Première séance du mardi 04 mars 2025
- Présidence de M. Roland Lescure
- 1. Questions orales sans débat
- Fonds d’urgence pour les viticulteurs
- Maternité de Sarreguemines
- Prime Ségur
- Hôpital de Remiremont
- Accès à la permanence des soins ambulatoires
- Établissements d’accueil du jeune enfant
- Ehpad de Montrevel-Foissiat
- Recrudescence des vols de voitures
- Sécurité dans le Cambrésis, le Caudrésis et le Catésis
- Lutte contre la délinquance
- Permis de conduire
- Grand cormoran
- Forêt de Montmorency
- Recensement de l’Insee
- Projets miniers
- Obligations environnementales et sociales des entreprises
- La Poste
- Fermetures de classes dans les zones rurales
- Accompagnants des élèves en situation de handicap
- Élèves en situation de handicap dans le Val-de-Marne
- Institut universitaire de technologie de Morlaix
- Enseignement supérieur privé à but lucratif
- Atelier industriel de l’aéronautique de Cuers-Pierrefeu
- Assainissement non collectif
- Aéroport d’Albert-Méaulte
- Gestion de l’eau dans l’Essonne
- Demandeuses d’asile afghanes
- Liaisons aériennes entre Paris-Orly et Toulouse et entre Paris-Orly et Carcassonne
- Aéroport de Bordeaux-Mérignac
- RN90
- Infrastructures de transport entre Grenoble et Gap
- Logement social
- Politique du logement
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Roland Lescure
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Questions orales sans débat
M. le président
L’ordre du jour appelle les questions orales sans débat.
Fonds d’urgence pour les viticulteurs
M. le président
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour exposer sa question, no 179, relative au fonds d’urgence pour les viticulteurs.
M. Jean-René Cazeneuve
La viticulture est un moteur de l’agriculture française, en particulier à l’exportation. Les vignobles français ont souffert des récents aléas climatiques et j’appelle votre attention, madame la ministre de l’agriculture, sur la situation des vignobles de Gascogne, qui produisent des vins d’excellence bien connus – Côtes de Gascogne, Armagnac, Floc de Gascogne, Madiran, et j’en passe. Ces trois dernières années, ces vignobles ont terriblement souffert de la grêle, du gel, de l’excès d’eau et du mildiou, qui ont entraîné une baisse significative de leur production. Les pertes pour les seuls vignobles de Gascogne sont évaluées à 25 millions d’euros en 2024. Même si une partie importante des surfaces viticoles sont couvertes par un contrat d’assurance, cela ne suffit pas à compenser l’ampleur des pertes. Derrière chaque bouteille se trouvent des vignerons passionnés qui se battent pour leur survie.
Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour l’année 2024, nous avons adopté un amendement, déposé à mon initiative, qui visait à instaurer un fonds d’urgence de 20 millions à destination des viticulteurs frappés par les aléas climatiques et qui rencontrent des problèmes de trésorerie. Quand et comment sera déployé ce fonds dont le Parlement a approuvé la création ? C’est ma première question.
Deuxièmement, à la suite de l’adoption récente de la loi de finances pour 2025 – adoption si récente qu’elle vous empêche peut-être de disposer d’ores et déjà des éléments nécessaires pour me répondre –, je voudrais me faire le porte-parole des coopératives agricoles françaises, qui souffrent des difficultés rencontrées par leurs adhérents et qui ont besoin de se restructurer. Comment, à moyen terme, accompagner ces coopératives dans leur restructuration ? J’avais déposé, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, un amendement qui tendait à allouer 10 millions à la restructuration des caves coopératives et qui avait été retenu par la commission mixte paritaire. Quelle réponse entendez-vous apporter à ces coopératives ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Je suis tout à fait consciente de la situation dans laquelle se trouvent nos viticulteurs et vous connaissez mon attachement à cette filière. Je vous y sais également attaché, vous dont le département est très agricole ; mon cabinet vous a d’ailleurs reçu récemment pour évoquer plusieurs sujets, dont celui de la viticulture.
Pour venir en aide à la filière viticole, nous avons pris de nombreuses mesures d’aide : nous avons par exemple créé, en février 2024, un fonds d’urgence de 80 millions d’euros, et nous avons obtenu, à l’initiative de mon prédécesseur, Marc Fesneau, le feu vert de Bruxelles pour réaliser la réduction du potentiel viticole, réclamée par la profession, à hauteur de 120 millions d’euros. La semaine dernière, lors du Salon de l’agriculture, j’ai annoncé un fonds de 10 millions d’euros pour venir en aide aux jeunes viticulteurs, qui, plus encore que les autres, sont frappés par les aléas climatiques et doivent être aidés dans les premières années sensibles de leur installation.
Enfin, outre ces mesures conjoncturelles, j’ai décidé de prendre des mesures d’aide structurelles. Ainsi, le premier contrat d’emprunt de long terme, garanti à 70 % par l’État, a été signé au Salon de l’agriculture, comme je m’y étais engagée. Par ailleurs, la loi de finances de fin de gestion pour 2024 a ouvert, au programme 149, les 20 millions d’aides à destination des viticulteurs que vous avez permis d’obtenir par votre amendement. Ces crédits, compte tenu de la censure et du report de l’adoption de la loi de finances, n’ont pas pu être consommés en 2024 et seront reportés en 2025, comme je l’ai instamment demandé. Vous pouvez joindre la voix du Parlement à la mienne, cela ne fera pas de mal. Je suivrai avec beaucoup d’attention l’affectation de ces crédits et vous pouvez compter sur moi pour veiller à la bonne utilisation de ces fonds dans les tout prochains mois.
S’agissant des coopératives agricoles, un problème se pose incontestablement. Vous avez mentionné, à juste titre, le travail de restructuration à mener avec elles, ainsi que les 10 millions destinés à les y aider obtenus à la suite de l’adoption de votre amendement. Nous allons entamer ce travail avec les coopératives et votre contribution sera la bienvenue. Outre la question budgétaire se pose celle de la manière dont doit être conduite cette restructuration. Nous devons en définir les contours avec les coopératives elles-mêmes, qui doivent nourrir un projet pour lequel nous affecterons ces moyens. Ce travail préalable est nécessaire avant d’apporter un soutien budgétaire. Vous pouvez compter sur moi : les coopératives viticoles constituent l’une de mes priorités.
M. le président
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Merci pour ces réponses concrètes qui seront appréciées par la profession. Joël Boueilh, président des Vignerons coopérateurs de France, sera ravi de participer à ces échanges et de vous proposer des solutions. Soyez convaincue que les parlementaires sont, avec les viticulteurs, des passionnés qui défendront l’image de marque de notre pays : la viticulture représente, au-delà de la gastronomie, un élément de la culture française.
Maternité de Sarreguemines
M. le président
La parole est à M. Pascal Jenft, pour exposer sa question, no 195, relative à la maternité de Sarreguemines.
M. Pascal Jenft
Monsieur le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, je souhaite vous alerter sur le sort des petites maternités. La fermeture des maternités dans les territoires pose un risque de crise sanitaire et d’atteinte à l’égalité républicaine. Ce phénomène intervient dans un contexte de baisse de la natalité – dont le taux s’établit à 1,68 enfant par femme –, qui constitue un nouveau défi à relever afin d’assurer le renouvellement des générations et la pérennité du modèle social français.
Pour accueillir de nouvelles naissances, il faut un système de santé efficace, sûr et accessible. La Cour des comptes a publié, le 6 mai 2024, un rapport relatif à la politique de périnatalité qui souligne les résultats médiocres de la France en la matière, en comparaison de ses voisins européens. Le taux de mortinatalité – qui désigne les enfants nés sans vie après six mois de grossesse – s’élevait à 3,8 % entre 2015 et 2020, soit le taux le plus haut d’Europe. Avec un fonctionnement similaire à celui de l’Italie ou de la Finlande, 40 % des décès auraient pu être évités, ce qui représente plus de 2 000 vies sauvées. S’agissant de la mortalité maternelle, qui est plus rare, on estime que plus de 60 % des décès pourraient être évités, chaque année, si les soins étaient toujours optimaux et fonctionnels.
Conformément à l’article R. 712-88 du code de la santé publique, adopté en 1998, les maternités réalisant moins de 300 accouchements par an ne peuvent poursuivre leur activité, hors dérogation spéciale, pour des raisons de sécurité. La logique de cette réglementation est curieuse puisqu’elle consiste à considérer que plus l’activité d’une maternité est élevée, plus elle est apte à soigner des cas difficiles, multiples ou imprévus. Or, en France, le taux de mortalité infantile est en hausse depuis 2012, après plus d’un siècle de chute. Depuis 2024, la Cour des comptes préconise de suivre l’activité des maternités réalisant moins de 1 000 naissances par an afin de déterminer leur degré de sécurisation et de décider de l’opportunité de poursuivre ou non leur activité. Si le suivi de ces maternités est légitime et souhaitable, il serait dangereux de les fermer ou de leur interdire de pratiquer l’obstétrique.
Dans ma circonscription, en Moselle, la maternité de Sarreguemines, classée en niveau 1, a vu son activité chuter de 990 naissances en 2012 à 381 naissances en 2024. Si elle venait à fermer, il faudrait aux habitants de Walschbronn plus d’une heure de route pour se rendre dans la maternité la plus proche, et bien davantage en cas d’intempéries. La menace de fermeture qui plane sur cette maternité inquiète les habitants de ma circonscription. À juste titre, puisque l’accès rapide à une maternité est un gage de sécurité : chaque kilomètre supplémentaire à parcourir constitue un risque pour les femmes enceintes. De plus, la baisse des naissances à la maternité de Sarreguemines n’est pas uniquement due à l’évolution démographique du territoire. En effet, l’instabilité chronique des équipes médicales, notamment des gynécologues, fragilise l’offre de soins et pousse des patientes à se rendre dans une autre maternité.
Que ce soit en conséquence du choix des patientes ou à cause d’une fermeture de maternité, le report des naissances sur les grandes structures risque de faire peser une pression supplémentaire sur le personnel et sur les sages-femmes qui y travaillent, dégradant ainsi leurs conditions d’exercice et restreignant le temps accordé à chaque patiente. Si une forte activité permet de maintenir un niveau de sécurité satisfaisant, une trop forte demande pourrait se révéler néfaste et accroître le risque d’erreur médicale, d’autant plus que les sages de la rue Cambon ne cessent de souligner la dégradation des conditions de travail des soignants.
Plus encore, fermer les petites maternités reviendrait à priver les zones rurales d’un accès à la santé et à abandonner des milliers de Français. Ne vaudrait-il pas mieux leur donner les moyens de poursuivre leur activité en toute sécurité grâce à davantage de personnel, à des formations spécifiques et à une meilleure répartition des patientes ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer les résultats des maternités qui accueillent moins de 1 000 naissances par an et ainsi éviter leur fermeture ? Les Français ne réclament pas un luxe, seulement le droit de pouvoir donner la vie dans la dignité. Soutiendrez-vous la France des familles ?
Enfin, face à l’inégalité de l’accès aux soins dans les territoires ruraux et au risque accru pour les femmes enceintes et leurs nouveau-nés, vous engagez-vous à maintenir la maternité de Sarreguemines ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, qui devra se montrer efficace puisqu’il lui reste moins d’une minute trente pour répondre à ces nombreuses questions.
M. Pascal Jenft
Excusez-moi !
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Vous posez, au fond, la question de l’accès aux soins et aux maternités. La difficulté est d’arbitrer entre la proximité – pouvoir accoucher près de chez soi dans de bonnes conditions – et la sécurité. Personne ne souhaite ici que sa femme, sa sœur ou sa fille accouche dans une maternité dont le niveau de sécurité ne permet pas une prise en charge correcte.
En ce qui concerne la maternité de Sarreguemines, je tiens à vous rassurer : il n’est pas prévu de modifier le seuil de 300 naissances garantissant le maintien de son activité. Chaque fois qu’une maternité ferme, c’est en raison non d’une volonté politique, mais d’un manque de soignants. Il faut donc semer pour récolter, c’est-à-dire former davantage de soignants, ce qui prend du temps. Il convient notamment de former davantage de médecins, afin d’obtenir un nombre suffisant de pédiatres, de gynécologues et de gynécologues-obstétriciens, mais aussi davantage de sages-femmes et d’infirmières.
La loi de finances pour 2025 consacre 215 millions d’euros supplémentaires pour former, en lien avec les régions, des professionnels de santé paramédicaux. Nous allons également essayer d’augmenter les effectifs d’étudiants en médecine dans nos facultés.
Prime Ségur
M. le président
La parole est à M. Fabrice Roussel, pour exposer sa question, no 198, relative au financement de l’extension de la prime Ségur.
M. Fabrice Roussel
L’été dernier, le gouvernement démissionnaire a rendu effective l’extension de la prime Ségur aux salariés du secteur sanitaire, social et médico-social privé. C’est une réponse à l’injustice qui pénalisait jusqu’ici les plus bas salaires. Je tiens à saluer l’engagement de ces salariés et de leurs structures.
Depuis l’arrêté du 6 août 2024, les salariés à temps plein du secteur sanitaire, social et médico-social privé bénéficient donc d’une prime mensuelle de 183 euros net, qui représente pour l’employeur un montant de 248 euros brut par salarié, hors charges patronales.
Toutefois, la mise en œuvre concrète de cette mesure se heurte à une difficulté majeure : aucune garantie n’a été donnée aux associations quant à la compensation financière de cette prime par l’État. Or ces structures ne disposent pas de fonds propres et doivent gérer des budgets déjà insuffisants pour remplir leurs missions de service public. Sans compensation, ces associations risquent de devoir procéder à des licenciements économiques, de geler des recrutements, voire de fermer certaines structures.
L’application immédiate de la prime Ségur, avec effet rétroactif au 1er janvier 2024, place ainsi les associations dans une situation critique. Ce secteur, que des moyens et des effectifs insuffisants mettent déjà sous tension, va rencontrer davantage de difficultés à remplir ses missions et à préserver son attractivité. Sur le long terme, une telle fragilisation entraînera l’apparition de zones blanches en matière d’accès au droit, au détriment, d’abord, des femmes et des publics les plus vulnérables.
Quand l’État prendra-t-il enfin ses responsabilités et financera-t-il cette prime afin d’éviter une crise majeure dans l’accompagnement des personnes en difficulté ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Le paysage conventionnel de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale privée à but non lucratif se caractérise par ses nombreuses fédérations professionnelles et ses nombreuses conventions collectives, applicables à une multitude d’acteurs. Cette situation rend difficilement lisible l’harmonisation des conditions d’emploi et le renforcement de l’attractivité d’un secteur dans lequel, par ailleurs, un salarié sur cinq n’est pas couvert par une convention collective.
Les négociations engagées par les représentants de la branche à l’été 2022 ont cependant abouti, le 4 juin 2024, à la conclusion de deux accords. Le premier a permis d’étendre le Ségur aux professionnels qui n’en bénéficiaient pas encore, quand le second a donné un cadre et un calendrier à la négociation en vue de la future convention collective unique étendue. Ces accords, largement signés par les partenaires sociaux – je les salue ici –, contribuent pleinement à renforcer l’attractivité du secteur, objectif auquel le gouvernement reste associé. Agréés dans le respect des dispositions de l’article L.314-6 du code de l’action sociale et des familles, ils sont opposables au financement des établissements et des services sociaux et médico-sociaux relevant de la branche de l’action sanitaire, sociale et médico-sociale.
La branche autonomie, en tant que contributeur majoritaire, a déjà financé leur mise en œuvre, dès juillet 2024, à hauteur de 300 millions d’euros. Pour les associations relevant du financement de l’État, certaines compensations ont déjà été versées en 2024, dans le cadre de la loi de finances de fin de gestion. D’autres compensations seront versées au cours de l’année 2025 quand la loi de finances entrera en vigueur.
M. le président
La parole est à M. Fabrice Roussel.
M. Fabrice Roussel
De nombreuses structures nous ont interpellés au sujet de cette compensation. Il est regrettable que nous n’ayons pas adopté certains amendements qui auraient permis de mieux organiser le dispositif. Pour les associations, la prime Ségur représente un coût important – parfois plus de 10 % de leur budget. Celles qui travaillent sur la protection des majeurs, qui ont déjà avancé 32 millions en 2024, devront quant à elles débourser 64 millions en 2025 – ces sommes sont conséquentes. Nous devons être pleinement mobilisés pour que ces structures, en considération de l’importance de leurs missions, puissent continuer de fonctionner normalement.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Je regrette, quant à moi, l’adoption tardive du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En ce début d’année 2025, chaque jour sans budget s’est traduit par une perte de 30 millions – 30 millions qui auraient été bien utiles aux branches que vous venez d’évoquer.
Hôpital de Remiremont
M. le président
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour exposer sa question, no 189, relative à l’hôpital de Remiremont.
M. Christophe Naegelen
L’année dernière, monsieur le ministre, j’avais déjà interrogé à ce sujet votre prédécesseur. La situation, depuis, ne s’est malheureusement pas améliorée ; elle s’est même dégradée. Nos services d’urgences subissent toujours une pénurie de médecins, véritablement endémique depuis plusieurs mois, qui les a contraints à fermer la nuit et lors des fêtes de fin d’année. La montagne vosgienne, pourtant, ne saurait être considérée comme un sous-territoire.
Je me réjouis néanmoins de l’arrivée, à l’hôpital de Remiremont, de l’unité spécialisée en soins palliatifs, pour laquelle je me suis battu pendant plus de sept ans. Mais il est désormais question de son financement et de l’implication de l’État dans ce dossier.
Notre hôpital, depuis des années, subit des coups durs sans qu’aucune solution ne soit proposée. On a vu, bien au contraire, prendre des mesures délétères, comme la suppression de l’accueil téléphonique. Cette mesure, certes symbolique, illustre bien la centralisation des moyens à Épinal. Les habitants de Remiremont et de ses vallées attendent des mesures concrètes.
Quels engagements avez-vous pris avec l’agence régionale de santé (ARS) en faveur de l’hôpital de Remiremont ? Que comptez-vous entreprendre, à court terme, pour remédier aux conséquences du manque de personnels soignants, notamment de médecins urgentistes et de pédiatres ? Dans quelle mesure, enfin, l’État aidera-t-il au financement de l’ouverture de notre unité de soins palliatifs ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Vous dites que rien n’a changé depuis un an, mais permettez-moi de vous rappeler que quatre ministres de la santé se sont succédé à ce banc au cours des douze derniers mois. Nous avons besoin, avant toute chose, de stabilité politique dans le secteur de la santé, pour que des orientations très claires soient données à nos administrations centrales, aux personnels, qui font la richesse de notre système de santé, et à nos organismes de formation – je pense notamment aux instituts de soins infirmiers, qui sont gérés par les régions, et aux facultés de médecine. Sans cela, et au-delà de mon cas personnel, nous n’y arriverons pas.
Les réponses à vos trois questions sont évidentes. Tout d’abord, il faut consolider le maillage territorial, car il n’y a aucun sous-territoire. Vous avez raison de plaider la cause de votre hôpital. Nous devons nous assurer qu’il joue son rôle d’hôpital de proximité, en lien avec les autres centres hospitaliers, pour que chaque Français puisse trouver une solution de santé – qu’il vienne d’un territoire rural, de montagne, de métropole ou d’outre-mer. Je ne suis pas favorable à l’absence de personnel de proximité – je me pencherai donc sur la fermeture de l’accueil téléphonique que vous avez évoquée.
La réponse à votre deuxième question passe par des mesures ambitieuses de formation. Vous le savez, je souhaite supprimer le numerus apertus et faire revenir les étudiants français partis étudier à l’étranger. Nous devons également être plus agiles dans le traitement de la situation des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), grâce à des commissions locales. Des docteurs juniors, enfin, viendront augmenter les effectifs : 3 700 seront en poste le 2 novembre 2026.
En dernier lieu, je me préoccupe – comme vous – des soins palliatifs. J’ai veillé à ce que le projet de loi de financement de la sécurité sociale garantisse leur financement, pour tous et partout. La principale difficulté ici tient à la formation des professionnels. Tout est néanmoins en place pour permettre l’ouverture de l’unité de soins palliatifs dans votre hôpital en fin d’année : j’espère que nous pourrons l’inaugurer ensemble.
M. le président
La parole est à M. Christophe Naegelen.
M. Christophe Naegelen
Je vois plusieurs motifs de satisfaction dans votre réponse : vous vous engagez à ce que des personnels soient de nouveau affectés à l’accueil téléphonique de l’hôpital de Remiremont, mais également à assurer le financement des soins palliatifs et à supprimer le numerus apertus pour permettre le retour en France des étudiants en médecine. Sur ces sujets, vous pourrez compter sur mon soutien, ainsi que sur celui de mon groupe.
Certes, nous avons besoin de stabilité dans le système de santé comme dans l’économie, mais vos prédécesseurs avaient transmis à l’administration des directives et, si les ministres passent, l’administration reste. Je m’étonne donc que nous ne l’ayons pas vue, ces dernières années, entreprendre une politique volontariste, avec les acteurs du territoire, pour que l’hôpital romarimontain retrouve l’intégralité de ses missions – l’établissement est complémentaire de celui d’Épinal, mais il n’est pas un sous-hôpital pour autant. Je compte donc sur votre action et j’espère que nous pourrons travailler ensemble pour que l’hôpital de Remiremont retrouve toute sa splendeur.
Accès à la permanence des soins ambulatoires
M. le président
La parole est à M. Christophe Naegelen, pour poser la question no 190 de M. Paul-André Colombani, relative à l’accès à la permanence des soins ambulatoires.
M. Christophe Naegelen
Je me permets de suppléer mon collègue, retenu en Corse par des obsèques. Il souhaitait, monsieur le ministre, appeler votre attention sur les conséquences préoccupantes de l’encadrement de l’accès à la permanence des soins ambulatoires – la PDSA – introduit par la nouvelle convention médicale du 4 juin 2024.
Afin de lutter contre les fraudes constatées dans certains centres de santé, cette réforme impose une régulation médicale préalable à toute consultation non programmée, les week-ends et les jours fériés. Sur le terrain, cependant, elle crée de graves difficultés. Dans de nombreux territoires – particulièrement les territoires ruraux ou sous-dotés en professionnels de santé –, les services de régulation médicale, Samu ou SAS (service d’accès aux soins), ne disposent pas des moyens leur permettant de s’acquitter de cette nouvelle mission. En conséquence, les temps d’attente s’allongent et il est parfois même impossible d’obtenir un rendez-vous. L’accès aux soins urgents se voit ainsi compromis, au détriment de l’égalité entre les territoires.
Cette réforme touche aussi directement les médecins assurant la permanence des soins. Les consultations du dimanche bénéficiaient jusqu’à présent d’une cotation spécifique, propre aux horaires de garde : elles doivent maintenant être facturées au tarif de semaine. Une telle perte de rémunération détourne de nombreux praticiens de ces permanences, tandis que d’autres, à des fins de compensation, se voient contraints de pratiquer des dépassements d’honoraires.
Cette situation est également source de fortes tensions car les patients ne comprennent souvent pas pourquoi un rendez-vous préalable est désormais nécessaire pour une consultation en urgence, ni pourquoi ils se retrouvent refoulés aux portes des cabinets médicaux : les personnels de santé se retrouvent ainsi confrontés à la multiplication des altercations, voire des agressions. Le climat s’est tellement détérioré que SOS Médecins Ajaccio a suspendu ses activités en janvier 2025, dénonçant une réforme inadaptée aux besoins de la population et aux réalités du terrain.
Il est urgent de corriger cette réforme afin qu’elle ne vienne pas restreindre davantage l’accès aux soins, déjà fragilisé dans de nombreux territoires. Monsieur le ministre, envisagez-vous un moratoire sur l’application de cette réforme afin d’évaluer son impact et d’envisager les ajustements nécessaires ? Dans l’attente d’une solution pérenne, seriez-vous favorable à ce que les directeurs des agences régionales de santé puissent accorder des dérogations aux centres de santé qui ne requièrent pas de régulation médicale préalable ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Nous avons souvent échangé, avec Paul-André Colombani, sur ce sujet qui lui tient à cœur. Je vais essayer de pondérer vos propos en rappelant que 30 % à 40 % des admissions aux urgences pourraient être évitées si une solution pouvait être trouvée en ville : d’où cette régulation de la permanence des soins, visant à ne pas désorganiser les urgences et à soulager les soignants. Il ne s’agit cependant en aucun cas de culpabiliser les patients, qui, parfois, se rendent aux urgences faute d’avoir pu trouver une autre solution.
Les centres de soins non programmés font partie des solutions et je ne suis pas persuadé qu’en réguler davantage l’accès soit de nature à fluidifier le parcours de soins. J’avais envisagé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale un article relatif à l’organisation et à la régulation des centres de soins non programmés, mais le Conseil constitutionnel ne l’a pas retenu. Je vais donc procéder différemment, par un moratoire ou bien par une mission flash confiée à l’Inspection générale des affaires sociales, afin de déterminer s’il est nécessaire de réguler l’accès aux centres de soins non programmés. L’objectif demeure de favoriser l’accès aux soins et de désengorger les urgences, au bénéfice des soins de proximité, dans les territoires. J’ai créé quatre centres de ce type dans ma circonscription pour répondre aux besoins de la population.
Nous devons trouver des solutions avant l’été et j’ai donné des consignes en ce sens au directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie – sans cesser néanmoins de sanctionner les fraudes qui peuvent survenir. Les conditions de régulation doivent être justes et précises sans être contre-productives, et conduire les professionnels de santé à poursuivre leurs activités après vingt heures, sept jours sur sept.
Établissements d’accueil du jeune enfant
M. le président
La parole est à M. Christophe Marion, pour exposer sa question, no 177, relative aux établissements d’accueil du jeune enfant.
M. Christophe Marion
Je souhaite vous interroger sur les dispositions prévues par le décret, à paraître, visant à renforcer la qualité d’accueil au sein des établissements d’accueil du jeune enfant.
Bien que ce projet de décret s’appuie sur le travail rigoureux de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale des finances (IGF), il continue de susciter l’inquiétude des gestionnaires de microcrèches et des élus, notamment ceux des territoires ruraux.
En effet, ce texte supprimerait de nombreuses dérogations accordées aux microcrèches, afin de rapprocher leurs normes d’encadrement de celles des petites crèches.
Je salue sincèrement la volonté du gouvernement de garantir aux enfants un accueil de qualité – c’est évidemment primordial. Je remercie également Mme la ministre Catherine Vautrin d’avoir entendu les préoccupations du secteur auxquelles elle a répondu dans un courrier adressé début février aux députés.
J’y lis que l’amélioration de l’accueil des enfants permettra une amélioration des conditions de travail des professionnels, préalable à une plus grande attractivité des métiers.
J’entends. Néanmoins, c’est un peu le serpent qui se mord la queue puisque, pour améliorer l’accueil des enfants, il est proposé de renforcer leur encadrement, et donc de recourir à plus de professionnels, qui plus est mieux diplômés.
Or, vous savez que le secteur de la petite enfance manque d’au moins 10 000 professionnels. Comment, en pratique, procéder au recrutement de ces auxiliaires de puériculture ?
Selon l’Igas, l’amélioration de la formation initiale des personnels et le relèvement général du niveau de qualification « ne pourront pas être atteints si la pénurie actuelle de professionnels n’est pas résolue ». Elle préconise donc une augmentation très importante de l’appareil de formation et une réflexion sur les conditions d’attractivité et la perception sociale des métiers. Le gouvernement l’envisage-t-il ?
Enfin, le projet de décret prévoit des modifications pour l’accès à la direction des microcrèches. Mme Vautrin a annoncé des dispositions dérogatoires pour les personnels déjà en poste. Quelle est la teneur de ces dérogations ? Sous quelles conditions seront-elles accordées ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je réponds pour Mme Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Ce projet de décret est important pour assurer la qualité d’accueil des jeunes enfants. Or, de nombreuses informations erronées ont circulé.
Soyons clairs sur ce que prévoit ce texte, en cours d’examen par le Conseil d’État : il s’agit d’aligner les normes d’encadrement des microcrèches sur les crèches classiques de taille similaire, les petites crèches. Les microcrèches devront compter au moins un professionnel de catégorie 1 et, sous réserve qu’il soit titulaire d’un diplôme, chaque professionnel ne pourra pas encadrer plus de trois enfants. En outre, un directeur ne pourra exercer des fonctions de direction que dans deux établissements au maximum.
Ce décret n’entrera en vigueur qu’à compter du 1er septembre 2026. Les auxiliaires de puériculture occupant le poste de référent technique et disposant d’une expérience de trois ans pourront être maintenus à leur poste. Tous les titulaires d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) travaillant déjà dans ces crèches n’auront pas à acquérir le diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture et pourront continuer à exercer leur métier.
De nombreuses crèches disposent déjà d’un directeur ou d’un référent technique pour deux structures et 40 % de leur personnel est déjà qualifié de catégorie 1.
Ces mesures sont essentielles pour respecter les besoins des enfants, d’autant que, dans les microcrèches, ces derniers sont les mêmes que dans les petites crèches classiques. Il n’y a donc aucune raison que les conditions d’encadrement diffèrent.
L’État n’abandonne pas les microcrèches : il finance ces établissements, notamment par le versement du complément de libre choix du mode de garde (CMG) aux parents.
Concernant les microcrèches éligibles à la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje), j’appelle votre attention : le prix de revient moyen est inférieur au plafond des 10 euros et nous ne disposons d’aucun élément financier me démontrant l’inverse.
Enfin, le gouvernement entend faciliter l’accès au diplôme d’État d’auxiliaire de puériculture – ou à tout autre diplôme appartenant à la catégorie 1 – par voie de validation des acquis de l’expérience, afin de reconnaître l’engagement des professionnels et de renforcer l’attractivité des métiers.
Nous sommes donc pleinement mobilisés pour accompagner ce changement conduit en faveur de nos enfants.
M. le président
La parole est à M. Christophe Marion.
M. Christophe Marion
Je vous remercie. Je serai particulièrement attentif aux mesures dérogatoires prévues par Mme la ministre, afin de sauver certaines microcrèches, notamment en territoire rural.
Ehpad de Montrevel-Foissiat
M. le président
La parole est à M. Xavier Breton, pour exposer sa question, no 172, relative à l’Ehpad de Montrevel-Foissiat.
M. Xavier Breton
Je souhaite vous interroger sur l’avenir de l’Ehpad de Foissiat, dans le département de l’Ain. Suite à l’avis négatif rendu par la commission de sécurité, ce site d’une capacité de trente-cinq places, qui fait partie de l’Ehpad de Montrevel-Foissiat, doit réaliser des travaux de mise en conformité et de sécurité incendie.
Or, depuis plusieurs mois, leur réalisation est repoussée, et l’accueil de nouveaux résidents suspendu tant que la mise en conformité n’est pas effectuée. Face à ce contexte incertain, les familles des résidents réunies au sein d’un collectif se mobilisent avec le soutien des élus locaux, afin d’éviter une fermeture définitive.
Alors que ce site peut répondre à la demande d’hébergement pour personnes âgées dépendantes dans le territoire de la Bresse, il importe que le gouvernement prenne clairement position. Est-il ouvert au maintien du site de Foissiat ou la décision de le fermer définitivement a-t-elle déjà été prise ? Quelles conditions et quels critères le site doit-il remplir pour rester ouvert ? Quelles mesures de soutien, notamment financier, peuvent être apportées ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je réponds au nom de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, et de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
Votre question arrive après de longs mois de réflexion au niveau local sur l’avenir de l’Ehpad public de Montrevel-en-Bresse-Foissiat, alors que la commission de sécurité a rendu un avis défavorable pour le site de Foissiat en décembre 2022.
La direction de l’établissement, conjointement avec les élus du territoire – maires, conseillers départementaux et parlementaires – a mené une réflexion approfondie sur l’avenir de l’Ehpad. Qu’en a-t-elle conclu ?
Le bâtiment du site de Foissiat ne répond plus ni aux conditions requises pour garantir la sécurité des résidents, ni à celles nécessaires pour assurer la qualité des soins et de l’accueil hôtelier.
Les travaux de mise aux normes ont été évalués à plus de 1 million d’euros. La situation financière de l’établissement ne permet pas d’inscrire les travaux au budget 2025, faute de capacité d’autofinancement suffisante ou de capacité d’emprunt.
Pour des raisons de sécurité, aucun nouveau résident n’a été admis depuis avril 2024. Le bâtiment devait être vide en février 2025. La direction de l’établissement a accompagné l’ensemble des résidents et leur famille dans la recherche d’une solution individuelle de relogement.
Une attention particulière est portée à l’avenir du site et le département de l’Ain étudie une possible reconversion en maison d’accueil et de résidence pour l’autonomie (Marpa) de trente places.
L’agence régionale de santé (ARS) et le département réfléchissent également conjointement à la recomposition de l’offre destinée aux personnes âgées sur le territoire.
M. le président
La parole est à M. Xavier Breton.
M. Xavier Breton
Deux points que vous avez évoqués expliquent sans doute l’incompréhension sur ce dossier : vous estimez que les conditions ne sont plus garanties pour assurer la qualité des soins et l’accueil hôtelier ; mais ce n’est pas ce que pensent les premiers concernés – les résidents et leurs familles.
J’invite d’ailleurs Mme Vautrin, ou Mme Parmentier-Lecocq, à venir constater de leurs propres yeux l’état des locaux : ils restent fonctionnels.
En outre, contrairement à ce qu’on vous a indiqué, il existe des solutions financières : une augmentation raisonnable du prix de journée et l’apport, également raisonnable, de subventions permettraient de réaliser ces travaux.
Merci de demander à Mme Vautrin si elle est prête à réfléchir à cette option ou si l’on doit considérer que l’État a déjà, unilatéralement, pris la décision d’une fermeture définitive.
M. le président
La parole est à M. Yannick Neuder, ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Je suis ministre de la santé et de l’accès aux soins. Je transmettrai donc à qui de droit vos questions qui relèvent plutôt du champ médico-social.
Afin de maintenir une offre de proximité, vous souhaitez que soit étudiée la possibilité de réaliser des travaux sur ce site pour reconfigurer l’établissement, au prix d’une majoration des aides financières de l’État et, sans doute, du département, et d’une majoration du prix de journée. Je ferai part de ces éléments à Mmes Vautrin et Parmentier-Lecocq.
M. Xavier Breton
Monsieur le ministre, je vous remercie.
Recrudescence des vols de voitures
M. le président
La parole est à M. Vincent Ledoux, pour exposer sa question, no 180, relative à la recrudescence des vols de voitures.
M. Vincent Ledoux
Les maires de Tourcoing, d’Halluin, de Roncq, de Neuville-en-Ferrain, de Linselles et de Bousbecque déplorent la recrudescence des cambriolages sur leur territoire, et plus particulièrement des vols de voitures.
Leurs polices municipales travaillent en bonne intelligence avec la police nationale afin d’échanger quotidiennement des informations, et d’accroître l’efficacité de leurs actions. Je salue les efforts des maires et des forces de sécurité.
Si je souhaite vous interroger sur l’état global des faits de délinquance dans ma circonscription et sur les moyens mis en œuvre par l’État pour les combattre, ma question concerne principalement les vols de voitures. Certains observateurs nationaux estiment qu’on en compte quatre toutes les minutes et que, dans 90 % des cas, ces vols ont lieu sans aucune effraction.
Les régions les plus concernées sont naturellement celles où se situent les grandes métropoles, comme celle de Lille, ville frontalière de surcroît, et proche des grands ports de transit comme Dunkerque, d’où les voitures sont ensuite expédiées vers l’Afrique ou les Comores.
Les véhicules les plus convoités sont les SUV, à 62 %, tandis que les vols de véhicules hybrides et électriques progressent pour deux raisons. D’une part, les modèles sont plus récents et leur valeur à la revente plus importante. D’autre part, le vol électronique – sans effraction mécanique – devient la norme.
En effet, les clés électroniques favorisent les vols discrets de voitures récentes et en parfait état. Les escrocs arrivent à copier la signature des clés électroniques en captant leur signal depuis le pas-de-porte de la maison lorsque le propriétaire dépose son trousseau dans le vide-poche.
Comment lutter plus efficacement contre ces nouvelles formes de délinquance, dans le cadre d’un dialogue avec les constructeurs automobiles et les assureurs ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, et pour aujourd’hui seulement, ministre de l’intérieur. (Sourires.)
M. Xavier Breton
Sait-on jamais ! (Sourires.)
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je réponds au nom du ministre d’État, ministre de l’intérieur. Plusieurs enquêtes judiciaires ont mis à jour des réseaux d’exportation vers le continent africain, les pays baltes ou l’Europe de l’Est.
Ainsi, après la découverte d’un outil en vente libre visant à modifier le logiciel interne des véhicules et permettant de dupliquer les clés sans posséder l’originale, la plainte de constructeurs a conduit la gendarmerie à diligenter une enquête d’envergure pendant plus de deux ans, qui a abouti à l’interpellation, puis à la condamnation, de plus de 200 personnes.
Plus largement, au sein de l’Observatoire central des systèmes de transport intelligents (OCSTI), nous approfondissons le partenariat avec les constructeurs afin de mieux appréhender les possibilités de vol grâce à l’usage des nouvelles technologies.
Désormais, par exemple, nous maîtrisons mieux la technologie de géolocalisation des véhicules volés en relation avec les constructeurs. Les différentes techniques de vols, notamment le vol à la souris ou mouse jacking, sont connues et les enquêteurs sensibilisés.
La gendarmerie nationale participe également aux réflexions et aux expérimentations avec les assureurs. En 2024, elle a piloté un plan de lutte contre la fraude à l’immatriculation des véhicules, dans une approche interservices et interministérielle. Il s’agissait d’automatiser la détection des fraudes massives, potentiellement en lien avec des filières de recel de véhicules volés.
Dans le même objectif, avec la mission interministérielle de coordination antifraude (Micaf), un groupe de travail interministériel analyse comment mieux lutter contre le phénomène médiatisé des garages fantômes.
Dans la division de Tourcoing, qui regroupe dix villes relevant de la circonscription de police nationale de Lille, les indicateurs témoignent de l’efficacité du travail accompli : la délinquance générale a diminué de 2,57 % en 2024. En revanche, cette division a connu une hausse de 29,4 % des vols de véhicules automobiles et de deux-roues motorisées en 2024.
Sans minimiser le phénomène, je note toutefois que le nombre de vols de véhicules dans la ville de Tourcoing est quasiment stable en 2024 par rapport à 2022 – soit 375 vols à l’époque.
Ces vols touchent tout le département – la proximité de la frontière avec la Belgique n’y est évidemment pas pour rien.
Parce qu’ils concernent la vie quotidienne, ces vols exaspèrent nos concitoyens. Nos forces de police et de gendarmerie sont mobilisées et obtiennent des résultats sur le plan national. Ainsi, le nombre de vols de véhicules et de deux-roues motorisés est resté stable en 2024.
Dans la circonscription de police nationale de Lille, les unités d’intervention sur la voie publique, comme les brigades anticriminalité (BAC), sont sensibilisées et les services d’enquête sont à l’œuvre, les vols étant souvent le fait d’équipes très organisées.
Le plan d’action départemental de restauration de la sécurité du quotidien, présenté par le préfet du Nord le 21 février, fait du renforcement de la présence des forces sur le terrain un axe fort, que cela passe par la mise en place de points de visibilité, de rencontre et de dissuasion, ou par l’augmentation des patrouilles de police dans les centres-villes. C’est la réponse la plus efficace pour prévenir ce fléau des vols de voitures.
Enfin, les services spécialisés – ceux de la direction nationale de la police judiciaire – entretiennent bien entendu des contacts avec les acteurs du secteur automobile.
M. le président
La parole est à M. Vincent Ledoux.
M. Vincent Ledoux
Je vous remercie pour cette réponse très étayée. Le préfet de région réunira bientôt les députés et les maires. Je souhaite encore insister sur l’importance de la qualité du dialogue avec les constructeurs automobiles – le président Lescure a probablement travaillé sur ce point dans ses fonctions précédentes. Il y a un problème majeur : la technologie à bande ultralarge qu’utilisent notamment les constructeurs allemands est plus performante que celle utilisée sur les voitures françaises. Comment pouvons-nous travailler ensemble sur ce sujet ? C’est le véritable point noir du département du Nord mais c’est aussi le cas dans le reste du pays.
Sécurité dans le Cambrésis, le Caudrésis et le Catésis
M. le président
La parole est à M. Alexandre Dufosset, pour exposer sa question, no 193, relative à la sécurité dans le Cambrésis, le Caudrésis et le Catésis.
M. Alexandre Dufosset
Dans un rapport récent, la Cour des comptes relève le phénomène suivant, qu’elle qualifie de dysfonctionnement : les départements les moins criminogènes comptent proportionnellement plus de policiers et de gendarmes que les départements les plus criminogènes. Quelle découverte !
De fait, si ces territoires sont plus sûrs, c’est justement parce qu’il y a plus de policiers et de gendarmes sur le terrain. Le raisonnement de la Cour des comptes me paraît inquiétant pour ma circonscription du Nord : elle n’est apparemment pas assez criminogène pour qu’on laisse nos policiers et nos gendarmes en poste.
Quelques indices graves et concordants motivent mon inquiétude. La Cour des comptes considère que le commissariat de Cambrai est en sureffectif alors qu’il est de plus en plus sollicité dans le cadre de la lutte contre le trafic de drogue, qui augmente de jour en jour sur notre territoire, comme partout en France. La création d’une brigade de gendarmerie à Caudry, promise par le président de la République en septembre 2023, n’a toujours pas eu lieu : où en est-on ? Pouvez-vous me confirmer que cette brigade verra bien le jour ? La caserne de gendarmerie de Clary-Busigny, dont la construction a été annoncée en 2019, n’est qu’à moitié terminée. Les gendarmes sont là, mais pas les infrastructures nécessaires à leur travail et à leur vie quotidienne.
Ces éléments sont des signaux d’alerte. Les moyens dont nous disposons sont déjà limités, et, compte tenu des tendances actuelles, risquent de le devenir encore plus. Quand allouera-t-on au territoire que je représente des moyens suffisants pour lutter efficacement contre l’insécurité ? Au nom de mes compatriotes du Cambrésis, du Caudrésis et du Catésis, je demande aujourd’hui au ministre de l’intérieur un engagement clair.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
J’ai été chargé par le ministre de l’intérieur de vous communiquer ses éléments de réponse.
Le gouvernement engage une bataille sur plusieurs fronts pour faire reculer l’insécurité et l’hyperviolence, qui n’épargne plus ni nos villes moyennes, ni nos campagnes. Ce combat passe par un renforcement de la présence des forces de l’ordre sur le terrain. Les plans d’action départementaux de restauration de la sécurité du quotidien ont été présentés par les préfets le 21 février. Il s’agit d’un axe prioritaire afin d’atteindre un objectif central : obtenir des résultats concrets. En outre, le président de la République a annoncé le 2 octobre 2023 la création de 239 nouvelles brigades de gendarmerie d’ici à 2027. En 2024, les 80 premières brigades ont été créées afin de renforcer le maillage territorial de l’État dans les territoires.
Dans le département du Nord, la création de quatre nouvelles brigades avait été annoncée. Celle de Zuydcoote est opérationnelle depuis le 1er mai 2024. S’agissant des trois autres, à Renescure, à Avesnes-sur-Helpe et à Caudry, le calendrier sera prochainement arrêté. La création des unités pour les annuités suivantes repose en effet sur plusieurs facteurs : des facteurs budgétaires – l’octroi de crédits et d’effectifs – et des contingences locales, notamment des contraintes immobilières.
Le gouvernement suit attentivement l’agenda des installations, qui est constamment ajusté et consolidé afin de tenir compte des réalités du terrain.
En raison des nombreuses questions qui se posent concernant les locaux actuels des brigades de Clary et de Busigny, une nouvelle caserne doit être construite dans la commune de Clary. Le permis de construire a été déposé et validé en 2021. Cependant, les premières études de maîtrise d’œuvre n’ont pu aboutir en raison de difficultés liées à l’augmentation des coûts de construction. Une nouvelle consultation a été lancée et les offres sont en cours d’analyse. Une fois cette analyse terminée, les études de conception pourront reprendre afin de finaliser les aspects techniques et financiers du projet, dans la perspective d’un démarrage rapide des travaux.
La circonscription de police nationale de Cambrai, qui recouvre huit communes, s’appuie sur un effectif de 132 agents. Il va de soi que ces policiers ne sont pas de trop ! Chaque fois que c’est nécessaire, ils peuvent compter sur le soutien des plus de 1 220 policiers des unités départementales et interdépartementales de la direction interdépartementale de la police nationale du Nord.
S’agissant de la délinquance dans cette circonscription de police, si les chiffres de l’année 2023 étaient en effet à la hausse, ceux de 2024 sont nettement plus encourageants. Il ne s’agit pas d’esquiver la réalité de l’insécurité, mais nous obtenons des résultats : la délinquance, toutes infractions confondues, a baissé de 9,27 % en 2024. Les atteintes aux biens ont diminué de 15 % et les vols de véhicule de 21 %. La spirale des violences physiques, après une hausse de près de 10 % en 2023, se tasse enfin en 2024, avec une hausse contenue de 1,9 %, et même une baisse des violences physiques crapuleuses. Il est toutefois certain que les atteintes volontaires à l’intégrité physique restent un problème à Cambrai. Vous pouvez compter sur l’engagement de nos policiers pour combattre cette violence pied à pied.
Soyez assuré que la sécurité de nos concitoyens demeure la priorité du gouvernement. Aussi l’évolution de la situation dans les territoires du Cambrésis, du Caudrésis et du Catésis continuera-t-elle de faire l’objet d’un suivi attentif. Je confirme donc que la gendarmerie de Caudry verra bien le jour.
M. le président
La parole est à M. Alexandre Dufosset.
M. Alexandre Dufosset
Merci pour ces réponses. Je continuerai à veiller à ce que la brigade de Caudry finisse par voir le jour. Je suis content que le ministre de l’intérieur reconnaisse que la Cour des comptes se trompe quand elle affirme que les policiers sont en sureffectif à Cambrai. Ces derniers temps, la police de Cambrai a eu fort à faire avec le trafic de drogue. Je souhaite qu’un projet de loi soit adopté pour démanteler ce trafic dans les meilleurs délais.
Lutte contre la délinquance
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Taché de la Pagerie, pour exposer sa question, no 196, relative à la délinquance.
M. Emmanuel Taché de la Pagerie
L’explosion de la délinquance, voire de l’ensauvagement de notre société, est une réalité nationale qui trouve dramatiquement écho dans nos territoires. Les chiffres de 2024 sont malheureusement têtus : 288 000 personnes ont été mises en cause pour usage de stupéfiants, soit 10 % de plus qu’en 2023, et 51 700 individus pour trafic de stupéfiants, soit une hausse de 6 %. On dénombre aussi 193 000 victimes de violences intrafamiliales, un chiffre en constante augmentation depuis dix ans.
Cette hausse de la délinquance est encore plus perceptible dans les Bouches-du-Rhône, où les chiffres font état d’une hausse de 9 % de l’usage des stupéfiants, de 27 % du trafic de stupéfiants, de 4 % des agressions avec coups et blessures et de 39 % des vols d’accessoires de voiture. Chez moi, à Miramas, le comble de l’horreur a été atteint le 18 janvier, quand un incendie criminel sur fond de règlement de comptes et de narcotrafic a causé la mort d’une mère de 41 ans et de son enfant de 5 ans. Je ne peux pas non plus passer sous silence la récente prise d’otage à la maison centrale d’Arles. Je tiens à remercier les agents pénitentiaires. Récemment, à Arles et aux Saintes-Maries-de-la-Mer, des femmes ont été agressées gratuitement en pleine rue ; l’une d’entre elles est handicapée à vie. Comment faire l’impasse sur les multiples trafics déjà dénoncés à Tarascon, Arles, Miramas ou Istres, sur les cambriolages qui augmentent à Saint-Martin-de-Crau et sur le saccage, la semaine dernière, de trois écoles à Arles ?
Ce n’est pourtant pas faute d’avoir alerté les autorités en me rendant à la préfecture de police des zones concernées le 15 avril et le 7 septembre. J’ai également demandé une accélération des opérations de police, notamment à Arles, à Tarascon, à Istres et à Miramas, et des opérations Place nette XXL ; j’attends encore la réponse du ministère de l’intérieur.
Personne ne peut se résoudre à ce que les fusillades, les violences, les trafics et leurs cohortes mortifères se multiplient en raison de ce qui serait « l’importation naturelle du phénomène marseillais ». Je lance donc une énième alerte.
Si je me réjouis du maintien du groupe de sécurité de proximité à propos duquel j’ai interpellé le ministre de l’intérieur à Tarascon, je demande une fois encore quelles mesures le gouvernement envisage de prendre pour garantir la sécurité des biens et des personnes dans ma circonscription des Bouches-du-Rhône. Cette doléance provient d’un territoire ancré et de citoyens pris au dépourvu, désireux, comme nous tous, que la promesse républicaine soit effective.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je vous communique les éléments de réponses du ministre de l’intérieur.
En matière de lutte contre les stupéfiants, les statistiques témoignent d’un travail d’initiative et de l’engagement très fort des policiers et des gendarmes, que je tiens à remercier.
Permettez-moi de nuancer vos propos relatifs à l’explosion de la violence. Si le gouvernement ne sous-estime pas la montée de la violence dans notre société, les efforts engagés et la mobilisation des forces de l’ordre produisent des résultats. Quelques chiffres en témoignent.
Par exemple, en zone police, on observe une baisse de 11,3 % des violences physiques crapuleuses en 2024, les homicides sont en recul de 5,9 %, les atteintes aux biens de 4,1 %, et les cambriolages de 6,3 %. J’entends cependant que les chiffres de la délinquance demeurent toujours trop élevés.
Notre pays est confronté à un phénomène massif de consommation et de trafic de stupéfiants. Le Sénat vient d’adopter la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, qui a fait l’objet d’un très large consensus. Elle permettra de doter nos services de moyens techniques d’enquête à la hauteur des enjeux. Le ministre d’État, ministre de l’intérieur, espère donc que cette volonté partagée et transpartisane de lutter contre les narcotrafiquants se manifestera aussi dans votre assemblée.
Sans attendre ces nouveaux outils juridiques, il a demandé que soient mobilisés tous les moyens et outils à disposition de l’État afin de mener non seulement la bataille de la sécurité du quotidien, mais également le combat contre le narcotrafic. C’est l’objet même des plans d’actions départementaux de restauration de la sécurité du quotidien présentés le 21 février, qui ont été élaborés au plus près du terrain, par les préfets. Ils seront mis en œuvre en collaboration avec les élus et les partenaires locaux, dans une logique de continuum de sécurité – c’est fondamental.
Dans votre département, monsieur le député, le préfet de police des Bouches-du-Rhône a présenté un plan d’action extrêmement concret et ciblé, que je vous invite à soutenir.
En outre, la gendarmerie nationale renforce son maillage territorial en poursuivant le déploiement des 329 brigades souhaitées par le président de la République. Une des trois brigades prévues dans les Bouches-du-Rhône est déjà opérationnelle et prend toute sa place dans le dispositif.
Plus largement, le ministère de l’intérieur s’est engagé à doubler le temps de présence des forces de l’ordre sur la voie publique d’ici à 2030, ce qui participe directement à garantir une meilleure sécurité pour nos concitoyens.
Dans les Bouches-du-Rhône, le dispositif de sécurité des populations déployé par la gendarmerie nationale est organisé en plusieurs niveaux. Ainsi, la section de recherche de Marseille à vocation régionale est composée de cent enquêteurs spécialisés. Elle concentre ses efforts dans la lutte contre les importations de stupéfiants et les grossistes. Il s’agit de couper les approvisionnements en visant prioritairement les nœuds logistiques et les infrastructures de blanchiment.
Vous évoquez également les violences intrafamiliales, sujet important qu’il convient d’appréhender dans sa globalité pour développer des réponses efficaces. Les gendarmes et les policiers mettent tout en œuvre pour favoriser la prise de conscience par les victimes de ces faits et de leur portée pour permettre la libération de la parole et la révélation de ce type odieux de délinquance aux autorités.
M. le président
Merci de bien vouloir conclure, monsieur le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Concrètement, la gendarmerie nationale dispose d’une chaîne territoriale dédiée, qui comporte des référents à tous les niveaux, jusqu’au sein de chaque brigade. Ce réseau comprend 101 maisons de protection des familles et 283 intervenants sociaux en gendarmerie.
Permis de conduire
M. le président
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour exposer sa question, no 176, relative au permis de conduire.
M. Mathieu Lefèvre
Ma question porte sur les dysfonctionnements du système de répartition des dates d’examen du permis de conduire dans le Val-de-Marne. Le système actuel pose de nombreuses difficultés aux auto-écoles dont j’ai rencontré les responsables. La réservation des créneaux s’effectue sur une plateforme dédiée, où les auto-écoles n’ont que quelques secondes pour tenter d’obtenir des places dans les centres d’examen, ce qui relève du défi. Or l’obtention de créneaux conditionne l’activité du mois suivant. Le personnel des auto-écoles du Val-de-Marne est donc soumis à une pression excessive en raison de la rareté de ces créneaux.
Par ailleurs, après parfois des mois d’attente et un investissement personnel et financier conséquent, les candidats val-de-marnais au permis de conduire font face, à la dernière minute, à des annulations pour imprévu, ce qui est une grande cause de stress. D’après les chiffres qui m’ont été transmis, dans le Val-de-Marne, 5 % des créneaux à l’examen du permis de conduire sont ainsi supprimés au dernier moment chaque année. Ces annulations peuvent représenter jusqu’à dix créneaux par mois dans certaines auto-écoles.
Un mécanisme de réserve permet en théorie de compenser ces annulations de dernière minute, mais force est de constater que toutes les personnes dont le créneau a été supprimé ne bénéficient pas d’un rattrapage, ce qui place les auto-écoles et leurs élèves dans des situations très difficiles. Les candidats sont dépourvus de solutions alternatives, dans un contexte où les auto-écoles traditionnelles subissent la concurrence des auto-écoles en ligne.
Serait-il possible de repenser le système actuel de répartition des dates d’examen du permis de conduire dans le Val-de-Marne, et de créer une forme de réserve dédiée, sous la forme d’un contingent de créneaux attribués aux auto-écoles ayant subi des annulations le mois précédent ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Monsieur le député, le ministre de l’intérieur vous répond que le système de réservation RdvPermis est un outil conçu pour répartir équitablement les places d’examen entre les auto-écoles d’un même département, en équilibrant l’accès à ces places entre les différents acteurs de la filière. Il permet normalement une gestion transparente et centralisée des places, en rendant ces dernières accessibles à tous les établissements de conduite.
Il a été expérimenté en région Occitanie en 2021, avant d’être déployé en huit vagues, sur plus d’une année. Cette généralisation progressive a permis un processus d’amélioration continu et itératif de l’outil, dans une démarche agile.
Ce système performant techniquement vise à optimiser les places d’examen. S’il ne crée pas de places d’examen supplémentaires, il permet un pilotage fin des places existantes pour n’en perdre aucune, ce qui est particulièrement précieux dans les départements où la production de places d’examen n’est pas satisfaisante au regard de la demande, comme c’est le cas dans le Val-de-Marne.
Il est du ressort du service chargé localement de la gestion des examens d’assurer un pilotage renforcé de l’offre de places, qui prenne en compte les capacités des centres d’examen du département. Il appartient également au service local de resserrer le dialogue avec les responsables d’auto-écoles, afin qu’ils ne rencontrent pas de difficulté dans la réservation de places d’examen pour le compte de leurs élèves. Un rappel a été fait sur ce point aux services territorialement compétents.
J’ajoute que RdvPermis dispose de fonctionnalités permettant de mieux gérer les annulations de dernière minute. La réserve de places, que vous suggérez de créer, est déjà une réalité. Ce dispositif permet de reporter des places plutôt que de les annuler définitivement, ce qui offre une plus grande flexibilité aux auto-écoles et aux candidats. Cela suppose que ce mécanisme de réserve soit utilisé de manière optimale, en garantissant un rattrapage effectif de toutes les annulations.
Pleinement conscients des difficultés rencontrées par les candidats au permis de conduire, en particulier dans les départements où la demande est forte, les services du ministère de l’intérieur travaillent en étroite collaboration avec les préfectures et les acteurs de l’éducation routière pour réduire les délais d’attente à l’examen du permis de conduire et appuyer les services locaux dans les formations au pilotage.
Grand cormoran
M. le président
La parole est à Mme Félicie Gérard, pour exposer sa question, no 184, relative au grand cormoran.
Mme Félicie Gérard
Ma question s’adresse à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Les acteurs du monde piscicole rencontrent ces dernières années des difficultés croissantes face à la prolifération du grand cormoran continental sur notre territoire. Les pisciculteurs et les gestionnaires d’étang font état de dégâts significatifs causés par ces oiseaux protégés, qui consomment et détruisent en quantité les poissons des cours d’eau et des plans d’eau gérés. Cette prédation met en péril l’équilibre écologique, la biodiversité aquatique et l’activité économique liée à la pisciculture.
Disposant de certains moyens d’action, les acteurs de terrain s’efforcent de limiter les pertes, mais la situation reste préoccupante. Les associations de pêche, quant à elles, constatent également une forte pression exercée sur les populations de poissons, mettant en danger la pêche de loisir et la gestion durable des milieux aquatiques. Si des dispositifs d’effarouchement ont été mis en place, ils se révèlent insuffisants pour limiter les nuisances de cette espèce.
C’est pourquoi nombre d’acteurs locaux sollicitent depuis de longs mois des adaptations réglementaires permettant une gestion raisonnée et équilibrée des populations de cormorans, notamment par l’octroi de dérogations spécifiques et proportionnées.
En outre, des préoccupations émergent quant aux risques que pourrait engendrer cette prolifération, notamment en matière de santé publique. La présence accrue de ces oiseaux dans certaines zones humides pourrait-elle favoriser l’augmentation des populations de moustiques et, par conséquent, la transmission de maladies ? Dans un contexte de vigilance accrue, quel niveau de risque représente le grand cormoran en matière de propagation de la grippe aviaire ? Des études spécifiques sont-elles menées pour surveiller l’impact des cormorans sur les écosystèmes aquatiques et la santé publique ?
Plus largement, pouvez-vous nous expliquer comment le gouvernement compte agir pour évaluer et prévenir ces risques, et dans quelle mesure le nouvel arrêté datant du 24 février 2025 pourra améliorer la réponse à l’ensemble de ces problèmes ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
La ministre de la transition écologique constate que votre question concerne les risques que fait peser le grand cormoran sur la pisciculture et les poissons sauvages, ainsi que les éventuels dangers pour la santé humaine que pourrait représenter l’espèce.
Le grand cormoran est une espèce protégée en France et à l’échelle européenne depuis les années 1970. Néanmoins, afin de limiter les dégâts qu’il occasionne, un système dérogatoire à la protection stricte permet de mener des opérations de régulation depuis les années 1990. Ces moyens d’action sont régulièrement ajustés, selon l’évolution de la population de grands cormorans sur le territoire.
Mme Agnès Pannier-Runacher vous indique, et vous l’avez évoqué, qu’elle vient de publier, avec la ministre de l’agriculture, un nouvel arrêté-cadre, daté du 24 février, qui fixe les conditions d’octroi de dérogations. Il pose un cadre rénové et plus ambitieux pour la cohabitation du grand cormoran avec les pisciculteurs, afin de limiter son impact sur les écosystèmes aquatiques, dans le respect de la réglementation en vigueur pour la protection des espèces.
Cet arrêté, discuté avec l’ensemble des partenaires concernés, assouplit les conditions de réalisation des tirs, en élargissant la période de destruction autorisée et en permettant de fixer, sous conditions, des plafonds de tirs complémentaires, afin de répondre aux besoins.
Il entend également simplifier les démarches administratives pour les bénéficiaires de dérogations : les autorisations de destruction vaudront autorisations d’effarouchement, et la transmission des comptes rendus d’opération sera facilitée, permettant de surcroît un meilleur suivi des destructions.
S’agissant du risque pour la santé humaine, il n’a pas été démontré jusqu’à présent que le grand cormoran serait un vecteur particulier de grippe aviaire ni que sa présence favoriserait le développement des populations de moustiques. En outre, le nombre de grands cormorans n’augmente pas significativement et tend plutôt à se stabiliser depuis une dizaine d’années ; il n’y a donc pas de risque accru de transmission de maladies.
M. le président
La parole est à Mme Félicie Gérard.
Mme Félicie Gérard
Je fais simplement remarquer que le grand cormoran n’est pas directement responsable de la prolifération des moustiques : c’est le fait qu’il fasse disparaître les poissons qui s’en nourrissent. D’où le risque de prolifération.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Cet élément ne m’avait pas échappé. Cela me permet de rappeler que nous devons être très vigilants sur ces sujets, puisque vous savez que, selon l’initiative One Health, 60 % des futures maladies proviendront du règne animal.
Forêt de Montmorency
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour exposer sa question, no 182, relative à la forêt de Montmorency.
M. Emmanuel Maurel
Je souhaitais interroger la ministre de la transition écologique, notamment chargée de la forêt, sur un sujet important pour les habitants du Val-d’Oise, je veux parler des coupes rases.
Ces coupes rases sont nécessaires lorsqu’il s’agit d’éviter la propagation de certaines maladies ou parasites ; elles sont parfois utiles pour favoriser la régénération des espèces, mais elles sont trop souvent hélas effectuées avec un objectif étroitement économique.
Or les coupes rases ont des conséquences pour l’environnement. D’abord une perte de biodiversité, qui peut être irréversible, mais aussi une érosion des sols et des modifications du cycle de l’eau, préjudiciables au biotope.
Dans le département du Val-d’Oise, la forêt de Montmorency est un véritable poumon vert de près de 2 200 hectares. Or elle subit régulièrement des coupes rases, la dernière remontant à octobre 2024, sur 6 hectares, soit l’équivalent de douze terrains de football.
Ces coupes rases suscitent évidemment l’émotion des élus locaux, des associations mais aussi des promeneurs, dont je fais partie. C’est pourquoi les élus souhaitent engager avec l’Office national des forêts (ONF) un débat approfondi et exigeant sur les raisons qui l’ont conduit à procéder à de telles coupes rases. Souvent, en effet, la justification sanitaire – en l’occurrence, la maladie de l’encre – recouvre surtout des raisons économiques – je rappelle que l’ONF vend le bois abattu. Ce débat est d’autant plus nécessaire que l’ONF n’a pas, jusqu’à présent, fait preuve d’un esprit de dialogue et de concertation.
Les élus locaux et les associations déplorent le coût environnemental de ces opérations, qui se sont traduites par la mise en danger d’un certain nombre d’espèces animales dont des insectes. Ils font également remarquer que les « coupes réalisées avec de gros engins de chantier peuvent contribuer à étendre les maladies ». Ils se désolent enfin des transformations et destructions du paysage occasionnées par les coupes rases, dans une forêt fréquentée par des millions de promeneurs. Je rappelle que nous parlons de la forêt dans laquelle Jean-Jacques Rousseau aimait à herboriser : autant dire que nous sommes dans le patrimoine national !
Le gouvernement est censé respecter la législation européenne en matière de lutte contre la déforestation, laquelle comporte un volet sur la déforestation issue des pratiques de dégradation forestière, dont les coupes rases font partie. Les Val-d’Oisiens comptent donc sur lui pour qu’il les aide à régler ce problème.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Voici les éléments que m’a transmis Mme la ministre de la transition écologique. Les coupes rases constituent un sujet sensible auquel le gouvernement apporte son attention afin de mieux les expliquer et de mieux les encadrer. À ce sujet, il convient de citer des données issues de l’inventaire national réalisé par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) : chaque année, la surface concernée par des coupes de plus de 90 % du couvert représente seulement 10 % de l’ensemble des coupes réalisées en France, soit 0,35 % de la surface totale des forêts métropolitaines, et cette surface est stable dans le temps.
À titre personnel, monsieur le député, j’avoue cependant partager votre réaction face aux coupes rases effectuées sur mon territoire.
Ma collègue indique ensuite que l’IGN recense parmi ces surfaces les coupes réalisées pour des raisons sanitaires, dans des cas de dépérissement massif des épicéas et des châtaigniers.
Elle comprend néanmoins que l’impact d’une coupe rase sur les paysages soit ressenti par certains comme une grande violence, mais seule une très petite surface de nos forêts est concernée, et de nombreux forestiers privilégient la régénération naturelle, complétée par des enrichissements destinés à diversifier les peuplements et à les rendre plus résilients face au climat de demain.
Vous évoquez spécifiquement la forêt domaniale de Montmorency. Cette forêt est constituée en grande majorité de peuplements purs de châtaigniers. Depuis 2018, les dépérissements causés par la maladie de l’encre se sont accélérés. Plus de 280 hectares de châtaigniers ont ainsi été renouvelés, avec, pour l’essentiel, des essences feuillues, diversifiées à plus de 85 %. L’ONF a organisé des échanges avec les parties prenantes et reste bien entendu ouvert au dialogue. L’aménagement de la forêt sera d’ailleurs très bientôt révisé, et une large concertation, intégrant les élus locaux, sera lancée.
Il convient de rappeler que les coupes rases sont un acte sylvicole qui intervient dans un contexte précis, en l’occurrence en réaction à une maladie dévastatrice pour les arbres. Il s’agit donc plutôt d’une coupe sanitaire que d’une coupe rase, et il est essentiel de l’expliquer.
Vous évoquez également l’encadrement de la pratique des coupes rases. Les nouveaux schémas régionaux de gestion sylvicole, sur lesquels s’appuie l’agrément des documents de gestion durable des forêts privées, comprennent des seuils de surface.
Je vous confirme enfin que la mise en œuvre des nouveaux textes communautaires amène à vérifier que le cadre existant permet bien d’apporter toutes les garanties de gestion durable. Le ministère de la transition écologique y travaille actuellement.
Recensement de l’Insee
M. le président
La parole est à Mme Nathalie Colin-Oesterlé, pour exposer sa question, no 183, relative au recensement de l’Insee.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Le nombre d’habitants d’une commune établi par le recensement de l’Insee est capital car c’est sur cette base que le financement de ces collectivités est déterminé. Les dotations de l’État aux communes, le nombre de conseillers municipaux, les équipements collectifs nécessaires, comme les écoles et les hôpitaux, sont autant d’éléments qui dépendent des chiffres du recensement. De petites communes peuvent donc être gravement pénalisées si le recensement est établi lors d’une année où la démographie est temporairement en baisse.
La commune de Vigy, en Moselle, a ainsi vu disparaître sa gendarmerie et partir ses militaires et leurs familles. Ces départs ont entraîné une sous-occupation temporaire des logements de fonction, diminuant fortement le nombre d’habitants officiellement enregistrés.
Depuis, plusieurs initiatives ont été menées pour redynamiser la démographie locale. Les anciens logements de fonction ont été rénovés et reloués dès 2023, et une politique active d’aménagement a favorisé la construction d’une vingtaine de nouvelles habitations depuis 2020.
Cependant, le recensement effectué en 2020 a enregistré une baisse de la population qui aboutit à un écart notable entre la population réelle, estimée à environ 1 700 habitants, et la population officielle de 1 560 habitants, selon les projections de l’Insee, qui travaille à partir non de la réalité mais de la dynamique constatée l’année du recensement.
Les conséquences sont importantes car, sur la base de ces chiffres, la commune est supposée passer sous le seuil des 1 500 habitants en 2026. En réalité, la démographie de la ville progresse, les recettes de la commune seront de fait affectées, ainsi que le nombre de conseillers municipaux, qui passera de 19 à 15.
Quelles actions le gouvernement envisage-t-il pour éviter les distorsions entre les données officielles du recensement de l’Insee et les réalités locales ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Madame la députée, permettez-moi de vous répondre au nom de M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, Marc Ferracci.
La méthode de calcul des populations de référence, dont traite votre question, a été conçue pour garantir l’équité entre les communes, car elles ne sont pas toutes recensées la même année. Jusqu’à la fin de chaque cycle quinquennal, l’Insee s’appuie sur les populations de référence de milieu de cycle. Ainsi, les populations de référence actuellement en vigueur sont celles du 1er janvier 2022. Elles seront authentifiées à la fin du premier cycle quinquennal, soit à la fin de 2025.
Pour les communes de moins de 10 000 habitants, recensées tous les cinq ans, les nouvelles constructions sont prises en considération entre deux recensements, grâce aux données fiscales. La commune de Vigy a été recensée en 2022. Sa population de référence est donc issue de l’enquête de recensement effectuée en 2022. L’estimation de sa population au 1er janvier 2023 tiendra compte des logements construits entre le 1er janvier 2022 et le 1er janvier 2023.
Le décalage de trois ans entre la date de référence et l’entrée en vigueur des populations de référence est la principale difficulté soulevée par les élus locaux. Je vous confirme qu’il engendre de nombreuses incompréhensions. À la suite d’une expertise méthodologique réalisée par l’Insee, en concertation avec les élus, la Commission nationale d’évaluation du recensement de la population a approuvé la réduction du décalage à deux ans. Ce délai a été confirmé comme le meilleur point d’équilibre entre la fraîcheur et la robustesse des données.
Cette adaptation entrera en vigueur en 2026, sous réserve de sa validation finale par l’Insee, qui, conformément au code des bonnes pratiques de la statistique européenne, agit en toute indépendance professionnelle. Ses travaux les plus récents répondent de fait à vos demandes et soulignent la qualité du partenariat entre l’administration et les élus locaux en matière de recensement, permettant des avancées conjointes et consensuelles.
M. le président
La parole est à Mme Nathalie Colin-Oesterlé.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Il est très important que les chiffres correspondent aux réalités locales, ce qui suppose d’être en lien direct avec les élus locaux.
M. le président
Je remercie M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins d’avoir su jouer une large gamme d’instruments ! (Sourires.)
Projets miniers
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Hignet, pour exposer sa question, no 188, relative aux projets miniers.
Mme Mathilde Hignet
Monsieur le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, ma question concerne le développement de projets miniers sur le territoire français, notamment dans le Grand Ouest.
La société Breizh Ressources, filiale de l’entreprise Aurania Ressources, domiciliée fiscalement aux Bermudes et dirigée par le milliardaire canadien Keith Barron, a déposé début 2024 trois demandes de permis exclusif de recherches minières dans des territoires d’Ille-et-Vilaine, du Morbihan, de Loire-Atlantique et du Maine-et-Loire. Dans ma circonscription, en Ille-et-Vilaine, neuf communes sont concernées par le projet Taranis.
Sans considération pour les citoyens et les élus locaux, une consultation publique a été menée en catimini entre le 24 juin et le 22 juillet 2024 – nous étions pourtant en pleine campagne électorale. Les communes ont simplement été informées par mail, sans plus de précisions. En amont de la consultation, les différentes administrations publiques impliquées dans ce projet, comme l’agence régionale de santé ou la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), ont émis un avis sur la demande. Le 26 octobre 2024, j’ai demandé au ministre de l’économie de l’époque, M. Antoine Armand, de me transmettre et de rendre publics la synthèse de cette consultation, ainsi que les avis des administrations. Je n’ai, à ce jour, obtenu aucune réponse.
Le projet Taranis constitue un danger pour le pays de Redon, comme tous les projets miniers constituent un danger pour les territoires concernés, en France ou dans le monde. Que ce soit sur le plan environnemental, sanitaire ou énergétique, un territoire minier est un territoire sacrifié.
Le code minier est clair : accorder un permis exclusif de recherches minières, c’est ouvrir la voie à l’exploitation ultérieure d’une mine. La recherche de métaux ou de terres rares nécessite l’extraction de minerais contenant des substances toxiques pour l’environnement et la santé publique. La consommation d’eau moyenne d’une mine d’or est celle d’une ville de 80 000 habitants, soit plus que la population de l’agglomération de Redon. Pourtant, les syndicats de bassins versants et de production d’eau potable n’ont aucunement été concertés. La consommation énergétique d’une mine de phosphate est celle d’une ville de 120 000 habitants. Le phosphate et l’or font partie de la liste des produits recherchés dans la demande de permis du projet Taranis.
Alors que l’urgence écologique impose de réduire drastiquement les prélèvements sur la terre, les demandes de permis exclusif de recherche minière se multiplient sur le territoire. Compte tenu de la dangerosité des mines, que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour freiner le développement de ces projets ?
En ce qui concerne le projet Taranis, je vous demande de me transmettre et de rendre publics la synthèse de la consultation publique, ainsi que les avis des administrations publiques dans leur version originale.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Vous m’interrogez sur le projet d’exploration de la société Breizh Ressources en Bretagne et sur les mesures que nous comptons prendre pour freiner le développement des projets miniers.
Nous avons besoin des métaux du sous-sol pour la transition écologique, en particulier de ressources minérales telles que le lithium pour les batteries ou le cuivre pour les câbles électriques. L’extraction en France de ces métaux est soumise à des règles qui en font l’une des plus respectueuses de l’environnement, en Europe et dans le monde. Chaque projet est soumis à un cahier des charges strict qui permet de réduire les impacts environnementaux de l’exploration et de l’exploitation. Nous avons besoin de réduire nos dépendances stratégiques, en évitant que les impacts environnementaux qui en résultent soient trop importants. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’initier un nouvel inventaire minier de l’ensemble des ressources présentes sur le territoire national.
Il y a deux semaines, j’étais à Orléans à l’occasion du lancement par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) de cet inventaire et je suis convaincu que nous devons explorer et recenser les ressources qui peuvent faire l’objet d’une éventuelle exploitation, en les soumettant toutefois à l’ensemble des contraintes et des concertations qui ont pour but de prévenir leurs impacts environnementaux potentiels.
Les demandes de la société Aurania Ressources sont en cours d’instruction. Elles ont fait l’objet d’une enquête environnementale par une autorité indépendante et l’avis de l’autorité environnementale portant sur les demandes de permis exclusif de recherches de mines polymétalliques a été rendu le 13 février. Nous laissons un mois au porteur de ces projets pour répondre à l’avis et formuler des observations afin de compléter son dossier. Après quoi nous pourrons organiser la participation du public par voie dématérialisée sur le site du ministère de l’économie. À l’issue des consultations qui seront réalisées dans les prochaines semaines, nous ne manquerons pas de vous en communiquer leur résultat et leur contenu. Vous pouvez d’ores et déjà compter sur l’exigence de l’État dans l’instruction des dossiers. Nous veillerons à ce que les projets traduisent des engagements forts en matière de préservation de l’environnement.
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Hignet.
Mme Mathilde Hignet
Des alertes ont été lancées quant à la volonté de Keith Barron et de ses entreprises de prospecter avant tout de l’or.
Obligations environnementales et sociales des entreprises
M. le président
La parole est à M. Thierry Liger, pour exposer sa question, no 171, relative aux obligations environnementales et sociales des entreprises.
M. Thierry Liger
La directive européenne relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite CSRD, est entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Elle s’applique aux grands groupes et sera étendue aux PME à partir de janvier 2026. Elle a été transposée en droit français par l’ordonnance du 6 novembre 2023 qui a rendu obligatoire la publication et la certification d’informations en matière de durabilité, d’obligations environnementales et sociales. Des dizaines de milliers d’entreprises sont dès lors tenues de publier un rapport s’appuyant sur plus de 1 000 indicateurs, couvrant douze thématiques.
L’objectif est de permettre aux investisseurs, aux salariés et aux clients des entreprises un accès facilité à une information détaillée sur l’implication de celles-ci en matière de durabilité, information standardisée et comparable au niveau européen. Ce reporting fonctionne à la fois comme un levier essentiel pour une économie plus responsable et comme un outil au service de la légitimité de nos entreprises, dont les objectifs en matière de décarbonation sont de plus en plus ambitieux.
Toutefois, des inquiétudes apparaissent sur le fait que cette nouvelle réglementation constituerait un handicap compétitif pour les entreprises françaises, notamment les PME, sur lesquelles pèsent déjà de nombreuses contraintes.
En octobre dernier, Michel Barnier avait exprimé certaines réserves et proposé un moratoire sur l’application de cette directive. Il en va de même en Allemagne, où le chancelier a demandé officiellement la révision de cette nouvelle réglementation pour privilégier des mesures rapides et ciblées de simplification de la CSRD.
Cette charge pourrait s’avérer particulièrement lourde pour les PME et les secteurs sensibles aux exigences administratives élevées. À la demande de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), un premier test avait été lancé par la ministre Olivia Grégoire en mars 2024 afin d’évaluer les conséquences possibles de cette directive sur les PME. Nous en attendons encore les conclusions.
Enfin, dans un rapport rendu à la Commission européenne en septembre 2024, Mario Draghi plaidait pour un allègement des normes freinant la capacité d’innovation des entreprises. À l’heure où un choc de simplification est réclamé dans tous les pans de l’économie française, il serait dommage de gâcher une belle idée de départ par une suradministration préjudiciable à tous.
Comment Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire, compte-t-elle concilier les exigences de transparence et de durabilité avec la compétitivité des entreprises françaises, en particulier pour les plus petites d’entre elles ? Si l’Union européenne venait à suivre les recommandations de Mario Draghi, le gouvernement s’engagera-t-il, au minimum, à ne pas surtransposer ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Je vous remercie pour votre question relative à la CSRD et pour l’attention que vous portez à l’impact de cette réglementation sur nos très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME). Cette directive, qui s’inscrit pleinement dans les priorités de l’Union européenne en matière de développement durable et de transition écologique, a pour ambition de renforcer la transparence des entreprises sur les impacts environnementaux et sociaux de leurs activités. La transposition de cette directive en droit français a permis de définir un cadre pour l’application du reporting extra-financier.
Le contexte européen évolue puisque la Commission européenne a présenté, le 26 février 2025, un ensemble de textes, dits omnibus, portant sur une partie de la réglementation environnementale issue du pacte vert pour l’Europe, notamment la CSRD. Il ne s’agit pas pour la Commission de renier les principes ou les objectifs, mais d’améliorer ces textes pour assurer leur efficacité et préserver la compétitivité des entreprises, particulièrement les PME et TPE.
La France a entendu les préoccupations légitimes exprimées par la CPME et d’autres acteurs concernant la complexité administrative. Le gouvernement avait mis en place, en avril 2024, un test PME piloté par Olivia Grégoire, en collaboration avec la CPME, qui avait pour objectif de recueillir les retours des entreprises. Les premiers retours ont mis en lumière certaines difficultés sur six des soixante-et-onze indicateurs de la directive, en particulier ceux relatifs à la biodiversité, à la durabilité et à l’adaptation au changement climatique. Des obstacles d’ordre méthodologique et technique ont également été soulevés, notamment en ce qui concerne l’interprétation des exigences et la collecte de données.
Véronique Louwagie suit de très près ce dossier et l’évolution de cette directive au niveau européen. Nous restons ouverts à l’ajustement des exigences en fonction des retours du terrain et des échanges avec les autorités européennes compétentes, notamment l’Efrag (European financial reporting advisory group). Le test PME constitue une première étape essentielle et les enseignements tirés nous guideront dans nos discussions avec l’Union européenne.
Le gouvernement reste résolument engagé dans l’accompagnement des entreprises dans cette transition afin de concilier ambition environnementale et compétitivité économique. Soyez certain que Véronique Louwagie, que vous connaissez bien, puisque vous l’avez relevée depuis sa nomination, veillera à ce que nos PME continuent à se développer dans un cadre normatif qui encourage à la fois la durabilité et la compétitivité, sans les alourdir de contraintes excessives.
M. Thierry Liger
Je vous remercie, monsieur le ministre.
La Poste
M. le président
La parole est à Mme Christine Arrighi, pour exposer sa question, no 174, relative à La Poste.
Mme Christine Arrighi
Elle porte plus précisément sur la nécessité de préserver les missions de service public assurées par La Poste, essentielles au lien social et à l’égalité territoriale.
La Poste en remplit quatre, définies par la loi. Elle assure notamment le service universel postal et contribue, ne l’oublions pas, à l’aménagement du territoire avec 17 000 points de contact financés par le contrat de présence postale territoriale. Celui-ci, doté de 177 millions d’euros par an, garantit que 97 % de la population se trouve à moins de 5 kilomètres d’un point postal. Le gouvernement précédent avait réaffirmé l’engagement financier de l’État, mais seulement après avoir tenté d’amputer ce contrat de 50 millions d’euros – près d’un tiers du budget alloué – dès l’année 2024.
Le maintien annoncé du financement de l’État cette année et l’année prochaine est accueilli comme une bonne nouvelle, mais dans un contexte de remise en cause des services publics de proximité, il convient de rester vigilant. Depuis 2010, la privatisation a entraîné une dégradation de la qualité du service : réduction des horaires d’accueil, suppression de tournées, fermeture de bureaux et transfert d’activités à des commerces. Rien qu’entre 2015 et 2020, le nombre de bureaux est passé de 9 300 à 7 500.
De plus, certains partenariats locaux sont fragilisés : à Pinsaguel, commune de ma circonscription de Haute-Garonne, un acteur de l’économie sociale et solidaire (ESS) assure le service postal, mais La Poste a prévu de réduire drastiquement la rémunération de cette prestation en 2025, ce qui mettra en danger le modèle économique de cette structure et le service rendu à la population.
Les points de contact postaux jouent un rôle vital, particulièrement pour les populations vulnérables – personnes âgées, en situation de handicap ou éloignées du numérique. Leur disparition accentue les inégalités sociales et territoriales.
L’urgence est au renforcement des services publics de proximité, pour lutter contre le sentiment d’isolement et de relégation, pour que l’égalité entre les citoyens devienne une réalité éprouvée au quotidien, quelle que soit leur commune de résidence. J’interpelle le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification quant à l’indispensable maintien du maillage territorial du service public postal. Quelles actions le gouvernement compte-t-il mener pour garantir le maintien des 17 000 points de contact postaux et préserver le rôle crucial que jouent les structures locales, dont celle de Pinsaguel est un bon exemple ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Avec un chiffre d’affaires de 34 milliards d’euros en 2024, La Poste, vous le savez, reste un acteur économique de premier plan et le deuxième employeur public de France. Depuis quinze ans, ce groupe est engagé dans une mutation profonde de son modèle économique : le recul structurel de l’activité de traitement du courrier s’accompagne d’une baisse de la fréquentation des bureaux de poste.
Dans ce contexte, l’enjeu est double : il s’agit d’assurer la pérennité du modèle économique de La Poste tout en garantissant le maintien des services publics qui lui sont confiés. Pour accompagner ces évolutions, l’État a pris des engagements majeurs : en 2025, il compte consacrer près de 900 millions d’euros au financement des missions de service public de La Poste que sont le service universel postal, l’aménagement du territoire – garanti par le maillage de 17 000 points de contact –, l’accessibilité bancaire et la distribution de la presse.
Depuis 2019, le gouvernement s’appuie sur les maisons France Services pour offrir aux citoyens un accès simplifié et en un seul lieu à plusieurs services publics. Ainsi, 2 800 espaces France Services sont aujourd’hui labellisés ou en cours de labellisation et plus de 400 d’entre eux se situent dans des bureaux de poste.
Ce dispositif permet de maintenir l’ouverture de nombreux bureaux, d’étendre leurs missions et de renforcer leur utilité pour les habitants. Le ministre de l’économie Éric Lombard a demandé à ses services de vérifier la situation précise de Pinsaguel. Le critère d’accessibilité, fixé par le contrat de présence postale, est bien atteint dans le secteur de la commune : des bureaux de poste se trouvent à Portet-sur-Garonne, soit à 2,3 kilomètres, et à Pins-Justaret, soit à moins de 4 kilomètres, et l’on compte trois agences postales communales dans un rayon de 2 à 4 kilomètres de Pinsaguel. Par ailleurs, les échanges préalables à la création d’une nouvelle agence postale communale se poursuivent dans cette commune.
Soyez donc assurée que le gouvernement restera très vigilant au bon accomplissement par La Poste de ses missions de service public, notamment de sa mission d’aménagement du territoire, réalisée grâce à 17 000 points de contact en France. Le principe du soutien de l’État à l’exercice de cette mission n’a jamais été remis en question.
M. le président
La parole est à Mme Christine Arrighi.
Mme Christine Arrighi
Vous serez vigilants et je m’en réjouis. Je le serai également, n’en doutez pas.
Fermetures de classes dans les zones rurales
M. le président
La parole est à M. Éric Michoux, pour exposer sa question, no 203, relative aux fermetures de classes dans les zones rurales.
M. Éric Michoux
C’est presque cycliquement que nous interrogeons la ministre de l’éducation nationale sur la situation de ces communes qui, dans tous les territoires ruraux, se trouvent confrontées à des fermetures de classes.
Tous les ans, c’est la même chose : on voit naître, avec la publication de la nouvelle carte scolaire, des manifestations de parents d’élèves qui disent, devant les écoles, le mécontentement qu’elles suscitent. Dans ma circonscription, huit communes verront leurs écoles fermées ou presque fermées : Marnay, Saint-Cyr, Cuiseaux, Tournus… La liste est longue, malheureusement !
Chaque année, ce sont les mêmes réactions d’incompréhension, car ces fermetures créent de l’instabilité pour les élèves et pour les parents, même si les communes rurales s’organisent et se mettent en ordre de bataille pour créer des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) et ainsi répondre aux problèmes de restauration ou de transport. Chaque année, ces initiatives sont remises en cause et, chaque année, les dés sont de nouveau jetés.
Par conséquent, l’attractivité des territoires ruraux diminue : ceux qui envisagent de s’y installer se demandent s’ils pourront scolariser leurs enfants et pour combien de temps. Tout est toujours remis en question, ce qui provoque le déclin de ces territoires, pourtant essentiels à la diversité de la France. Cette instabilité provoque également une rupture d’égalité dans l’accès à l’école et à l’enseignement, puisque les élèves des territoires ruraux ne bénéficient pas du soutien que d’autres trouvent ailleurs.
J’en viens à ma question : pourrait-on imaginer l’établissement d’une carte scolaire à trois ans et non plus à un an ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Permettez-moi de vous répondre au nom de Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Élisabeth Borne.
Nous faisons aujourd’hui ce constat sans appel : notre pays connaît une baisse d’ampleur de sa population scolaire. À la rentrée 2025, nous compterons près de 100 000 élèves en moins, dont 80 000 auraient dû être scolarisés dans le premier degré. Dans ce contexte, nous faisons pourtant le choix de la stabilité des effectifs, avec le maintien de 4 000 postes. Cette stabilité, nous la consacrons à la réussite des élèves et à la réduction des inégalités sociales et territoriales. Nous accélérons ainsi l’application de nos politiques prioritaires.
Vous le savez, l’élaboration de la carte scolaire a été affectée par le vote tardif du budget, conséquence directe de la motion de censure que vous avez votée en décembre. Quand elle était première ministre, Élisabeth Borne a tenu à ce que les cartes scolaires soient désormais travaillées dans une logique pluriannuelle, notamment dans le cadre des observatoires des dynamiques rurales.
S’agissant de la Saône-et-Loire, une réunion s’est tenue le 31 janvier avec les associations, les élus locaux et les parlementaires. Vous y étiez convié, mais vous étiez absent.
M. Éric Michoux
Représenté !
M. Marc Ferracci, ministre
Soyez-en certain : nous accompagnerons la restructuration des projets scolaires fragiles en fonction des projets locaux et de chaque territoire. Nous avons maintenu de nombreux emplois en milieu rural, malgré la baisse des effectifs. Ainsi, en Saône-et-Loire, plus de dix-sept postes ont été préservés, dont neuf dans les zones rurales les plus reculées. Une attention particulière a été portée aux regroupements pédagogiques intercommunaux à trois classes, notamment lorsque l’organisation repose sur une seule école.
J’ajoute que nous nous apprêtons à signer une convention avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) pour nous assurer que les bonnes pratiques d’échanges – notamment avec les élus – seront diffusées.
Nous souhaitons travailler de façon anticipée et pluriannuelle et nous sommes particulièrement attentifs, dans les zones rurales, au maillage territorial et au nombre d’élèves par classe.
Sachez, enfin, qu’en Saône-et-Loire, on compte en moyenne vingt et un élèves par classe. Cet effectif n’augmentera pas, Élisabeth Borne s’y engage.
M. le président
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux
J’ai rencontré à de nombreuses reprises l’inspectrice d’académie, qui m’a bien expliqué le problème. Vous ne répondez pas au sujet d’une éventuelle carte scolaire à trois ans, ce que je regrette.
La baisse des effectifs est-elle liée au manque de services et à la faiblesse de votre stratégie ou tout simplement à la réticence de nos concitoyens à s’installer dans les zones rurales ? Si votre stratégie était plus orientée vers l’avenir, il y aurait certainement plus de monde dans nos classes et dans nos territoires ruraux.
Accompagnants des élèves en situation de handicap
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour exposer sa question, no 181, relative aux accompagnants des élèves en situation de handicap.
M. Jean-Paul Lecoq
Les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) représentent désormais le deuxième métier au sein de l’éducation nationale. Acteurs principaux de l’école inclusive, ils accompagnent au quotidien les élèves en situation de handicap, de la maternelle au lycée. Ils jouent un rôle-clé, qui n’est pas rémunéré à sa juste valeur. Majoritairement payés à 72 % du smic, car ils travaillent à temps partiel – selon le temps de présence des élèves, soit vingt-quatre heures par semaine –, ces agents de l’éducation nationale, souvent des mères seules avec enfants ou eux-mêmes en situation de handicap, subissent généralement de grandes difficultés financières en plus de mauvaises conditions de travail.
Les AESH assurent plusieurs suivis, dans des établissements différents, sans prise en charge des transports nécessaires pour se rendre d’un lieu de travail à un autre. Les pathologies dont souffrent les enfants qu’ils accompagnent sont de plus en plus lourdes. Aucun matériel informatique n’est mis à leur disposition. L’hyperprécarité est trop souvent leur quotidien. Le malaise est général. Notre ancien collègue Sébastien Jumel, dans son rapport d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, nous alertait déjà sur leur situation en 2019.
N’en pouvant plus de cette vie, Karen, jeune maman et AESH dans l’Eure, s’est suicidée en janvier dernier. Elle laisse sa fille autiste à la charge de sa mère.
Si des avancées ont été obtenues pour améliorer le statut de ces agents et soutenir leur recrutement, il n’y a aucun cadrage national : chaque académie gère ce personnel à sa manière.
Les AESH perçoivent des aides sociales, en raison de leur modeste salaire, mais les différents rappels de prime, les heures supplémentaires et les rappels d’heures en provoquent la suspension et plongent ces travailleuses – car ce sont majoritairement des femmes qui exercent ce métier – dans une précarité grandissante. Si leur dû était payé en temps et en heure, elles ne perdraient aucun droit : ces rappels doivent être considérés comme des régularisations et non comme des augmentations de revenu.
Madame la ministre de l’éducation nationale, je vous demande de bien vouloir envisager, pour les AESH, la neutralisation par la mensualisation des ressources exceptionnelles et autres régularisations de leur employeur dans le calcul de leurs droits auprès de la caisse d’allocations familiales (CAF). La stabilité de leurs ressources sera ainsi mieux assurée.
Je sais que vous ne gérez pas les CAF, mais vous avez, me semble-t-il, le devoir de prendre en compte ces situations dramatiques. Nous manquons d’un grand nombre d’AESH et leur recrutement est devenu difficile, ce que vos services doivent vous signaler régulièrement. La cause de cette difficulté ? Les faibles salaires, les conditions de travail et le statut. Il y a urgence à agir !
M. le président
La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Vous avez raison : les AESH jouent un rôle absolument crucial dans l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Depuis 2017, nous avons considérablement amélioré l’accueil de ces jeunes et c’est bien le rôle de l’école que d’accueillir tous les jeunes, quelle que soit leur situation.
Ainsi, les AESH sont l’un des piliers de notre école. Vous l’avez mentionné, des efforts importants ont été réalisés depuis 2017. Ils visaient à améliorer la situation des AESH, qui peuvent à présent accéder à un CDI après trois ans d’exercice et qui sont 65 % à avoir signé un tel contrat. Ils visaient également à augmenter leur rémunération : 40 % des AESH ont bénéficié d’une revalorisation salariale depuis 2017.
Le temps de travail des AESH, rarement complet, pose encore problème. Grâce à la loi Vial, l’État rémunérera désormais les AESH durant le temps scolaire et lors de la pause méridienne. Rappelons qu’auparavant, ces agents étaient employés des collectivités territoriales et parfois de plusieurs à la fois.
Vous l’avez dit aussi : il est inadmissible que des retards de paiement affectent l’éligibilité des AESH aux aides sociales. J’ai alerté mes services à ce sujet dès que votre question a été portée à ma connaissance. Nous devons remédier sans délai à ce problème et nous assurer que l’effet de ces retards sera désormais neutralisé dans le calcul des aides. Nous devrons garantir en priorité que les personnels les plus précaires ne subiront plus de tels dysfonctionnements. Tout le nécessaire sera fait pour corriger au plus vite la situation, soyez-en assuré.
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M. Jean-Paul Lecoq
Je remercie Mme la ministre pour sa réaction immédiate dès la réception de ma question. L’obtention de vraies réponses aux questions posées aux ministres est la preuve d’une bonne qualité de travail. J’apprécie beaucoup cette évolution et je pense que les AESH en seront également satisfaits. Ils exercent un vrai travail et sont animés d’un véritable engagement. Ce sont de grands professionnels, qui ont à cœur de contribuer à l’inclusion dans l’école. C’est la façon dont nous allons les considérer – en particulier votre ministère – qui décidera de l’attractivité de ce métier. Il n’est pas encore attractif, mais il peut le devenir, parce qu’il est beau.
M. le président
Merci, madame la ministre, monsieur le député, d’avoir démontré que les questions orales dites sans débat ne sont pas nécessairement des questions sans réponse ou sans solution.
M. Jean-Paul Lecoq
Exactement !
Élèves en situation de handicap dans le Val-de-Marne
M. le président
La parole est à Mme Clémence Guetté, pour exposer sa question, no 186, relative aux élèves en situation de handicap dans le Val-de-Marne.
Mme Clémence Guetté
J’espère moi aussi obtenir une réponse satisfaisante et convaincante. J’attends de voir…
Les alertes et mobilisations en faveur de l’école publique émancipatrice se multiplient, de la part des personnels, des parents d’élèves et des élus, parce que la situation s’aggrave partout. Dans mon département, le Val-de-Marne, le manque d’accompagnement pour les élèves en situation de handicap est probablement l’aspect le plus dramatique et urgent de cette faillite. Nous avons besoin de personnels en nombre suffisant, bien formés et bien rémunérés.
J’étais, l’automne dernier, dans plusieurs écoles de ma circonscription, aux côtés des parents et des enseignants pour dénoncer la situation désormais intenable, liée à la pénurie d’accompagnantes d’élèves en situation de handicap (AESH). À la rentrée de septembre, le département ne comptait que 2 200 AESH en poste pour près de 9 000 élèves reconnus comme ayant besoin d’un accompagnement humain. Aujourd’hui, 20 % de ces élèves ne disposent donc pas d’un accompagnement adapté. Dans certaines écoles, il n’y a que trois ou quatre postes pour accompagner jusqu’à une vingtaine d’élèves notifiés, reconnus comme ayant besoin de cette aide, parfois à temps plein. Il manquerait quarante AESH rien que dans la ville de Choisy-le-Roi.
Il faut se rendre compte de ce que cela veut dire : plusieurs milliers d’élèves sont mal pris en charge dans leurs apprentissages et leur vie quotidienne à l’école ; ils sont donc discriminés et en souffrance en raison de leur handicap ; certains ne peuvent même pas être scolarisés. J’avais alerté votre prédécesseure sur la situation d’un élève de ma circonscription, privé de toutes les sorties scolaires et tenu à l’écart des autres élèves faute d’accompagnement.
Nous en sommes là : bien loin de l’engagement pris il y a vingt ans en faveur de l’école inclusive, des enfants sont exclus de fait. Les causes de cette faillite, bien connues, sont dénoncées unanimement par les syndicats de professionnels. L’académie de Créteil tente depuis des années de recruter davantage d’AESH, mais elle se heurte au manque d’attractivité du métier – euphémisme pour exprimer le fait que ces professionnelles ne sont pas reconnues, n’ont pas de formation adaptée, sont très mal payées et souffrent de conditions de travail catastrophiques, notamment du fait de temps partiels subis qui les contraignent à se démener entre plusieurs écoles et plusieurs enfants aux besoins très différents, avec des journées et des semaines à trous.
Les démissions, burn-out, dépressions et accidents de travail explosent. En janvier dernier, le suicide de Karen, AESH dans l’Eure, dans l’indifférence la plus totale, rappelait les drames de France Télécom. Vous en porterez la responsabilité si votre politique ne change pas radicalement. En effet, les choix opérés par les précédents gouvernements pèsent lourd dans cette souffrance : les dispositions de l’acte II de l’école inclusive, passé en force à la rentrée scolaire 2024, ne répondent en rien aux problèmes et ont même conduit à dégrader les conditions de travail des AESH.
Ces travailleuses sont méprisées par vos choix en matière de politique éducative. Ce sont presque toutes des femmes, bien souvent racisées, qui vivent dans des quartiers populaires et sont souvent elles-mêmes mères isolées. En cette semaine du 8 mars, car la cause des AESH est éminemment féministe, je sonne l’alerte. Il faut écouter ces professionnelles qui disent participer malgré elles à une forme de maltraitance et entendre ces professeurs ou ces parents obligés de se substituer à des agents formés.
Il faut également créer un véritable statut de fonctionnaire pour les AESH, construit avec les accompagnantes et leurs organisations syndicales, rémunérer à sa juste valeur leur travail essentiel de soin, d’attention, de tendresse et d’éducation, recruter et former massivement, en finir avec les pôles inclusifs d’accompagnement localisé (Pial), les pôles d’appui à la scolarité (PAS) et la mutualisation, appliquer une politique coordonnée avec le secteur médico-social et y consacrer des moyens à la hauteur des besoins. L’inclusion des enfants et des futurs adultes handicapés doit être mise au cœur du projet de l’école républicaine. (Mme Mathilde Hignet applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Manifestement, nous ne vivons pas dans le même monde.
Mme Clémence Guetté
Sans doute !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État
Nier les efforts réalisés depuis des années pour mieux soutenir nos élèves en situation de handicap constitue vraiment un déni de réalité.
Mme Clémence Guetté
Venez dans ma circonscription !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État
À l’échelle nationale, nous sommes ainsi passés de 110 000 AESH en 2020 à 143 000 en 2024 et à la prochaine rentrée, plus de 340 000 élèves en situation de handicap bénéficieront d’une notification d’aide humaine, avec un taux de couverture dépassant 90 %.
À quelques jours de la célébration de l’anniversaire de la loi de 2005, rappelons-nous aussi que 150 000 élèves en situation de handicap étaient accueillis dans les écoles en 2005, contre 520 000 aujourd’hui. Nous faisons donc des progrès dans la prise en charge des élèves en situation de handicap.
Les notifications tombent tout au long de l’année pour les élèves en situation de handicap, ce qui constitue une grande difficulté pour l’éducation nationale, chargée de trouver des accompagnants dans des délais restreints. C’est pourquoi les pôles d’appui à la scolarité, qui permettent une prise en charge continue par des équipes médico-sociales, autour d’un professeur spécialisé, constituent une réponse adaptée pour apporter au plus vite et au plus près une solution aux besoins des jeunes.
S’agissant des AESH, je conviens qu’il reste des progrès à accomplir. Toutefois, depuis 2017, la rémunération des AESH a été revalorisée de 41 %, le nombre d’AESH en CDI est désormais de 65 % et la transformation de leur contrat en CDI est possible au bout de trois ans. Nous avons étendu leur rôle sur la pause méridienne pour qu’ils bénéficient d’un temps plein. Nous faisons donc le maximum pour améliorer la reconnaissance et les conditions de travail de nos AESH.
Institut universitaire de technologie de Morlaix
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Le Feur, pour exposer sa question, no 178, relative à l’institut universitaire de technologie de Morlaix.
Mme Sandrine Le Feur
L’institut universitaire de technologie (IUT) de Morlaix, antenne de l’université de Bretagne occidentale (UBO) de Brest, a acquis un fort ancrage. Il s’agit d’un établissement attractif et à taille humaine. La qualité de ses formations et leur pertinence par rapport au tissu économique du territoire sont unanimement reconnues. Ainsi, les deux départements actuels – gestion administrative et commerciale des organisations et génie civil-construction durable – accueillent 315 étudiants qui jouissent d’une bonne insertion professionnelle.
Depuis plusieurs années, les élus travaillent avec l’UBO à un projet de création d’un troisième département au sein de l’IUT de Morlaix. Une telle démarche est motivée par la volonté d’élargir l’offre de formation dans l’enseignement supérieur dans un territoire éloigné des campus, afin d’offrir plus d’opportunités à nos jeunes, près de chez eux. L’ambition est aussi de construire un écosystème cohérent entre l’offre de formation et les besoins économiques du territoire – écosystème à même de garantir une insertion professionnelle dynamique pour les étudiants.
Aussi le conseil d’administration de l’UBO a-t-il approuvé la création d’un troisième département dédié aux carrières sociales. En effet, se fait sentir, dans le territoire, un fort besoin de compétences dans les métiers des structures et des services sanitaires et sociaux : à l’horizon de 2030, plus de la moitié de la population du territoire du pays de Morlaix aura 60 ans et plus.
Sur le plan bâtimentaire comme programmatique, le projet est pleinement abouti. La phase d’inscription et de formulation des vœux sur Parcoursup a débuté le 15 janvier dernier. C’est pourquoi il devient urgent d’approuver la création de ce troisième département et de le doter des moyens nécessaires. La capacité d’accueil ayant été fixée à vingt-huit étudiants, les besoins portent donc sur deux maîtres de conférences supplémentaires et trois enseignants du second degré. Pouvez-vous me dire selon quel calendrier les moyens de l’État pourraient être engagés afin de concrétiser l’ouverture de ce département ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Vous l’avez rappelé, il est proposé d’ouvrir à Morlaix un parcours supplémentaire de formation dédié à la gestion des établissements et des services sanitaires et sociaux. À l’échelle nationale, le ministère a été sollicité par plusieurs universités pour accompagner l’ouverture de nouveaux départements d’IUT. Rappelons, à cet égard, que l’État a consenti en 2022 et en 2023 un soutien financier important en direction de l’ensemble des IUT dans le cadre de la création des bachelors universitaires de technologie (BUT). Pour l’IUT de Morlaix, cet effort représente 208 000 euros de ressources supplémentaires pérennes par an.
Pour en revenir aux projets de création de départements d’IUT, nous étudions actuellement toutes les demandes que nous avons reçues. Nous parlons bien de demandes de moyens nouveaux, étant entendu que les établissements peuvent aussi, en vertu du principe d’autonomie, redéployer des ressources pour appliquer les évolutions de l’offre de formation dont ils ont la responsabilité. Toutes ces demandes représenteraient un effort de création nette de dizaines d’emplois d’enseignants, d’enseignants-chercheurs et de personnels administratifs.
Nous devons disposer d’une vision consolidée au niveau national de tous les besoins exprimés pour assurer une équité dans les réponses que nous apporterons et que nous intégrerons dans la préparation du budget 2026. S’agissant de l’IUT de Morlaix, je peux vous assurer que ce dossier, dont je reconnais tout l’intérêt, est suivi avec la plus grande attention par mes services. Il continuera de l’être dans les semaines à venir pour que nous puissions prendre ensemble la meilleure décision.
Enseignement supérieur privé à but lucratif
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour exposer sa question, no 200, relative à l’enseignement supérieur privé à but lucratif.
M. Emmanuel Grégoire
Ma question concerne le secteur de l’enseignement supérieur privé à but lucratif, dont les trop nombreuses dérives sont progressivement dévoilées à la vue de toutes et de tous. L’enquête de Mme Claire Marchal sur le sujet, sobrement intitulée Le cube, paraîtra demain, mercredi 5 mars. Ce livre ne sera pas qu’un simple travail journalistique, mais montrera à nos concitoyennes et à nos concitoyens les pratiques les plus obscures envers nos étudiants, dépassant sans cesse le cadre de la loi, et qui sont pourtant monnaie courante dans certains établissements.
Il est urgent d’agir. C’est pourquoi j’ai déposé une proposition de loi visant à un meilleur encadrement de l’enseignement supérieur privé à but lucratif pour mieux protéger les étudiants. Dans le vaste ensemble que représentent les établissements privés d’enseignement supérieur, dont la place centrale au sein du paysage éducatif français n’est plus à démontrer, une sous-catégorie s’est progressivement développée, loin du contrôle de la puissance publique : celle de l’enseignement supérieur privé à but lucratif. Selon le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), le privé lucratif représenterait près de 15 % de la population étudiante totale, soit près de 400 000 jeunes.
Alors que ces établissements jouent un rôle croissant dans notre paysage éducatif, ils demeurent insuffisamment contrôlés par la puissance publique. Leur essor est avant tout caractérisé par un cadre juridique obsolète et une connaissance lacunaire par les pouvoirs publics du contrôle des pratiques commerciales et pédagogiques observables. Comme a pu le montrer l’enquête nationale lancée en 2020 par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à la demande du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche auprès de quatre-vingts établissements, plus de 56 % d’entre eux présentaient une anomalie sur au moins un des points de la réglementation contrôlée.
Parmi les pratiques abusives les plus fréquentes, figure la présence de clauses permettant la modification unilatérale des prix ou l’absence de remboursement des frais de scolarité en cas de départ anticipé de l’étudiant. Ces comportements exploitent la méconnaissance des familles et le désarroi parfois ressenti face à des choix d’orientation cruciaux pour les jeunes.
Il ne s’agit là que d’une première étape législative ; le Parlement devra nécessairement poursuivre ses travaux sur le sujet dans un avenir proche. Cependant, toute initiative législative demeure insuffisante si le gouvernement n’intervient pas à son tour par la voie réglementaire. Nous savons que les ministères de l’enseignement supérieur et du travail sont pleinement conscients de cette problématique, et espérons que leurs préoccupations seront rapidement suivies de mesures concrètes. Dans cette optique, je souhaite connaître les délais dans lesquels le gouvernement prendra différentes mesures indispensables à la bonne régulation du secteur.
Plusieurs questions devront ainsi être traitées par les ministères compétents. Premièrement, il faudra réguler la publicité dont de trop nombreux établissements font usage sur les réseaux sociaux, conduisant à la prolifération de diplômes non reconnus aux dénominations baroques, dont la qualité de formation n’est pas toujours garantie. Je vous épargnerai le florilège des bachelors, master of et autres mastères qui polluent l’enseignement supérieur français. Deuxièmement, il faudra modifier les conditions d’accès à Parcoursup pour ces formations ne disposant d’aucune certification, mais dont la présence sur la plateforme fragilise la lisibilité des labels attribués par les pouvoirs publics, alors même que les familles peinent déjà à s’orienter au sein de ce système critiquable. Il faudra enfin interdire les pratiques dites de location de titres et redéfinir le système de labellisation dans son ensemble, en commençant par réviser les critères d’attribution du label Qualiopi.
Madame la ministre d’État, je crois que vous avez conscience de l’urgence. Nous attendons des précisions quant à vos intentions et au calendrier d’action du gouvernement.
M. le président
La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche
Le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, Philippe Baptiste, et moi-même partageons totalement votre préoccupation quant aux pratiques de certains établissements d’enseignement supérieur privé à but lucratif et votre volonté d’obtenir davantage de garanties de leur part. Depuis 2024, le ministère a engagé plusieurs travaux visant notamment à améliorer la lisibilité et la transparence du contenu des formations sur Parcoursup, à moderniser et à simplifier le cadre juridique applicable à l’enseignement supérieur privé – ce qui devrait conduire à la réécriture de certaines dispositions du code de l’éducation –, et à instaurer un véritable contrôle de la qualité pédagogique des formations proposées par le privé, notamment des brevets de technicien supérieur (BTS) en apprentissage. Il s’agit ainsi, en coopération avec le ministère du travail, de conditionner l’accès au financement de l’apprentissage à des critères de qualité de la formation.
Nous sommes donc pleinement d’accord avec vous : il faut garantir aux familles que les jeunes s’engagent dans des formations de qualité. Dans cet esprit, nous envisageons la création d’un label de qualité distinct du label Qualiopi, lequel constitue plutôt une certification formelle du respect des exigences réglementaires. Cela passera sans doute, là encore, par l’adaptation du code de l’éducation dans le but de mieux encadrer les formations supérieures privées.
Atelier industriel de l’aéronautique de Cuers-Pierrefeu
M. le président
La parole est à M. Julien Rancoule, pour poser la question no 197, de M. Frank Giletti, relative à l’atelier industriel de l’aéronautique de Cuers-Pierrefeu.
M. Julien Rancoule
Je vous prie d’excuser mon collègue Frank Giletti, retenu en Guyane dans le cadre des essais d’Ariane 6. Il m’a chargé, madame la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants, de vous interroger sur les implications potentielles du choix de l’A321-XLR d’Airbus pour le renouvellement des avions de patrouille maritime sur l’avenir de l’atelier industriel de l’aéronautique (AIA) de Cuers-Pierrefeu. D’après plusieurs sources concordantes, notamment des articles de presse, le ministère des armées envisagerait de choisir Airbus pour le remplacement des Atlantique 2 (ATL2). Si le choix du ministère doit correspondre aux besoins exprimés en matière de patrouille maritime et ne saurait être remis en question, il n’en soulève pas moins plusieurs interrogations quant au devenir de l’AIA de Cuers-Pierrefeu.
La mission principale de ce site tourne autour de la maintenance du niveau de soutien industriel (NSI) des cellules et des équipements des aéronefs des forces armées. L’Atlantique 2 occupe une place importante dans l’histoire et dans le fonctionnement de cet AIA, et le choix de l’A321-XLR pourrait poser plusieurs problèmes. Parlons d’abord de l’infrastructure : la piste d’envol de l’AIA pourrait s’avérer inadaptée, en l’état, à l’accueil des A321-XLR. De même, les hangars de maintenance sont prévus pour des ATL2. Le choix de l’A321-XLR pose aussi la question de l’écosystème industriel : le passage d’un modèle Dassault à un modèle Airbus modifierait profondément la chaîne de sous-traitance, ce qui pourrait avoir un impact sur les entreprises locales. Enfin, la maintenance de ces nouveaux appareils par l’AIA de Cuers pourrait requérir des adaptations significatives, ce qui impliquerait des engagements financiers qui restent à clarifier.
Dans ce contexte, pourriez-vous nous indiquer si une réflexion sur ces évolutions a déjà été engagée et si les investissements nécessaires pour garantir l’avenir de l’AIA de Cuers ont été pris en compte ? Par ailleurs, quelles assurances pourraient être apportées quant au maintien des compétences, de l’activité et des emplois au sein de cette structure essentielle à l’économie du département du Var et au sein de ses sous-traitants ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants
Je vous remercie pour votre question, qui me permet de rappeler que le renouvellement de nos capacités de patrouille maritime est un enjeu crucial pour la marine nationale, pour la lutte anti-sous-marine et antinavire et pour le renseignement et l’action de l’État en mer. Il est également fondamental pour la fonction stratégique de dissuasion.
Nous disposons de vingt-deux avions Atlantique 2 que nous devrions cesser d’utiliser entre 2030 et 2035, en fonction des études en cours pour prolonger leur durée de vie. Le ministère a effectivement identifié la solution d’Airbus Defence and Space, basée sur l’avion A321-XLR, comme susceptible de répondre au besoin militaire. Une étude a donc été contractualisée en décembre 2024 avec cet industriel et avec l’entreprise Thales DMS pour disposer d’éléments techniques, calendaires et financiers. Nous sommes au début des travaux ; d’autres options existent.
Vous m’interrogez par ailleurs quant aux conséquences du remplacement de la flotte d’ATL2 sur l’écosystème industriel aéronautique étatique, en particulier sur le site de l’AIA de Cuers-Pierrefeu. Ce site regroupe environ 1 100 agents, dont près de 150 personnes dédiées aux visites d’entretien des ATL2.
Je tiens à vous assurer que le ministère a pris en considération les enjeux d’évolution du modèle industriel et de gestion des compétences liés au remplacement d’une flotte par une autre. En vue du maintien de la flotte en condition opérationnelle, le biseau capacitaire comportera un volet dédié à la préparation des bases et des ateliers du ministère, à l’accueil et au soutien de la nouvelle gamme d’avions de patrouille maritime, et un autre volet portant sur le maintien de l’outil industriel et des compétences nécessaires au soutien de l’ATL2 jusqu’à la fin de son service.
Enfin, l’étude de définition et de levée des risques que j’évoquais se penchera sur le soutien de la nouvelle flotte. Dans ce cadre, la place du service industriel de l’aéronautique et le rôle de son précieux site de Cuers seront analysés. Elle se penchera aussi sur les besoins en matière d’infrastructures nouvelles ou d’adaptation des structures existantes, telles que le hangar d’entretien ou le hangar de peinture.
M. le président
Mme Mercier doit poser la question suivante à Mme la ministre déléguée, mais elle n’est pas encore arrivée. Je vous propose donc une suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures dix.)
M. le président
La séance est reprise.
Assainissement non collectif
M. le président
La parole est à M. Laurent Croizier, pour exposer sa question, no 170, relative à l’assainissement non collectif.
M. Laurent Croizier
Je souhaite alerter le gouvernement sur l’enjeu crucial de la mise en conformité des installations d’assainissement non collectif (ANC). En France, l’assainissement non collectif concerne 5 millions de logements, dont environ 80 % ont des installations non conformes.
Depuis 2012, en application du code de la construction et de l’habitation, les acquéreurs d’un bien comportant un système d’assainissement non conforme disposent d’un délai d’un an à compter de la signature de l’acte de vente pour réaliser les travaux nécessaires. Force est malheureusement de constater que les acquéreurs, bien qu’informés de cette obligation, ne la respectent pas, ce qui entraîne des conséquences désastreuses sur l’environnement. Cela tient sans doute au montant des pénalités financières prévues dans le code de la santé publique, dérisoire au regard du coût réel des travaux. Par exemple, dans ma circonscription, le montant de la pénalité que peut infliger le syndicat intercommunal des eaux du Val de l’Ognon, même porté au maximum de ce que permet la loi, ne peut excéder 120 euros, alors que la mise aux normes coûte généralement 10 000 à 15 000 euros.
Je me fais ici le porte-parole des élus de ma circonscription. Nous proposons que soit mis en place, lors de la vente d’une habitation équipée d’un système d’assainissement non conforme, un séquestre notarial destiné à garantir le financement et la réalisation effective des travaux de mise aux normes. Nous souhaitons savoir ce qu’envisage le gouvernement et quelle est sa position sur cette proposition.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Lors de la vente d’un bien immobilier équipé d’une installation d’assainissement non collectif, le code de la santé publique prévoit que le diagnostic technique du bien intègre un contrôle, daté de moins de trois ans, de cette installation. Ce contrôle est mené par le service public d’assainissement non collectif (SPANC).
En cas de non-conformité de l’ANC, soit les travaux de mise aux normes sont conduits avant la vente par l’ancien propriétaire, soit, conformément à l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation, l’acquéreur fait procéder aux travaux de mise en conformité dans un délai d’un an après l’acte de vente. Il est prévu que le notaire informe les deux parties de leurs obligations dès les discussions préalables à la signature de l’acte de vente en application de la réglementation en vigueur. Au plus tard un mois après la signature de l’acte de vente, le notaire adresse au service public d’assainissement non collectif une attestation contenant la date de la vente, les informations nécessaires à l’identification du bien vendu, ainsi que le nom et l’adresse de l’acquéreur de ce bien. Cette mesure permet au SPANC de contrôler que l’acquéreur s’est bien conformé à ses obligations de travaux dans le délai requis.
Afin de remédier à la difficulté de faire appliquer, par l’acquéreur, l’obligation de mise en conformité après la vente, qui fait l’objet de votre question, la création d’un séquestre notarial pourrait être envisagée pour la mise en conformité lors de la vente d’une propriété équipée d’un ANC non conforme pour une somme correspondant à la réhabilitation de l’installation d’assainissement concernée. À ce jour, cette solution de mise sous séquestre d’un prix doit être ordonnée par un tribunal et suppose qu’il y ait un conflit. Le notaire n’est donc pas en capacité de provisionner le montant des travaux d’une installation non conforme.
Alors que la directive européenne relative au traitement des eaux résiduaires urbaines récemment révisée renforce les obligations concernant les performances et les contrôles des installations d’assainissement non collectif, une évolution législative pourrait être étudiée pour faire procéder à une mise en conformité rapide des ANC et ainsi respecter les dispositions de la directive.
M. le président
La parole est à M. Laurent Croizier.
M. Laurent Croizier
Nous devons effectivement explorer cette piste. Les installations d’assainissement non conformes entraînent la pollution des sols, des nappes phréatiques, des cours d’eau et des terres agricoles. Les conséquences environnementales, sanitaires, économiques et sociétales peuvent être désastreuses. Dans ma circonscription, plusieurs cours d’eau sont en péril. La Loue, qui attirait jadis des pêcheurs à la mouche du monde entier, a perdu entre 50 % et 80 % de ses poissons en l’espace de quarante ans. C’est un patrimoine naturel et culturel inestimable qui disparaît. Alors, monsieur le ministre, nous avons le devoir d’agir. Il y va de la préservation de notre environnement, de la santé de nos concitoyens et de l’attractivité de nos territoires.
Aéroport d’Albert-Méaulte
M. le président
La parole est à Mme Yaël Ménaché, pour exposer sa question, no 192, relative à l’aéroport d’Albert-Méaulte.
Mme Yaël Ménaché
Monsieur le ministre chargé des transports, je veux vous interroger sur le projet de réforme précipitée du contrôle aérien de l’aéroport d’Albert-Méaulte Henry Potez, qui menace de licenciement les salariés de l’usine Airbus et qui ne permettra certainement pas de faire face à la hausse du trafic aérien, lequel augmente de 2 % chaque année.
Tous les ans, 12 000 avions environ décollent et atterrissent dans cet aéroport, qui compte actuellement quatre contrôleurs aériens et un chef de la circulation aérienne. À côté de cet aéroport se trouve l’usine historique d’Airbus, à Méaulte, où travaillent près de 2 000 employés dépendant directement de l’aéroport. En effet, celui-ci a été conçu initialement pour le passage de l’Airbus Beluga, qui assure le transport vers Saint-Nazaire des pointes avant produites dans cette usine.
Si la suppression de postes de contrôleurs aériens, remplacés par des agents de guidage, proposée par la direction générale de l’aviation civile (DGAC), aboutit, le passage du Beluga ne sera plus possible en raison de l’insuffisante sécurité aérienne. L’usine risque alors de fermer et ses 2 000 salariés de perdre leur emploi. Ce serait une étape de plus dans le désengagement de l’État envers notre pays, une étape de plus vers la désindustrialisation, alors même que l’usine pourrait voir ses bons de commande doubler dans les années à venir.
Il y a déjà deux ans, pour pallier les lacunes du contrôle aérien, sources de multiples retards et de nombreuses annulations de vols, le directeur général de la DGAC a demandé aux ministères concernés de répondre aux besoins de recrutement d’aiguilleurs du ciel. J’aimerais des précisions sur les moyens financiers consacrés au recrutement de contrôleurs aériens par l’aéroport d’Albert-Méaulte, ainsi que sur les moyens déployés pour assurer la sécurité aérienne de cet aéroport et permettre le maintien de 2 000 emplois dans la région, au sein de l’un des fleurons de l’aéronautique française.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
La décision de fermer des services de contrôle aérien de l’aérodrome Henri Potez, qui concerne également d’autres plateformes au sein du territoire métropolitain, s’inscrit dans le cadre d’une restructuration territoriale essentielle pour moderniser le contrôle aérien en France. Cette restructuration implique, à terme, le retrait de services de contrôle aérien qui relèvent de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) de la DGAC là où les caractéristiques du trafic ne nécessitent pas leur maintien et où un service d’information de vol et d’alerte, le service Afis (Aerodrome Flight Information Service), pris en charge par l’exploitant, permet de poursuivre et de développer l’activité des aérodromes concernés dans des conditions de sécurité préservées.
Cette réforme, qui n’affecte pas l’avenir des aéroports concernés dès lors qu’un service d’information de vol pourra être instauré ou étendu lorsqu’il existe déjà, vise à mieux allouer les moyens publics – ce qui faisait également l’objet de votre question – eu égard aux besoins réels de l’ensemble des terrains d’aviation français. Ce service d’information de vol et d’alerte offre une grande souplesse et une grande réactivité dans l’adaptation des horaires d’ouverture, ce que la DSNA ne sera plus en mesure d’offrir dans les années à venir du fait, comme vous le mentionnez, de ses difficultés de recrutement.
S’agissant de la présence d’Airbus, la crainte qu’un service d’information, de vol et d’alerte ne puisse être compatible avec les vols des Beluga pour l’acheminement des pièces nécessaires à l’activité de l’industriel sur la plateforme doit être tempérée. Les services de la DGAC ont eu une réunion constructive le 20 janvier dernier avec Airbus Transport international, qui a permis de rassurer l’industriel quant à l’adéquation de ce service avec ses besoins. Les services du ministère vont poursuivre les travaux avec l’exploitant de l’aéroport et ses usagers pour déployer l’ensemble des mesures opérationnelles nécessaires à cette évolution.
Enfin, en ce qui concerne la gestion des effectifs de contrôleurs aériens à Amiens, des mesures d’accompagnement ont été prévues et sont inscrites dans le protocole social signé avec les syndicats majoritaires de la DGAC. De plus, chaque agent concerné par cette réorganisation a pu exprimer ses souhaits de mobilité, que la DSNA s’efforcera de satisfaire.
M. le président
La parole est à Mme Yaël Ménaché.
Mme Yaël Ménaché
Il est évident qu’Airbus ne prendra jamais le risque de faire décoller un Beluga si l’aéroport ne dispose que d’un service Afis. Une tour de contrôle avec des contrôleurs aériens est en effet indispensable pour assurer la sécurité du décollage et de l’atterrissage du Beluga. J’espère de tout cœur que vous prendrez en considération cette question importante car des emplois et des familles en dépendent.
Gestion de l’eau dans l’Essonne
M. le président
La parole est à Mme Julie Ozenne, pour exposer sa question, no 175, relative à la gestion de l’eau dans l’Essonne.
Mme Julie Ozenne
Ma question s’adresse au ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
L’accès à l’eau potable de millions de Français est menacé ou même bafoué. D’après les inspections générales des ministères de la santé, de l’agriculture et de la transition écologique, la qualité de l’eau du robinet n’est plus garantie pour plus de 10 millions de Français du fait de la pollution aux pesticides. Durant l’été 2023, au cœur de la sécheresse, plus de 30 000 Français ont été privés d’eau potable. Pour les Mahorais, les coupures d’eau sont monnaie courante. Dans le même temps, le prix de l’eau ne cesse de croître et, avec lui, la pression sur le pouvoir de vivre des plus précaires. Gestion des pollutions, coût croissant de la potabilisation, tensions liées à la disponibilité de l’eau, juste répartition du prix de l’eau entre les acteurs : les enjeux en matière d’accès à l’eau potable sont tels que de nombreuses collectivités décident de se réapproprier la pleine maîtrise de ce commun naturel, déléguée pendant des décennies à des entreprises privées.
Cette démarche vise deux objectifs principaux. Premièrement, elle tend à maîtriser les coûts et à empêcher que l’accès à l’eau soit une source de bénéfices au détriment des citoyens. Deuxièmement, elle a pour fin de préserver durablement la ressource, en renforçant les actions sur l’ensemble du grand cycle de l’eau. C’est dans cette perspective que la régie publique Eau de Paris a été créée : elle est le premier opérateur d’eau en France à instaurer un dispositif d’aide pour accompagner financièrement les agriculteurs dans la réduction de l’usage de pesticides. Mais certaines collectivités désireuses de reprendre la maîtrise de l’eau potable se voient refuser ce droit par des entreprises qui souhaitent conserver leur mainmise. C’est notamment le cas dans l’Essonne, le département d’où je viens.
Depuis un demi-siècle, les communes du nord de l’Essonne dépendent pour leur alimentation en eau potable du réseau interconnecté du sud francilien (RISF), propriété privée de l’entreprise Suez. Quatre usines de potabilisation situées à Vigneux-sur-Seine, Viry-Châtillon, Morsang-sur-Seine et Corbeil-Essonnes alimentent ce réseau. Cette configuration monopolistique presque unique en France a permis à Suez d’imposer, dans une opacité quasi totale et depuis des décennies, des tarifs très différents selon les communes et largement excessifs. Cette marge permettrait au groupe de tirer une rente d’environ 20 millions d’euros par an, au détriment du pouvoir de vivre des 1,4 million d’habitants de la zone.
Pour mettre fin à cette situation scandaleuse, quatre grandes intercommunalités, Grand Paris Sud, Cœur d’Essonne, Val d’Yerres Val de Seine et Grand Orly Seine Bièvre, réunies au sein du syndicat mixte Eau du sud francilien, ont entrepris de se réapproprier l’intégralité des ouvrages du réseau pour assurer pleinement le service public d’eau potable, de la production à la distribution.
Cette démarche, aussi légitime que nécessaire pour les Essonniens, est injustement bloquée par Suez, qui revendique la propriété des usines, tout en refusant aux collectivités le droit d’identifier précisément les ouvrages et canalisations qui composent le réseau. Monsieur le ministre, comment comptez-vous lever les blocages qui empêchent actuellement les collectivités d’assurer pleinement le service public d’eau potable, de la production à la distribution ? Comment envisagez-vous de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la gestion de l’eau ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Les collectivités ont, comme vous l’avez dit, la responsabilité du service public de l’approvisionnement et de la distribution d’eau potable. Elles peuvent toutefois exercer de manière facultative les activités se rapportant à la production d’eau potable, à son transport et à son stockage. Lorsqu’une collectivité ne produit pas l’eau potable, elle est propriétaire du réseau de distribution de l’eau sur son territoire et achète de l’eau potable en gros à un ou à plusieurs producteurs d’eau potable. Certaines de ces collectivités font toutefois le choix de reprendre la maîtrise publique de la production et de la distribution de l’eau potable sur leur territoire, un choix que vous saluez. C’est notamment le cas dans le sud francilien, où des communautés d’agglomération que vous connaissez bien, Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart, Cœur d’Essonne, Val d’Yerres Val de Seine et l’établissement public territorial Grand Orly Seine Bièvre, qui se sont réunies au sein du syndicat mixte fermé de l’Eau du sud francilien depuis le 1er janvier 2023, souhaitent faire l’acquisition de l’usine de Morsang-sur-Seine et du réseau interconnecté du sud francilien, qui sont actuellement propriétés de Suez.
Des négociations ont donc eu lieu au cours des dernières années avec Suez en vue d’un accord financier. Certains élus estiment que ces ouvrages réalisés avant le début des années 1970 reviennent de droit aux collectivités sans qu’il soit nécessaire de les racheter à l’entreprise. Un projet d’accord avait été envisagé l’an passé avec Suez, mais celui-ci n’avait pas fait l’objet d’un consensus. Cette situation particulière est exceptionnelle. Elle ne fait pas ressortir de blocage institutionnel à la reprise par une collectivité de la maîtrise publique de la production de l’eau potable sur son territoire et relève plutôt d’un contentieux. Le cas échéant, une demande de déclaration d’utilité publique pourrait être transmise à la préfecture, qui analysera alors formellement le dossier.
Demandeuses d’asile afghanes
M. le président
La parole est à Mme Estelle Mercier, pour exposer sa question, no 201, relative aux demandeuses d’asile afghanes.
Mme Estelle Mercier
Plusieurs familles de ma circonscription vivent dans l’angoisse permanente. Depuis la prise de pouvoir des Talibans en Afghanistan en août 2021, de nombreuses femmes afghanes, menacées dans leur propre pays, cherchent à rejoindre leur famille réfugiée en France. Toutefois, en l’absence de représentation diplomatique française à Kaboul, ces femmes sont contraintes de transiter par l’Iran pour obtenir un visa de tourisme français, ce qui les expose à un véritable parcours du combattant. Non seulement ce parcours est complexe et long, mais il met aussi ces femmes en danger : elles doivent d’abord obtenir un visa iranien de courte durée, traverser clandestinement la frontière afghane au péril de leur vie, puis, une fois en Iran, justifier d’un logement pour effectuer leur demande de visa sur la plateforme France-Visas. Après l’envoi des documents demandés, certaines attendent jusqu’à quatre mois ou plus, avant d’obtenir un rendez-vous à l’ambassade de France à Téhéran.
En Iran, ces femmes sont en situation de grande vulnérabilité. Elles sont la cible de réseaux d’escroqueries qui exploitent leur détresse et elles subissent des persécutions. Plus grave encore, depuis plusieurs mois, les propositions de faux rendez-vous aux abords des bureaux de VFS Global, sous-traitant du ministère des affaires étrangères en charge de la collecte des demandes de visas, se multiplient. Celles-ci sont orchestrées par des agents iraniens agissant sur ordre des Talibans.
De plus, le marché du logement en Iran profite de la précarité de ces femmes pour exiger des sommes exorbitantes de la part de leur famille en France. Certaines, qui se trouvent en situation irrégulière, faute de renouvellement de leur visa, sont arrêtées par la police iranienne ou se retrouvent sans abri, exposées aux agressions et à des violences inacceptables. Pendant ce temps, leurs familles en France, pourtant régularisées et sous la protection de l’État français, vivent dans l’angoisse de voir leurs proches piégées dans un pays où les droits des femmes sont bafoués. La procédure de réunification familiale est, elle aussi, très difficile à mettre en œuvre, ce qui rend leur situation encore plus dramatique.
Dans la plupart des autres pays, les délais d’obtention des visas sont bien plus raisonnables. Mon interrogation porte donc sur deux aspects précis de la procédure : la rapidité et la sécurité. D’une part, puisque les femmes afghanes sont susceptibles d’être reconnues comme réfugiées, selon la décision de la Cour nationale du droit d’asile de juillet dernier, pourquoi l’ambassade de France à Téhéran n’adopte-t-elle pas une procédure simplifiée et accélérée ? D’autre part, comment expliquer la fuite des données et les faux rendez-vous qui mettent ces femmes en danger ? Pourquoi la France recourt-elle à une plateforme de demande de visas privée ? Quelles sont les garanties de cette plateforme eu égard à la mise en danger de ces femmes ?
Le 11 février dernier, j’ai alerté le ministre de l’Europe et des affaires étrangères sur quatre cas. Hier, j’ai appris que l’une des femmes concernées en attente de visa a été arrêtée par la police iranienne et reconduite à la frontière afghane. L’ambassade n’avait pas pris contact avec elle depuis sa demande de visa qui datait de l’an dernier. Cette absence de réponse a malheureusement provoqué une situation dangereuse pour cette femme. Quelle réponse pouvons-nous donner à ces femmes afghanes et à leurs familles réfugiées en France ? Sommes-nous en mesure de leur offrir une issue viable et humaine ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Je ne manquerai pas de faire part à mon collègue ministre de l’Europe et des affaires étrangères de la situation particulière que vous avez évoquée à la fin de votre question.
Avant d’en venir à la rapidité et à la sécurité des procédures sur lesquelles vous vous interrogez, permettez-moi de rappeler la position forte de la France sur la situation des femmes et des filles en Afghanistan, situation qui se dégrade depuis l’arrivée au pouvoir des Talibans en août 2021. La France condamne avec la plus grande fermeté la violation de leurs droits et soutient la population à travers l’ONU et les ONG : 160 millions d’euros d’aide humanitaire ont été apportés, avec une attention particulière aux projets à destination des femmes et des filles. La France a également accueilli, depuis mai 2021, plus de 17 000 ressortissants afghans, dont des Afghanes militantes, journalistes ou des artistes menacées.
Notre ambassade en Afghanistan étant fermée depuis août 2021, nous traitons les demandes de visa des Afghans depuis l’Iran et le Pakistan. La France exige des Talibans la levée des entraves pour ceux qui souhaitent quitter le pays, ainsi que le respect des droits humains. Ces exigences figurent, à notre initiative, parmi les conditions de la résolution 2593 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Concernant la rapidité des procédures, notre ambassade à Téhéran œuvre pour traiter les demandes de visa dans les meilleurs délais, mais elle fait face à des situations complexes et à une augmentation des demandes. En 2024, notre poste consulaire a reçu 46 424 demandes, ce qui représente une augmentation de près de 15 % par rapport à 2019. L’administration met tout en œuvre pour les traiter. Des missions de renfort ont été envoyées et notre prestataire a accru ses capacités et le nombre de créneaux hebdomadaires disponibles. En revanche, il ne peut pas y avoir de démarches simplifiées pour les visas de long séjour, car ces derniers doivent faire l’objet d’un examen individualisé.
Quant à la sécurité des procédures, je confirme qu’il arrive que des officines locales préemptent les rendez-vous pour les revendre à des tarifs exorbitants, au détriment des Afghans présents sur le territoire iranien et des Iraniens attendant des visas pour la France. À travers France-Visas et le centre VFS, l’ambassade veille à mettre en garde contre ces escroqueries dont on constate malheureusement la recrudescence.
Liaisons aériennes entre Paris-Orly et Toulouse et entre Paris-Orly et Carcassonne
M. le président
La parole est à M. Julien Rancoule, pour exposer sa question, no 194, relative aux liaisons aériennes Orly-Toulouse et Orly-Carcassonne.
M. Julien Rancoule
Je souhaite vous interpeller sur deux préoccupations majeures, qui ont un impact considérable sur l’attractivité et l’accessibilité de ma région, l’Occitanie, et de mon beau département de l’Aude.
En octobre 2023, Air France a annoncé son intention de quitter la plateforme d’Orly et, par conséquent, de cesser ses vols entre Toulouse et Paris-Orly d’ici à 2026, transférant cette liaison à sa filiale low cost Transavia. Cette liaison est pourtant essentielle pour les déplacements professionnels, touristiques et commerciaux, notamment en raison de la meilleure accessibilité d’Orly depuis le sud de Paris, par rapport à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. Cette décision aura également un impact fort sur le personnel de la compagnie, qui a souvent investi depuis longtemps à proximité de l’aéroport et qui devra bousculer sa vie personnelle et familiale pour garder son emploi. Enfin, au-delà des répercussions internes, il y aura des effets inexorables sur le territoire. Nous sommes la région métropolitaine la plus éloignée de la capitale et, très certainement, la moins bien desservie. Le basculement vers Transavia entraînera une importante diminution de la fréquence des vols comme cela a été le cas à Montpellier.
Principal actionnaire d’Air France, à hauteur de 28,6 %, l’État a versé près de 7 milliards d’euros d’aide publique durant la crise sanitaire. C’est donc à vous d’entamer un rapport de force avec la direction, afin d’apporter des solutions concrètes. Je ne peux imaginer qu’un gouvernement ait pu valider, voire encourager, cette décision qui va à rebours des intérêts de la population. Vous n’êtes pas sans savoir que nous sommes actuellement dépourvus de ligne à grande vitesse. Contrairement à d’autres villes, nous n’avons pas d’alternatives efficaces à l’avion pour aller vers la capitale. Il faut donc être responsables et conserver les navettes Air France, gages de qualité et de fiabilité, au moins jusqu’à la mise en service de la ligne à grande vitesse (LGV) Toulouse-Bordeaux.
Je souhaite aussi vous interroger sur l’ouverture – ou plutôt la réouverture – de la ligne aérienne Carcassonne-Orly. Bien que le projet ait été validé en janvier 2022 par la direction générale de l’aviation civile (DGAC) comme une obligation de service public, sa mise en œuvre tarde à se concrétiser. Cette connexion est d’autant plus nécessaire que la suppression de la ligne Toulouse-Orly risque d’accroître l’isolement du département de l’Aude, lui aussi dépourvu de liaison ferroviaire à grande vitesse avec la capitale. Voici un exemple concret : il faut en moyenne six heures trente pour accéder à la capitale en train depuis Carcassonne, contre quatre heures trente par avion depuis Toulouse. Avec une ligne Carcassonne-Orly, cette durée serait ramenée à trois heures.
Comptez-vous intervenir pour maintenir la liaison Toulouse-Orly sous l’égide d’Air France, afin de garantir un service de qualité ? Envisagez-vous d’accélérer l’ouverture de la ligne Carcassonne-Orly, indispensable au désenclavement et au développement économique du territoire ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Le gouvernement soutient les territoires sur les sujets complexes de connectivité aérienne. Les évolutions structurelles de la demande sur le marché domestique depuis la crise sanitaire sont un élément central de la réflexion. Les organisations et les habitudes de travail ont profondément évolué, entraînant une baisse du trafic aérien lié aux voyages d’affaires, en particulier sur les liaisons depuis et vers Paris. En 2024, la fréquentation sur les lignes radiales du trafic domestique dépassait à peine 70 % de son niveau de 2019 et le trafic de la navette Orly-Toulouse a baissé de près de 60 % par rapport à cette même année. Les annonces de la compagnie Air France sur la navette Orly-Toulouse, qui n’est pas la seule concernée – je pense aux navettes de Nice et de Marseille, dans ma région –, de même que les annonces symétriques d’easyJet, doivent malheureusement s’analyser dans ce contexte.
Il est souhaitable que la compagnie mette en œuvre toutes les solutions permettant d’améliorer sa rentabilité, afin d’assurer sa pérennité face à la concurrence. Or sur les liaisons domestiques, les pertes d’Air France, qui existaient déjà en 2019, augmentent désormais rapidement.
Je vous rejoins sur le fait que ces évolutions ne doivent pas se faire au détriment des territoires et de leur connectivité. Le groupe Air France continuera de desservir Paris-Orly grâce à sa filiale à bas prix Transavia. Cette dernière fera tous les efforts nécessaires : je me suis entretenu avec son président à cet effet. En pleine croissance, Transavia pourra utiliser les nouveaux Airbus A320neo qui remplacent progressivement, depuis le début de 2024, les Boeing 737 d’ancienne génération. La connectivité de Toulouse sera toujours assurée vers Paris-Charles-de-Gaulle et directement vers plus de soixante destinations internationales.
Le marché européen est entièrement libéralisé pour les compagnies européennes. À l’heure actuelle, pour ce qui concerne la ligne Carcassonne-Paris, aucune compagnie n’a fait d’offre. Les collectivités locales ont envisagé la mise en place d’obligations de service public et le financement des services aériens. Si elles souhaitent délibérer en faveur d’un tel projet, le caractère vital de la ligne devra être démontré – vous avez donné quelques éléments sur ce point. Il faudra aussi définir des obligations de service public proportionnelles à la demande et, enfin, prouver l’absence de préjudice aux vols depuis les aéroports voisins, notamment celui de Toulouse. La DGAC a produit une étude en juillet 2023, afin d’accompagner les collectivités dans leur réflexion et de leur fournir des estimations de coût associé.
M. le président
La parole est à M. Julien Rancoule.
M. Julien Rancoule
J’entends que vous reprenez les éléments de langage d’Air France, mais j’aimerais avoir la position du gouvernement sur le sujet. L’intérêt de la population doit primer les considérations économiques et il aurait été pertinent d’attribuer les Airbus A320neo à la filiale Air France, plutôt qu’à Transavia.
Selon les mots de votre prédécesseur, aujourd’hui président du département de l’Essonne, la décision d’Air France était scandaleuse ; il parlait de faute et d’erreur. Je regrette que le gouvernement n’ait pas conservé le même langage. Je constate qu’il a été plus prompt à rétablir la ligne Pau-Orly (Sourires) que la ligne Carcassonne-Orly, pour des intérêts que l’on comprend bien. Dans l’Aude, nous nous sentons bien démunis – dommage que nous n’ayons pas un ministre venant de Carcassonne pour faire bouger les choses. Cela fait plus de trois ans que nous attendons, nous sommes très isolés et avons besoin que vous agissiez concrètement pour désenclaver le territoire.
Aéroport de Bordeaux-Mérignac
M. le président
La parole est à M. Sébastien Saint-Pasteur, pour exposer sa question, no 199, relative à l’aéroport de Bordeaux-Mérignac.
M. Sébastien Saint-Pasteur
Le devenir de l’aéroport de Bordeaux-Mérignac suscite de vives inquiétudes chez les populations environnantes. Sans évoquer l’évolution du trafic, deux sujets se distinguent tout particulièrement : les vols de nuit et l’avenir de la piste secondaire.
Ma question portera sur le second point, car une décision doit être prise rapidement. Nous sommes très nombreux à nous être fortement étonnés que M. le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine vous invite à maintenir cette piste secondaire. Dans la réponse qu’il m’a adressée, il s’appuie sur des avis qui ne sont ni hiérarchisés ni pondérés. Peut-on considérer que l’avis d’une ville de 2 000 habitants, distante de près de 20 kilomètres de l’aéroport, ait la même valeur que celui d’une commune située à proximité immédiate et comptant près de 70 000 habitants ?
Notre étonnement est d’autant plus fort que cet avis contrevient aux recommandations de la Cour des comptes, formulées fin 2023, qui sont claires comme de l’eau de roche : la piste secondaire doit être supprimée. Je cite la Cour : « La rationalité, tant économique qu’opérationnelle et capacitaire, apparaît inviter à la fermeture de cette piste secondaire. » Enfin, un rapport publié cet été par l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) va dans le même sens, si l’on prend la peine de le lire en détail. J’ai pris le soin de transmettre tous les éléments à votre cabinet, que j’ai rencontré il y a deux semaines.
Qu’il s’agisse de l’aspect économique ou de l’impact sur les populations, la suppression de la piste secondaire est largement préférable. Tout indique également que la suppression de la piste secondaire n’aura aucune conséquence sur la sécurité, élément décisif par essence.
Si je mesure le poids de la responsabilité d’une telle décision, je comprends également notre chance que l’intérêt général et la raison l’allègent considérablement, puisque tout plaide pour la suppression de cette piste secondaire. Les éléments sont sur la table, je les ai sommairement évoqués. Dès lors, pouvez-vous vous engager à agir en ce sens, en déclarant que vous êtes favorable à la suppression de la piste secondaire ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Cette question n’a pas échappé à l’attention du gouvernement – ni à la mienne, puisque vous rappelez avoir été reçu, il y a quelques jours, par mon cabinet. Les services de l’État se sont pleinement mobilisés afin d’évaluer les conséquences soit du maintien, soit de la suppression de la piste secondaire. Le préfet de la Gironde a organisé une concertation locale ; l’Igedd et la Cour des comptes, vous l’avez indiqué, ont consacré chacune un rapport au sujet.
De celui de l’Igedd, qui constitue aujourd’hui l’analyse la plus complète de la situation, il ressort – peut-être n’en faisons-nous pas la même lecture – qu’aucune des deux options ne présenterait d’avantage financier, sécuritaire, capacitaire ou environnemental significatif. Quant à la concertation, elle a mis en évidence le fait qu’à l’exception des communes situées sous les cônes d’envol de la piste secondaire, les acteurs concernés soit – en majorité, semble-t-il – sont partisans de la conservation de cette piste, soit ne se prononcent pas. Je comprends en effet que sa suppression aggraverait les nuisances sonores pour les populations déjà les plus concernées.
Je rassure en tout cas ceux dont l’habitation se situe sous ces cônes d’envol : la piste n’accueille que 15 % du trafic et cette situation n’a pas vocation à évoluer. Par ailleurs, les mesures prises, sur le fondement des conclusions de l’étude d’impact, selon l’approche équilibrée auront vocation à améliorer la qualité de vie de l’ensemble des riverains.
S’agissant de la piste secondaire, je prendrai une décision – difficile – dans les semaines qui viennent en tenant compte des consultations engagées, des éléments disponibles dans le rapport de la Cour des comptes, dans celui de l’Igedd et dans le bilan de la concertation, mais aussi de ceux récemment fournis par l’aéroport au sujet de l’évolution à moyen terme de l’infrastructure, en cours d’expertise par les services de la direction générale de l’aviation civile.
M. le président
La parole est à M. Sébastien Saint-Pasteur.
M. Sébastien Saint-Pasteur
Monsieur le ministre, le temps que vous choisissez de consacrer à une étude détaillée de la situation vous permettra de transformer les évidences que j’ai énoncées en décision éclairée.
L’évidence, l’Igedd le souligne, c’est que le maintien de la piste secondaire coûterait des dizaines de millions d’euros. La décision éclairée consiste donc à supprimer la piste secondaire.
L’évidence c’est que la piste secondaire affecte un nombre de personnes toujours plus important et, depuis dix ans, en croissance exponentielle. La décision éclairée consiste donc à la supprimer.
L’évidence est que l’avenir de l’aéroport ne peut pas se fonder uniquement sur l’augmentation continue du trafic aérien, mais nécessite une offre complémentaire, que le foncier libéré par la suppression de la piste secondaire permettrait de développer. La décision éclairée consiste donc à la supprimer.
L’évidence consiste à s’appuyer sur des rapports indépendants dont les auteurs n’ont pas intérêt à privilégier une solution ou une autre. L’analyse précise du rapport de l’Igedd – même si nous pouvons avoir une légère divergence à ce sujet – démontre la plus-value de la suppression de la piste secondaire. Quant à la Cour des comptes – l’organisme auquel nous nous en remettons au sujet du système des retraites –, son analyse est sans équivoque. La décision éclairée consiste donc à supprimer la piste secondaire.
L’évidence consiste à planifier le développement d’un territoire dans la durée. Tous les documents d’urbanisme prévoyaient la fin de la piste secondaire – c’était aussi le cas du plan de prévention du bruit dans l’environnement. La décision éclairée consiste donc à supprimer cette piste.
J’espère, monsieur le ministre, que c’est bien une décision éclairée que vous prendrez sur ce sujet.
RN90
M. le président
La parole est à M. Vincent Rolland, pour exposer sa question, no 173, relative à la RN90.
M. Vincent Rolland
Le 1er février, un spectaculaire éboulement sur la route nationale RN90, entre Aigueblanche et Moûtiers, a mis en évidence la vulnérabilité de cet axe stratégique. Permettez-moi de remercier les services de l’État, le conseil départemental, les communes, les entreprises, dont la réactivité a permis d’accueillir les naufragés de la route et surtout de rouvrir cette voie dès les vacances de février. Si, contrairement au 1er mai 1977, aucune victime n’est à déplorer, devons-nous attendre une nouvelle tragédie pour agir ?
Cet axe routier, le seul qui desserve en hiver la Tarentaise, est essentiel aux Savoyards, aux entreprises, aux vacanciers ; or, malgré des investissements significatifs ces dernières années, force est de constater que les protections actuelles restent très insuffisantes.
Il serait temps d’envisager une solution pérenne et efficace : un deuxième tunnel pour le flux montant, qui garantirait la sécurité des usagers tout en préservant la fluidité du trafic, notamment dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2030. Il ne s’agit pas là d’une dépense, mais bien d’un investissement stratégique pour l’avenir. La construction d’un tunnel combinée à une augmentation des capacités ferroviaires constituerait une réponse cohérente. Encourager le report modal, augmenter le nombre des rames, réintroduire le train de nuit : voilà de nouveaux investissements ferroviaires indispensables pour conjuguer sécurité et transition écologique.
Monsieur le ministre, l’État peut-il prendre un engagement clair et rapide en vue d’assurer un accès sécurisé et pérenne à la Tarentaise ?
Toujours à ce propos, la gestion des samedis de chassé-croisé constitue un véritable défi, surtout en période d’affluence. Pour y parvenir, il est essentiel d’adapter la régulation de la fermeture des sorties en fonction des flux, de manière à éviter des restrictions excessives, trop en amont, pénalisant habitants et professionnels. Une approche plus souple, plus réactive, permettrait de mieux concilier déplacements et dynamisme économique.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Vous appelez mon attention sur la RN90, qui dessert la vallée de la Tarentaise, à la suite des chutes de blocs survenues le 1er février vers Moûtiers. Comme vous, je tiens à remercier, pour leur mobilisation rapide et efficace, les services de l’État et les entreprises qui ont concouru à rétablir complètement les accès dès le vendredi 7 février, juste avant le premier week-end de vacances scolaires, si important pour l’économie locale. M. le préfet a fait preuve d’une grande efficacité ; vous avez pris votre part, monsieur le député, et je crois pouvoir dire que ce fut aussi mon cas.
Les particularités de ce secteur ont été prises en compte dès la construction de la route en 1992 : un sens descendant en tunnel, un sens montant sécurisé par des pare-blocs et où des feux rouges permettent de limiter en permanence le nombre de véhicules au pied de la falaise. Le dispositif de pare-blocs, vous l’avez évoqué, venait d’être renforcé par l’État sur la base des dernières modélisations, prenant notamment en compte le risque de chutes de blocs de 25 tonnes.
L’éboulement du 1er février présentait un caractère exceptionnel : un gros bloc qui ne s’était pas fragmenté, contrairement à ce que prévoyaient les simulations, a couché le filet, si bien que le bloc suivant a franchi celui-ci et atteint la route. Des études ont été engagées afin de mieux caractériser ce phénomène et d’adapter le plan de résilience de la route. Toutes les solutions seront bien évidemment étudiées. Je peux vous assurer que cet axe fait l’objet d’une attention toute particulière, notamment dans la perspective des Jeux olympiques : plusieurs projets de sécurisation sont à l’étude et le programme d’aménagement, qui vise à compléter le volet mobilités 2023-2027 du contrat de plan État-région, est en cours de finalisation. Nous aurons besoin d’un fort engagement de votre région à ce sujet.
Enfin, votre proposition concernant le système de régulation sera immédiatement transmise à M. le préfet, lequel ne manquera pas de prêter la plus vive attention à vos remarques, puisque vous connaissez si bien ce territoire.
M. le président
La parole est à M. Vincent Rolland.
M. Vincent Rolland
Je vous remercie de l’implication et de l’engagement qui, dès le début, ont été les vôtres. Poursuivons dans cette direction : des collectivités, des entreprises sont prêtes à étudier la possibilité d’investissements massifs en vue de sécuriser et fluidifier le trafic vers notre vallée.
Infrastructures de transport entre Grenoble et Gap
M. le président
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay, pour exposer sa question, no 202, relative aux infrastructures de transport entre Grenoble et Gap.
Mme Sophie Ricourt Vaginay
À moins de cinq ans des Jeux olympiques d’hiver dans les Alpes françaises, notre pays doit relever un défi majeur alors que se conjuguent incertitudes organisationnelles, et infrastructures insuffisantes.
Si le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop), sous la présidence d’Edgar Grospiron, vient d’être constitué, la liste des sites n’est pas définitivement arrêtée et la garantie de l’État, engagée par Michel Barnier, a été intégrée au budget sans aucun débat parlementaire. Compte tenu de l’ampleur de l’événement, ce manque de préparation et de transparence est inquiétant.
C’est sur les infrastructures de transport que portera ma question. Depuis des décennies, la liaison routière entre le nord et le sud des Alpes, notamment entre Grenoble et Gap, constitue un goulet d’étranglement majeur pour les habitants, les entreprises et pour le développement de ce territoire.
Le passage au gouvernement de Mme Voynet a entraîné l’abandon, pour des raisons purement idéologiques et sans solution de remplacement crédible, d’un projet essentiel, le prolongement de l’autoroute A51. L’actuelle majorité se conforme à cette logique, d’autant que le Cojop a annoncé des investissements massifs dans d’autres infrastructures de transport, notamment afin de relier les futurs sites olympiques.
Devons-nous conclure que l’axe routier Grenoble-Gap, indispensable aux Jeux, est volontairement sacrifié par le gouvernement ? Celui-ci préconise la substitution du ferroviaire au trafic automobile, mais, dans les faits, la modernisation de lignes locales reste insuffisante et la liaison entre Grenoble et Gap se trouve dans un état indigne d’un pays développé.
Monsieur le ministre chargé des transports, agirez-vous enfin pour désenclaver les Alpes du Sud, les doter d’infrastructures à la hauteur des enjeux et mettre fin à cette politique d’abandon qui les pénalise ? Les habitants, les entreprises, les élus locaux attendent des réponses claires et des engagements concrets.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Permettez-moi tout d’abord de vous saluer, madame la députée, puisque vous avez été maire de la magnifique commune de Barcelonnette, où j’allais en colonie de vacances ! (Sourires.) Il s’agit en tout cas d’un territoire que je connais bien ; pendant des années, en tant que conseiller général des Alpes-Maritimes puis vice-président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, j’ai agi de mon mieux en faveur des mobilités. En 2015, autour de l’étoile ferroviaire de Veynes, de nombreuses lignes étaient menacées ; avec le président du conseil régional de l’époque, puis celui en place, nous nous sommes battus afin d’éviter ces fermetures, qui auraient pénalisé notre territoire.
Vous avez appelé mon attention sur l’amélioration des infrastructures de transport dans le cadre de l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver 2030. S’agissant du réseau routier national, une attention particulière est accordée aux RN94, RN85 et RN90, où des opérations ponctuelles de sécurisation et d’amélioration de la résilience face aux aléas climatiques sont nécessaires.
Comme je l’ai dit au précédent orateur, le programme d’aménagement, qui vise à compléter le volet mobilités 2023-2027 du contrat de plan État-région, est en passe d’être finalisé. Ces opérations seront lancées en priorité, afin que les travaux puissent être réalisés avant le début des Jeux.
Les solutions alternatives au transport routier ne sont pas négligées pour autant. En 2020, l’État a entamé la remise à niveau des lignes ferroviaires de desserte fine du territoire, essentielles en montagne, en particulier la ligne Grenoble-Gap, dont la fermeture a été évitée grâce aux 35 millions d’euros investis pour sa pérennisation ; des études sont en cours au sujet de la poursuite du programme. Vous l’avez rappelé : le temps nous est compté d’ici aux Jeux.
C’est pourquoi les services de l’État et les deux régions concernées étudient avec SNCF Réseau toutes les pistes d’améliorations possibles en matière d’infrastructures et d’offres de transport avant cette échéance, que ce soit sur la ligne Grenoble-Gap ou, plus généralement, sur l’étoile ferroviaire de Veynes, incontournable pour la desserte des sites olympiques.
Le gouvernement est donc pleinement engagé dans l’accessibilité des territoires alpins et la préparation des Jeux olympiques et paralympiques de 2030. J’aurai l’occasion de recevoir, comme cela a déjà été le cas, MM. Barnier et Grospiron, ainsi que les deux présidents des régions concernées, afin d’aborder plus spécifiquement le sujet des mobilités.
M. le président
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.
Mme Sophie Ricourt Vaginay
J’attendais plus particulièrement une réponse sur le réseau routier.
S’agissant de la ligne ferroviaire que vous avez évoquée, je sais que vous connaissez parfaitement la région, mais je vous invite à effectuer le trajet entre Gap et Grenoble : c’est une honte dans un pays comme la France !
En ce qui concerne le réseau routier, il faudrait prévoir au minimum des lignes de dépassement, ainsi qu’une voie express. Les Jeux olympiques constituent pour nos territoires une occasion qui ne se représentera pas.
Logement social
M. le président
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin, pour exposer sa question, no 187, relative au logement social.
M. Arnaud Saint-Martin
Ma question s’adresse à Mme la ministre chargée du logement. Connaissez-vous le quartier de l’Almont à Melun, dans ma circonscription, où les logements et les infrastructures sont dans un état de délabrement avancé et constatable ? Les conditions de vie y sont indignes, par endroits : moisissures, champignons, infestations de nuisibles, problèmes électriques, défauts d’isolation, et j’en passe.
Les habitants, mobilisés, ont adressé de nombreux signalements au bailleur social – je le nomme, il s’agit d’Habitat 77 –, mais les améliorations, quand il y en a, sont cosmétiques, voire obsolètes. Je l’ai constaté sur place à plusieurs reprises, après des dizaines d’interpellations de locataires livrés à eux-mêmes.
Comment est-il possible, dans ce quartier, comme dans tant d’autres quartiers populaires de notre pays, que des enfants soient obligés de garder leur manteau pour faire leurs devoirs, en raison du manque de chauffage – problème particulièrement aigu en ce moment ? Comment l’État peut-il laisser faire des bailleurs, qui refusent d’organiser des opérations de désinsectisation ? Que fait-il lorsque des escaliers endommagés – ce que j’ai moi-même constaté – empêchent les personnes âgées d’accéder à leur domicile, parfois en étage élevé, en toute sécurité ? Que penser, enfin, de l’absence d’isolation, qui favorise la prolifération de moisissures et met gravement en danger la santé des locataires ?
Les réponses apportées versent dans le tout sécuritaire – c’est à la mode. Le bailleur, comme le gouvernement que vous représentez, ne pointe, dans ses expressions publiques relatives aux quartiers populaires, que le trafic de drogue qui se déroule en bas des tours ou aux abords des quartiers, appelant au renforcement des contrôles de police. C’est la seule véritable position affichée dans l’expression publique du gouvernement, ce qui est tout de même assez indigne.
Les habitants des quartiers populaires méritent mieux. Au lieu de les stigmatiser, il est urgent de leur garantir un logement et des conditions de vie dignes. Puisque les responsables d’une telle situation sont incapables de nous répondre et qu’ils font singulièrement l’autruche, je m’adresse à Mme la ministre chargée du logement en désespoir de cause.
Quand le gouvernement compte-t-il enfin mener un vaste programme de rénovation des logements, afin de répondre non seulement aux exigences minimales de logement décent – rappelons qu’il s’agit pour ce bailleur social d’une obligation légale, et quelques autres sont concernés dans le département –, mais aussi à la nécessaire bifurcation écologique de l’habitat, avec une programmation durable ? Entend-il enfin engager un plan de contrôle adapté de la prolifération des animaux liminaires – problème constamment évoqué par les habitants –, lutter de fond en comble contre l’habitat insalubre et engager des sanctions contre les bailleurs et les syndics qui manquent à leurs obligations et laissent ces espaces se détériorer ?
Ma question est donc très simple : face à la détresse des locataires, quand agirez-vous en conséquence ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement, m’a chargé de vous répondre. Permettre à chacun d’habiter un logement décent, dans le parc privé ou dans le parc social, est l’un des axes prioritaires de l’action du gouvernement. La loi du 9 avril 2024 sur la rénovation de l’habitat dégradé a créé de nouveaux outils, que le gouvernement s’attache à déployer.
En ce qui concerne les logements privés, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) apporte une aide importante aux propriétaires qui s’engagent dans la rénovation de leur bien, en particulier pour les rénovations globales.
S’agissant des logements sociaux, dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), et au-delà des démolitions et des reconstructions, 146 000 logements sont réhabilités au sein des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Dans le cadre du plan de relance, 485 millions d’euros ont été attribués aux bailleurs pour permettre la rénovation de 51 000 logements. Par ailleurs, le fonds national des aides à la pierre (Fnap) a mobilisé en 2023 une enveloppe de 200 millions d’euros, afin de réhabiliter plus de 37 000 logements sociaux. L’État a également engagé près de 200 millions en 2024 pour la rénovation énergétique du parc social, somme dont il disposera de nouveau en 2025. S’ajoute à ces subventions l’entrée en vigueur du dispositif fiscal Seconde vie, en faveur de la réhabilitation ambitieuse du patrimoine HLM de plus de quarante ans.
La feuille de route en faveur du logement social pour l’année 2025, que la ministre chargée du logement a signée avec le secteur en février dernier, permettra de poursuivre les investissements.
Dans votre circonscription, Habitat 77 a pleinement bénéficié de ces aides. Dans le cadre du plan de relance, plus de 5 millions d’euros lui ont été accordés pour la réhabilitation de 727 logements – il avait obtenu 6 millions d’euros en 2023 et 2024, qui ont servi à rénover 861 logements. Ce bailleur bénéficie également du soutien de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), avec 7,1 millions de subventions directes et 5,6 millions de prêts bonifiés.
Le gouvernement est donc particulièrement mobilisé, en Seine-et-Marne comme ailleurs, en faveur de la rénovation des logements, sociaux et privés, afin que tous nos concitoyens puissent habiter dans un logement décent. Enfin, puisque vous y avez fait allusion, j’espère que les questions de drogue et de narcotrafic, que l’on ne peut nier, vous mobiliseront tout autant que celle du logement, ô combien importante.
M. le président
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin.
M. Arnaud Saint-Martin
Je vous remercie pour votre réponse et pour les chiffres que vous venez de donner. Toutefois, je vous invite à visiter les appartements, comme j’ai eu l’occasion de le faire. Des dizaines et des dizaines de locataires sont abandonnés, livrés à eux-mêmes, dans des conditions d’existence particulièrement indécentes, avec des moisissures ou la présence d’animaux liminaires – j’y insiste – dans leurs logements. Nous avons une réponse en chiffres mais il y a aussi une réalité matérielle à laquelle il faut se confronter de manière très directe.
Politique du logement
M. le président
La parole est à M. Aurélien Saintoul, pour exposer sa question, no 185, relative à la politique du logement.
M. Aurélien Saintoul
Ma question s’adresse à Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville, et porte sur le désastre provoqué par les gouvernements successifs, de François Hollande à Emmanuel Macron, concernant la situation locative de nos compatriotes.
En effet, après cinq ans de hollandisme, puis bientôt huit ans de macronisme, jamais la population n’a eu autant de mal à se loger. Dans un pays qui compte désormais 11 millions de pauvres, le halo du mal-logement touche près d’un Français sur six, soit 4,1 millions de personnes mal logées, parmi lesquelles 590 000 vivent chez un tiers et 350 000 sont sans domicile fixe. Plus du quart du budget des ménages – et presque la moitié en ce qui concerne les foyers les plus pauvres – est consacré au logement.
La Fondation pour le logement des défavorisés souligne d’ailleurs que l’année 2024 est celle de tristes records. En témoignent les 19 000 expulsions qui ont eu lieu, en augmentation de 17 % par rapport à 2023, signe que la crise continue de s’accentuer. On note par ailleurs une disparité et une inégalité criantes, puisque 3,5 % de propriétaires seulement possèdent 50 % des logements privés en location – ce chiffre est à peine croyable. Ces inégalités entraînent des effets si terribles qu’elles tuent : 735 personnes ont trouvé la mort dans la rue cette même année.
Le logement social n’est pas en reste : les demandes s’élèvent à 2,7 millions, alors que seulement 390 000 d’entre elles ont abouti en 2023, soit 100 000 de moins qu’en 2016. En Île-de-France, 14 % des foyers attendent un logement social et seule une demande sur dix sera satisfaite dans l’année, malgré un délai de traitement qui approche les dix ans.
Cette situation est la conséquence directe de la politique que vous menez, qui favorise le parc privé par le biais de niches fiscales en faveur des bailleurs privés et qui réduit l’accès des plus précaires au secteur locatif privé en abaissant le montant des aides personnelles au logement (APL), en criminalisant, de surcroît, les locataires en situation d’impayés. Cette politique appauvrit également les bailleurs sociaux en ponctionnant leurs recettes, grâce à la réduction de loyer de solidarité qui n’a pas été compensée et qui leur coûte 1,3 milliard chaque année.
Le bilan est donc désastreux, calamiteux même. L’accès à un logement, notamment en Île-de-France, s’apparente à un cauchemar, voire un défi. C’est pourquoi je me contenterai de poser une seule question : comptez-vous pérenniser l’encadrement des loyers et étendre ce dispositif à l’ensemble du territoire ? Il s’agit désormais de l’un des seuls moyens, pour nos compatriotes, de trouver un logement.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
J’ai déjà en partie répondu à votre question dans la réponse apportée à M. Saint-Martin, mais je dispose d’autres éléments que Mme Méadel m’a chargé de vous transmettre.
Le gouvernement est pleinement mobilisé pour sortir de la crise que traverse le secteur, dans un contexte économique général particulièrement contraint. La loi de finances pour 2025 prévoit des mesures qui visent à favoriser la relance de la construction de logements, telles que l’extension du prêt à taux zéro – dans le neuf, à l’ensemble du territoire et aux maisons individuelles –, l’exonération des droits de succession pour des donations à ses descendants en vue de l’achat d’un logement, la construction ou la rénovation énergétique d’une résidence principale ou encore l’ouverture d’une enveloppe de 100 millions d’euros à destination des maires bâtisseurs.
Le projet de loi de finances prévoit également des mesures visant à favoriser l’investissement locatif, avec notamment la prolongation du dispositif Loc’Avantages. Il prévoit surtout des dispositions fortes en faveur du logement social et des ménages modestes, telles que l’abaissement de 200 millions d’euros de la réduction de loyer de solidarité et la baisse du taux du livret A, qui représente une économie annuelle de près de 900 millions pour les bailleurs sociaux. Nous avons par ailleurs porté la contribution de l’État au financement de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) à 50 millions pour l’année 2025.
Pour sortir de cette crise, tous les acteurs doivent être mobilisés : c’est le sens de la feuille de route pour l’année 2025, en faveur du logement social, que la ministre chargée du logement a signée avec le mouvement HLM le 7 février, et de la circulaire adressée aux préfets pour qu’ils établissent, en régions, des plans territorialisés de relance de la production de logements.
Certes, le logement est en crise, mais nous sommes à la manœuvre pour y répondre.
M. le président
La parole est à M. Aurélien Saintoul.
M. Aurélien Saintoul
Je n’ai posé qu’une seule question, portant sur la pérennisation et l’extension de l’encadrement des loyers. Je vous ai écouté attentivement, mais c’est le seul aspect que vous n’avez pas abordé. J’en conclus que la réponse est négative et cela m’inquiète fortement.
À Paris, par exemple, les loyers ont augmenté de 75 % en vingt ans. Or la mesure d’encadrement des loyers a entraîné des effets bénéfiques, puisqu’elle a permis une modération de la hausse des loyers de 4,2 % depuis l’adoption de la loi en 2019, modération plus importante encore pour les logements les plus petits – de l’ordre de 10,2 %. Même si le dispositif n’est pas parfait, il connaît une réelle efficacité. Or c’est le seul sur lequel vous n’avez rien dit.
Dans les villes de ma circonscription, le problème est encore plus fort. À Montrouge, petite ville de la petite couronne où j’habite, les loyers ont augmenté de 9 % !
M. le président
Nous avons terminé les questions orales sans débat.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au gouvernement ;
Débat sur le thème : « La perte de souveraineté industrielle et l’atteinte aux industries stratégiques ».
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures quinze.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra