Première séance du lundi 27 janvier 2025
- Présidence de Mme Nadège Abomangoli
- 1. Cessation de mandat de plusieurs députés et reprise de mandat de plusieurs autres
- 2. Modification de l’ordre du jour
- 3. Améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés
- 4. Fraudes aux aides publiques
- Présentation
- Motion de rejet préalable
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article 1er
- Après l’article 1er
- Article 2
- Après l’article 2
- Amendements nos 46 rectifié, 81 et 47
- Sous-amendement nos 92, 93
- Article 3
- 5. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
1. Cessation de mandat de plusieurs députés et reprise de mandat de plusieurs autres
Mme la présidente
J’informe l’Assemblée que la présidente a pris acte, en application de l’article L.O. 176 du code électoral, de la cessation, le 23 janvier 2025, à minuit, du mandat de député de M. Remi Provendier, Mme Danièle Carteron, MM. Fabien Lainé, Pierre Marle, Mmes Éliane Kremer, Isabelle Mesnard, Pascale Bay et Sophie Delorme Duret, MM. David Guerin, Didier Padey et Michel Gonord et de la reprise de l’exercice du mandat de Mme Anne Genetet, M. Antoine Armand, Mme Geneviève Darrieussecq, MM. Paul Christophe, Patrick Hetzel, Guillaume Kasbarian et Alexandre Portier, Mmes Olga Givernet, Marie-Agnès Poussier-Winsback et Marina Ferrari et M. Jean-Louis Thiériot, dont les fonctions gouvernementales ont pris fin le 23 décembre 2024.
J’informe également l’Assemblée que, le 23 janvier 2025, à minuit, Mme Élisabeth Borne, MM. Gérald Darmanin et Laurent Marcangeli, Mme Aurore Bergé, M. Yannick Neuder et Mme Véronique Louwagie, nommés membre du gouvernement par décret du 23 décembre 2024, ont été remplacés, respectivement, par MM. Freddy Sertin, Vincent Ledoux et Xavier Lacombe, Mmes Anne-Sophie Ronceret, Sylvie Dezarnaud et M. Thierry Liger, élus en même temps qu’eux à cet effet.
2. Modification de l’ordre du jour
Mme la présidente
Je vous informe que la proposition de loi relative aux mineurs délinquants est retirée de l’ordre du jour de ce lundi 27 janvier. Ce texte est inscrit à l’ordre du jour de la semaine du gouvernement du 10 février.
3. Améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés
Suite de la discussion d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés (nos 380, 637).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Lundi 2 décembre 2024, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement no 42 à l’article 1er.
Article 1er (suite)
Mme la présidente
Sur l’article 1er, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 42.
Mme Delphine Batho
Il est regrettable que les événements politiques intervenus depuis la discussion de cette proposition de loi, le 2 décembre, n’aient pas conduit ses auteurs à la retirer. Les explications de vote nous permettront, je l’espère, de rappeler les raisons pour lesquelles le groupe Écologiste et social est radicalement opposé à l’autorisation de l’épandage aérien de pesticides par drone. Lors du précédent débat, nous avions déjà eu l’occasion de dénoncer le fait suivant : aucun compte n’a été tenu des évaluations des quelques expérimentations réalisées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), agence que certains collègues ne cessent d’attaquer et dont ils tentent de remettre en cause les prérogatives.
Par cet amendement de repli, nous souhaitons que les résultats de l’extension et de la généralisation de l’épandage aérien prévues par le texte soient examinés uniquement à l’aune des évaluations de l’Anses.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Luc Fugit, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur de la commission des affaires économiques
Ce texte a en effet été examiné le 27 novembre en commission des affaires économiques et le 2 décembre en séance publique. Il est la suite logique de l’expérimentation qui s’est déroulée de 2019 à 2021, après que nous en avons adopté le principe dans le cadre de la loi Egalim du 30 octobre 2018. Pourquoi une telle expérimentation et un tel texte ? Les dispositions interdisant l’épandage aérien, issues de la transcription en 2011 d’une décision européenne de 2009, ont été durcies en 2015 : toute possibilité d’utiliser ces techniques d’épandage a été supprimée, même en cas d’avantage manifeste pour la santé ou l’environnement. Or les techniques d’épandage par drone ont depuis vu le jour. Elles présentent de nombreux avantages, tant pour l’environnement que pour réduire la pénibilité du travail, comme nous en avons déjà longuement discuté.
L’amendement est satisfait puisque l’alinéa 9 prévoit une évaluation par l’Anses des résultats. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, pour donner l’avis du gouvernement.
M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement
Je vous prie d’excuser l’absence de Mme la ministre de l’agriculture, retenue au Sénat par l’examen d’un texte visant à lever les contraintes pesant sur l’exercice du métier d’agriculteur.
Je fais mienne la position du rapporteur. Toute autorisation d’épandage dépend des essais préalables réalisés par l’Anses. L’alinéa 9 précise bien que c’est cette agence qui effectue les essais et que c’est à cette seule condition qu’il est autorisé de recourir aux aéronefs.
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
Il est faux de prétendre que l’amendement est satisfait. En elle-même, la proposition de loi s’assoit sur les conclusions de l’Anses : selon l’agence, les quelques expérimentations d’épandage aérien par drone qui ont été réalisées n’ont été ni concluantes ni probantes, et leur méthodologie s’est révélé suspecte.
De plus, à l’alinéa 12, qui traite de l’arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé pour autoriser l’extension de l’épandage aérien, il est fait référence aux résultats des essais, non à l’évaluation de l’Anses.
Mme la présidente
La parole est à Mme Frédérique Meunier.
Mme Frédérique Meunier
Je soutiens l’amendement de Mme Batho. Il répond à une question que nous avons dû poser à une vingtaine de reprises au cours de cette discussion, sans jamais obtenir de réponse de la part du rapporteur. D’après l’Anses, seule une dizaine des soixante-quatorze cas d’épandage étudiés ont donné des résultats probants. Est-il satisfaisant de tirer des conclusions à partir d’une dizaine de cas ? Il me semble que non. La moindre des choses serait que l’Anses puisse se prononcer à chaque fois qu’une autorisation est envisagée.
(L’amendement no 42 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 65 de Mme Stéphanie Galzy est défendu.
(L’amendement no 65, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 1er.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 58
Nombre de suffrages exprimés 58
Majorité absolue 30
Pour l’adoption 45
Contre 13
(L’article 1er, amendé, est adopté.)
Après l’article 1er
Mme la présidente
Sur les amendements nos 62 et 63 ainsi que sur les amendements no 2 et identique, je suis saisie par le groupe Écologiste et social de demandes de scrutin public.
Sur l’article 2 et sur la proposition de loi dans son ensemble, je suis saisie de demandes de scrutin public par le groupe Ensemble pour la République.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Stéphanie Galzy, pour soutenir l’amendement no 62.
Mme Stéphanie Galzy
Nous souhaitons que le gouvernement remette un rapport sur la toxicité réelle du diméthoate et les moyens de le réintroduire, en l’absence de produit de substitution.
Bien qu’efficace contre de nombreux ravageurs, cette substance est interdite en France en raison de préoccupations quant à sa toxicité. Il est crucial de disposer de données précises afin d’évaluer les risques de manière exhaustive et de prendre des décisions éclairées.
Dans les faits, il n’y a pas de contrôle sur les importations et des cerises turques traitées au diméthoate se retrouvent dans nos hypermarchés. Nos agriculteurs subissent donc une concurrence déloyale avec des pays étrangers, sur le territoire national. À travers cet amendement, nous leur affirmons notre soutien indéfectible et leur garantissons des conditions de concurrence équitables. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur
Si vous me le permettez, je me prononcerai sur cet amendement et sur le suivant, puisque tous deux comportent une demande de rapport – demandes auxquelles je ne suis pas, par principe, favorable –, l’un sur le diméthoate, l’autre sur l’acétamipride.
Tous territoires et toutes sensibilités politiques confondus, nous savons que les agriculteurs se plaignent, pour certaines productions, de ne pas être soumis aux mêmes règles que ceux des pays voisins. Un comité des solutions a été lancé en mars dernier afin de recenser, filière par filière, les distorsions de concurrence. Le diméthoate étant interdit dans toute l’Union européenne, je suis particulièrement défavorable à l’amendement le concernant ; sur l’acétamipride, en revanche, la question se pose puisqu’il serait utilisé dans certains pays membres. Il appartient au gouvernement d’y répondre. Je crois savoir que Mme la ministre s’exprimera sur le sujet au Sénat cet après-midi. Avis défavorable sur les deux amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Je m’oppose à ces amendements par principe, d’abord. Chaque nouvelle demande de rapport entrave un peu plus la bonne application des lois. Or l’une des priorités du gouvernement est de gagner en efficience dans ce domaine, afin que les Françaises et les Français puissent sentir l’effet sur leur vie quotidienne des décisions que vous prenez.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Sur le fond, vous indiquez dans l’exposé sommaire qu’il s’agit de vérifier la toxicité du diméthoate. Or, en 2019, l’Union européenne a interdit ce produit, dans tous les États membres, parce que sa toxicité était avérée. Il serait malvenu de demander à l’administration française un rapport pour constater ce qui l’a déjà été, et à plusieurs reprises.
Vous soulignez à juste titre que les agriculteurs ont eu le plus grand mal à s’adapter à cette interdiction. Pour y faire face, le ministère de l’agriculture a lancé un plan d’action destiné à identifier des solutions de substitution. Plus de 3,5 millions d’euros y sont consacrés, preuve que nous ne sommes pas restés les bras ballants. Je signale que l’année dernière, des exceptions ont été introduites à quatre ou cinq reprises, quand l’urgence l’imposait.
Vous pointez aussi du doigt l’importation de produits traités. Je peux vous assurer que nos administrations se sont saisies du problème, non seulement aux frontières de l’Union européenne mais aussi dans l’ensemble des réseaux de distribution du territoire national. Contrairement à ce que vous dites, aucun excès n’a été constaté concernant des importations depuis l’extérieur de l’Union européenne.
La vigilance doit toutefois être de mise. Plutôt que de demander un rapport, la représentation nationale, dans son ensemble, doit se charger de vérifier auprès du gouvernement – nous y sommes prêts – que les contrôles se poursuivent.
Mme la présidente
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Il y a bien une clause de sauvegarde qui s’applique aux produits importés traités avec du diméthoate ; elle a été instaurée notamment grâce à l’Anses, agence souvent critiquée mais dont l’appui scientifique solide a permis de démontrer la dangerosité de ce pesticide en matière de santé.
Cette clause de sauvegarde doit s’appliquer. Cela rejoint la question des moyens, véritable enjeu de la discussion : comment donner aux services concernés tous les moyens de contrôle pour empêcher l’importation de produits traités ?
Par ailleurs, faut-il élargir la clause de sauvegarde à d’autres produits ? Il va être question de l’acétamipride, produit pour lequel il existe, c’est vrai, une distorsion de concurrence. De mon point de vue, il faut réfléchir à la manière dont nous pourrions aller plus loin, en appliquant les clauses de sauvegarde à l’importation de produits traités avec des pesticides qui représentent clairement – l’Anses l’a prouvé scientifiquement – un danger pour la santé humaine.
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
Cet amendement est très révélateur. Il ne s’agit pas de demander un rapport, il s’agit de réintroduire le diméthoate « en l’absence de produit de substitution ». Or si ce produit a été interdit en France et dans l’Union européenne, c’est pour de bonnes raisons ! Comme le signale l’Anses dans une note de juin 2016, il l’a été du fait de « risques sanitaires inacceptables pour les opérateurs », de « risques sanitaires inacceptables pour les travailleurs », de « risques de dépassement de la limite maximale de résidus », de « risques inacceptables pour les oiseaux et les mammifères ».
Le Rassemblement national, c’est le parti de l’empoisonnement généralisé. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Christophe Bentz
Rien que ça !
M. Roger Chudeau
Ha, ha, ha !
Mme Delphine Batho
Nous sommes radicalement opposés à cet amendement, qui est une honte !
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Cet amendement du Rassemblement national est étonnant. À l’heure où l’on réfléchit à la sortie de certains pesticides, voilà qu’il demande un rapport, non pour protéger la France face à l’importation de produits dangereux pour la santé, mais pour réintroduire un pesticide interdit, le diméthoate.
M. Rodrigo Arenas
Eh oui !
M. Antoine Léaument
L’adoption de cet amendement serait sans conséquence, mais j’y vois la preuve que le Rassemblement national agit moins pour protéger la santé des Français, et celle des agriculteurs, que pour aider les lobbys chimiques. C’est vraiment un amendement honteux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 62.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 82
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l’adoption 20
Contre 58
(L’amendement no 62 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Stéphanie Galzy, pour soutenir l’amendement no 63.
Mme Stéphanie Galzy
Il vise à demander au gouvernement une étude approfondie permettant d’évaluer la toxicité réelle de l’acétamipride sur l’environnement et la santé humaine. Cette démarche est cruciale pour nos agriculteurs, qui sont soumis à la concurrence déloyale d’autres producteurs européens, autorisés à utiliser l’acétamipride. Disposer de données précises sur les effets de cet insecticide est essentiel et aidera à prendre des décisions éclairées.
Nos agriculteurs sont pénalisés par des réglementations plus strictes que celles qui s’appliquent à leurs homologues européens. Une étude détaillée permettra de déterminer si l’interdiction est justifiée ou si elle doit faire l’objet d’une réévaluation. En défendant cet amendement, nous affirmons notre engagement pour une agriculture durable et notre volonté de garantir à nos agriculteurs des conditions de concurrence équitables. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et DR.)
Mme la présidente
Vous aviez déjà émis un avis défavorable, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur
En effet, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
Après le diméthoate, l’acétamipride ! Cela signerait le retour des néonicotinoïdes en France,…
M. Sylvain Maillard
Bien sûr !
Mme Delphine Batho
…alors que l’Assemblée nationale a voté leur interdiction en 2015 et en 2016 – elle s’est appliquée à partir de 2018.
Dans un article publié ce matin, un chercheur de l’Inrae, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, montre qu’en ce qui concerne la betterave sucrière, il existe des techniques culturales qui permettent d’éviter la jaunisse du puceron…
Mme Stéphanie Galzy
Non !
Mme Delphine Batho
…sans recourir à des insecticides. Pour lui, « autoriser à nouveau les néonicotinoïdes reviendrait à ne jamais considérer la science. »
L’acétamipride persiste 2 203 jours dans l’environnement ! Ce produit est plus dangereux pour les oiseaux et pour les vers de terre que l’imidaclopride. L’interdiction de ce type de produits doit absolument être maintenue : c’est une question de santé, de biodiversité et d’ordre public environnemental.
M. Sylvain Maillard
Elle a raison !
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Limongi.
M. Julien Limongi
S’agissant de ce cas précis, j’aimerais évoquer les betteraviers de Seine-et-Marne. Contrairement au diméthoate, l’acétamipride est autorisé dans l’Union européenne. La sucrerie de Souppes-sur-Loing, qui était l’avant-dernière encore en fonction dans le département, a fermé il y a quelques jours ;…
Mme Julie Ozenne
Elle a bien pollué les rivières !
M. Julien Limongi
…il en reste une, à Nangis, dans ma circonscription. Et que fait-on ? On importe des produits qui ont les mêmes effets. On ne résout pas le problème sanitaire, mais on détruit peu à peu nos agriculteurs sur l’ensemble du territoire. Il y a là matière à débat, et je trouve pertinent que la question soit de nouveau posée sous la forme d’une demande de rapport. En attendant, ce sont nos agriculteurs qui meurent les uns après les autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 63.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l’adoption 22
Contre 56
(L’amendement no 63 n’est pas adopté.)
Article 2
Mme la présidente
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.
Mme Virginie Duby-Muller
Je m’exprime ici en vertu de mon expérience de députée de Haute-Savoie, une terre agricole de montagne où les défis liés au relief sont nombreux. Dans nos territoires pentus, vallonnés et montagneux, le recours aux drones représente un atout majeur pour soutenir l’activité agricole et préserver la sécurité des agriculteurs. En 2022, j’ai moi-même déposé une proposition de loi visant à prolonger l’expérimentation, lancée par la loi Egalim de 2018 et qui venait de s’achever. Je me réjouis que nous ayons l’occasion de légiférer sur ce sujet crucial et je remercie notre collègue Jean-Luc Fugit d’avoir soumis au débat ce texte ambitieux et nécessaire, malgré l’obstruction du Nouveau Front populaire en décembre.
M. Antoine Léaument
Ça va encore être de notre faute !
Mme Virginie Duby-Muller
Il constitue une avancée décisive pour l’agriculture française, répondant aux enjeux majeurs de sécurité, d’efficacité et de respect de l’environnement. Le cadre législatif actuel demeure trop restrictif, puisqu’il limite l’utilisation des drones à des expérimentations très ciblées. Pourtant, les études de l’Anses et de l’Inrae montrent sans équivoque les bénéfices de cette technologie.
Mme Delphine Batho
C’est faux, entièrement faux !
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 2 et 25, visant à supprimer l’article 2.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 2.
Mme Delphine Batho
Il devient difficile d’avoir un débat parlementaire serein quand les faits ne sont plus les faits et que vous énoncez comme une vérité quelque chose qui est entièrement faux !
Prenez le document de l’Anses : il dit exactement l’inverse de ce que vous lui faites dire. Le groupe Écologiste se fonde sur la science…
M. Gabriel Attal
C’est nous, les écologistes !
M. Antoine Léaument
Vous n’aimez pas la science !
Mme Delphine Batho
…et sur les conclusions d’une agence de l’État. L’Anses dit que les essais et les expérimentations qui ont eu lieu ne sont absolument pas concluants. Selon l’Agence, les travailleurs ne sont pas mieux protégés ; surtout, les riverains peuvent davantage être exposés, du fait de la dérive des produits, qu’ils ne le sont avec l’épandage classique. Voilà ce qui se trouve dans le rapport de l’Anses !
Nous proposons de supprimer l’article 2, par cohérence avec notre opposition à l’article 1er. D’ailleurs, l’article 2 est un gage : dans les temps qui courent, cela pose une question budgétaire et il serait bon d’entendre le gouvernement quant au coût d’une proposition de loi dont nous combattons la lettre, l’esprit, la philosophie et l’impact sur les finances publiques.
M. Antoine Léaument
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Manon Meunier, pour soutenir l’amendement no 25.
Mme Manon Meunier
Quand il s’agit de chercher des budgets supplémentaires pour aider les agriculteurs face aux épidémies, c’est non. Quand il s’agit de chercher des budgets supplémentaires pour aider les agriculteurs face au défi climatique, c’est non. Quand il s’agit de chercher des budgets supplémentaires pour sauver l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, dite Agence bio, c’est non. Et là, vous allez chercher des budgets supplémentaires pour remplacer les agriculteurs par des drones ? Pour nous, c’est non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
Vous planez !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur
Je serai évidemment défavorable à ces amendements : les adopter n’aurait pas de sens et c’est au gouvernement qu’il revient de lever – ou non – le gage.
Comme il s’agit de ma dernière prise de parole, je profite de cette occasion pour remercier celles et ceux qui m’ont accompagné dans ce travail, les administrateurs de la commission, mon équipe et celle de la ministre de l’agriculture.
Je remercie par avance les députés qui voteront ce texte. Je rappelle que son champ d’action est réduit puisqu’il ne s’agit pas d’autoriser l’épandage de tous les produits, partout et n’importe comment. Seuls sont concernés des produits de biocontrôle, utilisés dans le cadre de l’agriculture biologique et classés à faible risque dans le droit européen.
Si jamais vous aviez un doute avant de voter, et je m’adresse ici plus particulièrement aux collègues des territoires d’outre-mer, sachez que depuis notre débat du 2 décembre, j’ai reçu deux lettres, l’une des producteurs de sucre de La Réunion, l’autre de l’Union des groupements des producteurs de bananes de Guadeloupe et Martinique : ils nous demandent de voter ce texte, parce qu’ils en ont vraiment besoin.
Mme Delphine Batho
Comme pour le chlordécone à l’époque !
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur
Ils en ont besoin, madame Batho, contre la cercosporiose noire, maladie qui touche les bananeraies et les détruit. Les quatre produits de biocontrôle, des fongicides qui leur permettent de lutter, ne peuvent être utilisés efficacement qu’au moyen de drones ; c’est bien une étude de l’Inrae qui l’a prouvé.
M. Roland Lescure
Il a raison !
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur
Si vous avez un doute, votez au moins pour les territoires d’outre-mer ; votez pour l’ensemble de nos agriculteurs, votez pour l’agriculture française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Patrick Mignola, ministre délégué
Je vais faire droit à votre demande, mesdames les députées : cette proposition de loi, telle qu’elle est rédigée, n’a pas besoin de gage et je serai donc favorable à vos amendements !
C’est l’occasion pour moi de remercier la commission des affaires économiques, sa présidente et son rapporteur, et de me réjouir, comme l’a fait Virginie Duby-Muller, pour les viticulteurs savoyards – qui connaissent des difficultés liées aux pentes – et les pépiniéristes viticoles, tout particulièrement concernés.
J’indique que le gouvernement entend, par l’intermédiaire de l’Anses et du ministère de l’agriculture, consacrer à l’accompagnement des agriculteurs – les premiers acteurs de la transition écologique – tous les moyens, tous les efforts et toutes les ressources humaines possible pour qu’ils s’adaptent à la nouvelle donne environnementale et, sur un marché désormais mondialisé, qu’ils demeurent la fierté de notre pays.
Mme la présidente
La parole est à M. Elie Califer.
M. Elie Califer
Depuis l’examen du texte le 2 décembre, ma position personnelle a évolué, car j’ai discuté avec des producteurs et certaines associations. Les mesures proposées représenteront tout de même des avancées, puisqu’elles réduiront la pénibilité. Si l’utilisation des drones permet de restreindre la pulvérisation à dos d’homme ou par canon, la nature en tirera profit.
À titre personnel – ce n’est pas la position de mon groupe –, je voterai en faveur de la proposition de loi, en pensant aux travailleurs. Cependant, il faut qu’il y ait un suivi et des contrôles, de sorte que soient respectées les dispositions que nous votons. D’après ce qu’on m’a dit, les groupements bananiers, propriétaires des drones, effectuent des contrôles en amont, afin de s’assurer que le nombre de traitements et les produits utilisés restent les mêmes. Je souhaite néanmoins que l’Anses soit de nouveau interrogée à ce sujet, d’ici à trois ans environ.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 25.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 90
Nombre de suffrages exprimés 80
Majorité absolue 41
Pour l’adoption 57
Contre 23
(Les amendements identiques nos 2 et 25 sont adoptés ; en conséquence, l’article 2 est supprimé.)
Mme la présidente
Nous avons achevé l’examen des articles.
Explications de vote
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy (EPR)
Cette proposition de loi de mon collègue Jean-Luc Fugit vise à offrir aux agriculteurs et aux salariés agricoles la possibilité de se saisir d’une technologie qui leur permettra de protéger les cultures plus efficacement grâce à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques les moins risqués, tout en préservant leur santé et en améliorant leur sécurité au travail.
Les règles en vigueur qui encadrent l’épandage aérien ne sont plus adaptées aux technologies actuelles, en particulier aux drones, dont l’usage s’est accéléré ces dernières années. En effet, tout le cadre juridique existant a été pensé en prenant en considération l’avion et l’hélicoptère, technologies qui donnent lieu à de très importants phénomènes de dérive des produits phytosanitaires. Or les drones ne peuvent raisonnablement pas être comparés à ces derniers : grâce aux progrès technologiques réalisés au cours des dernières années, ils permettent une pulvérisation plus proche des plantes, ce qui réduit fortement la dérive et présente des bénéfices pour la santé humaine et l’environnement.
C’est pourquoi nous avions voulu, à la faveur de la loi Egalim 1, mener des expérimentations pour vérifier que la pulvérisation par drone comportait bel et bien des avantages vis-à-vis de la pulvérisation dite terrestre. Les essais réalisés par l’Anses et par l’Inrae ont démontré le bénéfice que représentait l’utilisation du drone. Plus précisément, il en ressort que le drone présente un avantage du point de vue de la pénibilité et des risques d’accident au travail. Il en ressort aussi qu’il présente des avantages pour l’environnement dans certains cas, soit parce que sa précision permet d’atteindre des zones difficilement atteignables par voie terrestre – ce qui limite alors très fortement la quantité de produits phytopharmaceutiques utilisés –, soit parce qu’il permet le traitement plus précoce d’une maladie sur un terrain rendu impraticable par voie terrestre en raison d’une avarie.
La proposition de loi s’assure que le drone ne sera utilisé que lorsqu’il présente un réel bénéfice, soit pour la santé des agriculteurs, soit pour l’environnement. Concrètement, elle prévoit deux dispositifs, qui sont articulés. D’une part, elle définit un régime d’autorisation des programmes d’épandage par drone pour les parcelles agricoles comportant des pentes égales ou supérieures à 20 %, pour les bananeraies et pour les vignes mères de porte-greffes conduites au sol. D’autre part, elle définit un régime d’essai de l’épandage par drone pour d’autres cultures ou d’autres contextes parcellaires. Ces essais pourraient déboucher, après une évaluation scientifique de l’Anses et sous les regards de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), sur l’application du régime d’autorisation susmentionné.
Pour ces deux dispositifs, seuls pourront être utilisés les produits relevant d’une des trois catégories suivantes : les produits de biocontrôle, les produits autorisés en agriculture biologique, les produits à faible risque au sens du droit européen. Ne soyons donc pas caricaturaux ! Cette proposition de loi prend en compte les enjeux écologiques, sociaux et économiques.
Surtout, pensons aux acteurs eux-mêmes. Lorsqu’on les interroge, les agriculteurs sont très majoritairement favorables à cette proposition de loi. Il y a, d’une part, un enjeu de pénibilité au travail. L’usage des drones permettrait de limiter drastiquement le nombre d’accidents du travail. Il y a, d’autre part, un enjeu économique et écologique pour des secteurs entiers de notre agriculture. Je pense à la banane martiniquaise, pour laquelle l’autorisation des drones pourrait réduire jusqu’à 40 % la proportion de pesticides utilisés et mettre fin à l’épandage à dos d’homme. À ce propos, la chaîne Martinique La Première a présenté en mai dernier cette autorisation comme une petite révolution pour la production de bananes.
La proposition de loi offre une solution concrète contribuant à la transition agroécologique des exploitations et à l’usage raisonné des produits phytopharmaceutiques. Elle sera d’ailleurs particulièrement utile pour l’agriculture biologique.
Certains de nos collègues, assis notamment sur les bancs du groupe La France insoumise, s’apprêtent à voter contre le progrès technologique et l’innovation dans l’agriculture. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Aussi permettez-moi de faire une brève mise en perspective historique en m’adressant à eux.
En 1880, quand le tracteur agricole a été inventé, auriez-vous voté contre ? (Mêmes mouvements.)
M. Sylvain Maillard
Oui, ils étaient contre !
M. Jean-François Coulomme
Les tracteurs, ça ne donne pas le cancer…
M. Paul Midy
En 1837, quand le soc en acier a été inventé, auriez-vous voté une loi pour vous opposer à son usage ?
M. Sylvain Maillard
Là aussi, ils étaient contre !
M. Paul Midy
En 3500 avant notre ère, quand le soc en pierre a été inventé, auriez-vous voté une loi pour l’interdire ?
M. Sylvain Maillard
Là encore, ils étaient contre !
M. Paul Midy
J’espère que non. En tout cas, à la demande générale des agriculteurs, le groupe Ensemble pour la République votera pour l’utilisation des drones. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. Jean-René Cazeneuve
Vous n’aimez pas les tracteurs ! Chacun devrait voir Midy à sa porte ! (Sourires.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Manon Meunier.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP)
Collègues de droite et macronistes, soulager les travaux pénibles, c’est quand ça vous arrange ! Quand il s’agit d’abroger la réforme reportant à 64 ans l’âge de départ à la retraite, c’est non. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS. – Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)
Quand il s’agit de voter la proposition de loi de ma camarade Gabrielle Cathala visant à reconnaître la pénibilité des métiers « féminisés » – entre autres, aides-soignantes, infirmières et agentes d’entretien –, c’est non. (Mme Cyrielle Chatelain applaudit.)
Quand il s’agit de revenir sur le décret catastrophique autorisant la suspension du repos hebdomadaire – des vendangeurs et des travailleurs saisonniers agricoles ont dû ainsi travailler sept jours sur sept en pleine canicule –, c’est non. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
En revanche, quand il s’agit d’autoriser l’épandage de produits phytosanitaires par drone,…
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur
De certains produits !
Mme Manon Meunier
…vous prétextez, tout d’un coup, vouloir alléger la pénibilité au travail. Dès lors, comprenez que nous nous posions des questions : pourquoi, soudainement, une telle charité ?
M. Sylvain Maillard
Votre propos ne serait pas un peu caricatural ?
Mme Manon Meunier
Vous avez même affirmé au cours des débats : oh, mais ce texte ne concerne que l’agriculture biologique ; nous voulons aider l’agriculture biologique ! Or, au Sénat, vous avez appelé à voter la suppression de l’Agence bio, qui met en relation les acteurs de ces filières dans les territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Comprenez que nous nous posions quelques questions sur votre cohérence ! Entendez que nous ayons des doutes sur la sincérité de votre démarche ! En réalité, ce texte est ce que l’on appelle un cheval de Troie. Non, ce texte n’est pas un cadeau pour les agriculteurs et les agricultrices. D’ailleurs, si vous souhaitez leur faire des cadeaux, il y a quelques urgences à traiter dans le monde agricole.
Vous auriez pu voter pour garantir aux agriculteurs des prix minimaux rémunérateurs, ce qui leur aurait permis d’établir un vrai rapport de force avec l’agroalimentaire (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS), mais vous avez voté contre.
Vous auriez pu vous opposer fermement à tous les traités de libre-échange, mais vous les laissez passer ou alors vous négociez l’introduction, ici ou là, de quelques clauses miroirs inefficaces.
Vous auriez pu voter un budget ministériel significatif pour favoriser le développement des filières et de notre souveraineté, pour soutenir les agriculteurs face au défi climatique, mais vous avez préféré voter des crédits d’un montant inférieur à 700 millions d’euros. (Mêmes mouvements.)
Pourquoi ce texte ? Dans l’agriculture, la technologie est nécessaire (« Ah ! » sur les bancs du groupe EPR), quand il s’agit de soutenir les agriculteurs et agricultrices.
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur
En l’espèce, c’est le cas !
Mme Manon Meunier
Le problème, c’est quand il ne reste plus que ça. Vous permettez aux propriétaires de vignobles de remplacer les salariés agricoles par des drones ; dans le projet de loi d’orientation agricole, vous cherchez à permettre aux banques et aux assureurs privés de spéculer sur les terres agricoles (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS) ; vous empilez les lois Egalim – 1, 2, 3, 4 et bientôt 5 –, qui ne feront jamais frémir les acteurs de la grande distribution et leur laissent toujours le dernier mot dans les négociations ; vous signez ou laissez passer de multiples traités de libre-échange qui font de notre agriculture une variable d’ajustement et mettent nos paysans et paysannes en concurrence avec ceux de la Nouvelle-Zélande, du Canada et, bientôt, du Mercosur.
Mme Stéphanie Galzy
La faute à qui ?
Mme Manon Meunier
Ainsi, vous laissez advenir un monde où seule l’agro-industrie sera capable de survivre et de s’installer (Mêmes mouvements), car elle seule pourra acheter toujours plus de drones et toujours plus de terres agricoles, celles-ci devenant inaccessibles aux porteurs de projet ; seule l’agro-industrie, exploitant des fermes toujours plus grandes, pourra rester compétitive. Certainement, le modèle agricole familial ne vous rapporte plus assez de profits pour mériter votre intérêt ! Au lieu de mettre l’accent sur l’installation de paysans nombreux, vous alignez la France sur le moins-disant international environnemental et social.
Les agriculteurs et agricultrices de notre pays méritent mieux que votre libéralisme mondialisateur. Ils et elles méritent mieux que des drones permettant de rivaliser avec les normes sociales moins-disantes de l’international. Ils et elles méritent des emplois rémunérés par des vrais prix. Ils et elles méritent d’être plus nombreux pour un travail moins pénible. Ils et elles méritent du protectionnisme ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Cyrielle Chatelain
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan (SOC)
Nous ne sommes pas opposés par principe aux évolutions technologiques dans l’agriculture, mais elles doivent respecter deux conditions : permettre d’améliorer les conditions de travail des agriculteurs de manière universelle ; accroître l’efficacité des traitements dans le respect de la santé humaine et environnementale. Telle est, depuis le début de l’examen de ce texte, la position du groupe Socialistes et apparentés.
À l’issue de l’expérimentation ouverte en 2018 par la loi Egalim 1, l’Anses a rendu, en 2022, une évaluation complète et très nuancée. Si l’utilisation d’un drone peut se justifier pour le traitement des cultures dans certaines parcelles dès lors qu’elle libère les travailleurs agricoles d’un équipement particulièrement lourd – c’est le cas pour les vignes cultivées sur des terrains accidentés, c’est-à-dire présentant une pente égale ou supérieure à 30 % –, l’Anses ne conclut à aucun moment qu’elle est d’un intérêt généralisé pour tous les types de cultures.
Il est problématique et inquiétant que certains d’entre nous fassent une autre lecture de l’évaluation de l’Anses. À cet égard, l’alinéa 6 de l’article 1er, qui prévoit la généralisation des essais sur tous les types de culture en l’absence de condition relative au caractère accidenté des terrains, ouvre la porte au développement massif du drone. Qui plus est, outre les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle autorisés en agriculture biologique, des produits à faible risque pourront être pulvérisés. Aussi la droite et l’extrême droite ont-elles pu défendre des amendements visant à permettre l’utilisation de tous types de produits phytopharmaceutiques. Autrement dit, vous avez ouvert la boîte de Pandore et permis le retour des pulvérisations aériennes,…
M. Jean-Luc Fugit, rapporteur
C’est faux !
Mme Chantal Jourdan
…qui présentent des risques avérés pour la santé des agriculteurs et des riverains.
Enfin, quels types d’exploitations seront en mesure de s’équiper de drones ? Et pour quel type d’agriculture ? Ce texte alimentera l’évolution vers une agriculture à deux vitesses, partagée entre le technosolutionnisme et les solutions fondées sur la nature, donc entre de très grandes exploitations et un modèle familial agroécologique – que nous défendons.
Pour toutes ces raisons, les députés de mon groupe voteront majoritairement contre ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS, et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.
Mme Virginie Duby-Muller (DR)
Ce texte, attendu par le monde agricole, a fait l’objet de l’obstruction stérile du Nouveau Front populaire. Alors qu’il était examiné dans le cadre de la semaine transpartisane, le 2 décembre, nos collègues ont empêché qu’il ne soit mis aux voix avant minuit. Au terme de ce parcours législatif particulièrement laborieux, je tiens à saluer la détermination de son rapporteur, M. Jean-Luc Fugit, et à remercier le ministre chargé des relations avec le Parlement, M. Patrick Mignola, d’avoir choisi de le réinscrire rapidement à l’ordre du jour de nos travaux.
Cette proposition de loi, qui vise à autoriser l’utilisation des drones pour traiter des maladies de cultures dans trois cas spécifiques, à condition que les produits phytopharmaceutiques présentent des risques faibles, constitue une avancée décisive pour notre agriculture.
Grâce à cette technologie, l’épandage est plus précis, la quantité nécessaire de produits phytopharmaceutiques est réduite de manière significative, l’exposition de l’opérateur aux produits est 200 fois plus faible. Nous ne devons pas craindre les nouvelles technologies lorsqu’elles démontrent un véritable bénéfice pour nos agriculteurs. Plutôt que d’interdire, il faut accompagner les producteurs, afin de promouvoir des pratiques agricoles plus modernes, efficaces et durables.
Ce texte s’inscrit dans une démarche de modernisation et d’adaptation aux défis lancés au secteur agricole français. Il s’agit notamment de sécuriser des chantiers dangereux, de limiter les risques et d’améliorer les traitements. L’utilisation des drones garantit un épandage plus précis, réduit les risques pour l’environnement tout en limitant les quantités appliquées.
Le groupe Droite républicaine votera avec conviction en faveur de ce texte, véritable loi de progrès et d’équilibre qui offre à notre agriculture les moyens d’affronter les défis de demain. (Applaudissements sur les bancs des groupe EPR et DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho (EcoS)
Agence bio, Agence de la transition écologique (Ademe), Office français de la biodiversité (OFB), Commission nationale du débat public (CNDP) : tout l’édifice des politiques publiques environnementales conduites par l’État depuis les années quatre-vingt-dix, et notamment le Grenelle de l’environnement, est actuellement attaqué. Il est la cible, l’objet de tentatives de démantèlement au point que l’on ne sait plus où donner de la tête ! On en est réduit à pousser un « ouf » de soulagement lorsque l’un de ces assauts est abandonné.
Tandis que le Sénat entend aujourd’hui réintroduire les néonicotinoïdes, poison qui tue les abeilles, les papillons et les vers de terre, vous demandez à l’Assemblée nationale de permettre l’épandage de pesticides par drone, un épandage aérien qui avait été interdit en France pour protéger la santé publique, notamment celle des enfants.
Ce qui vaut pour la politique intérieure vaut aussi pour la politique extérieure. Où est la France quand Donald Trump déchire le seul accord international sur le climat, l’accord signé ici, qui porte le nom de notre capitale ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) Alors que le président de la République répondait aux États-Unis, « Make our planet great again », il y a huit ans…
M. Gabriel Attal
Eh oui !
Mme Delphine Batho
…c’est le silence aujourd’hui ! Pas une seule déclaration du gouvernement français, alors que nous subissons une tragédie nationale à Mayotte et que la Bretagne est inondée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Gabriel Attal
Vous êtes dans l’incantation !
Mme Delphine Batho
Où est la République quand des agents de l’État – policiers de l’environnement et agents de l’OFB – sont visés par quatre-vingt-dix actes de vandalisme, quand le président de l’association Générations futures est l’objet d’intimidations à son domicile, quand la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et les Jeunes Agriculteurs (JA) attaquent les permanences de députés ? Où sont l’ordre et l’autorité ?
Où sont les déclarations du ministère de l’intérieur ? Habituellement peu avare de communications, il n’a pas dit un mot à ce sujet. Quand on bafoue les lois de la République pour s’attaquer à l’écologie, c’est le ministre du laxisme ! (Mêmes mouvements.)
Ce texte s’inscrit dans la funeste trajectoire d’un grand backlash – contre la nature, l’environnement, l’écologie, la beauté de la France et la santé de ses habitants. La logique de la généralisation de l’épandage par drone, pour tous les produits et toutes les cultures, est inscrite dans la lettre de ce texte, lequel ne tient aucun compte des avis de l’Anses.
Chers collègues, pendant que les cyclones, les tempêtes et les inondations frappent la France et le monde entier ; pendant que nous assistons à l’effondrement des populations d’insectes, d’oiseaux et de l’ensemble de la biodiversité dans nos campagnes ; alors que gagne une pandémie de maladies chroniques graves liées à la contamination par les pesticides et les PFAS – substances polyfluoroalkylées ou perfluoroalkylées – ; et qu’aucune réponse sérieuse n’est apportée à la colère agricole contre les bas revenus et la concurrence déloyale, vous choisissez de vous soumettre à cette dystopie que décrit Stéphane Foucart dans Le Monde du 25 janvier.
Vous l’embrassez comme si tous ces faits n’existaient pas, comme si les catastrophes écologiques n’avaient pas lieu, comme si les données scientifiques pouvaient être balayées d’un revers de main. N’ajoutons pas à cette dystopie le survol de nos campagnes par des drones ! Le groupe Écologiste et social votera bien sûr contre ce texte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Ott.
M. Hubert Ott (Dem)
L’utilisation des drones comme moyen de traitement de nos surfaces cultivées constitue une innovation importante.
Mme Mathilde Panot
Pas vous, monsieur Ott ! Pas ça !
M. Hubert Ott
Si elle est proposée alors que les pulvérisations aériennes sont interdites depuis 2015, c’est qu’à la différence des hélicoptères et autres engins volants, les drones – appareils aériens ne touchant jamais le sol – proposent une technique d’aspersion de grande proximité avec les plantes concernées par le traitement. Il n’y a pas de comparaison possible entre les anciennes techniques aériennes : la dispersion, l’imprécision, la dérive et le gaspillage étaient la conséquence inévitable de l’épandage par hélicoptère.
M. Antoine Léaument
Donc, c’est dangereux !
M. Hubert Ott
Avec des drones survolant les terres à une hauteur de quelques dizaines de centimètres, parfois un ou deux mètres, on cible les plantes, on limite le gaspillage et les quantités de produit, on réduit considérablement le risque de contamination de l’air et du sol.
M. Jean-Claude Raux
Ce n’est donc pas bon pour la santé !
M. Hubert Ott
On évite aussi la brumisation qu’induit le flux ascendant des pulvérisateurs terrestres ou, pire, des canons propulseurs. Ces appareils, toujours utilisés, seront avantageusement remplacés par les drones.
Nous ne pouvons nous priver d’une innovation technologique qui répond aux besoins des cultures en forte pente, à l’image du vignoble d’Alsace, dont les pentes peuvent atteindre 50 % et qui se voit menacé de délaissement cultural. Paradoxalement, ces terrains très accidentés, difficiles à travailler, constituent des hauts lieux qualitatifs d’où sont issus des grands crus. Nous n’avons pas le droit d’abandonner aux friches ces territoires d’exception, véritables trésors de notre patrimoine culturel et paysager.
Il faut rappeler que cette proposition d’évolution technologique n’induit pas l’usage de tel ou tel produit phytosanitaire. Le recours aux traitements concerne autant l’agriculture biologique que l’agriculture conventionnelle et il est parfois plus important sur une parcelle bio, – notamment en viticulture. L’approche agrobiologique privilégie en effet la logique préventive aux traitements curatifs.
Mme Delphine Batho
L’agroécologie, ce n’est pas ça !
M. Hubert Ott
Ces traitements d’anticipation, protecteurs de la surface foliaire, sont malheureusement facilement lessivables par la moindre pluie de sorte que, durant une période très humide, la répétition des traitements de surface s’impose davantage aux viticulteurs biologiques qu’aux viticulteurs conventionnels.
Ainsi, ce texte, qui propose une avancée au service de nos agriculteurs sans présager du choix de traitement à venir, constitue d’abord une facilitation significative pour ceux qui choisissent la méthode biologique.
Cette proposition repose sur des expérimentations menées entre 2019 et 2021 ; les essais, également conduits sur des bananeraies et des vergers, confirment le potentiel des drones pour intervenir dans toute situation spécifique ou complexe.
Le recours aux drones constitue par ailleurs un progrès en matière de sécurité et de santé pour nos agriculteurs. C’est une alternative sûre et efficace sur les parcelles à fortes pentes, où les équipements terrestres traditionnels comme les chenillards ou les pulvérisateurs à dos exposent les opérateurs à des risques de chutes, d’accidents graves, voire mortels.
M. Antoine Léaument
Alors c’est dangereux !
M. Hubert Ott
Il permet de réduire significativement la pénibilité du travail en éliminant la nécessité de porter un pulvérisateur de quarante kilos sous une chaleur accablante, tout en étant équipé d’une combinaison de protection.
Comme cela a été dit, l’usage des drones limite la dérive des produits lors de la pulvérisation, réduit le gaspillage et préserve ainsi les écosystèmes. Il représente un grand progrès car il n’altère pas les sols cultivés, à la différence des engins terrestres, qui provoquent un tassement, une érosion et parfois des ravinements préjudiciables à l’équilibre des sols, plus particulièrement fragiles en forte pente.
Nos agriculteurs ont prouvé leur attachement à une agriculture durable. En Alsace, 38 % des surfaces viticoles sont cultivées en culture biologique, record national qui témoigne de l’exemplarité des exploitants. Avec l’adoption de ce texte, nous souhaitons les soutenir davantage en leur offrant des outils modernes, sûrs et respectueux de l’environnement, à la hauteur du travail remarquable qu’ils accomplissent déjà.
Loin de représenter une régression écologique, ce texte apporte une réponse sécurisée et maîtrisée à des problématiques agricoles et humaines bien identifiées. En soutenant cette proposition de loi, nous réitérons notre engagement envers nos agriculteurs, dont le rôle est indispensable à la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 113
Nombre de suffrages exprimés 113
Majorité absolue 57
Pour l’adoption 81
Contre 32
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
4. Fraudes aux aides publiques
Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Thomas Cazenave et plusieurs de ses collègues contre toutes les fraudes aux aides publiques (nos 447, 633).
Présentation
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Cazenave, rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. Thomas Cazenave, rapporteur de la commission des affaires économiques
Je m’adresse à vous en tant que rapporteur de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, mais aussi comme député de la Gironde. À ce titre, permettez-moi de saluer la mémoire de Nicolas Florian, grand élu de notre territoire et ancien maire de Bordeaux, disparu brutalement hier à l’âge de 55 ans. (Applaudissements sur divers bancs.)
Depuis la loi relative à la lutte contre la fraude en 2018 et jusqu’au plan lancé en 2023 par Gabriel Attal, nous avons constamment agi et traqué les fraudes fiscales, sociales et douanières. En renforçant les moyens et en modernisant les outils alloués aux services de lutte contre la fraude, en adaptant les procédures et en renforçant les sanctions, nous avons fait de ce combat une priorité.
Grâce à cette action résolue, nous avons obtenu des résultats encourageants : plus d’irrégularités détectées, plus d’argent public détourné récupéré, plus de sanctions infligées à ceux qui abusent du système.
Malgré ces efforts, des failles subsistent. Face à des fraudeurs toujours plus organisés et innovants, nous devons aller plus loin. C’est tout le sens de la proposition de loi que je vous présente.
La fraude est une hydre à plusieurs têtes. Aujourd’hui, ce sont les dispositifs de subventions publiques que ciblent les fraudeurs, souvent organisés en réseaux. La fraude aux aides publiques représente une double injustice : d’abord envers les citoyens qui respectent les règles et contribuent à l’effort national, ensuite envers celles et ceux qui dépendent de ces aides pour vivre dignement, rénover ou adapter leur logement ou encore se former.
Cette injustice, profondément ressentie par nos concitoyens, mine la confiance dans nos institutions, fragilise le lien social et affaiblit le consentement à l’impôt.
M. Jean-François Coulomme
On dirait que vous parlez du CICE !
M. Thomas Cazenave, rapporteur
C’est pourquoi nous devons agir avec détermination et fermeté.
Avec près de 20 milliards d’euros consacrés annuellement aux aides publiques, dont une grande partie allouée à la transition écologique, il est impératif de garantir que chaque euro soit utilisé à bon escient. Ce texte vise à combler les failles de notre système pour éviter les détournements, protéger les bénéficiaires légitimes et récupérer jusqu’à 1,6 milliard. Nous devons faire payer les fraudeurs.
Mme Mathilde Panot
Pas tous !
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Cette proposition de loi trace une double voie : agir en amont pour prévenir les fraudes à la source et renforcer drastiquement notre arsenal contre l’écodélinquance. Nous employons une méthode simple : prévenir, protéger, sanctionner.
L’article 1er introduit un mécanisme général permettant de suspendre ou de refuser l’octroi d’une aide publique dès lors que des indices sérieux de fraude sont identifiés. Cette mesure pourra s’appliquer à l’ensemble des aides publiques, qu’il s’agisse de subventions, d’exonérations fiscales, de prêts, de prestations sociales ou encore de dispositifs en faveur de l’emploi ou de la rénovation énergétique.
L’objectif est simple : agir rapidement pour éviter que des fonds publics ne tombent entre les mains de fraudeurs, souvent difficiles à retrouver une fois les sommes détournées. La suspension pourra être prononcée pour une durée maximale de trois mois, offrant aux administrations le temps nécessaire pour examiner les soupçons.
Grâce à ce dispositif, nous engageons une véritable lutte contre la fraude à la source, ce qui est indispensable pour contrer les pratiques de sociétés éphémères ou de réseaux frauduleux, qui disparaissent rapidement après avoir perçu des montants importants. Je tiens au passage à saluer le travail de Mme Battistel en commission, qui a permis de s’assurer que seuls des indices sérieux pourraient déclencher la suspension – une précision nécessaire et bienvenue.
L’article 2 vise à renforcer la coordination entre les différentes administrations et les services d’enquête. Il prévoit la possibilité pour Tracfin de transmettre directement des informations à l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ou encore à la mission interministérielle de coordination antifraude (Micaf). Il introduit une clause générale permettant aux administrations de partager des informations en cas de suspicion de fraude.
Un amendement de Mme Batho, adopté en commission, a permis d’enrichir le texte puisqu’il prévoit d’obliger les organismes de certification et de labellisation des professionnels de la rénovation énergétique à communiquer les informations utiles à l’Anah pour lutter contre la fraude.
En complément, l’article 2 prévoit une disposition visant à renforcer la lutte contre les pratiques relevant de la fraude documentaire. Je partage avec plusieurs d’entre vous le constat, évoqué en commission, selon lequel la rédaction actuelle est trop large. Conformément à l’engagement pris lors de nos débats, je vous présenterai un amendement visant à encadrer le dispositif et à le centrer sur la fraude à l’identité.
L’article 3 s’attaque spécifiquement aux travaux de rénovation énergétique et d’adaptation des logements à la perte d’autonomie, particulièrement vulnérables aux abus. Il comporte plusieurs mesures concrètes pour mieux encadrer ce secteur et protéger les bénéficiaires des aides.
Premièrement, l’interdiction du démarchage abusif, déjà en vigueur pour les appels téléphoniques dans certains cas, sera étendue aux travaux d’adaptation à la perte d’autonomie et aux nouveaux modes de démarchage comme les SMS, courriels et messages privés sur les réseaux sociaux. Cette mesure vise à réduire les pratiques agressives et souvent frauduleuses employées par certaines entreprises pour piéger les consommateurs.
En commission, un amendement visant plus largement le démarchage non consenti a été adopté. Si j’approuve cette initiative sur le fond, cette question doit plutôt, selon moi, faire l’objet d’un véhicule et d’un débat dédiés. Cet amendement est d’ailleurs directement inspiré de la proposition de loi du sénateur Pierre-Jean Verzelen, adoptée à l’unanimité au Sénat. Je vous proposerai un amendement visant à maintenir l’interdiction stricte comme dans la version initiale de la proposition de loi.
Ensuite, l’article prévoit une transparence accrue dans le recours à la sous-traitance. Les entreprises seront tenues d’indiquer explicitement, sur leurs devis, si elles ont recours à des sous-traitants et, le cas échéant, de préciser si ces derniers sont titulaires du label RGE, reconnu garant de l’environnement. Cette obligation vise à garantir que les travaux réalisés restent conformes aux critères d’éligibilité aux aides publiques.
La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (la DGCCRF) se voit par ailleurs dotée du pouvoir de retirer le label en cas de manquements graves, ce qui permettra de préserver la crédibilité de ce label, qui demeure un repère essentiel pour les consommateurs souhaitant réaliser des travaux de qualité.
Enfin, l’article 3 crée une infraction pour défaut d’immatriculation au registre national des entreprises afin de lutter contre les entreprises éphémères opérant dans l’illégalité. Ce nouveau délit permettra d’engager des poursuites rapidement, élément crucial pour gagner la course contre la montre qui nous oppose aux sociétés éphémères. Nous avons également adopté un amendement présenté par M. Labaronne, visant à renforcer la sécurité et la fiabilité de l’annuaire des diagnostiqueurs.
L’article 3 ter, introduit en commission par M. Jean-Pierre Vigier, a permis l’adoption de la limite à deux rangs de sous-traitance pour les travaux de rénovation énergétique. Il prévoit également de conditionner la réalisation des travaux à l’obtention du label RGE.
M. Jean-Pierre Vigier
Absolument !
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Or cette dernière mesure – une bonne idée, sur le principe, pour s’assurer de la qualité des acteurs du marché – risque de sanctionner des entreprises vertueuses, grâce auxquelles de nombreuses opérations sont réalisées. Je pense aux distributeurs ou aux magasins de bricolage, qui proposent des solutions simples pour les Français souhaitant effectuer des travaux et qui ne font pas l’objet de signalement des autorités en charge de la fraude. De nombreux professionnels remplissent également leur carnet de commandes grâce à de telles opérations. C’est pourquoi je proposerai de revenir sur cette disposition qui pourrait, si elle était maintenue, déstabiliser profondément le marché actuel.
M. Jean-Pierre Vigier
Nous ne serons pas d’accord !
M. Thomas Cazenave, rapporteur
L’article 4, enfin, cible les fraudes aux certificats d’économie d’énergie (C2E), dispositif central en matière de transition énergétique mais particulièrement exposé aux détournements. Nous prévoyons la suspension préventive de l’instruction en cas de suspicion de fraude. Dès qu’un doute sérieux émerge sur une demande, son traitement pourra être immédiatement interrompu, ce qui limitera le risque de délivrance indue de certificats.
L’article prévoit ensuite des sanctions anticipées. Désormais, des pénalités pourront être appliquées avant même la délivrance des certificats si une fraude est détectée.
Il renforce également les informations données lors de la publication des sanctions au Journal officiel. Dans un souci de responsabilisation et afin de dissuader les comportements frauduleux, tous les acteurs qui sont intervenus dans le cadre de l’opération frauduleuse seront mentionnés.
Ces articles constituent autant de leviers pour resserrer les mailles du filet. Je sais que ce texte suscite, parmi nous, une large adhésion. Je souhaite que, comme en commission des affaires économiques, nous l’enrichissions au cours des débats pour lutter plus efficacement contre toutes les fraudes aux aides publiques.
De ce point de vue, je ne peux que regretter le dépôt par le groupe La France insoumise d’une motion de rejet préalable. C’est incompréhensible, à la fois sur le fond, au vu des enjeux liés à la lutte contre la fraude,…
Mme Mathilde Panot
Vous allez comprendre !
M. Jean-François Coulomme
On va vous expliquer !
M. Thomas Cazenave, rapporteur
…mais aussi sur la forme puisqu’une telle démarche constitue une première, me semble-t-il, depuis plusieurs législatures, s’agissant d’une niche parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
Ce n’est pas une niche ! Ce n’est pas l’obstruction parlementaire sur les retraites ! Ce n’est pas un gentleman’s agreement !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
La lutte contre la fraude sous toutes ses formes – sociale, fiscale ou douanière – est une priorité du gouvernement. On ne peut accepter que certains abusent du système. C’est donc une question de justice et d’équité et un enjeu de cohésion sociale qui se trouvent au cœur de l’ambition de cette proposition de loi et de l’action du gouvernement.
La fraude est également intolérable pour les enjeux budgétaires massifs qu’elle représente – j’y reviendrai. Elle l’est encore davantage lorsque la situation budgétaire du pays nous appelle à consentir des efforts inédits pour garantir la soutenabilité de nos finances publiques et préserver les générations futures d’une dette massive. D’une meilleure gestion de nos ressources dépend aussi notre crédibilité auprès de nos partenaires européens et internationaux.
Monsieur le rapporteur, je tiens à vous remercier pour le travail accompli sur un sujet majeur pour nos concitoyens mais aussi pour nos finances publiques.
Vous l’avez dit, des progrès ont été accomplis. Je pense notamment au déploiement, en mai 2023, par Gabriel Attal, alors premier ministre, de la feuille de route du gouvernement pour agir contre les fraudes. Je tiens à souligner l’action menée au quotidien par les services de l’État dans son application.
Le gouvernement entend consolider ces progrès dès cette année en continuant d’augmenter nos capacités en matière de lutte contre la fraude, en préservant notamment les moyens affectés à la lutte contre la fraude fiscale. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, actuellement à l’étude, prévoit d’ailleurs de renforcer les moyens budgétaires alloués à Tracfin.
S’agissant de la fraude sociale, nous poursuivons le déploiement, jusqu’en 2027, de 1 000 agents supplémentaires dédiés à la lutte contre les fraudes sociales – soit une hausse de 20 % –, dans le cadre des caisses du régime général. Nous souhaitons également consacrer 1 milliard d’investissements d’ici à 2027 à la modernisation des systèmes d’information.
Dans le champ de la branche famille, le déploiement de la solidarité à la source – en particulier le préremplissage, dès le mois de mars, des déclarations de ressources pour les allocataires du RSA et de la prime d’activité – améliorera fortement la fiabilité des calculs et contribuera largement à diminuer les fraudes aux prestations familiales.
Dans le champ des prestations maladie, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 prévoit des mesures de renforcement des échanges de données entre l’assurance-maladie et les complémentaires santé, tandis que nous poursuivons la sécurisation de la carte Vitale. La fraude détectée et stoppée par l’assurance maladie a déjà fortement progressé, atteignant près de 500 millions en 2023, soit une hausse de 50 % par rapport à 2022. Les chiffres préliminaires dont je dispose pour 2024 confirment cette tendance.
Nous agissons également avec détermination contre la fraude aux cotisations et le travail dissimulé, un réel enjeu puisque ces sommes représentent autant de cotisations en moins dans les caisses de la sécurité sociale. Grâce à l’amélioration du ciblage des contrôles, en lien avec l’URSSAF et la MSA, la Mutualité sociale agricole, nous avons relevé les cibles de redressement pour les prochaines années : de 500 millions par an en 2017, elles passent à plus de 1 milliard. Nous poursuivrons également nos efforts en vue de renforcer le niveau des recouvrements, levier majeur contre le travail dissimulé.
En parallèle, nous devons renforcer notre arsenal juridique pour l’adapter à l’évolution des pratiques de fraude – c’est l’objet de la discussion qui nous réunit aujourd’hui. Certaines d’entre elles ont ainsi mis en lumière, dans notre système, des failles qu’il nous appartient aujourd’hui de combler.
Chaque année, l’État mobilise plusieurs dizaines de milliards pour financer des dispositifs d’aides publiques, au bénéfice de l’emploi, de la formation professionnelle, de la transition écologique ou de la rénovation énergétique. Je tiens à le dire ici : ces politiques sont légitimes, nécessaires et efficaces.
Cependant, il ne faut pas le cacher, ces aides publiques sont devenues la cible d’une multitude d’acteurs, isolés ou organisés, qui exploitent les failles de nos dispositifs en usant de méthodes de plus en plus diversifiées et sophistiquées. Comment pourrions-nous exiger de nos concitoyens qu’ils consentent à l’impôt si leurs impôts sont détournés par des fraudeurs ?
M. Pierre-Yves Cadalen
C’est une plaisanterie !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il est donc urgent d’agir avec fermeté. À titre d’exemple, les fraudes sur les C2E ont occasionné en 2023 un préjudice de 480 millions, quand MaPrimeRénov’ faisait l’objet de mouvements financiers suspects, à hauteur de 400 millions. Tracfin a détecté le transit vers l’étranger d’une partie de ces fonds. Ces chiffres déjà alarmants ne cessent d’augmenter.
Votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, vise un double objectif : lutter à la source contre toutes les fraudes aux aides publiques ; frapper fort contre l’écodélinquance qui se dissimule derrière des outils dédiés à la transition écologique. Le gouvernement partage pleinement votre ambition.
La proposition instaure un mécanisme général qui permet de suspendre ou de rejeter une aide publique dès lors qu’il existe des indices sérieux de fraude. Cette lutte à la source est une avancée concrète vers davantage de fermeté face aux fraudeurs. Ce dispositif s’appliquera à toutes les formes d’aides publiques : subventions, exonérations fiscales, prêts, prestations sociales ou encore aides à l’emploi et à la rénovation énergétique.
Il nous permettra d’améliorer la réactivité, donc l’efficacité des contrôles exercés sur les fraudeurs, souvent difficiles à localiser une fois les sommes détournées. Vous proposez que la suspension puisse être activée pour une durée maximale de trois mois, ce qui laissera aux administrations le temps de confirmer ou d’infirmer leurs soupçons.
Mme Mathilde Panot
Trois mois sans APL, c’est un problème.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
En cas de fraude avérée, l’administration pourra rejeter définitivement la demande d’aide et engager des procédures de récupération si des fonds ont déjà été versés. Grâce à ce mécanisme, nous frapperons les sociétés éphémères et les réseaux frauduleux, sans leur laisser le temps de disparaître après avoir perçu des montants significatifs.
M. Jean-François Coulomme
C’est McKinsey qui les inspire !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ce texte propose également d’améliorer la coordination entre les administrations publiques et les services d’enquête, s’agissant en particulier des cas de suspicion de fraude à une aide publique. Les travaux de la commission des affaires économiques ont permis d’inclure le parquet européen, afin de favoriser la lutte contre les atteintes aux intérêts financiers de l’Union. J’en profite pour souligner le travail de la Micaf, rouage essentiel de la lutte contre la fraude.
Cette proposition touche également le secteur de la rénovation énergétique, particulièrement exposé aux abus, par l’intermédiaire de plusieurs mesures tendant à renforcer les contrôles et à protéger les bénéficiaires.
Parmi ces mesures figure l’interdiction renforcée du démarchage abusif. Il y a quelques minutes encore, on m’appelait sur mon téléphone pour me proposer des aides régionales à la rénovation. J’ai répondu qu’il était probable que ces pratiques commerciales agressives, qui sont souvent le fait d’entreprises frauduleuses, seraient bientôt interdites. La fin de tels appels téléphoniques, dont on connaît le caractère dérangeant, fera gagner du temps aux consommateurs qui les subissent.
Autre mesure : l’obligation de transparence relative aux prestations des sous-traitants, pour ce qui concerne notamment la réalisation de travaux chez les particuliers, afin de permettre aux consommateurs de savoir si leurs travaux sont éligibles aux aides publiques.
Enfin, le texte s’attaque aux fraudes aux C2E, un dispositif-clé pour la transition énergétique mais aussi une cible privilégiée des fraudeurs.
Cette proposition de loi s’inscrit donc dans une logique de tolérance zéro face à l’écodélinquance et à toutes les formes de fraude aux aides publiques.
M. Pierre-Yves Cadalen
Ah, Sarkozy nous avait manqué !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le gouvernement y est favorable et soutient pleinement son adoption.
M. Emeric Salmon
Zéro applaudissement !
Motion de rejet préalable
Mme la présidente
J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Pierre-Yves Cadalen.
M. Pierre-Yves Cadalen
Votre monde s’écroule.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Oh !
M. Pierre-Yves Cadalen
Le sol se dérobe sous vos pieds.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Oh !
M. Pierre-Yves Cadalen
Vous découvrez ébahis le vide de la start-up nation. Vous le sentez, si vous ne le pensiez pas déjà : le projet politique auquel vous avez donné votre vie est un échec complet. Le néolibéralisme se fracasse sur la réalité sociale et sur le désastre écologique. Vous le sentez, mais vous vous obstinez.
En novembre dernier, lorsque vous avez refusé de laisser cette assemblée voter l’abrogation de la réforme des retraites, vos mots creux étaient lourds d’une violence sociale ressentie partout dans le pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Ça n’a rien à voir avec le texte !
M. Pierre-Yves Cadalen
Alors que cette violence sociale se renforce des coupes massives proposées par le gouvernement dans les dépenses publiques, vous avez l’audace de proposer un texte au titre fort ambitieux, « contre toutes les fraudes aux aides publiques ». Nous le rejetons dans son esprit, fidèle à celui du macronisme : vous êtes faibles avec les forts, forts avec les faibles. (Mêmes mouvements.)
Votre monde s’écroule mais vous n’avez rien perdu de votre mépris pour la majorité sociale de ce pays ni de votre sentiment de supériorité. Vous seriez les seuls raisonnables, les seuls à avoir compris les arcanes de l’économie, des magiciens de l’action publique ! Quel mauvais tour vous êtes-vous donc joué à vous-mêmes, comme vous l’avez joué au pays tout entier, pour plonger la France dans cette situation catastrophique ? Quelle sorte de génies de l’action publique prétend découvrir qu’il manque 60 milliards d’euros dans les comptes publics ?
Pour comprendre un tel sort, jeté par la crème de la raison, il faut lire ses œuvres majeures. Monsieur le rapporteur, j’ai découvert avec une certaine gourmandise un livre que vous avez commis en 2016, préfacé par Emmanuel Macron. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Vous lisez les grands auteurs !
M. Pierre-Yves Cadalen
Son titre m’a fait sourire. Après sept ans de macronisme, il a tout d’un programme autant que d’une déroute : L’État en mode start-up ! (Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Parmi les éminents contributeurs de cet ouvrage figure Karim Tadjeddine, consultant chez McKinsey, une entreprise qui, depuis la publication de cet ouvrage, a largement trouvé son compte dans votre conception de l’action publique.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Il est loin des comptes publics !
M. Pierre-Yves Cadalen
On se rappelle les 500 000 euros qui lui ont été accordés en 2020 pour organiser un colloque sur l’éducation qui n’a jamais eu lieu ou l’augmentation exponentielle des dépenses liées aux cabinets de consultants extérieurs – 2,5 milliards en 2021.
M. Jean-François Coulomme
Ils sont là, vos fraudeurs !
M. Pierre-Yves Cadalen
Votre monde s’écroule. Il est risible. Je vous cite : « L’action publique semble aujourd’hui faire face à une équation impossible, entre réduction des moyens et multiplication des mécontentements. » Voici pour la quatrième de couverture. Il est vrai que la colère des fonctionnaires et des usagers n’a rien à voir avec la baisse des moyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Quelle équation complexe, sans même une inconnue !
Vous poursuivez : « Les approches traditionnelles de la réforme sont mises en échec. À cette approche décliniste, L’État en mode start-up oppose une autre vision, celle d’une action publique réinventée, plus agile et collaborative, augmentée par l’innovation technologique et sociale. » Tout cela figure toujours en quatrième de couverture. À bas la tradition, vive le nouveau management ! L’agilité sans moyens : tout un programme !
Il en va ainsi à l’hôpital, où des formations sont désormais prodiguées par le groupe hôtelier Accor pour apprendre aux soignants à accueillir les patients ! Agilité ! Celle des centres de formation professionnelle, rebaptisés « villages des solutions » ! (Sourires.) Réinventer ! Il n’y a plus de moyens, le point d’indice est bloqué depuis bien longtemps.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Non !
M. Pierre-Yves Cadalen
Mais soyons rassurés : grâce au miracle de l’État en mode start-up, les soignants et les formateurs se sentent rayonnants ! Ils devraient même vénérer les prêtres de l’agilité et de la réinvention, les vestales de l’innovation qui entretiennent le feu sacré du macronisme ! Tout cela est grotesque.
M. Antoine Léaument
Bien dit !
M. Pierre-Yves Cadalen
Votre monde s’écroule et une ambiance lugubre a envahi le palais de l’Élysée.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Rien sur la fraude !
M. Pierre-Yves Cadalen
La fin de règne est là. Le monarque présidentiel sait qu’il va devoir partir ; il sent que le pays le méprise. Le Monde raconte qu’Emmanuel Macron assume que le terrain de l’extrême droite est « celui qu’il préfère ». Quant à Brigitte Macron, elle considère que « les Français ne méritent pas Emmanuel Macron ». Nous ne pouvons que lui donner raison : qu’avons-nous fait pour mériter cela ? (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Comment cette plaie a-t-elle pu s’abattre sur le pays pour détricoter méthodiquement les services publics, détruire les bases de la République sociale, tout cela avec clairons, trompettes et arrogance ?
Nous n’avons rien fait pour mériter cela et il est grand temps qu’Emmanuel Macron s’en aille. Il n’a tenu aucun compte de la composition nouvelle de cette assemblée et nous fait honte lorsqu’il s’exprime sur la scène internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Qui pour lui dire, y compris parmi ses députés, qu’insulter le peuple haïtien, peuple frère et ami, constitue une faute majeure ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Quel rapport ?
M. Pierre-Yves Cadalen
Qu’un président, en tenant de tels propos, fait honte à la France et l’humilie une fois de plus ? Que prendre de haut, en adoptant un ton colonial, nos compatriotes de Mayotte est proprement inacceptable ? Qu’en adressant des admonestations aux pays du Sahel sur un ton paternaliste, il nous fait honte à tous ?
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Il a raison !
M. Pierre-Yves Cadalen
Votre monde s’écroule car vous avez détruit la puissance publique, détruit l’État. En effet, quel est votre bilan ? Monsieur le rapporteur, vous avez été l’éphémère ministre des comptes publics. Avec les autres, vous avez vidé les caisses avec constance. Il y a pour 70 milliards par an d’exonérations fiscales depuis 2017 ! Quant aux exonérations sociales cumulées, elles représentent 75 milliards supplémentaires !
M. Antoine Léaument
C’est cher !
M. Pierre-Yves Cadalen
Rien dans ce texte n’a trait à la fraude fiscale : elle nous coûte 80 à 100 milliards chaque année mais n’a manifestement pas suscité votre intérêt.
Dans votre chef-d’œuvre de 2016, vous regrettiez : « Être sommé d’apporter une réponse immédiate à chaque problème qui se présente dans l’actualité, quand les moyens sont rares et les leviers d’action moins nombreux et que la légitimité est contestée, relève de l’impossible ».
M. Emeric Salmon
Il est cassé !
M. Pierre-Yves Cadalen
Vos mots étaient prémonitoires. Vous refusez de trouver des moyens. Vous privez volontairement la puissance publique de leviers d’action. Vous avez construit un pouvoir illégitime. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Rappelons que les moyens sont rares parce que vous choisissez qu’ils le soient. À l’automne dernier, le Nouveau Front populaire a fait adopter 75 milliards de recettes nouvelles, que vous avez rejetées.
Non seulement vous n’avez pas renforcé les moyens mais vous les avez diminués, alors que les besoins ne cessent d’augmenter. Oui, c’est bien sur le fondement des besoins de la population qu’il faut gouverner ! Mais l’État start-up, c’est la vente à la découpe de nos services publics par les serviteurs zélés des milliardaires. Vous avez organisé la ruine de l’État, et venez à présent nous expliquer que vous allez lutter contre toutes les fraudes !
M. Jean-François Coulomme
Mais oui, contre les voleurs de poules !
M. Pierre-Yves Cadalen
Votre monde s’écroule et cette loi fait partie de la chute. Elle prévoit de lutter contre les fraudes aux aides publiques – notion qui d’ailleurs n’existe pas dans le droit. En sous-texte, vous vous attaquez aux plus précaires, aux bénéficiaires des allocations de solidarité.
Mais d’où vient la véritable saignée d’argent public que nous subissons ? Qui a distribué à la volée cet argent dans des quantités prodigieuses ? Les magiciens de la start-up nation, bien sûr ! (Mme Mathilde Panot applaudit.)
Votre politique de l’offre est un échec patent, que vous refusez de reconnaître. Les grands plans de licenciement orchestrés par des entreprises que vous avez arrosées d’argent public le montrent assez : 200 milliards d’aides publiques ont été versés chaque année aux entreprises ! Tandis qu’à Vannes et à Cholet, les ouvrières et ouvriers de Michelin sont sur le carreau, leur entreprise a touché 42 millions d’euros au titre du crédit d’impôt recherche (CIR) en 2023, et 65 millions au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) depuis dix ans ; 1 254 personnes en tout et combien de familles touchées, combien d’emplois indirects supprimés ? Pendant ce temps, les actionnaires se frottent les mains puisqu’un plan de rachat d’actions de 1 milliard a été lancé pour la période 2024-2026.
Les 75 milliards d’exonérations sociales que j’ai déjà évoqués sont attribués aux grandes entreprises sans contrepartie. Auchan peut tout à fait licencier 2 389 salariés après avoir touché 500 millions au titre du CICE en 2020, sans parler des 5 milliards de prêts garantis par l’État à Renault, qui refuse de tenir ses engagements et menace l’avenir de la Fonderie de Bretagne, fleuron industriel de notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
Exactement !
M. Pierre-Yves Cadalen
Non contents de faire pleuvoir l’argent public sur ces entreprises, vous avez aussi facilité les licenciements économiques. Vous avez ainsi frappé les salariés de tous côtés, en nourrissant les grands patrons et les actionnaires sans condition, et en affaiblissant leurs droits par la loi « travail » de 2016 et les ordonnances Macron de 2017.
Comment croire un instant que vous ayez à cœur de remplir les caisses de l’État ? Vous avez passé votre temps à les vider !
Votre monde s’écroule et vous continuez de vous en prendre aux plus pauvres. Du fait de votre loi, les aides sociales pourraient être suspendues sans enquête pendant trois mois, sur la base d’une « simple suspicion de fraude ».
Vous n’avez de cesse de tenter de diviser. Les salaires sont trop bas ? Stigmatisons les bénéficiaires du RSA, dressons les travailleurs contre les allocataires ! Vous partagez d’ailleurs cette stratégie avec l’extrême droite. En commission, le RN s’est réjoui de ce texte, affirmant : « Dans son esprit, cette proposition de loi est tout droit tirée du programme du Rassemblement national. » Vous voici partis en croisade tous ensemble, le grand parti de l’argent, contre les bénéficiaires des droits sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Votre monde s’écroule mais il faut, dans le désastre, vous reconnaître de la constance. Votre plume n’a pas changé. Vous évoquez, dans le rapport joint à ce texte, « les rares cas où l’usager de bonne foi subirait une procédure de suspension ». Sachez que le problème se pose déjà. J’en ai fait l’expérience dans ma circonscription : des enquêtes suspendent abusivement les droits et des allocataires dont le contrôle n’a révélé aucune irrégularité se voient refuser le versement des mois manqués.
Avec vous, la suspension viendrait même avant l’enquête mais nous devrions nous en réjouir ! Vous osez écrire que « cela […] permettrait [à l’usager] de transmettre rapidement les informations ou documents justifiant de sa bonne foi et permettant de régulariser sa situation ». Dans cette réalité parallèle où vous semblez évoluer, vous rendriez donc service aux personnes que vous priveriez pendant trois mois des revenus dont ils ont besoin pour vivre.
Votre pensée complexe est d’une cruelle simplicité, votre loi une pierre supplémentaire à l’édifice de la stigmatisation des bénéficiaires de droits sociaux. Pourtant, le principal problème en la matière demeure le non-recours. Plus d’un tiers des personnes qui ont droit au RSA ne le demandent pas !
Mme Mathilde Panot
Exactement !
M. Pierre-Yves Cadalen
Dans le Finistère, où votre loi imposant des contrôles supplémentaires aux bénéficiaires de droits sociaux est appliquée expérimentalement, des suspensions de droits ont déjà lieu quand les bénéficiaires ne répondent pas dans les délais aux lettres qui leur sont adressées – non recommandées, bien sûr !
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Ah bon ?
M. Pierre-Yves Cadalen
C’est bien en cela que vous êtes faibles avec les forts, forts avec les faibles.
Vous considérez qu’il est possible d’amalgamer en une même notion, celle d’aides publiques, les prestations sociales et les aides aux entreprises, et quelle que soit leur taille. Mais la suspension des aides pendant trois mois n’a certainement pas le même effet selon que vous êtes un bénéficiaire du RSA, une petite entreprise ou une entreprise du CAC 40.
Si vous considérez ces situations comme égales, cela revient à frapper les plus fragiles, encore une fois sur la base de simples soupçons. Pour « lutter contre la fraude à la source », selon vos propres termes dans l’exposé des motifs, la meilleure idée serait de tourner la page de cette politique de l’offre qui arrose sans distinction le capital d’argent public.
Lutter contre la fraude à la source ne passe pas par cette proposition de loi, dont l’article 1er est dangereux, mais commence par la censure de votre politique et donc, dès que possible, de votre gouvernement ! (Mêmes mouvements.) Il s’agit de mettre un terme à vos largesses aux grandes entreprises et aux grands patrimoines tout en favorisant l’accès aux droits sociaux de ceux qui en ont besoin. Voilà comment nous, nous réglerions le problème à la source.
Votre monde s’écroule mais, avant que vous et les vôtres partiez, une dernière citation, pour le plaisir, tirée de votre livre : vous avez le front d’écrire, page 23, que « Le nouvel âge de l’action publique est d’abord celui des citoyens. »
M. Thomas Cazenave, rapporteur
C’est vrai !
M. Pierre-Yves Cadalen
Les gilets jaunes, le mouvement pour le climat, les syndicalistes et les Soulèvements de la Terre auront apprécié votre nouvel âge de l’action publique ! (Mêmes mouvements.)
Vous avez recréé une ambiance que Pierre Mendès France décrivait déjà très bien dans les années soixante : « Je crois que jamais peut-être depuis le Second Empire il n’y avait eu en France autant de scandales, autant d’opérations malsaines qui se sont développées dans l’entourage immédiat du pouvoir […]. Il n’y a plus de droit d’interpellation à l’Assemblée ; des commissions d’enquête n’ont pas pu être créées ou n’ont pratiquement pas pu aller très loin. » Pensons à celle sur Alexandre Benalla ! et Mendès de poursuivre : « Il y a vraiment une connexion que nous avons constatée continuellement entre la Ve République et un certain nombre de groupes d’intérêt. » Il avait raison.
Tout cela suffit ! Il est temps, plus que temps de tourner la page : le nouvel âge des citoyens sera celui de la VIe République et de l’Assemblée constituante. (Mêmes mouvements.) Nous avons déposé en ce sens une proposition de résolution mardi dernier.
Nous rejetons votre proposition de loi car nous ne faisons pas un instant confiance aux organisateurs de la destruction de l’État pour lutter contre la fraude réelle ! Vous êtes tout juste bons à frapper les plus faibles. (Mêmes mouvements.)
Votre monde s’écroule. La censure arrive. Le monarque s’en va. Des victoires viendront, issues des luttes collectives comme tout ce qui a fait avancer notre pays, bien loin des rivages brumeux et fumeux de l’État start-up !
La célébration des 100 ans de la victoire des Penn Sardin, ces ouvrières des conserveries de Douarnenez, nous le rappelle. (Mêmes mouvements.) Le temps est venu des victoires. Voici ce que les Penn Sardin chantaient, unissant leurs voix aux luttes du Nord et de Carmaux :
« Saluez riches heureux, ces pauvres en haillons / Saluez, ce sont eux qui gagnent vos millions. »
À bas l’État start-up ! Vive la République sociale ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent longuement.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je tiens à vous dire, monsieur le député, que je n’ai pas bien compris ce que nous venons d’entendre…
M. Pierre-Yves Cadalen
Il fallait écouter !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…parce que je ne vois pas du tout le lien…
M. Jean-François Coulomme
Essayez en replay !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Pas besoin de replay, je crois avoir bien écouté et je ne vois absolument pas le lien avec le sujet qui nous occupe aujourd’hui.
Mme Danielle Brulebois
Exactement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Par ailleurs, et je vais le dire avec une certaine gravité : je suis très mal à l’aise avec l’insinuation qui porterait à croire que si cette proposition de loi lutte contre la fraude, elle serait contre les plus modestes. Cela reviendrait à penser que les fraudeurs sont parmi les plus modestes et donc que les plus modestes sont des fraudeurs ! Or nous cherchons à lutter contre des gens qui ont réussi à faire sortir de notre pays des centaines de millions d’euros, sous prétexte de rénover des bâtiments qu’ils n’ont jamais rénovés, d’installer des panneaux isolants dans des maisons où ils ne sont jamais entrés ou encore de faire évoluer des modes de transport qu’ils n’ont jamais utilisés.
Mme Mathilde Panot
Et les allocations sociales ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Soyons très clairs : cette proposition ne traite pas des allocations sociales, mais des aides publiques. C’est une notion juridique qui existe. Le texte ne concerne ni la fraude sociale ni la fraude fiscale, qui font l’objet de dispositions spécifiques. Il y avait une lacune dans notre droit, un vide juridique que cette proposition de loi vise à combler. Il est très important que personne ne pense que la transition écologique serait autre chose qu’une priorité nationale, encore moins une manière de frauder.
Mme Mathilde Panot
Dans ce cas, excluez les allocations sociales du texte.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Tout d’abord, je ne manquerai pas de vous envoyer un exemplaire dédicacé de l’ouvrage que vous avez abondamment cité et qui semble vous inspirer.
Vous avez beau avoir parlé un bon quart d’heure, je n’ai rien entendu sur les arnaques, le démarchage ou la lutte contre les sociétés éphémères ! Vous vous désintéressez profondément d’un texte qui permettra pourtant de corriger des injustices majeures et de mettre fin à des détournements d’argent public de grande ampleur, au détriment des plus pauvres, de ceux dont le logement a besoin d’être rénové, de ceux qui doivent suivre une formation. Sur tous ces points, monsieur le député, vous avez été… muet ! Je me permettrai donc de vous envoyer aussi le texte de la proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sophie Mette applaudit.)
Mme Mathilde Panot
Arrêtez votre mépris !
Mme la présidente
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy (EPR)
Encore une motion de rejet de La France insoumise.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Oui !
M. Paul Midy
Une motion de rejet contre une proposition de loi contre la fraude, vous faites fort, c’est fantastique ! Je ne vois que deux explications. Première explication : vous n’aimez pas le Parlement. Je pense que vous l’avez déjà clairement montré.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Le 49.3, c’est pas nous !
M. Paul Midy
Systématiquement, sur chaque texte, votre groupe dépose une motion de rejet. Dans un monde où celles-ci passeraient, nous n’aurions depuis deux ans et demi pu discuter d’aucun texte dans cet hémicycle, dont le bilan serait resté désespérément vide. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Je pense que vous avez devant vous une carrière de censeurs… Mais désolé, mesdames et messieurs les censeurs, nous allons voter contre votre motion de rejet afin de pouvoir débattre de ce texte.
Seconde explication : vous aimez la fraude… Je me suis déjà posé la question lors de l’examen de la loi anti-squat. Et je commence à mieux comprendre votre stratégie : quand il y a un problème de logement, il s’agit de légaliser les squats, quand il y a un problème de pouvoir d’achat, de légaliser la fraude, et quand il y a un problème de transport, de légaliser le vol de voiture. J’attends votre proposition de loi inspirée d’une telle philosophie, je suis sûr qu’elle arrivera bien à un moment ou à un autre.
Les deux explications sont sans doute bonnes. Vous n’aimez pas le Parlement et vous aimez la fraude. Mais nous, nous allons débattre et adopter, je n’en doute pas, ce texte excellent qui permettra de lutter davantage encore contre la fraude, dont le montant est estimé à 1,6 milliard d’euros par an. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune (LFI-NFP)
J’interviens bien évidemment en soutien à cette motion de rejet. Ce que je veux souligner ici, c’est votre culot. Quel culot, en effet, de proposer un tel texte alors que votre gouvernement retire tous les moyens à l’aide publique, là où celle-ci est essentielle ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP) C’est-à-dire, là où elle relève de la solidarité nationale, le fondement de notre république, là où elle relève d’espaces de financements fondamentaux, par exemple pour la bifurcation énergétique.
Quel culot, aussi, de proposer un tel texte à un moment où le problème qui devrait nous préoccuper tous, c’est la numérisation à marche forcée et le non-recours à certaines aides publiques.
Quel culot, enfin, de proposer un tel texte quand, dans le cadre du budget de M. Bayrou, on retire des moyens à ce grand chantier qu’est la rénovation thermique des bâtiments. (Mêmes mouvements.) Vous ajoutez des suppressions de fonds à ceux déjà supprimés dans le budget de M. Barnier ! Alors que pour faire la bifurcation écologique, il va falloir un État fort, un État qui investisse, qui planifie. Venir ici nous parler de fraude alors que c’est vous-mêmes et les vôtres qui organisez le retrait et l’impuissance de l’État sur cette question essentielle de la bifurcation écologique, en particulier de la rénovation thermique des bâtiments, c’est vraiment une forme de culot qu’on ne peut admettre.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Ça n’a rien à voir !
Mme Claire Lejeune
Je pense, par exemple, aux C2E. Vous voulez augmenter le recours à ce dispositif puisqu’il s’agit, et c’est bien pratique, d’un dispositif extrabudgétaire, alors que vous-même avez souligné qu’il y a dans ce cadre des problèmes de fraude.
Mme la présidente
Je vous prie de conclure.
Mme Claire Lejeune
Vous êtes dans une contradiction profonde, du fait que vous refusez les investissements et une action planifiée de l’État en ce domaine. Nous voterons bien sûr cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan (SOC)
Cette proposition de loi n’est pas une urgence puisqu’elle ne répond à aucune des priorités exprimées par les Français : ni à la crise du pouvoir d’achat ni à la crise du logement – contrairement d’ailleurs aux cinq textes que nous avons fait adopter la semaine dernière, dans le cadre de notre niche parlementaire. Elle ne s’attaque pas non plus à la fraude fiscale, ce qui serait pourtant fort utile pour faire face aux contraintes budgétaires qui sont les nôtres… Mais il n’est pas trop tard, avant la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi de finances, jeudi prochain, pour continuer à travailler sur le sujet.
Pour autant, ce texte a été amélioré en commission, notamment par l’adoption de certains de nos amendements encadrant la mise en œuvre du dispositif de suspension de versement des aides. Il a également été complété de mesures bienvenues, par exemple sur la lutte contre le démarchage téléphonique non sollicité, ce qui est une bonne chose. Certes, il nous reste encore du travail pour apporter des garde-fous suffisants, notamment pour les petites entreprises et artisans labellisés RGE, ainsi que pour évacuer des intrus qui n’ont rien à voir avec le texte. Mais nous ne voyons pas de raison qui justifierait de le rejeter d’emblée. Nous ne voterons donc pas la motion de rejet préalable.
Mme Danielle Brulebois
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.
M. Jean-Pierre Vigier (DR)
Nous devons garantir que chaque euro dépensé par l’État soit bien investi, et la lutte contre toutes les formes de fraude est essentielle pour préserver l’équilibre et la cohésion de notre contrat social.
M. Antoine Léaument
Allez dire ça à Balkany !
M. Jean-Pierre Vigier
Le texte que nous examinons aujourd’hui a pour objectif de s’attaquer à la fraude de manière générale, mais aussi en visant spécifiquement certaines aides publiques. Lutter contre toutes les formes de fraude aux aides publiques est un combat partagé, monsieur le rapporteur, que nous devons mener ensemble avec fermeté. Cette proposition de loi apporte des solutions. Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, elle permet de suspendre temporairement les aides en cas de soupçon de fraude, ce qui est une avancée majeure. L’encadrement des certificats d’économie d’énergie constitue aussi pour nous un atout majeur puisque, comme vous le savez, rien qu’en 2023, la fraude aux C2E a atteint une somme de 480 millions d’euros, pour un dispositif ayant une valorisation financière de 6 milliards d’euros.
Cependant, vous savez bien que nous ne partageons pas du tout votre point de vue sur l’article 3 ter, notamment en ce qui concerne la partie consacrée au label RGE. Nous en débattrons. Le groupe DR votera contre cette motion de rejet préalable.
M. Xavier Breton et Mme Danielle Brulebois
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho (EcoS)
Bien entendu, il y a le contexte et toutes les raisons de s’opposer à la politique du gouvernement. Mais nous sommes, en tant qu’élus écologistes, des députés de terrain ; dans ma permanence parlementaire des Deux-Sèvres, il y a un placard entier rempli de témoignages de personnes vulnérables, y compris des personnes âgées, qui se sont fait arnaquer, qu’il s’agisse des aides à l’isolation des logements, de l’installation de panneaux solaires jamais raccordés ou d’emprunts bancaires que des intermédiaires ont fait signer sans respect des clauses du contrat, etc.
Il s’agit par ce texte de défendre les faibles contre des pratiques scandaleuses qui n’ont que trop duré et que les écologistes dénoncent depuis des années. Cette délinquance de fait, assez organisée, plombe les politiques publiques environnementales depuis fort longtemps et mine la confiance de nos concitoyens à leur égard. Il y a donc une différence de point de vue avec M. Cadalen.
Je conclurai en ajoutant une autre raison de ne pas voter la motion de rejet : ce texte comporte l’interdiction totale du démarchage téléphonique, pour laquelle nous militons depuis plus de sept ans à l’Assemblée nationale ; si cette disposition est votée aujourd’hui, ce sera un grand pas en avant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Lam.
M. Thomas Lam (HOR)
Les mesures de la proposition de loi constituent un arsenal juridique pertinent pour lutter contre la fraude aux aides publiques sous toutes ses formes. Elles composent un levier nécessaire pour restaurer la confiance de nos concitoyens dans les institutions. De plus, en période de tension budgétaire, il est impératif de garantir que chaque euro d’argent public sera utilisé à bon escient.
Même si certains dispositifs proposés mériteraient d’être rediscutés ou renforcés, notamment en matière de transparence des sanctions et d’accompagnement des organismes verseurs dans leur mission de contrôle, le groupe Horizons & indépendants souhaite que le texte puisse être examiné et fasse l’objet de débats sérieux, éclairés et responsables, pour que l’intérêt des consommateurs prime. En conséquence, il votera contre la motion de rejet.
Mme la présidente
La parole est à M. David Taupiac.
M. David Taupiac (LIOT)
Alors que les arnaques et les fraudes se multiplient, nous devons armer l’administration. Elle doit avoir des moyens suffisants et adaptés pour lutter contre les malversations financières. Il y va non seulement de la bonne gestion des comptes publics – un sujet important – mais aussi du consentement à l’impôt. Nos concitoyens ne tolèrent plus que leurs contributions fassent l’objet de détournements.
La proposition de loi peut et doit être améliorée. En commission, nous nous sommes assurés qu’elle ne concernerait pas les prestations sociales. À titre personnel, je reste par ailleurs opposé aux dispositions relatives au contrôle des titres d’identité, de voyage ou de séjour, qui n’ont rien à faire dans un texte largement consacré aux aides publiques aux entreprises.
Les députés du groupe LIOT sont convaincus qu’il reste possible de faire évoluer le texte qui, dans ses grandes lignes, renforce positivement l’arsenal législatif et donne aux administrations les moyens de lutter contre la fraude. Ils voteront donc contre la motion de rejet préalable.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Golliot.
M. Antoine Golliot (RN)
Le groupe Rassemblement national est favorable à la proposition de loi visant à lutter contre les fraudes aux aides publiques. En effet, comme l’a indiqué l’orateur LFI, elle s’inspire directement des propositions du Rassemblement national et, notamment, du programme présidentiel de Marine Le Pen. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
Regardez comme ils sont contents !
M. Antoine Golliot
La lutte contre toutes les fraudes – sociale, fiscale ou aux aides publiques – doit être menée avec vigueur et détermination car elles concernent plusieurs dizaines de milliards d’euros d’argent public.
La motion de rejet présentée par le groupe LFI encourage finalement les fraudes et les délits. Ses membres veulent pénaliser les Français, qui doivent payer encore davantage d’impôts pour combler les déficits creusés par l’ampleur de ces fraudes rendues possibles par un système excessivement généreux et outrageusement laxiste. À LFI, vous êtes faibles avec les fraudeurs et durs avec les honnêtes entrepreneurs ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Emeric Salmon
Bien envoyé !
M. Jean-François Coulomme
C’est minable.
(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
M. Antoine Léaument
Vous êtes de droite !
Discussion générale
Mme la présidente
Dans la discussion générale, la parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
Permettez-moi tout d’abord de saluer l’excellent travail de notre rapporteur, Thomas Cazenave, sur le sujet important de la fraude. Il s’inscrit dans la continuité d’un ensemble de mesures que le groupe EPR prône et soutient depuis plusieurs années. Je pense bien sûr au plan de lutte contre les fraudes sociales, fiscales et douanières, présenté en mai 2023 par le ministre du budget, Gabriel Attal, puis repris par son successeur au gouvernement, Thomas Cazenave. Il contenait trente-cinq mesures déclinant cinq axes prioritaires : s’adapter aux enjeux numériques, sanctionner plus justement et plus fortement, mieux lutter contre les fraudes internationales, agir plus collectivement pour être plus efficace et approfondir la relation de confiance pour les usagers de bonne foi.
Ce plan prévoit également un renforcement d’ici à 2027 des moyens de la lutte contre la fraude, avec le recrutement ou le redéploiement de plus de 3 000 agents et l’allocation de plus de 1 milliard d’euros à la modernisation des outils numériques de détection des fraudes. Nous pouvons être fiers des résultats de ce plan puisqu’en 2023, les mises en recouvrement de nature fiscale ont atteint un record, dépassant les 15 milliards d’euros. Les contrôles sur les particuliers les plus riches ont augmenté de 25 %. En parallèle, la lutte contre la fraude sociale a connu des progrès significatifs avec l’augmentation des redressements et la récupération de 34 millions, grâce à un guichet dédié aux microentrepreneurs.
Frauder, c’est voler l’argent public, c’est voler tous les Français à la fois. Il n’est pas acceptable que, pour chaque dispositif mis en place, un petit nombre de délinquants professionnels s’évertuent à en trouver les failles et cherchent à détourner de l’argent public. Ce vol est d’autant plus inacceptable que son existence conduit à complexifier toujours davantage les dossiers et les procédures, au détriment des personnes honnêtes qui constituent la majorité des demandeurs d’aides.
La fraude, beaucoup en parlent ; beaucoup agitent le problème comme un chiffon rouge ; beaucoup font à son sujet des promesses qu’ils tiennent rarement. De notre côté, nous agissons. La proposition de loi débattue aujourd’hui poursuit l’effort entrepris en visant la fraude en général et, plus particulièrement, une vingtaine de milliards d’euros d’aides versées. Les dispositifs proposés permettent de compléter le plan de 2023 et d’aller un cran plus loin sur des points qui nécessitent la modification de la loi.
Le texte propose des dispositifs transversaux de renforcement de lutte contre la fraude, comme la suspension temporaire du versement des aides en cas de suspicion de tromperie. Ce mécanisme est particulièrement précieux car l’on sait qu’une aide versée, même à tort, n’est quasiment jamais récupérée. Il permettra aussi d’éviter les cas, particulièrement inacceptables pour les Françaises et les Français, d’impuissance de l’État face aux fraudes manifestes. De telles situations alimentent l’impression que l’argent public n’est pas géré avec suffisamment de rigueur et nourrissent les populismes.
Le texte favorise aussi les échanges d’informations entre administrations, notamment entre celles qui versent des aides et celles qui sont chargées de lutter contre la fraude. Par ailleurs, la proposition de loi renforce la lutte contre les détournements constatés ces dernières années autour de dispositifs comme MaPrimeRénov’, MaPrimeAdapt’ ou les C2E. Elle doit également permettre de lutter contre le démarchage pour les travaux d’adaptation du logement au handicap ou à la vieillesse, dont on sait à quel point il est irritant pour nos concitoyens et dangereux pour les plus faibles.
Avec ces mesures, nous pourrions récupérer chaque année jusqu’à 1,6 milliard d’euros – ce qui n’est pas négligeable dans le contexte actuel des finances de l’État – et éviter qu’une telle somme d’argent public – celui qui appartient à tous les Français – soit volée par des délinquants abusant de notre système. Mieux lutter contre la fraude revient donc à éviter des augmentations d’impôts pour les Français ou des limitations dans les crédits de politiques publiques qui ont fait leurs preuves. Avec 1,6 milliard par an, on peut faire énormément de choses : améliorer la sécurité, le système éducatif ou le fonctionnement des hôpitaux, mieux financer la transition écologique ou la recherche et l’innovation.
La lutte contre la fraude est aussi un enjeu de justice sociale. Nous pouvons être fiers des mesures que la France déploie pour aider ceux qui en ont le plus besoin, pour accompagner les entrepreneurs, pour accélérer la transition écologique. Mais il faut que ces aides soient correctement versées et il n’est pas tolérable qu’elles puissent être indûment perçues.
Le groupe EPR votera évidemment en faveur des dispositions de la proposition de loi car elle renforce notre contrat social et permet d’avancer sur un chantier important pour le bon fonctionnement de l’État et nos finances publiques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot
Une question nous taraude : n’êtes-vous élus, collègues macronistes, que pour pourrir la vie des Français ? Pour que tout le monde comprenne ce qui se joue dans cette assemblée, il faut rappeler que nous sommes en train d’examiner les propositions de loi que le groupe macroniste a décidé d’inscrire à l’ordre du jour. Nous discutons donc de textes que les députés qui soutiennent le gouvernement Bayrou et le président Macron considèrent comme leurs priorités absolues.
Vous auriez pu décider qu’il était urgent de voter une loi contre la vie chère, au moment où l’explosion des prix pousse des millions de familles à devoir faire des choix impossibles entre se chauffer, manger ou acheter des vêtements. Vous auriez pu proposer un texte sur les services publics, qui ferment les uns après les autres alors que les gens doivent faire des dizaines de kilomètres pour trouver un bureau de poste, un médecin, une maternité ou une gare. Vous auriez pu penser qu’il fallait sans attendre augmenter les salaires, les pensions des retraités et le point d’indice des fonctionnaires, alors que jamais la pauvreté n’a autant défiguré le pays.
Mais non ! Quand les plus riches de ce pays s’enrichissent trois fois plus vite que l’année précédente tandis que le scorbut réapparaît chez les enfants, vous ne mouftez pas. Quand, à coups de mensonges et de millions, l’extrême droite avance ses pions, que ce soit sur le terrain du racisme ou sur celui du refus de l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle des élèves, vous baissez la tête et reprenez ses mots par la voix du ministre Retailleau.
Quand des multinationales licencient des dizaines de milliers de salariés alors qu’elles se gavent depuis des années d’aides publiques et qu’elles reversent des milliards à leurs actionnaires, vous acquiescez.
Par contre, lorsque vous avez la possibilité de faire un mauvais coup, vous y allez sans fébrilité ! Ce qui se passe aujourd’hui en est un bon exemple. Vous avez choisi comme thème du premier texte de toute la législature laissé à votre initiative l’autorisation de l’épandage aérien de pesticides par drone. La Macronie radicalisée se fait la gardienne de l’agrochimie qui détruit l’environnement comme la biodiversité et empoisonne les agriculteurs.
Et vous voulez maintenant nous faire adopter sans tarder une loi contre les fraudes. Mais attention ! pas la fraude fiscale – Mme la ministre l’a d’ailleurs rappelé –, qui coûte pourtant au pays près de 100 milliards d’euros par an, soit dix à vingt fois plus que la fraude sociale, selon les estimations de la Cour des comptes. Silence aussi sur l’immense gaspillage d’argent public, avec les 200 milliards versés aux très grandes entreprises sans aucune contrepartie sociale ou environnementale !
M. Jean-François Coulomme
On vous voit !
Mme Mathilde Panot
Pas un mot sur les patrons voyous, comme ceux de Michelin, qui a touché 65 millions de CICE depuis 2013 et 42 millions de CIR par an, qui a versé 1,4 milliard de dividendes à ses actionnaires en 2024 mais qui annonce la suppression de 1 250 emplois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ou comme ceux d’Auchan, qui a touché 500 millions de CICE, qui a versé 1 milliard d’euros de dividendes depuis 2021 mais qui supprime 2 900 emplois !
Cela ne vous intéresse pas car ce qui vous motive, sous couvert de lutte contre la fraude, c’est la chasse aux pauvres. Madame la ministre, puisque vous dites que les prestations sociales ne sont pas concernées par ces dispositions, sans doute soutiendrez-vous l’amendement que nous avons déposé afin de les en exclure expressément. (Mêmes mouvements.) En effet, nous considérons que la rédaction actuelle du texte inclut les prestations sociales dans son champ. Pouvoir suspendre pour trois mois le versement de l’APL à une famille précaire sur un simple soupçon, voilà votre volonté !
M. Jean-François Coulomme
Quelle honte !
Mme Mathilde Panot
Cela ne nous surprend pas de votre part puisque, élue sur ces bancs à l’époque, vous avez dit en 2017 : « Nous avons fait notre boulot de députés : il n’y a plus d’impôt de solidarité sur la fortune. »
Votre choix est d’ailleurs applaudi par le Rassemblement national, qui saluait encore à l’instant une proposition de loi tout droit tirée de son programme. Le bloc bourgeois et l’extrême droite sont toujours main dans la main contre le peuple. (Mêmes mouvements.)
Qui prétendez-vous donc représenter dans cet hémicycle ? Ne recevez-vous jamais dans vos permanences ces mères de famille monoparentale qui doivent, seules, élever leurs enfants et travailler pour subvenir à leurs besoins, et qui peuvent perdre pied d’un mois à l’autre si, après avoir manqué de rembourser un trop-perçu, leur allocation est suspendue ? Ou ces personnes en situation de handicap, bloquées dans des trappes à pauvreté, qui sont la cible de l’algorithme discriminatoire de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) ? Ou ces travailleurs âgés qui ne peuvent pas se permettre de partir à la retraite parce que leur pension trop miséreuse ne leur permettrait pas de survivre ? Une date d’échéance ratée, un document égaré, un mot de passe oublié peut leur valoir le plongeon.
Qui prétendez-vous représenter dans cet hémicycle ?
Une députée du groupe LFI-NFP
Les riches !
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Non, les électeurs !
Mme Mathilde Panot
Vous prétendez ne pas vouloir différencier les fraudes selon leurs auteurs, mais vous livrez les plus vulnérables au risque de l’arbitraire. Vous n’allouez aucun moyen à la lutte contre la fraude de ceux qui ont les ressources nécessaires pour s’organiser méthodiquement afin de la commettre. Vous ne défendez que les intérêts des riches. Nous, insoumis, luttons et continuerons à lutter pour la dignité et la justice fiscale. Nous nous en tiendrons toujours aux mots du poète espagnol Federico Garcia Lorca : nous sommes les partisans des pauvres, « ceux qui n’ont rien et à qui on refuse jusqu’à la tranquillité de ce rien ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan
Tout d’abord, permettez-moi d’excuser ma collègue Marie-Noëlle Battistel, qui a participé aux travaux en commission mais qui est retenue dans sa circonscription.
Les débats législatifs consacrés à la lutte contre la fraude sont rarement l’occasion de grands moments d’unanimité – non parce qu’une partie de l’hémicycle douterait de la nécessité de combattre ladite fraude, mais parce que nos priorités en la matière divergent. Pour les droites, il faut d’abord s’attaquer à la fraude sociale – sous réserve qu’on parvienne à la définir avec précision ; pour les groupes membres du Nouveau Front populaire, c’est la fraude fiscale qui est la priorité. Ce débat, vous aimez souvent le tronquer, en oubliant que la fraude fiscale coûte cinq fois plus cher aux comptes publics que la fraude sociale et que, comme le souligne le Haut Conseil du financement de la protection sociale, 56 % de la fraude sociale est le fait des entreprises – majoritairement pour ce qui concerne le versement des cotisations sociales.
Dans la présente proposition de loi, vous vous êtes, monsieur le rapporteur, concentré sur la fraude aux aides publiques, notamment en matière énergétique ; c’est heureux. Dans nos permanences, on ne compte plus les administrés qui nous signalent des harcèlements téléphoniques pour changer leurs fenêtres ou isoler leurs combles, des travaux de rénovation qui ne sont pas à la hauteur de leurs attentes ou des difficultés à trouver un entrepreneur de confiance éligible aux financements publics.
En commission, le groupe Socialistes et apparentés s’est placé dans une position constructive afin de clarifier et de mieux encadrer les dispositifs que vous proposiez. C’est ainsi que nous avons précisé la gravité des indices de fraude pouvant justifier la suspension du versement des aides. Les délais de paiement étant déjà trop longs, il convient en effet de préserver les bénéficiaires de procédures abusives. Notre groupe a ainsi été interpellé à l’automne par un couple qui, parce qu’il avait effectué la rénovation énergétique globale d’une résidence secondaire où il entendait passer sa retraite, a été frappé d’un contrôle qui l’a privé pendant près de six mois de 18 000 euros de subventions. Tous les ménages ne peuvent assumer une telle charge financière aussi longtemps. Avant d’engager une procédure, il faut faire preuve de discernement et disposer d’indices sérieux.
À cet égard, nous regrettons que vous n’ayez pas retenu, en commission, notre proposition de placer sous le contrôle du juge les procédures simplifiées d’échange d’informations entre administrations. En la matière, la jurisprudence de la Cour de cassation est pourtant constante : les atteintes à la vie privée doivent être dûment proportionnées ; à défaut, de nombreuses procédures pourraient être cassées. Seul le juge peut assurer ce contrôle.
Nous avons en outre dénoncé le III de l’article 2 relatif à la fraude aux prestations sociales. Cette mesure mal pensée et mal écrite vient ternir un texte qui aurait pu largement nous rassembler. Il semblerait que vous l’ayez compris, puisque vous présenterez tout à l’heure un amendement de compromis qui vise à limiter le dispositif à la seule fraude documentaire, concernant l’identité. Nous aurions préféré que la mesure soit supprimée, mais vu les équilibres dans l’hémicycle, cette proposition est un moindre mal.
Je souhaite également, comme d’autres collègues, vous alerter sur les dispositions de l’article 3 ter tel qu’il résulte des débats en commission. Nous adhérons pleinement à la volonté d’encadrer la sous-traitance afin de lutter contre son usage en cascade. Je note que nous avons fait adopter un amendement similaire dans le projet de loi d’urgence pour Mayotte la semaine dernière, alors que le gouvernement y était défavorable. C’est un serpent de mer de la commission des affaires économiques ; nous devons aboutir.
Cette disposition est adossée à une autre, qui est relative au label RGE et qui soulève elle aussi des difficultés. En effet, elle risque d’empêcher certaines sociétés, comme de grandes enseignes, de proposer des offres globales incluant accompagnement technique et administratif et bouquet de travaux éligibles aux aides financières de l’Anah. Notre groupe a toujours soutenu que la labellisation RGE était nécessaire pour s’assurer de la bonne réalisation des travaux de rénovation énergétique. Si l’amendement que vous avez déposé était adopté, monsieur le rapporteur, les artisans et les PME se trouveraient une fois de plus confrontés à la rude concurrence des réseaux constitués par les grandes enseignes. Il convient d’améliorer le texte afin d’apporter la garantie que les travaux seront vertueux et de préserver les artisans et les PME éloignés des grandes enseignes mais soumis à leur concurrence du fait de la sous-traitance – nous aurons l’occasion d’en reparler au cours du débat.
Sous ces réserves et en fonction des débats, le groupe Socialistes et apparentés pourrait voter en faveur de la proposition de loi ou s’abstenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Dive.
M. Julien Dive
Qui, sur ces bancs, n’a jamais reçu dans sa permanence une habitante ou un habitant venu, avec désarroi, lui présenter sa mésaventure : une entreprise l’a démarché, lui a vendu une chaudière ou une isolation qui ne devait rien lui coûter grâce aux aides de l’État et, une fois qu’il a payé le prix fort, il n’a eu aucune nouvelle de ces aides, ni de l’entreprise ? Qui n’a pas vu passer dans des vidéos postées sur les réseaux sociaux des offres ultra-alléchantes pour des panneaux photovoltaïques proposées par des entreprises inconnues jusqu’alors ? La semaine dernière, le boulanger de Fontaine-Notre-Dame, petit village de ma circonscription, est venu me raconter qu’il se retrouvait avec une chaudière neuve, aucune aide publique, aucune chaleur – l’outil étant défectueux – et… aucune nouvelle de l’entreprise ! Voilà contre quoi la présente proposition de loi doit nous permettre de lutter.
La lutte contre toutes les formes de fraude est essentielle si l’on veut préserver l’équilibre et la cohésion de notre contrat social. Chaque fraude compromet les principes de solidarité et d’équité qui fondent notre système, mettant en péril les ressources allouées à ceux qui en ont réellement besoin et fragilisant la confiance des citoyens dans nos institutions.
Nous devons garantir que chaque euro dépensé par l’État est bien investi. Le constat est alarmant : selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale, la fraude sociale s’élevait à 13 milliards d’euros en 2024 ; la Cour des comptes estime pour sa part que la fraude fiscale réelle se chiffrerait en 2023 à entre 30 milliards et 100 milliards.
Si la proposition de loi souhaite s’attaquer à la fraude de manière générale, elle vise aussi de manière spécifique certaines aides publiques.
Lutter contre toutes les formes de fraude aux aides publiques est un combat que nous partageons. Nous devons le mener ensemble avec fermeté.
Le texte que vous nous présentez apporte des solutions concrètes. Nous le saluons. Ainsi, la possibilité de suspendre temporairement les aides en cas de soupçon de fraude est une mesure logique et une avancée. Elle permettra aux autorités compétentes de sécuriser les finances publiques le temps de l’enquête. La commission des affaires économiques a précisé la nature des indices pouvant justifier une suspension de l’aide, ce qui est bienvenu.
Le texte apporte également une réponse adaptée aux dérives massives dont font l’objet des dispositifs tels que MaPrimRénov’, pour lequel Tracfin a révélé 400 millions d’euros de mouvement financiers suspects en 2023, soit 10 % de son budget. Les fraudeurs utilisent des informations personnelles pour demander des aides dont les victimes ne bénéficient jamais. Il est urgent d’installer des garde-fous.
Le groupe Droite républicaine se réjouit de l’adoption en commission d’un régime général d’interdiction du démarchage téléphonique commercial non consenti. Une telle mesure avait d’ailleurs été adoptée en novembre dernier par le Sénat dans le cadre d’une proposition de loi présentée par le sénateur de l’Aisne Pierre-Jean Verzelen. Elle était défendue depuis de nombreuses années par notre collègue Pierre Cordier.
M. Xavier Breton
Tout à fait !
M. Julien Dive
En ce qui concerne, en particulier, les travaux d’adaptation du logement au handicap et à la vieillesse, il s’agit d’un combat que nous sommes plusieurs à mener depuis des années. Cette mesure est essentielle pour protéger les personnes vulnérables contre les pressions abusives et leur garantir un accès équitable aux aides auxquelles elles ont droit.
Enfin, l’encadrement des certificats d’économie d’énergie est un atout majeur du texte. En 2023, la fraude aux C2E avait atteint la somme de 480 millions d’euros, pour un dispositif dont la valorisation financière est de 6 milliards d’euros. En limitant l’accès à la création de comptes à haut risque et en prévoyant des sanctions dès les premières étapes de la demande, on adopte une approche efficace pour lutter contre la fraude dans ce domaine.
D’après les premières estimations, ces mesures devraient permettre aux finances publiques de récupérer entre 700 millions et 1,6 milliard d’euros – une somme importante dans le contexte économique actuel. Lutter efficacement contre ces fraudes permettra de rétablir l’équité entre les acteurs économiques, de préserver l’intégrité des mécanismes de soutien public et, in fine, de favoriser une croissance économique saine et durable. C’est un enjeu crucial pour maintenir la compétitivité de nos entreprises et assurer la pérennité de notre tissu économique national.
Si d’autres types de fraudes, comme celles liées au compte personnel de formation, le CPF, devront être traitées à l’avenir, dans l’immédiat, cette proposition de loi constitue une avancée décisive. C’est pourquoi le groupe Droite républicaine votera en sa faveur. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR.)
M. Xavier Breton
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
Ça suffit, les profiteurs, les arnaqueurs, les fraudeurs, les harceleurs au domicile, au téléphone, les abuseurs qui font les poches des personnes modestes, en particulier dans les territoires ruraux, les saboteurs des politiques publiques de rénovation énergétique visant à adapter les logements au grand âge, les imposteurs qui se font passer pour des mutuelles, pour des organismes d’État, pour des caisses de retraite ou d’assurance maladie, les fantômes de prétendues entreprises qui disparaissent sans laisser d’adresse, les sous-traitants en cascade des énergéticiens ou encore les complices de banques et d’organismes de crédit peu scrupuleux qui ne respectent pas le début du commencement des règles de la souscription d’un contrat ou d’un crédit, à commencer par le droit de rétractation ! Il est grand temps de faire le ménage.
Nous, écologistes, menons depuis des années ce combat contre le far west des tromperies et des pratiques commerciales abusives, contre cette maladie qui va de pair avec la société de surconsommation, aux côtés des associations de consommateurs, en particulier de l’UFC-Que Choisir, et des vrais artisans de la rénovation énergétique et des énergies renouvelables – souvent dans l’indifférence générale.
En 2024, 15 % des citoyennes et des citoyens ont subi une arnaque et 42 % n’ont pas été remboursés du préjudice. En décembre, la gendarmerie a démantelé une vaste escroquerie à MaPrimRénov’, qui a coûté 27 millions d’euros à l’État et fait 386 victimes, lesquelles n’ont aucun recours pour se faire rembourser. Pour la seule année 2023, Tracfin a signalé 400 millions d’euros de suspicion de fraude à MaPrimeRénov’. La fraude aux certificats d’économies d’énergie est estimée quant à elle à 480 millions d’euros. C’est considérable. En ces temps de disette budgétaire, la lutte contre la fraude est bien sûr un enjeu pour les finances publiques, mais c’est aussi et surtout un enjeu de protection des citoyennes et des citoyens et un enjeu écologique.
Comment se fait-il que la délinquance organisée, qui cible depuis des années nombre de dispositifs d’aides écologiques de l’État, bénéficie d’une telle impunité, d’un tel laxisme ? Aucune autre politique publique n’a subi autant ses méfaits.
Au préjudice financier s’ajoute donc un préjudice moral qui porte atteinte à l’image des entreprises sérieuses du secteur et à la mobilisation du pays tout entier pour les économies d’énergie, pour l’isolation des logements, pour la sobriété, pour l’autoconsommation des énergies renouvelables. Toutes ces arnaques minent la confiance des citoyennes et des citoyens.
Le groupe Écologiste et social considère donc que la présente proposition de loi est bienvenue. En réalité, certaines de ses dispositions sont attendues depuis longtemps.
En commission, nous avons fait adopter deux amendements. Le premier étend aux organismes de certification et de labellisation des professionnels de la transition énergétique l’obligation de communiquer les informations qu’ils détiennent et qui pourraient être utiles aux administrations chargées de la répression de la fraude aux aides publiques. Le second consacre l’interdiction du démarchage téléphonique, sauf consentement exprès ou dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours. Il reprend le dispositif que nous proposons à l’Assemblée nationale depuis des années et qui a été adopté à l’unanimité au Sénat.
Chers collègues, il est temps de protéger les citoyennes et les citoyens du harcèlement moral du consumérisme, qui empoisonne la vie quotidienne par une invasion incessante d’appels, à la maison ou sur les téléphones portables, appels qui sont bien souvent le vecteur d’arnaques ou de fraudes que ce texte veut combattre. Ce sera une grande avancée si l’Assemblée nationale confirme son adoption aujourd’hui.
Nous espérons que le débat sera aussi constructif qu’en commission. Nous proposons d’améliorer le texte par voie d’amendement, en particulier sur un point qui nous paraît très important, à savoir la publicité des méfaits : nous souhaitons que la liste des entreprises sanctionnées pour fraude soit mise en ligne sur les sites de l’Anah, de France Rénov’ et de MaPrimeRénov’.
Nous savons que ce texte ne résoudra pas tout. La créativité des fraudeurs est hélas sans limite. Néanmoins, il apporte des dispositions utiles pour déjouer de nombreuses techniques de fraudes. Son efficacité dépendra surtout des moyens concrets dont seront dotés les services de l’État pour l’appliquer, en particulier des moyens de la DGCCRF.
Le vote du groupe Écologiste et social dépendra de la façon dont se déroulera le débat et des réponses qui seront apportées à nos amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Emmanuel Maurel applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Mette.
Mme Sophie Mette
Le texte que nous sommes appelés à examiner aujourd’hui vise à renforcer la lutte contre la fraude. Il s’agit d’un enjeu central pour notre pays, parce qu’il touche à des dimensions clés : l’économie, la justice sociale et la confiance des citoyens envers les institutions.
Depuis 2017, de nombreuses mesures sont venues renforcer la lutte contre la fraude, qu’elle soit sociale, fiscale ou douanière. Je pense notamment à la loi de 2018 relative à la lutte contre la fraude, au plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques, lancé en mai 2023, lequel prévoit d’ici à 2027 un renforcement inédit des moyens humains et budgétaires alloués à la lutte contre la fraude, au projet de loi visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces, mais aussi aux dispositions contenues dans le projet de loi de finances pour 2024.
Ces mesures ont produit des résultats notables. En 2023, les recouvrements du fisc ont atteint un record historique – 15,2 milliards d’euros, soit 600 millions de plus qu’en 2022 et 3,5 milliards de plus qu’en 2019. Ces chiffres sont la preuve que nous avançons dans la bonne direction.
Il reste cependant des angles morts, notamment en ce qui concerne les fraudes aux aides publiques. Ces aides, qui sont l’un des piliers de notre pacte social, soutiennent les plus vulnérables, encouragent la transition écologique et accompagnent les initiatives économiques. Mais lorsqu’elles sont détournées de leur usage initial, c’est tout le tissu social et économique qui est fragilisé. Plusieurs indicateurs pointent un risque de détournement d’argent public, ces dispositifs suscitant l’intérêt croissant d’entrepreneurs malhonnêtes qui mettent en place des schémas de fraude souvent très complexes.
Selon Tracfin, le mésusage du dispositif MaPrimeRénov’ aurait permis de détourner 400 millions d’euros au cours de la seule année 2023 – une somme significative au regard du budget global alloué au dispositif, qui s’élevait à environ 2,5 milliards en 2024. Le préjudice occasionné par la fraude aux certificats d’économie d’énergie s’élèverait à 480 millions.
Il est donc urgent d’agir – c’est tout l’objet de cette proposition de loi. Au-delà de l’octroi de moyens supplémentaires, le texte comble les lacunes du cadre législatif. Il introduit des mesures pragmatiques pour disposer d’un cadre juridique sécurisant et efficace, permettant de lutter activement contre les fraudes aux aides publiques.
L’article 1er introduit dans le droit la possibilité de suspendre temporairement le versement des aides en cas de suspicion de fraude, ce qui permettra aux organismes concernés de réagir plus rapidement. L’article 2 renforce l’échange d’informations entre les administrations afin d’améliorer la détection et le suivi des fraudeurs. Enfin, les articles 3 et 4 contiennent des mesures spécifiques pour lutter contre la fraude au dispositif MaPrimeRénov’ et aux certificats d’économie d’énergie : ils donnent le droit aux enquêteurs de la DGCCRF de suspendre ou de retirer le label RGE aux entreprises en cas d’anomalies graves constatées lors des contrôles et en limitant la création des comptes visant à enregistrer les certificats d’économie d’énergie lorsqu’il existe un risque important de fraude en raison de l’origine du compte ou des schémas employés.
Ces dispositifs ont été enrichis en commission des affaires économiques par des amendements tendant à les sécuriser, tandis que d’autres amendements ont permis de compléter le texte par l’ajout de nouvelles mesures pour lutter contre la fraude. Je pense notamment à l’introduction, sur une proposition du groupe Les Démocrates, d’un plafond au versement des acomptes en cas de travaux de rénovation énergétique, plafond qui sera fixé par décret. Pour les consommateurs, cela contribuera à limiter les risques de travaux non réalisés.
Il nous semble toutefois que certaines évolutions adoptées en commission n’ont pas leur place dans ce texte. C’est le cas de l’interdiction du démarchage téléphonique commercial non consenti. S’il est nécessaire de mettre en place un système d’opt-in généralisé, comme l’ont montré les travaux menés par la députée Louise Morel, il serait préférable de le faire dans un texte spécifique pour bien calibrer ce changement de paradigme. La proposition de loi adoptée à l’unanimité au Sénat en novembre dernier nous semble être le bon véhicule législatif.
Le groupe Les Démocrates votera ce texte qui permet de lutter contre la fraude aux aides publiques, laquelle constitue pour l’instant un angle mort de la lutte contre les fraudes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Lam.
M. Thomas Lam
La fraude, qu’elle soit sociale, fiscale ou aux subventions, menace gravement notre système social et fiscal, ainsi que la confiance que nos concitoyens placent dans les institutions. Au-delà de son impact sur les finances publiques, elle porte atteinte à l’équité et à la solidarité, socle de notre pacte républicain et de notre système contributif.
Notre système fiscal repose, en effet, sur le principe d’une contribution juste et équitable. Or, quand les règles sont contournées, ce sont ceux qui respectent leurs obligations qui ressentent le poids de l’injustice. Il nous faut donc lutter pour que chaque euro d’argent public soit utilisé à bon escient. Dans un contexte de contrainte budgétaire, nous ne pouvons plus nous permettre de perdre chaque année, du fait des détournements, plusieurs centaines de millions d’euros, voire plusieurs milliards, selon les chiffres de M. le rapporteur, alors que nous avons tant à financer.
La présente proposition de loi constitue un texte ambitieux, qui fournit un arsenal juridique pertinent et proportionné afin de lutter contre la fraude aux aides publiques sous toutes ses formes. La suspension temporaire du versement des aides publiques en cas de suspicion de fraude, prévue par l’article 1er, est une avancée majeure : trop d’organismes hésitent encore à agir rapidement alors qu’ils disposent d’indices clairs et sérieux. Ce cadre légal leur donnera les outils nécessaires pour protéger les finances publiques tout en respectant le principe du contradictoire.
De la même manière, le renforcement du partage d’information entre l’administration et les organismes qui versent les aides est indispensable pour identifier rapidement les schémas de fraude.
Le groupe Horizons & indépendants salue par ailleurs les mesures visant à lutter spécifiquement contre la fraude à la rénovation énergétique. Les aides allouées par l’État dans ce domaine, en premier lieu MaPrimeRénov’, attirent en effet de très nombreux opérateurs opportunistes, dont les pratiques contestables portent préjudice tant aux consommateurs qu’à la puissance publique. Le secteur totalise un volume important de plaintes pour démarchage agressif, pratiques commerciales trompeuses, promesses d’économies d’énergie trompeuses et usurpation du label RGE. En 2023, 50 % des établissements contrôlés par la DGCCRF présentaient des irrégularités. Les dispositions du texte permettront d’éviter que des entreprises non qualifiées continuent de profiter du système au détriment des bénéficiaires légitimes.
Si le groupe Horizons & indépendants salue la plupart des améliorations apportées en commission, qui renforcent l’efficacité et la portée du texte, nous regrettons l’adoption de certains amendements qui affaiblissent la proposition initiale et réduisent la protection des consommateurs contre les abus.
Lutter contre la fraude, c’est protéger ce qui nous unit – les ressources publiques, la justice fiscale et la cohésion sociale. Attaché à une république juste, solidaire et responsable, ainsi qu’à une gestion publique exemplaire et respectueuse des efforts consentis par les contribuables, le groupe Horizons & indépendants votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. David Taupiac.
M. David Taupiac
En matière d’aides publiques, la ligne de crête est toujours difficile à tenir. Les dispositifs doivent être suffisamment accessibles pour bénéficier à qui de droit, mais encadrés pour éviter les détournements et les fraudes. Force est de reconnaître que nous ne sommes pas encore parvenus à cet équilibre. Nos concitoyens et les entreprises continuent de réclamer, à juste titre, plus de simplification. Les arnaques aux aides publiques sont de plus en plus nombreuses. Les fraudes au certificat d’économie d’énergie, au dispositif MaPrimeRénov’ et au compte personnel de formation sont légion. Certains se sont spécialisés dans la création d’entreprises fantômes n’ayant d’autre but que de détourner des fonds publics, avec une efficacité redoutable.
Ce qui est insupportable en temps normal devient intolérable dans le contexte actuel de restrictions budgétaires. Cette proposition de loi intervient donc à point nommé pour renforcer l’arsenal législatif et donner aux administrations publiques des moyens adéquats afin de lutter contre la fraude. Pour ce faire, le texte acte un principe : la suspension des versements en cas de suspicion de fraude. En commission, nous nous sommes inquiétés du champ d’application de cette mesure ; appliquée aux prestations sociales, elle aurait fait courir un risque de précarisation des plus pauvres. Les débats ont permis de clarifier ce point : les prestations sociales ne pourront pas être suspendues à titre préventif – nous voilà rassurés. S’agissant des autres aides publiques, le dispositif nous paraît équilibré et légitime. La suspension des aides permettra d’éviter que se pérennisent des détournements massifs, que l’administration suspecte mais sur lesquels elle n’a pour l’heure pas de prise.
La levée du secret entre les administrations donnera lieu à une meilleure circulation de l’information, d’autant que les organismes de certification et de labellisation des professionnels de la transition énergétique auront l’obligation de communiquer les informations qui pourraient être utiles aux administrations chargées de la répression de la fraude aux aides publiques. Il nous faut encore cheminer pour parvenir à un encadrement équilibré du secteur de la rénovation énergétique. Le texte encadre la sous-traitance aux entreprises qui, n’ayant pas reçu le label RGE, fournissent un travail dont la qualité n’est pas assurée. Il permet également aux enquêteurs de la DGCCRF de suspendre ou de retirer le label RGE en cas d’anomalies graves constatées lors d’un contrôle – autant de mesures de bon sens permettant de garantir la qualité des travaux.
Grâce à un amendement identique à un autre déposé par le groupe LIOT, la sous-traitance a été limitée à deux rangs dans le secteur du bâtiment, ce qui permettra d’éviter le phénomène de sous-traitance en cascade et les fraudes afférentes. Interdiction est faite à une entreprise qui n’a pas reçu la certification RGE de sous-traiter des travaux dans le cadre de rénovations énergétiques aidées par l’État, notamment par le biais du dispositif MaPrimeRénov’. L’objectif de cette interdiction est de lutter contre la multiplication de sociétés commerciales frauduleuses dont les activités se réduisent au démarchage agressif des clients, puis à l’utilisation de la sous-traitance en cascade pour la réalisation des travaux. Il faut reconnaître que cette disposition empêche également certains grands acteurs de mener une activité de conseil en rénovation énergétique.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Oui !
M. David Taupiac
Un travail législatif reste donc à mener pour distinguer les opérateurs malhonnêtes des grands acteurs des secteurs qui jouent un rôle important dans la massification des travaux.
Nous sommes favorables à l’interdiction du démarchage téléphonique, par courrier ou sur les réseaux sociaux pour les travaux d’économie d’énergie, de production d’énergie renouvelable ou d’adaptation du logement au handicap et à la vieillesse. Pour garantir l’effectivité de ces dispositions, il faudra cependant contrôler suffisamment.
L’encadrement de l’ouverture des comptes visant à enregistrer les certificats d’économie d’énergie limitera la création par un seul et même acteur d’une myriade d’entreprises fictives, mais n’empêchera pas la création d’un compte frauduleux.
Vous l’aurez compris : nous sommes favorables à cette proposition de loi qui permettra de lutter contre les fraudes aux aides publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Maurel.
M. Emmanuel Maurel
Rien ne mine davantage le principe de consentement à l’impôt que la persistance de la fraude fiscale ; rien n’affaiblit davantage la crédibilité de l’action publique que ces arnaques, ces escroqueries, ces détournements d’aides qui – c’est important de le rappeler – touchent avant tout nos concitoyens les plus vulnérables. Il s’agit certes d’un texte qui n’est ni décisif, ni prioritaire – il y a même quelque hypocrisie, madame la ministre, à parler de rénovation énergétique quand on baisse le budget qui lui est affecté. Certaines propositions vont cependant dans le bon sens pour le consommateur, et c’est la raison pour laquelle, lors du débat en commission des affaires économiques, le groupe GDR a considéré que ce texte constituait une certaine avancée.
Pour lutter contre la fraude, nous avons besoin non seulement de dispositions législatives, mais surtout d’un renforcement des moyens humains, d’un personnel mieux formé et mieux réparti. Le manque à gagner lié à la fraude représente plusieurs dizaines de milliards d’euros par an – environ 15 milliards pour la fraude aux cotisations sociales, entre 30 et 100 milliards pour la fraude fiscale.
À la lecture du rapport d’information de l’Assemblée nationale du 6 juin 2024, on ne peut que déplorer la chute des effectifs affectés au contrôle fiscal ces quinze dernières années. Je rappelle qu’entre 2010 et 2024, près de 4 000 équivalents temps plein (ETP) ont été supprimés. Or, si nous avions plus de personnels, nous obtiendrions de meilleurs résultats. En effet, contrairement à ce qu’ont affirmé certains collègues, malgré la loi de 2018 relative à la lutte contre la fraude et le plan anti-fraude de 2023, les sommes recouvrées étaient en très relative augmentation au cours des deux dernières années et, sur la longue durée, monsieur Cazenave, ce n’est pas le cas. Il faut donc, j’y insiste, renforcer les personnels qui contrôlent les fraudes, notamment les fraudes fiscales.
L’adaptation de la législation est nécessaire, d’abord parce que, face à nos concitoyens, se développent des organisations de plus en plus structurées, qui exploitent toutes les failles dans le déploiement, l’instruction et la mise en œuvre de nos dispositifs. De ce point de vue, le texte va dans le bon sens. Il faut améliorer la détection des agissements suspects et, surtout, bloquer les décaissements. Comme cela a été rappelé en commission, il est très difficile, voire impossible, de récupérer l’argent après qu’il a été réceptionné par les fraudeurs. La seule solution reste donc d’agir en amont, grâce à un dispositif à la fois efficace et protecteur des bénéficiaires de bonne foi.
Nous devons cet effort aux contribuables, fondés à demander des comptes à l’administration sur la façon dont elle utilise leur argent. Or le fait qu’elle ne parvienne pas à empêcher les réseaux d’escrocs, voire des organisations criminelles, de prospérer en volant l’argent des Français est un dysfonctionnement d’autant plus intolérable qu’il sape l’autorité de l’État.
Cet effort, comme l’a souligné Mme Batho, nous le devons également aux professionnels, aux entreprises et aux artisans qui font leur boulot correctement, qui respectent la loi et qui voient parfois leur réputation entachée par la récurrence de la fraude commise par certains de leurs concurrents malhonnêtes et souvent incompétents.
Le texte de la commission permet d’avancer sur plusieurs points. Je pense d’abord à l’échange d’informations entre Tracfin et les administrations et les agences qui appliquent les dispositifs, ensuite à ce qui est au cœur de la proposition de loi, que je trouve en cela très opportune, à savoir le renforcement de l’arsenal législatif et administratif pour lutter contre les fraudes aux aides écologiques. Je rappelle les chiffres : 400 millions d’euros de mouvements suspects ont été détectés concernant MaPrimeRénov’ en 2023 ; 480 millions sur les certificats d’économie d’énergie. Cela pénalise des milliers de ménages qui, après un coûteux investissement, sont floués par des escrocs.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Exactement !
M. Emmanuel Maurel
Voilà qui porte atteinte à l’efficacité des politiques publiques en faveur de la transition écologique.
J’espère que nos débats enrichiront le texte, en particulier sur deux points essentiels : la limitation du recours à la sous-traitance et, surtout, la lutte contre le démarchage sauvage – combat louable qui mérite d’être mené –, qui pourrit la vie des gens et met en danger les plus vulnérables.
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR estime que le texte va dans la bonne direction.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Merci.
M. Jean-Paul Lecoq
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
La fraude est une plaie à vif qui gangrène les finances publiques et ronge les fondements mêmes de la solidarité nationale. Elle est l’équivalent d’une hémorragie économique : 30 milliards d’euros par an s’échappent silencieusement, notre maison commune s’en trouvant d’autant plus affaiblie. Ces chiffres colossaux nous sont révélés par Charles Prats, ancien magistrat, connu pour ses travaux sur la lutte contre la fraude, chiffres qui traduisent une défaillance structurelle dont résulte un état d’urgence auquel nous devons répondre avec force.
Depuis 1974 et la fin des Trente Glorieuses, l’État a glissé vers une logique de gestion d’urgence et a adopté un rôle d’assistante sociale face aux fluctuations macro-économiques qu’il ne sait plus anticiper. Au lieu de construire une protection sociale stratégique, grâce à laquelle prévoir, accompagner, responsabiliser, nous avons sombré dans une distribution aveugle de milliards.
La présente proposition de loi marque une étape nécessaire. Elle vise notamment à suspendre les aides en cas de fraude suspectée, permettant de la sorte non seulement d’agir à la source pour arrêter immédiatement l’hémorragie des fonds publics, mais aussi d’améliorer une coordination des administrations indispensable à l’efficacité de la lutte contre les abus organisés. Ce n’est certes pas une révolution, mais un simple pansement sur une hémorragie systémique – reste que l’inaction est pire encore.
Le texte va par conséquent dans le bon sens. Mais pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Si vous voulez vraiment lutter contre la fraude, arrêtez de créer des aides qui en sont la source. Prenons MaPrimeRénov’, mentionnée dans l’exposé des motifs : elle est un véritable aimant à fraude ; elle alimente même des réseaux de détournement bien rodés. La solution ? Supprimez ce dispositif et les fraudes disparaîtront, comme par magie. (M. Emmanuel Duplessy s’exclame.)
M. Hervé Saulignac
Très subtil !
M. Gérault Verny
C’est la même chose pour tous ces dispositifs : chaque nouvelle aide, c’est une nouvelle administration, des commissions, des fonctionnaires et, bien sûr, une montagne de fraude en prime. Simplifiez, supprimez les niches, supprimez les fraudes et, au passage, économisez tout ce que cela coûte ! Car l’inaction revient à laisser prospérer des comportements qui relèvent de l’escroquerie, de la délinquance, voire de la criminalité organisée.
Les chiffres sont accablants : la France recense 75 millions de numéros de sécurité sociale pour une population de 67 millions d’habitants, soit 8 millions d’identités surnuméraires. Ces identités fantômes sont les masques derrière lesquels se cachent des réseaux organisés, des criminels qui pillent la sécurité sociale comme on dévalise une banque.
Parlons de la fraude liée à l’immigration, un sujet qui fait grincer des dents mais qui ne peut être occulté. Des individus résidant à l’étranger perçoivent des allocations comme s’ils vivaient en France.
M. Antoine Léaument
C’est la droite qui fraude !
M. Gérault Verny
Résultat : 2,5 millions de personnes bénéficient à tort de notre système de santé. Ces fraudes à la résidence ne sont pas des anomalies : elles sont systématiques. C’est un trou noir budgétaire, une saignée à colmater de toute urgence.
Prenons un exemple éloquent. Une seule famille roumaine a réussi à créer 1 200 identités fictives, détournant 1,7 million d’euros – une somme ainsi évaporée à cause d’un simple stratagème. Cette machine industrielle exploite chaque faille, chaque faiblesse de notre système.
Face à cette réalité glaçante, nous devons être fermes. Nous ne pouvons plus nous contenter de demi-mesures. La présente proposition de loi est un pas, je l’ai dit, mais un pas trop timide : nous devons aller plus loin et plus vite.
Il faut d’abord mettre en place une certification biométrique, chaque numéro de sécurité sociale devant être associé à une identité réelle et vérifiée. Plus de masques, plus de fantômes ! Il faut ensuite assurer un contrôle renforcé des résidences, toute aide devant être conditionnée à une preuve tangible de résidence stable. Il faut enfin oser infliger des sanctions exemplaires, les fraudeurs devant comprendre que la France n’est pas une terre d’impunité : confiscations, poursuite et démantèlement des réseaux, c’est une question de justice car chaque euro fraudé est un euro volé à nos hôpitaux, à nos écoles, à nos forces de l’ordre.
Voter pour ce texte revient à dire oui à une lutte renforcée, mais ce n’est pas suffisant, nous devons exiger davantage. Nous voterons donc la proposition de loi, mais avec la conviction qu’il faut aller beaucoup plus loin. C’est une première pierre ; ne laissons pas ce chantier en suspens : la France est malade de ses fraudes. Nous sommes ici pour préparer sa guérison. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. Éric Michoux
Excellent !
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Golliot.
M. Antoine Golliot
Les membres du groupe Rassemblement national accueillent avec bienveillance cette proposition de loi qui permet de mieux s’équiper pour mener la chasse aux fraudeurs. La fraude est un véritable fléau et constitue une trahison du contrat social.
Compte tenu de la situation économique du pays provoquée par huit années de macronisme, la lutte contre les fraudes aux aides publiques et contre toute sorte de fraude doit devenir une priorité nationale pour redresser les finances publiques – c’est un enjeu de justice. Si nous voulons vraiment faire des économies et renforcer la confiance des Français dans les politiques publiques, il est impératif de tendre vers la tolérance zéro face aux fraudeurs. Chaque euro fraudé est en effet un euro volé aux honnêtes Français.
Permettez-moi de rappeler quelques chiffres de la Cour des comptes, qui illustrent l’ampleur du problème : la fraude aux aides publiques, c’est environ 1,5 milliard d’euros par an ; la fraude sociale, près de 15 milliards ; la fraude fiscale, entre 30 et 100 milliards annuels. L’Insee, pour sa part, estime que la fraude à la TVA représente un manque à gagner pour l’État de plus de 20 milliards. Ces chiffres sont alarmants au vu de notre situation budgétaire.
Ces milliards d’euros pourraient profiter aux honnêtes Français mais, une fois de plus, ce sont les citoyens respectueux des règles qui sont pénalisés ou qui subissent des restrictions injustes. Il est donc impératif de démanteler les réseaux de la fraude organisée qui détournent les aides publiques destinées aux entreprises françaises. Ces réseaux mafieux fragilisent les dispositifs mis à disposition des entrepreneurs.
Afin de lutter efficacement contre ces pratiques, il est nécessaire de durcir les dispositifs en vigueur. Cela passe d’abord par un renforcement des contrôles, grâce à des moyens humains et technologiques adaptés, puis par une simplification des procédures pour détecter plus rapidement les anomalies et diminuer les zones d’ombre propices aux fraudeurs, enfin par des sanctions dissuasives et adaptées à la gravité des infractions.
Seule la création d’un ministère consacré à la lutte contre toutes les formes de fraude pourra nous permettre de mener la chasse aux fraudeurs de manière efficace, comme le préconisait Marine Le Pen dans son programme présidentiel. Une structure ministérielle dédiée, avec un parquet unique qui centralise les plaintes de fraude, serait en mesure de coordonner les efforts entre les différentes administrations, de centraliser les données et de garantir une traque efficace des fraudeurs.
Chers collègues, cette proposition de loi marque un premier pas important dans la lutte contre la fraude – or la fraude pénalise les bons élèves. En s’attaquant aux abus qui coûtent chaque année des milliards d’euros à l’État, le texte traduit la volonté politique de protéger les ressources publiques et de rétablir la justice sociale. Notre groupe soutient cette initiative, convaincu qu’elle répond aux attentes des citoyens. Cependant, pour qu’elle porte ses fruits, il sera nécessaire d’intensifier les efforts grâce au renforcement des mécanismes de contrôle, à des sanctions véritablement dissuasives et à une meilleure coordination entre les administrations concernées.
Persévérons dans la traque des tricheurs ! La proposition de loi doit être le point de départ d’une stratégie ambitieuse et cohérente visant à restaurer la confiance dans nos institutions et non un simple coup de com’ pour donner l’impression d’apporter des solutions au problème majeur que constitue la fraude. Dans un pays comme le nôtre où le taux des prélèvements obligatoires avoisine 45 %, nous avons la responsabilité, en tant que parlementaires, de légiférer pour éradiquer la fraude sous toutes ses formes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La discussion générale est close.
Discussion des articles
Mme la présidente
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Article 1er
Mme la présidente
Avant de donner la parole à M. Pierre-Yves Cadalen, pour soutenir les amendements nos 4, 5 et 6, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée, je vous annonce que sur ces mêmes amendements, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Pierre-Yves Cadalen
Mme la ministre ayant déclaré qu’elle n’avait pas compris les raisons de notre opposition, nous souhaitons, par le premier de ces trois amendements, qui vise à supprimer l’article, faire entendre que le caractère vaste de la définition d’aide publique nous inquiète en ce qui concerne les prestations sociales. En effet, le texte ne permet pas de distinguer les entreprises, les grandes entreprises et les bénéficiaires du RSA ou des aides personnalisées au logement (APL).
J’ai d’ailleurs remarqué, sur ce point précis, une contradiction entre les propos de M. le rapporteur et ceux de Mme la ministre : le premier a dit clairement que les prestations sociales étaient concernées par l’article alors que la seconde l’a nié. Il nous semble donc que la portée très générale de cet article est source de confusion sur l’objet du texte – il en a été beaucoup question lors de la discussion générale.
Nous sommes inquiets, j’y insiste, car l’article 1er pourrait permettre, sans enquête, sur simple soupçon, de suspendre le RSA ou les APL de gens qui subissent déjà de très nombreux contrôles et une forte pression sociale, qu’il est très difficile de vivre au quotidien. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article.
Si jamais cette suppression n’était pas votée, nous voulons préciser l’article. La ministre a déclaré que les prestations sociales n’étaient pas concernées. Eh bien, si c’est le cas, votez l’amendement no 6 qui, à la première phrase de l’alinéa 2, après la première occurrence du mot « publique », vise à insérer les mots : « à l’exception des prestations sociales ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Le premier amendement vise tout simplement à supprimer l’article 1er, donc à empêcher la suspension du versement des aides en cas de soupçon de fraude. L’interruption du versement des aides à une entreprise éphémère écodélinquante ne serait donc plus possible, alors qu’il s’agit du cœur de la réponse de l’administration, qui doit agir au plus vite puisque les fonds, une fois versés, sont difficiles à récupérer.
Vous nous interrogez au sujet des prestations sociales, mais vous savez qu’il existe déjà des dispositions spécifiques pour le RSA ou l’APL – un président de conseil départemental peut suspendre le versement du RSA. Je regrette qu’avec ces amendements, en particulier le premier, vous vouliez désarmer cette proposition de loi visant à lutter contre la fraude aux aides publiques organisée par des entreprises écodélinquantes, nous privant ainsi de la possibilité d’une réponse efficace. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je suis d’accord sur toute la ligne avec ce que vient de dire M. le rapporteur. Il existe un certain nombre de dispositions du champ fiscal et social dont nous souhaitons ici nous inspirer, non pour écraser le droit fiscal ou social, mais pour combler le vide juridique en matière de subventions, quelle que soit leur nature. Les subventions peuvent prendre la forme d’aides aux entreprises, d’aides aux ménages ou de subventions aux associations et ne relèvent ni du champ fiscal ni du champ social. Leurs bénéficiaires sont, dans la grande majorité des cas, en mesure de fournir un relevé d’identité bancaire et les pièces justificatives attestant de leur existence et de la solidité de leur mission. Cependant, quand la fraude est avérée ou quand il y a soupçon de fraude parce qu’une pièce fallacieuse est versée au dossier, l’administration ne dispose actuellement pas des outils juridiques lui permettant d’éviter le versement la subvention.
L’article 1er ne concerne ni le RSA, ni l’APL, ni aucune prestation sociale, car elles sont déjà couvertes par d’autres dispositions. (M. Pierre-Yves Cadalen s’exclame.) Je tiens à vous rassurer et à rassurer tous les Français : le droit fiscal et le droit social prévoient, fort heureusement, l’interruption des aides en cas de suspicion de fraude à une prestation sociale. L’article L. 161-1-4 du code de la sécurité sociale dispose qu’une personne qui est en incapacité de fournir certaines pièces justificatives ne peut recevoir les aides sociales.
Concernant les « indices sérieux de manœuvres frauduleuses », si l’on en croit vos amendements nos 5 et 6 relatifs au deuxième alinéa, la proposition de loi consacrerait le régime de l’arbitraire. Ce que vous insinuez est très grave : les agents publics sont des gens responsables qui ont pour mission d’appliquer le droit et qui ont besoin de nouveaux outils pour pouvoir agir quand ils sont témoins d’une fraude manifeste ; aucun d’entre eux ne se lève le matin en souhaitant ne pas exécuter sa mission !
M. Pierre-Yves Cadalen
Personne n’a dit ça !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Tout agent public doit être armé afin de ne pas verser indûment des aides publiques à des mafieux ou à des fraudeurs, dont, je le rappelle, certains ont organisé l’évasion d’aides publiques à l’autre bout de la planète, comme l’a montré Tracfin.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Vos réponses sont floues. Le rapporteur explique que les fraudes aux prestations sociales font déjà l’objet de dispositions spécifiques et vous nous dites à peu près la même chose, madame la ministre, mais nous avons quand même l’impression que la suspicion concernant les dossiers de demande d’aides pour des travaux pourrait s’étendre aux prestations sociales dès lors, par exemple, qu’ils concerneraient des gérants d’entreprise ou des autoentrepreneurs.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ce n’est pas social !
M. Jean-Paul Lecoq
Vous ne nous dites pas clairement que les prestations sociales ne sont pas concernées par la proposition de loi. Le but de mon intervention est donc de clarifier les choses. Soit vous nous dites qu’aucune prestation sociale ne pourra être suspendue à cause de ce texte, soit vous ne nous le dites pas, et l’on peut supposer, comme le font mes camarades insoumis, que vous vous en laissez la possibilité, ce qui ne serait pas acceptable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Pascale Bordes.
Mme Pascale Bordes
Revenons au texte : le deuxième alinéa prévoit la suspension d’une aide publique « en cas d’indices sérieux de manœuvres frauduleuses ou de manquement délibéré en vue d’obtenir ou de tenter d’obtenir indûment l’octroi ou le versement d’une aide publique ». Il faut donc un faisceau d’indices. Par ailleurs, ce sont des agents habilités et assermentés qui constatent les manquements et prononcent la suspension du versement de l’aide.
Nos collègues de gauche préfèrent faire confiance à des fraudeurs potentiels plutôt qu’à des agents de l’État assermentés. Leur raisonnement est plutôt curieux. La sanction consiste d’ailleurs en une suspension d’une durée maximale de trois mois. Ce n’est pas non plus la mort du pécheur. Pendant ce temps, les personnes peuvent tout à fait régulariser leur situation,…
M. Jean-Paul Lecoq
Comment feront-elles pour nourrir leur famille ?
Mme Pascale Bordes
…ou bien, si la fraude est avérée, l’administration engage des poursuites devant le tribunal correctionnel. En tout état de cause, il n’y a pas de mort d’homme avec cet article. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
C’est le RN qui défend le texte de M. Cazenave : on aura tout vu !
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot
Madame la ministre, vous affirmez que le texte ne concerne pas les prestations sociales : l’amendement no 6, qui sera soumis à un scrutin public, permettrait de le confirmer puisqu’il précise que la disposition concerne les aides publiques « à l’exception des prestations sociales ». Si les prestations sociales ne sont pas concernées, pourquoi n’émettez-vous pas un avis favorable sur cet amendement ? Il permettrait de lever le flou dont vient de parler M. Lecoq. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
Tout à fait !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
L’article 1er ne concerne pas les prestations sociales,…
M. Jean-Pierre Vigier
C’est dit, passons à autre chose !
M. Julien Dive
Ce sera inscrit au Journal officiel !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…couvertes par un autre code. Nous sommes défavorables à ces amendements parce qu’ils sont soit satisfaits, soit contraires à la vocation de ce texte.
M. Jean-Paul Lecoq
Alors votez pour l’amendement no 6 !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 4.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 83
Majorité absolue 42
Pour l’adoption 17
Contre 66
(L’amendement no 4 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 5.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 81
Majorité absolue 41
Pour l’adoption 18
Contre 63
(L’amendement no 5 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 6.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 81
Nombre de suffrages exprimés 78
Majorité absolue 40
Pour l’adoption 19
Contre 59
(L’amendement no 6 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 78 de M. le rapporteur est rédactionnel.
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Favorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
Plusieurs députés ont exprimé leurs inquiétudes quant au risque que de bons dossiers soient pénalisés au nom de la lutte contre la fraude. Lors des débats en commission, nous avons réduit ce risque en limitant la suspension de l’aide à une durée de trois mois. L’article 1er permet que les dossiers soient jugés rapidement, pour mettre fin à la situation de blocage que connaissaient jusqu’à présent certains d’entre eux. On comprend les difficultés que peut rencontrer l’Anah, mais s’il y a suspicion de fraude, il faut qu’une décision soit prise rapidement afin que les personnes ne soient pas pénalisées. Il serait bon que le gouvernement le rappelle également.
(L’amendement no 78 est adopté.)
(L’article 1er, amendé, est adopté.)
Après l’article 1er
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 1er.
Nous commençons par deux amendements identiques, nos 61 et 70.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 61.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Il vise à relever le montant des pénalités lorsqu’une aide publique a été obtenue frauduleusement en portant le taux de pénalité de 40 % à 50 % du montant des aides versées en cas de manquement délibéré, et de 80 % à 100 % en cas de manœuvre frauduleuse. Nous souhaitons envoyer un signal très fort aux entreprises fraudeuses.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Golliot, pour soutenir l’amendement no 70.
M. Antoine Golliot
Le rapporteur s’est approprié un amendement déposé par le Rassemblement national en commission, ce dont je me félicite. Il propose d’augmenter la majoration de la pénalité pour manœuvre frauduleuse de 80 % à 100 % des montants détournés. Une telle mesure vise à durcir la proposition de loi, les manœuvres frauduleuses traduisant une intention claire de tromper l’administration. Leur gravité nécessite une réponse proportionnée. Une sanction à hauteur de 80 % peut être perçue comme un simple coût du risque par les fraudeurs, surtout lorsque les montants en jeu sont élevés. Ce durcissement est non seulement juste, mais aussi indispensable pour protéger nos finances publiques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Bravo !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Avis défavorable pour le no 70 et de sagesse pour le no 61.
M. Emeric Salmon
Ils sont identiques !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Alors avis de sagesse pour les deux.
M. Emeric Salmon
Ça confine au sectarisme !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Excusez-moi, monsieur le député, je n’avais pas lu correctement mes fiches.
Un avis de sagesse, parce que, dans le droit, les sanctions sont à hauteur de 40 % et 80 % de la somme à restituer. Je comprends votre intention d’aller plus loin, mais je m’en remets à la sagesse de votre assemblée, par souci de cohérence légistique.
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
J’ai un sérieux doute sur l’efficacité du renforcement de ces sanctions. J’attends les précisions du rapporteur quant au mécanisme de majoration du montant de l’aide à rembourser, parce qu’il semblerait que ce ne soit pas le mécanisme le plus adapté au type de délinquant auquel nous faisons face, contrairement à la sanction fondée sur un pourcentage du chiffre d’affaires, que nous proposons.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Nous ne sommes pas encore à l’article sanctionnant les entreprises coupables de fraude au label RGE, sur lequel vous avez déposé des amendements. L’amendement no 61 traduit notre volonté de renforcer les signaux envoyés aux fraudeurs. Il me semble que la commission souhaitait également aller en ce sens.
(Les amendements identiques nos 61 et 70 sont adoptés.)
Mme la présidente
L’amendement no 2 de Mme Christelle Petex est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Si Mme Petex souhaite que son idée s’applique, son amendement doit être rédigé autrement et gagner en solidité juridique. Nous pouvons d’ailleurs lui faire part de nos propositions en vue des débats au Sénat. En l’état, notre avis est donc défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 34
Contre 43
(L’amendement no 2 n’est pas adopté.)
Article 2
Mme la présidente
L’amendement no 49 de M. le rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement no 49, accepté par le gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre-Yves Cadalen, pour soutenir l’amendement no 9.
M. Pierre-Yves Cadalen
Il tend à supprimer les alinéas 9 à 15 de l’article 2. En effet, le dispositif d’échanges de données qui y est décrit pose problème : alors que les données visées relèvent de l’article 4 du règlement général sur la protection des données (RGPD), la proposition de loi ne donne aucune garantie en matière de libertés individuelles.
Un nouveau problème de fond se pose ici, après celui dont nous venons de discuter relatif à la mobilisation de l’appareil judiciaire et à l’arbitraire de l’administration. J’en profite pour dire à Mme la ministre qu’en le relevant, nous n’avions pas l’intention de mettre en cause le travail des agents publics, mais seulement de faire respecter un principe simple : en démocratie, l’appareil judiciaire est mobilisé lorsque des sanctions doivent être prises.
L’amendement vise donc à prévoir les dispositifs nécessaires à la protection des libertés individuelles.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Il est défavorable. Pour lutter contre la fraude, les administrations doivent pouvoir échanger des données, partager leurs suspicions et des informations, et non créer un vaste fichier. La disposition que nous proposons est conforme au RGPD et possède bien un intérêt légitime, puisque la lutte contre la fraude est d’intérêt général.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Défavorable également. En France, le RGPD et les dispositions protectrices des libertés garanties par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) priment sur toutes les décisions que nous prenons. Les Français doivent être rassurés sur ce point.
L’enjeu de l’article 2 est de garantir une certaine vitesse d’action : s’il fallait que nous revenions devant les parlementaires pour que les administrations puissent échanger des données dans le but de combattre les montages nouveaux que les fraudeurs inventent sans cesse, ces derniers auraient pour eux un avantage majeur, le temps. Le temps qu’on détecte une fraude, qu’on en comprenne les mécanismes et que le Parlement vote une disposition autorisant l’échange de données, les fraudeurs auront fait évader jusqu’à 400 millions d’euros et nous serons tous privés de la capacité d’aider les citoyens pour un motif légitime.
La clause balai prévue par l’article 2 n’a pas pour but de remplacer d’autres mesures spécifiques de lutte contre les fraudes, mais permettra aux administrations d’échanger des données et de réagir rapidement lorsqu’elles constatent un nouveau montage, une nouvelle fraude organisée et massive.
M. Romain Daubié
Exactement !
(L’amendement no 9 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l’amendement no 10.
Mme Mathilde Panot
Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent. Nous proposons d’autoriser l’échange d’informations entre administrations uniquement au-delà d’un certain montant de fraude estimé : 1 million d’euros. Ainsi, la fonction publique concentrera son action sur les fraudes aux montants les plus élevés, c’est-à-dire les fraudes les plus injustes et les plus coûteuses.
Vous n’êtes pas sans savoir que la fonction publique souffre d’un manque de personnel. C’est pourquoi elle doit concentrer ses enquêtes et son action sur les fraudes les plus graves. Nous refusons de nous inscrire dans la continuité d’un gouvernement qui persiste à définancer le contrôle fiscal des grandes entreprises et qui refuse de renforcer les effectifs de la direction générale des finances publiques (DGFIP), et d’améliorer ses formations, ce dont elle a pourtant bien besoin.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Le montant de la plupart des aides publiques est inférieur à 1 million d’euros, mais celui de certaines fraudes – à l’Anah ou à l’apprentissage, par exemple – peut représenter plusieurs dizaines de milliers d’euros. Fixer un seuil de 1 million d’euros empêcherait donc d’agir contre les réseaux organisés qui détournent les aides individuelles de quelques milliers d’euros. L’objectif de la proposition de loi serait manqué. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il n’y a pas de petites fraudes acceptables et de grandes fraudes à combattre, car une fraude est une fraude et son montant ne justifie jamais qu’elle soit ignorée. Votre approche me met mal à l’aise, encore une fois : les petits fraudeurs ne sont pas plus tolérables que les gros.
En pratique, si, avant d’avoir collecté des preuves, on connaît déjà le montant d’une fraude, c’est qu’on a déjà beaucoup d’informations à son sujet et qu’on est déjà en capacité de l’arrêter. Or, dans la plupart des cas de suspicion, nous ne savons pas si une fraude de 10 000 euros est le fait d’une seule entreprise ou d’un réseau de sociétés éphémères capable d’accumuler un montant total frauduleux de plusieurs millions d’euros.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Golliot.
M. Antoine Golliot
Mme Panot exprime une vision pour le moins curieuse de la justice et de la morale : à l’entendre, en deçà de 1 million d’euros détournés, on est un gentil fraudeur qui mérite d’être couvert.
Mme Mathilde Panot
Oh là là !
M. Antoine Golliot
Je pense, au contraire, qu’une fraude n’a pas de seuil de respectabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Antoine Léaument
C’est une question d’efficacité !
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot
La question n’est pas de savoir qui est un grand ou un petit fraudeur, la question est celle de l’efficacité de l’action publique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Antoine Léaument
Eh oui !
Mme Mathilde Panot
C’est la raison pour laquelle j’ai d’emblée rappelé qu’il fallait s’attaquer en priorité à la fraude fiscale, qui prive chaque année notre pays d’environ 100 milliards d’euros et qui, d’après la Cour des comptes, est dix à vingt fois plus importante que la fraude sociale, que vous aimez tant attaquer.
M. Thomas Cazenave
Encore faut-il voter le PLF !
Mme Mathilde Panot
Vous expliquez à l’envi que la proposition de loi ne concerne pas les aides sociales, mais je n’en suis toujours pas convaincue : les députés du groupe Rassemblement national et les macronistes ont refusé de voter l’amendement qui visait à le spécifier.
M. Emeric Salmon
Vous êtes pour la fraude sociale !
Mme Mathilde Panot
Les pauvres s’entendent répéter qu’ils fraudent, tandis que les grandes entreprises, qui profitent chaque année de 200 milliards d’euros d’aides publiques, ne se privent pas de licencier et de gaver leurs actionnaires : ça suffit !
M. Antoine Léaument
Bien dit !
M. Emeric Salmon
C’est la fraude qu’on pointe du doigt, pas les pauvres !
Mme Mathilde Panot
On pointe toujours les mêmes du doigt : ça suffit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Emeric Salmon
La fraude, on est contre, alors que vous, vous l’aimez !
(L’amendement no 10 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur les amendements nos 65, 59 et 54, ainsi que sur l’article 2, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l’amendement no 36.
Mme Chantal Jourdan
La simplification des échanges d’informations doit être proportionnée à l’objectif poursuivi afin de protéger les données personnelles et la vie privée des personnes visées. À cet effet, l’amendement précise que ces échanges s’effectuent sous le contrôle du juge.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
En commission, nous avons débattu de ce sujet avec Mme Battistel, qui a d’ailleurs retiré son amendement après nos discussions. Placer l’échange d’informations entre administrations sous le contrôle du juge, c’est les priver de toute la réactivité dont elles ont besoin pour lutter contre les fraudeurs. En somme, c’est les désarmer et c’est manquer notre objectif.
Mme Battistel avait été convaincue par ces arguments : je vous demande donc retirer votre amendement, sinon mon avis sera défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
L’administration enquête et collecte des informations, et le juge sanctionne sur la foi de ces éléments. C’est bien pour que ceux-ci parviennent au juge que nous souhaitons l’échange d’informations ! Par ailleurs, je rappelle que la vitesse est cruciale dans les affaires de fraudes : si l’on attend que le juge autorise les enquêtes, alors beaucoup d’enquêtes n’auront pas lieu. Les juges sont là pour sanctionner ; le dernier mot leur revient évidemment. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan
Je sais que Mme Battistel avait retiré son amendement en commission, mais, en son absence, je le maintiens aujourd’hui. Le gouvernement s’était engagé à conduire un travail sur la proportionnalité. A-t-il été mené ?
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
La version initiale de la proposition de loi ne précisait pas que l’échange d’informations devait être décidé sur la base « d’indices sérieux ». Mme Battistel a souhaité que le cadre d’activation des dispositions de lutte contre la fraude soit renforcé et la commission a adopté cette précision, qui apparaît désormais dans le texte et qui, je crois, avait permis de rassurer les députés du groupe Socialistes et apparentés en commission.
(L’amendement no 36 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre-Yves Cadalen, pour soutenir l’amendement no 11 rectifié.
M. Pierre-Yves Cadalen
Cet amendement de repli vise à ce qu’on consigne dans un registre centralisé l’ensemble des données personnelles collectées et s’assure ainsi leur traçabilité. C’est ainsi que les libertés publiques seront garanties et protégées, et que l’action arbitraire d’un agent disposant d’informations personnelles sera empêchée.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
En général, on ne fait pas de registre centralisé…
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Cazenave
Je suis surpris de votre amendement, monsieur Cadalen. Il y a quelques minutes encore, vous affirmiez votre attachement aux libertés individuelles. Votre amendement tend à créer un grand fichier de données personnelles, ce que ne faisait pas la proposition de loi et ce qui contredit le droit à la protection des données individuelles et le RGPD. Notre avis est donc très défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le RGPD repose sur le concept clé de sobriété en vertu duquel toute entité publique ou privée qui collecte des données doit le faire pour un usage précis. Les fichiers centralisés s’opposent complètement à ce principe et la manière dont vous traduisez dans notre droit une intention louable est totalement contraire à nos pratiques, à notre culture et à la protection des libertés individuelles et publiques, dans un cadre français comme dans un cadre européen. N’allez pas plus loin : je vous propose de retirer votre amendement ou notre avis sera défavorable.
(L’amendement no 11 rectifié n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 3 et 37.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l’amendement no 3.
M. Jean-Paul Lecoq
L’alinéa 15 de l’article 2 reprend à son compte une vieille marotte de l’extrême droite. Autoriser les agents préfectoraux chargés de la délivrance des titres d’identité ou de séjour à recevoir des informations des services de lutte contre la fraude sociale, c’est établir un lien entre les deux qui n’a pas lieu d’être. Nous regrettons que ce texte, que nous soutenons dans l’ensemble, contienne une disposition sans rapport avec son objet, aux relents nauséabonds.
M. Robert Le Bourgeois
Ah !
M. Jean-Paul Lecoq
Si, grâce à cet amendement, l’alinéa 15 était supprimé, nous pourrions voter en faveur du texte.
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l’amendement no 37.
Mme Chantal Jourdan
Il vise, pour les mêmes raisons, à supprimer cet alinéa 15 qui n’a en effet rien à voir avec la proposition de loi !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Je demande le retrait de ces deux amendements au profit de l’amendement no 65 que nous examinerons dans quelques instants. Nous en avons débattu en commission et vous avez appelé mon attention sur le fait que la rédaction de cet alinéa, beaucoup trop large, risquait de nous éloigner de l’objectif de lutte contre la fraude aux aides publiques. Avec l’amendement no 65, que je m’étais engagé à déposer et qui me semble faire consensus, nous resserrons le champ d’application de la disposition à la fraude documentaire et à la fraude à l’identité. Parce que cette dernière est parfois un vecteur de fraude sociale, il est utile de favoriser l’échange d’informations entre les préfectures et les organismes de sécurité sociale.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
Les deux amendements sont-ils maintenus ?
M. Jean-Paul Lecoq
Je maintiens le mien.
Mme la présidente
Et vous, madame Jourdan ?
Mme Chantal Jourdan
Le rapporteur a tenu son engagement et je l’en remercie.
(Les amendements identiques nos 3 et 37 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 65 rectifié.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Comme convenu avec Mmes Battistel et Batho, il vise à restreindre à la seule fraude documentaire le champ d’application du dispositif prévu à l’alinéa 15.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il me paraît sain et utile que la fraude documentaire, par exemple l’usurpation d’identité, donne lieu à des échanges d’informations entre les services qui ont respectivement des doutes concernant un individu. Trop souvent des fraudeurs persistent à agir faute d’être arrêtés assez rapidement. Avis favorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 65 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 93
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 43
Contre 49
(L’amendement no 65 rectifié n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 53 de la commission est rédactionnel et a reçu un avis favorable du gouvernement.
Je le mets aux voix.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 72
Contre 5
(L’amendement no 53 est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 59 de la commission est rédactionnel et a reçu un avis favorable du gouvernement.
Je le mets aux voix.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 91
Nombre de suffrages exprimés 76
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 76
Contre 0
(L’amendement no 59 est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 54 de la commission est rédactionnel et a reçu un avis favorable du gouvernement.
Je le mets aux voix.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 91
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l’adoption 77
Contre 0
(L’amendement no 54 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 2, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 96
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l’adoption 82
Contre 13
(L’article 2, amendé, est adopté.)
Après l’article 2
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 2.
Sur les amendements nos 46 rectifié, 81 et 47, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente
L’amendement no 46 rectifié de M. Daniel Labaronne n’est pas défendu.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Je le reprends, madame la présidente. M. Labaronne est souffrant. L’amendement vise à étendre le droit de communication dont dispose Tracfin aux conseillers en gestion des affaires, aux plateformes de facturation électronique ainsi qu’aux plateformes de domiciliation, ce qui permettra d’enrichir le travail de renseignement du service de lutte contre le blanchiment du ministère de l’économie et des finances.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
J’y suis très favorable. Tracfin fait un travail remarquable pour détecter les circuits financiers clandestins. Ce service ne s’autosaisit pas ; il enquête sur la base de signalements. Pour mener ces enquêtes et comprendre plus précisément la nature des fraudes, il doit pouvoir interroger les trois types d’acteurs listés par M. le rapporteur – sachant que ces acteurs sont parfois eux-mêmes victimes de fraudes !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 46 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 89
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l’adoption 88
Contre 0
(L’amendement no 46 rectifié est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 81.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il vise à autoriser l’accès de plusieurs organismes verseurs d’aides publiques au fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba). Vérifier que l’Iban renseigné par le demandeur correspond à l’identité qui figure dans les registres de la Banque de France peut s’avérer très utile : le demandeur a-t-il envoyé un RIB falsifié ? A-t-il un compte en banque ? Est-il la personne qu’il prétend être ?
L’accès au Ficoba est très efficace pour lutter contre les usurpations de RIB conduisant à des détournements d’argent vers des comptes qui ne sont pas ceux des bénéficiaires des aides. Tous les organismes qui ont accès à ce fichier ont pu détecter des fraudes et interrompre les versements dans les cas où un M. Dupont, prétendant avoir tel numéro de RIB, ne serait pas M. Dupont ou n’aurait pas ce numéro de RIB.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Favorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 81.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 91
Nombre de suffrages exprimés 89
Majorité absolue 45
Pour l’adoption 77
Contre 12
(L’amendement no 81 est adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 47 de M. Daniel Labaronne n’est pas défendu non plus. Le reprenez-vous, monsieur le rapporteur ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Je le reprends, madame la présidente.
Mme la présidente
Je précise qu’il fait l’objet de deux sous-amendements du gouvernement.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
L’amendement no 47 porte notamment sur le droit de communication de l’Inspection générale des finances (IGF) et sur le cadre juridique des informations qui lui sont communiquées. Par cet amendement, les pouvoirs d’investigation de l’IGF, en première ligne dans la lutte contre la fraude, seront renforcés.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir les sous-amendements nos 92 et 93, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je suis favorable à l’amendement no 47 sous réserve de l’adoption de ces deux sous-amendements qui complètent la rédaction de l’article afin de préciser les modalités d’accès de l’IGF aux informations actuellement couvertes par le secret statistique et par le secret fiscal. Ainsi serions-nous correctement armés, au sein du ministère, pour mener davantage d’enquêtes et inciter certains acteurs – qui ne pourraient plus se cacher derrière le secret fiscal – à partager des informations. L’IGF est elle-même indépendante et respecte les règles déontologiques de la fonction publique. Les rapports qu’elle produit sur des sujets d’intérêt général gagneraient donc en précision.
(Les sous-amendements nos 92 et 93, acceptés par la commission, successivement mis aux voix, sont adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 47, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 93
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 80
Contre 13
(L’amendement no 47, sous-amendé, est adopté.)
Article 3
Mme la présidente
La parole est à M. Lionel Tivoli, pour soutenir l’amendement no 16.
M. Lionel Tivoli
Il vise à élargir au numérique l’interdiction de prospection commerciale « par voie téléphonique » prévue par la proposition de loi. Les escrocs sont partout et ne se contentent pas d’appels téléphoniques : ils s’invitent dans les boîtes mail, sur les réseaux sociaux ou les messageries instantanées, là où nos concitoyens sont les plus vulnérables et se retrouvent pris au piège. Qui n’a jamais entendu parler de ces arnaqueurs se faisant passer pour des institutions publiques, ou de messages frauduleux prétendument signés par la CAF – caisse d’allocations familiales –, Pôle emploi et d’autres organismes publics ? Ces pratiques ne sont pas seulement malveillantes, elles visent ceux qui ont déjà peu, les familles modestes, ou nos aînés qui ne maîtrisent pas toujours les outils numériques.
Par cet amendement, nous pourrions tenir compte de l’évolution des méthodes de ces fraudeurs qui ont toujours un coup d’avance. Notre rôle est de protéger. Mon amendement apporte une réponse simple et claire aux arnaqueurs : non, vous ne pourrez plus harceler les Français, ni par téléphone, ni par e-mail, ni sur les réseaux sociaux ; vous ne pourrez plus leur voler leur argent au moyen de fausses promesses ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Avec ce texte et avec d’autres – je pense à celui sur le démarchage téléphonique adopté par le Sénat –, nous sommes nombreux à vouloir faire cesser le harcèlement des Français par e-mail, téléphone ou SMS. Je partage donc votre objectif. Cependant, un texte spécifique est nécessaire pour traiter complètement le sujet de l’opt-in, à savoir l’expression préalable du consentement. (M. Jocelyn Dessigny s’exclame.)
M. Frédéric Boccaletti
On vous connaît : il y aura peut-être une loi dans dix ans !
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Non, puisqu’un texte a été adopté au Sénat il y a quelques mois ! Par ailleurs, sur un plan purement juridique, l’amendement tel qu’il est rédigé ne permet pas d’atteindre l’objectif que vous fixez. Pour ces deux raisons, j’y suis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Il est similaire à celui du rapporteur. Le démarchage téléphonique non sollicité doit cesser. Néanmoins, il serait judicieux de ne pas discuter deux fois de la même disposition dans le cadre de la navette. Puisque la proposition de loi pour un démarchage téléphonique consenti et une protection renforcée des consommateurs contre les abus a déjà été adoptée par le Sénat, et dès lors que certains textes en vigueur interdisent déjà la prospection, si nous voulons renforcer l’arsenal juridique, veillons à ne pas nous emmêler les pinceaux en votant en parallèle une même disposition. Je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, je m’en remettrai à la sagesse de votre assemblée.
Mme la présidente
La parole est à M. Lionel Tivoli.
M. Lionel Tivoli
Je ne le retirerai pas ! C’est aberrant : s’il a été adopté lors de l’examen d’un autre texte, pourquoi ne pourrait-il pas l’être aussi à l’occasion de celui-ci ? C’est un amendement de bon sens qui devrait recueillir l’ensemble de nos suffrages. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
Deux problèmes se posent. D’une part, l’amendement no 16 vise à étendre l’interdiction du démarchage téléphonique, que la commission a adoptée à mon initiative, à celle du démarchage numérique. Cependant, le démarchage numérique est soumis à un régime différent, le RGDP, de celui s’appliquant au démarchage téléphonique. Le RGPD prohibe – sans que cette interdiction soit toujours respectée – l’utilisation des données numériques sans le consentement de l’utilisateur, mais cette notion de consentement n’existe pas dans le droit applicable au démarchage téléphonique. C’est ce qu’il s’agit d’inscrire dans la loi, en interdisant le démarchage téléphonique sauf si le consommateur a exprimé son consentement. Sur le démarchage numérique, j’ai déposé plusieurs autres amendements, sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir.
D’autre part, s’agissant des dispositions adoptées par la commission, les propos du rapporteur et de la ministre m’inquiètent. En effet, la proposition de loi pour un démarchage téléphonique consenti et une protection renforcée des consommateurs contre les abus, adoptée par le Sénat le 14 novembre 2024, n’est pas inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
M. Frédéric Boccaletti
Eh oui !
Mme Delphine Batho
Or je constate qu’aucun amendement n’a été déposé tendant à supprimer ces dispositions adoptées par la commission. Ce texte contiendra donc bien, au moment d’être transmis au Sénat, l’interdiction du démarchage téléphonique. Nous souhaitons que le Parlement puisse rapidement adopter cette interdiction, que ce soit au moyen du présent texte ou de la proposition de loi précitée – peu importe, pourvu que cela soit rapide. Le but du groupe Écologiste et social est que l’interdiction du démarchage téléphonique soit votée et entre rapidement en vigueur. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Je souhaite clarifier ma position. La commission des affaires économiques a adopté les dispositions décrites par Mme Batho à propos du démarchage téléphonique, mais ces dispositions ne se limitent pas à la fraude aux aides publiques : elles s’appliquent à tout démarchage, qu’il bénéficie d’une aide publique ou non. N’est-ce pas, madame Batho ?
Mme Delphine Batho
Non !
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Je ne souhaite pas qu’on adopte des amendements portant sur ces dispositions, car cela nous éloignerait de l’objet de la proposition de loi : la fraude aux aides publiques. Par ailleurs, on constate que ce ne sont pas les mêmes dispositions législatives qui s’appliquent au démarchage numérique. Je ne déposerai pas d’amendement visant à supprimer les avancées que vous avez obtenues en commission, madame Batho, mais je tiens à indiquer qu’elles nous éloignent sensiblement de la lutte contre la fraude aux aides publiques.
(L’amendement no 16 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur les amendements nos 71 et 72, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République de demandes de scrutin public.
Sur l’amendement no 31 rectifié, je suis saisie par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l’amendement no 22.
Mme Mathilde Panot
Il tend à étendre l’interdiction du démarchage téléphonique aux « rencontre[s] réalisée[s] au domicile d’une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail ». D’une part, le démarchage commercial est intrusif ; c’est pourquoi nous sommes favorables à l’interdiction du démarchage téléphonique. D’autre part, le démarchage physique crée un lien interpersonnel étroit entre le vendeur et la personne prospectée, ce qui le rend particulièrement susceptible de donner lieu à des pratiques commerciales trompeuses et à la fraude aux aides à la rénovation. Le meilleur point d’accès à l’information et à l’accompagnement en la matière doit demeurer le guichet France Rénov’, raison pour laquelle une politique volontariste d’implantation des services publics sur tout le territoire est nécessaire.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Défavorable.
M. Antoine Léaument
Pourquoi défavorable ?
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Votre amendement est excellent, parce qu’il est satisfait.
M. Antoine Léaument
Ah !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Conformément à l’ordonnance du 22 décembre 2021 qui transpose une directive européenne, l’article L. 221-10-1 du code de la consommation interdit « toute visite non sollicitée d’un professionnel au domicile d’un consommateur en vue de vendre des produits ou de fournir des services lorsque le consommateur a manifesté de manière claire et non ambiguë ne pas vouloir faire l’objet d’une telle visite ». Je vous invite donc à retirer votre amendement. (M. Emmanuel Duplessy s’exclame.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
Nous avons déposé l’amendement no 30, qui va dans le même sens que l’amendement no 22 tendant à interdire le démarchage à domicile. Madame la ministre, le problème tient à la fin de la disposition que vous venez de lire, qui précise que la personne doit avoir exprimé son désaccord à être démarchée.
M. Antoine Léaument
Eh oui !
Mme Delphine Batho
Je veux aussi répondre à la dernière remarque du rapporteur : il y a bien un lien entre la nuisance du démarchage téléphonique ou à domicile et la fraude, car c’est lors de ces appels et de ces visites que le fraudeur peut piéger le consommateur. Ainsi, à la suite de visites à son domicile, une habitante de mon département – les Deux-Sèvres – a été victime d’une fraude, pour un montant de 112 000 euros, qui l’a finalement contrainte à vendre sa maison. Il serait bon qu’une meilleure information soit prévue sur les dispositions en vigueur, qui n’interdisent pas strictement le démarchage à domicile comme nous souhaitons le faire.
(L’amendement no 22 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 17, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Lionel Tivoli, pour soutenir l’amendement no 17.
M. Lionel Tivoli
Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement no 16 défendu précédemment. Il tend à insérer, à la fin de l’alinéa 15, les mots « et numérique » afin d’étendre l’interdiction du démarchage à l’espace numérique.
Les pratiques de démarchage numérique ne sont pas seulement malveillantes, elles s’attaquent aux personnes crédules, qui ont peu de moyens ou qui sont âgées et ne savent pas bien se servir des outils numériques. Étendre l’interdiction de prospection abusive au numérique, c’est prendre en compte l’évolution des méthodes des fraudeurs, qui ont toujours un train d’avance sur le législateur. Je ne vois pas pourquoi on interdirait le démarchage téléphonique tout en autorisant le démarchage numérique grâce auquel les escrocs prospèrent et arnaquent les personnes âgées. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Pour répondre à Mme Batho : je ne dis pas qu’il n’y a pas un lien entre le démarchage et la fraude aux aides publiques, je dis simplement que les dispositions que vous avez fait adopter s’appliquent bien au-delà des dispositifs aidés. Or ce sont ces derniers qui sont l’objet de la proposition de loi.
Par ailleurs, monsieur Tivoli, les amendements nos 71 et 72 à venir visent à interdire tout démarchage – qu’il soit téléphonique, numérique ou physique – concernant les dispositifs aidés. Ce sont ces derniers que cible la proposition de loi, alors que votre amendement vise tous les produits ou services, avec ou sans aides publiques. La proposition de loi ne doit pas s’écarter de son objet principal. Une partie de votre amendement sera satisfaite si vous adoptez les amendements nos 71 et 72, comme je vous invite à le faire. En conséquence, j’émets sur l’amendement no 17 un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Comprenons-nous bien, monsieur Tivoli : chaque fois que nous visitons un site internet et qu’apparaît une demande d’acceptation des conditions et des fameux cookies, et que nous cliquons sur « accepter » afin d’accéder au contenu masqué par cette demande, nous validons l’opt-in que vous souhaitez instaurer. La loi interdit déjà l’utilisation de nos courriels et de nos informations numériques sans notre consentement – c’est l’objet du RGPD. Le problème est que nous donnons notre consentement sans savoir vraiment à quoi il s’étend. Au fond, et pour compléter les propos du rapporteur auxquels je souscris pleinement, votre amendement propose de rappeler aux Français que leur consentement est nécessaire ; or, trop souvent, nous le donnons alors qu’il engendre des courriels par centaines ou par milliers. Je vous propose donc de retirer votre amendement et d’adopter les amendements du rapporteur, qui s’en tiennent à l’objet de la proposition de loi.
Mme la présidente
La parole est à M. Lionel Tivoli.
M. Lionel Tivoli
Je maintiens l’amendement. Vos arguments pour le rejeter ne sont pas cohérents avec ceux que vous avez développés contre l’amendement no 16, lorsque vous prétendiez qu’il se trouverait satisfait par une autre proposition de loi.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 17.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 85
Nombre de suffrages exprimés 84
Majorité absolue 43
Pour l’adoption 38
Contre 46
(L’amendement no 17 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 71 et 34, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 71.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Il vise à rétablir l’interdiction du démarchage téléphonique relatif aux travaux d’adaptation des logements à la perte d’autonomie. Il s’agit d’inclure dans le texte le dispositif MaPrimeAdapt’ en rétablissant la version initiale de la proposition de loi sur ce point, supprimée par erreur par la commission à la suite de l’adoption d’un amendement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 34.
Mme Delphine Batho
Je suis responsable de cette erreur, raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement, qui vise le même objectif que l’amendement no 71 du rapporteur. Le texte prévoit déjà l’interdiction stricte du démarchage téléphonique pour la rénovation énergétique et il s’agit d’étendre cette interdiction aux travaux d’adaptation du logement à la perte d’autonomie.
S’agissant de l’interdiction de l’ensemble du démarchage téléphonique, se pose un problème de calendrier avec la fin du dispositif Bloctel. Différentes dates d’entrée en vigueur de l’interdiction sont possibles et je souhaite qu’elle se fasse rapidement.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 34 ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Demande de retrait au profit de l’amendement no 71, dont le champ d’application est plus large puisqu’il intègre également les prestations intellectuelles.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement sur les amendements nos 71 et 34 ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Avis favorable sur l’amendement no 71. Demande de retrait pour l’amendement no 34.
(L’amendement no 34 est retiré.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 71.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 90
Nombre de suffrages exprimés 90
Majorité absolue 46
Pour l’adoption 90
Contre 0
(L’amendement no 71 est adopté.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 30, 31 rectifié, 72 et 32, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 72 fait l’objet du sous-amendement no 83 du gouvernement.
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 30.
Mme Delphine Batho
Dans le même esprit que précédemment, cet amendement tend à rétablir dans la proposition de loi les dispositions concernant les autres formes de démarchage. Chacun se trouve, sans aucun doute, inondé de SMS ou de messages de démarchage sur les réseaux sociaux. L’invasion consumériste permanente et ses arnaques, ça suffit ! L’amendement vise également à étendre l’interdiction au démarchage à domicile.
Mme la présidente
L’amendement no 31 rectifié de Mme Delphine Batho est défendu.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 72, qui fait l’objet d’un sous-amendement.
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Nous procédons en plusieurs étapes car le texte est ainsi construit. L’amendement vise à rétablir l’interdiction du démarchage, contenue initialement dans la proposition de loi, relatif notamment à l’adaptation des logements, quel que soit son mode – physique, par SMS ou sur les réseaux sociaux. L’amendement intègre les nouvelles offres de services telles que les prestations intellectuelles des accompagnateurs France Rénov’, que la proposition de loi doit couvrir.
Le sous-amendement à venir du gouvernement vise à lever le doute quant à la conformité de l’interdiction du démarchage physique à la directive européenne 2011/83 relative aux droits des consommateurs. Je laisserai la ministre exposer les raisons de ce doute.
Le champ d’application de l’amendement no 72 est plus large que celui des amendements nos 30 et 31 rectifié, et je vous invite à le privilégier.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement no 83 du gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Le droit européen autorise un colporteur ou un vendeur ambulant à sonner chez une personne pour lui proposer un service à condition qu’elle soit d’accord. Le sous-amendement vise à mettre le texte en conformité avec le droit européen en assurant la proportionnalité de l’interdiction.
Je vous confirme, madame Batho, que nos concitoyens doivent savoir qu’ils ont le droit de dire non et qu’ils ne sont pas obligés d’accueillir chez eux toute personne qui se présenterait pour leur vendre quoi que ce soit.
Je suis très favorable, dans cette discussion commune, à l’amendement no 72 de M. le rapporteur, et je demande, en conséquence, le retrait de tous les autres.
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 32.
Mme Delphine Batho
Nous retirons nos amendements nos 30, 31 rectifié et 32 au bénéfice de l’amendement no 72, mais en appelant l’Assemblée à voter contre le sous-amendement no 83 du gouvernement car il sort le démarchage physique de la liste des interdictions. Le droit actuel, dans le code de la consommation, mentionne bien l’interdiction du démarchage physique, mais seulement « lorsque le consommateur a manifesté de manière claire et non ambiguë ne pas vouloir faire l’objet d’une telle visite ». Or il n’existe à l’heure actuelle, en France, aucun registre des personnes qui ne souhaiteraient pas être démarchées à domicile. Pour assurer la protection du consommateur, il faut donc adopter, tout au contraire, une interdiction par défaut.
C’est souvent dans le cadre du démarchage à domicile que se produit la signature de devis sans délai de réflexion ou de certains emprunts bancaires – des choses tout à fait délirantes dont il faut protéger les gens.
(Les amendements nos 30, 31 rectifié et 32 sont retirés.)
Mme la présidente
Sur le sous-amendement no 83, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je mets aux voix le sous-amendement no 83.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 87
Nombre de suffrages exprimés 85
Majorité absolue 43
Pour l’adoption 46
Contre 39
(Le sous-amendement no 83 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 72, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 88
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l’adoption 84
Contre 4
(L’amendement no 72, sous-amendé, est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 100 et 85, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 85 fait l’objet du sous-amendement no 97 rectifié de M. le rapporteur.
L’amendement no 100 de Mme Delphine Batho est défendu.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 85 du gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous abordons le sujet du fameux label RGE. Depuis le 1er janvier, ce label est délivré à des entreprises de rénovation énergétique par des organismes qualificateurs agréés par l’État. Il permet au consommateur de s’assurer qu’il a affaire à un professionnel de confiance, formé pour réaliser des travaux de qualité, soumis à des contrôles. Il doit recevoir la même information à propos des sous-traitants travaillant pour ce professionnel, pour totalité ou pour partie de ses prestations.
L’amendement vise à rendre obligatoire l’information du consommateur sur l’obtention ou non de ce label par le professionnel et ses éventuels sous-traitants. Cette information ne saurait être simplement une marque ou un logo, mais doit s’accompagner de la transmission d’une preuve de la détention, à la date de signature du contrat, du signe de qualité nécessaire à l’obtention des aides pour les catégories de travaux afférents.
Ainsi, une entreprise ne pourra plus prétendre devant M. ou Mme Dupont qu’elle est labellisée RGE : elle devra lui en donner la preuve. Cela permettra de faire comprendre aux Français que ces labels sont un gage de qualité.
Mme la présidente
Le sous-amendement no 97 rectifié de M. le rapporteur est rédactionnel.
Mme la présidente
Je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République de deux demandes de scrutin public, sur le sous-amendement no 97 rectifié et sur l’amendement no 85.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Avis défavorable sur l’amendement no 100 et favorable sur l’amendement no 85.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement sur l’amendement no 100 et sur le sous-amendement no 97 rectifié à l’amendement no 85 ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Avis défavorable sur l’amendement et favorable sur le sous-amendement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
Nous souhaitions sous-amender l’amendement no 85 du gouvernement, mais la séance, pour des raisons qui m’échappent, ne l’a pas accepté.
Deux points nous paraissent en effet importants. Il faut, d’une part, que l’on communique au consommateur la qualité de l’assureur du sous-traitant. Il faut, d’autre part, que les dispositions prévues par cet amendement s’appliquent en cas de changement de sous-traitant – situation qui peut s’avérer assez fréquente. Ces deux propositions émanent de l’UFC-Que choisir et leur ajout constitue la seule différence entre notre amendement no 100 et l’amendement du gouvernement.
(L’amendement no 100 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix le sous-amendement no 97 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 73
Majorité absolue 37
Pour l’adoption 72
Contre 1
(Le sous-amendement no 97 rectifié est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 85, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 87
Nombre de suffrages exprimés 87
Majorité absolue 44
Pour l’adoption 87
Contre 0
(L’amendement no 85, sous-amendé, est adopté ; en conséquence, les amendements nos 13, 67, 24, 38 et 68 tombent.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 86 du gouvernement.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Cet amendement, très intéressant, tend à supprimer l’alinéa 35 de l’article 3, qui prévoit de limiter les acomptes versés par les particuliers aux professionnels. L’idée, certes intuitive, est que M. et Mme Dupont ne risqueront pas ainsi de verser un acompte trop important à une société pouvant s’avérer frauduleuse. La mesure pose néanmoins un problème considérable : priver un artisan sérieux et de bonne foi d’un acompte important, c’est tout simplement risquer de l’empêcher d’exercer son métier. On se mêle là des relations contractuelles ; or le droit n’autorise pas le législateur à statuer sur le montant minimum ou maximum de l’acompte qu’un particulier doit verser à un professionnel. Nous devons lutter contre la fraude, mais sans empêcher les artisans de travailler.
Je vous demande de soutenir la suppression de l’alinéa 35 proposée par l’amendement. Cette mesure va trop loin par rapport à l’objectif poursuivi par la proposition de loi.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
J’avais estimé, quand la commission avait adopté l’amendement créant l’alinéa 35, que l’on s’éloignait quelque peu de la lutte contre la fraude et j’avais regretté que l’on n’ait pas pris le temps de consulter la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la Capeb, et la Fédération française du bâtiment sur les conséquences d’une telle disposition. Je suis donc, à titre personnel, favorable à l’amendement du gouvernement tendant à supprimer cet alinéa.
Mme la présidente
Sur l’amendement no 84, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Romain Daubié.
M. Romain Daubié
Le groupe Les Démocrates est résolument engagé dans la lutte contre la fraude publique. Toutefois, nous sommes opposés à cet amendement du gouvernement, car il nous semble absolument anormal que certains artisans demandent jusqu’à 70 % d’acompte sur un chantier.
C’est la raison pour laquelle, en commission des affaires économiques, j’ai défendu l’amendement de Christophe Blanchet tendant à plafonner les sommes versées en acompte – amendement adopté par la commission, ainsi que l’a rappelé M. le rapporteur. Nous croyons au dialogue avec les acteurs socio-économiques et nous souhaitons que cette question fasse l’objet d’un décret après concertation avec la Capeb et la filière du BTP (bâtiment et travaux publics). Nous souhaitons limiter le premier acompte et identifier une limite maximum avec les acteurs.
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen
Tout ne peut pas être réglé par la loi ou par un décret. Le versement d’un acompte relève de la négociation entre un client et un professionnel. Laissons les professionnels et les particuliers discuter entre eux et déterminer si le montant de l’acompte sera de 30 %, de 40 % ou peut-être de 50 % si le devis fait, en contrepartie, l’objet d’une remise intéressante.
C’est là la vie ordinaire du commerce, de l’entreprise, de la relation client. Cessons de restreindre les possibilités de discussion entre le professionnel et son client à coups de lois ou de décrets. Cela devient n’importe quoi !
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Cosson.
M. Mickaël Cosson
Je saisis l’occasion de cet amendement pour évoquer ce que vivent les entreprises au quotidien dès lors qu’elles font des travaux de rénovation énergétique dans le cadre du dispositif MaPrimeRénov.
Nous discutons de ce qu’un particulier peut moralement accepter de verser comme acompte, mais ce sont souvent les entreprises qui, en attendant que l’État leur verse la subvention – ce qui peut prendre entre douze et dix-huit mois, voire plus –, financent les travaux. Si le client verse un acompte de seulement 20 % et que l’entreprise doit patienter tout ce temps pour toucher les 80 % restants, elle peut se retrouver en grande difficulté et risque la fermeture. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
(L’amendement no 86 est adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 84.
Mme Amélie de Montchalin, ministre
L’heure tourne et je préfère vous épargner la lecture de ma fiche. Cet amendement de mise en cohérence légistique revient aux règles communes applicables à la publication des décisions prononcées par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation. Cette publication aux frais de la personne sanctionnée, dans le cadre de la stratégie dite du name and shame, est désormais très largement la règle. Il s’agit, en outre, de rendre cohérents le code de la consommation et certaines des dispositions prévues par la proposition de loi.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thomas Cazenave, rapporteur
Avis favorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho
L’amendement du gouvernement revient sur la rédaction adoptée par les députés en commission, qui visait à systématiser la publication. En revenant sur cette obligation, le gouvernement laisse à l’autorité administrative la possibilité d’apprécier l’opportunité de la publication, alors que nous souhaitions une rédaction plus claire. Les alinéas supprimés disposaient que des dérogations à la publication étaient notamment possibles « lorsque la publication est susceptible de causer à la personne en cause un préjudice grave et disproportionné ». Nous voterons donc contre l’amendement du gouvernement.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 84.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 85
Nombre de suffrages exprimés 85
Majorité absolue 43
Pour l’adoption 70
Contre 15
(L’amendement no 84 est adopté.)
Mme la présidente
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra