Première séance du mardi 11 mars 2025
- Présidence de M. Jérémie Iordanoff
- 1. Questions orales sans débat
- École de la deuxième chance à Montargis
- Situation financière des associations et centres locaux
- Industrie pharmaceutique française
- Légalisation du cannabis thérapeutique
- Accès aux soins dans la Nièvre
- Service de cancérologie de l’hôpital de Montbéliard
- Accès aux soins en Vendée
- Plan « 50 000 solutions »
- Fermeture de classes dans les territoires ruraux
- Fermeture de classes dans l’Indre
- Fermeture de classes dans le Gers
- Condition des femmes transgenres en prison
- Direction interdépartementale de la police nationale des Hautes-Alpes
- Réforme institutionnelle de la Corse
- Demandes de visas des Afghanes
- Verbalisations à Rillieux-la-Pape
- Numéro d’appel des services d’urgence
- Nuisances dues aux autoroutes
- Prévention des risques naturels d’inondation
- Zones à faibles émissions
- Tuberculose bovine
- Fièvre catarrhale ovine
- Assurances des manadiers
- Zéro artificialisation nette
- Développement économique des stations de montagne
- Enfants sans domicile fixe
- Route nationale 19
- Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales
- Mutation des fonctionnaires
- Congés bonifiés dans les outre-mer
- Logement social dans les outre-mer
- Restaurant universitaire du technopôle Brest-Iroise de Plouzané
- Désindustrialisation dans le Tarn
- Désindustrialisation dans les Ardennes
- Décharge des directeurs d’école parisiens
- Reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle à Lévignac
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Questions orales sans débat
M. le président
L’ordre du jour appelle les questions orales sans débat.
École de la deuxième chance à Montargis
M. le président
La parole est à M. Thomas Ménagé, pour exposer sa question, no 226, relative à l’école de la deuxième chance à Montargis.
M. Thomas Ménagé
Je tiens à appeler votre attention sur un enjeu fondamental pour ma circonscription du Gâtinais montargois : l’insertion professionnelle des jeunes sans qualification. Dans ce territoire, notamment dans la zone d’emploi de Montargis, la situation est particulièrement préoccupante. Avec un taux de chômage de plus de 10 %, bien supérieur à la moyenne départementale de 7 %, Montargis est la deuxième zone la plus touchée de la région Centre-Val de Loire.
Au-delà du chômage, c’est la difficulté d’accès à l’emploi qui frappe particulièrement les jeunes. Près de 57 % des demandeurs d’emploi dans cette zone ont un niveau de qualification inférieur ou égal au certificat d’aptitude professionnelle (CAP). Concrètement, cela signifie qu’ils rencontrent d’énormes obstacles pour accéder à des formations qualifiantes et pour trouver un emploi stable. Par ailleurs, en 2021 – il faut bien avoir ce chiffre à l’esprit –, le taux de scolarisation des 18-24 ans y était de seulement 32 %, contre 47 % pour l’ensemble du Loiret.
À la fin de l’année 2023, près de 1 000 jeunes de moins de 26 ans y étaient inscrits comme demandeurs d’emploi. Or, sur les 24 000 offres déposées à Montargis et Gien cette même année, seules 220 ne nécessitaient pas de diplôme. La quasi-totalité des emplois proposés requiert donc un niveau de qualification que ces jeunes n’ont pas, alors même que l’industrie représente 22 % des emplois salariés dans cette région – poids bien plus élevé que la moyenne nationale – et que notre industrie a besoin de main-d’œuvre. Cette situation traduit donc un véritable paradoxe : d’un côté, des jeunes veulent travailler mais n’ont pas les qualifications nécessaires ; de l’autre, un tissu économique peine à recruter par manque de personnel qualifié.
Une des solutions est pourtant connue et a fait ses preuves ailleurs : la présence d’une école de la deuxième chance. Le projet d’en créer une à Montargis existe, il est solide et soutenu. Le centre de formation d’apprentis (CFA) Est Loiret, qui promeut cette initiative, a suivi toutes les étapes nécessaires pour obtenir la labellisation auprès du réseau E2C France. Les acteurs locaux sont pleinement mobilisés et se sont engagés à apporter une part significative du financement et à contribuer au projet.
L’étude de faisabilité a démontré un réel besoin, avec une estimation de 540 jeunes concernés dans la seule zone d’emploi de Montargis. L’ouverture de cette école était prévue pour la rentrée 2024-2025 et deux tiers du financement sont déjà sécurisés. Pourtant, contre toute attente, l’État a indiqué renoncer à son engagement de financer le tiers restant. Sans ce soutien, le projet ne peut pas voir le jour et ce sont des centaines de jeunes qui se retrouvent potentiellement privés d’accès à une formation et au marché du travail.
Il s’agit d’un projet structurant et d’un levier essentiel pour notre territoire. L’État a donné son accord de principe, il a encouragé les porteurs de projet à aller de l’avant et à réaliser les études nécessaires pour ensuite se dédire. Ma question est donc simple : le gouvernement va-t-il respecter ses engagements et débloquer les fonds nécessaires pour que cette école de la deuxième chance ouvre dans les meilleurs délais ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap
Je réponds à votre question au nom de Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence. Je rappelle tout l’intérêt que le gouvernement porte au modèle des écoles de la deuxième chance. Mme Panosyan-Bouvet a eu l’occasion de visiter plusieurs de ces écoles au cours de ses déplacements et a apprécié l’exigence des parcours conçus et la précision dans les méthodologies d’apprentissage proposées. C’est donc un modèle auquel nous croyons.
Ces dernières années, l’État a soutenu le développement du réseau dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences qui a permis la création de cinq nouvelles écoles et de trente-cinq nouveaux sites depuis 2018. Les écoles de la deuxième chance comptent désormais 159 lieux d’activité permanents, implantés dans douze régions, soixante-huit départements et cinq territoires ultramarins.
De plus, nous souhaitons renforcer encore davantage les liens entre les missions locales et les écoles de la deuxième chance, et faire en sorte que le contrat d’engagement jeune oriente plus de jeunes, non pas après quelques mois mais après quelques jours ou semaines, vers les écoles de la deuxième chance. Nous y travaillons avec le réseau des missions locales.
Le projet de Montargis – vous avez raison et Mme Panosyan-Bouvet partage votre diagnostic – est un projet de qualité, qui a du sens pour ce territoire et qui a été fortement soutenu par le réseau et les acteurs locaux. Je mesure l’investissement et le travail de préparation que nécessite un tel projet. Toutefois, les services de l’État qui ont pris part à l’élaboration du projet à l’échelle locale ont indiqué, à partir de l’automne 2024, ne pas disposer des moyens suffisants pour le soutenir.
Dans le cadre du budget pour 2025, nous avons veillé, afin d’éviter des ruptures de parcours, à maintenir les financements de l’État au profit de l’actuel réseau des écoles de la deuxième chance. Cependant, cet effort budgétaire ne permet pas d’en ouvrir de nouvelles et donc de s’engager pour le projet de Montargis. Mme la ministre le regrette et demeure attentive à l’évolution du dossier.
M. le président
La parole est à M. Thomas Ménagé.
M. Thomas Ménagé
Vous vous doutez bien que votre réponse ne me satisfait pas. Il s’agit du tiers restant à financer, soit 100 000 euros. Vous l’avez rappelé : le modèle fonctionne, il est efficace. Notre territoire a subi des émeutes sans précédent et vous avez été les premiers à tenir des discours rappelant la nécessité d’accompagner socialement les jeunes.
Les écoles de la deuxième chance doivent être au bon endroit ; celles qui existent sont à des centaines de kilomètres de populations qui connaissent des problèmes de mobilité. Je peux comprendre le manque de moyens budgétaires mais je vous invite à venir expliquer aux acteurs locaux qui ont dépensé de l’argent et financé des études, ainsi qu’aux jeunes qui attendent des solutions, que vous ne pourrez pas les accompagner. Tous sont aujourd’hui très déçus.
Situation financière des associations et centres locaux
M. le président
La parole est à M. Damien Girard, pour exposer sa question, no 209, relative à la situation financière des associations et centres locaux.
M. Damien Girard
Dans cette période d’incertitude, de montée de l’extrême droite et de sa violence, notre pays a besoin de sérénité et d’unité. Ce n’est pas le moment de renoncer à notre modèle social ni d’abandonner nos jeunes. Les centres sociaux, les centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) et les associations à vocation sociale sont bien plus que des acteurs de terrain. Ils constituent la charpente du tissu social français, un socle fragile mais essentiel.
Plus de 10 millions de personnes en bénéficient chaque année pour accéder à leurs droits. Ces centres, dans leur diversité, représentent bien plus qu’un service : ils incarnent le pilier fondamental de la vie de nos territoires. Face aux fractures sociales, ils constituent un barrage indispensable contre la décomposition du lien social et la montée inexorable des peurs et de l’extrême droite.
Pourtant, cette mission vitale se heurte à un équilibre financier de plus en plus précaire. Dans le Morbihan, 42 % des centres sociaux ont été contraints de réduire leur effectif salarié d’au moins un équivalent temps plein – une mesure lourde qui fragilise encore davantage ces structures déjà en tension.
La non-compensation par l’État de la prime Ségur a également plongé dans l’impasse bon nombre de CIDFF, exacerbant une situation qui ne peut plus être ignorée. Pour y remédier, j’ai déposé une proposition de loi visant à créer un fonds d’urgence, dans le but d’empêcher la fermeture de ces associations et centres sociaux, non seulement en Bretagne mais partout en France. Sans l’intervention de l’État, ce sont des milliers de structures qui risquent en effet de s’effondrer.
Cette crise ne saurait être résolue par la seule intervention des communes et des départements. L’État doit immédiatement compenser l’effet de l’inflation à court terme et, surtout, construire un système de financement lisible pour l’avenir, afin de garantir la pérennité de ces services indispensables à nos concitoyens. Quelles garanties financières, concrètes et crédibles, pouvez-vous offrir aux centres sociaux et associations sociales, en première ligne face aux inégalités qui explosent ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap
Je vous réponds au nom de Mme Catherine Vautrin, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence. À la suite de la conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social du 18 février 2022, les professionnels de l’accompagnement socio-éducatif exerçant dans les structures éligibles ont bénéficié d’un complément de rémunération de 183 euros net mensuels à compter du 1er avril 2022.
L’application de cette prime Ségur aux professionnels de l’accompagnement socio-éducatif a fait l’objet d’une contribution financière de l’État pour les associations du champ des droits des femmes. Toutefois, cette mesure ne concernait que les professionnels exerçant à titre principal des fonctions socio-éducatives dans les structures éligibles.
L’accord du 4 juin 2024 sur les revalorisations salariales a pour conséquence une extension de la prime Ségur à l’ensemble des professionnels de la branche de l’action sanitaire et sociale. Il généralise donc la prime Ségur aux personnels qui n’en avaient pas bénéficié, notamment les personnels administratifs et techniques. Il s’impose aux employeurs du secteur associatif à compter du 7 août 2024.
En ce qui concerne les associations qui n’ont pas le statut d’établissement et service social et médico-social, la compensation des coûts liés à l’extension du Ségur ne constitue pas une obligation pour les pouvoirs publics financeurs de ces structures, ce qui est le cas des associations des droits des femmes. Toutefois, soucieux de la pérennité financière de ces structures essentielles, le gouvernement a apporté son soutien à l’adoption des amendements visant à un soutien financier de l’État pour contribuer aux coûts liés à l’extension du Ségur dans ces structures. Les crédits du programme 137 ont ainsi augmenté de plus de 7 millions d’euros pour garantir le maintien des activités des associations et leur permettre notamment de faire face aux coûts de l’extension de la prime Ségur.
M. le président
La parole est à M. Damien Girard.
M. Damien Girard
Je vous remercie pour vos réponses. Pourtant, mes collègues et moi-même, dans nos circonscriptions, constatons que les compensations consenties par l’État, dont vous indiquez qu’elles s’élèvent à 7 millions d’euros, sont insuffisantes. Les centres sociaux de mon territoire prévoient un déficit compris entre 20 000 et 40 000 euros, voire un peu plus, pour l’exercice en cours et se trouvent donc dans l’obligation de réduire leurs effectifs – seule variable sur laquelle ils peuvent agir.
Cette situation va nécessairement se traduire par une réduction du service qu’ils rendent à la population. Il en va de même pour les CIDFF. Les compensations prévues par l’État sont donc lacunaires et ne permettent pas d’assumer les décisions prises par ce même État : c’est bien le problème et vos réponses sont insuffisantes au vu des besoins.
Industrie pharmaceutique française
M. le président
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour exposer sa question, no 237, relative à l’industrie pharmaceutique française.
M. Philippe Bonnecarrère
Ma question est l’occasion d’interpeller l’ensemble du gouvernement sur sa politique à l’égard du secteur pharmaceutique. Je suis élu dans le département du Tarn, qui bénéficie de nombreux emplois dans ce secteur grâce à l’énergie, à la clairvoyance et à l’esprit prospectif de M. Pierre Fabre. Au-delà du cas tarnais, la pharmacie est bien sûr un enjeu national.
Je tiens à vous alerter sur la contradiction, pour ne pas dire l’incohérence de la politique du gouvernement dans ce domaine. D’une part, celui-ci souhaite légitimement une réindustrialisation du pays, une relocalisation de la production et une souveraineté pharmaceutique. D’autre part, entre les réductions de tarifs, les clauses de sauvegarde et les remises conventionnelles, le prix du médicament est utilisé comme un moyen supplétif pour tenter de faire des économies, ce qui conduit à une très forte baisse du poids des médicaments dans les dépenses de santé.
Aussi l’industrie pharmaceutique française a-t-elle reculé dans le classement européen. Traditionnellement, nous étions le premier pays européen dans ce domaine ; ce n’est plus le cas. C’est pourquoi je vous demande simplement quelle est la politique du gouvernement en matière pharmaceutique. J’appelle votre attention sur la pertinence des propositions formulées par les laboratoires Fabre, Servier, BioMérieux, Sanofi ou encore Gerber pour une politique nationale plus efficiente. Je serai attentif aux réponses que vous me donnerez.
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap
Je vous prie d’excuser l’absence de Yannick Neuder, ministre chargé de la santé, qui m’a chargée de le représenter.
Votre question porte sur le plan national d’efficience proposé par le G5 santé, qui représente les entreprises pharmaceutiques françaises, et sur l’impact des différentes lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) sur l’industrie française.
Puisque vous estimez que les dispositions des LFSS sont délétères pour l’industrie française, je commencerai par rappeler l’attachement particulier du gouvernement à encourager et accompagner le développement des industries pharmaceutiques en France. Il existe plusieurs dispositifs visant à inciter les entreprises françaises à développer ou à maintenir des sites de production capables de garantir l’approvisionnement en médicaments du marché national ; ainsi, l’implantation de tels sites peut être prise en considération dans la fixation du prix du médicament ou donner lieu à l’octroi d’avoirs.
Vous soulignez également la baisse de la part des dépenses de médicaments au sein des dépenses de santé. Cette évolution s’explique par la hausse globale des dépenses, due notamment à la hausse de la rémunération des professionnels de santé. L’augmentation continue du montant du seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde, dit M, démontre par ailleurs la volonté du gouvernement d’accompagner la dynamique haussière des dépenses de médicaments.
Le plan d’efficience mentionne la polymédication ; or l’assurance maladie mène une politique très volontaire en la matière, s’étant fixé des objectifs ambitieux de diminution du nombre de médicaments prescrits. Le G5 santé plaide aussi pour que le bon test soit réalisé au bon moment. Le gouvernement partage cette conviction, aussi les pharmaciens sont-ils autorisés, depuis 2024, à effectuer des tests rapides d’orientation diagnostique, notamment pour les angines ou les cystites, et à dispenser des antibiotiques uniquement lorsque cela est nécessaire. Cette mesure est un succès : plus de la moitié des officines du pays sont désormais formées à la réalisation de tests et à la dispensation d’antibiotiques.
Ces éléments démontrent la volonté du gouvernement de soutenir le développement de projets industriels et d’améliorer l’efficience du système de soins.
M. le président
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère
Ces indications témoignent d’une bonne volonté dont je ne doutais pas mais sont très éloignées des réalités. On ne peut pas parler de politique de relocalisation industrielle en matière pharmaceutique étant donné la régulation, à mon sens excessive, qui s’applique au prix des médicaments. En réalité, l’activité pharmaceutique en France repose quasi exclusivement sur l’export. Ce sont les exportations qui financent les médicaments des Français. Ce modèle ne me paraît pas tenable dans la durée.
En outre, la production industrielle doit exister au sein d’un écosystème. Or la recherche pharmaceutique est en train de se concentrer aux États-Unis, notamment dans la région de Boston.
J’invite donc le gouvernement à mener une vraie politique de développement pharmaceutique, ce qui serait bénéfique à la fois à l’emploi, à l’économie et à la santé. L’idée d’un plan national d’efficience me paraît pertinente pour sortir d’une régulation aveugle. J’insiste pour que le gouvernement prenne davantage ces questions en considération car je ne vois pas quel intérêt collectif nous aurions à laisser se dégrader la position de l’industrie pharmaceutique française au sein de l’Europe. Je vous remercie de vous faire le relais de ces préoccupations.
Légalisation du cannabis thérapeutique
M. le président
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat, pour exposer sa question, no 210, relative à la légalisation du cannabis thérapeutique.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Le 1er juillet 2025, l’expérimentation de l’usage thérapeutique du cannabis prendra fin. Voilà désormais quatre ans que cette approche médicale novatrice a été engagée, à titre expérimental, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020. Elle concerne les patients souffrant de pathologies telles que les douleurs neuropathiques, certaines formes d’épilepsie pharmacorésistantes ou encore certaines maladies du système nerveux central. Prolongée depuis à deux reprises, cette expérimentation s’est révélée particulièrement utile pour les malades présentant des douleurs résistantes à tout traitement, et concerne encore près de 1 900 personnes.
Une grande partie de la communauté médicale a souligné l’intérêt thérapeutique du cannabis, mais nous attendons toujours l’avis de la Haute Autorité de santé (HAS) sur l’efficacité du dispositif et sur ses possibilités d’évolution. L’absence de pérennisation de cette approche thérapeutique pénaliserait non seulement les patients qui voient l’échéance approcher, mais aussi le secteur de la fabrication de produits thérapeutiques à base de fleur de cannabis en France – je pense à l’entreprise angevine DelleD-La Fleur, implantée dans ma circonscription. À l’inverse, sa généralisation permettrait de reconstituer la chaîne de production sur le territoire national et de favoriser l’implantation locale de la filière.
En l’absence de solution pour l’avenir, de nombreux patients pourraient s’orienter vers des produits fabriqués à l’étranger, non soumis aux normes françaises. Plusieurs pays ont d’ailleurs, ces dernières années, légalisé l’usage du cannabis à de seules fins thérapeutiques.
Au vu de ces différents éléments, pouvez-vous confirmer que le gouvernement prendra les décisions nécessaires à l’instauration, d’ici à l’été, d’un cadre réglementaire pour la généralisation de l’usage médical du cannabis, conformément aux demandes des patients ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap
Le ministre chargé de la santé est particulièrement attentif à la question que vous avez soulevée. Les textes d’application de l’article 78 de la LFSS pour 2024 seront notifiés à la Commission européenne dans les prochains jours ; ils prévoient que les médicaments à base de cannabis feront l’objet d’une autorisation d’utilisation pour une période temporaire de cinq ans, délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Désireux d’agir avec méthode et exigence, le gouvernement a demandé l’avis de la HAS sur l’efficacité des traitements à base de cannabis et sur l’opportunité de leur prise en charge par la solidarité nationale. Si la HAS concluait à l’absence d’efficacité démontrée de ces traitements, nous adapterions alors le cadre législatif en conséquence et travaillerions à proposer des solutions alternatives aux patients. Le ministre souhaite que les patients atteints de douleurs neuropathiques réfractaires, de certaines formes d’épilepsie pharmacorésistantes, de spasticité douloureuse de la sclérose en plaques ou d’autres pathologies du système nerveux central puissent être soignés grâce à un produit dont l’efficacité thérapeutique est scientifiquement démontrée.
M. le président
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Les patients sont effectivement dans l’attente d’un traitement. Ils n’ont pas d’autre solution que le cannabis médical, dont l’efficacité est connue. Je faisais moi-même partie de la mission d’information commune, créée en 2019, qui a émis des recommandations en la matière. Il me semble très important de favoriser la continuité des soins, plutôt que de prolonger à court terme des dispositifs dont la nature expérimentale bloque le parcours de soins des patients. La généralisation de l’usage médical du cannabis me paraît donc nécessaire.
Je suis convaincue que la HAS rendra un avis positif car les retours du terrain accréditent l’efficacité du traitement. Je rappelle simplement que près de 2 000 patients sont dans l’attente et que des entreprises françaises sont prêtes à leur fournir ces traitements dans des conditions très encadrées.
Accès aux soins dans la Nièvre
M. le président
La parole est à M. Julien Guibert, pour exposer sa question, no 227, relative à l’accès aux soins dans la Nièvre.
M. Julien Guibert
La Nièvre est en urgence vitale absolue. Elle est confrontée à une crise sanitaire majeure, symptomatique de l’abandon des territoires ruraux par les politiques publiques de santé. Notre département est devenu un véritable désert médical ; aussi la vie de nos concitoyens est-elle en péril.
Les urgences de Nevers, de Decize ou encore de Clamecy sont régulièrement soumises à des fermetures partielles ou à des restrictions de service. À l’heure où je vous parle, celles de Nevers sont encore placées sous régulation stricte jusqu’au 29 mars, ce qui oblige les patients à obtenir un accord préalable du Samu pour y être admis. Cette situation est indigne d’un pays développé et représente un danger immédiat pour les Nivernais. La structure mobile d’urgence et de réanimation, censée garantir une prise en charge d’urgence, notamment grâce à son hélicoptère, est souvent bloquée au sol faute de médecins. Le plateau technique du Samu de Nevers a été transféré à Dijon sans que les médecins aient été redéployés sur place, ce qui aggrave encore davantage la précarité de l’offre de soins.
La médecine privée souffre elle aussi de grandes carences, ce qui rend impossible un suivi médical correct. Une partie des habitants n’ont même pas accès à un médecin traitant. Certaines spécialités comme la dermatologie sont absentes ou quasiment absentes du département. La conséquence est dramatique : la Nièvre affiche l’une des espérances de vie les plus basses de France.
À cela s’ajoutent l’épuisement et la détresse des soignants hospitaliers qui, faute de conditions de travail dignes, démissionnent massivement, nous entraînant dans un cercle vicieux dont nous ne parvenons plus à sortir.
Des vies sont en jeu. Que compte faire le gouvernement pour assurer immédiatement un accès équitable aux soins dans la Nièvre ? Allez-vous rétablir les services d’urgence, garantir la présence de médecins et redonner aux Nivernais une offre de santé à la hauteur des besoins de notre territoire ? Nous ne pouvons plus attendre. Les Nivernais sont en PLS ; il est temps d’agir. Je vous invite à prendre des mesures et à vous rendre à leur chevet.
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap
La situation du système de santé dans la Nièvre est au cœur des préoccupations du ministre chargé de la santé, qui est en lien permanent avec l’agence régionale de santé (ARS) et avec les élus locaux.
Conscient des enjeux, l’État a engagé des mesures immédiates et structurelles pour améliorer l’offre de soins et garantir un accès équitable aux services de santé. Dans cette perspective, des dispositifs incitatifs visant à favoriser l’installation de jeunes médecins et de professionnels de santé sont déjà mis en œuvre. Des aides financières, telles que des allocations d’attractivité territoriale, sont par exemple proposées aux internes choisissant d’effectuer un stage dans la Nièvre.
En ce qui concerne la situation générale des urgences, le directeur général de l’ARS a demandé au directeur du centre hospitalier de l’agglomération de Nevers d’élaborer un plan d’action, à court, moyen et long termes, pour tous les établissements du groupement hospitalier de territoire, avec le soutien du centre hospitalier universitaire de Dijon-Bourgogne et de l’ARS. Ce plan d’action sera présenté dans les jours qui viennent et sera appliqué avec l’aide d’une mission d’appui opérationnelle. En attendant, il a été fait appel à la réserve sanitaire nationale et une bourse d’emploi local de renfort paramédical a été déployée.
À long terme, l’espoir réside dans l’idée de former plus et de former mieux. Grâce au campus connecté proposé par l’université de Dijon pour la première année de médecine, trente étudiants suivent ce cursus depuis Nevers, avec d’excellents résultats. Ces jeunes, formés dans leur ville d’origine, sont susceptibles d’y exercer à l’avenir.
Par ailleurs, l’agrandissement des urgences de Nevers est en cours d’élaboration, et les discussions relatives à son financement se poursuivent. L’ARS a ainsi ajouté 1 million d’euros au projet, après avoir déjà financé 6 millions sur les 17 millions que coûtent au total cette extension et cette modernisation. Ce chantier s’ajoute au projet du nouvel hôpital de Cosne-Cours-sur-Loire, qui prévoit la construction d’un établissement de 8 200 mètres carrés.
Plus généralement, afin d’apporter des réponses adaptées et spécifiques au département, le gouvernement soutient la mise en place d’un pacte santé pour la Nièvre. Celui-ci vise à valoriser et à fédérer les nombreuses initiatives locales autour d’un diagnostic partagé et d’un plan d’action concerté entre l’État, les élus du département et les acteurs de la santé. Les grands axes de ce plan seront présentés prochainement. Un comité de pilotage réunissant l’ensemble des parties prenantes sera organisé dans les prochaines semaines afin d’affiner ces orientations et d’en assurer le suivi.
Soyez assuré de notre mobilisation pour garantir aux habitants de la Nièvre un accès aux soins digne et pérenne.
M. le président
La parole est à M. Julien Guibert.
M. Julien Guibert
Votre réponse est empreinte de bonnes intentions mais, sur le terrain, nos concitoyens continuent de subir la double peine : l’abandon des services publics et l’inaction face au gaspillage de l’argent public.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée
Ce n’est pas de l’inaction !
M. Julien Guibert
Pendant que les hôpitaux ferment, que les urgences sont rationnées et que la Nièvre devient un désert médical mortifère, des milliards d’euros continuent de s’évaporer chaque année dans la fraude sociale et fiscale, dans une indifférence coupable. Le coût de ces fraudes est estimé à 64 milliards d’euros par an, soit plus de deux fois le budget des hôpitaux publics ! Pourquoi cet immobilisme ? Pourquoi laisser ces fraudes prospérer au lieu d’y mettre un terme et de réinvestir cet argent là où il est vital : dans les hôpitaux, dans le recrutement de médecins, dans le sauvetage des services d’urgences qui ferment un à un ? Quand il s’agit d’augmenter les taxes ou d’imposer de nouvelles normes, l’État sait être rapide et efficace.
Les mesures que vous avez citées ne fonctionnent pas puisque les urgences de Nevers sont toujours fermées et que le nouvel hôpital de Cosne-Cours-sur-Loire ne comportera pas de service d’urgences ni de maternité. Nous attendons avec impatience les nouvelles propositions que vous pourriez faire en la matière mais, en attendant, la situation est critique et les Nivernais en paient le prix. Il y a des morts dans la Nièvre.
Service de cancérologie de l’hôpital de Montbéliard
M. le président
La parole est à M. Matthieu Bloch, pour exposer sa question, no 235, relative au service de cancérologie de l’hôpital de Montbéliard.
M. Matthieu Bloch
Le 31 mai 2023, le prédécesseur du ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins Yannick Neuder suspendait avec sagesse le projet de regroupement de la cancérologie à l’hôpital Nord-Franche-Comté de Trévenans aux dépens du site du Mittan à Montbéliard. Il avait constaté, grâce à sa rencontre avec les élus du pays de Montbéliard, que ni le projet architectural désespérant ni l’absence de projet médical ne permettaient de s’engager dans ce transfert. Il avait observé la mobilisation des habitants du pays de Montbéliard et l’union sacrée derrière le maintien de la cancérologie sur le site du Mittan, symbolisée par plus de 10 400 signatures recueillies et fruit d’un accord historique lors de la disparition de l’hôpital André-Boulloche.
Près de deux ans après, nous en sommes toujours au même point. Le projet, qui prévoit un bâtiment à l’évidence sous-dimensionné, n’analyse pas la possibilité d’augmenter le nombre d’accélérateurs de particules, pas plus qu’il n’étudie la complémentarité avec l’hématologie et les soins palliatifs ou l’éventualité de départs de soignants si ce transfert advenait.
Surtout, où est le souci des malades ? Allons-nous les installer dans un bâtiment construit sur le parking actuel du site de Trévenans, en face d’un bloc de béton, alors que celui du Mittan se trouve dans un bel écrin de verdure ? Nous savons pourtant qu’un environnement agréable renforce le moral des patients et leur permet de mieux lutter contre cette terrible maladie qu’est le cancer.
En vérité, ce projet de transfert répond non au souci des malades mais à une logique profondément technocratique. Il est possible d’étendre le site du Mittan car une trentaine de parcelles attenantes peuvent être utilisées afin qu’il demeure ce qu’il est déjà : un pôle d’excellence qui donne entière satisfaction aux patients comme aux professionnels de santé.
Enfin, rappelons la manière dont la ville de Montbéliard a été dépouillée. Le premier régiment d’artillerie a été transféré à Bourogne ; les grandes lignes SNCF ont été centralisées à Méroux-Moval ; l’hôpital André-Boulloche a été remplacé par le grand hôpital de Trévenans, dont le conseil de surveillance comprend des parlementaires du Territoire de Belfort, mais aucun du Doubs, alors que la majorité des patients vient de ce dernier département. Va-t-on mettre un point final à cette lubie technocratique ? Décidera-t-on une fois pour toutes de maintenir le pôle cancérologie au Mittan, où il pourra être développé ? Le pays de Montbéliard attend une réponse.
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap
Vous appelez l’attention du gouvernement sur le projet de transfert de l’activité de cancérologie du site de Mittan à Montbéliard vers l’hôpital Nord-Franche-Comté de Trévenans. M. le ministre Yannick Neuder souhaite vous faire part de son implication totale dans ce dossier et m’a chargée de vous apporter les éléments de réponses suivants.
Vous soulignez les inquiétudes légitimes des habitants, des professionnels de santé et des élus quant aux conséquences d’une telle évolution pour la qualité de la prise en charge des patients et l’aménagement sanitaire du territoire. Soyez assuré que la question du maillage territorial de l’offre de santé, notamment en matière de prise en charge du cancer, est une priorité absolue du gouvernement. C’est dans cette perspective qu’un examen approfondi de ce projet a été conduit. Un travail a été engagé sous l’égide de l’agence régionale de santé (ARS) Bourgogne-Franche-Comté afin d’évaluer précisément les enjeux médicaux, techniques et logistiques du maintien ou du transfert de l’activité. Une expertise a été réalisée et ses conclusions seront présentées d’ici à la fin du mois de mars, lors d’un prochain comité de pilotage qui réunit l’ensemble des acteurs de ce dossier, à savoir les élus, les représentants des établissements de santé, les professionnels médicaux et paramédicaux et les usagers, sous la présidence de l’ARS. Cette réunion permettra d’établir un état des lieux et de poursuivre un dialogue constructif sur les scénarios possibles. Toutes les dimensions seront prises en considération, notamment la qualité des soins, la complémentarité avec les autres spécialités hospitalières, les besoins en équipement et l’impact sur les patients et leurs proches.
L’enjeu sera également d’inscrire ce projet dans une perspective territoriale à l’échelle de la Franche-Comté. Il convient de veiller à ce qu’il s’articule de manière parfaitement cohérente avec le projet médical de l’institut fédératif de Franche-Comté en cours d’élaboration. Il est fondamental que la décision qui sera prise soit le fruit d’un débat éclairé et partagé avec l’ensemble des parties prenantes.
Le gouvernement reste attentif aux attentes exprimées. Il veillera à ce que la décision prise à l’issue de cette concertation soit acceptée par tous et repose sur des critères médicaux ainsi qu’organisationnels solides et partagés, dans l’intérêt premier des patients et de leurs familles.
M. le président
La parole est à M. Matthieu Bloch.
M. Matthieu Bloch
J’ai été invité au compte rendu du comité de pilotage qui aura lieu dans quinze jours. J’ai cependant deux demandes supplémentaires à formuler. D’abord, j’insiste sur la nécessité d’une réflexion concernant la composition du conseil de surveillance de l’hôpital Nord-Franche-Comté. En effet, il est constitué uniquement des parlementaires du Territoire de Belfort, alors que c’est un pôle médian et que les patients viennent également des bassins d’Héricourt et du pays de Montbéliard, de sorte qu’il concerne aussi les parlementaires des départements du Doubs et de la Haute-Saône. Ceux-ci devraient donc être associés comme membres consultatifs au conseil de surveillance, d’autant plus que la majorité des patients viennent de ces départements.
Ensuite, je demande à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, à l’instar de son prédécesseur, de recevoir au ministère les élus du pays de Montbéliard qui pourront lui expliquer de vive voix leurs inquiétudes importantes sur ce projet.
Accès aux soins en Vendée
M. le président
La parole est à Mme Véronique Besse, pour exposer sa question, no 238, relative à l’accès aux soins en Vendée.
Mme Véronique Besse
La Vendée, où je suis élue, avec ses 250 kilomètres de côtes et son riche patrimoine culturel, notamment le célèbre Puy du Fou, attire chaque année plus de 5 millions de visiteurs. Cette affluence touristique, concentrée entre les mois d’avril et août, double presque la population dans certaines zones, en particulier sur le littoral. Cette dynamique saisonnière exerce une pression considérable sur notre système de santé déjà fragilisé par une densité médicale insuffisante. En effet, notre département compte seulement 227 médecins pour 100 000 habitants, contre une moyenne nationale de 341. La situation est encore aggravée par la loi Rist qui plafonne les salaires des médecins intérimaires. Cette mesure, bien qu’elle soit compréhensible dans une perspective de gestion des coûts, a provoqué une pénurie de professionnels de santé, entraînant des fermetures temporaires de structures d’urgence, comme aux Sables-d’Olonne ou à Montaigu.
La pénurie met en péril la qualité et la sécurité des soins, particulièrement en période estivale où la demande est à son comble. Pour répondre à ces défis, il existe des solutions concrètes telles que la création d’une réserve saisonnière de professionnels de santé issue de la réserve sanitaire, ou encore l’instauration d’un statut de praticien saisonnier. Ces solutions permettraient une meilleure répartition des ressources médicales. De plus, la mobilisation d’étudiants en médecine et l’organisation d’une réponse supradépartementale pourraient renforcer le fonctionnement du Samu durant les pics d’activité. Ces mesures sont essentielles pour garantir que les habitants et les visiteurs de la Vendée bénéficient d’un accès fiable et de qualité aux soins, même en période de forte affluence.
Que pense le gouvernement de ces initiatives et comment envisage-t-il leur déploiement en Vendée afin de garantir un accès équitable et de qualité aux soins pour tous les Vendéens et les visiteurs, notamment durant les périodes de forte affluence touristique ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap
Permettez-moi de répondre à la place du ministre de la santé Yannick Neuder. Vous soulignez avec justesse le défi que représente l’affluence touristique en Vendée pour l’offre de soins, en particulier durant la période estivale.
Soyez tout d’abord assurée que le gouvernement est pleinement mobilisé pour lutter contre la désertification médicale. C’est pourquoi, grâce à la suppression du numerus clausus, nous commençons à former davantage de médecins. Il nous faut aussi rapatrier les étudiants français partis à l’étranger et faire en sorte que la loi prévoie la possibilité pour les personnels paramédicaux de reprendre des études de médecine grâce à des passerelles.
Par ailleurs, la quatrième année d’internat de médecine générale commencera à compter de novembre 2026 ; elle concernera environ 3 700 internes.
Concernant la question spécifique des médecins intérimaires, la loi Rist vise à encadrer les pratiques de l’intérim médical afin d’assurer une meilleure répartition des ressources humaines et de limiter l’inflation des coûts pour les hôpitaux. Toutefois, nous sommes attentifs aux effets de cette réforme et travaillons avec les acteurs locaux pour garantir la continuité des soins, en particulier dans les territoires sous tension comme la Vendée.
En outre, les effets des dérives constatées de l’intérim ne sont pas seulement financiers. Comme la Cour des comptes l’a indiqué, un recours plus grand à du personnel temporaire conduit à une instabilité des équipes médicales qui fragilise le fonctionnement des services, car l’intervention des contractuels ne s’inscrit pas dans la durée.
En ce qui concerne plus spécifiquement le fonctionnement des urgences, la réforme des autorisations de la médecine d’urgence donne davantage de souplesse aux services. L’autre réforme d’ampleur qui permettra de transformer les soins non programmés consiste dans le déploiement des services d’accès aux soins. Avec ceux-ci, nous organisons le système de santé pour que, à toute heure de la journée, les citoyens puissent accéder à des soins non programmés, après un simple appel téléphonique. Une meilleure organisation de l’accès aux soins permet en effet de soulager les urgences.
Pour ce qui est des solutions que vous proposez, nous allons les instruire pour répondre aux besoins saisonniers des territoires concernant une affluence touristique. Soyez assurée que nous restons pleinement mobilisés pour garantir en Vendée un accès aux soins équitable et de qualité.
M. le président
La parole est à Mme Véronique Besse.
Mme Véronique Besse
Je vous ai fait part de propositions assez simples et concrètes qui émanent des élus de terrain, qui vivent ces problèmes au quotidien. Il serait bon que le gouvernement, et particulièrement M. le ministre de la santé, puissent les prendre en considération.
Plan « 50 000 solutions »
M. le président
La parole est à Mme Laure Miller, pour exposer sa question, no 214, relative au plan « 50 000 solutions ».
Mme Laure Miller
Il y a quelques semaines, j’ai reçu la visite d’un lycéen, accompagné de l’un de ses professeurs. Il venait me parler de son petit frère autiste qui ne trouve pas sa place. Chaque semaine, celui-ci met les pieds à l’école mais, chaque semaine, on appelle sa mère quasiment dans la foulée car l’école, en l’état, n’est pas adaptée à sa situation. Son père étant malade, c’est sa maman qui vient le rechercher. C’est donc sa maman qui a dû, tant bien que mal, adapter son emploi du temps, en faisant des ménages la nuit, pour être là pour son fils le reste du temps. Le grand frère, le lycéen, doit gérer les problèmes administratifs, et particulièrement les relances auprès des établissements spécialisés qui ont mis son petit frère sur liste d’attente. Le seul établissement qui ne leur ait pas fait simplement un retour négatif, l’a inscrit sur liste d’attente depuis plus de trois ans. L’institut médico-éducatif (IME) dispose de vingt places et quatre-vingt-dix enfants sont sur liste d’attente. La mère est épuisée. Le grand frère l’est tout autant et s’interroge sur son avenir après le bac alors que sa famille dépend si fortement de lui. Cette histoire m’a évidemment interpellée et, je l’imagine, vous interpelle aussi. Cependant elle est loin d’être isolée.
Il ne s’agit pas pour moi de dire que rien n’a été fait ou que rien n’est fait actuellement mais, vingt ans après la loi de 2005, il est sans doute temps de se poser et de porter un regard neuf sur ces problèmes pour que chaque enfant puisse s’épanouir dans un environnement adapté à ses besoins et propice à son inclusion. Lors de la dernière Conférence nationale du handicap, en avril 2023, de nombreux engagements forts ont été pris. Dans le Grand Est, l’agence régionale de santé a lancé une première phase d’appel à manifestation d’intérêt « 50 000 solutions » un an plus tard, en avril 2024. Pourtant, à l’issue de l’année 2024, seules dix places supplémentaires pour les jeunes adultes sont prévues dans la Marne. Bien sûr, tout est bon à prendre et nous nous félicitons de ces moyens supplémentaires accordés. Mais vous connaissez et vous comprenez l’impatience des Français concernés par le sujet du handicap. Alors que les pouvoirs publics ont parlé en avril 2023 de « plan massif de financement de 50 000 solutions », nous en étions en 2025, dans ma circonscription, au « lancement d’un diagnostic territorial ». Passer un an sur un diagnostic, c’est malheureusement très long lorsqu’on connaît les enjeux, qu’on a en tête les moyens promis et qu’on sait que certains n’ont aucune visibilité pour l’avenir de son enfant.
Vous le savez mieux que moi, les parents concernés ne demandent pas que, du jour au lendemain, on leur trouve une solution miracle ; mais ils ont besoin de savoir où ils vont, d’être assurés qu’ils ne sont pas condamnés à une errance infinie et que dans deux, trois, quatre ans, une solution s’offrira à eux. Il est nécessaire de réaliser une planification territoriale dans ce domaine.
Madame la ministre, quelles mesures concrètes prendrez-vous pour que les listes d’attente en IME cessent d’être un véritable parcours du combattant pour les familles ? Comment garantir qu’aucun enfant ne sera laissé sans solution, condamné à une errance éducative et sociale ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap
Je vous remercie vivement pour votre interpellation sur ce sujet. C’est évidemment une préoccupation majeure pour moi et pour l’ensemble du gouvernement que d’apporter des solutions aux personnes en situation de handicap. C’est tout l’objet du plan « 50 000 solutions » que vous avez évoqué, annoncé par le président de la République en 2023 lors de la Conférence nationale du handicap et qui fait l’objet d’un budget de 1,5 milliard d’euros déployés sur plusieurs années.
Effectivement, il a fallu du temps pour établir le diagnostic et commencer à déterminer avec l’ensemble des partenaires les réponses qui doivent être apportées aux besoins spécifiques de chaque territoire.
Nous avions besoin qu’un projet de loi de financement de la sécurité sociale soit adopté pour pouvoir déclencher le plan dès janvier 2025, mais nous avons subi quelque décalage. Dès lors que le budget a été adopté, nous pouvons accélérer son déploiement car des solutions sont identifiées.
Dans le cadre du déploiement pluriannuel du plan « 50 000 solutions », 101,15 millions d’euros ont été alloués à la région Grand Est. Pour 2024, 596 solutions ont été programmées dans la région. En 2025, l’enveloppe s’élève à 270 millions d’euros à l’échelle nationale et permettra d’apporter 15 000 nouvelles solutions.
Des pôles d’appui à la scolarité sont également déployés. L’enfant y trouvera des enseignants spécialisés, des éducateurs et des personnels relevant du secteur médico-social pleinement disponibles, pour apporter des solutions au plus près des enfants en situation de handicap dans l’école et avec le personnel médico-social au sein de celle-ci.
Dans votre territoire, des solutions pour les jeunes adultes en IME seront apportées, afin de faire sortir ceux qui y sont maintenus, grâce au dispositif prévu par l’amendement Creton, car ils doivent pouvoir trouver d’autres solutions et ainsi libérer des places dans ces instituts.
J’ai pleinement conscience des difficultés que rencontrent les personnes en situation de handicap, leur famille et leurs aidants. Dans le cadre du plan « 50 000 solutions », des solutions de répit seront présentées. Je serai attentive avec vous à l’ensemble des solutions déployées sur votre territoire en particulier.
M. le président
La parole est à Mme Laure Miller.
Mme Laure Miller
Les engagements pris à l’issue de la Conférence nationale du handicap de 2023 mentionnaient le projet d’intégrer physiquement dans les murs de l’école cent établissements pilotes d’IME d’ici à 2027.
Ma circonscription compte un établissement qui s’inscrit dans ce projet, en lien avec une école primaire récemment conçue et bâtie en conséquence à Bezannes. Pourtant, il semble que certains freinent le projet car celui-ci nécessite le recrutement de plusieurs accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). Il serait cohérent de soutenir ce cas d’espèce qui s’intègre parfaitement dans l’engagement de la Conférence nationale du handicap de 2023.
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée
Je vous propose d’examiner ensemble ce dossier. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit 2 000 AESH supplémentaires : il reste à les identifier et à les recruter.
Fermeture de classes dans les territoires ruraux
M. le président
La parole est à M. Auguste Evrard, pour exposer sa question, no 225, relative à la fermeture de classes dans les territoires ruraux.
M. Auguste Evrard
Campagne-lès-Wardrecques, Wizernes, Arques, Longuenesse, Saint-Omer, Saint-Martin-lez-Tatinghem, Auchel, Isbergues, Aire-sur-la-Lys, Norrent-Fontes et bien d’autres encore : en ce début d’année, mon département, le Pas-de-Calais, subit une véritable hécatombe. Les fermetures de classes s’y multiplient, au point que près de 140 classes sont menacées pour la rentrée 2025.
Derrière ces chiffres, il y a des élèves privés de conditions d’apprentissage décentes, des familles angoissées pour l’avenir de leurs enfants et des territoires qui se sentent, une énième fois, abandonnés.
Ces fermetures ne sont pas de simples ajustements administratifs. Elles touchent en premier lieu les élèves qui voient leur cadre éducatif se dégrader en raison d’effectifs plus lourds, de trajets plus longs et contraignants, ainsi que de conditions d’enseignement de plus en plus précaires.
Elles aggravent aussi la désertification rurale, affaiblissant l’attractivité de nos communes et mettant en péril l’égalité des chances. Dans ces territoires où l’école est un pilier fondamental, réduire l’accès à l’éducation, c’est accentuer les fractures sociales et abandonner un peu plus encore nos campagnes.
Notre système éducatif est en crise et le niveau scolaire s’effondre : 93 % des élèves actuels n’atteignent même pas le niveau médian de 1987. Pourtant, année après année, les fermetures d’écoles et de classes se poursuivent, en particulier dans les territoires ruraux déjà fortement fragilisés.
Le Pas-de-Calais est l’un des cinq départements les plus touchés cette année. En 2024, il a enregistré la suppression de 129 classes, contre seulement 22 ouvertures. Cette situation est d’autant plus préoccupante que ce territoire fait face à de nombreuses difficultés économiques et sociales.
Lancé en 2023, le plan pour notre école dans les territoires ruraux – plan « écoles rurales » – avait pour ambition de limiter ces fermetures. Force est de constater qu’il s’est révélé insuffisant. L’accumulation des fermetures montre que le gouvernement n’a pas mis en place des mesures concrètes et efficaces pour empêcher les suppressions de classes.
Face à cette situation, qui va bien au-delà de mon département et concerne l’ensemble des Français, en particulier dans la ruralité, quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour mettre un terme à cette spirale de fermetures et garantir à tous les enfants, où qu’ils vivent, un véritable accès à l’éducation ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap
Permettez-moi de vous répondre au nom de Mme Élisabeth Borne, qui a étudié attentivement votre question.
Nous faisons le constat d’une baisse démographique très importante : à la rentrée 2025, il y aura près de 100 000 élèves en moins à l’échelle nationale.
Nous poursuivons donc la baisse du nombre moyen d’élèves par classe. Il est passé de près de vingt-trois en 2017 à vingt et un en 2024, notamment grâce au choix de maintenir 4 000 postes d’enseignants. J’ajoute que le vote tardif du budget, conséquence directe de la motion de censure que vous avez votée en décembre, n’a pas facilité l’élaboration de la carte scolaire.
Pour ce qui est du Pas-de-Calais, où la question de l’éducation en zone rurale se pose plus qu’ailleurs, la projection démographique est claire : à la rentrée prochaine, il y aura 3 055 élèves du premier degré en moins, soit une baisse de 2,5 % des effectifs scolaires.
Je tiens à rappeler que la ruralité est au centre des préoccupations et de l’engagement du gouvernement : sur les quatre-vingt-huit fermetures possibles dans les écoles rurales, soixante et onze ont été abandonnées. Ces écoles ne fermeront pas et leurs élèves seront mieux accompagnés. Des moyens humains spécifiques seront déployés dans les écoles des territoires éducatifs ruraux pour créer de nouvelles alliances éducatives.
Le gouvernement s’engage à ce que le nombre d’élèves par classe – vingt, dans votre département – n’augmente pas, afin de continuer de répondre aux besoins des familles et de permettre un meilleur encadrement des élèves.
Fermeture de classes dans l’Indre
M. le président
La parole est à M. François Jolivet, pour exposer sa question, no 218, relative à la fermeture de classes dans l’Indre.
M. François Jolivet
En tant que député de la première circonscription de l’Indre, je souhaite vous apporter ce témoignage : l’Indre est une terre d’expérimentation puisque cinq directeurs académiques des services de l’éducation nationale – ou faisant fonction de directeur – s’y sont succédé en moins d’un an. Cela signifie que la préparation de la rentrée scolaire 2025 est assez difficile.
Nous sommes au printemps et, comme l’a dit notre collègue, les inspecteurs de chaque circonscription prennent leurs valises pour prévenir les élus que leurs classes sont menacées. Les élus et les parents sont mécontents ; tout le monde se met à compter les élèves. L’exercice se poursuit et les organisations syndicales annoncent des fermetures éventuelles de classes aux enseignants, avant que leurs managers directs ne le fassent, sans doute parce que ces derniers l’ignorent. En un mot, la méthode ne fonctionne pas et nous devons en sortir.
Il arrive que des classes rassemblent deux, trois, quatre ou cinq niveaux sur le papier, ce qui est impossible à gérer pour les enseignants. L’éducation nationale a-t-elle prévu un guide qui limiterait ce phénomène à trois niveaux par classe, par exemple ? Souvenons-nous que l’école est d’abord celle des enfants, pas celle des maires.
Puisque le ministère de Mme Borne détient les effectifs précis de l’ensemble des élèves présents sur le territoire, envisagez-vous de préparer des rentrées sur des périodes de deux ans, avec des effectifs glissants ?
Enfin, ma troisième question vous est directement adressée, madame la ministre, puisque vous êtes chargée du handicap. Le calcul des moyennes par classe ne tient compte ni des niveaux ni des enfants en unité localisée pour l’inclusion scolaire, comptabilisés comme les autres alors qu’ils sont une charge de travail supplémentaire. Comment sortir du conservatisme de cette approche globale, afin de permettre aux territoires de s’organiser face à la baisse constatée de la démographie, que je ne conteste pas ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap
Permettez-moi de vous répondre au nom de Mme Élisabeth Borne, ministre de l’éducation nationale. En ce qui concerne l’école inclusive, je vous répondrai en mon nom.
Nous constatons une forte baisse démographique : à la rentrée 2025, je l’ai déjà précisé, nous compterons près de 100 000 élèves en moins, dont 80 000 dans le premier degré. Malgré ce constat et l’adoption tardive du budget, nous avons choisi de maintenir 4 000 postes d’enseignants, afin de poursuivre la baisse du nombre moyen d’élèves par classe et d’améliorer la qualité de l’encadrement des enfants.
L’objectif est la réussite de tous les élèves, ainsi que la réduction des inégalités sociales et territoriales. Nous accélérons ainsi l’engagement de la politique prioritaire, qu’il s’agisse des brigades de remplacement comme de l’école inclusive.
Toutefois, par définition, la carte scolaire n’est pas figée. Cette année n’y échappe pas. Les observatoires des dynamiques rurales améliorent les échanges entre l’éducation nationale et les élus, en vue de l’élaboration de cette carte. Les maires et les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale de l’Indre y travaillent depuis le mois de décembre. Dans votre département, il y aura 427 élèves en moins à la rentrée prochaine pour le seul premier degré. Cela fait un total de 2 100 élèves en moins sur les cinq dernières années.
Nous prenons l’engagement de ne pas augmenter le nombre d’élèves par classe, qui est de vingt pour l’Indre. De même, aucune fermeture d’école ne perturbera le maillage de votre territoire.
Enfin, l’éducation prioritaire concerne également la ruralité : on compte quatre-vingt-dix-sept réseaux d’éducation prioritaire dans les territoires ruraux. Ils bénéficient tous des dispositifs nécessaires, notamment du dédoublement des classes en grande section, en CP et en CE1.
L’engagement du président de la République fait aux maires ruraux en 2019 est toujours d’actualité : il n’y a pas de fermetures d’écoles sans l’avis des maires.
Pour ce qui est de l’école inclusive, la création de 2 000 postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, ainsi que l’accompagnement par 400 pôles d’appui à la scolarité – des enseignants et des professionnels du médico-social spécifiquement dédiés, à l’échelle de petits territoires –, apportera les moyens du médico-social au sein de l’école, aux côtés des enseignants et des enfants.
Croyez bien que Mme la ministre de l’éducation nationale est très attentive à la situation et qu’elle s’assure que les meilleures réponses sont apportées à nos enfants dans leurs écoles.
M. le président
La parole est à M. François Jolivet.
M. François Jolivet
Je vous remercie pour votre réponse. Toutefois, j’appelle de mes vœux la publication d’un guide adressé à l’ensemble des élus locaux. Cela nous permettra de connaître le nombre maximal de niveaux par classe, dans la limite de vingt élèves – parfois, il n’y a que deux élèves pour un seul niveau, ce qui n’est sûrement pas bon pour eux. Je réitère aussi ma proposition d’organiser des rentrées pluriannuelles, en anticipant les prochaines grâce aux chiffres dont vous disposez.
Fermeture de classes dans le Gers
M. le président
La parole est à M. David Taupiac, pour exposer sa question, no 223, relative à la fermeture de classes dans le Gers.
M. David Taupiac
L’avenir des écoles rurales s’assombrit avec la perspective d’une baisse importante d’élèves au cours des prochaines années. Partout dans la ruralité, les annonces de fermetures pleuvent déjà, au point d’en émouvoir l’Association des maires ruraux de France.
Mon département du Gers n’est pas épargné : à la rentrée 2025, il comptera 288 élèves en moins dans le premier degré, pour atteindre une baisse de 1 114 élèves d’ici à 2027. Huit fermetures de classes sont annoncées pour la rentrée 2025.
Les effets de ces fermetures sur la qualité de l’enseignement et le bien-être des élèves sont connus : augmentation des effectifs par classe, temps réduit consacré aux élèves en difficulté et allongement du temps de déplacement entre le domicile et l’école.
Le maintien de ces classes est également un enjeu vital pour le développement local. Certains de ces villages bénéficient de labels importants tel que Village d’avenir, Petites Villes de demain et Bourg-Centre Occitanie, obtenus grâce au travail des élus pour améliorer la qualité de vie et les infrastructures de leurs communes.
Les fermetures ont des conséquences directes sur l’aménagement du territoire et l’attractivité de ces communes, dont un nombre a consenti à des investissements en faveur de leurs écoles. Dans les zones rurales, l’école est souvent le dernier service public accessible.
L’école rurale ne peut plus être la variable d’ajustement d’une politique éducative purement comptable, face aux questions d’attractivité des territoires.
La mise en place des observatoires des dynamiques rurales, chargés de réunir le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen), le préfet et les maires autour d’une vision prospective et triennale des mesures de carte scolaire, est un premier pas.
Cependant, les élus ruraux demandent à être davantage associés, à travers un état des lieux qui prendrait aussi en compte la qualité de l’enseignement, l’évaluation systématique du temps de transport scolaire, les investissements des communes pour les locaux et la comptabilisation des enfants de 2 à 3 ans dans les effectifs.
Comptez-vous faire évoluer les objectifs et la méthodologie de ces observatoires, afin qu’ils deviennent de véritables instances de pilotage et de décision, intégrant les élus ruraux ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap
Permettez-moi de vous répondre au nom de Mme Élisabeth Borne, ministre de l’éducation nationale, qui mesure combien ces questions sont importantes pour votre territoire, ainsi que pour vos collègues. M. le député Jean-René Cazeneuve lui a récemment écrit pour l’informer des spécificités de votre département du Gers.
Le gouvernement rappelle le constat d’une baisse démographique que nous mettons au service de nos élèves en diminuant leur nombre par classe. En parallèle, nous avons maintenu 4 000 postes de professeurs et créé 2 000 postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). Je ne reviens pas sur la revalorisation de ce métier, que nous avons eu à cœur de mener, car je sais votre engagement sur la question.
Élisabeth Borne, alors première ministre, avait demandé l’étude pluriannuelle des cartes scolaires. En ce sens, les observatoires des dynamiques rurales doivent permettre d’améliorer les échanges entre l’éducation nationale et les élus locaux.
Je sais que, dans votre département, un tel observatoire a été créé dès décembre 2023 et qu’il s’est réuni plusieurs fois. La concertation avec les élus gersois est très soutenue et la démarche pluriannuelle est désormais engagée. Il n’empêche que la projection démographique que nous partageons pour le Gers est à la baisse, comme pour la majorité du territoire.
À la rentrée prochaine, il y aura 288 élèves en moins dans le seul premier degré. L’engagement pris par le gouvernement est national. Il vaut donc aussi pour votre département, où le nombre d’élèves par classe, dix-neuf, est le plus bas de l’académie de Toulouse : il n’augmentera pas. De même, le maillage territorial des écoles continuera de répondre aux besoins des élèves et des familles. Nous faisons le choix clair de faire de la baisse démographique l’occasion d’un meilleur accompagnement des élèves, partout, notamment dans votre département du Gers.
M. le président
La parole est à M. David Taupiac.
M. David Taupiac
Je vous remercie pour votre réponse, madame la ministre, mais ce que j’appelle de mes vœux, c’est une évolution des méthodes de travail au sein de cet observatoire. Il est vrai qu’il donne satisfaction, mais nous souhaiterions y évoquer d’autres sujets, par exemple les investissements que les communes ont déjà engagés ou les questions relatives à l’éloignement et au maillage territorial. C’est pourquoi je proposerai à Mme la ministre de l’éducation nationale d’expérimenter une nouvelle façon de travailler, en donnant de nouvelles prérogatives au Dasen, afin d’associer plus largement les élus à cette démarche prospective et de faire en sorte que nous décidions collectivement de la manière dont nous voulons mailler notre territoire à l’avenir.
Le département du Gers, du fait de son habitat très dispersé et de sa configuration très typique du Sud-Ouest, nécessiterait, selon moi, une phase d’expérimentation particulière, qui pourrait éclairer les défis auxquels sont confrontées les écoles rurales. C’est en ce sens que je sollicite des moyens supplémentaires et une expérimentation spécifique dans le département.
En attendant, je vous demanderai un moratoire sur les fermetures de classes dans les zones rurales, en particulier dans le Gers, afin que tous les élus puissent se mettre d’accord et établir une feuille de route pour les trois années à venir, jusqu’en 2027, en tenant compte de la baisse prévue du nombre d’élèves – plus d’un millier. Les élus sont responsables : ils comprennent qu’il importe d’adapter le format des classes, de procéder à des regroupements pédagogiques intercommunaux et de réfléchir en termes d’aménagement du territoire. Le Dasen, qui est particulièrement à l’écoute, sera un acteur important de ces démarches.
Condition des femmes transgenres en prison
M. le président
La parole est à Mme Sylvie Ferrer, pour exposer sa question, no 219, relative à la condition des femmes transgenres en prison.
Mme Sylvie Ferrer
Ma question concerne le parcours d’incarcération en détention provisoire de Louna, femme transgenre opposée au projet d’autoroute A69 entre Castres et Toulouse.
Le 14 février dernier, sa remise en liberté a mis fin à une situation de détention inacceptable. Son cas individuel a, une fois de plus, mis en lumière le délabrement du système carcéral français, incapable de garantir de véritables conditions de réinsertion aux détenus et oppressif pour les personnes transgenres. Cette situation n’est pas un cas isolé.
Louna a été incarcérée, en attendant son jugement, à la prison de Tarbes en octobre 2024. C’est l’une des plus épouvantables qu’il ait été donné de connaître à Dominique Simonnot, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté – selon ses propres mots. En juillet 2024, à la suite du rapport accablant qu’elle a publié sur la maison d’arrêt de Tarbes, j’ai usé de mon droit de visite parlementaire et, sur la base de mon compte rendu, j’ai témoigné devant le Conseil d’État, après sa saisine par une coalition d’organisations. Le juge des référés a rejeté l’ensemble des demandes formulées, préservant en l’état une situation pénitentiaire catastrophique, qui favorise la récidive, voire le suicide des détenus.
À ce cadre tout à fait abominable s’ajoute la situation particulière de Louna qui, femme transgenre, a dû subir les affres propres à la situation d’une femme enfermée dans un quartier pour hommes. Le fonctionnement carcéral non mixte est incapable de prendre en charge correctement le cas des personnes transgenres, au point de les affecter dans les mauvaises prisons.
À la suite d’insultes et de menaces, et en considération de sa situation particulière, la direction de l’établissement pénitentiaire a décidé de placer Louna à l’isolement, où elle est restée pendant plusieurs mois. Alertée, j’ai demandé une autorisation pour la rencontrer fin novembre 2024. Dans un second temps, j’ai fait valoir mon droit de visite et j’ai demandé à voir les cellules d’isolement. J’ai pu constater une mauvaise aération, du fait de l’absence de ventilation mécanique, un manque d’ameublement convenable pour la nourriture, l’absence de douche dans la cellule et l’absence d’accès à la cour de promenade, à quoi il faut ajouter la pénurie d’agents pénitentiaires. L’ensemble de ces facteurs a eu un impact considérable sur les capacités cognitives de la détenue, selon ses propres termes, aggravant ainsi l’accueil déjà dégradé de la prison.
Pourtant, le respect de l’identité de genre, notamment en prison, est reconnu comme un droit fondamental par la Cour européenne des droits de l’homme, le Comité européen pour la prévention de la torture et l’Organisation des Nations unies. Son absence de prise en compte dans le système carcéral français est régulièrement signalée.
Il y a peu encore, fin janvier 2025, la prise en charge carcérale des femmes trans était remise en question par le chercheur Mati Bombardier, dans son article intitulé « Isoler pour protéger ? La prison face à la transidentité ». De même, dans son avis du 25 mai 2021, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté expliquait déjà que « la transidentité seule ne doit pas entraîner un placement d’office dans un quartier protégé » et que « toute personne transgenre s’identifiant comme une femme est une femme et doit être reconnue comme telle ; toute personne transgenre s’identifiant comme un homme est un homme et doit être reconnu comme tel également ».
L’avis émettait aussi une série de recommandations, allant de la formation du personnel pénitentiaire à l’interdiction des fouilles dégradantes. Sur le fondement des travaux mentionnés, et afin que la situation de Louna ne se reproduise plus, quelles transformations fondamentales M. le ministre de la justice compte-t-il apporter au système carcéral français ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée de l’autonomie et du handicap
Permettez-moi de vous répondre au nom du garde des sceaux.
L’administration pénitentiaire doit effectivement s’adapter à l’ensemble des détenus quel que soit leur profil. Elle s’y emploie chaque jour, y compris pour les personnes transgenres. Vous dénoncez le placement à l’isolement d’une personne transgenre, anciennement détenue au sein de la maison d’arrêt de Tarbes.
Il m’apparaît opportun de vous indiquer que son placement en régime d’isolement résulte d’une décision judiciaire, et non administrative. Dès sa sortie du quartier arrivant, la consigne donnée, par le biais d’une ordonnance, par l’autorité judiciaire, était de la placer à l’isolement. Par ailleurs, l’isolement est la solution préconisée par le référentiel précité lorsque l’établissement ne dispose pas d’un quartier pour femmes ou d’un quartier spécifique.
De plus, lors d’une audience avec le chef d’établissement, il lui avait été proposé de changer de structure pour un établissement plus adapté à son profil et elle avait refusé cette proposition. S’agissant du fonctionnement de la maison d’arrêt de Tarbes, un plan d’action est en cours de déploiement, que la direction interrégionale des services pénitentiaires de Toulouse suit avec attention. Elle a, dans ce cadre, transmis au chef d’établissement une lettre de mission qui s’attache à reprendre certaines recommandations émises par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté lors de son dernier rapport de visite.
Par ailleurs, un référentiel national de prise en charge des publics LGBT+ placés sous main de justice a été diffusé à l’ensemble des services pénitentiaires en mars 2024. Il s’inscrit notamment dans le cadre du plan interministériel d’action pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ (2023-2026). Celui-ci a été corédigé avec la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, le ministère de la santé et les associations spécialisées.
Il regroupe des gestes professionnels éprouvés et des cas pratiques concrets. Son objectif est d’améliorer les conditions dans lesquelles ces publics sont pris en charge et d’informer les personnels sur les situations qu’ils peuvent être amenés à rencontrer. Afin d’accompagner sa diffusion et de faciliter son appropriation par les personnels, des formateurs relais ont été identifiés au sein des directions interrégionales des services pénitentiaires.
Direction interdépartementale de la police nationale des Hautes-Alpes
M. le président
La parole est à Mme Marie-José Allemand, pour exposer sa question, no 231, relative à la direction interdépartementale de la police nationale des Hautes-Alpes.
Mme Marie-José Allemand
Ma question porte sur le projet de transfert des locaux de la direction interdépartementale de la police nationale (DIPN) des Hautes-Alpes. Les locaux actuels, situés au sein de la cité administrative Desmichels à Gap, sont inadaptés aux missions d’un service de police et nuisent grandement à l’efficacité opérationnelle des équipes.
Plusieurs difficultés ont été recensées. D’abord, l’implantation dispersée des services dans un bâtiment partagé avec d’autres administrations publiques entrave la coordination et la qualité de travail des équipes. De plus, l’emplacement enclavé du bâtiment en centre-ville empêche un stationnement satisfaisant des véhicules de police et compromet la réactivité et la projection rapide des effectifs en cas de besoin. Pour ces raisons, il est envisagé de transférer la DIPN dans les locaux actuellement occupés par la Banque de France.
Cette solution aurait l’avantage de regrouper l’ensemble des services de la DIPN au sein du même bâtiment, y compris ceux du service départemental du renseignement territorial. La disposition et la situation du bâtiment faciliteraient également le travail des équipes, en permettant une projection rapide des équipages et une gestion optimale des flux.
En décembre 2023, le secrétariat général pour l’administration du ministère de l’intérieur (Sgami) Sud a visité ces locaux et émis un avis favorable à ce projet. Désormais, une étude de faisabilité doit être menée afin de déterminer les conditions de sa mise en œuvre. Dans ce but, le Sgami Sud a transmis début 2024 une demande de crédits auprès de la direction de l’évaluation de la performance, de l’achat, des finances et de l’immobilier du ministère de l’intérieur. Ces crédits n’auraient toutefois pas été validés à ce jour, empêchant la réalisation de cette étude de faisabilité, qui constitue un préalable indispensable à la réalisation du projet.
Le gouvernement peut-il confirmer son soutien à ce projet de réorganisation, qui revêt une grande importance pour l’amélioration des conditions de travail des services de police de Gap ? Si tel est le cas, je souhaiterais que le ministère de l’intérieur puisse, dans les meilleurs délais, débloquer les crédits nécessaires à la réalisation de l’étude de faisabilité.
M. le président
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Avant de répondre précisément à votre question, je tiens à rappeler que, grâce aux crédits que vient d’adopter le Parlement dans le projet de loi de finances pour 2025, le ministère de l’intérieur a été relativement préservé et qu’il est en mesure de maintenir, tant les capacités opérationnelles des forces de l’ordre, que les crédits nécessaires à ses investissements immobiliers. Le budget de la police nationale sera en hausse de 250 millions d’euros cette année par rapport à 2024. Par ailleurs, j’insiste sur le fait que la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, qui prévoit de lui allouer 15 milliards d’euros d’ici à 2027, sera également respectée. C’est l’un des points forts du budget actuel et cela permettra de réaliser l’ensemble des travaux que l’État s’était engagé à faire, en particulier dans nos commissariats de police.
Il est essentiel que les commissariats de police soient en état, puisque cela détermine les conditions de travail de nos agents. À chacun de nos déplacements, nous constatons combien il importe d’apporter des améliorations, même si certaines ont déjà été réalisées.
J’en viens maintenant, madame la députée, à la situation qui vous préoccupe, à savoir le transfert des locaux de la DIPN des Hautes-Alpes. Le projet de regroupement à Gap a bien été pris en compte : je vous en confirme le principe. Un bâtiment, actuellement occupé par les services de la Banque de France, devrait se libérer courant 2026 et pourrait accueillir les services de police positionnés à la cité Desmichels. Le site est bien situé dans Gap et pourrait répondre aux besoins opérationnels des forces de police, tout en leur offrant une surface satisfaisante.
Cependant, le vote tardif du projet de loi de finances et la gestion des crédits en loi spéciale ne nous ont pas permis d’effectuer des études de faisabilité cette année. Qu’il s’agisse des conditions de travail des policiers ou des moyens qui leur sont nécessaires pour accomplir efficacement leurs missions, vous pouvez compter sur mon engagement et sur ma vigilance pour accélérer les choses, puisque la décision d’utiliser ce bâtiment est prise.
Je souhaite néanmoins indiquer que si les locaux actuels posent un problème capacitaire, ils demeurent dans un état satisfaisant et que des travaux y sont régulièrement menés. L’accueil a par exemple été rénové en 2017. En 2020 et au cours des cinq premiers mois de 2021, ce sont encore plus de 50 000 euros qui ont été engagés.
Les lieux ont été déterminés, la localisation, au cœur de Gap, convient, tout comme la surface du bâtiment. Il faut maintenant que la procédure avance, après le petit décalage lié aux circonstances budgétaires que vous connaissez.
M. le président
La parole est à Mme Marie-José Allemand.
Mme Marie-José Allemand
Je vous remercie de votre réponse. Je vous invite à venir visiter les locaux actuels de la police de Gap, pour mesurer combien le transfert prévu sera bénéfique. Certes, des travaux ont été faits, mais les conditions de travail ne sont absolument pas satisfaisantes, notamment du point de vue de la confidentialité des dossiers.
Réforme institutionnelle de la Corse
M. le président
La parole est à M. François-Xavier Ceccoli, pour exposer sa question, no 207, relative à la réforme institutionnelle de la Corse.
M. François-Xavier Ceccoli
« Corse : la présence d’une mafia désormais avérée sur l’île », titrait samedi 8 mars le site Franceinfo à la suite de la manifestation antimafia ayant eu lieu à Ajaccio le jour même. Il ne s’agit pas d’un système pyramidal, vertical, comme on peut le voir dans certaines régions d’Italie, en particulier celles où sévit Cosa nostra, mais d’une multitude de bandes armées – en 2022, un rapport du service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée, qui appartient à la police judiciaire, en a recensé vingt-cinq.
Cet état de fait est donc également admis à Paris ; j’en veux pour preuve l’annonce par Gérald Darmanin de la création prochaine à Bastia d’un pôle de lutte contre la criminalité organisée, ainsi que d’un renfort de cinquante personnels dont dix-sept magistrats. Le geste est d’importance : ces efforts doivent permettre une réponse judiciaire aux meurtres, assassinats, pressions dont le nombre par habitant se situe dans l’île parmi les plus élevés d’Europe et dont les auteurs, faute d’être identifiés ou confondus, restent trop souvent impunis. On ne saurait pour autant oublier le racket et le trafic de drogue, en pleine expansion, qui pèsent sur le quotidien de nos concitoyens. Sur le sol français, à seulement une heure et demie d’avion de Paris, la tranquillité de la vie est toute relative. Ce haut niveau de criminalité affecte désormais toutes les composantes de la société corse : acteurs économiques et politiques, mais aussi simples citoyens, dont on veut obtenir des avantages, peuvent devenir la cible, j’y insiste, de pressions, de menaces, voire d’assassinats. La prédation est à son comble.
Il y a plusieurs mois, les deux chambres du Parlement se sont saisies du projet gouvernemental d’évolution institutionnelle, né à la suite des émeutes consécutives à l’assassinat en prison d’Yvan Colonna : notre île pourrait se voir doter, pour citer le président Macron, d’« une autonomie […] dans la République ». Bien entendu, pas question de transférer à la collectivité de Corse des compétences régaliennes, surtout touchant la justice ou la sécurité. Il serait toutefois illusoire, ce serait se fourvoyer que de penser qu’une Assemblée de Corse pouvant légiférer sans contrôle suffirait à protéger les Corses : l’urbanisme, les marchés publics, les déchets, la libre concurrence subissent déjà la pression des groupes mafieux.
Pourriez-vous nous rassurer en confirmant qu’aux termes du document final qui sera examiné par les chambres, la collectivité de Corse ne décidera pas seule, quoi qu’il advienne, de l’avenir de ses administrés ?
M. le président
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je vous répondrai, aussi complètement que faire se peut, en deux points. En ce qui concerne la réforme institutionnelle de la Corse, nous ne disposons pas encore des arbitrages gouvernementaux ; il me semble qu’ils n’ont pas eu lieu. En revanche, l’Assemblée nationale et le Sénat travaillent à ce sujet, nous permettant de connaître la situation. Que les fonctions régaliennes restent à la main de l’État, quelle que soit l’évolution institutionnelle de l’île de Beauté, constitue un principe intangible : sur ce point, aucune ambiguïté ne saurait subsister.
Pour ce qui est de la criminalité organisée, nous avons tous déploré la mort, le 15 février, d’une jeune femme de 19 ans, dans un contexte d’importante insécurité. Au-delà des lieux communs, il convient de rappeler que l’île est depuis longtemps confrontée à cette violence : entre 2016 et 2022, le nombre d’homicides pour 100 000 habitants était de 3,2 en Corse-du-Sud, 3,7 en Haute-Corse. En 2023, il y a eu en Corse treize homicides plus seize tentatives et, en 2024, autant de tentatives et dix-huit homicides ; pour 1 000 habitants, on compterait 350 armes, la moyenne nationale étant de 150. C’est pourquoi la présence de l’État doit incontestablement être assurée en permanence, notamment par la police, la gendarmerie et la justice.
Le ministère de l’intérieur et le gouvernement agissent résolument en ce sens : la gendarmerie nationale continue d’accroître ses effectifs sur place, d’adapter son dispositif aux spécificités de l’île. Sur 1 022 gendarmes, 204, soit 20 %, ratio inégalé ailleurs, se consacrent exclusivement aux enquêtes judiciaires. La proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, adoptée par le Sénat et que l’Assemblée examinera la semaine prochaine en séance publique, permettra une réponse forte, notamment la création d’un parquet national anti-criminalité organisée, ayant ses propres techniques d’enquête. L’État est donc sur tous les fronts et, je le répète, n’a nullement l’intention de se dessaisir de fonctions régaliennes.
Demandes de visas des Afghanes
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour exposer sa question, no 208, relative aux demandes de visas des Afghanes.
Mme Dominique Voynet
Il y a quelques mois, monsieur le ministre, j’ai interpellé vos collègues chargés respectivement des affaires étrangères et de l’égalité entre les femmes et les hommes au sujet des obstacles que rencontrent les Afghanes demandant, au titre du droit d’asile, à bénéficier d’un visa pour la France. Mon courrier a été transmis au ministre de l’intérieur, dont la réponse m’a estomaquée. Alors que le moindre déplacement des femmes est contraint, qu’elles doivent être accompagnées d’un chaperon masculin, qu’elles ne peuvent franchir les frontières du pays sans autorisation de leur père ou de leur mari, vous écrivez benoîtement que leur seul moyen de faire une demande de visa est de se rendre dans un consulat français, en Iran ou au Pakistan, ces procédures étant bien connues de nos postes diplomatiques sur place.
Alors que, bafouant les derniers droits de ces femmes, les talibans, de peur qu’une vague silhouette n’excite les hommes qui pourraient y jeter les yeux, font désormais murer les fenêtres des cuisines, notre pays ne respecte pas la jurisprudence internationale : d’après l’arrêt du 4 octobre 2024 de la Cour de justice de l’Union européenne, leur nationalité et leur sexe suffisent à faire considérer les Afghanes comme des réfugiées. Une procédure de demande de visa simplifiée et accélérée doit leur permettre d’accéder à ce statut protecteur. Or, je le répète, la France ne possédant plus d’ambassade à Kaboul, cette demande nécessite de se rendre à Islamabad ou Téhéran, soit respectivement à 470 ou à 2 067 kilomètres. Les femmes qui parviennent à fuir, puis à atteindre l’une de ces deux villes, doivent alors solliciter une officine privée, telle que VSF Global, qui constitue le dossier et gère la relation avec l’ambassade. La réponse arrivera au terme de plusieurs semaines, voire plusieurs mois, au cours desquels la demandeuse, outre le paiement de cet intermédiaire, aura dû assumer les frais nécessaires pour vivre sur place.
Je demanderai à M. le ministre des affaires étrangères de faire la lumière sur le fonctionnement des officines qui exercent leur business à la porte de nos ambassades. De votre côté, au-delà des clivages politiques et au nom des droits humains, quelles dispositions entendez-vous prendre pour que soit enfin respectée la jurisprudence concernant l’accueil des Afghanes ?
M. le président
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Vous me donnez l’occasion d’une réponse précise ayant trait à une situation extrêmement grave qui continue de se détériorer chaque jour : nous connaissons la tragédie de l’Afghanistan. Quelques jours après la Journée de la femme, je souhaite redire à quel point le gouvernement est engagé en faveur de la protection des Afghanes : le droit de demander l’asile depuis un pays tiers n’existant ni à l’échelle internationale ni à celle de la France, celle-ci a volontairement et spontanément instauré des dispositifs grâce auxquels, aujourd’hui encore, des Afghanes rejoignent notre territoire gratuitement et en toute sécurité. Ainsi, entre mai et juillet 2021, la France a évacué 623 agents de droit local et leurs familles, suivis de près de 6 000 autres ressortissants afghans dans le cadre de l’opération Apagan, lancée le 17 août 2021, peu après la chute de Kaboul, tandis que les demandes de réunification familiale émanant d’Afghanes faisaient l’objet, de la part des services du ministère de l’intérieur, d’une instruction accélérée.
Cependant, ces opérations, d’abord basées à Kaboul, ont dû être déplacées vers des pays tiers après la fermeture, le 28 août 2021, de notre ambassade en Afghanistan, où des raisons diplomatiques et sécuritaires évidentes rendaient dorénavant impossible le maintien d’agents consulaires. C’est pourquoi, dès la fin de ce mois d’août 2021, nous avons offert aux Afghans souhaitant un visa afin de gagner la France et d’y demander asile de s’adresser à une représentation consulaire française, cette mesure ayant entraîné l’octroi d’importants moyens supplémentaires. Ce visa en vue de demander l’asile constitue d’ailleurs une spécificité française en Europe : sa délivrance, visant à répondre aux besoins de protection les plus urgents, nécessite d’établir que le demandeur d’une part est exposé à une menace actuelle et personnelle, d’autre part ne saurait nuire à la sécurité de notre territoire, raison pour laquelle des vérifications préalables doivent être effectuées systématiquement par les services consulaires français.
À ce jour, plus d’un millier de femmes afghanes se sont vu délivrer un tel visa ; s’y ajoute l’initiative Avec elles, lancée en décembre 2023 dans le cadre du Forum mondial sur les réfugiés, par laquelle la France a décidé de consacrer une attention particulière aux réfugiées et surtout aux Afghanes seules. Ainsi, en partenariat avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, 300 réfugiées afghanes et leurs enfants ont été réinstallés en 2024 sur notre territoire ; cet objectif est porté à 500 pour l’année 2025. Cette effroyable situation continue donc de mobiliser pleinement le gouvernement.
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet
Je tiens à votre disposition trois exemples, dans ma seule circonscription, d’Afghanes réfugiées en France qui, leur visa ayant expiré, ont été invitées à rejoindre l’un des consulats cités.
M. François-Noël Buffet, ministre
Oui…
Mme Dominique Voynet
Des associations se sont cotisées afin que ces femmes puissent payer le voyage et les services de l’officine intermédiaire mais, une fois leur petit pécule épuisé, il leur a fallu rentrer sans avoir eu gain de cause. J’ai alerté à ce propos ; je vous ferai passer leur dossier.
Verbalisations à Rillieux-la-Pape
M. le président
La parole est à M. Abdelkader Lahmar, pour exposer sa question, no 222, relative aux verbalisations à Rillieux-la-Pape.
M. Abdelkader Lahmar
Des dizaines de jeunes de Rillieux-la-Pape, dans le Rhône, sont harcelés, ces dernières années, par la police municipale et par certaines unités de la police nationale, notamment la fameuse brigade spécialisée de terrain (BST), qui les verbalisent plusieurs fois par jour, notamment au moyen de la vidéosurveillance, pour des incivilités mineures et de manière peu justifiée – par exemple, de nombreuses amendes pour tapage nocturne ont été délivrées en plein jour. Ces amendes sont souvent distribuées simultanément, pour des motifs différents, par les mêmes agents : on assiste donc à une forme d’acharnement doublée d’un abus d’autorité. Alors que Rillieux-la-Pape n’est pas touchée par la grande délinquance, ce phénomène a contribué à fragiliser les relations entre police et population. Les jeunes concernés sont, pour certains, collégiens, lycéens ou en formation ; eux aussi aspirent à la tranquillité.
Outre le caractère abusif de ces verbalisations, il faut souligner leur inefficacité : les dizaines de milliers d’euros en cause ne sont, bien entendu, jamais payés. Les majorations ne font qu’éloigner un peu plus des institutions ces jeunes dont les dettes deviennent un obstacle presque insurmontable en matière d’accès à l’emploi, au logement, aux services bancaires, au point que l’économie souterraine apparaît à certains comme la seule voie de subsistance envisageable. C’est un échec pour la puissance publique, pour la ville, pour la société.
Jusqu’à ce que je les dénonce, la préfecture du Rhône n’était même pas au courant de ces amendes, ce qui signifie que la police municipale de Rillieux-la-Pape agit sans aucun contrôle. Cette affaire pose ainsi la question de la régulation des polices municipales dont le développement hors de tout contrôle de l’État favorise l’arbitraire. Qu’envisage le gouvernement afin de mieux encadrer leur action et d’éviter que ce genre d’abus se reproduise à l’avenir ? De plus, ces agissements étant aussi le fait de la BST, qu’attend le ministère de l’intérieur pour mettre fin à ces dérives ?
M. le président
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Tout d’abord, la doctrine du ministère de l’intérieur consiste à apporter une réponse ferme et systématique, quelle que soit la situation, à chaque acte de délinquance. Permettez-moi de profiter de cette occasion pour saluer nos gendarmes et policiers – je dirai un mot tout à l’heure de la police municipale. Il faut donc rester ferme face aux comportements délinquants – il n’y a pas de doute sur ce point, que tout le monde partage.
Ensuite, l’action des forces de sécurité intérieure, chargées de veiller au respect des lois, obéit à des principes déontologiques exigeants. D’ailleurs, d’un point de vue pratique, le recours aux caméras-piétons a permis d’apaiser les relations entre les forces de l’ordre et les personnes soupçonnées d’avoir commis des actes de délinquance. Il est important de le souligner, même si cela n’empêche pas la fermeté.
En ce qui concerne plus précisément la commune de Rillieux-la-Pape, à la fois quartier de reconquête républicaine et quartier témoin, une action renforcée des services de police a été engagée grâce à la création d’une unité dédiée, la BST que vous avez mentionnée, qui agit avec la police municipale, connaît la délinquance locale et crée un lien avec la population. Si des individus sont verbalisés plusieurs fois par jour, c’est sans doute que les mêmes commettent plusieurs infractions le même jour.
La vidéoverbalisation est utile. Elle permet en effet, notamment grâce au relevé des plaques d’immatriculation, d’établir des contraventions : ainsi, en 2024, le centre de supervision urbaine de Rillieux-la-Pape a dénombré 1 849 vidéoverbalisations, dont 1 762 pour des infractions liées au stationnement et 87 à la circulation.
Par ailleurs, la commune de Rillieux-la-Pape a instauré un dispositif important afin de lutter contre les faits délictueux que constitue le tapage nocturne et diurne.
Enfin, pour répondre à votre question de fond s’agissant des polices municipales, nous sommes engagés dans ce que l’on appelle le Beauvau des polices municipales. Nous avons d’ailleurs tenu hier la dernière réunion au Havre et nous avons constaté, à l’occasion des différentes rencontres, la nécessité non seulement de faire évoluer les polices municipales mais aussi de renforcer la formation et de veiller au respect de la déontologie par leurs agents. Dans le continuum de sécurité que nous nous efforçons de déployer, ces aspects seront bien présents.
Pour résumer, il faut de la fermeté, afin de poursuivre les auteurs de faits contraventionnels ou délictuels – le rôle de la police municipale n’est pas de faire de la police judiciaire, mais bien d’assurer la tranquillité publique sur son territoire –, et, en contrepartie, de la déontologie et de la formation.
M. le président
La parole est à M. Abdelkader Lahmar.
M. Abdelkader Lahmar
J’ai assisté au cycle 1 des concertations du Beauvau à Lyon et j’ai entendu les deux principes que vous avez rappelés, à savoir la complémentarité et la non-interchangeabilité. Or la logique du Beauvau est de confier davantage de missions aux polices municipales, en réponse au désengagement de la police nationale lié à l’austérité budgétaire que votre gouvernement organise.
C’est pourquoi je mets l’accent sur le manque de contrôle de l’État sur les polices municipales. À travers le cycle 1, le Beauvau aborde en priorité les prérogatives et l’armement des polices municipales, mais occulte la déontologie et le contrôle – qui relèvent du cycle 4 et seront évoqués ultérieurement –, alors que ces deux aspects sont très importants.
Numéro d’appel des services d’urgence
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Mandon, pour exposer sa question, no 204, relative au numéro d’appel des services d’urgence.
M. Emmanuel Mandon
Ma question vous paraîtra peut-être anodine. Pourtant, si nous discutons avec nos concitoyens, nous nous rendons vite compte que le démarchage téléphonique, quand il ne s’agit pas de harcèlement, a pris une ampleur sans précédent, aux conséquences insoupçonnées, voire désastreuses. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons adopté, jeudi dernier, la proposition de loi pour un démarchage téléphonique consenti et une protection renforcée des consommateurs contre les abus, texte qui, nous l’espérons, permettra de lutter contre ce phénomène.
Je souhaite aborder le sujet des numéros d’appel des services d’urgence – 17, 18, 112 ou 197 –, qui utilisent, depuis le 1er octobre 2024, un numéro unique, le 0 800 112 112 pour rappeler les personnes qui ont contacté les secours. Ce rappel, essentiel à l’obtention d’informations parfois vitales pour les interventions, est effectué depuis un centre d’appels. Malheureusement, les personnes rappelées, qui prennent cet appel pour de l’hameçonnage, n’y répondent pas.
Le service départemental d’incendie et de secours de mon département m’a alerté sur ce point, que d’aucuns pourraient prendre pour un détail mais qui a de lourdes conséquences sur le suivi et le traitement de l’alerte : impossibilité d’obtenir une précision d’adresse, d’adapter les moyens engagés, d’obtenir des informations nécessaires à la bonne conduite de l’intervention.
C’est pourquoi je me permets d’appeler votre attention sur cette question récurrente, posée par nos services de secours qui ont à cœur de mettre toutes les chances de leur côté afin de mener à bien leur mission essentielle de sauver des vies.
Dans ces conditions, comment comptez-vous sensibiliser davantage nos concitoyens ? Envisagez-vous une meilleure communication sur ce numéro unique, afin qu’il soit mieux identifié lors du rappel des services de secours ? Quelle réponse rapide et réactive proposerez-vous, en faisant par exemple appel à d’autres technologies, telles que la localisation ?
M. le président
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je tiens à vous rassurer sur le caractère temporaire de cette situation, le ministère de l’intérieur étant à pied d’œuvre pour instaurer une solution plus simple, dont les tests sont attendus au second semestre 2025.
Il s’agit d’une question technique. Il a été demandé aux opérateurs de communication électronique de permettre la présentation du numéro court du service d’urgence en cas de rappel de l’usager. Cette demande a été formulée par le commissariat aux communications électroniques de défense (CCED), au terme d’une consultation des différents acteurs concernés par les appels d’urgence.
En effet, en réponse aux obligations définies par la loi dite Naegelen – du nom de votre collègue député – visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux, les opérateurs de communications électroniques, sous l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), ont activé la plateforme Mécanisme d’authentification des numéros le 1er octobre 2024. Cette technologie permet de vérifier l’authenticité des numéros de téléphone dans les communications et de réduire ainsi les risques de fraude et d’usurpation pour les usagers.
Les opérateurs de téléphonie devant assurer le strict respect du plan de numérotation établi par l’Arcep, il se trouve qu’ils ne peuvent plus acheminer des communications présentant des numéros non réglementaires, y compris lorsqu’il s’agit de communications émises par des services d’urgence. Or la plupart des numéros utilisés par ces services ne répondent pas, à ce jour, aux exigences de conformité, ce qui implique une impossibilité de rappeler les usagers.
C’est pourquoi il a été demandé de remédier à cette situation, ce qui prendra une année environ, compte tenu des contraintes techniques qui se posent pour les opérateurs de téléphonie. Néanmoins, les travaux ont bien avancé : des tests sont programmés au cours du deuxième trimestre 2025, soit très prochainement.
Dans l’attente de ce déploiement, les opérateurs de téléphonie ont proposé une solution alternative et temporaire, acceptée par le CCED, qui repose sur la présentation pour tous les centres d’appels d’urgence d’un numéro unique, le 0 800 112 112. Considérant le caractère temporaire de ce dispositif et souhaitant éviter toute confusion avec une potentielle mise en service d’un nouveau numéro d’urgence, la délégation à l’information et à la communication du ministère a souhaité réaliser une communication spécifique sur ce point. Celle-ci s’est traduite par la création d’un kit de communication dédié, dont l’ensemble des productions a été décliné sur tous les outils de communication du ministère. Ces matériaux de communication ont également été transmis aux services de communication de la gendarmerie et de la police nationale, de la sécurité civile et auprès des préfectures, pour qu’ils soient déclinés au niveau départemental sur leurs propres outils. Ils ont également été repris sur le site service-public.fr.
Voilà la réponse la plus précise que je pouvais vous faire. Les choses devraient avancer au cours du deuxième trimestre.
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Mandon.
M. Emmanuel Mandon
Je suis très sensible à ces précisions. Elles montrent la complexité de ce petit dossier, qui a pourtant toute son importance. Je sais que le gouvernement et vous-même êtes attentifs aux questions de sécurité publique et de secours aux personnes – nous en avons bien besoin. D’ailleurs, les derniers événements, notamment climatiques, survenus dans l’ensemble du territoire, montrent combien l’efficacité des services de secours est importante. Je vous remercie de votre réponse et espère que les choses rentreront dans l’ordre.
Nuisances dues aux autoroutes
M. le président
La parole est à M. Vincent Jeanbrun, pour exposer sa question, no 205, relative aux nuisances dues aux autoroutes.
M. Vincent Jeanbrun
J’appelle votre attention sur la santé et l’espérance de vie des habitants de ma circonscription, dans les villes de L’Haÿ-les-Roses, de Thiais, de Chevilly-Larue, de Rungis ou encore de Fresnes, qui vivent aux abords de deux autoroutes majeures : l’A86 et l’A6. Cette dernière a même le record d’Europe de largeur de voies : 14 voies d’autoroutes traversent de part en part la ville de L’Haÿ-les-Roses, à 15 mètres du sol, suscitant toutes les nuisances imaginables.
Parmi elles, il y a tout d’abord les nuisances chimiques : de manière invisible et insidieuse, nous respirons des polluants, des particules fines, voire des microparticules, dont une récente étude italienne a montré qu’elles apparaissent même, désormais, dans le lait maternel. S’y ajoutent des nuisances sonores, avec, une fois encore, une onde imperceptible qui produit un effet majeur sur le sommeil et la santé mentale des habitants, entraînant des phases de sommeil hachées, un stress accentué et une santé qui se dégrade.
J’ai souhaité vous interpeller car les habitants qui vivent aux abords de ces infrastructures, dans ma circonscription comme ailleurs, doivent bénéficier du soutien de l’État : il s’agit de refuser cette fatalité des 40 000 morts par an liées à la pollution. Le bruit, lorsqu’on y est exposé de manière intense, comme c’est le cas dans ma circonscription, peut faire perdre jusqu’à trois ans d’espérance de vie en bonne santé.
Personnellement, je ne m’y résous pas et j’attends du gouvernement qu’il en fasse de même. Disons-le franchement : il y a des actions à mener !
Jusqu’en 2019, ce secteur géographique était considéré comme un point noir du bruit. À la suite d’une intervention du gouvernement et de la région Île-de-France, sous l’impulsion de Valérie Pécresse, des revêtements phoniques ont été installés, qui ont entraîné une amélioration – même si l’on voit déjà que la situation se dégrade et qu’il faudrait y remédier.
Malheureusement, en raison de cette avancée, la zone ne bénéficie plus du label point noir du bruit, ce qui explique que les services de l’État ne soient plus mobilisés. Il faut donc que les tronçons de l’A86 et de l’A6, en particulier, soient de nouveau considérés comme des points noirs du bruit, afin de mobiliser les moyens nécessaires, à savoir, au-delà des revêtements phoniques, des murs antibruit de qualité, ce qui paraît primordial pour prendre en considération la situation de nos concitoyens.
En ce qui concerne la pollution chimique, j’attends du gouvernement qu’un véritable plan de bataille soit engagé. J’y ajoute une demande très spécifique : faire en sorte qu’un seuil maximum soit institué pour les microparticules, comme cela existe pour les particules et les particules fines. De tels seuils permettront de savoir si les personnes concernées sont exposées, ou non, à des quantités trop importantes. Je compte sur vous et sur votre action, madame la ministre.
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Je vous remercie de votre question qui rappelle, de manière très concrète, les enjeux majeurs de qualité de l’air et de pollution sonore auxquels sont confrontés les habitants de votre circonscription que vous connaissez bien.
Il est beaucoup question, en ce moment, des zones à faibles émissions (ZFE). Elles ont été instaurées dans les grandes agglomérations précisément parce que, parmi celles qui comptent plus de 150 000 habitants, seules deux, dans toute la France, respectent les critères d’émissions prévus par l’Organisation mondiale de la santé – toutes les autres dépassent ces critères. Il nous faut donc agir.
Pour ce qui est de votre circonscription, la feuille de route du Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques, qui couvre la période 2022-2025, contient des mesures concrètes pour les différents secteurs qui contribuent à cette pollution : les transports bien sûr, mais également toutes les autres sources de pollution sur lesquelles nous proposons un plan concret. Néanmoins, vous avez raison : ce n’est pas satisfaisant et, j’y insiste, il faut continuer à agir – je m’y engage devant vous et je le ferai avec vous ; ma porte vous est ouverte.
Vous avez raison de dire que les nuisances sonores, sujet souvent un peu sous-estimé, ont un effet majeur sur la santé. On traite les points de bruit les plus problématiques, parmi lesquels le tronçon de l’autoroute A6 situé au nord de l’A86, qui traverse les communes de L’Haÿ-les-Roses, de Fresnes, de Chevilly-Larue et de Rungis. Il compte parmi les trois zones de bruit critiques identifiées dans le Val-de-Marne et comporte des protections phoniques, vétustes mais encore fonctionnelles. En plus de la pose d’un revêtement antibruit réalisée entre 2017 et 2019, je veux lancer une étude pour déterminer quelles mesures complémentaires il serait opportun de mettre en œuvre. Mon objectif est d’identifier les solutions techniques les plus pertinentes – murs antibruit, rénovations de façade, ou autres – et de lancer les études de conception détaillée pour que, une fois pour toutes, les habitants soient protégés de nuisances qui ont de lourds effets sur leur santé.
M. le président
La parole est à M. Vincent Jeanbrun.
M. Vincent Jeanbrun
Merci pour cette réponse. Je serais très heureux de vous accueillir dans ma circonscription pour que vous constatiez par vous-même les nuisances subies par les habitants. Je pense qu’ils seraient très heureux d’entendre les mots que vous avez prononcés aujourd’hui, de voir votre détermination à lutter contre les fléaux pour la santé engendrés par les autoroutes qui traversent leur ville.
Je suis évidemment favorable à tout ce qui contribuera à améliorer la qualité de l’air, y compris les ZFE. Il faut toutefois comprendre que les ménages ont besoin d’être accompagnés car la question du pouvoir d’achat est primordiale et bloque les avancées que vous avez évoquées. Vous avez par ailleurs parlé de protections phoniques « vétustes mais encore fonctionnelles ». Des chercheurs de toute l’Europe viennent voir les murs antibruit de L’Haÿ-les-Roses, qui sont le contre-exemple parfait de ce qu’il faut faire. Ils n’atténuent pas le bruit mais le renvoient en miroir. Nous aurons l’occasion de le constater ensemble si vous me faites l’amitié de venir à L’Haÿ-les-Roses.
Prévention des risques naturels d’inondation
M. le président
La parole est à Mme Anne Bergantz, pour exposer sa question, no 239, relative à la prévention des risques naturels d’inondation.
Mme Anne Bergantz
Partout en France, nous assistons depuis plusieurs années, sous l’effet du dérèglement climatique, à une multiplication d’épisodes d’inondations particulièrement graves. Dans ce contexte, je souhaite appeler votre attention sur les inondations qui ont frappé la vallée de Chevreuse, au cœur de ma circonscription.
C’était au mois d’octobre 2024. Sous l’effet de la tempête Kirk, le sud des Yvelines a subi une des chutes de pluie les plus importantes qu’il ait vécues en plus d’un siècle. La vallée a été complètement paralysée et ses communes ont connu de nombreux dégâts.
Face à cette crise, l’ensemble des acteurs locaux et des services de l’État ont bien entendu répondu présent. Je veux saluer à nouveau le travail admirable mené par les équipes municipales, les agents communaux, les pompiers, les services de secours et de sécurité civile ; les services préfectoraux, pleinement mobilisés sur le terrain, ont permis que l’état de catastrophe naturelle soit reconnu dans les meilleurs délais.
L’urgence étant passée, les citoyens et les élus des communes victimes de ces crues s’interrogent légitimement sur les réponses de plus long terme qu’il convient d’apporter à des événements appelés à se reproduire.
Je veux d’abord faire remonter un constat. Dans le sud des Yvelines, comme dans beaucoup d’autres territoires vallonnés, l’aléa lié aux ruissellements est insuffisamment pris en compte. Son traitement devrait pourtant être aussi prioritaire que celui des débordements de cours d’eau ou des remontées de nappes phréatiques, deux phénomènes mieux couverts par la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi). Le ruissellement est également peu présent dans les plans de prévention des risques d’inondation (PPRI), ce qui empêche de bien protéger les populations de cet aléa. Le ministère de la transition écologique envisage-t-il de faciliter la prise en compte de ce phénomène si répandu sur le territoire national ?
L’accès aux aides financières pour mener des travaux d’aménagement des bassins versants préoccupe également les élus. Beaucoup déplorent que l’accès au fonds Barnier ne soit possible que dans la phase de travaux des programmes d’action pour la prévention des inondations (Papi) mais ne le soit pas dans la période préalable des études, qui peut durer de longues années. Que répondez-vous, madame la ministre, aux élus qui attendent l’accès à ce fonds pour aménager leur territoire ? Une ouverture dès la phase d’études du Papi peut-elle être envisagée ?
Enfin, certaines communes souhaitent agir en force de proposition, par exemple en subventionnant l’achat de batardeaux pour les particuliers soucieux de protéger leur habitation. Comment sécuriser juridiquement de telles initiatives ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Le phénomène de ruissellement s’intensifie avec les fortes pluies et avec le changement climatique – vous l’avez vécu, très concrètement et très douloureusement, dans votre circonscription. C’est pourquoi une meilleure connaissance de ce risque est une des priorités du troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), lancé hier. Grâce à de nombreuses études et à une carte nationale des inondations qui intégrera le risque de ruissellement, il devrait contribuer à améliorer les connaissances des collectivités locales et leur capacité à agir.
Les PPRI élaborés par l’État permettent de définir les zones à risques pour maîtriser l’urbanisation. Nous allons les améliorer pour tenir compte des nouveaux risques liés au dérèglement climatique. Ces instruments ne sont toutefois pas les seuls outils pour traiter le ruissellement, loin de là. L’idée est d’agir non seulement sur les conséquences du ruissellement mais aussi sur ses causes. Désimperméabiliser les sols, bien gérer les eaux pluviales en en définissant des schémas directeurs sont des actions qui limitent efficacement ce phénomène. Il est aussi essentiel de mobiliser toutes les parties prenantes, par exemple pour limiter l’érosion des sols ou renforcer les zones humides – celles-ci captent les ruissellements et permettent d’éviter qu’ils créent des inondations. Plus généralement, la question de la sobriété foncière et l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols, un des vecteurs du ruissellement, sont au cœur du sujet.
Les Papi sont des outils qui ont fait leurs preuves depuis quinze ans, avec près de 290 projets labellisés pour un montant total d’action aidée de 3,7 milliards d’euros et près de 1,5 milliard de contributions de l’État via le fonds Barnier. Vous avez raison : il faut simplifier l’accès à ces financements. C’est pourquoi j’ai soutenu la semaine dernière au Sénat une proposition de loi, défendue par les sénateurs Rapin et Roux, qui vise à accélérer la mise en œuvre des Papi. Je souhaite que cette proposition arrive très vite à l’Assemblée nationale, pour que vous puissiez vous en saisir : ainsi, les collectivités locales pourront activer de manière plus efficace les leviers financiers et nos concitoyens seront mieux protégés.
Je veux enfin souligner l’effort en matière de financement, soutenu par l’Assemblée nationale et par le Sénat. Dans un contexte de réduction des dépenses, le budget du fonds Barnier a été augmenté d’environ 30 %. C’est un signe fort ; désormais, cet argent doit être déployé vers les collectivités locales. Je m’engage devant vous à y travailler.
M. Emmanuel Mandon
Très bien !
M. le président
La parole est à Mme Anne Bergantz.
Mme Anne Bergantz
Mme la ministre, je vous remercie pour votre réponse et pour votre soutien aux avancées concrètes qui verront bientôt le jour. Dans le sud des Yvelines, un travail regroupant l’État, les collectivités locales, les syndicats, le parc naturel de la vallée de Chevreuse et le conseil départemental a très vite été entrepris afin d’élaborer un plan d’actions réfléchi et efficace. Ce projet, complexe sur les plans technique et financier, prendra du temps. L’État doit continuer dans son rôle de facilitateur et je vous remercie d’y veiller.
Zones à faibles émissions
M. le président
La parole est à M. Henri Alfandari, pour exposer sa question, no 217, relative aux zones à faibles émissions.
M. Henri Alfandari
Je veux vous interpeller, Mme la ministre, sur les préoccupations soulevées par la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE). De nombreux citoyens, ceux résidant dans les zones rurales ou périurbaines, mais aussi les urbains qui doivent se rendre dans ces zones pour des motifs professionnels, s’inquiètent des restrictions imposées par ces dispositifs à leur mobilité quotidienne. Beaucoup d’entre eux dépendent de leur véhicule personnel pour se rendre au travail ou pour accéder aux services essentiels, comme les soins médicaux.
Or, en période de crise économique, l’achat d’un véhicule conforme aux normes des ZFE représente une charge financière insoutenable pour de nombreux ménages modestes, qui n’ont pas les moyens de changer de voiture. De nombreux citoyens se sont vu refuser leur demande de prêt alors qu’ils cherchaient à se conformer aux nouvelles normes et se retrouvent ainsi pénalisés par les conséquences des ZFE.
Bien que des dérogations locales aient été mises en place afin d’atténuer l’impact des ZFE sur certains usagers, elles sont insuffisantes et ne permettent pas de corriger les inégalités issues de la création de ces zones.
De plus, l’instauration d’une ZFE a des effets collatéraux sur la circulation aux alentours. L’interdiction de circulation de certains véhicules dans les centres urbains risque de reporter le trafic sur des axes de contournement et, donc, d’aggraver les congestions et la pollution dans ces zones, ce qui pourrait aller à l’encontre des objectifs initiaux du dispositif.
Les Français sont saisis par un sentiment d’injustice insupportable et un vent de colère se répand dans tout le territoire. Des mesures sont-elles prévues pour limiter les effets indésirables des ZFE sur le trafic périphérique, garantir une application équitable de ce dispositif sur l’ensemble du territoire, réduire les conséquences néfastes des ZFE pour ceux de nos concitoyens qui ne peuvent acquérir un véhicule adéquat et que les banques refusent d’accompagner ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Je remercie M. le député pour sa question car les zones à faibles émissions suscitent beaucoup de questionnements. Je pense utile de replanter le décor. En France, quarante-deux agglomérations sont concernées par les ZFE ; deux d’entre elles seulement respectent les normes de qualité de l’air recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La pollution de l’air provoque 48 000 décès prématurés chaque année et près de 30 000 cas d’asthme infantile supplémentaires annuels. Et je pourrais malheureusement continuer longtemps la litanie des pathologies liées à la dégradation de la qualité de l’air.
Il convient de rappeler que, hormis deux agglomérations, celles de Lyon et de Paris, les autres ne sont pas concernées par des restrictions de circulation. Quand ces restrictions existent, elles sont conçues par les collectivités locales, qui en dessinent le périmètre et en formulent les modalités. À propos de l’élément qui, à raison, inquiète le plus nos concitoyens, l’interdiction de certains types de véhicules, je rappelle que les voitures concernées datent d’il y a quinze ou vingt ans – le plus vieux modèle de Twingo, par exemple, et non celles qui composent, heureusement, l’essentiel du parc automobile.
Par ailleurs, des dérogations sont possibles, selon des modalités laissées à la décision des collectivités locales. Il faudrait être contrôlé cinquante-trois fois en un an pour devoir rendre des comptes. Il n’est pas question d’empêcher une personne d’aller au travail ou chez le médecin si, pour ce faire, elle a besoin de son véhicule et n’est pas en mesure d’en acquérir un nouveau.
Pour le reste, vous avez raison : il faut agir. C’est-à-dire donner la possibilité à ceux qui le souhaitent de changer de véhicule quand bien même leur budget est limité. Pour cela, nous avons des dispositifs d’accompagnement, comme le leasing social, des certificats d’économie d’énergie, des subventions, le bonus écologique et des mesures ciblées au titre du fonds Vert.
La question du prêt, que vous avez mentionnée, est essentielle. C’est souvent l’élément qui empêche le bouclage du projet. Vous avez raison d’appuyer sur ce point qui fait mal car, pour l’heure, nous n’avons pas de solution satisfaisante. Je trouve très important que nous puissions avancer ensemble sur ce sujet, avec un double objectif. D’une part, offrir à nos concitoyens un air de qualité qui leur assure une meilleure santé, d’autant que les classes populaires, qui résident dans les zones où la pollution est la plus forte, en sont les premières victimes. D’autre part, leur permettre de changer de véhicule, car ils y aspirent. Il est de notre responsabilité de les accompagner.
M. le président
La parole est à M. Henri Alfandari.
M. Henri Alfandari
Je vous remercie pour cette réponse. Le financement du changement de véhicule est un réel problème qu’il faut traiter. Je connais des personnes qui ont plus de 58 ans, qui n’auront pas de retraite correcte avant 67 ans, qui doivent continuer à travailler et qu’on ne peut pas laisser sans solution.
Tuberculose bovine
M. le président
La parole est à M. Freddy Sertin, pour exposer sa question, no 213, relative à la tuberculose bovine.
M. Freddy Sertin
La tuberculose bovine représente un défi considérable pour les éleveurs et les autorités sanitaires dans de nombreux territoires, particulièrement dans le Calvados, département placé sous surveillance renforcée depuis 2015, qui nécessite chaque année des dépistages de troupeaux, parfois sur un périmètre large allant jusqu’à 231 communes. Les protocoles de dépistage actuels sont souvent perçus comme complexes, contraignants et dotés d’une fiabilité malheureusement limitée. Les éleveurs me font régulièrement part de leur frustration face à ces procédures qui entraînent des pertes financières importantes et perturbent le fonctionnement de leurs exploitations agricoles. Les animaux détectés positifs sont abattus pour des tests de confirmation qui, s’ils s’avèrent également positifs, entraînent l’abattage du troupeau dans sa totalité. De telles conséquences sont évidemment appréhendées par les éleveurs.
Pour avoir échangé avec bon nombre d’entre eux, mais également avec des élus qui partagent leur inquiétude, je constate à quel point les mesures d’abattage lors de la contamination d’un seul animal sont problématiques. La situation prend alors une tournure dramatique pour les éleveurs et le territoire car aux pertes financières s’ajoute l’impact émotionnel. La disparition de leurs bêtes plonge les éleveurs dans une détresse profonde : ils voient des années de travail anéanties, certains ressentent de la culpabilité voire des doutes sur la poursuite même de leur activité.
Bien que la France détienne le statut indemne de la maladie depuis 2001, des foyers persistent chaque année dans certaines régions. Afin de poursuivre sans obstacles la commercialisation des produits laitiers et de la viande, notre pays et sa filière d’élevage ont tout intérêt à conserver ce statut, mais l’obsolescence des tests utilisés et la radicalité des mesures d’abattage posent un problème.
La question de la fiscalisation des indemnités perçues à la suite de l’abattage préventif des animaux infectés constitue un autre sujet de préoccupation. Les éleveurs estiment que ces indemnités, destinées à compenser les pertes économiques liées à l’abattage contraint de leur cheptel, ne devraient pas être soumises à l’impôt si elles sont réintégrées dans leur outil de production. Ils considèrent cette fiscalisation comme une double peine, qui aggrave les pertes en trésorerie de leur exploitation agricole ; je partage avec eux ce sentiment d’injustice.
Face à ces problèmes, quelles mesures concrètes sont envisagées pour simplifier et moderniser les protocoles sanitaires, et pour exonérer d’impôt les indemnisations versées aux éleveurs ? À l’heure où nous faisons tout pour soutenir notre agriculture et notre souveraineté alimentaire, il est crucial de ne pas oublier ceux qui contribuent à nourrir notre population au quotidien.
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Mme Genevard, retenue, m’a demandé de vous répondre. Le ministère de l’agriculture est pleinement mobilisé face à la tuberculose bovine, maladie infectieuse qui affecte les bovins et se transmet également à l’homme. C’est une maladie d’évolution lente, qui provoque d’importants impacts économiques dans les élevages. La lutte contre cette maladie est un enjeu de santé publique.
En 2024, quatre-vingt-un foyers de tuberculose ont été gérés par l’État. Le dépistage de cette pathologie, particulièrement complexe, repose sur des tests allergiques et des abattages diagnostics. Actuellement, aucun autre test n’est disponible sur le marché. L’État met tout en œuvre à chaque suspicion pour tester au plus vite les élevages tout en accompagnant les éleveurs dans cette épreuve, qu’on sait terrible. En 2024, il a reconduit la feuille de route « tuberculose » pour la période 2024-2029 afin d’atteindre deux objectifs : améliorer les stratégies de surveillance et d’assainissement d’une part, et mieux accompagner les élevages touchés d’autre part.
Le travail est déjà bien entamé et se poursuivra tout au long de l’année. Une évolution des protocoles d’abattage sélectif sera notamment proposée en lien avec les experts scientifiques et en concertation avec les représentants des éleveurs. En Normandie, dans votre circonscription, une feuille de route locale a été déployée sous l’autorité du préfet pour décliner les mesures, et des engagements ont été pris pour limiter au maximum les mesures de blocage dans les exploitations.
Toujours dans le cadre de cette feuille de route, les équipes évalueront les évolutions fiscales demandées par les éleveurs. Les indemnisations étant un revenu, elles ne peuvent, en principe, échapper à un régime fiscal ; nous analyserons néanmoins les conséquences d’une défiscalisation.
La lutte contre la tuberculose bovine nécessite une collaboration entre les autorités sanitaires et les éleveurs pour maintenir le statut indemne de la France, essentiel pour la filière ; il s’agit de préserver les marchés à l’export et surtout de protéger la santé humaine et animale.
M. le président
La parole est à M. Freddy Sertin.
M. Freddy Sertin
Je m’interroge également sur la possibilité de renforcer la recherche et l’innovation dans le domaine de la santé animale, afin de développer des outils de diagnostic plus précis et des stratégies de contrôle mieux adaptées aux réalités du terrain. Cela permettrait d’épargner les animaux sains, et les éleveurs auraient moins de mal à s’en sortir. L’expérimentation d’un vaccin sur la faune sauvage, vecteur non négligeable de la tuberculose bovine, est aussi une piste à explorer. Je le redis : dans un contexte de mobilisation en faveur de l’agriculture, il est crucial de soutenir ces professionnels qui assurent la souveraineté alimentaire de notre pays.
Fièvre catarrhale ovine
M. le président
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour exposer sa question, no 233, relative à la fièvre catarrhale ovine.
M. Hervé Saulignac
Je souhaite interroger le gouvernement sur l’épidémie de fièvre catarrhale ovine (FCO) qui a lourdement touché les éleveurs français, notamment ceux du département de l’Ardèche. Vous le savez, 10 % du cheptel a disparu ; les bovins ont également été atteints. Les conséquences économiques sont lourdes pour les éleveurs, sans parler des conséquences humaines : des éleveurs se sont retrouvés impuissants, découragés et affectés. Le gouvernement a mis en place une campagne de vaccination, mais les doses manquent. Certains éleveurs se sont tournés vers les stocks privés, à des prix quasi prohibitifs ; beaucoup s’interrogent sur la suite de cet épisode sanitaire, car le virus continue de circuler.
En Ardèche comme dans de nombreux départements du sud de la France, c’est surtout le sérotype 8 qui circule, tout aussi mortel que le sérotype 3. Or l’État ne prend en charge que la vaccination contre la FCO 3, se contentant par ailleurs d’indemniser une partie des pertes. C’est injuste et difficile à expliquer.
Dans ces conditions, des éleveurs se demandent à quoi bon reconstituer leur cheptel. Leurs troupeaux sont fragilisés par les conséquences de cette épidémie, gardant des séquelles en matière de fertilité, de gestation et de lactation. Comme le virus circule toujours, les éleveurs s’interrogent sur la viabilité de leur activité en cas de nouvelle épidémie, plus virulente. Ils posent trois questions, dont je me fais le porte-parole.
Le gouvernement financera-t-il les campagnes vaccinales contre la FCO 8, qui concerne particulièrement l’Ardèche et plusieurs autres départements ? Compensera-t-il les pertes directes et indirectes, faute de quoi certains éleveurs risquent de cesser leur activité ? Alors que les éleveurs ovins et bovins ont vu leur revenu baisser, ils doivent sortir de l’argent pour reconstituer leur cheptel ; est-il envisagé de les accompagner dans cette dépense ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Permettez-moi de vous répondre au nom d’Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Le gouvernement est pleinement mobilisé depuis le début de cette crise sanitaire. Pour rappel, du 2 août 2024 au 16 février 2025, une zone régulée a été mise en place pour limiter l’extension de la fièvre catarrhale ovine et préserver les échanges commerciaux avec les États membres de l’Union européenne. Dès le printemps 2024, une ambitieuse campagne de vaccination a été déployée sur l’ensemble du territoire. L’État a passé commande de 14 millions de doses de vaccin, pour un montant de 37 millions d’euros, afin de réduire l’impact sanitaire sur les cheptels. La France a été le seul pays de l’Union à prendre en charge intégralement la vaccination contre la FCO 3.
Le gouvernement a tenu son engagement de réactivité. Deux guichets ont permis de déployer les aides aux éleveurs : le guichet « avance », qui a servi à parer à l’urgence en novembre 2024, à hauteur de 30 % ; puis le guichet « solde », ouvert du 30 janvier au 14 février 2025, avec près de 9 425 dossiers déposés, en cours d’instruction par les services du ministère. Un fonds d’urgence exceptionnel de 75 millions d’euros a permis de répondre à l’intégralité des demandes d’indemnisation déposées.
Désormais, il nous faut une stratégie sanitaire résiliente, axée sur l’anticipation et la prévention des maladies. C’est pourquoi, le 30 janvier, la ministre de l’agriculture a lancé les assises du sanitaire animal, dont elle a présidé la réunion d’ouverture devant plus de 200 acteurs du secteur sanitaire. L’année 2025 marquera une période de transition, qui laissera le temps aux filières et au ministère de l’agriculture de coconstruire les contrats sanitaires de filière. Le déploiement de ces contrats devra se faire au plus tard en 2026. Pour 2025, le gouvernement a réservé, par commande groupée et dans un marché en tension, des doses de vaccin pour la FCO 8 et la FCO 1, afin de soutenir les éleveurs lors de la période d’activité vectorielle, à partir de mai-juin.
M. le président
La parole est à M. Hervé Saulignac.
M. Hervé Saulignac
Merci pour ce début de réponse positive ! Néanmoins, vous avez surtout mis en avant le bon travail que le gouvernement a mené sur la FCO 3, alors que j’appelais votre attention sur le trou dans la raquette. Les éleveurs ont besoin d’être rassurés ; votre réponse contient quelques éléments en ce sens, puisque des doses auraient été réservées pour la FCO 8, mais je resterai vigilant car ces engagements doivent être suivis d’effets.
Assurances des manadiers
M. le président
La parole est à M. Charles Alloncle, pour exposer sa question, no 236, relative aux assurances des manadiers.
M. Charles Alloncle
Madame la ministre, savez-vous ce qu’est un manadier ? Savez-vous ce que signifie vouer une vie entière à sa terre, à ses bêtes, à cette rugosité du réel qui forge les âmes enracinées ? Chez moi, aux portes de la Camargue, entre le Vidourle et les derniers remparts de la garrigue, dans ces plaines que le vent balaie et que le sel imprègne, certains veillent depuis des générations à l’élevage du taureau camarguais. Chez moi, le taureau est bien plus qu’un animal : il est le caractère de nos terres sauvages, le maître de nos paysages, le lien qui unit nos villages. Des Saintes-Maries-de-la-Mer à Mauguio, il dicte la cadence de nos fêtes votives, porte la clameur de nos arènes et la gaieté de nos rues lorsqu’une fois l’été venu, elles s’animent au rythme des abrivados et courses camarguaises. Chez moi, les clochers veillent sur cette culture indomptable qui, depuis des décennies, défie l’uniformisation imposée par la mondialisation.
Pourtant, pour la première fois, ce monde vacille, cette tradition séculaire menace de disparaître – non sous le poids du temps ni de l’indifférence des hommes, mais sous l’injustice d’une nouvelle absurdité administrative. À cause d’un système de responsabilité inique, Groupama, l’un des derniers assureurs à encore couvrir nos manadiers, a annoncé son retrait pour 2026. La raison ? Lorsqu’un spectateur prend des risques inconsidérés au mépris des règles de sécurité, c’est le manadier qui paye ; c’est lui que l’on tient pour responsable, lui que l’on accuse et que l’on asphyxie sous le poids d’un droit dévoyé.
Madame la ministre, il est temps de remettre la loi à l’endroit. Les manadiers ont déjà montré la voie : ils ont établi une charte qui n’attend plus que la signature des préfets. Nous, députés, prenons aussi nos responsabilités ! Après avoir rencontré Groupama au Salon de l’agriculture, nous déposerons, avec mes collègues Nicolas Meizonnet et Emmanuel Taché de la Pagerie, une proposition de loi pour inverser ce régime de responsabilité.
Car, en vérité, ce qui est en jeu ici dépasse de loin le sort d’un secteur ou d’une simple économie. Ce qui est en jeu, c’est une culture, un héritage et une certaine idée de la liberté ; ce sont ces images que nous voulons continuer de transmettre : le galop des bêtes sous un ciel dégagé, la silhouette des gardians au soleil couchant, le rire des enfants devant l’adresse des cavaliers qu’ils voudront un jour égaler.
Madame la ministre, la France est belle quand elle est fière de ses racines et qu’elle les protège. Alors serez-vous avec nous ? Serez-vous avec nous pour défendre la bouvine, la fé di bioù, ces rites qui font l’identité d’un pays, le caractère de ses terres et l’âme de son peuple ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Je réponds pour le compte de ma collègue Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire. Comme vous, je veux souligner le caractère emblématique des manades, ces élevages de taureaux qui émaillent les paysages du Gard, des Bouches-du-Rhône et de l’Hérault. Ils incarnent l’âme de la tradition camarguaise de la bouvine et constituent une part de l’identité de nos territoires.
Vous avez souhaité appeler l’attention du gouvernement sur la situation des manadiers, qui rencontrent des difficultés à s’assurer dans le secteur privé. Comme vous le savez, la souscription de contrats d’assurance relève de la liberté contractuelle reconnue aux assurés et aux assureurs, ces derniers restant libres de déterminer leur propre politique commerciale. La tarification d’une garantie assurantielle est construite en fonction de l’évaluation du risque, de sa probabilité de survenance et de l’intensité du dommage potentiel. Aussi toute recrudescence d’un risque se traduit-elle par une hausse de la prime correspondante. Quand la probabilité de survenance devient si élevée que l’aléa disparaît, les entreprises d’assurance, soucieuses de commercialiser leurs produits, peuvent choisir de ne pas proposer de garantie assurantielle, considérant qu’elle serait trop coûteuse pour les assurés éventuels.
À cet égard, les efforts entrepris par les manadiers, notamment au niveau de leur fédération, pour réduire les risques liés à la profession doivent être salués car ils sont de nature à réduire la sinistralité ; ils permettront aux assureurs de rester sur ce marché et de proposer des offres acceptables. Une telle démarche devrait porter ses fruits, entraînant des effets bénéfiques à long terme sur la souscription et la tarification des assurances couvrant les manades.
Si les pouvoirs publics n’ont pas d’influence directe sur les politiques commerciales des organismes d’assurance, je peux vous assurer que le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire se montre très attentif aux préoccupations des manadiers en la matière.
M. le président
La parole est à M. Charles Alloncle.
M. Charles Alloncle
Merci, madame la ministre. La mesure la plus concrète que nous demandons porte sur le régime de responsabilité. Dans les prochaines semaines, les groupes UDR et RN déposeront une proposition de loi visant à l’inverser afin de rétablir un peu de bon sens dans le traitement des sinistres que subissent les manadiers. Nous attendons du bloc central et des autres groupes qu’ils soutiennent cette proposition de loi, que nous souhaiterions transpartisane. Je pense que nous pouvons réunir une majorité en sa faveur ; nous aurons besoin de vous, comme de Mme la ministre de l’agriculture, pour soutenir nos manadiers, plus que jamais en difficulté.
Zéro artificialisation nette
M. le président
La parole est à M. Auguste Evrard, pour exposer la question, no 228, de M. Christian Girard, relative à l’objectif zéro artificialisation nette.
M. Auguste Evrard
Mon collègue Christian Girard souhaite vous interroger sur l’ambitieux objectif fixé par la loi « climat et résilience », avec ses deux échéances : une division par deux du rythme de consommation d’espaces naturels et agricoles en 2030, une artificialisation nette qui soit nulle en 2050. Si la mesure est cruciale pour l’environnement, son application uniforme met en péril l’avenir de nos communes rurales. En effet, ces territoires qui luttent déjà contre le déclin démographique se retrouvent dans une situation paradoxale : comment attirer de nouveaux habitants et de nouvelles entreprises, quand le ZAN – zéro artificialisation nette – restreint drastiquement leurs possibilités de développement ?
Contrairement aux métropoles, qui disposent de friches à reconvertir, nos petites communes n’ont souvent d’autre choix que celui de s’étendre pour se développer. L’objectif ZAN compromet l’implantation de logements, de commerces et d’équipements publics, pourtant essentiels à leur dynamisme.
De plus, cette interdiction creuse les inégalités entre territoires : si les grandes agglomérations s’en accommodent plus aisément, 88 % des maires ruraux estiment que le ZAN freinera le développement de leur commune.
Enfin, la mise en œuvre de cette mesure impose une charge administrative et financière considérable, difficilement supportable pour des municipalités aux ressources limitées.
Face à ces défis, ne pensez-vous pas qu’il est urgent d’adapter l’objectif du ZAN à la réalité de nos campagnes ? Le gouvernement envisage-t-il d’exonérer les petites communes, en fonction du nombre de leurs habitants, des contraintes que le dispositif fait peser sur elles ? Comment concilier les impératifs environnementaux avec les nécessités vitales du développement nos territoires ruraux ?
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation
Je suis très attaché aux communes rurales, dont je connais les difficultés et les problématiques. La surconsommation foncière – nous en reparlerons à propos de la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l’artificialisation concertée avec les élus locaux (TRACE) – concerne tous les territoires, notamment ruraux.
Je suis au désespoir de vous dire que l’extension urbaine peu dense engendre une regrettable dévitalisation des centres-bourgs, une dépendance accrue à la voiture et une augmentation des charges pour toutes les collectivités qui entretiennent les réseaux. Comme je le rappelle en toute occasion, les élus locaux ont conscience de ces enjeux et partagent tous nos objectifs de sobriété foncière, qu’ils mettent généralement en œuvre.
La réduction de notre consommation foncière est un objectif national : notre souveraineté alimentaire et notre résilience en dépendent – ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre. Or les communes rurales – au sens de l’Insee – représentaient 65 % de la consommation d’espace entre 2014 et 2020, pour seulement 20,8 % des nouveaux habitants et 29 % des nouveaux ménages. Bâtir une trajectoire foncière nationale en exonérant ces territoires de toute contrainte est donc impossible. J’ai décidé d’assouplir le plus possible le ZAN – vous aurez l’occasion de le constater.
Au demeurant, les spécificités des communes rurales peuvent déjà être prises en compte, puisque la territorialisation des objectifs peut intégrer les enjeux d’équilibre territorial, notamment en ce qui concerne le désenclavement rural. Dans le cadre du dispositif « zéro artificialisation nette », la concertation régionale doit d’ailleurs aboutir à une répartition de l’effort satisfaisante, à l’échelle tant des schémas de cohérence territoriale (Scot) que des plans locaux d’urbanisme (PLU).
Par ailleurs, la loi ZAN de 2023 prévoit une garantie très importante, qui vise à ne pas priver une commune couverte par un document d’urbanisme de la faculté de consommer une surface minimale d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf), unité de mesure dans laquelle nous calculerons les consommations d’espace.
Développement économique des stations de montagne
M. le président
La parole est à M. Lionel Tivoli, pour exposer sa question, no 229, relative au développement économique des stations de montagne.
M. Lionel Tivoli
Je souhaite appeler l’attention de Mme la ministre déléguée chargée de la ruralité sur un sujet fondamental pour ma circonscription, et plus généralement pour l’ensemble des départements montagnards, à savoir l’attractivité et le développement économique des stations quatre saisons.
Face aux conséquences du changement climatique, nombre de nos stations de sports d’hiver sont menacées de fermeture, quand d’autres ont déjà mis la clef sous la porte. Bien qu’un plan dédié, Avenir montagnes, soit régulièrement mis en avant pour la transition des pôles d’activité, force est de constater qu’en pratique, de nombreux obstacles restent à surmonter. Ainsi, la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) bloque quasi systématiquement, pour des motifs parfois ahurissants, la réalisation des projets indispensables aux activités touristiques et quatre saisons des stations.
Voici un exemple concret de ces blocages qui causent de graves préjudices aux acteurs économiques locaux. Dans ma circonscription, un plan de diversification pour les stations du syndicat mixte Gréolières-l’Audibergue, qui inclut notamment un projet de luge quatre saisons sur le domaine de Gréolières 1 400, attend depuis plusieurs mois d’être validé par les services de l’État, alors qu’il a vu le jour il y a quelques années déjà. Il a essuyé un premier refus en raison de la présence de la vipère d’Orsini sur son site : la seule présence de ce reptile a suffi à invalider un projet vital pour le développement du domaine et a contraint le syndicat public à financer de nouvelles études d’impact, particulièrement onéreuses, dans le seul but de décaler ce projet de luge d’été.
Il est désormais urgent d’agir ! Ces freins constants pénalisent l’ensemble des parties prenantes, à commencer par les commerçants de ces stations, mais aussi les autres acteurs de l’économie de nos villages ruraux, fortement dépendante de leur attractivité touristique. L’amoncellement de normes freine drastiquement le développement économique des zones rurales pourtant indispensable aux vallées et à la qualité de vie de leurs habitants, lesquels ne doivent pas être considérés comme des citoyens de seconde zone. L’idéologie environnementaliste ne peut prendre le pas sur le bon sens et la résilience de nos territoires.
Quelles garanties pouvez-vous m’apporter concernant l’implication réelle de l’État dans le développement économique de nos territoires de montagne, et plus spécifiquement dans l’avancée du dossier relatif aux stations de Gréolières et de l’Audibergue ? Plus généralement, comment comptez-vous permettre aux stations de se diversifier si vos services les contraignent à réviser ou à abandonner leurs plans pour des motifs environnementaux, souvent déconcertants, ne leur donnant d’une main que pour leur reprendre de l’autre ?
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation
Je comprends votre souci de simplification, je tiens à vous le dire d’emblée. L’attractivité des stations de montagne et la diversification économique des territoires ruraux constituent, comme vous le soulignez à juste titre, des enjeux majeurs.
Lancé en 2021, le plan Avenir montagnes est la preuve que l’État considère les territoires de montagne comme des zones stratégiques et prioritaires. Doté de 330 millions d’euros, dont l’État apporte plus de la moitié, il a déjà permis de soutenir 700 projets et est très bien perçu des élus. Relevant de domaines très divers, tels que la création d’infrastructures sportives, de loisirs ou d’hébergement touristique, la valorisation du patrimoine naturel et culturel, le soutien aux mobilités solidaires et douces, ou encore la diversification de l’offre touristique, ces projets tendent à développer un tourisme « quatre saisons » – que je ne confonds pas avec les études du même nom –, plus respectueux de l’environnement, tout en répondant aux besoins locaux.
Un bilan d’étape de ce plan, qui se termine fin 2026, est en cours. En identifiant les freins rencontrés, mais aussi les réussites du programme, il permettra d’adapter les actions à la réalité.
Cela dit, l’action de l’État sur ce sujet ne se limite pas au plan Avenir montagnes et je tiens ici à souligner l’action menée par les commissariats de massifs et les collectivités territoriales, notamment à travers les conventions de massifs CPIER – contrat de plan interrégional État-région. Différents projets bénéficient ainsi d’un soutien de proximité, afin de permettre aux populations de se maintenir sur place et de créer de l’emploi, tout en préservant nos montagnes pour les générations futures.
Je termine ma réponse comme je l’ai commencée : j’entends les demandes de simplification, au cœur des priorités du gouvernement. Un chantier spécifique a été lancé et je peux vous assurer que mon pôle ministériel suivra de très près ces travaux de simplification.
M. le président
La parole est à M. Lionel Tivoli.
M. Lionel Tivoli
Je vous remercie pour votre réponse, même si j’aurais aimé plus de précisions sur la Dreal, qui bloque quasi systématiquement les projets, notamment dans ma circonscription. J’espère que ce problème sera bientôt pris en compte : les stations et les syndicats mixtes n’ont plus le temps d’attendre.
Enfants sans domicile fixe
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Fernandes, pour exposer sa question, no 221, relative aux enfants sans domicile fixe.
M. Emmanuel Fernandes
En 2022, M. Olivier Klein, alors ministre du logement, affirmait : « aucun enfant ne doit dormir à la rue cet hiver ». Un tel projet doit commencer par la mise à l’abri d’urgence de toutes les personnes, a fortiori des enfants, se trouvant à la rue.
Selon l’Unicef, près de 2 000 enfants seraient aujourd’hui sans solution d’hébergement, leur nombre ayant augmenté de 20 % en un an. Cette situation indigne a été pointée par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU. Selon l’article 28 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), ratifiée par la France, chaque enfant a droit à l’éducation et à des possibilités d’apprentissage de qualité. Or quelles possibilités d’apprentissage un enfant a-t-il, après avoir passé la nuit dehors ? Comment peut-il se reposer pour intégrer les savoirs ? Comment pourrait-il même étudier et faire ses devoirs, alors qu’il a froid ?
Partout en France, ce sont les citoyennes et les citoyens qui se retrouvent à pallier les graves manquements de l’État sur le sujet. Dans ma circonscription, à Strasbourg, les personnels du collège Lezay-Marnésia ont dû occuper le collège pendant plusieurs nuits. Ils ont pu obtenir un toit pour trois familles à la rue, notamment grâce au soutien des parents d’élèves et à une médiatisation qui a mis la pression sur les pouvoirs publics.
Que dire de ce pays où des professeurs sont forcés de s’engager personnellement dans un rapport de force avec les pouvoirs publics pour que leurs élèves puissent assouvir un besoin primaire, celui de se loger, conformément à un droit élémentaire en principe garanti par la loi ? Quelle image la France renvoie-t-elle aux élèves à qui l’on enseigne l’égalité, la fraternité, le respect de la loi et la responsabilité ?
C’est parce que l’État a failli que les citoyens et citoyennes prennent le relais. Je tiens à féliciter chaleureusement les personnels et les parents d’élèves du collège Lezay-Marnésia, mais aussi ceux de l’école Albert-le-Grand et ceux de tous les établissements mobilisés, qui ont réussi à faire loger des enfants à la rue. D’après le journal Rue89 Strasbourg, depuis novembre 2024, au moins huit établissements scolaires de l’eurométropole de Strasbourg ont été le théâtre de telles mobilisations citoyennes ; à la mi-février, ces mobilisations avaient permis l’hébergement en urgence de vingt-sept familles.
Ma question est simple : qu’attend le gouvernement pour agir ?
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation
J’approuve l’esprit de votre intervention, bien entendu. Le sans-abrisme, en premier lieu celui des enfants, est et reste un drame humain qui nous oblige collectivement. Je veux tout de même rappeler qu’en dix ans, le budget de l’État consacré à l’hébergement a triplé : il a atteint 2,8 milliards d’euros en 2024. Il a fallu se battre pour l’obtenir, mais nous maintiendrons en 2025 les 203 000 places d’hébergement existantes. Des places ciblées pour les publics les plus vulnérables ont été créées, dont 11 000 pour les femmes victimes de violences et 2 500 pour celles qui sortent de la maternité. Le budget pour 2025 conforte ces besoins en mobilisant 20 millions d’euros supplémentaires pour les femmes et les enfants à la rue – c’est précisément le sujet de votre question.
Nous accélérerons le relogement grâce au deuxième plan quinquennal « logement d’abord » – le premier plan, 2018-2022, a permis à 600 000 personnes de sortir de l’urgence. Avec la ministre du logement Valérie Létard, nous lui consacrerons 29 millions d’euros supplémentaires en 2025. Ce grand plan interministériel de lutte contre le sans-abrisme mobilise aussi les ministères de la santé et du travail ainsi que les collectivités locales volontaires. Cela répond en quelque sorte à votre question.
S’agissant du département du Bas-Rhin, plus de 6 000 places d’hébergement étaient ouvertes chaque soir en janvier, afin d’assurer au mieux la prise en charge des publics les plus vulnérables, notamment les familles avec enfants. Sans attendre la chute des températures, 73 places ont été ouvertes, dont 60 étaient destinées à accueillir des familles. Les 13 places destinées aux personnes isolées ont toutes été occupées. En revanche, sur les 60 places qui étaient destinées aux familles, seules 35 ont été occupées, soit faute de demande, soit parce que les personnes concernées les ont refusées.
Les services de l’État, en lien avec les associations, ont par ailleurs renforcé les maraudes – auxquelles participent souvent des élus – et ont étendu les horaires de tous les accueils de jour du territoire. Des diagnostics sociaux ont également été réalisés pour favoriser l’orientation des personnes vers les dispositifs adaptés à leur situation et permettre – c’est essentiel – leur accès aux soins.
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Fernandes.
M. Emmanuel Fernandes
Face à une telle urgence, les chiffres et les mesures que vous me présentez ne suffisent pas. Je pense à une petite fille qui écrit à une responsable de l’association Les Petites Roues à Strasbourg : « Quand est-ce que vous viendrez me chercher ? Je suis dans ma tente, il fait très froid, l’eau est rentrée dans la tente. » Ce ne sont pas vos discours qui permettront de la mettre à l’abri, avec sa famille ; seules des mesures comme la réquisition des logements pourront y contribuer.
Pourquoi les préfets ne sont-ils pas appelés à réquisitionner les logements vacants, lorsque nous faisons face à de telles situations d’urgence ? À Strasbourg, il a fait entre 5 et 10 degrés au-dessous de zéro et le préfet du Bas-Rhin, lorsqu’il a déclenché le niveau 1 du plan Grand Froid, n’a ouvert que treize places d’hébergement supplémentaires. Sur quels critères ce nombre a-t-il été fixé ? Je peux vous dire que treize places, c’est dérisoire lorsqu’on compte au moins une centaine d’enfants à la rue à Strasbourg. Je ne peux pas vous laisser dire que des personnes ont refusé des places disponibles alors que des enfants dorment dehors, dans des tentes parfois inondées par de l’eau glacée.
Route nationale 19
M. le président
La parole est à M. Emeric Salmon, pour exposer sa question, no 230, relative à la Route nationale 19.
M. Emeric Salmon
Monsieur le ministre, vous étiez en Haute-Saône le 3 février pour inaugurer des travaux sur la RN 19, entre Héricourt et Belfort. Ce tronçon est important mais il n’est pas le plus prioritaire.
Au niveau des communes de Pomoy, Genevreuille et Amblans-et-Velotte, dans ma circonscription, la RN 19 est un véritable couloir de la mort. Ce n’est plus tenable : comme en témoignent de multiples panneaux, les riverains appellent eux-mêmes la RN 19 la « route de la mort ». En trente ans, soixante-trois personnes ont perdu la vie sur cette portion, sans parler des centaines de blessés. Le nombre de morts est en outre fortement sous-estimé car – vous le savez – quand une personne blessée dans un accident de voiture décède à l’hôpital plusieurs jours après l’accident, elle n’est pas considérée, dans les statistiques, comme morte d’un accident de la route. Derrière ces chiffres tragiques, il y a des familles brisées et des vies bouleversées à jamais ; combien de victimes faudra-t-il encore pour que l’État prenne enfin ses responsabilités ?
Le coût sociétal de ces accidents est estimé entre 225 et 360 millions d’euros. Chaque année qui passe, l’inaction pèse lourd, non seulement en vies humaines mais aussi sur les finances publiques. Il est insupportable de constater que la somme nécessaire pour sécuriser cet axe est dérisoire au regard du coût sociétal évoqué.
Le 3 avril 2024, je me suis mobilisé aux côtés des élus locaux et des riverains pour réclamer cette déviation vitale. Les habitants vivent dans l’angoisse permanente, voyant chaque jour défiler des centaines de poids lourds au cœur de leurs villages, au milieu des maisons. Ce n’est plus tenable ! J’ai une pensée pour une habitante de Pomoy et un habitant de Genevreuille qui se sont retrouvés avec un poids lourd dans leur salon.
Pourtant, ce projet n’a pas été inscrit dans le CPER – contrat de plan État-région – 2023-2027 ; ce n’est pas faute d’avoir alerté le gouvernement ! J’ai déjà posé une question orale sans débat en mars 2023, il y a deux ans ; j’ai multiplié les communiqués de presse, les courriers aux habitants et au préfet, les questions écrites aux ministres, en déplorant toujours le même constat : aucune avancée concrète, aucune date annoncée, aucune garantie de financement.
L’État a pourtant déclaré ce projet d’utilité publique et promis de conclure un contrat spécifique avec le département et la région. Ces collectivités fournissent d’ailleurs un effort considérable, en portant leur part de financement à 20 % chacune, soit 40 % du total ; il reste 60 % à la charge de l’État, lequel ne peut plus se dérober.
Nous le savons, la meilleure solution serait de créer un tronçon à deux fois deux voies entre Vesoul et Lure ; les travaux sont estimés à 120 millions d’euros. Si l’État considère qu’un tel coût est un frein immédiat à leur réalisation, nous devons avancer malgré tout. La construction d’une route à deux fois une voie, avec créneaux de dépassement, estimée à 72 millions, permettrait d’éloigner le tracé des villages dans l’immédiat, tout en préparant l’infrastructure pour une future mise à deux fois deux voies. Ce compromis est possible et réalisable ; il est urgent de le concrétiser. L’estimation des coûts de ces deux options est d’ailleurs issue d’une étude commandée en 2021 par M. Djebbari, alors ministre des transports.
Autre point important, le projet prévoit un échangeur à la hauteur de Mollans, entre Genevreuille et Pomoy. Les habitants y sont favorables, sauf si sa construction est conditionnée à une réalisation de la route par petits tronçons – d’abord un bout reliant Lure à Genevreuille, la suite plus tard.
L’État peut-il enfin s’engager concrètement et sans délai ? Quel calendrier de travaux pouvez-vous garantir aux habitants ? Ils attendent des réponses et non de nouvelles promesses sans lendemain. Chaque jour de retard, ce sont des vies en danger ; ne laissons pas ces drames se poursuivre !
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation
Vous appelez l’attention de Philippe Tabarot, ministre des transports, sur un aménagement que je connais bien pour m’y être rendu : la RN 19, en Haute-Saône, entre Vesoul et Lure. C’est un sujet que Philippe Tabarot connaît bien, lui aussi, puisqu’il a également été sollicité par le sénateur Olivier Rietmann à ce propos. Le tracé de cette route traverse les trois villages de Genevreuille, Pomoy et Amblans-et-Velotte et soulève des difficultés en matière de sécurité routière, de nuisances pour les riverains et de confort pour les usagers.
Les services de l’État ont mené des études afin d’évaluer l’opportunité d’une déviation par rapport à ces trois villages, avant que le projet ait été déclaré d’utilité publique. Cela témoigne, vous ne pouvez le nier, de l’intérêt de l’État pour la réalisation de cet aménagement. Le préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté a d’ailleurs reçu mandat pour engager des échanges avec les cofinanceurs : le principe d’un financement spécifique, distinct du contrat de plan État-région, a été retenu.
Dans le cadre de ce mandat, les échanges techniques sont en cours entre les services locaux de l’État et le département, afin de s’accorder sur la configuration d’aménagement à privilégier ; c’est un préalable à la répartition du financement. Compte tenu des enjeux financiers mais aussi de protection des espaces agricoles et naturels, il apparaît souhaitable de privilégier une option qui réponde de la manière la plus proportionnée possible aux objectifs recherchés – par vous aussi, d’ailleurs –, en prenant en compte les perspectives de développement du trafic et du territoire. Une fois ce choix arrêté localement, les études seront approfondies pour obtenir les autorisations nécessaires au lancement des travaux.
M. le président
La parole est à M. Emeric Salmon.
M. Emeric Salmon
Ce que vous venez de dire me rassure et m’inquiète à la fois, car de nombreuses études ont déjà été faites et le foncier agricole a déjà été réservé. Ce que les habitants attendent, c’est un calendrier, des dates ; ils veulent de l’espoir ! J’alerterai à nouveau, par courrier écrit, votre collègue Tabarot, mais les riverains ont vraiment besoin d’un calendrier pour espérer un dénouement heureux.
Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales
M. le président
La parole est à Mme Martine Froger, pour exposer sa question, no 224, relative à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
Mme Martine Froger
Face à un déficit budgétaire et une dette historiquement élevés, l’État a choisi de mettre à contribution les collectivités territoriales pour le redressement des finances publiques. C’est dans ce contexte qu’a été pris, le 31 janvier, un décret qui prévoit une hausse du taux de cotisation employeur à la CNRACL, la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, de 12 points sur les quatre prochaines années – il a déjà augmenté de 3 points en 2025 et de 1 point non compensé en 2024.
Cette mesure, qui n’a fait l’objet d’aucune discussion préalable avec les représentants des employeurs territoriaux et hospitaliers, suscite de nombreuses inquiétudes. Faute de PLFSS – projet de loi de financement de la sécurité sociale – et d’approbation du Parlement, le gouvernement a choisi le passage en force en publiant ce décret, d’autant plus choquant qu’il prévoit cette hausse d’un seul coup, sans aucune concertation avec les principaux concernés.
Cette hausse massive et très rapide pourrait bien menacer la solvabilité de nombreuses collectivités territoriales, et plus largement la capacité de l’action publique locale à répondre aux besoins des populations et à réaliser les investissements nécessaires aux transitions en cours. Ainsi, dans mon département de l’Ariège, la hausse de 3 points représenterait, pour la communauté d’agglomération Pays Foix-Varilhes, qui compte 33 000 habitants, une dépense supplémentaire de près de 127 000 euros en 2025. L’augmentation de la cotisation CNRACL étant lissée sur quatre ans, l’impact global annuel de ces mesures serait d’environ 408 000 euros à compter de 2028. Vous le voyez, les conséquences de cette mesure sur le budget de nos collectivités sont considérables ; elles affecteront nécessairement leur capacité à répondre aux besoins des territoires.
Quant aux établissements hospitaliers, il est à craindre que cette mesure menace directement la viabilité de l’offre publique, sanitaire et médico-sociale.
Cette situation est d’autant plus regrettable que la CNRACL est appelée à contribuer, au nom de la compensation démographique, au redressement d’autres régimes de retraite déficitaires. La ponction opérée à ce titre au cours des cinquante dernières années s’élève à 100 milliards d’euros, ce qui a privé la Caisse de toute possibilité de constituer un fonds de réserve. Le gouvernement a choisi de faire porter la charge de cette situation sur les seuls employeurs, à un moment où la situation financière des collectivités et des employeurs hospitaliers est particulièrement contrainte. De surcroît, cette décision n’aura qu’un impact mineur sur les finances d’une caisse devenue structurellement déficitaire.
Comment comptez-vous répondre au désarroi des collectivités et des hôpitaux, qui vont voir exploser le montant de leur cotisation ? Quelles sont les mesures qui pourraient être envisagées pour remédier rapidement à la détérioration de leur situation financière ?
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation
Vous connaissez parfaitement le sujet ; votre question en témoigne. La situation du régime de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, géré par la CNRACL, est particulièrement préoccupante et menace sa pérennité. Comme vous l’avez souligné, c’est un problème qui remonte à une vingtaine d’années. Le déficit s’est élevé à 2,5 milliards d’euros en 2023 et, en l’absence d’intervention, il est projeté à 11 milliards en 2030.
Cette dégradation de l’équilibre financier du régime, dont le financement repose quasi exclusivement sur les cotisations, s’explique par la ponction opérée sur les comptes, mais également par la dégradation du ratio démographique, plus rapide qu’ailleurs. L’augmentation du recrutement de personnels contractuels, qui ne sont pas affiliés à la CNRACL, accentue cette tendance.
Sachez que le gouvernement mesure combien ce régime a contribué, par le passé, à la solidarité avec les autres régimes de notre système de retraite. Afin d’apporter une première réponse à cette situation d’urgence, il a décidé d’augmenter le taux de cotisation des employeurs de 3 points par an pendant quatre ans – et non de 4 points pendant trois ans, comme envisagé au départ –, de 2025 à 2028. C’est une hausse importante et le gouvernement, à travers moi, reconnaît l’effort qui est demandé ; mais elle est, comme l’a souhaité le premier ministre, moins brutale – parce que plus étalée – qu’initialement prévu.
Conscients des contraintes financières qui pèsent sur les collectivités, nous avons, à l’occasion de l’examen budgétaire des finances publiques locales, réduit l’effort financier que le gouvernement de Michel Barnier leur avait demandé, de 5 milliards à 2,2 milliards.
Enfin, parce que la seule mobilisation des employeurs ne sera sans doute pas suffisante pour rétablir l’équilibre de la CNRACL, j’ai, avec mes collègues Catherine Vautrin, Astrid Panosyan-Bouvet et Amélie de Montchalin, proposé aux représentants des employeurs locaux, par courrier en date du 31 janvier 2025, d’organiser une concertation pour trouver les solutions susceptibles de garantir un équilibre financier durable à ce régime de retraite auquel sont très attachés les collectivités et les agents. Celle-ci doit s’ouvrir au printemps, en bonne articulation avec les conclusions du conclave sur les retraites.
M. le président
La parole est à Mme Martine Froger.
Mme Martine Froger
Je vous remercie pour votre réponse mais elle ne suffit pas à apaiser mes craintes de voir les collectivités embaucher de préférence des contractuels en raison du moindre coût des cotisations versées à l’Ircantec, ce qui renforcera la précarité des agents territoriaux.
Mutation des fonctionnaires
M. le président
La parole est à M. Frédéric Maillot, pour exposer sa question, no 215, relative à la mutation des fonctionnaires.
M. Frédéric Maillot
J’ai été élu en 2022, réélu en 2024 et j’ai fait de ce sujet une priorité depuis ma première prise de parole dans cet hémicycle jusqu’aux nombreux courriers envoyés par mail ou même remis en main propre aux ministres que j’ai vu se succéder sur ces bancs.
Ce sujet, monsieur le ministre, c’est celui de la mutation des fonctionnaires d’État issus des pays d’outre-mer pour un retour dans leur territoire natif. Ils sont policiers, agents pénitentiaires, professeurs des écoles. Ils servent chaque jour la République. Et pourtant, bon nombre d’entre eux sont en souffrance, parce qu’ils attendent leur mutation depuis quatorze, quinze ou seize ans, quand ce n’est pas encore davantage pour certains.
Ce sont des pères et des mères qui sont parfois séparés de leurs enfants. Ce sont des filles et des fils qui ne peuvent pas être présents auprès de leurs parents, alors que ces derniers sont sur leur lit de mort. Oui, monsieur le ministre, ce n’est pas à vous que j’apprendrai qu’on ne se rend pas aussi facilement à La Réunion, en Martinique ou en Guadeloupe qu’à Bordeaux ou à Nice. Onze heures de vol nous séparent de ceux qui nous sont chers, sans parler du coût exorbitant du billet d’avion.
C’est pour toutes ces raisons que je vous demande d’accorder une considération particulière aux demandes de mutation des fonctionnaires issus des territoires d’outre-mer qui souhaitent vivre et travailler là où ils ont leurs attaches culturelles et familiales. Je sais que pour vous, les mutations ne sont que des dossiers supplémentaires à traiter, mais derrière ces dossiers se jouent parfois des drames familiaux !
En 2023, j’avais rédigé, avec ma collègue Émeline K/Bidi, une proposition de loi afin qu’il ne soit plus répondu au cas par cas à ces demandes de mutation : accepterez-vous de l’étudier ?
Êtes-vous d’accord pour réfléchir à former une administration humaine, responsable et à l’écoute de ses agents qui ne demandent qu’à travailler pour leur territoire d’origine, les outre-mer ?
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification
Je suis particulièrement sensible à vos propos car je suis, moi aussi, originaire d’une île, même si elle est moins lointaine, et je mesure l’importance de la prise en compte des mutations des fonctionnaires pour la continuité des services publics.
Vous le savez, les mutations se définissent, dans la majorité des cas, comme le changement d’affectation d’un agent public sur l’un des postes que son grade lui donne vocation à occuper. La loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a réaffirmé, au bénéfice des agents publics, des priorités légales d’affectation compatible avec le bon fonctionnement du service.
Pour en bénéficier, les agents peuvent invoquer leur situation individuelle. C’est ce qui est notamment inscrit à l’article L. 512-19 du code général de la fonction publique dans lequel sont énumérés les critères légaux permettant d’obtenir une mutation en priorité. Si cet article s’applique aux fonctionnaires de l’État, des dispositions similaires sont prévues pour les fonctionnaires territoriaux à l’article L. 512-26 et pour les hospitaliers à l’article L. 512-29.
Les fonctionnaires de l’État qui en font la demande peuvent donc bénéficier d’une priorité de mutation lorsqu’ils sont séparés de leur conjoint ou de leur partenaire avec qui ils sont pacsés et soumis à une déclaration fiscale commune, lorsqu’ils exercent leurs fonctions dans des quartiers sensibles, lorsqu’ils peuvent justifier de leurs intérêts matériels et moraux dans les collectivités d’outre-mer, lorsqu’ils sont en situation de handicap et enfin, lorsque leur emploi est supprimé et qu’aucun autre poste n’est vacant dans le service.
La loi du 6 août 2019 a également consacré une priorité légale de mutation pour les fonctionnaires dont l’emploi est supprimé dans le cadre d’une restructuration de service de l’État ou de l’un de ses établissements publics afin de faciliter leur reclassement. Des dispositifs existent aussi pour les fonctionnaires territoriaux en cas de réorganisation territoriale et pour les fonctionnaires hospitaliers en cas de transfert ou de regroupement d’activité à caractère sanitaire ou social.
Si vous souhaitez une réponse plus approfondie, je me tiens à votre disposition, y compris pour traiter des dossiers au cas par cas car, précisément, vous avez raison, ce ne sont pas des dossiers mais des femmes et des hommes et je ne saurais porter un regard purement comptable sur ces sujets.
M. le président
La parole est à M. Frédéric Maillot.
M. Frédéric Maillot
Vous me renvoyez à la loi du 6 août 2019. Pour ce qui me concerne, j’ai reçu le 31 janvier 2025 un courrier de l’Union fédérale autonome pénitentiaire (Ufap) qui me faisait part de la décision unilatérale de la direction de l’administration pénitentiaire de supprimer le critère de priorité ultramarine, alors que la reconnaissance d’un CIMM (centre des intérêts matériels et moraux) traduit l’attachement d’un agent au territoire où il est né. Les agents n’auront plus droit qu’au minimum de points pour obtenir une mutation.
J’accepte volontiers votre invitation pour que nous puissions trouver une solution et mettre fin aux souffrances des personnels concernés. C’est entre cinq et six demandes de mutation que je reçois chaque semaine. Il faut y répondre immédiatement.
Congés bonifiés dans les outre-mer
M. le président
La parole est à Mme Mereana Reid Arbelot, pour exposer sa question, no 216, relative aux congés bonifiés dans les outre-mer.
Mme Mereana Reid Arbelot
Ia ora na ! Le régime de congé bonifié institué pour les fonctionnaires d’État ultramarins exerçant en Hexagone permet à ces agents publics de bénéficier, sous conditions, d’une prise en charge de leurs frais de voyage pour se rendre dans leur territoire d’origine.
L’article L. 651-1 du code général de la fonction publique étend ce régime aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers dont le centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) est situé en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à Mayotte, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais oublie celles et ceux dont le CIMM se trouve en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou à Wallis-et-Futuna.
Cette situation suscite un sentiment d’abandon et d’exclusion chez les agents concernés, comme en témoigne la situation de cette aide médico-psychologique originaire de Polynésie qui, faute de bénéficier de ce régime, ne peut rendre visite à sa famille. Pourquoi ces agents, pourtant indispensables à nos services publics, sont-ils pénalisés ?
Sur ce sujet, il n’est besoin ni d’une énième étude ou rapport, ni d’un travail d’expertise préalable, ni d’un accord des instances représentatives. Il faut seulement faire preuve de cohérence et d’équité.
Monsieur le ministre, quand comptez-vous mettre fin à cette discrimination en étendant enfin le régime du congé bonifié à tous les fonctionnaires ultramarins, quelle que soit leur collectivité d’origine ?
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification
Vous avez appelé mon attention sur les congés bonifiés des agents de la fonction publique territoriale ayant le centre de leurs intérêts matériels et moraux dans un territoire d’outre-mer. Conscient des enjeux de cohésion nationale et notamment de continuité entre les territoires de l’Hexagone et des outre-mer, le gouvernement a réformé le dispositif des congés bonifiés à la suite des assises des outre-mer de 2017, lesquelles ont donné lieu à une concertation avec les organisations syndicales et les principaux employeurs publics en 2019.
À la suite de ces concertations, les dispositions réglementaires relatives aux congés bonifiés ont été modifiées. Le décret du 2 juillet 2020 portant réforme des congés bonifiés dans la fonction publique modernise la démarche afin d’en simplifier l’utilisation, tout en répondant aux enjeux d’efficacité et de continuité des services publics. Ainsi, les agents concernés peuvent désormais bénéficier de jours supplémentaires sous forme d’autorisation d’absence en sus de leurs droits à congés bonifiés afin de couvrir les délais de route nécessaires pour se rendre sur leur lieu de résidence habituelle.
De surcroît, les agents peuvent être autorisés à anticiper ou à différer la date de leur départ en congé bonifié. Un guide pratique visant à expliciter l’ensemble de ces nouvelles règles et à permettre le traitement des situations particulières a été produit et diffusé par mon ministère pour mieux informer les agents et les employeurs publics, quel que soit leur versant.
La publication de la circulaire du 2 août 2023 par notre ministère et celui chargé des outre-mer a permis de mieux préciser les conditions d’examen des critères des CIMM dans le cadre de l’attribution des congés bonifiés dans les trois fonctions publiques, ce qui est de nature à protéger la reconnaissance de l’identité culturelle des ultramarins en cas de mobilité.
Certains de ces critères d’analyse de la demande de congé bonifié sont désormais considérés comme irréversibles, c’est-à-dire reposant sur des circonstances par nature non susceptibles d’évoluer dans le temps et suffisant à qualifier une fois pour toutes le lien des intérêts matériels et moraux d’un agent avec une collectivité ou un territoire donné. Aussi, un principe de pérennité de la reconnaissance du CIMM a été prévu, sans limitation de durée, dès lors que celui-ci a été reconnu sur le fondement d’au moins trois critères irréversibles. Cette évolution est de nature à simplifier largement les procédures d’octroi de congé bonifié pour les agents concernés comme pour les administrations publiques qui ont la charge de l’examen des dossiers.
Le gouvernement reste à votre disposition pour approfondir le sujet de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie et répondre aux problèmes dans les plus brefs délais.
M. le président
La parole est à Mme Mereana Reid Arbelot.
Mme Mereana Reid Arbelot
Je vous remercie, monsieur le ministre ; je ne manquerai pas de venir vous voir. Mauruuru.
Logement social dans les outre-mer
M. le président
La parole est à M. Philippe Naillet, pour exposer sa question, no 232, relative au logement social dans les outre-mer.
M. Philippe Naillet
Le 28 février, il y a quelques jours, le cyclone Garance, d’une violence inouïe, a frappé La Réunion, faisant de nombreuses victimes et laissant des familles endeuillées, détruisant des équipements, mettant à terre le système agricole, fragilisant notre tissu économique et détériorant le parc social.
Cet événement climatique nous montre qu’il est devenu nécessaire de construire différemment dans nos territoires, en particulier les îles, où ces phénomènes seront de plus en plus violents, mais aussi qu’il est temps de rénover le parc social. La Réunion compte plus de 84 000 logements sociaux.
Le décret d’application relatif au crédit d’impôt pour les opérations de réhabilitation des logements sociaux, attendu pour le début de l’année 2024, n’a toujours pas été publié. Le courrier adressé au ministre des outre-mer le 7 octobre 2024 par plusieurs organismes du secteur du logement ultramarin, dont l’Union sociale pour l’habitat outre-mer (Ushom), indique que ce retard met en péril la réhabilitation de près de 5 000 logements en 2024 et d’un nombre similaire en 2025, ce qui pénalise directement les populations concernées en retardant l’amélioration de l’habitat social.
Il est impératif que ce décret soit publié en urgence afin de sécuriser ces opérations et de permettre aux bailleurs sociaux d’engager les travaux nécessaires.
De surcroît, les critères restrictifs relatifs à la nature des travaux éligibles doivent être levés. En effet, ces restrictions pénalisent lourdement les projets de réhabilitation, alors que le gouvernement n’a par ailleurs pas encore prévu le nouveau diagnostic de performance énergétique en outre-mer, ce qui rend encore plus difficile l’adaptation des logements aux normes énergétiques actuelles.
Quelles mesures seront prises pour publier sans délai ce décret et assouplir les critères de travaux éligibles, afin de garantir la réhabilitation des logements sociaux et de répondre aux enjeux de transition énergétique outre-mer ?
M. le président
La parole est à M. le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification.
M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification
Je tiens à redire mon soutien et celui du gouvernement aux familles des victimes ainsi qu’à l’ensemble des Réunionnaises et des Réunionnais qui ont été durement frappés, il y a un peu plus d’une semaine, par le cyclone Garance. Le ministre d’État, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence ce matin, a pu exprimer la solidarité du gouvernement, lors de son déplacement sur l’île, la semaine dernière.
Vous l’avez indiqué, à la suite du comité interministériel aux outre-mer de juillet 2023, la loi de finances pour 2024 a étendu, au-delà des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), le crédit d’impôt relatif à la réhabilitation du parc locatif social. Pour rappel, les bailleurs sociaux dans les départements et régions d’outre-mer peuvent en bénéficier. Il s’applique aux travaux de rénovation ou de réhabilitation pour lesquels une déclaration préalable de travaux ou une demande de permis de construire est déposée à compter du 1er janvier 2024.
Pour être éligibles, les travaux doivent conférer aux logements des performances techniques voisines de celles des logements neufs ou les conforter contre les risques sismique et cyclonique. En outre, le Parlement a souhaité que les performances énergétiques et environnementales à atteindre soient voisines de celles des logements neufs. Elles seront définies par décret.
Vous l’avez souligné à raison, le décret d’application n’a toujours pas été publié. Une première rédaction a été présentée aux acteurs du secteur mais ces derniers ont indiqué qu’elle fixait des critères si exigeants que les opérations de réhabilitation seraient trop coûteuses pour être viables. Aussi, les services des ministères des outre-mer, du logement et de l’économie ont-ils repris leur travail interministériel afin que le texte que vous appelez de vos vœux puisse être publié rapidement. Tout en tenant compte des exigences de qualité de logement et des critères environnementaux, ce décret devra assurer la viabilité des opérations de réhabilitation. L’objectif est de laisser davantage de temps aux bailleurs pour traiter les dossiers qui n’ont pas été déposés en 2024.
Restaurant universitaire du technopôle Brest-Iroise de Plouzané
M. le président
La parole est à M. Didier Le Gac, pour exposer sa question, no 211, relative au restaurant universitaire du technopôle Brest-Iroise de Plouzané.
M. Didier Le Gac
Le technopôle de Brest-Iroise, situé dans ma circonscription, sur la commune de Plouzané, à quelques kilomètres de Brest, regroupe plusieurs établissements d’enseignement supérieur, comme l’École nationale d’ingénieurs de Brest (EniB) ou encore l’Institut universitaire européen de la mer (Iuem), et accueille près de 500 étudiants. C’est le premier pôle européen des sciences de la mer et nous en sommes fiers !
Or, le 15 janvier 2025, l’unique restaurant universitaire qui accueillait tous les étudiants du technopôle a fermé ses portes. Le bâtiment du restaurant universitaire, géré par le centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de Bretagne est, en effet, très fortement dégradé. Alors que cette situation était connue, aucune mesure n’a été prise pour anticiper et éviter, à temps, une fermeture qui risque de durer plusieurs années.
Si, pour pallier cette fermeture, des solutions de fortune ont été proposées aux étudiants – comme la venue sur le site d’un food truck qui leur propose des repas à réchauffer –, la distance des autres restaurants universitaires brestois empêche les étudiants du technopôle d’aller y déjeuner. Pour eux, le repas à 1 euro, dont le gouvernement a récemment souhaité élargir le bénéfice à tous les étudiants, est loin d’être une réalité.
Le 6 février 2025, le diagnostic technique général mené par un organisme indépendant a confirmé la grande vétusté du bâtiment ainsi que celle de certains équipements. Une première rencontre a eu lieu avec le Crous : il annonce qu’une remise en état du bâtiment coûterait au bas mot 8 millions d’euros et entraînerait la fermeture du restaurant pendant quatre ans au moins.
La situation du restaurant universitaire de Plouzané a révélé la vétusté des autres restaurants universitaires finistériens, ce qui m’inquiète beaucoup. Les solutions envisageables à court ou moyen terme nécessitent un engagement fort de l’administration. J’aimerais savoir ce que le gouvernement entend faire pour permettre aux 500 étudiants du technopôle Brest-Iroise de déjeuner et de dîner dans de bonnes conditions.
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique
Je vous prie de bien vouloir excuser le ministre Philippe Baptiste, retenu à Varsovie pour un Conseil de l’Union européenne.
La décision de fermer le restaurant universitaire du pôle universitaire de Plouzané – dont je salue à mon tour l’excellence – s’est imposée au Crous le 14 janvier. Le restaurant, vétuste, ne pouvait plus accueillir les étudiants et les personnels dans de bonnes conditions. Face à cette situation inédite, il a fallu garantir la continuité de la restauration pour les étudiants du campus : le Crous a pris des mesures rapides avec l’installation, dans les quarante-huit heures, à titre provisoire, d’un food truck.
Le ministère suit cette situation avec la plus grande attention afin d’être en mesure de construire, avec les acteurs locaux, des solutions de moyen et long terme. Dans ce cadre, un allongement de la pause méridienne pourra être envisagé afin de permettre aux étudiants qui le souhaiteraient de se rendre dans d’autres restaurants universitaires.
Monsieur le député, vous pouvez être assuré que l’accès des étudiants à une alimentation de qualité à tarif modéré est une priorité majeure du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ainsi, 80 % de la hausse de 30 millions d’euros de la subvention pour charge de service public du réseau des Crous prévue en 2025 seront affectés à la restauration : cela permettra d’ouvrir plus de 3 000 places nouvelles en restaurant universitaire à la rentrée prochaine.
M. le président
La parole est à M. Didier Le Gac.
M. Didier Le Gac
Madame la ministre, la réponse est un peu courte ! Les services qui l’ont préparée vous ont fourni des éléments insuffisants.
On ne pourra pas faire l’économie d’un plan pluriannuel d’investissements et d’un audit généralisé des restaurants universitaires du Finistère et de Bretagne. J’ai été averti que d’autres restaurants universitaires de la région pourraient connaître le même sort tant ils sont vétustes et en mauvais état. C’est un mauvais signal envoyé aux étudiants !
Certes, à Plouzané, le Crous a mis en œuvre rapidement une solution provisoire mais elle n’est pas satisfaisante. Je me rapprocherai du ministre de l’enseignement supérieur pour obtenir une réponse de fond, plus complète.
Désindustrialisation dans le Tarn
M. le président
La parole est à Mme Karen Erodi, pour exposer sa question, no 220, relative à la désindustrialisation dans le Tarn.
Mme Karen Erodi
Le Tarn est symptomatique de ce qui se passe dans tout le pays : une hémorragie industrielle sape le tissu économique et social dans les départements ruraux et détruit des milliers d’emplois. Vous vous félicitez des créations d’emplois, mais la réalité est bien plus crue : depuis septembre dernier, plus de 300 « plans de sauvegarde de l’emploi » – bien mal nommés – ont été présentés, ce qui correspond à près de 300 000 emplois détruits ou en passe de l’être ; plus de 65 000 entreprises ont fait faillite en 2024, dont 5 000 PME ; un nombre toujours croissant de salariés sont laissés sur le carreau, sans perspective de reconversion ni filet de sécurité digne de ce nom.
Le Tarn, comme tant d’autres territoires industriels, subit de plein fouet cette désindustrialisation accélérée. Ce ne sont pas juste des chiffres, ce sont des usines qui ferment, des savoir-faire qui disparaissent, des centaines de familles laissées dans l’incertitude et la précarité !
Je donnerai trois exemples sur mon territoire. À Terssac, l’entreprise Thales simulation and training supprime trente-neuf postes sur quatre-vingt-onze : les syndicats craignent même, à terme, une fermeture de tout le site, car il n’a pas une envergure suffisante pour affronter la concurrence internationale. Près de 40 % des effectifs sont sacrifiés alors même que l’État est actionnaire ! Si une entreprise stratégique comme Thales, qui produit des simulateurs pour la défense nationale, réduit ses capacités industrielles en France, que restera-t-il de notre souveraineté industrielle, et même militaire ? Que deviendront-elles si nous laissons partir ces compétences vers d’autres pays ?
À Saint-Juéry, l’entreprise FCT a connu un tel sort : soixante-quinze salariés sont licenciés après une liquidation judiciaire en 2023. Certes, un repreneur a embauché une partie d’entre eux mais une quinzaine de travailleurs restent sans solution. Ils ne bénéficient ni d’un plan de requalification ni d’un soutien spécifique. Là encore, l’État est resté spectateur.
Enfin, à Albi, la Safra, entreprise pionnière dans le bus à hydrogène, qualifié de secteur d’avenir par Bruno Le Maire lors de sa visite, est aujourd’hui en redressement judiciaire – 171 emplois sont en péril. La cause ? Malgré les aides ponctuelles, les commandes publiques ne sont jamais arrivées. L’État abandonne cette entreprise stratégique, qui a manqué d’un soutien local, régional ou étatique structuré, cohérent et à long terme.
Ces trois exemples ne sont pas des cas isolés. Ils révèlent une forfaiture face au grand déménagement du monde. L’État ne joue plus son rôle d’investisseur, de protecteur et de stratège de l’industrie nationale. Soyons clairs : ce qui tue notre industrie, c’est l’absence de volonté politique ! Les salariés de Thales, de FCT et de la Safra ne demandent pas qu’on saupoudre de l’argent public, une fois leur situation reconnue comme critique.
L’heure est grave et la situation nous préoccupe, sur tous les bancs de l’hémicycle. Pouvez-vous expliquer comment Thales, dont l’État est actionnaire, en arrive à supprimer 40 % des emplois ? Pourquoi, après la liquidation de FCT, des salariés restent-ils sans solution ? Pourquoi les pouvoirs publics n’ont-ils pas engagé de bras de fer avec l’entreprise pour, par exemple, conditionner la reprise du site à des réembauches qui n’oublieraient personne ?
Malgré les aides, l’entreprise Safra est en redressement faute de commandes : où est la politique du carnet de commandes, poursuivant des objectifs sociaux, environnementaux et d’intérêt général ? Enfin, sempiternelle question : alors que les grands groupes du CAC40 versent 100 milliards d’euros de dividendes tout en licenciant, quand allez-vous enfin conditionner les aides publiques au maintien des emplois ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique
Vous avez appelé l’attention de Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie, sur la situation de l’industrie en France, en particulier dans le Tarn où plusieurs annonces ont créé de l’incertitude et, parfois, de l’inquiétude. La liste des entreprises que vous citez recouvre des cas très différents : Éric Lombard et Marc Ferracci travaillent à des réponses spécifiques pour chacune d’entre elles. Je comprends votre inquiétude et assure de mon soutien les salariés concernés.
L’ambition du gouvernement est d’agir sans relâche pour la reconquête industrielle de nos territoires. Depuis 2017, nous avons fait des progrès considérables sur l’attractivité, la compétitivité et les emplois. Il en résulte un chiffre simple : sur cette période, nous avons créé 130 000 emplois dans l’industrie. En 2024, nous avons continué à ouvrir plus d’usines qu’à en fermer : il y a eu trente-six ouvertures d’usines en net au premier semestre 2024 et, sur l’année, la tendance est positive. Cette tendance vaut notamment pour votre région, l’Occitanie, qui héberge le foyer de l’industrie aéronautique, fleuron dont nous sommes fiers : ce secteur recrute 30 000 personnes par an et affiche un excédent commercial de 30 milliards d’euros.
Cela ne doit pas cacher les difficultés, qui touchent notamment les secteurs de la chimie, de l’automobile et de l’acier. Il faut accompagner, en Français et en Européens, ces secteurs soumis à la concurrence internationale, parfois déloyale, désormais exposés à une potentielle guerre commerciale et confrontés à des mutations technologiques majeures.
Le rôle de l’État est d’assister les chefs d’entreprise en amont des difficultés, pour trouver des solutions visant à pérenniser les activités et l’emploi chaque fois que c’est possible. Il agit via le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), la délégation interministérielle aux restructurations d’entreprises (Dire) et les commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises (CRP), qui accompagnent près de 4 000 sociétés par an. Ces trois structures, constituées de professionnels de l’accompagnement et de la recherche de solutions, préviennent les défaillances ou, lorsqu’elles surviennent, en limitent les conséquences sur les emplois et les savoir-faire.
Enfin, concernant l’entreprise Safra, sachez que les services de Bercy accompagnent depuis plusieurs mois l’entreprise pour faire émerger une solution à l’activité d’autobus à hydrogène, qui est fragilisée : des offres de reprise partielle sont en cours d’analyse.
Madame la députée, soyez certaine que le gouvernement sera toujours aux côtés des parlementaires et des élus locaux pour agir au service de l’industrie de notre nation.
Désindustrialisation dans les Ardennes
M. le président
La parole est à M. Pierre Cordier, pour exposer sa question, no 206, relative à la désindustrialisation dans les Ardennes.
M. Pierre Cordier
Je viens vous faire part des inquiétudes des chefs d’entreprise du département des Ardennes, particulièrement dans les domaines de la forge, de l’estampage, de la fonderie et de l’usinage. Depuis une quinzaine d’années, 10 000 emplois ont été perdus dans ces domaines d’activité dans les Ardennes. Dans certaines communes de ma circonscription, le taux de chômage dépasse les 20 %.
La fin du moteur thermique, prévue pour 2035, n’arrange pas les choses. Dans un moteur thermique, il y a 200 pièces ; dans un moteur électrique, il y en a 100 ! Cela vous donne une idée des perspectives de production… Par ailleurs, certaines commandes sont parties dans d’autres pays de l’Union européenne, où les coûts de production sont inférieurs et la compétitivité est meilleure. J’en appelle à une forme, non de nationalisme – le terme serait inadapté – mais de patriotisme productif des grands donneurs d’ordre.
Les chefs d’entreprise n’en peuvent plus des normes environnementales et techniques qui pèsent sur eux : il y a quelques jours, un chef d’entreprise m’expliquait qu’il allait devoir embaucher des salariés rien que pour remplir des dossiers très volumineux et justifier du respect de ces normes.
Il convient de réfléchir à l’échéance de 2035 : elle est trop proche pour certaines entreprises qui travaillent dans le domaine automobile.
Les perspectives évoquées par le ministre de la défense en direction des entreprises de forge, estampage, fonderie, usinage intéressent beaucoup le département des Ardennes car ces secteurs y emploient encore une main-d’œuvre qualifiée et courageuse.
Que prévoit le gouvernement pour aider les entreprises ardennaises, qui en ont grand besoin ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique
Je vous remercie pour cette question – qui s’adressait à M. Ferracci, absent ce matin – et pour votre implication en faveur du tissu économique ardennais. Vous avez souligné l’enjeu que représente la fin du véhicule thermique en 2035 et les difficultés du secteur automobile.
Nous avons collectivement décidé, au niveau européen, de nous donner ce cap, pour plusieurs raisons. La première est écologique : le véhicule électrique est à long terme la solution la plus durable avec le moins d’émissions de CO2 – il nous faut rester fermes sur ce point. Ensuite, sur le plan industriel, des investissements ont déjà été engagés en ce sens et nous devons poursuivre sur cette voie.
Cependant votre préoccupation est très juste : cette transition n’est acceptable que si elle s’accompagne d’une politique industrielle forte. Si le moteur thermique est appelé à décliner, de nouvelles filières industrielles peuvent et doivent émerger. Nous ne pouvons accepter de réduire nos émissions en les délocalisant dans des pays à bas coût, en vidant nos territoires de leurs emplois pour acheter des produits extra-européens.
En dix ans, une filière de production de véhicules, avec des usines de batteries ou de moteurs électriques, a émergé en Europe. Les investissements ont donc bien permis d’amorcer la transition. Cependant, la demande en véhicules électriques en 2025 n’atteint pas le niveau attendu – c’est une réalité.
Or, jusqu’au 5 mars, la réglementation européenne CAFE, Corporate Average Fuel Economy, pénalisait les constructeurs qui avaient le choix entre, d’un côté, affaiblir leurs sous-traitants en réduisant les ventes de véhicules thermiques artificiellement ou, de l’autre, renforcer leurs concurrents américains et chinois en achetant des crédits d’émission.
Après plusieurs mois de négociations, le ministre Ferracci et Stéphane Séjourné, commissaire européen chargé de la prospérité et de la stratégie industrielle, ont annoncé, la semaine dernière, l’introduction de marges de flexibilité au sein de cette réglementation. Les constructeurs pourront désormais lisser leurs ventes sur trois ans. Cette mesure pragmatique, prise dans une situation d’urgence inédite, représente une avancée majeure.
Enfin, s’agissant de la concurrence chinoise, sachez que nous agissons déjà pour l’électrification au niveau national. Nous soutenons la demande par le bonus automobile, des mesures de verdissement des flottes professionnelles et des incitations à l’achat de véhicules de fonction électriques. Nous avons aussi soutenu la transition des industriels avec près de 2 milliards d’euros de subventions, accordées depuis 2020 dans le cadre de la transition vers l’électrique ou de la diversification hors automobile.
Vous l’aurez compris, le gouvernement garde un cap clair mais se tient aux côtés de l’industrie automobile pour l’aider à surmonter les difficultés et l’accompagner dans cette transition.
M. le président
La parole est à M. Pierre Cordier.
M. Pierre Cordier
J’entends bien vos propos et je note que vous n’êtes pas ministre de l’industrie ou de l’économie et des finances depuis 2017. Pour ma part, je n’ai cessé durant ces huit dernières années d’interpeller Bruno Le Maire ou Agnès Pannier-Runacher sur les difficultés que la transition posait aux entreprises de forge, d’estampage et de fonderie.
Ils m’ont toujours répondu que je ne devais pas m’inquiéter, qu’ils prendraient des mesures pour soutenir le monde économique et aider les entreprises à négocier le virage écologique. Mais quand je demande aux chefs d’entreprise de la vallée de la Meuse ou de celle de la Semois – où s’exercent ces métiers particuliers de la forge, de l’estampage et de la fonderie –, ils me répondent que l’État ne fait rien pour eux. Les dispositifs, les structures comme France Industrie, on ne les connaît pas. Ils me disent, monsieur le député, nous n’avons rien !
Vous qui exercez des responsabilités au plus haut niveau de l’État, vous devez prendre conscience que, sur le terrain, dans un département modeste comme le mien, l’État n’aide pas les entreprises. C’est une réalité. Lorsque deux entreprises ont été reprises il y a quelque temps, j’ai demandé aux repreneurs ce que l’État avait fait pour eux. Rien ne leur a été proposé, pas de prêt garanti par l’État (PGE) ni d’aide en matière de commandes – on sait que l’État peut faire pression sur les donneurs d’ordre.
Vous devez être consciente que l’écart est très grand entre la théorie, les discours tenus dans la presse ou dans l’hémicycle, et la réalité à laquelle sont confrontés les chefs d’entreprise. Je me dois de vous le dire en tant que représentant d’un territoire que je défends – comme tous les autres députés – avec mon cœur et mes tripes.
Décharge des directeurs d’école parisiens
M. le président
La parole est à M. David Amiel, pour exposer sa question, no 212, relative à la décharge des directeurs d’école parisiens.
M. David Amiel
Je souhaite alerter la ministre de l’éducation nationale sur la situation de l’école publique dans ma circonscription et, plus généralement, à Paris. Ces dernières semaines, les mauvaises nouvelles s’accumulent.
D’abord, la fin du régime dérogatoire au droit commun de décharge des directeurs d’école a été annoncée. Depuis 2019, le surcoût lié à ce dispositif n’est plus assumé par la Ville de Paris et pèse entièrement sur le budget de l’éducation nationale. Le 28 février, en réponse à la mobilisation de mon groupe, Ensemble pour la République, le gouvernement a demandé, à juste titre, à ses services d’engager dans les plus brefs délais une concertation avec la Ville de Paris pour définir un nouveau cadre.
Je serai très clair. Certes, il est parfaitement légitime que la Ville de Paris paie pour un dispositif dérogatoire, qui lui est propre et ne doit donc pas être financé par la solidarité nationale – puisqu’il n’est pas étendu à l’ensemble du territoire. Cependant, il est tout aussi légitime et important de maintenir ce dispositif qui permet aux directeurs d’école de mieux assurer leurs tâches, d’ores et déjà très lourdes – peut-être, d’ailleurs, faudrait-il l’étendre à d’autres régions du pays qui en auraient besoin ?
Pourtant, une incertitude forte demeure s’agissant de l’issue des discussions. Pouvez-vous nous en dire plus et nous rassurer sur l’avenir de la décharge des directeurs des écoles publiques parisiennes à laquelle les élèves, les enseignants et les directeurs eux-mêmes sont particulièrement attachés ?
Ensuite, des fermetures de classe ont été annoncées. Bien sûr, la baisse de la natalité et le départ de Paris des familles des classes moyennes, étranglées par les prix de l’immobilier et la politique municipale, sont une réalité. Cependant, j’observe que ces évolutions démographiques ont un impact très différent sur les écoles publiques et sur les écoles privées : tandis que les effectifs du cours préparatoire (CP) ont baissé de plus de 22 % dans les écoles élémentaires publiques depuis 2016, ils n’ont baissé que de 4,5 % dans le privé. Bien des raisons peuvent expliquer cet écart qui devrait, en tout état de cause, inciter à réduire le nombre d’élèves par classe pour renforcer l’attractivité de l’école publique.
J’aimerais connaître le point de vue de la ministre sur cette question et souligner combien il est important d’étudier les situations au cas par cas, de prendre particulièrement en considération la situation des écoles publiques qui sont situées dans des quartiers difficiles, qui accueillent des élèves en situation de handicap ou qui sont engagées dans un projet d’établissement spécifique.
M. Pieyre-Alexandre Anglade
Bonne question !
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique
La ministre d’État Élisabeth Borne, retenue, m’a demandé de vous répondre. Vous l’avez rappelé, les directeurs d’école publique de l’académie de Paris bénéficient d’un régime dérogatoire avantageux, qui les décharge de leurs fonctions d’enseignement à partir de cinq classes, contre treize partout ailleurs en France.
La première convention passée entre la Ville de Paris et le ministère de l’éducation nationale en 1982 permettait de compenser ces coûts en masse salariale. Le dernier renouvellement de cette convention remonte au 15 novembre 2019. Depuis cette date, la Ville de Paris n’a plus contribué financièrement à ce dispositif, ce qui représente une perte de près de 116,4 millions pour le ministère de l’éducation nationale. Au-delà de son impact financier, cette situation, vous en conviendrez, revient à accorder un avantage financé par l’État à une collectivité locale. Elle renforce donc une inégalité entre les territoires qui est inacceptable.
C’est pourquoi, en septembre 2024, la Cour des comptes a demandé au ministère de mettre fin à ce régime sous deux mois. Anne Genetet, alors ministre, a adressé un courrier au président de la Cour des comptes le 26 novembre, lui indiquant que le ministère associerait la Ville de Paris à une concertation sur un retour progressif au droit commun à partir de septembre 2025. Cet engagement oblige le gouvernement.
La ministre d’État Élisabeth Borne a donc demandé l’instauration d’une concertation pour ouvrir le dialogue avec la Ville et l’ensemble des partenaires. Celle-ci durera jusqu’à la fin du mois d’avril 2025 et réunira la Ville de Paris, le recteur de l’académie de Paris, le secrétaire général du ministère et la directrice générale de l’enseignement scolaire. Nous avons bon espoir qu’elle permettra de trouver une solution pérenne à cette situation.
S’agissant les fermetures de classes, la première phase de la carte scolaire touche à sa fin avec le CDEN (le conseil départemental de l’éducation nationale) prévu aujourd’hui. Cependant, bien sûr, en fonction des effectifs, les situations seront étudiées au cas par cas et pourront faire l’objet d’ajustements au mois de juin. Nous y veillerons.
Reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle à Lévignac
M. le président
La parole est à M. Arnaud Simion, pour exposer sa question, no 234, relative à la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle à Lévignac.
M. Arnaud Simion
Puisque mon collègue David Amiel vient de poser une question relative à l’éducation, je me permets de saluer les jeunes élèves, accompagnés de leurs enseignants, présents ce matin dans les tribunes.
Ma question porte sur les conséquences dramatiques du dérèglement climatique dans la sixième circonscription de Haute-Garonne où j’ai été élu. Depuis plusieurs années, la commune de Lévignac fait face à des épisodes de sécheresse récurrents qui ont causé d’importants dommages aux habitations et infrastructures locales.
Or, depuis 2016, cette commune n’a jamais obtenu la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, contrairement à plusieurs communes voisines. En 2020, sept communes de cette circonscription de la Haute-Garonne ont en effet bénéficié de cette reconnaissance, une en 2021, cinq en 2022, neuf en 2023 et sept en 2024.
Cette absence de classement, malgré des dégâts notables, suscite une profonde incompréhension parmi les habitantes et les habitants, et marque une rupture d’égalité entre les territoires dans l’accès aux dispositifs d’indemnisation. Le nombre de sinistres enregistrés dans la commune témoigne pourtant d’une intensification des phénomènes climatiques extrêmes : 60 dossiers en 2020, 30 en 2021, 70 en 2022, 60 en 2023 et 112 en 2024.
J’ajoute que la configuration géographique spécifique de la commune de Lévignac, avec un fort dénivelé et la présence d’un cours d’eau, accentue les effets des sécheresses estivales, aggravant la vulnérabilité des habitations et favorisant l’apparition de fissurations structurelles.
En outre, le retrait-gonflement des argiles (RGA) est susceptible d’endommager gravement les bâtiments en cas d’alternance de périodes de sécheresse et de pluie. Je précise que la totalité de la commune est classée en aléa moyen ou fort. Les 828 bâtiments qui y ont été dénombrés en 2019 sont ainsi classés en aléa moyen ou fort – soit 100 %, à comparer aux 98 % au niveau départemental et aux 54 % au niveau national.
Pourriez-vous m’indiquer quelles mesures le gouvernement entend prendre pour garantir un traitement équitable des demandes de reconnaissance de catastrophe naturelle et assurer aux sinistrés de Lévignac une indemnisation adaptée aux dommages ?
Le gouvernement envisage-t-il de réévaluer les critères d’attribution du statut de catastrophe naturelle afin de mieux prendre en considération les réalités locales et les répercussions spécifiques des sécheresses sur les territoires concernés ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique
M. Lombard, absent ce matin, m’a demandé de vous répondre.
Les dernières années ont été marquées par des épisodes de sécheresse d’ampleur inédite qui posent des difficultés majeures, comme l’illustre le cas de Lévignac. J’exprime d’ailleurs mon soutien au maire et aux habitants de cette commune.
Dans ce contexte, le gouvernement a pris plusieurs mesures pour améliorer la prise en charge des conséquences des désordres causés par le retrait-gonflement des argiles. À cet égard, l’ordonnance du 8 février 2023 améliore substantiellement le traitement des demandes communales pour la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, en tenant compte des spécificités du RGA. Je veux citer notamment le droit à une indemnisation au titre du régime des catastrophes naturelles, en cas de succession anormale de sécheresses d’ampleur significative.
Par ailleurs, le décret du 3 décembre 2024 encadre la réalisation de l’expertise d’assurance en matière de RGA et renforce l’indépendance et les compétences des experts : elle harmonise le contenu, les délais et les modalités de réalisation des rapports, ce qui garantit un traitement égal et uniforme des dossiers partout en France – c’était une demande forte des assurés.
Enfin, grâce à une circulaire du 29 avril 2024 qui vient préciser les critères retenus par l’administration pour qualifier l’intensité anormale du phénomène RGA, les communes limitrophes de communes reconnues en état de catastrophe naturelle au titre de la sécheresse peuvent désormais être elles-mêmes reconnues, ce qui permet de limiter les effets de bords.
En définitive, le gouvernement a assoupli de manière significative les critères retenus pour analyser l’intensité des épisodes de sécheresse et de réhydratation des sols, survenus depuis le 1er janvier 2024. Cependant, nous restons particulièrement attentifs à un traitement rapide et équitable des demandes.
M. le président
Nous avons terminé les questions orales sans débat.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au gouvernement ;
Discussion de la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales ;
Discussion de la proposition de résolution relative à la publicisation des doléances du grand débat national ;
Discussion de la proposition de loi visant à lutter contre la disparition des terres agricoles et à renforcer la régulation des prix du foncier agricole ;
Discussion de la proposition de loi visant à assouplir la gestion des compétences eau et assainissement ;
Discussion de la proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires ;
Discussion de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures trente.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra