Première séance du lundi 04 novembre 2024
- Présidence de Mme Naïma Moutchou
- 1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
- Deuxième partie (suite)
- Article 9 (suite)
- Amendement no 2051
- M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales
- Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins
- Amendements nos 2290, 2203, 2052, 1555, 2197 rectifié, 2053, 2324, 1083, 375, 1544, 2175, 1067, 2295 et 376
- Rappel au règlement
- Article 9 (suite)
- Après l’article 9
- Amendements nos 860, 129, 2012, 1082 rectifié, 1084, 858, 1066, 2307, 124, 1080 et 1736
- Sous-amendement no 2409 rectifié
- Amendements nos 1425 et 2265
- Sous-amendement no 2426
- Amendement no 2185
- M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
- Sous-amendement no 2368
- Amendement no 1735
- Sous-amendement no 2386
- Amendement no 123, 2031 rectifié, 2122 rectifié
- M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
- Amendements nos 822 et 1576
- Sous-amendement nos 2416
- Amendements nos 846, 894, 2004, 740, 1707, 297, 1525, 1681, 2145, 198 et 1737
- Sous-amendements nos 2376, 2381, 2369 et 2373
- Deuxième partie (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Naïma Moutchou
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures.)
1.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (nos 325, 487, 480).
Deuxième partie (suite)
Mme la présidente
Mercredi 30 octobre, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles de la deuxième partie, s’arrêtant à l’amendement no 2051 à l’article 9.
Article 9 (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement no 2051.
M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales
Il est défendu.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins
Je suis favorable à cet amendement rédactionnel.
(L’amendement no 2051 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 2290.
M. Philippe Vigier
Il vise à resserrer les liens entre l’assurance maladie et les laboratoires pharmaceutiques, chacun ayant été sensible aux carences malheureusement constatées dans les officines depuis quelques années. Le chemin sera long pour y remédier, bien que des dispositifs soient aujourd’hui en vigueur, comme la clause de sauvegarde, ou contribution M, due par les entreprises de l’industrie pharmaceutique.
Le montant M est désormais calculé chaque année sur la base des données de facturation de l’assurance maladie plutôt que des ventes déclarées par les laboratoires. Nous avons un peu progressé. Il serait cependant souhaitable, étant donné leur rôle majeur dans la distribution des médicaments que réclament nos compatriotes, que les laboratoires puissent disposer d’un suivi en temps réel afin d’anticiper le montant de leur contribution, et ainsi de mieux gérer leur entreprise et de mieux fonctionner au quotidien.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Nous partageons l’objectif de transparence et de prévisibilité visé par la modification du calcul de la contribution M. Cependant, les données de remboursement de l’assurance maladie sont déjà accessibles publiquement sur le site Ameli tous les semestres, dès qu’elles sont stabilisées. Les entreprises et les organisations syndicales sont évidemment libres de les consulter afin d’anticiper le calcul du montant dû. Le Gers, le Groupement pour l’élaboration et la réalisation de statistiques, fournit lui aussi, chaque mois ou trimestre, des données qui constituent des approximations fiables des montants remboursés. Pour toutes ces raisons, l’amendement est pratiquement satisfait. Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Alors que nous reprenons l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), je forme le vœu que nous puissions le terminer dans les délais impartis et je suis donc très heureux que nous nous en donnions les moyens en commençant dès ce matin, à dix heures ; c’est important.
Le présent amendement est très intéressant. Son objectif de lisibilité et de visibilité devrait tous nous rassembler.
Monsieur le ministre chargé des comptes publics, je vous soumets une idée qui a émergé lors des auditions précédant l’examen du PLFSS en commission : nous pourrions avancer le versement de la contribution M en année n et non en n+1, ce qui générerait près de 500 millions d’euros la première année. Le report à l’année suivante oblige les entreprises redevables à provisionner le montant de leur contribution, ce qui n’est pas toujours évident. L’État serait-il en mesure de procéder à cette simplification d’ici au 31 décembre ? Même si l’opération ne peut être faite qu’une seule fois, elle en vaut la peine.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Je maintiens mon amendement, madame la ministre, parce que celui du Gouvernement qui vient juste après le mien prouve qu’il a bien conscience qu’il faut pousser plus loin la transparence afin d’aider les entreprises.
Le problème de l’accès aux médicaments n’est pas nouveau, il nous a tous mobilisés sur ces bancs, et nous ne sommes qu’au début du cheminement pour le résoudre, mais donnons-nous dès à présent les outils appropriés pour y parvenir. Ma proposition me paraît plus complète et elle n’est pas vraiment contraignante. Les laboratoires sont très demandeurs et seraient ainsi incités à mieux respecter nos exigences, notamment en matière de stocks. Cette question a mobilisé les précédents gouvernements, notre collègue Aurélien Rousseau est présent pour en témoigner ce matin.
M. Aurélien Rousseau
Oui !
(L’amendement no 2290 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 2203 du Gouvernement est rédactionnel.
(L’amendement no 2203, accepté par la commission, est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 2052 de M. le rapporteur général est rédactionnel.
(L’amendement no 2052, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 1555 de Mme Zahia Hamdane est défendu.
(L’amendement no 1555, repoussé par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nathalie Colin-Oesterlé, pour soutenir l’amendement no 2197 rectifié.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Dans le même ordre d’idées, il vise à offrir lisibilité et visibilité aux entreprises en déterminant de manière pluriannuelle le montant Z de la clause de sauvegarde.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Même avis. Le montant Z est adapté chaque année à l’évolution réelle des dépenses de santé. Il s’agit d’un levier de régulation, de maîtrise des volumes et des prescriptions. Le fixer pour une durée de deux ans risquerait de rigidifier les choses et de fragiliser le secteur.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Quand nous aurons une approche pluriannuelle des lois de financement de la sécurité sociale, l’amendement de notre collègue Nathalie Colin-Oesterlé sera en quelque sorte satisfait. Une telle approche offrira une meilleure lisibilité et une meilleure visibilité des besoins, mais aussi des moyens à employer pour les satisfaire.
Face au vieillissement de la population, et à la consommation de médicaments qui va de pair – c’est une réalité –, il faut à la fois maîtriser les dépenses et répondre aux besoins. J’imagine que nous examinerons rapidement les amendements suivants, mais l’amendement no 1555 relatif aux délais de recouvrement de la contribution M, qui vient d’être adopté, m’inquiète considérablement. Sanctionner les entreprises alors qu’elles ne disposent que de quinze jours pour apporter une rectification, soit un délai très contraignant, est tout de même pénalisant.
(L’amendement no 2197 rectifié n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 2053 de M. le rapporteur général est rédactionnel.
(L’amendement no 2053, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Damien Maudet, pour soutenir l’amendement no 2324.
M. Damien Maudet
Nous nous contenterons, pour un grand nombre des amendements du groupe LFI-NFP, d’annoncer qu’ils sont défendus – c’est un signe de notre bonne volonté.
Alors que le Gouvernement cherchait 15 milliards d’euros de recettes supplémentaires et bien que l’article 6, qui en rapportait 5, ait été supprimé, nous avons réussi à trouver 20 milliards en instaurant une contribution sur les dividendes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Maintenant que nous avons récupéré de l’argent, nous aimerions discuter des modalités de sa répartition, donc passer rapidement à l’examen de la troisième partie du texte, consacrée aux dépenses. (Mêmes mouvements.)
M. Hadrien Clouet
C’est ce qui s’appelle être constructif !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
Mme Élise Leboucher
M. Bazin n’est pas d’accord !
M. Hadrien Clouet
La voilà, l’obstruction !
M. Thibault Bazin
Examiner vos amendements, ce n’est pas faire de l’obstruction.
Prenons garde aux mots que l’on utilise dans les exposés sommaires : l’amendement no 1555, qui vient d’être adopté désignait « les laboratoires délinquants » ; dans celui-ci, il est écrit que « les laboratoires pharmaceutiques versent des milliards d’euros de dividendes chaque année ». Tous les laboratoires ?
M. Hendrik Davi
« Des » laboratoires !
M. Thibault Bazin
Ce n’est pas vrai, vous ne pouvez pas écrire ça.
M. Jean-François Coulomme
C’est vous qui le dites.
M. Thibault Bazin
Vous affirmez ensuite que « ces mêmes laboratoires n’investissent pas dans la recherche et développement ». Voulez-vous dire qu’aucun laboratoire n’investit dans la recherche et le développement, c’est votre message, sérieusement ?
M. Sébastien Peytavie
Il est écrit « des » laboratoires.
M. Thibault Bazin
Je ne fais que citer l’exposé sommaire, lisez-le. Vous affirmez également avoir instauré 17 milliards de taxes supplémentaires. C’est vrai, mais pas uniquement sur les dividendes : vous avez divisé par quatre l’abattement forfaitaire pour frais professionnels, vous avez taxé les plans d’épargne dont bénéficient parfois des travailleurs aux revenus modestes, voilà ce que vous avez fait ! (« Mais non ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Voilà pourquoi nous nous opposerons à ces créations de taxes inutiles.
(L’amendement no 2324 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 1083.
M. Hadrien Clouet
Il est défendu. Pour que M. Bazin saisisse bien, je reviens sur l’exposé sommaire qu’il évoquait : quand une grande entreprise, qui a de nombreux actionnaires, manque à ses obligations envers la collectivité, en l’occurrence à ses obligations de déclaration, il s’agit d’une entreprise délinquante. Il y en a ! Nous voulons les réguler, vous voulez les laisser faire : chacun son truc ! Ce n’est pas ça, le gaullisme !
(L’amendement no 1083, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 375.
M. Thibault Bazin
Avant que l’assemblée se prononce sur un amendement, il est préférable de le lui présenter, ne serait-ce que quelques secondes. Un nouveau mode de calcul de la clause de sauvegarde doit entrer en vigueur au 1er janvier 2026 pour un paiement du montant dû au titre de l’année 2025. Or, lorsque l’on se penche sur le service médical rendu, on constate que l’accès aux médicaments essentiels pose problème.
L’amendement vise à reporter d’un an l’entrée en vigueur du nouveau calcul de la clause de sauvegarde afin d’en évaluer les conséquences, d’éliminer les obstacles identifiés et de permettre aux laboratoires concernés d’obtenir des outils de prévision et de suivi des montants à provisionner – dans l’esprit du plan pluriannuel réclamé au Gouvernement par les acteurs du médicament.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
La réforme de la clause de sauvegarde correspond à une proposition de la mission confiée en 2023 à plusieurs personnalités qualifiées par la Première ministre Élisabeth Borne, dont les travaux de concertation et de réflexion ont duré plusieurs mois – sans parler de ceux menés par l’assurance maladie et l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih).
L’entrée en vigueur de cette mesure, qui n’interviendra qu’en 2026 pour la contribution au titre de l’année 2025, et qui simplifiera pour l’industrie pharmaceutique le calcul de sa contribution, a bien été prise en compte par l’ensemble des acteurs. Avis défavorable.
(L’amendement no 375 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 1544, 2175 et 1067, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements identiques nos 1544 de Mme Zahia Hamdane et 2175 de M. Yannick Monnet sont défendus.
La parole est à Mme Zahia Hamdane, pour soutenir l’amendement no 1067.
Mme Zahia Hamdane
Et pour préciser nos arguments en réponse à M. Bazin ! L’amendement tend à instaurer une contribution des laboratoires pharmaceutiques au financement des dépenses de médicaments. Avec la crise sanitaire, l’industrie pharmaceutique n’a jamais été aussi prospère, accumulant des dividendes en hausse pour la vingt-neuvième année consécutive. Pourtant, cet argent ne profite ni à la recherche – l’échec de Sanofi à produire un vaccin contre le covid en est la preuve flagrante –, ni aux salariés – l’entreprise continue de supprimer des postes.
Ce modèle de maximisation du profit au détriment de la santé publique doit être rééquilibré : nous proposons d’abaisser le montant M afin de réellement contenir la croissance des dépenses de médicaments qui pèse sur l’assurance maladie.
Il conviendrait aussi d’aller plus loin en supprimant le plafonnement de cette contribution, afin que les laboratoires participent pleinement au financement du système de santé.
Quoi qu’il en soit, l’amendement constitue un premier pas pour freiner l’appétit des actionnaires et limiter le poids des laboratoires sur les finances publiques, en attendant la création d’un pôle public du médicament. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Avis défavorable sur les trois amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Même avis.
(Les amendements identiques nos 1544 et 2175 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 1067 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 2295.
M. Philippe Vigier
Nous avons rappelé les conséquences de la clause de sauvegarde sur l’industrie pharmaceutique. Le précédent gouvernement s’était engagé à ce qu’elle ne soit pas augmentée – et elle ne l’a pas été pour les années 2023 et 2024.
Lors de votre audition en commission, madame la ministre, vous avez pris l’engagement qu’elle n’augmentera pas non plus en 2025. Cependant, le dossier de presse du PLFSS pour 2025 indique que la prévisibilité du montant de la clause de sauvegarde « suit la dynamique des deux précédentes années ». Or le terme « dynamique » suggère plutôt une augmentation – j’aurais préféré celui de « stabilité ». D’autant que, hormis cette audition et ce dossier, rien ne figure dans le PLFSS à ce sujet – ce serait pourtant la moindre des choses que les parlementaires notamment disposent des informations nécessaires.
Par ailleurs, l’enveloppe de baisses de prix des médicaments serait augmentée de 150 millions d’euros en 2025, en plus des 850 millions déjà infligés à ce titre. Si nous continuons ainsi, nous allons fragiliser davantage l’industrie pharmaceutique française, qui se trouve dans l’impasse depuis plusieurs années. Il convient d’élaborer un dispositif plus pertinent que cette technique du coup de rabot permanent. C’est pourquoi nous sommes attachés à ce que la contribution au titre de la clause de sauvegarde n’augmente pas.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
L’amendement est satisfait : nous nous sommes engagés à ce que la contribution au titre de la clause de sauvegarde soit plafonnée à 1,6 milliard d’euros en 2025, et un travail en cours avec l’industrie pharmaceutique porte précisément sur ce plafonnement. Vous souhaitez relancer le débat, justifié, de la participation de l’industrie pharmaceutique aux dépenses de l’assurance maladie ; sachez que le PLFSS exige également des économies de la part des industriels, pour un montant de 1,2 milliard d’euros, en plus de la clause de sauvegarde. Nous n’irons pas plus loin que le plafonnement à 1,6 milliard. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
J’entends vos arguments, madame la ministre, mais pourquoi ce plafonnement ne figure-t-il pas dans le PLFSS ? Il s’agit pourtant d’un élément important pour l’industrie du médicament de notre pays, qui se trouve fragilisée depuis de longues années. Confirmez-nous que vous inscrirez bien cette disposition dans le PLFSS – verba volant, scripta manent, les paroles s’envolent, les écrits restent !
M. Jérôme Guedj
Doucement, avec le latin !
M. Laurent Jacobelli
C’est un fin lettré !
M. Thibault Bazin
On n’est pas habitué !
Mme la présidente
La parole est à Mme Joëlle Mélin.
Mme Joëlle Mélin
Nous notons avec plaisir que la clause de sauvegarde ne sera pas augmentée, au moins pour l’année qui vient. Cependant, cela ne résout pas le problème. Les collègues de gauche pourraient peut-être nuancer leurs propos : certes, les grands laboratoires pharmaceutiques internationaux réalisent des profits importants sur des molécules innovantes, et je déplore que ces dernières ne soient pas mises au point en France – cela fait bien vingt ans que nous n’avons pas développé de molécule intéressante…
M. Jean-François Coulomme
C’est une molécule innovante, le Mediator !
Mme Joëlle Mélin
Il est vrai que les tarifs des molécules innovantes sont élevés ; cependant, le problème tient surtout à la baisse des prix des médicaments génériqués et génériquables, qui peuvent sauver une vie pour 4 à 6 euros. En effet, les distributeurs européens préfèrent vendre leur spécialité dans des pays où la marge est plus importante – ce qui explique que l’on ait de l’amoxicilline à Vintimille et pas à Menton. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Il conviendra de réfléchir aux prix des médicaments : nous ne pouvons pas continuer de baisser les prix des produits courants, alors qu’ils sont parfois d’intérêt majeur. Il faut cesser de manier le rabot systématiquement puis, éventuellement, faire en sorte que les prix des médicaments innovants soient moins élevés.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Je précise à Philippe Vigier que le plafonnement du rendement de la clause de sauvegarde à 1,6 milliard d’euros en 2025, dont il réclame l’inscription dans le PLFSS, y figure déjà : à l’annexe 5, page 36.
M. Aurélien Rousseau
Tu n’as pas lu l’annexe, Philippe !
M. Jérôme Guedj
Les annexes sont importantes !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2295.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 96
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l’adoption 50
Contre 45
(L’amendement no 2295 est adopté.)
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
C’est déjà dans le texte !
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 376.
M. Thibault Bazin
Madame la ministre, monsieur le ministre, nous partageons l’objectif de maîtrise des dépenses publiques. Cependant, il arrive que les acteurs concernés n’aient pas la main : c’est le cas pour les médicaments contre la covid, qui sont commandés au niveau européen avec un prix fixé à cet échelon. Afin de sécuriser juridiquement le recouvrement de la clause de sauvegarde, l’amendement tend à exclure, pour le calcul du montant de cette dernière, les médicaments indiqués dans le traitement de la covid et acquis par la France dans le cadre des accords de préréservation européens.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
La clause de sauvegarde est un dispositif de régulation macroéconomique qui vise à contenir, en dernier ressort, la progression des dépenses de l’assurance maladie à un niveau « soutenable », quel que soit le type de médicament. L’épidémie de la covid étant terminée – ce virus suit désormais un schéma de contamination classique, comme celui de la grippe et d’autres maladies virales, et ne constitue plus une pandémie –, nous incluons désormais dans le calcul de la clause de sauvegarde les médicaments qui lui sont liés.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Je vous demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 376 est retiré.)
Mme la présidente
Il n’y a plus d’amendement à l’article 9. (« Nous nous abstiendrons sur l’article ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
(L’article 9, amendé, est adopté.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour un rappel au règlement.
M. Jérôme Guedj
Sur le fondement de son article 100, relatif à l’organisation des débats, et dans le prolongement de ce qu’a dit notre collègue Clouet tout à l’heure. Il reste environ 200 amendements à examiner avant la fin de la deuxième partie, relative aux recettes.
Nous nous apprêtons à étudier, après l’article 9, environ 130 amendements liés à la fiscalité comportementale – portant sur la malbouffe, l’alcool, le tabac, les jeux d’argent, etc. Nous l’avons dit mercredi : nous souhaitons mener l’examen en première lecture du PLFSS à son terme ; il est inenvisageable que nous n’examinions pas la troisième partie détaillant les dépenses.
Nous voulons examiner l’article 23 relatif au gel des pensions de retraite ; l’article 27 où il est question de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), notamment des déremboursements envisagés par le Gouvernement avec l’augmentation du ticket modérateur ; l’article 31 qui nous permettra d’évoquer la situation catastrophique des Ehpad.
Pour examiner cette troisième partie, il nous reste environ dix heures jusqu’à minuit – voire jusqu’à demain, minuit, date d’expiration du délai constitutionnel. Nous sommes résolus à aller jusqu’au bout – raison pour laquelle le groupe Socialistes et apparentés a retiré plus de la moitié des amendements déposés jusqu’à la fin de la deuxième partie. Nous devons aborder les sujets de fond liés à la fiscalité comportementale et voter la deuxième partie relative aux recettes, afin que nous puissions examiner la troisième partie relative aux dépenses ; il serait inenvisageable que les 662 milliards d’euros de dépenses du PLFSS ne soient pas examinés dans l’hémicycle !
M. Thibault Bazin
C’était la minute publicitaire !
Mme la présidente
Je vous remercie. J’aurai l’occasion d’indiquer tout à l’heure la vitesse à laquelle nous débattons.
Après l’article 9
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 860, 129 et 2012, qui portent article additionnel après l’article 9 et peuvent être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 860 de Mme Annie Vidal est défendu.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 129.
M. Jérôme Guedj
Il concerne les bières aromatisées.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Rousset, pour soutenir l’amendement no 2012.
M. Jean-François Rousset
Il vise à créer une taxe sur les bières aromatisées alcoolisées, dont les études médicales montrent qu’elles affectent particulièrement les 18-25 ans, qui souffrent par ailleurs de troubles psychologiques – anxiété, dépression – et constituent donc une population à risque.
Une telle mesure serait utile à la prévention, et permettrait de flécher cet argent vers les établissements sociaux et médico-sociaux.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Avis défavorable également. La question des bières aromatisées sucrées est complexe. Je suis, comme vous, attachée à la prévention des risques liés à la consommation d’alcool et de sucre. La France a reconduit, pour la période 2023-2027, le plan national de mobilisation contre les addictions, avec un nombre important de mesures.
Mme Ségolène Amiot
Sans moyens !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Parmi ces mesures, la taxe sur les boissons dites prémix – des boissons alcoolisées très sucrées et aromatisées, destinées à produire une alcoolisation rapide – a fait l’objet d’une refonte. Les vins aromatisés ont été intégrés à cette taxe dans la LFSS – loi de financement de la sécurité sociale – pour 2020, et les bières aromatisées peuvent maintenant également y être soumises. Cela va dans le sens de vos amendements.
La directive du Conseil européen du 19 octobre 1992, ne prévoit par ailleurs, pour les bières, que deux taxations possibles : un taux réduit, pour les bières à moins de 3,5 % d’alcool, et un taux normal, pour celles qui sont au-dessus. Il ne serait ainsi pas possible de créer une nouvelle tranche de fiscalité sans une modification de cette directive. Je vous demande donc de retirer vos amendements, auxquels je donnerai sinon un avis défavorable.
(Les amendements nos 860, 129 et 2012, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir les amendements nos 1082 rectifié et 1084, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Cyrille Isaac-Sibille
La santé est liée à ce que l’on respire, à ce que l’on boit et à ce que l’on mange.
Les difficultés rencontrées par l’assurance maladie sont liées aux maladies chroniques dont la prévalence dans la population augmente chaque année de 4 %. Leur croissance est bien supérieure à celle de l’Ondam. C’est pour cela que notre système est en danger.
Il est donc essentiel de jouer sur la prévention, notamment en matière d’alimentation – et nous disposons de trois moyens pour le faire : l’éducation, d’abord, et dès le plus jeune âge, l’information, ensuite, et enfin la contrainte. Ces amendements visent à améliorer l’information des consommateurs.
Le premier d’entre eux tend ainsi à rendre obligatoire, pour les industriels, l’affichage du nutri-score sur leurs produits : c’est une mesure d’information essentielle pour nos concitoyens. Sans savoir ce que l’on mange, on ne peut pas bien se nourrir.
Le deuxième vise à rendre obligatoire l’affichage du nutri-score dans les publicités, qu’il soit favorable ou défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
La commission a donné un avis favorable à ces deux amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Le nutri-score est bien entendu important ; mais les règles européennes actuelles ne permettent pas de le rendre obligatoire au niveau national.
Il y a donc du travail à faire au niveau européen. L’algorithme du nutri-score est de plus lui-même en cours de réélaboration. Si ce nouvel algorithme soulève des difficultés pour certains industriels français, je souhaite néanmoins que nous puissions l’adopter par arrêté.
En raison de l’état actuel de la réglementation européenne, je vous demande donc de retirer votre amendement, sans cela, je donnerai un avis défavorable. Quoi qu’il en soit nous continuerons à travailler sur ce sujet.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
Nous sommes nombreux, sur ces bancs, à penser que le nutri-score, introduit par le programme national nutrition santé, présidé par Serge Hercberg, et alors que Marisol Touraine était ministre des solidarités et de la santé, doit être défendu – à l’échelle française, mais aussi à l’échelle européenne, où la question se joue en partie.
Madame la ministre, le comité scientifique du nutri-score vous a proposé la rédaction d’un arrêté définissant un nouvel algorithme. Vous disposez de ses conclusions depuis le début de l’année. On pensait, jusqu’à présent, que la dissolution avait empêché que cet arrêté soit pris mais vous parlez de rouvrir le débat. Comptez-vous recommencer le travail sur ce nouvel algorithme, fruit d’un consensus scientifique, ou bien allez-vous prendre cet arrêté qui se trouve, paraît-il, sur votre bureau ?
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Le nutri-score a un intérêt ; mais il a également des limites, et j’ai quelques réserves à son endroit. C’est le cas notamment pour les produits du terroir, des produits de grande qualité, qui respectent un cahier des charges. Si on y appliquait le nutri-score, ils seraient classés D ou E, comme l’avait indiqué M. Rousset en commission.
M. Jérôme Guedj et Mme Ayda Hadizadeh
Ce n’est pas grave !
M. Thibault Bazin
Des travaux sont en cours au niveau européen : attendons-en l’issue avant que de rendre le nutri-score obligatoire.
L’important, ce sont les qualités nutritionnelles. Or l’universalité de l’algorithme du nutri-score crée à cet égard, pour certaines catégories de produits, des biais problématiques.
Mme Sabrina Sebaihi
Mais non !
M. Thibault Bazin
Ce qui compte, c’est d’avoir une alimentation équilibrée ; nous avons aussi besoin d’aliments classés D ou E, il ne faut pas mentir à nos concitoyens.
M. Sébastien Peytavie
Et ne rien afficher, n’est-ce pas mentir ?
M. Thibault Bazin
Je m’oppose donc à ces amendements tendant à rendre le nutri-score obligatoire car il pourrait avoir des effets négatifs sur l’objectif d’une alimentation équilibrée.
Mme la présidente
La parole est à Mme Joëlle Mélin.
Mme Joëlle Mélin
Nous sommes d’accord avec la démonstration de notre collègue Isaac-Sibille : la prévention, notamment par l’alimentation, est fondamentale en matière de santé.
Nous avons certes besoin de transparence et d’un étiquetage nous permettant de savoir le plus de choses sur ce que nous mangeons, mais le nutri-score n’est pas le bon indicateur car il présente deux défauts.
Le premier, c’est qu’il n’est que comportemental, au regard du consommateur.
Mme Ayda Hadizadeh
Ce n’est déjà pas mal !
Mme Joëlle Mélin
En commission, un de nos collègues a dit : « Dès que je vois un paquet sans nutri-score, je retire la main. » C’est totalement pavlovien.
Mme Ayda Hadizadeh
N’importe quoi !
Mme Joëlle Mélin
Ensuite, pour les industriels, et à l’inverse, si vous mettez du beurre dans un produit, il sera forcément gras, et sucré si vous mettez du sucre.
M. Sylvain Maillard
C’est le principe !
Mme Joëlle Mélin
Les industriels vont donc préférer transformer leurs produits, ce qui ouvre la voie à une artificialisation incontrôlable.
Il y a des avancées, comme l’indicateur planet-score, développé par l’Itab, l’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologique, qui dépend de l’Inrae – Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement –, et qui prévoit d’intégrer à l’évaluation des facteurs environnementaux et la question de la traçabilité.
Mme Ayda Hadizadeh
Ce n’est pas du tout la même chose !
Mme Joëlle Mélin
Nous nous opposons donc à l’obligation d’afficher le nutri-score, que les textes européens écartent pour l’instant,…
Mme Ayda Hadizadeh
Vous voilà devenus pro-européens !
Mme Joëlle Mélin
…alors que la stratégie farm to fork – « de la ferme à la table » – est déjà allée bien loin.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Rousset.
M. Jean-François Rousset
Si le nutri-score est intéressant pour les produits industriels ultratransformés – ce que j’estime être de la malbouffe –, il rencontre des limites relativement aux produits locaux. Des AOP – appellations d’origine protégée – et des AOC – appellations d’origine contrôlée –, des produits de terroir, dans tous les départements, ont des cahiers des charges très précis. Certaines de ces appellations ont plus de cent ans – on va fêter en 2025 la plus ancienne des AOP. Ces produits bénéficient des circuits courts. Ils ont, depuis des siècles, fait la preuve de leur qualité et montré qu’ils sont nécessaires à une bonne alimentation.
Il ne faut donc pas qu’ils soient soumis à une obligation d’affichage du nutri-score, laquelle risquerait de mettre à mal tout un pan de notre économie locale, ainsi qu’un savoir-faire non industriel méritant d’être défendu.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.
Mme Sabrina Sebaihi
Si le nutri-score n’a pas été rendu obligatoire par l’Union européenne, c’est parce que certains pays s’y sont opposés, dans l’intérêt de grandes marques qui ne voulaient pas voir le voir apparaître sur leurs emballages – celles-là mêmes qui, aujourd’hui, ne l’affichent pas. Ne dites donc pas que c’est pour des raisons de santé ; ça n’a rien à voir !
Selon les études consacrées à ce sujet, le nutri-score est efficace, en tant qu’il informe le consommateur. Faut-il interdire de consommer du D ou du E ? Non, et ce n’en est pas l’objectif. On peut manger du D ou du E, mais on ne doit pas manger que cela. (M. Hervé de Lépinau s’exclame.)
Mme Ayda Hadizadeh
Bien sûr !
Mme Sabrina Sebaihi
C’est pour cela que les consommateurs doivent savoir ce qu’ils consomment, c’est pour cela qu’ils ont besoin du nutri-score. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC. – MM. Cyrille Isaac-Sibille et Gabriel Attal applaudissent également.)
J’entends dire qu’il faudrait ne pas soumettre certains produits à l’obligation d’affichage : mais cela ne me dérange pas de manger un roquefort ou un autre fromage noté D, à partir du moment où je consomme également un produit noté A. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
Il faut accompagner le nutri-score d’une information sur les produits ultratransformés – c’est essentiel pour la santé – et informer les consommateurs sur son utilisation, car on ne sait pas toujours comment il fonctionne.
Je suis favorable à ces amendements, qui empêcheront certains grands groupes de faire comme Danone qui, depuis la rentrée, a retiré le nutri-score de tous ses emballages, après la dégradation de la note de ses produits.
L’objectif du nutri-score est d’obliger les producteurs et l’industrie agroalimentaire à améliorer leurs produits, à en baisser la teneur en sucre. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC. – MM. Cyrille Isaac-Sibille et Gabriel Attal applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Nous voterons en faveur de ces amendements. Nous défendons le nutri-score depuis longtemps – je pense en particulier à l’investissement de notre camarade Loïc Prud’homme (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), qui a exigé que nous allions plus loin, en passant d’une simple information du consommateur à une régulation contraignante pour les industriels. Si l’on estime que ce qui nous est vendu nous empoisonne, il faut se demander comment il est possible que cela nous soit vendu.
Les amendements visent à élargir et renforcer le nutri-score. J’entends parler de contrainte ; mais ils ne contraignent personne. Personne ne vous frappe pour avoir acheté un produit noté D. Cela ne regarde que votre conscience. Il ne s’agit que d’informer.
Mme Ayda Hadizadeh
C’est une question de transparence !
M. Hadrien Clouet
On assiste depuis quelques semaines à une offensive des grands lobbys agroalimentaires visant à empêcher les consommateurs de savoir ce qu’ils mangent – c’est aussi simple que cela. Ces lobbys ont d’ailleurs des relais au sein du Gouvernement – je pense à la manière dont M. Armand et Mme Genevard se sont illustrés par des attaques contre le nutri-score. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Voter ces amendements, c’est donc désavouer le Gouvernement, ce qui fait d’autant plus plaisir que les ministres viennent des rangs macronistes. (M. Sylvain Maillard s’exclame.)
C’est donc le match retour du nutri-score, pour essayer de l’élargir.
M. Philippe Vigier
Abrège, Hadrien !
M. Hadrien Clouet
Cela fait deux ans que des travaux sont en cours sur le sujet, et nous n’avons toujours pas l’arrêté ministériel : cela commence à bien faire. Vous avez eu le temps, cet été, d’augmenter par arrêté le temps de travail de ceux qui travaillent dans les vignes, mais vous ne trouvez toujours pas le temps pour nous permettre de manger sainement. Il va falloir faire des choix politiques un peu sérieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Ces débats sur le nutri-score durent depuis de longues années.
Mme Ayda Hadizadeh
Malheureusement…
M. Philippe Vigier
Malheureusement, oui. J’y vois une forme d’impuissance publique.
Mme Ayda Hadizadeh
Exactement !
M. Alexis Corbière
Surtout d’un manque de volonté politique !
M. Philippe Vigier
Cela nous montre qu’au Parlement, il faut revenir plusieurs fois sur les sujets difficiles pour faire avancer les bonnes causes.
Olivier Véran, le premier, a défendu cette cause en commission et, Cyrille Isaac-Sibille ne me contredira probablement pas, c’est avant tout une question de prévention. Nous répétons souvent que la porte d’entrée du système de santé, c’est la prévention et que le nutri-score est seulement un élément d’information parmi d’autres.
M. Aurélien Rousseau
Eh oui !
M. Philippe Vigier
Il ne faut pas prendre les gens pour des idiots : quand ils achètent un produit, ils regardent le nutri-score et ils ont l’information sur les risques. Ils sont adultes, et ils choisissent en connaissance de cause.
Madame Mélin, je suis surpris que vous invoquiez l’Europe pour rejeter ces propositions.
Mme Ayda Hadizadeh
Pourquoi êtes-vous contre la transparence ?
M. Philippe Vigier
Je pensais que vous plaidiez pour la liberté vis-à-vis de l’Union européenne. Alors, on s’en fiche ! Soyons Français,…
Mme Sabrina Sebaihi
Soyons patriotes même ! (Sourires.)
M. Philippe Vigier
…enfonçons la porte et avançons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Ces débats sont passionnés.
M. Jérôme Guedj
Et passionnants !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Et passionnants, oui. Je les comprends car il s’agit de santé publique.
Mme Ayda Hadizadeh
C’est la santé des Français !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Le nutri-score est-il obligatoire ? Non. Mais on peut saluer l’engagement des 1 400 entreprises françaises qui l’appliquent déjà.
Mme Sabrina Sebaihi
Des TPE et PME !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Le nutri-score est-il en train d’évoluer ? Oui, puisqu’un nouvel algorithme européen de calcul est sur la table. Travaillons-nous à prendre un arrêté en ce sens ? En tant que ministre chargée de la santé publique, je souhaite bien sûr que cet arrêté soit publié, et j’y travaille en concertation avec les ministères de l’agriculture et de l’économie. (MM. Jérôme Guedj, Cyrille Isaac-Sibille et Gabriel Attal applaudissent.)
Mme Ayda Hadizadeh
C’est trop lent !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Le nutri-score doit-il être contraignant ? Je partage votre analyse, madame Sebaihi, un tel dispositif doit s’accompagner de pédagogie.
Mme Ayda Hadizadeh
Rendez-le obligatoire, la pédagogie suivra !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Quand on achète un roquefort, classé D ou E, on sait qu’on mange du gras, et qu’on ne boit pas de l’eau, mais cela ne veut pas forcément dire que c’est mauvais pour la santé.
M. Antoine Léaument
Il faut séparer le bon gras de l’ivraie !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Ce n’est pourtant pas ce que l’on entend habituellement. C’est pourquoi il reste beaucoup de chemin à parcourir.
J’entends vos arguments concernant les produits artisanaux, pâté ou saucisson, dont les producteurs ne veulent pas d’un étiquetage en D ou E. Mais, je le répète, arrêtons de considérer qu’un tel étiquetage serait synonyme de dommages pour la santé. Bien sûr, la consommation régulière – tous les jours, toute l’année – de tels produits est nocive. Mais, ce qui compte, c’est l’équilibre, l’éducation et la prévention.
J’y insiste, adopter un nouvel algorithme ne signifie pas qu’il faut rendre le nutri-score obligatoire (M. Ugo Bernalicis s’exclame) – il ne l’est pas au niveau européen. Nous ne le rendrons pas obligatoire ; nous suivrons les directives européennes.
(L’amendement no 1082 rectifié est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS, ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
(L’amendement no 1084 est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 858 et 1066, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 858 de Mme Annie Vidal est défendu.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 1066.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Avec Axel Kahn, je mène un combat contre les bières hyperalcoolisées, vendues en 50 centimètres cubes.
M. Ugo Bernalicis
Vous voulez dire centilitres ? Les centimètres cubes ne sont pas une unité de mesure pour les liquides !
M. Cyrille Isaac-Sibille
Il s’agit de taxer ces boissons, destinées à alcooliser la jeunesse.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Avis favorable, avec une préférence pour la rédaction de l’amendement de Mme Vidal.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Vos amendements visent les bières titrant à plus de 8o d’alcool. Ils posent une difficulté d’ordre juridique. En effet, la directive européenne du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur l’alcool et les boissons alcooliques, taxe les bières selon deux cas de figure : un taux réduit pour les bières titrant à moins de 3,5o et un taux normal pour les bières au-dessus de 3,5o. Les États membres ne peuvent pas créer de taux supplémentaire sans une modification de la directive.
Si les bières sont mélangées à de l’alcool, elles entrent dans la catégorie des prémix, que nous avons déjà évoquée. En l’espèce, ce n’est pas le cas. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer vos amendements.
Mme la présidente
Avant de poursuivre, je vous informe que je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 2307, par le groupe Horizons & indépendants, et sur les amendements nos 124 et identiques, par le groupe Socialistes et apparentés.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
Ce sont des amendements totalement farfelus. Vous créez une taxe sur la taxe ! Mme la ministre l’a rappelé, les bières sont déjà taxées.
En outre, vous risquez de mettre à mal un tissu économique local, qui crée de l’emploi et investit dans nos territoires. Il existe de petites brasseries artisanales dans toutes nos circonscriptions. Ainsi, chez moi, tout le monde connaît la Jenlain, ou les bières artisanales produites à Maroilles.
M. Ugo Bernalicis
Ce n’est pas une petite brasserie, Jenlain !
M. Michaël Taverne
Dans le Nord, beaucoup de députés de gauche aiment bien boire de la bière !
Les brasseurs sont très inquiets pour leur activité, qui fait aussi partie de notre patrimoine. Arrêtez de taxer ce qui marche, et ce qui fait la fierté de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis
J’ai un problème avec ces amendements. Les jeunes ne boivent pas de bières à 8o.
M. Thibault Bazin
Ils prennent de la drogue, c’est pire !
M. Ugo Bernalicis
Les bières que vous visez, vendues par 50 centilitres, comme la Amsterdam Maximator, sont surtout consommées par un public précaire et, malgré les taxes, leur prix reste très bas car il s’agit de bières industrielles.
M. Philippe Vigier
Bah alors !
M. Ugo Bernalicis
Ce sont des bières industrielles qui ne sont d’ailleurs pas bonnes – c’est le premier argument pour ne pas les boire, et je ne vous les recommande pas.
M. Antoine Léaument
Écoutez le président du groupe d’études sur la filière brassicole !
M. Ugo Bernalicis
Par contre, vos amendements vont contribuer à taxer de nombreuses brasseries artisanales qui fabriquent des bières titrant à 8o ou 8,5o, comme les double dry-hopped (DDH) IPA. Or il s’agit de produits de niche, consommés raisonnablement par des connaisseurs – on ne va pas se pinter la gueule avec une bière comme celle-là ! (M. Jocelyn Dessigny s’exclame.)
Vous allez mettre en difficulté ces brasseurs et votre taxe n’atteindra pas ses objectifs – réduire la consommation de bières fortes des jeunes et des précaires.
Les petits brasseurs fabriquent des produits qui titrent parfois à plus de 8o, non parce qu’ils ajoutent du sucre, mais parce qu’ils ont mis la bonne dose de malt dans leur bière – et c’est important. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
En outre, du fait de leur composition, notamment du malt, ces bières coûtent finalement cher, y compris pour le consommateur.
Ne faisons donc pas semblant : soit votre amendement est mal rédigé, soit il ne fonctionne pas ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Danièle Obono et M. Hadrien Clouet
Échec et malt !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Le PLFSS n’est peut-être pas le meilleur vecteur pour combattre l’alcoolisme, notamment celui, aigu, de certains jeunes. Je rappelle que 60 % du volume d’alcool consommé dans notre pays l’est par 10 % de nos jeunes. Il faut surtout multiplier les campagnes de prévention et contrôler l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs pour lutter contre ce fléau.
(Les amendements nos 858 et 1066, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Gernigon, pour soutenir l’amendement no 2307.
M. François Gernigon
La consommation d’aliments ultratransformés est associée à un risque accru de cancers et d’autres maladies chroniques. Ces produits, riches en additifs, conservateurs, sucre, sel et graisses saturées, augmentent les risques de cancer, de maladies cardiovasculaires et de diabète de type 2. Une étude montre qu’une augmentation de 10 % de la consommation de ces aliments est liée à une hausse significative du risque de cancer.
Cet amendement introduit donc une contribution sur les produits alimentaires ultratransformés dans le but d’alerter sur leur dangerosité pour la santé humaine, en se fondant sur les critères de la classification Nova, reconnue internationalement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Il n’existe pas de définition des produits alimentaires ultratransformés. Il faudrait une instruction pour les identifier et, au préalable, travailler sur leur typologie avec l’industrie agroalimentaire. C’est essentiel, et nous nous y attellerons.
Sans doute s’agit-il d’un amendement d’appel ? Les amendements suivants nous permettront d’y revenir.
En outre, votre amendement ne prévoit ni le taux ni les modalités de recouvrement de la contribution. Enfin, ce dispositif n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact. Avis défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2307.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 124
Nombre de suffrages exprimés 117
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 28
Contre 89
(L’amendement no 2307 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 124, 1080, 1736 et 1425, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 124, 1080 et 1736 sont identiques et font l’objet d’un sous-amendement, no 2409 rectifié, du rapporteur général.
La parole est à M. Thierry Sother, pour soutenir l’amendement no 124.
M. Thierry Sother
En moyenne, à 8 ans, un enfant aura déjà ingéré plus de sucre que ses grands-parents au cours de toute leur vie. Cette consommation excessive n’est pas une affaire de goût, ni de mode ; c’est une affaire de procédés industriels.
C’est pourquoi notre collègue Jérôme Guedj propose de faire passer de seize à deux le nombre de paliers de taxation des boissons sucrées. Pourquoi ? Tout simplement pour inciter très fortement les industriels à revoir les formules de leurs boissons s’ils veulent bénéficier d’une moindre taxation.
La taxe britannique, calquée sur ce modèle, a entraîné une chute de près de 40 % de la production de boissons dépassant 5 grammes de sucre. L’efficacité de la mesure n’est donc plus à prouver. La seule question qui reste posée est donc la suivante : la représentation nationale française prend-elle suffisamment au sérieux ce problème de sucre dans l’alimentation de nos jeunes ? (M. Jérôme Guedj applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 1080.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Cette proposition portant sur le taux de sucre dans les boissons fait suite à des travaux parlementaires menés conjointement avec le député Thierry Frappé sur l’un des thèmes d’un rapport d’information déposé par la commission des affaires sociales dans le cadre du Printemps social de l’évaluation.
Nous y constations l’efficacité du système de taxation britannique, qui ne comporte que trois paliers – c’est mieux que quatorze marches qui n’incitent pas à faire de gros efforts. Grâce au nombre réduit de tranches, les industriels ont rapidement diminué le taux de sucre de leurs boissons.
Le but de cette proposition n’est pas de récolter plus de taxes, mais d’inciter les industriels à ajouter moins de sucre dans les boissons, ajout qui se fait plus ou moins à notre insu. D’ailleurs je n’aime pas l’expression taxe comportementale : il s’agit d’influer sur le comportement non de nos concitoyens, mais des industriels.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement no 1736.
Mme Sabrina Sebaihi
Il est très important : nous sommes toutes et tous au fait du danger que crée le sucre contenu dans notre alimentation quotidienne. Cette taxe déjà instaurée au Royaume-Uni vise non à taxer ou à sanctionner les plus précaires en augmentant le prix de ce qu’ils consomment, mais à diminuer le taux de sucre dans les produits concernés. Je donnerai un exemple : les boissons commercialisées par Schweppes au Royaume-Uni contiennent 17 grammes de sucre par canette, contre 45 aux États-Unis. Cette mesure fonctionne et permet de faire diminuer la consommation de sucre.
Depuis plus d’un an, nous sommes plusieurs parlementaires à travailler sur la question de l’obésité – je salue le collègue Isaac-Sibille et d’autres sur les bancs du groupe La France insoumise. L’alimentation, en particulier la consommation de sucre, a des conséquences sanitaires : l’obésité et les pathologies qui l’accompagnent – diabètes, hypertension – sont des facteurs de comorbidité du covid. La prévention passe donc par un travail sur l’alimentation.
Il est nécessaire de rendre cette taxe sur les boissons sucrées obligatoire, mais aussi d’aller plus loin sur le reste de l’alimentation. C’est le sens des prochains amendements, qui portent sur l’ajout non nécessaire de sucre dans les aliments.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir le sous-amendement no 2409 rectifié, à l’amendement no 124.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Ces propositions font suite à des travaux menés en commission. L’idée est de passer de seize à trois tranches, sur le modèle britannique. Il faut que le taux de taxation de la première tranche soit élevé afin d’inciter le consommateur à ne pas consommer, mais surtout pour pousser l’industriel à diminuer fortement la teneur en sucre de ses produits.
Par ce sous-amendement, je propose de rehausser le tarif de la première tranche du barème envisagé – correspondant à une quantité de sucre ajouté inférieure à 5 kilogrammes de sucre par hectolitre – en le portant de 0 à 3,5 euros par kilogramme de sucre. Ainsi, nous pourrions taxer dès le premier gramme tout en gardant un effet pallier : diminuer rapidement la teneur en sucre des boissons doit être un souci partagé par tous les industriels.
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Maillot, pour soutenir l’amendement no 1425.
M. Frédéric Maillot
Comme j’en ai l’habitude, j’ouvre une parenthèse sur les outre-mer, en l’occurrence sur leur rapport au sucre. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : dans mon pays, La Réunion, le taux de diabète s’élève à 13 %, en Guadeloupe, à 12 % et en Martinique à 11 % – je m’arrête là car il n’est pas question de se lamenter sur des chiffres, mais de prendre en compte les dégâts que cause le sucre chez nous.
Le diabète à La Réunion est lié à notre histoire avec le sucre. Je vous recommande la lecture du livre Les Engagés du sucre pour comprendre comment culturellement le sucre a pu faire des dégâts. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Je rejoins ce qui a été dit : il ne faut pas taxer pour encaisser de l’argent, mais pour envoyer un message à ceux qui sucrent davantage les boissons commercialisées dans les outre-mer. Victorin Lurel, à l’époque où il était député, avait mené un important travail sur le sujet, mais rien n’a changé depuis. Si nous rendons une taxe plus salée, peut-être mettront-ils moins de sucre ? (Sourires. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Ayda Hadizadeh applaudit également.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ? Je suppose que vous êtes favorable à l’amendement no 124 sous-amendé par votre sous-amendement, monsieur le rapporteur général ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
En effet ! Monsieur Maillot, j’entends bien vos préoccupations spécifiques s’agissant de l’outre-mer. La rédaction de votre amendement ne traite cependant pas des problèmes de coordination ce qui le rend inopérant. Je vous demanderai donc de le retirer, à défaut de quoi je donnerai un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Cette discussion est importante. En effet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu les sodas comme facteurs majeurs de l’obésité et des maladies qu’elle induit – diabète de type 2, mais aussi maladies cardiovasculaires par exemple.
Mme Sabrina Sebaihi et Mme Ayda Hadizadeh
Et les problèmes dentaires !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Je remercie Cyrille Isaac-Sibille qui s’intéresse depuis longtemps à ce sujet. Simplifier le barème en ne gardant que trois paliers, c’est bien. Je suis donc favorable aux amendements identiques à condition que le sous-amendement de M. le rapporteur général, qui permet de taxer dès le premier gramme, soit accepté. Sans cette modification, la proposition n’était pas équilibrée car nous perdions l’effet palier.
Sur l’amendement de M. Maillot, je partage l’avis du rapporteur général.
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa
Je soutiens cette série d’amendements extrêmement importants, comme l’a souligné le collègue Maillot, pour les territoires ultramarins. Le taux de diabète est souvent deux fois plus élevé dans les territoires d’outre-mer que dans l’Hexagone. C’est une conséquence de la quantité de sucre consommé : l’industrie agroalimentaire utilise les outre-mer pour vendre ses produits de dégagement, dont la qualité nutritionnelle est moindre que les produits traditionnels car ils sont beaucoup plus riches en gras et en sucre. J’appelle l’attention du Gouvernement et de l’ensemble de mes collègues sur ces questions alimentaires qui deviennent des questions de santé publique. Ces amendements nous encouragent à approfondir nos travaux.
Mme la présidente
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
Je remercie les auteurs de ces amendements. Le sujet, ce ne sont pas les habitudes culturelles, mais l’addiction, une addiction volontairement créée par des lobbys agro-industriels qui ciblent et matraquent notre jeunesse avec des produits addictifs – c’est du deal, ce sont des dealers (Mme Sandrine Rousseau applaudit) qui créent des habitudes de surconsommation ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. Hervé de Lépinau
On reconnaît l’expert !
M. Alexis Corbière
Ces jeunes seront ensuite addict toute leur vie.
Non seulement ces amendements visent juste, mais il faudra aller plus loin. Il est terrifiant que nos enfants soient la cible d’un matraquage publicitaire qui les pousse à adopter des habitudes de consommation. Je répète le chiffre donné par notre collègue, chiffre apparu depuis peu dans le débat public : un enfant d’aujourd’hui consomme autant de sucre pendant ses huit premières années que nos grands-parents pendant toute leur vie. Cela montre l’ampleur du désastre !
J’espère que tout l’hémicycle votera ces amendements qui permettent de poursuivre le débat et de sanctionner ces organisations industrielles qui, volontairement, une fois de plus, cherchent à plonger nos enfants dans une situation de véritable dépendance. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 2409 rectifié.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l’adoption 50
Contre 48
(Le sous-amendement no 2409 rectifié est adopté.)
(Mme Estelle Youssouffa et M. Cyrille Isaac-Sibille applaudissent.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 124, 1080 et 1736, sous-amendés.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 121
Nombre de suffrages exprimés 103
Majorité absolue 52
Pour l’adoption 46
Contre 57
(Les amendements identiques nos 124, 1080 et 1736, sous-amendés, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 1425 n’est pas adopté.)
(Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. Alexis Corbière
Le RN n’aime pas les enfants !
Mme la présidente
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 2185 par le groupe Horizons & indépendants ; sur l’amendement no 1735 par le groupe Écologiste et social.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 2265, 2185, 1735, 123, 2031 rectifié et 2122 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 2265 fait l’objet d’un sous-amendement no 2426, l’amendement no 2185 fait également l’objet d’un sous-amendement no 2368 et l’amendement no 1735 d’un sous-amendement no 2386.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 2265.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Il concerne l’ajout de sucre à l’insu des consommateurs dans les plats industriels ultratransformés. Est-ce normal que les industriels ajoutent 15 grammes de sucre dans une barquette de carottes râpées ?
M. Thibault Bazin
Ça rend aimable !
M. Cyrille Isaac-Sibille
Est-ce normal qu’ils ajoutent 7 grammes de sucre dans un petit pot aux légumes de 100 grammes pour bébé ? (« Non ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Par cet amendement, nous voulons éviter que les industriels nous rendent addict au sucre. Il vise le même but que celui tendant à taxer le sucre dans les sodas : il s’agit d’inciter les industriels – et non les artisans – à diminuer la quantité de sucre ajouté aux plats ultratransformés – il faudra définir ce dont il s’agit – à notre insu. Un débat récent a porté sur les chocolatiers : lorsqu’on mange du chocolat, on sait qu’il contient du sucre. Je vise les plats ultratransformés auxquels les industriels ajoutent du sucre à l’insu du consommateur.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir le sous-amendement no 2426.
M. Philippe Vigier
Comme l’a très bien dit Cyrille Isaac-Sibille, nous visons les produits ultratransformés, leurs conséquences sur l’obésité, et le fait que certains industriels ajoutent des quantités très importantes de sucre dans certains de ces produits, sans que le consommateur en soit informé.
Par ce sous-amendement, Marc Fesneau et moi souhaitons accomplir deux choses.
Il faut d’abord tordre le cou à des idées reçues – on nous a dit que tout pouvait être considéré comme ultratransformé, ce qui n’est pas le cas. Nous demandons l’ouverture d’un cycle de concertation avec l’industrie agroalimentaire pour que nous établissions précisément, en fonction des procédés de fabrication, ce qui relève de cette catégorie. Ainsi les choses seront claires et chacun pourra assumer ses responsabilités.
Nous souhaitons aussi nous donner du temps en fixant l’entrée en application de la mesure au 1er janvier 2027. Chacun sera tenu par une obligation de résultat : la concertation doit déboucher sur une définition. Il nous faut embarquer tout le monde, avec un unique objectif – l’amélioration de la santé publique. Ce sous-amendement rend possible l’adoption de l’amendement indispensable de notre collègue Isaac-Sibille, qu’il défend depuis de longues années. La concertation permettra d’éviter d’éventuelles conséquences néfastes et de cibler ceux qui ne suivent pas les bons procédés.
M. Sylvain Maillard
Il est bon ce sous-amendement Vigier ! Nous voterons pour !
Mme la présidente
Sur le sous-amendement no 2426, je suis saisie par le groupe Les Démocrates d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement no 2185.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Je vous souhaite un bon anniversaire, madame la présidente. (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) C’est une marque de solidarité des membres du groupe Horizons & indépendants…
M. Philippe Gosselin
Bravo, madame la présidente !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Je souscris aux propos tenus à l’instant par Philippe Vigier et tant d’autres et je salue le travail réalisé depuis des années par notre collègue Isaac-Sibille. J’ajouterai, sinon ma pierre à l’édifice, du moins un élément censé permettre une meilleure régulation de l’adjonction de sucres dans l’alimentation transformée.
La revue Science a publié il y a quelques jours une étude réalisée par quatre universités nord-américaines auprès de 60 000 Britanniques. Entre ceux nés avant 1953 et qui ont vécu le rationnement du sucre, lié à la guerre, et ceux nés ensuite, l’exposition aux maladies chroniques comme le diabète ou aux maladies cardiovasculaires est totalement différente : le risque de les contracter est inférieur d’un tiers pour les premiers.
Autre donnée intéressante : en France, du fait, notamment, des ajouts de sucres, le taux d’obésité a doublé chez les adultes en trente ans, et il a été multiplié par quatre chez les 18-24 ans.
Enfin, un dernier chiffre afin que vous disposiez de toutes les données du débat, selon un rapport sénatorial du mois de mai dernier, le coût net – à savoir le coût social, celui de la prise en charge –, pour les finances publiques, des maladies causées par les sucres ajoutés, serait de plus de 10 milliards d’euros, à comparer avec le coût de 4,5 milliards d’euros pour le tabac et de 2 milliards d’euros pour l’alcool. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.) C’est un coût de santé publique majeur.
C’est pourquoi le présent amendement vise à créer une contribution sur les produits alimentaires ultratransformés, de façon, je le répète, à réguler cette pratique.
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Bouyx, pour soutenir le sous-amendement no 2368.
M. Bertrand Bouyx
Il vise à exclure du champ d’application de l’amendement de M. Valletoux les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (DADFMS).
M. Thibault Bazin
Il a raison, en ce qui concerne les maladies rares !
M. Bertrand Bouyx
Ces denrées peuvent contenir des sucres à des taux précis. Elles sont destinées à des personnes atteintes d’un cancer, des personnes ayant subi une chirurgie maxillo-faciale, des personnes âgées dénutries… Remboursées par la sécurité sociale, elles sont délivrées exclusivement en pharmacie et sur prescription médicale.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement no 1735.
Mme Sabrina Sebaihi
Je rappelle, après d’autres collègues, que l’obésité touche 17 % de la population française, laquelle est en surpoids à presque 48 %. L’obésité affecte même 31 % de la population outre-mer. Ce phénomène est devenu massif puisqu’il concerne des millions de personnes.
Je regrette que nous n’ayons pas voté la taxe soda alors qu’il s’agit d’un enjeu de santé publique des plus importants et alors que les premiers touchés par l’obésité sont les plus précaires – elle augmente en effet avec les inégalités sociales et touche ainsi 20 % des habitants de la région Hauts-de-France.
On consomme des produits de moins bonne qualité, ultratransformés, dans lesquels on ajoute des additifs, du sucre et autres dégueulasseries, si j’ose dire, pour les rendre meilleurs et afin d’en vendre plus, ce qui nuit à la santé de nos concitoyens en augmentant les cas de diabète, d’hypertension et nombre d’autres pathologies ; or le phénomène est si massif que nous sommes incapables d’évaluer le coût des soins qu’il nécessite. Nous devons investir dans la santé de nos concitoyens. Nous avons donc intérêt à taxer ces aliments pour en réduire le taux de sucre. (MM. Sébastien Peytavie, Jean-Victor Castor et Frédéric Maillot applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir le sous-amendement no 2386.
M. Sébastien Peytavie
Ce sous-amendement vise à aligner la tarification proposée sur celle suggérée par MM. Valletoux et Isaac-Sibille.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir les amendements nos 123, 2031 rectifié et 2122 rectifié, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Jérôme Guedj
Je tiens à faire part de ma frustration pour ne pas dire ma colère du fait que nous n’ayons pas voté la taxe soda tout à heure. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Dem.)
M. Erwan Balanant
Exactement !
M. Jérôme Guedj
Cyrille Isaac-Sibille a rappelé que son principe était l’aboutissement d’un rapport de la commission des affaires sociales lancé dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) et du Printemps social de l’évaluation. Nous travaillons en bonne intelligence au sein de la commission des affaires sociales, le rapporteur général ayant lui-même déposé un sous-amendement. Nous obtenons un avis favorable du Gouvernement. Nous parvenons à un consensus sur l’amélioration de la taxe soda. Et l’Assemblée finit par la rejeter – encore une fois, c’est très regrettable.
C’est pourquoi j’espère qu’en ce qui concerne le sucre ajouté dans les produits ultratransformés de l’industrie agroalimentaire, nous aurons l’intelligence collective d’envoyer un signal fort.
Les chiffres ont déjà été donnés : on ajoute l’équivalent de dix-sept carrés de sucre dans une pizza surgelée, de dix morceaux dans un paquet de chips. C’est ce sucre caché qui pose problème.
Les trois amendements que je défends ici offrent deux possibilités : créer une taxation avec une quinzaine de tranches – un peu comme pour la taxe soda – ou créer trois niveaux de taxation en fonction du nombre de kilogrammes de sucres ajoutés par quintal de produit.
Nous avons toutefois retiré du dispositif la chocolaterie, la pâtisserie, la boulangerie et la glacerie artisanale puisque ces secteurs ont besoin de sucre ajouté pour la fabrication de leurs produits. Ce que nous ciblons, et Sabrina Sebaihi l’a justement souligné tout à l’heure, c’est un empoisonnement de masse causé par l’ajout de sucre dans l’agro-industrie, avec l’addiction que cela provoque.
Mme Ayda Hadizadeh
Exactement !
M. Jérôme Guedj
Surtout, on l’a dit également, l’obésité est une maladie de la pauvreté, de la précarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Alexis Corbière
Eh oui !
M. Jérôme Guedj
Or en votant l’un de ces amendements, nous luttons contre la précarité et en faveur de la santé publique. D’autant que, le président de la commission l’a rappelé, les coûts pour la collectivité…
M. Erwan Balanant
Près de 10 milliards d’euros !
M. Jérôme Guedj
…devraient justifier à eux seuls l’engagement de la représentation nationale pour mettre un coup d’arrêt à cette dérive source d’addiction, une dérive ne visant qu’à faire des profits – ajouter du sucre revient moins cher que d’ajouter des produits d’origine. En ce sens, l’amendement le plus efficace est le no 2122 rectifié – et je veux bien retirer l’amendement no 2031 rectifié qui n’est pas très bien rédigé.
(L’amendement no 2031 rectifié est retiré.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Je rappelle que le sucre est un conservateur au même titre que le sel, tous deux facteurs d’hypertension artérielle.
La commission s’est montrée favorable à l’esprit de ces amendements. Je donnerai en particulier un avis favorable au sous-amendement no 2386 de M. Bouyx puisqu’il vise à retrancher du dispositif proposé par M. Valletoux les aliments hyperprotidiques et hyperglucidiques destinés aux patients atteints de maladies chroniques ou qui subissent des chimio-thérapies.
La rédaction de l’amendement no 2185 de M. Valletoux est peut-être préférable aux autres puisque sont exclus du dispositif les laits maternels. Nous devons nous montrer prudents concernant ces derniers – nous devrions d’ailleurs y revenir – car, quand on pratique des autopsies, on s’aperçoit parfois qu’il y a déjà des stries lipidiques sur les vaisseaux des bébés, des très jeunes nouveau-nés qui décèdent soit quand la mère souffre déjà d’hypercholestérolémie, soit parce que la nourriture des premiers mois est très riche en sucres ou en graisses. L’impact sur le fœtus ou le nouveau-né est donc important. Une étude d’impact de qualité devrait nous permettre de préciser les choses.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Je vous remercie pour ce débat. Je reste moi aussi contrariée et perplexe par le rejet de la taxe soda. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Dem.) Je ne sais pas comment on peut continuer à parler du sucre si on ne taxe pas ce qui est le plus sucré !
M. Aurélien Rousseau
Eh oui !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
On ne parle pas ici du travail de petites industries artisanales qu’on aurait voulu protéger, mais d’un phénomène relevant de l’économie mondialisée.
Pour ce qui est du sucre caché qui se trouverait dans pratiquement tous les aliments transformés, je partage votre volonté d’avancer. Il serait important, plus encore que de lancer une concertation, de définir des objectifs – nous n’en avons aucun, ici. Nous y avons travaillé avec l’industrie agroalimentaire en ce qui concerne le sel. Eh bien, nous devons faire la même chose pour le sucre : lancer, certes, une concertation mais aussi fixer des objectifs et taxer quand ces derniers ne seraient pas atteints.
Cela prendra peut-être un peu de temps, mais c’est un processus rationnel pour sensibiliser tous les acteurs et les engager dans une dynamique de diminution des quantités de sucre dans les produits, y compris celui que l’on ne soupçonne pas – quand on mange une saucisse industrielle, on n’a pas l’impression de manger du sucre. C’est pourtant le cas.
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur l’amendement no 2265 de M. Isaac-Sibille – tel que sous-amendé par M. Philippe Vigier – en ce qu’il renvoie à un travail prospectif.
Je note avec intérêt par ailleurs le sous-amendement qui exclut les produits spécifiquement destinés aux malades du champ d’application de la taxe que vise à créer l’amendement no 2185. Il n’est bien sûr pas question de les taxer.
Pour me résumer : il faudra, à l’avenir, s’agissant de l’adjonction de sucres dans les produits alimentaires transformés, discuter posément et, surtout, fixer des objectifs, se donner les moyens de les atteindre et, sinon, taxer.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Je reviens sur l’amendement no 124 et les amendements identiques précédemment rejetés. Il sera difficile de trouver des raisons objectives d’avoir voté le sous-amendement pour ensuite avoir rejeté les amendements identiques. C’est assez curieux.
M. Erwan Balanant et M. Jérôme Guedj
Il faudra procéder à une seconde délibération !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je rappelle que le Gouvernement était favorable aux amendements sous-amendés. Nous y reviendrons soit au cours de la navette parlementaire, soit, si vous le souhaitez, et je pense que le sujet le mérite, à l’occasion d’une seconde délibération. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Dem.)
M. Jérôme Guedj
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Olivia Grégoire.
Mme Olivia Grégoire
Pardonnez-moi de mettre les pieds dans le plat – dont j’ignore s’il sera sucré ou salé. Vous l’avez tous dit : le coût social des maladies causées par les sucres ajoutés est très lourd, plus de 10 milliards d’euros, le ministre Valletoux vient de le rappeler. Reste que je suis un peu étonnée, et je dois le partager avec la représentation nationale. Ayant eu l’honneur d’avoir été à la fois aux côtés des entreprises pendant trois ans mais aussi ministre de la consommation, j’ai lu les amendements en discussion avec attention.
Or avez-vous déjà vu une contribution exceptionnelle payée par des acteurs économiques qui ne se répercute pas sur le prix à la consommation ? (Mme Stéphanie Rist applaudit.)
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
Mme Olivia Grégoire
Avez-vous déjà vu, je précise le périmètre de la réflexion, en France, une taxe ou une contribution exceptionnelles toucher des entreprises de l’agroalimentaire qui ne soient directement répercutées sur le prix à la consommation ? (M. Gabriel Attal applaudit.)
Je rappellerai au groupe Socialistes et apparentés qui en fait un combat – légitime – qu’il nous trouvera à ses côtés pour voter des mesures visant à renforcer la transparence et l’affichage en matière de santé – nous avons d’ailleurs voté ses amendements sur le nutri-score. C’est pourquoi j’ai poussé, et j’ai bon espoir, Origine-info, afin que le consommateur, au moment d’acheter, puisse connaître la teneur en sucre des produits alimentaires transformés.
Mme Stéphanie Rist
Très bien !
Mme Olivia Grégoire
Nous avons une certitude en matière de consommation : à la fin, ce n’est pas l’Allemagne qui gagne, comme au foot, mais le consommateur qui paie.
M. Cyrille Isaac-Sibille
C’est la sécu qui paie !
Mme Olivia Grégoire
Vous envisagez d’augmenter la taxation pour en mettre les rendements attendus à la disposition d’une caisse nationale. Afin de lutter contre l’obésité, vous espérez donc que les gens continuent de consommer du sucre. Je ne comprends pas.
Je suis favorable à ce que l’on améliore la transparence et l’éducation en matière de santé. À ce sujet, je trouve, madame la ministre, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), un peu trop discret.
Oui à la transparence ! Oui à l’éducation en matière de santé, notamment à l’école ! Non à la taxation, surtout des plus précaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Jérôme Guedj
L’Inpes n’existe plus !
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Faisons un petit point sur les amendements après l’article 9, et en particulier sur la présente série.
L’excès de tabac, l’excès d’alcool ou l’excès de sucre nous inquiètent. Nos politiques publiques de santé doivent les prendre en charge, mais votre volonté de tout taxer relève de l’obsession.
Mme Ayda Hadizadeh
Il est urgent de ne rien faire !
Mme Sandrine Rousseau
Vous n’êtes pas à la hauteur !
M. Christophe Bentz
Augmenter la taxe sur le sucre conduira à une augmentation des coûts de production, pénalisera les entreprises, se répercutera sur les prix et affectera enfin le pouvoir d’achat.
M. Jérôme Guedj
Les taxes sur le tabac ne serviraient donc à rien ?
M. Christophe Bentz
Les objectifs de santé publique peuvent ainsi entrer en contradiction avec les enjeux économiques de pouvoir d’achat.
M. Thierry Sother
On parle de santé ! On parle de la vie des gens !
M. Christophe Bentz
Chers collègues, la politique de la taxe pour la taxe a une limite. Cela a été prouvé dans de nombreux domaines. Cette politique, c’est un peu le dernier recours quand toutes les solutions ont échoué.
Or, comme l’a rappelé M. Philippe Vigier, la prévention est un levier pour responsabiliser les personnes,…
Mme Sandrine Rousseau
Vous mettez tout sur le dos de la responsabilité individuelle !
Mme Sabrina Sebaihi
Ce serait la faute des gens s’ils sont malades ?
M. Christophe Bentz
…pour leur réapprendre à manger bien – et français si possible –…
Mme Ayda Hadizadeh
Vous êtes des patriotes en carton !
M. Christophe Bentz
…ou encore pour encourager la pratique sportive.
Chers collègues, je vous supplie de ne pas faire payer aux Français l’échec de vos politiques publiques en matière de santé. (« Il a raison ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
À ceux qui disent que la taxe conduira à une augmentation du prix payé par les Français, je répondrai deux choses. Premièrement, si les industriels n’ajoutent pas de sucre, ils ne seront pas taxés.
Mme Sabrina Sebaihi
Exactement !
M. Erwan Balanant
C’est aussi simple que cela. Si les industriels diminuent les quantités de sucre, ce que nous voulons, leurs coûts n’augmenteront pas et les Français ne paieront pas plus cher. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, SOC et EcoS. – M. Frédéric Maillot applaudit également.)
Deuxièmement, il s’agit d’un problème de santé publique, notamment de nos enfants – ouvrez les yeux ! (Mêmes mouvements.)
Mme Ayda Hadizadeh
Merci !
M. Erwan Balanant
On le voit dans les cours de récréation : les enfants ont pris du poids ces dernières années. Cela a été confirmé par l’OMS et par toutes les études menées dans notre pays. Ces enfants qui prennent du poids, c’est de la comorbidité supplémentaire. C’est un enjeu majeur.
Cela me désole que nous n’ayons pas adopté la taxe sur les sodas, car nous prenons peut-être un an de retard supplémentaire sur ce sujet important.
Les fabricants ont augmenté la taille des vêtements pour les enfants, parce qu’ils grossissent. Réagissons, et vite !
Cet amendement nous permettrait de nous rattraper sur les aliments, et je pense qu’il faudra avoir une seconde délibération à propos de la taxe sur les sodas, comme l’a dit monsieur le ministre, car il y a eu une incompréhension. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe Gosselin
Nous partageons tous l’inquiétude en matière de santé publique causée par le sucre et sa surabondance dans un certain nombre de produits transformés. Il n’y a pas de discussion sur le sujet. Malgré les points de vue divergents, les objectifs convergent.
Mme Ayda Hadizadeh
Prouvez-le !
M. Jérôme Guedj
Il aurait donc fallu que vous votiez la taxe sur les sodas !
M. Philippe Gosselin
Cela étant, je voudrais m’assurer que les amendements déposés pour soutenir le combat contre les sucres cachés n’incluent pas, sans le vouloir, des produits artisanaux comme les glaces ou les chocolats.
Mme Ayda Hadizadeh
Protéger, mais surtout ne rien faire !
M. Jérôme Guedj
Mon amendement le prévoit, je l’ai dit !
M. Philippe Gosselin
Certes, mais ce n’est pas le cas de celui de M. Isaac-Sibille. Je veux donc m’en assurer, car si je vous rejoins en ce qui concerne les produits industriels transformés, j’exclue catégoriquement un certain nombre de produits artisanaux – chocolats, caramels, etc.
Mme Ayda Hadizadeh
Il est urgent de ne rien faire !
M. Philippe Gosselin
Nous arriverions sinon à un non-sens en matière gustative et artisanale et nous pénaliserions un certain nombre d’éléments de notre patrimoine culinaire. Il faut le rappeler. Si c’est clair, nous nous rejoindrons.
M. Cyrille Isaac-Sibille
On est d’accord !
Mme la présidente
La parole est à Mme Estelle Youssouffa.
Mme Estelle Youssouffa
J’ai du mal à comprendre la position de certains. Prôner seulement l’éducation ou la prévention, alors que l’on assimile le sucre au tabac ou à l’alcool, c’est-à-dire à quelque chose de mauvais pour la santé, c’est assumer notre impuissance et, au bout du compte, faire preuve de lâcheté.
On considère que le sucre peut susciter l’addiction, déclencher des maladies graves ou entraîner de la comorbidité – c’est quelque chose de nocif pour la santé. Pourquoi certains de nos collègues décident-ils alors d’en faire le moins possible, comme c’est le cas depuis longtemps ? Pourtant, on constate que la situation se dégrade. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, SOC, EcoS, Dem et GDR.)
Nous avons un problème : malgré son patrimoine culinaire, la France, pays de la « bonne bouffe », n’agit pas contre la malbouffe. (Mêmes mouvements.)
Mme Ayda Hadizadeh
Eh oui !
M. Erwan Balanant
Très bien !
Mme Estelle Youssouffa
Que le Royaume-Uni et les États-Unis nous fassent la leçon en matière de qualité alimentaire devrait nous inquiéter.
Il faut faire face au problème. Nous savons qu’il est question d’une méthode pour créer l’addiction alimentaire. Quand vous mangez des carottes râpées, vous bouffez du sucre ; qui le sait ?
Mme Ayda Hadizadeh
Personne !
Mme Estelle Youssouffa
C’est du sucre caché, qui a pour but d’augmenter les ventes. Il faut passer par la taxation, c’est l’objet de nos discussions, mais il faudra également passer par la norme. Il faudra décider de seuils pour encadrer l’utilisation du sucre dans les produits industriels, qui sont malheureusement beaucoup moins chers et beaucoup moins nutritifs, comme cela a été rappelé. Ils frappent les plus précaires et les plus vulnérables.
Collègues à droite de l’hémicycle, vous évoquez souvent les outre-mer et les plus pauvres, mais vous nous empêchez d’agir pour sauver les plus vulnérables. C’est grave. Les produits les moins chers sont les plus mauvais en termes de qualité nutritionnelle et les plus riches en sucre et en sel – tout ce qui pourrit la santé. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Bellay.
Mme Béatrice Bellay
Il y a ici de très bons ventriloques du monde industriel. Ils n’ont pas l’intention d’œuvrer en faveur du mieux-vivre ou de la santé de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Hervé de Lépinau
Vos taxes n’y changeront rien ! Arrêtez d’infantiliser les gens !
Mme Béatrice Bellay
Je rappelle que la loi Lurel, relative à la régulation économique outre-mer, de 2012 n’a pas sanctionné les comportements alimentaires des Françaises et des Français, trop souvent guidés par leur porte-monnaie. J’en sais quelque chose, puisque dans nos pays des océans, l’alimentation est 40 % plus chère. La loi visait en revanche visait à empêcher les comportements nocifs des industriels : ajouter du sucre là où on n’en a pas besoin – voire en rajouter dans les territoires d’outre-mer les plus pauvres – et contribuer à l’addiction au sucre de nos populations.
Mme Ayda Hadizadeh
Elle a raison ! C’est pour les rendre accros !
Mme Béatrice Bellay
Cela conduit à une forte prévalence en matière de diabète, notamment chez les enfants. La solidarité sanitaire nationale devra s’en charger.
Certains défendent le monde industriel ; nous défendons la santé des Françaises et des Français.
Mme Ayda Hadizadeh
Exactement !
Mme Béatrice Bellay
Dieu sait quels scandales alimentaires nous aurions pu prévenir en étant plus vigilants. Puisque les industriels sont incapables de maîtriser leur production alimentaire et puisque les comportements ne changent pas, nous demandons à l’État d’agir, notamment au moyen de la législation.
M. Jérôme Guedj
Très bien ! (M. Jérôme Guedj applaudit.)
Mme Béatrice Bellay
Nous remercions M. le ministre de bien vouloir reconsidérer l’amendement rejeté et de le remettre au vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
L’addiction dont nous discutons est suscitée dès le plus jeune âge, avec les laits infantiles et les petits pots. La diminution de la consommation de sucre est un enjeu absolument majeur de santé publique, notamment à cause de ses effets sur le diabète ou l’obésité, comme cela a été rappelé.
J’évoquerai quant à moi ses effets sur les dents, parce que les soins de la dentition sont mal remboursés par la sécurité sociale.
M. Gabriel Attal
Cela n’a pas de rapport !
Mme Sandrine Rousseau
La consommation de sucre étant fortement corrélée à la condition sociale, ce sont les populations les plus précaires qui sont les plus touchées.
Quand vous pointez du doigt la responsabilité individuelle dans la diminution de la consommation de sucre, je vous réponds : « Au secours ! » Que pèse la responsabilité individuelle face aux industries agroalimentaires qui ont les moyens de payer des spots de pub et les diffuser non-stop au cours de programmes pour enfants ou pour adultes ?
M. Hervé de Lépinau
J’éteins la télé ! C’est la responsabilité des parents !
Mme Sandrine Rousseau
Il y a une inégalité profonde entre des parents qui offrent une petite confiserie, faute de moyens, et les industries agroalimentaires.
Oui, cela va conduire à une augmentation des prix. C’est précisément le but, afin qu’il devienne moins facile d’acheter du sucre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
M. Théo Bernhardt
Et le pouvoir d’achat ?
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Nombreux sont ceux qui constatent que le sucre contribue à des épidémies – de diabète notamment – et qu’il suscite un comportement addictif. Dès lors, ceux qui partagent ce constat poursuivent l’objectif de diminuer la quantité de sucre dans l’alimentation. C’est un enjeu de santé publique.
Quels sont les outils les plus pertinents pour ce faire ? Certes, nous ne voterons pas tous les amendements dont nous discutons, mais je souhaite que nous ayons une politique plus ferme en la matière. Il ne faut pas que nous nous contentions de taxes, dont une partie repose sur le consommateur, a fortiori s’il est accro. Il faut enfin que nous régulions les taux de sucre autorisé dans l’alimentation, mais aussi de sel et d’acides gras saturés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Si on estime qu’il y va de la santé publique, car des gens sont en danger, pourquoi autoriser les grandes industries à nous empoisonner ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – MM. Frédéric Maillot et Sébastien Peytavie applaudissent également.)
Bien sûr, il y a des avancées. On entend même des DR critiquer les conservateurs – on ne peut que s’en réjouir.
M. Philippe Gosselin
C’est facile…
M. Hadrien Clouet
Depuis des années, on assiste à une mobilisation générale des lobbys dans notre pays pour nous expliquer qu’il faudrait laisser les industriels mettre ce qu’ils veulent dans les produits transformés. Nous ne sommes pas d’accord.
Il y a quelques années, notre groupe, à l’initiative de Loïc Prud’homme, avait déposé une proposition de loi pour créer des taux maximums en acides gras saturés, sucre et sel par catégorie d’aliments. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
C’est la voie que doit emprunter l’Assemblée nationale, n’en déplaise aux différents lobbyistes, notamment ceux qui œuvrent dans les journaux, tels Vincent Trémolet de Villers qui a consacré un long texte dans Le Figaro à la critique de toute régulation de l’industrie agroalimentaire. Nous le saluons et nous espérons le battre.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Je n’alourdirai pas les débats, monsieur Clouet,…
M. Ugo Bernalicis
À défaut d’alourdir les gens !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
…et j’entends ce que vous venez de déclarer, en ayant sourcé vos propos, comme à votre habitude. Mais si la taxe sur les sodas n’a pas été adoptée, malgré le consensus dont elle faisait l’objet, c’est parce que vous et votre groupe vous êtes abstenus.
M. Erwan Balanant
C’est malin !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Il faut donc être prudent. Vous aimez citer les articles sur lesquels vous vous appuyez, mais avez-vous lu l’article qui a paru hier soir dans Nature ?
M. René Pilato
C’est récent !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Il est sorti hier soir, mais nous avions tous le temps de lire Nature pour nous détendre ! L’article montre que tout effet dissuasif sur les addictions passe d’abord par le prix. (MM. Cyrille Isaac-Sibille et Éric Martineau applaudissent.)
M. Aurélien Rousseau
Nous sommes donc d’accord !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Pour autant, il ne faut pas négliger l’efficacité de l’éducation. L’article montre enfin que les gens les plus isolés, les plus démunis, bénéficient le moins des campagnes de prévention. Notre problème, c’est donc aussi l’éducation. Beaucoup d’enfants, si vous ne leur expliquez pas que, quand on a soif on boit de l’eau, boiront du Coca-Cola ou de l’Ice tea.
Pour autant, avec la taxe soda, on ne touchait pas à l’alimentation, et je trouve donc malhonnête, monsieur Clouet, de ne pas l’avoir votée – je tenais à vous le dire.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Il ne s’agit pas de faire du sucre un ennemi : il s’agit de pointer les excès de sucres ajoutés et de transformations d’aliments. On peut dire que c’est au consommateur de faire ses choix, mais on ne doit pas ignorer qu’il y a vingt ou trente ans l’industrie agroalimentaire utilisait bien moins de sucre qu’aujourd’hui !
Mme Sabrina Sebaihi
Oui !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
C’est contre les abus de l’industrie de la transformation, c’est-à-dire contre des concentrations en sucre trop importantes, qu’il faut lutter : nous devons faire en sorte que les industriels optent pour des recettes plus équilibrées.
Il ne s’agit pas d’affirmer que taxer, c’est reconnaître l’échec de la prévention : pour corriger les abus de certains industriels, la taxation n’est qu’un levier parmi d’autres, qui n’empêchera pas la promotion du sport santé ou celle des bonnes pratiques alimentaires auprès des enfants scolarisés.
M. Aurélien Rousseau
Eh oui !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Comme le rapporteur général, je vous invite à lire la presse : ce matin, elle se fait l’écho de la méta-analyse de 400 études internationales sur la politique de lutte contre le tabagisme. On entend souvent dire qu’une hausse du prix du tabac n’empêche pas sa consommation, mais cette méta-analyse démontre le contraire. Elle n’est pas le seul levier à actionner, mais nous aurions tort de nous priver de cet outil, dont l’efficacité est maintenant avérée : augmenter de 10 % le prix du tabac, c’est diminuer de 4 % sa consommation. C’est la première fois qu’une telle méta-analyse est réalisée, et sa lecture vaut le coup.
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 2426.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 153
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 94
Contre 22
(Le sous-amendement no 2426 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2265, tel qu’il a été sous-amendé.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 149
Nombre de suffrages exprimés 120
Majorité absolue 61
Pour l’adoption 55
Contre 65
(L’amendement no 2265, sous-amendé, n’est pas adopté.)
(Le sous-amendement no 2368 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2185, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 147
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 52
Contre 64
(L’amendement no 2185, sous-amendé, n’est pas adopté.)
(Le sous-amendement no 2386 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1735, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 150
Nombre de suffrages exprimés 148
Majorité absolue 75
Pour l’adoption 79
Contre 69
(L’amendement no 1735, sous-amendé, est adopté ; en conséquence, les amendements nos 123, 2031 rectifié et 2122 rectifié tombent.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 822 et 1576.
La parole est à Mme Estelle Youssouffa, pour soutenir l’amendement no 822, qui fait l’objet du sous-amendement no 2416.
Mme Estelle Youssouffa
Il tend à encadrer les produits de substitution au tabac, tels que les cigarettes électroniques ou les sachets de nicotine, qu’il s’agit de fiscaliser, comme dans d’autres pays européens, pour une recette potentielle de 200 millions d’euros par an.
Il s’agit également d’encadrer leur distribution, en la confiant uniquement à des réseaux de professionnels, tels que les buralistes ou les vendeurs de cigarettes électroniques et produits associés. Actuellement, aucune règle ne prévaut, si bien que les produits de substitution au tabac peuvent être achetés n’importe où : en épiceries de nuit, en solderies ou encore dans les fêtes foraines. La popularité croissante des sachets de nicotine appelle à une plus grande régulation de ces produits : nous devons les contrôler et faire appliquer la réglementation.
Les auteurs du rapport de la mission d’évaluation et de contrôle des lois financement de la sécurité sociale du Sénat ont souligné l’importance de telles mesures.
Mme la présidente
L’amendement no 1576 de M. Gérard Leseul est défendu.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir le sous-amendement no 2416, à l’amendement no 822.
M. Charles de Courson
À la suite des déclarations de Mme la ministre de la santé, qui appelait à interdire les produits comportant de la nicotine, ce sous-amendement tend à ne soumettre à l’accise prévue à l’amendement no 822 que les sachets de nicotine dont le taux de nicotine est inférieur à 16,6 milligrammes par sachet et à interdire la fabrication, la vente et la distribution des produits dépassant ce seuil. Celui-ci a été fixé en fonction des recommandations de l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques, seule autorité de santé européenne à avoir évalué les sachets de nicotine. L’évaluation elle-même a été mentionnée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), dans son rapport de l’an dernier.
Le seuil de 16,6 milligrammes par sachet doit également permettre de répondre aux inquiétudes soulevées par les auteurs du rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui font état de seize cas d’intoxication entre 2017 et 2022.
Soutenant les dispositions complémentaires prévues par l’amendement auquel il se rapporte, le sous-amendement tend à limiter la distribution des substituts au tabac aux réseaux de buralistes et aux lieux de vente spécialisés. Une telle disposition doit permettre d’interdire aux mineurs l’accès à ces produits.
Le rapport de l’Anses met également en évidence 108 cas d’intoxication liés à l’ingestion de perles et de billets de nicotine, produits qui prennent souvent l’aspect de bonbons et qui sont rendus désirables par un marketing ciblant les jeunes. Comme la ministre de la santé, nous proposons donc l’interdiction totale de la fabrication, de la vente et de la distribution de tels substituts.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Vous proposez de discuter du sujet important que constituent les puffs et les autres produits à base de nicotine. Nous soutenons la fixation d’un seuil d’interdiction au-delà duquel ils ne peuvent plus être vendus à des adultes ou à des enfants, mais n’oublions pas que certaines puffs permettent de réduire de 10 % la consommation de tabac.
L’amendement no 822 avait été jugé irrecevable en commission et a été retravaillé avant son examen en séance. J’en comprends l’esprit, mais il est très complexe, et nous n’aurons pas assez de temps pour mesurer ses conséquences sur les niveaux de réglementation et les lieux de vente. Notre avis sera donc défavorable, d’autant qu’aux mesures que tend à instaurer cet amendement s’ajoute une règle européenne à laquelle nous ne nous sommes pas encore référés.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Parmi les produits de vapotage, certains sont déjà taxés – ils offrent une solution de substitution au tabac –, et nous ne comptons pas faire évoluer les dispositions dont ils font l’objet.
En revanche, de nouveaux produits, comme les puffs à usage unique, sont récemment apparus, ainsi que d’autres substituts à usage sublingual ou consommable par absorption gingivale, les pouches. Présentant un très fort taux de nicotine, ils sont prisés par une jeunesse sensible à leur packaging et pour laquelle ils constituent le point d’entrée dans le tabagisme : ils sont donc très dangereux.
D’abord en raison de leur dosage, si élevé qu’il peut provoquer des intoxications nicotiniques aiguës et les troubles graves qui peuvent en découler, ensuite parce qu’ils induisent progressivement une dépendance à la nicotine – la substance en cause dans l’addiction à la cigarette.
Compte tenu de leur composition, du marketing dont ils font l’objet et du fait que les jeunes, voire les très jeunes y ont directement accès – les buralistes ne vérifient pas toujours l’âge de leurs clients –, je demande l’interdiction de ces produits, qui, contrairement au vapotage que nous connaissons depuis quelques années, ne contribuent pas au sevrage tabagique.
Nous devons travailler avec les fabricants des puffs et des pouches pour nous assurer de leur composition et de leur dosage en nicotine – parfois nul. Je rappelle que les puffs ont fait l’objet d’une proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, et d’un avis favorable à leur interdiction par la Commission européenne. Nous devons désormais trouver rapidement les voies et moyens permettant de faire appliquer cette mesure ; pour ma part, je m’attellerai dès que possible à leur interdiction, par voie réglementaire.
En tout état de cause, je ne suis pas favorable à une réglementation dépendant du dosage en nicotine de ces produits. Je soutiens plutôt leur interdiction, tout simplement, c’est la seule solution. L’avis du Gouvernement sera donc défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
L’amendement de M. Viry tend à faire réguler l’accès à ces produits par le réseau des buralistes, véritable acteur du contrôle des ventes, avec qui l’État travaille régulièrement. Le rapporteur général de la commission des affaires sociales évoquait plus tôt l’accès des mineurs à l’alcool et les ravages que celui-ci provoquait ; s’agissant de leur accès au tabac, l’intervention des buralistes nous aiderait à atteindre nos objectifs de santé publique. Le protocole qui lie le Gouvernement aux buralistes pourrait donc être utilement enrichi.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Nos débats, qu’ils portent sur le sucre, l’alcool ou le tabac, mettent en présence les mêmes positions. Il y a ceux qui veulent tout interdire, au risque d’instaurer une prohibition qui encouragerait le développement d’un marché parallèle, géré par la mafia ; il y a ceux qui disent qu’il ne faut rien faire et laisser les choses telles qu’elles sont ; et il y a ceux, comme Estelle Youssouffa, Philippe Juvin, Stéphane Viry et moi-même, qui pensent qu’il y a une voie moyenne entre les deux. Il faut à la fois fixer un seuil au-delà duquel on introduit une interdiction et, pour les produits autorisés, veiller à ce que les buralistes empêchent les jeunes d’y accéder – les buralistes sont contrôlés, et ceux qui vendent du tabac à des mineurs encourent déjà des sanctions.
Le seuil de nicotine que j’ai inscrit dans mon sous-amendement ne sort pas de nulle part : j’ai repris les préconisations de l’Institut fédéral allemand pour l’évaluation de risques et de l’Opecst. Il vaut mieux encadrer un produit et le taxer que l’interdire. Dans la mesure où on peut le trouver dans les pays voisins du nôtre, l’interdire, c’est, de fait, développer un marché parallèle. Il me semble que l’amendement de notre collègue Stéphane Viry, ainsi sous-amendé, est très équilibré. N’est-ce pas, monsieur Juvin ? (M. Philippe Juvin fait oui de la tête.)
Prenez garde, madame la ministre, aux conséquences d’une interdiction ! Il vaut mieux encadrer un marché qu’interdire ! Cela fait des années que nous avons le même débat.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Brulebois.
Mme Danielle Brulebois
Les discussions de ce matin montrent que le PLFSS a un rôle important dans le traitement des addictions, mais on peut regretter que le seul remède trouvé soit de nature fiscale et qu’il consiste à taxer toujours plus. Il n’a pas été question des polyaddictions, ni de la drogue, qui fait pourtant des ravages dans notre jeunesse. Nous avons besoin de campagnes d’information et de prévention ; je crois beaucoup plus à la prévention et à l’éducation qu’aux taxes, qui ne servent pas toujours.
Mme Ségolène Amiot
Mais nous sommes en train de chercher de nouvelles recettes !
Mme Danielle Brulebois
En écoutant le débat sur le sucre, je repensais à la charte par laquelle les boulangers se sont engagés à diminuer le taux de sel dans le pain. La concertation a donné de très bons résultats, et il n’a pas été nécessaire d’imposer une augmentation de la fiscalité.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Vous dites, monsieur de Courson, qu’il vaut mieux encadrer et fiscaliser qu’interdire, mais tout dépend de ce dont on parle ! Nous avons tout de même le pouvoir de décider ce qui est légal et ce qui ne l’est pas. L’idée selon laquelle il vaudrait mieux légaliser, réguler et taxer qu’interdire ne peut pas être érigée en règle générale – pas plus que l’idée qu’il faudrait tout interdire. (Mme Ségolène Amiot et M. Antoine Léaument applaudissent.) C’est pourquoi il importe de débattre.
Monsieur Bazin, je me suis engagé devant le congrès des buralistes – vous savez qu’ils sont sous la tutelle de la direction des douanes, qui est elle-même sous mon autorité –, à ce que nous allions vers un monopole des buralistes sur les produits nicotinés. Mais il faut d’abord déterminer quels sont les produits nicotinés que nous voulons considérer comme légaux dans notre pays. Il y a deux questions différentes : celle du monopole – j’ai dit publiquement que j’y étais favorable – et celle des produits que nous considérons ou non comme légaux – sur cette question, la ministre de la santé a donné sa position.
Nous devons avancer sur ces deux dossiers en parallèle : déterminer d’abord ce que nous souhaitons rendre légal, encadrer et taxer, puis mettre tout cela dans le giron monopolistique des buralistes.
(Le sous-amendement no 2416 est adopté.)
(Les amendements identiques nos 822 et 1576, sous-amendés, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 846, 894, 2004 et 740, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 846, 894 et 2004 sont identiques.
La parole est à M. Sébastien Peytavie, pour soutenir l’amendement no 846.
M. Sébastien Peytavie
Nous proposons de déterminer une trajectoire fiscale pour les produits du tabac, visant l’objectif d’un paquet de vingt cigarettes à 16 euros en 2027.
Le tabac demeure la première cause de mortalité évitable en France : chaque année, 75 000 fumeurs décèdent de leur tabagisme, pour un coût social estimé, en 2019, à 156 milliards d’euros. Or l’OMS reconnaît que la hausse de la fiscalité est l’outil le plus efficace pour lutter contre le tabagisme.
Mme la présidente
L’amendement no 894 de M. Mickaël Bouloux est défendu.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 2004.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Augmenter le prix du tabac étant le moyen le plus efficace de diminuer sa consommation, je propose moi aussi une hausse. Je rappelle que le tabac est le premier facteur de risque de cancer pulmonaire et de maladies cardiovasculaires – infarctus et accident vasculaire cérébral. Ces risques sont évitables ; il importe de lutter contre ce fléau qui provoque la mort de 75 000 personnes par an.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 740.
M. Philippe Juvin
Il s’agit d’augmenter le prix du paquet de tabac. Après avoir baissé entre 2016 et 2019, la prévalence du tabagisme chez l’adulte a stagné en France entre 2019 et 2022. Chez les jeunes, en revanche, la décrue persiste.
Les inégalités sociales étant très marquées en matière de tabagisme, il importe de mener des actions protéiformes. Une seule mesure ne réglera pas tout, mais une abondante littérature a établi un lien entre le prix du paquet et le tabagisme. Ce lien étant démontré, je vous propose d’augmenter de 1 euro le prix du paquet de tabac : vous verrez que cela aura un effet sur le tabagisme.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 740 ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
J’invite M. Juvin à le retirer.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements en discussion commune ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Je ne peux qu’abonder dans votre sens. Cela fait bien longtemps que la nocivité du tabac est reconnue et qu’on le considère comme un fléau pour la santé publique. C’est d’ailleurs pourquoi les taxes sur le tabac sont anciennes et que nous avons déjà un programme national de lutte contre le tabac, pour la période 2023-2027.
Je comprends le sens de vos amendements, mais il faut commencer par appliquer ce programme jusqu’à son terme, afin de l’évaluer. Il ne prévoit pas seulement une augmentation du prix du paquet de cigarettes ; il a aussi un volet relatif à la prévention, dont fait d’ailleurs partie le Mois sans tabac, qui fonctionne bien.
J’émettrai un avis défavorable sur vos amendements, tout simplement parce qu’une hausse du prix du tabac est déjà inscrite dans le programme national qui doit nous mener jusqu’en 2027. Laissons ce programme se dérouler comme prévu.
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Galzy.
Mme Stéphanie Galzy
Chers collègues, nous avons bien compris que vous souhaitez la mort de nos commerces : inutile de tourner autour du pot. Mais sachez que nous ne vous laisserons pas faire, car une hausse significative du prix du tabac risque d’encourager le développement du trafic : ce n’est pas moi qui le dis, c’est Santé publique France. Cela représenterait une perte de 7,26 milliards : de quoi financer de véritables actions de prévention, tout en participant au financement de notre sécurité sociale. L’augmentation des prix va avoir un impact dévastateur sur nos commerces de proximité et nos buralistes. La baisse des ventes légales de tabac pourrait mener à des fermetures de bureau de tabac, affectant ainsi de nombreux emplois et l’économie locale, surtout dans nos zones rurales, où ces commerces jouent un rôle social très important. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Je sais qu’il y a sur les bancs de cette assemblée une forte propension à tolérer les trafics, mais nous devons faire de la chasse aux méthodes illégales et à ces milliards de recettes perdues une priorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
C’est un sujet grave, sur lequel il est difficile de tenir des propos nuancés en deux minutes. Il est évident qu’il faut lutter contre le tabagisme, car il fait des ravages : tous ceux qui ont eu des victimes de celui-ci dans leur famille le mesurent.
L’augmentation des prix a des effets sur la consommation, je ne le nie pas, mais c’est plus vrai chez les jeunes que chez les adultes, ce qui doit nous faire réfléchir.
J’aimerais profiter de votre présence au banc, monsieur le ministre des comptes publics, pour appeler votre attention sur un point précis. Je suis député de la Lorraine, région frontalière du Luxembourg. Durant le confinement, les achats de cigarettes chez les buralistes ont augmenté de 40 % ; avec le déconfinement, on est revenu du jour au lendemain au niveau habituel. Cela donne une idée de l’importance des achats qui se font de l’autre côté de la frontière. Quand on augmente les prix en France, on voit aussitôt une augmentation de la contrebande, des trafics et des contrefaçons, si bien que les gens achètent parfois des produits encore plus mauvais pour la santé.
La fiscalité n’a toujours pas été harmonisée au niveau européen. Votre nomination est récente, mais avez-vous déjà participé à des travaux en vue de cette harmonisation ? Quelles sont les perspectives ? Les territoires transfrontaliers ont vraiment des problèmes spécifiques, qu’il convient de régler.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
Même si je combats farouchement le tabac, je ne suis pas convaincu par ces amendements. Je suis d’un département, la Vienne, qui n’est pas du tout frontalier. Et pourtant, tous mes copains fumeurs achètent massivement leur tabac en Espagne, parce qu’ils ont un ami transporteur qui en rapporte.
Monsieur le ministre, depuis que l’achat de cartouches à l’étranger n’est plus limité, on assiste à une explosion de cette pratique dans nos territoires. Et je crains que l’augmentation du prix du tabac ait plutôt tendance à renforcer ce phénomène. Je suis donc plutôt défavorable à ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Mon collègue Hadrien Clouet a exposé tout à l’heure notre position au sujet du sucre ; nous avons la même à propos du tabac. Lorsqu’on augmente le prix d’un produit qui crée une dépendance, les gens qui n’ont pas les moyens sont tout simplement obligés de le payer plus cher, parce qu’ils ne peuvent pas s’en passer. En tant qu’ancien fumeur, je sais ce qu’est la dépendance !
Ce n’est pas en augmentant les prix qu’on aide les gens à sortir d’une dépendance, mais en menant des politiques de santé publique. Il faut accompagner les gens qui veulent sortir du tabac et les aider à abandonner leurs comportements morbides – car le tabac, cela a été rappelé, tue 75 000 personnes par an. Mes deux grands-pères en sont morts.
Notre collègue du Rassemblement national dit que, si l’on augmente les taxes, on va détruire des emplois, parce que les gens vont moins fumer. Mais il faut reconnaître que certains emplois sont néfastes, nocifs. La vente et la consommation de tabac sont néfastes ; or, à l’Assemblée nationale, nous devons défendre l’intérêt général. Lutter contre les comportements nocifs doit être notre ligne directrice. Vous avez dit aussi qu’augmenter les prix accroît les trafics : c’est exact.
M. Aurélien Lopez-Liguori
Vous voulez quand même légaliser le cannabis !
M. Antoine Léaument
Vous parlez du cannabis : si l’on veut conduire des politiques de santé publique efficaces, il est effectivement préférable d’avoir des produits légaux, dont l’État peut contrôler les prix et la qualité. Il devient alors possible de lutter contre l’addiction, et non contre le produit lui-même. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Rousseau.
M. Aurélien Rousseau
Le président et le rapporteur général de la commission des affaires sociales ont fait état des analyses et des méta-analyses qui montrent l’impact du prix sur la consommation de tabac. Il faut néanmoins les compléter. Ainsi, je ne suis pas d’accord avec ce que vient de soutenir M. Léaument : depuis trois ans, la consommation de tabac baisse également dans les catégories populaires.
M. Antoine Léaument
Le cannabis aussi ! L’alcool aussi !
M. Aurélien Rousseau
Nous ne sommes plus dans une situation où ceux qui pouvaient se payer du tabac continuaient à consommer, tandis que les cigarettes étaient la variable d’ajustement des plus pauvres.
M. Antoine Léaument
Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Aurélien Rousseau
Par ailleurs – c’était le sens du plan présenté l’an dernier –, il existe de nombreuses mesures de santé publique pour lutter contre le tabagisme. On regarde souvent de haut le Mois sans tabac, pourtant cela fonctionne. De même, si vous allez voir les écoutants de Tabac info service, vous verrez que ce dispositif fonctionne. Des mesures existent donc, dont beaucoup disent d’abord qu’elles sont là pour emmerder les Français, mais qui sont ensuite bien reçues dans l’opinion publique, par exemple l’interdiction du tabac autour des écoles ou dans les jardins publics : ces mesures sont plébiscitées par les Français, qui ont besoin d’être aidés parce qu’ils savent parfaitement que le tabagisme est une addiction. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric Woerth
Nous nous accordons tous, il faut évidemment lutter contre le tabagisme. Derrière le tabac, il y a une économie et des buralistes, qui sont des agents de l’État, qui détiennent le monopole de la vente du tabac. En réalité, le moins qu’on puisse dire est que ce monopole est largement contredit par les augmentations très fortes des importations de tabac, les achats transfrontaliers, et par le marché parallèle, qui nourrit une forme de mafia moins sanctionnée que la mafia du narcotrafic.
Avec l’ancienne députée Zivka Park, nous avions effectué une mission d’information pendant la période du covid sur l’évolution de la consommation de tabac et du rendement de la fiscalité pendant le confinement. Durant cette période, en effet, il n’y avait plus d’achats transfrontaliers et très peu de possibilités de vendre du tabac dans un circuit parallèle ; la consommation étant en quelque sorte réinternalisée, nous pouvions évaluer à peu près quelle était la taille du marché parallèle, qui représente probablement plus de 20 % du marché et qui est en augmentation. Donc, nous devons continuer à augmenter les prix, mais il faut le faire dans le cadre d’un plan global. Ces amendements ne sont donc pas satisfaisants. Les buralistes doivent pouvoir eux-mêmes organiser leur transformation, car ils jouent un rôle très important dans l’aménagement du territoire de notre pays, comme tout le monde le constate. Nous ne devons donc pas agir avec brutalité ; il faut maintenir une augmentation continue des prix, selon une évolution établie depuis longtemps, et il faut surtout accompagner cette évolution sur le plan judiciaire, en luttant contre les achats illégaux, et en s’efforçant de rapprocher les prix du tabac au niveau européen. En effet, augmenter les prix du tabac sans concertation avec nos voisins crée un appel d’air. (Mme Olivia Grégoire applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
En réalité, il faut dire que nous avons quasiment tous raison. Premièrement, l’augmentation du prix du tabac diminue la consommation. Deuxièmement, il est vrai qu’elle accroît le commerce transfrontalier. Si nous regardons la carte de France, nous constatons que, en proportion, le recul du volume de tabac vendu chez les buralistes depuis 2017 demeure plus important dans les départements frontaliers que dans les départements qui ne le sont pas.
En revanche, nous vivons avec l’idée que l’augmentation du prix du tabac augmente le tabac de rue, de contrebande, mais c’est faux : ce sont les chiffres des études financées par l’industrie du tabac. Mais les chiffres de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), par exemple, ou d’autres organismes officiels, montrent que le tabac de contrebande représente moins de 1 % du marché. Dans la mesure où on prend en considération les volumes, la question n’est pas celle du tabac de rue mais du commerce transfrontalier. Nous devons donc faire un choix : soit nous augmentons le prix du tabac et la consommation diminuera globalement, mais les achats auprès des buralistes transfrontaliers diminueront, soit nous n’augmentons pas le prix du tabac, mais alors nous ne verrons pas la baisse attendue du tabagisme. Pour ma part, je choisis la première branche de l’alternative, mais j’entends évidemment qu’on défende un avis très différent.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Nous sommes tous d’accord pour lutter contre le tabagisme. Le problème est de savoir si l’outil prix est encore efficace. Le président de la commission des affaires sociales a fait état de la méga-étude montrant qu’une augmentation de 10 % du prix du tabac a pour effet une réduction de la consommation de 4 %. En fait, ce n’est pas tout à fait exact, car l’étude montre que cela dépend des pays, puisque cela dépend du prix relatif par rapport aux pays voisins. Or, du fait des augmentations successives, le prix français du tabac est désormais supérieur aux prix allemand, belge, luxembourgeois, espagnol, etc. Les écarts sont énormes, même sans prendre le cas du petit territoire situé entre la France et l’Espagne, Andorre, dans lequel on vend des paquets de cigarettes à 4,50 euros.
Monsieur Juvin, je ne suis pas du tout d’accord avec vous : ce n’est pas l’industrie du tabac qui indique l’ordre de grandeur du marché parallèle, mais les études de marché conduites par les organismes spécialistes du suivi de la consommation. Or elles montrent que ce marché parallèle augmente continûment et représente presque 40 % du marché ; nous avons donc épuisé l’outil fiscal. Je partage ce qu’a dit M. Léaument : c’est une politique très active de prévention qui constitue la mesure la plus efficace. Le taux de prévalence du tabagisme en France, qui est de l’ordre de 25 % – n’est-ce pas, monsieur le rapporteur général ? – est l’un des taux les plus élevés d’Europe. Nous voyons donc que la politique de prévention n’est pas bien adaptée.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
J’irai dans le même sens qu’Éric Woerth : nous disposons de courbes qui montrent ce qui se passe lorsqu’il y a une augmentation très forte du prix du tabac : un tassement, voire une légère diminution de la consommation.
Monsieur Philippe Juvin, en Eure-et-Loir, dans mon département, qui n’est pourtant pas près d’une frontière, puisque la première se situe à 400 kilomètres, les services de police et de gendarmerie m’ont informé à plusieurs reprises du démantèlement de réseaux illicites. Il est donc évident qu’il faut faire attention : si on procède à une augmentation, d’abord celle-ci doit être discutée avec la profession, en particulier avec les buralistes. En effet, nous défendons tous l’aménagement du territoire ; or les petits buralistes de campagne, comme le sont tous ceux de ma circonscription très rurale, savent quel est l’effet des inflexions du prix du tabac.
Ensuite, monsieur le ministre, j’imagine que de nouveaux plans d’ampleur de lutte contre les narcotrafics permettront d’améliorer l’arsenal des mesures. En effet, constater des ventes illicites de tabac au centre de la France doit conduire à mettre en question l’arsenal dont nous disposons : dès lors qu’il est insuffisant, il faut le conforter ; je le dis haut et fort. Ce n’est pas seulement un phénomène transfrontalier.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
C’est un débat important et qui fait, je le vois, l’objet d’un relatif consensus, même s’il y a des nuances quant aux moyens d’atteindre notre objectif. Je profiterai de la présence de la ministre de la santé et du ministre du budget pour insister sur le soutien que nous devrons apporter à l’application du protocole de l’Organisation mondiale de la santé dans la lutte contre le tabagisme. Ce protocole, adopté en 2012, signé par la France, est entré en application en 2018. Il vise à réglementer l’approvisionnement de cigarettes et à éviter le phénomène de surapprovisionnement. Thibault Bazin a évoqué le cas de la Lorraine, qui se situe dans une zone transfrontalière : on livre au Luxembourg sept fois plus de cigarettes que les Luxembourgeois n’en fument ; on livre en France 31 milliards de cigarettes seulement, alors que, pour satisfaire la consommation des Français, il faudrait 48 milliards de cigarettes. On – je dis « on » mais nous savons bien qu’il s’agit des industriels – organise donc le sous-approvisionnement de certains pays au bénéfice du surapprovisionnement d’autres…
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Bien sûr !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
…pour contourner les politiques tarifaires, les politiques publiques qui visent à lutter contre le tabagisme. Or l’application de ce protocole ne peut être qu’européenne. Néanmoins, une décision française de l’intégrer à notre législation serait un signal très fort. C’est le sens de la proposition de loi que j’ai défendue visant à appliquer le protocole de l’Organisation mondiale de la santé définissant des quotas de livraison de tabac pour empêcher les cigarettiers d’alimenter le commerce parallèle.
Les démarches doivent donc être européennes ; elles seront notamment discutées lors de l’élaboration de la directive « tabac » qui doit être à l’ordre du jour des instances européennes dans le courant cette année. Bien sûr, le poids des lobbies sera fort, mais celui des États aussi, et la voix de la France sera importante.
Nous reparlerons donc de ce sujet, qui sera certainement mis à l’ordre du jour de notre commission. Main dans la main, Gouvernement et Assemblée, nous devons avancer sur cette question afin de réguler les ventes de tabac. Ce sujet fait consensus parmi les buralistes et dans les associations qui luttent contre le tabagisme : le premier pas serait de réguler le marché de l’accès aux cigarettes.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je suis heureux de m’exprimer après le président de la commission, car la solution principale aux problèmes abordés précédemment est là, dans l’harmonisation européenne.
M. Thibault Bazin
Oui, j’en ai parlé depuis le début !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
La proposition de loi de Frédéric Valletoux est une étape importante ; bien sûr, elle ne peut pas à elle seule résoudre la question de l’harmonisation européenne, mais c’est un acte fort pour marquer la nécessité de faire du protocole de l’OMS un préalable à tout.
Reprenons l’exemple du Luxembourg, où les livraisons de tabac sont trop importantes par rapport au nombre d’habitants et donc de fumeurs. On voit très bien qu’il y a, d’une façon organisée commercialement, un passage des cigarettes de pays en pays, en évitant le réseau des buralistes. C’est là une chose que je ne peux pas accepter. Nous avons donc besoin de soutenir cette proposition de loi, de l’adopter de la manière la plus transpartisane possible puis de la défendre au niveau européen de manière très offensive. Non seulement j’y suis favorable mais je suis déterminé à vous accompagner sur cette question.
Ensuite, je rappellerai les prix, car, quand on parle de hausse de fiscalité, on parle du prix du paquet de cigarettes. Le plan national de lutte contre le tabac, qui date seulement d’il y a quelques mois et que le député Aurélien Rousseau a mentionné, a fixé un objectif : 13 euros le paquet de cigarettes à l’horizon 2027. Gardons donc ce cap, tout en ayant conscience de la différence de prix avec nos voisins – je ne mentionnerai que des pays frontaliers : un paquet de cigarettes, d’une marque fortement consommée par les fumeurs coûte 12,50 euros en France ; le même paquet est à 9 euros en Belgique ou en Suisse, 8 euros en Allemagne, 6,20 euros en Italie, 5,60 euros en Espagne.
Mme Olivia Grégoire
Eh oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Les différences de tarif sont donc importantes. La France a déjà fait le choix d’avoir l’un des prix les plus chers d’Europe – c’est le choix qui a été fait ; je ne dis pas qu’il s’agit d’une mauvaise décision – et d’être l’un des pays les plus chers au monde, à l’exception des pays anglo-saxons. Pour les réseaux de distribution de tabac et pour la lutte contre le trafic, notamment la contrebande, nous devons nous poser la question de notre positionnement dans un cadre européen qui n’est pas encore harmonisé, loin de là.
Monsieur Juvin, vous citez des chiffres sur les ventes de rue, que l’on peut probablement, sinon contester, du moins relativiser. En revanche, les chiffres des saisies douanières sont incontestables. Sans doute pouvons-nous nous féliciter du travail des douaniers, qui est remarquable et chaque année plus ambitieux, mais cela reflète aussi des flux de transport de cigarettes qui sont, eux-mêmes, de plus en plus importants. En 2017, les saisies de tabac de contrebande – je ne parle même pas de la contrefaçon – s’élevaient à 350 tonnes environ ; en 2022, cinq ans plus tard, elles s’élèvent à 650 tonnes. Il y a donc une croissance très importante de la contrebande : des ateliers clandestins sont démantelés, des entrepôts de stockage sont découverts.
Nous devons continuer la lutte contre ce phénomène qui fait partie du narcotrafic. Il faut tout prendre en compte. Non seulement il faut soutenir le travail des douaniers, comme nous le faisons à travers ce budget – je le rappelle au passage –, mais il faut aussi les aider à accomplir leur travail dans le cadre d’une harmonisation européenne, faute de quoi nous aurons toujours ce débat. Les réseaux de buralistes n’ont pas à payer de telles décisions au prix fort, par la fermeture de leur commerce de proximité ; ils ne doivent pas être les victimes de ces décisions. Nous devons donc les protéger.
Enfin, monsieur Léaument, les buralistes n’occupent pas des emplois néfastes. Nous avons besoin d’eux, car ils ne vendent pas que du tabac : dans la majorité de nos villages, ils entretiennent un lien social de proximité. C’est la raison pour laquelle j’ai défendu le monopole des produits nicotineux légaux, mais aussi les activités de diversification du réseau des buralistes, qui doivent s’adapter aux nouveaux modes de consommation et aux activités qui leur sont assignées. Nous devons protéger ce réseau de proximité, de commerce et de lien social.
Mme Olivia Grégoire
Excellent !
(Les amendements identiques nos 846, 894 et 2004 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 740 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 1707 de M. Stéphane Viry est défendu.
(L’amendement no 1707, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 297 de M. Paul-André Colombani est défendu.
(L’amendement no 297, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 1525, 1681 et 2145, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l’amendement no 1525.
Mme Ségolène Amiot
Les produits trop gras, trop salés ou trop sucrés ont des effets négatifs sur la santé de nos concitoyens, favorisant notamment l’obésité et le diabète. Plus les produits sont transformés, plus ils sont néfastes.
Nous proposons d’adopter une démarche gagnant-gagnant, en taxant non pas les comportements, mais la publicité des produits ultratransformés. En contrepartie, cette taxe financerait notre système de santé. Les industriels auraient le choix : participer largement au financement du système de santé en payant la taxe, ou ne pas faire de publicité et ne pas rendre les gens malades. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Ayda Hadizadeh applaudit également.)
Mme la présidente
L’amendement no 1681 de M. Vincent Thiébaut est défendu.
La parole est à M. Jean-François Rousset, pour soutenir l’amendement no 2145.
M. Jean-François Rousset
Le 4 octobre 2024, lors d’une réunion sur notre système de santé qui a eu lieu dans ma circonscription, j’ai assisté à un atelier consacré à la prévention. J’en ai tiré la conclusion suivante : le système de prévention doit égaler le système de soins.
L’amendement propose une taxe comportementale visant la publicité des aliments sucrés, afin de limiter leur consommation, notamment par les plus jeunes, très sensibles à la publicité. Cette taxe limiterait ponctuellement l’accès aux aliments sucrés, ce qui ne doit pas empêcher que, dans les mois à venir, la prévention devienne un sujet de santé publique organisé et coordonné. Le tabac, l’alcool, les drogues et le sucre préoccupent nos concitoyens.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Madame Amiot, si nous taxons la publicité au lieu du consommateur, les producteurs augmenteront leurs prix, afin de payer la taxe.
Mme Ségolène Amiot
Mais la publicité est totalement dispensable !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Je m’étonne de cette proposition, alors que vous n’avez pas voté en faveur des taxes comportementales sur le soda.
Mme Ségolène Amiot
Parce qu’on ne saque pas les comportements !
Mme Danièle Obono
Pas de stigmatisation !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement ; ici, il y a un problème d’énoncé.
Monsieur Rousset, votre amendement vise, d’une manière détournée, à apposer le nutri-score sur tous les produits. En effet, les enfants sont surtout victimes de publicités promouvant des aliments classés D ou E. Certes, nous souhaiterions que le nutri-score s’applique à tous les aliments mais, comme nous l’avons expliqué, la réglementation européenne ne permet pas à la France de le faire. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
Mme Ségolène Amiot
Vous pouvez le faire par décret !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Nous travaillons déjà avec l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), afin de limiter ces publicités pendant les heures de programmes jeunesse et familiaux.
La vraie question que posent ces amendements, selon moi, est de caractériser les produits concernés. Quel niveau de sucre et de gras fixer ? À ce stade, le taux serait arbitraire, car nous ne disposons d’aucune étude d’impact.
Mme Ayda Hadizadeh
C’est le nutri-score !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Pour des raisons techniques, ces propositions me semblent difficiles à concrétiser en l’état actuel des choses, mais cela ne doit pas empêcher la réflexion de se poursuivre.
S’agissant du sucre – sujet qui me tient à cœur –, nous devons établir des trajectoires avec l’industrie, afin de caractériser les sucres transformés et ultratransformés, et d’en diminuer la part dans les recettes industrielles. Ensuite, si ces produits ne remplissent pas le cahier des charges et font l’objet de publicité, alors ils seront taxés. Fixons comme objectif d’y arriver en 2027. Avis défavorable.
Mme la présidente
Je vais donner la parole à plusieurs d’entre vous, en vous demandant de ne pas dépasser une minute. Pour information, nous avançons au rythme d’une vingtaine d’amendements par heure.
La parole est à M. Théo Bernhardt.
M. Théo Bernhardt
Vous voulez tout taxer : la nourriture, le sucre, l’alcool, et maintenant, les publicités ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Nous sommes tous d’accord pour changer nos habitudes de consommation et limiter cette fameuse malbouffe mais, si, par malheur, tous vos amendements étaient adoptés, le prix de presque toutes les denrées achetables en grande surface exploserait. Êtes-vous vraiment les défenseurs du pouvoir d’achat des Français, quand vos propositions abaisseraient encore celui des plus précaires ?
Mme Élise Leboucher
Et vous, que proposez-vous ? Rien !
M. Théo Bernhardt
Monsieur le rapporteur, vous avez cité une étude de la revue Nature expliquant que le prix était la variable permettant de diminuer l’achat de ces mauvais produits. De mon côté, j’ai lu des études des universités de Cambridge et de Pennsylvanie, démontrant que l’augmentation des prix de l’alcool avait très peu d’impact sur le comportement des consommateurs excessifs. Au lieu de taxer, retaxer et surtaxer, ne faudrait-il pas rendre plus accessibles les produits sains et améliorer la prévention de la malbouffe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Ségolène Amiot.
Mme Ségolène Amiot
Remettez-vous en question : nous avons proposé la même chose et vous avez voté contre. Le montant investi dans l’industrie de la publicité suffirait à faire disparaître la faim dans le monde. Nous pourrions nourrir toute la planète !
Mme Olivia Grégoire
Supprimez les publicités !
M. Éric Woerth
Avec des si, on peut tout faire !
M. Thibault Bazin
Il faudrait permettre aux producteurs de produire !
Mme Ségolène Amiot
Nous proposons de taxer quelque chose dont on peut se passer – la publicité – et de cibler les produits ultratransformés, qui sont les plus nocifs. Sur le modèle du principe pollueur-payeur, nous promouvons le principe d’engraisseur-payeur. Selon vous, il faudrait se taire et croire que tout va bien, alors que les publicités visent les plus jeunes et les plus défavorisés !
M. Hervé de Lépinau
On n’a pas dit ça !
Mme Ségolène Amiot
Non, tout ne va pas bien. Nous devons financer notre système de santé mis à mal par les comportements alimentaires vendus par les publicitaires. (M. Hendrik Davi applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Il est important de lutter contre la publicité qui nous pousse au surconsumérisme, à la malbouffe et aux conduites addictives, entraînant une hausse de l’obésité. Mais soyons lucides : les industriels ne seraient pas les seuls à payer la taxe sur la publicité. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Un éclair de lucidité !
Mme Danielle Simonnet
Elle serait aussi acquittée par le consommateur.
Mme Olivia Grégoire
Ah !
Mme Danielle Simonnet
Sauf que – permettez-moi de reprendre l’argumentaire pertinent développé sur la taxe sur le soda, qui, à mon grand regret, a été rejetée par cette assemblée –,… (Mme Ayda Hadizadeh applaudit)
M. Jean-Pierre Vigier
C’est à cause de vos amis !
M. Cyrille Isaac-Sibille
Les Insoumis ne l’ont pas votée !
Mme Danielle Simonnet
…en raison du surcoût lié à la taxe, les industriels anglais ont diminué la part de sucre dans les sodas. De la même manière, en ce qui concerne la publicité, l’effet recherché n’est pas une hausse du coût pour le consommateur, même si c’est un risque, mais l’abandon de la publicité par les industriels.
Cela étant dit, l’amendement no 1737 que défendra Sabrina Sebaihi me semble plus pertinent que ceux-ci, car il s’appuie sur le nutri-score, désormais obligatoire.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie
Alors que la publicité pour la malbouffe est estimée à 5 milliards d’euros, celle pour « manger, bouger » représente 1 000 fois moins. Prenons donc la mesure de l’écart entre le poids de la publicité en faveur de l’industrie agroalimentaire, d’un côté, et nos actions de prévention, de l’autre. Il est à la fois logique et nécessaire qu’une taxe prélevée sur la publicité finance la prévention. (M. Yves Tavernier applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Ayda Hadizadeh.
Mme Ayda Hadizadeh
Notre pays est confronté à une épidémie d’obésité galopante, qui n’existait pas dans la fameuse France d’antan chantée par certains. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Cette épidémie est liée à une surconsommation de produits néfastes pour la santé, qui commence très tôt, par des produits trop gras, trop sucrés et trop salés, parce que les industriels investissent des milliards d’euros dans les publicités.
L’essence de la loi est de protéger les plus vulnérables face aux puissants. Ici, les plus vulnérables, ce sont les enfants. Une taxe sur la publicité de ces produits les protégerait. Tant pis – et même tant mieux – si leur prix augmente. Certains comportements doivent changer : aidons les parents à faire mieux manger leurs enfants. La France était le pays de la « bonne bouffe », pas de la malbouffe. Revenons à des comportements plus sains – les parents ne demandent que ça.
Quand nous sommes en campagne dans nos circonscriptions, nous voyons un grand nombre d’autocollants « Stop publicité » sur les boîtes aux lettres. Cela en dit long sur le rapport des Français à la publicité envahissante. Taxons donc la publicité sur les produits néfastes pour la santé des plus vulnérables.
Mme la présidente
La parole est à Mme Olivia Grégoire.
Mme Olivia Grégoire
Je le redis, il n’y a pas une once de divergence quant au constat. Il faut, vite, une approche globale face à cette épidémie que sont les troubles du comportement alimentaire et l’obésité.
Toutefois, taxer la publicité sur les produits trop gras, trop salés, trop sucrés, les renchérira, alors qu’une autre taxe a déjà augmenté leur coût. Tout cela pour qu’ils soient toujours consommés car certains parents ne changeront pas leur consommation pour 20 ou 30 centimes de plus. Pire, des effets d’éviction vers des produits d’une qualité encore moindre sont à prévoir.
Il faut donc prendre le temps de poser le débat, peut-être sous la forme d’une mission – vous êtes nombreux à connaître la question –, car une approche globale est nécessaire.
Je n’ai pas parlé d’éducation à la santé par hasard : il y a bien là un enjeu. Apprenons à nos enfants les fruits, les légumes, la saisonnalité, les laitages, à l’école. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Cela ne sera pas suffisant. Alors, allons jusqu’au bout. Plutôt que de taxer la publicité, interdisez la prescription publicitaire pour les enfants ! (Mêmes mouvements.)
Mme Ayda Hadizadeh
Allez-vous la voter ?
Mme Olivia Grégoire
Laissez-moi finir ! Il y a quelques mois, plutôt que de tout taxer, l’amendement du sénateur communiste Fabien Gay interdisait les pubs sur les produits à destination des enfants. Il était plus cohérent ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Ségolène Amiot
Nous l’avons proposé l’année dernière mais vous l’avez refusé !
M. Laurent Jacobelli
On a le droit de ne pas être d’accord avec vous, madame Amiot !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Monsieur Bernhardt, vous avez visiblement confondu les différentes études. Celles portant sur l’alcool montrent qu’il existe un effet dissuasif, par exemple de l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs, interdiction qui doit être renforcée.
S’agissant du tabac, trois éléments sont dissuasifs : le prix, le message sur le paquet – contrairement au Canada, il a peu d’effet sur la jeunesse française – et, Aurélien Rousseau l’a dit, l’interdiction de fumer dans les lieux publics ou dans les locaux professionnels ; l’interdiction de fumer dans les lieux publics diminue la prévalence de 28 %, celle de fumer sur son lieu de travail de 10 %. Ce sont sans doute des privations de liberté mais même de gros fumeurs passent une journée dans des centres de loisirs sans fumer.
Mme la présidente
Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 1525.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 98
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l’adoption 42
Contre 53
(L’amendement no 1525 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 1681 et 2145, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 198, 1737, 1885 et 1989, pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur les amendements identiques nos 198 et 1737, je suis saisie par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 198.
M. Jérôme Guedj
Ces amendements visent à répondre à certaines des objections de la ministre et à promouvoir le nutri-score, dont tout le monde souligne la nécessité.
L’amendement no 198 tend à obliger les industriels qui ne mentionnent pas le nutri-score sur leurs publicités à verser une contribution dont le produit sera fléché vers la Caisse nationale d’assurance maladie.
Il va donc dans le même sens que l’amendement de M. Isaac-Sibille qui a déjà été voté, même s’il modifiait le code des impôts quand nous proposons de changer les dispositions du code de la sécurité sociale. L’amendement est donc un peu redondant, mais abondance de biens ne nuit pas. L’objectif est d’inciter les industriels à communiquer sur le nutri-score.
J’en profite pour défendre également l’amendement no 1885, qui vient après cette discussion commune et qui a ma préférence car il répond aux objections soulevées en commission, notamment par M. Rousset. Il s’agit d’exclure les produits qui bénéficient d’une AOP. (M. Bertrand Bouyx applaudit.)
J’ai entendu l’argument, et je cherche par de petits pas à construire un compromis, afin que cette mesure puisse être adoptée. Un sous-amendement de M. Rousset l’étend d’ailleurs à tous les signes de qualité, nationaux ou européens. Label rouge ou indications géographiques protégées (IGP) seront alors concernés, ce qui est plus discutable.
On doit pouvoir fixer une obligation de mentionner le nutri-score dans les publicités, ce qui, indirectement, conduirait à une obligation du nutri-score. Cela permet d’incarner les dispositions de M. Isaac-Sibille, qui se heurteront aux objections européennes puisque l’on ne peut pas rendre obligatoire ce que le règlement européen ne prévoit pas. Le seul moyen d’atteindre cet objectif est d’introduire une obligation en matière de publicité et de communication, ce que nous appelons de nos vœux.
Informer sur le nutri-score n’est pas stigmatiser des produits mais éduquer à l’alimentation et à des comportements vertueux. Plus on contraindra les industriels à populariser le nutri-score pour éviter de payer une taxer sur la publicité, plus on pourra mener des actions d’éducation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Dem.)
Il faut dire à nos concitoyens de consommer en priorité des aliments A ou B, et quelques produits D ou E – mais pas uniquement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement no 1737.
Mme Sabrina Sebaihi
Nous revenons à la question du nutri-score, dont il a été beaucoup question précédemment. J’ai entendu dire que l’Europe n’avait pas décidé de le rendre obligatoire pour tous les produits. Pourtant, rien ne nous interdit d’être mieux-disant que l’Union européenne sur cette question. Il faut adopter cette mesure essentielle. D’ailleurs, nous l’avons votée tout à l’heure.
Les entreprises ont aussi été évoquées, qu’il s’agisse du tabac ou de l’alcool. Je rappelle que celles qui jouent le jeu du nutri-score sont les très petites, petites et moyennes entreprises. (Mme Danielle Simonnet et Mme Ségolène Amiot applaudissent.) Au contraire, les grands groupes – Coca-Cola, Ferrero, etc. – refusent de jouer le jeu. Ils mettent sur le marché de mauvais produits, notés D ou E, ce qu’ils ne souhaitent pas indiquer car ils ne veulent pas perdre d’argent. Cela veut bien dire que l’affichage du nutri-score fonctionne : il aide le consommateur à choisir ce qu’il va consommer. Nous devons lui donner la possibilité de choisir entre consommer un produit D ou A.
De plus, certains industriels ont diminué le taux de sucre dans leurs recettes, de céréales notamment, pour obtenir un meilleur nutri-score. Il fonctionne donc aussi d’un point de vue alimentaire.
Je vous invite donc à voter ces amendements qui servent la santé publique, en permettant à nos concitoyens de consommer en connaissance de cause.
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs sous-amendements identiques, nos 2376, 2381, 2369 et 2373, à l’amendement no 198.
Les sous-amendements nos 2376 et 2381 sont identiques.
La parole est à M. Jean-François Rousset, pour soutenir le sous-amendement no 2376.
M. Jean-François Rousset
Mme Sebaihi a dit que les industriels peuvent adapter leurs recettes mais, lorsqu’il est question d’AOP et d’IGP, c’est-à-dire de produits fabriqués dans nos communes depuis des années, c’est impossible. La charte d’une AOP ne peut pas être modifiée.
Il est en effet intéressant d’informer le consommateur des risques liés à la malbouffe et aux produits industriels transformés. Je propose cependant d’exclure de la proposition de Jérôme Guedj tous les produits qui ont obtenu un label de qualité, qu’il soit européen ou français, car ils correspondent à une réalité de notre territoire, à une culture, à une tradition, que l’on ne peut pas changer. La charte de l’AOP « Roquefort » a été signée il y a cent ans dans cet hémicycle. Respectons-la !
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir le sous-amendement no 2381.
Mme Danielle Brulebois
Comme mon collègue, je défends les AOP ainsi que les IGP et les AOC, qui répondent à des cahiers des charges très stricts. Le nutri-score, conçu pour des produits ultratransformés, ne prend pas en compte l’absence d’additifs ou d’organismes génétiquement modifiés, pas plus que la défense d’un modèle d’agriculture durable.
Dans le cas du comté, par exemple, il ne dit rien de sa valeur nutritionnelle. Cet aliment, certes riche en calories, contient une grande quantité de calcium et de phosphore, atouts majeurs pour garantir une bonne santé osseuse et une bonne masse musculaire. Il constitue également une source d’oligo-éléments, de sels minéraux, de protéines et de vitamines A, B12 et B2
M. Ugo Bernalicis
Dans la bière aussi, il y a plein de vitamines !
Mme Danielle Brulebois
Ces remarques valent aussi pour d’autres fromages AOP comme le camembert, le brie et le roquefort, qui entrent dans une alimentation saine et équilibrée.
M. Sébastien Peytavie
On ne va pas manger que cela, tout de même !
Mme Danielle Brulebois
Le fait que certaines barres de céréales soient classées A montre que l’algorithme ne tient pas compte de la valeur nutritionnelle des aliments.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir le sous-amendement no 2369.
M. Thibault Bazin
Ce débat me rappelle le débat sur le dispositif TODE, l’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi, où chacun défend son fruit – moi, en Lorraine, c’est la mirabelle. Vous avez évoqué le camembert, mais la moitié du munster français est produit dans ma circonscription, bien qu’il soit parfois affiné ailleurs.
On le voit, des publicités valorisent nos produits locaux. Des politiques publiques, notamment agricoles, visent à favoriser les produits de qualité, respectant des cahiers des charges comportant des normes environnementales plus vertueuses.
Dès lors que ces produits sont locaux et qu’ils présentent des qualités nutritionnelles réelles, il serait dommage que le nutri-score leur fasse une sorte de contre-publicité. On ne peut pas dire à nos concitoyens de ne pas consommer de fromages parce que 93 % d’entre eux ont un nutri-score D. Pour résoudre ce paradoxe, il faut les enlever de la cible que prévoit Jérôme Guedj.
Par ailleurs, l’amendement no 198 ne vise pas uniquement les industriels et les grands groupes. Les « imprimés » que mentionne l’exposé des motifs sont souvent réalisés par des producteurs locaux et par des artisans. Obliger ceux-ci à ajouter un élément d’information déconnecté du reste peut leur être préjudiciable, alors qu’ils produisent des aliments de qualité, ce qui est tout à leur honneur.
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Bouyx, pour soutenir le sous-amendement no 2373.
M. Bertrand Bouyx
Je souscris aux propos des précédents orateurs. Puisque la loi Egalim du 30 octobre 2018, que nous avons adoptée, protège les labels, il y a une contradiction dans l’amendement de M. Guedj,…
M. Jérôme Guedj
Je prends les sous-amendements !
M. Thibault Bazin
Il émet un avis favorable aux sous-amendements ! (Sourires.)
M. Bertrand Bouyx
…dont l’approche est beaucoup trop générale. Même si nous poursuivons le même objectif que lui, il nous faut, afin de les protéger, exclure du dispositif les marques distinctives garantissant l’origine géographique ou la qualité ; c’est ainsi que nous respecterons l’esprit d’Egalim.
Mme la présidente
La discussion est trop longue, chers collègues : je suis forcée d’en renvoyer la suite à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ;
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra