Première séance du lundi 19 mai 2025
- Présidence de Mme Nadège Abomangoli
- 1. Droit à l’aide à mourir
- Rappel au règlement
- Discussion des articles (suite)
- Article 4 (suite)
- Amendements nos 591 et 1481
- Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des affaires sociales
- Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
- Amendements nos 519, 1314, 1422, 2500, 898, 273, 1447 et 2260
- M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
- Amendements nos 592, 744, 1906 et 2040
- M. Stéphane Delautrette, rapporteur de la commission des affaires sociales
- Amendements nos 1263, 207, 1265 et 493
- Mme Élise Leboucher, rapporteure de la commission des affaires sociales
- Suspension et reprise de la séance
- Suspension et reprise de la séance
- Article 4 (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Droit à l’aide à mourir
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Olivier Falorni relative au droit à l’aide à mourir (nos 1100, 1364).
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. René Pilato, pour un rappel au règlement. Il est fondé sur quel article ?
M. René Pilato
Sur le fondement de l’article 100 relatif à la bonne tenue des débats. Certains parmi nous vont sur les médias, notamment ce matin sur France Info, expliquer que des malades concernés par le texte auraient encore des années à vivre…
Mme la présidente
Venez-en au cœur de votre rappel au règlement.
M. René Pilato
C’est inadmissible, parce que c’est un mensonge.
Mme la présidente
Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur le député. Vous vous inscrirez au cours du débat pour prendre la parole.
M. Stéphane Vojetta
On ne fait pas la revue de presse !
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Samedi 17 mai, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant aux amendements identiques nos 591 et 1481 à l’article 4.
Article 4 (suite)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 591 et 1481.
La parole est à M. Arnaud Simion, pour soutenir l’amendement no 591.
M. Arnaud Simion
Je commencerai par dire que je souscris évidemment aux propos de mon collègue Pilato.
C’est ma première prise de parole dans l’hémicycle sur cette proposition de loi. À cette occasion, je tiens à saluer l’engagement d’Olivier Falorni, qui se bat depuis tant d’années pour la création de ce nouveau droit. Monsieur le rapporteur général, vous aimez à dire – et vous avez raison – que vous souhaitez un texte encadré et équilibré. Nous étudions précisément les conditions d’accès à ce droit et ses modalités d’application.
Cet amendement des députés Socialistes et apparentés propose de supprimer la condition de nationalité française ou de séjour régulier pour pouvoir demander l’aide à mourir. Nous le demandons au nom de nos valeurs, ainsi que du respect des droits de l’homme et des droits humains fondamentaux.
Je ne dis pas, monsieur le rapporteur général, que vous pourriez manquer d’humanité ou d’humanisme – comment le pourrais-je ? Je rappelle seulement que, si un étranger sans résidence stable et en situation irrégulière demande à accéder à l’aide à mourir, c’est qu’il a été déjà pris en charge, qu’il est suivi et qu’on lui a proposé de bénéficier de ce droit, dans le cadre de son parcours médical.
De plus, je note que le Conseil économique, social et environnemental (Cese) et la Convention citoyenne sur la fin de vie ne mentionnent aucune condition de nationalité et de résidence stable pour l’accès à l’aide à mourir.
Enfin, à ma connaissance, la loi Claeys-Leonetti ne mentionne pas ces conditions. Son article 1er dispose que : « Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet, pour soutenir l’amendement no 1481.
M. Yannick Monnet
Il vise à ouvrir le droit à l’aide à mourir à toute personne, quelles que soient sa nationalité ou ses conditions de résidence en France. En 2024, le gouvernement a présenté son texte comme un acte de solidarité et de fraternité. C’est précisément parce que nous défendons un tel modèle à la française qu’il nous semble impératif de lever la condition de nationalité ou de résidence stable prévue à l’article 4 de cette proposition de loi.
Dans les pays qui ont légiféré avant nous, cette condition n’est pas systématiquement requise. Ce n’est par exemple pas le cas en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse ou encore au Canada. C’est grâce à cela que certains de nos concitoyens ont pu mettre un terme à leurs souffrances en accédant à l’aide à mourir qui n’était pas autorisée en France. Et c’est sans doute grâce à eux qu’aujourd’hui, la France se décide enfin à entendre et à répondre à cette demande.
Il importe donc que la France elle-même ne conditionne pas ce nouveau droit à la nationalité, mais que, dans un esprit véritablement humaniste, elle le garantisse à tout malade réclamant une aide à mourir. Je rappelle que la convention citoyenne du Cese n’avait pas retenu de telles conditions.
Mme la présidente
La parole est à Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des affaires sociales
Gardons toujours en tête que l’aide à mourir n’est pas un acte isolé : elle doit s’inscrire dans un parcours global d’accompagnement.
J’ajoute, même si ce n’est pas la raison la plus importante, que les mentions que vous entendez supprimer constituent des conditions classiques en droit de la protection sociale. Il sera donc beaucoup plus facile pour la sécurité sociale de s’y référer.
Je suis défavorable à ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, pour donner l’avis du gouvernement.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Comme l’a rappelé M. Monnet tout à l’heure, nous avons déjà eu cette discussion, l’année dernière. Le principe est d’inscrire la demande d’aide à mourir dans le parcours de soins, d’où la nécessité de prendre en compte la résidence habituelle.
Lisez bien l’alinéa jusqu’au bout, car il mentionne deux critères : la nationalité française ou la résidence stable et régulière. La seconde partie de cette phrase est très importante, parce qu’elle prévoit le cas d’une personne étrangère, inscrite dans un parcours de soins en France, qui demanderait l’aide à mourir, parce que ses souffrances ne peuvent être soulagées.
En revanche, l’idée n’est pas d’accueillir des personnes qui ne viendraient en France que pour bénéficier de l’aide à mourir. C’est tout le sens de l’alinéa 6 de l’article 4. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Simion.
M. Arnaud Simion
Madame la ministre, j’aimerais une réponse à la question que j’ai posée sur la loi Claeys-Leonetti.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Nous aurons l’occasion d’en parler par la suite. Nous souhaitons inscrire la demande d’aide à mourir dans le cadre d’un parcours qui inclut les soins palliatifs, alors que ce qui est prévu par la loi Claeys-Leonetti est complètement différent : le malade qui reçoit une sédation profonde et continue est déjà en fin de parcours à l’hôpital.
Nous avons longuement débattu de la nécessité de proposer préalablement des soins palliatifs. Il y a bien une différence entre ces deux actes – cela a été suffisamment dit, depuis une semaine – qui justifie que l’approche ne soit pas la même.
(Les amendements identiques nos 591 et 1481 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de huit amendements, nos 519, 1314, 1422, 2500, 898, 273, 1447 et 2260, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 519, 1314, 1422 et 2500, ainsi que les amendements nos 1447 et 2260, sont identiques.
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 519.
Mme Justine Gruet
Si, la semaine dernière, nous nous sommes gargarisés de la bonne tenue de nos débats, j’ai pourtant eu le sentiment qu’on ne nous laissait pas toujours nous exprimer. J’espère que nous commencerons cette semaine dans un état d’esprit différent.
Madame Rousseau, j’ai été sincèrement touchée quand vous avez insinué qu’en parlant de « tourisme » j’aie pu penser une seconde que les gens qui partaient à l’étranger pour leur fin de vie le faisaient d’un esprit léger.
J’ai donc vérifié la définition du terme : le tourisme est un phénomène social, culturel et économique, qui suppose des mouvements de personnes vers des pays ou des lieux situés en dehors de leur environnement habituel, intervenant pour affaires, motifs professionnels ou personnels. C’était bien dans ce sens que j’ai parlé de tourisme – je ne me serais pas permis d’être provocatrice.
M. Philippe Juvin
Très bien !
Mme Justine Gruet
L’amendement tend à protéger la France de ce phénomène, car il est vrai que tout cela peut être très difficile.
Madame la rapporteure, vous venez d’indiquer que l’aide à mourir s’inscrivait dans un parcours d’accompagnement. Ce n’est pas vrai car le patient peut avoir refusé les soins et l’accompagnement : l’aide à mourir ne s’inscrit pas obligatoirement dans le parcours que vous évoquez.
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 1314.
M. Gérault Verny
L’amendement tend à supprimer l’accès au droit à l’aide à mourir pour les personnes résidant de manière stable et régulière en France. Ce droit devrait être réservé aux seuls citoyens français. Il ne s’agit pas d’opter pour l’exclusion, mais de rappeler que la fin de vie et, plus encore, l’aide médicalisée à mourir engagent des responsabilités.
Entre 2009 et 2012, le nombre d’étrangers se rendant en Suisse pour un suicide assisté a doublé. On parle aujourd’hui de tourisme de la mort.
Mme Danielle Simonnet
Quelle honte d’employer cette expression ! Honte à vous !
M. Gérault Verny
Parmi les 611 personnes venues de 31 pays, 66 étaient françaises. Ce phénomène montre ce qui arrive quand l’aide à mourir devient un service : elle attire, elle se banalise, elle franchit les frontières.
Autoriser toute personne résidant régulièrement en France à y accéder, c’est prendre le risque de faire de notre pays un point d’attraction pour le tourisme de la mort, au moment même où nous ouvrons un cadre juridique très sensible, inédit et encore fragile.
La nationalité n’est pas un simple critère administratif. Elle exprime l’appartenance à une communauté politique et à un corps social qui assume collectivement, juridiquement, éthiquement et financièrement les choix posés en matière de soins.
En tant que geste ultime, l’aide à mourir doit rester une prérogative strictement liée à cette appartenance. D’autres droits peuvent être partagés plus largement, mais pas celui-là, qui engage la société jusque dans ses fondements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et DR.)
Mme la présidente
L’amendement no 1422 de M. Alexandre Allegret-Pilot est défendu.
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir les amendements nos 2500.
M. Philippe Juvin
Si vous le permettez, madame la présidente, je défendrai également l’amendement no 273 de Mme Christelle Petex puisque je l’ai cosigné.
À l’issue de notre première semaine de travail, je voudrais remercier Mme la ministre et M. le rapporteur général qui acceptent d’entendre des avis divergents. Il est vrai que nous ne sommes pas d’accord, mais ce n’est pas un drame, parce que c’est un débat démocratique. Dans cet endroit, il est normal de ne pas être d’accord.
Que M. Pilato ne s’émeuve pas : en démocratie, un député peut avoir un avis différent d’un autre député, et il peut même exprimer cet avis dans les médias. (Sourires.) Cela paraît incroyable, mais c’est ainsi : cela s’appelle la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, ainsi que sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
Les amendements nos 2500 et 273 sont liés. J’ai beaucoup hésité à déposer mon amendement. Soit l’aide à mourir est un soin et, dans ce cas-là, il est superfétatoire, car les conditions d’accès aux soins sont remplies quand on réside en France de manière stable et régulière ; soit elle n’est pas un soin – vous avez compris que c’est ce que nous pensons – et, dans ce cas, le critère de la durée stable et régulière est très imprécis.
C’est pour cela que nous avons déposé l’amendement Petex, lequel vise à circonscrire la résidence régulière à cinq ans – nous aurions pu discuter de la durée, bien entendu. Toutefois, la question, je le répète, reste la suivante : est-ce un soin, n’est-ce pas un soin ? Si c’est un soin, les critères sont superfétatoires ; si cela ne l’est pas, ils sont trop vagues.
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 898.
M. Gérault Verny
Cet amendement de repli vise à remplacer la notion vague de résidence stable et régulière par une condition claire : « avoir vécu sur le territoire français depuis au moins cinq années consécutives ». Là encore, il s’agit de contrer le tourisme de la mort, une France devenue destination de fin de vie pour des personnes venues de l’étranger uniquement en vue de bénéficier de l’aide à mourir. Ce serait une banalisation inacceptable de l’acte létal. Ce serait une mise à disposition du système de santé français au service d’une logique utilitariste, déconnectée de tout lien durable avec notre société. (M. Michel Lauzzana s’exclame.)
La rédaction de l’alinéa 6, « résider de façon stable et régulière en France », est juridiquement floue, sujette à interprétation, insuffisamment protectrice. Elle laisse la porte ouverte à des situations transitoires ou à des demandes formulées par des personnes n’ayant en France aucun parcours de soins préalable ; or l’aide à mourir ne peut être envisagée que dans le cadre d’une relation à long terme entre patient et système de soins, avec une continuité du suivi, une connaissance fine de l’état du malade, de son histoire médicale, psychologique et sociale.
Fixer une durée minimale de présence sur le territoire, c’est garantir que ce droit ne sera accessible qu’à ceux qui sont pleinement insérés dans notre communauté de soins et de droit ; c’est aussi respecter l’esprit de solidarité nationale sur lequel repose notre système de santé. La fin de vie n’est pas une prestation transfrontalière, mais un moment de gravité qui engage l’éthique d’un pays, et cette éthique commence par poser des limites claires.
Mme la présidente
L’amendement no 273 de Mme Christelle Petex a été défendu par M. Juvin il y a un instant.
Toujours dans la discussion commune, nous en venons aux deux amendements identiques, nos 1447 et 2260.
La parole est à M. Yannick Monnet, pour soutenir l’amendement no 1447.
M. Yannick Monnet
Nous, nous proposons d’assouplir les conditions relatives au critère de résidence sur le territoire français.
Arrêtons avec ce fantasme : il n’y a pas de tourisme de la mort ! Un peu plus de 100 personnes sont parties dans un autre pays pour avoir droit à l’aide à mourir ; ne faisons pas croire que des gens viendraient en masse mourir en France. Ils peuvent le faire chez eux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Camille Galliard-Minier applaudit également.) Ce sont tout de même des cas très particuliers. Ne comparez pas le tourisme de l’aide à mourir au tourisme sexuel, qui présente une autre dimension – vous voyez ce que je veux dire. Cette association ne me choque pas, mais, intellectuellement parlant, il ne peut y avoir de tourisme de l’aide à mourir : encore une fois, si les gens sont en mesure de mettre fin à leur vie, ils le font chez eux, non dans un autre pays. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. René Pilato, pour soutenir l’amendement no 2260.
M. René Pilato
Sérieusement, collègues, prendra-t-on le risque de traverser la Méditerranée, de couler, pour bénéficier de l’aide active à mourir ?
M. Gérault Verny
Il n’y a pas que les Africains !
M. René Pilato
Encore une fois, ce n’est pas sérieux ! Nous proposons donc, par devoir d’humanisme, de remplacer « et » par « ou » à l’alinéa 6 qui évoque l’obligation de « résider de façon stable et régulière en France ». Si quelqu’un qui est en France depuis un ou deux ans, qui n’est pas en situation régulière, est en train d’agoniser, il n’aura pas droit à l’aide à mourir ? On va le laisser souffrir ? Je vous invite donc à voter pour les amendements identiques nos 1447 et 2260, dont le contenu est en lien avec le texte et tout ce que celui-ci comporte d’humanité.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune.
M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
En ce début de semaine, je voudrais, comme l’ont fait Philippe Juvin et Christophe Bentz lorsque nous avons interrompu nos travaux samedi soir, remercier les députés, qui ont débattu avec beaucoup de cordialité, de respect, de dignité. J’espère que la semaine que nous entamons, et qui va être longue, se passera dans le même esprit.
Dans le cadre de cette discussion commune, nous abordons une série d’amendements opposés entre eux, ce qui semble montrer que notre texte est parvenu à un bon équilibre.
M. Philippe Juvin
Il est malin ! Il est intelligent !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Je commencerai par souligner que tous ces amendements prévoient des dérogations importantes à la condition de résidence stable et régulière, pourtant devenue un principe cardinal guidant largement l’accès à notre système de protection sociale. Ce principe repose notamment sur celui de l’égalité entre les personnes et devant les charges publiques, ainsi que sur l’idée que le médecin ou le professionnel de santé qui accompagnera la personne malade devrait idéalement être un professionnel qui la connaît et qui la suit habituellement.
L’amendement no 519 et les amendements identiques visent à supprimer le critère de résidence stable et régulière en France, réservant le bénéfice de l’aide à mourir aux seules personnes ayant la nationalité française.
Je vous rappelle qu’il n’est pas habituel, dans notre système de soins, que l’accès à une prise en charge soit soumis à une condition de nationalité : il serait certainement contraire au principe d’égalité d’établir une différence de traitement entre assurés sociaux résidant en France régulièrement et de manière stable. Au nom de quoi pourrait-on refuser l’accès à l’aide à mourir à des personnes qui ont dans notre pays des attaches solides, qui sont en situation régulière, contribuent à notre modèle social, au seul motif de leur nationalité ? Ce serait, je le répète, contraire à nos principes. Comme vous le savez, l’aide à mourir s’inscrira par ailleurs dans une prise en charge globale, que tout le monde appelle de ses vœux. C’est aussi une raison pour laquelle il est important de maintenir le critère de résidence et d’exclure les personnes qui n’ont pas une résidence stable et régulière.
D’autres amendements prévoient une condition de résidence ou de présence sur le territoire durant cinq ans. Monsieur Verny, je sais que vous avez déposé des centaines d’amendements, mais je ne suis pas sûr que, dans le nombre, vous ayez bien lu ou bien compris celui-ci, dont l’adoption ouvrirait l’aide à mourir aux personnes en situation irrégulière. Je ne suis pas sûr que ce soit là l’esprit de votre amendement !
M. Gérault Verny
C’est vous qui ne l’avez pas bien lu !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Si, je l’ai très bien lu, monsieur Verny ! J’ai même lu des centaines et des centaines d’amendements ;…
Mme Danielle Simonnet
M. Verny progresse peut-être !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
…si vous voulez, nous détaillerons les vôtres, dont je pense pouvoir faire un bêtisier.
M. Gérault Verny
C’est ça que vous appelez le respect et la dignité lors des débats ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Je suis dans le respect du débat, puisque j’explique que l’adoption de votre amendement entraînerait l’accès à l’aide à mourir des personnes en situation irrégulière. Encore une fois, je vous invite, monsieur Verny, à lire les amendements que vous avez déposés !
S’agissant des amendements identiques qui prévoient de rendre alternatifs, non cumulatifs, les critères de régularité et de stabilité, je rappellerai que ces derniers visent à garantir le fait que l’aide à mourir ne sera pas un acte isolé : elle doit s’inscrire, je le répète, dans une prise en charge globale, qui ne peut être réalisée en dehors de ces critères.
Il ne faut laisser personne croire que nous pourrions instaurer un système permissif – pas davantage qu’un système restrictif.
Les amendements soumis à cette discussion commune ne feraient donc qu’introduire de la confusion, ce qui serait préjudiciable à la clarté de notre cadre législatif et réglementaire. Sur un tel sujet, nous ne pouvons nous le permettre. S’appuyer sur la notion de résidence stable et régulière permet par ailleurs d’assurer une coordination avec l’assurance maladie, qui vérifiera le respect de l’ouverture des droits sans imposer aux médecins une nouvelle charge de travail. Pour toutes ces raisons, pour préserver l’équilibre du texte, je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable sur chacun d’entre eux.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis que le rapporteur général ; je voudrais notamment redire que c’est l’affiliation à l’assurance maladie qui détermine la résidence stable et régulière, puisque, par définition, elle permet de constater que le patient est bien dans notre pays et qu’il y est effectivement soigné. Au-delà de son aspect administratif, cet élément veut dire que le médecin suit le patient et le connaît, ce qui est extrêmement important dans le cadre de la démarche dont nous parlons.
Je rappelle aussi que le Conseil d’État a estimé dans son avis que les conditions de nationalité et de résidence ne méconnaissent « pas les principes constitutionnels et conventionnels ».
Pour revenir sur la question de ce qui se passe à l’étranger, la majorité des États qui ont introduit dans leurs normes cette notion de droit à mourir prévoient une clause de nationalité ou de résidence plus ou moins longue. C’est le cas de l’Espagne, de l’Autriche, du Portugal, et en dehors de l’Europe de l’Oregon, du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande. La question étant revenue plusieurs fois dans nos débats, nous pouvons également étudier le cas des pays qui n’ont pas introduit cette clause. Je vous communique les chiffres dont je dispose : en Belgique, les Français concernés, en 2023, auraient représenté 101 non-résidents sur 110. Si je prends l’exemple de la Suisse, où la situation est moins centralisée, l’association Dignitas compte 50 Français concernés sur 250 non-résidents. Pour toutes ces raisons, je le répète, avis défavorable à tous ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Par rapport à nos précédentes propositions, la plupart de ces amendements sont en retrait. Nous voterons évidemment contre, sauf évidemment pour ce qui concerne les deux derniers.
Il y a là une question d’égalité de traitement, M. le rapporteur général et Mme la ministre l’ont bien souligné, mais aussi une question d’humanité. Vous avez des patients soignés, traités, suivis en France qui ne sont pas Français ; au moment où ils souffriront, où ils répondront à l’ensemble des autres critères prévus par l’article 4, ils ne pourront accéder à l’aide à mourir en France. On va leur dire : « Écoutez, nous sommes désolés, rentrez chez vous ! » Où est l’humanité dans ce traitement-là ? Encore une fois, c’est vraiment une question à la fois d’égalité et d’humanité.
Pour notre part, nous souhaitions plus largement que les personnes traitées en France, qu’elles soient Françaises ou non, et même si elles n’y résident pas, puissent accéder à l’aide à mourir.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Je voudrais dire à Mme la ministre que la question du soin en France n’est pas liée à l’affiliation à la sécurité sociale.
M. Arnaud Simion
Exactement !
Mme Sandrine Rousseau
Une personne étrangère ne cotisant pas en France peut arriver aux urgences d’un hôpital, elle sera soignée. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.) C’est absolument essentiel : il y aurait sinon non-assistance à personne en danger, et il s’agit là du système universaliste que nous avons choisi après guerre, dont nous sommes très fiers.
Pour aucun soin, à aucune étape médicale on ne demande la carte d’identité ou la nationalité du patient. En l’occurrence, il s’agira de personnes sur le point de mourir dont les souffrances sont réfractaires à tout traitement, dont la maladie est incurable, qui se trouvent en phase terminale. Et nous allons leur dire que parce qu’elles ne sont pas Françaises, elles n’ont pas droit à l’aide à mourir ! C’est contraire à toute la philosophie de la France, à la philosophie des Lumières, au pacte social que nous avons conclu avant et après guerre. Ce type d’amendements fait honte à ce que vous revendiquez pourtant haut et fort : l’identité française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Monsieur le rapporteur général, vous trouverez dans l’argumentaire de notre collègue Rousseau l’exacte démonstration de la nécessité de mon amendement.
Je vous remercie tout d’abord des termes peu convenables que vous avez utilisés à mon endroit ;…
Mme Danielle Simonnet
C’était mérité !
M. Gérault Verny
…cela étant dit, de quoi parlons-nous ?
La première série d’amendements identiques vise à supprimer à l’alinéa 6 les mots : « ou résider de façon stable et régulière en France ». Il y a de bonnes raisons à cela car quand c’est flou, il y a un loup, et Mme Rousseau le souligne justement lorsqu’elle met en cause ce critère en affirmant que l’on « soigne » tout le monde. Pour ma part, j’estime qu’on ne peut pas considérer qu’une injection létale est un soin, mais l’essentiel est dit : le texte n’est pas suffisamment clair, pas assez restrictif, et il faut apporter des précisions.
Mme Danielle Simonnet
On n’a rien compris !
M. Gérault Verny
C’est normal !
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Le critère de nationalité figure à l’alinéa 6 et c’est logique. Il y a une alternative : il suffirait de « résider de façon stable et régulière en France ». En tant que législateurs, nous avons le devoir de préciser davantage les choses : quels critères, quelle localisation, quel contrôle ? J’ai bien peur que ce texte insuffisamment précis, qui ne prévoit pas de critères stricts, ouvre la voie à des contentieux.
Par ailleurs, le médecin traitant est-il mesure de s’assurer de la régularité du séjour d’un patient ?
Tout cela n’est pas assez précis et risque donc, je le répète, de provoquer des contentieux.
Le groupe Rassemblement national votera en faveur des amendements identiques nos 519, 1314, 1422 et 2500.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Je ferai trois remarques. Monsieur le rapporteur général, vous évoquez la notion d’équilibre. Elle est très bien définie en physique, mais permettez-moi de vous dire que la perception de l’équilibre de ce texte est similaire à la perception de la douleur : elles sont très subjectives ! (M. le rapporteur général sourit.) Et nous sommes un certain nombre ici à ne pas considérer ce texte comme équilibré. (MM. Charles Sitzenstuhl et Gérault Verny applaudissent.)
Madame Rousseau, je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention : vous avez affirmé que le droit à mourir ne concernerait que les personnes en phase terminale – j’espère que le compte rendu le fera bien ressortir.
Mme Danielle Simonnet
Elle a dit « en phase avancée ou terminale » !
M. Patrick Hetzel
Je vous prends au mot. Plusieurs amendements à venir permettront justement de limiter le droit à mourir à la phase terminale. Je suis certain que vous les voterez, puisque vous avez argumenté en ce sens.
Enfin, madame la ministre, vous n’avez pas répondu à la question, très simple et pertinente, de notre collègue Philippe Juvin. Des accords permettent à des étrangers de venir se faire soigner en France. La question de savoir si l’aide à mourir constitue un soin est donc essentielle. Si c’est le cas, alors ces personnes auront accès à ce droit ; autrement, elles n’y auront pas accès. Nous aimerions une réponse claire, d’autant que tout a été fait pour inscrire les dispositions de la proposition de loi dans la partie du code de la santé publique consacrée aux soins.
Mme la présidente
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Je ne soutiendrai pas ces amendements, qui soulèvent toutefois une question importante, sur laquelle je reviendrai souvent au cours du débat. En France, un médecin est tenu de soigner, ou plutôt de prendre en charge, toute personne qui se présente à lui. C’est la dignité d’un médecin.
Qui jugera de la recevabilité des critères prévus à l’article 4 ? Le médecin. Mais un médecin a-t-il la capacité d’affirmer qu’une personne réside de manière stable et régulière en France ? Nous débattons d’une réforme de société et on laisse le médecin décider de tout. Je pose la question à chacun d’entre vous et à Mme la ministre : quelles compétences le médecin possède-t-il pour juger de la résidence stable et régulière de son patient ? (Murmures sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
J’ouvre seulement le débat ! La responsabilité des décisions ne doit pas reposer tout entière sur le médecin – c’est ce que je reproche à ce texte. Nous reviendrons sur les cinq critères de l’article. Le premier est clair – être âgé d’au moins 18 ans. Le deuxième – être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France – n’est pas du ressort du médecin selon moi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
M. Yannick Monnet
C’est pour ça qu’il vaut mieux l’enlever !
Mme Danielle Simonnet
Exactement !
Mme la présidente
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
Nous nous parlons franchement dans cette assemblée – je reviendrai d’ailleurs un peu plus tard sur les propos de notre collègue Juvin. Certains patients sont en situation irrégulière mais travaillent, reçoivent des fiches de paie, cotisent et vont voir leur médecin régulièrement. Vous voulez exclure ces personnes connues de leur médecin du droit à l’aide à mourir. Ils ne répondent pas au critère de nationalité, mais ils sont chez nous, ils sont bien installés, et, je le répète, ils cotisent. S’ils remplissent les quatre autres critères, les laissera-t-on agoniser ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je veux revenir sur trois points. Tout d’abord, nous sommes tous d’accord sur le fait que l’aide à mourir fait partie d’un parcours de soins et que le patient qui en bénéficie est en phase terminale ou avancée.
Deuxième point : dès lors que le patient est pris en charge dans un parcours de soins, soit il est de nationalité française et bénéficie automatiquement du droit à l’aide à mourir, soit il est de nationalité étrangère et relève de la protection universelle maladie (Puma), qui certifie la stabilité de sa résidence en France – cette garantie est accordée à condition d’attester trois mois de résidence stable en France.
Enfin, dans le cas où une personne ne réside pas en France mais dans un pays appartenant à l’Union européenne, une demande de prise en charge peut être faite par l’État d’affiliation, conformément à la directive européenne du 9 mars 2011 relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers. Dans cette situation, c’est également la notion de parcours de soins qui prévaut, avec toutefois l’ajout d’un critère : le pays d’origine doit avoir autorisé le droit à l’aide à mourir. Si une personne est affiliée dans un pays qui ne l’a pas ouvert, elle ne peut pas être prise en charge. Cette règle s’applique pour les pays de l’Union européenne comme pour les pays hors Union européenne avec lesquels nous avons signé des conventions.
En résumé, une prise en charge dans un parcours de soins et une résidence depuis plus de trois mois en France sont les deux conditions définissant une résidence stable et régulière en France. Quand le patient ne bénéficie pas de la garantie de la Puma, il peut accéder au droit à l’aide à mourir si son pays appartient à l’Union européenne et reconnaît l’aide à mourir, ou si son pays situé hors de l’Union européenne a signé une convention spécifique et reconnaît ce droit.
(Les amendements identiques nos 519, 1314, 1422 et 2500 ne sont pas adoptés.)
(Les amendements nos 898 et 273, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1447 et 2260.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 93
Nombre de suffrages exprimés 93
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 42
Contre 51
(Les amendements identiques nos 1447 et 2260 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Sur les amendements nos 744 et 2260, je suis saisie par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous en venons à trois amendements, nos 592, 744 et 1906, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 744 et 1906 sont identiques.
La parole est à M. Arnaud Simion, pour soutenir l’amendement no 592.
M. Arnaud Simion
Cet amendement de repli vise à ouvrir les critères figurant à l’alinéa 6 afin d’inclure les « personnes suivies de manière régulière par un professionnel de santé en France ».
Alors que la condition de nationalité pour demander l’aide à mourir n’est pas automatique chez nos voisins européens, nous proposons d’assouplir ce critère en France. Il s’agirait d’ouvrir ce droit aux personnes bénéficiant de soins de santé en France, sur le modèle de la loi belge ou de ce qui se fait au Canada. Cet amendement élargit la solidarité de la France en matière de fin de vie.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l’amendement no 744.
Mme Sandrine Rousseau
Une personne peut être étrangère ou en situation irrégulière et bénéficier d’un suivi régulier par des professionnels de santé en France. Nous proposons d’ouvrir le droit à l’aide à mourir à toutes les personnes dans cette situation.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l’amendement no 1906.
Mme Danielle Simonnet
Ces amendements sont importants. Imaginez deux personnes sujettes à des souffrances réfractaires à tout traitement, dont le pronostic vital est engagé, en phase avancée ou terminale de leur maladie. Elles n’en peuvent plus, elles veulent en finir. Le médecin qui examine leur dossier devra-t-il leur demander : « Avez-vous vos papiers ? » À celle qui n’en a pas, devra-t-il dire « Non, vous ne bénéficierez pas de l’aide à mourir, vous êtes condamnée à mourir dans d’atroces souffrances », alors que le patient de la chambre d’à côté pourra accéder à ce droit ? C’est impensable et contraire à tout ce qui fonde notre humanisme, notre sécurité sociale, notre conception d’une santé accessible à toutes et tous, quelle que soit la situation administrative ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Stéphane Delautrette applaudit également.)
Mes chers collègues, je vous entends dire que vous ne voulez pas mettre en place un « tourisme de la mort ». Cette expression est insupportable et absurde quand on connaît la douleur de celles et ceux qui sont partis en exil en Belgique ou en Suisse pour en finir parce qu’ils n’en pouvaient plus ou parce que tels étaient leur choix et leur liberté.
En revanche, je souscris à l’argument selon lequel il ne saurait exister un commerce de la mort. Le cheminement qui conduit à la demande d’aide à mourir nécessite une réflexion et un accompagnement médical permettant de s’assurer que le patient dispose de toutes les informations sur les solutions alternatives. En mémoire de celles et ceux qui sont rendus en Belgique et en Suisse, nous avons le devoir d’offrir le droit à l’aide à mourir à des personnes originaires d’autres pays, qui viendront en France pour l’obtenir, mais nous devons aussi affirmer la nécessité d’un suivi régulier par un professionnel de santé dans notre pays.
Tel est le sens de cet amendement qui nous permettra d’éviter le commerce de la mort en réaffirmant que pour bénéficier de ce droit un suivi régulier par un professionnel de santé est indispensable, dans le respect de l’égalité de toutes et tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Vous souhaitez élargir l’accès à l’aide à mourir aux personnes suivies de manière régulière par un professionnel de santé en France indépendamment de leur nationalité ou de leur résidence. Mme la ministre et M. le rapporteur général ont largement expliqué les dispositions de l’article 4. Par ailleurs, cette mesure constituerait une dérogation importante au critère d’une résidence stable et résidence. Il me semble souhaitable de nous en tenir au deuxième critère dans sa version actuelle : pour accéder à l’aide à mourir, une personne doit « être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France ». Ce critère contribue à fixer un cadre clair et respectueux du droit de la protection sociale. Avis défavorable.
Mme Marie-Noëlle Battistel
C’est inhumain !
Mme Danielle Simonnet
C’est honteux !
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Pour les raisons précédemment exposées, je suis totalement défavorable à ces amendements.
Mme Danielle Simonnet
Mais de quoi avez-vous peur ? Je ne comprends pas.
Mme la présidente
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Je remercie Mme la ministre d’avoir précisé les conditions dans lesquelles s’appliquera le deuxième critère : la personne doit notamment bénéficier de la Puma, qui certifie une résidence depuis plus de trois mois en France, ou être originaire d’un pays autorisant l’aide à mourir dans le cadre d’une convention avec la France. Mais une question demeure : est-ce au médecin de vérifier si le patient relève de la Puma ou d’une convention passée entre la France et tout autre pays ?
Mme Danielle Simonnet
Non, justement ! C’est pour cela qu’il faut soutenir nos amendements !
M. Cyrille Isaac-Sibille
Je ne cesserai jamais de le répéter : dans cette proposition de loi qui se veut sociétale, on délègue tout au médecin ; la société s’en remet entièrement à lui pour vérifier qu’un patient satisfait les critères. En tant que professionnel de santé, un médecin n’a pourtant pas les compétences pour contrôler qu’un patient réside de façon stable ou régulière en France. Il ne connaît pas les conventions qui existent entre la France et d’autres pays.
Mme Danielle Simonnet
Vous allez donc voter nos amendements !
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Au cours de nos débats, de nombreux amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution parce qu’ils créaient une dépense supplémentaire. Or nous discutons actuellement d’amendements qui contribuent clairement à élargir le dispositif, et ils n’ont pas été déclarés irrecevables au titre de l’article 40. Je m’interroge donc sur la recevabilité de ces amendements. (M. Gérault Verny applaudit.)
Mme Danielle Simonnet
Même sur l’aide à mourir, vous avez peur de l’immigration ? C’est honteux !
M. Gérault Verny
On peut parler, ou pas ? Ah, la démocratie… (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
Ce texte a été construit autour des notions d’écoute des patients et de respect de leur dignité, de leur vécu, de leur souffrance. J’en remercie le rapporteur général.
Dès lors, je ne comprendrais pas que l’on se place soudainement dans une vision administrative qui mènerait à accéder à la demande d’aide à mourir d’un patient et à rejeter celle d’un autre sur le seul fondement de la nationalité.
Nous touchons ici au cœur de l’humanité de ce texte. Nous devons écouter les patientes et les patients, quelle que soit leur situation administrative, quelle que soit leur nationalité. Il s’agit tout simplement de respecter le principe d’égalité, car l’égalité vaut pour chaque être humain au seuil de sa mort, face à cette décision ultime en cas de douleurs réfractaires, dans le cadre du suivi effectué dans notre hôpital, par nos médecins.
Il est incompréhensible de déplacer ce débat sur le terrain d’une réalité administrative alors qu’il s’agit avant tout du respect d’une réalité humaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
Nous voterons ces amendements parce qu’ils sont identiques à ceux de M. Monnet et de Mme Leboucher examinés tout à l’heure.
La régularité et la stabilité, telles que vous les évoquiez, sont avant tout une question de point de vue. Si le médecin reçoit un patient de manière régulière, depuis trois ans par exemple, que ce patient vient avec ses enfants, il ne connaît pas forcément sa situation administrative.
La personne est installée, a une fiche de paie, paye des cotisations. Elle a le droit d’être traitée dignement.
Nous soutiendrons ces trois amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj, avant que Mme la ministre s’exprime.
M. Jérôme Guedj
Ça tombe bien, parce que j’ai une question à lui poser.
Aujourd’hui, sauf erreur de ma part et corrigez-moi si je me trompe, un étranger bénéficiaire de l’aide médicale d’État (AME) peut être accompagné dans une unité de soins palliatifs.
Mme Danielle Simonnet
Heureusement !
M. Jérôme Guedj
Il ne peut pas justifier d’une résidence régulière au sens du code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile, en revanche, il dispose d’une résidence stable. Comme dans les amendements que nous examinons, le colloque singulier avec le médecin constitue une porte d’entrée de l’accompagnement.
J’en viens à ma question, madame la ministre. En l’état actuel du texte, un étranger en situation irrégulière, bénéficiaire de l’AME, accompagné en unité de soins palliatifs, ne serait pas éligible à l’aide à mourir que ses voisins pourraient – malheureusement ou heureusement selon leur volonté – solliciter légitimement. Ma question est simple : comment pouvez-vous nous expliquer cette différence de traitement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je tiens à revenir sur plusieurs éléments.
S’agissant d’abord du cadre général, je souhaite redire que l’accès aux droits est bien déterminé par le code de la sécurité sociale. Trois cas de figure se présentent : soit la personne est de nationalité française affiliée à un régime de sécurité sociale, soit elle bénéficie de la Puma, soit sa situation est prévue par un accord international.
Pour répondre à M. Isaac-Sybille, le médecin est informé de la situation du patient par son accès aux droits. Ce n’est pas au médecin de déterminer quoi que ce soit ; il sait, grâce à la sécurité sociale, si le patient est bénéficiaire de la Puma ou de la sécurité sociale.
S’agissant ensuite de la question posée par M. Guedj, je confirme que les bénéficiaires de l’AME ont accès aux soins palliatifs. Vous le savez bien, cela fait une semaine que nous débattons du fait de savoir si l’aide à mourir peut être considérée comme un soin. À l’heure actuelle, effectivement, l’aide à mourir ne figure pas dans le panier de soins pris en charge par l’AME. Un patient en situation irrégulière ne pourra donc pas bénéficier de l’aide à mourir.
Je me permets de souligner que vous parliez d’une inégalité de traitement du patient par rapport à ses voisins en unité de soins palliatifs : il s’agit d’une situation où le patient est, heureusement pour lui, seul avec ses proches. Il n’est pas avec ses voisins.
M. Jérôme Guedj
Oui, bon, ce n’est pas la question…
Mme Catherine Vautrin, ministre
Quoi qu’il en soit, dans le texte tel qu’il est proposé et tel qu’il est soutenu par le gouvernement, l’AME ne couvre pas l’accès à l’aide à mourir.
Je répète que je suis défavorable à l’ensemble des amendements.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 592.
(Le vote à main levée n’étant pas concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 108
Nombre de suffrages exprimés 107
Majorité absolue 54
Pour l’adoption 47
Contre 60
(L’amendement no 592 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 744 et 1906.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 105
Nombre de suffrages exprimés 105
Majorité absolue 53
Pour l’adoption 45
Contre 60
(Les amendements identiques nos 744 et 1906 ne sont pas adoptés.)
Mme Danielle Simonnet
C’est la honte !
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no 2040.
M. Stéphane Peu
Le texte du projet de loi initial, présenté en 2024, proposait de conditionner l’accès à l’aide à mourir au fait d’être atteint d’une affection grave et incurable, avec un pronostic vital engagé à court ou moyen terme. Les débats en commission puis en séance publique ont largement assoupli cette condition.
Dans la rédaction actuelle, il s’agit de permettre le recours à l’aide à mourir à des stades avancés d’une maladie, c’est-à-dire alors même qu’une espérance de vie de plusieurs années ou une rémission seraient encore envisageables.
Si le pronostic vital de la personne doit bien être engagé, aucune temporalité n’est désormais requise. En l’état actuel du texte, le législateur a donc renoncé à encadrer le recours à l’aide à mourir en fonction de la durée restant à vivre.
En conséquence, il ne s’agit plus d’apporter une réponse spécifique à la fin de vie à sa dernière extrémité ; désormais, l’aide à mourir apparaît comme une réponse en cours de maladie, bien en amont de la fin de vie.
Cette largesse signifie très concrètement que dans les moments critiques d’aggravation de la maladie, dans les moments de grande vulnérabilité de la personne malade, la possibilité d’être accompagnée et soignée sera immédiatement contrebalancée par l’alternative offerte par la loi de demander à être assistée dans un suicide ou à être euthanasiée.
Afin de laisser toute sa place aux soins, afin que l’aide à mourir ne soit qu’un ultime recours quand la prise en charge – notamment palliative – ne peut plus rien pour la personne malade, notre amendement propose d’encadrer l’aide à mourir en la rendant accessible à une personne en phase terminale d’une affection grave et incurable, avec un pronostic vital engagé dans un futur prévisible.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Vous entamez le débat sur la troisième condition d’accès à l’aide à mourir. Cet amendement ouvre la discussion sur l’alinéa 7, que nous avons fait évoluer l’an dernier et qui vise désormais les personnes atteintes d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale.
Je souhaite m’attarder sur la notion de « phase avancée », notamment suite à la publication récente de l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS) que nous attendions depuis de nombreux mois. Nous y reviendrons à plusieurs reprises, mais je ne fournirai pas de réponse aussi détaillée pour les amendements suivants.
Rappelons que cette notion de phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, introduite par l’Assemblée nationale dans le texte l’année dernière, n’est pas une création ex nihilo ; elle est déjà solidement ancrée dans notre cadre juridique. L’article L. 1111-12 du code de la santé publique relatif à la volonté des malades utilise précisément cette formulation.
Cette rédaction permet ainsi d’assurer une continuité et une cohérence juridique, évitant de multiplier les notions floues ou divergentes au sein d’un même corpus de normes. Cette notion est donc, selon nous, la plus opérationnelle.
En 2023, le gouvernement avait d’ailleurs publié un document précisant que l’aide à mourir était un « acte ayant pour finalité de provoquer la mort d’une personne, à sa demande, lorsqu’elle est atteinte d’une maladie grave et incurable, en phase avancée ou terminale ».
Dans son avis du 30 avril 2025, la Haute Autorité de santé indique que « la phase avancée’’ peut être définie comme l’entrée dans un processus irréversible, marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade, qui affecte sa qualité de vie ». Cette définition est conforme à l’esprit du législateur, exprimé dans cette enceinte il y a un an. En effet, lors de l’adoption de la notion de phase avancée, nous avions dit qu’il fallait privilégier le critère qualitatif – la qualité de vie qu’il reste – par rapport au critère quantitatif – la prédiction d’un temps qu’il resterait à vivre.
Dès lors, je me retrouve parfaitement dans la définition fournie par la HAS. Au cours des débats, le gouvernement proposera un amendement pour intégrer cette définition au présent texte. J’y suis totalement favorable.
Par ailleurs, il est nécessaire de rappeler qu’aucun pays européen n’a reconnu de critère d’ordre temporel. La Haute Autorité de santé l’a rappelé. Elle souligne que la notion de phase avancée n’est pas une donnée purement temporelle.
Parce que je considère que les décisions que nous avons prises l’année dernière au sein de cet hémicycle étaient les bonnes et parce qu’elles ont été confirmées par la Haute Autorité de santé, je pense que la rédaction actuelle est la meilleure écriture possible. Elle ne contredit pas la dimension subjective de toute médecine humaine, de toute relation entre un médecin et un malade. Cette notion me semble donc la plus adaptée.
Le présent amendement remet en question cet équilibre patiemment tissé, créé et conforté, confirmé récemment par la Haute Autorité de santé. C’est pourquoi je donne un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Alors que nous commençons l’examen de cet alinéa, je me permets à mon tour de prendre le temps de replacer les choses dans leur contexte comme vient de le faire M. le rapporteur général.
Nous le savons, il s’agit d’un alinéa très important. En l’état du texte, il précise que la personne malade doit « être atteinte d’une affection grave et incurable, quelle qu’elle soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ».
Le débat qui nous avait occupés l’année dernière portait sur la notion de court ou moyen terme. Chacun reconnaissait alors que la notion de court terme était à peu près identifiable – et je pèse mes mots en disant cela –, mais que la notion de moyen terme, quant à elle, était une notion extrêmement difficile voire impossible à définir. L’ensemble des professionnels le soulignaient.
C’est la raison pour laquelle j’avais pris l’engagement de continuer à travailler sur le sujet. J’ai donc saisi la Haute Autorité de santé, qui a rendu un avis au mois d’avril dernier après avoir mis en place un groupe de travail composé d’experts, de différents professionnels de santé, et d’associations d’usagers – j’insiste sur ce point. Il s’est réuni pour la première fois en janvier 2025.
Ce travail a suivi la méthode « recommandations pour la pratique clinique » préconisée par la Haute Autorité de santé pour établir des recommandations de bonnes pratiques ; il « s’est appuyé sur une analyse de la littérature existante au niveau national et international, sur plusieurs auditions d’experts français et internationaux de différentes disciplines médicales et de sciences humaines et sociales et, enfin, sur des échanges entre les membres du groupe de travail ».
La réponse de la Haute Autorité est claire : « L’examen de la littérature scientifique montre qu’il n’existe pas de consensus médical sur la définition du pronostic vital engagé à "moyen terme", ni sur la notion de "phase avancée" lorsqu’elle est envisagée dans une approche individuelle de pronostic temporel. La notion d’engagement du pronostic vital à moyen terme n’est pas réductible à une pathologie ou à des scores pronostiques. Le pronostic vital dépend non seulement des différentes trajectoires évolutives possibles des maladies, mais au moins également de nombreux paramètres individuels, eux-mêmes potentiellement modifiables et évolutifs : présence de symptômes physiques ou psychiques, facteurs sociaux, en respectant le consentement libre et éclairé aux traitements et aux soins proposés. »
De l’analyse de la littérature médicale, il ressort que la fiabilité des outils diagnostiques est insuffisante à l’échelle individuelle et que chaque situation est singulière : les outils disponibles, notamment la question surprise et les échelles utilisées en soins palliatifs, permettent d’estimer un horizon temporel à l’échelle d’une maladie, mais pas de la personne malade – c’est le point important. Il existe en outre des biais subjectifs. Dès lors, la Haute Autorité considère qu’il faut appréhender les demandes d’aide à mourir « dans le cadre d’un processus délibératif, structuré et pluridimensionnel ».
Elle écrit aussi que « dans le contexte d’une maladie incurable, il convient de souligner, en outre, que la notion de "phase avancée" n’est pas une donnée purement temporelle, en ce sens qu’elle ne renvoie pas à l’échéance du décès mais à la nature de la prise en charge qu’appelle l’histoire d’une maladie, et donc au parcours singulier de la personne malade. La "phase avancée" peut être définie comme l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie. »
C’est sur cette dernière notion de « processus irréversible » que j’appelle votre attention. Le gouvernement proposera, par son amendement no 2676, de l’ajouter au texte.
Avis défavorable à l’amendement no 2040.
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 1263, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
L’amendement no 2040 de M. Peu me paraît très intéressant, car il pose la question du sens d’une phase « terminale ». Voulons-nous – que nous souhaitions ou pas que la loi soit votée – en limiter le champ à des gens qui sont à la fin de leur vie, ou l’ouvrir à des gens qui pourraient avoir plusieurs années à vivre ? Voilà la vraie question. Une fois que nous nous serons mis d’accord sur ce point, nous essaierons de trouver les bons termes.
Mme Danielle Simonnet
« Phase avancée » ne veut pas forcément dire plusieurs années à vivre !
Mme Marie-Noëlle Battistel
C’est la souffrance du patient qui doit être déterminante.
M. Philippe Juvin
Je ne souhaite pas, vous l’avez compris, que des gens qui pourraient encore vivre plusieurs années soient concernés par cette loi.
J’appelle votre attention sur le fait que l’expression « phase terminale » est ambiguë : il y a des maladies en phase terminale qui durent des années. Si vous voulez parler de vie en phase terminale, alors je comprends, et la question est réglée. Mais il y a bien une ambiguïté.
L’amendement de M. Peu me semble, sans aller jusqu’au bout, apporter un début de précision, et c’est pourquoi j’y suis favorable.
S’agissant de la Haute Autorité, leur avis est très sympathique, mais ils suggèrent d’utiliser l’adjectif « irréversible ». Pardon, mais une maladie incurable est, par définition, irréversible !
Mme Ségolène Amiot
C’est totalement faux !
M. Philippe Juvin
On tourne autour du pot sans apporter aucune précision. La Haute Autorité reformule avec d’autres termes la notion d’incurabilité. Incurable signifie « qui ne peut pas être guéri », et non « qui ne peut pas être traité ». (M. Gérault Verny applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bartolomé Lenoir.
M. Bartolomé Lenoir
Je souscris à ce qui vient d’être dit par M. Juvin.
Monsieur le rapporteur général, madame la ministre, des malades atteints d’une maladie incurable, mais qui auraient plusieurs années à vivre, pourraient-ils avoir accès à l’aide à mourir ? Pouvez-vous confirmer cette information ?
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je remercie le rapporteur général et la ministre d’avoir exposé leur position.
L’un des points principaux sur lesquels nous devrons nous prononcer, c’est bien celui de la phase avancée. Je soutiens l’amendement de M. Peu, qui tend à faire disparaître cette notion du texte.
L’avis rendu le 30 avril par la Haute Autorité de santé est bien plus prudent et nuancé que l’interprétation qui nous en a été présentée : il dit en réalité que la notion de phase avancée est problématique quand elle est liée à l’idée de fin de vie.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur général : la notion de phase avancée est déjà présente dans le code de la santé publique ; mais c’est dans l’article relatif à l’expression de la volonté du malade. Elle n’est pas liée à la question de l’aide à mourir. Il faut, sur ce dernier sujet, prendre à mon sens beaucoup plus de précautions.
La Haute Autorité de santé précise qu’« aucun pays européen n’a retenu un critère d’ordre temporel ».
La HAS tente de proposer une définition de la phase avancée, mais après avoir dit que cette notion était problématique : cela ne résout pas le problème – nous aurons ce débat à propos de l’amendement du gouvernement.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Saintoul.
M. Aurélien Saintoul
Nous ouvrons une longue séquence de débats sur les critères médicaux d’accès à l’aide à mourir. M. Juvin parle de synonymie entre « incurable » et « irréversible ». On peut reprendre l’exemple déjà cité du VIH, où les trithérapies permettent souvent de rendre le virus indétectable : c’est incurable, mais la trithérapie empêche de rentrer dans une phase d’irréversibilité.
Je voudrais surtout ici clore la discussion sur les critères administratifs d’accès à l’aide à mourir. Je suis profondément choqué que des collègues favorables à l’ouverture d’un droit à mourir, des collègues qui reconnaissent qu’il s’agit là d’un droit humain, aient voulu le réserver aux personnes de nationalité française. Je regrette que vous ne nous ayez pas aidés à accorder ce nouveau droit, sur lequel nous avons jusqu’à présent voté ensemble, à tout le monde. C’est profondément choquant, mais aussi cohérent avec votre stratégie de rapprochement avec l’extrême droite ces dernières années. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Protestations sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu
Je n’ai pas été convaincu par les propos du rapporteur général et de Mme la ministre.
Les termes « grave et incurable » ne me paraissent pas suffisants : une maladie grave n’est pas forcément incurable, et le fait qu’elle soit incurable n’engage pas forcément le pronostic vital. C’est pourquoi mon amendement vise à préciser le texte en écrivant que le pronostic vital est « engagé dans un futur prévisible ».
Pendant une maladie grave, le patient connaît souvent des hauts et des bas, mais de grands moments de désespérance sont parfois suivis d’autres qui permettent de retrouver le goût de la vie. En l’état actuel, la définition est trop ouverte et pourrait conduire à accorder le suicide assisté ou l’euthanasie à des personnes qui ont encore beaucoup d’années à vivre, et peut-être, sinon de belles années, du moins des années qu’ils apprécieront. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Delautrette, rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur de la commission des affaires sociales
En effet, nous sommes au cœur du sujet et deux visions s’affrontent.
Est-ce à nous de dire dans quelles conditions les gens vont devoir vivre leur fin de vie ? Si je vous écoute, il ne faudrait ouvrir l’aide à mourir qu’aux personnes qui agonisent. C’est vrai, des gens veulent mourir alors qu’ils pourraient vivre encore plusieurs mois, peut-être plusieurs années – mais dans quelles conditions ? Vous voulez leur imposer de continuer à vivre alors que l’on sait qu’elles vont mourir.
Fixer une échéance me paraît donc une mauvaise chose. Au-delà de « l’affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale », c’est surtout la question de la souffrance, physique ou psychologique, qui est essentielle. Vous ne prenez pas en considération la souffrance en voulant que ces personnes la subissent tant qu’elles ne seront pas entrées en agonie.
M. Sébastien Peytavie
Eh oui !
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Cela ne me paraît pas humain.
Nous devons nous opposer à ces amendements car, si l’on retient de tels critères, on ne se met pas à la place du patient. Il faut considérer la question de la souffrance des personnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – M. Nicolas Sansu applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Cet amendement touche au cœur du sujet. Souhaitons-nous garantir une liberté nouvelle ? Est-ce au patient qu’il revient de décider s’il veut continuer à vivre une vie dont il considère peut-être qu’il ne fait plus que la subir ? Voilà les questions que nous devons nous poser.
Les conditions inscrites dans le texte sont très strictes, puisqu’il faut être atteint d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, mais aussi présenter une souffrance réfractaire à tout traitement. Certaines personnes peuvent estimer que la souffrance est telle, que l’absence d’autonomie est telle, qu’ils ne vivent plus, mais survivent seulement. C’est à eux de juger que cette vie qu’ils mènent ne vaut plus d’être vécue : qui sommes-nous pour ne pas respecter cette ultime liberté ?
Ce n’est pas une liberté au suicide, terme que certains continuent à utiliser. Les conditions sont précises : être « en phase avancée ou terminale », c’est être entré dans un processus irréversible.
M. Gérault Verny
La vie est irréversible.
Mme Danielle Simonnet
Des collègues parlent de pronostics : est-ce que la personne a encore six mois, un an, plusieurs années à vivre ? En vérité, vous le savez très bien, la médecine n’en sait rien. Et quand bien même ! Pourquoi accorder ce droit à une personne qui devra subir une telle souffrance pendant quinze jours et pas à celle qui devra la subir pendant trois ans ? Le dialogue permanent avec l’équipe médicale permet, à chaque étape, de proposer au patient d’autres accompagnements et d’autres soins, y compris palliatifs. Le patient doit pouvoir décider en connaissance de cause. Ne restreignons pas les conditions ; il faut voter contre l’amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Odoul.
M. Julien Odoul
Je réagis aux propos de notre collègue Simonnet. Dans ce débat, il n’y a pas d’un côté les bienveillants, qui veulent la liberté, et de l’autre les malveillants, qui veulent enchaîner les patients en fin de vie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.) Il y a deux appréciations qu’il faut respecter. Pour ma part, madame Simonnet, je respecte votre point de vue – je ne dis pas que vos positions sont une entrave à la liberté des patients en fin de vie.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Sûrement pas !
Mme Ayda Hadizadeh
C’est l’inverse !
M. Julien Odoul
Vous avez posé la question suivante : qui sommes-nous pour empêcher un patient en fin de vie de déterminer son libre choix ? Je vous renvoie la question : qui sommes-nous pour évaluer ce que vaut une vie ? (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme Danielle Simonnet
On ne le fera pas. C’est la personne qui le fera !
M. Julien Odoul
J’entends cette petite musique derrière vos propos.
Mme Danielle Simonnet
Non, non, non ! Je n’ai jamais dit ça ! Vous déformez mes propos !
M. Julien Odoul
D’innombrables exemples de patients en fin de vie, qui souffrent d’une maladie incurable, dont le pronostic vital est engagé, et qui subissent des souffrances réfractaires, montrent que la vie continue, que le patient a envie de continuer à vivre et que le pronostic médical peut se révéler faux (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Prenons l’exemple emblématique du président Mitterrand,…
Mme Sandrine Rousseau et Mme Ayda Hadizadeh
C’est la personne qui décide !
M. Julien Odoul
…à qui il avait été diagnostiqué, quelques mois après son accession au pouvoir, un cancer de la prostate avec métastases osseuses, et qui subissait des souffrances réfractaires.
Mme la présidente
Je vous prie de bien vouloir conclure, monsieur le député.
M. Julien Odoul
Je termine : alors qu’on lui avait pronostiqué entre trois mois et trois ans à vivre, il a fait quatorze ans de mandat… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur. – Plusieurs députés des groupes RN et UDR applaudissent ce dernier.)
Mme Danielle Simonnet
Tant mieux !
M. François Cormier-Bouligeon
Mais c’est n’importe quoi !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Monsieur Saintoul, je comprends la déception des collègues dont l’amendement visant à élargir les conditions d’accès à l’aide à mourir a été rejeté, mais je tiens à préciser que celle-ci ne sera pas réservée aux personnes de nationalité française. Les personnes qui résident en France de façon stable et régulière y auront accès également. Dans le cadre de la protection universelle maladie (Puma), la condition de stabilité implique de résider en France depuis au moins trois mois. Cette condition est liée à la logique d’accompagnement du malade. Le texte ne prévoit pas de préférence nationale en matière d’aide à mourir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Mme Sophie Errante applaudit également.)
Le propos de M. Odoul rejoint la question de M. Lenoir sur le temps qu’il reste à vivre. Si le médecin de M. Mitterrand – je ne l’ai pas connu personnellement – a pris le risque de lui dire qu’il lui restait entre trois mois et trois ans à vivre, il a confondu, je pense, le métier de médecin avec celui de devin. Il est hasardeux de jouer au Nostradamus de la médecine ! (Exclamations sur les bancs des groupes RN, DR et UDR.)
M. Hervé de Lépinau
Un Nostramadus de la médecine ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
M. Juvin l’a souligné à de nombreuses reprises dans l’hémicycle, on ne peut pas faire une évaluation en se fondant sur des données statistiques. Même si celles-ci ont évidemment du sens et présentent un intérêt, chaque cas est par définition individuel. À ma connaissance, M. Mitterrand avait plus qu’envie de vivre et d’aller au bout de son mandat – il n’a en aucun cas sollicité une aide à mourir !
M. François Cormier-Bouligeon
Exactement ! Il a raison !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Monsieur Lenoir, la Haute Autorité de santé l’a indiqué clairement, et tous les médecins nous l’ont dit, qu’ils soient favorables ou opposés au texte : les praticiens ne sont pas en mesure, pour chaque cas individuel, de déterminer s’il reste au malade six mois, douze mois, vingt-quatre mois ou davantage à vivre – ils ne sont pas des devins. C’est pour cela que j’avais récusé la notion de moyen terme. Le critère temporel est totalement inopérant.
Peut-être avait-on dit à M. Mitterrand, sur le fondement de données statistiques, qu’il lui restait entre trois mois et trois ans à vivre. Cette prédiction s’est révélée inexacte, comme c’est souvent le cas avec les statistiques relatives aux différentes pathologies.
Nous procédons article par article, amendement par amendement – c’est la règle du jeu lorsque nous examinons un texte. On a tendance à dire que l’article 4 comprend cinq critères. C’est inexact : il y a, en réalité, cinq alinéas relatifs aux critères.
M. Sébastien Peytavie et M. Nicolas Sansu
Tout à fait !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Ainsi, l’alinéa 7 ne définit pas un critère unique mais une série de conditions cumulatives : une affection non seulement grave, mais aussi incurable, qui en outre engage le pronostic vital et qui, de surcroît, est en phase avancée ou terminale.
Mme Catherine Vautrin, ministre
C’est très important !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
De plus, si, comme je le souhaite, nous adoptons l’amendement du gouvernement, nous préciserons que la phase avancée ou terminale correspond à l’entrée dans un processus irréversible – précision supplémentaire qui n’est en rien contradictoire avec les dispositions qui figurent déjà dans le texte.
M. Nicolas Sansu
Il faut aussi que le patient le demande !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
J’ajoute que cet alinéa ne peut pas être isolé du suivant. On ne parle pas uniquement de pathologie, mais aussi de souffrance, physique ou psychologique ; n’oublions pas la souffrance ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS. – M. Nicolas Sansu applaudit également.) Évidemment, le droit à l’aide à mourir se fonde sur une évaluation médicale en lien avec une pathologie : la personne doit être atteinte d’une maladie grave et incurable. Mais elle doit aussi présenter une souffrance réfractaire ou insupportable, et ces critères sont cumulatifs.
Même si nous y sommes contraints par les règles qui encadrent le travail parlementaire, nous ne pouvons pas saucissonner le débat. Je le rappellerai autant que nécessaire, les critères d’accès au droit à l’aide à mourir sont cumulatifs. C’est la raison pour laquelle je suis, bien entendu, opposé à l’amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
(L’amendement no 2040 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1263.
M. Christophe Bentz
Alors que nous entamons la deuxième semaine d’examen du texte, j’estime moi aussi, dans l’esprit des propos de M. Philippe Juvin et de M. Olivier Falorni, que nous avons collectivement tout à gagner à avoir un débat apaisé, sur le fond des idées, et surtout, respectueux de toutes les convictions – elles sont toutes respectables.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ça suffit, ce cinéma ! C’est la commedia dell’arte !
M. Christophe Bentz
Tel a été le cas au cours de la première semaine ; souhaitons que cela dure.
À défaut d’êtres parvenus à supprimer les articles 1 à 4, nous proposons, par cet amendement de repli, de définir les critères d’accès les plus restrictifs possibles pour nous rapprocher du principe d’exception, en supprimant les mots « quelle qu’en soit la cause » et en ne retenant que la notion de « phase terminale ». Rappelons qu’un garde-fou avait sauté il y a un an dès le stade de la commission spéciale : le critère du pronostic vital engagé « à court ou moyen terme » avait été remplacé par les mots « en phase avancée ou terminale ». (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Bartolomé Lenoir applaudit également.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Vous voulez rédiger ainsi l’alinéa 7 : « Être en phase terminale d’une affection grave et incurable engageant le pronostic vital et à l’issue certaine ». Cela bouleverserait totalement l’équilibre du texte. L’avis de la HAS – je ne développerai pas car Mme la ministre et M. le rapporteur général l’ont fait – est de nature à nous rassurer. Votre amendement apporte de la confusion au lieu de la clarté. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Nous ne devons pas l’oublier, les critères sont cumulatifs – évitons de les considérer séparément. Les discussions sur les notions de court terme et de moyen terme n’ayant pas abouti, nous avons retenu la notion d’affection grave et incurable. Monsieur Juvin, une maladie incurable, ce n’est pas une maladie non traitable – je pense notamment au diabète, à l’insuffisance rénale et au sida.
M. Philippe Juvin
Je n’arrête pas de le dire !
M. Patrick Hetzel
Oui, c’est ce qu’il a toujours dit !
Mme Nicole Dubré-Chirat
J’ai accompagné des personnes atteintes du sida à l’époque où il n’y avait pas de traitement. Elles auraient certainement formulé une demande d’aide à mourir – la situation est différente maintenant que la trithérapie existe.
Une personne dont le pronostic vital est engagé est entre la vie et la mort ; il lui reste quelques semaines ou quelques mois à vivre, et elle présente un risque majeur de défaillance d’organe. Les critères, notamment celui de phase avancée ou terminale, avec l’ajout de la définition de la HAS, permettront d’évaluer l’état de santé du patient. Il ne faut pas faire peur en laissant penser que des maladies pour lesquelles il existe un traitement sont concernées par l’aide à mourir – même pour les cancers en phase avancée, les traitements évoluent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Mmes Dieynaba Diop et Danielle Simonnet applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
La souffrance est individuelle : prenez deux personnes qui ont la même maladie, leur souffrance sera différente. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme Ségolène Amiot
C’est bien le concept…
Mme Sandrine Dogor-Such
La loi Claeys-Leonetti apporte des solutions en cas de souffrance, mais elle n’a pas été appliquée. Pourquoi n’avons-nous pas fait de la lutte contre la souffrance une priorité nationale ?
Mme Dieynaba Diop
Il ne s’agit pas ici des mêmes critères que dans la loi Claeys-Leonetti !
Mme Sandrine Dogor-Such
Si on laisse le patient exprimer lui-même son degré de souffrance, alors tout le monde est en phase avancée. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) D’après la revue de dépenses relative aux affections de longue durée (ALD) publiée en juin 2024 par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), 20 % de la population française est en ALD, soit 14 millions de personnes. Si nous retenons la phase avancée comme critère, la jonction sera faite, demain, entre les ALD et l’aide à mourir. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Nicolas Sansu
Mais ça va pas ! Qu’est-ce qu’elle raconte ?
Mme Sandrine Dogor-Such
Nous voterons, bien sûr, pour l’amendement de notre collègue. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Madame Dubré-Chirat, notre collègue Juvin, que vous avez interpellé, a toujours dit que certaines maladies incurables pouvaient être néanmoins traitées. C’est justement le point clé qui nous inquiète : à tout moment, un patient a le droit – que nous ne remettons pas en cause – d’arrêter son traitement.
Mme Ségolène Amiot
Et alors ? C’est son choix !
M. Patrick Hetzel
Ce dont vous ne voulez pas prendre conscience, c’est que l’arrêt du traitement en pareille situation peut amener ce patient, d’après la rédaction actuelle de l’article 4, à devenir ipso facto éligible au dispositif. Même si cela vous dérange, nous souhaitons que ce débat, légitime, ait lieu.
Cet amendement est quasi identique au précédent, celui de notre collègue Peu. Mme la rapporteure considère qu’il crée de la confusion. Au contraire, la notion de « phase terminale » est juridiquement plus précise que celle de « phase avancée ». En adoptant des critères d’éligibilité extrêmement larges, vous mettrez les professionnels de santé en grande difficulté, en les amenant à devoir se prononcer sur le fondement de critères difficilement objectivables. Le législateur doit tout faire pour objectiver. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bartolomé Lenoir.
M. Bartolomé Lenoir
Je souhaite que Mme la ministre et M. le rapporteur général précisent leurs propos. Pour éclairer le grand public sur les notions de critères qualitatifs et quantitatifs et nous appuyer sur des cas concrets, prenons l’exemple d’une personne atteinte depuis huit ans d’un cancer du poumon avec métastases cérébrales : son cas satisfait à tous les critères. Il y a huit ans, si le texte avait été en vigueur dans sa rédaction actuelle, ce patient aurait pu demander l’aide à mourir, alors qu’il a finalement vécu depuis lors.
Mme Brigitte Liso, rapporteure
S’il l’avait demandée !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Et les souffrances ?
M. Bartolomé Lenoir
Mais elle souffrait ! Assumez-vous bien le fait que des personnes qui souffrent, qui remplissent les critères définis à l’article 4 et demandent l’aide à mourir auraient pu vivre encore plusieurs années ? Pouvez-vous l’affirmer ? C’est important d’assumer ses décisions ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
Je répète ce que je disais tout à l’heure au collègue Juvin. Vous affirmez que le texte concerne des gens à qui il resterait plusieurs années à vivre : c’est un mensonge par omission. Je ne doute pas un instant que, si des personnes agonisaient et avaient des souffrances réfractaires, on ferait quelque chose pour elles. Par conséquent, ce que vous dites est faux : soit leur agonie et leurs souffrances durent des années, ce que personne ne supporterait ; soit leur cas n’obéit pas aux critères du texte – vous l’avez dit à la télévision et c’est dommage. Je reviens justement sur le critère temporel. (M. Philippe Juvin mime un nageur en difficulté.)
Non, je ne nage pas et je ne fais pas de brasse coulée ! Laissez-vous agoniser les gens deux ou trois ans ?
M. Philippe Juvin
Personne ne fait cela !
M. René Pilato
Bon, alors ! Je reviens sur les propos de la collègue du groupe Rassemblement national. Pour une fois, nous sommes d’accord : la souffrance est individuelle ; on supporte différemment les médicaments en fonction de notre physique, de notre corpulence ou de notre résistance. C’est donc en fonction des réactions du patient et de sa capacité à supporter ou non la souffrance que le médecin, au sein d’une équipe collégiale, va déterminer si le critère de la phase avancée ou terminale est satisfait ou non.
Nous sommes tous différents, y compris dans cette assemblée. Peut-être que la phase avancée différera de quinze jours ou d’un mois selon les individus. Faisons donc confiance à l’équipe médicale ! Retenir un critère temporel fixe n’est pas sérieux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Delautrette, rapporteur.
M. Stéphane Delautrette,, rapporteur
Madame Dogor-Such, je suis d’accord avec vous : la question majeure est celle de la souffrance. Celle-ci est-elle supportable par la personne malade – et de son point de vue seulement ? Nous sommes tous guidés par l’objectif d’apaiser la souffrance des personnes, mais nous divergeons sur un point : la loi Claeys-Leonetti ne permet pas de répondre à toutes les situations de souffrance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Maxime Laisney
Il a raison !
M. Julien Odoul
Vous n’en savez rien, il n’y a pas eu d’évaluation !
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Acceptons de le dire enfin et avançons !
Puisque vous avez pris cet exemple, monsieur Lenoir, je vais évoquer le cas de mon père, qui est précisément décédé d’un cancer du poumon avec métastases cérébrales. Je ne peux pas vous laisser dire n’importe quoi – tant qu’on n’a pas vécu certaines situations, il est difficile d’en parler.
M. Gérault Verny
C’est un argument d’autorité !
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Tout d’abord, je vous assure qu’on ne vit pas des années avec un cancer pulmonaire qui s’accompagne de métastases cérébrales. Ensuite, pour avoir assisté aux conditions de fin de vie, je peux vous assurer que la sédation profonde et continue jusqu’au décès n’est ni la panacée ni une partie de plaisir.
M. Julien Odoul
On a tous vécu des situations difficiles, vous n’avez pas le monopole de la souffrance !
M. Hervé de Lépinau
L’universalisme socialiste !
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Je suis sûr que mon père aurait souhaité que l’aide à mourir existe. Je ne dis pas que tous les patients qui souffrent de cette pathologie souhaiteraient utiliser ce droit, mais acceptez l’idée qu’on donne cette possibilité aux personnes qui souffrent ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Panifous, rapporteur.
M. Laurent Panifous, rapporteur
À mon tour, je voudrais interroger les collègues qui multiplient les exemples de maladies graves, incurables et parfois longues, et qui essaient de mettre en difficulté celles et ceux qui espèrent ouvrir ce nouveau droit.
M. Gérault Verny
Parce qu’on est dans le réel !
M. Laurent Panifous, rapporteur
Considérez-vous qu’il ne faut pas faire évoluer le droit de telle sorte que puissent cesser les souffrances insupportables et réfractaires – le mot est essentiel – des personnes atteintes d’une maladie grave et incurable, sous prétexte qu’elles pourraient continuer à vivre avec cette souffrance terrible et insupportable, et alors même qu’elles demanderaient l’aide à mourir de façon réitérée et jusqu’au bout ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Mme Sophie Errante applaudit également.)
M. Julien Odoul
Ce droit existe !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Il est difficile d’examiner un tel texte en procédant article par article et alinéa par alinéa. Je comprends parfaitement que chacun mette en avant tel cas particulier dont il a été saisi, mais n’oublions qu’à l’article 6, nous allons discuter d’un élément absolument majeur : l’examen de la situation du patient et la décision prise par le collège de médecins. En l’occurrence, l’article 4 fixe l’ensemble des conditions nécessaires qui seront examinées par le collège pour déterminer si le patient est éligible au dispositif.
L’avis final sera rendu par le collège qui aura évalué la situation du patient. Au-delà des différentes conditions que remplit ou non le patient, deux points sont donc absolument majeurs : l’examen par le collège qui décidera de l’éligibilité du patient ainsi que le caractère réitéré de la demande du patient au cours de la procédure. Ayons toujours ces éléments en tête pour nous rappeler que chaque cas est unique : ce n’est pas parce que les critères seront votés que tout le monde deviendra éligible. La procédure sera heureusement beaucoup plus précise, et chaque décision sera spécifique : elle dépendra de la situation du malade.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1263.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 128
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 47
Contre 80
(L’amendement no 1263 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’examen des amendements progresse très lentement. Comme tous les groupes souhaitent s’exprimer sur ces sujets très importants, je demande à chacun d’entre eux de choisir leur orateur et de m’en informer, notamment dans les cas où les avis divergent au sein du groupe.
L’amendement no 207 de Mme Marie-France Lorho est défendu.
(L’amendement no 207, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1265, sur lequel je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Christophe Bentz
Dans le même esprit que mon amendement précédent sur la phase terminale, je vous propose de revenir à la notion de court terme, la seule valable de notre point de vue puisque les médecins eux-mêmes disent ne pas savoir précisément évaluer ce qu’est le moyen terme. C’est donc un amendement de repli, qui vise à restreindre les conditions d’accès.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Vous voulez réintroduire dans le texte un critère temporel. Cela ne correspond ni à l’avis de la HAS ni au nôtre. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
La mention du « court terme » serait intéressante car elle pose une borne.
S’agissant du pronostic vital, nos débats donnent l’impression que les médecins ne savent absolument rien et ne peuvent jamais rien dire. Or ce n’est pas tout à fait exact. Le médecin a tout de même une idée globale : ce sera très rapide, moyennement rapide ou un peu plus long. Il sait si le patient peut vivre une dizaine de jours, un mois, un semestre, un an ou plusieurs années.
D’ailleurs, au moment du diagnostic, c’est souvent la première question que posent les patients : « Combien de temps me reste-t-il ? » Elle est toujours présente.
Ne croyez pas qu’on ne sait rien, si je peux vous rassurer ! (Sourires.) Les médecins sont capables de donner des réponses, même si elles sont parfois un peu imprécises.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Rousset.
M. Jean-François Rousset
La médecine n’est pas une science, mais un art dont l’exercice s’appuie sur la science. Pourquoi ? Parce que chaque malade est un cas différent. L’exemple du cancer de la prostate, évoqué précédemment, est très illustratif. Le diagnostic de ce cancer résulte très souvent d’un dépistage révélant une élévation du taux de PSA, l’antigène prostatique spécifique – la maladie n’étant pas nécessairement symptomatique à ce stade.
Au vu des études actuelles, les sociétés savantes et les associations soulèveront probablement la question suivante : comment faut-il traiter un patient asymptomatique, dont la maladie n’est pas métastatique et qui présente un taux de PSA élevé ? En effet, l’abstention thérapeutique est souvent un choix, sachant que les patients peuvent vivre dix ou quinze ans avec un taux élevé sans maladie. Dans un second temps, la maladie est évolutive et les médecins, dans un cadre collégial, se posent alors la question du traitement à appliquer – radiothérapie ou prostatectomie totale, entre autres.
Enfin, le moment peut arriver où la maladie « échappe », selon les termes des cancérologues, des oncologues et des médecins généralistes : l’organisme ne détruit plus de lui-même, par son système immunologique, les cellules cancéreuses, et les traitements proposés ne sont plus efficaces. Les médecins peuvent alors proposer des essais thérapeutiques, mais il arrive que le malade dise : « J’en ai marre, arrêtez. »
C’est pourquoi je dis que la médecine est un art, non une science. Les médecins n’ont pas la science infuse, ils doivent faire preuve de beaucoup d’humilité, ce qui explique la tendance actuelle des réunions collégiales pour prendre des décisions adaptées à la demande du malade, en fonction des possibilités de la science. Nous faisons dans la dentelle. Aujourd’hui, nous devons penser à la fois au patient et au médecin : il faut protéger les deux. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et LFI-NFP. – Mme Sophie Errante et M. Aurélien Rousseau applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Lionel Tivoli.
M. Lionel Tivoli
Mon collègue Bentz propose de réintroduire la notion de court terme parmi les critères d’accès, pour restreindre le champ d’application du dispositif. Depuis le début de l’examen du texte, les défenseurs de l’aide à mourir insistent sur le fait que les critères sont cumulatifs ; ce mot a été répété à plusieurs reprises pour nous rassurer et faire valoir que le dispositif est strictement encadré. De fait, l’article L. 1111-12-2 que vous proposez d’insérer dans le code de la santé publique définit cinq critères cumulatifs concernant respectivement l’âge du demandeur, son lieu de résidence, l’affection dont il est atteint, la souffrance qu’il présente et la pleine possession de son discernement.
Cependant, cette rigueur disparaît à l’intérieur des cinq alinéas correspondant. Par exemple, le 4o est ainsi rédigé : la personne doit « présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle-ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement ». Ici, la formulation n’est pas cumulative mais disjonctive, alors que le critère est supposément protecteur. Concrètement, une souffrance uniquement psychologique, dont l’évaluation est purement subjective – elle doit être jugée insupportable par la personne –, peut satisfaire au critère même en l’absence d’échec thérapeutique ou si la personne choisit de refuser le traitement, ce qui est d’ailleurs son droit.
N’y a-t-il pas une contradiction entre l’affichage politique de critères cumulatifs et la réalité juridique d’un texte reposant sur des disjonctions ? Pouvez-vous nous dire clairement quelles garanties subsistent dès lors que les protections prévues se contournent, à l’échelle d’un alinéa, par un simple « ou » ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
M. Christophe Bentz
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Quand les souffrances sont insupportables et réfractaires à tout traitement, c’est l’espoir qui permet de tenir. Or dans le cas où l’état du malade se dégrade sans espoir d’amélioration, le droit à mourir peut être cet espoir. Contrairement à ce que pensent ses détracteurs, cette possibilité même peut permettre de supporter la souffrance.
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Tout à fait !
Mme Sandrine Rousseau
Savoir qu’on peut y avoir recours peut permettre de tenir un jour, trois jours, une semaine, un mois ou deux mois de plus. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – Mme Camille Galliard-Minier applaudit également.)
Réfléchissez-y ; quand les souffrances sont si insupportables qu’aucun médicament ne peut en venir à bout, on ne tient que grâce à la certitude de pouvoir, le moment venu, y mettre fin. C’est pourquoi il faut rejeter l’amendement, quand bien même on serait d’accord avec votre raisonnement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC. – M. Laurent Panifous, rapporteur, applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Les amendements de repli visant à réintroduire la notion de court terme me troublent car, s’ils sont adoptés, une personne présentant des souffrances réfractaires aux traitements pourra agoniser pendant un an sans avoir accès à l’aide à mourir. Cela a été rappelé, certains malades peuvent vivre pendant des mois dans la souffrance, voire pendant un an. (M. Christophe Bentz s’exclame.) En vous concentrant sur la question de la temporalité, vous faites fi de la souffrance.
M. Julien Odoul
E que s’apelerio les soins palliatifs !
M. Yannick Monnet
En cela, même si telle n’est pas votre intention, ces amendements entraîneraient la maltraitance des patients. Leurs conséquences seraient terribles : on laisserait agoniser les gens tant que la fin de leur vie n’est pas attendue à court terme. (M. Laurent Panifous, rapporteur, applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
À l’argument de Mme Rousseau, je réponds que ce qui soulage la souffrance en fin de vie, ce sont les soins palliatifs. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. René Pilato
Pas toujours !
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Vous n’étiez pas là la semaine dernière pour en discuter !
M. Yannick Monnet
Nous parlons d’après : des cas dans lesquels les soins palliatifs ne marchent plus !
M. Gérault Verny
Écoutons les soignants ! Ils rapportent que dans l’immense majorité des cas, les soins palliatifs répondent très bien à la demande du patient. Soit on considère que la médecine doit soigner et soulager la souffrance, soit on considère qu’on doit ouvrir ce droit au suicide assisté à tout le monde. À mon sens, le seul droit opposable que le législateur doit reconnaître est le droit au soulagement de la souffrance, c’est-à-dire le droit à bénéficier de soins palliatifs. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDR et RN. – Mme Sandrine Rousseau s’exclame.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1265.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 115
Nombre de suffrages exprimés 115
Majorité absolue 58
Pour l’adoption 40
Contre 75
(L’amendement no 1265 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 493.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Est dite incurable la maladie qui ne peut être guérie. Je fais partie d’une génération qui a vu des maladies considérées comme incurables devenir curables en l’espace de quelques années. À notre époque, la médecine fait des progrès très rapides, comme le montrent les récents succès dans le domaine de la thérapie génique. L’optimisme est donc permis.
L’amendement vise à préciser que le dispositif ne concerne que les maladies incurables « selon les données acquises de la science » et qui engagent le pronostic vital « malgré les traitements disponibles ». Nos débats me semblent un peu pessimistes ; il faut avoir plus d’optimisme et se fonder sur la science pour déterminer ce qui est incurable ou incurable.
M. Patrick Hetzel
Très bien !
M. Cyrille Isaac-Sibille
Tout l’enjeu consiste à ce que l’accès au dispositif concerne les malades qui sont, pour ainsi dire, déjà perdus, que ce soit à court, moyen ou long terme. C’est cette notion de malade « perdu » que nous n’arrivons pas à définir.
Indépendamment de cela, l’amendement vise à remettre la science au centre du débat.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Vous proposez d’ajouter deux précisions : l’affection doit être grave et incurable « selon les données acquises de la science » et le pronostic vital doit être engagé « malgré les traitements disponibles ». L’amendement vise donc à réduire encore l’accès à l’aide à mourir. Je rappelle par ailleurs que toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Pour ces raisons, mon avis est défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Justine Gruet.
Mme Justine Gruet
Nous remercions M. Isaac-Sibille pour la qualité de son amendement. Plus les critères seront flous, plus la situation sera laissée à l’interprétation du médecin. Nous avons déjà souligné que le critère de la résidence pouvait être délicat à aborder pour un médecin, qui n’a pas à savoir si son patient est en situation régulière. Nous aurons l’occasion de revenir sur le cinquième critère, relatif au consentement libre et éclairé, qui laisse lui aussi place à l’ambiguïté.
Le texte, dans sa rédaction actuelle, fait peser une responsabilité écrasante sur un seul médecin, puisqu’il ne requiert qu’un seul avis consultatif – la consultation psychologique étant optionnelle –, après une concertation qui peut être réalisée à distance. Dans ces conditions, il risque de fragiliser la relation thérapeutique car le médecin ne pourra pas s’appuyer sur des données scientifiques. L’amendement vise précisément à donner un cadre et à redonner du sens aux éléments sur lesquels les médecins se fonderont pour juger de la validité d’une demande.
Je pense que nous avons tous pris le temps d’échanger à ce sujet avec nos concitoyens. Dans l’esprit des Français, la proposition de loi concerne les derniers moments de la vie et de la maladie. L’enjeu de nos débats consiste à sécuriser le dispositif en définissant les critères, ce qui est difficile car l’appréciation d’une telle situation peut varier selon les personnes. Laisser planer le flou sur les critères reviendrait à esquiver notre responsabilité et à la faire porter sur le médecin qui examinera la demande. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil
Les critères proposés portent sur une réalité mouvante. Grâce au progrès de la science et de la recherche, une maladie aujourd’hui incurable ne le sera pas forcément demain. Même dans la souffrance, il y a de l’espoir. Je vais en donner un exemple ; je sais que vous n’aimez pas cela, mais les exemples permettent de pointer du doigt les difficultés. Environ 10 % des malades atteints d’un cancer du pancréas – 2 % des malades quand le cancer est métastasé – sont encore en vie cinq ans après le diagnostic. Un patient à qui on annonce un cancer du pancréas, ayant lu sur les réseaux sociaux que cette maladie est foudroyante, peut perdre tout espoir et vouloir demander l’aide à mourir.
Mme Ségolène Amiot
La question est celle de la souffrance !
Mme Claire Marais-Beuil
Qui peut dire si ce patient fera partie des 10 % qui vivent au moins cinq ans ? Personne, pas même le médecin – pas même vous ! Il faut encourager l’espoir, car il compte pour beaucoup dans l’efficacité du traitement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Ce point est très important ; il faut que nous soyons tous d’accord. Ce qui est incurable, c’est ce qui ne peut pas être guéri par un traitement. Or la science évolue tous les jours et les traitements changent. On voit désormais, pour certains cancers qu’on croyait incurables il y a quelques années, non seulement des rémissions mais même des guérisons totales. La liste des maladies incurables évolue tous les jours.
Mme Ségolène Amiot
La validation d’un traitement prend des années, et vous le savez très bien ! Soyez un peu honnête !
Mme la présidente
S’il vous plaît, laissez parler l’orateur.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Il importe donc de préciser que les maladies considérées comme incurables sont celles qui ne peuvent être guéries selon les données acquises de la science. Je vous invite à adopter l’amendement pour tenir compte de l’évolution de la science. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, DR et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Élise Leboucher, rapporteure de la commission des affaires sociales.
Mme Élise Leboucher, rapporteure de la commission des affaires sociales
Nous allons nous opposer à l’amendement. Il n’y a aucune raison de douter que les équipes médicales mobiliseront toutes les données scientifiques en leur possession pour soigner leur patient ou lui apporter un peu de répit. Ceux-là mêmes qui ont beaucoup insisté, lors de l’examen de la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs, sur la nécessité de faire confiance aux médecins semblent avoir soudain perdu cette confiance.
Par cet amendement, vous souhaitez écarter l’aide à mourir pour les situations dans lesquelles l’issue mortelle résulte du choix individuel de refuser le traitement.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Oui !
Mme Élise Leboucher, rapporteure
Premièrement, l’aide à mourir sera, dans tous les cas, réservée aux personnes dont le pronostic vital est engagé. Deuxièmement, souhaitez-vous revenir sur le droit des patients, consacré par la loi Kouchner de 2002, de refuser un traitement même en cas de conséquence vitale ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – M. Laurent Panifous, rapporteur, et Mme Sandrine Rousseau applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Delautrette, rapporteur.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Oui, madame Marais-Beuil, il y a tous les jours des patients qui, ayant lu des imbécillités sur internet, arrivent devant leur médecin en se faisant une fausse idée de leur situation, mais n’est-ce pas le rôle du médecin que de les détromper ? Pensez-vous sérieusement que le médecin – l’oncologue, dans le cas d’un cancer – ne prendra pas le temps d’expliquer à la personne les caractéristiques de sa pathologie, les différentes options de traitement et les avantages et désavantages de chacune ? Dans la vraie vie, c’est ce qu’implique la relation de confiance entre patient et soignant. N’en doutez pas, le médecin tiendra compte de toutes les avancées de la science. Comme l’a dit Mme Leboucher, il n’y a pas lieu de remettre en cause la compétence des professionnels de santé, faisons leur confiance : ils renseigneront adéquatement le patient quant à l’état de la science et quant aux perspectives offertes par les traitements les plus récents.
M. Julien Odoul
Le médecin peut se tromper aussi, il n’est pas infaillible !
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Il appartiendra ensuite à la personne, compte tenu des informations fournies, d’accepter ou non le traitement et, si elle remplit l’ensemble des conditions d’accès, d’utiliser ou non son droit à l’aide à mourir. Les professionnels de santé feront leur boulot d’information et d’accompagnement du patient, ne le mettez pas en doute ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – Mmes Ségolène Amiot et Sandrine Rousseau applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Disons-nous les choses au sujet de l’incurabilité. Premièrement, de même que sur la route, quand il y a un embouteillage sur l’une des deux voies, chacun prend la seconde, de même, si ce texte est adopté, nous allons arrêter de développer, de financer et de promouvoir la lutte contre la douleur et contre la souffrance. La recherche ne progressera pas et nous renverrons tout le monde vers l’euthanasie. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EPR, SOC et EcoS.)
M. Maxime Laisney
Ça, c’est si vous prenez le pouvoir !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Deuxièmement, les dispositions prévues se fondent non pas sur la douleur, mais sur la souffrance – pour rappel, la douleur est physiologique, tandis que la souffrance est psychologique. Il y a 150 000 tentatives de suicide par an en France pour 8 000 suicides. Si l’on continue votre raisonnement, il n’y a pas de raison de retenir la maladie comme critère nécessaire. À partir de là, il y aura demain 150 000 euthanasies en France, sans retour. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Chacun est là pour exprimer ce qu’il pense et la manière dont il souhaite faire évoluer cette proposition de loi. Cependant, il faut souligner un principe fondamental maintenu continûment, quelle que soit la majorité dans cet hémicycle : notre pays a fait le choix de la science et de la recherche. Il est évidemment indispensable de continuer dans cette voie.
Madame Marais-Beuil, vous disiez que nous n’aimions pas les exemples, cependant j’en prendrai un moi-même : samedi dernier, nous avons évoqué le sujet des mineurs. L’une des raisons pour lesquelles nous avons refusé l’entrée des mineurs dans ce dispositif est précisément l’avancée de la science. En effet, il y a des progrès remarquables en pédiatrie, notamment sur le suivi des cancers, grâce auxquels nous apportons des réponses. Personne dans cet hémicycle ne souhaite que nous ne continuions pas les recherches pour trouver des réponses à toutes les affections, quelles qu’elles soient ; c’est absolument indispensable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Justine Gruet et M. Cyrille Isaac-Sibille applaudissent également.)
Ensuite, nous devons avoir à l’esprit que chaque patient est unique, comme chaque individu l’est. La collégialité de la décision est donc très importante, car le collège jugera de l’état du patient non seulement en conscience, mais aussi en fonction de l’état de la science.
Philippe Juvin nous a invités à faire confiance aux médecins. Bien évidemment, nous leur faisons confiance. Nous estimons tous que les médecins feront appel à toutes les lignes de traitement compatibles avec l’état de santé du patient. Les professionnels de santé prendront une décision en prenant en considération l’état de la science et le cas unique du patient.
Nous devons tenir compte de ces éléments au moment où nous travaillons sur un texte aussi grave, qui fait appel à la conscience de chacune et de chacun d’entre nous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Olivier Falorni, rapporteur général
M. Allegret-Pilot a dressé un parallèle assez malencontreux avec le suicide. Je lui répondrai factuellement en citant l’Observatoire national du suicide, dont nous reconnaissons l’un comme l’autre, je suppose, le sérieux. En février de cette année, dans un rapport publié par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la santé, l’Observatoire national du suicide, qui n’est pas un promoteur de l’aide à mourir, a écrit : « dans les pays où des dispositifs de mort volontaire ont été légalisés – ou ces pratiques autorisées sous condition par la jurisprudence –, on ne semble pas observer d’effets de "déport" des suicides vers les dispositifs d’aide à mourir » ; « dans les pays où l’aide à mourir existe, […] toutes les demandes de mort sont loin d’aboutir » ; dans certains cas, la possibilité de recourir à l’aide à mourir permet « un début de prise en charge du mal-être » et peut « de manière contre-intuitive, ouvrir des perspectives » de « prévention du suicide ».
Il serait très malencontreux de faire une confusion ou d’établir des parallèles entre l’aide à mourir et le suicide. Notre préoccupation est de prévenir, autant que possible, les suicides ; tous les députés y œuvrent chaque jour. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. – M. Romain Daubié et Mme Sophie Errante applaudissent également.)
(L’amendement no 493 n’est pas adopté.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures quinze.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 490, 549, 847, 1338 et 2482.
Sur ces amendements, je suis saisie par les groupes Rassemblement national et Droite républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 490.
M. Cyrille Isaac-Sibille
L’amendement vise à supprimer l’expression « quelle qu’en soit la cause ». Ajoutée en commission, celle-ci tend à inclure les victimes d’accident dans le périmètre du texte. Un accident peut en effet provoquer une affection grave et incurable, laquelle peut engager le pronostic vital. L’état du patient n’en est pas irréversible pour autant : initialement très importantes mais évolutives, les douleurs physiques et psychologiques sont susceptibles de s’atténuer au bout de quelques semaines ou de quelques mois. Il me semble donc nécessaire de supprimer cette expression, afin d’exclure les situations résultant d’un accident.
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l’amendement no 549.
Mme Annie Vidal
La définition des critères est le cœur battant de cette proposition de loi : quelle réponse collective la société donnera-t-elle à une demande de mort ? J’entends cette demande de mort, elle est légitime, mais elle soulève des questions d’une extrême complexité, comme l’attestent les nombreux arguments et exemples avancés au cours des débats.
À qui dire oui, à qui dire non ? Telle est bien la question. La société doit permettre au médecin d’y répondre en toute sécurité. Pour cela, il faut que les critères fixés par la loi soient parfaitement clairs. Outre que certains ne me semblent pas l’être – notamment à cause de l’emploi de la conjonction « ou », qui laisse ouvertes certaines questions –, ajouter « quelle que soit la cause » à la définition des critères élargit à un nombre considérable de personnes l’accès à l’aide à mourir, sans apporter de précision utile quant à l’origine de la maladie.
M. Patrick Hetzel
Très juste !
Mme Annie Vidal
N’apportant aucune précision, un tel ajout risque selon moi de créer du flou et de mettre en difficulté les médecins qui auront à répondre oui ou non, dans le cadre d’un dialogue singulier, à cette demande de mort.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 847.
M. Patrick Hetzel
Par cet amendement, notre objectif est de rendre les critères un peu plus précis. En effet, la rédaction de l’alinéa 7, comportant l’expression « quelle qu’en soit la cause », pose véritablement problème. Nous pouvons certes débattre du cas des personnes qui ont subi un accident, mais il faut rester très prudents, comme les médecins nous y invitent. Ceux avec lesquels j’ai discuté soulignent que ces situations débouchent parfois sur des améliorations tout à fait inattendues, même pour le corps médical, et ces professionnels sont nombreux à nous alerter sur ce point.
En précisant les critères d’éligibilité, nous cherchons un point d’équilibre, de nature à favoriser l’interaction entre le corps médical et le patient. M. Cyrille Isaac-Sibille le rappelait tout à l’heure : les progrès de la recherche doivent nous inciter à la prudence et à chercher le bon équilibre, qui n’est pas atteint dans la rédaction actuelle.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 1338.
M. Charles Sitzenstuhl
M. le rapporteur général pourrait soutenir ces amendements identiques visant à supprimer les mots « quelle qu’en soit la cause » – je le dis sans malice. En effet, quelle que soit la position que l’on défend sur le texte, on peut considérer qu’ils sont en trop dans l’alinéa : ceux qui, comme moi, ne sont pas favorables au texte peuvent estimer que ces mots y ajouteraient du flou et en aggraveraient le caractère permissif, que nous dénonçons ; du point de vue des collègues qui sont favorables au texte, ces mots sont superfétatoires, puisqu’ils n’ajoutent rien à ce qui est prévu.
Mme Dieynaba Diop
S’ils n’ajoutent rien, autant les garder !
M. Charles Sitzenstuhl
Nous pourrions donc adopter ces amendements sans grand risque.
À M. Pilato, qui invoquait le cas des souffrances réfractaires, je souhaite rappeler que notre ordre juridique comporte déjà des dispositions relatives à de telles souffrances : celles des articles 3 et 4 de la loi Claeys-Leonetti de 2016. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
M. Gérault Verny
Tout à fait !
M. Charles Sitzenstuhl
Tel est le cœur de l’argumentation de ceux qui sont opposés à ce texte : il existe déjà des dispositions, mais la loi Claeys-Leonetti reste méconnue et n’est quasiment pas appliquée. Quant au présent texte, il procède d’une autre intention : faire entrer dans notre corpus juridique un droit à l’euthanasie, dont le champ aura vocation à être élargi – d’ailleurs, plusieurs acteurs le disent, comme l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) ou M. Touraine. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau, pour soutenir l’amendement no 2482.
M. Hervé de Lépinau
L’ajout de la mention « quelle qu’en soit la cause » provient d’un amendement adopté en commission, que j’appellerai l’amendement Touraine. En effet, on voit très bien ce qui se passe dans l’esprit des promoteurs de ce texte. Monsieur Falorni, vous êtes un peu le fils spirituel de notre ancien collègue Jean-Louis Touraine et vous n’aimez pas que l’on rappelle ces propos où il regrette, sans ambiguïté, qu’il n’y ait pas tout dans cette première loi d’euthanasie : « dans la première loi, il n’y aura pas les mineurs, il n’y aura pas les maladies psychiatriques, il n’y aura même pas les maladies d’Alzheimer » ; « une fois qu’on aura mis le pied dans la porte, il faudra revenir tous les ans ».
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Je n’ai rien dit de tout ça !
M. Hervé de Lépinau
Eh bien, cet ajout, c’est le fameux pied dans la porte. Nous savons très bien que cette loi-cliquet évoluera dans le temps ; nous savons très bien ce qu’il adviendra des critères restrictifs que vous retenez – encore parlé-je de « critères restrictifs » par une sorte d’euphémisme, puisqu’en réalité les garde-fous ont sauté les uns après les autres, notamment ceux prévus par le premier texte, examiné par une commission spéciale lors de la précédente législature.
C’est votre projet ; les uns l’assument, les autres moins. En tout cas, l’ajout de « quelle qu’en soit la cause » révèle ce à quoi nous arriverons et que Jean-Louis Touraine a décrit : l’élargissement maximal de l’accès à l’euthanasie et au suicide assisté. Voilà le problème moral, éthique, philosophique, qui se pose à nous comme législateurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Je n’ai pas de père spirituel, monsieur de Lépinau ; je suis simplement le fils de mon père – ce n’est déjà pas mal et je le salue ! J’ai en revanche de la sympathie et de l’admiration pour M. Touraine, que je félicite pour la Légion d’honneur qu’il a reçue la semaine dernière. Reste qu’il n’est plus député et qu’il s’exprime comme il le souhaite. Quant à nous, nous sommes législateurs ici et maintenant ; je ne sais pas ce que nos successeurs décideront dans dix, quinze ou vingt ans.
Vu votre opposition à ce texte, aussi légitime qu’argumentée, je ne doute pas que, lors des échéances électorales de 2027, vous en proposerez l’abrogation dans le programme de la candidate ou du candidat RN, tout comme je suis convaincu que, lors des élections législatives, vous défendrez la suppression de l’aide à mourir. C’est la démocratie ! Si – j’allais dire : par malheur – vous arrivez au pouvoir en 2027, et que vous êtes majoritaires, vous abrogerez cette loi. Et si nos successeurs, élus démocratiquement, souhaitent la modifier, ils le feront – dans dix, quinze ou vingt ans, je n’en sais rien : gardons-nous, une fois encore, des prédictions des Nostradamus de la médecine ou de la politique !
Il n’y a aucun « pied dans la porte » ; j’ai les deux pieds ancrés dans le sol, je parle de la proposition de loi telle que je la défends aux côtés de mes collègues rapporteurs et de tous les députés qui souhaitent cette avancée. Il n’existe ni stratégie, ni plan caché, ni autre loi en préparation. Nous ne parlons de rien d’autre que de cette proposition de loi, et je vous remercie d’avoir souligné qu’elle fixe des critères restrictifs – vous avez ensuite précisé qu’il s’agissait de votre part d’un euphémisme, mais ces critères existent bel et bien.
Pour revenir au fond de l’amendement, je suis partiellement d’accord avec M. Sitzenstuhl – pour une fois que j’étais d’accord avec lui, il est parti ! (Sourires.)
M. Yannick Monnet
Il l’a senti venir !
M. Jérôme Guedj
Et ne pouvait le supporter !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Peut-on rappeler M. Sitzenstuhl ? Les huissiers pourraient-ils aller le chercher pour qu’il l’entende ?
Mme Danielle Simonnet
Non !
Mme Dieynaba Diop
Ce n’est pas la peine !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Non ? Bon, peut-être pas.
En tout cas, j’étais en partie d’accord avec lui sur le caractère un peu superfétatoire de l’ajout de « quelle qu’en soit la cause ». Comme je l’avais dit en commission, la notion d’affection est englobante, et l’état de la personne nous importe davantage que l’origine de cet état. L’ouverture de l’aide à mourir aux situations consécutives à un accident, que certains dénoncent, résultait déjà de la rédaction initiale, dès lors que la personne remplit toutes les conditions prévues à l’article 4, notamment l’engagement de son pronostic vital et l’aptitude à exprimer une volonté libre et éclairée. La précision était donc dispensable.
Cependant, vos amendements m’incitent à penser le contraire : cette mention me semble à présent souhaitable. Contrairement à M. Sitzenstuhl, j’estime que, loin d’ajouter du flou, elle apporte une utile précision.
D’autre part, comme rapporteur général pour la commission des affaires sociales, je pense que la commission – le président Valletoux ne me contredira pas – a fourni un travail sérieux et rigoureux,…
M. Hadrien Clouet
C’est vrai !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
…qu’il convient de respecter. Or la commission a adopté l’amendement ajoutant cette mention, alors que j’avais signalé, dans mon avis, qu’il était satisfait. Je considère désormais que la précision est utile ; en conséquence, j’émets un avis défavorable aux amendements qui tendent à la supprimer. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je voudrais pour ma part revenir au fondement de ce texte. Ce que nous envisageons ici est lié à une pathologie, qui peut provenir d’une cause ou d’une autre. Mais la réponse que nous devons apporter n’a rien à voir avec cette cause, puisque ce qui nous intéresse, c’est l’état du patient. J’oserais même dire que l’état dans lequel se trouve le patient n’a parfois qu’un rapport très lointain à la cause qui l’a suscité, car la durée du processus de traitement peut se compter en semaines, en mois ou en années.
D’ailleurs, des exemples ont été cités tout à l’heure mais nous savons parfaitement que certains d’entre eux, y compris parmi ceux qui sont liés à des causes accidentelles, ne seraient pas concernés par le texte. Je pense en particulier au cas de Vincent Lambert : son état faisait suite à un accident de voiture et son histoire, très médiatisée, a duré quasiment une dizaine d’années. Pourtant, il n’aurait pas été éligible aux dispositions introduites par ce texte, parce que sa pathologie ne le permettait pas ; en effet, son discernement était aboli.
M. Sébastien Peytavie
Eh oui !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Or le discernement fait partie des critères qui seront examinés dans le cadre de la procédure collégiale – autre élément essentiel dont nous discuterons un peu plus tard.
Je suis donc parfaitement en phase avec ce que qu’a dit le rapporteur général lorsqu’il a fait allusion, dans la première partie de son explication, au « caractère un peu superfétatoire » de cet ajout, avant de préciser que son avis avait évolué eu égard au travail accompli par la commission. Pour ma part, j’avoue que je ne vois pas très bien ce que cela apporte ; je reste donc fidèle au texte tel qu’il avait été présenté par le gouvernement l’année dernière…
Mme Marie-Noëlle Battistel
Madame la ministre !
Mme Catherine Vautrin, ministre
…et je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Bon, ça va…
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
Nous débattons de la suppression d’une mention que nous avons introduite en commission des affaires sociales, en adoptant un amendement du groupe Socialistes et apparentés. Je le dis d’emblée : ce n’était pas un amendement Touraine ! C’était un amendement des députés socialistes qui était destiné non pas à mettre le pied dans la porte pour ouvrir le dispositif à des situations médicales dont je continue à penser, à titre personnel, qu’elles ne doivent pas, même à terme, être concernées par l’aide à mourir – je pense notamment à la maladie d’Alzheimer –, mais bien à dissiper le flou tenant à l’absence de mention explicite des pathologies liées à un accident.
En réponse à notre collègue Annie Vidal, je serais tenté de dire : qui peut le plus peut le moins ! Ces quelques mots, « quelle qu’en soit la cause », permettent assurément, et c’était l’intention de ceux qui les ont introduits en commission, de cibler les pathologies résultant d’un accident – dont nous serons amenés à reparler un peu plus tard, notamment au moment d’évoquer les directives anticipées s’appliquant à ce cas de figure.
Je remercie donc la ministre de s’en être remise à notre sagesse et surtout M. le rapporteur général – cher Olivier Falorni – de s’être finalement exprimé en faveur de cette formulation, eu égard aux arguments déployés par ceux qui s’y opposent. Nous avons apporté une précision ; j’espère qu’elle ne sera pas supprimée dans quelques minutes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Marc Chavent.
M. Marc Chavent
L’avis que l’on peut avoir sur ces amendements ne recoupe pas nécessairement le fait d’être pour ou contre le suicide assisté ou l’euthanasie. Un accident peut entraîner des états de choc, même à long terme, par exemple un stress post-traumatique ; on peut avoir provoqué un accident au cours duquel on a perdu des proches ou ôté des vies. En l’occurrence, plutôt que de se demander si l’on est pour ou contre l’euthanasie, il faut penser au discernement, à la volonté libre et éclairée : dans ces cas-là, le discernement n’est-il pas aboli ? Lorsqu’elle prend cette décision, la personne en mesure-t-elle vraiment les conséquences ?
Nous sommes là pour écrire le droit. Je n’en suis pas un grand spécialiste, mais tout de même, si une personne contractait un crédit important ou faisait une donation à la suite d’un grave accident, l’acte juridique serait très fragile, n’est-ce pas ?
Mme Ségolène Amiot
Ça n’a rien à voir et ce ne serait pas fragile du tout !
M. Marc Chavent
Mais s’il demandait à mourir, il suffirait qu’il remplisse les critères pour qu’on le lui accorde sans problème ? Nous devons être prudents. Au moment de voter sur ces amendements, quelle que soit votre opinion profonde sur le texte, pensez à la notion de discernement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
J’aimerais rappeler que, si nous avons produit un texte solide sur les soins palliatifs, et tant mieux, il reste des cas de figure auquel ni ce texte ni la loi Claeys-Leonetti ne répondent ; c’est bien pour cela que nous examinons un second texte. L’expression « quelle qu’en soit la cause » a été ajoutée en commission, et j’aimerais livrer un éclairage sur les arguments de ceux qui ont plaidé en ce sens.
Il peut arriver qu’une personne remplissant les cinq critères ait contracté une ou plusieurs affections et subi en outre un accident, sans que l’on sache laquelle des affections est à l’origine de son état ou même si c’est l’accident qui a accéléré les choses. Ce qui compte, ce n’est pas que l’on puisse l’attribuer à telle ou telle affection : l’essentiel, c’est que les cinq critères soient réunis !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Oui !
M. René Pilato
C’est pour cette raison que l’expression avait été ajoutée en commission. À partir du moment où la personne satisfait aux cinq critères, dont le discernement,…
Mme Catherine Vautrin, ministre
Nous sommes d’accord !
M. René Pilato
…et quelle que soit la cause de son état – une ou plusieurs pathologies –, nous considérons qu’elle peut accéder à l’aide à mourir. Voilà le sens de ce qui avait été défendu en commission.
Mme la présidente
La parole est à Mme Justine Gruet.
Mme Justine Gruet
Sur un sujet d’éthique tel que celui-ci, les mots ont un sens. À mon avis, sur les cinq critères, c’est celui qui a trait à l’affection grave et incurable qui doit apparaître comme le plus objectif. En effet, il renvoie à un état et à une temporalité qui caractérisent la fin de vie des personnes concernées. Nous vous faisons part d’incertitudes à ce propos.
Monsieur le rapporteur général, si vous jugez que ce qui a été fait en commission des affaires sociales ne doit en aucun cas être rediscuté ici, alors le travail en séance est inutile !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Je n’ai pas dit ça !
Mme Justine Gruet
Vous avez dit que, puisque nous l’avons votée en commission, il n’y a pas de raison de revenir sur cette formulation. Vous l’avez dit de cette manière ! Or l’intérêt de la séance est précisément d’élargir le débat au plus grand nombre de députés.
L’ajout de l’expression « quelle qu’en soit la cause » conduit à élargir grandement le champ d’application de l’aide à mourir : on y fait entrer les pathologies consécutives à un accident mais aussi les troubles neurodégénératifs. Même s’il a été dit que nous essaierions d’exclure ces derniers, j’ai peur que retenir toute affection grave et incurable « quelle qu’en soit la cause » soit finalement une manière de les inclure.
Par ailleurs, sur le plan éthique, monsieur Guedj, je suis gênée de vous entendre dire « qui peut le plus peut le moins ». Pardonnez-moi, mais sur un tel sujet, il faut au contraire borner les choses, afin de protéger les plus vulnérables.
M. Jérôme Guedj
Justement !
Mme Justine Gruet
De deux choses l’une : il s’agit soit d’élargir le champ d’application, ce qui m’inquiète pour des raisons éthiques, soit d’introduire une précision inutile, auquel cas il y a tout lieu de la supprimer. (M. Gérault Verny applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Sur un texte de cette envergure, il y a trois écueils à éviter. Tout d’abord, je ne suis pas favorable au fait de défendre une opinion par l’exemple (M. Dominique Potier applaudit),…
Mme Catherine Vautrin, ministre
Tout à fait !
M. Yannick Monnet
…car il y a autant d’exemples qui peuvent justifier l’élargissement de ce droit que sa restriction. Un tel argumentaire a ses limites : on ne peut pas fonder son opinion sur des exemples.
Le deuxième écueil, c’est l’absence d’honnêteté intellectuelle. Je suis désolé, monsieur de Lépinau, mais brandir l’argument de la théorie du complot ou de la peur, ce n’est pas recevable ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme Caroline Parmentier
Ce n’est pas ce qu’il a dit ! C’est vous qui êtes de mauvaise foi !
M. Théo Bernhardt
Il n’a pas du tout dit ça !
M. Yannick Monnet
Je fais partie des gens qui sont pour le droit à l’aide à mourir ; en revanche, contrairement à certains de mes collègues, je pense qu’il faut en faire un droit d’exception. La position de ceux qui veulent créer ce droit n’est donc pas uniforme, et ils ne sont pas en train d’ourdir un quelconque complot.
Le troisième écueil qu’il faudrait éviter, c’est l’adoption de certains amendements de repli. Comme le rapporteur général, je ne comprenais pas bien l’intérêt de l’expression « qu’elle qu’en soit la cause » quand il a été proposé de l’ajouter en commission. Quand je lis les exposés sommaires de vos amendements, j’en comprends mieux l’intérêt : l’adoption de ces amendements pourrait conduire à des situations proprement scandaleuses ! Suivant la cause de l’affection grave et incurable, on pourrait ou non bénéficier de ce droit.
Mme Dieynaba Diop
Absolument ! Rupture d’égalité !
M. Yannick Monnet
Cela entraînerait une rupture d’égalité dans l’accès à ce droit et cela signifierait que des gens pourraient, en fonction de la cause de leur affection – la mauvaise ou la bonne –, continuer à souffrir ou au contraire bénéficier de l’aide à mourir. Vous imaginez une telle situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Gérault Verny
C’est le risque !
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Je suis étonné d’apprendre que le professeur Touraine est complotiste.
M. Yannick Monnet
Non, vous !
M. Hervé de Lépinau
Dont acte ; au lendemain d’une Légion d’honneur, ça lui fera plaisir ! Ensuite, monsieur le rapporteur général, je ne suis pas une voyante extralucide : je ne lis pas dans les astres. (Sourires sur les bancs du groupe RN.) Je ne suis pas non plus médecin, donc je n’irai pas sur ce terrain-là.
En revanche, je suis juriste, et ce depuis trente ans. Je sais donc par la pratique qu’une formulation comme « quelle qu’en soit la cause », c’est le cauchemar du juriste. Elle nous laisse dans le flou le plus total et laisse libre cours à l’interprétation : au mieux, elle suscite une somme d’articles d’éminents juristes dans une revue que très peu de gens lisent ; au pire, elle occasionne un droit de construction prétorienne, qui évolue au gré des décisions prises dans les tribunaux. Or c’est la pire des choses, car l’approche subjective qu’aura chaque juge sur la question donnera lieu à des distorsions de jurisprudence. Pour le coup, l’argument sur lequel je m’appuie n’est pas médical mais juridique – et je sais que notre hémicycle compte un certain nombre de juristes : si nous retenons cette mention introduite par la commission, nous allons ajouter de la confusion.
Dernier point, et non des moindres : je rappelle, même si le train des soins palliatifs est passé, que lorsque les douleurs deviennent réfractaires, quelle qu’en soit la raison – soit parce que la pharmacopée disponible ne permet plus de les gérer, soit parce que le patient a fait le choix de ne plus suivre son traitement –, il existe une solution : la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Les soins palliatifs prévoient cette ultime phase, qui recouvre la totalité du spectre ! J’ai bien compris que, de l’autre côté de l’hémicycle, vous ne voulez pas l’entendre,…
Mme Ségolène Amiot
Ben non !
M. Hervé de Lépinau
…car – je suis désolé de reprendre votre formulation – cela ne rentre pas dans votre plan. C’est aussi simple que cela. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Ayda Hadizadeh
Quel plan ?
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana
Je voulais réagir au procès d’intention qui nous est fait : « le verrou va sauter », « le pied dans la porte »… Monsieur de Lépinau, nous sommes en train de voter une loi ici et maintenant ; nos successeurs voteront en leur âme et conscience, comme nous le faisons aujourd’hui !
Mme Sandrine Rousseau
Ça s’appelle la démocratie !
Mme Dieynaba Diop
Absolument !
M. Michel Lauzzana
S’il doit y avoir une évolution, ce sont eux qui prendront leurs responsabilités, comme nous les prenons aujourd’hui. Votre argument ne me semble guère pertinent.
Ensuite, je voulais évoquer la stratégie du saucissonnage employée par certains. J’en vois beaucoup qui, comme on dit chez moi, pinaillent sur un mot ou sur un autre. Mais il faut rappeler que les critères sont cumulatifs ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Éric Martineau et Mme Sandrine Rousseau applaudissent également.)
Mme Ayda Hadizadeh
Eh oui !
M. Michel Lauzzana
Ils sont cumulatifs ! Arrêtez de faire comme s’ils ne l’étaient pas. Vous l’avez encore fait lors de votre dernière intervention, alors que l’expression « quelle qu’en soit la cause » s’ajoute aux autres critères, puisqu’ils se cumulent ! Le texte témoigne tout de même d’une certaine logique ; lisez-le ! Nous parlons ici des critères, mais ils s’articulent avec la procédure qui fait l’objet de l’article 5 – sur lequel de nombreux amendements ont été déposés.
Certains disent qu’il faut tenir compte des évolutions futures de la science. Or, outre que nos discussions ont lieu ici et maintenant, la procédure en question prévoit que le médecin « informe […] sur les perspectives d’évolution [de l’état de santé de la personne] ainsi que sur les traitements […] ». J’ajoute que les oncologues sont très au fait des nouveaux traitements qui peuvent apparaître et qui sont disponibles par exemple aux États-Unis avant d’arriver en France. Ils vont bien évidemment en informer le patient.
Les critères définis par le texte, qui doivent être considérés de manière globale, obéissent donc à une logique qui est aussi celle de la procédure sur laquelle nous nous prononcerons par la suite. Par conséquent, arrêtez de saucissonner et envisagez le dispositif dans sa globalité ! Nous avons voté en commission, de manière responsable, et le texte est désormais très clair à ce sujet. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et SOC. – M. Éric Martineau, Mme Sandrine Rousseau et Mme Sophie Errante applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
En commission, lorsque nous avons introduit l’expression « quelle qu’en soit la cause », nous pensions en effet aux causes accidentelles. Je voudrais illustrer mon propos en évoquant le cas – qui arrive malheureusement trop souvent – des personnes qui, à la suite d’un accident, se retrouvent tétraplégiques. La tétraplégie évolue dans le temps. Évidemment, une personne qui se retrouve du jour au lendemain paralysé des quatre membres présente « une affection grave et incurable » et « qui engage le pronostic vital », dans le sens où ses fonctions respiratoires sont menacées. On sait que, dans les premiers jours, les premières semaines ou les premiers mois, la personne se pose des questions sur le reste de sa vie.
M. Sébastien Peytavie
Il faut aussi que la personne ait des douleurs réfractaires !
Mme Ségolène Amiot
Oui !
M. Cyrille Isaac-Sibille
Or tout cela, notamment le caractère traumatique de l’affection, est évolutif. Tout le monde peut témoigner du fait qu’au début, ces personnes-là ont tendance à être désespérées, mais qu’au bout de quelques semaines, mois ou années, elles reprennent goût à la vie.
L’introduction de la mention « quelle qu’en soit la cause » ouvrira donc l’aide à mourir aux personnes victimes d’un accident parce qu’en effet, dans les premières semaines ou les premiers mois qui suivent le traumatisme, elles rempliront les critères. Et pourtant, nous le savons pour avoir tous connu des personnes dans ces situations, il n’est pas rare qu’au bout de quelques mois ou années, elles aient retrouvé la joie de vivre.
Chacun doit prendre conscience de ce que l’on vote. La mention « quelle qu’en soit la cause » signifie que l’on inclut les causes traumatiques quand bien même la perception que la personne concernée a de ses séquelles est susceptible d’évoluer dans le temps. Je souhaite par conséquent que l’on retire ces termes, notamment pour les personnes qui se retrouvent handicapées à la suite d’un traumatisme.
M. Philippe Juvin
Il a raison.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
L’incurabilité de l’affection s’évalue au moment où la demande est déposée. Si les traitements sont appelés à évoluer dans les dix ans qui suivent, les critères d’incurabilité auront en effet changé mais il demeure que c’est au moment où le patient formule sa demande, en fonction de l’état de la médecine et de la science à ce moment-là, que l’on doit évaluer l’incurabilité de sa maladie. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
J’entends toutes les professions s’exprimer, les médecins, les juristes, mais je voudrais que l’on remette simplement les choses à leur place : cette loi est faite pour les malades, par les malades, sur la demande des malades, qui veulent reprendre leur destin en main et en rester maîtres jusqu’au dernier jour. Que les professions autour ne soient pas d’accord est une chose, mais cette loi est faite pour que les personnes puissent disposer de leur corps jusqu’au dernier instant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Philippe Juvin
Calmons-nous !
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 490, 549, 847, 1338 et 2482.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 137
Nombre de suffrages exprimés 135
Majorité absolue 68
Pour l’adoption 58
Contre 77
(Les amendements identiques nos 490, 549, 847, 1338 et 2482 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1333, 261, 19, 20, 518, 393 et 2398, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 20 et 518 sont identiques.
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 1333.
M. Gérault Verny
L’amendement tend à remplacer la définition actuelle de l’affection ouvrant droit à l’aide à mourir par une formulation beaucoup plus précise : une affection grave, incurable « et évolutive, engageant le pronostic vital à court terme, en phase terminale, dont l’évolution a été médicalement constatée et documentée comme irréversible, malgré une prise en charge thérapeutique appropriée ».
En effet, la version actuelle du texte est trop vague, trop ouverte, trop risquée. Elle parle simplement d’affection grave et incurable en phase avancée ou terminale. Or ces termes peuvent couvrir une multitude de cas : des maladies chroniques stabilisées, des handicaps lourds, des pathologies qui évoluent lentement, parfois sur des années. Ce n’est pas ce que la société attend, encore moins ce que le texte doit autoriser.
Par cet amendement, nous voulons affirmer que l’aide à mourir ne peut être envisagée que dans des situations d’extrême gravité, d’évolution irréversible malgré une prise en charge médicale sérieuse et complète. Il ne doit pas s’agir d’un simple choix individuel face à une maladie douloureuse, mais d’un constat médical documenté, sur la base d’une situation sans retour.
L’amendement permet ainsi d’exclure clairement les handicaps durables, les dépressions, les maladies non létales à court terme, de renforcer la responsabilité médicale dans la formulation du diagnostic et d’ancrer la procédure dans un cadre de dernier recours, conforme à l’intention affichée par les promoteurs du texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : par le groupe UDR sur l’amendement no 1333 ; par le groupe Droite républicaine sur l’amendement no 19 ainsi que sur les amendements identiques nos 20 et 518 ; par le groupe Rassemblement national sur l’amendement no 2398.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 261.
Mme Josiane Corneloup
Il s’agit de revenir sur la rédaction de l’alinéa 7. L’expression « phase avancée » est vague et très floue. Quelle réalité désigne-t-elle ?
Rappelons que 14 millions de personnes souffrent d’une affection de longue durée. Une ALD est, par nature, une maladie évolutive, dont la gravité et la durée nécessitent un traitement régulier et prolongé. À quel moment de ce type de maladie – je pense par exemple à la maladie de Parkinson – considérera-t-on qu’elle est en phase avancée ? Cette notion suscite des interrogations, et je préférerais que l’on s’en tienne à celle de « phase terminale ». Si vous ne souhaitez pas restreindre l’aide à mourir à la seule phase terminale, qu’au moins elle s’ajoute à la phase avancée pour en préciser le sens – phase avancée « et » terminale.
Nous souhaitons également préciser par cet amendement que le patient doit avoir bénéficié d’au moins quinze jours de soins palliatifs. L’intérêt des soins palliatifs pour soulager la souffrance et préserver la qualité de la vie n’est plus à démontrer. Les statistiques montrent ainsi que les 3 % de patients qui demandent l’aide à mourir lorsqu’ils arrivent dans une unité de soins palliatifs ne sont plus que 0,3 % une semaine après. Que ce soit pour protéger les médecins d’un contentieux lié à l’interprétation qui sera faite de la notion de phase avancée, ou pour améliorer la qualité de vie des patients, cette disposition me semble indispensable.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir les amendements nos 19 et 20, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Patrick Hetzel
Selon la définition de la Haute Autorité de santé, « on parle de pronostic vital engagé à court terme lorsque le décès du patient est attendu dans quelques heures à quelques jours ». Les amendements tendent à préserver l’esprit qui a initialement présidé à la détermination des conditions d’accès à l’aide à mourir en réintroduisant la condition d’un pronostic vital engagé à court terme. Du reste, les avis publiés très récemment par la HAS attestent que les autres formules, dorénavant utilisées, sont difficilement définissables.
J’en reviens toujours au même point : même si la volonté du patient demeure ce qui doit nous guider, nous devons nous demander comment les professionnels de santé, en pratique, pourront utiliser les critères que nous aurons fixés dans la loi. Chaque élément flou sera source de difficultés pour le professionnel de santé. Ils sont nombreux à s’en inquiéter, et nous devons les entendre. Le rôle du législateur est de tout faire pour que la loi soit claire, précise et intelligible. En l’espèce, cela nous oblige à établir des critères aussi objectivables que possible. C’est l’objet de ces deux amendements.
Mme la présidente
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir les amendements nos 518 et 393, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Justine Gruet
Nous avons à nouveau entendu proclamer que ce droit nouveau ne concernerait pas ceux qui ne veulent pas y recourir. C’est faux. Dès lors qu’un patient est éligible à l’aide à mourir, il aura l’obligation, ne serait-ce qu’inconsciemment, de se poser la question du choix qu’il souhaite faire. (Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Plusieurs députés LFI-NUPES
Et alors ?
Mme Justine Gruet
Madame la présidente, pour la bonne tenue des débats, je vous signale qu’il est très désagréable d’être ainsi interrompue.
Mme la présidente
S’il vous plaît, laissez l’oratrice s’exprimer !
Mme Justine Gruet
Je ne vocifère pas quand vous prenez la parole ! Si vous ne supportez pas la contradiction, nous n’arriverons pas à échanger sereinement. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, RN et UDR. – Mmes Joséphine Missoffe et Annie Vidal applaudissent aussi.)
Même si le patient ne souhaite pas recourir à l’aide à mourir, il subira une certaine pression, d’ordre social, sociétal, voire familial, qui entrera en ligne de compte.
Je vous propose donc, par l’amendement no 518, de remplacer « quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale » par les mots « engageant son pronostic vital à court terme ». Les médecins favorables à ce texte avec qui nous avons échangé préfèrent la notion de pronostic vital à court terme, qu’ils appréhendent plus aisément que le pronostic vital à moyen terme, dès lors qu’ils peuvent encore avoir à leur disposition un arsenal thérapeutique permettant d’accompagner le patient – même si je respecte la liberté du patient d’arrêter son traitement.
L’amendement no 393, rédactionnel, tend à inverser l’ordre des expressions : « en phase avancée ou terminale, engageant le pronostic vital. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Théo Bernhardt, pour soutenir l’amendement no 2398.
M. Théo Bernhardt
Puisque nous n’avons pas réussi, hélas, à supprimer la mention « qu’elle qu’en soit la cause », particulièrement floue, nous proposons, pour qu’elle soit au moins précisée, de la remplacer par : « qu’elle soit de nature pathologique ou accidentelle ». On prendrait ainsi en compte certaines situations imprévues qui entraînent des pathologies. Il faut néanmoins savoir que, notamment en cas d’affection ayant une cause accidentelle, un pronostic peut évoluer – cela a été dit sur plusieurs bancs.
Nous devons sécuriser ce texte et ne pas rompre son équilibre, très altéré par la mention « quelle qu’en soit la cause », quoi qu’en disent M. le rapporteur général et Mme la ministre.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Ces sujets ont été largement débattus ; avis défavorable à tous les amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
C’est vrai, nous avons pu échanger sur ces sujets. Je rappelle que l’article 4 fixe une série de conditions qui s’ajoutent les unes aux autres. Pour toutes ces raisons, l’avis du gouvernement est défavorable.
M. Théo Bernhardt
Vous vous en étiez remise à la sagesse de l’Assemblée, précédemment !
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Nous voterons pour ces amendements, qui tendent à corriger la mention « quelle qu’en soit la cause ». On voit bien que votre intention n’est pas de limiter le champ d’application du texte au stade extrême des pathologies. Finalement, il n’y a plus de limites ! D’ailleurs, l’aide à mourir est ouverte, par l’alinéa 4 de l’article 4, à une personne et non à un patient. Pourquoi ? Tout simplement pour élargir l’accès au dispositif : il n’est même plus nécessaire d’être malade ! Or il est primordial que la France accompagne les Français en fin de vie.
D’autre part, j’ai entendu parler, dans cet hémicycle, d’agonie et de souffrance réfractaire. L’agonie est le terme employé pour désigner l’état du patient juste avant son décès ; s’il est en grande souffrance, il aura été placé sous sédation, et ne souffrira donc plus. Sous prétexte d’autodétermination, vous frapperez en réalité les plus vulnérables.
Il a été question de M. Touraine. Sans doute regrette-t-il d’avoir été filmé car, dans cette vidéo, il affirme qu’il faudra revenir à cette loi tous les ans, pour l’étendre aux mineurs, aux personnes atteintes d’une maladie psychiatrique, voire aux malades d’Alzheimer !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Laissez M. Touraine tranquille !
Mme Catherine Vautrin, ministre
On ne va pas commencer à parler pour lui.
Mme Sandrine Dogor-Such
Que décidons-nous ? Est-il bien nécessaire, dans ces conditions, de faire de la santé mentale une grande cause nationale, de multiplier les plans de prévention du cancer ? De fait, cette proposition de loi est la solution que vous proposez face à un système en berne.
Monsieur Falorni, si vous pensez vraiment que nous allons abroger cette loi en 2027, autant ne pas la voter aujourd’hui. En effet, nous serons au pouvoir en 2027 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
M. Olivier Falorni, rapporteur général
C’est un peu présomptueux.
Mme Sandrine Rousseau
Connaissez-vous l’histoire de la peau de l’ours ?
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Ces amendements ont une vertu, celle de rappeler nos points de désaccord au sein de cet hémicycle pour que tout le monde les comprenne. Notre collègue Gruet a expliqué qu’à ses yeux, l’un des risques d’un tel dispositif d’aide à mourir est d’obliger les gens à se poser des questions. Nous pensons en effet, pour ce qui nous concerne, qu’il est bien de se poser des questions, sur soi, sur les autres, sur son parcours de soins. L’ouverture d’un droit, par définition, conduit à s’interroger sur ce qu’on souhaite, pour soi et pour les autres.
D’une manière générale, il est toujours bon de se poser des questions – si jamais un doute persistait à ce sujet. C’est vrai notamment pour la plupart des droits qui se rapportent au fait de disposer de son corps. Par exemple, le droit à l’interruption volontaire de grossesse amène à se poser la question de garder un enfant. Mais cela signifie aussi que l’on choisit d’avoir un enfant. De chaque capacité de l’être humain liée à son destin biologique, on fait un choix social. C’est une bonne chose, là encore, pour soi et pour celles et ceux qui nous entourent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Je lis dans l’exposé sommaire de l’un des amendements de notre collègue Hetzel qu’il « vise à rétablir » le « garde-fou essentiel de l’engagement du pronostic vital ». Je vais le rassurer : le « pronostic vital » est toujours dans le texte. C’est le seizième mot de l’alinéa. Ce n’est quand même pas très long d’aller jusqu’au seizième mot de la phrase… C’est écrit dedans : « pronostic vital ».
Vos amendements ne font pas ce qu’ils disent et ne disent pas ce qu’ils font.
En revanche, ils reposent sur une vision de l’être humain qui est celle d’un être mû par une destinée et par des forces supérieures ; bref, un être humain qui n’a pas de choix dans son existence. Ce n’est pas la manière dont nous concevons l’humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Monsieur Clouet, vous êtes un député averti.
Mme Sarah Legrain
Et il en vaut deux !
M. Philippe Juvin
Effectivement, l’expression « pronostic vital » figure dans le texte ; vous avez raison.
La question qui se pose est la suivante : est-ce que l’on parle du pronostic vital engagé à un an ?
M. Hadrien Clouet
Ce n’est pas ce qui est écrit…
M. Philippe Juvin
À deux, trois ou quatre ans ? Nous posons toujours la même question et nous attendons une réponse. Dès lors que les conditions de l’alinéa 8 sur la souffrance sont remplies, accepte-t-on que cette loi s’applique à quelqu’un qui a cinq ans à vivre ? La question est claire. Nous demandons une réponse. Oui ou non ?
De la réponse, positive ou négative, à cette question dépendra le vote d’un certain nombre des membres de notre groupe. (M. Gérault Verny applaudit.)
Mme Ayda Hadizadeh
Le suspense est insoutenable…
M. Philippe Juvin
Je me suis placé dans l’hypothèse où les critères de l’alinéa 8 étaient remplis. Ceci posé, il est faux de dire – nous y reviendrons – que l’alinéa 8 correspond à la condition tenant à l’existence de « douleurs réfractaires ». Ce n’est pas vrai. Si les douleurs réfractaires sont visées, dans la rédaction actuelle la condition peut être remplie si le patient qui souffre de douleurs accepte, veut, décide lui-même d’arrêter un traitement.
Mme Élise Leboucher
Il a le droit !
M. Philippe Juvin
Oui, il a le droit mais ne dites pas que la condition tient à l’existence de « douleurs réfractaires » ; l’aide à mourir peut être accordée alors qu’il y a une solution dont le patient ne souhaite pas bénéficier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. – M. Gérault Verny applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Monsieur Juvin, nous respectons vos positions ; nous les combattons, c’est différent.
M. Philippe Juvin
C’était bien commencé…
Mme Danielle Simonnet
Alors, faites preuve d’un petit peu d’honnêteté ! Vous ne voterez pas ce texte de loi en tout état de cause, parce que, fondamentalement – c’est votre droit le plus strict – vous n’êtes pas d’accord et vous pensez qu’il faut laisser faire le destin. (Mme Sandrine Rousseau applaudit.)
Certains collègues disent que, finalement, dans la sédation profonde, on meurt de la maladie. Sur ce point aussi, ne soyons pas hypocrites ! On meurt en raison de la fin de l’hydratation, de l’alimentation ou même du fait d’une surdose de morphine. Il y a bien un acte humain qui vient faire en sorte que la personne décède.
Madame Gruet, vous allez jusqu’à dire, et à répéter, que l’instauration de cette ultime liberté de bénéficier de l’aide à mourir pourrait finalement créer une contrainte qui obligerait chaque patient à réfléchir. Mais le droit d’arrêter un traitement impose aussi de réfléchir à la question : est-ce que je souhaite ce traitement ?
Nous estimons qu’il est extrêmement important de défendre la liberté de la personne, la liberté de choisir : c’est le cœur de cette loi. Cette loi instaure un nouveau droit, celui de décider de sa fin de vie, dans des conditions cumulatives bien particulières.
Sur le fond, notre désaccord est là : vous estimez que la vie nous a été donnée et que nul n’a la liberté de décider de sa fin de vie. Nous estimons, nous, que chaque être humain doit pouvoir en décider quand, à un moment donné, dans des conditions bien particulières, les souffrances sont insupportables, réfractaires à tout traitement. Nous pensons que la personne a le droit de choisir et de décider si elle veut continuer une vie qu’elle estime ne plus valoir la peine d’être vécue. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Nous avons eu ces débats maintes fois et je crois qu’à ce stade, nous avons prouvé que la formulation est acceptée par le plus grand nombre.
Je voudrais revenir sur l’amendement en discussion prévoyant que la personne n’aurait accès à l’aide à mourir qu’à condition d’avoir accepté de passer quinze jours en soins palliatifs. D’abord, que veut dire quinze jours en soins palliatifs ?
Je rappelle aussi que l’aide à mourir est complètement indépendante de la volonté d’accéder – ou de ne pas accéder – aux soins palliatifs. L’aide à mourir est une solution qui peut être menée en parallèle sans avoir été admis – parce qu’on ne le souhaitait pas – dans un centre de soins palliatifs.
Il y a d’ailleurs une contradiction assez forte puisque ceux qui défendent cet amendement déposent aussi des amendements pour dire que, dans les services de soins palliatifs, il ne faudrait pas autoriser l’aide à mourir. Franchement là, on a du mal à vous comprendre.
Autre point : notre collègue du Rassemblement national, Mme Dogor-Such, veut laisser croire qu’on créerait un droit pour les personnes non malades – c’est ce que vous avez dit. Que faites-vous des cinq critères dont nous débattons ici depuis des heures et qui nous ont aussi longuement occupés en commission ? Vos propos sont absolument intolérables et mensongers et témoignent d’une profonde mauvaise foi. ( Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS. – M. Éric Martineau applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Il faut dire et répéter que ce texte sur l’aide à mourir fixe des critères objectivables, précis et cumulatifs qui ont été définis après mûre réflexion.
Je voudrais vous renvoyer à ce qui se passe aujourd’hui à domicile ou dans des unités de soin : il y a des malades dans ces situations-là et des équipes médicales ou paramédicales qui décident de les accompagner jusqu’au bout, sur la base de ces critères mais dans l’illégalité la plus totale en prenant des risques.
Or, que fait cette loi ? Elle précise ces critères cumulatifs qui constituent une aide à la décision et également une protection pour les soignants ; ils pourront, demain, travailler en toute légalité. Il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt. Il faut accompagner les patients et les équipes, et protéger chacun en respectant le choix qui a été énoncé et répété par le patient. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Je voudrais répondre à Danielle Simonnet car en écoutant ses arguments on trouve un élément central de ce débat.
Vous avez évoqué le lien entre soins palliatifs et sédation profonde en rappelant que, dans la sédation profonde, parfois une surdose de morphine pouvait être létale. C’est vrai, mais dans la sédation profonde, l’intention est de soulager les douleurs.
M. Michel Lauzzana
Non !
M. Gérault Verny
En soins palliatifs, y compris dans la démarche de sédation profonde, le soignant a pour seul objectif de soulager la douleur. Là se trouve à mon sens la différence fondamentale avec ce que nous faisons.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1333.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 125
Majorité absolue 63
Pour l’adoption 46
Contre 79
(L’amendement no 1333 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 261.
(L’amendement no 261 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 19.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 131
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 48
Contre 79
(L’amendement no 19 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements nos 20 et 518.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 48
Contre 79
(Les amendements nos 20 et 518 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 393.
(L’amendement no 393 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2398.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 127
Majorité absolue 64
Pour l’adoption 45
Contre 82
(L’amendement no 2398 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Madame Rousseau, vous souhaitez faire un rappel au règlement ?
Mme Sandrine Rousseau
Je demande une interruption de séance de cinq minutes pour discuter de la bonne tenue des débats.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à douze heures quinze.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Je vous informe que l’ensemble des groupes se sont mis d’accord pour que nous nous en tenions à deux pour deux contre lors de l’examen des amendements, en essayant bien sûr de faire circuler la parole.
Par ailleurs, je vous annonce que sur l’amendement no 208, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous en venons à sept amendements, nos 1732, 1908, 208, 1319, 2439, 2473 et 2472, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1319 et 2439 sont identiques.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement no 1732.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Nous sommes toujours au cœur du sujet avec cet amendement puisqu’il prévoit de supprimer la condition du pronostic vital engagé pour accéder à l’aide à mourir. Cela permettrait de prendre en compte des situations particulièrement difficiles. En effet, dans le cas des maladies neurodégénératives, par exemple, les souffrances physiques ou psychologiques réfractaires ou insupportables peuvent survenir dès les stades avancés.
Avant même que le stade terminal soit atteint, des souffrances extrêmes peuvent ainsi rendre la vie intolérable. La condition du pronostic vital engagé retarde donc arbitrairement le soulagement des patients et enferme certains d’entre eux dans la spirale de l’acharnement thérapeutique – dont, pourtant, la loi ne veut pas.
En supprimant ce critère, nous reconnaissons qu’il n’y a plus de dignité dès lors que la douleur transcende l’endurance humaine. Même si l’on a entendu ici quelqu’un – que je ne citerai pas afin de ne pas relancer le débat – remettre en cause la pertinence de l’avis de la Haute Autorité de santé, je vous invite à relire ce document. Il remet au cœur du débat la souffrance, considérée comme le critère principal, et la qualité de vie. La HAS préconise en effet de sortir d’une logique de prédiction de la qualité de vie restante pour « retenir une logique d’anticipation et de prédiction de la qualité du reste à vivre ».
Dans ce débat, il faut sans cesse poser la question : qui mieux que le malade est en capacité d’apprécier la soutenabilité de sa douleur ? La souffrance n’impacte pas forcément la durée du temps qui reste à vivre mais la manière dont il est vécu par le malade. Ce n’est donc pas la proximité de la mort qui l’emporte.
Mme la présidente
Votre temps de parole est écoulé, madame la députée.
Mme Marie-Noëlle Battistel
On pourrait citer les cas de Vincent Humbert, Alain Cocq ou de nombreux autres malades.
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l’amendement no 1908.
Mme Danielle Simonnet
Dans le même esprit que celui de ma collègue Battistel, mon amendement porte sur les malades dont les souffrances sont réfractaires à tout traitement,…
M. Jérémie Patrier-Leitus
La dépression, par exemple ?
Mme Danielle Simonnet
…et pour lesquels aucune amélioration n’est possible même si le pronostic vital n’est pas immédiatement engagé. Dans de tels cas, ne pourrions-nous pas accorder au patient une ultime liberté de choix ?
M. Jérémie Patrier-Leitus
Effrayant !
Mme Danielle Simonnet
Le rapport de 2025 de l’Observatoire national du suicide indique que, dans les pays où l’aide à mourir existe, « toutes les demandes de mort sont loin d’aboutir ». Il est précisé que « le simple fait d’être écouté par un soignant, d’évoquer les possibilités du dispositif et d’entrevoir un horizon, provoque même dans certains cas un effet de revitalisation […] ».
Autrement dit, ne croyez pas que si l’on instaure cette ultime liberté, tout le monde s’y engouffrera. Cette option pourra en revanche constituer une aide pour le patient qui aura à l’esprit, au moment où il subit une souffrance, que même s’il veut tester tous les traitements prescrits en soins palliatifs, il lui sera toujours possible d’exercer cette liberté.
Si, au bout du bout, la situation est irrémédiable – même si le pronostic vital n’est pas directement engagé –, si le patient considère que sa souffrance est trop intense, s’il ne supporte pas que ses facultés soient si fortement dégradées, il a le droit de ne plus souhaiter continuer à vivre. C’est son libre choix.
Il est important de tenir compte de la liberté du patient et de bien prendre conscience que l’aide à mourir s’inscrit dans un processus d’accompagnement, au cours duquel, par ailleurs, l’avis d’acteurs pluriprofessionnels peut l’aider.
Mme la présidente
Je vous informe que sur les amendements nos 1319 et identique, je suis saisie par le groupe UDR d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 208.
M. Christophe Bentz
Cet amendement – de repli évidemment – de ma collègue Marie-France Lorho vise à restaurer la notion de court terme. En effet, plus le délai est court, plus le pronostic se rapproche de la réalité médicale et humaine.
Le pronostic vital engagé, à lui seul, ne suffit pas s’il n’est pas assorti d’un critère temporel. Car, en définitive, toute vie humaine engage, à tout moment, un pronostic vital. Notre ancien collègue Pierre Dharréville expliquait ici même il y a un an que la naissance engageait un pronostic vital.
Mme Sandrine Rousseau
Laissez Pierre Dharréville tranquille !
M. Christophe Bentz
Nous avons malheureusement bien conscience qu’à terme ce garde-fou sautera – c’est très précisément, et uniquement, pour cette raison que nous invoquons la fameuse théorie du pied dans la porte. Cependant, notre mission, en tant que législateurs, est d’anticiper les conséquences, demain et à long terme, d’une loi que nous votons aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 1319.
M. Gérault Verny
Cet amendement de repli introduit une précision décisive à l’alinéa 7 puisqu’il prévoit d’ajouter les mots « à court terme » après « qui engage le pronostic vital ».
Ce n’est pas anodin car, aujourd’hui, la notion de pronostic vital engagé est trop vague, trop étendue, trop sujette à interprétations cliniques. Elle pourrait inclure des affections très diverses, de certains cancers incurables à des maladies chroniques ou dégénératives, stabilisées mais graves, voire des handicaps lourds.
Ce flou ouvre la voie à une application inégale, instable voire abusive du dispositif d’aide à mourir. Il introduit le risque que des personnes atteintes de pathologie non terminale mais lourde soient orientées vers la mort assistée non pas en fin de vie mais en situation de vulnérabilité prolongée.
En précisant « à court terme », nous réaffirmons que l’aide à mourir doit répondre à des souffrances réfractaires dans les tout derniers temps de l’existence et non pas constituer une solution anticipée face à la dégradation progressive d’une vie affaiblie.
Cette protection permet aussi de tracer une frontière claire entre la médecine palliative, qui doit accompagner les maladies chroniques et les situations de handicap, et l’aide à mourir, qui doit rester exceptionnelle, ciblée, terminale. Nous devons rester fidèles à cette logique de dernier recours. La mort prolongée n’est pas un soin de confort à long terme. Elle n’a de sens qu’en cas d’extrême proximité de la mort naturelle.
Mme la présidente
L’amendement no 2439 de M. Éric Michoux est défendu.
La parole est à M. Hervé de Lépinau, pour soutenir l’amendement no 2473.
M. Hervé de Lépinau
Tout d’abord, soyons honnêtes : l’amendement de Mme Battistel témoigne d’une volonté de faire sauter les critères. Son contenu me fait froid dans le dos – je l’ai relu. Il revient à créer une condition de remboursement ou de non-remboursement de l’acte létal : si votre situation ne remplit pas le critère du pronostic vital engagé, vous ne serez pas remboursé par la sécurité sociale si vous décidez de mettre fin à vos jours. C’est lunaire ! (Exclamations sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme Danielle Simonnet
Mais non ! C’est pour l’article 40 !
Mme Cyrielle Chatelain
C’est une question de recevabilité financière de l’amendement !
M. Hervé de Lépinau
J’ai bien compris que pour certains, il y a, si j’ose dire, urgence létale à avancer dans ce texte, toutefois il convient de ne pas franchir certaines limites à la décence.
Ensuite j’en viens encore et toujours à la question de la temporalité. Le pronostic vital engagé est une notion floue. Toutefois, si je me réfère à ce que nous ont expliqué nos collègues médecins, il existe une certaine probabilité pour qu’une personne atteinte de telle ou telle pathologie, en fonction de l’état constaté à l’instant T, passe de vie à trépas d’ici un certain nombre de mois voire un an.
Nous proposons donc par cet amendement de fixer le délai, s’agissant du pronostic vital, à douze mois afin que les médecins, mais aussi les juristes, disposent d’un point de repère fiable. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
L’amendement no 2472 de Mme Angélique Ranc est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Pour commencer, l’amendement de Mme Battistel vise à supprimer la mention du pronostic vital afin de prendre en compte des cas particulièrement difficiles, même si le pronostic vital n’est pas engagé à brève échéance, ainsi que les situations provoquées par un accident.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Quelle honte !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Je serai très clair. Il me semble – et je dirai même : il est – nécessaire de conserver la mention du pronostic vital.
M. Dominique Potier
Ah ! Tout de même !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Néanmoins, après lecture de l’exposé sommaire de votre amendement, je veux aussi vous rassurer sur certains points. D’une part, dans le texte, il n’est pas question de « brève échéance ». Nous avons d’ailleurs déjà écarté certains amendements qui visaient à restaurer une condition de court terme.
D’autre part, les maladies neurodégénératives ne sont pas exclues du dispositif par principe. Si la situation d’un patient atteint d’une telle maladie remplit tous les critères – notamment être capable de discernement, être en mesure de réitérer sa volonté jusqu’au bout – pourra bénéficier de l’aide à mourir.
M. Jérôme Guedj
Et le pronostic vital !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Oui, monsieur Guedj, l’ensemble des critères devront être remplis, notamment celui du pronostic vital engagé.
Je suis donc absolument défavorable à cet amendement.
Même si tous ces amendements font l’objet d’une discussion commune, ils sont très différents. Leur seul point commun est de modifier profondément, dans un sens ou dans l’autre, l’équilibre de l’alinéa. Par conséquent, s’ils étaient adoptés, on déséquilibrerait l’article et donc le texte dans son ensemble.
En repoussant les amendements de l’UDR et du Rassemblement national visant à restaurer une condition de court terme, nous répondrons à l’inquiétude de Mme Battistel sur ce point.
Mme Simonnet veut étendre le dispositif aux personnes qui se trouvent dans une situation de dépendance qu’elles estiment incompatible avec leur dignité. Son amendement porterait atteinte à l’équilibre que nous avons trouvé autour de la notion de pronostic vital engagé.
Avec la plus grande sagesse et la plus grande responsabilité, je vous invite donc à voter contre tous ces amendements. (M. Philippe Vigier applaudit.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
J’aboutis à la même conclusion que M. le rapporteur. Mme Battistel, le pronostic vital constitue, à mes yeux, une des trois conditions clés de l’accès à l’aide à mourir. La deuxième, c’est l’avis médical – qui, précisément, détermine si le pronostic vital est engagé. La troisième, c’est la capacité de discernement car il faut s’assurer de la volonté du patient qui doit pouvoir réitérer sa demande. Ces trois conditions réunies permettent de bénéficier de l’aide à mourir.
Voilà pourquoi je suis particulièrement défavorable à l’amendement no 1732 et défavorable à tous les autres.
Mme la présidente
Malgré la règle « deux pour, deux contre » que j’ai énoncée il y a quelques minutes, je donnerai exceptionnellement la parole à trois contre, notamment parce qu’un député appartenant à groupe qui ne s’est pas exprimé depuis le début de la matinée souhaite intervenir.
La parole est à M. Lionel Tivoli.
M. Lionel Tivoli
Je suis opposé à l’amendement no 1732 qui vise à supprimer la condition du pronostic vital engagé pour accéder à l’aide à mourir.
Je pense à une personne qui apprendrait qu’elle est atteinte d’une maladie neurodégénérative. Elle vient d’encaisser un diagnostic brutal. Submergée par l’émotion, elle perd ses repères et se projette dans la dégradation à venir. Dans cet état, on peut vouloir en finir tout de suite.
Mais si cette même personne est entourée, accompagnée, soutenue, si on lui laisse le temps d’assimiler la réalité, de vivre encore, d’être entendue, alors, souvent, son regard sur la vie changera. La souffrance peut s’atténuer, la volonté évoluer, l’apaisement venir. C’est à cela que sert la mention du pronostic vital engagé : elle n’exclut pas, mais temporise, protège, garantit que l’aide à mourir ne constitue pas une réponse trop rapide à la détresse immédiate. Je rappelle que, quand la maladie de la personne progresse, devient incurable et que son pronostic vital est engagé, alors le texte prévoit déjà que, si elle le souhaite, elle puisse accéder à l’aide à mourir.
Alors, oui, la souffrance peut être insupportable sans que l’affection soit en phase terminale. Mais, quand la vie continue, le rôle de la société est justement d’apaiser, pas d’abréger. Ce n’est pas parce qu’on souffre qu’on est en train de mourir ; ce n’est pas parce qu’on souffre qu’on doit mourir. Je crois que cette temporalité est juste et respecte la personne autant que la souffrance. C’est pourquoi je vous invite à rejeter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je suis contre tous ces amendements et j’ai voulu prendre la parole pour montrer que, contrairement à ce qui se dit, à gauche, on peut avoir des appréciations et avis différents, pour de bonnes raisons. Je m’oppose à vos amendements de repli, car ils me paraissent très hasardeux et je ne suis pas sûr que, du point de vue du droit, ils soient beaucoup plus éclairants. Bref !
Selon moi, supprimer la mention du pronostic vital n’est pas possible. C’est une situation typique : à force de vouloir prendre en compte tous les cas – ceux que mes collègues ont évoqués l’ont été avec justesse –, on ouvre tellement la proposition de loi que l’on permet à d’autres cas d’entrer dans son champ d’application, de manière inacceptable. (M. Dominique Potier applaudit.) C’est pour cela que je ne suis pas favorable à l’idée d’ouvrir davantage ce texte.
De mon point de vue, la condition d’engagement du pronostic vital est décisive – avec les autres, bien évidemment. Il faut que nous acceptions, en tant que législateurs, que cette proposition de loi ne puisse traiter certaines situations, car d’autres situations, qui n’ont rien à y faire, risqueraient sans cela d’entrer dans son champ d’application. Je m’oppose donc à tous ces amendements.
Mme la présidente
La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Je veux dire à la collègue Battistel que, comme de nombreux députés de mon groupe, je trouve son amendement effrayant, glaçant. Nous sommes ici pour essayer de faire de cette aide à mourir l’ultime recours, dans des cas exceptionnels, pour des malades dont le pronostic vital est engagé, qui sont en fin de vie. Je vais vous le dire assez brutalement, assez crûment, madame Battistel : votre amendement peut laisser penser à tous les Français qui souffrent et veulent se suicider que l’État va les aider. C’est à la fois vertigineux, glaçant et inacceptable, et ce n’est pas l’esprit de ce texte. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Aurélien Saintoul
Un peu de respect !
M. Jérémie Patrier-Leitus
Je voudrais enfin alerter certains collègues de gauche – car j’ai compris, monsieur Monnet, que les collègues de gauche ne sont pas unanimes. Il y a dans cet hémicyle – si vous voulez bien avoir la gentillesse de m’écouter ! – des députés, dont certains sont membres de mon groupe, qui sont prêts à voter une aide à mourir s’il s’agit d’un ultime recours. Je le dis aux collègues de gauche : si vous faites sauter tous les verrous, tous les garde-fous, alors nous ne voterons pas ce texte, nous nous y opposerons – je m’y opposerai en tout cas à titre personnel. Alors attention ! Gardons cet équilibre difficile, ténu, restons sur cette ligne de crête qui fait de l’aide à mourir un ultime recours. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
En effet, le débat existe sur tous ces bancs et traverse les familles et formations politiques. Comme je l’ai déjà indiqué, je suis extrêmement favorable à l’introduction de cette nouvelle liberté que constitue l’aide à mourir. Mais cette liberté, consacrée par le droit, n’a de sens que si on lui fixe des bornes qui permettent, précisément, de préserver notre humanité commune.
C’est la raison pour laquelle, à ces deux séries d’amendements de nature différente, bien qu’ils fassent l’objet d’une discussion commune, je veux dire à titre personnel – mais je crois qu’elle est partagée sur beaucoup de bancs – mon opposition.
Supprimer la mention du pronostic vital, c’est dénaturer considérablement l’esprit et la lettre de l’aide à mourir que nous souhaitons instituer. Justifier cette suppression en indiquant qu’un diagnostic de maladie neurodégénérative ou de trouble psychique sévère suffirait, sans engagement du pronostic vital, à ouvrir le droit à l’aide à mourir, ce serait rompre une barrière qui me semble absolument infranchissable.
Pardon, Danielle, mais je ne pourrai jamais accepter que l’état de dépendance dans lequel vivent les vieux, les fous ou les personnes en situation de handicap soit présenté comme constitutif d’une perte de dignité qui justifierait qu’on demande que le droit à l’aide à mourir leur soit accordé. De mon point de vue, ce serait renoncer à l’exigence que nous devons garder chevillée au corps : la conciliation entre cette liberté nouvelle et l’attention que nous devons prêter chaque jour à l’ensemble des vulnérabilités (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR et HOR. – M. Dominique Potier applaudit également) que sont l’avancée en âge, même la maladie d’Alzheimer, la folie ou la situation de handicap.
M. Philippe Vigier
Très bien !
Mme la présidente
Je suis dans l’obligation d’accorder la parole à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Nous étions convenus à l’instant que vous laisseriez s’exprimer deux orateurs pour et deux orateurs contre, mais nous venons d’entendre quatre expressions contre et aucune pour mon amendement.
Chers collègues, je veux bien admettre que vous y soyez défavorables : c’est tout à fait normal et c’est votre droit – nous sommes un certain nombre à y être favorables. Vous n’êtes pas pour autant obligés de laisser croire que nous voudrions autoriser le suicide à toute personne qui le voudrait, à tout moment, sans qu’elle soit dans une situation de douleur extrême.
M. Jérémie Patrier-Leitus
Ah !
Mme Marie-Noëlle Battistel
Ce n’est absolument pas ce que…
Monsieur, si vous me traitez de folle (M. Alexandre Allegret-Pilot fait un signe de dénégation), je peux aussi demander un rappel au règlement. Un peu de respect dans ce débat ! Nous en avons fait preuve jusqu’à maintenant et je considère que chacun peut défendre l’avis qu’il souhaite dans cette discussion. Merci de témoigner du respect aux uns et aux autres !
Madame la présidente, je veux simplement rappeler que les propos tenus par le collègue laissent penser qu’il se trouve dans cet amendement des choses qui n’y sont pas. Même s’il lui est défavorable, il n’est pas autorisé à tenir des propos mensongers.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Saintoul.
M. Aurélien Saintoul
Je m’exprime en mon nom propre puisque la liberté de vote a été accordée aux députés de mon groupe sur ce sujet.
Je voudrais revenir brièvement sur cette idée du pronostic vital engagé. Je crois qu’il s’agit d’un totem – on comprend bien pourquoi –, qui ne permet pas réellement de penser la situation qu’évoquait Mme Battistel. Prenons le cas d’un individu atteint d’une maladie neurodégénérative très grave, impossible à nommer, inconnue, et dont le cœur est en très bon état de fonctionnement. Pendant trois, quatre, cinq années peut-être, il vivra dans des conditions inhumaines, marquées par une souffrance qu’aucun traitement ne pourra soigner et qui ne correspondront probablement plus à l’idée qu’il se fait de sa propre personne, de sa propre dignité.
Il n’est pas question ici d’un suicide à la légère, d’une fin de vie par facilité. Pourtant le pronostic vital n’est pas engagé. Voilà un cas avéré et qui, croyez-moi, se rencontre souvent. C’est de cela qu’il est question. Vous pouvez faire des effets de manche, dire que l’amendement de Mme Battistel vous glace, mais ce qui nous glace et nous éprouve tous, en réalité, c’est la pathologie, la perte de dignité. Évitez, je vous en conjure, de prendre la discussion de cet amendement comme une occasion faire un peu de buzz,…
M. Hervé de Lépinau
C’est un expert qui parle !
M. Aurélien Saintoul
…alors que Mme Battistel et ceux et celles qui le voteront n’ont à l’esprit que la volonté de maintenir une liberté de choisir.
Dans les cas de dépression, le pronostic vital n’est évidemment pas engagé. Que le texte soit ou non modifié par cet amendement ne changera rien au fait que, malheureusement, des personnes qui souffrent de dépression tenteront un jour ou l’autre de se suicider. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Je voudrais seulement, pour clarifier le débat, lire le texte de l’alinéa 7 de l’article tel qu’il résulterait de l’adoption de l’amendement de Mme Battistel : « Être atteinte d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, en phase avancée ou terminale ». Il faudra toujours être atteint d’une affection grave et incurable, en phase avancée ou terminale. La modification permettrait simplement d’inclure dans le champ d’application de l’article celles et ceux qui élèvent la voix pour faire évoluer la proposition de loi, qui souffrent notamment de la maladie de Charcot, de maladies neurodégénératives que cette proposition de loi ne prend pas en compte. (Mmes Marie-Noëlle Battistel et Cyrielle Chatelain et M. Aurélien Saintoul applaudissent.) Il est vrai que cela constitue un réel souci.
M. Hervé de Lépinau
Et les soins palliatifs !
Mme Julie Laernoes
Ce n’est pas la question.
M. Hervé de Lépinau
Ben si !
Mme Julie Laernoes
La question, c’est la possibilité de choisir dans la dignité sa fin de vie, et le problème est que les malades emblématiques, comme ceux qui sont atteints de la maladie de Charcot ou de la maladie d’Alzheimer, ne sont pas concernés par le texte.
En adoptant l’amendement de Mme Battistel, nous permettrions l’élargissement du champ d’application de ce texte, pas à n’importe qui, dans n’importe quelles conditions ou n’importe comment, mais simplement de telle sorte que celles et ceux qui élèvent la voix dans les médias, qui sont atteints dans leur chair et en ont fait leur ultime combat, puissent être entendus et enfin reconnus, en France, par les législateurs (Mme Marie-Noëlle Battistel applaudit), par ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Je retire mon amendement au profit de celui de Mme Battistel.
(L’amendement no 1908 est retiré.)
(L’amendement no 1732 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 208.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 125
Majorité absolue 63
Pour l’adoption 43
Contre 82
(L’amendement no 208 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1319 et 2439.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 116
Nombre de suffrages exprimés 114
Majorité absolue 58
Pour l’adoption 37
Contre 77
(Les amendements identiques nos 1319 et 2439 ne sont pas adoptés.)
(Les amendements nos 2473 et 2472, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour soutenir l’amendement no 2262.
M. Hadrien Clouet
Je pense que cet amendement répond à certaines des préoccupations au sujet desquelles nous avons pu échanger. En effet, son objet est de couvrir un ensemble de situations qui risquent de ne pas l’être dans l’état actuel du texte.
Il tend à insérer, à l’alinéa 7, après le mot « vital », les mots : « ou nécessitant des soins actifs et continus dont la décision d’arrêt par la personne engage le pronostic vital ». La possibilité de demander l’aide à mourir serait ouverte à des personnes dont la vie est assurée, mais dans des conditions de grande indignité, c’est-à-dire telles que leur existence dépend exclusivement du dispositif médical qui les fait survivre. C’est par exemple le cas de quelqu’un qui ne peut plus se mouvoir ou qui n’est plus capable que de faire un geste avec une partie de son corps. Le but de l’amendement est que le cas d’une telle personne soit couvert par le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Monsieur Clouet, je comprends votre idée mais, comme je l’ai dit en commission, je pense que la précision que vous souhaitez apporter n’est pas nécessaire. En effet, la rédaction actuelle souligne bien que c’est l’affection qui engage le pronostic vital, indépendamment des soins dont bénéficie ou non le patient.
M. Philippe Vigier
Eh oui !
Mme Brigitte Liso, rapporteure
Vous faites probablement allusion au cas de Vincent Humbert. Or le texte lui aurait permis de demander l’aide à mourir, puisqu’il est demeuré jusqu’au dernier moment en état d’exprimer sa volonté. Je suis donc défavorable à votre amendement, qui rendrait l’alinéa très difficilement lisible et, encore une fois, altérerait l’équilibre de la proposition de loi.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Je lis que cet amendement no 2262 tend à insérer les mots : « ou nécessitant des soins actifs et continus dont la décision d’arrêt par la personne engage le pronostic vital ». Si les traitements que reçoit une personne s’interrompent par sa volonté, sa maladie évoluera très vite et son pronostic vital sera effectivement engagé. Elle pourra alors se voir appliquer la sédation profonde et continue prévue par la loi Claeys-Leonetti, tout simplement.
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
J’entends bien ce que dit Mme la rapporteure, mais est-ce que Mme la ministre peut prendre l’engagement au banc que les cas que nous évoquons ici, comme celui de M. Humbert, sont couverts par cet article ? Si Mme la ministre nous le garantit, je retire l’amendement.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Encore une fois, à ce stade, tout ce que je peux dire, c’est qu’il y a trois éléments majeurs à prendre en compte : le premier, c’est l’engagement du pronostic vital, le deuxième, l’avis du collège médical qui examine la situation du patient et le troisième, le discernement du patient. C’est ce dernier qui est alors l’acteur et qui demande ou non l’aide à mourir. Je ne peux pas aller plus loin que citer ces trois éléments qui, évidemment articulés les uns avec les autres, apportent une réponse.
M. Philippe Vigier
Très bien.
(L’amendement no 2262 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je propose de suspendre la séance pendant une minute.
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
Mme la présidente
L’examen des amendements en discussion commune qui suivent nécessitant environ quarante minutes, il apparaît souhaitable de lever dès maintenant pour la bonne tenue des débats. Y a-t-il une opposition ?…
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative au droit à mourir.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra