Première séance du lundi 28 octobre 2024
- Présidence de M. Xavier Breton
- 1. Remplacement des députés nommés membres du Gouvernement
- 2. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
- Présentation
- Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins
- M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
- Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
- M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes
- M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales
- M. Guillaume Florquin, rapporteur de la commission des affaires sociales
- M. Louis Boyard, rapporteur de la commission des affaires sociales
- Mme Sandrine Rousseau, rapporteure de la commission des affaires sociales
- M. Jean-Carles Grelier, rapporteur de la commission des affaires sociales
- M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Motion de rejet préalable
- Discussion générale
- Présentation
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Xavier Breton
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
1. Remplacement des députés nommés membres du Gouvernement
M. le président
J’informe l’Assemblée nationale qu’à compter de ce jour M. Jean-Louis Thiériot et Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, nommés membres du Gouvernement, ont été remplacés respectivement par MM. Michel Gonord et Jean Moulliere, élus en même temps qu’eux à cet effet. (Applaudissements sur divers bancs.)
2. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (nos 325, 487, 480).
Présentation
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins
Nous sommes réunis pour entamer l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour l’exercice 2025. Je ne tiendrai pas devant vous un discours triomphaliste. Comme chacun d’entre vous le mesure, la situation des finances publiques nous oblige à faire preuve de responsabilité et à nous consacrer à la recherche exigeante d’un équilibre.
En effet, vous le mesurez comme moi : la situation des comptes sociaux est inédite. En 2024, le déficit de la sécurité sociale dépassera de près de 8 milliards d’euros le niveau voté en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) initiale. En outre, en 2025, sans mesures nouvelles, comme l’a exposé le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) le 14 octobre dernier, le déficit projeté de la sécurité sociale atteindra 28 milliards, dont 18,7 milliards pour la branche maladie. Chacun en conviendra, ce n’est pas soutenable.
Nous devons donc agir tous ensemble pour remédier à cette situation. Il est de notre devoir de freiner la dépense publique. Pour y parvenir, toutes les administrations publiques doivent prendre part à cet effort. À ce titre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 constitue une étape importante dans le retour progressif à l’équilibre de nos comptes sociaux. J’ajouterai, comme a pu le souligner le ministre chargé du budget et des comptes publics, qu’il faudra que l’effort de rééquilibrage se poursuive sur plusieurs exercices. L’exercice 2025 doit donc être la première étape d’une trajectoire pluriannuelle de redressement des comptes sociaux.
Je l’affirme avec la gravité que la situation exige : la pérennité et la préservation de notre modèle social hérité du Conseil national de la Résistance (CNR) sont en jeu.
Nous devons donc trouver une ligne de crête pour faire des économies sans perdre de vue, à aucun moment, les attentes importantes des Français, dont la santé constitue la première préoccupation. Avec ce budget, nous sommes au rendez-vous des besoins de nos concitoyens. En effet, le PLFSS permet de contenir le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards, tout en finançant de nouvelles mesures. Il améliore la trajectoire des comptes sociaux tout en ouvrant de nouveaux droits au service de nos concitoyens. La dépense des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse sera ainsi augmentée de 2,8 %, soit plus de 18 milliards, après une hausse de 5,3 % en 2024.
La santé des Français demeure plus que jamais une priorité, comme l’a rappelé le Premier ministre, et ce budget le prouve : c’est un budget pour la santé des Français, pour l’accès aux soins, pour l’hôpital aussi, qui a tant besoin de notre soutien. Pour ce dernier, nous continuerons bien sûr à respecter les engagements du Ségur de la santé, autant sur les rémunérations, où ces engagements s’élèvent à 14 milliards, que sur les investissements, dont le montant sur plusieurs années s’élève à 19 milliards ; en outre, certains engagements financiers seront finalisés en 2025. En somme, comme je m’emploierai à en faire la démonstration, il s’agit à la fois d’un budget de progrès, d’avancées, et de responsabilité.
D’abord, comme en témoigne la trajectoire d’augmentation des dépenses d’assurance maladie, c’est un budget de progrès. C’est un budget d’action pour la santé de tous les Français, afin non seulement de répondre aux besoins de santé croissants en termes d’accès aux soins et de protection des hôpitaux, mais aussi de faire face à nos priorités de santé publique, comme la prévention, les soins palliatifs, les soins critiques, la santé mentale, l’accès aux médicaments et aux produits de santé. Pour répondre à ces besoins et à ces priorités, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’Ondam, progressera de 2,8 % en 2025, soit 1 point au-dessus de l’inflation, pour atteindre près de 264 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation de 63 milliards par rapport à 2019 et de 9 milliards par rapport à 2024. Cette progression traduit concrètement la volonté du Gouvernement de poursuivre les investissements engagés et de financer des mesures nouvelles attendues par les professionnels et les patients.
La trajectoire d’augmentation des dépenses d’assurance maladie nous permet en effet de continuer à renforcer l’accès aux soins dans tous les territoires et de financer nos grandes priorités : améliorer l’organisation du système de santé, assurer le financement de celui-ci, renforcer nos politiques en matière de psychiatrie et de santé mentale, travailler à l’attractivité des métiers du soin et accompagner les innovations. Concrètement, la convention signée avec les médecins généralistes est respectée.
M. Thibault Bazin
Heureusement que nous tenons nos engagements !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
La revalorisation de la consultation à 30 euros dès décembre 2024 le confirme. L’attractivité des métiers sera améliorée par le développement des maisons de santé pluridisciplinaires, dont le déploiement sur le territoire se poursuit. Nous poursuivrons bien sûr notre stratégie d’aller vers les populations des territoires sous-denses ainsi que les publics précaires les plus éloignés des soins, à travers des initiatives comme la télémédecine ou les médicobus.
Le PLFSS traduit également une action résolue, et à laquelle je suis particulièrement attachée, en faveur des soins palliatifs. Dès 2025, 100 millions seront consacrés au déploiement de la stratégie décennale qui doit permettre, dans chaque territoire, le renforcement de l’offre de soins palliatifs non seulement au sein des établissements de santé et médico-sociaux mais aussi à domicile, ainsi que la poursuite d’une filière de formation universitaire en soins palliatifs.La prise en charge des troubles de la santé mentale, que le Premier ministre a choisi d’ériger en grande cause nationale pour 2025 – nous pouvons tous nous en réjouir –, va aussi connaître des progrès considérables. Près de 100 millions seront mobilisés dès cette année, par exemple pour renforcer le dispositif Mon soutien psy, qui permettra un accès simplifié et plus rapide à un psychologue, en revalorisant le tarif des séances et en prenant en charge un plus grand nombre de séances au cours d’une année civile. En outre, le dispositif de prévention du suicide VigilanS sera étendu aux mineurs. Les équipes mobiles précarité-psychiatrie seront également renforcées afin d’aller à la rencontre des personnes précaires, qui sont plus éloignées des soins, en particulier de la psychiatrie. Enfin, des filières psychiatriques seront développées dans les services d’accès aux soins (SAS) pour améliorer la réponse préhospitalière apportée aux personnes nécessitant des soins psychiatriques.
Par ailleurs, nous poursuivrons et amplifierons nos politiques en faveur de la prévention, en renforçant le repérage précoce pour prendre en charge les personnes au bon moment. Nous voulons que cette politique globale de prévention soit déployée auprès de la population dès le plus jeune âge, car les inégalités de santé s’ancrent au moment de l’enfance. En outre, le dispositif Mon bilan prévention sera généralisé. Les mesures de prévention doivent davantage s’intégrer dans le quotidien de chacun : 75 millions d’euros sont destinés à poursuivre les campagnes de vaccination contre les infections au papillomavirus au collège, qui ont repris dès cet automne. La part des dépenses des agences régionales de santé (ARS) ciblées sur la prévention augmentera de 10 % au sein de l’enveloppe du fonds d’intervention régional (FIR).
Comme je l’ai affirmé à diverses occasions, la défense de nos hôpitaux est bien sûr une autre de nos priorités. Le PLFSS permettra notamment de renforcer notre action en faveur des soins critiques. Les effets de la réforme de 2022 seront pris en compte, et nous poursuivrons notre travail en faveur d’une meilleure répartition de l’activité sur le territoire ainsi que d’une hausse des exigences en matière de qualité et de sécurité des soins. Nous nous efforçons également de faciliter la gestion des ressources humaines dans les établissements de santé pour éviter la déstabilisation des collectifs de travail. Le montant des rémunérations versées par les établissements publics sanitaires et médico-sociaux aux professionnels de santé non médicaux intérimaires sera par exemple plafonné.
Enfin, ce PLFSS permettra de garantir l’accès aux médicaments et produits de santé à tous les Français. Dans un contexte d’aggravation des ruptures de stock, constatée dans l’ensemble des pays européens ces dernières années, c’est une priorité de mon ministère et du Gouvernement. Le PLFSS confirme la poursuite des travaux présentés en février 2024 dans une feuille de route ambitieuse, visant à garantir la disponibilité des médicaments et à asseoir une stratégie de relocalisation industrielle de certaines molécules essentielles. Il prévoit également la possibilité de recourir à un financement dérogatoire pour des dispositifs médicaux utilisés en alternative à un dispositif médical en rupture d’approvisionnement.
Je n’égrènerai pas toutes les mesures, mais j’insiste sur le fait que ce budget est non seulement un budget de progrès, mais aussi de responsabilité. Nous sommes face à des contraintes budgétaires dont nous devons impérativement tenir compte.
M. Thibault Bazin
C’est vrai !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Le budget doit donc non seulement accentuer la pertinence et l’efficience des dépenses, mais aussi amener l’ensemble des acteurs à faire preuve de responsabilité face à la croissance de nos dépenses de santé. Tous les acteurs devront en effet participer à la maîtrise de la progression d’une partie des dépenses, dans une logique de responsabilisation et d’effort partagé.
Les mesures d’efficience et de pertinence portent notamment sur la coconstruction d’accords tarifaires entre l’assurance maladie et les professionnels de santé dans les domaines de l’imagerie et de la biologie, l’amélioration de l’efficience des transports de patients, l’élargissement du dispositif d’accompagnement des prescripteurs créé dans la précédente LFSS afin de s’assurer de la pertinence des prescriptions et la simplification du mode de calcul de la clause de sauvegarde pour le secteur des médicaments.
De plus, par rapport à la progression tendancielle des dépenses, des économies de l’ordre de 5 milliards devront être réalisées en 2025. Des cibles ont été identifiées, afin de concrétiser cet effort nécessaire. Nous sommes dans une logique de partage des efforts et d’équité : un quantum d’efforts a été fixé et chacun devra prendre sa part.
À présent, il convient de poursuivre le dialogue avec vous, parlementaires, et avec tous les acteurs…
M. Jérôme Guedj
Il n’a jamais commencé !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
…afin de définir les modalités concrètes de mise en œuvre et d’atteindre la cible fixée. Sont envisagées des mesures de transfert vers les complémentaires santé – à hauteur de 1,1 milliard d’euros – et vers les entreprises, avec la baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières financées par l’assurance maladie. Cette dernière mesure est portée par ma collègue Astrid Panosyan-Bouvet. Nous envisageons aussi des baisses de prix des produits de santé pour 1,2 milliard d’euros, ainsi que des mesures d’efficience à l’hôpital – 0,6 milliard – et en ville – 0,6 milliard. Là encore, nos objectifs d’économies devront être atteints, mais je souhaite laisser la place à la concertation et au débat parlementaire.
M. Hadrien Clouet
Vous n’avez pas le choix !
M. Pierre Cordier
Très bien !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Il est impératif d’assurer la soutenabilité de notre système de soins sur le long terme, en travaillant à une plus grande maîtrise des dépenses et en construisant, avec les représentants du système de santé, des mesures d’efficience et de régulation.
Aujourd’hui s’ouvre un moment essentiel de dialogue et de débat parlementaire sur la santé et l’accès aux soins des Français. J’ai bien conscience que ce n’est pas simple, mais nous devons trouver le bon équilibre. Aussi, la semaine passée, j’ai été très attentive à vos débats en commission et j’ai écouté les réserves exprimées par certains. (M. Hadrien Clouet s’exclame.) Tout au long du débat, je répondrai à vos interrogations et aux évolutions que vous proposerez mais, s’agissant de l’Ondam, je répète que n’avons jamais consacré autant de moyens à la santé et nous continuons de le faire.
M. Thibault Bazin
Ce n’est pas la question ! L’Ondam n’est jamais respecté !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Nous devons donc améliorer l’efficacité des dépenses. Concernant l’absence de réformes structurelles : s’il présente des mesures liées aux recettes et aux dépenses de l’assurance maladie, le budget n’est pas l’instrument destiné à faire passer les réformes et tous les changements du système de santé. Ce n’est pas son objet. Cela ne nous exonère pas d’entamer une réflexion pour proposer une loi de transformation profonde de notre système de santé et de son financement. Ensemble, en confiance et en responsabilité, nous devrons mener ce travail sur le temps long.
M. Jérôme Guedj
Vous n’aimez pas le temps long !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Pour en revenir au budget, je suis convaincue que nous parviendrons à trouver ensemble un chemin juste et équilibré, grâce au sens des responsabilités de chacun et aux enrichissements apportés par le débat parlementaire.
M. Hadrien Clouet
Et grâce au 49.3 !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Nos travaux doivent contribuer à un système de santé plus juste et plus efficient. La transformation de notre système, qui est déjà à l’œuvre, doit se poursuivre. À titre personnel, je suis convaincue qu’une vision de long terme est indispensable, afin de renforcer et de faire évoluer notre système de santé.
M. Louis Boyard, rapporteur de la commission des affaires sociales
Vous ne tiendrez pas l’hiver !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
D’ici là, vous pourrez compter sur moi pour rester fidèle à la méthode que je crois juste : le dialogue, l’écoute et le débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Jérôme Guedj
…et du Ségur de la santé non financé !
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
À plusieurs reprises, j’ai entendu qu’en rejetant le PLFSS, la commission voulait « envoyer un message » au Gouvernement. (M. Hadrien Clouet s’exclame.) Je ne peux croire que ce message appelle à l’aggravation du déficit de la sécurité sociale. Ce serait injuste pour les générations futures et irresponsable au regard du déséquilibre de nos comptes sociaux. En revanche, si ce message nous invite à revoir notre copie, mes collègues du Gouvernement et moi-même pouvons l’entendre, et nous vous répondons : chiche ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la ministre de la santé vient de répéter ce que nous disons depuis le début : nous sommes prêts à travailler avec vous et avec les partenaires sociaux.
M. Hadrien Clouet
Merci !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
En commission, la suppression de plusieurs articles n’a pas permis d’examiner toutes vos propositions. Pourtant, certains amendements offraient des pistes intéressantes qui auraient mérité d’être discutées. Nul doute que nous pourrons le faire en séance publique. Je pense, par exemple, aux amendements qui visaient à protéger les petites pensions.
M. Louis Boyard, rapporteur
C’est bien, ça !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous devons débattre en séance publique des petites retraites, des allégements généraux, de toutes les mesures que nous vous avons soumises et des améliorations que vous proposez : le Gouvernement, par définition, est à votre écoute.
M. Thibault Bazin
Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il n’y a ni totem ni tabou. Depuis plusieurs semaines, je n’ai qu’une seule ligne rouge : le redressement de nos comptes. Ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre : la sécurité sociale est fondée sur le principe de la solidarité, qui est d’abord une exigence de responsabilité : ne pas dépenser l’argent que l’on n’a pas et ne pas être généreux avec l’argent des autres – surtout quand il s’agit de l’argent des Français. Cette exigence trouve sa traduction budgétaire dans le principe d’équilibre des comptes sociaux. Ainsi, quand nous proposons une nouvelle dépense, nous avons la responsabilité collective de la financer ; et quand nous n’en avons pas les moyens, nous avons la responsabilité de l’assumer et de le dire aux Français. Veiller à l’équilibre des comptes sociaux, c’est tout simplement veiller à la soutenabilité de notre modèle de protection sociale : une branche, un risque, un financement. Nous ne pouvons pas faire comme si la situation de nos finances publiques n’était pas grave. Nous ne pouvons pas nous permettre de fermer les yeux sur l’aggravation du déficit public ni sur le déséquilibre des comptes sociaux.
Un député du groupe EcoS
La faute à qui ?
M. Hadrien Clouet
Qui gouvernait la France ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Vous connaissez la situation. Ceux qui ont participé aux débats de la semaine dernière l’ont entendu à de multiples reprises. Vous connaissez aussi l’ampleur inédite de l’effort de redressement que nous devons engager dès 2025 : il est de 60 milliards d’euros.
M. Thibault Bazin
Il y a du boulot !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Notre objectif est de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB à l’horizon 2029. C’est un effort inédit, mais nécessaire…
Mme Marie-Christine Dalloz
Et courageux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce niveau de déficit nous permettra de stabiliser notre endettement, puis de commencer à le réduire. Ça n’a rien d’une lubie ou d’un dogme : c’est la condition objective et nécessaire pour retrouver une trajectoire financière soutenable, au bénéfice de l’ensemble des administrations publiques, à commencer par la sécurité sociale. Les marchés, eux, ne font pas de différence – ou très peu – entre l’endettement de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. Tout cela s’appelle la dette et le déficit public. Ce qui compte, c’est la signature de la France ; la crédibilité de cette signature détermine les conditions dans lesquelles toutes nos administrations se financent. Ces dernières semaines, chacun aura pu entendre les alertes sur le sujet.
Mme Danielle Brulebois
Oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Quand j’évoque nos conditions de financement, je parle de notre capacité à consolider les droits sociaux de nos concitoyens et à en ouvrir de nouveaux. La ministre de la santé a exposé les avancées proposées dans le champ de la santé et de l’accès aux soins. Les ministres vous présenteront les avancées dans les autres branches : l’amélioration des retraites des agriculteurs ; la consolidation de la prise en charge du handicap et de la perte d’autonomie ; l’amélioration des conditions d’indemnisation des victimes d’accidents du travail ; le renforcement, enfin, des moyens de la politique familiale, priorité du Gouvernement, notamment dans le cadre du service public de la petite enfance. Au fond, il y va de la capacité de notre système social à jouer son rôle protecteur, avec l’efficacité que les Français sont en droit d’exiger, eu égard aux contributions dont ils s’acquittent chaque année.
C’est précisément pour cette raison que nous proposons d’engager, dès 2025, un effort de redressement, certes difficile, mais partagé et équilibré. Vous connaissez l’approche retenue : elle s’appuie pour deux tiers sur la maîtrise de la dépense publique, et pour un tiers seulement sur des contributions fiscales. Je souhaite que le Parlement maintienne le caractère ciblé, exceptionnel et temporaire de ces contributions, bien qu’à l’issue de l’examen de la première partie du projet de loi de finances (PLF), nous n’en prenions pas le chemin.
Nous appelons à un effort partagé entre toutes les administrations publiques. L’État doit prendre en compte plus de la moitié de l’effort de baisse des dépenses publiques, la sécurité sociale, environ un tiers, et les collectivités, environ un dixième. Dit autrement, cela correspond à une baisse de la dépense primaire en volume de 1,1 % pour l’État et ses opérateurs, les organismes divers d’administration centrale (Odac) ; à un maintien au même niveau pour les collectivités locales et à une augmentation de 0,6 % pour les administrations sociales.
J’ai déjà eu l’occasion d’exposer devant la commission la situation de nos comptes sociaux. En 2024, le déficit de la sécurité sociale dépassera de près de 8 milliards d’euros le niveau voté en LFSS initiale. En 2025, sans mesure nouvelle, le déficit des comptes sociaux pourrait atteindre 28 milliards d’euros, du fait de l’évolution tendancielle des dépenses. Voilà notre base de travail pour l’année prochaine. Vous en conviendrez tous avec moi : il y a urgence à nous engager résolument sur la voie d’un rééquilibrage des comptes. Le PLFSS marque une étape importante, certes, mais qui en appellera d’autres. L’effort devra se poursuivre sur plusieurs exercices, car il y va de la pérennité de notre modèle de protection sociale.
Au fond, nous sommes face à un choix binaire. Soit nous ne faisons rien, nous laissons naturellement filer le déficit, par la dépense de guichet, et nous regardons les comptes partir à la dérive. Nous le payerions très cher. Pour ma part, je refuse la casse sociale et l’austérité que nous subirions immanquablement demain, à défaut d’agir aujourd’hui. Soit nous nous engageons, dès maintenant, sur le chemin du redressement. C’est ce que la situation de nos finances publiques exige de nous ; c’est aussi ce que les Français attendent de nous. En effet, nos concitoyens ne nous demandent qu’une chose : bien gérer l’argent public, leur argent, et leur épargner des lendemains qui déchantent.
M. Sébastien Delogu
Cela fait des années que vous vous en montrez incapables !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Pour 2025, le Gouvernement projette donc un effort de freinage – proportionné – de la dépense sociale. Nous proposons une progression maîtrisée de la dépense des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse de 2,8 % – soit 18 milliards d’euros –, après une hausse de 5,3 % en 2024. Nous devons nous mettre d’accord sur les termes du débat : une progression maîtrisée, c’est une progression ; 18 milliards d’euros en plus, c’est une progression.
En 2025, quatre piliers équilibrés permettront de ramener le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d’euros, tout en finançant de nouvelles mesures. Premier pilier : le report de l’indexation des pensions de retraite, étant entendu que les minima seront revalorisés au calendrier habituel.
M. Thibault Bazin
Et les pensions à l’étranger !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce report dégagera plus de 3 milliards d’euros pour la sécurité sociale. La commission des affaires sociales s’est prononcée contre cette mesure. J’attends donc des contre-propositions d’économies.
M. Thibault Bazin
On en a fait !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
La commission s’est prononcée en faveur de l’abrogation de la réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Ce sont 15 milliards d’euros supplémentaires à trouver.
M. Jérôme Guedj
Pas l’année prochaine !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Deuxième pilier : la maîtrise des dépenses de l’Ondam, qui ramènera sa progression à son niveau spontané de 2,8 %. La commission des affaires sociales s’est prononcée en faveur de la suppression de l’Ondam. J’attends aussi vos propositions d’économies afin de financer les nouvelles mesures que le Gouvernement souhaite déployer et qui font l’unanimité.
M. Louis Boyard, rapporteur
Ce sera grâce aux recettes !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je pense aux mesures en faveur des professionnels de santé libéraux, que nous proposons de revaloriser avec une enveloppe de 1,6 milliard d’euros ; en faveur de l’hôpital, dont nous proposons d’augmenter le budget de 3 milliards d’euros ; en faveur des établissements sociaux et médico-sociaux, dont nous proposons d’augmenter le budget de plus de 2 milliards d’euros.
Nous en venons au troisième pilier, celui des réformes d’efficience, comme la refonte des allégements généraux, qui doivent nous permettre de lutter plus efficacement contre les trappes à bas salaires, tout en dépensant moins.
La commission des affaires sociales s’est prononcée pour la suppression pure et simple de cette réforme.
M. Jérôme Guedj
Votre propre majorité l’a supprimée !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
J’attends de chacun des propositions d’économies, et de tous des propositions pour lutter contre la smicardisation des salariés.
M. Sébastien Peytavie
À bon entendeur…
M. Louis Boyard, rapporteur
Augmentez les salaires !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Quatrième pilier : la révision des niches socio-fiscales dans le cadre, notamment, des réformes des dispositifs sectoriels que vise l’article 7.
Je relève que la commission a proposé de créer de nouvelles niches. Là encore, j’attends vos propositions pour ramener leur poids dans les recettes des régimes en deçà du seuil de 14 % que fixe l’article 21 de la loi de programmation des finances publiques.
M. Jérôme Guedj
Vous l’avez déjà dépassé !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nul besoin de le dépasser plus encore, monsieur Guedj !
Enfin, nous poursuivrons les actions engagées avec les caisses du régime général pour renforcer de manière significative les moyens consacrés aux actions du régime général entre 2023 et 2027. Il s’agira notamment, à l’horizon 2027, d’augmenter de 20 % les effectifs par rapport à 2022 ; de former 450 cyberenquêteurs ; de moderniser les systèmes d’information. Dans ces domaines, il faut continuer à investir. Nous nous donnons les moyens de lutter contre la fraude aux prestations sociales, à l’assurance maladie ainsi qu’aux cotisations sociales, en lien notamment avec l’Urssaf et la Mutualité sociale agricole (MSA) dont nous avons rehaussé les cibles de redressement. C’est une question de justice et une priorité forte du Premier ministre et du Gouvernement.
Nous avons volontiers reconnu que cette copie était perfectible. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Nous avons d’ailleurs indiqué que nous étions prêts à bouger sur un certain nombre de sujets, pourvu que le cadre de responsabilité fixé par le Gouvernement soit respecté.
Comme nous l’avions annoncé, en toute transparence, dès le début de la présentation des textes budgétaires, nous proposerons des mesures d’économies supplémentaires afin de compléter la copie initiale. En particulier, nous réduirons de 1,2 milliard d’euros les dépenses liées aux arrêts maladie dans la fonction publique, grâce à des mesures de lutte contre l’absentéisme et de meilleure maîtrise des arrêts maladie.
M. Alexis Corbière
Quelle honte !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je pense notamment à l’alignement du nombre de jours de carence du public sur celui du privé. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Sébastien Peytavie
Par décret ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cela nous permettra notamment d’alléger d’environ 400 millions d’euros la pression sur l’Ondam hospitalier.
M. Alexis Corbière
C’est scandaleux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Pouvons-nous par ailleurs mener une réflexion pour alléger les petites pensions, tout en demandant aux retraités une juste contribution à l’effort national ? (Mêmes mouvements.) Bien sûr ! Je suis prêt à y travailler avec vous, et à donner un avis favorable à vos propositions.
Pouvons-nous, ensemble, retravailler la réforme des allégements généraux ? Là encore, tout doit être mis sur la table. Travaillons-y ensemble.
Je vous le dis clairement, je ne serai pas le garant de mesures non financées…
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ne vous inquiétez pas : on va vous trouver l’argent !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
C’est bien par le dialogue et la concertation que nous continuerons à améliorer le financement de la sécurité sociale pour 2025. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Marie-Christine Dalloz
Taisez-vous, La France insoumise !
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
Nous délibérons sous le regard des citoyens mais, comme ministre du travail et de l’emploi, je travaille pour les salariés, les futurs salariés, les employeurs et les retraités de notre pays.
Mme Danielle Brulebois
Pour les économies, aussi !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Nous avons ensemble la responsabilité de protéger notre modèle social, de le rendre plus efficace et d’en garantir la durabilité.
Beaucoup de choses ont été dites par mes collègues, mais je veux maintenant présenter les éléments du PLFSS qui concernent l’emploi et le travail, en les inscrivant dans une feuille de route plus large, les deux budgets de la nation – PLF et PLFSS – formant un tout cohérent.
Vous le savez, la source principale de financement de la sécurité sociale reste les contributions des employeurs et des salariés. Il s’agit d’un choix historique ancien et, même si la situation a évolué depuis les années 1990, c’est le travail et l’activité qui financent notre protection sociale. Les cotisations sociales assises sur les salaires représentent 54 % de l’ensemble des ressources de la protection sociale.
Personne ne peut se satisfaire ni du niveau du coût du travail ni de ce que notre modèle social soit financé par le déficit et l’emprunt. Il nous faut donc travailler plus et mieux, plus longtemps, en meilleure santé, pour financer nos investissements d’avenir et notre protection sociale.
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure de la commission des affaires sociales
Surtout pas !
M. Pierre Cordier
Qui dit travailler plus dit gagner plus !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
En tant que ministre du travail et de l’emploi, mon rôle est d’abord de faire en sorte que l’économie crée des emplois et préserve les emplois existants. Il est aussi de faire en sorte que ces emplois offrent un travail de qualité, exercé dans de meilleures conditions, qu’ils soient reconnus, qu’ils participent à la montée en gamme de l’économie française et qu’ils contribuent à la transition climatique.
M. Alexis Corbière
On en est loin !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Avec ces grands objectifs en tête, mon premier axe reste l’emploi des jeunes, des seniors et de tous ceux qui sont éloignés de l’emploi. Nos choix budgétaires témoignent d’un soutien continu aux opérateurs et aux outils efficaces des politiques de l’emploi. Je pense ici à France Travail, à l’insertion par l’activité économique, l’IAE, dont les moyens sont globalement stables, ou à l’apprentissage, qui va continuer de bénéficier d’un budget élevé par rapport à ses niveaux historiques. Le financement de l’apprentissage en France est au moins équivalent aux mieux-disants européens, allemand et suisse.
M. Alexis Corbière
Vous cassez les lycées professionnels !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Le soutien public à l’apprentissage est inscrit dans le PLF pour plus de 14 milliards, mais nous aurons aussi à débattre, dans ce PLFSS, des exonérations de cotisations salariales pour les apprentis. La mesure est sensible car il s’agit souvent de la première feuille de paie, du premier contrat de travail.
M. Alexis Corbière
Ce sont des effets d’aubaine pour les employeurs !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Il faut trouver une formule équitable pour les apprentis actuellement en poste, qui soit praticable pour les entreprises. Nous soutiendrons les initiatives parlementaires en ce sens.
Toujours au chapitre de l’emploi, nous avons pris, avec le Premier ministre, l’initiative de relancer la négociation sur l’assurance chômage par la question de l’emploi des seniors. J’ai écrit une lettre aux partenaires sociaux en ce sens, les invitant à reprendre l’accord qu’ils avaient élaboré et signé en novembre 2023.
Je tiens à ce qu’ils s’emparent aussi de la question des retraites progressives : moins de 1 % de retraites progressives, c’est très insuffisant, car ce dispositif est efficace et utile ailleurs, par exemple dans les pays scandinaves, qui ont réussi le pari de l’activité des seniors.
Après l’emploi, mon deuxième axe est le pouvoir d’achat des travailleurs. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Le premier PLFSS de la législature ouvre enfin le chantier des bas salaires. Le Smic ne doit pas être un salaire à vie. Cela semble une évidence, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. De très nombreux salariés se retrouvent coincés au Smic ou juste au-dessus pendant des années.
M. Alexis Corbière
La faute à qui ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Nous devons avoir la lucidité de reconnaître qu’une bonne politique de l’emploi, construite à un moment donné, peut comporter aujourd’hui des effets de bord qui ne sont plus soutenables.
En effet, depuis trente ans, gauche comme droite,…
M. Jérôme Guedj
Surtout droite !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…nous avons empilé des dispositifs avec deux objectifs louables : soutenir l’emploi peu qualifié d’une part, et la compétitivité de nos entreprises d’autre part. Au bout du compte, nous avons constitué ainsi des trappes à bas salaires et un système inflationniste d’aides aux entreprises.
M. Alexis Corbière
Cela fait des années qu’on vous le dit !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Poser la question du soutien public est nécessaire, tout simplement pour que le système soit soutenable. Notre objectif est donc de remettre en route la progression salariale, qui est aussi un moyen de promouvoir la progression dans l’entreprise, donc de stimuler l’effort de formation, la montée en gamme et les gains de productivité.
En nous fondant sur plusieurs diagnostics, dont le plus récent est celui posé par les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer, nous comptons réviser les dispositifs d’allégement de cotisations sociales patronales sur les bas salaires.
Mme Danielle Brulebois
Très bien !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Nous proposons de diminuer ces allégements entre 1 et 1,2 Smic, et de les augmenter entre 1,3 et 1,9 Smic. Cette année, nous proposons de commencer par baisser de 2 points sur les 40 points d’exonérations au niveau du Smic, avant d’opérer une nouvelle baisse de 2 points supplémentaires l’an prochain. Par ailleurs, nous recentrons les exonérations, que nous maintenons jusqu’à 3 Smic.
Sur ce point, j’assume de ne pas suivre toutes les préconisations du rapport de MM. Bozio et Wasmer.
M. Jérôme Guedj
C’est dommage !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Nous maintenons les exonérations jusqu’à 3 Smic, contrairement à la préconisation des deux économistes, qui recommandent de les arrêter à 2,5 Smic. Pourquoi ce choix ? Parce que je suis attentive à la compétitivité des emplois industriels, ceux qui sont le plus exposés à la concurrence et aux délocalisations. (« Eh oui ! » sur quelques bancs des groupes EPR et DR.) Nous procédons par ailleurs en deux ans, au lieu d’un, pour laisser le temps aux entreprises de s’adapter. Cette progressivité nous permettra de rester vigilants quant aux effets de bord.
La mesure permettra de réaliser une économie de 4 milliards par an, alors que les deux économistes recommandaient de raisonner à coûts constants. À ceux qui nous reprochent les économies attendues, je rappelle que nous parlons de 4 milliards, sur un montant d’aides aux entreprises de 78,7 milliards, nettement plus que les crédits du ministère de l’éducation nationale – 64,5 milliards –, et plus de 2,5 points de PIB.
M. Jérôme Guedj
C’est bien de le dire !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Ces économies permettront un retour de 2 milliards pour la branche maladie et de 2 milliards pour la branche vieillesse.
J’entends les craintes des entreprises s’agissant du coût du travail et de la création d’emplois. Je suis très attentive au contexte : la situation économique se tend, les défaillances d’entreprise se multiplient, les stocks des entreprises industrielles s’accroissent…
M. Jérôme Guedj
Votre politique ne marche vraiment pas !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je suis à l’écoute des positions et des arguments des acteurs, en particulier des fédérations professionnelles. J’ai suivi vos échanges en commission. Le débat aura lieu ici même, dans l’hémicycle, mais je compte bien, avec vous, retravailler sur le coût du travail dès que le budget aura été examiné. En effet, la compétitivité des entreprises et la progression salariale restent une condition majeure de notre prospérité collective et de notre souveraineté.
J’en profite pour souligner que le pouvoir d’achat des travailleurs n’est pas seulement une question fiscale et sociale. C’est aussi une question de responsabilité des branches. J’ai à cet égard lancé un travail sur les minima conventionnels et les classifications professionnelles.
Je souhaite également traiter la question du temps partiel subi, qui concerne à 80 % des femmes, et sur laquelle l’Inspection générale des affaires sociales – Igas – publiera prochainement un rapport. Parlementaires et partenaires sociaux pourront se saisir de ses propositions.
Après l’accès à l’emploi et le travail qui paie, mon troisième axe est celui de la responsabilité budgétaire et de la participation à l’effort collectif pour la pérennité de notre modèle social.
Depuis un décret de février 2024, mon ministère apporte une contribution importante à la maîtrise des finances publiques. Le sens des responsabilités nous conduit à proposer une revalorisation des pensions au 1er juillet plutôt qu’au 1er janvier, comme cela s’est fait dans le passé.
Je veux souligner les raisons d’une telle mesure. Nous sommes tous convaincus qu’il faut garantir la pérennité de notre régime de retraite par répartition, mais la dégradation des finances publiques appelle des mesures qui produisent leurs effets à court terme, tout en gardant un esprit de solidarité intragénérationnelle et d’équité intergénérationnelle.
Le Gouvernement propose donc de reporter de six mois la revalorisation des pensions de retraite alors que le rythme de l’inflation revient en dessous de la barre des 2 %. Ce différé de revalorisation…
M. Thibault Bazin
…est injuste !
M. Sébastien Peytavie
Il touchera les petits et les femmes !
M. Thibault Bazin
Non, tous les retraités !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…permet à court terme de demander aux retraités une contribution – la première depuis longtemps – à la maîtrise des comptes publics, sans engager l’avenir.
Pour remettre cette mesure en perspective, je rappelle que l’idée n’est pas nouvelle : elle a déjà été utilisée en 2009, en 2014, en 2015 et en 2018.
M. Thibault Bazin
Les vieilles recettes !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Cette mesure de court terme ne remet pas non plus en cause l’indexation des retraites sur l’inflation. Rappelons-nous aussi qu’au 1er janvier 2024 les pensions de retraite ont été revalorisées de 5,3 %, une mesure qui a coûté 14 milliards aux finances publiques.
Je rappelle également que la réforme des retraites de 2023 n’a pas mis à contribution les retraités actuels, et que certains, par exemple le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), s’interrogent sur la pertinence et l’équité de l’abattement général de 10 % qui s’applique à toutes les pensions de retraite.
Surtout, les retraités les plus modestes, celles et ceux qui bénéficient du minimum vieillesse ou de l’allocation veuvage, ne seront pas concernés : ces prestations seront revalorisées au 1er janvier.
En outre, près de 1,4 million de retraités parmi les plus modestes bénéficient depuis 2023 de la revalorisation du minimum contributif, le Mico, et touchent entre 25 et 100 euros de revalorisation mensuelle – un second versement vient d’avoir lieu en septembre 2024.
L’article 23 a été examiné en commission, et nous devrons poursuivre le débat afin de mieux prendre en compte la situation des retraités modestes.
Toujours au chapitre de la responsabilité budgétaire, la forte augmentation des indemnités journalières (IJ) pèse sur la branche maladie : elles sont passées de 8 milliards par an en 2017 à 17 milliards par an.
Une telle croissance doit susciter nos interrogations. Le PLFSS comprend une disposition visant à économiser sur ce poste, qui sera appliquée par voie réglementaire : je suis la première consciente qu’il ne s’agit que d’une mesure à court terme, car elle revient à transférer le coût à l’employeur et à polariser plus encore le marché du travail selon que l’on est ou non protégé par une bonne couverture.
M. Alexis Corbière
C’est honteux !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Nous devons donc, avec les partenaires sociaux et les fédérations professionnelles, examiner le système des indemnités journalières, afin de parvenir à l’équilibre entre responsabilité individuelle, responsabilité de l’entreprise et solidarité nationale. La question du coût de ces indemnités s’inscrira en outre dans une discussion bien plus large sur la santé au travail, qui impliquera les partenaires sociaux, les parlementaires, le Conseil économique, social et environnemental (Cese), s’appuiera sur des comparaisons européennes et abordera tous les sujets : conditions de travail, prévention, absentéisme, prescription d’arrêts de travail par les plateformes, dialogue social de proximité.
M. Alexis Corbière
Pourquoi annoncer que vous supprimez 10 % des IJ ? Tous les syndicats sont contre. Vous ne voulez pas dialoguer !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Après l’emploi, le travail qui paie et la responsabilité budgétaire, notre quatrième axe consiste à intégrer dans le droit d’importantes mesures de justice sociale. Ce PLFSS nous donne l’occasion de mettre à exécution des réformes très attendues dans le monde agricole, qui permettront notamment d’améliorer les retraites des agriculteurs non salariés : pérennisation de la hausse des cotisations patronales sur le travail saisonnier, cumul des dispositifs d’exonération de cotisations au moment de l’installation des jeunes agriculteurs, et surtout réforme des retraites agricoles, très attendue, je le répète, par les professionnels.
Cette réforme consiste à rapprocher enfin le régime de base des agriculteurs du régime général…
M. Thibault Bazin
Un combat qu’avec Julien Dive nous menons depuis longtemps !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…en y retenant également, pour le calcul, les vingt-cinq meilleures années et en alignant le plafond de la pension minimale de référence des agriculteurs, soit 1 073 euros brut par mois, sur le minimum de pension du régime général, soit 1 367 euros brut par mois. Il s’agit, là encore, d’une mesure de justice sociale visant à tenir compte des variations des revenus agricoles lors des mauvaises années ; entre 35 % et 45 % des agriculteurs y gagneraient.
M. Thibault Bazin
Plutôt qu’en 2028, faites-le en 2026 !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Techniquement, son application n’est pas simple : elle ne pourra être pleinement opérationnelle qu’en 2028. Toutefois, nous soutiendrons des amendements tendant à en anticiper certains aspects dès 2026.
En complément de son volet budgétaire, ce PLFSS contient une mesure normative également importante et attendue : l’article 24 permettra la bonne retranscription dans la loi de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 15 mai 2023, précisé en juin 2024. Cet accord unanime a trait à un enjeu fondamental, constitutif du droit du travail : l’indemnisation des accidents du travail, de façon à couvrir le préjudice professionnel et personnel.
Depuis mon audition et celle de mes collègues membres du Gouvernement par la commission des affaires sociales, les partenaires sociaux ont suggéré quelques ajustements, qui ont été travaillés en lien avec les parlementaires ; nous discuterons dans l’hémicycle des modalités de versement des indemnités retenues par le juge en cas de faute inexcusable, ainsi que du rôle à donner, dans les diverses commissions, aux associations d’aide aux victimes.
Telles sont les principales dispositions que nous vous proposons pour 2025. Vous l’aurez compris, elles s’inscrivent dans la perspective plus large de chantiers pluriannuels en vue desquels j’aurai besoin du Parlement, de vos analyses, de vos propositions, de même que des partenaires sociaux. Comme l’a rappelé le ministre chargé des comptes publics, ce texte reste perfectible : dans le cadre de l’effort attendu, je suis ouverte à des évolutions. Concernant les allégements généraux, les exonérations de cotisations sociales pour les apprentis, le décalage de la revalorisation des pensions, la retranscription de l’ANI consacré aux accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP),…
M. Thibault Bazin
Il y a beaucoup à corriger !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…nous devons choisir ensemble la meilleure façon d’atteindre les objectifs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes
Dans ce contexte budgétaire contraint, les plus vulnérables d’entre nous seraient les premiers à souffrir d’une fragilisation de notre modèle de solidarité. Dois-je préciser que les plus vulnérables, ce sont tous les Français, puisque chacun se trouve fatalement dans cette position à un moment donné de sa vie ? Les commissaires aux affaires sociales peuvent témoigner que mon ministère entend prendre toute sa part de l’effort collectif visant à ce que ce modèle soit préservé et à ce que la troisième valeur républicaine, la fraternité, qui lui apporte sa dimension humaine, continue d’être un principe général de l’action publique. Je les remercie d’ailleurs de leur travail, qui sera encore approfondi en séance à partir d’aujourd’hui.
Si, afin d’accompagner tous les Français, toutes les familles, les moyens dévolus aux solidarités sont en hausse, il est également indispensable que nous renforcions leur efficacité à moindre coût, autrement dit leur efficience. Nous encouragerons donc les améliorations en matière de pratiques d’achat des établissements, la mise en commun des ressources ; nous favoriserons la sobriété médicamenteuse, car l’usage abusif des médicaments peut détériorer la santé et altérer la qualité de vie. Nous lutterons également contre toutes les formes de mésusage des moyens publics, qui doivent toujours servir la qualité de l’accompagnement des usagers. Dans tous les cas, comme mes collègues ministres, j’ai travaillé en vue de vous soumettre une proposition tournée vers l’avenir, un budget d’investissement dans l’avenir.
L’avenir, c’est tout d’abord nos enfants : je commencerai donc par traiter de la politique familiale, qui constitue une priorité du Gouvernement et du Premier ministre. Ce PLFSS conforte les moyens prévus pour le service public de la petite enfance, dont l’impact est considérable sur la vie des Français. Il témoigne de notre regard vers l’avenir, de notre considération pour les professionnels de ce secteur, de notre mobilisation en vue de garantir la sérénité des parents et la sécurité au quotidien.
Si l’on veut réduire les tensions concernant l’offre d’accueil et la charge qui en découle pour les parents, il est nécessaire d’agir de manière résolue et continue. Nous devons donc aller plus loin dans le contrôle de la qualité de cette offre ; concrètement, en finançant les investissements nécessaires, nous relevons le défi de créer d’ici à 2027 35 000 places dans les établissements d’accueil du jeune enfant. Nous poursuivons la revalorisation salariale des professionnels, essentiels à notre ambition : cette année commence le déploiement du bonus attractivité, destiné à augmenter de 150 euros en moyenne les salaires mensuels nets en début de carrière.
En outre, à partir du 1er janvier 2025, le service public de la petite enfance bénéficiera d’un nouvel élan grâce aux compétences obligatoires des communes, qui devront recenser l’offre disponible et disposeront enfin de nouveaux outils afin d’assurer la qualité de l’accueil. En effet, l’objectif de ce service réside aussi et surtout dans la sécurité des jeunes enfants : les lieux d’accueil, premiers lieux de la vie, doivent la protéger. Il importe de tourner la page d’une optimisation intolérable qui fait souffrir les enfants, les professionnels, et incite les parents à la défiance. Rôle renforcé des communes, revalorisation des professionnels, création de places seront ainsi les clés d’une confiance retrouvée, d’un secteur consolidé ; quant à vos propositions touchant les modalités de financement des crèches, Agnès Canayer et moi les examinons avec attention, tout en gardant à l’esprit le fait que le secteur, en cette période décisive, a besoin de stabilité et de visibilité.
Je vous rappelle également que nous devons prêter une attention particulière aux familles monoparentales, dont la charge incombe le plus souvent aux femmes. Comme prévu, à partir de 2025, la branche famille financera, à hauteur de 600 millions en année pleine, une réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG) : pour les familles monoparentales, il n’ira plus jusqu’aux 6 ans mais jusqu’aux 12 ans de l’enfant. Tous les parents sans exception ont besoin de concilier leurs différents temps de vie, d’accéder à l’emploi ou de s’y maintenir, tout en récupérant suffisamment pour jouer pleinement leur rôle : il en résultera pour la branche famille, en 2025, près de 2 milliards d’augmentation des dépenses.
Nous réfléchissons par ailleurs au congé de naissance, levier du développement de l’enfant lors des mille premiers jours de sa vie, mais aussi de l’égalité entre les femmes et les hommes. Avec Salima Saa et Agnès Canayer, nous continuerons de travailler à ces dossiers, en relation avec vous.
La valeur de fraternité sous-tend également nos actions en faveur des personnes en situation de handicap. Nous souhaitons, avec Charlotte Parmentier-Lecocq, conforter les mesures issues de la Conférence nationale du handicap et la dynamique initiée par les Jeux paralympiques en faveur d’une société plus inclusive. (M. Hadrien Clouet s’exclame.) Le PLFSS comprend l’accélération du déploiement des 50 000 nouvelles solutions d’accompagnement : alors que le rythme prévu était de l’ordre de 200 millions d’euros par an, nous portons à 270 millions supplémentaires l’enveloppe disponible en 2025.
M. Thibault Bazin
C’est bien !
M. Paul Christophe, ministre
Cette impulsion doit rendre possible, dès 2025, le déploiement effectif de 15 000 solutions plus individualisées, plus adaptées aux besoins spécifiques des personnes, au plus près de leurs lieux de vie. L’on ne peut pas tout standardiser : nos politiques visent à faciliter le sur-mesure. Ces solutions pourront, au besoin, bénéficier, en complément, du fonds de transformation de l’offre – 250 millions d’euros – annoncé en comité interministériel du handicap et inscrit au sein du PLFSS.
L’évolution vers le milieu ordinaire ne se décrète pas, elle s’accompagne, et doit être pourvue de moyens. Nous porterons une attention particulière à l’école pour tous, à laquelle je crois profondément : comme j’ai coutume de le rappeler, votre camarade de classe handicapé peut devenir aujourd’hui votre ami, demain votre collègue, conjoint ou compagnon. Une société est véritablement inclusive lorsqu’elle l’est nativement, c’est-à-dire qu’elle combat les préjugés dès le début de la sociabilisation. Cette école, notre école, a besoin de moyens médico-sociaux : mon ministère est en mesure de les fournir.
M. Alexis Corbière
Les infirmières scolaires, les AESH ?
M. Thibault Bazin
Il y a du boulot !
M. Paul Christophe, ministre
Il y va de l’égalité des droits promise par la loi du 11 février 2005, dont nous fêterons bientôt les 20 ans. Là encore, nous serons à l’écoute de vos suggestions.
J’en viens à un sujet dont les défis sont toujours devant nous : le vieillissement de la population. Nous en avons beaucoup parlé, et nos préoccupations sont communes : il faut se préparer dès à présent…
M. Pierre Cordier
Il faut encourager la natalité, surtout !
M. Paul Christophe, ministre
…à l’augmentation importante du nombre de personnes de plus de 85 ans ayant besoin d’un soutien pour rester autonomes. C’est là une réalité dont on ne peut faire abstraction. En anticipant ce phénomène, en reconsidérant notre approche politique, nous ne nous contenterons pas d’y faire face : nous garantirons aussi les valeurs qui font la France.
Dans l’immédiat, c’est une urgence qui se présente à nous. Dans l’intérêt des résidents, des professionnels, des familles et, je le répète, des valeurs sociales de notre pays, la situation des Ehpad ne peut plus durer ; alors que 90 % des établissements de demain sont déjà là, que nous avons besoin d’eux, ils rencontrent des difficultés financières structurelles, ainsi que l’ont montré plusieurs rapports parlementaires.
M. Vincent Descoeur
Il y a urgence !
M. Paul Christophe, ministre
J’ai bien l’intention d’élaborer avec vous des solutions pérennes ; c’est pourquoi j’ai étudié avec attention les nombreux amendements déposés sur ce point. En plus de tout ce que comporte le texte, nous pourrons nous permettre quelques avancées complémentaires. Les Ehpad ne posent pas seulement un problème financier, ils doivent se transformer et, au-delà du bien vieillir, devenir des lieux de bien vivre : certains logent dans ce but des étudiants, abritent des crèches conjointes, des services publics, voire des lieux de convivialité pour tout un quartier. Des investissements immobiliers supplémentaires sont prévus par le PLFSS. Bien sûr, le financement de ces établissements devra également être simplifié ; comme vous le savez, la sécurité sociale ne pourvoit pas seule à leurs besoins, et le renvoi des responsabilités entre cofinanceurs se révèle délétère.
M. Thibault Bazin
Il faut soutenir les départements !
M. Paul Christophe, ministre
En complément de la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie, le PLFSS prévoit un fort soutien à l’expérimentation consistant à transférer des départements à la branche autonomie le soin de financer l’entretien de l’autonomie au sein des Ehpad. Vingt-trois départements candidats ont été retenus ; cette réforme représenterait pour la sécurité sociale un surcoût total d’environ 200 millions. Nous croyons tous au caractère structurant de cette mesure, au point que certains voudraient réduire la durée de l’expérimentation : j’y suis tout disposé.
M. Thibault Bazin
Accélérons le déploiement !
M. Paul Christophe, ministre
Tous départements confondus, l’accroissement des ressources des Ehpad permettra le recrutement d’environ 6 500 professionnels supplémentaires, afin de parvenir plus vite aux 50 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires annoncés pour 2030. Il résulte de ces évolutions que les moyens consacrés aux personnes âgées augmenteront en 2025 de 6 % environ, soit une hausse supérieure à celle de l’année dernière.
Accompagner le vieillissement, c’est aussi soutenir nos aides à domicile, souvent des femmes, grâce auxquelles beaucoup de nos concitoyens peuvent réaliser leur souhait de vieillir chez eux, en restant à leur domicile ou en s’établissant dans une résidence adaptée. Dans la logique de la loi de 2024, nous proposons une aide de 100 millions d’euros destinée à ce que les départements prennent en charge une partie de leurs déplacements professionnels : il est inacceptable qu’elles les financent plus longtemps elles-mêmes.
S’agissant des revalorisations salariales, au sein de la branche des activités sanitaires, sociales et médico-sociales, liées à l’accord du 4 juin 2024, j’ai entendu les inquiétudes exprimées. Je tiens à rappeler que cet accord constitue un progrès historique pour l’attractivité des métiers concernés, non seulement en raison de ses effets sur les bas salaires, mais aussi parce qu’il engage les partenaires sociaux au sein d’une convention collective unique, perspective que les pouvoirs publics soutiennent depuis des années. Les financements nécessaires de la sécurité sociale ont été délégués et ont fait l’objet jusqu’au dernier moment de chiffrages conjoints avec les partenaires sociaux. Il y a cependant des effets de bord sur d’autres types de structures, pour lesquelles aucun agrément n’existe : nous travaillons à une compensation au cas par cas.
Soyez assurés de mon investissement sur ce sujet qui dépasse le périmètre de mon ministère et sur lequel nous devons avancer méthodiquement.
Enfin, pour conclure, permettez-moi d’évoquer une question qui me tient à cœur depuis plusieurs années : celle des 11 millions d’aidants de personnes en situation de handicap et de personnes âgées en perte d’autonomie. Le PLFSS prévoit d’augmenter les moyens alloués à l’ouverture de nouvelles places de répit, et je serai attentif également au déploiement des droits rechargeables au congé de proche aidant, pour chaque nouvelle personne aidée.
Je souhaite par ailleurs donner un nouveau souffle à la stratégie Agir pour les aidants, que les récents soubresauts démocratiques n’ont pas permis de faire avancer autant qu’elle le méritait. Un comité de suivi se tiendra avant la fin de l’année.
Les différents ajouts à la trajectoire initiale de la branche autonomie telle que prévue en 2024 aboutissent à une hausse des dépenses de 2,4 milliards d’euros en 2025, la plaçant en déficit dès l’année prochaine et pour les suivantes. J’assume ces investissements nécessaires. Toutefois, les moyens alloués à la branche en 2024 ne suffiront pas à garantir à long terme le rythme de déploiement de l’offre. Il sera nécessaire de reprendre les travaux sur les recettes, afin de poursuivre l’adaptation de la société au grand âge. Le sujet mérite des concertations, notamment en matière d’acceptabilité sociale, ainsi qu’une prise de conscience de nos concitoyens.
Enfin, vous le savez, le texte du Gouvernement est perfectible, dans la limite de ce que la situation actuelle de nos finances publiques permet. Je vous remercie de votre concours. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR, ainsi que sur quelques bancs des groupes DR et Dem.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.
M. Pierre Cordier
Le rapporteur général sourit. Cela commence bien !
M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales
L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2025 est lourd de responsabilités, tant notre système social, héritage du général de Gaulle, issu du Conseil national de la Résistance, est fragile. Si nous voulons le maintenir, nous devons en prendre soin.
Nous examinons ce texte dans des conditions exceptionnelles puisque, pour la première fois depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale, le délai de dépôt du texte n’a pas été respecté. Vous n’y pouvez rien, chers membres du Gouvernement : lorsqu’il faut cinquante et un jours au Président de la République pour nommer un Premier ministre, les délais ne peuvent être que tendus.
M. Jérôme Guedj
Eh oui !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
J’en profite pour remercier tous les collègues qui ont participé aux travaux de la commission des affaires sociales, puisque nous avons réussi à débattre dans de bonnes conditions. Je remercie non seulement leurs collaborateurs mais aussi, et surtout, tous les administrateurs qui nous ont accompagnés jour et nuit depuis plusieurs semaines. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Ce qui est tout autant exceptionnel, c’est l’ampleur des dérapages des comptes de la sécurité sociale : avec un déficit de 18 milliards d’euros, soit 7,5 milliards de plus que prévu, on peut dire que le trou de la sécurité sociale fait son grand retour !
M. Thibault Bazin
C’est énorme !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Si rien n’est fait, il pourrait même atteindre 28,5 milliards en 2025. Nous payons ainsi les politiques des gouvernements précédents, menées sans véritables caps, à coups de rabot et avec des erreurs de prévisions qui feront peser le poids de la dette sur nos enfants et petits-enfants.
M. Pierre Cordier
Que d’erreurs !
M. Alexis Corbière
Et on continue les mêmes erreurs !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Nous devons donc nous montrer raisonnables. Le Gouvernement doit reprendre un dialogue permanent avec le Parlement, et je remercie les ministres d’y contribuer. Permettez-moi toutefois d’adresser une légère remontrance au ministre des finances, qui m’a prévenu hier soir de nouvelles annonces à venir.
M. Hadrien Clouet
C’est scandaleux !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
De ce fait, nous ne savons pas dans quelle mesure celles-ci viendront percuter les amendements que nous devons examiner.
M. Hadrien Clouet
C’est vrai !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Autre fait inédit, le décalage de six mois de la revalorisation des pensions de retraite – du 1er janvier au 1er juillet 2025 – a été supprimé à l’unanimité en commission, à juste titre. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI-NFP et SOC.)
La commission a également supprimé l’article liminaire, ainsi que les deux premiers articles de la première partie, puis rejeté la deuxième partie. Qu’on ne se méprenne pas : elle n’a pas cherché à se soustraire à ses responsabilités. Au contraire, c’est le sens des responsabilités qui l’a conduite à rejeter une deuxième partie au sein de laquelle avaient été votés plus de 60 milliards de prélèvements sociaux supplémentaires pour les concitoyens et les entreprises. (Mme Stéphanie Rist s’exclame.)
M. Sébastien Peytavie
Vous voyez qu’il y a des recettes possibles !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
J’espère donc que les débats en séance nous permettront de faire évoluer ce texte sur plusieurs points essentiels.
Premièrement, sur les retraites. Les retraités ne doivent pas subir une double peine, qui consisterait à se voir rogner leurs pensions et transférer une partie du reste à charge sur leurs complémentaires santé, alors même qu’ils les paient déjà plus cher, en moyenne, que le reste des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Pierre Cordier
Très juste !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Deuxièmement, la hausse du taux de cotisation des employeurs territoriaux et hospitaliers à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ne doit pas menacer ni les structures de soins ni les collectivités locales. Cette mesure représente 1 milliard de cotisations supplémentaires pour nos structures de soins, ce qui n’est ni acceptable ni, même, envisageable : les hôpitaux, les cliniques ou les centres de cancérologie ne doivent pas avoir à choisir entre soigner ou payer les retraites !
Le troisième point a trait à la refonte des allégements généraux. Vous l’avez souligné, madame la ministre de la santé, leur coût atteint désormais 80 milliards – dont 20 milliards de plus ces quatre dernières années. Il serait nécessaire de retravailler le dispositif du Gouvernement, qui n’apparaît pas suffisamment équilibré et sur lequel nous manquons d’informations. En effet, outre la réduction des allégements généraux, les entreprises supportent déjà le poids de nombreuses autres mesures, telles que la baisse du soutien à l’apprentissage ou encore la compensation des indemnités journalières – ce qui fait beaucoup en cette période (Applaudissements sur les bancs du groupe DR) et pourrait représenter une menace pour leur compétitivité et la création d’emplois.
Le quatrième point concerne l’efficience des dépenses du système de santé : elles doivent être mieux contrôlées, pour être utiles et efficaces ; il faut aussi traquer tous les abus et toutes les dérives. Enfin, il faut miser à fond sur la prévention, je sais que Mme la ministre y est sensible, puisqu’il vaut mieux prévenir que guérir – d’autant que cela coûte trois fois moins cher ! Toutes les mesures, qu’il s’agisse de l’accès au transport sanitaire ou à un laboratoire de biologie, devront être appréciées en fonction des territoires. En effet, les besoins et les moyens diffèrent, par exemple en Isère, entre la plaine de Bièvre et la métropole grenobloise. Enfin, n’ajoutons pas non plus de la surcharge administrative aux professionnels de santé, qui en sont déjà saturés.
Permettez-moi d’évoquer également le difficile sujet du reste à charge, énième coup porté au pouvoir d’achat des Français, qui échappe, de surcroît, aux discussions du Parlement grâce au transfert du coût de la mesure vers l’assurance maladie complémentaire. Oui, il faut faire des économies, mais pas sur le dos de la santé des Français. Ce n’est pas raisonnable. Ça suffit ! Tel est le message que nous entendons dans nos circonscriptions.
Par ailleurs, pour en venir à un aspect plus positif du travail qui nous a animés ces dernières semaines en commission, je voudrais citer quelques avancées contenues dans le projet de loi.
Tout d’abord, en matière d’agriculture, le texte pérennise le dispositif d’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TODE), qui pourra aussi être cumulé avec les mesures que vous pourriez proposer, madame la ministre, à l’article 6. Nos agriculteurs ont besoin de ces avancées, tant pour assurer leur compétitivité que pour l’emploi des saisonniers.
Ensuite, il concrétise les dispositions de la loi du 18 février 2023 visant à calculer les pensions de retraite agricoles en fonction des vingt-cinq meilleures années (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR), et nous serons attentifs à l’application de cette mesure dès le 1er janvier 2026.
En commission, d’autres bonnes idées ont émergé, telles que l’instauration de nouvelles taxes comportementales, qui permettront de lutter contre certains risques : lorsqu’on sait que 17 % de la population souffre d’obésité et que deux tiers des dépenses de santé sont liées à des affections chroniques, on mesure l’importance de ces dispositions. Nous sommes également tombés d’accord sur la réforme du financement de la radiothérapie. Nous avons adopté un amendement visant à soutenir les actes innovants de biologie médicale, afin de permettre en particulier un meilleur séquençage génétique des cancers. Nous avons également souhaité permettre un meilleur accès au dispositif Mon soutien psy, mieux lutter contre les pénuries de médicaments, renforcer la transparence financière des Ehpad, rendre plus efficace l’ordonnance bizone pour les affections de longue durée, expérimenter une campagne de dépistage du cancer bronchopulmonaire, supprimer les certificats inutiles – à l’initiative de Stéphanie Rist – ou encore favoriser la substitution des médicaments en faveur des génériques et biosimilaires.
Au-delà de toutes considérations partisanes, ce sont autant de sujets sur lesquels la commission a obtenu des convergences. Toutefois, nous avons été contraints par le format et sommes parvenus au bout du système. Ce PLFSS a des déficits structurels ; nous devons y répondre par des réformes structurelles et non par un simple exercice budgétaire. Nous aurions aimé défendre la modernisation et la revalorisation de la profession d’infirmière, puisque le précédent gouvernement n’avait pas pu concrétiser sa réforme du métier socle, tant attendue par la profession.
Je salue par ailleurs votre volonté d’agir sur l’absentéisme dans la fonction publique. Nous avons également d’autres propositions à formuler, par exemple sur le plafonnement des minima sociaux à 70 %. du Smic. Nous soutenons des mesures qui permettraient d’être efficients, sans avoir besoin d’opérer des coups de rabot.
Vous l’avez compris, nous sommes convaincus qu’il faut agir davantage et mieux, dans l’intérêt de la santé des Français. Nous vous donnons donc rendez-vous pour poser les bases d’une loi de santé pluriannuelle qui permettrait de donner une vision au secteur, de préserver les Français, les patients et les professionnels de santé, sans opérer par coups de rabot. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.)
M. le président
La parole est à M. Guillaume Florquin, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche autonomie.
M. Guillaume Florquin, rapporteur de la commission des affaires sociales
Alors que nous abordons l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, une question fondamentale se pose : sommes-nous prêts à relever le défi de l’autonomie dans notre pays ? En tant que rapporteur pour cette branche, je me tiens devant vous avec la conviction que des actions fortes et décisives sont plus nécessaires que jamais, alors que notre pays traverse le début de la transition démographique du papy-boom.
La France compte environ 2,6 millions de personnes âgées dépendantes, un nombre qui devrait s’élever à 3 millions en 2030, puis à 3,5 millions en 2040. Par ailleurs, plus de 1 million d’entre elles seront confrontées à une dépendance lourde, nécessitant une prise en charge en établissement. À cela s’ajoutent les personnes handicapées vieillissantes, pour lesquelles des adaptations spécifiques sont nécessaires. Le temps est donc venu d’investir et d’engager des solutions ambitieuses, car la situation actuelle est critique.
Certes, le PLFSS pour l’année 2025 prévoit une hausse de 2,4 milliards des crédits alloués à la branche autonomie, soit un total de 42,4 milliards. Cependant, nous savons tous que ce n’est pas suffisant. Les établissements médico-sociaux, en particulier les Ehpad, font face à de graves difficultés financières. En 2022, près de 60 % d’entre eux étaient en déficit, chiffre qui pourrait atteindre 80 % en 2024. En ce qui concerne le tarif de ces établissements, les pensions de retraite, notamment les plus modestes, ne permettent pas de couvrir le reste à charge, qui représente souvent un fardeau insupportable pour de nombreux résidents et leurs familles.
Un député du groupe RN
C’est vrai !
M. Guillaume Florquin, rapporteur
L’aide sociale à l’hébergement (ASH), quant à elle, est insuffisante et ne couvre pas les frais réels d’un Ehpad.
Le PLFSS pour 2025 ne propose qu’une seule mesure en faveur de la branche autonomie, à l’article 21, qui se limite à des ajustements de la réforme du financement des Ehpad. Même si cette réforme pourrait alléger, à terme, la charge des départements et améliorer la situation financière de certains établissements, elle ne répond pas aux besoins réels et urgents du secteur. Par ailleurs, la crise du recrutement dans les métiers du médico-social s’accentue en l’absence de revalorisations suffisantes, malgré le Ségur de la santé, qui, comme l’a reconnu le ministre du budget en commission, n’a pas été financé.
M. Thibault Bazin
Il faut accélérer l’expérimentation !
M. Guillaume Florquin, rapporteur
Les services d’aide et de soins à domicile, qui jouent un rôle essentiel dans le maintien à domicile, sont également en crise. Malgré l’affichage politique, le virage domiciliaire n’a pas été réellement engagé, et la réforme, dont l’entrée en vigueur a été reportée à plusieurs reprises, reste à ce jour inaboutie. Un soutien accru est indispensable afin de garantir leur viabilité et leur efficacité. Les infirmiers libéraux, qui sont souvent le seul recours dans les déserts médicaux, méritent une attention particulière. Ils sont indispensables au maintien à domicile des personnes âgées ou handicapées, mais leurs rémunérations et les actes autorisés sans prescription médicale ne sont pas adaptés à la réalité du terrain.
La promesse du remboursement intégral des fauteuils roulants avant la fin de l’année 2024, faite par le Président de la République, n’a toujours pas été tenue, et les négociations, stoppées par la dissolution de l’Assemblée nationale, sont au point mort. Le plan « 50 000 nouvelles solutions », censé apporter des réponses concrètes aux besoins des personnes en situation de handicap, demeure flou et manque de détails opérationnels.
De plus, faute de structures adaptées en France, plus de 8 000 Français, adultes et enfants, en situation de handicap, continuent d’être accueillis dans des établissements en Belgique. Cette situation est intolérable pour les familles dont les proches sont ainsi contraints à l’éloignement. La France doit garantir à chacun une prise en charge sur son territoire, avec des structures adaptées aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap.
Ensuite, la barrière d’âge de 60 ans pénalise les personnes handicapées vieillissantes. Ce seuil les oblige en effet à quitter le régime de la prestation de compensation du handicap (PCH) pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), une aide inadaptée aux besoins spécifiques liés au handicap. Il est donc indispensable de revoir cette limite d’âge et d’assurer une prise en charge continue, sans rupture, tout au long de la vie.
Enfin, les proches aidants, sur qui repose en grande partie le maintien à domicile, sont insuffisamment soutenus. Ces femmes et ces hommes – ils sont entre 8 et 11 millions – qui permettent à leurs proches de vivre dignement chez eux doivent recevoir un soutien à la hauteur de leur contribution et une définition unifiée de leur statut juridique. Le plan minimal adopté par le Gouvernement, qui institue un congé de trois mois maximum sur un an, n’est pas suffisant. Il ne tient pas compte des revenus du ménage concerné et, surtout, la durée de l’indemnisation ne couvre pas la durée du congé.
Le PLFSS pour 2025, malgré quelques avancées, ne répond ni aux attentes ni aux besoins fondamentaux de l’autonomie en France. Face aux défis du vieillissement et de l’inclusion des personnes handicapées, notre pays ne peut se contenter de mesures insuffisantes. Une loi grand âge, des budgets pluriannuels et une révision complète de nos politiques d’autonomie sont essentiels pour assurer une société où chacun, quel que soit son état de santé, peut vivre dans la dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Thibault Bazin
Pour cela, il faut des financements, et il faut déjà équilibrer les comptes sociaux !
M. le président
La parole est à M. Louis Boyard, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche famille.
M. Sébastien Delogu
Nos oreilles vont moins saigner !
M. Louis Boyard, rapporteur de la commission des affaires sociales
Mesdames et messieurs les « ministres » – je mets des guillemets parce que, pour être ministre, il faut avoir une légitimité politique et, comme vous avez perdu les dernières élections, vous n’en avez pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Thibault Bazin
On a parlé de tout sauf de la branche famille !
M. Louis Boyard, rapporteur
Je salue aussi la majorité de Macron et me tourne donc vers le Rassemblement national, puisque vous soutenez le budget du gouvernement d’Emmanuel Macron, refusez de le censurer, comme vous refusez la destitution du Président. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Si le Rassemblement national n’existait pas, cela ferait bien longtemps que La France insoumise se serait débarrassée de ce qui nous sert de Président de la République.
M. Jean-Yves Bony
Ça va faire avancer les choses !
Un député du groupe DR
Revenons au sujet !
M. Louis Boyard, rapporteur
Mais ce n’est pas de vous dont on va parler aujourd’hui : on va parler de la branche famille de la sécurité sociale, des crèches et surtout du scandale des crèches privées. Rappelons qu’Aurore Bergé est accusée d’avoir pactisé avec le lobby des crèches quand elle était ministre au moment où étaient révélés au grand public les scandales de maltraitance des bébés dans les crèches privées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Cela doit être le quatre-vingt-dix-septième scandale politico-financier dans lequel un ancien membre du Gouvernement a été impliqué, mais cela ne concerne pas uniquement les membres du Gouvernement : Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale, qui a été élue par dix-sept ministres, enterrant définitivement la séparation des pouvoirs (Mêmes mouvements), a tout de même couvert Aurore Bergé pendant deux semaines pour empêcher que le bureau de l’Assemblée engage contre elle une procédure pour parjure. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. Thibault Bazin
Vous ne parlez toujours pas de la branche famille !
M. Louis Boyard, rapporteur
On retrouve donc ici ce qui fait la marque de fabrique de la présidente de l’Assemblée nationale : une partialité assumée et un soutien total, inconditionnel, à tout ce qui de près ou de loin met en danger la vie des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mais le pire du scandale des crèches, c’est le système que vous avez organisé. Quatre-vingt-dix pour cent des places qui ont ouvert ces dix dernières années sont des places en crèches privées, lesquelles sont possédées par des fonds de pension britanniques et américains qui ne cherchent qu’à faire de la rentabilité, donc ils font des économies.
M. Pierre Cordier
Ça se voit que vous n’avez pas d’enfants ! Vous ne connaissez rien aux crèches !
M. Louis Boyard, rapporteur
Ils font des économies sur les couches, sur la nourriture, sur la masse salariale, ce qui fait que les salariées qui ne demandent qu’à bien s’occuper des bébés n’ont pas les moyens de faire correctement leur travail.
Au cœur du scandale des crèches, il y a une question : qui est responsable ? Regardez-moi droit dans les yeux, monsieur le ministre du budget : C’est vous, le responsable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe DR.) L’argent qui finance ces crèches et qui finit dans les poches des fonds de pensions est pour 80 % de l’argent public – c’est de l’argent de l’État. Quand j’ai demandé à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), ce qu’ils pensaient de votre système de financement, ils m’ont transmis un document comptable montrant qu’ils avaient atteint leurs objectifs – les objectifs que vous fixez, monsieur le ministre.
M. Thibault Bazin
Arrêtez !
M. Louis Boyard, rapporteur
Entendez-moi bien, tant que vous ne sortirez pas la petite enfance du secteur privé, et n’investirez pas massivement dans un service public de la petite enfance qui offre des places à tout le monde et dont le premier critère est la qualité de l’accueil des enfants – ce qui implique de tourner le dos au secteur privé et à sa logique de rentabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) –, vous ne serez pas seulement responsable, monsieur le ministre, vous serez complice, tout comme Aurore Bergé l’a été. (Mêmes mouvements.)
Mme Sarah Legrain
Eh oui !
M. Louis Boyard, rapporteur
Enfin, je ne peux pas terminer mon discours sans parler des femmes,…
Un député du groupe DR
C’est déjà fini ?
M. Louis Boyard, rapporteur
…qui devaient être la grande cause du quinquennat d’Emmanuel Macron et qui sont en réalité les exploitées de sa politique.
Ne nous racontons pas d’histoire. La privatisation du service public de la petite enfance, le manque de places qui en résulte, ce sont les femmes qui en payent le prix. (Mêmes mouvements.) Ce sont 160 000 parents qui s’arrêtent de travailler chaque année, faute de place en crèche pour s’occuper de leurs enfants, et 95 % de ces parents sont des femmes. Ce sont elles qui sacrifient une partie de leur vie et de leur carrière pour combler les lacunes de la branche famille de la sécurité sociale.
Une réforme des congés parentaux avait été annoncée par Emmanuel Macron. Où est-elle ? (Mme Sophia Chikirou s’exclame.) Pourquoi en 2024, sommes-nous encore dans un système qui octroie aux femmes dix semaines de congé pour s’occuper de leur enfant après la naissance mais seulement vingt-cinq jours aux pères ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pourquoi ?
M. Thibault Bazin
Parce qu’il y a la naissance !
M. Louis Boyard, rapporteur
Un enfant, en général, ça se fait à deux, donc on doit pouvoir s’en occuper à deux après sa naissance. (Mêmes mouvements.) Mettons les choses bout à bout. Comme à la naissance de l’enfant, il faut ramener un salaire à la maison, mais que le système de congés est plus avantageux pour les femmes, ce sont elles, la plupart du temps, qui s’arrêtent de travailler pour s’occuper de l’enfant les premières semaines. (Mêmes mouvements.) Ensuite, il faut trouver une place en crèche. Mais comme vous avez vendu les crèches au privé, que cela coûte trop cher et que ce sont les femmes qui se sont occupées des enfants les premières semaines, c’est encore une fois à elles que vous demandez de s’arrêter de travailler pour s’occuper des enfants pendant des années, parce qu’il n’y a plus de places en crèche. (Mêmes mouvements).
Autrement dit, chaque euro que vous avez économisé sur les crèches et sur les congés parentaux, vous l’avez compensé par le travail gratuit des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Céline Hervieu applaudit également.) Et Emmanuel Macron, dans la droite ligne de la philosophie du Rassemblement national, ose parler de réarmement démographique ! Mes chers collègues, j’ai vu vos amendements sur la natalité. Ma position de rapporteur sur le sujet sera intransigeante : aucun parlement, aucun président de la République n’aura jamais quelque autorité que ce soit pour dire aux femmes ce qu’elles doivent faire ou ne pas faire de leurs utérus. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Éric Woerth
On a peur !
M. Louis Boyard, rapporteur
Vous me direz que la baisse de natalité met en danger l’équilibre financier de la branche famille de la sécurité sociale ! J’ai envie de vous dire : tant mieux.
Plusieurd députés du groupe EPR
C’est fini !
M. Louis Boyard, rapporteur
On fera une réforme, parce qu’un système basé sur le travail gratuit des femmes est appelé à mourir. Jour après jour avance l’idée féministe et républicaine qui abolit la famille comme lieu de l’autorité patriarcale et l’établit pour ce qu’elle est : le lieu de l’égalité des gens qui s’aiment. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse.
M. Pierre Cordier
C’est la loi des séries !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure de la commission des affaires sociales
Une promesse est une promesse. Il y a tout juste un an, le Gouvernement adoptait par 49.3 une réforme des retraites contre laquelle nous nous sommes âprement battus…
M. Pierre Cordier
Moi aussi !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
…et qui soulevait une opposition très large dans le pays. Le seul élément positif de cette réforme, nous aviez-vous dit, était la revalorisation des petites retraites.
M. Pierre Cordier
C’est vrai !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Une promesse est une promesse. Aujourd’hui, dans le PLFSS, vous proposez le décalage de la revalorisation de toutes les retraites, y compris les plus petites, y compris les minima de pensions.
M. Thibault Bazin
Non, pas les minima !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Si. Pas le minimum vieillesse, mais les minima de pension.
M. Pierre Cordier
On ne lit pas la même chose !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Ce décalage de six mois est tout sauf anodin. Il fait passer le taux de revalorisation de 2,3 % à 1,8 %. Ainsi, non seulement la revalorisation des retraites arrivera plus tardivement, mais de surcroît, elle sera moins élevée. Les bénéficiaires des plus petites pensions seront les premiers touchés – les mêmes qui subissent les contraintes financières les plus importantes. Par exemple, ils sont plus souvent locataires de leur logement, ainsi ils subiront la hausse des loyers avant de bénéficier de la hausse de leur pension. Ce sont 4 milliards d’économies, qui sont ainsi attendus.
M. Alexis Corbière
Elle a raison ! Bravo !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Deux sources de recettes supplémentaires sont recherchées. Tout d’abord, le Gouvernement propose d’augmenter les cotisations employeurs sur tous les salaires au niveau du Smic. Il s’agirait de récupérer 4 milliards d’euros sur un total de pas moins de 80 milliards d’exonérations de cotisations sociales. L’augmentation des cotisations patronales était le tabou des tabous au cours de la réforme des retraites – c’était impossible, nous disiez-vous, sans menacer gravement l’emploi. Force est de constater que vous êtes revenus sur cette affirmation et c’est bien ainsi. Vous avez ciblé une spécificité française : la trappe à bas salaires.
C’est toutefois une proposition imparfaite et incomplète. Rien n’est encore envisagé en matière de fraude sociale, dont je rappelle qu’elle s’élèverait à 13 milliards d’euros par an, dont la majorité serait le fait des employeurs : travail dissimulé, sous-déclaration, non-paiement. Un rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS) préconise de renforcer les contrôles et la prévention. (Exclamations sur les bancs du groupe DR.) Ni l’un ni l’autre ne semblent être dans les radars du Gouvernement aujourd’hui. Il n’est pas suffisant d’augmenter les cibles, il faut augmenter le nombre d’inspecteurs, donc de fonctionnaires.
Aucune différenciation ou compensation selon la nature des entreprises n’est prévue – Amazon ou Total bénéficient des mêmes exonérations qu’un artisan cordonnier ou un chauffagiste. Un fonds de compensation aurait pu être imaginé pour les petites et moyennes entreprises, dont le nombre de défaillances explose.
L’impact de cette mesure en fonction des secteurs d’activité n’a pas non plus été pris en compte. Ainsi l’économie sociale et solidaire, qui comprend l’insertion, ou encore les services à la personne, très intensifs en main d’œuvre, risque de payer un lourd tribut. Rien de tout cela n’a été correctement anticipé.
Ensuite, le Gouvernement a décidé d’augmenter de 4 points les cotisations patronales des collectivités et des hôpitaux. Je lance ici l’alerte : ni les hôpitaux ni les collectivités ne sont en mesure d’absorber ce surplus non compensé. L’Ondam ne permettra pas de combler le déficit de l’année passée, de faire face à l’augmentation des charges, au manque de médecins et de personnels soignants, et de supporter en plus cette hausse des cotisations. Quant aux collectivités territoriales, elles ont perdu toutes leurs recettes fiscales, même si la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a été réintroduite avant-hier dans le PLF – j’espère que vous la garderez.
Ce PLFSS propose aussi pour la branche vieillesse l’application de la loi Dive sur les retraites des agriculteurs, désormais calculées sur les vingt-cinq meilleures années.
M. Thibault Bazin
Très bonne loi !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Certains points méritent une attention particulière, en particulier la question sensible de la lisibilité du dispositif et de son effet sur les différents parcours professionnels. Mais, là encore, j’émets une alerte : la réforme sera appliquée en 2028, avec effet rétroactif en 2026, sans que les agriculteurs disposent des informations nécessaires pour prendre les bonnes décisions quant à leurs retraites.
M. Thibault Bazin
On va corriger ça, ne vous inquiétez pas !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Vous l’aurez compris, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’apporte pas de réponses satisfaisantes aux problèmes de notre système de retraite. Nous allons proposer dans le texte un amendement pour abroger la réforme des retraites. Certains sujets y sont par ailleurs totalement absents : les inégalités de pensions entre les hommes et les femmes, la pénibilité et l’impact du réchauffement climatique sur l’avenir de notre système de retraite. Car oui, le réalisme aujourd’hui est de penser la retraite en dehors de la croissance, voire dans la décroissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. Thibault Bazin
Il était temps que ça se termine !
M. le président
La parole est à M. Jean-Carles Grelier, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur de la commission des affaires sociales
Notre pays se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Nous ne sommes plus dans la période où les problèmes budgétaires apparaissaient éventuels ou hypothétiques, nous sommes dans la phase où ils doivent être résolus. L’urgence budgétaire pèse sur nous. La sécurité sociale connaît des déficits abyssaux, qui deviennent délétères pour l’ensemble de notre système de protection sociale. La soutenabilité de la dette sociale et sa reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ne manquent pas d’inquiéter, dès l’exercice 2025. Le financement de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) ne rassure pas davantage, et que dire des transferts de fiscalité de l’État vers la sécurité sociale à compter de 2027 – la Cour des comptes, elle-même, s’interroge sur leur possibilité et leur devenir.
L’urgence budgétaire frappe aussi la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Après plus de dix années d’exercices à l’équilibre, sa trajectoire budgétaire est sérieusement dégradée, et un déficit est prévisible à compter de 2026.
Mme Sophia Chikirou
Deux cent soixante morts au travail cette année !
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur
La croissance des dépenses de la branche AT-MP est exponentielle. Elles devraient atteindre 17 milliards d’euros en 2025, soit une hausse de 6,3 % par rapport à 2024. Il est urgent de trouver des solutions. De la façon dont nous saurons résoudre ces difficultés ensemble, par le débat, dans cet hémicycle, de notre sens des responsabilités dépend le destin de la sécurité sociale et de notre système de protection sociale.
Autre urgence dans l’urgence, il nous revient aussi de conduire, dès aujourd’hui, ici et maintenant, les réformes structurelles nécessaires pour que jamais plus nous nous retrouvions dans cette situation et que nous puissions garantir aux Françaises et aux Français la pérennité de notre système de santé. Ce dernier a besoin d’une approche globale.
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur
La santé des Français est en réalité une sorte de mikado : tirer isolément une seule baguette ne réglera rien et risque même d’ébranler l’ensemble du système. C’est la globalité du système de santé qu’il faut repenser. Reparlons de la formation des soignants,…
M. Yannick Monnet
Il y faut des moyens !
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur
…de la gouvernance, notamment territoriale, de notre système de santé, du devenir de la filière des médicaments, de la santé mentale et de tous les sujets qui méritent aujourd’hui une réflexion responsable et approfondie, ainsi qu’un cap clair…
M. Jérôme Guedj
Raphaël, sors de ce corps !
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur
…et une ligne directrice sans faille. Et pourquoi pas celle-ci : si l’on passait d’une offre de soins proposée par l’État aux Françaises et aux Français à une demande de santé exprimée depuis les lieux où vivent nos concitoyens avec leurs enfants et leurs parents âgés ? C’est depuis les territoires de province que nous reconstruirons notre système de santé.
Mme Sophia Chikirou
Parlons des gens !
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur
S’agissant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, accentuons, là aussi, la prévention et la formation.
Mme Sophia Chikirou
Et les 260 morts au travail cette année ?
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur
Les opérateurs de l’État sont nombreux et aucun d’entre eux ne travaille en association avec les autres. Arrêtons cette organisation en tuyaux d’orgue, invitons à davantage de discussions, de concertation et de cohérence ! Travaillons également davantage pour la santé au travail et rendons plus attractif le métier de médecin du travail, qui devrait pouvoir prescrire des bilans biologiques et nutritionnels ainsi que de l’activité physique adaptée.
Mme Sophia Chikirou
Et des arrêts maladie !
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur
N’oublions pas que plus de 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, même s’ils ont parfois un oto-rhino-laryngologiste, madame Chikirou ! Le médecin du travail est parfois le seul professionnel de santé qu’ils rencontrent à intervalles réguliers. Les débats qui s’ouvrent devant nous peuvent constituer une formidable occasion. « L’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons en faire. » : que Bergson inspire les débats du PLFSS ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Il n’y a pas deux visions qui s’opposeraient : celle de la solidarité d’un côté, celle de la bonne gestion de l’autre. Il n’y a de solidarité possible que grâce à la bonne gestion. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Si la commission des finances a émis la semaine dernière un avis défavorable à l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, avant son rejet quelques jours plus tard par la commission des affaires sociales, c’est parce que tous les bancs de cette assemblée partagent la même inquiétude quant à la dérive et à la perte de maîtrise de nos comptes, mais aussi aux solutions proposées – certains les estimant incomplètes ou insuffisamment puissantes, d’autres les jugeant au contraire trop brutales.
Le texte proposé est tout sauf un projet de loi d’austérité. Ceux qui prétendent le contraire ignorent ce qu’est l’austérité et devraient aller voir dans les pays européens qui l’ont subie, à quel point de telles mesures sont autrement plus douloureuses que celles que nous nous apprêtons à prendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR. – Mme Stéphanie Rist et M. Philippe Vigier applaudissent également.)
D’après l’article 1er et l’article 11, le déficit s’établirait à 18 milliards d’euros en 2024, puis à 16 milliards en 2025, contre 10 milliards en 2023.
M. Yannick Monnet
C’est 2 % du budget !
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis
Malgré sa légère décrue possible en 2025, il pourrait encore exploser dans les années suivantes, comme l’a rappelé Yannick Neuder il y a un instant. Et je ne parle même pas de l’hypothèse de l’abrogation de la réforme des retraites, qui viendrait encore aggraver le déficit de plus de 15 milliards d’euros supplémentaires d’ici à 2032 – soit un quasi-doublement du déficit actuel, ce qui serait totalement irresponsable.
M. Laurent Wauquiez
Ce serait catastrophique !
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis
Il nous faut donc faire des efforts, c’est pourquoi je souscris à l’objectif de 15 milliards d’économies. Toutefois, je considère que deux mesures proposées à cette fin ne sont pas opportunes. La première concerne les retraites. Mettre un coup de canif dans le contrat social qui nous lie aux retraités est toujours une mauvaise idée, parce qu’il n’y a pas de croissance sans confiance et pas d’emploi sans croissance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.) Si nous voulons éviter le retour du chômage, nous ne pouvons pas prendre le risque de compromettre la consommation des foyers concernés par cette mesure.
La seconde porte sur l’augmentation de 4 points – de 31 % à 35 % – du taux de cotisation patronale à la CNRACL, que les employeurs locaux et hospitaliers ne peuvent assumer. Le rapport auquel vous avez fait allusion en commission, madame la ministre du travail, va jusqu’à préconiser une hausse de 18 points – soit un taux proche de 50 % –, qui serait tout à fait insoutenable pour les collectivités locales et aurait un effet dramatique sur l’emploi et l’investissement local.
Ce projet de loi intègre des mesures de maîtrise de dépenses qui vont dans la bonne direction : l’Ondam ne baisse pas mais son augmentation décélère, notamment dans les secteurs de l’imagerie, de la biologie et du transport sanitaire. D’autres mesures doivent en revanche être renforcées, notamment en matière de délai de carence et s’agissant de la branche famille, dont je rappelle que la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes au titre de l’exercice 2023 – c’est dire les progrès qu’il reste à faire en la matière. Enfin, un pays qui ne maîtrise pas ses comptes sociaux ne peut se permettre un tel niveau de bureaucratie. Il faut prendre des mesures pour y mettre un terme le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Parce qu’il va dans la bonne direction et qu’il comprend des marges d’amélioration que nous saurons saisir ensemble, j’appelle évidemment à voter en faveur de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Bertrand Bouyx applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales