Première séance du lundi 28 octobre 2024
- Présidence de M. Xavier Breton
- 1. Remplacement des députés nommés membres du Gouvernement
- 2. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
- Présentation
- Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins
- M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
- Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
- M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes
- M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales
- M. Guillaume Florquin, rapporteur de la commission des affaires sociales
- M. Louis Boyard, rapporteur de la commission des affaires sociales
- Mme Sandrine Rousseau, rapporteure de la commission des affaires sociales
- M. Jean-Carles Grelier, rapporteur de la commission des affaires sociales
- M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Motion de rejet préalable
- Discussion générale
- Présentation
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Xavier Breton
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
1. Remplacement des députés nommés membres du Gouvernement
M. le président
J’informe l’Assemblée nationale qu’à compter de ce jour M. Jean-Louis Thiériot et Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, nommés membres du Gouvernement, ont été remplacés respectivement par MM. Michel Gonord et Jean Moulliere, élus en même temps qu’eux à cet effet. (Applaudissements sur divers bancs.)
2. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
M. le président
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (nos 325, 487, 480).
Présentation
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la santé et de l’accès aux soins.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre de la santé et de l’accès aux soins
Nous sommes réunis pour entamer l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour l’exercice 2025. Je ne tiendrai pas devant vous un discours triomphaliste. Comme chacun d’entre vous le mesure, la situation des finances publiques nous oblige à faire preuve de responsabilité et à nous consacrer à la recherche exigeante d’un équilibre.
En effet, vous le mesurez comme moi : la situation des comptes sociaux est inédite. En 2024, le déficit de la sécurité sociale dépassera de près de 8 milliards d’euros le niveau voté en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) initiale. En outre, en 2025, sans mesures nouvelles, comme l’a exposé le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) le 14 octobre dernier, le déficit projeté de la sécurité sociale atteindra 28 milliards, dont 18,7 milliards pour la branche maladie. Chacun en conviendra, ce n’est pas soutenable.
Nous devons donc agir tous ensemble pour remédier à cette situation. Il est de notre devoir de freiner la dépense publique. Pour y parvenir, toutes les administrations publiques doivent prendre part à cet effort. À ce titre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 constitue une étape importante dans le retour progressif à l’équilibre de nos comptes sociaux. J’ajouterai, comme a pu le souligner le ministre chargé du budget et des comptes publics, qu’il faudra que l’effort de rééquilibrage se poursuive sur plusieurs exercices. L’exercice 2025 doit donc être la première étape d’une trajectoire pluriannuelle de redressement des comptes sociaux.
Je l’affirme avec la gravité que la situation exige : la pérennité et la préservation de notre modèle social hérité du Conseil national de la Résistance (CNR) sont en jeu.
Nous devons donc trouver une ligne de crête pour faire des économies sans perdre de vue, à aucun moment, les attentes importantes des Français, dont la santé constitue la première préoccupation. Avec ce budget, nous sommes au rendez-vous des besoins de nos concitoyens. En effet, le PLFSS permet de contenir le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards, tout en finançant de nouvelles mesures. Il améliore la trajectoire des comptes sociaux tout en ouvrant de nouveaux droits au service de nos concitoyens. La dépense des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse sera ainsi augmentée de 2,8 %, soit plus de 18 milliards, après une hausse de 5,3 % en 2024.
La santé des Français demeure plus que jamais une priorité, comme l’a rappelé le Premier ministre, et ce budget le prouve : c’est un budget pour la santé des Français, pour l’accès aux soins, pour l’hôpital aussi, qui a tant besoin de notre soutien. Pour ce dernier, nous continuerons bien sûr à respecter les engagements du Ségur de la santé, autant sur les rémunérations, où ces engagements s’élèvent à 14 milliards, que sur les investissements, dont le montant sur plusieurs années s’élève à 19 milliards ; en outre, certains engagements financiers seront finalisés en 2025. En somme, comme je m’emploierai à en faire la démonstration, il s’agit à la fois d’un budget de progrès, d’avancées, et de responsabilité.
D’abord, comme en témoigne la trajectoire d’augmentation des dépenses d’assurance maladie, c’est un budget de progrès. C’est un budget d’action pour la santé de tous les Français, afin non seulement de répondre aux besoins de santé croissants en termes d’accès aux soins et de protection des hôpitaux, mais aussi de faire face à nos priorités de santé publique, comme la prévention, les soins palliatifs, les soins critiques, la santé mentale, l’accès aux médicaments et aux produits de santé. Pour répondre à ces besoins et à ces priorités, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’Ondam, progressera de 2,8 % en 2025, soit 1 point au-dessus de l’inflation, pour atteindre près de 264 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation de 63 milliards par rapport à 2019 et de 9 milliards par rapport à 2024. Cette progression traduit concrètement la volonté du Gouvernement de poursuivre les investissements engagés et de financer des mesures nouvelles attendues par les professionnels et les patients.
La trajectoire d’augmentation des dépenses d’assurance maladie nous permet en effet de continuer à renforcer l’accès aux soins dans tous les territoires et de financer nos grandes priorités : améliorer l’organisation du système de santé, assurer le financement de celui-ci, renforcer nos politiques en matière de psychiatrie et de santé mentale, travailler à l’attractivité des métiers du soin et accompagner les innovations. Concrètement, la convention signée avec les médecins généralistes est respectée.
M. Thibault Bazin
Heureusement que nous tenons nos engagements !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
La revalorisation de la consultation à 30 euros dès décembre 2024 le confirme. L’attractivité des métiers sera améliorée par le développement des maisons de santé pluridisciplinaires, dont le déploiement sur le territoire se poursuit. Nous poursuivrons bien sûr notre stratégie d’aller vers les populations des territoires sous-denses ainsi que les publics précaires les plus éloignés des soins, à travers des initiatives comme la télémédecine ou les médicobus.
Le PLFSS traduit également une action résolue, et à laquelle je suis particulièrement attachée, en faveur des soins palliatifs. Dès 2025, 100 millions seront consacrés au déploiement de la stratégie décennale qui doit permettre, dans chaque territoire, le renforcement de l’offre de soins palliatifs non seulement au sein des établissements de santé et médico-sociaux mais aussi à domicile, ainsi que la poursuite d’une filière de formation universitaire en soins palliatifs.La prise en charge des troubles de la santé mentale, que le Premier ministre a choisi d’ériger en grande cause nationale pour 2025 – nous pouvons tous nous en réjouir –, va aussi connaître des progrès considérables. Près de 100 millions seront mobilisés dès cette année, par exemple pour renforcer le dispositif Mon soutien psy, qui permettra un accès simplifié et plus rapide à un psychologue, en revalorisant le tarif des séances et en prenant en charge un plus grand nombre de séances au cours d’une année civile. En outre, le dispositif de prévention du suicide VigilanS sera étendu aux mineurs. Les équipes mobiles précarité-psychiatrie seront également renforcées afin d’aller à la rencontre des personnes précaires, qui sont plus éloignées des soins, en particulier de la psychiatrie. Enfin, des filières psychiatriques seront développées dans les services d’accès aux soins (SAS) pour améliorer la réponse préhospitalière apportée aux personnes nécessitant des soins psychiatriques.
Par ailleurs, nous poursuivrons et amplifierons nos politiques en faveur de la prévention, en renforçant le repérage précoce pour prendre en charge les personnes au bon moment. Nous voulons que cette politique globale de prévention soit déployée auprès de la population dès le plus jeune âge, car les inégalités de santé s’ancrent au moment de l’enfance. En outre, le dispositif Mon bilan prévention sera généralisé. Les mesures de prévention doivent davantage s’intégrer dans le quotidien de chacun : 75 millions d’euros sont destinés à poursuivre les campagnes de vaccination contre les infections au papillomavirus au collège, qui ont repris dès cet automne. La part des dépenses des agences régionales de santé (ARS) ciblées sur la prévention augmentera de 10 % au sein de l’enveloppe du fonds d’intervention régional (FIR).
Comme je l’ai affirmé à diverses occasions, la défense de nos hôpitaux est bien sûr une autre de nos priorités. Le PLFSS permettra notamment de renforcer notre action en faveur des soins critiques. Les effets de la réforme de 2022 seront pris en compte, et nous poursuivrons notre travail en faveur d’une meilleure répartition de l’activité sur le territoire ainsi que d’une hausse des exigences en matière de qualité et de sécurité des soins. Nous nous efforçons également de faciliter la gestion des ressources humaines dans les établissements de santé pour éviter la déstabilisation des collectifs de travail. Le montant des rémunérations versées par les établissements publics sanitaires et médico-sociaux aux professionnels de santé non médicaux intérimaires sera par exemple plafonné.
Enfin, ce PLFSS permettra de garantir l’accès aux médicaments et produits de santé à tous les Français. Dans un contexte d’aggravation des ruptures de stock, constatée dans l’ensemble des pays européens ces dernières années, c’est une priorité de mon ministère et du Gouvernement. Le PLFSS confirme la poursuite des travaux présentés en février 2024 dans une feuille de route ambitieuse, visant à garantir la disponibilité des médicaments et à asseoir une stratégie de relocalisation industrielle de certaines molécules essentielles. Il prévoit également la possibilité de recourir à un financement dérogatoire pour des dispositifs médicaux utilisés en alternative à un dispositif médical en rupture d’approvisionnement.
Je n’égrènerai pas toutes les mesures, mais j’insiste sur le fait que ce budget est non seulement un budget de progrès, mais aussi de responsabilité. Nous sommes face à des contraintes budgétaires dont nous devons impérativement tenir compte.
M. Thibault Bazin
C’est vrai !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Le budget doit donc non seulement accentuer la pertinence et l’efficience des dépenses, mais aussi amener l’ensemble des acteurs à faire preuve de responsabilité face à la croissance de nos dépenses de santé. Tous les acteurs devront en effet participer à la maîtrise de la progression d’une partie des dépenses, dans une logique de responsabilisation et d’effort partagé.
Les mesures d’efficience et de pertinence portent notamment sur la coconstruction d’accords tarifaires entre l’assurance maladie et les professionnels de santé dans les domaines de l’imagerie et de la biologie, l’amélioration de l’efficience des transports de patients, l’élargissement du dispositif d’accompagnement des prescripteurs créé dans la précédente LFSS afin de s’assurer de la pertinence des prescriptions et la simplification du mode de calcul de la clause de sauvegarde pour le secteur des médicaments.
De plus, par rapport à la progression tendancielle des dépenses, des économies de l’ordre de 5 milliards devront être réalisées en 2025. Des cibles ont été identifiées, afin de concrétiser cet effort nécessaire. Nous sommes dans une logique de partage des efforts et d’équité : un quantum d’efforts a été fixé et chacun devra prendre sa part.
À présent, il convient de poursuivre le dialogue avec vous, parlementaires, et avec tous les acteurs…
M. Jérôme Guedj
Il n’a jamais commencé !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
…afin de définir les modalités concrètes de mise en œuvre et d’atteindre la cible fixée. Sont envisagées des mesures de transfert vers les complémentaires santé – à hauteur de 1,1 milliard d’euros – et vers les entreprises, avec la baisse du plafond de prise en charge des indemnités journalières financées par l’assurance maladie. Cette dernière mesure est portée par ma collègue Astrid Panosyan-Bouvet. Nous envisageons aussi des baisses de prix des produits de santé pour 1,2 milliard d’euros, ainsi que des mesures d’efficience à l’hôpital – 0,6 milliard – et en ville – 0,6 milliard. Là encore, nos objectifs d’économies devront être atteints, mais je souhaite laisser la place à la concertation et au débat parlementaire.
M. Hadrien Clouet
Vous n’avez pas le choix !
M. Pierre Cordier
Très bien !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Il est impératif d’assurer la soutenabilité de notre système de soins sur le long terme, en travaillant à une plus grande maîtrise des dépenses et en construisant, avec les représentants du système de santé, des mesures d’efficience et de régulation.
Aujourd’hui s’ouvre un moment essentiel de dialogue et de débat parlementaire sur la santé et l’accès aux soins des Français. J’ai bien conscience que ce n’est pas simple, mais nous devons trouver le bon équilibre. Aussi, la semaine passée, j’ai été très attentive à vos débats en commission et j’ai écouté les réserves exprimées par certains. (M. Hadrien Clouet s’exclame.) Tout au long du débat, je répondrai à vos interrogations et aux évolutions que vous proposerez mais, s’agissant de l’Ondam, je répète que n’avons jamais consacré autant de moyens à la santé et nous continuons de le faire.
M. Thibault Bazin
Ce n’est pas la question ! L’Ondam n’est jamais respecté !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Nous devons donc améliorer l’efficacité des dépenses. Concernant l’absence de réformes structurelles : s’il présente des mesures liées aux recettes et aux dépenses de l’assurance maladie, le budget n’est pas l’instrument destiné à faire passer les réformes et tous les changements du système de santé. Ce n’est pas son objet. Cela ne nous exonère pas d’entamer une réflexion pour proposer une loi de transformation profonde de notre système de santé et de son financement. Ensemble, en confiance et en responsabilité, nous devrons mener ce travail sur le temps long.
M. Jérôme Guedj
Vous n’aimez pas le temps long !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Pour en revenir au budget, je suis convaincue que nous parviendrons à trouver ensemble un chemin juste et équilibré, grâce au sens des responsabilités de chacun et aux enrichissements apportés par le débat parlementaire.
M. Hadrien Clouet
Et grâce au 49.3 !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
Nos travaux doivent contribuer à un système de santé plus juste et plus efficient. La transformation de notre système, qui est déjà à l’œuvre, doit se poursuivre. À titre personnel, je suis convaincue qu’une vision de long terme est indispensable, afin de renforcer et de faire évoluer notre système de santé.
M. Louis Boyard, rapporteur de la commission des affaires sociales
Vous ne tiendrez pas l’hiver !
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre
D’ici là, vous pourrez compter sur moi pour rester fidèle à la méthode que je crois juste : le dialogue, l’écoute et le débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Jérôme Guedj
…et du Ségur de la santé non financé !
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
À plusieurs reprises, j’ai entendu qu’en rejetant le PLFSS, la commission voulait « envoyer un message » au Gouvernement. (M. Hadrien Clouet s’exclame.) Je ne peux croire que ce message appelle à l’aggravation du déficit de la sécurité sociale. Ce serait injuste pour les générations futures et irresponsable au regard du déséquilibre de nos comptes sociaux. En revanche, si ce message nous invite à revoir notre copie, mes collègues du Gouvernement et moi-même pouvons l’entendre, et nous vous répondons : chiche ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la ministre de la santé vient de répéter ce que nous disons depuis le début : nous sommes prêts à travailler avec vous et avec les partenaires sociaux.
M. Hadrien Clouet
Merci !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
En commission, la suppression de plusieurs articles n’a pas permis d’examiner toutes vos propositions. Pourtant, certains amendements offraient des pistes intéressantes qui auraient mérité d’être discutées. Nul doute que nous pourrons le faire en séance publique. Je pense, par exemple, aux amendements qui visaient à protéger les petites pensions.
M. Louis Boyard, rapporteur
C’est bien, ça !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nous devons débattre en séance publique des petites retraites, des allégements généraux, de toutes les mesures que nous vous avons soumises et des améliorations que vous proposez : le Gouvernement, par définition, est à votre écoute.
M. Thibault Bazin
Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il n’y a ni totem ni tabou. Depuis plusieurs semaines, je n’ai qu’une seule ligne rouge : le redressement de nos comptes. Ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre : la sécurité sociale est fondée sur le principe de la solidarité, qui est d’abord une exigence de responsabilité : ne pas dépenser l’argent que l’on n’a pas et ne pas être généreux avec l’argent des autres – surtout quand il s’agit de l’argent des Français. Cette exigence trouve sa traduction budgétaire dans le principe d’équilibre des comptes sociaux. Ainsi, quand nous proposons une nouvelle dépense, nous avons la responsabilité collective de la financer ; et quand nous n’en avons pas les moyens, nous avons la responsabilité de l’assumer et de le dire aux Français. Veiller à l’équilibre des comptes sociaux, c’est tout simplement veiller à la soutenabilité de notre modèle de protection sociale : une branche, un risque, un financement. Nous ne pouvons pas faire comme si la situation de nos finances publiques n’était pas grave. Nous ne pouvons pas nous permettre de fermer les yeux sur l’aggravation du déficit public ni sur le déséquilibre des comptes sociaux.
Un député du groupe EcoS
La faute à qui ?
M. Hadrien Clouet
Qui gouvernait la France ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Vous connaissez la situation. Ceux qui ont participé aux débats de la semaine dernière l’ont entendu à de multiples reprises. Vous connaissez aussi l’ampleur inédite de l’effort de redressement que nous devons engager dès 2025 : il est de 60 milliards d’euros.
M. Thibault Bazin
Il y a du boulot !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Notre objectif est de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB à l’horizon 2029. C’est un effort inédit, mais nécessaire…
Mme Marie-Christine Dalloz
Et courageux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce niveau de déficit nous permettra de stabiliser notre endettement, puis de commencer à le réduire. Ça n’a rien d’une lubie ou d’un dogme : c’est la condition objective et nécessaire pour retrouver une trajectoire financière soutenable, au bénéfice de l’ensemble des administrations publiques, à commencer par la sécurité sociale. Les marchés, eux, ne font pas de différence – ou très peu – entre l’endettement de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. Tout cela s’appelle la dette et le déficit public. Ce qui compte, c’est la signature de la France ; la crédibilité de cette signature détermine les conditions dans lesquelles toutes nos administrations se financent. Ces dernières semaines, chacun aura pu entendre les alertes sur le sujet.
Mme Danielle Brulebois
Oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Quand j’évoque nos conditions de financement, je parle de notre capacité à consolider les droits sociaux de nos concitoyens et à en ouvrir de nouveaux. La ministre de la santé a exposé les avancées proposées dans le champ de la santé et de l’accès aux soins. Les ministres vous présenteront les avancées dans les autres branches : l’amélioration des retraites des agriculteurs ; la consolidation de la prise en charge du handicap et de la perte d’autonomie ; l’amélioration des conditions d’indemnisation des victimes d’accidents du travail ; le renforcement, enfin, des moyens de la politique familiale, priorité du Gouvernement, notamment dans le cadre du service public de la petite enfance. Au fond, il y va de la capacité de notre système social à jouer son rôle protecteur, avec l’efficacité que les Français sont en droit d’exiger, eu égard aux contributions dont ils s’acquittent chaque année.
C’est précisément pour cette raison que nous proposons d’engager, dès 2025, un effort de redressement, certes difficile, mais partagé et équilibré. Vous connaissez l’approche retenue : elle s’appuie pour deux tiers sur la maîtrise de la dépense publique, et pour un tiers seulement sur des contributions fiscales. Je souhaite que le Parlement maintienne le caractère ciblé, exceptionnel et temporaire de ces contributions, bien qu’à l’issue de l’examen de la première partie du projet de loi de finances (PLF), nous n’en prenions pas le chemin.
Nous appelons à un effort partagé entre toutes les administrations publiques. L’État doit prendre en compte plus de la moitié de l’effort de baisse des dépenses publiques, la sécurité sociale, environ un tiers, et les collectivités, environ un dixième. Dit autrement, cela correspond à une baisse de la dépense primaire en volume de 1,1 % pour l’État et ses opérateurs, les organismes divers d’administration centrale (Odac) ; à un maintien au même niveau pour les collectivités locales et à une augmentation de 0,6 % pour les administrations sociales.
J’ai déjà eu l’occasion d’exposer devant la commission la situation de nos comptes sociaux. En 2024, le déficit de la sécurité sociale dépassera de près de 8 milliards d’euros le niveau voté en LFSS initiale. En 2025, sans mesure nouvelle, le déficit des comptes sociaux pourrait atteindre 28 milliards d’euros, du fait de l’évolution tendancielle des dépenses. Voilà notre base de travail pour l’année prochaine. Vous en conviendrez tous avec moi : il y a urgence à nous engager résolument sur la voie d’un rééquilibrage des comptes. Le PLFSS marque une étape importante, certes, mais qui en appellera d’autres. L’effort devra se poursuivre sur plusieurs exercices, car il y va de la pérennité de notre modèle de protection sociale.
Au fond, nous sommes face à un choix binaire. Soit nous ne faisons rien, nous laissons naturellement filer le déficit, par la dépense de guichet, et nous regardons les comptes partir à la dérive. Nous le payerions très cher. Pour ma part, je refuse la casse sociale et l’austérité que nous subirions immanquablement demain, à défaut d’agir aujourd’hui. Soit nous nous engageons, dès maintenant, sur le chemin du redressement. C’est ce que la situation de nos finances publiques exige de nous ; c’est aussi ce que les Français attendent de nous. En effet, nos concitoyens ne nous demandent qu’une chose : bien gérer l’argent public, leur argent, et leur épargner des lendemains qui déchantent.
M. Sébastien Delogu
Cela fait des années que vous vous en montrez incapables !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Pour 2025, le Gouvernement projette donc un effort de freinage – proportionné – de la dépense sociale. Nous proposons une progression maîtrisée de la dépense des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse de 2,8 % – soit 18 milliards d’euros –, après une hausse de 5,3 % en 2024. Nous devons nous mettre d’accord sur les termes du débat : une progression maîtrisée, c’est une progression ; 18 milliards d’euros en plus, c’est une progression.
En 2025, quatre piliers équilibrés permettront de ramener le déficit de la sécurité sociale à 16 milliards d’euros, tout en finançant de nouvelles mesures. Premier pilier : le report de l’indexation des pensions de retraite, étant entendu que les minima seront revalorisés au calendrier habituel.
M. Thibault Bazin
Et les pensions à l’étranger !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce report dégagera plus de 3 milliards d’euros pour la sécurité sociale. La commission des affaires sociales s’est prononcée contre cette mesure. J’attends donc des contre-propositions d’économies.
M. Thibault Bazin
On en a fait !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
La commission s’est prononcée en faveur de l’abrogation de la réforme des retraites. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Ce sont 15 milliards d’euros supplémentaires à trouver.
M. Jérôme Guedj
Pas l’année prochaine !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Deuxième pilier : la maîtrise des dépenses de l’Ondam, qui ramènera sa progression à son niveau spontané de 2,8 %. La commission des affaires sociales s’est prononcée en faveur de la suppression de l’Ondam. J’attends aussi vos propositions d’économies afin de financer les nouvelles mesures que le Gouvernement souhaite déployer et qui font l’unanimité.
M. Louis Boyard, rapporteur
Ce sera grâce aux recettes !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je pense aux mesures en faveur des professionnels de santé libéraux, que nous proposons de revaloriser avec une enveloppe de 1,6 milliard d’euros ; en faveur de l’hôpital, dont nous proposons d’augmenter le budget de 3 milliards d’euros ; en faveur des établissements sociaux et médico-sociaux, dont nous proposons d’augmenter le budget de plus de 2 milliards d’euros.
Nous en venons au troisième pilier, celui des réformes d’efficience, comme la refonte des allégements généraux, qui doivent nous permettre de lutter plus efficacement contre les trappes à bas salaires, tout en dépensant moins.
La commission des affaires sociales s’est prononcée pour la suppression pure et simple de cette réforme.
M. Jérôme Guedj
Votre propre majorité l’a supprimée !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
J’attends de chacun des propositions d’économies, et de tous des propositions pour lutter contre la smicardisation des salariés.
M. Sébastien Peytavie
À bon entendeur…
M. Louis Boyard, rapporteur
Augmentez les salaires !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Quatrième pilier : la révision des niches socio-fiscales dans le cadre, notamment, des réformes des dispositifs sectoriels que vise l’article 7.
Je relève que la commission a proposé de créer de nouvelles niches. Là encore, j’attends vos propositions pour ramener leur poids dans les recettes des régimes en deçà du seuil de 14 % que fixe l’article 21 de la loi de programmation des finances publiques.
M. Jérôme Guedj
Vous l’avez déjà dépassé !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Nul besoin de le dépasser plus encore, monsieur Guedj !
Enfin, nous poursuivrons les actions engagées avec les caisses du régime général pour renforcer de manière significative les moyens consacrés aux actions du régime général entre 2023 et 2027. Il s’agira notamment, à l’horizon 2027, d’augmenter de 20 % les effectifs par rapport à 2022 ; de former 450 cyberenquêteurs ; de moderniser les systèmes d’information. Dans ces domaines, il faut continuer à investir. Nous nous donnons les moyens de lutter contre la fraude aux prestations sociales, à l’assurance maladie ainsi qu’aux cotisations sociales, en lien notamment avec l’Urssaf et la Mutualité sociale agricole (MSA) dont nous avons rehaussé les cibles de redressement. C’est une question de justice et une priorité forte du Premier ministre et du Gouvernement.
Nous avons volontiers reconnu que cette copie était perfectible. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Nous avons d’ailleurs indiqué que nous étions prêts à bouger sur un certain nombre de sujets, pourvu que le cadre de responsabilité fixé par le Gouvernement soit respecté.
Comme nous l’avions annoncé, en toute transparence, dès le début de la présentation des textes budgétaires, nous proposerons des mesures d’économies supplémentaires afin de compléter la copie initiale. En particulier, nous réduirons de 1,2 milliard d’euros les dépenses liées aux arrêts maladie dans la fonction publique, grâce à des mesures de lutte contre l’absentéisme et de meilleure maîtrise des arrêts maladie.
M. Alexis Corbière
Quelle honte !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je pense notamment à l’alignement du nombre de jours de carence du public sur celui du privé. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Sébastien Peytavie
Par décret ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cela nous permettra notamment d’alléger d’environ 400 millions d’euros la pression sur l’Ondam hospitalier.
M. Alexis Corbière
C’est scandaleux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Pouvons-nous par ailleurs mener une réflexion pour alléger les petites pensions, tout en demandant aux retraités une juste contribution à l’effort national ? (Mêmes mouvements.) Bien sûr ! Je suis prêt à y travailler avec vous, et à donner un avis favorable à vos propositions.
Pouvons-nous, ensemble, retravailler la réforme des allégements généraux ? Là encore, tout doit être mis sur la table. Travaillons-y ensemble.
Je vous le dis clairement, je ne serai pas le garant de mesures non financées…
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ne vous inquiétez pas : on va vous trouver l’argent !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
C’est bien par le dialogue et la concertation que nous continuerons à améliorer le financement de la sécurité sociale pour 2025. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Marie-Christine Dalloz
Taisez-vous, La France insoumise !
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
Nous délibérons sous le regard des citoyens mais, comme ministre du travail et de l’emploi, je travaille pour les salariés, les futurs salariés, les employeurs et les retraités de notre pays.
Mme Danielle Brulebois
Pour les économies, aussi !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Nous avons ensemble la responsabilité de protéger notre modèle social, de le rendre plus efficace et d’en garantir la durabilité.
Beaucoup de choses ont été dites par mes collègues, mais je veux maintenant présenter les éléments du PLFSS qui concernent l’emploi et le travail, en les inscrivant dans une feuille de route plus large, les deux budgets de la nation – PLF et PLFSS – formant un tout cohérent.
Vous le savez, la source principale de financement de la sécurité sociale reste les contributions des employeurs et des salariés. Il s’agit d’un choix historique ancien et, même si la situation a évolué depuis les années 1990, c’est le travail et l’activité qui financent notre protection sociale. Les cotisations sociales assises sur les salaires représentent 54 % de l’ensemble des ressources de la protection sociale.
Personne ne peut se satisfaire ni du niveau du coût du travail ni de ce que notre modèle social soit financé par le déficit et l’emprunt. Il nous faut donc travailler plus et mieux, plus longtemps, en meilleure santé, pour financer nos investissements d’avenir et notre protection sociale.
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure de la commission des affaires sociales
Surtout pas !
M. Pierre Cordier
Qui dit travailler plus dit gagner plus !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
En tant que ministre du travail et de l’emploi, mon rôle est d’abord de faire en sorte que l’économie crée des emplois et préserve les emplois existants. Il est aussi de faire en sorte que ces emplois offrent un travail de qualité, exercé dans de meilleures conditions, qu’ils soient reconnus, qu’ils participent à la montée en gamme de l’économie française et qu’ils contribuent à la transition climatique.
M. Alexis Corbière
On en est loin !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Avec ces grands objectifs en tête, mon premier axe reste l’emploi des jeunes, des seniors et de tous ceux qui sont éloignés de l’emploi. Nos choix budgétaires témoignent d’un soutien continu aux opérateurs et aux outils efficaces des politiques de l’emploi. Je pense ici à France Travail, à l’insertion par l’activité économique, l’IAE, dont les moyens sont globalement stables, ou à l’apprentissage, qui va continuer de bénéficier d’un budget élevé par rapport à ses niveaux historiques. Le financement de l’apprentissage en France est au moins équivalent aux mieux-disants européens, allemand et suisse.
M. Alexis Corbière
Vous cassez les lycées professionnels !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Le soutien public à l’apprentissage est inscrit dans le PLF pour plus de 14 milliards, mais nous aurons aussi à débattre, dans ce PLFSS, des exonérations de cotisations salariales pour les apprentis. La mesure est sensible car il s’agit souvent de la première feuille de paie, du premier contrat de travail.
M. Alexis Corbière
Ce sont des effets d’aubaine pour les employeurs !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Il faut trouver une formule équitable pour les apprentis actuellement en poste, qui soit praticable pour les entreprises. Nous soutiendrons les initiatives parlementaires en ce sens.
Toujours au chapitre de l’emploi, nous avons pris, avec le Premier ministre, l’initiative de relancer la négociation sur l’assurance chômage par la question de l’emploi des seniors. J’ai écrit une lettre aux partenaires sociaux en ce sens, les invitant à reprendre l’accord qu’ils avaient élaboré et signé en novembre 2023.
Je tiens à ce qu’ils s’emparent aussi de la question des retraites progressives : moins de 1 % de retraites progressives, c’est très insuffisant, car ce dispositif est efficace et utile ailleurs, par exemple dans les pays scandinaves, qui ont réussi le pari de l’activité des seniors.
Après l’emploi, mon deuxième axe est le pouvoir d’achat des travailleurs. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Le premier PLFSS de la législature ouvre enfin le chantier des bas salaires. Le Smic ne doit pas être un salaire à vie. Cela semble une évidence, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. De très nombreux salariés se retrouvent coincés au Smic ou juste au-dessus pendant des années.
M. Alexis Corbière
La faute à qui ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Nous devons avoir la lucidité de reconnaître qu’une bonne politique de l’emploi, construite à un moment donné, peut comporter aujourd’hui des effets de bord qui ne sont plus soutenables.
En effet, depuis trente ans, gauche comme droite,…
M. Jérôme Guedj
Surtout droite !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…nous avons empilé des dispositifs avec deux objectifs louables : soutenir l’emploi peu qualifié d’une part, et la compétitivité de nos entreprises d’autre part. Au bout du compte, nous avons constitué ainsi des trappes à bas salaires et un système inflationniste d’aides aux entreprises.
M. Alexis Corbière
Cela fait des années qu’on vous le dit !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Poser la question du soutien public est nécessaire, tout simplement pour que le système soit soutenable. Notre objectif est donc de remettre en route la progression salariale, qui est aussi un moyen de promouvoir la progression dans l’entreprise, donc de stimuler l’effort de formation, la montée en gamme et les gains de productivité.
En nous fondant sur plusieurs diagnostics, dont le plus récent est celui posé par les économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer, nous comptons réviser les dispositifs d’allégement de cotisations sociales patronales sur les bas salaires.
Mme Danielle Brulebois
Très bien !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Nous proposons de diminuer ces allégements entre 1 et 1,2 Smic, et de les augmenter entre 1,3 et 1,9 Smic. Cette année, nous proposons de commencer par baisser de 2 points sur les 40 points d’exonérations au niveau du Smic, avant d’opérer une nouvelle baisse de 2 points supplémentaires l’an prochain. Par ailleurs, nous recentrons les exonérations, que nous maintenons jusqu’à 3 Smic.
Sur ce point, j’assume de ne pas suivre toutes les préconisations du rapport de MM. Bozio et Wasmer.
M. Jérôme Guedj
C’est dommage !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Nous maintenons les exonérations jusqu’à 3 Smic, contrairement à la préconisation des deux économistes, qui recommandent de les arrêter à 2,5 Smic. Pourquoi ce choix ? Parce que je suis attentive à la compétitivité des emplois industriels, ceux qui sont le plus exposés à la concurrence et aux délocalisations. (« Eh oui ! » sur quelques bancs des groupes EPR et DR.) Nous procédons par ailleurs en deux ans, au lieu d’un, pour laisser le temps aux entreprises de s’adapter. Cette progressivité nous permettra de rester vigilants quant aux effets de bord.
La mesure permettra de réaliser une économie de 4 milliards par an, alors que les deux économistes recommandaient de raisonner à coûts constants. À ceux qui nous reprochent les économies attendues, je rappelle que nous parlons de 4 milliards, sur un montant d’aides aux entreprises de 78,7 milliards, nettement plus que les crédits du ministère de l’éducation nationale – 64,5 milliards –, et plus de 2,5 points de PIB.
M. Jérôme Guedj
C’est bien de le dire !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Ces économies permettront un retour de 2 milliards pour la branche maladie et de 2 milliards pour la branche vieillesse.
J’entends les craintes des entreprises s’agissant du coût du travail et de la création d’emplois. Je suis très attentive au contexte : la situation économique se tend, les défaillances d’entreprise se multiplient, les stocks des entreprises industrielles s’accroissent…
M. Jérôme Guedj
Votre politique ne marche vraiment pas !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je suis à l’écoute des positions et des arguments des acteurs, en particulier des fédérations professionnelles. J’ai suivi vos échanges en commission. Le débat aura lieu ici même, dans l’hémicycle, mais je compte bien, avec vous, retravailler sur le coût du travail dès que le budget aura été examiné. En effet, la compétitivité des entreprises et la progression salariale restent une condition majeure de notre prospérité collective et de notre souveraineté.
J’en profite pour souligner que le pouvoir d’achat des travailleurs n’est pas seulement une question fiscale et sociale. C’est aussi une question de responsabilité des branches. J’ai à cet égard lancé un travail sur les minima conventionnels et les classifications professionnelles.
Je souhaite également traiter la question du temps partiel subi, qui concerne à 80 % des femmes, et sur laquelle l’Inspection générale des affaires sociales – Igas – publiera prochainement un rapport. Parlementaires et partenaires sociaux pourront se saisir de ses propositions.
Après l’accès à l’emploi et le travail qui paie, mon troisième axe est celui de la responsabilité budgétaire et de la participation à l’effort collectif pour la pérennité de notre modèle social.
Depuis un décret de février 2024, mon ministère apporte une contribution importante à la maîtrise des finances publiques. Le sens des responsabilités nous conduit à proposer une revalorisation des pensions au 1er juillet plutôt qu’au 1er janvier, comme cela s’est fait dans le passé.
Je veux souligner les raisons d’une telle mesure. Nous sommes tous convaincus qu’il faut garantir la pérennité de notre régime de retraite par répartition, mais la dégradation des finances publiques appelle des mesures qui produisent leurs effets à court terme, tout en gardant un esprit de solidarité intragénérationnelle et d’équité intergénérationnelle.
Le Gouvernement propose donc de reporter de six mois la revalorisation des pensions de retraite alors que le rythme de l’inflation revient en dessous de la barre des 2 %. Ce différé de revalorisation…
M. Thibault Bazin
…est injuste !
M. Sébastien Peytavie
Il touchera les petits et les femmes !
M. Thibault Bazin
Non, tous les retraités !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…permet à court terme de demander aux retraités une contribution – la première depuis longtemps – à la maîtrise des comptes publics, sans engager l’avenir.
Pour remettre cette mesure en perspective, je rappelle que l’idée n’est pas nouvelle : elle a déjà été utilisée en 2009, en 2014, en 2015 et en 2018.
M. Thibault Bazin
Les vieilles recettes !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Cette mesure de court terme ne remet pas non plus en cause l’indexation des retraites sur l’inflation. Rappelons-nous aussi qu’au 1er janvier 2024 les pensions de retraite ont été revalorisées de 5,3 %, une mesure qui a coûté 14 milliards aux finances publiques.
Je rappelle également que la réforme des retraites de 2023 n’a pas mis à contribution les retraités actuels, et que certains, par exemple le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), s’interrogent sur la pertinence et l’équité de l’abattement général de 10 % qui s’applique à toutes les pensions de retraite.
Surtout, les retraités les plus modestes, celles et ceux qui bénéficient du minimum vieillesse ou de l’allocation veuvage, ne seront pas concernés : ces prestations seront revalorisées au 1er janvier.
En outre, près de 1,4 million de retraités parmi les plus modestes bénéficient depuis 2023 de la revalorisation du minimum contributif, le Mico, et touchent entre 25 et 100 euros de revalorisation mensuelle – un second versement vient d’avoir lieu en septembre 2024.
L’article 23 a été examiné en commission, et nous devrons poursuivre le débat afin de mieux prendre en compte la situation des retraités modestes.
Toujours au chapitre de la responsabilité budgétaire, la forte augmentation des indemnités journalières (IJ) pèse sur la branche maladie : elles sont passées de 8 milliards par an en 2017 à 17 milliards par an.
Une telle croissance doit susciter nos interrogations. Le PLFSS comprend une disposition visant à économiser sur ce poste, qui sera appliquée par voie réglementaire : je suis la première consciente qu’il ne s’agit que d’une mesure à court terme, car elle revient à transférer le coût à l’employeur et à polariser plus encore le marché du travail selon que l’on est ou non protégé par une bonne couverture.
M. Alexis Corbière
C’est honteux !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Nous devons donc, avec les partenaires sociaux et les fédérations professionnelles, examiner le système des indemnités journalières, afin de parvenir à l’équilibre entre responsabilité individuelle, responsabilité de l’entreprise et solidarité nationale. La question du coût de ces indemnités s’inscrira en outre dans une discussion bien plus large sur la santé au travail, qui impliquera les partenaires sociaux, les parlementaires, le Conseil économique, social et environnemental (Cese), s’appuiera sur des comparaisons européennes et abordera tous les sujets : conditions de travail, prévention, absentéisme, prescription d’arrêts de travail par les plateformes, dialogue social de proximité.
M. Alexis Corbière
Pourquoi annoncer que vous supprimez 10 % des IJ ? Tous les syndicats sont contre. Vous ne voulez pas dialoguer !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Après l’emploi, le travail qui paie et la responsabilité budgétaire, notre quatrième axe consiste à intégrer dans le droit d’importantes mesures de justice sociale. Ce PLFSS nous donne l’occasion de mettre à exécution des réformes très attendues dans le monde agricole, qui permettront notamment d’améliorer les retraites des agriculteurs non salariés : pérennisation de la hausse des cotisations patronales sur le travail saisonnier, cumul des dispositifs d’exonération de cotisations au moment de l’installation des jeunes agriculteurs, et surtout réforme des retraites agricoles, très attendue, je le répète, par les professionnels.
Cette réforme consiste à rapprocher enfin le régime de base des agriculteurs du régime général…
M. Thibault Bazin
Un combat qu’avec Julien Dive nous menons depuis longtemps !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…en y retenant également, pour le calcul, les vingt-cinq meilleures années et en alignant le plafond de la pension minimale de référence des agriculteurs, soit 1 073 euros brut par mois, sur le minimum de pension du régime général, soit 1 367 euros brut par mois. Il s’agit, là encore, d’une mesure de justice sociale visant à tenir compte des variations des revenus agricoles lors des mauvaises années ; entre 35 % et 45 % des agriculteurs y gagneraient.
M. Thibault Bazin
Plutôt qu’en 2028, faites-le en 2026 !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Techniquement, son application n’est pas simple : elle ne pourra être pleinement opérationnelle qu’en 2028. Toutefois, nous soutiendrons des amendements tendant à en anticiper certains aspects dès 2026.
En complément de son volet budgétaire, ce PLFSS contient une mesure normative également importante et attendue : l’article 24 permettra la bonne retranscription dans la loi de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 15 mai 2023, précisé en juin 2024. Cet accord unanime a trait à un enjeu fondamental, constitutif du droit du travail : l’indemnisation des accidents du travail, de façon à couvrir le préjudice professionnel et personnel.
Depuis mon audition et celle de mes collègues membres du Gouvernement par la commission des affaires sociales, les partenaires sociaux ont suggéré quelques ajustements, qui ont été travaillés en lien avec les parlementaires ; nous discuterons dans l’hémicycle des modalités de versement des indemnités retenues par le juge en cas de faute inexcusable, ainsi que du rôle à donner, dans les diverses commissions, aux associations d’aide aux victimes.
Telles sont les principales dispositions que nous vous proposons pour 2025. Vous l’aurez compris, elles s’inscrivent dans la perspective plus large de chantiers pluriannuels en vue desquels j’aurai besoin du Parlement, de vos analyses, de vos propositions, de même que des partenaires sociaux. Comme l’a rappelé le ministre chargé des comptes publics, ce texte reste perfectible : dans le cadre de l’effort attendu, je suis ouverte à des évolutions. Concernant les allégements généraux, les exonérations de cotisations sociales pour les apprentis, le décalage de la revalorisation des pensions, la retranscription de l’ANI consacré aux accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP),…
M. Thibault Bazin
Il y a beaucoup à corriger !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…nous devons choisir ensemble la meilleure façon d’atteindre les objectifs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes
Dans ce contexte budgétaire contraint, les plus vulnérables d’entre nous seraient les premiers à souffrir d’une fragilisation de notre modèle de solidarité. Dois-je préciser que les plus vulnérables, ce sont tous les Français, puisque chacun se trouve fatalement dans cette position à un moment donné de sa vie ? Les commissaires aux affaires sociales peuvent témoigner que mon ministère entend prendre toute sa part de l’effort collectif visant à ce que ce modèle soit préservé et à ce que la troisième valeur républicaine, la fraternité, qui lui apporte sa dimension humaine, continue d’être un principe général de l’action publique. Je les remercie d’ailleurs de leur travail, qui sera encore approfondi en séance à partir d’aujourd’hui.
Si, afin d’accompagner tous les Français, toutes les familles, les moyens dévolus aux solidarités sont en hausse, il est également indispensable que nous renforcions leur efficacité à moindre coût, autrement dit leur efficience. Nous encouragerons donc les améliorations en matière de pratiques d’achat des établissements, la mise en commun des ressources ; nous favoriserons la sobriété médicamenteuse, car l’usage abusif des médicaments peut détériorer la santé et altérer la qualité de vie. Nous lutterons également contre toutes les formes de mésusage des moyens publics, qui doivent toujours servir la qualité de l’accompagnement des usagers. Dans tous les cas, comme mes collègues ministres, j’ai travaillé en vue de vous soumettre une proposition tournée vers l’avenir, un budget d’investissement dans l’avenir.
L’avenir, c’est tout d’abord nos enfants : je commencerai donc par traiter de la politique familiale, qui constitue une priorité du Gouvernement et du Premier ministre. Ce PLFSS conforte les moyens prévus pour le service public de la petite enfance, dont l’impact est considérable sur la vie des Français. Il témoigne de notre regard vers l’avenir, de notre considération pour les professionnels de ce secteur, de notre mobilisation en vue de garantir la sérénité des parents et la sécurité au quotidien.
Si l’on veut réduire les tensions concernant l’offre d’accueil et la charge qui en découle pour les parents, il est nécessaire d’agir de manière résolue et continue. Nous devons donc aller plus loin dans le contrôle de la qualité de cette offre ; concrètement, en finançant les investissements nécessaires, nous relevons le défi de créer d’ici à 2027 35 000 places dans les établissements d’accueil du jeune enfant. Nous poursuivons la revalorisation salariale des professionnels, essentiels à notre ambition : cette année commence le déploiement du bonus attractivité, destiné à augmenter de 150 euros en moyenne les salaires mensuels nets en début de carrière.
En outre, à partir du 1er janvier 2025, le service public de la petite enfance bénéficiera d’un nouvel élan grâce aux compétences obligatoires des communes, qui devront recenser l’offre disponible et disposeront enfin de nouveaux outils afin d’assurer la qualité de l’accueil. En effet, l’objectif de ce service réside aussi et surtout dans la sécurité des jeunes enfants : les lieux d’accueil, premiers lieux de la vie, doivent la protéger. Il importe de tourner la page d’une optimisation intolérable qui fait souffrir les enfants, les professionnels, et incite les parents à la défiance. Rôle renforcé des communes, revalorisation des professionnels, création de places seront ainsi les clés d’une confiance retrouvée, d’un secteur consolidé ; quant à vos propositions touchant les modalités de financement des crèches, Agnès Canayer et moi les examinons avec attention, tout en gardant à l’esprit le fait que le secteur, en cette période décisive, a besoin de stabilité et de visibilité.
Je vous rappelle également que nous devons prêter une attention particulière aux familles monoparentales, dont la charge incombe le plus souvent aux femmes. Comme prévu, à partir de 2025, la branche famille financera, à hauteur de 600 millions en année pleine, une réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG) : pour les familles monoparentales, il n’ira plus jusqu’aux 6 ans mais jusqu’aux 12 ans de l’enfant. Tous les parents sans exception ont besoin de concilier leurs différents temps de vie, d’accéder à l’emploi ou de s’y maintenir, tout en récupérant suffisamment pour jouer pleinement leur rôle : il en résultera pour la branche famille, en 2025, près de 2 milliards d’augmentation des dépenses.
Nous réfléchissons par ailleurs au congé de naissance, levier du développement de l’enfant lors des mille premiers jours de sa vie, mais aussi de l’égalité entre les femmes et les hommes. Avec Salima Saa et Agnès Canayer, nous continuerons de travailler à ces dossiers, en relation avec vous.
La valeur de fraternité sous-tend également nos actions en faveur des personnes en situation de handicap. Nous souhaitons, avec Charlotte Parmentier-Lecocq, conforter les mesures issues de la Conférence nationale du handicap et la dynamique initiée par les Jeux paralympiques en faveur d’une société plus inclusive. (M. Hadrien Clouet s’exclame.) Le PLFSS comprend l’accélération du déploiement des 50 000 nouvelles solutions d’accompagnement : alors que le rythme prévu était de l’ordre de 200 millions d’euros par an, nous portons à 270 millions supplémentaires l’enveloppe disponible en 2025.
M. Thibault Bazin
C’est bien !
M. Paul Christophe, ministre
Cette impulsion doit rendre possible, dès 2025, le déploiement effectif de 15 000 solutions plus individualisées, plus adaptées aux besoins spécifiques des personnes, au plus près de leurs lieux de vie. L’on ne peut pas tout standardiser : nos politiques visent à faciliter le sur-mesure. Ces solutions pourront, au besoin, bénéficier, en complément, du fonds de transformation de l’offre – 250 millions d’euros – annoncé en comité interministériel du handicap et inscrit au sein du PLFSS.
L’évolution vers le milieu ordinaire ne se décrète pas, elle s’accompagne, et doit être pourvue de moyens. Nous porterons une attention particulière à l’école pour tous, à laquelle je crois profondément : comme j’ai coutume de le rappeler, votre camarade de classe handicapé peut devenir aujourd’hui votre ami, demain votre collègue, conjoint ou compagnon. Une société est véritablement inclusive lorsqu’elle l’est nativement, c’est-à-dire qu’elle combat les préjugés dès le début de la sociabilisation. Cette école, notre école, a besoin de moyens médico-sociaux : mon ministère est en mesure de les fournir.
M. Alexis Corbière
Les infirmières scolaires, les AESH ?
M. Thibault Bazin
Il y a du boulot !
M. Paul Christophe, ministre
Il y va de l’égalité des droits promise par la loi du 11 février 2005, dont nous fêterons bientôt les 20 ans. Là encore, nous serons à l’écoute de vos suggestions.
J’en viens à un sujet dont les défis sont toujours devant nous : le vieillissement de la population. Nous en avons beaucoup parlé, et nos préoccupations sont communes : il faut se préparer dès à présent…
M. Pierre Cordier
Il faut encourager la natalité, surtout !
M. Paul Christophe, ministre
…à l’augmentation importante du nombre de personnes de plus de 85 ans ayant besoin d’un soutien pour rester autonomes. C’est là une réalité dont on ne peut faire abstraction. En anticipant ce phénomène, en reconsidérant notre approche politique, nous ne nous contenterons pas d’y faire face : nous garantirons aussi les valeurs qui font la France.
Dans l’immédiat, c’est une urgence qui se présente à nous. Dans l’intérêt des résidents, des professionnels, des familles et, je le répète, des valeurs sociales de notre pays, la situation des Ehpad ne peut plus durer ; alors que 90 % des établissements de demain sont déjà là, que nous avons besoin d’eux, ils rencontrent des difficultés financières structurelles, ainsi que l’ont montré plusieurs rapports parlementaires.
M. Vincent Descoeur
Il y a urgence !
M. Paul Christophe, ministre
J’ai bien l’intention d’élaborer avec vous des solutions pérennes ; c’est pourquoi j’ai étudié avec attention les nombreux amendements déposés sur ce point. En plus de tout ce que comporte le texte, nous pourrons nous permettre quelques avancées complémentaires. Les Ehpad ne posent pas seulement un problème financier, ils doivent se transformer et, au-delà du bien vieillir, devenir des lieux de bien vivre : certains logent dans ce but des étudiants, abritent des crèches conjointes, des services publics, voire des lieux de convivialité pour tout un quartier. Des investissements immobiliers supplémentaires sont prévus par le PLFSS. Bien sûr, le financement de ces établissements devra également être simplifié ; comme vous le savez, la sécurité sociale ne pourvoit pas seule à leurs besoins, et le renvoi des responsabilités entre cofinanceurs se révèle délétère.
M. Thibault Bazin
Il faut soutenir les départements !
M. Paul Christophe, ministre
En complément de la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien vieillir et de l’autonomie, le PLFSS prévoit un fort soutien à l’expérimentation consistant à transférer des départements à la branche autonomie le soin de financer l’entretien de l’autonomie au sein des Ehpad. Vingt-trois départements candidats ont été retenus ; cette réforme représenterait pour la sécurité sociale un surcoût total d’environ 200 millions. Nous croyons tous au caractère structurant de cette mesure, au point que certains voudraient réduire la durée de l’expérimentation : j’y suis tout disposé.
M. Thibault Bazin
Accélérons le déploiement !
M. Paul Christophe, ministre
Tous départements confondus, l’accroissement des ressources des Ehpad permettra le recrutement d’environ 6 500 professionnels supplémentaires, afin de parvenir plus vite aux 50 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires annoncés pour 2030. Il résulte de ces évolutions que les moyens consacrés aux personnes âgées augmenteront en 2025 de 6 % environ, soit une hausse supérieure à celle de l’année dernière.
Accompagner le vieillissement, c’est aussi soutenir nos aides à domicile, souvent des femmes, grâce auxquelles beaucoup de nos concitoyens peuvent réaliser leur souhait de vieillir chez eux, en restant à leur domicile ou en s’établissant dans une résidence adaptée. Dans la logique de la loi de 2024, nous proposons une aide de 100 millions d’euros destinée à ce que les départements prennent en charge une partie de leurs déplacements professionnels : il est inacceptable qu’elles les financent plus longtemps elles-mêmes.
S’agissant des revalorisations salariales, au sein de la branche des activités sanitaires, sociales et médico-sociales, liées à l’accord du 4 juin 2024, j’ai entendu les inquiétudes exprimées. Je tiens à rappeler que cet accord constitue un progrès historique pour l’attractivité des métiers concernés, non seulement en raison de ses effets sur les bas salaires, mais aussi parce qu’il engage les partenaires sociaux au sein d’une convention collective unique, perspective que les pouvoirs publics soutiennent depuis des années. Les financements nécessaires de la sécurité sociale ont été délégués et ont fait l’objet jusqu’au dernier moment de chiffrages conjoints avec les partenaires sociaux. Il y a cependant des effets de bord sur d’autres types de structures, pour lesquelles aucun agrément n’existe : nous travaillons à une compensation au cas par cas.
Soyez assurés de mon investissement sur ce sujet qui dépasse le périmètre de mon ministère et sur lequel nous devons avancer méthodiquement.
Enfin, pour conclure, permettez-moi d’évoquer une question qui me tient à cœur depuis plusieurs années : celle des 11 millions d’aidants de personnes en situation de handicap et de personnes âgées en perte d’autonomie. Le PLFSS prévoit d’augmenter les moyens alloués à l’ouverture de nouvelles places de répit, et je serai attentif également au déploiement des droits rechargeables au congé de proche aidant, pour chaque nouvelle personne aidée.
Je souhaite par ailleurs donner un nouveau souffle à la stratégie Agir pour les aidants, que les récents soubresauts démocratiques n’ont pas permis de faire avancer autant qu’elle le méritait. Un comité de suivi se tiendra avant la fin de l’année.
Les différents ajouts à la trajectoire initiale de la branche autonomie telle que prévue en 2024 aboutissent à une hausse des dépenses de 2,4 milliards d’euros en 2025, la plaçant en déficit dès l’année prochaine et pour les suivantes. J’assume ces investissements nécessaires. Toutefois, les moyens alloués à la branche en 2024 ne suffiront pas à garantir à long terme le rythme de déploiement de l’offre. Il sera nécessaire de reprendre les travaux sur les recettes, afin de poursuivre l’adaptation de la société au grand âge. Le sujet mérite des concertations, notamment en matière d’acceptabilité sociale, ainsi qu’une prise de conscience de nos concitoyens.
Enfin, vous le savez, le texte du Gouvernement est perfectible, dans la limite de ce que la situation actuelle de nos finances publiques permet. Je vous remercie de votre concours. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR, ainsi que sur quelques bancs des groupes DR et Dem.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.
M. Pierre Cordier
Le rapporteur général sourit. Cela commence bien !
M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales
L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2025 est lourd de responsabilités, tant notre système social, héritage du général de Gaulle, issu du Conseil national de la Résistance, est fragile. Si nous voulons le maintenir, nous devons en prendre soin.
Nous examinons ce texte dans des conditions exceptionnelles puisque, pour la première fois depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale, le délai de dépôt du texte n’a pas été respecté. Vous n’y pouvez rien, chers membres du Gouvernement : lorsqu’il faut cinquante et un jours au Président de la République pour nommer un Premier ministre, les délais ne peuvent être que tendus.
M. Jérôme Guedj
Eh oui !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
J’en profite pour remercier tous les collègues qui ont participé aux travaux de la commission des affaires sociales, puisque nous avons réussi à débattre dans de bonnes conditions. Je remercie non seulement leurs collaborateurs mais aussi, et surtout, tous les administrateurs qui nous ont accompagnés jour et nuit depuis plusieurs semaines. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Ce qui est tout autant exceptionnel, c’est l’ampleur des dérapages des comptes de la sécurité sociale : avec un déficit de 18 milliards d’euros, soit 7,5 milliards de plus que prévu, on peut dire que le trou de la sécurité sociale fait son grand retour !
M. Thibault Bazin
C’est énorme !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Si rien n’est fait, il pourrait même atteindre 28,5 milliards en 2025. Nous payons ainsi les politiques des gouvernements précédents, menées sans véritables caps, à coups de rabot et avec des erreurs de prévisions qui feront peser le poids de la dette sur nos enfants et petits-enfants.
M. Pierre Cordier
Que d’erreurs !
M. Alexis Corbière
Et on continue les mêmes erreurs !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Nous devons donc nous montrer raisonnables. Le Gouvernement doit reprendre un dialogue permanent avec le Parlement, et je remercie les ministres d’y contribuer. Permettez-moi toutefois d’adresser une légère remontrance au ministre des finances, qui m’a prévenu hier soir de nouvelles annonces à venir.
M. Hadrien Clouet
C’est scandaleux !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
De ce fait, nous ne savons pas dans quelle mesure celles-ci viendront percuter les amendements que nous devons examiner.
M. Hadrien Clouet
C’est vrai !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Autre fait inédit, le décalage de six mois de la revalorisation des pensions de retraite – du 1er janvier au 1er juillet 2025 – a été supprimé à l’unanimité en commission, à juste titre. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RN, LFI-NFP et SOC.)
La commission a également supprimé l’article liminaire, ainsi que les deux premiers articles de la première partie, puis rejeté la deuxième partie. Qu’on ne se méprenne pas : elle n’a pas cherché à se soustraire à ses responsabilités. Au contraire, c’est le sens des responsabilités qui l’a conduite à rejeter une deuxième partie au sein de laquelle avaient été votés plus de 60 milliards de prélèvements sociaux supplémentaires pour les concitoyens et les entreprises. (Mme Stéphanie Rist s’exclame.)
M. Sébastien Peytavie
Vous voyez qu’il y a des recettes possibles !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
J’espère donc que les débats en séance nous permettront de faire évoluer ce texte sur plusieurs points essentiels.
Premièrement, sur les retraites. Les retraités ne doivent pas subir une double peine, qui consisterait à se voir rogner leurs pensions et transférer une partie du reste à charge sur leurs complémentaires santé, alors même qu’ils les paient déjà plus cher, en moyenne, que le reste des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Pierre Cordier
Très juste !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Deuxièmement, la hausse du taux de cotisation des employeurs territoriaux et hospitaliers à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) ne doit pas menacer ni les structures de soins ni les collectivités locales. Cette mesure représente 1 milliard de cotisations supplémentaires pour nos structures de soins, ce qui n’est ni acceptable ni, même, envisageable : les hôpitaux, les cliniques ou les centres de cancérologie ne doivent pas avoir à choisir entre soigner ou payer les retraites !
Le troisième point a trait à la refonte des allégements généraux. Vous l’avez souligné, madame la ministre de la santé, leur coût atteint désormais 80 milliards – dont 20 milliards de plus ces quatre dernières années. Il serait nécessaire de retravailler le dispositif du Gouvernement, qui n’apparaît pas suffisamment équilibré et sur lequel nous manquons d’informations. En effet, outre la réduction des allégements généraux, les entreprises supportent déjà le poids de nombreuses autres mesures, telles que la baisse du soutien à l’apprentissage ou encore la compensation des indemnités journalières – ce qui fait beaucoup en cette période (Applaudissements sur les bancs du groupe DR) et pourrait représenter une menace pour leur compétitivité et la création d’emplois.
Le quatrième point concerne l’efficience des dépenses du système de santé : elles doivent être mieux contrôlées, pour être utiles et efficaces ; il faut aussi traquer tous les abus et toutes les dérives. Enfin, il faut miser à fond sur la prévention, je sais que Mme la ministre y est sensible, puisqu’il vaut mieux prévenir que guérir – d’autant que cela coûte trois fois moins cher ! Toutes les mesures, qu’il s’agisse de l’accès au transport sanitaire ou à un laboratoire de biologie, devront être appréciées en fonction des territoires. En effet, les besoins et les moyens diffèrent, par exemple en Isère, entre la plaine de Bièvre et la métropole grenobloise. Enfin, n’ajoutons pas non plus de la surcharge administrative aux professionnels de santé, qui en sont déjà saturés.
Permettez-moi d’évoquer également le difficile sujet du reste à charge, énième coup porté au pouvoir d’achat des Français, qui échappe, de surcroît, aux discussions du Parlement grâce au transfert du coût de la mesure vers l’assurance maladie complémentaire. Oui, il faut faire des économies, mais pas sur le dos de la santé des Français. Ce n’est pas raisonnable. Ça suffit ! Tel est le message que nous entendons dans nos circonscriptions.
Par ailleurs, pour en venir à un aspect plus positif du travail qui nous a animés ces dernières semaines en commission, je voudrais citer quelques avancées contenues dans le projet de loi.
Tout d’abord, en matière d’agriculture, le texte pérennise le dispositif d’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TODE), qui pourra aussi être cumulé avec les mesures que vous pourriez proposer, madame la ministre, à l’article 6. Nos agriculteurs ont besoin de ces avancées, tant pour assurer leur compétitivité que pour l’emploi des saisonniers.
Ensuite, il concrétise les dispositions de la loi du 18 février 2023 visant à calculer les pensions de retraite agricoles en fonction des vingt-cinq meilleures années (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR), et nous serons attentifs à l’application de cette mesure dès le 1er janvier 2026.
En commission, d’autres bonnes idées ont émergé, telles que l’instauration de nouvelles taxes comportementales, qui permettront de lutter contre certains risques : lorsqu’on sait que 17 % de la population souffre d’obésité et que deux tiers des dépenses de santé sont liées à des affections chroniques, on mesure l’importance de ces dispositions. Nous sommes également tombés d’accord sur la réforme du financement de la radiothérapie. Nous avons adopté un amendement visant à soutenir les actes innovants de biologie médicale, afin de permettre en particulier un meilleur séquençage génétique des cancers. Nous avons également souhaité permettre un meilleur accès au dispositif Mon soutien psy, mieux lutter contre les pénuries de médicaments, renforcer la transparence financière des Ehpad, rendre plus efficace l’ordonnance bizone pour les affections de longue durée, expérimenter une campagne de dépistage du cancer bronchopulmonaire, supprimer les certificats inutiles – à l’initiative de Stéphanie Rist – ou encore favoriser la substitution des médicaments en faveur des génériques et biosimilaires.
Au-delà de toutes considérations partisanes, ce sont autant de sujets sur lesquels la commission a obtenu des convergences. Toutefois, nous avons été contraints par le format et sommes parvenus au bout du système. Ce PLFSS a des déficits structurels ; nous devons y répondre par des réformes structurelles et non par un simple exercice budgétaire. Nous aurions aimé défendre la modernisation et la revalorisation de la profession d’infirmière, puisque le précédent gouvernement n’avait pas pu concrétiser sa réforme du métier socle, tant attendue par la profession.
Je salue par ailleurs votre volonté d’agir sur l’absentéisme dans la fonction publique. Nous avons également d’autres propositions à formuler, par exemple sur le plafonnement des minima sociaux à 70 %. du Smic. Nous soutenons des mesures qui permettraient d’être efficients, sans avoir besoin d’opérer des coups de rabot.
Vous l’avez compris, nous sommes convaincus qu’il faut agir davantage et mieux, dans l’intérêt de la santé des Français. Nous vous donnons donc rendez-vous pour poser les bases d’une loi de santé pluriannuelle qui permettrait de donner une vision au secteur, de préserver les Français, les patients et les professionnels de santé, sans opérer par coups de rabot. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.)
M. le président
La parole est à M. Guillaume Florquin, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche autonomie.
M. Guillaume Florquin, rapporteur de la commission des affaires sociales
Alors que nous abordons l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, une question fondamentale se pose : sommes-nous prêts à relever le défi de l’autonomie dans notre pays ? En tant que rapporteur pour cette branche, je me tiens devant vous avec la conviction que des actions fortes et décisives sont plus nécessaires que jamais, alors que notre pays traverse le début de la transition démographique du papy-boom.
La France compte environ 2,6 millions de personnes âgées dépendantes, un nombre qui devrait s’élever à 3 millions en 2030, puis à 3,5 millions en 2040. Par ailleurs, plus de 1 million d’entre elles seront confrontées à une dépendance lourde, nécessitant une prise en charge en établissement. À cela s’ajoutent les personnes handicapées vieillissantes, pour lesquelles des adaptations spécifiques sont nécessaires. Le temps est donc venu d’investir et d’engager des solutions ambitieuses, car la situation actuelle est critique.
Certes, le PLFSS pour l’année 2025 prévoit une hausse de 2,4 milliards des crédits alloués à la branche autonomie, soit un total de 42,4 milliards. Cependant, nous savons tous que ce n’est pas suffisant. Les établissements médico-sociaux, en particulier les Ehpad, font face à de graves difficultés financières. En 2022, près de 60 % d’entre eux étaient en déficit, chiffre qui pourrait atteindre 80 % en 2024. En ce qui concerne le tarif de ces établissements, les pensions de retraite, notamment les plus modestes, ne permettent pas de couvrir le reste à charge, qui représente souvent un fardeau insupportable pour de nombreux résidents et leurs familles.
Un député du groupe RN
C’est vrai !
M. Guillaume Florquin, rapporteur
L’aide sociale à l’hébergement (ASH), quant à elle, est insuffisante et ne couvre pas les frais réels d’un Ehpad.
Le PLFSS pour 2025 ne propose qu’une seule mesure en faveur de la branche autonomie, à l’article 21, qui se limite à des ajustements de la réforme du financement des Ehpad. Même si cette réforme pourrait alléger, à terme, la charge des départements et améliorer la situation financière de certains établissements, elle ne répond pas aux besoins réels et urgents du secteur. Par ailleurs, la crise du recrutement dans les métiers du médico-social s’accentue en l’absence de revalorisations suffisantes, malgré le Ségur de la santé, qui, comme l’a reconnu le ministre du budget en commission, n’a pas été financé.
M. Thibault Bazin
Il faut accélérer l’expérimentation !
M. Guillaume Florquin, rapporteur
Les services d’aide et de soins à domicile, qui jouent un rôle essentiel dans le maintien à domicile, sont également en crise. Malgré l’affichage politique, le virage domiciliaire n’a pas été réellement engagé, et la réforme, dont l’entrée en vigueur a été reportée à plusieurs reprises, reste à ce jour inaboutie. Un soutien accru est indispensable afin de garantir leur viabilité et leur efficacité. Les infirmiers libéraux, qui sont souvent le seul recours dans les déserts médicaux, méritent une attention particulière. Ils sont indispensables au maintien à domicile des personnes âgées ou handicapées, mais leurs rémunérations et les actes autorisés sans prescription médicale ne sont pas adaptés à la réalité du terrain.
La promesse du remboursement intégral des fauteuils roulants avant la fin de l’année 2024, faite par le Président de la République, n’a toujours pas été tenue, et les négociations, stoppées par la dissolution de l’Assemblée nationale, sont au point mort. Le plan « 50 000 nouvelles solutions », censé apporter des réponses concrètes aux besoins des personnes en situation de handicap, demeure flou et manque de détails opérationnels.
De plus, faute de structures adaptées en France, plus de 8 000 Français, adultes et enfants, en situation de handicap, continuent d’être accueillis dans des établissements en Belgique. Cette situation est intolérable pour les familles dont les proches sont ainsi contraints à l’éloignement. La France doit garantir à chacun une prise en charge sur son territoire, avec des structures adaptées aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap.
Ensuite, la barrière d’âge de 60 ans pénalise les personnes handicapées vieillissantes. Ce seuil les oblige en effet à quitter le régime de la prestation de compensation du handicap (PCH) pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), une aide inadaptée aux besoins spécifiques liés au handicap. Il est donc indispensable de revoir cette limite d’âge et d’assurer une prise en charge continue, sans rupture, tout au long de la vie.
Enfin, les proches aidants, sur qui repose en grande partie le maintien à domicile, sont insuffisamment soutenus. Ces femmes et ces hommes – ils sont entre 8 et 11 millions – qui permettent à leurs proches de vivre dignement chez eux doivent recevoir un soutien à la hauteur de leur contribution et une définition unifiée de leur statut juridique. Le plan minimal adopté par le Gouvernement, qui institue un congé de trois mois maximum sur un an, n’est pas suffisant. Il ne tient pas compte des revenus du ménage concerné et, surtout, la durée de l’indemnisation ne couvre pas la durée du congé.
Le PLFSS pour 2025, malgré quelques avancées, ne répond ni aux attentes ni aux besoins fondamentaux de l’autonomie en France. Face aux défis du vieillissement et de l’inclusion des personnes handicapées, notre pays ne peut se contenter de mesures insuffisantes. Une loi grand âge, des budgets pluriannuels et une révision complète de nos politiques d’autonomie sont essentiels pour assurer une société où chacun, quel que soit son état de santé, peut vivre dans la dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Thibault Bazin
Pour cela, il faut des financements, et il faut déjà équilibrer les comptes sociaux !
M. le président
La parole est à M. Louis Boyard, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche famille.
M. Sébastien Delogu
Nos oreilles vont moins saigner !
M. Louis Boyard, rapporteur de la commission des affaires sociales
Mesdames et messieurs les « ministres » – je mets des guillemets parce que, pour être ministre, il faut avoir une légitimité politique et, comme vous avez perdu les dernières élections, vous n’en avez pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Thibault Bazin
On a parlé de tout sauf de la branche famille !
M. Louis Boyard, rapporteur
Je salue aussi la majorité de Macron et me tourne donc vers le Rassemblement national, puisque vous soutenez le budget du gouvernement d’Emmanuel Macron, refusez de le censurer, comme vous refusez la destitution du Président. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Si le Rassemblement national n’existait pas, cela ferait bien longtemps que La France insoumise se serait débarrassée de ce qui nous sert de Président de la République.
M. Jean-Yves Bony
Ça va faire avancer les choses !
Un député du groupe DR
Revenons au sujet !
M. Louis Boyard, rapporteur
Mais ce n’est pas de vous dont on va parler aujourd’hui : on va parler de la branche famille de la sécurité sociale, des crèches et surtout du scandale des crèches privées. Rappelons qu’Aurore Bergé est accusée d’avoir pactisé avec le lobby des crèches quand elle était ministre au moment où étaient révélés au grand public les scandales de maltraitance des bébés dans les crèches privées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Cela doit être le quatre-vingt-dix-septième scandale politico-financier dans lequel un ancien membre du Gouvernement a été impliqué, mais cela ne concerne pas uniquement les membres du Gouvernement : Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale, qui a été élue par dix-sept ministres, enterrant définitivement la séparation des pouvoirs (Mêmes mouvements), a tout de même couvert Aurore Bergé pendant deux semaines pour empêcher que le bureau de l’Assemblée engage contre elle une procédure pour parjure. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. Thibault Bazin
Vous ne parlez toujours pas de la branche famille !
M. Louis Boyard, rapporteur
On retrouve donc ici ce qui fait la marque de fabrique de la présidente de l’Assemblée nationale : une partialité assumée et un soutien total, inconditionnel, à tout ce qui de près ou de loin met en danger la vie des enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mais le pire du scandale des crèches, c’est le système que vous avez organisé. Quatre-vingt-dix pour cent des places qui ont ouvert ces dix dernières années sont des places en crèches privées, lesquelles sont possédées par des fonds de pension britanniques et américains qui ne cherchent qu’à faire de la rentabilité, donc ils font des économies.
M. Pierre Cordier
Ça se voit que vous n’avez pas d’enfants ! Vous ne connaissez rien aux crèches !
M. Louis Boyard, rapporteur
Ils font des économies sur les couches, sur la nourriture, sur la masse salariale, ce qui fait que les salariées qui ne demandent qu’à bien s’occuper des bébés n’ont pas les moyens de faire correctement leur travail.
Au cœur du scandale des crèches, il y a une question : qui est responsable ? Regardez-moi droit dans les yeux, monsieur le ministre du budget : C’est vous, le responsable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe DR.) L’argent qui finance ces crèches et qui finit dans les poches des fonds de pensions est pour 80 % de l’argent public – c’est de l’argent de l’État. Quand j’ai demandé à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), ce qu’ils pensaient de votre système de financement, ils m’ont transmis un document comptable montrant qu’ils avaient atteint leurs objectifs – les objectifs que vous fixez, monsieur le ministre.
M. Thibault Bazin
Arrêtez !
M. Louis Boyard, rapporteur
Entendez-moi bien, tant que vous ne sortirez pas la petite enfance du secteur privé, et n’investirez pas massivement dans un service public de la petite enfance qui offre des places à tout le monde et dont le premier critère est la qualité de l’accueil des enfants – ce qui implique de tourner le dos au secteur privé et à sa logique de rentabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) –, vous ne serez pas seulement responsable, monsieur le ministre, vous serez complice, tout comme Aurore Bergé l’a été. (Mêmes mouvements.)
Mme Sarah Legrain
Eh oui !
M. Louis Boyard, rapporteur
Enfin, je ne peux pas terminer mon discours sans parler des femmes,…
Un député du groupe DR
C’est déjà fini ?
M. Louis Boyard, rapporteur
…qui devaient être la grande cause du quinquennat d’Emmanuel Macron et qui sont en réalité les exploitées de sa politique.
Ne nous racontons pas d’histoire. La privatisation du service public de la petite enfance, le manque de places qui en résulte, ce sont les femmes qui en payent le prix. (Mêmes mouvements.) Ce sont 160 000 parents qui s’arrêtent de travailler chaque année, faute de place en crèche pour s’occuper de leurs enfants, et 95 % de ces parents sont des femmes. Ce sont elles qui sacrifient une partie de leur vie et de leur carrière pour combler les lacunes de la branche famille de la sécurité sociale.
Une réforme des congés parentaux avait été annoncée par Emmanuel Macron. Où est-elle ? (Mme Sophia Chikirou s’exclame.) Pourquoi en 2024, sommes-nous encore dans un système qui octroie aux femmes dix semaines de congé pour s’occuper de leur enfant après la naissance mais seulement vingt-cinq jours aux pères ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pourquoi ?
M. Thibault Bazin
Parce qu’il y a la naissance !
M. Louis Boyard, rapporteur
Un enfant, en général, ça se fait à deux, donc on doit pouvoir s’en occuper à deux après sa naissance. (Mêmes mouvements.) Mettons les choses bout à bout. Comme à la naissance de l’enfant, il faut ramener un salaire à la maison, mais que le système de congés est plus avantageux pour les femmes, ce sont elles, la plupart du temps, qui s’arrêtent de travailler pour s’occuper de l’enfant les premières semaines. (Mêmes mouvements.) Ensuite, il faut trouver une place en crèche. Mais comme vous avez vendu les crèches au privé, que cela coûte trop cher et que ce sont les femmes qui se sont occupées des enfants les premières semaines, c’est encore une fois à elles que vous demandez de s’arrêter de travailler pour s’occuper des enfants pendant des années, parce qu’il n’y a plus de places en crèche. (Mêmes mouvements).
Autrement dit, chaque euro que vous avez économisé sur les crèches et sur les congés parentaux, vous l’avez compensé par le travail gratuit des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Céline Hervieu applaudit également.) Et Emmanuel Macron, dans la droite ligne de la philosophie du Rassemblement national, ose parler de réarmement démographique ! Mes chers collègues, j’ai vu vos amendements sur la natalité. Ma position de rapporteur sur le sujet sera intransigeante : aucun parlement, aucun président de la République n’aura jamais quelque autorité que ce soit pour dire aux femmes ce qu’elles doivent faire ou ne pas faire de leurs utérus. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Éric Woerth
On a peur !
M. Louis Boyard, rapporteur
Vous me direz que la baisse de natalité met en danger l’équilibre financier de la branche famille de la sécurité sociale ! J’ai envie de vous dire : tant mieux.
Plusieurd députés du groupe EPR
C’est fini !
M. Louis Boyard, rapporteur
On fera une réforme, parce qu’un système basé sur le travail gratuit des femmes est appelé à mourir. Jour après jour avance l’idée féministe et républicaine qui abolit la famille comme lieu de l’autorité patriarcale et l’établit pour ce qu’elle est : le lieu de l’égalité des gens qui s’aiment. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, rapporteure de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse.
M. Pierre Cordier
C’est la loi des séries !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure de la commission des affaires sociales
Une promesse est une promesse. Il y a tout juste un an, le Gouvernement adoptait par 49.3 une réforme des retraites contre laquelle nous nous sommes âprement battus…
M. Pierre Cordier
Moi aussi !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
…et qui soulevait une opposition très large dans le pays. Le seul élément positif de cette réforme, nous aviez-vous dit, était la revalorisation des petites retraites.
M. Pierre Cordier
C’est vrai !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Une promesse est une promesse. Aujourd’hui, dans le PLFSS, vous proposez le décalage de la revalorisation de toutes les retraites, y compris les plus petites, y compris les minima de pensions.
M. Thibault Bazin
Non, pas les minima !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Si. Pas le minimum vieillesse, mais les minima de pension.
M. Pierre Cordier
On ne lit pas la même chose !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Ce décalage de six mois est tout sauf anodin. Il fait passer le taux de revalorisation de 2,3 % à 1,8 %. Ainsi, non seulement la revalorisation des retraites arrivera plus tardivement, mais de surcroît, elle sera moins élevée. Les bénéficiaires des plus petites pensions seront les premiers touchés – les mêmes qui subissent les contraintes financières les plus importantes. Par exemple, ils sont plus souvent locataires de leur logement, ainsi ils subiront la hausse des loyers avant de bénéficier de la hausse de leur pension. Ce sont 4 milliards d’économies, qui sont ainsi attendus.
M. Alexis Corbière
Elle a raison ! Bravo !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Deux sources de recettes supplémentaires sont recherchées. Tout d’abord, le Gouvernement propose d’augmenter les cotisations employeurs sur tous les salaires au niveau du Smic. Il s’agirait de récupérer 4 milliards d’euros sur un total de pas moins de 80 milliards d’exonérations de cotisations sociales. L’augmentation des cotisations patronales était le tabou des tabous au cours de la réforme des retraites – c’était impossible, nous disiez-vous, sans menacer gravement l’emploi. Force est de constater que vous êtes revenus sur cette affirmation et c’est bien ainsi. Vous avez ciblé une spécificité française : la trappe à bas salaires.
C’est toutefois une proposition imparfaite et incomplète. Rien n’est encore envisagé en matière de fraude sociale, dont je rappelle qu’elle s’élèverait à 13 milliards d’euros par an, dont la majorité serait le fait des employeurs : travail dissimulé, sous-déclaration, non-paiement. Un rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFIPS) préconise de renforcer les contrôles et la prévention. (Exclamations sur les bancs du groupe DR.) Ni l’un ni l’autre ne semblent être dans les radars du Gouvernement aujourd’hui. Il n’est pas suffisant d’augmenter les cibles, il faut augmenter le nombre d’inspecteurs, donc de fonctionnaires.
Aucune différenciation ou compensation selon la nature des entreprises n’est prévue – Amazon ou Total bénéficient des mêmes exonérations qu’un artisan cordonnier ou un chauffagiste. Un fonds de compensation aurait pu être imaginé pour les petites et moyennes entreprises, dont le nombre de défaillances explose.
L’impact de cette mesure en fonction des secteurs d’activité n’a pas non plus été pris en compte. Ainsi l’économie sociale et solidaire, qui comprend l’insertion, ou encore les services à la personne, très intensifs en main d’œuvre, risque de payer un lourd tribut. Rien de tout cela n’a été correctement anticipé.
Ensuite, le Gouvernement a décidé d’augmenter de 4 points les cotisations patronales des collectivités et des hôpitaux. Je lance ici l’alerte : ni les hôpitaux ni les collectivités ne sont en mesure d’absorber ce surplus non compensé. L’Ondam ne permettra pas de combler le déficit de l’année passée, de faire face à l’augmentation des charges, au manque de médecins et de personnels soignants, et de supporter en plus cette hausse des cotisations. Quant aux collectivités territoriales, elles ont perdu toutes leurs recettes fiscales, même si la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a été réintroduite avant-hier dans le PLF – j’espère que vous la garderez.
Ce PLFSS propose aussi pour la branche vieillesse l’application de la loi Dive sur les retraites des agriculteurs, désormais calculées sur les vingt-cinq meilleures années.
M. Thibault Bazin
Très bonne loi !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Certains points méritent une attention particulière, en particulier la question sensible de la lisibilité du dispositif et de son effet sur les différents parcours professionnels. Mais, là encore, j’émets une alerte : la réforme sera appliquée en 2028, avec effet rétroactif en 2026, sans que les agriculteurs disposent des informations nécessaires pour prendre les bonnes décisions quant à leurs retraites.
M. Thibault Bazin
On va corriger ça, ne vous inquiétez pas !
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Vous l’aurez compris, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’apporte pas de réponses satisfaisantes aux problèmes de notre système de retraite. Nous allons proposer dans le texte un amendement pour abroger la réforme des retraites. Certains sujets y sont par ailleurs totalement absents : les inégalités de pensions entre les hommes et les femmes, la pénibilité et l’impact du réchauffement climatique sur l’avenir de notre système de retraite. Car oui, le réalisme aujourd’hui est de penser la retraite en dehors de la croissance, voire dans la décroissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. Thibault Bazin
Il était temps que ça se termine !
M. le président
La parole est à M. Jean-Carles Grelier, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur de la commission des affaires sociales
Notre pays se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Nous ne sommes plus dans la période où les problèmes budgétaires apparaissaient éventuels ou hypothétiques, nous sommes dans la phase où ils doivent être résolus. L’urgence budgétaire pèse sur nous. La sécurité sociale connaît des déficits abyssaux, qui deviennent délétères pour l’ensemble de notre système de protection sociale. La soutenabilité de la dette sociale et sa reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ne manquent pas d’inquiéter, dès l’exercice 2025. Le financement de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) ne rassure pas davantage, et que dire des transferts de fiscalité de l’État vers la sécurité sociale à compter de 2027 – la Cour des comptes, elle-même, s’interroge sur leur possibilité et leur devenir.
L’urgence budgétaire frappe aussi la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Après plus de dix années d’exercices à l’équilibre, sa trajectoire budgétaire est sérieusement dégradée, et un déficit est prévisible à compter de 2026.
Mme Sophia Chikirou
Deux cent soixante morts au travail cette année !
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur
La croissance des dépenses de la branche AT-MP est exponentielle. Elles devraient atteindre 17 milliards d’euros en 2025, soit une hausse de 6,3 % par rapport à 2024. Il est urgent de trouver des solutions. De la façon dont nous saurons résoudre ces difficultés ensemble, par le débat, dans cet hémicycle, de notre sens des responsabilités dépend le destin de la sécurité sociale et de notre système de protection sociale.
Autre urgence dans l’urgence, il nous revient aussi de conduire, dès aujourd’hui, ici et maintenant, les réformes structurelles nécessaires pour que jamais plus nous nous retrouvions dans cette situation et que nous puissions garantir aux Françaises et aux Français la pérennité de notre système de santé. Ce dernier a besoin d’une approche globale.
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur
La santé des Français est en réalité une sorte de mikado : tirer isolément une seule baguette ne réglera rien et risque même d’ébranler l’ensemble du système. C’est la globalité du système de santé qu’il faut repenser. Reparlons de la formation des soignants,…
M. Yannick Monnet
Il y faut des moyens !
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur
…de la gouvernance, notamment territoriale, de notre système de santé, du devenir de la filière des médicaments, de la santé mentale et de tous les sujets qui méritent aujourd’hui une réflexion responsable et approfondie, ainsi qu’un cap clair…
M. Jérôme Guedj
Raphaël, sors de ce corps !
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur
…et une ligne directrice sans faille. Et pourquoi pas celle-ci : si l’on passait d’une offre de soins proposée par l’État aux Françaises et aux Français à une demande de santé exprimée depuis les lieux où vivent nos concitoyens avec leurs enfants et leurs parents âgés ? C’est depuis les territoires de province que nous reconstruirons notre système de santé.
Mme Sophia Chikirou
Parlons des gens !
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur
S’agissant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, accentuons, là aussi, la prévention et la formation.
Mme Sophia Chikirou
Et les 260 morts au travail cette année ?
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur
Les opérateurs de l’État sont nombreux et aucun d’entre eux ne travaille en association avec les autres. Arrêtons cette organisation en tuyaux d’orgue, invitons à davantage de discussions, de concertation et de cohérence ! Travaillons également davantage pour la santé au travail et rendons plus attractif le métier de médecin du travail, qui devrait pouvoir prescrire des bilans biologiques et nutritionnels ainsi que de l’activité physique adaptée.
Mme Sophia Chikirou
Et des arrêts maladie !
M. Jean-Carles Grelier, rapporteur
N’oublions pas que plus de 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, même s’ils ont parfois un oto-rhino-laryngologiste, madame Chikirou ! Le médecin du travail est parfois le seul professionnel de santé qu’ils rencontrent à intervalles réguliers. Les débats qui s’ouvrent devant nous peuvent constituer une formidable occasion. « L’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons en faire. » : que Bergson inspire les débats du PLFSS ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Il n’y a pas deux visions qui s’opposeraient : celle de la solidarité d’un côté, celle de la bonne gestion de l’autre. Il n’y a de solidarité possible que grâce à la bonne gestion. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Si la commission des finances a émis la semaine dernière un avis défavorable à l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, avant son rejet quelques jours plus tard par la commission des affaires sociales, c’est parce que tous les bancs de cette assemblée partagent la même inquiétude quant à la dérive et à la perte de maîtrise de nos comptes, mais aussi aux solutions proposées – certains les estimant incomplètes ou insuffisamment puissantes, d’autres les jugeant au contraire trop brutales.
Le texte proposé est tout sauf un projet de loi d’austérité. Ceux qui prétendent le contraire ignorent ce qu’est l’austérité et devraient aller voir dans les pays européens qui l’ont subie, à quel point de telles mesures sont autrement plus douloureuses que celles que nous nous apprêtons à prendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR. – Mme Stéphanie Rist et M. Philippe Vigier applaudissent également.)
D’après l’article 1er et l’article 11, le déficit s’établirait à 18 milliards d’euros en 2024, puis à 16 milliards en 2025, contre 10 milliards en 2023.
M. Yannick Monnet
C’est 2 % du budget !
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis
Malgré sa légère décrue possible en 2025, il pourrait encore exploser dans les années suivantes, comme l’a rappelé Yannick Neuder il y a un instant. Et je ne parle même pas de l’hypothèse de l’abrogation de la réforme des retraites, qui viendrait encore aggraver le déficit de plus de 15 milliards d’euros supplémentaires d’ici à 2032 – soit un quasi-doublement du déficit actuel, ce qui serait totalement irresponsable.
M. Laurent Wauquiez
Ce serait catastrophique !
M. Jean-Didier Berger, rapporteur pour avis
Il nous faut donc faire des efforts, c’est pourquoi je souscris à l’objectif de 15 milliards d’économies. Toutefois, je considère que deux mesures proposées à cette fin ne sont pas opportunes. La première concerne les retraites. Mettre un coup de canif dans le contrat social qui nous lie aux retraités est toujours une mauvaise idée, parce qu’il n’y a pas de croissance sans confiance et pas d’emploi sans croissance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.) Si nous voulons éviter le retour du chômage, nous ne pouvons pas prendre le risque de compromettre la consommation des foyers concernés par cette mesure.
La seconde porte sur l’augmentation de 4 points – de 31 % à 35 % – du taux de cotisation patronale à la CNRACL, que les employeurs locaux et hospitaliers ne peuvent assumer. Le rapport auquel vous avez fait allusion en commission, madame la ministre du travail, va jusqu’à préconiser une hausse de 18 points – soit un taux proche de 50 % –, qui serait tout à fait insoutenable pour les collectivités locales et aurait un effet dramatique sur l’emploi et l’investissement local.
Ce projet de loi intègre des mesures de maîtrise de dépenses qui vont dans la bonne direction : l’Ondam ne baisse pas mais son augmentation décélère, notamment dans les secteurs de l’imagerie, de la biologie et du transport sanitaire. D’autres mesures doivent en revanche être renforcées, notamment en matière de délai de carence et s’agissant de la branche famille, dont je rappelle que la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes au titre de l’exercice 2023 – c’est dire les progrès qu’il reste à faire en la matière. Enfin, un pays qui ne maîtrise pas ses comptes sociaux ne peut se permettre un tel niveau de bureaucratie. Il faut prendre des mesures pour y mettre un terme le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Parce qu’il va dans la bonne direction et qu’il comprend des marges d’amélioration que nous saurons saisir ensemble, j’appelle évidemment à voter en faveur de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – M. Bertrand Bouyx applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
La situation est pour le moins inédite, et il faut commencer par là : pour la première fois depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale, il y a près de trente ans, le PLFSS de l’année à venir n’a pas pu être mis aux voix en commission. L’article liminaire et la première partie ont été supprimés, avant que les deuxième et troisième parties ne soient elles aussi rejetées – à l’unanimité, qui plus est. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – MM. Hendrik Davi et Arnaud Simion applaudissent également.) L’ensemble du texte amendé par la commission a donc été rejeté, sans qu’il soit nécessaire de procéder à un vote final.
Et pourtant, les presque trente-cinq heures de débat consacrés au texte et les 823 amendements examinés auront-ils été vains ? Je crois que personne dans notre commission ne le pense sincèrement. En effet, malgré ce rejet unanime du texte modifié par les amendements adoptés par la commission, l’impression partagée par beaucoup d’entre nous est, paradoxalement, celle de débats plus fructueux et d’avancées plus utiles qu’à l’accoutumée. Nous le devons d’abord à l’excellente tenue de nos discussions, tant sur la forme que sur le fond. J’en remercie sincèrement tous ceux qui y ont contribué – en premier lieu les administrateurs pour la qualité de leurs apports et de leurs analyses (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – M. Christophe Bentz et Mme Stéphanie Rist applaudissent également), mais aussi nos rapporteurs dans toute leur diversité politique à l’image de cette législature : la qualité de leur travail a été unanimement appréciée dans notre commission.
Notre commission a adopté près de 200 amendements qui, s’ils ont disparu du fait du rejet global du texte amendé, n’en témoignent pas moins d’un travail respectueux des opinions de chacun. La motion de rejet préalable déposée par le groupe socialiste et que nous serons amenés à examiner dans les prochaines minutes est, à ce titre, regrettable. Bien que conforme à notre règlement, son adoption nous priverait en effet d’un débat essentiel et surtout utile pour nos dépenses sociales. Je vous encourage donc à vous y opposer, d’autant plus qu’au-delà du rejet du texte amendé – sur les raisons duquel je reviendrai plus tard –, une très grande partie de la commission a voulu porter des messages politiques très forts et souvent unanimes. C’est peut-être un péché de jeunesse – dans la fonction, s’entend –, mais j’ai le sentiment que nous avons fait œuvre utile, en avançant collectivement et en essayant de construire des voies de passage aussi consensuelles que possible sur des sujets qui ont profondément divisé cette commission par le passé. En tant que président de la commission des affaires sociales, j’éprouve donc une certaine fierté à faire état devant vous d’un certain nombre de points qui ont fait consensus entre nous.
C’est le cas de l’attachement à la préservation de l’universalité du système de santé et des valeurs qui fondent la sécurité sociale. Au nom de cet attachement, nous sommes nombreux – moi le premier – à souhaiter ne pas voir prospérer l’idée d’augmenter de 10 points le ticket modérateur – véritable coup de canif à notre modèle universel (M. Sébastien Peytavie applaudit) –, même si ce sujet ne relève pas du domaine législatif.
C’est également le souhait que des mesures du projet de loi fassent l’objet d’une réflexion approfondie, comme la réforme des exonérations de cotisations sociales ou la mesure générale du gel des pensions de retraite, que nous refusons.
C’est encore la volonté, elle aussi très largement partagée, de renforcer la lutte contre certains fléaux sanitaires au moyen de taxes comportementales. Avec Cyrille Isaac-Sibille, que je salue pour son implication constante en la matière, j’ai moi-même fait adopter un amendement qui complète la taxe soda en proposant une taxe sur les sucres ajoutés dans les produits alimentaires transformés.
Fait également consensus le constat qu’avec l’Ondam, nous sommes arrivés au bout d’un mécanisme. Alors qu’il a fortement progressé ces sept dernières années – je le répète inlassablement –, passant de 190 à 250 milliards d’euros, notre système de santé semble pourtant n’avoir jamais connu autant de difficultés et essuyé autant de critiques. De plus en plus d’argent n’a cessé d’être injecté dans un système qui n’en est pas plus efficient et désespère les soignants.
Mme Marie-Christine Dalloz
Et les patients !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Sans aller jusqu’à dire que nous arrosons le désert, le système ne peut plus continuer ainsi. L’Ondam, avec sa logique d’enveloppes fermées et ses rigidités, est à la fois infantilisant et insatisfaisant. Il n’est manifestement plus adapté.
M. Sébastien Peytavie
C’est bien vrai !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Il suffit d’avoir à l’esprit, comme cela a été rappelé, qu’il tient compte de façon très insatisfaisante des dépenses de prévention. De la même manière, en cloisonnant les financements, l’Ondam ne favorise pas les coopérations entre public et privé. Nous devons donc réfléchir sérieusement à une réforme du financement de notre système de santé.
Dernier point qui a fait unanimité dans notre commission : le soutien à l’idée d’une loi de programmation annuelle des dépenses de santé, seul outil qui apportera la lisibilité nécessaire aux acteurs, publics comme privés, ainsi que la confiance que nous leur devons.
Sans attendre, j’ai proposé quelques idées que la commission a bien voulu suivre. Tout d’abord, le Gouvernement doit prendre des mesures de pertinence de soins qui permettraient de réaliser des économies. La revue de dépenses relative aux affections de longue durée (ALD) publiée le 19 septembre relève, par exemple, que les patients en ALD sont plus souvent polymédiqués et exposés au risque de iatrogénie médicamenteuse, qui serait responsable de 20 % des hospitalisations des patients de plus de 80 ans – hospitalisations en grande partie évitables et coûtant jusqu’à 500 millions d’euros par an. J’ai donc proposé que, chaque année, le ministre chargé de la santé établisse une liste de mesures prioritaires destinées à améliorer la pertinence des soins dispensés aux assurés.
Plus modestement, dans la lignée de ce qui a été accompli ces dernières années pour faire davantage confiance à nos professionnels de santé, j’ai suggéré avec plusieurs collègues deux initiatives qui ont été retenues par notre commission : la pérennisation de l’expérimentation autorisant les infirmiers à signer les certificats de décès…
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
…et la possibilité pour les pharmaciens de bénéficier de remises sur les achats des médicaments biosimilaires et hybrides, afin d’encourager leur développement et de générer ainsi des économies pour la branche maladie.
In fine, malgré ces nombreux points de convergence, la commission a finalement décidé de rejeter le projet de loi de financement pour la sécurité sociale. À mes yeux, deux raisons principales ont présidé à ce rejet. D’une part, il était inconcevable pour beaucoup de députés de voter un texte dénaturé par l’ajout, à l’initiative de la gauche, de plus de 60 milliards d’euros de taxes et contributions nouvelles.
M. Jérôme Guedj
C’est faux !
M. Thibault Bazin
Des milliards sur l’agroalimentaire, vous imaginez les conséquences sur l’emploi !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
D’autre part, reconnaissons-le comme l’ont eux-mêmes reconnu les ministres lors de leur audition, la copie initiale du Gouvernement, uniquement dictée par une logique de rabot et de freinage des dépenses, était insatisfaisante car elle ne comportait aucune réforme structurelle et de long terme. C’est pourtant une conviction que je sais largement partagée au sein de la commission des affaires sociales : la poursuite de la transformation de notre système de protection sociale, de son financement et de l’organisation du système de santé dans les territoires ; une régulation plus ferme des dépenses, vers plus de pertinence et une accélération de la lutte contre les rentes, les abus et les fraudes ; la confirmation de la confiance accordée aux professionnels de terrain par la poursuite des délégations de responsabilité mais aussi la meilleure reconnaissance des métiers, notamment infirmiers, sont des réformes qu’il faut amplifier.
Notre commission y prendra toute sa part, j’y veillerai. Lors de la prochaine réunion de son bureau, je proposerai, au vu de nos débats, que nous nous saisissions de plusieurs sujets, le cas échéant dans le cadre de la Mecss – la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale – ou du prochain Printemps social de l’évaluation. Je pense notamment au financement de la protection sociale, à la clause de sauvegarde du médicament, à l’évaluation de la loi du 11 février 2005 relative au handicap, à la mise en œuvre de la loi du 27 décembre 2023 sur l’accès aux soins ou encore à l’évaluation des deux heures hebdomadaires supplémentaires pour les aides à domicile, votées dans le cadre de la LFSS 2023 pour renforcer le lien social.
Tous ces chantiers à venir sont importants. Je ne doute pas que le Gouvernement y sera attentif, car je sais que la ministre de la santé partage ces ambitions. Dans ce contexte politique et financier complexe, nous avons tous en commun beaucoup de travail et le sens de nos responsabilités. Dans cette perspective exaltante – car il s’agit d’œuvrer collectivement –, je veillerai à ce que la commission des affaires sociales joue pleinement son rôle. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
M. le président
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
« Ne parlez pas d’acquis sociaux, mais de conquis sociaux. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Ces mots d’Ambroise Croizat éclairent l’origine de la sécurité sociale. Aujourd’hui, nous parlons de son avenir, à savoir de son budget pour 2025. L’esprit de Croizat devrait toujours nous servir de fanal ; pourtant, certains prétendent sauver cette institution républicaine en la défaisant.
M. Hadrien Clouet
C’est vrai !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je souhaite donc rappeler précisément de quoi nous allons débattre. Parlons d’abord du solde qui nous est présenté. Les comptes sociaux sont à l’équilibre en 2024 et seraient même excédentaires de 0,2 point de PIB en 2025. La sécurité sociale n’est donc pas à la dérive. Si les régimes obligatoires de base affichent un déficit de 18 milliards d’euros en 2024, celui-ci découle largement d’une baisse des recettes et non d’une hausse des dépenses.
M. Alexis Corbière
Eh oui !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Pourquoi ? Parce que l’exécutif prend le contrôle de la sécurité sociale et parce que la politique économique menée depuis 2017 ne crée pas d’emplois salariés. (M. Hadrien Clouet applaudit.) Je m’explique. Les gouvernements successifs ont privé la sécurité sociale de centaines de milliards d’euros de recettes sur plusieurs années en étatisant les ressources historiquement issues des cotisations sociales.
M. Alexis Corbière
C’est vrai !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
L’État baisse les ressources propres de la sécurité sociale, puis il les remplace, en partie seulement, par le produit d’impôts à sa main. Ainsi, par l’étatisation des financements, il en prend le contrôle.
Citons également les 96 milliards d’euros de dette liés au covid-19. Les aides aux entreprises et les mesures de soutien étaient vraiment nécessaires, mais si ces dépenses n’avaient pas été transférées à la Cades, leur coût pour nos finances publiques aurait été moins élevé. En effet, il n’est pas possible de faire rouler la dette sociale, contrairement à celle de l’État.
M. Thibault Bazin
Cela reste de la dette française, le pays emprunte dans les mêmes conditions…
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Viennent ensuite des problèmes financiers, qui sont la conséquence de la politique économique menée depuis 2017. Cette dépendance organisée de la sécurité sociale à la TVA l’expose à la conjoncture. Ainsi, pour 2024, les recettes de TVA affectées à la sécurité sociale devraient être inférieures de 1,5 milliard d’euros aux prévisions.
M. Hadrien Clouet
Exactement !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Par ailleurs, un autre problème survient lorsque la politique économique menée ne permet pas de créer d’emplois salariés, ce qui réduit la masse salariale soumise aux cotisations sociales. En conséquence, les recettes des régimes obligatoires baissent encore davantage, et leur déficit se creuse. Les cotisations qu’auraient pu verser les 700 000 travailleurs ubérisés pendant les années Macron échappent à la sécurité sociale.
M. Alexis Corbière
Eh oui !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Les primes sur lesquelles le Gouvernement a fait reposer le pouvoir d’achat échappent à la sécurité sociale.
M. Hadrien Clouet
Exactement !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Ce sont autant de salaires qui ne seront pas socialisés et dont on ne verra pas la couleur quand on aura besoin d’être pris en charge.
J’espère que nous débattrons des mesures d’économie annoncées par le Gouvernement, qu’elles figurent dans le PLFSS ou qu’elles soient envisagées par voie réglementaire. On nous parle par exemple de désindexation des retraites. Il s’agit en fait d’un gel des pensions pour six mois, qui toucherait ceux qui ont le plus besoin d’être soignés et ressentent le plus le reste à charge sur les soins.
Mme Émilie Bonnivard
La gauche l’a fait sous Hollande ! Et pas pendant six mois, mais pendant cinq ans !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Le Gouvernement propose donc de geler le maigre pouvoir d’achat de 2 millions de personnes âgées qui survivent dans la précarité énergétique et matérielle, alors que l’économiste Michaël Zemmour rappelle que les dépenses de retraite n’ont pas augmenté depuis 2017 en pourcentage du PIB. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Alexis Corbière
Eh oui !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
On nous parle d’une moindre augmentation de l’Ondam. Il s’agit en fait de faire peser sur les soins plus du tiers d’un effort indu, alors qu’entre 2022 et 2024, l’augmentation de l’enveloppe budgétaire n’a même pas couvert l’inflation, que le déficit structurel des hôpitaux publics a été creusé de 2 milliards d’euros et que la part d’Ehpad déficitaires est passée de 27 à 66 %.
On nous parle d’arrêts maladie abusifs,…
M. Alexis Corbière
Quelle honte !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
…mais on ne parle pas des 37 % de Français qui ont travaillé plusieurs fois par semaine alors qu’ils étaient malades, un pourcentage supérieur à la moyenne de l’Union européenne (UE), estimée à 28 % selon l’agence européenne Eurofound.
M. Pierre Cordier
C’est que les Français sont plus courageux que les autres !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
La population vieillit et est contrainte de travailler plus longtemps. Selon un rapport de l’ONU sur l’économie du burn-out présenté jeudi dernier, l’épuisement néolibéral organisé aggrave les troubles mentaux chez les plus pauvres.
M. Alexis Corbière
Exactement ! Bravo !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
J’en profite pour signaler que l’envie du Gouvernement d’imposer trois jours de carence aux fonctionnaires, prétendument motivée par la comparaison avec le secteur privé, repose sur un argument infondé. En effet, dans le privé, du fait du rapport de force engagé par les syndicats, deux salariés sur trois bénéficient d’un accord de branche qui leur évite de subir trois jours de carence. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
On nous parle de rehaussement du ticket modérateur, mais on ne parle pas du milliard d’euros qui sera couvert par les complémentaires au lieu de l’être par la sécurité sociale. Ce sont autant de dépenses de santé qui feront augmenter le prix des contrats de complémentaire ; et plus on est pauvre, plus ça coûte cher.
Toutes ces mesures d’économie insensées s’ajoutent à une réforme des retraites antidémocratique qu’il faudra bien abroger parce qu’elle est injuste et qu’elle rattrape les dérapages du déficit de l’État sans rien changer à l’équilibre du système de retraite. Gilbert Cette et Michaël Zemmour ont tous deux été très clairs sur ce point lors du colloque que Charles de Courson et moi-même avons récemment organisé.
Le principe directeur du système deviendrait donc à terme : à chacun selon ses seuls besoins, et ses moyens en seront d’autant plus réduits que le privé y gagnera. La sécurité sociale est un des héritages les plus précieux du Conseil national de la Résistance. Le monde entier nous l’envie. Si le système français est si singulier, c’est parce qu’il nous protège tous – source du nécessaire consentement à la solidarité – pour mieux protéger les plus fragiles de nos sœurs et de nos frères. Si nous laissons faire, si nous nous contentons de ce qui nous est tendu du bout des doigts par le néolibéralisme finissant, nous ne verrons plus à l’horizon ni sécurité ni rien de social. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Mme Karine Lebon applaudit également.)
M. Alexis Corbière
Bravo !
Motion de rejet préalable
M. le président
J’ai reçu de M. Boris Vallaud et des membres du groupe Socialistes et apparentés une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
Je me présente devant vous avec un mélange d’abattement et de colère, provoqués tant par la forme que par le fond du texte. Sur la forme, nous devons mesurer la situation, au mieux baroque, au pire désespérante, que nous avons vécue la semaine dernière et que M. Valletoux a rappelée. L’an dernier, le Gouvernement avait déjà réussi la prouesse de présenter un PLFSS rejeté en commission, mais ce n’était qu’à la majorité ; cette année, une étape supplémentaire a été franchie, car il a été rejeté à l’unanimité.
Que nous dit ce rejet de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons ? Premièrement, que votre texte initial était à côté de la plaque. Il n’était pas à la hauteur des enjeux. Il se distingue par ses conditions d’élaboration hallucinantes – il est vrai que vous n’êtes pas maîtres du calendrier –, par l’absence de toute concertation, que ce soit avec les parlementaires ou même, semble-t-il, au sein du Gouvernement, et surtout par une vision affreusement comptable du budget de la sécurité sociale, oubliant qu’il doit être construit à partir des besoins plutôt que de votre trajectoire de maîtrise des finances publiques.
M. Alexis Corbière
Eh oui !
M. Thibault Bazin
Il faut tenir compte des deux !
M. Jérôme Guedj
Il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que ce vote révèle aussi une forme d’immaturité collective de notre part, à commencer par le mal nommé « socle commun », car c’est en son sein que la fronde contre les propositions gouvernementales s’est exprimée avec le plus de véhémence, confirmant l’absence totale de coproduction du budget. (M. François Cormier-Bouligeon s’exclame.) Puis, il faut l’avouer, chacun a campé sur ses positions.
Pour ne pas vous laisser le confort de décider par un inévitable 49.3 des mesures qui figureront dans le PLFSS, pour éviter cette nouvelle impasse, nous vous proposons une autre méthode que nous souhaitons voir présider à nos débats dans les jours qui viennent. Nous, députés socialistes, sommes attachés au parlementarisme de fait (M. Stéphane Delautrette applaudit) qui s’impose à nous dans cette configuration de notre assemblée. Chaque fois que cela est possible, nous cherchons à voter des avancées pour l’ensemble des Français. C’est ce que nous voulons faire lors de l’examen du PLFSS. C’est pourquoi, avec la gauche et les écologistes,…
M. Pierre Cordier
Avec quelle gauche ?
M. Jérôme Guedj
…nous vous proposons depuis des semaines des voies d’amélioration du texte. Pour s’y engager, vous devez accepter de vous dépouiller de vos certitudes. Nous devons tous nous y employer : personne ne peut avoir raison tout seul dans ce contexte politique, mettez-vous cela dans la tête ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Personne ne peut avoir raison tout seul, et certainement pas à coups de 49.3.
Mon abattement et ma colère s’expliquent aussi par les béances du texte. On n’y voit pas apparaître ces vies que nous devons faire nôtres, celles des assurés sociaux, des patients, des pensionnés. Madame Darrieussecq, j’ai lu attentivement le PLFSS, le dossier de presse, les articles à son sujet et j’ai entendu votre intervention tout à l’heure à la tribune. Un mot n’apparaît jamais nulle part : celui de désert médical. C’est l’impensé, l’invisible de votre projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Arnaud Bonnet applaudit également. – Mme Danielle Brulebois s’exclame.)
Il y a quelques jours, j’étais dans la Nièvre, à Decize. La maire, Mme Justine Guyot, par provocation et un peu par désespoir, a pris un arrêté pour interdire à ses administrés de tomber malade le week-end.
M. Pierre Cordier
Voilà bien un arrêté socialiste !
M. Jérôme Guedj
Pourquoi ? Parce que ce week-end-là, et ce n’était pas la première fois de l’année, les urgences de l’hôpital de Decize étaient fermées. Quand je l’ai rencontrée, elle était meurtrie par un drame qui venait de se produire. Un patient vivant à 20 kilomètres de Decize, dans la ville de Fours, est décédé car, la structure mobile d’urgence et de réanimation (Smur) de Decize étant fermée, il a fallu faire venir celle de Nevers, qui, après une heure dix de route, est arrivée trop tard. C’est cela, les vies que nous devons faire nôtres ; c’est le quotidien des Français. Il est proprement désespérant de voir que la question des déserts médicaux est totalement absente de votre projet. Votre silence à ce sujet est assourdissant.
Je pourrais en dire autant de questions telles que le vieillissement, le handicap, la santé des enfants ou encore la santé des femmes. Vous avez mentionné la santé mentale ; d’ailleurs, nous avons applaudi lorsque le Premier ministre a annoncé qu’elle serait une priorité et qu’elle deviendrait une grande cause nationale. (M. Stéphane Delautrette applaudit.) Mais quand on vous interroge sur les mesures concrètes qui suivront, vous mentionnez seulement 100 millions d’euros supplémentaires, alors que les dépenses liées à la santé mentale et à la psychiatrie représentent 23,3 milliards ! Nous vous alertons sur la situation de ce système sinistré, et vous répondez que vous allez recycler quelques mesures déjà dans les tuyaux. Est-ce cela, la grande cause nationale ? Vous ne vous rendez pas compte que vous ne faites qu’aggraver la désespérance de tous les acteurs de la santé mentale (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Arnaud Bonnet applaudit également), de tous les psychiatres publics, de toutes les familles concernées par le handicap psychique, qui connaissent les lacunes et les béances du secteur.
Je pourrais encore vous parler des inquiétudes des patients au sujet du reste à charge, de l’accès aux soins, des délais d’attente aux urgences. La santé de nos concitoyens est un bien précieux qu’il faut préserver avec la plus grande vigilance.
Puisque nous parlons de santé, j’en profite pour souhaiter en notre nom à tous un prompt rétablissement au Premier ministre, dont on a appris qu’il avait été opéré ce week-end,…
M. Alexis Corbière
Grâce aux services publics qu’il attaque !
M. Jérôme Guedj
…ainsi qu’à tous ceux qui souffrent de maladies ou de problèmes de santé.
Face à ces béances, la méthode nouvelle que je vous propose consiste à partir des besoins et à examiner nos propositions sans les caricaturer. Elles reposent sur quelques principes. Le premier, je vous le dis franchement, est de ne pas faire payer aux assurés sociaux, aux patients et aux malades les choix que vous avez faits précédemment. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – MM. Hendrik Davi et Emmanuel Maurel applaudissent également.) Il est extrêmement paresseux de vouloir diminuer le remboursement des indemnités journalières ou augmenter le ticket modérateur. En portant de 52 euros à 40 euros par jour le montant des indemnités journalières, vous ne manquerez pas de mettre en difficulté les salariés qui ne sont pas couverts par un accord de prévoyance conclu par l’entreprise. Quant à votre obsession de vous décharger sur les organismes complémentaires, mutuelles et assurances privées, de prestations qui devraient être au cœur de la prise en charge par la sécurité sociale, elle est devenue insupportable.
Cette augmentation du ticket modérateur, qui représente environ 1,1 milliard d’euros, à quoi correspond-elle, concrètement ? Eh bien, vous faites payer par les assurés sociaux la légitime et nécessaire augmentation de la consultation médicale – nous l’avons soutenue dans son principe, mais avec l’idée qu’elle devait être remboursée par la sécurité sociale.
Rendez-vous compte : aujourd’hui, une consultation médicale n’est plus remboursée par l’assurance maladie qu’à hauteur de 54 % ! On n’est plus très loin de ce que François Fillon défendait durant la campagne présidentielle de 2017, à savoir la séparation du petit risque et du grand risque. À l’époque, tout le monde, y compris Emmanuel Macron, avait poussé des cris d’orfraie en disant qu’on ne devait pas toucher au niveau minimal de couverture par le régime de base de la sécurité sociale. Or, par petites touches – l’année dernière avec le doublement des franchises, cette année avec l’augmentation du ticket modérateur –, nous nous dirigeons vers, disons le mot, une privatisation, encore larvée mais de plus en plus visible, de notre système de sécurité sociale. C’est contraire au principe retenu par les fondateurs du Conseil national de la résistance, contraire à ce qu’avait voulu Ambroise Croizat, contraire à la vision solidaire que nous continuons à défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Emmanuel Maurel applaudit également. – Exclamations sur les bancs du groupe DR.)
J’ajoute que vous oubliez les 2,5 millions de Français – presque 4 % de la population – qui ne sont pas couverts par des mutuelles ! Parmi eux, on compte 14 % de chômeurs et 11 % de retraités – ceux-là mêmes dont vous envisagez de geler les pensions.
Premier principe, donc : ne pas faire supporter l’augmentation des tarifs aux assurés sociaux, aux patients et ouvrir le débat – il est temps de le faire, le président Valletoux le disait à l’instant.
Monsieur Saint-Martin, vous nous demandiez des mesures d’économie ; eh bien, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) avait évalué, à la demande d’Olivier Véran, alors ministre des solidarités et de la santé, le coût des doublons de gestion administrative liés à l’existence d’un système d’assurance obligatoire et d’une assurance complémentaire : cela représente au moins 6 milliards d’euros. Ne pourrait-on pas y remédier sur la base des scénarios que le HCAAM avait proposés, à savoir soit la mise en place de la « grande sécu » que beaucoup appellent de leurs vœux – avec une prise en charge à 100 % par la sécu –, soit la création d’une mutuelle gérée directement par la sécurité sociale ? C’est simple à faire, cela existe déjà en Alsace-Moselle.
Deuxième principe, essentiel : soutenir l’hôpital public. Soyons clairs, l’Ondam que vous proposez est une forfaiture. Apparemment, il progresse pour l’hôpital de 3,1 % mais en réalité, du fait de la mesure relative à la CNRACL et de l’inflation, il ne sera pas à la hauteur des besoins. Nous sommes prêts à débattre de tout ce que vous voulez dès lors que vous acceptez les propositions notamment de la Fédération hospitalière de France, qui, je le dis sans cesse à Frédéric Valletoux, n’est pas connue pour être un repaire de gauchistes et qui réclame juste un point d’Ondam supplémentaire, soit 3 milliards, afin que l’hôpital puisse assurer de manière satisfaisante l’ensemble de ses missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Troisième principe : mener une politique de santé publique. Désolé de vous le dire, mais la prévention est désespérément absente de ce PLFSS. L’année dernière, nous avions pu au moins en débattre et même adopter plusieurs mesures en ce sens : les rendez-vous prévention, le dépistage du papillomavirus et des infections sexuellement transmissibles (IST), la gratuité des préservatifs. Rien de tel dans le présent texte. Frédéric Valletoux, que je remercie pour la manière dont il a conduit nos débats, le reconnaissait lui-même : notre PLFSS atteint ses limites. Tout le monde veut désormais une loi de programmation pour la santé, de manière à partir des besoins de la population. On fait bien des lois de programmation pour la défense, pour la justice, pour la police : pourquoi ne pas en faire pour la santé et le social ? Nous considérons pour notre part qu’il s’agit de domaines régaliens tout aussi importants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NFP.)
Certes, nous avons pu aborder les enjeux de santé publique par l’intermédiaire de la fiscalité comportementale,…
M. Pierre Cordier
N’importe quoi ! Avec M. Guedj, c’est la planification soviétique !
M. Jérôme Guedj
…mais, disons-le tout de suite, celle-ci n’a pas vocation à faire rentrer de l’argent dans les caisses de la sécurité sociale, elle vise à s’attaquer à la racine de pathologies qui, accessoirement, ont un coût élevé pour la sécurité sociale, comme l’alcoolisme, le tabagisme ou la malbouffe – en particulier celle liée à la consommation de sucre. Ce sont des facteurs qui ont une influence essentielle sur la santé. Mon collègue Cyrille Isaac-Sibille avait émis un certain nombre de propositions qui ont été repoussées. J’espère que vous serez en mesure de les reprendre avec nous.
D’autre part, pourquoi ne pas demander, comme le suggère le président de la Ligue contre le cancer, une contribution aux industriels qui participent à la hausse du nombre des cancers plutôt que de faire des économies sur le dos des patients qui en souffrent ? Ce serait une mesure d’équilibre et de bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Karine Lebon applaudit également.)
Quatrième principe que nous avons retenu : répondre aux défis de la longévité. Nous aurons l’occasion d’en parler longuement mais, je le redis devant le ministre concerné, il y eut un consensus dans cet hémicycle au mois de novembre dernier pour demander une loi de programmation sur le grand âge. Elle était prévue par la loi, vous auriez dû la déposer avant le 31 décembre 2024 et, en vous mettant ainsi hors-la-loi et en ignorant l’obligation imposée par le Parlement au Gouvernement, vous n’envoyez pas un signal très encourageant en matière de coconstruction et de coproduction, que nous appelons pourtant tous de nos vœux.
Mme Danielle Brulebois
Et vous, qu’avez-vous fait pour le grand âge ?
M. Vincent Descoeur
Vous n’avez rien fait en votre temps !
M. Jérôme Guedj
Dernier principe, évoqué par Sandrine Rousseau : ne pas faire des retraités d’aujourd’hui et de demain votre variable d’ajustement. Les retraités de demain seront évidemment les victimes de la réforme des retraites. Nous avons pour la première fois affirmé par amendement notre volonté d’abroger celle-ci. Vous devrez en tenir compte d’une manière ou d’une autre, dans ce PLFSS ou ultérieurement. Vous poussez le cynisme à l’extrême en vous en prenant à ceux-là mêmes à qui vous aviez dit l’année dernière qu’ils allaient bénéficier d’une revalorisation de leur pension de retraite ; vous allez récupérer, par ce report de six mois, 209 euros au détriment d’un retraité touchant une pension de retraite au Smic et 420 euros au détriment d’un couple de retraités touchant chacun une pension de 1 400 euros net par mois.
Récapitulons : ne pas baisser les indemnités journalières, cela revient à 600 millions ; ne pas augmenter le ticket modérateur, à 1,1 milliard ; augmenter l’Ondam hospitalier, à 3 milliards ; ne pas geler les pensions de retraite, à 3 milliards. Ce que nous vous demandons donc, c’est au minimum de modifier le PLFSS de 8,5 milliards – et davantage si vous le souhaitez.
M. Pierre Cordier
Et les recettes ?
M. Jérôme Guedj
J’y viens, cher collègue !
Avec cette proposition, la représentation nationale ne vous demande de toucher qu’à 2 % du budget concerné.
Pour ce qui est des recettes (« Ah ! » sur les bancs du groupe DR), disons-le clairement, Laurent Saint-Martin, quand il a été auditionné par la commission, a lancé une bombe. Pour la première fois, un membre du Gouvernement a déclaré que les 14 milliards du Ségur de la santé n’avaient jamais été financés.
Mme Karen Erodi
Merci pour votre franchise, monsieur le ministre !
M. Jérôme Guedj
Il a ainsi démenti tout ce que racontaient Emmanuel Macron et les précédents Premiers ministres et ministres chargés de la santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NFP.)
Ce que nous proposons, ce sont bien sûr des mesures concernant le médicament et la pertinence des soins, mais la vraie solution, ce sont les recettes. La crise du financement de la sécurité sociale, c’est vous qui l’avez organisée, en passant de 50 milliards d’exonérations de cotisations sociales en 2019 à 75 milliards aujourd’hui. Le pognon de dingue, il est là ! C’est là qu’il faut aller le chercher ; c’est cela, la justice sociale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.) C’est pourquoi nous étions prêts à voter pour l’article 6, mais votre propre majorité ne l’a pas voulu.
Lors de votre audition, monsieur le ministre chargé du budget, vous avez qualifié ce PLFSS de coup de frein réel et raisonnable. Votre coup de frein, c’est la sortie de route assurée et la collision ! Nous vous proposons d’augmenter les dépenses de 8,5 milliards et les recettes de 15 milliards – et non les 60 milliards que vous agitez. Nous sommes raisonnables concernant les propositions de financement, à travers les exemptions et les exonérations de cotisations.
Faites ce travail méthodique avec nous – et pas au dernier moment : vous venez de déposer vingt-huit amendements sans même avoir prévenu préalablement le rapporteur général ni le président de la commission ! Si vous voulez que nous travaillions ensemble sur cette base-là, nous sommes prêts à le faire. C’est pourquoi nous retirerons notre motion de rejet le moment venu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. Jean-Yves Bony
C’est quoi, ce cirque ?
M. Pierre Cordier
Ils avaient peur de perdre le vote !
M. le président
Ce moment est-il venu, cher collègue ?
M. Jérôme Guedj
Il l’est, sauf si le ministre du budget voulait bien répondre.
M. le président
Je prends donc acte du retrait de la motion de rejet.
(La motion de rejet préalable est retirée.)
(Brouhaha.)
Discussion générale
M. le président
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sandrine Runel.
Mme Sandrine Runel
Pendant cinq jours, en commission des affaires sociales, nous avons débattu et amendé le PLFSS afin de l’améliorer et de le rendre acceptable. Force est de constater que ce n’était pas votre projet, et cela a conduit à rejeter le texte à l’unanimité.
Madame la ministre de la santé, même les membres de votre majorité – qui n’en est pas une, mais je ne sais pas comment appeler les collègues qui sont censés vous soutenir – n’ont pas voté votre texte : c’est dire l’ampleur du rejet ! Toutefois, je les comprends, tant le budget de la sécurité sociale que vous nous présentez est d’une rare austérité. (Brouhaha persistant.)
M. le président
Mes chers collègues, je vous invite à écouter l’oratrice.
Mme Sandrine Runel
Une fois encore, vous n’avez pas compris ce qu’est la sécurité sociale. Pourtant, la sécu, c’est le fondement même de notre État social.
Une fois encore, vous avez voulu transformer notre système de protection sociale en un tableur Excel fait de lignes et d’indicateurs budgétaires déconnectés des réalités des Françaises et des Français.
Une fois encore, vous n’accordez aucune attention aux besoins sanitaires et sociaux. Vous n’avez pas voulu voir que les besoins en santé augmentent, du fait d’une France vieillissante, de la nécessaire prise en charge de la perte d’autonomie, des exigences relatives au bien-être de nos enfants.
Le PLFSS qui a été déposé à l’Assemblée est un danger pour la santé des Françaises et des Français.
Avec l’Ondam que vous proposez, le déficit des hôpitaux publics va encore se creuser, ce qui va détériorer la prise en charge des patients et les conditions de travail des soignants.
M. le président
Chers collègues, si vous voulez tenir des conversations privées, je vous invite à quitter l’hémicycle ; sinon, respectez l’oratrice et écoutez-la ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme Sandrine Runel
Madame la ministre, cela n’a pas l’air d’intéresser vos soutiens de droite, mais ce PLFSS est un goulot d’étranglement pour l’hôpital public. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Quand on prend en compte la hausse de 4 points des cotisations patronales de la CNRACL et l’inflation, l’Ondam est pour ainsi dire statique, avec un taux de croissance net de 0,1 %. Résultat : l’article 27 a été rejeté à l’unanimité par la commission. Même le rapporteur général, dans un élan que je salue, avoue son désaccord avec l’Ondam proposé par le Gouvernement.
Ce PLFSS est aussi un danger pour l’accès aux soins. J’en veux pour preuve l’augmentation du ticket modérateur pour les assurés sociaux. Avec les dispositions qui augmentent le tarif de la consultation chez le médecin, vous laissez 3 millions de Français sans complémentaire santé sur le carreau ; 3 millions de Français qui sont dans un entre-deux, leurs ressources se situent juste au-dessus du plafond de revenus permettant de bénéficier de la complémentaire santé solidaire mais ils n’ont pas les moyens de cotiser pour une mutuelle classique ; ils ont fait le choix cornélien de remplir leur frigo plutôt que de se soigner. Ces 3 millions de Français sont souvent des retraités touchant de petites pensions, des familles en situation de précarité financière ou des ménages sans emploi.
S’attaquer aux plus pauvres, aux collectivités, aux fonctionnaires, ça, vous savez faire ! En la matière, le Gouvernement a une main de fer. En revanche, le PLFSS est muet pour ce qui concerne la désertification médicale, la santé mentale – pourtant déclarée grande cause nationale par le Premier ministre – ou le vieillissement de la population.
Tous les écueils de votre PLFSS ont été mis en lumière en commission. Nous nous sommes battus pour rendre ce texte plus juste et plus solidaire, davantage en phase avec l’esprit de la sécurité sociale – et nous avons réussi à faire adopter quarante-sept amendements, que nous défendrons à nouveau dans l’hémicycle.
Nous avons obtenu le développement de la fiscalité comportementale, avec le renforcement de la taxe « soda ». En matière de santé publique, nous avons obtenu l’obligation de la mention du nutriscore sur tous les supports publicitaires.
Nous avons aussi fait de ce PLFSS un texte plus juste, en supprimant la hausse du reste à charge de la consultation chez le médecin et en nous opposant à la hausse non concertée et brutale des cotisations à la CNRACL.
M. Pierre Cordier
Et les recettes ?
Mme Sandrine Runel
Pour plus de justice intergénérationnelle, nous avons fait adopter la contribution des plus riches au financement de la sécurité sociale, qui viendra alimenter la branche vieillesse. Les voilà, les recettes, monsieur Cordier ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Pierre Cordier
Ça fait combien ?
Mme Sandrine Runel
Surtout, nous avons fait annuler le décalage de l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation. Quelle honte d’avoir encore voulu faire des économies sur le dos des retraités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Émilie Bonnivard
Et François Hollande, qu’avait-il fait ?
Mme Sandrine Runel
La santé des Français, mes chers collègues, n’est pas pour nous une variable d’ajustement. À l’heure de l’examen en séance publique, nous devons être à la hauteur de l’enjeu – vous devez être à la hauteur de l’enjeu, en écoutant nos propositions visant à rendre ce PLFSS conforme à l’impératif de la sécurité sociale. Ne créons pas plus d’inégalités qu’il n’en existe déjà dans notre pays, préservons la justice sociale et maintenons le principe selon lequel les actifs cotisent pour les retraités et les personnes en bonne santé paient pour les malades.
Pour une fois, écoutez ce que nous avons à dire, ce que nous avons à offrir, et laissez le Parlement vous proposer un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui promeuve une société solidaire qui permette à chacun, quel que soit son niveau de vie, de vivre et de se soigner dignement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SOC, dont les députés se lèvent. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Pour ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la nouvelle législature, nous attendions du changement.
M. Pierre Cordier
« Le changement, c’est maintenant ! », comme disait l’autre.
M. Thibault Bazin
Mais votre gouvernement a eu très peu de temps pour s’approprier le projet préparé par les administrations, de sorte que ce PLFSS pour 2025 ne traduit pas pleinement le discours de politique générale. Il faudra y remédier.
Vous ne partez pas de rien. Enfin, vous partez de moins encore ! Vous partez de 263,7 milliards d’euros de dette sociale fin 2023 et de 18,1 milliards de déficit prévisionnel pour 2024. Il faut regarder la vérité de cette situation budgétaire, comme le Premier ministre Michel Barnier tient à le faire.
M. Fabien Di Filippo
Le courage de la vérité !
M. Thibault Bazin
Les comptes ne sont pas bons. La France connaît un dérapage budgétaire sans précédent, qui peut fragiliser notre système de protection sociale. La dette abyssale dont nous héritons peut mettre en péril notre souveraineté. Il est donc urgent de redresser nos comptes publics ; nous vous soutiendrons sur ce chemin.
Nos concitoyens peuvent consentir des efforts à condition qu’ils soient justes, que les fonds publics soient mieux gérés et que chacun y contribue – il s’agit de justice sociale.
Mesdames et messieurs les ministres, vous le savez, le groupe de la Droite républicaine souhaite préserver le pouvoir d’achat des Français qui travaillent et celui des retraités tout en sauvegardant la compétitivité de nos entreprises. Ce sont bien elles qui créent aujourd’hui de la valeur et qui en créeront demain, permettant de financer nos services publics et de relever les défis du renouvellement des générations et du vieillissement de notre société.
Montrons-nous plus courageux et plus justes dans les solutions pour redresser nos comptes publics : plutôt que de céder à la facilité consistant à taxer toujours davantage ou à dépenser sans compter, faisant peser sur les générations futures une dette abyssale, synonyme d’impôts pour demain, il nous faut engager des réformes structurelles pour mieux valoriser ceux qui travaillent, lutter contre les abus et éviter les indus.
Soyons très concrets quant aux propositions défendues par le groupe de la Droite républicaine, derrière Laurent Wauquiez. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) À l’instar du Parlement, qui a accepté de geler son budget, tous les organismes et opérateurs centraux basés à Paris doivent être invités à le faire – je pense à ceux qui n’agissent pas en première ligne, tout en relevant pour tout ou partie des crédits de la sécurité sociale.
Voici d’autres exemples d’économies : des pensions sont versées à l’étranger à plus de 1 million de personnes, dont certaines sont décédées depuis longtemps. Arrêtons ces versements. Dotons-nous des outils efficaces pour y remédier, comme le propose notre groupe par la voix de notre collègue Pierre Cordier. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Vincent Descoeur
Enfin un peu de bon sens !
M. Thibault Bazin
Les arrêts maladie se sont multipliés. Des sites frauduleux permettent d’en obtenir en un clic, fermons-les. Instaurons un système plus juste et équitable, avec le même nombre de jours de carence pour tous.
M. Alexis Corbière
Vous n’avez pas honte de vous en prendre ainsi aux fonctionnaires ? Quel mépris !
M. Thibault Bazin
Quelque 75 millions de cartes Vitale sont en circulation : adoptons la carte biométrique pour éviter les fraudes.
Pour la deuxième année consécutive, la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de la branche famille : elle estime à 5,5 milliards le montant des indus. Dotons-nous des outils de contrôle demandés.
Les autres caisses de sécurité sociale telles que la MSA demandent d’ailleurs, comme les complémentaires, à pouvoir échanger leurs données pour mieux lutter contre les fraudes. Autorisons-les à travailler ensemble en adoptant nos amendements dont c’est l’objet. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Michel Herbillon
Bien sûr !
M. Thibault Bazin
L’aide médicale de l’État (AME) a considérablement augmenté – celle-ci relève du PLF mais ses bénéficiaires utilisent les acteurs de notre système de sécurité sociale. Réformons-en le panier de soins, comme le suggère notre collègue Philippe Juvin, pour le rendre plus juste et plus cohérent avec son objectif de santé publique : assurer, dans l’urgence, les soins nécessaires et la prévention. (Mme Émilie Bonnivard applaudit.)
Notre système doit conjuguer solidarité et responsabilité : instaurons, par exemple, des participations symboliques pour bénéficier de la C2S – complémentaire santé solidaire.
Autre exemple : des seuils existent encore qui désincitent à travailler à temps plein ou à accepter des heures supplémentaires, de peur de perdre la bonification de la prime d’activité ou d’autres allocations. Corrigeons cela pour que, toujours, travailler davantage rapporte plus. Créons un vrai écart entre les revenus du travail et ceux de l’assistanat. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Michel Herbillon
Absolument !
M. Thibault Bazin
La réforme de l’indemnisation du chômage pourrait rapporter 8 milliards. Engageons-la à l’issue de la concertation menée avec les partenaires sociaux que le Premier ministre a relancée.
Voilà des mesures concrètes, plus justes, pour redresser nos comptes publics. Il s’agit en effet d’un objectif préalable, d’une impérieuse nécessité.
Mesdames et messieurs les ministres, que ce débat qui s’ouvre ne soit pas vain. Je forme le vœu qu’à travers vous, vos administrations prennent mieux en considération nos suggestions, inspirées des réalités locales.
Une très grande part du déficit est due à la branche maladie. Il est pourtant nécessaire de soutenir nos établissements locaux et de revaloriser, enfin, l’activité des professionnels de santé en première ligne. Après la revalorisation de la consultation des généralistes, d’autres attendent les leurs : je pense aux infirmiers, aux kinésithérapeutes et à tant d’autres professionnels qui, au plus près des patients, assurent l’accès aux soins. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Pour financer ces revalorisations, tout en restaurant l’équilibre de nos comptes sociaux, il faut débureaucratiser – je ne parle pas des secrétaires médicales, mais des surcharges des administrations concentrées, bien éloignées du terrain : faire des économies sur les frais d’agence de conseil et procéder à une simplification administrative pour faire gagner du temps aux soignants. Passons enfin aux actes !
Nos établissements de santé, nos établissements médico-sociaux, dont nous saluons les professionnels pour leur remarquable engagement, connaissent des déficits structurels récurrents, comblés chaque année par des volumes croissants de crédits non renouvelables. Cela conduit à une déresponsabilisation des acteurs.
Il est urgent de réformer leur modèle de financement, en fixant à chacun d’entre eux un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, sur des bases saines. La fragilité budgétaire persistante compromet la réalisation des investissements attendus. Il faut y remédier : à quand une approche pluriannuelle du financement des établissements ? L’Ondam n’est plus respecté depuis cinq ans : il faut revoir d’urgence nos outils de pilotage.
M. Pierre Cordier
M. Bazin est d’accord avec M. Guedj !
M. Thibault Bazin
La branche vieillesse est aussi en déficit, et ce malgré la réforme récente.
Certains voudraient même creuser ce déficit de 17 milliards d’euros en abrogeant des mesures déjà prises, sans financer leur abrogation – de la folie pour l’avenir des retraités !
Ne mentons pas aux Français, qui sont inquiets, sur l’avenir de notre protection sociale : si les caisses de retraite sont déficitaires, cela entraînera soit une baisse des pensions nettes pour nos retraités, soit une baisse du pouvoir d’achat des travailleurs sous l’effet d’une hausse des cotisations, voire les deux.
Le déficit d’aujourd’hui sera de la dette demain, provoquant une baisse de pouvoir d’achat après-demain – c’est inacceptable. Or la retraite n’est pas une aide sociale, mais le fruit d’une vie de travail. Le redressement de nos finances publiques ne peut donc s’opérer sur le dos de la France qui travaille ou qui a travaillé toute sa vie. (« Très bien ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Au lieu de cela, il est urgent d’améliorer notre taux d’emploi : quand allez-vous déplafonner la possibilité du cumul emploi-retraite des personnes qui, à la suite de carrières incomplètes, ont des retraites modestes et souhaitent reprendre un travail pour améliorer leur pouvoir d’achat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme Élise Leboucher
Augmentez plutôt les salaires !
M. René Pilato
Allez donc poser des parpaings à 70 ans !
M. Thibault Bazin
Nous vous le proposons, tout comme l’instauration d’un CDI senior de fin de carrière, attractif.
La France connaît par ailleurs une crise agricole sans précédent : dans ce secteur, des mesures relevant de la sécurité sociale sont attendues. Aussi saluons-nous celles qui ont enfin été prises en faveur de nos agriculteurs dans ce PLFSS.
Je veux parler de la pérennisation du dispositif TODE : un soutien crucial pour la compétitivité des filières concernées. Le groupe de la Droite républicaine demande instamment que ce soutien soit totalement préservé des mesures de suppression d’allégements de charges prévues à l’article 6 du texte du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
Je veux également parler du cumul, pour les jeunes agriculteurs (M. Laurent Wauquiez applaudit), de l’exonération de cotisations sociales avec les taux réduits de cotisations maladie et famille, renforçant ainsi l’aide qui leur est apportée.
Je veux enfin parler de l’harmonisation du mode de calcul des retraites :…
M. Sébastien Peytavie
Abrogation !
M. Thibault Bazin
…les pensions de retraite de nos agriculteurs seront calculées comme celles du régime général, une mesure qui se traduira par une augmentation de 300 millions d’euros du montant total versé dès 2025. (Mme Pascale Bay applaudit.) Par la voix de notre collègue Julien Dive, qui mène ce combat de longue date, le groupe Droite républicaine demande au Gouvernement que le calcul se fasse effectivement sur les vingt-cinq meilleures années dès 2026 et non en 2028. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.) Accélérer la mise en œuvre de ces avancées est nécessaire pour mieux répondre aux attentes de ceux qui font vivre nos campagnes.
M. Vincent Descoeur
Tout est dit !
M. Thibault Bazin
La branche famille, quant à elle, est en excédent, mais nous ne pouvons pas nous en réjouir car c’est à cause d’une baisse massive de la natalité : plus de 100 000 naissances en moins par an en dix ans.
Il est urgent d’enrayer cette crise. Cela suppose de rétablir une politique familiale ambitieuse, de mieux soutenir les parents qui travaillent tout en ayant des enfants à charge, d’allonger, enfin, le congé de maternité…
M. Michel Herbillon
Indispensable !
M. Thibault Bazin
…et de réformer le modèle de financement des établissements d’accueil du jeune enfant en lançant un grand plan d’attractivité des métiers de la petite enfance. C’est vital car il nous faut assurer le renouvellement des générations. Il y va de l’avenir de la nation !
M. Ian Boucard
Excellent !
M. Thibault Bazin
Mes chers collègues, ce budget de la sécurité sociale pour 2025 est un rendez-vous à ne pas manquer pour enrayer le déclin de la France. Redressons nos comptes publics. Prenons mieux soin de nos concitoyens. Soutenons mieux nos agriculteurs. Assurons la souveraineté sanitaire de la France. Remettons le travail et la création de valeur à l’honneur.
Alors, nous pourrons relever demain les nouveaux défis de notre protection sociale : rétablir une politique familiale ambitieuse pour assurer le renouvellement des générations (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), nous donner les moyens de répondre aux besoins de nos aînés, de plus en plus nombreux, et de nos concitoyens en perte d’autonomie.
Voilà le sens des amendements que nous proposons d’intégrer à ce PLFSS pour 2025. Place au travail parlementaire pour l’avenir de notre protection sociale ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Alexis Corbière
Allez-y, monsieur Davi, mettez un peu d’ordre !
M. Hendrik Davi
La semaine passée, nous avons vécu un moment historique au sein de la commission des affaires sociales. Nous avons rejeté à l’unanimité les volets recettes puis dépenses du projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) Jamais une loi de finances d’un gouvernement n’a été à ce point désavouée. Pourquoi un tel désaveu ? Mesdames et messieurs les ministres, avez-vous une idée ? Pour moi, la réponse est simple : rien ne va dans vos politiques de santé ! Rien. (M. Alexis Corbière et Mme Sandrine Runel applaudissent.)
Nous manquons de soignants partout : dans les zones rurales, les services d’urgences, les hôpitaux psychiatriques, les centres médico-psychologiques. Vous répétez à l’envi qu’il n’y a plus de numerus clausus, mais, en pratique, il n’y a pas assez de places dans les facultés de médecine et nous avons perdu 1 100 hospitalo-universitaires depuis 1996. Tels sont les chiffres !
Pire, la réforme des études de santé a été un véritable fiasco : elle a accentué la pénurie de pharmaciens et d’infirmières – écoutez les pharmaciens ! – et il manque 1 500 internes en médecine cette année. 1 500 !
Les conditions de travail n’ont cessé de se dégrader, ce qui n’arrange rien au manque d’attractivité de ces métiers. Plus de la moitié des professionnels de santé connaissent des situations de burn-out et souffrent de douleurs chroniques régulières. Les généralistes travaillent 53 heures par semaine et les internes 59 ! Les salariés du secteur médico-social sont trois fois plus victimes d’accidents et de maladies professionnels que la moyenne. À bout de souffle, les soignants sont de plus en plus nombreux à renoncer à leur métier et, dans les hôpitaux, les services ferment les uns après les autres.
En conséquence, évidemment, l’accès aux soins se détériore. Quelque 29 % des Français renoncent à des soins pour des raisons financières, soit 5 % de plus qu’en 2019 – voilà le bilan de la politique d’Emmanuel Macron !
M. Alexis Corbière
Et oui !
M. Hendrik Davi
Évidemment, les plus pauvres sont les plus touchés. Cet été encore, deux services d’urgence sur trois – les deux tiers – ont dû supprimer une équipe de soins. Il arrive que des patients meurent sur des brancards dans les couloirs, avant même d’avoir pu être pris en charge – c’est ce qui s’est passé à Nantes !
La psychiatrie, grande cause prétendue de ce quinquennat, n’est même pas abordée dans le texte – un comble ! Je passe vite, mais ce n’est pas mieux pour le grand âge ou les familles : 2 millions de personnes âgées vivent sous le seuil de pauvreté ; 85 % des Ehpad sont en déficit ; les scandales se multiplient concernant les microcrèches privées, qui s’enrichissent sur le dos de la caisse d’allocations familiales et des familles, avec la complicité du Gouvernement – maintenant, nous sommes au courant. Le bilan est catastrophique.
Pourtant, en 2000 – un peu d’histoire, ce n’est pas si loin –, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait que la France offrait les meilleurs soins de santé au monde. Que s’est-il passé en vingt-cinq ans ? C’est simple : l’austérité pour le secteur public avec plus de 111 000 lits fermés, et des ponts d’or pour le privé. Voilà votre politique.
M. Alexis Corbière
Eh oui !
M. Hendrik Davi
Un chiffre la résume : dans l’exposé des motifs de l’article 6, vous rappelez que les exonérations de cotisations sociales coûtent 80 milliards d’euros à la sécurité sociale – je répète ce chiffre, comme nous le répéterons des jours durant : 80 milliards !
Mme Stéphanie Rist
Et combien d’emplois sont créés ?
M. Jérôme Guedj
Justement, on ne les voit pas !
M. Hendrik Davi
En plus d’être coûteux, ces dispositifs sont des trappes à bas salaires. Plus les salaires sont proches du Smic, plus les exonérations sont fortes, ce qui n’incite pas les employeurs à augmenter les salaires. Ce n’est pas le NFP qui l’affirme, mais le Gouvernement lui-même, dans l’exposé des motifs de l’article 6.
Pour les salaires supérieurs à 2 Smic, les économistes n’ont jamais démontré que ces réductions de cotisations favoriseraient l’emploi ! Ce sont des cadeaux aux entreprises, sans contreparties.
Quand on exonère, cela finit par créer un déficit. Il s’élève à 18 milliards d’euros en 2024, et il n’est pas dû aux dépenses, mais bien au manque de recettes. La politique de la caisse vide sert à justifier la cure d’austérité que le Gouvernement nous prescrit chaque année. Pourtant, si les caisses sont vides, c’est bien le Gouvernement qui a organisé le braquage, car il refuse de compenser à l’euro près les exonérations.
M. Alexis Corbière
Exactement !
M. Hendrik Davi
L’autre raison du détricotage de notre modèle social est que, pour vous, nos familles, notre santé et nos retraites sont une marchandise presque comme les autres. Dans la société dont vous rêvez, les crèches publiques ou associatives sont remplacées par les microcrèches du privé lucratif – c’est normal puisque ce sont parfois vos amis qui les gèrent ; les cliniques privées remplacent les hôpitaux – d’ailleurs nous avons rejeté un amendement macroniste qui proposait explicitement une telle expérimentation –, et vous rêveriez que les fonds de pensions remplacent notre système de retraites par répartition.
M. Alexis Corbière
C’est leur modèle !
M. Hendrik Davi
Les grands groupes privés dominent d’ailleurs déjà l’industrie pharmaceutique, l’imagerie et la biologie médicale. Ils s’attaquent en ce moment même aux maisons de santé.
Mme Delphine Batho
Absolument !
M. Hendrik Davi
Une autre politique de santé est pourtant possible. Il faut donner aux acteurs publics les moyens dont ils ont besoin, en formant davantage de soignants et en augmentant leur rémunération.
M. Alexis Corbière
Tout à fait !
M. Hendrik Davi
À terme, il faut en finir avec la tarification à l’activité (T2A), qui noie tous les acteurs sous la bureaucratie. Vous voulez mettre fin à la bureaucratie ? C’est une partie de la solution. (Mme Sandrine Rousseau, rapporteure, applaudit) Entendez les soignants qui en parlent !
M. Pierre Pribetich
Bravo !
M. Hendrik Davi
Nous devons massivement développer des centres de santé publics pluridisciplinaires, comme le fait l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM). L’exercice libéral de la médecine ne répond ni aux besoins ni aux souhaits des jeunes médecins : seuls 12 % d’entre eux s’installent en libéral à la fin de leurs études – un tel chiffre devrait vous faire réfléchir à l’avenir de notre modèle.
Des moyens existent pour financer une autre politique, évidemment. Le groupe Écologiste et social a déposé un amendement à l’article 6 dont l’adoption permettrait d’en finir avec les exonérations de cotisations sociales sur les salaires dépassant 2 Smic et d’éviter les paliers entre 1 et 2 Smic. Savez-vous combien cela rapporterait ? Quelque 12,3 milliards d’euros de recettes supplémentaires ! Et si l’on fiscalisait les heures supplémentaires ? Cela représenterait 2,5 milliards !
M. Thibault Bazin
En fait, vous voulez augmenter les taxes et les impôts !
M. Hendrik Davi
Si nous faisions passer de 9,2 % à 12,5 % la CSG – contribution sociale généralisée – sur les revenus du capital, cela ferait rentrer 3 milliards de recettes en plus. Si nous taxions les superprofits, encore 3 milliards ; et le patrimoine des milliardaires, au minimum 3 milliards supplémentaires – encore faudrait-il qu’ils cessent de se domicilier à l’étranger.
M. Alexis Corbière
On ira les chercher !
M. Hendrik Davi
S’y ajoute la fiscalité comportementale dont a parlé Jérôme Guedj : en taxant le sucre, l’alcool et le tabac, nous gagnerions au moins 2 milliards d’euros.
Mme Stéphanie Rist
Taxons, taxons !
M. Hendrik Davi
Au total, le Nouveau Front populaire a proposé au moins 25 milliards de recettes supplémentaires, de quoi éponger le déficit de 2025, qui est de 18 milliards, tout en dégageant 8 milliards qui pourront être dépensés pour les retraités, pour les familles et pour notre santé.
M. Alexis Corbière
Voilà de bonnes propositions !
M. Hendrik Davi
Avec l’augmentation des recettes proposée par le NFP, nous pourrions augmenter l’objectif national de dépenses d’assurance maladie à la hauteur des besoins réels des hôpitaux et des établissements médico-sociaux,…
M. Alexis Corbière
Vous vouliez des propositions, monsieur le ministre ? Elles sont là !
M. Hendrik Davi
…qui doivent faire face à l’inflation et à l’augmentation des besoins en santé, en raison du vieillissement de la population.
Avec une telle augmentation des recettes, le Gouvernement ne pourrait plus justifier la hausse du reste à charge qui, si elle se concrétise, se répercutera directement par une augmentation de 7 % du tarif des mutuelles.
M. Alexis Corbière
Exactement !
M. Hendrik Davi
Pire, les 3 millions de nos concitoyens qui n’ont pas de mutuelle devront renoncer un peu plus aux soins. Avec une telle augmentation de recettes, impossible aussi de justifier l’économie de 4 milliards d’euros demandée aux retraités et la baisse de leur pouvoir d’achat.
Comme je l’ai déjà dit en commission, nous pouvons aussi discuter des dépenses ! Prenons le temps de le faire. Il ne faut pas traiter cette question comme vous le faites, par le petit bout de la lorgnette, en augmentant le reste à charge ou en portant à trois le nombre de jours de carence pour les fonctionnaires. Non ! Depuis plus de vingt ans, les chercheurs ont développé un concept que je veux vous soumettre – peut-être le connaissez-vous : One Health, que l’on peut traduire par « santé globale ». Ils ont démontré que la santé des écosystèmes et celle des populations sont intimement liées.
M. Alexis Corbière
Eh oui !
M. Hendrik Davi
Si vous voulez vraiment limiter les dépenses en prévenant les maladies, il vous faut suivre ce concept. Il faut en finir avec la malbouffe, responsable d’une épidémie d’obésité qui touche de plus en plus nos jeunes – vos jeunes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Il faut en finir avec les pesticides qui causent des cancers chez les agriculteurs et leurs enfants, touchés par des cancers pédiatriques dramatiques. Il faut en finir avec la pollution de l’air, responsable de 47 000 décès prématurés par an en France. Il faut en finir avec la dégradation des conditions de travail, qui provoque accidents du travail et multiplications des burn-out – malheureusement, la France est championne en la matière.
M. Alexis Corbière
Bravo, monsieur Davi !
M. Hendrik Davi
Que faites-vous pour les saisonniers agricoles, pour les travailleurs du bâtiment et pour ceux qui coulent le bitume de nos routes et de nos trottoirs ? Ils sont exposés en permanence à des produits totalement toxiques. Pour eux, n’en déplaise à nos collègues – j’allais dire « camarades », c’est n’importe quoi – du Rassemblement national (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN), la meilleure prévention, c’est la régularisation de tous les travailleurs sans papiers, parce que tant qu’ils ne sont pas régularisés, ils ne peuvent pas être soignés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – Mme Ayda Hadizadeh applaudit également.) Enfin, il faut en finir avec la politique actuelle et bâtir un vrai service public du médicament, qui mette fin à la spéculation. (Mme Clémentine Autain applaudit.)
La santé est la première préoccupation des Français. Madame la ministre de la santé et de l’accès aux soins, ma question est simple : est-ce la première préoccupation du Gouvernement ou, devrais-je dire, celle de Bercy – car je crois que c’est Bercy qui décide ? Le groupe Écologiste et social ne votera pas ce texte austéritaire et injuste.
M. Pierre Cordier
Attends que la discussion ait lieu avant de dire que tu vas voter contre !
M. Hendrik Davi
Nous demandons que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 comporte trois mesures urgentes : d’abord, une augmentation d’au moins 10 % de l’Ondam hospitalier, pour répondre aux besoins immédiats ;…
M. Alexis Corbière
Oui !
M. Hendrik Davi
…ensuite, une suppression des exonérations de cotisations au-delà de 2 Smic ;…
M. Alexis Corbière
Oui !
M. Hendrik Davi
…et enfin, l’abrogation de la réforme des retraites ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Alexis Corbière
Oui !
M. Hendrik Davi
Pour sauver nos retraites, notre système de santé et aider les familles, la seule solution est maintenant une motion de censure, pour qu’un gouvernement du Nouveau Front populaire, dirigé par Lucie Castets, répare vos méfaits. Mais pour qu’une telle motion de censure soit votée, encore faut-il que les députés du Rassemblement national, véritables béquilles du gouvernement Barnier, prennent leurs responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Thomas Ménagé
Vous avez donc besoin de nous ! Rien ne se passe sans nous ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Idir Boumertit
Taisez-vous !
M. Alexis Corbière
Arrêtez ! Vous êtes démasqués !
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Le PLFSS pour 2025 le montre bien : nous sommes à la croisée des chemins. Cette expression ayant été employée par Jérôme Guedj tout à l’heure, je veux d’emblée lui poser la question : en présentant une motion de rejet pendant un quart d’heure sans avoir le courage de la mettre au vote, quelle image donnez-vous à la France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR.)
M. Jérôme Guedj
Vous n’avez rien compris ! Le PLFSS a été rejeté à l’unanimité en commission !
M. Philippe Vigier
J’en profite pour vous répondre immédiatement, puisque le député François Hollande est présent, car j’ai comparé les dépenses actuelles de l’assurance maladie avec celles de la période 2012-2017. Entre 2012 et 2017, elles sont passées de 172 à 191 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation de 2,16 % par an.
M. Antoine Léaument
Et alors ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. Philippe Vigier
Depuis 2017, elles ont augmenté de 36 %, soit 4,6 % par an. Vous parlez d’austérité, mais je vous renvoie aux périodes où vous étiez aux affaires et à la gestion. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)
M. Alexis Corbière
Vous avez rendu les gens malades !
M. Pierre Pribetich
Donnez les chiffres de la dette, pour voir ?
M. Philippe Vigier
Le PLFSS pour 2025 prévoit certes 9 milliards de dépenses supplémentaires par rapport à l’Ondam initial pour 2024 – vous le savez très bien, Jérôme Guedj, car vous connaissez parfaitement les chiffres. Je ne suis pas en train de dire que tout va très bien ni que nous pourrions répondre à tous les besoins, mais prétendre vouloir abroger la réforme des retraites,…
M. Alexis Corbière
Oui !
M. Emmanuel Maurel
C’est le moins que l’on puisse faire !
M. Philippe Vigier
…alors que tout le monde a oublié que 40 milliards supplémentaires sont d’ores et déjà dépensés chaque année pour équilibrer le système, en plus du trou que vous allez créer, c’est totalement irresponsable ! (Mme Stéphanie Rist applaudit.)
M. René Pilato
C’est vous qui êtes irresponsables !
M. Philippe Vigier
En l’occurrence, sur ce point, le RN et le Nouveau Front populaire se retrouvent. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Mme Sophia Chikirou
Ce que vous faites, c’est une saignée !
M. Philippe Vigier
Une fois de plus, ne me faites pas dire que tout va bien ! Je pense notamment à la fameuse CNRACL : lorsqu’ici même, lors du quinquennat précédent – vous vous en souvenez –, nous tentions d’harmoniser l’ensemble des systèmes de retraite, vous avez renvoyé la réforme Delevoye à ses chères études.
Mme Stéphanie Rist
Il a raison !
M. Philippe Vigier
Et vous voulez même abroger la réforme qui avait été courageusement menée par Marisol Touraine lors du quinquennat 2012-2017 – je me tourne vers M. le député Hollande, ancien président de la République –,…
M. René Pilato
Vous voulez des retraites privées !
M. Philippe Vigier
…réforme que j’avais pour ma part votée. Quand il faut être responsables, voyez-vous, nous le sommes ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Le texte comporte à l’évidence un certain nombre d’insuffisances, par exemple en ce qui concerne l’accès aux soins, mais là encore, je pourrais parler à Jérôme Guedj du numerus clausus en vigueur entre 2012 et 2017 ! Où en sommes-nous maintenant ? 11 000 médecins vont être formés en 2024 ! Je peux aussi revenir un peu en arrière…
M. Antoine Léaument
Oui !
M. Philippe Vigier
…et évoquer les mesures incitatives prises pour faire partir des médecins, non par nous mais par la gauche,…
M. Jérôme Guedj
2015, ce n’est pas la gauche !
M. Philippe Vigier
…qui avait pris cette décision en 1999 par la bouche de Martine Aubry ! Cela s’appelait le mécanisme d’incitation à la cessation d’activité. Je n’ai rien oublié de tout cela !
M. Nicolas Forissier
C’est bien de le rappeler !
M. Alexis Corbière
Cela fait sept ans que vous êtes au pouvoir et vous faites la leçon ! Il est temps que ça cesse !
Un député du groupe LFI-NFP
Vous faites la même chose !
M. Philippe Vigier
Nous ne faisons pas la même chose ! Nous augmentons le nombre de médecins formés.
M. Alexis Corbière
N’importe quoi !
M. le président
Mes chers collègues, veuillez écouter l’orateur !
M. Philippe Vigier
J’aurais aimé davantage de mesures pour renforcer l’accès aux soins. Au moment où les internes demandent une quatrième année de formation, j’aimerais que nous soyons capables de discuter avec eux pour déterminer comment cette fameuse quatrième année d’internat pourrait être utile, afin qu’ils puissent s’installer dans tous les territoires, grandes villes ou zones rurales.
M. Nicolas Forissier
C’est la seule bonne mesure !
M. Philippe Vigier
J’aimerais que nous allions plus loin pour mettre fin à la fameuse T2A, certes instaurée par Mme Bachelot mais continuée par la gauche…
M. Antoine Léaument
Ah !
M. Philippe Vigier
…et jamais abandonnée ; ce mode de financement de l’hôpital a totalement échoué.
De la même façon, madame la ministre de la santé, j’aimerais que nous évoquions l’article 15 du texte, qui prévoit qu’en cas d’échec des discussions avec les organisations professionnelles, le directeur de l’assurance maladie prenne la main. Si nous faisons cela, alors que la financiarisation de la biologie médicale, de la radiologie et de la pharmacie a pris une ampleur considérable ces dernières années, ce sera la fin des petits laboratoires et des petites pharmacies, et une accélération de la désertification médicale.
S’agissant du médicament, vous vous êtes aussi engagée, madame la ministre, à faire en sorte que la fameuse clause de sauvegarde soit enfin plafonnée – si c’était le cas, nous n’aurions pas à réagir aussi fortement, sur tous les bancs, au sujet du Doliprane ! Je me tourne vers le ministre Paul Christophe, avec lequel j’ai beaucoup travaillé sur ce sujet. (M. le ministre acquiesce.)
Enfin, ne faisons pas l’erreur d’augmenter le ticket modérateur : transférer 1,5 milliard, voire 2 milliards, de l’assurance maladie vers les mutuelles, c’est signer la fin de l’universalité du système de santé. Chargeons les mutuelles de ce qu’elles font formidablement bien : la prévention. Elles peuvent s’en occuper, alors spécialisons les remboursements en distinguant ce qui relève de l’assurance maladie et ce qui relève des mutuelles. Sachez-le – un collègue communiste l’a dit tout à l’heure : les plus faibles et ceux qui ont le plus de difficultés à se soigner s’y retrouveront.
Le groupe Les Démocrates a formulé des propositions qui sont raisonnables financièrement, parce que l’esprit de responsabilité nous anime – il ne s’agit pas d’ouvrir un puits sans fond –, sur divers sujets. Je pense aux petites retraites, dont nous voulons qu’elles soient de nouveau indexées sur l’inflation dès le 1er janvier, moyennant un effort de ceux qui ont plus. Il y a aussi les réductions des charges sociales, dont nous voulons qu’elles se concentrent sur les salaires les plus bas – ceux inférieurs à 2,3 Smic –,…
M. Pierre Cordier
Ça tire les salaires vers le bas !
M. Philippe Vigier
…afin de dégager des marges sans tirer la compétitivité des entreprises vers le bas. Rappelez-vous le débat très éclairant que nous avons eu l’an dernier à ce sujet ! Nos propositions concernent aussi un sujet qui nous semble essentiel, celui des jours de carence. Pourquoi ne pas réfléchir à l’instauration d’une nouvelle journée de solidarité ? Ne sommes-nous pas capables, collectivement, d’imaginer que pour financer l’autonomie, chère à Jérôme Guedj et maintenant à Paul Christophe, une nouvelle journée de solidarité soit créée par la suppression d’une journée de congés payés ? (Exclamations sur divers bancs.)
Néanmoins, il me semble que le fil rouge de l’échange entre le Gouvernement et le Parlement, ce doit être le dialogue : il n’est pas souhaitable d’arriver avec des décisions toutes faites.
Chacun l’aura bien compris, notre système de sécurité sociale ne doit plus simplement être replâtré : il doit être refondé. Nous devons poursuivre le débat ouvert tout à l’heure par Mme la ministre de la santé : la démographie l’exige, puisque le nombre d’aînés va croissant, tout comme le risque relatif aux maladies chroniques. Le nombre de personnes en ALD ne cesse d’augmenter et depuis dix ans, 300 000 nouveaux patients sont concernés, ce qui nous amène à nous interroger. L’arrivée des nouvelles technologies permet une meilleure prise en compte de ces affections de longue durée, grâce à des aides au diagnostic assez extraordinaires.
Dans ce contexte difficile, dont chacun doit assumer sa responsabilité ; nous demandons une loi de programmation pluriannuelle…
Mme Isabelle Santiago
Oui, sur l’enfance et sur la solidarité !
M. Philippe Vigier
…dont le financement, monsieur le ministre du budget, nous rende capables, sur une durée de cinq ans, de transformer profondément notre système de santé – Jean-Carles Grelier a beaucoup travaillé sur cette question. Nous devons être en mesure d’établir une stratégie évaluée qui s’appuie sur un rassemblement plutôt qu’un émiettement des agences, afin de créer un véritable service public territorial de santé qui décloisonne public et privé et dans lequel chaque soignant, quel que soit son statut, aura une part de responsabilité. Nous devons tous contribuer à cette stratégie pluriannuelle de manière transpartisane, comme nous l’avons d’ailleurs fait sur d’autres textes relatifs à l’accès aux soins ; nous devons être capables d’y réfléchir et d’avancer ensemble, car aucune solution n’est possible autrement.
Nos hôpitaux ont besoin d’une nouvelle organisation : nous devons mettre fin à cette situation dans laquelle l’administration dirige tout, sans que les soignants soient au cœur de la décision ; c’est pourquoi nous proposons que le médecin et l’administratif forment un véritable couple, afin de gagner en efficacité.
Nous appelons aussi de nos vœux un vrai virage ambulatoire dans lequel le privé aurait toute sa place. Les soins non programmés ne peuvent fonctionner qu’en s’appuyant sur la médecine de ville ; ils nécessitent une régulation qui est d’abord assurée par le Samu, bien sûr, mais dont les médecins garantissent l’efficacité, grâce à la délégation de tâches qui permet au plus grand nombre d’être au rendez-vous.
Cette nouvelle approche répond à une exigence absolue dans différents domaines : le handicap, où existe une dualité de gestion entre l’État et le département, mais aussi le travail. Mme la ministre du travail et de l’emploi aura la mission importante, en plein ralentissement économique, d’accompagner les chômeurs qui sont les plus éloignés de l’emploi ; je lui conseille d’être prudente quant aux moyens qu’elle octroiera à France Travail ! Si France Travail subit une réduction de ses moyens dans un contexte de tassement économique, j’ai bien peur que le résultat soit très douloureux pour chacun. La solidarité doit s’appliquer !
Je sais aussi que Mme la ministre de la santé veut défendre une loi pour les infirmières : donnons aux infirmières en pratique avancée (IPA) les moyens d’exister, de fonctionner et de s’épanouir ! Dans le domaine de la gérontologie, par exemple, il faut qu’il y ait des IPA dans nos Ehpad, où l’on sait que tous les patients ne peuvent plus bénéficier de la présence d’un médecin. Allons-y, n’attendons pas ! Surtout, il nous faut les rémunérer convenablement. Chacun ici – et en particulier Frédéric Valletoux – sait comment sont rémunérés ces professionnels.
En définitive, vous nous trouverez à vos côtés sur le chemin. Nous sommes disposés à la coconstruction, dans un esprit de responsabilité, avec l’ensemble du Gouvernement et avec, j’en suis persuadé,…
M. Antoine Léaument
Les territoires ! (Sourires.)
M. Philippe Vigier
…de nombreux collègues, une fois la passion retombée, une fois les coups médiatiques partis en fumée.
M. Hadrien Clouet
De qui parle-t-il ?
M. Philippe Vigier
Notre assemblée a été prise en otage par une motion de rejet qui, si elle avait été adoptée, aurait balayé le débat d’un revers de main, alors même que vous vous faites les chantres de la démocratie. (« Elle a été retirée ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) À la dernière seconde, vous avez eu un réflexe démocratique, que je salue.
Mesdames et messieurs les ministres, le groupe Les Démocrates sera là pour vous accompagner, avec exigence, dans un esprit de solidarité mais aussi de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Anne-Cécile Violland applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. François Gernigon.
M. François Gernigon
Il faut bien le dire : le PLFSS pour 2025, dont nous entamons l’examen, s’inscrit dans un contexte budgétaire tendu, marqué par des contraintes croissantes et des attentes sociales fortes. À l’heure où nos dépenses sociales dépassent 643 milliards d’euros, montant qui surpasse même le budget de l’État, il est essentiel de rappeler que ces choix budgétaires doivent être autant de choix de responsabilité. Chaque euro doit être investi avec lucidité pour garantir l’avenir de notre modèle social et répondre aux besoins des plus vulnérables.
Ce PLFSS témoigne d’une volonté affirmée de protéger les Français face aux défis actuels. Cette protection est un engagement qui requiert aujourd’hui des décisions difficiles et parfois impopulaires pour assurer la pérennité de notre sécurité sociale. La hausse de 18 milliards des dépenses de sécurité sociale prévue pour l’année 2025 reflète, dans ce contexte budgétaire contraint, une préservation de notre modèle de protection sociale. Cependant, cette hausse contenue est le fruit d’économies fondées sur l’efficience des dépenses de santé et sur des efforts demandés, en responsabilité, aux Français.
Pour que le texte apporte réellement cet équilibre budgétaire indispensable, il faudra qu’il soit amélioré en séance, par des amendements concrets, discutés dans un esprit de responsabilité. Tel est bien le rôle de notre assemblée : faire en sorte que ce PLFSS soit plus qu’un empilement de chiffres. Il doit incarner un engagement durable pour les Français, en réponse aux besoins d’aujourd’hui et à ceux de demain. À cette fin, le groupe Horizons & indépendants entend participer activement au travail d’amélioration, pour que nous puissions voter un budget qui donne aux Français l’assurance d’une sécurité sociale viable.
La commission a vu l’impact des propositions démagogiques et irréalistes de certains groupes d’opposition. (M. Louis Boyard, rapporteur, lève la main.)
M. Hadrien Clouet
C’est nous !
M. Pierre Cordier
Pas seulement : tous les groupes d’opposition !
M. François Gernigon
Ceux-ci n’ont fait qu’alourdir la facture sociale, sans aucune considération pour les conséquences de leurs propositions. Nous avons assisté à un spectacle où la réalité économique a été balayée d’un revers de main, sacrifiée sur l’autel d’un populisme dangereux,…
M. Antoine Léaument
Ça suffit ! Tout le monde a voté contre le texte !
M. François Gernigon
…par des amendements insensés ajoutant des charges qui se chiffrent en milliards.
M. Hadrien Clouet
Des cotisations !
M. François Gernigon
Malgré la qualité des débats tenus en commission sous la présidence de Frédéric Valletoux, les députés des groupes d’opposition ont démontré leur absence d’esprit de responsabilité, en supprimant les éléments purement comptables présentés dans un souci de transparence à l’égard du Parlement, en adoptant une multitude de taxes additionnelles représentant un total de plus de 60 milliards d’euros et cherchant à abroger discrètement la réforme des retraites dans une annexe du projet de loi. (MM. Louis Boyard et Hadrien Clouet applaudissent.)
M. Pierre Cordier
La réforme des retraites est perfectible, tout de même.
M. François Gernigon
Notre groupe a donc voté contre l’adoption de ce texte,…
M. Hadrien Clouet
Bravo ! Nous aussi !
M. François Gernigon
…vidé de son sens et de tout sérieux politique et budgétaire.
Ne pas se donner les moyens de se doter d’un budget pour 2025 serait commettre une faute vis-à-vis de nos concitoyens. Il est essentiel que ce texte revienne à un cadre réaliste pour que nous puissions l’approuver. Il s’agit de reprendre un vrai travail de fond pour que ce budget permette de faire face aux défis actuels sans compromettre notre modèle de solidarité.
Mme Marie Mesmeur
Avec ce budget, c’est l’avenir que vous compromettez !
M. François Gernigon
À l’évidence, le redressement de nos finances sociales passera par des ajustements. Mais ces mesures d’urgence doivent aussi nous rappeler une vérité fondamentale : pour garantir l’avenir de notre protection sociale, des réformes structurelles sont impératives. Si nous nous contentons de répondre aux urgences sans traiter les causes profondes, nous laisserons aux générations futures un modèle affaibli, en perte de légitimité et de viabilité.
Il faut avoir conscience que la détérioration des finances publiques pourrait avoir des conséquences graves, en particulier pour les Français les plus vulnérables. Si l’État ne parvient pas à maîtriser ses dépenses, les plus fragiles risquent de voir leurs conditions de vie se dégrader. Notre groupe soutiendra donc les ajustements nécessaires pour que chaque économie se fasse avec justice, en préservant les plus fragiles ainsi que ceux qui travaillent ou ont travaillé toute leur vie.
Mme Sophia Chikirou
Ce n’est pas le cas des actionnaires !
M. François Gernigon
Le PLFSS pour 2025 inclut des mesures ambitieuses tendant à maîtriser les dépenses de santé grâce à une meilleure efficience des soins. L’Ondam est fixé à 247,8 milliards d’euros ; il connaît ainsi une progression modérée, de 2,8 %. La maîtrise des dépenses repose sur plusieurs leviers, tels que la régulation des prix des médicaments et des dispositifs médicaux. Nous veillerons à ce que ces mesures permettent de réduire les dépenses inutiles sans compromettre l’accès de tous, en particulier des plus fragiles, à des soins de qualité.
À côté de cela, le renforcement de la lutte contre la fraude sociale (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP) est une priorité que nous soutenons fermement. La fraude mine la solidarité nationale : elle détourne des ressources qui devraient être consacrées aux plus modestes. Grâce au déploiement de 1 000 agents supplémentaires et à de nouveaux outils pour lutter contre la fraude, nous nous engageons résolument vers une protection sociale plus juste.
Mme Marie Mesmeur
Et la fraude fiscale ?
M. François Gernigon
Notre groupe formulera en séance publique, comme il l’a fait en commission, des propositions à la fois responsables et ambitieuses pour le pays et l’avenir des comptes sociaux. La lutte contre la fraude doit inclure une révision de la délivrance des arrêts de travail par télémédecine, en luttant contre les plateformes en ligne de vente d’arrêts de travail et en limitant ces arrêts à un jour, pour éviter les abus. Dans le même esprit, il nous semble pertinent que l’employeur soit informé des fraudes aux indemnités journalières, dans un souci de responsabilisation partagée.
Nous tenons à toujours valoriser le travail, car il est vecteur d’épanouissement personnel et d’autonomie matérielle, tout en étant la clef de notre modèle social. Nous plaidons pour une mesure permettant aux salariés, s’ils le souhaitent, de maintenir leur rémunération en récupérant les heures de travail perdues du fait d’un arrêt maladie de courte durée. Par ailleurs, il nous semble indispensable de plafonner les prestations sociales – hors allocation aux adultes handicapés (AAH) et allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) – à 60 % du Smic par part fiscale.
Enfin, assurer la pérennité de notre système de sécurité sociale implique de protéger les plus fragiles, surtout en période de contraintes budgétaires. À ce titre, au lieu de décaler pour tous la revalorisation des pensions de retraite, comme c’est prévu, nous pourrions, pour 2025, désindexer les seules pensions supérieures à 2 300 euros brut. Cette solution permettrait de soutenir les retraités modestes, ce qui nous semble impératif.
Ce PLFSS est loin d’être parfait. Pour perfectible qu’il soit, il est indispensable. Nous défendons une vision de la protection sociale qui concilie efficacité économique et justice sociale. Il s’agit de donner à la France un budget de sécurité sociale tel que, demain, nos concitoyens puissent continuer à compter sur un système solidaire, public et pérenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Anne Bergantz applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Panifous.
M. Laurent Panifous
La situation très préoccupante des comptes publics nous oblige à analyser ce projet de loi de financement de la sécurité sociale avec mesure et responsabilité. C’est l’exigence que les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires s’imposent.
Pour notre groupe, l’opposition au Gouvernement est un fait, mais elle n’est ni un projet ni une posture. Nous n’existons pas parce que nous nous opposons, mais parce que nous proposons.
Néanmoins, faire preuve de responsabilité ne veut pas dire seulement couper dans les dépenses. Il s’agit, bien sûr, de viser l’équilibre des comptes sociaux, pour ne pas léguer une dette encore plus lourde à nos enfants – elle l’est déjà bien assez. Mais il faut aussi repérer les fragilités de notre modèle social, ses manques, ses injustices et tenter de les corriger de la manière la plus juste possible. Cela doit se faire sans opposer une catégorie à une autre mais en garantissant à tous, et partout, un accès à des soins et à un accompagnement de qualité.
À cette fin, il nous faut travailler sur l’organisation, sur le modèle et sur les dépenses, bien sûr, mais aussi sur les ressources, pour atteindre nos objectifs en même temps que l’équilibre des comptes sociaux. Nous proposons par exemple d’étendre l’assiette de financement aux revenus du capital, en complément de ceux du travail.
Les attentes des Françaises et des Français en matière de santé et d’accompagnement des plus fragiles sont grandes. Pour nous, ce budget n’est pas à la hauteur de ces attentes et ne traduit pas une politique ambitieuse pour notre modèle de protection sociale.
Oui, ce budget nous pose un vrai problème, car les économies qu’il prévoit se font sur la santé et sur les retraites. Autrement dit, elles pénaliseront les plus modestes et les plus fragiles. Ajoutons que le texte comporte des dispositions défavorables à l’accès aux soins, qui devrait pourtant être une de nos priorités.
Tel est le cas, par exemple, de l’augmentation du ticket modérateur, qui conduira inévitablement à une hausse des tarifs des mutuelles. Cette évolution du coût des mutuelles est le marqueur éclairant d’une société où le soin tient une place centrale mais où son financement glisse de la solidarité vers l’individu, ce que je tiens à dénoncer ici. L’abaissement de 1,8 à 1,4 Smic du plafond de remboursement des arrêts maladie relève de la même logique : on renvoie aux organismes de prévoyance complémentaire. Ceux qui sont affiliés à de tels organismes verront, là aussi, leurs cotisations augmenter.
Ces dispositions sont à mettre en perspective avec la situation de nos établissements de santé : le déficit de l’hôpital public devrait dépasser 2 milliards d’euros en 2024, soit quatre fois plus qu’en 2019. L’augmentation de 3,1 % qui lui est accordée pourrait paraître solide, mais elle couvrira seulement l’inflation et l’augmentation de la cotisation retraite. L’inflation n’ayant été que partiellement compensée sur les exercices précédents, nous savons d’ores et déjà que nos hôpitaux présenteront à nouveau des déficits importants l’année prochaine.
Plusieurs sujets sont étonnamment absents de ce texte : il ne contient rien de significatif sur la prévention, ni sur la santé mentale – pourtant érigée en grande cause nationale par le Premier ministre –, ni sur la petite enfance – alors que des situations scandaleuses sont dénoncées et répétées. Nous ne pouvons pas rester inactifs face à ces dysfonctionnements flagrants ; nous devons notamment réétudier la question des financements.
J’en viens au soutien à l’autonomie. Nos aînés semblent préservés des réductions budgétaires, mais nous regrettons une nouvelle fois, plus de quatre ans après la création de la branche, l’absence de financements dédiés et suffisants. Comment s’en satisfaire alors que la majorité des Ehpad sont déjà en déficit structurel ?
Monsieur le ministre des solidarités, nous accueillons positivement votre ouverture en ce qui concerne la recherche de nouveaux financements et l’évolution de l’offre de service des Ehpad pour en faire des lieux de vie plus ouverts et bienveillants. Nous saluons également votre engagement de créer 6 500 postes de soignants supplémentaires, mesure très attendue dans nos Ehpad. Autre sujet d’importance : dans ce budget est bel et bien inscrite une mesure qui concrétise la stratégie décennale pour les soins palliatifs, assortie de 100 millions d’euros supplémentaires pour 2025.
J’évoque pour terminer une réforme très technique mais majeure de ce PLFSS : celle des allégements généraux de cotisations patronales. Vous faites le choix de les réduire de 4 milliards d’euros au total, mais la remise à plat que vous envisagez suscite des interrogations. D’une part, vous augmentez les cotisations au niveau du Smic, jusqu’à 1,3 Smic, en considérant que les employeurs augmenteront de ce fait les salaires ou y seront incités. Je suis sceptique : je ne pense pas qu’ils réfléchissent ainsi, ni même, tout simplement, qu’ils en aient la possibilité. D’autre part, vous étendez le bénéfice des exonérations jusqu’à 3 Smic, alors qu’au-delà de 2,5 Smic – plafond que nous vous proposons de retenir –, leur absence d’effet sur l’emploi a été prouvée. Permettez-moi donc de douter sincèrement de l’efficacité de ces mesures.
Je le redis, la situation budgétaire globale de nos comptes publics exige que nous fassions tous preuve de responsabilité, et même de courage politique. Dans cet ensemble, les budgets consacrés à la santé, au médico-social, à la petite enfance et à nos aînés, bref à l’accompagnement des plus fragiles d’entre nous, devraient être préservés, voire renforcés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Comme chaque année, nous voici réunis pour entamer le débat sur le PLFSS. Cette fois-ci, les enjeux du texte paraissent assez inédits car ils semblent s’inscrire dans le processus de clarification promis par Emmanuel Macron.
Certains d’entre vous l’auront remarqué, le PLFSS pour 2025 est assez indigent. Il ne comporte aucune mention de la prévention ou de la lutte contre la désertification médicale, aucune mesure nouvelle en matière de prise en charge de la perte d’autonomie, du handicap ou de l’accompagnement des familles, et il ne témoigne d’aucune ambition en matière de santé publique et d’accès aux soins.
Pourtant, il est urgent de débattre de la santé publique et de l’accès aux soins car la politique menée depuis 2017 a plongé l’ensemble de notre système dans un état d’effondrement vertigineux.
M. Pierre Cordier
On peut remonter à 2012 !
M. Yannick Monnet
Afin que les chiffres et le vocabulaire parfois technique du PLFSS n’occultent pas les réalités concrètes, voici quelques éléments objectifs à l’aune desquels apprécier le texte : le déficit des hôpitaux publics devrait dépasser 2 milliards d’euros en 2024 avec des personnels soignants et non soignants absolument exsangues ; 85 % des Ehpad publics sont déficitaires, avec un déficit cumulé estimé à 1,3 milliard d’euros ; plus de six Français sur dix renoncent à des soins ; quatre malades chroniques, ou concernés par un handicap physique, sur dix considèrent que leur prise en charge médicale s’est détériorée depuis le covid.
L’indigence de ce PLFSS quant aux besoins sociaux et de santé manifeste que, comme ses prédécesseurs, ce gouvernement considère la sécurité sociale comme une variable d’ajustement du déficit public.
M. André Chassaigne
Exactement !
M. Yannick Monnet
Il ne s’en cache d’ailleurs pas et a annoncé que le PLFSS devait contribuer à l’effort de redressement des finances publiques, et, à cette fin, permettre un effort global d’un peu plus de 10 milliards d’euros en 2025, dont 4,9 milliards d’économies sur l’assurance maladie et 4 milliards sur les pensions de retraite. Or la mission de la sécurité sociale n’est pas de participer à la réduction du déficit public.
Mme Karine Lebon
Il a raison !
M. Yannick Monnet
Sa mission est de protéger l’ensemble de nos concitoyens contre les principaux aléas de l’existence et contre les risques sociaux. Elle est également de répondre aux besoins sociaux et de santé grâce aux moyens procurés par les cotisations sociales, ce que l’on appelle le salaire différé.
M. Emmanuel Maurel
C’est vrai !
M. André Chassaigne
C’est bien oublié !
M. Yannick Monnet
Certes, la sécurité sociale connaît un déficit que nous ne minimisons pas : 18 milliards d’euros en 2024 et 16 milliards en 2025 pour un budget de 661 milliards, soit à peine plus de 2 %. Toutefois, l’origine de ce déficit n’est pas à chercher dans un dérapage des dépenses sociales et de santé.
Ce déficit est la conséquence de choix politiques qui, année après année, ont asséché les ressources de la sécurité sociale. D’après la Cour des comptes, les niches sociales – c’est-à-dire précisément le contournement des salaires – engendrent à elles seules une perte de recettes estimée à 19,3 milliards d’euros en 2023, soit 9,4 milliards d’euros de plus en cinq ans, perte non compensée par l’État ! Par ailleurs, les généreux allégements de cotisations sociales octroyés aux entreprises – sans aucune contrepartie sociale et environnementale – représentent 80 milliards.
Drôle de constat, monsieur le ministre du budget, alors même que vous nous expliquiez tout à l’heure à la tribune « ne pas être généreux » avec l’argent des Français !
La manière dont ces exonérations massives contribuent à précariser les conditions de travail et à consolider des trappes à bas salaires est très bien documentée. L’article 6 du PLFSS – dont nous n’avons pu débattre en commission – prévoit de reprendre 5 milliards d’euros sur la masse des exonérations existantes. Il est significatif qu’un si faible effort ait été refusé massivement par les députés du socle commun et par ceux du Rassemblement national. Aussi peu ambitieux qu’il soit, l’article 6 révèle que le déficit de la sécurité sociale provient de l’assèchement organisé de ses ressources.
Refuser d’en débattre, comme l’ont décidé le socle commun et le Rassemblement national, revient à acquiescer à la logique d’appauvrissement de notre protection sociale, avant de finir par dire d’une même voix que la sécurité sociale est à bout de souffle, qu’elle a fait son temps et qu’il est urgent de la réformer. Ainsi, les mêmes qui refusent de rendre à la sécurité sociale ses ressources, rejettent comme un seul homme en commission l’article 27 fixant l’Ondam et les sous-Ondam pour 2025 !
De notre côté, nous le rejetons aussi mais pour des raisons différentes : la progression de l’Ondam 2025, fixée à 2,8 % – soit près de 5 milliards d’euros d’économies pesant exclusivement sur les assurés sociaux – est inacceptable.
À défaut de nous écouter, madame la ministre de la santé, acceptez d’entendre le conseil d’administration de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) qui a massivement désapprouvé ce PLFSS dans son ensemble.
Certes, les PLFSS 2022 et 2023 avaient déjà reçu des avis défavorables, mais l’avis motivé voté le 17 octobre dernier se démarque des précédents parce qu’il a recueilli la quasi-unanimité des votants à deux voix près sur trente-cinq.
Le conseil d’administration de la Cnam a dénoncé un Ondam « sous-évalué » et « nettement insuffisant » au regard des besoins réels. Tout comme nous, dans ce contexte, il s’étonne de constater que les recettes obtenues par la réduction des allègements de cotisations sociales ne sont pas intégralement affectées à la sécurité sociale. Les mesures d’économies à la charge exclusive des patients, à commencer par la hausse du ticket modérateur sur les consultations médicales, ne font pas davantage l’unanimité.
Je remercie M. Yannick Neuder, le rapporteur général, d’avoir clairement dit – est-ce la grâce de son prénom ? – que légiférer sur la base de l’Ondam, dont on sait qu’il créera un déficit dans les structures de nos hôpitaux publics, va à l’encontre de la volonté de désendetter les hôpitaux. Oui, la logique de l’Ondam est sournoise : en sous-évaluant les dépenses, on fabrique par avance du déficit !
Chers collègues, il est impossible de dénoncer le processus pervers de l’Ondam et, dans le même temps, de refuser de rendre à la sécurité sociale les ressources qui lui reviennent, voire de lui en affecter de nouvelles.
M. André Chassaigne
Excellent !
M. Yannick Monnet
L’assèchement des ressources de la sécurité sociale et son enfermement dans des dépenses contraintes participent de la même logique consistant à remettre en cause notre système de protection sociale.
Nous, députés communistes et ultramarins du groupe GDR, nous ne nous contentons pas d’affirmer qu’il faut plus de recettes pour de bonnes dépenses. Nous disons trois choses : premièrement, le budget de la sécurité sociale doit être sanctuarisé. Il n’a pas sa place aux côtés du PLF.
Mme Karine Lebon
Très bien !
M. Yannick Monnet
Deuxièmement, le budget de la sécurité sociale n’est pas un budget comme les autres et en aucun cas il ne doit pas être soumis aux impératifs de réduction du déficit public ou aux injonctions de Bruxelles en la matière.
Mme Karine Lebon
Très bien !
M. Yannick Monnet
Enfin, il doit être élaboré sur la base des besoins des populations et des spécificités territoriales ; les recettes correspondantes en découleront.
M. Pierre Cordier
Un peu comme en Union soviétique en 1952 !
M. Yannick Monnet
Si ces principes sont respectés, la sécurité sociale ne peut pas être en faillite puisque ses ressources ne reposent pas – voilà sa force – sur une taxe éphémère mais sur le salaire… à moins qu’il n’y ait plus de salaires.
Mme Stéphanie Rist
Alors, travaillez plus !
M. Yannick Monnet
Chers collègues, en dénonçant seulement l’Ondam, vous ne faites qu’une partie du chemin, ou plutôt vous empruntez un chemin différent du nôtre. Certes, cela vous permet d’affirmer qu’il faut mettre en œuvre des réformes structurelles. Le conseil de la Cnam ne dit pas autre chose dans sa délibération lorsqu’il écrit que notre système de protection sociale est confronté à une situation inédite qui devrait inciter les pouvoirs publics à engager une réforme structurelle au lieu de continuer à prendre, année après année, des mesures court-termistes qui s’avèrent inefficaces pour résorber le déficit.
Avant même que nous ne débutions l’examen du texte, Mme la ministre de la santé a annoncé qu’il était nécessaire de réfléchir à l’avenir afin de restructurer notre système et son financement. Le rejet en bloc du PLFSS en commission semble lui donner raison. Toutefois la question demeure : de quelle réforme structurelle parlons-nous ? Et en vue d’atteindre quel objectif ? Sur ce sujet crucial, je ne pense pas qu’au sein de cet hémicycle, nous ayons tous les mêmes intentions.
En son état actuel, le PLFSS poursuit l’ambition des gouvernements précédents, à savoir désavouer notre système de sécurité sociale en organisant sa faillite. Il le fait de la manière la plus odieuse qui soit en mettant à genoux les hôpitaux, les établissements sociaux et médico-sociaux, les assurés sociaux et même les retraités.
C’est en cela que ce PLFSS n’est pas tout à fait le même que ceux des précédentes années et que nos débats n’auront pas la même portée : ce texte fournit au Gouvernement un tremplin pour introduire une réforme profonde de la sécurité sociale, réforme qui ne vise pas à la préserver !
Dès lors, nos débats sur les amendements et le sort de ceux-ci diront si nous voulons, ou ne voulons pas, rompre avec les lois de financement de la sécurité sociale, dont le groupe GDR dénonce les limites, et rendre à la sécurité sociale sa capacité de protéger nos concitoyens. Ils détermineront également si nous voulons une plus grande financiarisation de la sécurité sociale conduisant à la privatisation de l’assurance sociale, privatisation par nature inégalitaire, ou si, au contraire, nous défendons âprement un modèle social solidaire et juste, assis sur la cotisation sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. André Chassaigne
Excellent ! C’était un appel à la mémoire des gaullistes !
M. le président
La parole est à Mme Hanane Mansouri.
Mme Hanane Mansouri
Le PLFSS est crucial pour les Français. En effet, chaque catégorie de Français a, ou aura un jour, l’occasion de bénéficier de la protection offerte par la sécurité sociale. La sécurité sociale intéresse tous les Français : les actifs, les retraités, les familles, les personnes en situation de handicap, les salariés. Tous ont intérêt à disposer d’une couverture sociale juste, adaptée à leurs besoins.
Grâce à cet héritage du général de Gaulle, notre pays offre à ses citoyens un niveau élevé de sécurité face aux aléas de la vie et leur permet d’envisager l’avenir sereinement.
M. Pierre Cordier
Tout le monde se réclame du général de Gaulle aujourd’hui !
Mme Hanane Mansouri
Le système de cotisations doit être un outil de solidarité destiné à mettre à la disposition des Français des dispositifs efficaces en cas d’accidents malheureux. Participer à l’effort national en cotisant, voilà une force dont un pays développé et une démocratie libérale comme la France peut être fier, pour autant que chaque citoyen y retrouve son compte.
Le PLFSS a par ailleurs une grande importance financière : les dépenses de la sécurité sociale, qui s’élèveront à 662 milliards d’euros en 2025, représentent à elles seules un quart de la richesse nationale puisque le PIB s’est établi, en 2023, à 2 608 milliards. Ces prélèvements obligatoires constituent autant de dépenses qui ne sont pas consacrées à d’autres besoins : pouvoir d’achat, éducation, sécurité, financement de l’économie…
En ce début de débat autour du PLFSS, le groupe UDR constate que les choix difficiles qui permettraient d’assurer l’équilibre financier de la sécurité sociale ne sont pas faits. Le PLFSS présenté par le Gouvernement est déficitaire. Pour 2025, trois des cinq branches seront en déficit : la branche maladie de 13,4 milliards d’euros, la branche vieillesse de 3,1 milliards d’euros et la branche autonomie de 400 millions d’euros. La branche famille sera tout juste à l’équilibre et la branche accidents du travail-maladies professionnelles affichera un surplus d’à peine 200 millions.
Ces déficits sont récurrents et réguliers : ce sont les déficits que seul un pays riche, aux larges excédents budgétaires, sans dette, pourrait se permettre. Or, en 2024, le déficit public sera de 6,1 % ; la dette publique atteint 3 228 milliards d’euros ; la charge de la dette pour 2025 s’élèvera à presque 55 milliards. Le déficit de la sécurité sociale est donc un luxe dont la France n’a plus les moyens !
Ajoutons que le Haut Conseil des finances publiques doute du sérieux des projections du Gouvernement. Il note que « la cible d’évolution des dépenses publiques prévue pour 2025 apparaît particulièrement ambitieuse » et affirme que la prévision de croissance spontanée des prélèvements obligatoires est « un peu élevée compte tenu du caractère optimiste des prévisions de croissance et d’inflation ».
Autrement dit, les déficits risquent d’être encore plus élevés que prévu à cause de moindres recettes et de plus fortes dépenses.
Cependant, il n’existe aucune raison pour que le système de la sécurité sociale soit en déficit. S’il n’a pas à être en excédent, il incombe au Gouvernement de s’assurer de l’équilibre entre ses dépenses et ses recettes puisque l’un des objectifs de la sécurité sociale est de mettre en place une politique de prélèvements qui soit en cohérence avec le niveau de croissance et d’emploi.
Dès lors que la France est le pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ayant le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé, l’objectif du Gouvernement aurait dû être de parvenir à l’équilibre budgétaire des branches, et, pour ce faire, d’insister sur la réduction des dépenses afin de ne pas faire croître leur poids déjà important et de ne pas les faire peser sur le pouvoir d’achat des Français. Ce n’est pas le choix qui a été fait.
Les dépenses de l’assurance maladie augmentent encore. Si une certaine croissance est inéluctable eu égard au vieillissement de la population et à l’inflation du coût des produits et traitements, il n’en demeure pas moins que l’Ondam de + 2,8 % prévu pour 2025 est largement supérieur à l’inflation de 1,8 % et à la croissance attendue de 1,1 %.
Les dépenses de la branche vieillesse sont aussi en augmentation de 2,2 %. Ces dépenses sont majoritairement imputables aux régimes publics de retraite, notamment les régimes spéciaux, qui sont structurellement déficitaires. Le Gouvernement a-t-il pris des mesures pour modifier cela ? La réponse est non !
Nos collègues ont eu l’occasion de le démontrer lors des débats consacrés au projet de loi de finances : au lieu de limiter les dépenses, vous vous concentrez sur la hausse des recettes. Autrement dit, vous fuyez vos responsabilités et vous faites le choix d’alourdir un peu plus le fardeau des prélèvements obligatoires qui pèsent, une fois encore, sur les Français.
Votre projet pour la sécurité sociale est ainsi un véritable florilège de mesurettes visant à trouver des recettes : augmentation des cotisations sociales sur les bas salaires, fin des exonérations pour l’apprentissage, augmentation des tarifs de consultation chez le médecin, report de l’indexation des retraites…
Vous avez beau habiller ces mesures de termes obscurs, les qualifiant de « réforme », « rationalisation », « refonte », il s’agit bel et bien d’une hausse de la pression sur le pouvoir d’achat des entreprises et des Français.
En revanche, lorsqu’il s’agit de s’attaquer aux vrais problèmes, votre projet de loi reste muet. Qu’en est-il de la lutte contre la fraude à l’assurance maladie, qui coûte entre 9 et 15 milliards d’euros par an ?
M. Pierre Cordier
Il faut s’en occuper !
Mme Hanane Mansouri
Qu’en est-il des fausses cartes Vitale – on compte plus de cartes Vitale que de Français ? Qu’en est-il des prestations versées à des étrangers ne résidant pas en France et, qui, dans certains cas, sont même morts depuis longtemps ? En 2020, une commission d’enquête parlementaire estimait que la France, pays de 67 millions d’habitants, comptait 75,3 millions d’assurés sociaux – soit 7 millions de personnes de plus que celles qui vivent sur le territoire.
Qu’en est-il de la réforme des systèmes de retraites publics structurellement déficitaires – je pense à la retraite des fonctionnaires territoriaux, responsable des deux tiers du déficit de la branche vieillesse ? (Murmures sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Est-ce aux travailleurs, aux contribuables, de financer un système de retraite auquel ils n’ont pas droit alors qu’eux-mêmes cotisent déjà pour un régime de retraite qui ne leur permettra probablement pas de vivre dignement dans les prochaines années ?
Pourquoi ne pas introduire une dose de capitalisation dans les retraites (« Et voilà ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP),…
M. Pierre-Yves Cadalen
Les alliés du capital, comme d’habitude !
Mme Hanane Mansouri
…alors même que vous utilisez les excellents résultats du fonds de réserve pour les retraites pour équilibrer la branche vieillesse ?
Face à cette absence de courage et de remise en question,…
M. Christophe Bex
Ce que vous proposez ne demande pas de courage !
Mme Hanane Mansouri
…alors même que la France n’a pas le luxe de financer par la dette un déficit beaucoup trop lourd, le groupe UDR a déposé des amendements qui prévoient des mesures responsables et de bon sens : supprimer le report de l’indexation des retraites sur l’inflation ; préserver les exonérations pour les apprentis et les jeunes entreprises innovantes ; maintenir les exonérations sociales sur les bas salaires pour ne pas alourdir la charge des entreprises déjà étouffées par le système français ; réabonder le fonds de réserve pour les retraites ; expérimenter la carte Vitale biométrique.
La sécurité sociale française est un motif de fierté nationale, ce qui n’interdit ni le contrôle ni la bonne gestion. L’argent des prestations provient des Français, qu’ils soient cotisants ou contribuables.
Mme Sarah Legrain
Les travailleurs étrangers cotisent eux aussi !
Mme Hanane Mansouri
Les dépenses assurées pour nous protéger face aux risques de la vie ne sont pas issues d’une source magique de financements. La sécurité sociale puise dans les salaires et dans l’épargne des Français, autrement dit dans les moyens économiques du peuple. Nous devons respecter l’argent des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Voilà pourquoi le groupe UDR travaille avec sérieux et responsabilité sur le PLFSS. À l’inverse, la gauche continue son cinéma, déposant par exemple une motion de rejet préalable avant de la retirer. Chers collègues de gauche, je vous rappelle que ce gouvernement est le fruit de vos accords électoraux passés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Karine Lebon
Arrêtez ! Vous ne l’avez pas censuré !
Mme Hanane Mansouri
Qui a appelé deux fois à voter pour Emmanuel Macron ?
M. Jérôme Guedj
Qui n’a pas censuré le Gouvernement ? C’est vous !
Mme Hanane Mansouri
Lors des dernières élections législatives, qui a appelé à voter pour les candidats macronistes ? Je sais qu’Halloween approche à grands pas mais n’essayez pas de vous déguiser en opposants à ce gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à Mme Joëlle Mélin.
M. Christophe Bex
Pourquoi le même groupe passe-t-il deux fois de suite ? (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Joëlle Mélin
La santé mentale a été érigée grande cause nationale pour 2025. Heureusement, car si les pathologies psychiatriques ont toujours existé, comment expliquer l’épidémie actuelle ? Il faut bien dire qu’après des années d’errance, la politique du « en même temps » du président Macron a fini de faire perdre ses repères à la société française. En un mot, nous devenons peu à peu tous fous – le terme populaire « disjoncter » est peut-être le plus juste.
Bien sûr, il faut traiter en urgence les conséquences de cette épidémie, comme la prise en charge et l’accompagnement des tout-petits hyperactifs dont les parents courent tellement que plus rien ne se fait en famille.
Bien sûr, il faut anticiper et écouter ces ados totalement addict aux écrans et aux réseaux sociaux, qui y puisent toutes les invraisemblances pour influencer leur personnalité en construction. Ils oscillent entre manque d’estime de soi – parfois jusqu’au suicide – et rejet du corps, narcissisme ou errance s’agissant de l’acceptation de leur sexualité. (Mme Sarah Legrain et Mme Sandrine Rousseau, rapporteure, s’exclament.)
Mme Farida Amrani
Deux RN d’affilée, ça fait beaucoup !
Mme Joëlle Mélin
Bien sûr, il faut aider les jeunes et les moins jeunes actifs, déçus par leur carrière après des études ou des apprentissages difficiles – je pense aux soignants. Que dire de nos aînés retraités, fragilisés ou malades, devenus dépressifs face à l’isolement ?
Notre système de protection sociale doit donc prendre en charge toutes ces conséquences psychologiques et psychosomatiques – oui, madame la ministre –, certes liées à des maladies mentales classiques mais aussi issues de notre incurie sociale.
Mme Sarah Legrain
À quoi pensez-vous quand vous parlez de maladie mentale ? La transphobie est punie par la loi !
Mme Joëlle Mélin
Nous devons nous attaquer aux causes – ce que le président Macron n’a absolument pas fait. La responsabilité politique suppose une réponse politique. Trouvez-vous normal que nos programmes scolaires, pendant des années – et encore en partie aujourd’hui – aient appris aux enfants droitiers, majoritaires, à lire et écrire avec la moitié du cerveau qui n’a ni le contrôle de la lecture ni celui de l’écriture ou du calcul (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR),…
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Quel rapport ?
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Et le PLFSS dans tout ça ?
Mme Joëlle Mélin
…créant ainsi des générations de personnes dites dys ? Ces enfants sont aujourd’hui des actifs. Cette méthode semi-globale, d’origine scandinave, élaborée pour les sourds et les malentendants, a créé une cohorte de muets, incapables de s’exprimer et porteurs de la même violence. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Ségolène Amiot
De quel siècle venez-vous ? Retournez dans l’ancien millénaire !
Mme Sophia Chikirou
On voit que Marine Le Pen n’est pas là pour vous recadrer !
M. le président
Chers collègues, je vous invite à écouter l’oratrice.
Mme Ségolène Amiot
Ça va être difficile !
Mme Joëlle Mélin
Allez consulter les études, vous comprendrez mes propos.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce n’est pas le sujet !
Mme Joëlle Mélin
La place prépondérante donnée à la dimension visuelle par les écrans empêche le cerveau d’utiliser d’autres fonctions, dites associatives, ce qui perturbe la compréhension des informations et provoque une réponse inadaptée, le plus souvent violente. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
En résultent des comportements dysfonctionnels marqués par la perte d’attention, l’épuisement par surchauffe de la machine – comme disent les jeunes – ou parfois un isolement pour se protéger.
Mme Ségolène Amiot
Les jeunes ne disent plus cela depuis vingt ans : il faut se tenir un peu à jour !
Mme Joëlle Mélin
Dans le pire des cas, la désinhibition du lobe frontal provoque une perte de la gestion des émotions et des acquis fondamentaux de la vie en société. (Mme Sandrine Rousseau, rapporteure, s’exclame.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre
De toute façon, quel que soit le sujet, c’est cela dont vous vouliez parler !
Mme Joëlle Mélin
Par ricochet, la famille est atteinte. Lancé dans une course effrénée, on veut accomplir en vingt-quatre heures ce qui devrait l’être en quarante-huit. Deux personnes qui vivent ensemble touchent le même salaire qu’un individu seul il y a vingt ans. Parmi les autres phénomènes, citons l’explosion du couple, le divorce au détriment des enfants, la dépression, le burn-out ou encore le recours à des drogues exogènes – médicaments, alcool, tabac, stupéfiants – ou endogènes – le sport ou les écrans.
Il ne faut donc pas s’étonner de la flambée de pathologies psychosomatiques ou réellement somatiques comme les cancers.
Mme Ségolène Amiot
Soyez un peu plus explicite !
M. José Beaurain
Elle est médecin, elle sait de quoi elle parle !
Mme Sarah Legrain
Et le sujet ?
Mme Joëlle Mélin
Le président Macron aurait dû empêcher cela depuis longtemps, et mettre fin au cercle vicieux. Il a préféré détruire le travail commencé par le ministre Blanquer en nommant le ministre wokiste Pap Ndiaye – dont le passage fut délétère – ou Mme Belloubet. Pourquoi onze ministres ou secrétaires d’État se sont-ils succédé si c’est pour que nous nous retrouvions tout en bas du classement Pisa – Programme international pour le suivi des acquis des élèves – à cause de la flambée des troubles de l’apprentissage ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce n’est pas un texte sur l’éducation nationale !
M. Pierre Pribetich
C’est un texte sur la sécurité sociale !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il faut un peu respecter les textes !
Mme Joëlle Mélin
Trouvez-vous normal que le climat d’insécurité dans lequel nous vivons se soit dégradé depuis dix ans ? Le laxisme judiciaire dû à deux ministres – deux seulement, mais ô combien néfastes – vient non seulement inverser le code civil et le code pénal mais renverse aussi les codes du vivre ensemble, le moindre geste de respect des autres. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, ÉcoS et GDR.)
Mme Ayda Hadizadeh
Vous vous trompez de fiche !
Mme Joëlle Mélin
Si vous ne voulez pas que nous parlions de la santé mentale, n’en parlons pas ! Pardonnez-moi, mais ce sujet me semble important. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Nous assistons à un ensauvagement – ou à un réensauvagement lorsque les familles sont intervenues. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, ÉcoS et GDR.)
M. le président
Chers collègues, vous aurez l’occasion de prendre la parole au cours du débat. Je vous demande d’écouter l’oratrice avec attention.
Mme Joëlle Mélin
Des comportements nettement pathologiques de désinhibition, qui se manifeste de façon totalement inédite, s’accompagnent de perte de l’empathie.
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Vous voulez parler de l’empathie pour les migrants ?
Mme Joëlle Mélin
À l’évidence, nous sommes face à des tableaux relevant de la psychiatrie lourde, qui mettent la personne en danger pour elle-même – je pense au suicide – ou pour les autres. L’actualité quotidienne est pleine de ces faits divers. Les soignants et les procureurs savent que la réponse à apporter est la mise à l’écart de la société. Cela devient urgent. Or ce n’est toujours pas appliqué.
De facto, l’insécurité ambiante vient générer une angoisse permanente, une peur pour soi-même. On peut se faire trucider au supermarché (Rires et exclamations prolongées sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, ÉcoS et GDR.),…
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Ça s’appelle de la paranoïa !
Mme Joëlle Mélin
…une personne de 82 ans peut se faire violer pendant la sieste.
Mme Sandrine Rousseau, rapporteure
Je pense que votre santé mentale est en danger !
M. José Beaurain
Monsieur le président, ce type de propos, ça ne va pas !
Mme Joëlle Mélin
Il existe aussi une insécurité face à la cherté du quotidien, à l’instabilité de l’emploi et à l’incertitude du montant des retraites.
Les plus démunis sont les plus concernés. Cette insécurité atteint les entrepreneurs, les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME), les agriculteurs et les indépendants. Combien, parmi eux, se suicident parce qu’ils n’arrivent pas à s’en sortir ? Je vous parle de la vie quotidienne des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Votre plan Santé mentale comprend-il une baisse de leurs charges ou une rémunération au juste prix ?
Mme Ayda Hadizadeh
Vous mélangez tout !
Mme Farida Amrani
Je vous inviterai à faire un stage !
Mme Joëlle Mélin
Stoppera-t-il les fraudes ou les gabegies ? Rendra-t-il notre système plus juste ? Même les agences de notation s’inquiètent : la note de la France va, encore une fois, être dégradée.
Or que fait le président Macron ? Il dissout l’Assemblée nationale, lançant ainsi une grenade à fragmentation. Pour quelle raison ? Cacher le déficit des comptes de la nation ou de la sécurité sociale ? « La vérité apparaîtra plus tard », a dit Bruno Le Maire, lui qui a laissé filer la dette jusqu’au surendettement. La moindre ménagère de plus de 50 ans sait parfaitement que le surendettement est rarement réversible.
M. Christophe Bex
Quels clichés !
Mme Joëlle Mélin
Aujourd’hui, on nous dit qu’il manque 60 milliards dans les comptes et que la sécurité sociale doit contribuer à l’effort. Cela signifie, en clair, dans notre système français conventionnel : plus de taxes, plus de cotisations, plus de renoncement aux soins, encore moins de remboursements pour les Français, toujours plus de contraintes et de baisses d’honoraires pour les soignants, toujours plus d’austérité pour les établissements d’hospitalisation et les Ehpad.
Mme Ségolène Amiot
Il fallait voter avec nous pour les 60 milliards supplémentaires !
Mme Joëlle Mélin
Et si les caisses faisaient leur part du travail ? La Cnaf a perdu 5,8 milliards d’euros en 2022 et 3,8 milliards en 2023 à cause de la non-récupération des indus ; un flou total entoure des dépenses de la branche maladie à hauteur de 5,5 milliards ; une retraite liquidée sur huit et un dossier d’allocations familiales sur sept comportent une erreur. À l’arrivée, on note un écart de 10,8 milliards entre les prévisions pour 2023 et les rectifications nécessaires.
Votre projet ne mérite même plus de commentaire tant il est insincère – il ne propose en outre aucune solution pérenne. Cette année, vous accordez à l’Acoss un plafond de 65 milliards d’emprunts, soit 20 de plus que l’an dernier. De qui se moque-t-on ? Vous avez par ailleurs le culot d’affirmer, dans l’article liminaire du PLFSS, que le déficit est contenu par un excédent virtuel d’une caisse d’apurement de la dette.
La totalité du PLFSS pour 2025 est donc une diagonale du fou. Les protocoles de plans de financement sont bien rodés mais le doute sur la réalité des chiffres ne permet pas d’avancer. Le point de déséquilibre est atteint et la diagonale se brise.
Pourtant, avec 644 milliards d’euros mis au pot cette année, nous devrions bénéficier d’une médecine et d’un hôpital de qualité, constater une embellie de la natalité, une politique de l’emploi florissante, une politique du grand âge à la hauteur de ce que nous devons à nos aînés et une franche sérénité concernant notre système de retraites.
Hélas, le président Macron a la fâcheuse habitude de casser tout ce qu’il touche avec un mépris et une incohérence qui, à l’aune de la priorité que représente la santé mentale, peuvent en interroger plus d’un. Selon nous, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale cassera un peu plus notre système de santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Stéphanie Rist.
Mme Stéphanie Rist
Aurait-on pu imaginer un examen en commission des affaires sociales plus consternant ? Au terme de cinq jours de débats, nous avons assisté à un détricotage minutieux du texte, au cours duquel les oppositions ne se sont pas encombrées d’un quelconque esprit de responsabilité.
L’amortissement d’une dette sociale qui aura un impact sur les générations futures constitue pour les oppositions un enjeu secondaire ; elles ont donc supprimé ce qui allait dans ce sens.
M. Thibault Bazin
Elle a raison !
Mme Stéphanie Rist
D’autre part, la maîtrise des dépenses sociales, les 13 milliards de fraude sociale ou encore l’explosion de 10 milliards des indemnités journalières restent des sujets tabous pour les oppositions.
Quant à l’Ondam, essentiel pour financer nos hôpitaux et notre système de santé, il est balayé.
À l’inverse, les oppositions, jamais rassasiées en matière de taxes, nous en resservent pour environ 60 milliards.
M. Jérôme Guedj
C’est faux et vous le savez !
Mme Stéphanie Rist
Nous devrions pourtant examiner avec plus de gravité un budget de 662 milliards d’euros dédiés à la protection de nos concitoyens. Nous parlons ici de la moitié de la dépense publique et du tiers de notre richesse nationale. Je pense aussi aux 263,9 milliards consacrés à l’Ondam, en hausse de 9 milliards – alors qu’il avait déjà augmenté de 54 milliards depuis 2017.
Vous pouvez constater avec nous que nous sommes loin de l’austérité brutale que certains évoquent avec assurance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Philippe Vigier applaudit également.)
M. Damien Maudet
Ils sont deux à y croire !
Mme Stéphanie Rist
Avec gravité, il faut aussi regarder en face le montant de la dette sociale et l’inquiétude qui pèse sur une éventuelle impasse de financement. Il y va de la pérennité de notre système de protection sociale.
Face à ce constat, le groupe Ensemble pour la République soutient résolument la trajectoire de réduction des déficits publics voulue par le Premier ministre et son gouvernement.
Au-delà des réformes structurelles à mener, nous continuons à avoir la conviction que la première de nos priorités doit être la croissance et le taux d’emploi, seuls à même d’améliorer l’état de nos comptes sociaux.
Pour favoriser le travail et la compétitivité de nos entreprises, il est donc urgent de remettre sur le métier l’ouvrage que constitue la réforme de l’assurance chômage.
M. Thibault Bazin
Elle a raison !
Mme Stéphanie Rist
Cette dernière permettra de réaliser 3,5 milliards d’euros d’économies et de créer 90 000 emplois.
Notre groupe regrette la baisse des allégements généraux prévue à l’article 6. Nous souhaitons la désmicardisation et la hausse des salaires, non la hausse brutale des charges, qui freinerait subitement la compétitivité de nos entreprises et porterait préjudice à l’emploi. Nous vous proposerons donc un amendement en ce sens.
La politique de l’apprentissage a permis de faire passer le nombre des apprentis de 300 000 à 850 000 en sept ans. C’est parce que nous tenons à cette politique que nous ne souhaitons pas pénaliser nos apprentis en les assujettissant à la CSG et à la CRDS, la contribution pour le remboursement de la dette sociale.
En revanche, nous nous félicitons que les engagements du précédent gouvernement en faveur de nos agriculteurs soient pleinement tenus dans ce PLFSS. Ce sont des mesures fondamentales pour leurs retraites mais aussi pour la généralisation du TODE.
À cet égard, je déplore l’enfermement idéologique de La France insoumise, qui défend à nouveau la suppression pure et simple de ce dispositif au mépris de la survie de l’activité de nos agriculteurs, dans le contexte actuel de crise climatique et économique.
L’autonomie des personnes âgées et handicapées constitue une deuxième priorité pour notre groupe et nous nous réjouissons que dans ce budget, il soit prévu de continuer d’investir pour elle.
En effet, ce PLFSS traduit financièrement nos engagements en faveur de la création et de l’indexation d’un tarif plancher pour le domicile ainsi que de la création de 50 000 solutions pour les personnes en situation de handicap.
Nous défendrons des amendements prévoyant un moratoire assurant le financement des Ehpad en difficulté et proposerons d’avancer la date de la généralisation de la réforme si attendue du financement de nos établissements.
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. Thibault Bazin
Nous aussi ! Quand les quatre groupes travaillent ensemble, c’est bien.
Mme Stéphanie Rist
Nous nous ferons aussi les promoteurs de la généralisation de Handigynéco, qui met à la disposition des femmes en situation de handicap un suivi gynécologique adapté.
Troisième priorité : la transformation de notre système de santé, en vue de laquelle notre groupe continuera de formuler des propositions, comme il le fait depuis sept ans.
Il convient de libérer du temps médical et de favoriser l’accès aux soins. Nous nous étions engagés à supprimer les certificats médicaux inutiles ou encore à généraliser la possibilité pour les infirmiers de signer les certificats de décès. Nous présenterons plusieurs amendements destinés à honorer ces engagements, parmi d’autres.
Puisque la santé mentale sera la grande cause nationale pour l’année 2025, nous entendons tenir la promesse faite par Gabriel Attal en janvier de refonder le dispositif Mon soutien psy. Après avoir augmenté le tarif de consultation pour limiter le reste à charge des familles, nous souhaitons supprimer définitivement le verrou que constitue l’obligation d’être préalablement adressé par un médecin, une sage-femme ou un médecin scolaire.
Pour lutter contre la fraude et réaliser des économies justes, notre groupe soutiendra pleinement les mesures relatives à la biologie, à l’imagerie médicale, aux transports sanitaires ou encore à l’intérim que prévoit le texte du Gouvernement.
Alors que le préjudice occasionné par les fraudes liées aux transports sanitaires est estimé à pas moins de 34 millions d’euros, nous vous proposerons d’aller plus loin, en prévoyant la facturation par géolocalisation des taxis – elle s’applique déjà aux ambulanciers.
Nous vous proposerons également d’ouvrir le chantier urgent des affections de longue durée. Ce dispositif n’a pas été réformé depuis 1986. Ne cessant de s’élargir, il concerne aujourd’hui plus 20 % de la population, pour un coût évalué à 12,3 milliards d’euros en 2021. Pour réformer les ALD et mieux tenir compte de l’évolution des pathologies, nous prônerons la création de deux niveaux de prise en charge différenciés.
Enfin, toujours en vue de transformer notre système de santé, je vous proposerai de lancer deux réflexions.
La première a trait au financement de la prévention.
M. Philippe Vigier
Très bien !
Mme Stéphanie Rist
Puisque les dépenses qui lui sont consacrées relèvent avant tout de l’investissement, il conviendrait que le Gouvernement prépare sa sortie du champ de l’Ondam.
La seconde réflexion concerne les charges financières et administratives pesant sur les établissements publics de santé. Afin qu’ils retrouvent souffle et autonomie, ils devraient pouvoir expérimenter, s’ils le souhaitent, la transformation de leur statut.
M. Gabriel Attal
Elle a raison !
Mme Stéphanie Rist
Dans un contexte marqué par une transition épidémiologique, par le vieillissement de la population et l’augmentation des pathologies chroniques et des polypathologies, nous avons la conviction que le financement de notre système de protection sociale est arrivé au bout d’un cycle.
Pour relever ce défi, nous ne sommes partisans ni de la décroissance ni de la hausse infinie des prélèvements et des cotisations.
M. Roland Lescure
C’est bien vrai, ça !
M. Pierre Cordier
Si on m’avait dit un jour que j’applaudirais Stéphanie Rist !
Mme Stéphanie Rist
Nous voulons appliquer des réformes de justice qui garantiront à terme la soutenabilité de notre système de protection sociale, pour tous nos concitoyens.
Dans ce contexte, le groupe Ensemble pour la République sera un soutien, certes exigeant, de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. le président
La parole est à Mme Zahia Hamdane.
Mme Zahia Hamdane
Disons-le sans détour : la sécurité sociale ne représente pas un coût ; c’est un investissement pour notre avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Chaque euro injecté dans notre système de protection sociale est bien plus qu’un chiffre dans un tableau comptable : c’est le symbole de notre engagement en faveur de la cohésion sociale et des droits universels.
Assurer à chacune et à chacun des soins de qualité, sans risque de précarité, c’est la garantie d’une société plus juste. Une population en bonne santé contribue activement à l’économie, renforce le tissu social et soutient notre démocratie. Ce n’est donc pas seulement un choix social, mais un choix stratégique.
Pourtant le PLFSS pour 2025 que vous nous présentez procède d’une logique destructrice et calculatrice.
M. Louis Boyard
C’est vrai !
Mme Zahia Hamdane
Ce texte, déjà rejeté en commission des affaires sociales, traduit une dangereuse dérive vers la marchandisation des soins, avec pour conséquence l’abandon des plus vulnérables aux lois impitoyables du marché, au bénéfice d’une minorité : celle des ultrariches. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Louis Boyard, rapporteur
C’est encore plus vrai !
Mme Zahia Hamdane
En prolongeant des dettes sociales absurdes et en imposant des coupes claires dans les budgets essentiels, vous hypothéquez l’avenir même de notre solidarité nationale, laissant un fardeau insupportable aux générations futures. (Mêmes mouvements.)
Mme Marie Mesmeur
C’est vrai !
Mme Zahia Hamdane
Cette approche, bien plus qu’un calcul comptable, reflète un choix politique d’une gravité extrême, qui met en péril notre modèle social. Loin de traiter la santé comme un droit, ce projet fait d’elle un privilège.
M. Louis Boyard, rapporteur
C’est vrai !
Mme Zahia Hamdane
En comprimant les financements destinés aux établissements de santé, vous videz encore davantage les déserts médicaux, laissant à l’abandon ceux qui n’ont pas les moyens de se tourner vers le secteur privé.
C’est une trahison des principes fondamentaux de notre république, qui garantissent à chacun un accès égal à la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Cette logique, qui fait la part belle à l’austérité, porte un coup terrible à notre cohésion sociale et réduit notre système de santé à une variable d’ajustement budgétaire, une ligne comptable parmi d’autres.
La logique austéritaire de ce gouvernement a pour fin la disparition de toute trace de justice sociale au sein de notre modèle économique, alors même que les crises successives rendent indispensable la protection des Français. Il s’agit bien de vies humaines, de citoyens qui y ont droit ! Ce droit nous oblige tous ! Mais au lieu de renforcer la sécurité sociale, ce gouvernement choisit de l’affaiblir, au mépris des leçons qu’il pourrait tirer de ces crises.
Dès lors, vous ne serez pas surpris par notre analyse : vous appliquez une stratégie de régression sociale, aux termes de laquelle la précarité des uns finance les privilèges des autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Eliane Kremer
Oh là là !
Mme Zahia Hamdane
Votre choix politique n’est pas neutre : il traduit un mépris profond, une volonté d’abandon institutionnel qui menace les droits sociaux des plus vulnérables.
Mme Marie Mesmeur
Bravo !
Mme Zahia Hamdane
Ce mépris est documenté, comme en témoigne le rapport d’ATD Quart Monde relatif à la maltraitance institutionnelle, à la remise duquel j’ai eu l’honneur d’assister. Ce document est implacable. Vous ne pouvez pas dire le contraire. Il met en lumière la manière dont les politiques de réduction budgétaire infligent à nos concitoyens les plus précaires des conditions de vie indignes et des traitements dégradants.
Car la réalité que ces chiffres décrivent n’est pas seulement celle des longues files d’attente aux urgences ou des services réduits. C’est celle d’un abandon humain : des vies sacrifiées, des familles qui souffrent, des jeunes qui n’ont plus d’accès à des soins décents, des aînés qui meurent dans la solitude et dans le dénuement, car les services publics ne comblent plus les besoins fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous ne pouvons laisser notre république sociale se déliter ainsi, perdre sa raison d’être sur le fondement d’arguments financiers fallacieux. Ce que nous défendons ici dépasse les lignes budgétaires : c’est la dignité humaine et l’idée fondamentale que chacun a droit à la santé, indépendamment de son lieu de vie ou de ses revenus. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Une responsabilité historique pèse sur nous ! Ne laissons pas le PLFSS pour 2025 graver dans le marbre l’abandon de notre modèle social. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Réaffirmons ensemble et avec force que la santé et la protection sociale sont des droits inaliénables. Que notre sécurité sociale soit le symbole vivant de notre engagement pour la justice, la solidarité et l’égalité !
« Cotiser selon ses moyens et recevoir selon ses besoins. » Voilà qui doit être notre principe inconditionnel. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent longuement. – Mme Sandrine Runel et M. Arnaud Simion applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Béatrice Bellay.
Mme Béatrice Bellay
À l’occasion de l’examen de la motion de rejet, nous avons eu le plaisir certain de voir enfin les visages de nos collègues députés de la majorité présidentielle et de leurs amis de la Droite républicaine. C’étaient des visages reposés par la semaine de congé qu’ils s’étaient accordée (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC),…
M. Thibault Bazin
Ne mentez pas, on était là !
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Nous sommes là pour travailler !
Mme Béatrice Bellay
…tandis que nous nous sacrifiions pour la patrie, répondant à l’obligation qui nous était faite d’étudier le PLF pour 2025.
C’est bien dommage, ce plaisir était éphémère car, alors que commence l’examen du PLFSS, leurs bancs sont à nouveau déserts. Ils sont déjà repartis, tournant le dos une fois encore, une fois de trop, à la justice sociale que nous réclamons de nos vœux !
Je me tiens devant vous pour parler d’un sujet qui nous concerne tous : le PLFSS présenté par le Gouvernement. Comme tant d’autres, ce projet semble s’attaquer aux plus vulnérables afin de combler un déficit que le Gouvernement a lui-même créé. Pas un, pas une d’entre nous ne l’a trouvé équilibré, ni ne l’a accepté, même après des heures et des heures de débat.
Il est crucial de rappeler que la sécurité sociale est un pilier de notre modèle social. Elle doit garantir l’accès aux soins de tous, protéger les plus démunis et assurer une certaine justice sociale.
Pourtant, le PLFSS que nous propose le Gouvernement est celui de l’austérité ! Il met en lumière une volonté de réduire les dépenses sociales au détriment des plus faibles et de la santé et de la sécurité sanitaire de nos compatriotes.
Mes collègues socialistes m’ont confié le soin de parler des pays des océans. Aucun d’entre vous, en dehors de nos collègues de gauche, n’a daigné en faire mention. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NFP.)
Quel drame ! Il suffit d’examiner votre Ondam pour comprendre que nos hôpitaux asphyxiés mourront étouffés !
M. Alexis Corbière
Exactement !
Mme Béatrice Bellay
Que nos déserts médicaux ne seront pas repeuplés ! Que nos luttes contre le cancer et les effets délétères du chlordécone seront vaines, ou du moins que le Gouvernement n’entend pas nous aider à les mener ! Nous ne pouvons l’accepter !
Cela soulève une question évidente : pourquoi continuer à faire payer ceux qui souffrent le plus, alors que d’autres voies demeurent inexplorées ? Tout au long de nos débats, nous en avons pourtant proposé quelques-unes, telles la lutte contre l’évasion fiscale ou l’optimisation des dépenses publiques.
Il est important de noter que les choix budgétaires du Gouvernement ne sont pas neutres. Comme l’a indiqué notre collègue Zahia Hamdane, ils révèlent une idéologie qui privilégie le profit et la compétitivité économique au détriment de la solidarité que nous devons à chacun de nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
À l’instar de notre collègue Jérôme Guedj, je crois qu’il est temps de réclamer une politique de financement juste, équitable et qui serve les intérêts de tous, pas seulement de quelques-uns.
Je me dois d’évoquer, parce que ce sont des cas que nous côtoyons tous les jours malheureusement chez nous, de ces parcours de santé ratés : ainsi, pour un cancer de la prostate, c’est huit mois d’attente pour un rendez-vous… Je me dois donc d’évoquer ces chances ratées, ces familles brisées par la mort de leur proche, et aussi de ces personnes âgées qui, faute de médecins, meurent dans les couloirs. C’est notre réalité quotidienne dans les territoires des océans. Comment parler de ces parents désemparés de devoir quitter leur famille pour accompagner leurs enfants qui subissent des soins ici, loin des leurs, sans qu’aucune fois ou que très rarement le système ne leur soit favorable et ne leur facilite la vie ?
M. Alexis Corbière
C’est vrai.
Mme Béatrice Bellay
Nous réclamons que ce soit le cas désormais et c’est ce que nous vous avons proposé dans plusieurs de nos amendements.
M. Alexis Corbière
Tout à fait.
Mme Béatrice Bellay
Pour conclure, je vous appelle à la mobilisation ! Exigeons un PLFSS qui respecte les valeurs de solidarité et d’entraide, et qui ne laisse personne sur le bord du chemin. La santé et la sécurité sociale ne devraient jamais être considérées comme des charges, mais comme des droits fondamentaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Paul-André Colombani.
M. Paul-André Colombani
Tout observateur de la vie politique savait depuis le lendemain des élections législatives anticipées qu’en l’absence de majorité claire au sein de notre assemblée, l’examen du PLF et du PLFSS pour 2025 serait un véritable crash-test pour le Gouvernement…
Sans grande surprise, le projet de loi de financement de la sécurité sociale proposé par le gouvernement Barnier est sorti de piste dès le premier virage : le texte a fini par être rejeté à l’unanimité par la commission des affaires sociales. C’est probablement une première dans l’histoire de la Ve République ; l’illustration parfaite de la situation de blocage dans laquelle nous nous trouvons.
Il faut dire que le texte qui nous a été soumis n’a pas pour ambition de résoudre la quadrature du cercle… Il n’a d’ailleurs aucune réelle ambition, sinon celle d’éviter le dérapage incontrôlé : un PLFSS pour le moins succinct, sans réelles mesures pour répondre au contexte dégradé des comptes de la sécurité sociale ; pas de réforme de fond, pas de solutions structurelles. Voilà un texte qui ne tranche pas vraiment avec la politique menée depuis sept ans et ne rompt pas avec les méthodes des gouvernements précédents.
Le groupe LIOT ne pourra se satisfaire de cet état de fait.
Et pour cause, car là où nous réclamions plus de justice sociale, vous proposez une rigueur budgétaire qui s’opérera au détriment des plus modestes et des plus fragiles ; là où nous réclamions un soutien massif aux hôpitaux publics écrasés par le poids de leur déficit, vous proposez une stagnation de l’Ondam ; là où nous réclamions une simplification administrative pour libérer du temps médical, vous proposez d’accroître encore davantage la complexité administrative imposée aux médecins.
Certes, nous recevons favorablement la mesure d’alignement des cotisations des non-salariés agricoles sur celles des travailleurs indépendants, ce qui permettra l’amélioration de leurs pensions, tout comme nous saluons la décision d’autoriser les jeunes agriculteurs à cumuler l’exonération partielle de leurs cotisations sociales avec les mécanismes de réduction des taux de cotisation d’allocations familiales et de cotisation d’assurance maladie. Mais tant de sujets manquent à l’appel qu’il est difficile de se contenter de si peu.
Quid de l’amélioration de l’accès aux soins, qui est une priorité majeure ? Non seulement l’accès aux soins n’est pas une priorité de ce texte succinct, mais ce dernier prévoit des mesures qui pourraient le fragiliser : c’est le cas de l’évolution du ticket modérateur évoquée par mon collègue Laurent Panifous, qui impliquera une augmentation du non-recours aux soins. De plus, le relèvement des franchises et participations forfaitaires, entré en vigueur en 2024, continuera à monter en charge, constituant davantage encore un frein financier à l’accès aux soins. Et qu’il s’agisse des mesures relatives aux transports sanitaires ou à la pertinence des prescriptions, toutes répondent à la même logique : limiter les coûts en prenant le risque de fragiliser la santé des patients, sans mener des réflexions profondes sur les difficultés d’accès aux soins.
Je regrette, comme chaque année, l’absence de prise en compte des surcoûts structurels pour les territoires ultramarins et en Corse, dont les coefficients géographiques sont obsolètes et dont les hôpitaux sont aujourd’hui dans une grande souffrance.
Pour conclure, ce PLFSS pour 2025 nous laisse un goût amer. Il aurait dû être une main tendue aux différentes sensibilités qui composent cet hémicycle afin de dégager un compromis salutaire. Or non seulement il n’atteint pas cet objectif, mais il semble cristalliser toutes les tensions qui rendent irréconciliables les positions des uns et des autres. Il est encore temps de revoir la copie et de proposer des mesures qui tiennent compte de la situation budgétaire dégradée tout en préservant la qualité de l’accès aux soins pour les populations les plus fragiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Damien Maudet.
M. Damien Maudet
Madame la ministre de la santé, avec ce budget, vous ne servirez à rien. (M. Jean-Claude Raux applaudit.) Vous êtes la huitième ministre de la santé sous Emmanuel Macron en seulement sept ans, huit ministres et une dégradation continue du système de santé, et comme vos prédécesseurs, avec un budget pareil, vous ne servirez à rien.
M. Jean-Claude Raux
Exactement.
M. Damien Maudet
En audition, vous avez dit : « Posons-nous des questions simples : où en sommes-nous ? Où allons-nous ? » Vraiment, sept ans de pouvoir pour se demander où nous en sommes ? Je vais vous répondre.
Où en sommes-nous financièrement ? Eh bien, depuis trente ans, l’hôpital et la santé sont volontairement sous-financés, les hôpitaux cumulent 30 milliards d’euros de dettes… et vous ne financez pas. Où va-t-on avec ce budget ? Dans le mur. C’est ce que dit d’ailleurs Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France, pourtant lui-même macroniste : « la situation budgétaire de l’hôpital public n’a jamais été aussi dégradée. » L’an passé, il manquait 4 milliards d’euros pour le budget ; aujourd’hui, le budget a été rejeté à l’unanimité en commission des affaires sociales ! (Applaudissements les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.) Madame la ministre, il faut bien se rendre à l’évidence : avec ce budget, vous ne servirez à rien.
Où en sommes-nous avec les soignants ? Ils souffrent… ou partent. Ils aiment leur métier, mais ont du mal à l’exercer encore. C’est Clarisse, de Villejuif : « Je veux y rester, mais ça va être dur. J’ai 28 ans, il va falloir que je choisisse. Est-ce que je dois sacrifier l’idée d’avoir une vie de famille, ou continuer le travail que j’aime ? Et quand t’es en repos, t’es K.O. Le sommeil est complètement cassé. Pas une journée sans entendre une collègue qui se plaint de son mal de dos. » C’est Kevin, de Rennes : « J’ai vu tellement de collègues quitter le service, quitter l’hôpital ou carrément arrêter le métier car ils n’y arrivaient plus. » Et qu’a-t-il été fait dans ce budget pour que les soignants restent ? Rien ! Et que proposez-vous aujourd’hui pour les faire rester ? Rien ! Sur la période de 2020 à 2022, on compte 50 000 postes d’infirmières vacants supplémentaires.
Où en est-on dans les services ? Les urgences et les services sont totalement saturés alors que 460 maternités sont en situation de fermeture partielle, deux services d’urgence sur trois ont fermé au moins une fois cet été, à Saint-Junien, à Niort, à Draguignan et dans bien d’autres villes. Caroline Brémaud, ancienne chef des urgences de Laval, nous explique : « Fermé-régulé, cela veut dire qu’il est interdit de prendre en charge les AVC la nuit. Alors, si les urgences sont régulées, tu vas dans d’autres urgences, à plus d’une heure de chez toi. »
M. Jérôme Guedj
Eh oui !
M. Damien Maudet
« Chaque minute perdue met le patient en danger. »
Et qu’en est-il dans les urgences qui sont ouvertes ? C’est la débandade : cinquante patients dans les couloirs de Limoges, dix heures d’attente pour voir un médecin dans un hôpital du Var….
Et qu’en est-il des bébés ? Même eux, on n’arrive plus à les soigner. Emmanuel Macron a demandé à tous les Français de faire plus d’enfants… Mais avons-nous les moyens de les soigner ? En vingt ans, notre pays est passé de la troisième à la vingtième place en ce qui concerne la mortalité infantile ; les enfants meurent plus en France que dans les autres pays à économie équivalente, soit un excès équivalent à quarante-huit classes de maternelle ! À Necker, on nous explique que depuis cet été, un enfant meurt tous les mois, faute de pouvoir être opéré du cœur.
Mme Murielle Lepvraud
Et on nous dit de ne pas faire de misérabilisme !
M. Damien Maudet
C’est un effondrement sanitaire sans précédent. Et voilà le système qu’on va vous demander de perpétuer, madame la ministre.
Où en sommes-nous ? disais-je. Nous sommes dans ce qui sera, je pense, le tabou du siècle.
Après une très grave dépression, Selim se retrouve aux urgences psychiatriques à Toulouse. Sa femme m’explique : « Tous les jours, les soignants ont fait des demandes de prise en charge ailleurs. Tous les jours, on me disait qu’il n’y avait pas de place. Il a attendu dans un box de consultation, où normalement on reste deux, trois jours. J’ai demandé une hospitalisation en service fermé, mais il n’y avait plus de place. J’ai essayé de contacter un médecin à Bordeaux, mais il n’y avait plus de place non plus. Et lors de sa neuvième nuit en box aux urgences, Selim s’est suicidé. Une semaine avant, les soignants ont alerté sur les conditions de travail et les conditions d’accueil. » Selim est donc parti, laissant sa femme et ses deux enfants. Les drames s’accumulent, comme pour Lucas dans le Var, comme pour Frances à Grasse et comme pour d’autres partout en France. Selon Samu-Urgences de France, en un mois, on compte 150 décès faute de prise en charge.
Des patients décèdent, faute de personnel. Il arrive ce qui doit arriver lorsqu’on asphyxie la santé et fait fuir les soignants, lorsque les services saturent. Je viens de vous dire très précisément où nous en sommes puisque vous posez la question. Voilà très précisément où vous et vos prédécesseurs nous avez menés depuis sept ans. Mais ce budget ne va pas servir à rien… Il va finir de nous envoyer dans le mur.
Nous n’avons plus de temps à perdre ! Nous allons discuter pendant des semaines d’un budget qui ne sauvera ni l’hôpital, ni les soignants, ni les patients… Vous nous faites perdre du temps. Mais nous allons nous battre pour que ce budget rende dignité aux soignants, aux patients et plus globalement aux Français. Nous allons nous battre pour que les professionnels de santé soient mieux rémunérés et qu’il puisse y avoir des ratios soignants-patients pour améliorer les conditions de travail. Nous allons nous battre contre votre volonté d’appauvrir les retraités. Enfin, nous allons nous battre pour que, dès ce budget, contre vous et vos alliés du Rassemblent national, la réforme des retraites soit abrogée.
Si vous n’avez pas de projet, madame la ministre, laissez-nous gouverner ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Sacha Houlié.
M. Sacha Houlié
Nous entamons le deuxième acte sur les trois que comporte le budget,…
M. Emeric Salmon
Ça va faire trois-zéro !
M. Sacha Houlié
…sans avoir terminé le premier. C’est comme si nous entamions la deuxième mi-temps avant d’avoir terminé la première, c’est-à-dire que cela n’a pas beaucoup de sens.
La semaine dernière, j’ai qualifié d’indigeste cette copie du PLFSS que nous a présentée le Gouvernement, mais c’est dans son ensemble que le budget de la nation et des comptes sociaux peut être jugé sévèrement parce qu’il est insincère et donc mensonger, de l’aveu même des ministres qui en ont la charge, parce qu’il n’est pas cohérent et qu’il s’agit, au fond, d’un budget de court terme.
Un budget du mensonge, disais-je, parce que les seules modifications importantes par rapport au texte initial sont celles apportées par le Gouvernement. Pourquoi ces modifications ne figuraient-elles pas alors dans vos projets initiaux, qu’il s’agisse du PLF ou du PLFSS ? Le ministre de l’intérieur nous dit qu’il défendra un amendement budgétaire pour lutter contre l’immigration illégale alors que les crédits prévus sont en baisse ; le ministre de la justice garantit qu’il a obtenu les 500 millions d’euros manquants pour son budget par rapport à la loi de programmation ; la ministre de l’éducation nationale assure qu’il n’y aura pas 4 000 suppressions de poste pourtant annoncées. Quant à la fin des exonérations de cotisations, que le collectif social-démocrate soutient et qu’il veut étendre jusqu’à 2,5 Smic, on nous explique que vos députés, comme en commission, ne la voteront pas.
Mme Murielle Lepvraud
C’est honteux !
M. Sacha Houlié
Je passe sur les 5 milliards d’économies qui n’ont pas été précisées.
Et aujourd’hui, nous découvrons en ouvrant le journal que vous souhaitez ajouter des jours de carence pour les arrêts maladie des agents publics ainsi que réduire leurs indemnités. Même les économistes libéraux s’interrogent.
Est-il surprenant que les policiers nationaux ou municipaux soient plus souvent blessés que les salariés, que les Atsem – les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles –, les auxiliaires de puériculture et les enseignants en contact avec les enfants soient plus régulièrement malades, que les infirmiers et les aides-soignants soient particulièrement affectés par la charge massive de travail qui est la leur ? Pourtant, cela ne dérange personne de les pointer du doigt, en tout cas pas au Gouvernement ou dans la majorité, et de vouloir leur faire payer.
Cette annonce est d’ailleurs emblématique de la deuxième caractéristique de votre budget : il est incohérent. Je ne reviens pas sur les spécificités des arrêts de travail des agents publics que je viens d’évoquer, mais quelle cohérence entre cette annonce sur ces arrêts de travail et votre propre PLFSS qui, à l’article 28, propose que les crédits de la branche accidents du travail-maladies professionnelles augmentent de 6,3 % ? Autrement dit, vous constatez l’augmentation des risques liés au travail, mais vous sanctionnez les agents publics qui voient bien pourtant la même chose que vous.
L’incohérence est aussi présente à l’article 23 : vous avez défendu, et je l’ai soutenue, la contribution des particuliers à hauts revenus et des grandes entreprises, mais pourquoi avez-vous proposé, en ce cas, le report au 1er juillet de l’indexation pour tous les retraités ? Le collectif social-démocrate proposera, lui, le report de l’indexation sur l’inflation des seules pensions de retraite supérieures à 2 000 euros à la date fatidique que vous avez fixée.
Incohérente aussi est la politique du rabot puisque vous l’appliquez indistinctement à l’apprentissage alors même que vous dites promouvoir l’emploi. L’incohérence se loge également dans votre activisme dans le dossier Opella alors même que rien ne traduit, dans ces documents budgétaires, votre volonté d’assurer la souveraineté médicale de notre pays : pas de plan d’investissement, pas de stratégie industrielle, tout juste quelques lignes pour encadrer les professions qui innovent, comme dans le secteur de l’imagerie médicale où la France dispose d’un scanner de recherche de 13,7 teslas, et d’un scanner clinique de 7 teslas à Poitiers.
Tout cela masque de très rares bonnes idées telles que l’encadrement du transport sanitaire pour les taxis, que j’ai proposé en commission d’amplifier à nouveau, comme l’a dit ma collègue Stéphanie Rist.
Tout cela est aussi symptomatique du troisième défaut de votre PLFSS : être un budget de court terme. Ainsi, il ne prévoit rien de concret sur les enjeux à venir du grand âge, comme l’ont sans doute déjà souligné Mme Annie Vidal et M. Jérôme Guedj.
De court terme car il ne dit rien de l’ambitieuse réforme des retraites qu’il faudrait mener en instaurant un régime universel par points.
M. Jean-François Coulomme
Ah non ! Pas ça !
M. Sacha Houlié
C’est ce que le collectif social-démocrate a proposé avant que cette idée subisse le joug de l’article 40.
De court terme car il élude deux des thèmes majeurs des élections législatives de 2024 : l’accès aux soins et la désertification médicale. Il ne comporte rien sur la généralisation des services d’accès aux soins, rien sur l’accompagnement de la création de maisons de santé, rien sur la régularisation des personnels médicaux étrangers, rien au fond qui puisse constituer des solutions concrètes pour mieux se soigner.
De court terme enfin car on cherche encore vos réponses aux scandales qui ont récemment frappé les conditions d’accueil de nos aînés dans les Ehpad ou de nos enfants dans les crèches. La protection de ces publics dépendants et fragiles devrait pourtant être une priorité.
Un seul public peut se satisfaire de ce PLFSS : nos agriculteurs, qui voient progresser les exonérations de cotisations pour leurs salariés – lesquels, étrangers le plus souvent, mériteraient à ce titre une régularisation – et qui voient les promesses sur le mode de calcul de leurs retraites être enfin tenues.
Nous avons une semaine pour faire quelque chose de ce budget insincère, incohérent et court-termiste – en un mot : inconsistant. À moins, comme le bruit en court déjà, que vous comptiez vous dispenser de l’avis de l’Assemblée nationale. Cela serait à vos risques et périls. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. le président
La discussion générale est close.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra