XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Première séance du lundi 21 octobre 2024

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Première séance du lundi 21 octobre 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à seize heures.)

    1. Débat d’orientation et de programmation des finances publiques

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle le débat d’orientation et de programmation des finances publiques.
    Cette année, ce débat marque véritablement l’ouverture de la discussion budgétaire. Prévu par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), il a été demandé par le président de la commission des finances et a été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le 8 octobre, à l’unanimité des membres de la conférence des présidents. Cette unanimité ne doit rien au hasard : en matière budgétaire, le Parlement est au cœur de ses missions. De plus, nous avons tous conscience qu’en ce début de législature, débattre de la trajectoire des finances publiques n’a jamais été aussi important. Les questions qui se posent sont nombreuses et les Français, par l’intermédiaire de leurs élus, ont besoin de réponses.
    Néanmoins, je vous rappelle que ce débat n’est pas censé être hors-sol –⁠ il ne s’agit pas uniquement d’échanger de bonnes paroles, mais d’examiner le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) que le Gouvernement doit transmettre aux institutions de l’Union européenne avant la fin du mois. La date de ce débat est connue depuis deux semaines et le plan devait nous être communiqué le 15 octobre au plus tard. Il ne l’a pas été.

    M. Philippe Brun

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    C’est fâcheux !

    Mme la présidente

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    Il a fallu que je m’implique personnellement vendredi pour que ce débat soit maintenu et que les documents nécessaires à sa bonne tenue soient transmis. Nous avons finalement reçu hier un projet de plan.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Une honte ! Comment voulez-vous qu’on bosse ?

    M. Thibault Bazin

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    C’est vrai que c’était un peu tard !

    Mme la présidente

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    Je vous remercie, messieurs les ministres, pour cette transmission, qui va permettre à l’Assemblée de débattre des enjeux essentiels que sont les perspectives de rétablissement des finances publiques et la programmation des investissements prioritaires.
    Il n’en demeure pas moins que la communication aussi tardive, un dimanche, à la veille du débat, d’un document provisoire, n’est pas satisfaisante. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS, GDR et sur quelques bancs du groupe RN.) Et cela commence à faire beaucoup ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Philippe Brun applaudit également.) Nous avons déjà rencontré ce problème au sujet d’un rapport sur la dette, qui ne nous a été transmis que le 12 octobre pour un débat prévu le 15. Là encore, il avait fallu insister.

    M. Alexis Corbière

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    Quel mépris !

    Mme Clémence Guetté

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    Inadmissible !

    Mme la présidente

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    Je demande donc au Gouvernement de veiller à ce que les droits du Parlement soient davantage respectés. La démocratie est un bien précieux et j’invite chacun à ne pas la fragiliser. (Applaudissements sur tous les bancs.)

    Mme Christine Arrighi

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    Yaël pas contente !

    M. Erwan Balanant

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    Fâchée mais toujours souriante !

    Mme la présidente

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    Je dis les choses, le Gouvernement le sait. J’ai eu un échange avec M. le ministre hier soir à ce sujet. Il est important de pouvoir, chacun dans son rôle, défendre notre démocratie.
    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

    M. Nicolas Sansu

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    Applaudissements nourris ! (Sourires.)

    M. Thibault Bazin

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    On applaudira peut-être après !

    M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

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    J’ai l’honneur d’ouvrir, au nom du Gouvernement, le débat sur les orientations économiques et financières de notre pays. C’est la suite du dialogue que nous avons engagé avec vous, mesdames et messieurs les députés : trois jours après notre nomination, nous étions, avec Laurent Saint-Martin, devant vous en commission des finances. (M. Philippe Brun s’exclame.) Quelques jours plus tard, je vous ai présenté, dans des conditions contraintes –⁠ dont nous avons tous conscience et dont nous partageons les difficultés –, l’évolution de notre endettement.

    M. Alexis Corbière

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    Non, nous ne partageons rien, c’est de votre faute !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Quelques éléments pour situer ce débat. Dans un contexte mondial encore instable, marqué par la sortie de crises, la France résiste. Après une succession de chocs –⁠ de l’apparition du covid à l’invasion de l’Ukraine –, l’activité mondiale voit l’effet des crises se dissiper, quoique très progressivement. La croissance mondiale devrait s’élever à 3,2 % en 2024 et à 3,4 % en 2025, notamment sous l’effet de l’assouplissement monétaire engagé par les banques centrales américaine et européenne ces derniers mois, ainsi que du ralentissement de l’inflation. Cependant, malgré ce début de retour à la normale, les disparités demeurent. Ainsi, la croissance de la zone euro restera modérée –⁠ à 0,8 % en 2024 –, même si elle devrait se montrer plus franche en 2025, notamment grâce à la baisse de l’inflation et au dynamisme du commerce extérieur, en particulier des exportations françaises. En revanche, la croissance américaine restera dynamique et celle des économies émergentes, même si elle devrait ralentir, se maintiendra à un rythme soutenu : la compétition que se livrent ces puissances fait peser un risque majeur sur notre continent, notamment en matière industrielle, ce qui exige un effort à la fois d’investissement et de compétitivité dans une Europe dont la simplification réglementaire doit être menée avec beaucoup plus d’énergie qu’auparavant.
    Dans ce contexte contrarié, les perspectives économiques de la France demeurent bien orientées. Au deuxième trimestre 2024, l’acquis de croissance était de 0,9 % et nous prévoyons qu’il s’élève, à la fin de l’année, à 1,1 %. Pour 2025, nous prévoyons un niveau de croissance identique, même si sa composition devrait évoluer : la baisse de l’inflation et des taux d’intérêt entraînera une augmentation de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises, ainsi qu’une amélioration des marges des entreprises non financières et de l’investissement global. Le pouvoir d’achat des ménages devrait augmenter de 2 % en 2024, ce qui nous conduit à anticiper, dans le plan structurel de moyen terme, une hausse de la consommation de 1,3 % en 2025. Elle devrait s’accompagner, la même année, de la création nette de 100 000 emplois (Mme Clémence Guetté s’exclame), notamment du fait de l’augmentation des exportations, de 3,4 % en 2025, même si le déséquilibre persistant de notre balance commerciale demeure préoccupant.
    À moyen terme, l’assouplissement du crédit, le retour à la normale de l’inflation –⁠ dont le taux pour la France est estimé à 1,8 % en 2025 – et le soutien public à l’économie devraient conduire à une augmentation de la croissance française de 1,4 % en 2026, puis de 1,5 % en 2027 et en 2028. Cette trajectoire reflète l’amélioration à la fois du taux d’activité et du taux d’emploi, soutenue –⁠ selon les différents instituts – par la réforme de l’assurance chômage, le soutien à l’apprentissage et la réforme des retraites, qui ont permis de créer 1,3 million d’emplois depuis 2019. Soulignons la progression du taux d’emploi –⁠ qui n’a jamais été aussi élevé depuis qu’il a été mesuré pour la première fois par l’Insee, en 1975 – sous l’effet de différents leviers, du logement à la garde d’enfants, favorisant une plus grande participation au marché du travail. Ces résultats montrent que nous progressons : nous sommes plus attractifs, plus compétitifs, et l’inflation –⁠ qui a tant affecté nos compatriotes ces dernières années – continue de baisser. Bref, notre économie tient bon, bien qu’elle se trouve fragilisée par la situation de nos finances publiques.
    Le budget pour 2025, que vous commencerez à examiner ce soir, est la première pierre d’une stratégie visant à soutenir le dynamisme économique tout en réduisant les déficits, afin de dégager un horizon de désendettement. Certaines des mesures que comprend cette stratégie ont déjà été annoncées par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale et d’autres viendront la compléter. Tel est le sens du présent plan budgétaire et structurel de moyen terme : redresser les comptes publics tout en soutenant la croissance.
    Il faudra, avant toute chose, améliorer l’efficacité de la dépense publique. Dans un pays où elle représente 57 % de la richesse nationale, c’est là que doit d’abord se concentrer l’effort de redressement. La dépense publique sera réduite dès l’année prochaine, en fusionnant des opérateurs publics, en modernisant notre système de santé, en renforçant la lutte contre la fraude –⁠ et je ne doute pas que vous ferez, mesdames et messieurs les députés, de nombreuses propositions, précises et étayées, pour engager la réduction des dépenses. Car il faut le reconnaître : la baisse de la dépense publique prend du temps.
    Outre sa réduction, la dépense publique doit devenir plus efficace –⁠ et je sais l’importance que l’Assemblée, et en particulier la commission des finances, accorde à l’évaluation des dépenses publiques. Nous l’avons annoncé avec Laurent Saint-Martin : nous lancerons une revue complète des dépenses pour supprimer, entre 2025 et 2027, au moins 5 milliards d’euros de dépenses non prioritaires. Cette revue portera également sur les niches fiscales et sociales : nous savons que certaines d’entre elles sont soit injustifiées, soit incompatibles avec nos objectifs de soutien à l’emploi ou de décarbonation. Pour ce faire, les administrations publiques dans leur ensemble seront mobilisées : chaque année, elles devront présenter un rapport détaillant les résultats et l’impact budgétaire de leurs actions. Avec le ministre chargé du budget et des comptes publics, nous associerons les parlementaires à cet effort de transparence et d’efficacité de la dépense publique. Chacun sait combien il est difficile de la réduire ; mais chacun mesure la nécessité d’agir sans attendre pour le bien de notre économie et pour la crédibilité internationale de la France.
    Le deuxième pilier du plan consiste à réduire notre dette écologique et à faire de la France l’un des chefs de file de l’économie bas-carbone en Europe. L’atténuation et l’adaptation au changement climatique doivent demeurer des priorités politiques, budgétaires et financières, en tenant compte des caractéristiques de notre territoire. Je ne rappelle pas les progrès réalisés : les émissions françaises de CO2 ont été réduites de 25 % entre 1990 et 2022 ; en 2023, elles ont de nouveau baissé de 5,8 %. Nous devrons poursuivre la planification écologique, grâce au plan France 2030 et à l’entrée en vigueur de la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, au verdissement de la commande publique, au renforcement du conditionnement des aides publiques et à l’amélioration du financement des projets industriels qui le réclament –⁠ en France comme en Europe.

    Mme Clémence Guetté

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    Vous dites des choses, mais vous faites l’inverse !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Nous poursuivrons également le développement du nucléaire et notamment de nouveaux réacteurs, pour disposer d’une énergie abondante, décarbonée et compétitive. Dans le même temps, nous développerons les énergies renouvelables –⁠ électriques comme thermiques –, qui sont indispensables à la création d’un mix énergétique français souverain et décarboné. Nous devrons aussi maîtriser nos besoins en énergie, en accentuant les efforts à la fois de sobriété et de rénovation énergétique dans tous les secteurs –⁠ y compris au sein des bâtiments appartenant à l’État. Outre un objectif de décarbonation, ce programme de réformes vise à renforcer notre économie, en fournissant aux entreprises une énergie décarbonée propice à la poursuite de la réindustrialisation.
    La réindustrialisation, c’est le troisième pilier de cette stratégie de moyen terme : réindustrialiser l’ensemble du territoire, simplifier la vie des entreprises, investir dans l’innovation. Pour continuer à ouvrir des usines et pour créer des emplois industriels, nous voulons donner à tous les Français les moyens de contribuer à ce projet national.
    C’est en ce sens que le Premier ministre a annoncé sa volonté de mobiliser l’épargne de nos compatriotes en la fléchant mieux, vers des projets industriels, afin que tous les Français puissent directement soutenir notre industrie. Je donnerai prochainement des précisions sur le livret d’épargne dédié à l’industrie qui a été souhaité par le Premier ministre et qui pourra être déployé dans les tout prochains mois.
    De son côté, l’État devra continuer à soutenir la recherche, l’innovation et le développement industriel. J’ai déjà parlé du plan France 2030 et je voudrais également souligner la nécessité d’accélérer nos progrès en matière d’intelligence artificielle. C’est un projet au long cours qui a été soutenu depuis plusieurs années, tant sur ces bancs que par le Gouvernement, en particulier pour mettre l’intelligence artificielle au service des professionnels de santé.
    Il faudra, enfin et surtout, simplifier la vie des entreprises pour leur permettre de devenir plus compétitives et de créer plus d’emplois. Nous relancerons le projet de loi de simplification présenté par le précédent gouvernement. Nous lancerons également un plan de simplification réglementaire drastique tendant à supprimer des normes et à réduire la charge administrative. Les droits des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) en matière d’assurance et de gestion bancaire quotidienne, qui freinent régulièrement l’activité et la création d’emplois, pourront ainsi être rapprochés de ceux des particuliers.
    Ce soutien au dynamisme de l’économie doit nous permettre de soutenir l’emploi et le niveau de vie des Français. Nous continuerons à investir dans les compétences et à soutenir massivement l’apprentissage, pour toutes les entreprises sans discrimination de taille, même si les contraintes budgétaires nous ont conduits à recentrer un dispositif qui faisait l’objet d’un certain nombre d’effets d’aubaine.
    Nous devons aussi faire en sorte que le travail paye mieux. Il est anormal que certains Français qui travaillent soient encore rémunérés en dessous du Smic. Il n’est pas acceptable que certains de nos compatriotes n’aient pas connu d’augmentation de salaire depuis plusieurs années, en dépit de leur évolution au sein de leur entreprise.

    M. Emmanuel Maurel

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    Et qu’allez-vous faire ?

    M. Antoine Armand, ministre

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    Je poursuivrai le combat, commencé sur ces bancs, pour une juste rémunération de travail, en collaboration avec les partenaires sociaux. Nous nous pencherons sur les ajustements d’allégements généraux de cotisations sociales, nous accompagnerons les négociations de branche et nous développerons encore davantage l’actionnariat salarié, les dispositifs d’intéressement et de participation.
    Nous devons consentir ces efforts afin de libérer l’investissement, d’encourager l’emploi et les entreprises, mais aussi de retrouver –⁠ c’est une priorité non seulement budgétaire, mais aussi politique – un niveau de déficit satisfaisant, qui ne rende pas vulnérable notre économie, qui nous permette de passer sous le seuil des 3 % en 2029 et d’engager le désendettement du pays à partir de 2028. C’est ainsi que nous renforcerons notre crédibilité en Europe et partout dans le monde mais nous devons, pour cela, nous faire confiance et avoir confiance en notre économie.
    Nous défendrons cette stratégie avec le ministre du budget et des comptes publics et sous l’autorité du Premier ministre, afin de faire de la France une nation qui travaille et qui produit davantage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Nicolas Sansu

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    Doucement, les applaudissements !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics. (M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, s’avance vers la tribune avant de rebrousser chemin, s’étant aperçu de son erreur.)
    Tu n’es pas encore ministre du budget et des comptes publics, Éric ! (Sourires.)

    M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics

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    J’ai cru que nous l’avions, ce gouvernement de coalition !

    Mme Clémence Guetté

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    Non, nous avons juste un gouvernement de droite !

    M. Gérald Darmanin

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    On est d’accord : ce n’est pas grave !

    Mme Olivia Grégoire

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    Ça arrive à des gens très bien !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouverons ce soir en séance publique afin de commencer l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Je pensais que vous alliez commencer en disant : « Toutes nos excuses pour le retard »…

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Cela donne tout son sens au débat sur les perspectives pluriannuelles des finances publiques qui nous occupe à présent. J’ai toujours été profondément attaché à ce débat d’orientation. Je crois sincèrement que c’est un moment utile et même nécessaire pour garantir l’information du Parlement sur les enjeux relatifs à nos finances publiques. J’avais d’ailleurs proposé de renforcer ce débat dans le cadre des travaux de modernisation de la Lolf que nous avions notamment engagés avec Éric Woerth…

    Mme Olivia Grégoire

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    L’excellent Éric Woerth !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …et je suis fier que le Parlement se soit emparé de notre réflexion en adoptant notre proposition de nouvelle Lolf.
    Premier constat : il était nécessaire que le Parlement soit pleinement informé et pleinement saisi des programmes de réforme et des trajectoires budgétaires que le Gouvernement transmet à la Commission européenne. De ce point de vue, le fait que le débat d’orientation porte désormais sur le programme de stabilité et sur le PSMT représente un renforcement réel des prérogatives du Parlement.

    M. Alexis Corbière

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    C’est une blague !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    C’est la première fois que le Gouvernement remet ce document et que celui-ci fait l’objet d’un débat dans cet hémicycle. Ce premier PSMT est, il est vrai, un peu particulier : comme nous vous l’avons indiqué, il est encore incomplet dans sa partie relative aux réformes, et son calendrier est encore imparfait –⁠ je vous l’accorde volontiers, madame la présidente.
    Deuxième constat, qui vient justifier pleinement ce débat : on ne gère bien les finances publiques que si l’on se projette sur le temps long. Décider d’investir pour l’avenir, transformer nos services publics pour changer le quotidien de nos concitoyens, tout cela prend du temps,…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Et de l’argent !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …tout cela exige de la prévisibilité, de l’anticipation et une certaine forme de continuité. En ce sens, disposer d’une trajectoire pluriannuelle ne remet en rien en cause le principe du vote annuel du budget et permet, bien au contraire, d’éclairer et d’enrichir les débats budgétaires de l’automne.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    On a vu ce que ça donnait !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    C’est vrai en temps normal, mais ce l’est encore plus quand l’heure est au redressement des comptes publics.
    Vous connaissez la situation de nos finances publiques. Vous connaissez aussi notre objectif, qui est de ramener le déficit public à 5 % du PIB dès 2025, en réalisant un effort inédit de 60 milliards d’euros : 40 milliards d’économies, soit les deux tiers de l’effort, et 20 milliards de contributions fiscales ciblées et temporaires, soit le tiers restant. Cet objectif n’est pas arbitraire et tire son sens ainsi que sa nécessité de la trajectoire pluriannuelle qu’a fixée le Premier ministre et qui vise à ramener le déficit public sous la barre des 3 % à l’horizon 2029.
    Pourquoi 3 % ? Tout simplement parce que c’est le niveau de déficit à partir duquel nous sommes en mesure, d’abord de stabiliser –⁠ comme l’a dit le ministre de l’économie et des finances –, puis de réduire notre endettement, qui dépasse cette année les 3 220 milliards.
    Pourquoi 2029 ? C’est le délai dont nous disposons pour retrouver des finances publiques solides, conformément à nos engagements européens.

    Mme Clémence Guetté

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    Plus personne ne vous croit !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Ces engagements ne sont pas des contraintes hors-sol. Ce sont, au fond, des principes de bonne gestion auxquels nous avons collectivement souscrit, aux côtés des autres États membres.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Contraints et forcés !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    À la lumière de cette trajectoire, vous aurez compris que le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 constituent –⁠ et doivent constituer – une première étape sur le chemin de la responsabilité et du redressement. Disons-le clairement, la première marche sera difficile et exigeante. Si nous voulons tenir nos objectifs, nous devons impérativement consentir des efforts dès maintenant. C’est en faisant des choix courageux dès aujourd’hui que nous nous épargnerons des choix douloureux demain. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Des choix courageux, mais qui sont aussi des choix raisonnables. Adopter une trajectoire pluriannuelle nous permet de lisser l’effort sur plusieurs exercices plutôt que d’avoir à procéder, en une seule fois, à un ajustement trop brutal. En étalant ainsi l’effort, nous ne renonçons pas à investir, nous ne renonçons pas à financer nos services publics, nous ne renonçons pas à préserver notre modèle de protection sociale. En aucun cas il ne s’agit là de laxisme budgétaire. C’est au contraire le principe même d’une gestion vertueuse des deniers publics : en produisant un effort réel, mais étalé dans le temps, nous refusons l’austérité et la casse sociale que nous subirions immanquablement demain à défaut d’agir aujourd’hui.
    Le chemin du redressement, vous le voyez, est étroit…

    M. Stéphane Peu

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    Et la pente est raide !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …mais, pourvu que nous nous y engagions collectivement, il y a bien un chemin. C’est ce que les Français attendent de nous. Ils ne nous demandent pas autre chose que de bien gérer l’argent public –⁠ leur argent – et de leur épargner des lendemains qui déchantent. Ce chemin, je souhaite que nous le tracions ensemble, en en posant les premiers jalons dès l’examen des deux textes financiers pour l’année prochaine.
    Je serai bref, puisque nous allons en débattre dans quelques heures, mais je tiens tout de même à vous livrer l’orientation principale qui guidera les travaux à venir du Gouvernement.
    Ma conviction est que nous pouvons proposer aux Français un meilleur service public, pour moins cher (M. Alexis Corbière s’exclame), en nous posant toujours la question de l’efficience de la dépense publique.
    Nous devrons pour cela actionner deux leviers.
    Le premier est la revue des dépenses et des niches fiscales et sociales. Les gouvernements précédents ont déjà mené un tel exercice, qui a permis de cibler les propositions d’économies –⁠ en particulier dans l’apprentissage – et de baisses d’effectifs que nous vous soumettrons dans le cadre du PLF. Je souhaite que nous puissions pérenniser cet exercice. C’est un instrument de transformation très efficace, qui nous permettra d’améliorer la qualité et l’efficacité de nos services publics, tout en en maîtrisant les dépenses.
    Le deuxième levier, ce sont les réformes structurelles que le ministre de l’économie et des finances a précisées. Elles s’appuieront justement sur les recommandations des revues de dépenses. Nous ne pourrons réaliser de véritables progrès, en matière d’efficience, qu’à la condition d’oser repenser un certain nombre de politiques publiques. Le Gouvernement propose déjà des avancées dans le cadre des textes financiers pour l’an prochain –⁠ je pense notamment à la réforme des allégements généraux.
    Il nous faudra également améliorer l’équilibre général des systèmes de retraites : c’est le sens de la proposition que nous faisons, dans le cadre du PLFSS, sur la CNRACL (Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales), proposition qui vise à rééquilibrer le système de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.
    Comme l’a dit le Premier ministre, nous pouvons aller plus loin en procédant, par exemple, à des fusions d’opérateurs publics intervenant dans des domaines proches, mais aussi en responsabilisant davantage les gestionnaires publics –⁠ c’est là aussi l’esprit de la Lolf – et en les associant davantage aux efforts de maîtrise de la dépense.
    Il sera demandé à chaque administration de participer à cet exercice. Comme vous le savez, il y a dans le texte que nous commencerons à examiner ce soir des contributions temporaires.

    M. Gérald Darmanin et Mme Olivia Grégoire

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    Ah !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Il est important de garder à l’esprit que ces mesures seront temporaires et que des réformes structurelles devront prendre leur relais,…

    M. Thibault Bazin

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    Nous avons hâte !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …toujours dans ce double objectif d’améliorer la qualité du service public et de diminuer les moyens que nous y consacrons.
    Enfin, nous devrons continuer à renforcer notre dispositif de lutte contre la fraude sociale et fiscale. Mon ministère est en première ligne sur cet enjeu, qui est une priorité forte de l’action du Gouvernement.

    M. Thibault Bazin

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    Il y a de quoi faire !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    C’est une question de justice. C’est une nécessité pour garantir d’une part l’efficacité de nos politiques publiques, d’autre part le consentement à l’impôt. Je salue à cet égard la proposition de loi déposée par Thomas Cazenave, tendant à renforcer notre arsenal de lutte contre la fraude aux aides publiques.
    Voilà quelles seront nos priorités, et quelle sera notre méthode pour construire, dans la durée, une trajectoire de soutenabilité et de responsabilité qui permette de redresser nos finances publiques. Nous serons à votre disposition, monsieur le rapporteur général du budget, pour enrichir cette présentation d’éléments plus précis dès que les derniers arbitrages auront été rendus. Cela sera fait dès les prochains jours. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Emmanuel Maurel

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    Applaudissements nourris ! (Sourires.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Je vais reprendre, madame la présidente, là où votre propos introductif avait pris fin. Une fois encore, le Gouvernement prend des libertés avec la loi organique. Le projet de loi de finances aurait dû être déposé le 1er octobre, il ne l’a été que le 9. Nous aurions dû débattre aujourd’hui du projet de plan national budgétaire structurel à moyen terme, qui doit être présenté à la Commission européenne le 31 octobre. Le respect de la Lolf, plus particulièrement de son article 1 K, requiert une transmission du document quinze jours avant son envoi, soit, au plus tard, le mercredi 16 octobre –⁠ cela n’a pas été fait.
    Est-ce à dire que, par ricochet, vous ne respecterez pas non plus le calendrier fixé par la Commission européenne ?

    M. Alexis Corbière

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    Sans doute !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Tout juste avons-nous reçu hier soir à dix-huit heures, donc à la veille du débat budgétaire, un document que vous avez vous-même qualifié de provisoire. Nous allons donc débattre d’une programmation budgétaire sans disposer du document définitif s’y rapportant.
    Ce document est pourtant capital puisqu’il n’existe plus, à ce jour, aucune trajectoire. L’ensemble des documents de programmation précédents ont été rendus caducs pratiquement dès leur publication. La loi de programmation des finances publiques de décembre 2023 : caduque dès janvier. Le programme de stabilité d’avril 2024 : caduc dès l’été. Pour que nous puissions débattre d’orientation, de programmation, c’est-à-dire d’avenir, il nous faut pourtant disposer d’informations claires.
    Le programme de stabilité annonçait 1,4 % de croissance en 2025 ; nous ne sommes plus, dans le PLF, qu’à 1,1 %. Et je doute que nous atteignions réellement ce niveau : l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) annonce désormais seulement 0,8 %, voire 0,5 % de croissance, parce que ce budget austéritaire va donner un véritable coup de frein à l’activité. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
    Connaître le scénario macroéconomique du Gouvernement pour les prochaines années aurait permis des débats sur le budget qui soient réellement éclairés. La composition de la croissance après 2025 ? Le Gouvernement ne l’indique pas. Les investissements à mettre en œuvre à l’horizon 2028 ? Le Gouvernement ne les indique pas.

    M. Alexis Corbière

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    Il ne sera plus là !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Comment financer le très hypothétique retour à l’équilibre en 2031 ? Le Gouvernement ne l’indique pas.
    Par contre, nous avons droit à des chiffres sortis du chapeau : ici, la consommation des ménages, qui tire la croissance en 2028 ; là, plus d’un million d’emplois salariés créés par an en fin de période…
    Depuis 2017, le macronisme n’a pas créé annuellement la moitié des emplois salariés que vous prévoyez en fin de période. Comment allez-vous subitement doubler ce chiffre ?

    M. Alexis Corbière

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    Exactement !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Ce constat, je ne suis évidemment pas le seul à le faire. Dans son avis sur vos prévisions, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) « regrette que les informations transmises soient insuffisantes pour lui permettre d’apprécier le réalisme de la trajectoire pluriannuelle. »
    Comment débattre d’orientation alors que le HCFP lui-même est désorienté ? Le Gouvernement avance une trajectoire avec des chiffres qui n’ont pas de base sérieuse. Autant naviguer dans une brume épaisse, sans phare à l’horizon et guidés par le seul chant des sirènes ! Même pour le marin que je suis, c’est compliqué !
    Tout cela n’est donc qu’illusion. Comment parler de programmation lorsque des investissements écologiques rares et déjà insuffisants sont déprogrammés ? Nous sommes en 2024. L’accord de Paris a été conclu il y a bientôt dix ans. Pourtant, l’investissement dans la bifurcation écologique est toujours repoussé à plus tard ; c’est un non-sens climatique !
    C’est maintenant qu’il faut investir, encore et encore. Et pas dans dix ans, car il sera alors trop tard ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    Mme Clémence Guetté

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    Eh oui !

    M. Alexis Corbière

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    Exactement !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Comment pouvez-vous programmer de nouvelles baisses de dépenses publiques alors que les riches paient toujours moins d’impôts et que les grands groupes mettent sous clé leurs superprofits ?
    Selon une note de juin 2023 de l’Institut des politiques publiques (IPP), au sein des 0,1 % les plus riches, le taux d’imposition effectif –⁠ normalement de 46 % – est de seulement 26 % pour les milliardaires. Cela signifie que le système fiscal est régressif, pour le plus grand bénéfice du haut de l’échelle des revenus.

    M. Alexis Corbière

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    C’est scandaleux !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Et selon Oxfam, à elles seules, les entreprises du CAC 40 ont engrangé 36 milliards de superprofits en 2023. Milliardaires, grands groupes : autant de personnes qui esquivent et contribuent si peu.
    Alors, après sept ans de macronisme, et même en l’absence de plan national budgétaire et structurel à moyen terme, il est assez simple d’avoir une idée de ce que le Gouvernement prépare.
    Quel est le bilan ? Depuis 2017, le déficit est passé de 2,3 % à 6 %, les baisses d’impôts ayant à elles seules entraîné une baisse des recettes publiques de 62 milliards d’euros en 2023. Selon l’Insee, 500 000 personnes sont tombées dans la pauvreté et le pays compte désormais 11 millions de pauvres, soit près d’un Français sur six.
    Peut-on parler de créations d’emplois salariés quand on évoque les chiffres de 1 million d’apprentis en plus et de 700 000 nouveaux travailleurs ubérisés ? Ce ne sont pas des emplois salariés ! (MM. Stéphane Peu et Nicolas Sansu applaudissent.) Selon l’Insee encore, l’emploi recule de 16,4 % à 15,5 % dans l’industrie.
    Et comment atteindre l’objectif de 15 % de véhicules électriques dans notre parc automobile en 2030 –⁠ dans moins de sept ans donc – quand, au cours des sept dernières années, on est passé de 1 % à 2 % de véhicules électrifiés ?
    Enfin –⁠ c’est la Banque de France qui le souligne –, les investissements français à l’étranger sont supérieurs aux investissements réalisés dans notre pays : fin 2023, les premiers s’élevaient à 1 500 milliards et les seconds à 920 milliards.
    Voilà votre programme pour 2027 : toujours moins d’impôts pour les plus fortunés, toujours davantage de retard en matière de bifurcation écologique, et toujours plus de pauvreté ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

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    À dix-sept heures, c’est-à-dire dans quelques minutes, notre commission débutera l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Lorsque vous avez présenté le texte aux commissaires, monsieur le ministre du budget et des comptes publics, vous avez parlé d’un PLFSS paramétrique, destiné à freiner un tendanciel préoccupant.
    Je partage pleinement votre appréciation. Mais, si ce PLFSS doit répondre à l’urgence, nous devons également nous astreindre à poursuivre les réformes structurelles, seules capables d’assurer la nécessaire maîtrise de nos finances publiques et d’éviter la méthode du rabot.
    En ces temps de contrainte budgétaire, j’ai la ferme conviction que nous devons dépenser mieux. Pour cela, nos priorités –⁠ notamment en matière de dépenses de santé – doivent être la pertinence des dépenses, l’efficience des organisations et des prises en charge, ainsi que la lutte inlassable contre les redondances, les dépenses inutiles, les effets d’aubaine ou les rentes financières.
    Il y a urgence, car les perspectives pour 2025, telles que dressées récemment par la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), sont inquiétantes : plus de 29 milliards d’euros de déficit pour les régimes de base et le fonds de solidarité vieillesse (FSV), dont près de 19 milliards pour la seule branche maladie.
    Pour les exercices suivants, et malgré les mesures que le Gouvernement propose d’adopter cet automne, la perspective tracée par le tableau pluriannuel annexé au PLFSS n’est guère plus rassurante : un déficit de 19 milliards en 2026 et 2027, de 23 milliards en 2028.
    Plus que jamais, le retour à l’équilibre doit être notre boussole. Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler la semaine dernière lors du débat sur la dette, c’est vital : il ne saurait y avoir de dette sociale puisque les dépenses sociales ne sont pas, à proprement parler, des investissements et que rien ne justifie donc qu’elles soient acquittées avec plusieurs années de retard.
    L’équilibre des comptes sociaux n’est pas un dogme qui constituerait un objectif impossible à atteindre : il y a à peine cinq ans, avant que ne survienne la pandémie de covid, nos comptes étaient presque à l’équilibre.
    Mais revenons au cœur de notre débat, à savoir les orientations et la programmation. En matière de dépenses sociales, soyons lucides, la prise en compte du long terme est précisément l’un des angles morts auxquels nous nous heurtons.
    C’est un paradoxe, car ceux qui ont créé les lois de financement de la sécurité sociale il y a près de trente ans souhaitaient qu’elles nous permettent de définir les grandes orientations de notre protection sociale, qu’elles fixent les besoins, les priorités et les moyens que la nation est disposée à consacrer à ces grandes orientations.
    Force est de constater qu’une telle approche, vertueuse, s’est perdue. On peut le regretter, mais il faut aussi en prendre acte : les PLFSS de l’automne ne jouent pas ce rôle et ne procèdent qu’à des ajustements financiers.
    Dès lors, l’indispensable vision pluriannuelle devrait être traduite dans un autre texte. Certes, nous avons une loi de programmation des finances publiques, mais cela ne suffit pas : non seulement nous en connaissons les limites, mais elle est quasiment muette sur le contenu de nos politiques sociales. C’est particulièrement le cas dans le domaine de la santé, alors que le déficit de la branche maladie sera probablement le plus élevé dans les prochaines années.
    Si nous voulons redonner de la visibilité aux professionnels de la santé et de la solidarité, publics comme privés, si nous voulons entreprendre les réformes de fond qu’appelle la préservation de notre modèle social et des valeurs qui le fondent, nous devons définir une stratégie pluriannuelle et des objectifs précis, et la représentation nationale doit définir les moyens d’y parvenir.
    Une loi de programmation de nos dépenses de santé et de solidarité permettrait de donner un sens et des perspectives à chacun des acteurs, mais aussi d’inscrire dans le moyen ou le long terme les réformes qui en découlent.
    L’évolution de la démographie, les nouveaux traitements auxquels nos concitoyens doivent avoir accès, l’évolution des professions de santé, de leur statut et de leur financement, le développement de la prévention, toutes ces questions centrales –⁠ et bien d’autres – se trouvent à l’étroit dans un PLFSS annuel.
    Je le répète, il appartient au Parlement et au Gouvernement de définir, au moyen d’une loi de programmation, le cadre de long terme dans lequel notre politique de santé et de solidarité devrait se déployer. J’appelle de mes vœux un tel travail, qui, je le crois, peut nous réunir.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Nous devons débattre de l’orientation et de la programmation des finances publiques, à la veille, ou presque –⁠ on parle de la fin du mois –, de la transmission du PSMT 2025-2028 de la France à la Commission européenne.
    Or le document –⁠ intitulé « Projet de plan budgétaire » – que le Gouvernement nous a transmis avant-hier, samedi, à dix-huit heures, c’est-à-dire moins de quarante-huit heures avant ce débat, n’est pas conforme aux dispositions de l’article 1 K de la loi organique relative aux lois de finances. Si dimanche, à dix-sept heures cinquante-trois, nous avons bien reçu un PSMT, il est toujours provisoire.
    Ce PSMT présente la trajectoire budgétaire de la France jusqu’en 2031 : il prévoit un ajustement annuel structurel primaire de 0,7 à 0,8 point de PIB potentiel par an entre 2026 et 2027, soit 21 à 25 milliards par an.
    Cet ajustement permettrait de ramener le déficit sous le seuil de 3 % à partir de 2029 –⁠ au lieu de 2027, comme le prévoyait le programme de stabilité présenté il y a seulement sept mois.
    Cependant, où sont les nouvelles réformes structurelles qui sous-tendent cet ajustement ? Le document transmis présente quatre axes de réforme : l’atteinte du plein emploi ; la réindustrialisation, la compétitivité et l’innovation ; la transition écologique ; l’amélioration de la gouvernance des finances publiques.
    Mais il ne s’agit ici que de récapituler ce que les gouvernements successifs ont fait depuis 2017 (M. Charles Sitzenstuhl s’exclame), ou d’évoquer des mesures que vous avez soit déjà présentées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, comme la réforme des allégements de cotisations sociales, soit déjà annoncées, comme la reprise de l’examen du projet de loi de simplification de la vie économique.
    Seule la revue des dépenses est chiffrée : elle se traduirait par 5 milliards d’euros d’économies cumulées entre 2025 et 2027. C’est bien maigre pour passer sous la barre des 3 % de déficit en 2029, et assez peu précis quant aux mesures effectivement envisagées.
    Quelles mesures structurelles le Gouvernement compte-t-il prendre pour tenir cette trajectoire, afin que les instances européennes nous accordent un délai supplémentaire de deux à trois ans pour redresser nos finances publiques ? Pour le moment, nous n’avons pas de réponse. Avec sa lanterne, Diogène cherchait un homme parmi les citoyens athéniens. Avec la mienne, je n’ai pas trouvé vos réformes structurelles !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Vous ne les avez pas votées, surtout !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Puisque le document que vous nous avez transmis évoque essentiellement le passé, je vais apporter ma pierre à l’édifice.
    Il faut relancer une décentralisation intelligente et promouvoir la responsabilité des élus des collectivités territoriales. Cela passe par l’autonomie fiscale et le rétablissement du lien entre les collectivités locales et les entreprises, et entre les citoyens électeurs et les citoyens contribuables. (M. Stéphane Peu applaudit.)
    Nous responsabiliserions les collectivités en leur donnant des marges de manœuvre. Elles seraient alors en mesure de développer une politique d’attractivité vis-à-vis des entreprises. Je souscris aux conclusions de notre collègue Éric Woerth, dont le rapport sur la décentralisation propose des pistes intéressantes de réforme.
    Il faut également garantir l’équilibre pérenne du système de protection sociale français et des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, notamment les branches retraite et maladie, ainsi que de l’assurance chômage. Il est impératif de distinguer les prestations contributives, financées par des cotisations sociales, et les prestations non contributives, financées par l’impôt.
    En la matière, nous devons respecter deux impératifs, à savoir la justice et le dialogue social. La justice, c’est œuvrer pour une réforme systémique des retraites : il faut protéger le pouvoir d’achat des retraités dont les pensions sont les plus faibles, tout en faisant contribuer ceux dont les pensions sont les plus élevées. Je plaide également pour un régime universel englobant tous les salariés du secteur privé et du secteur public. Dans cette perspective, il faut faire entrer tous les nouveaux actifs au régime général.
    Le dialogue social, c’est redonner la main aux partenaires sociaux en matière d’assurance chômage : cela permettra de dessiner la politique de l’emploi au plus près des préoccupations des acteurs économiques locaux.
    Enfin, il faut prendre à bras-le-corps la crise du logement. L’absence de logement est un facteur majeur de paupérisation et de désinsertion sociale et professionnelle. (MM. Stéphane Peu et Alexis Corbière applaudissent.) C’est là que se jouent les inégalités.
    Qui peut supporter de voir des enfants à la rue ? Commençons par réserver l’accès aux logements sociaux à ceux qui en ont le plus besoin ! Sur le temps long, il faut bien évidemment construire en favorisant l’accession sociale à la propriété et le développement du secteur locatif privé, quitte à assouplir l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) et à réduire les normes, afin d’abaisser le coût des constructions neuves.
    Telle est ma modeste contribution à ce débat sur l’orientation des finances publiques. C’est avec intérêt que je prendrai connaissance des réformes structurelles qui seront proposées d’ici la fin du mois par le Gouvernement à la Commission européenne afin de respecter la trajectoire proposée par le PSMT et de favoriser la croissance potentielle et le bien-être de nos citoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales.

    M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales

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    Alors que nous nous apprêtons à examiner le PLF en séance et le PLFSS en commission des affaires sociales, je voudrais profiter de la tribune qui m’est offerte pour vous présenter quelques réflexions au sujet des comptes sociaux.
    Le dernier rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale est sans appel : si nous ne prenons aucune mesure pour redresser la situation, le déficit des branches de la sécurité sociale et du FSV s’établira à 28,4 milliards d’euros en 2025.
    Les mesures contenues dans le PLFSS permettraient de réduire ce déficit tendanciel de 12,4 milliards d’euros. C’est là un objectif dont dépend la préservation de notre modèle social et qui devrait naturellement tous nous réunir, car, pour reprendre un adage bien connu, ce modèle social est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas.
    Ces considérations ne doivent pas nous faire perdre de vue que les Français n’accepteront pas de nouveaux coups de rabot, surtout si ceux-ci portent atteinte à la prise en charge de leurs soins.
    Ce projet de loi ne semble pas toujours répartir équitablement l’effort demandé. Je pense à l’augmentation du reste à charge quand on se rend chez le médecin,…

    M. Philippe Vigier

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    Très juste !

    M. Yannick Neuder, rapporteur général

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    …alors même que le problème des déserts médicaux persiste, mais aussi à la revalorisation des pensions de retraite, reportée à juillet. Ces mesures affaiblissent le pouvoir d’achat, renforcent la dépendance aux complémentaires santé, dont les tarifs augmenteront en 2025, et posent les jalons de la privatisation de la prise en charge des frais de santé.

    M. Nicolas Sansu

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    Mais qui est au gouvernement ?

    M. Yannick Neuder, rapporteur général

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    Ce sont toujours les mêmes qui paient plus, sans que la prise en charge s’améliore ; restons fidèles à l’esprit de solidarité et aux fondamentaux de la sécurité sociale.
    Nous ne pouvons accepter ce qui s’apparente à des coups de rabot alors que nous reportons le déploiement de réformes structurelles. Il nous faut une loi de santé pluriannuelle : ce n’est pas ce PLFSS qui permettra de combler les déficits chroniques de la sécurité sociale tout en améliorant la prise en charge de nos concitoyens. Ces problèmes ont des causes plus profondes et exigent que nous votions d’autres textes.
    Je voudrais m’arrêter ici sur la hausse du montant des cotisations de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, laquelle gère le régime des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière.

    M. Nicolas Sansu

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    Pas moins de 1,3 million d’agents !

    M. Yannick Neuder, rapporteur général

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    Le problème est bien connu : cette caisse est structurellement déficitaire parce que le nombre de cotisants diminue tandis que celui des retraités explose.
    La CNRACL a ainsi accumulé plus de 10 milliards d’euros de dette entre 2020 et 2024. Si rien n’est fait, son déficit devrait atteindre 4,8 milliards dès l’année prochaine. À partir de 2030, ce déficit se creuserait de 11 milliards par an, soit presque le double du déficit de l’ensemble des régimes d’assurance vieillesse pour l’année 2024,…

    Mme Émilie Bonnivard

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    Un petit sujet, donc !

    M. Yannick Neuder, rapporteur général

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    …alors que seuls 1,3 million de retraités sont rattachés à ce régime.
    Pour remédier à ce problème, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 définit une trajectoire de hausse des cotisations payées par les employeurs à la CNRACL de l’ordre de quatre points par an jusqu’en 2027. Selon les estimations fournies, cette hausse des cotisations engendrerait une augmentation des dépenses de 1,3 milliard pour les collectivités locales et de 1,1 milliard pour les établissements de santé. S’agissant de ces derniers –⁠ hôpitaux, cliniques, centres de soins contre le cancer –, la charge a été intégrée à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2025, si bien qu’elle représente un tiers des 3,3 milliards d’euros supplémentaires de l’Ondam consacrés au financement des établissements de santé. La hausse réelle de l’Ondam hospitalier n’atteindrait donc que 2,1 %, et non 3,1 % comme affiché.
    L’objectif est de faire baisser les tarifs hospitaliers –⁠ une mesure assez incompréhensible quand le déficit des établissements hospitaliers double chaque année. Derrière cette intention louable, on entrevoit un horizon dramatique pour les hôpitaux, les cliniques et les centres de soins contre le cancer, qui ne sauraient absorber une telle majoration.
    Monsieur le ministre, je ne remets pas en cause l’urgence qu’il y a à redresser les comptes de la CNRACL, mais ce redressement ne doit pas se faire au détriment des besoins des hôpitaux, des cliniques et des centres de soins. L’Ondam hospitalier doit être à la hauteur des enjeux auxquels est confronté notre système de santé, alors que la population vieillit et que le nombre des patients affectés par une pathologie chronique augmente. Ne demandons pas aux établissements de santé de choisir entre payer les retraites de leurs fonctionnaires et prendre en charge les chimiothérapies –⁠ car c’est bien de cela qu’il s’agit.
    L’Ondam hospitalier devrait être construit en neutralisant, lors de son calcul, la hausse du taux de cotisations à la CNRACL. L’augmentation de 3,1 % pourra ainsi financer des politiques véritablement à même d’améliorer la santé de nos concitoyens et de redresser la situation critique des hôpitaux. Je serai extrêmement vigilant sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Gabrielle Cathala.

    (À seize heures cinquante, Mme Clémence Guetté remplace Mme Yaël Braun-Pivet au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de Mme Clémence Guetté
    vice-présidente

    Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP)

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    Chaque année, on retrouve les mêmes débats, et chaque année les mêmes mensonges et les mêmes absurdités. Vous que l’on présentait comme de bons gestionnaires et dont on vantait le pragmatisme, vous qui nous donniez des leçons de réalisme économique, vous, les petits génies, êtes responsables d’un déficit sans précédent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Un comble, quand le locataire de l’Élysée est un ancien banquier !
    Vous avez créé ce déficit de toutes pièces. En supprimant l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), en instaurant la flat tax et en baissant le taux de l’impôt sur les sociétés (IS), vous avez privé l’État de plus de 60 milliards de recettes fiscales par an. (Mêmes mouvements.) Vous avez arrosé les grandes entreprises d’un « pognon de dingue » –⁠ 200 milliards par an, sans aucune contrepartie écologique ou sociale. Vous avez supprimé des postes à Bercy au lieu de recruter des agents en nombre suffisant pour récupérer les plus de 80 milliards de fraude fiscale.

    M. Thibault Bazin

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    Heureusement que Bercy ne vous attend pas pour lutter contre les fraudes !

    Mme Gabrielle Cathala

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    Même la Cour des comptes le rappelle : « La période 2018-2023 a été marquée par d’importantes baisses d’impôts, dont l’impact est estimé à 62 milliards d’euros en 2023, soit 2,2 points de PIB. » À présent, c’est au contribuable que vous voulez faire payer la facture, alors que la France compte déjà, selon l’Insee, 11,2 millions de pauvres.
    Pourtant, de l’argent, il y en a : en 2024, la fortune cumulée…

    M. Thibault Bazin

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    De Jean-Luc Mélenchon ?

    Mme Gabrielle Cathala

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    …des 500 Français les plus riches a dépassé la barre des 1 200 milliards d’euros –⁠ elle a doublé depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. Voilà le résultat de votre politique de l’offre, guidée par la chimère du ruissellement.

    M. Sébastien Delogu

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    Exactement !

    Mme Gabrielle Cathala

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    Une telle infamie se produit dans la septième puissance économique du monde qui a dorénavant, comme la Grèce autrefois, le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne à ses trousses. Le pire, c’est que vous continuez à vous vanter : Bruno Le Maire s’en va même enseigner à l’université de Lausanne le secret pour augmenter la dette de 1 000 milliards d’euros en sept ans.

    M. Thibault Bazin

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    On espère que les étudiants ne l’écouteront pas !

    Mme Gabrielle Cathala

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    En fin de compte, les artisans de la destruction des biens communs au profit de quelques-uns et de la politique économique la plus inefficace pour le pays bénéficient d’une totale impunité, ne subissant jamais les conséquences de leurs actes. Aucun membre de ce gouvernement, personne parmi ceux qui le soutiennent ne souffrira dans sa dignité, dans sa chair ou dans celle de ses enfants des 40 milliards de coupes budgétaires –⁠ rien que pour l’année 2025 – dans le budget des services publics, de la hausse de la taxe sur l’électricité, ou des 15 milliards d’économies aux dépens de la sécurité sociale.
    Peu importe pour les classes dominantes, dont vous êtes les commis, la suppression de 4 000 postes d’enseignants : leurs enfants sont scolarisés dans les établissements publics parisiens les plus dotés ou fréquentent l’école privée. Peu importent les 400 millions de budget en moins pour les outre-mer quand on entretient avec ces territoires un rapport uniquement colonial. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Peu importent, quand on ne fréquente que des cliniques privées, le délabrement de l’hôpital public, les 1 500 morts par an qui pourraient être évités dans les services d’urgence, les soignants épuisés au travail et les déserts médicaux. Peu importent les 2 milliards en moins pour le budget de la transition écologique et les conséquences du changement climatique, déjà irréversible, quand on se sait appartenir à la première classe et disposer d’un canot de sauvetage à son nom. (Mêmes mouvements.) Peu importe la saignée de 5 milliards d’euros pour les collectivités, quand le destin des habitants des quartiers de la politique de la ville ou celui des enfants placés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) vous est étranger. Peu importent les 500 millions d’euros pour la justice, quand on n’aura jamais recours dans sa vie à l’aide juridictionnelle. Peu importe la retraite à 64 ans, quand votre rapport à l’existence des caissières, des enseignantes,…

    Mme Émilie Bonnivard

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    Comment ça, les enseignants ? Ils ont l’espérance de vie la plus longue !

    Mme Gabrielle Cathala

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    …des infirmières, des aides-soignantes, des éboueurs et des ouvriers, dont le corps ne peut pas tenir jusqu’à cet âge, relève de l’imagination.
    Dans votre indifférence au sort du plus grand nombre, votre gouvernement de perdants a un allié de taille –⁠ l’extrême droite de Mme Le Pen. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Comme les macronistes, l’extrême droite ne touche jamais aux plus fortunés et aux patrons des grandes entreprises, car elle en a besoin pour être financée et pour que son racisme se diffuse largement dans la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Sébastien Delogu

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    Bravo pour ces belles paroles !

    Mme Émilie Bonnivard

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    C’est de l’opportunisme !

    Mme Gabrielle Cathala

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    Cette alliance maquillée en duel depuis sept ans est apparue au grand jour en commission des finances, où députés du RN et macronistes ont voté ensemble contre le rétablissement de l’impôt sur la fortune, puis contre le budget de l’État pour l’année 2025 –⁠ un budget d’austérité que le Nouveau Front populaire avait transformé en budget de justice sociale. M. Barnier cherchait 60 milliards ; nous les avons trouvés en commission des finances (Mêmes mouvements) en proposant une taxe sur les bénéfices des multinationales réalisés en France, une taxe sur les superprofits et les superdividendes des grandes entreprises, ainsi qu’une augmentation de la taxe sur les services numériques –⁠ la taxe Gafa. Nous avons également supprimé les mesures injustes comme l’augmentation des factures d’énergie et les coupes dans les budgets des collectivités.
    Oui, un autre budget est possible, mais les macronolepénistes font bloc contre la justice fiscale ! (Mêmes mouvements.) Depuis samedi, on vous voit diffuser votre propagande habituelle avec la complicité des médias dominants. On vous entend parler de matraquage fiscal et de passage à tabac visant à euthanasier l’économie française,…

    M. Thibault Bazin

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    Eh oui !

    Mme Gabrielle Cathala

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    …quand même l’OFCE alerte la France sur le risque de récession en cas d’adoption de votre budget.

    M. Gérault Verny

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    En cas d’augmentation de la fiscalité, madame !

    Mme Gabrielle Cathala

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    Ce gouvernement menace de faire passer par 49.3 le budget le plus brutal et le plus austéritaire de l’histoire, un budget qui broiera les corps et les vies des plus fragiles. Faisons plutôt en sorte que Michel Barnier et ses ministres ne passent pas l’hiver. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Estelle Mercier.

    Mme Estelle Mercier (SOC)

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    Permettez-moi de vous faire part de mon étonnement et de mon inquiétude à la lecture du plan budgétaire et structurel à moyen terme. De mon étonnement d’abord : à l’heure où la France affiche un déficit abyssal s’élevant à 6,6 % du PIB et où elle a connu un dérapage budgétaire inédit en 2023 et 2024, nous pouvions nous attendre à ce que soient tirés des enseignements du passé pour dessiner la nouvelle trajectoire des finances publiques ; nous pouvions espérer des questionnements et quelques remises en question. En 2022, on nous annonçait 4 % de croissance et elle s’est élevée à 2,5 % ; en 2023, on nous promettait 2,3 % et elle s’est limitée à 0,9 % ; en 2024, on nous prédisait 1,6 % et elle a péniblement atteint 1,1 % :…

    M. Erwan Balanant

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    Parlons de la courbe du chômage !

    Mme Estelle Mercier

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    …lorsqu’il existe un tel écart entre les prévisions et la réalité de l’économie, on devrait faire preuve d’un peu d’humilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
    Ce n’est pas le cas, et c’est même tout le contraire. J’ai lu le rapport : il y est dit que les réformes déployées depuis 2017 et les choix politiques et économiques du président Macron fonctionnent bien et produisent leurs effets ; il y est écrit en filigrane que le déficit de la France serait purement conjoncturel. On peut y lire ici qu’il est lié aux crises, là, à la hausse des taux d’intérêt, ailleurs encore que la croissance a été moins forte que prévu… En fin de compte, c’est la faute à pas de chance : on ne pouvait pas prévoir. Selon ce rapport, la politique économique menée depuis sept ans fonctionne et il n’y a donc aucune raison de la changer.
    Je ressens aussi de l’inquiétude : je m’inquiète du déni et de l’aveuglement face aux conséquences de cette politique sur l’économie, lesquelles sont aujourd’hui parfaitement connues et documentées, tout comme je m’inquiète du décalage entre les finances publiques et l’économie réelle. Ce projet bifurque peu, il ne comporte pas de virages : la trajectoire budgétaire proposée s’inscrit dans la continuité d’une politique qui a échoué. Vos propositions m’inquiètent en raison du poids pour les Français –⁠ pour tous les Français – des coupes budgétaires ; je m’inquiète des économies censées découler de la réforme des retraites ou de l’assurance chômage, et de la baisse des remboursements par l’assurance maladie –⁠ ce sont les trois piliers du système social français. Ces mesures ébranleront la solidarité nationale. Les économies réalisées aux dépens du budget des collectivités locales pèseront elles aussi sur les services publics du quotidien et sur la dynamique d’investissement dans les territoires. Concrètement, cela signifie moins d’agents dans les écoles –⁠ vous avez déjà annoncé la suppression de 4 000 postes d’enseignants pour l’année prochaine –, moins d’agents dans les crèches, moins de policiers municipaux, moins d’infrastructures, moins de lycées, moins de collèges, mais aussi moins de culture et moins de sport dans les territoires,…

    M. Éric Woerth

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    Moins de déficit aussi !

    Mme Estelle Mercier

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    …moins de tout ce qui fait notre quotidien et notre cohésion nationale.
    Je m’inquiète de la faiblesse des propositions avancées pour trouver de nouvelles recettes structurelles : on ne trouve ni vraies mesures de justice fiscale visant à ce que les très riches et les entreprises contribuent davantage, ni politiques de lutte contre l’évasion ou la fraude fiscale qui ne seraient pas seulement ponctuelles, mais pérennes. Nous avons des idées en la matière : permettez aux parlementaires de coconstruire des propositions nouvelles lors de l’examen du PLF 2025, ce à quoi le Premier ministre s’était engagé.
    Je m’inquiète aussi de la trajectoire austéritaire que vous proposez de suivre, et ce durant plusieurs années : vous souhaitez atteindre 60 milliards d’économies en 2025, 63 en 2026 et presque 75 en 2027, soit 200 milliards en trois ans. Toutes ces mesures d’austérité coûteront aux Français, lesquels ont déjà consenti beaucoup d’efforts. Ils n’ont que faire des moyennes nationales et des prévisions hors-sol : ce qu’ils regardent tous les soirs, c’est le contenu de leur assiette !
    In fine, je m’inquiète du risque récessif que pose cette trajectoire austéritaire, d’autant plus qu’il n’a pas été évalué ; la récession pourrait engendrer une crise économique et sociale sans précédent.

    M. Emmanuel Maurel

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    Très bien !

    Mme Estelle Mercier

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    Une prévision de croissance à 1,1 %, ce n’est pas de la croissance. Alors que l’Espagne caracole à plus de 2 % et que la moyenne de l’Union européenne (UE) s’en approche également depuis plusieurs années, nous ne pouvons pas considérer qu’un taux de 1,1 % est solide.
    Les Français ont voté majoritairement contre la politique du président Macron et ont redit leur attachement au service public et au système de solidarité nationale. Alors qu’une autre trajectoire est possible, vous proposez la double peine –⁠ continuité et austérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Emmanuel Maurel applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Juvin.

    M. Philippe Juvin (DR)

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    Voici donc l’heure des choix pour les finances publiques.
    Que s’est-il passé ? Il s’est passé que, depuis des années, la France vit à crédit : elle paye ses fonctionnaires à crédit, paye ses retraites à crédit, paye ses investissements à crédit. À l’intention des érotomanes –⁠ trop nombreux – de la taxe et de l’impôt, je veux dire que si nous avons 3 200 milliards de dette, ce n’est pas parce que nous n’avons pas assez taxé mais, tout simplement, parce que nous avons trop dépensé.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    On a aussi la bombe atomique, et nous sommes les seuls en Europe !

    M. Philippe Juvin

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    Rétablir les finances publiques en dépensant moins doit désormais être notre principale préoccupation : dépenser moins le matin ; dépenser moins à midi ; dépenser moins le soir. Où est votre souveraineté si, vous mettant le couteau sous la gorge, ce sont vos prêteurs qui vous dictent de lever l’impôt ?
    Si l’on prend le PIB par habitant, qui est un indicateur robuste de prospérité, la France était en 1980 devant les États-Unis. Autrement dit, en 1980, un Français était plus riche qu’un Américain ; aujourd’hui, il est 80 % moins riche qu’un Américain. Pourquoi et comment un tel déclassement ? C’est parce que nous avons nié les évidences.
    La première d’entre elles est que l’argent public n’existe pas. Il ne tombe pas du ciel ; l’argent public, c’est toujours l’argent des impôts des Français.
    Seconde évidence : quand on surtaxe une entreprise, elle répercute toujours ses coûts, soit sur le consommateur en augmentant les prix, soit sur ses salariés en licenciant ou en s’exilant. Taxez moins Sanofi, vous verrez que, par miracle, son usine de Doliprane restera en France.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Ça va, le lobbying ?

    M. Philippe Juvin

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    Troisième évidence : une dette se paye toujours. La dette éternelle est un mythe. Les choses sont très simples : si vous ne remboursez pas, on ne vous prête plus.
    Quatrième évidence : nous dépensons trop et mal. N’importe lequel d’entre nous, avec un tel déficit sur son compte personnel, trouverait immédiatement comment diminuer ses dépenses. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Marie Mesmeur

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    Arrêtez la démagogie ! Ça n’a rien à voir !

    M. Philippe Juvin

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    Vous voulez des exemples ? Pour le chômage, nous dépensons trois fois plus que l’Italie, alors que nous avons le même taux de chômage. Quant à la Ville de Paris, elle a plus de fonctionnaires que toutes les institutions de l’Union européenne réunies. On jette l’argent des Français par la fenêtre et l’on s’étonne que nos services publics manquent de moyens ! La gabegie partout, le sérieux nulle part et, à la fin, la paupérisation pour tous.
    Cinquième évidence : nous avons 5 millions de chômeurs et pourtant je ne connais pas une PME, un artisan ou un hôpital qui n’ait pas de difficulté pour embaucher –⁠ pas un seul ! – car notre système social désincite au travail. Nous ne travaillons pas assez et, si le taux d’emploi était le même chez nous qu’en Allemagne, nous n’aurions pas ce déficit.
    On parle d’augmenter les impôts « à titre temporaire et de façon ciblée ». Attention à ne pas méconnaître cette loi élémentaire de la physique fiscale : toute taxe « temporaire et ciblée » a vocation à durer et à s’étendre. La TVA ne concernait initialement que les grandes entreprises, la vignette automobile a duré cinquante ans, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) devait s’éteindre en 2024.
    Ce réflexe d’augmenter les impôts pour réduire les déficits est une paresse qui évite de se poser la question clé : où va l’argent ? Qui ignore que, dans une France déjà championne du monde des impôts, tout nouveau prélèvement peut détruire des emplois et nourrir le ras-le-bol social ?
    Peut-on ne pas augmenter la fiscalité ? Regardez nos voisins : ils ont réduit les dépenses publiques et les ont rendues plus efficaces, ils ont débureaucratisé, libéré les collectivités territoriales, lutté contre les fraudes, réformé les retraites, adopté une règle d’or, augmenté la productivité ; certains même se sont dotés de fonds souverains.

    Mme Christine Arrighi

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    Le paradis !

    M. Philippe Juvin

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    À ces mesures, ajoutons une vigoureuse réduction du train de vie de l’État, par exemple la suppression de multiples organismes coûteux, des « machins » peu efficaces ou en doublon, quand ils ne sont pas des rentes pour les recasés de la République.

    Mme Véronique Louwagie

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    Très bien !

    M. Philippe Juvin

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    Messieurs les ministres, je n’invente rien. J’ouvre les yeux et je vois, en particulier ce qui se passe chez nos voisins. Que recommandent les députés de la Droite républicaine, après la crise d’épilepsie fiscale à laquelle nous avons assisté en commission des finances la semaine dernière ? Dépenser moins. Dépenser mieux. Travailler plus. Simplifier. Décentraliser. Et dire la vérité aux Français.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Très bien !

    M. Philippe Juvin

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    Pour contrôler le budget, c’est très simple : il faut apprendre à dire non. Gouverner, ce n’est pas distribuer sans fin de l’argent public, c’est faire des choix et des économies.

    Mme Christine Arrighi

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    Rien de ce que vous avez fait pendant sept ans !

    M. Philippe Juvin

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    Pour cela, nous serons à vos côtés –⁠ mais il faut s’y mettre dès aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Christine Arrighi.

    Mme Christine Arrighi (EcoS)

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    Contrairement à ce que l’on a pu entendre il y a quelques mois, il n’y a pas de quoi être fier de la politique que vous avez menée. En sept ans d’une politique de l’offre non seulement mal pensée mais totalement chaotique, vous avez conduit le pays droit dans le mur. Vos décisions déstructurées ont ruiné nos perspectives, créé de l’instabilité et abouti à l’impasse dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. C’est un échec cuisant, dont vous portez, avec vos partenaires du groupe Les Républicains, l’entière responsabilité.
    Comme si cela ne suffisait pas, à l’incompétence en matière économique et budgétaire, vous avez ajouté le mensonge. Vous avez délibérément caché la vérité sur les conséquences désastreuses de vos choix budgétaires et sur l’état réel de nos finances publiques.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    On ne peut pas dire cela, c’est de la diffamation !

    Mme Christine Arrighi

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    Pendant des années, vous avez sciemment projeté des perspectives de croissance irréalistes, constamment au-dessus des prévisions des institutions compétentes, comme la Banque de France, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le FMI, au-dessus également du consensus des économistes. Ce n’est pas seulement de la négligence, c’est de la tromperie pure et simple !
    Face à ce bilan désastreux, vous ne pouvez plus vous cacher derrière de faux alibis. Il est temps de rendre des comptes, d’assumer la vérité et de faire preuve de transparence sur l’état réel de nos finances publiques. Ce que le pays exige maintenant, c’est un plan de redressement clair, juste et honnête, fondé sur des faits et non sur des illusions économiques.
    Ce cap clair et juste, nous vous en avons donné un aperçu la semaine dernière, lors de l’examen en commission des finances de la première partie du projet de loi de finances. Nos nombreuses mesures en faveur de la justice sociale et fiscale, visant à faire contribuer les plus aisés, les grandes entreprises et les milieux financiers –⁠ ceux-là mêmes qui ont bénéficié de la solidarité nationale durant la crise tout en engrangeant des superprofits –, en sont la preuve tangible. En ciblant de nombreuses dépenses fiscales brunes pour réaliser des économies substantielles, nous offrons un plan de redressement des finances publiques à la fois réaliste et crédible.
    Nous avons soutenu le sauvetage de fleurons industriels français pendant la crise, en leur accordant, dans l’urgence, des prêts garantis par l’État (PGE), c’est-à-dire, tout simplement, des prêts garantis en dernier lieu par l’impôt payé par les contribuables.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Et ?

    Mme Christine Arrighi

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    Nous déplorons l’absence, malgré nos multiples alertes, de conditionnalité sociale et environnementale associée à ces aides. Nous déplorons également l’absence complète de transparence sur les aides financières indirectes dont ont bénéficié Sanofi, Schneider Electric, Air Liquide, Total, LVMH, Veolia, Carrefour, Capgemini, à travers le programme d’achat d’obligations par la Banque centrale européenne (BCE). (M. Jérémie Iordanoff applaudit.)
    En sept ans, vous avez accumulé les cadeaux fiscaux non financés, à hauteur de 60 milliards d’euros, dont 20 milliards en baisses d’impôts de production, contribuant ainsi à battre de nouveaux records en matière de distribution de dividendes.
    Vous avez également volontairement appauvri la sécurité sociale en multipliant les exonérations de cotisations –⁠ par exemple, les fameuses primes Macron –, détruisant ainsi la protection sociale, qui se portait beaucoup mieux avant l’arrivée de ce dernier au pouvoir.
    Nous devons réorienter votre orientation des finances publiques et refuser la cure d’austérité que vous voulez imposer aux collectivités territoriales. Il existe une autre voie : celle que nous proposons, et que nous avons proposée en commission des finances la semaine dernière. C’est ainsi que nous garantirons un juste redressement de nos finances publiques, ancré dans un projet politique de justice sociale et environnementale.
    La proposition est sur la table : saisissez-la, messieurs les ministres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophie Mette.

    Mme Sophie Mette (Dem)

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    Pour la deuxième fois cette année, nous nous réunissons dans le cadre du débat d’orientation et de programmation des finances publiques. La récente réforme des règles budgétaires européennes nécessite en effet que nous débattions de nouveau, et c’est tant mieux eu égard aux événements politiques et économiques qui se sont produits ces six derniers mois.
    Après avoir commenté en avril dernier le programme de stabilité pour la période 2024-2027, nous sommes aujourd’hui invités à échanger avec le Gouvernement sur notre premier plan budgétaire et structurel à moyen terme, qui couvre la période 2025-2028, avant sa transmission à la Commission européenne à la fin du mois.
    Ce plan est décisif pour l’avenir de notre pays. Il doit fixer un cap clair et crédible afin de nous permettre de retrouver rapidement le chemin du rétablissement de nos comptes publics.
    Depuis deux ans, les mauvais résultats s’accumulent, ce qui a conduit à ce que, coup sur coup, la loi de programmation des finances publiques et le programme de stabilité soient caducs. Nous devons en tirer pleinement les leçons pour les années à venir. La stratégie que nous définissons pour nos finances publiques doit, par défaut, intégrer dans son logiciel une grande dose de prudence : l’instabilité du monde dans lequel nous vivons a des répercussions de plus en plus significatives sur la croissance de notre pays, et nous devons le prendre en compte.
    Il était tout d’abord nécessaire de prévoir un retour plus tardif sous les 3 % de déficit public. Pour atteindre cet objectif dès 2027, il aurait fallu, d’après le Trésor, réaliser un total de 110 milliards d’économies en trois ans, effort difficile à réaliser sans entraver la croissance économique ni affaiblir les missions régaliennes de l’État.
    Le lissage de l’effort sur cinq ans permettra de rétablir les finances publiques tout en continuant à investir et à réformer de manière à muscler notre capacité productive. Une croissance à la fois plus forte, plus verte et plus juste permettra de répondre à l’impératif de rétablissement des comptes publics, tout en augmentant durablement le pouvoir d’achat des Français.
    Le plan budgétaire qui nous est soumis affiche une ambition en ce sens avec, d’abord, la poursuite de la politique menée depuis 2017 pour réindustrialiser le pays, en renforçant plus encore notre compétitivité, l’innovation et la recherche et développement ; avec, ensuite, la poursuite des réformes et des investissements déployés en faveur du plein emploi, qui ont permis à notre pays de sortir de la fatalité du chômage ; avec, enfin, l’accélération de la transition écologique et énergétique, afin de réduire la dette écologique.
    L’année 2025, à travers notamment le projet de loi de finances, constitue la première étape de cette nouvelle stratégie, et c’est certainement la plus importante. Comme nous l’avons déjà déclaré à plusieurs reprises, le groupe Les Démocrates souscrit aux orientations qui sont données pour l’année qui vient. La situation de nos finances publiques nous impose de prendre des mesures inédites tant en dépenses qu’en recettes, afin de préserver nos marges de manœuvre face à l’avenir, la crédibilité de notre signature et notre souveraineté.
    Attention toutefois à ce que ces mesures aboutissent à la réalisation de 60 milliards d’économies, sans quoi le déficit continuerait de s’aggraver. Le débat parlementaire, qui débutera en séance publique ce soir, doit nous conduire à sécuriser cet objectif.
    Une fois l’année 2025 passée, nous devrons continuer à bouleverser les pratiques. Dans un pays dopé à la dépense publique et contraint par une fiscalité déjà très lourde, nous devrons faire preuve de méthode et d’ingéniosité pour réduire durablement le poids de la dépense publique. Pour cela, nous appelons à ce que l’évaluation des politiques publiques soit approfondie et renforcée. Un grand nombre d’angles morts subsistent et nuisent à la qualité de la dépense publique, condition pourtant essentielle pour sortir des déficits successifs.
    Le travail qui nous attend pour rétablir les comptes publics est inédit. Il demandera du courage politique et un engagement collectif de tous les instants. Le groupe Les Démocrates y est prêt. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Jolivet.

    M. François Jolivet (HOR)

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    L’année 2025 sera celle de tous les dangers. Nous devrons pourtant parvenir à les surmonter. Les crises successives ont abîmé nos finances publiques, et nous devons reprendre en main notre destin.
    Le déficit public est prévu à 5 % du PIB et la dette publique devrait atteindre 114,9 % : cela devient intolérable. Nous sommes à un point de bascule : soit nous agissons avec fermeté, soit nous laissons notre économie s’enfoncer dans la spirale de l’endettement.
    Si les débats en commission se sont bien déroulés dans la forme, peut-être avons-nous parfois oublié notre sagesse au moment de voter.
    Il ne faut pas se tromper. Le redressement des finances est vital pour tout le monde. Il faut néanmoins que nous soyons justes, car ce qui est juste s’explique et peut donc être compris. À l’inverse, ce qui est injuste ne s’explique pas et ne peut donc être compris, ce qui crée des tensions.
    Il s’agit de restaurer notre crédibilité financière, tout en garantissant notre unité territoriale. Trop souvent, nos territoires ruraux et ultramarins se sentent laissés de côté. La France ne se limite pas au Grand Paris ou aux grandes métropoles. Il faut que les infrastructures et les services publics soient soutenus à la hauteur des contributions de toutes et tous.
    En matière de santé, les déserts médicaux deviennent insupportables et politiquement inflammables. Dans l’Indre, nous sommes tout en bas du classement dans ce domaine.
    La vérité est que chaque euro dépensé doit être justifié. En 2025, les dépenses publiques s’élèveront à 56,4 % du PIB –⁠ c’est trop. Il faut faire des économies structurelles.
    Les travaux de la Cour des comptes ont tracé des pointillés ; à nous, élus, d’avoir le courage d’utiliser les ciseaux. Nous savons ce qu’il faut faire.
    Pour 2025, le Gouvernement s’est engagé à des économies de 40 milliards sur toutes les administrations publiques. C’est certes inédit, mais surtout indispensable. Pendant trop d’années, nous avons pensé que la dette publique était la croissance de demain, mais nous avons oublié qu’elle finance des dépenses de fonctionnement ; seuls les investissements sont la croissance de demain. Notre dette publique est devenue toxique.
    Le débat d’orientation budgétaire concerne toutes les administrations publiques –⁠ enfin ! Je sais que le ministre Laurent Saint-Martin y est très attaché. Il n’est pas seul : le groupe Horizons & indépendants est derrière lui.
    Des pans entiers de l’action publique doivent être réinventés. Avec Kévin Mauvieux, nous remettrons bientôt un rapport sur la politique immobilière de l’État. Il est enfin temps de valoriser ces millions de mètres carrés et d’en faire un gisement d’économies. Le logement, première sécurité des Français, est sans doute le sujet sur lequel nous péchons le plus aujourd’hui. Le système de financement du logement doit être réécrit, mais l’année 2025 doit d’abord sauver la chaîne de production immobilière. À l’image de l’immobilier d’État, le logement ne résiste ni au temps de l’annualité budgétaire ni au temps électoral ; il a besoin d’être inscrit dans un temps long et ne supporte pas des à-coups annuels. Ses acteurs ont besoin de sécurité –⁠ comme toutes les entreprises de France, d’ailleurs.

    Mme Christine Arrighi

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    Qu’avez-vous fait pendant sept ans ?

    M. François Jolivet

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    Concernant la question fiscale, il est temps d’agir avec justice. Depuis 2017, des réductions d’impôts ont été faites, mais il est temps que d’autres contribuent. Faire appel aux grandes entreprises et aux plus aisés d’entre nous est assurément une bonne solution.
    Messieurs les ministres, il est temps de choisir d’être au service des Français, même au prix de l’impopularité. On appelle cela le sens de l’État ; il vaut mieux qu’un tweet. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

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    Les choses étant ce qu’elles sont, la programmation des finances publiques revêt une importance décisive. Il s’agit à la fois de réduire l’endettement accumulé au fil des décennies et de maîtriser le dérapage en cours. Cet exercice, compliqué, est devenu indispensable.
    Il convient de sortir de la dynamique cumulative de la dette et du remboursement : l’aggravation de la dette provoque une augmentation des sommes à rembourser, ce qui aggrave la dette, etc. Ce cercle vicieux catastrophique est déjà largement à l’œuvre.
    Sur les sept dernières années, le volume d’endettement public supplémentaire représente presque le double de celui du PIB, autrement dit 2 milliards d’endettement additionnel pour chaque milliard de richesses créées. Il y a là un problème d’efficacité de la dépense publique sur lequel il serait opportun de se pencher.
    Le travail d’assainissement ne sera nullement facile. Il devra se dérouler dans une conjoncture de croissance molle, laissant peu de marges de manœuvre. Il devra aussi compenser l’hémorragie continue des échanges extérieurs, qui plombe plus encore le problème, alors qu’ils sont en Allemagne une source continue et puissante d’oxygène.
    Il conviendra également de surmonter les effets contracycliques, pervers, des indispensables mesures. La hausse de la fiscalité, annoncée à hauteur de 20 milliards, aura un inévitable effet dépressif sur la demande privée, l’investissement, la croissance et in fine les rentrées fiscales. La baisse de la dépense publique, estimée à 40 milliards, exercera aussi une influence négative. Sans compter l’effet cumulatif sur les rentrées fiscales, il faudra affronter une possible, si ce n’est probable, montée du chômage.
    Rappelons également l’hypothèse d’une hausse des taux d’intérêt, pas annoncée pour l’instant, mais toujours possible, ainsi que le contexte peu porteur de guerre économique –⁠ de guerre tout court.
    Cette évocation est peu réjouissante, mais elle a l’avantage du réalisme. La situation appelle donc courage et lucidité. Elle exige que l’on intervienne à la fois sur les recettes et les dépenses. Nous ne rentrerons pas dans le débat de l’optimum d’équilibre entre les deux vecteurs, car il n’y a pas de réponse systématique en la matière –⁠ les deux se chevauchant le plus souvent. On sait ce qu’il en est de l’exonération des charges sur les entreprises, mais, dans bien d’autres domaines, les réductions d’aide alourdissent en fait l’impôt.
    Nous avons fait déjà à plusieurs reprises des propositions. En matière de dépense publique, il conviendrait de réduire ce qui porte la dynamique d’entraînement la plus faible, même s’il existe toujours un effet négatif à toute mesure restrictive. Depuis longtemps nous marquons nos réserves à ce que le logement serve de variable d’ajustement, alors qu’il constitue l’un des domaines les plus porteurs d’effet multiplicateur –⁠ sans parler de son impact social. Inversement, nous avons souligné l’aspect discutable du recours systématique et onéreux à des cabinets de conseil là où existent les aptitudes et la capacité de travail de la haute fonction publique.
    S’agissant des rentrées fiscales, autre versant de l’action, nous n’avons pas de rancœur sociale ni d’esprit punitif. La richesse nous semble souhaitable et juste quand elle procède du talent, du travail, de l’épargne, de la bonne gestion des affaires entrepreneuriales ou privées. Néanmoins, considérant l’effort commun aujourd’hui indispensable, il convient de répartir la charge le plus justement possible.
    Répartition entre l’État et les collectivités territoriales, d’abord. L’effort de 5 milliards demandé à ces dernières, ajouté aux autres contraintes, nous semble un fardeau bien lourd. Les régions, pour ne parler que d’elles, assurent 12 % de l’investissement public et représentent 1 % de la dette.
    Je réitérerai mon souhait de voir adopté mon amendement relatif à la dotation de continuité territoriale pour la Corse. Ce soutien, dont le montant est gelé depuis 2009, est indispensable pour le quotidien des habitants, la compétitivité des entreprises et l’équilibre budgétaire de la collectivité de Corse.
    Il faut aussi de la justice en matière d’impôt. Je vise une fois de plus l’accumulation disproportionnée liée à la spéculation, l’économie financière, le rachat d’action, la distribution de dividendes, le recours aux montages complexes et aux paradis fiscaux : toutes choses qui, certes, rapportent gros à certains, mais souvent sans retour sur la création de richesse ou le bien-être collectif.

    M. Nicolas Sansu

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    C’est le moins que l’on puisse dire !

    M. Michel Castellani

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    Dans ce domaine, des marges de manœuvre existent. Elles doivent être actionnées avec discernement et décision, à l’échelle tant de la France que de l’Europe et du monde.
    La route est difficile, mais c’est à ce prix que s’ouvriront les portes d’un avenir financièrement soutenable. Le groupe LIOT sera attentif, mais fera preuve en ce domaine, comme en d’autres, d’un esprit pragmatique, constructif et de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Maurel.

    M. Emmanuel Maurel (GDR)

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    Nous discutons d’un document arrivé très en retard –⁠ c’est une habitude – et qui doit être transmis à la Commission européenne.
    Nos perspectives économiques ne peuvent se réduire à l’horizon indépassable du pacte de stabilité et de croissance (PSC). Celui-ci a certes été révisé en avril dernier,…

    M. Charles Sitzenstuhl

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    On ne le respecte pas !

    M. Emmanuel Maurel

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    …mais son idéologie, d’inspiration allemande, demeure la même : toujours plus de réformes structurelles et d’austérité budgétaire.
    Pendant la crise sanitaire, on avait espéré une prise de conscience. Il y avait eu un plan de relance, bienvenu et soutenu par la France, mais nous assistons depuis à un navrant retour du business as usual – hélas ! Messieurs les ministres, vos discours en fournissent une éclatante illustration. Ils contiennent une kyrielle de formules lénifiantes et convenues. M. Saint-Martin s’essaie même aux raffarinades : « le chemin du redressement est étroit », « la pente est raide », « la route est droite ».

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Ce sont de bonnes références !

    M. Emmanuel Maurel

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    Je ne sais pas si Jean-Pierre Raffarin est une bonne référence pour la France…

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Si, si !

    M. Gérald Darmanin

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    Veuillez parler de ceux qui sont présents !

    M. Emmanuel Maurel

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    Vous donnez même l’impression de ne pas croire à ces formules convenues. D’ailleurs, elles ne soulèvent pas l’enthousiasme sur les bancs de vos supposés soutiens –⁠ lesquels ont été désertés, sauf par M. Darmanin.

    M. Gérald Darmanin

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    C’est la qualité qui importe ! (Sourires.)

    M. Emmanuel Maurel

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    Il est certes un soutien de poids,…

    M. Gérald Darmanin

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    C’est vrai !

    M. Emmanuel Maurel

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    …mais l’image est révélatrice d’une minorité en cohabitation perpétuelle, dont le bilan est loin d’être glorieux.
    Quand M. le ministre chargé du budget annonce vouloir une gestion vertueuse des finances publiques, je l’invite à regarder le bilan de ces dernières années : 6 % de déficit et 110 % de dette publique. Or qui était en poste ? Vous.
    Il en va de même concernant M. le ministre de l’économie. Il fait tout une dissertation visant à prouver que la politique menée est formidable et que tout a été bien fait, mais il déclare que la situation est catastrophique. N’y a-t-il pourtant pas un lien entre l’une et l’autre ? Vous ne le faites pas, mais les Français, eux, le font.
    Quel est le principal problème ? De précédents orateurs l’ont identifié, notamment M. Juvin, dont je ne partage pas toutes les analyses, mais avec qui je tombe d’accord quand il souligne qu’il s’agit du décrochage de l’Europe par rapport à la Chine et aux États-Unis.
    Nous ne sommes pas les seuls à le noter. M. Draghi, l’ancien président de la BCE, qu’on ne peut pas soupçonner de marxisme-léninisme, dresse le même constat. Que dit-il ? Qu’il faut investir massivement dans les secteurs clés : la transition écologique, les technologies de rupture, la transition numérique. On a besoin d’un véritable réarmement industriel.
    Tordons le cou à un mythe macroniste. Monsieur le ministre, vous affirmez que vous avez réindustrialisé la France ; ce n’est pas vrai ! Cette année, il y a eu davantage de fermetures que d’ouvertures d’usines. Voilà le problème auquel nous sommes confrontés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
    La France dispose pourtant d’atouts considérables, de territoires pleins de savoir-faire et de travailleurs compétents. Or on n’investit pas. On préfère une logique comptable. Le plan Barnier ne changera pas grand-chose à la situation, car il n’est qu’un prête-nom pour le PSC, qui consiste non pas à faire « mieux avec moins », mais moins avec moins. (Mme Estelle Mercier applaudit.)
    Hormis la défense et la sécurité, les politiques publiques, en particulier les investissements d’avenir en faveur de la transition écologique, seront amputées et les politiques sociales rabotées, tandis que ceux qui investissent, notamment les collectivités locales, seront largement réprimés. Voilà pourtant de la bonne dette que tous les élus devraient soutenir et que le Gouvernement s’apprête encore une fois à sacrifier !
    Nous refaisons les mêmes erreurs, ce qui va entraîner un nouveau décrochage de notre économie et aggraver le déficit. L’OFCE et le Haut Conseil des finances publiques –⁠ qu’on ne saurait soupçonner de gauchisme et qui n’adhèrent pas au programme du NFP – sont les premiers à dire que vos prévisions sont trop optimistes, car vous menez une politique qui provoquera une récession. Vous annoncez une croissance de 1,1 %, mais l’OFCE la réévalue d’ores et déjà à 0,8 %, au mieux. Ne persévérez pas dans l’erreur !
    Je vous le dis : oui, une autre politique économique est possible. Faire contribuer les multinationales et les grandes fortunes à la solidarité nationale,…

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ah !

    M. Emmanuel Maurel

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    …s’attaquer aux inégalités et aux rentiers et, surtout, investir, investir, investir : voilà l’autre voie que nous tracerons pour la France pendant toute la durée du débat budgétaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Gérault Verny.

    M. Gérault Verny (UDR)

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    Monsieur Maurel, si l’OFCE estime que la croissance ne sera que de 0,8 %, c’est à cause de l’augmentation de la fiscalité et non de la baisse des dépenses !
    « Les réformes menées ces dernières années pour répondre aux défis structurels de la France portent leurs fruits. » Cette phrase n’est pas de moi, c’est la première du plan budgétaire et structurel à moyen terme qui m’a été envoyé, hier soir et par courriel, par le Gouvernement. À défaut d’étudier ce texte, reçu trop tard, prenons le temps d’étudier la réalité qui se cache derrière cette phrase orwellienne.
    Chers collègues de la commission des finances, pardonnez-moi : je serai redondant, mais le Gouvernement l’est tout autant ! Pendant les sept dernières années, la dette publique a explosé, augmentant de 950 milliards d’euros alors que le PIB ne croissait que de 530 milliards.
    Les auteurs du plan budgétaire se félicitent de la création d’emplois, mais en rapportant chaque emploi créé à l’accroissement de la dette, ce sont 430 000 euros qui ont été dépensés pour chaque nouvelle embauche. Au passé, ils nous expliquent que nous avons une croissance plus forte que nos voisins, mais quand il faut créer 2 euros de dette pour dégager 1 euro de PIB supplémentaire, je ne suis pas convaincu que le résultat soit à la hauteur des espérances.
    Voilà pour le bilan ; étudions ensemble, si vous le voulez bien, le futur. Pour 2025, deux erreurs marquent déjà les projections. Ainsi, le Gouvernement table sur une croissance de 1,1 %, mais selon l’OFCE –⁠ un organisme public financé par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche au sein de Sciences Po, à qui l’on ne saurait plus prêter une sensibilité de droite libérale –, la hausse des impôts inscrits dans le projet de loi de finances pour 2025 dans la version antérieure à celle, spoliatrice, d’un Nouveau Front populaire qui n’a de populaire que le nom, ramènera la croissance prévue en 2025 à 0,8 %.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Et vous alors ? Vous n’avez de républicains que le nom !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Justement, ils ne sont plus républicains !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Que signifie le « R » du nom de leur groupe ?

    Mme Émilie Bonnivard

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    Ils ne sont plus républicains, on a mis quatre mois à s’en débarrasser !

    Mme la présidente

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    Chers collègues, veuillez laisser l’orateur s’exprimer.

    M. Gérault Verny

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    Deuxièmement, les auteurs du plan budgétaire font l’hypothèse d’une inflation de 1,8 % dès l’année prochaine, alors que nous savons qu’elle sera plus faible. Or la baisse conjointe de l’inflation et de la croissance prévisionnelles pourrait faire apparaître un manque de 30 milliards d’euros dans le budget pour 2025 et faire passer le déficit prévisionnel de 5 % à 5,7 %. C’est dit, ce qui nous évitera d’avoir à lancer une nouvelle commission d’enquête sur les dérapages budgétaires dans un an !
    Plutôt que de rester dans le marasme inextricable de cette situation, je vous propose de prendre un bol d’air pur dans les montagnes suisses, pour y étudier la vie économique de notre voisin, le plus vertueux sur le plan budgétaire. (M. Sébastien Delogu s’esclaffe.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Contrairement à Bruno Le Maire, tout le monde ne va pas en Suisse !

    M. Gérault Verny

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    Voici quelques chiffres : le taux de pauvreté en Suisse est de 3,8 %, alors qu’il atteint 14,4 % en France. Le taux de chômage en Suisse est de 4,1 %, contre 7,3 % en France. Le taux d’emploi industriel en Suisse est de 20,2 %, quand il n’est que de 13,3 % en France. La part de l’industrie dans le PIB est de 20 % en Suisse, mais s’établit à 9 % en France. Pourtant, le salaire moyen annuel est de 82 000 euros brut en Suisse et de 36 000 euros brut en France.

    Mme Christine Arrighi

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    Vive les petits-suisses !

    M. Gérault Verny

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    À écouter la gauche, nous pourrions croire que pour se prévaloir d’aussi bonnes statistiques, la Suisse ne peut être qu’un paradis collectiviste. Raté !
    En Suisse, la dépense publique représente 38 % du PIB, alors qu’en France, elle en représente 58 %. Résultat, la dette publique de la Suisse n’est que de 39 % du PIB, alors qu’elle atteint 113 % du PIB en France.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Sachez qu’à Genève, les transports sont gratuits pour les touristes !

    Mme Christine Arrighi

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    Il faudrait parler des salaires aussi !

    M. Arnaud Le Gall

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    Eh oui ! Ils stimulent la consommation et le marché intérieur ! Vous ne le dites pas.

    M. Gérault Verny

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    Je vous le dis avec gravité : si nous ne réduisons pas très fortement la dépense publique et ne nous obligeons pas à voter un budget qui n’aggrave pas la dette du moindre euro, la situation sera encore plus compliquée à gérer dans un an.
    Dès 2025, nous dépenserons 55 milliards d’euros pour rembourser les intérêts de notre dette. Cette somme pourrait financer environ 1 million de postes de professeurs, 900 000 postes de policiers ou de gendarmes, 600 000 postes de magistrats, 27 000 bureaux de poste dans nos campagnes, etc.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il faudrait racheter les banques aussi !

    M. Gérault Verny

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    Nous avons le pouvoir de faire les bons choix, mais si nous continuons à mal utiliser la liberté que nos pairs ont si chèrement défendue, le FMI sera demain à Paris, pour y imposer un plan d’austérité.
    Mon seul souhait est que nous fassions nôtre ce vers de Baudelaire : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or. » (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    M. Stéphane Peu

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    C’est mieux que du Raffarin ! (Sourires.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-Philippe Tanguy (RN)

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    J’aimerais tant pouvoir me contenter de dire qu’avec la Macronie, les mauvais budgets se suivent et se ressemblent. Je ne le peux pas : les budgets se suivent, mais, hélas, ils empirent !
    Bruno Le Maire a quitté la scène, mais la tragédie budgétaire que vous continuez à jouer entre dans son acte final, après cinquante ans de déficit. Choisirez-vous, messieurs les ministres, de redresser les comptes publics en rompant avec la politique macroniste ou bien poursuivrez-vous la farce morbide d’un système politique à bout de souffle, qui préfère emporter notre pays vers l’abîme plutôt que de se remettre en cause ?
    Si j’en crois votre triste projet, vous avez choisi l’abîme. Votre trajectoire budgétaire n’est qu’un horizon de mirages, destinés à tromper les Français et les marchés financiers. Ce plan est en vérité très inquiétant : il révèle que vous n’avez pas le début d’une nouvelle idée pour relancer la croissance, faire des économies structurelles et rétablir nos comptes publics.
    Vous poursuivez les mensonges croisés que profèrent la droite et la gauche depuis qu’existent les débats d’orientation budgétaire. En trente ans, pas un seul plan n’a été respecté ! Ce sont toujours les mêmes courbes illusoires, les centaines de pages de baratin bureaucratique et de novlangue de cabinets de conseil, que seuls peuvent gober les commissaires européens !

    M. Alexis Corbière

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    Pourquoi ne pas avoir voté la censure alors ?

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Les chiffres présentés par les gouvernements Macron sont tous devenus obsolètes, parfois frappés de ridicule en moins de trois mois. Cette dernière année, votre propre gestion financière a déraillé de 1 milliard d’euros par semaine ! Vous remettrez-vous en cause ? Jamais, car une hallucination collective continue à vous animer !
    Il semble qu’à force de mentir aux Français, vous commenciez à croire à votre propre propagande. Vous vivez dans une « économie Potemkine », dans laquelle vous auriez relancé l’industrie, assuré le plein emploi et baissé les impôts. Si seulement vous disiez vrai ! Si tel était le cas, les recettes fiscales seraient abondantes, les comptes de la sécurité sociale seraient prospères, les Français ne vivraient pas la pire crise de pouvoir d’achat depuis cinquante ans, les ménages n’épargneraient pas par peur de l’avenir.
    Les perspectives présentées dans le plan sont fausses, tout simplement fausses. Premièrement, parce qu’aucune réforme d’ampleur n’est prévue : sur 200 longues pages de logorrhée, il n’y a qu’un très court passage consacré à des réformes, lesquelles ont, en réalité, déjà été faites par vos prédécesseurs. Vous refusez de mener de vraies réformes, telles que celles que vous propose le Rassemblement national : la fin du millefeuille territorial, des normes étouffantes et des myriades d’agences et d’organismes indépendants qui mériteraient d’être supprimés.
    Deuxièmement, vous sacrifiez systématiquement notre productivité et les dépenses d’avenir. Vous prétendez soutenir l’investissement dans la recherche et dans l’éducation, alors que vous le réduisez dès cette année. Vous prétendez relancer l’industrie, alors que vous ne faites qu’augmenter le prix de l’énergie par votre soumission folle aux plans de décroissance de la Commission européenne et au suicide collectif organisé par l’Allemagne.
    Un seul exemple démontre toute votre hypocrisie :…

    Mme Christine Arrighi

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    Que dire de la vôtre !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    …dans le plan budgétaire, il est indiqué que les impôts de production ont diminué, alors qu’ils ont, en fait, été alourdis de 13 milliards d’euros par an en trois ans !
    Troisièmement, vous cachez sciemment toutes les grenades budgétaires qui finiront par nous exploser au visage. Que prévoyez-vous pour financer l’explosion des intérêts de la dette, qui atteindront 70 milliards d’euros par an ? Rien ! Que prévoyez-vous pour payer la facture de l’Union européenne, qui augmentera de 9 milliards d’euros avant 2027, puis de 3 à 5 milliards d’euros par an à partir de 2028 ? Rien ! Que prévoyez-vous pour éponger la charge de 50 à 120 milliards d’euros qui reste à financer, prix de votre soutien délirant aux énergies éolienne et solaire ? Rien, toujours rien !

    Mme Christine Arrighi

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    Et vous, qu’avez-vous voté en commission des finances ?

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Vos seules mesures sont la privation des droits sociaux des Français : toujours piller l’assurance chômage, toujours dégrader l’accès aux soins, toujours spolier les pensions de retraite et toujours voler l’épargne. Des efforts pour tous les Français, mais jamais pour vous et encore moins pour les oligarques, vos derniers flatteurs. Vous aurez beau gagner un temps que la France n’a plus, en portant la durée de vos plans mensongers de quatre à sept ans, le résultat sera le même : l’échec, la faillite et la facture présentée aux classes moyennes et populaires.
    Messieurs les ministres, de grâce ! Vous êtes trop jeunes pour suivre l’ombre infernale qui hante l’Élysée. Dénoncez le macronisme pour embrasser enfin la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Alexis Corbière

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    J’ai trouvé que le style était plutôt lourd.

    Mme Christine Arrighi

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    Excellent sur le papier, mais on en reparlera quand il faudra voter !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl (EPR)

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    Chers Antoine Armand et Laurent Saint-Martin, le Gouvernement que vous représentez pourra compter sur le soutien du groupe Ensemble pour la République dans les débats budgétaires.

    M. Alexis Corbière

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    Un soutien de poids !

    M. Stéphane Peu

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    Et visible !

    M. Emmanuel Maurel

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    En commission des finances, ce n’était pas très net !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Votre volonté de réduire les déficits s’inscrit dans la continuité de la fin du « quoi qu’il en coûte » et des annulations et des gels de crédits réalisés par Gabriel Attal et Bruno Le Maire début 2024 : nous nous en félicitons.
    Pourtant, force est de constater et de déplorer que le débat budgétaire actuel tourne principalement autour de la question fiscale. Bien sûr, il n’y a pas de justice sociale sans justice fiscale, mais la justice fiscale, ce n’est pas l’inquisition fiscale.

    M. Alexis Corbière

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    Waouh !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Hélas, depuis un mois, il ne se passe plus une seconde en France sans qu’on entende parler de création de taxes ou d’explosion des impôts. Ce climat de défiance contre l’entrepreneuriat est consternant et, surtout, très inquiétant. Il faut le rappeler : les entreprises ne sont pas des vaches à lait et les patrons ne sont pas des pigeons.
    À cet égard, les débats de la semaine dernière en commission des finances sont édifiants : plus de 60 milliards d’euros d’impôts supplémentaires, votés de manière irresponsable, soit par la gauche, soit par l’extrême droite. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Heureusement, la mobilisation des députés du bloc présidentiel a empêché l’adoption de ce texte, mais il faut rester en alerte.

    M. Sébastien Chenu

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    C’est L’Économie pour les nuls, par M. Sitzenstuhl !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    En effet, aujourd’hui commence la semaine de tous les dangers fiscaux, car nous risquons de voir se reproduire ce que nous avons vu la semaine dernière, c’est-à-dire de voir s’abattre un déluge de taxes, d’impôts, de hausses de taux, et de contributions exceptionnelles subitement devenues définitives.

    Mme Marie Mesmeur

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    Et la justice sociale alors ?

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Que chacun prenne garde et se méfie : le ras-le-bol fiscal, jadis dénoncé par un ministre socialiste, reste un sentiment très puissant dans le pays, notamment chez les entrepreneurs, qui sont injustement pointés du doigt par les fantasmes collectivistes de la gauche et par l’habituelle stratégie du bouc émissaire de l’extrême droite, dans la mise en accusation récurrente des « grandes entreprises » et des « grands patrons », que nous avons encore entendue à l’instant dans la bouche de M. Tanguy. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Je n’en ai pas parlé !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Depuis sept ans, avec le président Emmanuel Macron, notre politique a toujours soutenu les entreprises : ce sont elles qui créent la richesse qui permet ensuite la solidarité nationale.

    M. Alexis Corbière

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    On a vu le résultat !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    La grande réforme fiscale de 2017, mise en œuvre par Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, a été un succès. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP et GDR.)

    M. Alexis Corbière

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    Excellent !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    La baisse de l’impôt sur les sociétés à 25 %, le début de la baisse des impôts de production, la suppression de l’ISF ou le prélèvement forfaitaire unique à 30 % ont produit des résultats économiques qu’aucun des gouvernements –⁠ de gauche ou de droite – n’avait obtenus au cours des trente dernières années. (Mêmes mouvements.)

    M. Stéphane Peu

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    L’Assemblée est hilare !

    Mme la présidente

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    Chers collègues, j’aimerais que la discussion générale se termine dans le calme. La parole est à M. Sitzenstuhl et à lui seul.

    M. Alexis Corbière

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    Mais il blague, madame la présidente, du coup on rit !

    M. Stéphane Peu

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    On se croirait au théâtre des deux ânes !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Ces mêmes gouvernements avaient d’ailleurs reculé devant les difficiles réformes du marché du travail et des retraites, que nous avons courageusement menées à bien. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Et, comme Gabriel Attal l’a souligné, la poursuite de la réforme du marché du travail reste une priorité pour notre groupe : elle pourra utilement, messieurs les ministres, alimenter votre plan de réforme.
    Oui, les résultats de la politique de l’offre sont là. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    M. Emmanuel Maurel

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    Ah ça ! La réussite est totale !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    La France est le pays le plus attractif d’Europe depuis 2017. Sortie du chômage de masse ; augmentation du taux d’emploi et du taux d’activité ; croissance cumulée supérieure à celle de l’Allemagne, de l’Italie ou du Royaume-Uni ; relance de l’industrie ; transition énergétique des outils de production ; baisse des émissions de gaz à effet de serre : ces acquis doivent impérativement être protégés.
    Écoutons le monde économique : les chefs d’entreprise doutent. Nombre d’industriels, d’artisans, de commerçants, d’investisseurs, de banquiers, de startupeurs s’inquiètent de la furie fiscale qui s’est emparée de la classe politique française.

    M. Alexis Corbière

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    Ah ! Les banquiers ont peur !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Je le redis aux collègues de la gauche et de l’extrême droite : votre folie fiscale est irresponsable. L’alerte lancée par Alexandre Saubot, le président de France Industrie, dans Le Monde de cet après-midi devrait être prise au sérieux : « Ne croyez pas que parce que vous ne touchez qu’aux gros cela ne touchera pas les petits…

    M. Alexis Corbière

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    Ah, ah !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    …car dans les filières industrielles, les commandes des grands groupes vont baisser vers leurs sous-traitants plus petits. » La mise en garde est claire : l’économie française ne sortira pas indemne d’un choc fiscal trop violent.

    M. Philippe Brun

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    C’est l’hôpital qui se fout de la charité !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    À chacun de prendre ses responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie des finances et de l’industrie.

    M. Antoine Armand, ministre

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    Monsieur le président Coquerel, les inégalités en France, après redistribution, sont restées stables depuis 2002. On peut regretter qu’elles n’aient pas baissé davantage mais on ne peut pas dire qu’elles ont augmenté : ce n’est pas la réalité.

    M. Stéphane Peu

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    Je vais en parler ce soir dans ma circonscription !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Monsieur le rapporteur général, votre contribution, qui n’a rien de modeste, inspirera nos travaux sur les réformes structurelles. Je pense en particulier à deux leviers de croissance que vous avez évoqués : le logement, d’une part ; l’adaptation de l’objectif zéro artificialisation nette, d’autre part. S’il est très important d’un point de vue macroéconomique, l’objectif ZAN doit toutefois être adapté, au vu de la pression que subissent certains territoires qui essaient de se développer, notamment industriellement.
    Madame Mercier, vous avez beaucoup employé le terme « austérité », mais un budget qui prévoit une augmentation de 0,4 point en volume des dépenses publiques ne peut pas être qualifié de budget d’austérité. Dans un pays où la dépense publique augmente quasi continuellement depuis cinquante ans ; dans le pays de la zone euro où la dépense publique est la plus importante en part du PIB ; dans un pays, enfin, qui ne réduit pas nettement la dépense publique –⁠ certains d’entre vous le regrettent d’ailleurs et nous serons au côté de celles et ceux qui proposent de la réduire –, cela n’a pas de sens de parler d’austérité, ni de récession.
    À cet égard, monsieur Juvin, je partage pleinement votre point de vue sur ce qui constituerait une forme d’addiction à la dépense publique. Nous examinerons toutes les propositions tendant à la réduire et retiendrons toutes celles qui sembleront possibles. Nous soutiendrons notamment votre proposition de supprimer les doublons administratifs, tant la complexité du système étouffe à la fois les administrations elles-mêmes, les particuliers et les entreprises, mais je doute que cette mesure suffise à nous dispenser d’un effort fiscal exceptionnel, temporaire et ciblé. Il importera, dès l’année prochaine, de nous attaquer à la dépense publique qui, structurellement, ne cesse d’augmenter, car c’est là que le bât blesse.
    Madame Arrighi, j’aimerais que vous précisiez votre position, s’agissant des prêts garantis par l’État. Si j’ai bien compris, vous vous plaignez qu’on en ait accordé autant, de manière inconditionnelle, au moment de la crise sanitaire.

    Mme Christine Arrighi

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    Non, vous m’avez mal écoutée !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Éclairez-nous : que fallait-il faire pendant la crise du covid ? Aux artisans qui baissaient leur rideau, aux entrepreneurs qui se demandaient s’il fallait licencier sèchement leurs salariés, aux artisans, aux TPE et PME qui se demandaient si elles pourraient ouvrir le lendemain, que fallait-il répondre ? Que nous allions instruire leur dossier et voir dans trois, six ou neuf mois ?

    Mme Christine Arrighi

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    Ce n’est absolument pas ce que j’ai dit !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Vous étiez bien d’accord avec le « quoi qu’il en coûte » ! Vous étiez bien d’accord pour soutenir les emplois et financer le chômage partiel !

    Mme Christine Arrighi

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    Tout à fait ! C’est d’ailleurs ce que j’ai dit.

    M. Antoine Armand, ministre

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    Vous ne pouvez pas, un jour, soutenir avec force les mesures de préservation de notre tissu social et, le lendemain, vous plaindre des conséquences budgétaires de ces choix.

    Mme Christine Arrighi

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    Je ne me plains pas.

    M. Antoine Armand, ministre

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    Je me souviens, madame Arrighi, d’un soir où nous étions tous les deux (« Oh ! » sur plusieurs bancs) dans l’hémicycle –⁠ et nous n’y étions pas seuls. En quelques heures, avec d’ailleurs le soutien d’autres bancs,…

    M. Philippe Juvin

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    Je n’étais pas là !

    M. Antoine Armand, ministre

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    …vous avez voté plusieurs dizaines de milliards de dépenses publiques. Vous appelez au redressement de nos comptes mais, quand je me souviens, non pas des milliards, mais des dizaines de milliards de dépenses publiques que vous avez votées sans sourciller et sans hésiter ce soir-là, je m’interroge sur la cohérence de votre position.

    Mme Christine Arrighi

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    Il faut demander à Sanofi !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Madame Mette, je partage votre appel à la prudence, s’agissant des prévisions de recettes et de dépenses publiques. Je le dis avec beaucoup d’humilité, car l’écart entre nos prévisions et nos résultats est préoccupant. Nous avons lancé un plan pour mieux comprendre ce qui se passe ; il a permis d’établir nos prévisions pour l’année prochaine et le Haut Conseil des finances publiques a jugé crédible le lien entre l’évolution spontanée des recettes et notre scénario de croissance.
    Monsieur Maurel, je suis d’accord avec vous. Une autre politique économique est possible : dans un monde où il y aurait quatorze tranches d’impôt sur le revenu et un impôt quasi confiscatoire pour celles et ceux qui touchent le revenu de leur travail ;…

    M. Emmanuel Maurel

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    Tout de suite les grands mots !

    M. Antoine Armand, ministre

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    …dans un monde où l’on rendrait la contribution sociale généralisée (CSG) progressive et où tous les salariés verraient leurs cotisations sociales augmenter de plusieurs points, ce qui ferait autant d’euros de salaire en moins ; dans un monde où l’on supprimerait la flat tax et où les petits épargnants verraient diminuer les revenus qu’ils ont investis dans les entreprises françaises ;…

    M. Alexis Corbière et M. Emmanuel Maurel

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    Les petits épargnants ne sont pas vraiment concernés par la flat tax !

    M. Antoine Armand, ministre

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    …dans un monde où, quand on a investi dans son assurance-vie ou travaillé toute sa vie pour acheter une maison ou un petit appartement, le Nouveau Front populaire, dans sa grande générosité, taxerait tout à la fin. (Exclamations sur les bancs des groupes EcoS et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Stéphane Peu

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    Bientôt, ce seront les chars russes sur les Champs-Élysées !

    M. Alexis Corbière

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    Le goulag climatisé !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Cette autre politique économique est possible, monsieur Maurel, mais ce n’est pas celle que nous souhaitons. En effet, si elle ne résoudra pas la question des finances publiques, elle ruinera l’ensemble des épargnants et des travailleurs français !
    Monsieur Tanguy, emporté par la fougue de votre intervention, j’ai failli en oublier le début, où vous contestiez les baisses d’impôts que nous avons réalisées. Faut-il vous rappeler qu’ils ont été baissés de 60 milliards d’euros et que certains ont tout simplement été supprimés, comme la taxe d’habitation ? C’est un fait indéniable ! Vous pouvez répéter à longueur de journée que les impôts n’ont pas baissé mais, auparavant, les Français payaient la taxe d’habitation sur leur résidence principale et désormais ils ne la paient plus. Il ne s’agit pas de jargon bureaucratique : c’est une réalité que chacun de nos concitoyens peut constater. Avant, les Français payaient la contribution à l’audiovisuel public et désormais ils ne la paient plus.

    M. Sébastien Delogu

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    Parce que vous avez tout libéralisé !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Vous déplorez que nous n’ayons pas procédé à des baisses d’impôt mais, il y a quelques jours, ne vous êtes-vous pas associés à certains de vos collègues qui siègent de l’autre côté de l’hémicycle pour adopter des hausses d’impôt démesurées ?

    Un député du groupe RN

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    C’est faux !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Je ne sais pas exactement à quels oligarques vous faites référence : pour ma part, je n’en connais pas. Mais, en tout cas, les hausses d’impôt, c’est votre groupe qui les a votées en commission des finances.
    Monsieur Sitzenstuhl, je partage votre étonnement : je suis surpris que ceux qui disent se battre pour l’emploi n’arrivent pas à se réjouir de la baisse du taux de chômage. Cette baisse est certes une réussite du précédent quinquennat, mais ce n’est pas une satisfaction partisane.

    M. Sébastien Delogu

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    Vous radiez les gens !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Même vous, monsieur Delogu, vous pourriez vous satisfaire de voir le taux de chômage baisser partout en France.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Vous ne devriez pas lui répondre, monsieur le ministre !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Ce n’est pas nous que cela réjouit, c’est l’ensemble des Français, qui peuvent avoir un travail, lequel donne du sens à leur existence et leur permet de s’épanouir et de s’émanciper.
    Certes, la situation est paradoxale, puisque nos finances publiques ne sont pas en bon état mais que notre économie tient encore. Voilà pourquoi nous devons redresser nos comptes publics, tout en soutenant la croissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je serai très bref, dans la mesure où le ministre de l’économie a déjà répondu à nombre de vos préoccupations.
    Même si nous sommes en train de débattre d’une trajectoire pour l’avenir, il importe de regarder en arrière. Comme le ministre de l’économie et moi-même l’avons déjà dit, on ne peut pas expliquer la trajectoire qui doit ramener le déficit sous la barre des 3 % en 2029 si l’on ne comprend pas ce qui a causé la dégradation du déficit public français. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Nous ne faisons pas preuve d’autosatisfaction, mais nous pensons qu’il importe de répondre à deux questions. D’abord, quels sont les choix politiques qui ont creusé les déficits, notamment par la hausse de la dépense publique ? Ensuite, la représentation nationale était-elle d’accord pour le faire ? Y a-t-il eu un compromis sur ce point ? La réponse est oui !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Avec le 49.3 !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je parle non pas du 49.3, monsieur le député, mais de la crise du covid et des projets de loi de finances rectificative qui ont été examinés dans cet hémicycle et que tous les groupes, sans exception, ont adoptés.

    M. Frédéric Boccaletti

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    La crise du covid n’explique pas tout !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Même si les modalités pratiques ne faisaient pas forcément l’unanimité, nous étions tous d’accord pour protéger nos concitoyens par des boucliers, nos entreprises par le PGE et par l’activité partielle, et les collectivités territoriales grâce à différents filets de sécurité fiscaux.
    Si nous avons collectivement été favorables à cette hausse massive de la dépense publique, nous ne pouvons pas être seulement quelques-uns à regretter le déficit qui en résulte : ce n’est pas cohérent. Ce déficit appartient à la nation, parce que la nation a voulu protéger son pays. Nous ne pouvons pas tracer une trajectoire cohérente si nous ne sommes pas d’accord sur les termes du débat ni sur l’origine des déficits.

    M. Stéphane Peu

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    La suppression de l’ISF, ce n’est pas la crise du covid !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Que nos solutions pour redresser les comptes publics puissent être différentes, c’est une évidence, et ce sera l’objet des débats sur le PLF dès ce soir, mais nous ne pouvons pas avoir un débat constructif si nous ne sommes pas d’accord sur l’origine du déficit. Or l’origine de ce déficit, ce n’est pas un trou que nous aurions soudain découvert devant nous, ce n’est pas vrai ; c’est une dépense de protection de plusieurs centaines de milliards –⁠ protection de l’État, protection sociale, protection de nos collectivités – que tout le monde ici a souhaitée.

    M. Emmanuel Maurel

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    Pas seulement !

    M. Stéphane Peu

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    Ce sont des cadeaux fiscaux !

    Mme Sophie Pantel

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    Ce sont des milliards pour les plus riches !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Satisfaisons-nous d’avoir maintenu, puis réduit le taux de chômage dans notre pays, au moment où les autres pays ont vu le leur augmenter. Satisfaisons-nous collectivement que les factures d’énergie de nos concitoyens aient été contenues, quand celles des autres pays explosaient. Tout cela, c’est vous qui l’avez voulu, et vous avez bien fait, mais il faut à présent assumer une réduction de la dépense publique. Encore une fois, que nos solutions diffèrent est une chose, mais nul ne peut nier l’origine de ce déficit, qui est collectif et qu’il nous faut assumer.

    Mme Christine Arrighi

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    Vous n’avez même pas fait le bilan de votre loi de 2020 !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    J’en viens à la question de la trajectoire pluriannuelle. Pourquoi est-il essentiel de réduire nos déficits publics, donc, à terme, notre endettement ? Je l’ai dit tout à l’heure : si nous nous fixons comme objectif de ramener le déficit sous la barre des 3 %, ce n’est pas par attachement à un totem des années 1980 auquel il faudrait à tout prix s’accrocher, mais parce que c’est le niveau de déficit à partir duquel nous serons en mesure de stabiliser puis de réduire notre endettement.
    Permettez-moi de donner un ordre de grandeur, pour que chacun soit conscient des enjeux. Un choc de 1 point sur notre dette, ce sont 3,5 milliards de charge de la dette supplémentaires dès l’année suivante, environ 20 milliards supplémentaires à cinq ans et 30 milliards à neuf ans. Dans les prochains jours et les prochaines semaines, nous allons examiner des amendements tendant à augmenter de quelques centaines de millions ou quelques milliards d’euros les crédits de certaines missions budgétaires. Et là, je vous parle de 30 milliards de dette supplémentaires qui ne pourront pas servir à financer nos politiques publiques, pour chaque point d’augmentation de notre dette ! Or celle-ci va continuer à augmenter si nous n’apportons pas de réponses concrètes et soutenables pour réduire nos déficits.
    L’enjeu, cet automne, est d’éviter l’explosion de la charge de la dette, afin de ne pas grever notre capacité de financement ; c’est aussi de continuer à financer nos priorités collectives et d’être capables de faire face à de nouvelles crises, si elles surviennent.
    Ce qu’attendent ceux qui notent et ceux qui refinancent notre dette souveraine, c’est d’abord, à court terme, une réduction de notre déficit, prioritairement par la baisse de la dépense publique, mais aussi, car ce n’est pas tabou, par l’action de quelques leviers fiscaux ; ce sont, ensuite et surtout, des réformes structurelles, qui sont pour l’heure, je l’admets, incomplètes. Il faut absolument que nous ayons un agenda de réformes ambitieux dès les prochains mois pour compléter ce budget, qui vise d’abord à réduire la dépense publique, après des années d’augmentations, où elles étaient nécessaires.
    Nous devons respecter la temporalité suivante : d’abord, redresser vite et fort les comptes, afin de gravir la première marche, à savoir passer sous la barre des 5 % de déficit public en 2025 ; puis, parce que cela ne sera suffisant, prévoir des réformes de structure.
    Ceux qui refinancent notre dette s’interrogent régulièrement : pourquoi la dépense sociale de la France est-elle de cinq points plus élevée que celle de ses voisins européens ? Pourquoi la part des dépenses de retraite dans le PIB y atteint-elle 15 %, alors qu’elle est inférieure chez nos voisins ? Nous devrons répondre à ces questions. Seules des réformes de structure permettront d’équilibrer le modèle français de protection sociale. Faute de quoi, nous ne serons pas suffisamment crédibles aux yeux des créanciers pour refinancer notre dette dans de bonnes conditions. Tel est l’enjeu auquel nous faisons face, collectivement.
    Il ne s’agit pas de savoir si un autre monde est possible.

    Mme Marie Mesmeur

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    Un autre monde est possible !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Le monde dans lequel nous vivons refinance la dette de la France, monsieur Maurel, que vous le vouliez ou non. Or il la refinance à certaines conditions. D’autres solutions sont possibles,…

    Mme Christine Arrighi

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    Oui : nous en avons !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …mais si le taux d’intérêt de la dette française augmente en conséquence d’un ou deux points, le trou à combler dans les caisses de l’État se creusera de 30 à 60 milliards supplémentaires, ce qui –⁠ nous en serons tous d’accord, je le pense – n’est pas souhaitable.

    M. Emmanuel Maurel

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    La récession aussi, cela coûte cher !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    De tout le reste, pour ce qui concerne le budget de l’année prochaine, nous débattrons à partir de ce soir.

    Mme la présidente

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    Le débat d’orientation et de programmation des finances publiques est clos.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-huit heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra