je n’ai pas pris ma carte à Europe Écologie-Les Verts (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe EcoS) et je ne compte pas la prendre – je vois que certains ici sont déçus (Sourires) –, mais nous montrons qu’en travaillant ensemble, à l’Assemblée nationale et au Sénat, nos groupes parlementaires sont capables de converger, au service de l’industrie et de la planète. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et sur plusieurs bancs des groupes Dem et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Vincent Descoeur.
M. Vincent Descoeur
Je me réjouis de l’inscription dans ce texte du principe d’une redevance acquittée par les producteurs de Pfas, assise sur les rejets de Pfas dans le milieu naturel, particulièrement dans l’eau. Il est indispensable qu’ils prennent part à la dépollution en accompagnant, à travers les agences de l’eau, les collectivités qui vont devoir investir massivement – on parle de plusieurs dizaines de milliards d’euros – pour assurer la dépollution de l’eau destinée à la consommation humaine.
C’est la traduction dans la loi d’une proposition que mon collègue Yannick Haury et moi-même avions faite à l’occasion d’un rapport sur l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique.
Un député du groupe EPR
Très juste !
M. Vincent Descoeur
Je me réjouis que cette proposition trouve une traduction concrète dans ce texte et j’en remercie notre rapporteur. Certes, cette redevance ne suffira pas à financer le prix de la dépollution, mais c’est aussi un signal adressé aux communes et aux collectivités locales, qui ne peuvent pas assumer seules le prix de cette dépollution. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Éric Michoux, pour soutenir l’amendement no 37, tendant à supprimer l’article 2.
M. Éric Michoux
Dans ce texte, les entrepreneurs sont considérés soit comme des pollueurs, soit comme des empoisonneurs, soit les deux. Votre politique économique vis-à-vis des entreprises revient à instaurer toujours plus de normes et de taxes. Résultat des courses, l’industrie française est en train de disparaître, au profit de l’industrie chinoise. À force de cultiver la défiance, plutôt que la confiance, vis-à-vis de nos entreprises, on se retrouve avec des importations souvent bien plus polluantes.
En proposant de créer une nouvelle taxe, dont on ne connaît ni le montant exact, ni ce qu’elle va rapporter à l’État, vous faites un acte de déloyauté vis-à-vis de nos entreprises (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – « Oh là là !» sur les bancs des groupes EcoS et SOC).
Une députée du groupe SOC
C’est un peu excessif, non ?
M. Éric Michoux
Eh oui, vous faites preuve de déloyauté ! Vous pouvez continuer à parler de réindustrialisation, mais ce n’est pas ce que vous faites en ajoutant sans cesse des normes et des taxes ! C’est en installant la concurrence chinoise à nos portes que vous avez détruit notre industrie automobile : il faudrait que vous vous mettiez ça dans la tête ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Marie-Noëlle Battistel
Oh, ça va !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Ce que vous oubliez, et M. Descoeur l’a bien rappelé, c’est que ce sont d’abord les collectivités qui vont se retrouver, dans peu de temps, devant un mur d’investissement. Qu’allez-vous raconter aux maires de votre circonscription, quand ils vont venir vous solliciter en vous disant qu’ils sont au pied du mur, qu’ils ont seulement trois ans pour se mettre aux normes et qu’ils n’ont pas les moyens de construire une nouvelle station d’épuration ? Vous leur direz que vous avez voté contre l’instauration d’une redevance qui avait vocation à les aider ? Si vous lisez bien le texte, vous verrez que cette redevance ne concerne pas les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), mais les grands producteurs de Pfas, c’est-à-dire les grands groupes.
Par ailleurs, l’alinéa 5, qui a été complété par les sénateurs, répond à la crainte que vous exprimez : seuls les Pfas directement liés à l’activité de l’entreprise seront pris en compte. Sur ce point, votre amendement est donc satisfait. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Je suis stupéfaite de ce que j’entends. Je rappelle que ce gouvernement, comme ceux qui l’ont précédé depuis 2017, ont tous mené, sous l’égide d’Emmanuel Macron, une politique de l’offre, qui reposait notamment sur une baisse massive des taxes.
M. Roland Lescure
Exactement !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Et cette politique de l’offre, reposant sur une baisse massive des taxes, vous l’avez contestée à peu près chaque année (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem) et vous avez voté contre chaque année.
M. Philippe Ballard
Le résultat est stupéfiant !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Alors, recevoir de votre part des leçons au sujet des hausses de taxes, c’est un peu lunaire ! Même votre budget concurrent ou alternatif proposait des augmentations massives de taxes.
Plusieurs députés du groupe RN
Non !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Si, malheureusement si.
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est complètement faux !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Les faits sont têtus. Quels sont les gouvernements qui ont baissé les taxes de 50 milliards ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) On nous le reproche suffisamment… Ce sont les gouvernements qui se sont succédé depuis sept ans. Et il se trouve que cela a eu pour effet de créer 2,5 millions d’emplois, dont 150 000 dans l’industrie. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) C’est du jamais-vu en quarante ans. Alors, attention à ce que vous racontez. Reportez-vous aux chiffres de l’Insee : vous y trouverez les 150 000 emplois industriels. À moins que vous ne teniez encore un discours complotiste…
Par ailleurs, nous ne vous avons pas attendus pour travailler avec France Chimie sur ce texte. Enfin, dès lors que nos industriels sont déjà tous en conformité avec les règles que nous édictons,…
M. Pierre Meurin
Alors tout cela ne sert à rien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
…tout ce que nous faisons, c’est de les protéger contre la concurrence déloyale des Chinois. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
L’article 2 soulève une question très sensible quand on voit la situation de notre économie, la conjoncture qui nous attend en 2026 et les difficultés du secteur industriel. Bien sûr, il y a des bouleversements, et on sent que le champ économique, notamment industriel, va connaître des changements considérables avec l’intelligence artificielle dans les années à venir. Mais on ne peut pas ignorer que cette redevance a quelque chose d’anxiogène et qu’elle pourrait faire naître un sentiment d’iniquité chez certains industriels.
Le principe pollueur-payeur, je pense que tout le monde ici le respecte. Mais chacun sait, et nous en avons parlé au début de l’examen de ce texte, que nous ne pourrons pas exercer un contrôle total sur les importations – c’est un euphémisme, car il y a beaucoup de choses que l’on ne pourra pas du tout contrôler. Il faut être réaliste, et nous avons déjà eu ce débat à propos des importations alimentaires, au sujet de certains accords commerciaux. Ce texte ouvre la voie à des contrôles douaniers, mais le nombre de douaniers ne va pas augmenter dans un avenir proche.
Comment mettre à contribution les pollueurs étrangers…
M. Laurent Jacobelli
Bonne question !
M. Fabien Di Filippo
…qui produisent dans des conditions bien plus mauvaises qu’en France et qui vont continuer à faire entrer leurs produits en France ? (Mme Béatrice Roullaud applaudit.) Ces produits de mauvaise qualité libéreront des polluants dans notre environnement immédiat, dans nos cours d’eau comme dans l’atmosphère. Comment mettre ces gens-là à contribution ?
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Il s’agit d’une redevance sur les rejets dans l’eau, pas d’une taxe sur les importations.
M. Fabien Di Filippo
Justement !
M. Cyrille Isaac-Sibille
Actuellement, dans la mesure où les rejets sont estimés à quelques kilogrammes par jour, cette taxe pourrait représenter quelques dizaines de millions par an. J’ai une bonne nouvelle pour nos collègues du Front national…
M. Laurent Jacobelli
Et à l’UDF, ça va ?
M. Cyrille Isaac-Sibille
…je voulais dire Rassemblement national : comme nous avons voté une trajectoire qui prévoit la fin des rejets dans cinq ans, cette redevance s’éteindra naturellement, elle aussi, dans cinq ans.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 37.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 259
Nombre de suffrages exprimés 256
Majorité absolue 129
Pour l’adoption 60
Contre 196
(L’amendement no 37 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin, pour soutenir l’amendement no 14.
M. Pierre Meurin
Chers collègues d’Asie Écologie-Les Verts – j’ai l’impression que Fabien Di Filippo est le seul, dans cet hémicycle, à ne pas avoir été contaminé, mais qu’il prenne garde, car c’est hautement toxique –, je vois qu’on est toujours dans la stratégie du pifomètre.
Mme Marie-Charlotte Garin
Pas la peine de vous répéter !
M. Pierre Meurin
Pourquoi 100 euros par 100 grammes ? Comme vous n’avez fait aucune étude d’impact, comment avez-vous calculé le montant de cette redevance ? Aucune étude scientifique sérieuse ne permet de le justifier.
Vous vous êtes peut-être dit sur un coin de table que 100 euros par 100 grammes, ce n’était pas mal, mais ce n’est pas très sérieux. Du reste, l’ensemble de cette proposition de loi manque de sérieux. Il faut arrêter d’écouter les écologistes, parce que si on les écoutait, on reviendrait à la traction animale, voire, peut-être, à la traction humaine. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Sandrine Rousseau
Et si on vous écoutait, vous, la terre serait plate !
M. Pierre Meurin
Madame la ministre, nous sommes le pays où le taux de prélèvements obligatoires est le plus important.
M. le président
Merci de conclure, cher collègue.
M. Pierre Meurin
Vous avez inventé dans le budget une taxe sur les voitures d’occasion, alors ne nous donnez pas de leçons ! Nous, nous voulons baisser les taxes, et vous, vous passez votre temps à les augmenter. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
(L’amendement no 14, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 24 et 17, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. David Magnier, pour soutenir l’amendement no 24.
M. David Magnier
Dans notre droit, on distingue les peines selon la gravité des crimes. On ne sanctionne pas un vol de la même façon qu’un homicide. Pourquoi appliquer une taxe uniforme à des substances qui n’ont pas le même impact sur l’environnement et la santé humaine ? D’autres pays, comme l’Allemagne et la Suède, l’ont compris, eux, et ils adaptent la taxation à la dangerosité des substances. Pourquoi la France resterait-elle en retard ?
En commission, on nous a affirmé que les Pfas étaient dangereux. Certes, mais faut-il les taxer de manière uniforme, sans distinction et sans prendre en compte leur impact réel ?
Un député du groupe RN
C’est une bonne question !
M. David Magnier
Nous savons que la dépollution des eaux contaminées par les Pfas coûtera des centaines de milliards d’euros. Il est impératif que la redevance soit proportionnée à la nocivité des substances concernées pour inciter les industriels à réduire en priorité les plus dangereuses et à innover en se dirigeant vers des solutions alternatives plus sûres.
Cet amendement apporte une réponse simple et juste : un tarif modulé, selon la toxicité, déterminé par un décret transparent ; une approche cohérente, alignée sur les réalités scientifiques et économiques. Nous avons le choix entre une taxe arbitraire, que propose le texte, et un outil incitatif et efficace, contenu dans mon amendement. Je vous invite donc à le voter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
C’est du bon sens !
M. le président
La parole est à M. Julien Guibert, pour soutenir l’amendement no 17.
M. Julien Guibert
En matière de taxes, avec la gauche, nous sommes toujours servis ! Alors que la fiscalité environnementale doit reposer sur une analyse rigoureuse des émissions nettes, vous sortez de nulle part un montant de 100 euros les 100 grammes qu’aucun élément technique ou scientifique ne justifie. Les entreprises investissent déjà massivement dans des dispositifs de réduction des Pfas au coût souvent élevé ; elles doivent financer la dépollution ; une redevance fixe, arbitraire, reviendrait à les taxer une seconde fois. Cette approche injuste les pénalise face à leurs concurrents étrangers, qui opèrent en dehors du champ d’application de la loi française. Cessons donc cette course à la taxation normative qui fait fuir nos industriels à l’autre bout du monde, alors que nombre d’entre eux, conscients de l’enjeu, initient des actions correctives pour préserver l’environnement. Soutenons-les plutôt : ils contribuent largement à l’effort national dans tous les domaines.
M. Pierre Meurin
Absolument !
M. Julien Guibert
Une fiscalité excessive, sans souplesse, n’entraînera que des délocalisations vers des pays moins contraignants, avec des conséquences négatives pour l’emploi comme pour l’environnement. Fixer par décret le montant de la redevance, ce que prévoit cet amendement, permettrait en revanche une adaptation progressive, tenant compte des progrès technologiques et des réalités économiques. Au lieu de punir aveuglément, encourageons l’innovation, accompagnons nos industries vers des pratiques plus vertueuses, favorisons la recherche et le développement de solutions viables ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
Je m’étonne, chers collègues, de votre indignation au sujet des augmentations de taxes et autres redevances. Nous aurions aimé vous entendre en ce sens lorsque, comme l’a rappelé Mme la ministre, nous avons mené une politique de diminution des impôts :…
M. Laurent Jacobelli
C’est inacceptable !
M. Pierre Meurin
Cela n’a rien à voir avec l’amendement !
M. Daniel Labaronne
…25 milliards d’euros pour les consommateurs et autant pour les entreprises. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.) Nous aurions aimé vous entendre lors de l’examen, en commission, de la première partie du projet de loi de finances pour 2025, consacrée aux recettes.
M. Emeric Salmon
Vous n’étiez pas là ! Il n’y avait personne en séance !
M. Daniel Labaronne
Vous avez voté en faveur de 60 milliards d’impôts supplémentaires (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN) avant de prendre peur de cette logorrhée fiscale et, en définitive, de rejeter le texte issu des travaux de la commission – c’est-à-dire de voter en bloc contre ce que vous aviez voulu en détail. Si vous êtes opposés aux alourdissements de la fiscalité, vous aurez du reste l’occasion de le manifester cet après-midi,…
M. Charles Sitzenstuhl
Eh oui !
M. Daniel Labaronne
…puisque vous devrez vous prononcer au sujet d’un nouvel impôt – j’ai cru comprendre que vous comptiez vous abstenir. Faites donc preuve de cohérence. Dans tous les cas, nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Mme Anne-Cécile Violland applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Ces amendements nous renvoient à une intéressante donnée du problème, que nous nous sommes jusqu’ici peut-être trop dispensés de considérer dans le cadre de ce débat, il est vrai lui-même un peu court – eu égard à l’importance du sujet, mieux aurait valu y consacrer quelques heures de plus. Je veux parler de la question suivante : quels Pfas sont réellement dangereux pour l’homme ? Une dizaine, parmi lesquels le PFOA, le PFOS, le PFHXS – acide perfluorohexanesulfonique – ou le PFHXA – acide perfluorohexanoïque – présentent sur l’organisme des effets avérés tels que l’augmentation du cholestérol, l’apparition de cancers, des problèmes de fertilité ou de développement du fœtus. Quant à l’acide perfluoroheptanoïque, le PFHPA, il est soupçonné d’interférer avec le système endocrinien.
Selon Bruno Ameduri, spécialiste de la chimie et des matériaux macromoléculaires, il existe deux types de Pfas. Les petites molécules, PFOA, PFOS, dont parlait tout à l’heure le professeur Juvin, traversent la membrane cellulaire et restent dans le sang, d’où leur toxicité persistante. Les grosses, appelées polymères, ne traversant pas cette membrane, ne sont ni toxiques ni bioaccumulables ; au contraire, biocompatibles, elles entrent dans la composition des prothèses cardiovasculaires, des stents, des veines artificielles.
Je me permets d’apporter au débat cette distinction d’autant plus importante que l’opinion publique tend à mettre tous les Pfas dans le même sac. La question des rejets pourrait donc mériter une réponse différenciée, en d’autres termes un barème de taxation.
Mme la ministre souhaite 100 euros pour 100 grammes : pourquoi pas ? Peut-être avez-vous mesuré l’intégralité des émissions et estimé que ce tarif permettrait de faire correspondre la recette aux besoins en matière de financement de la dépollution. Seulement, est-ce bien à ce calcul que vous vous êtes livrés, et serait-il possible de le moduler en fonction de la distinction que je viens de rappeler ?
(Les amendements nos 24 et 17, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin, pour un rappel au règlement.
M. Pierre Meurin
Il se fonde sur l’article 100 de notre règlement. Le collègue qui vient de s’exprimer…
M. Fabien Di Filippo
C’est-à-dire non pas moi, mais l’orateur précédent.
M. Pierre Meurin
…s’est livré à un numéro d’autosatisfaction qui n’avait absolument rien à voir avec les amendements en cause. J’aimerais que nous puissions revenir au fond du débat, d’autant que les Français ne semblent guère partager son opinion. Peut-être ne comprennent-ils rien à votre grande science, mais… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Merci, monsieur Meurin.
Article 2 (suite)
(L’article 2 est adopté.)
Article 2 bis
M. le président
Sur l’amendement no 36, je suis saisi par le groupe UDR d’une demande de scrutin public.
Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Des centaines de milliers de nos concitoyens sont inquiets au sujet de l’eau qu’ils boivent. À Paris, un litre contient 40 ou 50 nanogrammes de Pfas ; dans certaines régions, ce taux dépasse 100 nanogrammes. Il faut donc absolument que la transparence s’impose.
Puisque nous touchons à la fin de l’examen de ce texte, je profite de cette intervention pour remercier un peu tout le monde, depuis les anciens ministres Christophe Béchu et Roland Lescure jusqu’à notre rapporteur. Dans ma circonscription, la pollution par les Pfas a été révélée il y a trois ans ; d’emblée, le gouvernement s’est saisi du problème. Il y a eu un rapport gouvernemental, un plan, les industriels ont été sensibilisés, ce fut un vrai travail collectif, rapide, efficace. Et aujourd’hui, sur les bancs de notre assemblée, nous sommes unanimes – au Rassemblement national près, dont on peut regretter qu’il n’ait pas compris les enjeux du texte en matière de santé publique.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Nous soutiendrons l’article 2 bis qui renforce la transparence au sujet de la pollution des eaux en prévoyant la diffusion d’informations à l’ensemble de nos concitoyens.
De même que notre collègue, je souhaite indiquer, à ce stade de l’examen du texte, que notre groupe le soutiendra et, à titre personnel, saluer le fait qu’un certain nombre d’acteurs de la cause écologiste aient permis à la représentation nationale de prendre conscience du danger représenté par les Pfas. J’avoue que, pour ma part, je l’ignorais entièrement. Plusieurs personnes sont venues m’en parler. Il y a là une manière intelligente, transpartisane à défaut d’être consensuelle, de faire progresser concrètement l’écologie.
Nous voterons pour ce texte avec d’autant plus de plaisir que le débat de ce matin a révélé l’escroquerie intellectuelle de l’extrême droite. Un collègue nous a rappelé les règles du marché intérieur alors qu’il est issu de la formation la plus anti-européenne de cet hémicycle. D’autres nous ont expliqué vouloir soutenir les entreprises alors qu’il y a quelques mois, lors de l’examen en commission puis en première lecture du projet de loi de finances présenté par le gouvernement Barnier, ils votaient pour toutes les hausses de taxes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.) Enfin, ils n’ont plus à la bouche que le mot de science, alors que la science a démontré l’urgence d’agir en faveur de l’environnement et la réalité d’un réchauffement climatique que l’extrême droite s’obstine à nier (Mêmes mouvements), fascinée par un Donald Trump qui sort de l’accord de Paris et attaque violemment les militants écologistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Plutôt que de tomber dans l’anathème, je m’efforcerai de recentrer le débat et même d’y introduire un peu de philosophie : le doute cartésien nous aidera à aller le plus loin possible. Voici le texte de l’article 2 bis : « Les agences régionales de santé rendent publics le programme des analyses des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine, notamment les eaux conditionnées en bouteille, ainsi que les résultats de ce programme sous la forme d’un bilan annuel régional. À partir de ces résultats, le ministre chargé de la santé publie chaque année un bilan national de la qualité de l’eau au robinet du consommateur en France au regard des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées. »
Savez-vous que, selon une étude publiée en 2020 par l’Autorité européenne de sécurité des aliments, la principale source d’exposition, en tout cas alimentaire, aux Pfas ne serait pas l’eau du robinet, mais…
M. Cyrille Isaac-Sibille
Les produits de la mer !
M. Fabien Di Filippo
Exactement, monsieur Isaac-Sibille !
M. Erwan Balanant
Il y en a qui ont bossé !
M. Fabien Di Filippo
Si nous étudions l’eau du robinet et négligeons l’eau de mer, les objectifs ne seront pas atteints : quoique utile, l’article passe un peu à côté du problème. Que prévoyez-vous, madame la ministre, pour mesurer les Pfas dans le milieu marin ?
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous, collègues, sommes très fiers d’être les seuls qui persistent à dire la vérité ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS. – Mme Ségolène Amiot fait signe à l’orateur de se taire.) Étant député, non psychiatre, je ne perdrai pas de temps à essayer de traiter votre mythomanie pathologique ; du reste, je ne suis pas non plus curé défroqué pour en être réduit à une morale gauchisante.
M. Jérôme Guedj
Abstenez-vous de parler, c’est ce que vous faites le mieux !
M. Jean-Philippe Tanguy
Tout à l’heure encore, vous serez heureux de retrouver à la buvette vos pseudo-adversaires : « Tu as vu, cher collègue de gauche, nous étions d’accord avec toi pour fermer les usines, taper sur les ouvriers, dénoncer le Rassemblement national, qui est tellement méchant ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Vous êtes, vous, tellement gentils avec la Chine, avec Trump, avec tous nos adversaires, que vous encouragez à produire ce que nous ne pourrons plus produire en France ! (Mêmes mouvements.)
C’est pourquoi je le redis : au Rassemblement national, nous sommes fiers de ce que nous sommes. La vérité transparaît dans les urnes ! (Exclamations vives et continues sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC et EcoS.) Nous sommes les élus des ouvriers, dont 60 % ont voté pour nous, des entrepreneurs, des agriculteurs, de ceux qui font la richesse de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Les Français demandent désespérément qu’on les laisse travailler, produire, empêcher le pays de sombrer !
M. le président
Merci de conclure, cher collègue.
M. Jean-Philippe Tanguy
Une fois encore, la coalition de ceux qui ont ruiné la France signifie à ses habitants qu’elle ne veut pas qu’ils soient des travailleurs, mais des assistés. Jusqu’au bout, le Rassemblement national sera du côté de la vérité, du côté du travail ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Éric Michoux, pour soutenir l’amendement no 36, tendant à supprimer l’article 2 bis.
M. Éric Michoux
Il faut reconnaître que ce sera dur de passer après notre collègue ! (Sourires.) L’article vise en quelque sorte à cartographier les nuisances causées par les Pfas. Nous préférerions commencer par établir une échelle de leur nocivité, afin de remédier aux peurs que nous suscitons nous-mêmes chez nos administrés en leur laissant entendre qu’ils vont mourir s’ils touchent à la moindre molécule de ce genre, alors même que, comme cela a été dit, certaines ne sont nullement toxiques, au point de se retrouver dans des valves cardiaques, des stents et autres prothèses. En outre, puisque tout le monde sauf nous est d’accord pour instaurer une taxe, ajustons du moins celle-ci en fonction de la dangerosité des produits !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 36, qui a reçu un avis défavorable de la commission et du gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe RN. – M. Pierre Meurin brandit le règlement de l’Assemblée nationale.)
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 281
Nombre de suffrages exprimés 278
Majorité absolue 140
Pour l’adoption 64
Contre 214
(L’amendement no 36 n’est pas adopté.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Pierre Meurin, pour un rappel au règlement.
Sur quel fondement ?
M. Pierre Meurin
Celui de l’article 100, selon lequel nous avons le droit de reprendre la parole après la défense d’un amendement !
M. le président
Personne n’a demandé la parole. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Ce n’est pas vrai !
M. le président
C’est pourquoi j’ai annoncé le scrutin. (Vives exclamations sur les bancs du groupe RN. – M. Emeric Salmon brandit à son tour le règlement de l’Assemblée nationale.)
Article 2 bis (suite)
(L’article 2 bis est adopté.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Emeric Salmon, pour un rappel au règlement.
M. Emeric Salmon
Il se fonde également sur l’article 100.
Monsieur le président, nous avons été obligés de hurler pour vous faire comprendre que M. Meurin voulait s’exprimer (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR) : il souhaitait des explications quant aux avis donnés sur l’amendement no 36.
Nous demandons une suspension de séance de cinq minutes.
M. le président
Pour ce qui est de hurler, vous venez d’en faire la démonstration ! Une fois que j’ai annoncé le vote, il n’est plus possible d’intervenir. Vous avez eu suffisamment de temps durant le débat pour vous exprimer. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.)
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
Explications de vote
M. le président
La parole est à M. Jimmy Pahun.
M. Jimmy Pahun (Dem)
Rappelons que la lutte contre les polluants éternels – expression qui n’a d’ailleurs pas beaucoup été utilisée ce matin – était au cœur du premier texte examiné lors de la première niche parlementaire de la XVIe législature, le 6 octobre 2022. Je remercie tous ceux qui ont continué à porter ce combat, que ce soit Cyrille Isaac-Sibille, à qui le gouvernement a confié une mission sur les Pfas et qui a produit un rapport important sur le sujet, ou David Taupiac, à l’origine d’une proposition de loi visant à limiter la contamination par les Pfas.
Je salue bien sûr votre travail, monsieur le rapporteur. J’entendais ce matin à la radio que, depuis trois ans que vous travaillez sur cette question, vous êtes presque devenu monomaniaque (Sourires), et je vous en félicite. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur de nombreux bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, Dem et GDR.)
Mme Sophie Taillé-Polian
Bravo à lui !
M. Jimmy Pahun
La proposition de loi que je viens d’évoquer, visant à lutter contre les plastiques dangereux pour l’environnement et la santé, comportait notamment un article sur la traçabilité des emballages en carton plastique. Ne pourrait-on pas le reprendre, tout comme celui sur la surveillance des déchets plastiques qui se retrouvent dans les parcs naturels et les parcs régionaux ?
Nous avons peut-être là, madame la ministre, des éléments à apporter en vue de la prochaine Conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc), qui se tiendra en juin prochain. Car nous savons pertinemment que les polluants éternels finissent dans l’océan. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)
M. le président
La parole est à M. Emeric Salmon.
M. Emeric Salmon (RN)
Au cours de cette intéressante matinée de débat,…
M. Erwan Balanant
Pas tant que cela !
M. Emeric Salmon
…nous avons abordé des questions importantes. Néanmoins, nous restons sur notre faim. En ce qui concerne les contrôles aux frontières, vous ne nous avez pas du tout rassurés, madame la ministre ! Comme l’expliquait M. Lescure lorsqu’il était ministre chargé de l’industrie, même si le contrôle est inscrit dans la loi, il est impossible à réaliser sur des containers en provenance d’Asie qui arrivent au Havre, à Marseille, voire à Rotterdam. Nous ne sommes déjà pas capables de trouver des tonnes de cocaïne dissimulées dans des containers, comment pourrions-nous déceler des nanogrammes de Pfas ? C’est impossible !
Vous estimez que nous ne défendons pas la santé des Français.
Mme Sophie Taillé-Polian
Eh oui !
M. Emeric Salmon
Bien au contraire ! Nous sommes les seuls…
Mme Karine Lebon
Les seuls ?
Mme Ségolène Amiot
Ah ah ah !
M. Emeric Salmon
…à nous préoccuper de leur santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Car si nous autorisons l’importation de produits étrangers contenant des Pfas ou de mauvaise qualité, nous mettrons en danger la santé des Français. Nous nous préoccupons de cette question et nous sommes bien les seuls ici, malheureusement ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
C’est précisément en raison de l’impossibilité d’effectuer des contrôles que nous luttons en faveur d’une réindustrialisation de notre pays – et nous sommes, là encore, bien seuls. Nous avons inscrit ce sujet au cœur de notre programme et avons obtenu, grâce à notre collègue Alexandre Loubet, la création d’une commission d’enquête visant à établir les freins à la réindustrialisation de la France.
M. Sébastien Peytavie
C’est vous le principal frein !
M. Emeric Salmon
Il s’agit d’un sujet primordial. Arrêtons de mettre des bâtons dans les roues des industriels par ce type de réglementation ! Prétendre promouvoir ainsi la réindustrialisation de la France n’est pas acceptable.
Ensuite, cette proposition de loi ne présente aucun caractère scientifique. Comme l’a rappelé mon collègue Pierre Meurin, toutes les données qui y figurent en matière d’indices ou de montants relèvent du pifomètre. Par un amendement de notre collègue Frédéric-Pierre Vos, nous avons voulu renforcer le caractère scientifique du texte pour tenir compte de la valeur toxicologique des Pfas. Malheureusement, cet amendement a été jugé irrecevable.
Enfin, permettez-moi d’aborder un dernier point important, que vous ne cachez même pas, monsieur le rapporteur, puisque vous avez déclaré dans la presse et sur différents médias que ce texte constituait une première étape – je vous reconnais au moins cette honnêteté. Vous voulez fixer un premier cran, pour ne plus revenir en arrière. Je regrette la naïveté du bloc central, qui ne comprend pas que nous ne pourrons plus revenir en arrière une fois cette première étape franchie. (M. Mathieu Lefèvre s’exclame.) Le palier suivant consistera à interdire tous les Pfas de façon globale, quelle que soit leur dangerosité. Or c’est précisément ce que nous déplorons. Certes, certaines substances sont dangereuses et il importe d’en connaître la valeur toxicologique. Néanmoins, il existe aussi des Pfas inoffensifs et utiles. Par conséquent, ce premier cran que vous souhaitez instaurer – et je vous rends grâce de le reconnaître bien volontiers – est, à nos yeux, dangereux et inacceptable.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, notre groupe votera contre cette proposition de loi, afin notamment de protéger la santé des Français, ne vous en déplaise, madame la ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme Dieynaba Diop
Eh ben c’est bien !
M. le président
La parole est à Mme Julie Delpech.
Mme Julie Delpech (EPR)
Nous arrivons au terme de l’examen de ce texte, qui n’a pas été modifié mais qui a fait l’objet d’un large débat, permettant d’obtenir des informations importantes de la part du gouvernement. Je tiens à remercier Mme la ministre pour son engagement sur la question des Pfas. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Les équilibres trouvés sont engageants pour les industriels qui utilisent encore ces substances. Ils contraindront ces derniers à se doter d’outils de contrôle de leur production et de leurs rejets, afin de les endiguer. L’instauration d’un principe de pollueur-payeur, sur le modèle de la responsabilité élargie des producteurs (REP), était nécessaire et nous nous réjouissons du travail entrepris avec le Sénat pour parvenir à ces conclusions. Ce texte permettra ainsi de commencer à réduire les rejets nocifs.
C’est pourquoi nous appelons à le voter et à poursuivre le combat porté par le rapporteur Nicolas Thierry, que nous saluons. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR, ainsi que sur quelques bancs des groupes Dem et HOR.)
M. le président
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR)
Le groupe Horizons & indépendants salue l’accord équilibré trouvé entre l’Assemblée nationale et le Sénat, qui témoigne d’un engagement partagé face à un enjeu majeur de santé publique et environnementale. Nous devons nous réjouir de ce texte qui permet d’intervenir sans délai, lorsque des solutions alternatives existent déjà, afin de mieux protéger la santé de tous. Cessons d’opposer environnement et compétitivité industrielle, préservation de nos ressources et préservation de notre patrimoine. C’est tout le contraire, vous l’avez bien compris, au travers de ce texte !
M. Emeric Salmon
Les Chinois apprécieront !
Mme Anne-Cécile Violland
Il envoie également un signal fort à nos partenaires européens quant à notre volontarisme : non seulement la sortie des Pfas est nécessaire, mais elle est réalisable. Convaincus qu’il apporte une réponse adaptée pour réduire les sources d’exposition et les risques sanitaires liés aux Pfas, nous voterons en sa faveur.
M. Laurent Jacobelli
Ben tiens !
Mme Anne-Cécile Violland
Bien sûr, nous n’adhérerons pas à Europe Écologie-Les Verts. Nous sommes le groupe Horizons et nous sommes de droite, nous l’assumons !
M. Pierre Meurin
Vous êtes leurs alliés !
Mme Anne-Cécile Violland
Enfin, je vous remercie, cher Nicolas, d’avoir tenu bon et accepté cette première étape raisonnée. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
M. le président
La parole est à M. Vincent Descoeur.
M. Vincent Descoeur (DR)
Je serai très bref, car j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer. Parce qu’il s’agit d’une question de santé publique que nous aurions tort de minimiser, parce que nous ne pouvons rester sourds aux préoccupations légitimes de nos concitoyens – que nous avons peut-être oubliées, au cours de nos débats, et qu’ils expriment de manière régulière –, parce qu’il est urgent d’agir et de limiter les rejets de Pfas dans notre environnement, en particulier dans l’eau destinée à la consommation humaine,…
M. Pierre Meurin
Je ne reconnais pas Marine Tondelier !
M. Vincent Descoeur
…et parce que nous avons l’obligation de ne pas rester inactifs et passifs, notre groupe votera à une large majorité en faveur de ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR, ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
Vote sur l’ensemble
M. le président
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 289
Nombre de suffrages exprimés 282
Majorité absolue 142
Pour l’adoption 231
Contre 51
(La proposition de loi est adoptée.)
(Les députés du groupe EcoS se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR, dont plusieurs députés se lèvent également.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas Thierry, rapporteur
Permettez-moi quelques mots pour conclure. Je remercie les députés de tous les bancs qui ont soutenu cette proposition de loi. Son adoption est le fruit de deux ans et demi d’un travail sans relâche, durant lesquels nous avons dû surmonter de nombreux obstacles, affronter des résistances et des arguments fallacieux, construits artificiellement par certains lobbys industriels.
Contre toute attente, cette victoire politique et parlementaire est devenue une réalité. C’est avant tout grâce à la volonté sans faille de la communauté scientifique et de chercheurs tels que Pierre Labadie (Applaudissements continus sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR), d’ONG telles que Générations futures, Notre affaire à tous ou la Ligue contre le cancer, de syndicats tels que la CGT, d’activistes comme Camille Étienne, qui se trouve avec nous aujourd’hui, et d’élus qui ont travaillé dans un objectif commun.
Je n’oublie pas non plus le travail des journalistes d’investigation,…
Mme Sophie Taillé-Polian
Bravo à eux !
M. Nicolas Thierry, rapporteur
…qui ont joué un rôle déterminant dans la prise de conscience collective de l’extrême danger que représentent les polluants éternels. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Permettez-moi également de saluer ma formidable équipe parlementaire : (« Ah ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS) Anne-Sophie Lahaye, Auriane Peinaud et Jérôme Moisset, qui ont, comme moi, consacré deux ans de leur vie à ce travail – qu’ils aient conscience du rôle fondamental qu’ils ont joué.
Enfin, je me tourne vers mon groupe politique, le groupe Écologiste et social, qui a fait le choix, deux années de suite, de placer les polluants éternels en priorité dans sa niche parlementaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.) C’est bien leur soutien sans faille, ainsi que celui du groupe écologiste du Sénat, qui ont permis de rendre possible cette première victoire contre l’un des plus grands scandales sanitaires du XXIe siècle. (Mêmes mouvements.)
En remportant cette victoire, nous venons de briser un silence. Derrière l’explosion de la courbe des maladies chroniques et des cancers, ce sont des vies et des familles qui sont en jeu et qui, en plus de souffrir dans leur chair, subissent le déni collectif autour de la contamination de notre environnement. Pour elles, nous devons continuer le combat. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Discussion de la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches ;
Discussion de la proposition de loi d’expérimentation vers l’instauration d’une sécurité sociale de l’alimentation ;
Discussion de la proposition de loi visant à protéger durablement la qualité de l’eau potable ;
Discussion de la proposition de loi visant à faciliter l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail ;
Discussion de la proposition de loi visant à sauvegarder et pérenniser les emplois industriels en empêchant les licenciements boursiers ;
Discussion de la proposition de loi visant à protéger les travailleuses et travailleurs du nettoyage en garantissant des horaires de jour.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra