Première séance du mardi 18 février 2025
- Présidence de Mme Clémence Guetté
- 1. Questions orales sans débat
- Relogement du propriétaire occupant en cas de péril
- Concurrence commerciale asiatique
- Démarches administratives
- Brigade anticriminalité à Mont-Saint-Martin
- Commissariats de Berck-sur-Mer et du Touquet-Paris-Plage
- Planification et répartition du développement des énergies renouvelables
- Pérennité des nouvelles brigades de gendarmerie
- Obligations de quitter le territoire français
- Reconnaissance aux sapeurs-pompiers de Strasbourg
- Gens du voyage
- Centre pénitentiaire de Rennes-Vezin
- Passage à niveau à Perpignan
- Aéroport de Merville-Lestrem
- Projet de contournement est de Rouen
- Aéroport Tarbes-Lourdes-Pyrénées
- Autoroutes A4 et A86
- Transport express régional
- Désenclavement de la Lozère
- Logement social
- Logement social
- Filière de la pêche française
- Zone de protection forte dans l’archipel de Chausey
- Dispositif d’aide au retour dans les outre-mer
- Contrats d’apprentissage
- Société Amis-Sifcor
- Contrats parcours emploi compétences à La Réunion
- Centre hospitalier d’Argenteuil
- Traitement des eaux potables
- Versement des indemnités journalières en Loire-Atlantique et en Vendée
- Financement des Ehpad
- Nutri-score
- Financement des Ehpad
- Prise en charge des frais de déplacement des infirmiers
- Situation de l’école en Seine-Saint-Denis
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Questions orales sans débat
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions orales sans débat.
Relogement du propriétaire occupant en cas de péril
Mme la présidente
La parole est à M. Romain Eskenazi, pour exposer sa question, no 165, relative au relogement du propriétaire occupant en cas de péril.
M. Romain Eskenazi
Je souhaite appeler votre attention sur une situation alarmante qui touche de nombreux petits propriétaires lorsqu’un arrêté de mise en sécurité est pris pour cause de péril. Le 13 janvier, en pleine nuit, 143 personnes ont été contraintes d’évacuer leur logement dans ma ville de Montmorency, dans le Val-d’Oise. Un risque imminent d’effondrement du parking de leur résidence, situé sur un sol sableux, faisait courir celui qu’un immeuble s’écroule sur une résidence voisine. Face à cette situation dramatique, les habitants ont dû être relogés dans la précipitation : plusieurs d’entre eux ont dormi dans un gymnase, certains ont été hébergés par des proches ou des voisins solidaires ; d’autres, faute de mieux, ont passé plusieurs nuits dans leur voiture. Je salue l’engagement et la mobilisation dont les élus et les services de l’État ont fait preuve cette nuit-là.
Le rapport provisoire de l’expert judiciaire, adressé à la mairie onze jours plus tard, a confirmé que ces résidents ne pourraient pas rentrer chez eux avant nouvel ordre, et jusqu’à la réalisation des travaux nécessaires, qui prendront certainement plusieurs mois. En tant que conseiller municipal, j’ai demandé au maire de consacrer une partie du budget du centre communal d’action sociale au relogement temporaire des familles en difficulté. Alors qu’il considérait initialement qu’il n’en avait pas l’obligation légale, je lui ai finalement fait admettre qu’il s’agissait pour la ville d’un devoir moral. À cet égard, je salue la décision du dernier conseil municipal de débloquer un fonds de solidarité en urgence pour les sinistrés.
Cependant, un problème majeur persiste. Alors que la loi prévoit une indemnisation et une prise en charge du relogement pour les sinistres liés aux catastrophes naturelles, aux inondations ou aux incendies, il est incompréhensible qu’un arrêté de mise en sécurité, pris justement pour protéger la population d’un drame, n’impose aux assurances aucune obligation de couvrir le relogement des propriétaires évacués. Ces derniers se retrouvent alors dans une situation intenable : ils doivent continuer à rembourser leur prêt, payer les charges de leur logement devenu inhabitable et assumer en plus des frais de location temporaire.
Cette situation n’est pas un cas isolé. En décembre 2023, la ville de Sarcelles, dans la même circonscription, a connu le même problème, s’agissant également d’arrêtés de mise en sécurité. Les locataires doivent être relogés par leur propriétaire et si ce dernier est défaillant, un fonds d’État existe pour le relogement, mais rien n’est prévu pour les propriétaires. En 2020, la ville de Bordeaux a connu une multitude de scénarios similaires : les 141 arrêtés de péril pris dans l’année ont mis à la rue de nombreux propriétaires modestes, qui constatèrent avec stupeur qu’aucun cadre légal ne leur garantissait un relogement.
Il est urgent d’agir. Le gouvernement entend-il réformer la loi afin d’imposer aux assurances la prise en charge du relogement des propriétaires touchés par un arrêté de mise en sécurité, au même titre que pour d’autres types de sinistres ? À défaut, seriez-vous favorable à des initiatives parlementaires que je ne manquerai pas de prendre pour remédier à cette injustice flagrante ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du tourisme.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme
Les assureurs proposent aujourd’hui une couverture très large des risques habitation. Au sein des contrats multirisques habitation, qui couvrent la quasi-totalité des ménages en métropole, des garanties prévoient dans la grande majorité des cas la prise en charge des frais de relogement à la suite d’un sinistre. En fonction de l’étendue des garanties contractuelles, cette prise en charge va de quelques jours à plusieurs mois.
Cependant, seuls les sinistres couverts par le contrat peuvent faire l’objet d’une prise en charge. Si les dommages causés par des incendies, tempêtes ou encore dégâts des eaux rendant un logement inhabitable peuvent donner lieu à un relogement payé par l’assureur, il en va différemment des dommages exclus du contrat et de ceux dépourvus d’aléa, par définition non assurables.
À cet égard, les assureurs n’indemnisent généralement pas les dommages causés par un événement ne relevant pas de la notion d’aléa, comme ceux provenant des mouvements naturels d’un sol meuble fragilisant la structure d’une habitation. Aussi M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et Mme la ministre chargée du logement vont-ils étudier le problème que vous soulevez, afin de voir si une réponse est susceptible d’y être apportée, notamment à la lumière de l’expérience des habitants de votre commune et de nos circonscriptions respectives. Toute initiative, même parlementaire, sera la bienvenue.
Mme la présidente
La parole est à M. Romain Eskenazi.
M. Romain Eskenazi
En général, les assureurs demandent aux habitants de leur envoyer des photos pour constater le sinistre : marques d’incendie, fissures dans les murs et ainsi de suite. En l’espèce, il s’agissait d’un parking qui risquait de s’effondrer et d’entraîner l’immeuble avec lui : en l’absence de sinistre visible dans l’immeuble ou dans le logement, les assureurs ont estimé qu’aucune indemnité n’était due. Pourtant, les travaux de renforcement du parking vont durer plusieurs mois et les petits propriétaires sont en très grande difficulté – ce qui n’est pas le cas des locataires. En effet, ils doivent continuer à payer un crédit tout en se relogeant.
Je suivrai donc avec la plus grande attention les initiatives du gouvernement pour garantir aux propriétaires un relogement pérenne ou même temporaire, qui relève aujourd’hui de la bonne volonté du maire : si celui-ci octroie une petite aide au relogement, ils sont aidés ; dans le cas contraire, ils se retrouvent en grande détresse.
Concurrence commerciale asiatique
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Lepers, pour exposer sa question, no 140, relative à la concurrence commerciale asiatique.
M. Guillaume Lepers
Ma question porte sur l’avenir de nos grandes enseignes françaises, aujourd’hui menacées par une concurrence plus que déloyale de la part des géants de l’e-commerce asiatique, qui ont bouleversé le secteur de la mode et s’attaquent désormais à la décoration et à l’ameublement. Aujourd’hui, tous les secteurs sont peu à peu touchés.
La force de ces plateformes ? Des prix défiant toute concurrence, rendus possibles par des conditions de production que nous ne pouvons tolérer car elles ne respectent pas les normes sociales, environnementales et sanitaires imposées aux entreprises européennes. Pourtant, malgré ces pratiques, ces entreprises bénéficient de conditions de commercialisation très favorables sur notre continent.
Certes, depuis 2021, la TVA s’applique dès le premier euro pour les achats hors Union européenne. Mais dans le même temps, les commandes de moins de 150 euros restent exonérées de droits de douane. Or, avec un panier moyen des consommateurs français oscillant entre 13 et 53 euros, ces plateformes profitent d’un avantage fiscal considérable, mettant nos entreprises en grande difficulté.
Résultat : le secteur du prêt-à-porter, par exemple, continue de subir des contrecoups brutaux. Nos entreprises enchaînent les procédures de redressement judiciaire, quand elles ne sont pas simplement contraintes de fermer tout ou partie de leurs magasins. Ce secteur accuse désormais un déficit commercial de plus de 12 milliards d’euros, soit plus de 20 % du déficit total du pays hors énergie.
Face à cette situation, les États-Unis, eux, n’hésitent pas à adopter une politique commerciale volontariste pour protéger leurs entreprises et leurs emplois. Allons-nous encore une fois rester passifs ? Allons-nous accepter de voir disparaître nos enseignes, nos savoir-faire et nos emplois au profit de géants étrangers qui ne jouent pas avec les mêmes règles ? Quelles mesures concrètes le gouvernement entend-il prendre pour protéger nos industries et nos commerces, soutenir nos acteurs locaux et promouvoir une consommation plus durable ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du tourisme.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme
Je vous remercie à nouveau chaleureusement de m’avoir accueillie vendredi dernier dans le Lot-et-Garonne, et plus particulièrement dans votre ville de Villeneuve-sur-Lot.
Le gouvernement est pleinement engagé pour protéger nos consommateurs, nos commerces et nos industries face aux plateformes chinoises de l’e-commerce. Ainsi, il agit pour accélérer l’application de l’union douanière, levier clé face à ces nouveaux acteurs ; il soutient la création de l’autorité douanière européenne et du centre de données douanières, ainsi que la suppression du seuil de minimis pour les colis de moins de 150 euros, l’objectif étant d’appliquer ces mesures dès 2026, au lieu de 2028 comme prévu initialement. Ce travail se fait en étroite collaboration avec nos partenaires européens, notamment l’Allemagne.
Par ailleurs, des mesures renforcées sont prises pour contrôler ces plateformes. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, acteur essentiel dans la protection des consommateurs en France, mène déjà des contrôles ciblés à leur encontre. En outre, le réseau des autorités européennes de protection des consommateurs a récemment lancé des actions coordonnées contre deux entreprises, Shein et Temu, que le gouvernement suit de près. La Commission européenne mène également, depuis plusieurs semaines, une enquête sur le respect du Digital Services Act (DSA) par ces deux sociétés. La France, qui a largement contribué à l’adoption de ce texte, veille à ce qu’il soit respecté pour protéger, comme vous le dites, nos entreprises et nos commerces, notamment de proximité.
Mme la présidente
La parole est à M. Guillaume Lepers.
M. Guillaume Lepers
Vous êtes toujours la bienvenue dans le Lot-et-Garonne, surtout dans la plus belle bastide fluviale du Sud-Ouest, Villeneuve-sur-Lot. Je vous remercie d’avoir apporté une précision sur le point relatif à la confidentialité des données : derrière ces gros sites de l’e-commerce chinois ou asiatique, existe en effet l’envie de récupérer des données capitales relatives à nos clients. Je vous remercie pour votre réponse, qui me rassure.
Démarches administratives
Mme la présidente
La parole est à M. Alexis Corbière, pour exposer sa question, no 141, relative aux démarches administratives.
M. Alexis Corbière
En septembre 2024, l’association ATD Quart Monde a publié un plaidoyer étayé sur un phénomène encore méconnu du grand public : la maltraitance institutionnelle. Enrichi par des témoignages de personnes en situation de grande pauvreté, ce rapport nous expose les dysfonctionnements des institutions et des organismes publics. La maltraitance institutionnelle, c’est le traitement inadapté et parfois violent que subit le public qui est souvent en situation de détresse sociale.
Le non-recours aux prestations sociales est un des marqueurs de cette maltraitance. Quand 34 % des personnes éligibles au RSA ou 39 % des personnes qui peuvent toucher la prime d’activité ne perçoivent pas ces prestations, il s’agit d’une maltraitance institutionnelle. Les multiples raisons de ce non-recours sont pourtant connues : des bénéficiaires potentiels qui ne sont pas informés, des démarches complexes et longues et un manque d’accompagnement qui pousse les personnes à abandonner.
La dématérialisation, voulue pour faciliter les démarches, produit souvent l’effet inverse. Comment se féliciter de cette dématérialisation quand l’Insee nous dit que 17 % de la population française souffre d’illectronisme ? C’est pourquoi un accueil physique pour toutes les personnes qui le désirent doit être assuré.
Comme tous les parlementaires, je constate ce phénomène de maltraitance quand je rencontre à ma permanence des hommes et des femmes qui éprouvent toutes les difficultés du monde à renouveler leur titre de séjour ou même seulement à prendre rendez-vous en préfecture. La Cimade, parmi bien d’autres, assure des permanences à Montreuil afin d’apporter une aide juridique aux personnes confrontées à ces problèmes. Entre le dépôt d’une demande de renouvellement de titre de séjour et l’obtention de celui-ci, il peut s’écouler jusqu’à dix-huit mois.
Le site de l’administration numérique pour les étrangers en France (Anef), qui permet aux personnes d’effectuer leurs démarches, a pris le pas sur l’accueil physique. Les témoignages abondent sur les dysfonctionnements du site, s’agissant notamment de l’impossibilité de prendre un rendez-vous. Une difficulté supplémentaire s’ajoute quand on sait qu’il existe, comme je le rappelais en 2019, un marché parallèle autour de ces prises de rendez-vous dont les personnes désespérées sont les premières victimes.
Des solutions existent. Il suffit de prendre en compte les propositions formulées par les associations, visant notamment à renforcer la formation des personnes et à les sensibiliser sur l’importance des droits attendus par les usagers.
Au vu des chiffres, comment comptez-vous agir concrètement pour que le non-recours aux prestations sociales baisse considérablement ? Comment s’assurer que chacun de nos concitoyens puisse réaliser ses démarches administratives dans des délais convenables et sans passer par des épreuves parfois insurmontables ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du tourisme.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme
En tant qu’élue de terrain, je mesure les difficultés que peuvent avoir nos concitoyens à accéder aux bonnes informations et aux services publics. Je tiens à vous rassurer : le gouvernement poursuit son action pour améliorer l’accès à nos services publics partout sur le territoire.
Si nos concitoyens, dans leur grande majorité, apprécient l’autonomie offerte par la possibilité d’accomplir leurs démarches en ligne, certains ont besoin d’un accompagnement. Nous devons continuer à travailler sur la performance de nos services numériques ainsi que sur la qualité de l’accueil physique et téléphonique, d’où l’implantation des maisons France Services sur l’ensemble du territoire afin que ceux qui en ont besoin y trouvent un accueil de proximité et un agent disposant du temps nécessaire pour les accompagner. Nous avons déjà ouvert 2 800 maisons France Services, au sein desquelles se trouvent des conseillers numériques, et leur déploiement continue.
Parmi les attentes principales des Français figure la réduction des délais de traitement de leurs demandes. Le gouvernement travaille autour de plusieurs axes en vue de simplifier les procédures administratives et de réduire la charge pesant sur les usagers comme sur les agents en matière de traitement, en s’appuyant notamment sur l’automatisation et l’intelligence artificielle, afin d’offrir aux usagers une meilleure qualité de service. Ils estiment que les démarches sont complexes, sentiment partagé par les agents : simplifier pour les uns, c’est donc aussi simplifier pour les autres.
Concernant l’accès aux prestations sociales, je rappelle que la généralisation de la solidarité à la source sera étendue à tout le territoire début mars. Cela permettra aux plus démunis de ne pas renoncer à leurs droits : les bénéficiaires du RSA et de la prime d’activité percevront directement leurs prestations. Leur compte à la caisse d’allocations familiales sera prérempli automatiquement chaque trimestre. Ils n’auront qu’à valider ou modifier leurs données en se référant à un montant net social qui figure sur leur bulletin de salaire.
Grâce à la solidarité à la source, à la simplification des démarches administratives et à la facilitation de l’accès aux services publics, l’État démontre sa capacité à se réformer au service des usagers.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour saluer les nombreuses associations dont les bénévoles œuvrent en ce sens.
Mme la présidente
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
Merci de votre réponse. Nous resterons vigilants quant à la mise en œuvre concrète des mesures que vous évoquez. Sans vouloir polémiquer, je ne crois pas que le budget proposé par le gouvernement, dont l’application aura souvent pour effet de réduire le nombre des agents publics, permette la réalisation des propositions et le déploiement des solutions dont vous faites état.
Brigade anticriminalité à Mont-Saint-Martin
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Weber, pour exposer sa question, no 160, concernant la demande d’une brigade anticriminalité à Mont-Saint-Martin.
M. Frédéric Weber
J’appelle l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur la situation préoccupante que connaissent les communes de Mont-Saint-Martin, Longwy et Villerupt, en Meurthe-et-Moselle, dans ma circonscription. Situées à la croisée de la France, du Luxembourg et de la Belgique, elles sont confrontées à une insécurité grandissante, liée notamment à la multiplication des trafics de drogue et d’armes qui transitent par ce secteur stratégique.
Ces dernières semaines, plusieurs événements ont rappelé l’ampleur du problème : des explosions nocturnes dans le quartier de la ZUP, la zone à urbaniser en priorité, ont semé l’inquiétude parmi les habitants, tandis que des opérations de police ont permis le démantèlement d’un trafic d’armes actif dans tout le Bassin lorrain. Le Pays-Haut est devenu un point de passage privilégié de l’héroïne venue d’Europe du Nord, ce qui alimente un climat de tension et d’insécurité dans la population.
Plus largement, en Meurthe-et-Moselle, les chiffres de la délinquance témoignent d’une tendance alarmante : en 2024, les cambriolages de logements ont augmenté de plus de 12 %, les vols dans les véhicules de plus de 3 % et les vols violents de 5 % par rapport à l’année précédente.
Cette flambée de violence se produit sur fond d’explosion du trafic et de l’usage des stupéfiants, facteur aggravant de la criminalité quotidienne. Mont-Saint-Martin et les communes voisines constituent aujourd’hui un maillon clé du trafic des trois frontières. Les conséquences sur la sécurité des habitants en sont directes. La réalité de l’ensauvagement de nos rues, celle que vivent nos concitoyens au quotidien, ne peut être balayée d’un revers de main.
Les forces de l’ordre accomplissent un travail remarquable que je tiens à saluer. Cependant, leur dotation est insuffisante pour faire face à l’ampleur du défi. La situation exige une réponse renforcée de la police, qui doit être capable d’intervenir rapidement et efficacement.
C’est la raison pour laquelle je vous demande d’étudier la possibilité de créer une brigade anticriminalité à Mont-Saint-Martin, dont le périmètre d’intervention couvrirait également les communes de Longwy et Villerupt. Cette unité spécialisée, entraînée à intervenir rapidement et formée à la lutte contre la délinquance sur la voie publique et les trafics, permettrait de reprendre le contrôle des quartiers en rétablissant l’ordre et la sécurité.
Cette demande émane des forces de l’ordre elles-mêmes, mais aussi des habitants, qui aspirent à retrouver un cadre de vie apaisé. Pouvez-vous nous indiquer quelles mesures concrètes le gouvernement envisage de prendre pour répondre à cette urgence sécuritaire ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Ce que demandent très clairement nos compatriotes en matière de sécurité, ce sont des mesures fortes et efficaces, c’est la fin de l’impunité. Le gouvernement travaille à apporter des réponses concrètes à ces attentes. C’est une bataille qui prendra du temps. Depuis plusieurs mois, nous avons accentué nos efforts, qui s’articulent autour de trois mots d’ordre : réarmer l’État face à la criminalité organisée du narcotrafic, rétablir la sécurité du quotidien et mettre un terme à l’immigration incontrôlée.
Ceci vaut pour Mont-Saint-Martin comme pour toutes les villes et campagnes de notre pays. Je sais que les communes du secteur de Longwy-Villerupt ont fait face, au cours des deux dernières années, à des événements très violents qui ont suscité les inquiétudes de la population et des élus de manière bien compréhensible. Je pense notamment à la fusillade de mai 2023 à Villerupt, aux émeutes de 2023, qui ont durement touché Mont-Saint-Martin, ou encore aux rixes entre bandes de l’été dernier.
Concernant les incendies de véhicules qui ont frappé la ville de Mont-Saint-Martin à partir de novembre dernier, nos forces de police se sont montrées mobilisées et réactives. Ces événements ont en particulier entraîné l’engagement de renforts départementaux. Le service local de police judiciaire a mené un travail d’enquête minutieux qui s’est avéré très efficace, puisque quatre individus ont été interpellés fin décembre, dont deux ont été placés en détention.
J’en viens à votre demande précise de création d’une BAC pour la circonscription de police nationale de Longwy-Villerupt. Nous avons bien entendu les demandes émanant du terrain et des réflexions sont en cours à ce sujet. Notre décision n’est pas encore prise, mais nous sommes conscients qu’elle devra l’être.
Je tiens à souligner que, grâce à l’organisation zonale de la police nationale, une véritable fluidité opérationnelle existe entre la Meurthe-et-Moselle et la Moselle. En outre, la circonscription bénéficie depuis 2023 d’un groupe de sécurité de proximité très efficace, qui devrait encore monter en puissance dans les prochains mois.
Enfin, la ville de Mont-Saint-Martin relève d’une circonscription de police nationale dotée de 107 agents et d’une direction interdépartementale de la police nationale qui s’appuie sur 1 090 agents, dont plus de 200 sont affectés aux unités départementales et interdépartementales capables d’intervenir dans tout le territoire du département. Il faut aussi prendre en considération ces moyens dans l’appréhension globale de la situation.
Je ne doute pas que vous connaissez l’engagement de la police, dont je salue la mobilisation. J’espère que vous mesurez également celui du gouvernement. Je tiens à souligner le caractère encourageant des résultats obtenus par la police nationale dans cette commune, qu’éclairent plusieurs statistiques. Ainsi, les atteintes aux biens connaissent un recul important, passant de 489 faits en 2019 à 325 en 2024. C’est notamment le cas des cambriolages, qui passent de 34 à 26 faits au cours de la même période. Face au trafic de stupéfiants, les chiffres témoignent d’un engagement fort des policiers : huit trafics ont par exemple été démantelés l’an dernier, contre un ou deux par an de 2019 à 2022.
Je le redis : nous connaissons parfaitement la demande que vous exprimez de créer une BAC. La réponse, qui ne devrait guère tarder, vous sera livrée lorsque nous aurons achevé son analyse.
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Weber.
M. Frédéric Weber
Merci, monsieur le ministre, pour votre réponse. J’ai plusieurs fois visité le commissariat concerné et l’effectif de 107 agents que vous évoquez ne correspond pas au chiffre, inférieur à 100, que l’on m’a donné, sans parler des absences dues à des maladies ou à d’autres raisons.
M. François-Noël Buffet, ministre
Ah ?
M. Frédéric Weber
En tout état de cause, la demande des habitants dont je me fais le porte-parole est forte. Il faut y répondre, pas seulement par des mots, mais par des actes.
Commissariats de Berck-sur-Mer et du Touquet-Paris-Plage
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Fait, pour exposer sa question, no 143, relative à la construction de commissariats à Berck-sur-Mer et au Touquet-Paris-Plage.
M. Philippe Fait
Je tiens avant tout à remercier M. le ministre de l’intérieur d’avoir répondu favorablement à la demande de rétablissement des effectifs de CRS maîtres-nageurs sauveteurs sur nos plages pour l’été prochain.
J’appelle son attention sur un engagement pris par le gouvernement il y a un an et demi : la construction de deux nouveaux commissariats à Berck-sur-Mer et au Touquet-Paris-Plage dans la quatrième circonscription du Pas-de-Calais, que j’ai l’honneur de représenter.
Ces projets constituent une mesure attendue, nécessaire et légitime pour renforcer la sécurité sur la Côte d’Opale, territoire particulièrement exposé aux défis de l’immigration irrégulière et de la protection des habitants, et surtout pour améliorer les conditions de travail de nos policiers.
Si le projet du Touquet-Paris-Plage semble suivre son cours, celui de Berck-sur-Mer est aujourd’hui marqué par l’incertitude. Les locaux provisoires, installés dans un bâtiment inadapté, ne répondent ni aux besoins des forces de l’ordre, ni à ceux des citoyens. La promesse d’un nouveau commissariat, qui a suscité l’espoir, semble mise en suspens.
Il faut respecter la parole donnée. Les habitants de Berck-sur-Mer, les forces de l’ordre et les élus locaux attendent des réponses. Quelles garanties que ce projet verra rapidement le jour pouvez-vous apporter ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je rappelle d’abord que, grâce aux crédits que vient d’adopter le Parlement dans le budget pour 2025, le ministère de l’intérieur est désormais en mesure de maintenir tant les capacités opérationnelles des forces de l’ordre que les crédits consacrés aux investissements. Le budget de la police nationale connaît ainsi une hausse de 250 millions d’euros par rapport à l’année précédente.
Ces crédits d’investissement sont essentiels pour assurer à nos forces de police les meilleures conditions de travail possibles. Chaque jour, comme nous l’avons souvent dit et le disons encore, nos policiers accomplissent un travail remarquable, face à des difficultés et des violences de plus en plus importantes. Malgré un contexte budgétaire difficile, qui restera marqué par des tensions et ne permettra pas de répondre à toutes les attentes, nous continuerons à nous battre pour apporter les solutions nécessaires aux problèmes posés, de manière aussi pragmatique que possible.
J’en viens à votre question. Au Touquet-Paris-Plage, le projet de relogement progresse. Il est nécessaire car le bâtiment actuel n’est plus adapté, bien que des travaux y soient régulièrement réalisés. S’agissant du futur bâtiment, des négociations sont en cours avec la mairie concernant le prix d’acquisition de la parcelle envisagée, à savoir l’ancien site de la gendarmerie, même si ce choix fait encore débat. La validation du programme de maîtrise d’œuvre est en cours et le choix du maître d’œuvre devrait intervenir avant l’année prochaine.
S’agissant de Berck-sur-Mer, la construction d’un nouvel hôtel de police, dont personne ne conteste la nécessité, est à l’étude. La procédure de concours de maîtrise d’œuvre a été lancée l’an dernier. La mairie a suggéré un site qui convient, même si les modalités de sa cession restent à définir. Tous les acteurs impliqués sont donc d’accord. La ville devrait acquérir ce site, qui est à ce jour propriété de l’établissement public foncier des Hauts-de-France. Des décisions seront rapidement prises concernant la prochaine étape de ce projet. La procédure avance donc et les acquisitions nécessaires sont en cours, ce qui constitue un point positif.
Nous continuerons de suivre avec précision l’évolution de ce dossier, comme du précédent, afin que les cessions et procédures engagées suivent bien leur cours et ne soient pas entravées par d’autres modifications.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Fait.
M. Philippe Fait
Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, il est indispensable de mener à bien ces deux projets. Merci de l’écoute attentive dont vous faites preuve à l’égard de nos forces de l’ordre.
Planification et répartition du développement des énergies renouvelables
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Lecamp, pour exposer sa question, no 136, relative à la planification et à la répartition du développement des énergies renouvelables.
M. Pascal Lecamp
Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie. En Nouvelle-Aquitaine, cinq départements sur les douze qui composent la région contribuent pour 95,26 % de la puissance éolienne terrestre autorisée au 1er janvier 2022. La Vienne, mon département, est largement en tête et représente à elle seule plus de 27 % de cette puissance.
La programmation pluriannuelle de l’énergie, qui fait actuellement l’objet d’une consultation, prévoit également une contribution au mix énergétique du photovoltaïque pour 100 gigawatts à l’horizon 2050, dont une grande partie sera issue d’installations agrivoltaïques et photovoltaïques au sol. Il ne fait aucun doute que le territoire rural et agricole du département, par sa nature, sera aussi amené à produire largement sur ce volet.
Ce territoire prend également sa part dans la production d’énergie nucléaire, puisqu’il abrite la dernière centrale construite en France, à Civaux, et ses deux réacteurs à eau pressurisée de 1 500 mégawatts chacun.
Alors que les discussions sur les futures zones d’accélération des énergies renouvelables, en application de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, ne sont toujours pas achevées, les élus locaux se sont émus de se voir présenter l’implantation de trois postes de transformation de puissance de 225 et 400 kilovoltampères. Ces niveaux de puissance permettront la connexion des futures installations sur les lignes de transport existantes. Pour autant, la puissance relative installée en matière d’éolien, de photovoltaïque et d’agrivoltaïque n’a toujours pas été communiquée.
Je souscris évidemment à l’objectif de développer les énergies renouvelables, dans un contexte qui appelle à la défense de la souveraineté énergétique française et européenne. Le constat est toutefois sans appel : la Vienne continuera de faire plus que sa part, souvent au détriment de la qualité de vie des habitants, des paysages, de la biodiversité locale et du tourisme rural. Tous les maires ruraux que j’ai rencontrés me l’ont rappelé lors des quarante-deux cérémonies de vœux auxquelles j’ai participé au mois de janvier. Ils ont l’impression de donner beaucoup et de recevoir peu en retour.
Dans ce contexte, que peuvent attendre des pouvoirs publics les élus locaux et les citoyens du Sud-Vienne pour mieux équilibrer les efforts de production énergétique, notamment éolienne et photovoltaïque, entre les territoires ? Comment assurer une meilleure cohérence entre les planifications régionales, départementales, communales et la puissance finalement installée ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du tourisme.
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme
Votre question me donne l’occasion de saluer le dynamisme de votre département en matière de production d’énergies renouvelables, dans cette belle région de Nouvelle-Aquitaine à laquelle nous sommes tous deux attachés.
Le développement de la production des énergies renouvelables doit correspondre aux opportunités et enjeux que présentent les territoires concernés : la montagne est plus adaptée à la construction de grands barrages d’hydroélectricité, tandis que le Sud de la France voit fleurir davantage de photovoltaïque, ce qui relève du bon sens.
Le déploiement des énergies renouvelables doit également composer avec d’autres enjeux, tels que la biodiversité et le paysage.
Cependant, chaque territoire doit prendre sa part, en tenant compte de ses atouts et de ses contraintes, pour que nous atteignions nos objectifs de transition énergétique. Dans cette perspective, la future programmation pluriannuelle de l’énergie, qui sera publiée à la fin du premier trimestre, sera régionalisée. Pour ce faire, un travail a été mené avec les régions et les services de l’État en région depuis plus d’un an – je tiens à les remercier pour leur mobilisation et pour les solutions présentées. Par cette régionalisation, le gouvernement souhaite que chaque territoire définisse les objectifs qui lui seront affectés, sachant que l’ensemble doit permettre d’atteindre les objectifs nationaux. Les régions peuvent aussi décliner ces objectifs à l’échelle des départements, voire des établissements publics de coopération intercommunale.
Les postes de réseau à installer que vous avez évoqués ne permettront pas seulement de raccorder des installations produisant des énergies renouvelables qui existent déjà ; ils pourront aussi être liés à des projets en cours de développement ou anticiper des projets à venir.
Enfin, le gouvernement est conscient des questionnements que ces installations peuvent susciter dans la population. Je sais que ce sujet est important à vos yeux, comme le manifeste l’une des dispositions de la proposition de loi que vous avez récemment déposée, qui porte sur le partage de la valeur.
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Lecamp.
M. Pascal Lecamp
Je vous remercie pour ces réponses très précises. Si je peux faire une suggestion, je soulignerais qu’il faut penser à l’acceptabilité dans les territoires, auprès des élus locaux et des habitants. Dans le Sud de la Vienne, où se trouve ma circonscription, les bassines agricoles et les éoliennes, qui poussent à profusion, ont donné lieu à des débats importants – nous l’avons vu sur le terrain. Il est nécessaire de communiquer en amont avec les élus locaux et les populations, pour qu’ils ne voient pas arriver les postes-sources sans savoir ce qu’il y a derrière. Voilà le message que je vous transmets au nom de tous les élus et de tous les habitants de ma circonscription.
Pérennité des nouvelles brigades de gendarmerie
Mme la présidente
La parole est à M. Anthony Brosse, pour exposer sa question, no 144, relative à la pérennité des nouvelles brigades de gendarmerie.
M. Anthony Brosse
Ma question porte sur le financement des logements des brigades de gendarmerie nouvellement créées dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur. Essentielle dans nos territoires, tant pour assurer la protection de nos concitoyens que pour permettre un traitement plus rapide des plaintes, la présence plus nombreuse des forces de l’ordre sur le terrain exerce un certain pouvoir de dissuasion et rassure nos compatriotes.
Les élus locaux sont ravis d’accueillir ces futures brigades sur leur territoire, signes de vitalité et d’apaisement. Toutefois, une inquiétude demeure concernant la pérennité de ces gendarmeries au-delà des baux initiaux de neuf ans auxquels l’État s’est engagé. Cette inquiétude fait écho à la participation financière demandée aux communes dès lors que la construction de ces logements est le plus souvent confiée à un bailleur social. Ces derniers nous ont fait part de nombreux retards de paiement des loyers, qui sont certes résorbés à présent, mais qui ont entamé leur confiance. Ces difficultés ont mené le bailleur social du Loiret à envisager un désengagement total de sa relation contractuelle avec la gendarmerie. Soucieux de ne pas dépenser de sommes trop élevées dans l’éventualité où ces brigades ne seraient pas appelées à perdurer dans le temps, plusieurs maires de ma circonscription s’interrogent donc.
Étant donné la situation que j’ai présentée, les financements locaux demandés aux communes paraissent néanmoins indispensables pour permettre aux projets d’aboutir, afin de répondre aux aspirations des Françaises et des Français. Certes, des aides existent au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) pour abonder les fonds nécessaires à la réalisation de tels projets, et le financement est de surcroît imputable sur plusieurs exercices budgétaires, mais son utilisation sur ce projet spécifique se ferait au détriment d’autres tout aussi structurants pour le territoire.
Monsieur le ministre, pouvez-vous me confirmer – ainsi qu’aux nombreux élus – que les brigades de gendarmerie qui doivent voir le jour dans les mois et les années à venir ont vocation à s’implanter durablement dans nos territoires ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Le président de la République a annoncé la création de 239 nouvelles brigades de gendarmerie d’ici 2027, réaffirmant ainsi l’engagement de l’État à renforcer la présence des forces de sécurité sur l’ensemble du territoire. En 2024, les 80 premières brigades ont été créées, réparties en 52 brigades mobiles et 28 brigades fixes. Depuis le 31 décembre 2024, soixante-quatre départements métropolitains et huit départements ou collectivités d’outre-mer bénéficient ainsi d’une ou plusieurs nouvelles unités de gendarmerie.
Concernant la poursuite de ce plan, sur laquelle porte votre question, le calendrier de création des unités pour les années suivantes n’est pas encore entièrement arrêté. Toutefois, je tiens à réaffirmer clairement que ces unités ne sont pas destinées à être temporaires : leur installation est définitive. Chaque brigade, qu’elle soit fixe ou mobile, est conçue pour être pérenne et s’inscrire durablement dans le maillage de sécurité du territoire. Ce plan de création repose sur plusieurs facteurs locaux, qu’il est parfois difficile d’anticiper. C’est pourquoi l’agenda des installations est ajusté et consolidé chaque année afin de tenir compte des réalités du terrain. Certaines créations nécessitent des prises à bail de logements extérieurs avant que les gendarmes puissent intégrer les casernes qui seront construites. Dans votre département du Loiret, la brigade de proximité de Pannes est par exemple engagée dans ce processus. Elle est créée et opérationnelle depuis le 1er juillet 2024, mais la partie immobilière est en phase transitoire. La gendarmerie loue dix logements pour accueillir les gendarmes et leurs familles. La commune met à disposition des locaux de service et vient d’acquérir un terrain. Les démarches sont en cours pour permettre la construction d’une caserne, socle du modèle de la gendarmerie.
Dans les projets d’installation de brigades comme dans tous les autres, l’implication des collectivités locales est un facteur essentiel de la réussite.
Mme la présidente
La parole est à M. Anthony Brosse.
M. Anthony Brosse
Je vous remercie pour ces précisions. Je tiens à appeler votre attention sur la question des montages financiers complexes pour les communes qui jouent le jeu en aidant financièrement l’État à construire les logements pour les gendarmes. Elles s’inquiètent, car des gendarmeries ont fermé par le passé, comme à Sermaises ou à Chilleurs-aux-Bois, tandis que l’amortissement des bâtiments concernés continue de peser sur le budget des collectivités locales. Il faudrait donc modifier le montage financier pour rassurer les élus locaux et permettre la construction des locaux pour les brigades de gendarmerie déployées dans nos territoires.
Obligations de quitter le territoire français
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Gabarron, pour exposer sa question, no 161, relative aux obligations de quitter le territoire français.
M. Julien Gabarron
En France, une mesure d’obligation de quitter le territoire français est prononcée toutes les cinq minutes. Néanmoins, alors que les préfets prononcent en moyenne 100 000 OQTF chaque année, le taux d’exécution reste bien inférieur à 20 %. Chaque semaine, un individu circulant en totale liberté alors qu’il est sous le coup d’une obligation de quitter le territoire commet un méfait, un délit, voire de multiples délits, ou pire, des crimes, parfois malheureusement parmi les plus atroces. Les Français n’en peuvent plus et ne l’acceptent plus.
Je pense que nous partagerons le même constat, monsieur le ministre : cette situation est devenue insupportable pour notre peuple et son installation dans le temps autant que son accentuation résonnent comme une insulte permanente faite à la France. La reconduite hors du territoire des immigrés en situation irrégulière est devenue un enjeu de cohérence pour l’État de droit, une condition sine qua non du contrat social, une question de survie pour notre patrie. Ne nous payons pas de mots, monsieur le ministre : trouvons des solutions.
Pour augmenter le nombre d’exécutions des OQTF, le placement préalable en centre de rétention administrative nous est présenté comme la solution incontournable. Malheureusement, les chiffres sont têtus et le taux d’exécution des OQTF après rétention atteint seulement 45 %. Bien sûr, il faut construire davantage de places en CRA, car nous ne pouvons pas lutter contre l’immigration sans construire de nouveaux centres de rétention administrative. En parallèle, il faut surtout se donner les moyens d’augmenter le taux d’exécution des OQTF par une politique forte, volontariste, assumée. Chez moi, à Béziers, un CRA va bientôt sortir de terre. Un établissement de 120 places est donc construit sur un territoire qui donne déjà sa part à l’accueil, car il abrite un centre pénitentiaire de 1 200 détenus et un centre d’accueil pour demandeurs d’asile en cœur de ville.
Si le taux d’exécution n’augmente pas, les Biterrois savent que plus de la moitié des clandestins en rétention, qui n’étaient pas à Béziers avant leur arrivée en CRA, seront ensuite relâchés sur notre territoire, aux abords de nos maisons, de nos commerces et de nos écoles. Que les choses soient claires : je suis favorable à la construction de centres de rétention administrative, à Béziers comme partout où cela sera nécessaire à la France pour reprendre le contrôle de sa politique migratoire, dont les membres des gouvernements successifs avaient totalement perdu le contrôle. L’État semble regarder ailleurs, inexorablement, alors qu’à l’heure où nous parlons, le maire de Béziers va être jugé pour avoir eu, sur le sujet des OQTF, le courage qui a lâchement manqué à un État défaillant depuis quarante ans.
Ma question est très simple. Pouvez-vous préciser aux Français et aux Biterrois les mesures concrètes que vous allez – que vous devez – déployer pour qu’enfin, le taux d’exécution des OQTF, que les personnes soient ou non placées en CRA, atteigne son seul taux acceptable, à savoir 100 % ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Vous posez une question fondamentale. Y répondre en deux minutes est un exercice difficile ; je m’y essaierai, même si cela mériterait plus de temps. Il est incontestable que le taux d’éloignement depuis les CRA est insuffisant ; il est cependant supérieur, voire très supérieur aux chiffres habituellement mentionnés. Nous poursuivons nos efforts pour être plus efficaces afin d’éloigner en priorité ceux qui sont placés en CRA, et en particulier ceux qui menacent l’ordre et la sécurité publique, mais pas seulement. Nous n’avons pas de difficulté à le reconnaître. L’instruction a été donnée très clairement pour l’éloignement des personnes dont la présence en France constitue une menace pour l’ordre public.
En 2024, 6 909 personnes relevant de ce profil ont été éloignées, contre 5 647 en 2023, soit une augmentation de 22 %, ou contre 1 800 en 2021. L’effort est donc bien réel.
Pour bien comprendre la chaîne de l’éloignement et obtenir des résultats en la matière, il faut avoir en tête les différentes étapes de la procédure. Chacun sait qu’elles sont longues et complexes, trop complexes. Il faudra sans doute, à un moment ou à un autre, simplifier les procédures. Sans entrer dans le détail, vous savez que la dualité des ordres – judiciaire et administratif – qui interviennent quand un étranger en situation irrégulière est placé en CRA pose parfois quelques difficultés. L’obtention de laissez-passer consulaires constitue un autre écueil. Vous connaissez les efforts que nous y consacrons et l’importance de consolider les accords de réadmission – c’est l’objet de la mission confiée par Bruno Retailleau à Patrick Stefanini. Il s’agit d’une question fondamentale, qui conditionne notre efficacité, efficacité que j’appelle tout autant que vous de nos vœux.
Nos efforts commencent à produire leurs effets. Selon les données d’Eurostat, la France est en tête des pays qui réalisent le plus d’éloignements de ressortissants de pays tiers hors Union européenne. Au total, les éloignements d’étrangers en situation irrégulière poursuivent leur tendance à la hausse : ils ont augmenté de 26,7 % entre 2023 et 2024. Tous départs confondus, forcés ou volontaires, 21 601 éloignements d’étrangers en situation irrégulière ont été enregistrés en 2024.
Pour s’assurer de l’expulsion des étrangers les plus dangereux, il faut plus de places en CRA. En 2017, la capacité du parc de rétention en France était de 1 488 places. Elle est actuellement de 1 959 places. Notre objectif est d’atteindre 3 000 places en 2027, c’est-à-dire dans deux ans. Le centre de rétention administrative en projet à Béziers, qui comportera 140 places, contribuera à cet effort – je donne le chiffre de 140 places, car c’est celui que retient le ministère. Cela traduit la volonté d’agir beaucoup plus fortement, de mieux réussir ces renvois, pour une raison simple : c’est une question de crédibilité, au-delà du principe, que nous pouvons partager, qui consiste à ne pas laisser sur le territoire des personnes en situation irrégulière,
Reconnaissance aux sapeurs-pompiers de Strasbourg
Mme la présidente
La parole est à Mme Louise Morel, pour exposer sa question, no 137, relative à l’attribution de la médaille de la sécurité intérieure aux sapeurs-pompiers de Strasbourg.
Mme Louise Morel
Le 11 décembre 2018, l’attentat du marché de Noël de Strasbourg endeuillait notre pays. Ce soir-là, les forces de sécurité civiles et militaires se sont illustrées par leur courage, leur professionnalisme et leur dévouement dans des conditions d’une extrême gravité.
Je souhaite vous interpeller sur la situation des sapeurs-pompiers engagés cette nuit-là. Six ans après ces événements tragiques, un profond sentiment d’injustice subsiste chez certains des sapeurs-pompiers qui ont répondu à l’appel du devoir. Sur les soixante-quinze qui furent mobilisés, quarante-cinq ont reçu légitimement la médaille de la sécurité intérieure avec agrafe « Attentat de Strasbourg » en reconnaissance de leur engagement ; mais trente de leurs collègues, tout aussi impliqués dans les opérations de secours, n’ont pas bénéficié de cette distinction.
Suite à plusieurs interpellations par mes prédécesseurs et par moi-même, le ministre de l’intérieur d’alors avait indiqué en 2020, puis en 2023, avoir chargé les services compétents d’examiner ce dossier pour la prochaine promotion de la médaille de la sécurité intérieure, suscitant l’espoir que la situation soit régularisée. En l’absence d’avancée concrète, je me suis permis de vous interpeller de nouveau sur ce dossier fin 2024. Par courrier en date du 8 janvier dernier, vous m’avez finalement répondu que des arbitrages avaient été effectués à l’époque et « qu’une promotion exceptionnelle de la médaille de la sécurité intérieure, créée à l’occasion d’un événement ponctuel, [n’avait] pas vocation à récompenser l’ensemble des acteurs et intervenants ». Je le regrette d’autant plus que d’autres services, les services de police, par exemple, qui ont adressé une demande similaire, ont vu leur situation régularisée immédiatement. En outre, certaines médailles ont été attribuées à des personnes qui n’étaient pas sur le terrain, quand des acteurs directs n’ont pas été récompensés. Ce manque de reconnaissance – symbolique, bien sûr – nourrit un sentiment profond d’injustice. Monsieur le ministre, je vous le redemande donc : pouvez-vous nous préciser les mesures que vous envisagez pour corriger cette situation et rendre justice à ces trente professionnels qui, ce soir-là, ont tout donné – tout – pour protéger nos concitoyens ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
La procédure d’attribution de la médaille de la sécurité intérieure avec agrafe « Attentat de Strasbourg » a été menée dans le cadre des contingents fixés par le ministère de l’intérieur. Sans vouloir me défausser, permettez-moi de rappeler que le recours à cette procédure se fait sous l’autorité du préfet de département. Les critères de sélection ont fait l’objet d’une concertation approfondie entre les services locaux concernés, afin de distinguer, dans la limite du contingent attribué, les agents dont l’engagement a été jugé particulièrement exemplaire. Cette décision a été prise en toute objectivité et en cohérence avec les principes qui régissent l’attribution de ces distinctions. En outre, les sapeurs-pompiers non bénéficiaires de la médaille de la sécurité intérieure se sont vu remettre des médailles pour acte de courage et de dévouement, ou bien des médailles d’honneur pour services exceptionnels.
Cependant, la promotion dite exceptionnelle de la médaille de la sécurité intérieure, instaurée à l’occasion d’un événement particulier, n’a pas vocation à récompenser l’ensemble des acteurs et des intervenants mobilisés, sans préjudice de la reconnaissance par ailleurs de leurs qualités professionnelles. Cette règle, qui s’applique quel que soit le contexte, permet de préserver la valeur et la portée de ces distinctions. Par conséquent, si la reconnaissance de l’engagement des sapeurs-pompiers lors des attentats de Strasbourg demeure entière, la distinction honorifique ne saurait en elle-même constituer le seul vecteur de cette reconnaissance.
Je suis direct, mais je vous dis les choses telles qu’elles sont. S’il demeure des cas particuliers à signaler, je vous invite à l’indiquer au ministre de l’intérieur, qui est particulièrement attentif à saluer l’engagement exceptionnel des forces au quotidien, au service de la sécurité de nos concitoyens ; et à moi-même, qui suis chargé de la sécurité civile. Nous examinerons vos demandes, mais les sapeurs-pompiers doivent savoir qu’il n’y a pas que les distinctions qui comptent. Même si ces dernières sont très importantes, il existe d’autres façons de reconnaître leur grande valeur, appréciée unanimement sur ces bancs.
Mme la présidente
La parole est à Mme Louise Morel.
Mme Louise Morel
Je vous remercie de ces précisions. Je reprendrai l’attache des services présents ce soir-là, afin d’identifier les agents qui pourraient légitimement recevoir cette distinction. J’ose espérer que la procédure sera rapide. Nous sommes en 2025 et les attentats ont eu lieu en 2018 : si nous pouvions éviter d’attendre sept années de plus pour récompenser les professionnels engagés cette nuit-là, ce serait apprécié.
Gens du voyage
Mme la présidente
La parole est à Mme Constance de Pélichy, pour exposer sa question, no 156, relative aux gens du voyage.
Mme Constance de Pélichy
Depuis les années 1980, le pèlerinage annuel de la communauté Vie et Lumière a lieu, au moment de l’Ascension, sur un terrain qui lui appartient dans la commune de Nevoy. Des dizaines de milliers de gens du voyage se retrouvent alors pour le plus grand rassemblement religieux d’Europe. Située près de Gien, dans le Loiret, la commune de Nevoy compte à peine plus de 1 000 habitants. Imaginez, juste un instant, ce que signifie pour cette commune l’accueil, pendant plusieurs semaines, de 20 000 à 40 000 gens du voyage. Réfléchissez au défi sanitaire que cela représente pour les autorités locales et les responsables du rassemblement, mais aussi aux questions de sécurité qui se posent lorsque les groupes de voyageurs convergent vers le site du rassemblement, sans parler de la cohabitation avec les habitants.
Je ne suis pas là pour souffler sur les braises, mais permettez-moi de vous alerter. Nous avons connu des années très difficiles : en 2023, 40 000 voyageurs ont afflué pour le rassemblement de l’Ascension, qui a été suivi d’un second rassemblement à l’Assomption, en août. Nous avons aussi connu des années où les choses se sont bien passées. L’année dernière, en partenariat avec le pasteur responsable, la jauge a été limitée à 25 000 voyageurs. Un second rassemblement a été interdit et les forces de l’ordre nécessaires ont été déployées. Ce succès a été le fruit d’une excellente collaboration entre les élus du territoire, la préfecture et le ministère.
Ma question est simple : cette année, l’État sera-t-il au rendez-vous ? Répondra-t-il présent et nous allouera-t-il les mêmes moyens de sécurité publique ? Mettra-t-il un terrain à disposition pour le pèlerinage du mois d’août ? La sécurité n’est pas une question de discours, mais d’actes. Mon territoire fait preuve d’un volontarisme remarquable, en mettant tout en œuvre pour accueillir, dans les meilleures conditions de dignité, de salubrité et de sécurité, les voyageurs qui se rendent à Nevoy. Nous ne comprendrions pas que l’État ne soit pas au rendez-vous et que la solidarité nationale fasse défaut. Pendant des décennies, un autre terrain était mis à disposition pour le pèlerinage d’août. Nous comptons sur vous pour qu’il en soit de même en 2025 et pour les années suivantes, et pour que les moyens de sécurité soient à la hauteur lors du rassemblement de l’Ascension. Êtes-vous prêt à passer des discours aux actes, à vous engager publiquement sur les moyens alloués et la mise à disposition d’un terrain pour le mois d’août ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Les rassemblements évangéliques organisés par l’association Vie et Lumière, qui se déroulent à Nevoy depuis plusieurs années, font l’objet d’une préparation minutieuse par l’ensemble des parties prenantes, sous la coordination des services de l’État. Les aspects sécuritaires et sanitaires que vous avez évoqués y sont bien sûr étudiés, en étroite collaboration avec l’association elle-même. L’engagement de longue durée de cette dernière est à l’origine d’une amélioration continue des procédures et des équipements, notamment pour les questions sanitaires et la prévention du risque d’incendie.
Sous la conduite de la préfète de la région Centre-Val de Loire, préfète du Loiret, et du sous-préfet de Montargis, la mobilisation des services de l’État et la coordination quotidienne de tous les acteurs ont permis le bon déroulement du rassemblement qui a réuni 25 000 personnes et 6 000 caravanes du 28 avril au 5 mai 2024. Nous remercions tous ceux qui se sont mobilisés pour que cette manifestation se passe le mieux possible. L’association Vie et Lumière a respecté son engagement de ne pas dépasser la capacité d’accueil maximale de son terrain. De plus, aucune installation illégale de caravane, aucun branchement électrique illicite et aucun vol d’eau ne nous ont été rapportés à ce stade. Comme vous l’avez dit, les dispositions prises par l’État, en particulier le déploiement de forces de l’ordre en nombre adapté, ont permis d’assurer la sécurité de la population.
Compte tenu de cette réussite, un dispositif visant à atteindre les mêmes objectifs, avec des moyens adaptés au contexte, sera mis en place pour le prochain rassemblement, qui se tiendra du 10 au 18 mai. Le second rassemblement a généralement lieu au mois de septembre, comme ce fut le cas en 2022 à Nevoy ou en 2023 à Grostenquin. L’année dernière, l’association Vie et Lumière a accepté de l’annuler, en raison de la mobilisation exceptionnelle demandée par les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Le lieu du rassemblement estival de 2025 n’est pas encore connu, mais je peux vous assurer que l’implication de l’État, des services et des partenaires sera totale.
Enfin, un groupe de travail sur les gens du voyage, confié au préfet Philip Alloncle, se réunira prochainement. J’aurai l’honneur de le présider et le plaisir de vous y retrouver.
Mme la présidente
La parole est à Mme Constance de Pélichy.
Mme Constance de Pélichy
Nous comptons sur vous pour engager les moyens que vous venez d’évoquer, mais aussi pour que le second rassemblement ne se tienne pas à Nevoy. Nous attendons que l’État propose à l’association un terrain situé dans un autre département.
Centre pénitentiaire de Rennes-Vezin
Mme la présidente
La parole est à Mme Claudia Rouaux, pour exposer sa question, no 167, relative au centre pénitentiaire de Rennes-Vezin.
Mme Claudia Rouaux
Je souhaite attirer votre attention sur l’importance d’améliorer les conditions de travail des surveillants pénitentiaires et de renforcer la sécurité au sein du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin-le-Coquet. Ouvert en 2010, cet établissement illustre le problème de la surpopulation carcérale en France. Il compte 843 détenus pour 686 places, ce qui oblige certains à dormir sur des matelas au sol. Cette situation est source de tensions au quotidien, d’autant plus que les troubles psychiatriques et les problèmes d’addiction sont en augmentation parmi les détenus. Le centre pénitentiaire compte 332 personnels de surveillance et officiers, dont je tiens à souligner l’engagement au quotidien, en lien avec les services judiciaires, sanitaires et sociaux. Toutefois, il est confronté à un manque d’effectifs, avec un déficit d’environ quarante agents. Dans le quartier de semi-liberté, éloigné géographiquement du centre pénitentiaire, il n’y a qu’un seul agent pour vingt et un détenus qui, le plus souvent sans emploi ni formation, rentrent parfois très alcoolisés.
Il est urgent d’installer un filet antiprojection et un grillage entre les deux maisons d’arrêt, car plus de 1 100 projections ont lieu chaque mois. Ces objets venus de l’extérieur font l’objet d’un trafic facilité par le jeu du yoyo. Je pense aussi aux nombreux caillebotis métalliques posés derrière les barreaux, qui sont coupés avec de simples couteaux de table à bout rond. Les fouilles ponctuelles et motivées ne permettent ni de saisir tous les objets illicites ni de déterminer à quel détenu ils appartiennent.
Je salue la généralisation des gilets pare-lames pour protéger l’intégrité physique des agents, mais je vous signale que les agentes ne sont pas équipées de tenues adaptées à leur corps, alors même que ces dernières existent. Pour finir, je tiens à exprimer tout mon soutien et mes vœux de prompt rétablissement au surveillant agressé le 13 février par un jet d’eau de Javel dans les yeux. Je souhaite connaître les engagements concrets que compte prendre le gouvernement pour équiper les femmes de gilets adaptés, ainsi que pour renforcer la sécurité et les effectifs au sein de cet établissement pénitentiaire.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
Je vous remercie pour votre question et répondrai au nom de mon collègue Gérald Darmanin. Je tiens à exprimer ma solidarité avec l’agent qui a été blessé et à rendre hommage au travail accompli par les personnels pénitentiaires, qui jouent un rôle décisif. Permettez-moi aussi de réaffirmer le soutien indéfectible du gouvernement aux personnels et notre volonté d’améliorer leurs conditions de travail, qui sont difficiles.
Le taux de couverture globale au centre pénitentiaire de Rennes-Vezin s’élève à 84,5 %, pour une moyenne nationale de 90,11 %. Nous devons parvenir aux taux de couverture attendus dans nos établissements. La réforme statutaire historique qui a été mise en œuvre en 2024 renforcera l’attractivité des métiers pénitentiaires, en permettant la revalorisation de plus de 31 000 agents. C’est un premier levier important pour augmenter les recrutements et fidéliser les personnels. Les annonces du ministre de la justice à Agen, le 23 janvier, traduisent aussi sa détermination à valoriser les missions pénitentiaires et à améliorer la sécurité des agents.
Vous mentionnez la présence d’un agent pour vingt et un détenus dans le quartier de semi-liberté du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin. En réalité, cinq agents pénitentiaires sont affectés à ce quartier, pour des services de douze heures, avec deux remplaçants identifiés. De plus, le régime de semi-liberté permet aux personnes détenues de travailler à l’extérieur pendant la journée. L’activité de ces quartiers, qui est réduite le jour, justifie une moindre présence des personnels. Quant au quartier d’isolement, il compte sept places, et non plus douze. Les cinq autres places constituent une unité pour détenus violents, qui répond au besoin spécifique de prise en charge identifié dans cet établissement.
La direction du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin et la direction inter-régionale des services pénitentiaires de Rennes sont pleinement mobilisées pour renforcer la sécurité de l’établissement. Ce dernier est protégé par 400 mètres de filets antiprojection. Une zone de 60 mètres de long, située entre les deux bâtiments, doit encore être couverte pour compléter la barrière physique entre les deux cours de promenade. Ce projet est encore à l’étude, car sa réalisation dépendra notamment des moyens budgétaires disponibles. Outre les filets, les grillages ont été doublés entre les cours de promenade. Le centre pénitentiaire est également équipé d’un dispositif de détection, de neutralisation et de caractérisation de drones. Ainsi, depuis juillet 2024, aucune projection n’a été recensée par l’établissement. De même, aucun survol de drone n’a été signalé depuis l’année dernière.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claudia Rouaux.
Mme Claudia Rouaux
Je suis très étonnée de vos chiffres. En visitant ce centre, j’ai vu qu’il était entouré de tonnes de déchets, qui sont nettoyés tous les jours. Ces déchets viennent bien de quelque part. Concernant le quartier de semi-liberté, il y a peut-être cinq agents affectés, mais l’agent de nuit est seul. Dernièrement, le Samu a été appelé pour prendre en charge un agent très alcoolisé.
Le fait que des agents se retrouvent seuls est un vrai problème. Enfin, pourquoi continuer à utiliser de l’eau de Javel, alors qu’il existe d’autres produits d’entretien ? Et pourquoi l’huile bouillante est-elle toujours en usage dans les prisons ?
Passage à niveau à Perpignan
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Blanc, pour exposer sa question, no 158, relative à un passage à niveau à Perpignan.
Mme Sophie Blanc
Ma question s’adresse à M. le ministre chargé des transports et concerne la sécurité du passage à niveau no 419, situé dans ma circonscription, avenue Victor Dalbiez à Perpignan. Ce dossier reste malheureusement en suspens, malgré les démarches déjà entreprises.
Ce passage à niveau se situe sur un axe ferroviaire majeur, à proximité d’une gare de triage, sur l’une des principales entrées de la ville et dans un secteur fortement urbanisé. Il supporte un trafic particulièrement dense, avec près de 15 000 véhicules par jour et plusieurs dizaines de trains. De plus, la présence de plusieurs établissements scolaires et d’un important centre commercial à proximité entraîne la traversée quotidienne d’environ 1 500 piétons, ce qui crée, notamment aux heures de pointe, un véritable danger.
Le tragique accident d’un bus scolaire à Millas, le 14 décembre 2017, a provoqué une prise de conscience au niveau national, et le rapport parlementaire d’avril 2019 consacré à ces équipements et à l’amélioration de la sécurisation des passages à niveau identifie celui sur lequel j’appelle votre attention comme le plus dangereux du département. Le maire de Perpignan, M. Louis Aliot, a alerté à plusieurs reprises les services de l’État, afin qu’ils envisagent la suppression de ce passage à niveau par la construction d’une bretelle de franchissement.
Un comité de suivi a été constitué et une convention relative au financement de l’étude d’opportunité de suppression de ce passage à niveau a été votée par le conseil municipal le 16 décembre 2021, mais les premières évaluations estiment l’investissement nécessaire à près de 29 millions d’euros. Financièrement, la ville ne peut évidemment pas porter ce projet seule : le financement État-SNCF Réseau ne représente que 50 % du coût total, ce qui laisse la ville et les collectivités territoriales face à un reste à charge très important.
Comment comptez-vous faire pour que la préfecture soit force d’impulsion, notamment dans l’engagement des études techniques, et qu’elle confie à SNCF Réseau le rôle de maître d’ouvrage, afin de garantir la sécurité de tous les usagers, qui est une impérieuse nécessité ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
Depuis plusieurs années, et plus particulièrement à la suite de l’accident tragique de Millas en décembre 2017, des actions ont été engagées par le gouvernement pour améliorer la sécurité des passages à niveau, notamment dans le cadre du plan annoncé le 3 mai 2019 par Élisabeth Borne, alors ministre chargée des transports. Ce plan s’appuie entre autres sur le soutien financier de l’État pour la sécurisation des passages à niveau. Je vous confirme que le gouvernement est déterminé à poursuivre ses efforts, aux côtés des collectivités territoriales, pour que de tels drames ne se reproduisent plus.
Le passage à niveau no 419 de Perpignan est inscrit sur la liste du programme de sécurisation national des passages à niveau et peut, à ce titre, bénéficier d’une participation de l’État à hauteur de 50 % du coût du projet de suppression. Ce financement de l’État devra s’inscrire dans le cadre de la programmation pluriannuelle des crédits, élaborée en lien avec les préfets de région, qui tient compte de l’ensemble des besoins exprimés au niveau national, ainsi que de la mesure 8 du plan d’action, qui consiste à réorienter progressivement les crédits vers des mesures plus simples, plus efficaces et plus rapides à mettre en œuvre que les dénivellations.
En tout état de cause, je peux vous assurer que l’État est prêt, dès qu’une demande sera formulée localement, à cofinancer à hauteur de 50 % les études nécessaires pour permettre de préciser le projet de suppression du passage à niveau no 419.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Blanc.
Mme Sophie Blanc
Si je comprends bien, la ville de Perpignan aura toujours 14 millions de dépenses à sa charge. À l’heure actuelle, c’est impossible à assumer. Or il est urgent d’intervenir sur ce passage à niveau, vous l’avez vous-même souligné, compte tenu de l’ampleur du trafic routier et ferroviaire – de fret comme de voyageurs.
Aéroport de Merville-Lestrem
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Parmentier, pour exposer sa question, no 159, relative à l’aéroport de Merville-Lestrem.
Mme Caroline Parmentier
Ma question s’adresse au ministre chargé des transports et concerne la menace de fermeture de la tour de contrôle de l’aéroport de Merville-Lestrem, dans ma circonscription du Pas-de-Calais. Cette décision, prise sans concertation, menace gravement le développement économique et l’attractivité de notre territoire. Depuis 2021, la communauté de communes Flandre Lys et son président, Jacques Hurlus, qui est aussi maire de Lestrem, ont investi massivement dans la modernisation de cet aéroport : rénovation d’infrastructures ; création de logements étudiants ; développement d’écoles spécialisées ; réhabilitation du parc de loisirs Eolys. Ces efforts ont permis de réduire considérablement les non-conformités.
Avec plus de 30 000 mouvements annuels, cet aéroport constitue une alternative aux aéroports belges pour l’aviation d’affaires et pour certains déplacements officiels. L’ancien premier ministre Gabriel Attal a d’ailleurs utilisé cet aéroport lorsqu’il est venu dans le Pas-de-Calais le 8 février 2024. Ce qui est bon pour lui ne le serait-il donc pas pour les autres ?
L’aéroport de Merville-Lestrem accueille en outre de nouvelles activités innovantes, comme la voltige aérienne et les formations de drones. Il joue un rôle stratégique pour la région, notamment pour la formation de jeunes pilotes chaque année. Thomas Pesquet, notre astronaute, a passé une qualification aéronautique dans cet aérodrome en 2022. La suppression du service de contrôle aérien aurait des conséquences désastreuses : coûts prohibitifs pour la communauté de communes, risques sur la sécurité et menace directe sur la compétitivité de l’école de pilotage. Le maintien de notre tour de contrôle est donc un enjeu crucial, sur le plan économique comme sur le plan social.
Je vous le demande instamment : le gouvernement va-t-il maintenir la tour de contrôle aérien de l’aéroport de Merville-Lestrem ? Si vous aviez le projet de proposer une prise en charge des Aerodrome Flight Information Services (Afis) par une dotation spécifique, qu’est-ce que cette dotation engloberait, et pour quelle durée ? Il faut bien évidemment un accord pérenne et garanti.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
La direction des services de la navigation aérienne (DSNA) est dans une situation complexe, tant sur le plan financier que du point de vue de ses ressources techniques et humaines : haut niveau d’endettement financier ; dette technologique importante au niveau de ses systèmes ; infrastructures vieillissantes et trop peu entretenues ; manque d’effectifs opérationnels. Cela la conduit à rendre un service qui n’est globalement pas à la hauteur des attentes de ses usagers.
En particulier sur les plus petites plateformes, les exploitants ont besoin d’une grande souplesse et d’une grande réactivité en termes d’horaires d’ouverture du service de contrôle – pour les vols charters ou les vols d’évacuations sanitaires, par exemple –, ce que la DSNA n’est plus en mesure d’offrir aujourd’hui, et la situation va se dégrader dans les années à venir du fait des difficultés de recrutement. Pour pallier ces difficultés, certains exploitants ont introduit un service Afis, en complément du service de contrôle rendu par la DSNA.
Ce service de type Afis peut être adapté sur de nombreuses plateformes, y compris en présence d’un trafic régulier commercial ou d’écoles de formation de pilotes. D’autres aéroports accueillent sous un régime exclusivement Afis des trafics supérieurs à ceux d’aéroports contrôlés : c’est le cas, notamment, d’Aurillac, Castres ou Le Mans. Sur les aspects liés à la sécurité, le service Afis et les agents Afis sont certifiés selon la réglementation européenne par la direction de la sécurité de l’aviation civile (DSAC), après avoir attesté de connaissances aéronautiques et suivi une formation pratique. Cela permet de garantir un haut niveau de compétences des agents Afis.
La direction générale de l’aviation civile (DGAC) a questionné la présence de la DSNA sur un certain nombre de plateformes. Fin 2024 a été annoncée la première vague des terrains où le retrait du service de contrôle est envisagé à l’horizon 2028 – Merville, Colmar, Albert Bray, Saint-Étienne, Agen et Quimper – et une première phase de concertation avec les sites concernés a été lancée. Ces concertations réunissent les principaux acteurs locaux, usagers et exploitants, en particulier l’EPAG NG – école de pilotage – et la communauté de communes Flandre Lys pour l’aérodrome de Merville-Lestrem, afin d’exposer la démarche de la DSNA. Les services de la DGAC étudient les modalités d’accompagnement qui devront être introduites en cas de retrait du service de contrôle, et ce tant du point de vue des équipements – outils, infrastructure – que du point de vue financier.
Les services locaux de la DGAC sont très impliqués dans cette stratégie et restent à la disposition des acteurs locaux pour partager les dernières avancées sur ce dossier.
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Parmentier.
Mme Caroline Parmentier
Je vous repose ma question : s’il y a une dotation, qu’englobera-t-elle ? Et pour combien de temps ? Il ne peut s’agir que d’un accord pérenne et garanti. Au nom du territoire, je vous le demande.
Projet de contournement est de Rouen
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal, pour exposer sa question, no 146, relative au projet de contournement est de Rouen.
Mme Annie Vidal
Ma question s’adresse au ministre des transports. Depuis plus de cinquante ans, le projet de contournement est de Rouen – une liaison entre l’A28 et l’A13 sur 42 kilomètres – est une attente forte des élus locaux, des acteurs économiques, mais aussi des citoyens de la Métropole Rouen Normandie, et bien au-delà. Cette infrastructure stratégique vise à fluidifier la circulation en déchargeant le centre-ville de Rouen, tout comme les plateaux Est et Nord, de nombreux poids lourds, tout en renforçant l’attractivité économique et industrielle du territoire.
Ce projet structurant a fait l’objet d’une large concertation et a été reconnu d’intérêt général par le Conseil d’État en novembre 2020. Il tient compte de plusieurs enjeux majeurs : amélioration des conditions de circulation ; sécurisation des axes secondaires ; développement du grand port maritime de Rouen ; connexion facilitée entre l’Eure et la métropole rouennaise.
Confirmé par le premier ministre en décembre 2021, il bénéficie aujourd’hui d’un financement sécurisé grâce à la mobilisation conjointe de l’État, de la région Normandie et du département de la Seine-Maritime. Toutefois, alors que la procédure d’appel d’offres suit son cours, nous n’avons à ce jour aucune nouvelle quant à son avancement. Les habitants, les entreprises et les élus du territoire attendent avec une grande impatience la concrétisation de cette infrastructure essentielle qu’ils attendent depuis très, voire trop longtemps.
Madame la ministre, pouvez-vous préciser l’état d’avancement de la procédure de concession, notamment en ce qui concerne les candidatures reçues ? Pouvez-vous nous confirmer que l’ensemble des étapes prévues permettront un démarrage des travaux à l’horizon 2027-2028, pour une mise en service en 2030-2031 ? Enfin, quelles actions l’État entend-il mener pour assurer le bon déroulement du projet et garantir aux citoyens que cette infrastructure, essentielle à l’attractivité et à la mobilité du territoire rouennais et normand, sera bien réalisée dans les délais annoncés ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
Le projet de contournement est de Rouen vise à détourner le trafic de transit et d’échange des routes pénétrant dans l’agglomération rouennaise tout en les orientant vers des axes routiers sécurisés. Il contribuera à l’amélioration du cadre de vie des habitants en déviant le trafic de transit des zones urbanisées, ce qui réduira les nuisances et la congestion en entrée et en traversée d’agglomération. L’insertion environnementale a également fait l’objet d’un examen attentif pendant toute la durée des études préalables à la déclaration d’utilité publique.
Ce projet de contournement a été déclaré d’utilité publique en novembre 2017 et le Conseil d’État a confirmé cette utilité publique au contentieux en novembre 2020. Il suscite néanmoins une opposition forte et ancienne dans une partie du territoire traversé. Ces expressions démocratiques ne peuvent rester sans réponse. Le gouvernement souhaite examiner ce projet, comme d’autres, à l’aune de différents critères. Il s’agit de prendre en compte les conditions d’insertion du projet dans son environnement naturel et humain, les bénéfices attendus de la réalisation de cette infrastructure, mais aussi l’expression des territoires concernés. Mon collègue Philippe Tabarot appelle ainsi l’ensemble des acteurs concernés à rechercher, autant que possible, un consensus. Le moment venu, une fois cet examen réalisé, nous serons en mesure de préciser les suites à donner à ce projet.
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
Madame la ministre, vous cherchez un consensus qui, nous le savons toutes et tous, ne sera jamais obtenu. Ceux qui s’opposent aujourd’hui au projet y étaient favorables il y a quelques années : ce ne sont que des postures et des alliances électoralistes qui les ont fait changer de position. Et, selon moi, ce n’est pas à la veille des élections municipales qu’un consensus sera trouvé. Si ce projet ne devait jamais voir le jour, ce que nous sommes nombreux à craindre, la moindre des choses serait que le gouvernement ait l’honnêteté de le dire haut et fort.
Aéroport Tarbes-Lourdes-Pyrénées
Mme la présidente
La parole est à M. Denis Fégné, pour exposer sa question, no 164, relative à l’aéroport Tarbes-Lourdes-Pyrénées.
M. Denis Fégné
Si les Hautes-Pyrénées disposent de formidables atouts touristiques, agricoles, industriels, le souhait d’exploiter ce potentiel, d’en faire une source d’attractivité, soulève aussitôt la question des mobilités. Le rail, certes tout indiqué pour décarboner les transports, met le chef-lieu, Tarbes, à plus de cinq heures de Paris. Dès lors, le transport aérien joue un rôle essentiel dans le désenclavement de ce département, la continuité des lignes devenant un enjeu majeur en vue de son développement économique.
Les nouvelles pratiques en matière de travail ayant entraîné une baisse importante des voyages d’affaires, les aéroports qui tirent leur épingle du jeu sont ceux qui bénéficient d’une puissante attractivité touristique : Biarritz-Pays basque, mais aussi Tarbes-Lourdes-Pyrénées. Avec 3 millions de visiteurs annuels au sanctuaire de Lourdes, beaucoup de thermalisme et de tourisme de montagne, celui-ci, vous l’aurez compris, est en bonne santé : 590 000 passagers par an, des liaisons avec sept capitales européennes, une délégation de service public (DSP) vers Paris-Orly dont les deux rotations quotidiennes fonctionnent bien – 144 000 passagers en 2024, soit 30 % de plus qu’en 2019, et un coefficient de remplissage de 82 %. Autour de lui s’est créé tout un écosystème : outre deux fleurons industriels, le groupe de services aéronautiques Tarmac Aerosave et le groupe Daher, acteur majeur de l’industrie aéronautique, qui emploie 1 800 personnes, tous deux engagés dans la transition écologique, près de 3 600 emplois ont été recensés dans les zones d’activité Pyrénia et Pyrène Aéro Pôle.
Pour toutes ces raisons, objectives et chiffrées, il n’existe, contrairement à ce que peuvent affirmer des élus du Béarn, aucune concurrence entre cet aéroport et celui de Pau-Pyrénées. Un récent rapport de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable a d’ailleurs abouti à la même conclusion, claire et sans appel : les deux entités ne visent pas le même public. Le fait qu’elles ne soient distantes que d’une cinquantaine de kilomètres devrait, plutôt qu’à une opposition, conduire à une coopération ; cependant, il convient que ce processus résulte d’une démarche apaisée, sans intervention arbitraire. Les élus bigourdans souhaitent cette synergie, mais pas à n’importe quel prix. Or, le 10 février, nous apprenions par la presse, sans avoir été consultés, que reprendrait le 17 février – hier – la liaison entre Pau et Orly, avec un avion de quarante-neuf places. C’est faire fi de l’étude juridique commandée et cofinancée, pour 160 000 euros, par les deux aéroports, afin d’étudier la régularité d’une obligation de service public (OSP) commune ou partagée entre eux.
Ma question sera donc simple : si les conclusions de cette étude en cours étaient négatives, garantiriez-vous, au nom de l’État, le maintien de la situation actuelle entre Orly et Tarbes-Lourdes ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
Le gouvernement vous rejoint concernant l’importance de la connectivité de nos territoires les plus enclavés. Les lignes d’aménagement du territoire constituent à cet égard un vecteur de continuité territoriale et un outil de développement économique. S’agissant de la liaison aérienne Tarbes-Orly, la DSP a été renouvelée pour la période 2022-2026 ; les OSP associées prévoient la desserte d’Orly, depuis Tarbes, à raison de deux rotations quotidiennes toute l’année.
À l’échéance du contrat, ou en l’absence d’autre solution de connectivité, peut se poser la question de son renouvellement et du maintien des OSP actuelles. L’article 16 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté, et ses lignes directrices interprétatives touchant les OSP, précisent en effet que la justification économique d’une OSP s’évalue au cas par cas, en particulier lors des renouvellements des conventions de DSP. Aussi, la nécessité des OSP telles qu’elles existent pour la liaison Tarbes-Orly sera évaluée, je le répète, à l’expiration du contrat de DSP en cours, le 31 mai 2026. Il conviendra alors d’en démontrer le caractère à la fois vital et proportionné aux besoins du territoire bigourdan en matière de connectivité aérienne ; à ce stade, cette démonstration reste à consolider, si bien que le maintien des OSP ne peut être anticipé.
En parallèle, un travail a été engagé pour réfléchir aux meilleures solutions de connectivité au sein du territoire couvert par les aéroports de Pau et Tarbes. Cette étude vise à l’instauration d’OSP mutualisées, la coopération permettant par exemple d’optimiser le coût des services aériens subventionnés et de maximiser les dessertes possibles dans l’ensemble de la zone de chalandise. La prochaine réunion du comité de pilotage du projet, qui comprend des représentants de l’État et des collectivités locales, aura lieu en mars, afin de déterminer les contours de l’OSP et de la DSP ; dans l’intérêt des territoires concernés, j’espère qu’elle trouvera une issue positive.
Autoroutes A4 et A86
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Herbillon, pour exposer sa question, no 139, relative aux autoroutes A4 et A86.
M. Michel Herbillon
Je souhaite interpeller le gouvernement, plus précisément le ministère chargé des transports, au sujet de l’exécution pour le moins chaotique de l’opération de protection phonique des viaducs des autoroutes A4 et A86 dans ma circonscription, à Saint-Maurice et Maisons-Alfort. Dernière phase d’un programme de protection acoustique, le remplacement, au niveau des échangeurs, des murs existants par des écrans acoustiques plus performants constitue une nécessité absolue pour les riverains, qui subissent chaque jour le passage de plusieurs dizaines de milliers de véhicules.
Initialement, après plusieurs études, ces écrans devaient être installés à partir de 2018, puis en 2019. En février 2021, il a été annoncé que l’opération se ferait en deux temps, en commençant par le viaduc de Paris vers Créteil : concernant celui-ci, les études de conception et la notification du marché étaient programmées en 2021, pour un démarrage en 2022 des travaux, censés durer douze mois. Vaines promesses de l’État : les écrans ne sont toujours pas là, les nuisances phoniques et la pollution demeurent !
Récemment, un comité de pilotage a appris aux élus locaux que cette opération, en dépit d’engagements réitérés au plus haut niveau de l’État et plusieurs fois renouvelés dans cet hémicycle, pourrait tout simplement être remise en cause. Pour les habitants de Maisons-Alfort et de Saint-Maurice, ce revirement, après des années de travail et d’études, n’est pas acceptable.
Je vous demande, madame la ministre, de me confirmer qu’avec sept ans de retard, les travaux d’installation des écrans débuteront enfin cette année.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
L’opération de réduction des nuisances acoustiques à Saint-Maurice, Maisons-Alfort et Créteil a en effet donné lieu, entre 2010 et 2020, à la construction de plusieurs écrans de protection. Parallèlement, les services de l’État ont étudié différentes solutions de remplacement et de prolongement des écrans existants sur les viaducs de l’échangeur A4/A86 franchissant la Marne, afin d’améliorer la protection des riverains.
Les résultats des études, récemment présentés aux élus, établissent que l’ambiance sonore étant dominée par le trafic sur la section courante des autoroutes A4 et A86, davantage que sur les viaducs de l’échangeur, installer sur ces derniers des écrans supplémentaires ou plus hauts ne réduirait le bruit en façade des bâtiments que d’une manière imperceptible. Par conséquent, les habitants des logements auxquels les écrans existants n’apportent pas une protection suffisante se verront proposer une isolation de façade, solution la mieux appropriée aux multiples sources de bruit auxquels ils sont soumis.
Par ailleurs, l’État remplace les écrans dégradés, car ceux-ci perdent alors toute efficacité en matière de protection acoustique. Enfin, une expérimentation de l’abaissement de la vitesse maximale autorisée est en cours sur certaines sections autoroutières, notamment sur l’A4 entre le boulevard périphérique et l’échangeur A4/A86.
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Herbillon.
M. Michel Herbillon
De la part de l’État, cette réponse n’est pas acceptable. Les écrans existants remontent à plus d’un demi-siècle, la protection des façades a déjà été réalisée ! Je récuse absolument vos affirmations au sujet des études : toutes ont conclu que l’installation sur les viaducs de dispositifs supplémentaires produirait des effets favorables aux riverains. On leur fait à présent dire ce que l’on veut, afin que l’État puisse revenir sur des engagements très précis envers les élus et les habitants.
Voici ce que me déclarait ici même, le 5 juin 2018, Mme Borne, alors chargée des transports : « Concernant le remplacement des écrans sur les viaducs de l’échangeur A4/A86, des études sont en cours pour valider des méthodes d’ancrage sur les viaducs. » Il s’agissait bien de validation d’une solution technique ; l’utilité, l’efficacité des nouveaux écrans ne faisaient aucun doute ! « Dans le sens Paris-Créteil, les études seront terminées en septembre prochain. Concernant le sens Créteil-Nogent, l’objectif est d’engager la première tranche du marché de travaux en 2019. Ce calendrier s’articule avec les travaux du pont de Nogent. » Cette réponse va exactement à l’inverse de la vôtre. Vous décrédibilisez la parole de l’État !
Mme la présidente
Veuillez conclure, cher collègue.
M. Michel Herbillon
L’affaire n’en restera pas là : nous allons mobiliser les habitants et les élus afin que, tout bonnement, l’État respecte ses engagements.
Transport express régional
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Trébuchet, pour exposer sa question, no 168, relative au transport express régional.
M. Vincent Trébuchet
Ma question s’adresse au ministre chargé des transports. Dans une étude publiée en septembre dernier, l’association UFC-Que choisir a dressé un état préoccupant de la fiabilité des TER, signalant un recul de la ponctualité et une augmentation du nombre d’annulations. En 2023, près de 10 % des trains ont été supprimés, plus de 11 % sont arrivés en retard, ce qui constitue, je le répète, une nette détérioration. Ces dysfonctionnements freinent l’adoption du train, alors que le taux d’occupation moyen – 31,5 % – reste faible, preuve qu’une amélioration du service pourrait attirer davantage d’usagers.
Le problème réside dans un manque chronique d’investissements au profit des infrastructures ferroviaires locales. Tandis que le réseau à grande vitesse continue de capter la majorité des financements, les petites lignes restent sous-dotées. Ce déséquilibre a été dénoncé à maintes reprises, tant par la Cour des comptes que par le Sénat, qui a également souligné le manque d’ambition du contrat de performance signé entre l’État et SNCF Réseau. Les conséquences sont bien visibles sur le terrain : le vieillissement des infrastructures entraîne une multiplication des incidents, pannes et ralentissements. En Ardèche, département très rural qui ne possède ni autoroute ni gare TGV ou TER, l’unique ligne ferroviaire côté drômois souffre d’un manque criant d’entretien, avec des trains régulièrement annulés ou saturés.
Les usagers se retrouvent ainsi contraints de recourir à la voiture, un non-sens écologique et économique à l’heure où l’État prône une transition vers des mobilités plus durables. Un habitué du trajet Saint-Vallier-Montélimar, dont, entre septembre et décembre, plus de la moitié des trains sont arrivés en retard ou ont été supprimés, a fini par laisser une voiture à sa gare d’arrivée, afin d’être certain de pouvoir rentrer chez lui ! Si les régions peuvent formuler des exigences envers SNCF Voyageurs, elles n’ont aucun pouvoir sur SNCF Réseau ni au sujet de l’investissement massif que nécessiterait la réfection des lignes, et qui relève de la compétence de l’État.
Dans un contexte de disette budgétaire pour le rail régional, où le gouvernement a annoncé vouloir économiser 100 milliards d’euros sur trois ans, pouvez-vous m’assurer que les promesses de réinvestissement dans ces lignes ne resteront pas lettre morte ?
L’absence d’engagements financiers suffisants risque de condamner définitivement les territoires ruraux au tout-routier, au détriment des habitants qui n’ont pas d’autre option viable.
Plus largement, quand le gouvernement engagera-t-il une politique ferroviaire réellement équilibrée, qui considère les TER non pas comme une charge mais comme un service public essentiel ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
Après des décennies de sous-investissement, le réseau des lignes de desserte fine du territoire s’est, en effet, progressivement dégradé, ce qui a conduit l’État et une majorité des régions à engager conjointement, à partir de février 2020, un plan national de remise à niveau de ces lignes, dans le but de pérenniser les services publics de transport qu’elles assurent, à commencer par les TER. Ce plan profite au tissu industriel, social et territorial et contribue, en particulier, au désenclavement des territoires ruraux ou de montagne, qui sont peu desservis par les différents modes de transport.
Un besoin de plus de 7 milliards sur dix ans a été identifié pour les lignes concernées, qui représentent un linéaire de l’ordre de 9 000 kilomètres.
Les crédits affectés par l’État ces dernières années, par l’intermédiaire des contrats de plan État-région (CPER), témoignent de l’attention particulière accordée à ces lignes. Ainsi, l’État a engagé plus de 550 millions d’euros entre 2020 et 2022, soit un triplement par rapport à la période précédente – ce n’est pas rien !
Cet effort se poursuit dans le cadre des volets mobilité des CPER pour la période 2023-2027, qui prévoient un investissement de 2,6 milliards sur les petites lignes, dont 780 millions apportés par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), au titre de la participation de l’État. Notons que 190 millions ont déjà été engagés. La programmation pour cette année, en cours d’élaboration, devrait permettre l’allocation d’environ 130 millions, grâce au vote du projet de loi de finances pour 2025.
Comme vous pouvez le constater, le gouvernement est pleinement engagé en faveur du réseau des petites lignes ferroviaires, en particulier celles qui desservent les territoires ruraux.
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Trébuchet.
M. Vincent Trébuchet
Votre réponse n’est pas de nature à rassurer les usagers, qui sont quotidiennement confrontés aux retards, aux incidents et aux annulations. Cette situation s’ajoute au ras-le-bol général ressenti dans les territoires ruraux ; c’est une énième manifestation du manque de prise en considération desdits territoires dans les politiques publiques.
On ne prend même plus la peine de citer tous les dispositifs qui ne sont pas compris par les habitants concernés : malus automobile, diagnostic de performance énergétique (DPE), fin des transports sanitaires, fermetures en chaîne d’écoles rurales, loi zéro artificialisation nette (ZAN) hors sol ! Et pendant que le train dysfonctionne gravement, des agents de l’Agence de la transition écologique (Ademe) viennent à plein temps dans nos villages étudier les possibilités de mobilité douce ! Les ruraux ne comprennent plus l’action de l’État, qui leur paraît totalement déconnectée. Cela se traduit, dans les urnes, par l’élection de plus en plus fréquente de députés issus du bloc national, censés mieux porter leur voix. Ils ont en effet l’impression que les autres candidats ne sont plus en mesure d’apporter des réponses concrètes, en prise directe avec leurs territoires.
Je reste dans l’attente d’une réponse du gouvernement sur la ligne qui relie Valence à Montélimar.
Désenclavement de la Lozère
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Pantel, pour exposer sa question, no 166, relative au désenclavement de la Lozère.
Mme Sophie Pantel
L’absence d’investissement suffisant ces trente dernières années pour désenclaver la Lozère, en particulier sur les routes nationales 88 et 106, a conduit la région Occitanie à se retirer de l’expérimentation qui lui transférait la maîtrise d’ouvrage.
Le rail n’est pas mieux loti. Cette situation contribue à accentuer un sentiment d’abandon et de déclassement au sein de la population – mon collègue Vincent Trébuchet vient de l’évoquer –, qui subit des temps de trajets toujours plus longs, des retards, des pannes à répétition, un matériel roulant vieillissant, des gares fermées, autrement dit un service public particulièrement dégradé.
Le maintien et le développement du fret, que ce soit en Lozère ou ailleurs, sont des enjeux majeurs de la transition écologique, pour soutenir l’industrie et faciliter les déplacements du quotidien, notamment l’acheminement des scolaires depuis les départements voisins.
Les territoires de montagne apportent beaucoup à la nation, à travers leurs aménités, et attendent un juste retour, en vertu de la solidarité inhérente au pacte républicain.
La Lozère est le département le plus enclavé de France – je réside ainsi à six heures trente en transport de la capitale et à trois heures trente de la capitale régionale. Il s’agit du seul département dont la ville-préfecture n’est pas traversée par une autoroute ni desservie par un aéroport.
Les lignes du « H lozérien » s’inscrivent toujours dans le schéma européen du fret et relient deux trains d’équilibre du territoire, le Cévenol et l’Aubrac, qui sont essentiels non seulement pour le transport des scolaires, mais aussi pour le maintien de l’usine ArcelorMittal. C’est ce qui a conduit les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie à investir fortement – à hauteur de 40 millions – dans les travaux d’urgence sur la ligne de l’Aubrac.
Pour cette même ligne, des travaux de modernisation sont encore à prévoir, évalués à 150 millions. Ma première question porte sur l’engagement du gouvernement à participer à ce projet et à le soutenir auprès de SNCF Réseau.
S’agissant du train de nuit, un projet de tri-branche existe : l’état actuel du réseau permettrait de desservir immédiatement la Lozère, avec une arrivée à Marvejols.
J’en viens à la ligne des Cévennes. À l’automne dernier, un train express régional (TER) a déraillé, en raison des épisodes cévenols. Depuis, le côté est du département – en particulier Villefort et Langogne – n’est plus desservi. Une reprise du service est annoncée pour le mois d’avril. Pouvez-vous me le confirmer et préciser quels sont les engagements de l’État pour rénover cette ligne ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
Le gouvernement a pleinement conscience de l’importance des lignes de l’Aubrac et des Cévennes, en matière d’aménagement et d’attractivité de la Lozère. C’est pourquoi le volet 2023-2027 des contrats de plan État-Région (CPER) prévoit des engagements financiers conjoints de l’État et des régions pour la régénération de ces deux lignes, à hauteur de 190 millions d’euros en Occitanie et d’environ 45 millions en région Auvergne-Rhône-Alpes.
La ligne de l’Aubrac tient compte en particulier de l’objectif de développement économique et industriel du site sidérurgique de Saint-Chély-d’Apcher. Pour pérenniser la desserte ferroviaire du site, plusieurs opérations de régénération de la ligne entre Neussargues et Saint-Chély-d’Apcher ont été menées ces dernières années. La dernière, d’un coût de 43 millions, a été financée à 100 % par l’État et SNCF Réseau, en l’absence de cofinancement des deux régions concernées. Ces travaux, réalisés en 2024, permettent d’assurer, pour plusieurs années, la pérennité de la desserte en fret de Saint-Chély-d’Apcher, remise en service en novembre dernier.
Par ailleurs, une procédure de renouvellement du matériel utilisé pour les trains de nuit est lancée.
Enfin, vous évoquez le déraillement du TER intervenu le 25 octobre dernier, à la suite d’un glissement de terrain, sur la ligne des Cévennes entre Génolhac et Villefort. Les équipes de SNCF Réseau se sont rapidement mobilisées afin d’évaluer la situation et les importants moyens à déployer pour remettre la ligne en état, dans un environnement naturel difficile. L’ensemble des moyens humains et techniques de SNCF Réseau sont mobilisés pour permettre la restitution de la voie à la circulation le 25 avril prochain.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Pantel.
Mme Sophie Pantel
Vous ne répondez pas totalement : vous rappelez les investissements passés, mais n’évoquez pas les investissements à venir, qui étaient pourtant l’objet de ma question. Y a-t-il un engagement ferme de la part de l’État concernant les travaux de rénovation des voies de l’Aubrac et du Cévenol ? Je rappelle que le sud du Massif central se situe dans la grande diagonale du vide.
Je soutiens également les demandes des collègues s’agissant de la ligne Clermont-Ferrand-Paris, essentielle et garante, pour nous, de la continuité géographique.
Rappelons en outre que, dans nos territoires, il n’existe pas de solution alternative ni de moyens de transport collectifs. Vous ne pouvez pas, d’un côté, tenir un certain discours en matière de transition écologique et, de l’autre, ne pas définir des orientations claires en faveur du rail – ou du moins ce qu’il en reste. Même si nous entendons vos déclarations et savons ce qui a été voté dans le cadre de la loi de finances, il est nécessaire que le ministre des transports nous rassure quant à son engagement vis-à-vis de ces deux lignes.
Logement social
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Nosbé, pour exposer sa question, no 155, relative au logement social.
Mme Sandrine Nosbé
En 2017, le président de la République Emmanuel Macron avait formulé une grande promesse : mettre fin au sans-abrisme. En 2024, 735 personnes sont mortes de la rue. La France a établi là un record – du jamais-vu depuis douze ans !
À l’heure actuelle, un Français sur cinq est touché par la crise du logement ; 350 000 personnes sont sans domicile ; 2,7 millions de ménages attendent l’attribution d’un logement social ; 12 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique. En France hexagonale, plus de 17 millions de personnes ont eu froid l’hiver dernier, soit un Français sur quatre. Dans les outre-mer, un Français sur quatre est mal logé, sans parler de Mayotte, où la situation était déjà catastrophique avant le passage du cyclone Chido.
Ces chiffres implacables traduisent une terrible réalité. Pourtant, votre gouvernement, comme ses prédécesseurs, ne réagit pas ! Or l’indifférence ne déresponsabilise pas : vous êtes responsables !
En dix ans, le nombre de personnes qui attendent un logement social a augmenté de 1 million – et certaines attendent depuis plus de dix ans. Pourtant, parallèlement, le nombre d’attributions de logements sociaux a diminué de 100 000 en un an.
En Isère, département dans lequel se situe ma circonscription, sur près de 35 000 demandes de logement social, moins de 10 000 ont été satisfaites l’année dernière. Et moins de la moitié des logements en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), destinés aux ménages en situation de grande précarité, ont été financés.
Par ailleurs, de nombreux locataires de logement social m’ont interpellée à propos de l’insalubrité de leur habitat. Il est ici question de logements indignes, vétustes et indécents – comme l’a constaté le tribunal judiciaire de Grenoble dans plusieurs ordonnances. Dans ces logements, il n’y a eu ni eau chaude ni chauffage pendant plusieurs semaines ; les factures de gaz et d’électricité sont astronomiques ; la moisissure est telle que des locataires ont développé des problèmes de santé, directement liés à l’état du logement.
La semaine dernière, quarante associations ont attaqué l’État en justice pour non-assistance à personnes mal logées, de sorte que cette impunité cesse, que des logements durables, propres et accessibles soient attribués, que l’on garantisse une vie digne, qu’il n’y ait plus de morts.
Quelles dispositions concrètes la ministre chargée du logement compte-t-elle prendre pour mettre fin à ces situations dramatiques, à cette remise en cause du droit au logement décent, à la diminution du nombre de constructions et de rénovations de logements à loyer modéré ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
La ministre chargée du logement, Valérie Létard, m’a confié le soin de vous répondre.
Si les bailleurs sociaux ont su être résilients, sortir de la crise du logement nous oblige à un réinvestissement d’ampleur. Cette crise implique de mobiliser tous les leviers pour accompagner la relance de la production de logements très sociaux et la rénovation énergétique du parc social.
Tel est le sens de la feuille de route que la ministre chargée du logement a signée avec le mouvement HLM le 7 février dernier. Celle-ci rappelle le réinvestissement prévu dans la loi de finances pour 2025, qui a notamment abaissé de 200 millions d’euros la réduction de loyer de solidarité, qui pèse sur les recettes des bailleurs sociaux. De plus, l’État versera 50 millions en faveur du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) destiné aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, dont je suis chargée – je me suis battue pour obtenir ce montant.
Ces mesures s’ajoutent à la baisse du taux du livret A – ramené de 3 % à 2,4 % le 1er février. Celle-ci permet de diminuer les charges des bailleurs sociaux de 850 millions d’euros sur une année pleine. Cet ensemble de dispositions crée donc un contexte favorable pour atteindre l’objectif ambitieux que nous nous sommes fixé de 116 500 logements sociaux agréés en 2025.
Dans le même temps, 120 000 à 130 000 logements sociaux devront faire l’objet d’une rénovation énergétique au cours de l’année 2025. À cette fin, les bailleurs sociaux pourront mobiliser le dispositif Seconde vie des bâtiments, qui leur permet, lorsqu’ils remettent à neuf leur parc, de bénéficier des mêmes avantages fiscaux qu’en cas de production nouvelle. Enfin, conformément à l’engagement de la ministre chargée du logement, les 200 millions d’euros d’aides à la rénovation énergétique qui ont été gelés à l’été 2024 seront reportés en 2025.
S’agissant de votre circonscription, sur les près de 8 250 logements sociaux, seuls 330 sont classés F et 36 sont classés G. Par ailleurs, en 2024, 215 logements locatifs sociaux (LLS) ont été agréés dans la circonscription, dont 74 PLAI – soit 34 %, contre 30 % au niveau national. Le ministère du logement tient le détail de ces chiffres à votre disposition.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Nosbé.
Mme Sandrine Nosbé
Dès lors, pourquoi une baisse de 1,6 milliard est-elle prévue dans les crédits consacrés au logement ? Depuis 2017, le nombre de nouveaux logements sociaux a diminué de 30 %. L’heure n’est plus aux déclarations d’intention : il faut des actes ; il faut mener une politique volontariste de construction. Nous avons besoin de 250 000 logements par an pour mettre fin aux situations dramatiques que j’ai évoquées. Le sans-abrisme tue. Par votre inaction, vous êtes responsables !
Logement social
Mme la présidente
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour exposer sa question, no 149, relative à la situation du logement social.
Mme Elsa Faucillon
Près de 90 % de mes rendez-vous de permanence sont consacrés au problème du manque criant de logements. C’était moitié moins en 2017, au cours de mon premier mandat.
Je pense à cette dame, dont le divorce a été prononcé et qui, faute d’obtenir un logement, doit cohabiter avec son ex-mari dans une ambiance insupportable. Une autre dame, dont la demande de logement formulée il y a six ans n’a toujours pas abouti, doit continuer à vivre chez ses beaux-parents, dans un T3 avec son mari et ses deux enfants. Ils ont beau travailler tous les deux, ce n’est pas suffisant pour obtenir un logement dans le parc privé. Ils ne se sentent pas chez eux et la tension monte. Et aussi, cette dame seule, qui vit dans un logement trop petit pour elle et ses trois enfants, mais au loyer trop élevé pour son salaire. Elle ne gagne pas suffisamment pour obtenir un logement plus grand, ce dont elle aurait pourtant besoin car l’un de ses fils est handicapé et a besoin d’un espace pour lui seul.
Chaque semaine, on entend les mêmes récits, les mêmes douleurs, les mêmes désarrois – vous le savez, puisque vous êtes vous-même une élue, madame la ministre.
La crise du logement est grave en Île-de-France. Derrière les statistiques se cachent de véritables drames humains qui frappent au cœur de nos quartiers, de nos villes, de notre région. Seulement 570 000 logements sociaux sont disponibles pour 2,4 millions de demandeurs, soit un peu plus de quatre familles pour un toit disponible. Depuis 2017, le nombre de demandeurs a explosé de 17 %. Ces demandeurs, ce sont des salariés, de jeunes couples qui s’installent dans la vie, des retraités ou des personnes en situation de handicap qui ont besoin d’un logement adapté. Ils ne trouvent pas à se loger ailleurs que dans le parc social car les loyers et les prix de l’immobilier dans le privé sont devenus indécents ou parce qu’ils n’ont pas les garanties suffisantes. L’Île-de-France est la championne de l’indécence : les loyers y sont quarante-trois fois plus élevés que dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Que fait l’État, pendant ce temps ? Il se désengage. Les dépenses publiques dédiées au logement ont chuté de plus de 10 % depuis 2016. Qui paie la facture ? Les familles, puisque les factures pour se loger ont bondi de 28 %. Onze ans : c’est le temps moyen d’attente pour un logement social dans la métropole du Grand Paris, mais c’est aussi une vie entière pour une famille qui souffre.
Or que font certains maires de droite et la région Île-de-France ? Ils mènent une guerre idéologique contre le logement social, chassant ainsi les classes moyennes et populaires de nos villes. Les conséquences sont dramatiques : des femmes battues restent prisonnières de leur bourreau ; des marchands de sommeil s’engraissent ; des travailleurs sont contraints à des heures de trajet interminables, saturant ainsi la circulation et polluant l’atmosphère. Je pense aussi aux enfants, entassés dans des logements trop petits, ce qui fait peser un risque sur leur santé mentale.
Il n’est que temps d’agir, et avec force ! Si vous ne savez pas quoi faire, nous avons quelques propositions : remettre sur le marché les logements vides, mettre fin aux locations temporaires qui vident nos centres-villes, baisser la TVA sur le logement social pour relancer la construction. Nous vous demandons de soutenir les maires bâtisseurs ; d’imposer 30 % de logements sociaux dans chaque nouveau projet ; de faire respecter la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU ; d’augmenter l’aide à la pierre pour les HLM afin que les loyers soient enfin abordables – il n’est plus possible qu’ils demeurent aussi élevés.
Je veux croire que l’absence de ministère de plein exercice n’est pas le signe de l’indifférence du gouvernement. Il est temps de mettre fin à cette tragédie du logement en Île-de-France.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
Vous pouvez être assurée, madame la députée, que le gouvernement partage pleinement votre inquiétude quant aux délais d’attente. Ce sont souvent, hélas, les citoyens les plus modestes qui ont des difficultés à obtenir un logement social.
Les commissions départementales de médiation prennent en compte, parmi les critères de reconnaissance des ménages, le dépassement d’un délai anormalement long pour obtenir un logement. De plus, l’application de la cotation de la demande de logement social permet de faire ressortir les dossiers des demandeurs ayant l’ancienneté la plus longue pour qu’ils soient examinés en priorité par les commissions d’attribution des logements sociaux.
Par ailleurs, la ministre chargée du logement a signé avec les bailleurs sociaux, le 7 février dernier, une feuille de route 2025 pour le logement social. Son ambition est de relancer la construction pour atteindre la production de 100 000 nouveaux logements sociaux, auxquels s’ajoutent 16 500 logements dans le cadre de la politique de la ville et de la rénovation urbaine. Pour accompagner cette relance, nous avons diminué la réduction de loyer de solidarité (RLS). Ces mesures s’ajoutent à la baisse du taux du livret A – ramené de 3 % à 2,4 % le 1er février –, qui permet de diminuer les charges des bailleurs sociaux de 850 millions d’euros sur une année pleine.
L’ensemble de ces actions a pour objectif de redonner rapidement aux bailleurs sociaux des capacités d’investissement, de fluidifier les attributions de logements sociaux et d’augmenter le nombre d’attributions chaque année, en développant l’offre disponible pour répondre aux besoins des ménages les plus en difficulté.
Mme la présidente
La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa Faucillon
En Île-de-France, le système de cotation que vous avez évoqué permet simplement de gérer la pénurie. Le temps moyen d’attente reste de onze ans, ce qui n’est pas acceptable. Des personnes reconnues bénéficiaires du Dalo, le droit au logement opposable, attendent depuis quatre ou cinq ans : ces personnes sont déjà prioritaires. Nous avons besoin d’un grand choc ! La diminution de la RLS, on la prend, bien sûr, mais il faut financer beaucoup plus largement le logement social. En Île-de-France, 70 % de la population est éligible au logement social et rencontre des difficultés à se loger dans le parc privé.
Filière de la pêche française
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Golliot, pour exposer sa question, no 163, relative à la filière de la pêche française.
M. Antoine Golliot
Boulogne-sur-Mer, premier port de pêche français, est devenu le symbole des défis majeurs que traverse notre filière pêche. Avec plus de 350 entreprises et 7 000 emplois directs et indirects, ce territoire dépend largement de la pêche et de la transformation des produits de la mer.
Les pêcheurs français, notamment dans les Hauts-de-France, rencontrent de nombreuses difficultés. Le Brexit a réduit leurs zones de pêche, limitant l’accès aux eaux britanniques et réduisant leurs quotas. La hausse du prix du carburant pèse sur leur rentabilité – à ce sujet, le gouvernement doit être à l’écoute de leur revendication sur la Tiruert – taxe incitative relative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports. La raréfaction des ressources halieutiques du fait de la surpêche ou de l’installation de parcs éoliens en mer complique leur activité. On peut encore citer les réglementations européennes strictes et inadaptées. Mais j’aimerais ici appeler votre attention sur la présence croissante de capitaux étrangers qui menacent notre souveraineté économique et alimentaire.
En effet, de plus en plus d’armements et d’entreprises de transformation passent sous le contrôle d’entreprises et de capitaux étrangers. Dans le Boulonnais, il s’agit principalement de capitaux hollandais. Si l’investissement est bien sûr nécessaire pour moderniser et développer notre filière, il ne doit pas se faire au détriment de notre indépendance. À Boulogne-sur-Mer, des navires sous pavillon français sont parfois détenus par des capitaux étrangers, et les décisions stratégiques sont prises hors de France, souvent au détriment des pêcheurs locaux. Cette situation nous expose à des risques : captation des quotas de pêche, délocalisation des bénéfices et pressions sur les prix, qui asphyxient nos artisans pêcheurs.
Or la pêche artisanale, qui constitue l’âme de nos ports, est la première victime de cette logique. Nos marins-pêcheurs, qui pratiquent une pêche respectueuse des ressources halieutiques et défendent un savoir-faire ancien, peinent à faire face à ces géants étrangers. Ils doivent affronter des coûts de production toujours plus élevés, des marges réduites et une instabilité économique grandissante, tandis que certaines grandes structures sous contrôle étranger imposent leurs conditions sur le marché, tirant les prix vers le bas.
Il est urgent d’établir, pour la filière pêche française, une stratégie claire qui défende notre pêche artisanale et fasse en sorte que la richesse halieutique française profite avant tout à nos territoires et à nos entreprises de pêche.
Comment le gouvernement entend-il protéger nos entreprises de pêche face à une présence de plus en plus forte de capitaux étrangers ? Est-il envisagé de renforcer les outils de contrôle sur les prises de participation étrangères dans la filière, à l’image de ce qui se fait dans d’autres secteurs stratégiques ? Il y va de la survie de notre modèle de pêche et de l’avenir des milliers de familles qui en dépendent. La France peut-elle encore garantir un avenir à ses pêcheurs face à ces géants qui menacent leur existence ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
La pêche française reste majoritairement artisanale et familiale, à hauteur de près de 70 %. Cependant, certains armements français à la grande pêche – qui permettent à nos criées de vivre puisqu’ils fournissent 40 % des prises qu’elles traitent – sont effectivement en partie détenus par des capitaux européens, le plus souvent néerlandais. Vous le savez, ces armements emploient des pêcheurs français qualifiés et leurs retombées économiques bénéficient presque exclusivement au territoire français. Il importe aussi de rappeler que ces capitaux européens ont assuré la survie d’entreprises françaises qui traversaient des périodes économiques délicates, ce qui a sauvé l’activité, les emplois et le savoir-faire, en l’absence d’investisseurs français.
Le gouvernement reste évidemment très vigilant quant aux retombées économiques de ces armements sur le territoire, à la fois en mer et à terre, et quant à la meilleure valorisation des possibilités de pêche détenues par la flotte française compte tenu de l’antériorité de ses droits.
Enfin, le gouvernement s’est toujours attaché à valoriser la diversité des pêches françaises permettant la structuration d’un secteur au cœur de notre souveraineté alimentaire. Le contrat stratégique de filière qui est en cours d’élaboration avec nos pêcheurs a pour objectif de conforter toutes les composantes de la chaîne de valeur, qui va de la pêche à la valorisation des produits dans nos territoires. Vous pouvez compter sur moi pour rester vigilante quant au point sur lequel vous nous avez alertés. L’État jouera son rôle dans ce cadre, afin de donner la meilleure prévisibilité à notre filière tout en renforçant la résilience de nos économies littorales.
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Golliot.
M. Antoine Golliot
Je vous remercie pour votre réponse, mais je crains que vous ne fassiez preuve d’une certaine naïveté, ne réalisant pas l’importance que prennent les capitaux étrangers, tant dans les armements que dans les entreprises installées à terre. Il faut s’en inquiéter. Que ferez-vous quand ces capitaux étrangers auront établi un monopole ? Que restera-t-il de la France et de l’esprit français quand toutes ces entreprises seront passées sous domination étrangère ? Vous devez agir avec détermination. Nos pêcheurs veulent savoir de quoi demain sera fait.
Zone de protection forte dans l’archipel de Chausey
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Sorre, pour exposer sa question, no 145, relative à l’établissement d’une zone de protection forte dans l’archipel de Chausey.
M. Bertrand Sorre
La France s’est engagée en 2022 à classer en aire protégée 30 % de ses écosystèmes terrestres et marins, dont 10 % sous protection forte. L’archipel de Chausey est un quartier insulaire de Granville, situé à 17 kilomètres de la côte normande, dans la deuxième circonscription de la Manche, où je suis élu. La perspective d’y établir une zone de protection forte (ZPF) suscite de très fortes et légitimes inquiétudes.
L’environnement naturel exceptionnel de l’archipel de Chausey est un joyau déjà soumis à plusieurs dispositifs de protection et jalousement préservé. Son état de conservation témoigne d’ailleurs de la capacité des acteurs à prendre soin de ces espaces, qui constituent leur environnement quotidien.
Les herbiers de zostères, riches en faune benthique et utiles à la biodiversité, présentent tous les signes de bonne santé. Ils y sont d’ailleurs en phase d’expansion géographique depuis 1982, Chausey abritant le deuxième plus grand herbier de France. Et pourtant, ils sont au centre de ce projet de création d’une ZPF.
Pêcheurs professionnels, conchyliculteurs, élus du territoire, pêcheurs de loisir sont tous investis ici dans une logique durable et œuvrent en ce sens. Ils s’opposent d’autant plus à ce projet qu’ils ont intégré des pratiques vertueuses visant à réduire leur empreinte environnementale.
Les pêcheurs professionnels de Granville pratiquent une pêche artisanale et côtière qui n’a rien de commun avec la pêche industrielle et le pillage des fonds marins. La conchyliculture, elle aussi vertueuse, grâce à l’action de filtration des bivalves, participe à l’amélioration de la qualité des eaux et régule d’elle-même ses zones d’élevage.
Les activités maritimes soutiennent l’économie et les emplois. Ces filières sont déjà fragilisées économiquement par une succession de crises : le covid ; le Brexit, particulièrement préjudiciable dans cette région proche des îles anglo-normandes ; la prédation des araignées de mer ; la flambée des prix de l’énergie ; le réchauffement des eaux, qui provoque une raréfaction du bulot ; le norovirus. Les pénaliser entraînerait un déclin socio-économique global du bassin granvillais. L’inquiétude, croyez-moi, est forte.
L’objectif de préservation environnementale n’est ni rejeté ni négligé, bien au contraire ! La protection de l’environnement constitue un enjeu majeur pour les pêcheurs et éleveurs marins, puisque l’avenir de leur activité dépend directement de la santé des écosystèmes. Toutefois, le souhait – unanime – est d’étudier et d’évaluer les interactions entre les activités humaines et les habitats benthiques avant d’adopter toute nouvelle mesure. Pouvez-vous m’assurer qu’il y aura une concertation et que les acteurs locaux seront associés à toute éventuelle nouvelle décision concernant une ZPF ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Oui, je peux vous assurer qu’ils seront associés ; il y aura une concertation.
Vous l’avez dit, le secteur de Chausey abrite une biodiversité marine exceptionnelle. Aussi ces zones bénéficient-elles déjà d’une protection significative grâce à leur classement comme site Natura 2000.
Le site des îles Chausey a été identifié comme une ZPF potentielle au sein du plan d’action du document stratégique de façade, établi par les préfets coordonnateurs de façade. Le conseil maritime de façade, dans lequel siègent les professionnels de la mer et du littoral, a été étroitement associé à l’élaboration de ce document, qui acte une gestion intégrée de la mer et du littoral.
Le gouvernement a pris la mesure des préoccupations exprimées par les acteurs locaux à ce sujet. Je partage pleinement votre avis selon lequel l’adhésion des acteurs et de la population est primordiale pour la mise en œuvre d’une politique environnementale durable. C’est la raison pour laquelle, dès la rédaction du document stratégique de façade, il a été précisé que la concertation concernant la ZPF de Chausey se tiendrait dans le cadre des groupes de travail Natura 2000 de cette façade maritime.
J’entends les inquiétudes des pêcheurs et suis consciente de l’importance d’une concertation à ce sujet, comme l’était mon prédécesseur Hervé Berville il y a deux ans. C’est pourquoi je tiens à maintenir cette instance de concertation autour du préfet de la Manche, afin de permettre à tous les acteurs concernés de contribuer activement à la réflexion sur cette question dans les prochains mois.
Dernière précision importante : une ZPF n’est pas une zone dépourvue d’activité humaine ; c’est une zone dans laquelle les activités humaines sont conciliées avec la nature. Je n’oppose pas nature et homme : le propre de l’écologie est précisément de les faire vivre ensemble de manière équilibrée.
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Sorre.
M. Bertrand Sorre
Je vous remercie pour cette réponse étayée et pour votre précision sur la cohabitation nécessaire entre l’homme et les espaces naturels.
Me faisant là encore le porte-parole des élus et professionnels du territoire, je vous transmets une invitation : si votre agenda vous le permettait, une visite de votre part à Granville serait particulièrement appréciée. Le dialogue que vous prônez est attendu par les acteurs du territoire.
Dispositif d’aide au retour dans les outre-mer
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Serva, pour exposer sa question, no 157, relative au dispositif d’aide au retour dans les outre-mer.
M. Olivier Serva
Il y a plus de deux ans, dans le cadre de la mission Outre-mer du projet de loi de finances pour 2024, nous avons voté 2 millions d’euros de crédits en faveur d’une aide au retour au pays pour les ultramarins. Nous sommes en février 2025, et le dispositif prend la poussière dans les tiroirs de Bercy et de la rue Oudinot. C’est regrettable car, une fois de plus, la parole de l’État perd en crédibilité. Mes administrés m’interrogent régulièrement sur cette aide au retour, et je ne sais quoi leur répondre.
Mes collègues Karine Lebon, Max Mathiasin, Stéphane Lenormand, Steve Chailloux et moi-même avions fait adopter par amendement un principe simple : une personne est éligible à l’aide au retour sous réserve d’avoir bénéficié préalablement d’une aide de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom) pour étudier dans l’Hexagone. Ce dispositif avait été approuvé par le gouvernement de l’époque, mais il ne s’est rien passé depuis ! C’est d’autant plus grave que le prix des billets d’avion va encore augmenter.
L’État n’honore pas sa parole, alors qu’il s’était engagé à exonérer les liaisons entre les outre-mer et l’Hexagone de la taxe sur les billets d’avion. Il nous est indiqué que le budget de Ladom sera revu à la hausse en contrepartie de l’augmentation de cette taxe, mais cela n’est pas pour nous rassurer, car un faible pourcentage d’ultramarins mobilisent les dispositifs de Ladom, qui sont axés sur des publics spécifiques.
Ma question est double. Quand le dispositif d’aide au retour sera-t-il concrètement lancé ? Le gouvernement peut-il nous éclairer sur la compensation prévue en contrepartie de l’augmentation de la taxe sur les billets d’avion : quel en sera le montant ? Comment sera-t-elle fléchée ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, ministre des outre-mer.
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
Nous le savons, de nombreux territoires ultramarins sont confrontés à un vieillissement de leur population et à l’exode de leur jeunesse, souvent en raison d’un manque de possibilités professionnelles et de perspectives. J’estime que l’ensemble du modèle économique et de développement de ces territoires doit être revu, avec un objectif simple : qu’ils rayonnent par eux-mêmes et pour eux-mêmes.
La proposition de loi adoptée en première lecture à l’Assemblée en juin 2023, dont Max Mathiasin et vous-même étiez à l’origine, avait posé un premier jalon vers la création d’un passeport retour. Cette idée a ensuite été intégrée dans les engagements du comité interministériel des outre-mer (Ciom) de juillet 2023, puis le dispositif a été créé par la loi de finances pour 2024. Son but est simple : faciliter le retour dans leur territoire d’origine des hommes et des femmes ayant rejoint l’Hexagone dans leur jeunesse grâce à un passeport mobilité étude, un stage professionnel ou une formation. Cette aide est évidemment conditionnée à une embauche, un projet de création ou de reprise d’entreprise, ainsi qu’à des seuils de revenus afin d’éviter des effets d’aubaine. Le passeport retour correspond généralement à une prise en charge du titre de transport, mais peut aussi prendre la forme d’une allocation forfaitaire d’installation, voire d’une prise en charge des frais de déménagement.
Votre question porte sur l’entrée en vigueur de cet accompagnement. J’ai ouvert les tiroirs et enlevé la poussière : je peux vous confirmer que la publication des textes d’application est prévue avant la fin du premier trimestre 2025. Les premiers dossiers pourront être instruits par Ladom à partir de ce moment-là.
Je rappelle que, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, 16 millions d’euros supplémentaires ont été accordés par voie d’amendement pour permettre à Ladom d’exercer ses missions. Je n’entre pas aujourd’hui dans le débat relatif à la taxe sur les billets d’avion, même si c’est, bien évidemment, un sujet important.
J’ai bien conscience que le passeport retour ne peut à lui seul inverser la tendance à la déprise démographique qui touche notamment votre territoire, mais il peut constituer, j’en suis convaincu et telle était l’idée de départ, une pierre dans une politique plus large en faveur de l’attractivité des territoires ultramarins. Pour construire l’avenir de ces territoires, il faut donner un avenir à leurs jeunesses.
Contrats d’apprentissage
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour exposer sa question, no 162, relative aux contrats d’apprentissage.
Mme Béatrice Roullaud
Je souhaite appeler l’attention du gouvernement sur une difficulté rencontrée dans ma circonscription de Seine-et-Marne – et sans doute ailleurs – concernant l’attribution des aides financières attachées aux contrats d’apprentissage. Ces contrats, qui constituent une voie essentielle pour l’insertion professionnelle des jeunes, donnent lieu dès la première année au versement à l’entreprise d’une aide à l’embauche de 6 000 euros. Cette aide vise à encourager les employeurs à recruter des apprentis et à leur offrir une formation dans leur entreprise, le but étant de les accompagner jusqu’à l’obtention de leur diplôme, au bout de deux ans.
Toutefois, un problème majeur se pose : certaines entreprises profitent du dispositif de manière abusive. En effet, il arrive que des employeurs recrutent un apprenti et perçoivent l’aide financière correspondante, mais licencient le jeune en fin de première année. L’apprenti se retrouve alors au milieu du gué, sans possibilité de finaliser sa formation et d’obtenir le diplôme nécessaire à son insertion sur le marché du travail.
Mais ce n’est pas tout. Certains employeurs possédant plusieurs sociétés exploitent une faille du dispositif : pour continuer à bénéficier des aides publiques, ils organisent, après la première année, un transfert artificiel des apprentis d’une entreprise à l’autre. Grâce à cette manœuvre, ils perçoivent une seconde fois l’aide à l’embauche. Ce n’est pas conforme à l’esprit du contrat, qui prévoit un engagement sur deux années consécutives.
Face à ces dérives, il est essentiel que des mesures soient prises. Le gouvernement envisage-t-il de verser la prime en deux fois, pour éviter ces détournements ? À défaut, quelles mesures compte-t-il prendre ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Vous posez une question importante. La réforme de l’apprentissage a été un très grand succès, même s’il nous faut rester vigilants sur l’augmentation des taux d’abandon et de rupture. Je ne rappelle pas les règles qui encadrent le contrat d’apprentissage, vous les connaissez comme moi. En cas d’abus, l’employeur peut être attrait devant le conseil de prud’hommes.
J’en viens à vos deux questions. Avant 2017, l’aide était versée en deux temps. Or c’est le versement de l’aide dès la première année – source de prévisibilité pour les entreprises – qui a véritablement permis le développement de l’apprentissage.
En revanche, il nous faut à présent renforcer l’encadrement des contrats. Le ministère que je dirige exerce en la matière des contrôles resserrés. Nous avons lancé fin novembre une concertation avec les partenaires sociaux et les centres de formation d’apprentis (CFA) pour améliorer la qualité de la formation – il y a une préoccupation à ce sujet – et empêcher les abus. Je rappelle que les CFA sont invités à signaler les abus qu’ils constatent et à cesser de passer des contrats avec les entreprises qui les commettent. Voilà où nous en sommes.
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Roullaud.
Mme Béatrice Roullaud
Je vous remercie, madame la ministre, pour votre réponse très précise.
Société Amis-Sifcor
Mme la présidente
La parole est à M. Bartolomé Lenoir, pour exposer sa question, no 169, relative à la société Amis-Sifcor.
M. Bartolomé Lenoir
Je souhaite interroger le gouvernement sur l’entreprise Amis, sous-traitant automobile qui possède un site à Guéret, dans mon département, la Creuse.
En préambule, il me semble nécessaire de dire que le secteur automobile français est en chute libre à cause d’une politique ubuesque : d’un côté, la France, via l’Union européenne, livre son industrie à la Chine et aux États-Unis, où les normes en matière d’émission de CO2 sont bien moins exigeantes que les nôtres ; de l’autre, le socialisme latent dans notre pays augmente perpétuellement les charges et les taxes pesant sur nos entreprises.
En conséquence, la Creuse va encore perdre un pan de son attractivité économique, avec la fermeture de ce site. Notre ruralité est le grand perdant perpétuel d’une politique que l’on voudrait écologique. Rappelons au passage que, dans la Creuse, on est en train de fermer les lignes de train pour les remplacer par des bus ! Il est essentiel de renouer avec le bon sens : que pouvons-nous faire pour conserver ce site ? Le gouvernement a-t-il, avec le groupe Sifcor, trouvé un potentiel repreneur ?
Je me suis rendu sur le site de Guéret pour rencontrer les salariés de la société Amis. Ce sont des gens honnêtes, qui ont beaucoup travaillé et sont fiers du savoir-faire qu’ils maîtrisent. Ces personnes seront licenciées et vont se trouver, ainsi que leurs familles, en grande difficulté dans les jours à venir. Que comptez-vous faire pour elles ? Dans une France où le travail a plus que jamais besoin d’être encouragé, nous devons les soutenir, car elles le méritent.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Lors d’un déplacement dans l’Allier, j’ai eu l’occasion de discuter du sort de l’entreprise Amis avec le maire de Montluçon, ville où la société possède un autre site de production. Plusieurs échanges ont eu lieu entre l’entreprise et l’administration pour améliorer le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pendant la phase d’élaboration. Des discussions sont également en cours avec le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) et la délégation interministérielle aux restructurations d’entreprises.
Nous sommes dans une phase d’accompagnement professionnel des salariés. Nous travaillons étroitement avec le régime de garantie des salaires pour prendre en charge les aides accessoires aux mesures de reclassement du PSE. Eu égard à l’importance des effectifs concernés, le ministère du travail et de l’emploi a activé la prestation « grands licenciements », pour renforcer l’accompagnement des salariés de Guéret et de Montluçon, en plus du contrat de sécurisation professionnelle (CSP). Les salariés sont pris en charge de manière anticipée ; pendant six semaines, ils bénéficient d’une information sur les conséquences de leur licenciement, d’une aide dans leur démarche d’adhésion au CSP et d’un premier appui dans leur réflexion sur leur projet professionnel, en lien avec France Travail.
Le 12 février, la préfecture de la Creuse a réuni les représentants syndicaux, le cabinet chargé de l’accompagnement et des acteurs économiques du territoire qui proposent des offres d’emploi. Une commission de suivi du PSE veillera à la bonne application des mesures prévues.
Je conviens avec vous que tout cela s’inscrit dans le cadre d’une profonde restructuration du secteur automobile. Celui-ci connaît de grands bouleversements qui affectent des sites et des fournisseurs de rang deux ou trois, dans votre département comme dans d’autres.
Mme la présidente
La parole est à M. Bartolomé Lenoir.
M. Bartolomé Lenoir
Je vous remercie pour votre réponse. Cependant, et avec tout le respect que je vous dois, j’espère que vos propos se traduiront en actes. Car les salariés du site de Guéret n’ont à ce jour aucune réponse concrète. Or ils ont besoin de savoir ce qui est prévu pour eux, notamment s’agissant des indemnités.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quatorze, est reprise à onze heures dix-sept.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Contrats parcours emploi compétences à La Réunion
Mme la présidente
La parole est à Mme Karine Lebon, pour exposer sa question, no 148, relative aux contrats parcours emploi compétences à La Réunion.
Mme Karine Lebon
Saint-Paul, Le Port, La Possession et toutes les autres communes de La Réunion mais aussi la région Réunion, les associations présentes sur le territoire et l’ensemble des structures de l’économie sociale et solidaire : tous ces acteurs comptent sur les contrats parcours emploi compétences (PEC) pour assurer leurs missions d’intérêt général. Les Réunionnaises et Réunionnais les plus éloignés du marché de l’emploi, et très souvent en grande difficulté sociale, comptent, eux aussi, sur ces contrats pour entrevoir un avenir professionnel et une sortie du tunnel de la précarité. Tous ont donc été consternés par l’annonce du préfet de La Réunion actant le désengagement prémédité de l’État dans le financement de ces contrats.
Bien plus qu’une simple aide à l’insertion professionnelle, ce dispositif constitue un levier crucial dans la lutte contre le chômage et pour l’inclusion sociale et le développement économique de notre territoire. Les taux de pauvreté et de chômage de La Réunion, qui touchent particulièrement les jeunes et les publics éloignés de l’emploi, figurent parmi les plus élevés de France. Face aux difficultés structurelles de notre marché du travail, le contrat PEC représente une réponse, certes temporaire, mais concrète.
La décision de l’État de se désengager de la politique volontariste menée à La Réunion en faveur de la réinsertion sur le marché du travail aura des conséquences désastreuses. L’arrêté préfectoral du 31 décembre 2024, qui détermine les taux de l’aide apportée par l’État pour le financement des contrats PEC, risque d’entériner la fin de la politique territoriale de justice sociale et d’accompagnement des plus défavorisés.
Le taux de prise en charge par l’État a été revu à la baisse au 1er janvier dernier, passant de 60 % à 53 %. La durée des contrats a elle aussi été réduite – dix mois au lieu de onze – et le temps hebdomadaire de travail est désormais fixé à 23,5 heures maximum, contre 26 précédemment.
Si le préfet est revenu sur sa décision pour un certain nombre de contrats PEC – notamment 400 contrats dédiés à la lutte antivectorielle –, des milliers d’autres restent encore menacés. Or, si le préfet avance comme argument la lutte contre l’épidémie de chikungunya pour justifier le maintien du financement de ces 400 contrats, il faudrait aussi préserver, pour la même raison, l’ensemble des emplois verts, essentiels à la lutte contre la prolifération des moustiques. D’après l’agence régionale de santé, le pic épidémique est attendu pour le mois de mai ; c’est donc aujourd’hui que tout se joue si l’on veut éviter une catastrophe sanitaire.
L’État joue un rôle crucial : il doit garantir que ces dispositifs perdurent et sont adaptés aux réalités du terrain. Lors de sa dernière visite à La Réunion, le président de la République s’était engagé à pérenniser le volume de 12 000 contrats PEC par an sur le territoire. En diminuant sa participation au financement de ces contrats, l’État neutralise cette promesse présidentielle. Pire : le budget 2025, que votre gouvernement vient de faire adopter, prévoirait le financement d’un nombre bien inférieur de contrats à La Réunion – de l’ordre de 7 000. Cette baisse brutale et non concertée de près de 40 % est inacceptable.
La nécessité de maintenir le financement des contrats PEC n’est pas uniquement d’ordre économique. Il s’agit d’un enjeu majeur de cohésion sociale. À La Réunion, où les inégalités sociales sont marquées, ce type de contrat a une fonction de tremplin. Il permet aux bénéficiaires non seulement d’acquérir des savoir-faire, mais aussi de gagner en confiance et en autonomie. Le travail n’est pas uniquement un moyen de subvenir à ses besoins ; c’est aussi un facteur essentiel d’intégration et de dignité humaine. Par ailleurs, les employeurs qui recourent aux contrats PEC ont besoin de ce soutien financier pour maintenir leurs activités et poursuivre leurs missions d’intérêt général.
Il faut se rendre à l’évidence : l’essence et la philosophie mêmes de ces contrats sont désormais dévoyées. Avec si peu de moyens, comment les associations pourraient-elles continuer d’assurer à la fois l’accompagnement social, l’immersion professionnelle et la formation des bénéficiaires ? Les communes, qui ont voté leur budget à l’équilibre en décembre en prenant en compte l’ancienne part de financement, voient quant à elles leurs finances plombées par cette annonce.
Le gouvernement doit prendre la mesure de la situation. Cette décision ne fera qu’entraîner une augmentation du taux de chômage structurel, qui touche déjà 18 % de la population active. Il est temps de faire un choix : veut-on précipiter notre territoire vers le désordre social ou préserver ce qui fait le cœur de notre cohésion ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Vous avez eu raison de rappeler la prévalence du chômage dans les territoires ultramarins, en particulier à La Réunion. Pour y faire face, l’État déploie entre autres les contrats aidés, notamment les contrats PEC dans le secteur non marchand – collectivités territoriales et associations. Rappelons que La Réunion, où les contrats aidés ont été mobilisés tout particulièrement à partir de 2019, est de loin le principal bénéficiaire de ces dispositifs en France, avec environ 20 % de l’enveloppe nationale.
En 2025, compte tenu du contexte budgétaire, nous sommes contraints de faire de nouvelles économies, notamment sur les contrats aidés. Je tiens à préciser qu’elles porteront principalement sur les régions métropolitaines. Nous ne nous désengagerons pas – contrairement à ce que pourraient laisser penser les mots très forts que vous avez employés –, même si tous les territoires, y compris d’outre-mer, devront prendre leur part.
Je profite de votre question pour faire un pas de côté. En France, on raisonne beaucoup trop en termes de moyens plutôt qu’en termes d’impact et d’efficacité. Ainsi, on ne prend pas suffisamment en considération la question de la sortie des dispositifs, qui doit être une sortie pérenne vers l’emploi.
S’agissant des contrats aidés, les moyens alloués et le nombre d’entrées dans le dispositif sont, certes, des indicateurs importants. Cependant, il faut aussi s’intéresser au taux d’insertion des bénéficiaires à l’issue du PEC. Or la moyenne de sortie vers l’emploi s’établit à 54 % au niveau national, mais elle n’est que de 25 % dans les outre-mer et de 22 % à La Réunion.
Au-delà de la question des moyens, il est donc indispensable de réfléchir à un meilleur fonctionnement des PEC pour que le taux d’insertion atteigne des niveaux plus satisfaisants. Je suis d’ailleurs très favorable à la tenue d’une réunion avec vos collègues, d’autres élus des collectivités territoriales et vous-même pour discuter de ce sujet, qui constitue à mes yeux le véritable enjeu.
Centre hospitalier d’Argenteuil
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Vannier, pour exposer sa question, no 152, relative au centre hospitalier d’Argenteuil.
M. Paul Vannier
L’agence régionale de santé (ARS) Île-de-France a décidé de suspendre, à compter du 1er janvier 2025, l’autorisation d’exercer du service de chirurgie bariatrique du centre hospitalier d’Argenteuil.
Cette décision inquiète profondément les soignants, les patients et les habitants de ma circonscription. Ce service joue en effet un rôle essentiel dans la prise en charge de l’obésité, maladie qui frappe une part importante de la population du Val-d’Oise et de ma circonscription, en particulier les milieux les plus populaires.
La fermeture du service entraînerait une diminution de l’offre de soins dans un territoire déjà reconnu comme un désert médical. Elle conduirait au renoncement aux soins par des personnes en obésité, qui seraient alors sujettes au développement de graves pathologies associées. Elle menacerait le fonctionnement de l’hôpital d’Argenteuil, en fragilisant les services de chirurgie digestive, de cancérologie et des urgences – déjà parmi les plus sollicités de France.
L’ARS justifie sa décision par une baisse d’activité entre 2020 et 2023, une période marquée – chacun le sait – par la crise sanitaire et par la réduction temporaire des interventions non urgentes. Or, depuis 2023, le service connaît une reprise d’activité significative : vingt-six interventions entre juin et décembre 2023, plus de soixante-dix en 2024 et plus de cent prévues en 2025.
La fermeture du service de chirurgie bariatrique est contestée par les soignants, par leurs organisations syndicales, par les usagers, par les habitants, ainsi que par l’ensemble des parlementaires, maires, conseillers régionaux et conseillers départementaux de ma circonscription, avec lesquels j’ai adressé une lettre au directeur général de l’ARS Île-de-France pour demander le maintien du service – elle est restée sans réponse à ce jour.
Le groupement hospitalier Eaubonne-Montmorency (GHEM), avec lequel est envisagée la mutualisation du service, a indiqué, de son côté, ne pas être en mesure d’accueillir de nouveaux patients.
Tout invite donc à renoncer à ce projet aux conséquences désastreuses. Dès lors, pouvez-vous m’indiquer si le gouvernement interviendra pour permettre le maintien du service de chirurgie bariatrique à l’hôpital d’Argenteuil ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Je vous prie d’excuser l’absence du ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
L’obésité est un réel enjeu de santé publique. La prise en charge de cette maladie – je parle non pas de la prévention, mais de la dimension curative – a connu plusieurs évolutions.
La chirurgie bariatrique, que vous avez mentionnée, ne représente qu’une facette de l’accompagnement des personnes en situation d’obésité. Elle est désormais soumise à une autorisation spécifique, dans l’objectif de mieux maîtriser les techniques, mais aussi pour que les patients subissent moins de complications – car elles existent.
Par ailleurs, signalons l’évolution des prises en charge médicamenteuses, qui ne présentent pas le caractère invasif de la chirurgie et qui ont d’ailleurs permis de réduire le recours à ce type d’intervention, en France comme dans d’autres pays.
Argenteuil ne fait pas l’objet d’un traitement spécifique. La rationalisation des implantations concerne l’ensemble des services équivalents en Île-de-France. Dans le Val-d’Oise, l’ARS a choisi de privilégier la poursuite de cette activité au sein d’une autre structure, le GHEM Simone-Veil, situé à 9 kilomètres d’Argenteuil et qui fait partie du même groupement hospitalier de territoire que l’hôpital d’Argenteuil. Par ailleurs, le département reste relativement mieux doté que la moyenne nationale.
Je rappelle que cette décision ne porte que sur le volet chirurgie de l’accompagnement des patients. L’ensemble de la filière médicale de prise en charge de l’obésité – consultations, hôpital de jour, suivi pré- et postchirurgical des patients – est maintenu à Argenteuil.
Nous sommes bien conscients qu’une telle évolution ne pouvait susciter l’adhésion spontanée des professionnels investis dans le projet hospitalier, mais elle est conforme aux recommandations de la Haute Autorité de santé et n’a d’ailleurs pas été contestée par les représentants des usagers réunis au sein du collectif national des associations d’obèses.
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Vannier.
M. Paul Vannier
Cette décision est contestée par l’ensemble des personnels de l’hôpital d’Argenteuil mais aussi par la présidente du conseil de surveillance du GHEM, vers lequel il est prévu de déplacer le service de chirurgie.
Votre réponse m’inquiète beaucoup. Je tiens à dire, sans chercher à dramatiser, que la décision prévue fera des morts. Les personnes en situation d’obésité qui subissent des opérations de chirurgie bariatrique pèsent environ 150 kilos, parfois 200. Pour elles, une distance de 9 kilomètres constitue un obstacle insurmontable.
Il y a là un enjeu de proximité mais aussi de réputation. En effet, le service de chirurgie bariatrique d’Argenteuil est un service d’excellence, qui jouit d’une bonne image, ce qui attire les personnes malades qui vivent à proximité de l’hôpital. Celles-ci ne se déplaceront pas pour être opérées ailleurs, surtout que, dans ce département, les liaisons transversales de transport en commun sont très insuffisantes.
Si je tiens de tels propos, c’est parce que j’ai discuté avec la chef de service de l’hôpital, une chirurgienne qui reçoit les patients dont nous parlons et qui tient à poursuivre son activité.
Si la décision est maintenue, elle aura des conséquences désastreuses. Elle met aussi en danger la pérennité du service de chirurgie, car elle entraînera le départ de chirurgiens qui sont pourtant indispensables pour traiter de nombreuses pathologies dans cet hôpital. Je vous demande de revenir sur cette décision très grave.
Traitement des eaux potables
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Albertini, pour exposer sa question, no 150, relative au traitement des eaux potables.
M. Xavier Albertini
Permettez-moi de vous présenter un exemple parfait de ce que les entrepreneurs vivent au quotidien. On parle souvent de lourdeur administrative, mais ils font face aussi, parfois, à des flottements administratifs et à l’incapacité de les résoudre. Je vais vous parler de la société Ecobulles, installée dans la première circonscription de la Marne, où je suis élu. Elle commercialise des solutions de traitement contre le calcaire de l’eau potable destinée aux particuliers.
En France, 70 000 à 80 000 dispositifs de traitement du calcaire sont vendus chaque année aux particuliers. Trois principales technologies occupent le marché : les adoucisseurs au sel, qui représentent 90 % des parts de marché ; les systèmes électromagnétiques, qui en représentent environ 6 % ; les procédés par injection de CO2 dans l’eau, qui occupent les 4 % restants. C’est cette dernière solution qu’utilise Ecobulles. Or le recours à la technologie de mise à l’équilibre calco-carbonique par injection de CO2 alimentaire dans l’eau potable appelle une clarification législative ou réglementaire.
Les adoucisseurs au sel, bien qu’efficaces, sont de plus en plus critiqués pour leur impact environnemental en raison du rejet de chlorures polluants, de la surconsommation d’eau et des risques bactériens qu’ils entraînent. En revanche, la technologie par injection de CO2 présente de nombreux avantages : elle n’implique aucune déminéralisation, aucune dénaturation du goût, aucune surconsommation d’eau ni aucun rejet polluant. De plus, elle utilise du CO2 capté et en grande partie neutralisé par l’application. Enfin, elle neutralise les risques bactériens.
Toutefois, le développement de cette technologie porteuse est considérablement freiné par une contradiction juridique entre la circulaire du 28 mars 2000, qui autorise l’utilisation de dioxyde de carbone en qualité de procédé de traitement des eaux destinées à la consommation humaine, et l’article R. 1321-53 du code de la santé publique. Celui-ci dispose que les réseaux intérieurs de distribution mentionnés au 3o de l’article R. 1321-43 peuvent comporter un dispositif de traitement complémentaire de la qualité de l’eau uniquement pour l’eau chaude.
Face à cette incohérence réglementaire, je souhaite savoir dans quel délai le gouvernement entend proposer une correction législative qui permettrait de lever cet obstacle. Une telle évolution pourrait d’ailleurs encourager l’adoption de procédés plus écologiques et innovants, en phase avec les objectifs de préservation de l’environnement et de la santé publique.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Je vous prie d’excuser l’absence de M. Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
Le gouvernement tient à vous rassurer sur l’absence de contradiction entre la circulaire que vous avez citée et le code de la santé publique. La circulaire établit la liste des produits et procédés de traitement qui peuvent être utilisés sur le réseau public de production et de distribution d’eau afin de potabiliser les eaux destinées à la consommation humaine. Ces traitements garantissent la livraison d’une eau potable dans les réseaux intérieurs privés, c’est-à-dire après les compteurs d’eau.
Les produits et procédés de traitement appliqués après le compteur, dans les réseaux intérieurs privés, ne sont pas soumis à une autorisation du ministère chargé de la santé dès lors qu’ils n’ont pas vocation à potabiliser l’eau déjà rendue potable. En revanche, pour assurer leur sécurité sanitaire, les consommateurs doivent pouvoir accéder à un robinet d’eau froide non traitée, destinée notamment à la boisson. C’est l’objet de l’article R. 1321-53 du code de la santé publique, qui garantit que l’eau consommée ne sera pas modifiée de quelque manière que ce soit après le compteur et demeurera donc potable.
La technologie de mise à l’équilibre calco-carbonique par injection de CO2 alimentaire dans l’eau potable, objet de votre question – je me félicite d’ailleurs que notre pays, en particulier votre territoire, accueille des entreprises innovantes –, entre dans la catégorie des produits et procédés non soumis à autorisation. La réglementation actuelle ne fait donc nullement obstacle à son développement.
Dans le cas où l’entreprise Ecobulles aurait d’autres questions à ce sujet, je l’invite à prendre contact avec le cabinet du ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, qui pourra la rassurer.
Versement des indemnités journalières en Loire-Atlantique et en Vendée
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Michel Brard, pour exposer sa question, no 151, relative au versement des indemnités journalières en Loire-Atlantique et en Vendée.
M. Jean-Michel Brard
Le versement à juste droit des indemnités journalières est une des missions essentielles de l’assurance maladie. Pour la remplir, un chantier informatique d’envergure a été engagé : un système d’information et de liquidation des indemnités journalières, dénommé Arpège TS, a été créé, comme le prévoyait la convention d’objectifs et de gestion qui lie l’assurance maladie et l’État. Le déploiement d’Arpège TS dans les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) de Loire-Atlantique et de Vendée constitue une phase préalable à sa généralisation.
Depuis la fin du mois d’août 2024, j’ai été interpellé à plusieurs reprises par des personnes de ma circonscription de Loire-Atlantique, qui m’ont fait part de l’interruption brutale du versement de leurs indemnités journalières. Aucune explication ne leur a été donnée par les services compétents, ce qui a plongé ces assurés dans une profonde angoisse. Au moins 5 000 assurés ligériens se sont trouvés dans cette situation. Ces personnes sont en détresse. Les témoignages s’accumulent : ils font état d’interdit bancaire ou de dépression ; des parents évoquent l’impossibilité de nourrir correctement leurs enfants et leur famille.
Pour réduire autant que faire se peut le préjudice, la CPAM verse des acomptes, mais ceux-ci ne correspondent pas exactement aux sommes dues. Il faudra donc régulariser la situation de chaque assuré, ce qui prendra du temps. Or les agents de ces caisses ont déjà cumulé plus d’un an de retard dans le traitement de leurs dossiers.
Ces agents, qui ne peuvent plus assurer leur mission de service public, vivent eux-mêmes très mal la situation. Ils ne parviennent plus à répondre aux demandes d’acompte et aux situations d’urgence des assurés. Ils ne constatent à ce jour aucune amélioration : des milliers de dossiers sont toujours en souffrance, en particulier ceux qui concernent des affections de longue durée, des mi-temps thérapeutiques, des accidents du travail ou des maladies professionnelles.
Les répercussions de ces dysfonctionnements sont absolument dramatiques, et les mesures de renfort déjà prises par l’assurance maladie ne sont manifestement pas suffisantes. Nous ne pouvons plus attendre. Pouvez-vous prendre des mesures urgentes et adaptées pour assurer les missions de l’assurance maladie en Vendée et en Loire-Atlantique ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Le logiciel Arpège est destiné à remplacer son prédécesseur, Progrès, qui ne pouvait plus répondre aux évolutions de la réglementation. Avant son déploiement généralisé, il a effectivement été mis à l’essai à partir d’octobre dans les caisses de Loire-Atlantique et de Vendée ; il s’agit d’une procédure classique. Les données ont été transférées de Progrès vers Arpège, et 99,7 % des dossiers ont été repris sans problème. Les cas malheureux que vous mentionnez correspondent aux 0,3 % restants : il s’agit de 16 000 dossiers qui ont rencontré des anomalies et ont dû être repris manuellement. Parmi ceux-ci, 9 000 nécessitaient un traitement prolongé et n’ont toujours pas abouti.
La Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) mesure l’ampleur du problème. Pour le traiter, elle mobilise 125 équivalents temps plein et a reçu du réseau des caisses régionales un renfort de 25 postes. Dès octobre, des prestations bloquées ont fait l’objet d’acomptes sans attendre l’issue de leur traitement. Après la phase difficile connue en octobre et en novembre, la situation s’est améliorée. J’ai conscience qu’il reste des cas à traiter – le cabinet du ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins pourra en indiquer le nombre –, qui sont étudiés en détail. Le logiciel Arpège a fait l’objet de nombreuses corrections depuis octobre. Le gouvernement et la Cnam souhaitent traiter au plus vite les dossiers restants.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Michel Brard.
M. Jean-Michel Brard
Hier encore, les élus de Vendée et de Loire-Atlantique ont reçu des appels à ce sujet dans leur permanence. Le nombre de cas est dramatique : il s’agit de plus de 5 000 personnes. Les familles sont en détresse ; elles attendent un soutien et des actes forts de la part du ministère.
Financement des Ehpad
Mme la présidente
La parole est à Mme Graziella Melchior, pour exposer sa question, no 147, relative au financement des Ehpad.
Mme Graziella Melchior
Les Ehpad jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement de nos aînés, mais font face à des défis croissants. Les besoins augmentent, le recrutement reste difficile et les financements actuels ne permettent pas toujours de soutenir pleinement les établissements dans leurs missions. Il devient nécessaire de repenser le modèle de financement pour mieux prendre en considération les réalités du vieillissement et pour valoriser les initiatives qui améliorent la qualité de vie des résidents.
Les dotations soins des Ehpad sont principalement déterminées par la coupe Pathos, outil d’évaluation qui attribue des points en fonction de l’état de santé des résidents. Plus l’état d’un résident nécessite d’actes médicaux et de soins techniques, plus son score est élevé, ce qui conduit à accorder davantage de financements à l’établissement pour répondre à ses besoins. En théorie, cela semble logique, mais en pratique, ce système pénalise lourdement les établissements qui investissent dans la prévention.
L’exemple du centre Saint-Vincent-Lannouchen à Landivisiau, dans ma circonscription, géré par la Fondation Ildys, illustre cette incohérence. En 2019, son score Pathos était de 282 points. Grâce à un travail de fond des équipes pour prévenir le risque gériatrique, fondé sur la lutte contre la dénutrition, la réduction des risques de chute et le maintien du lien social, ce score est descendu à 256 points. Résultat : l’établissement a perdu 300 000 euros de financement, soit l’équivalent de six postes d’aides-soignants. Autrement dit, plus un Ehpad prend des mesures efficaces pour éviter l’aggravation de l’état de santé des résidents, plus il risque de voir ses financements baisser.
Comment est-il possible que l’on sanctionne financièrement un établissement qui fait bien son travail et qui améliore le quotidien de ses résidents ? Cette logique est contre-productive. Si nous voulons des Ehpad capables d’assurer un accompagnement respectueux et adapté aux besoins de nos aînés, nous devons changer de paradigme. Que comptez-vous faire pour réformer le modèle de financement afin qu’il valorise les établissements qui investissent dans la prévention, plutôt que de les pénaliser ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Vous avez raison de souligner les limites de l’outil Pathos, qui reste très perfectible dans la mesure où il ne prend pas suffisamment en compte la prévention. Cependant, les effets de bord que vous signalez sont limités par rapport au calcul global de la dotation soins. D’ailleurs, l’analyse de la situation financière des Ehpad permet de constater que les déficits structurels des établissements proviennent d’abord des sections relatives à la dépendance et à l’hébergement.
Le gouvernement a néanmoins engagé une réflexion nationale sur le modèle économique des Ehpad, qui a d’ores et déjà abouti à plusieurs mesures. Ainsi, des crédits de soutien seront octroyés aux Ehpad en difficulté pour un montant total de 300 millions d’euros en 2025. La fusion des sections, expérimentée dans certains départements, permettra une hausse des moyens pour les Ehpad concernés dès le 1er juillet 2025, sachant que l’objectif est de la généraliser en 2027. La loi « bien vieillir » a déjà assoupli le dispositif de différenciation des tarifs d’hébergement, permettant aux Ehpad de dégager des moyens supplémentaires. Enfin, des travaux sont prévus pour améliorer le fonctionnement de Pathos de manière à mieux évaluer les besoins et à mieux suivre l’évolution de l’état des résidents.
Par ailleurs, d’autres moyens de financement de la prévention sont déjà à la disposition des Ehpad, même si je conviens qu’il serait préférable de les intégrer dans les financements de droit commun. Je pense aux dispositifs prévus dans le cadre de l’expérimentation de la fusion des sections, au forfait global prévu dans la loi « bien vieillir » qui peut servir à financer la prévention de la dénutrition, l’accompagnement et la stimulation cognitive, ou encore à certaines actions de prévention liées à l’exercice physique qui relèvent de la grille nationale Autonomie gérontologie groupes iso-ressources (Aggir) – elles sont donc intégrées dans l’évaluation de la dépendance des résidents, laquelle détermine le calcul des forfaits perçus par les Ehpad.
Voilà l’état actuel de notre réflexion. Il me semble en effet qu’il faut aboutir rapidement à une meilleure prise en compte de l’effort de prévention des établissements dans le cadre de leur financement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Graziella Melchior.
Mme Graziella Melchior
La prévention constitue souvent un angle mort de nos politiques de santé. Il importe d’en prendre acte. D’autre part, le modèle de financement, complexe et à bout de souffle, ne tient pas forcément compte des bons paramètres.
Nutri-score
Mme la présidente
La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour exposer sa question, no 153, relative au nutri-score.
M. Loïc Prud’homme
Le gouvernement a la possibilité de prendre une décision déterminante pour l’accès éclairé de toutes et tous à une alimentation saine. Vous avez entre les mains un outil efficace, le logo nutritionnel nutri-score, que vous pouvez choisir de soutenir ou de laisser tomber, sous la pression des lobbys.
Le 1er janvier 2024, les règles de calcul du nutri-score ont évolué, afin d’améliorer l’analyse des aliments en intégrant les nouvelles connaissances scientifiques. Le nouvel algorithme permet de classer plus précisément les produits trop sucrés, trop salés, la viande rouge ou encore les aliments ultratransformés, qui dégradent notre santé.
Plus d’un an après cette mise à jour, la nouvelle version du nutri-score est appliquée dans plusieurs pays voisins, mais ne l’est toujours pas en France, faute de la publication d’un arrêté interministériel officialisant l’évolution du mode de calcul. Le nutri-score est pourtant un outil de santé publique plébiscité par les soignants, par les consommateurs et par l’Organisation mondiale de la santé. Selon un rapport récent de l’OCDE, la généralisation de cet indicateur permettrait d’éviter 2 millions de cas de maladies chroniques en Europe d’ici à 2050.
Véritable outil de transparence alimentaire, le nutri-score force les industriels à modifier leurs recettes au bénéfice de la santé des consommateurs, et souvent même à leur propre bénéfice, car il les incite à faire des progrès. Son efficacité ne fait plus de doute. Cependant, il fait l’objet d’attaques répétées de la part de lobbys agroalimentaires qui déploient tout leur pouvoir d’influence pour retarder sa mise en œuvre.
Il y a pourtant urgence, car la malbouffe fait des ravages dans notre pays : en vingt ans, le nombre de personnes atteintes de diabète ou d’obésité a doublé ; la mauvaise alimentation représente aujourd’hui le troisième facteur de risque de cancer évitable ; elle est également en cause dans le développement de maladies cardiovasculaires qui sont responsables de près de 400 décès par jour !
Face à cette épidémie de maladies chroniques, nous ne devons pas céder aux pressions de quelques lobbys qui voudraient torpiller le nutri-score pour préserver leurs intérêts commerciaux. Notre santé doit passer avant leurs profits !
Le gouvernement s’engage-t-il à publier l’arrêté modifiant officiellement les règles d’attribution du nutri-score ? Si oui, dans quel délai ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Il est intéressant de relever qu’au cours de cette matinée ont été posées deux questions ayant trait aux questions d’alimentation et à l’obésité, qui devient en effet un véritable fléau de santé publique, y compris dans notre pays.
Le nutri-score est un outil d’information reconnu. L’évolution de son algorithme est décidée sur le fondement de recommandations émises par un comité scientifique indépendant. Elle vise à prendre en compte les connaissances les plus récentes sur les liens entre alimentation et santé, afin de mieux guider, vous l’avez dit, les industriels et, surtout, les consommateurs vers des produits plus sains.
La dernière mise à jour a été progressivement adoptée dans plusieurs pays européens. En France, son entrée en vigueur nécessite la publication d’un arrêté interministériel. Ce travail est en cours et fait l’objet de discussions avec l’ensemble des parties prenantes.
Je tiens à vous indiquer, au nom du ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, que le gouvernement est déterminé à poursuivre cette démarche en faveur de la santé publique. La publication de l’arrêté interviendra dans les meilleurs délais. Je ne peux malheureusement pas vous donner plus de précision à ce sujet. En tout cas, il sera publié rapidement, en prêtant une attention particulière à l’accompagnement des consommateurs et des professionnels concernés.
Mme la présidente
La parole est à M. Loïc Prud’homme.
M. Loïc Prud’homme
J’aimerais vous croire, madame la ministre. J’espère surtout que les « meilleurs délais » seront des délais raisonnables. Toutefois, cela fait plus d’un an que nous attendons cette publication, nous les consommateurs, nous les législateurs, pour protéger enfin la santé des Français. Je veux bien vous faire crédit de votre bonne volonté, mais le temps qui passe est une preuve de l’inaction du gouvernement, sinon d’une mauvaise volonté de sa part. J’espère que l’on sortira de cette inaction et que l’arrêté sera publié très rapidement.
On nous a fait croire que ce retard profitait aux petits producteurs d’huile d’olive ou de fromage AOP – appellation d’origine protégée. Non, ce délai trop important profite uniquement aux agro-industriels promoteurs de la malbouffe – Nestlé, Kellog’s, Ferrero, et j’en passe, car la liste est trop longue –, qui continuent d’empoisonner, je pèse mes mots, la population, notamment les plus jeunes, en toute opacité. Récemment, la marque Danone elle-même a annoncé retirer le nutri-score de l’emballage de certains de ses produits, notamment de ses yaourts à boire, qui sont consommés principalement par les enfants.
Nous ne pouvons pas nous résoudre à ce statu quo, selon moi insupportable et intenable. Vous avez rappelé comme moi que les scientifiques sont unanimes. Il faut vraiment que cet arrêté interministériel soit publié dans les tout prochains jours, que l’on ne tergiverse pas encore pendant des mois. Je le répète, nous l’attendons depuis janvier 2024, donc depuis plus d’un an. D’autres pays européens ont pris une telle mesure. La France ne peut pas être sans cesse le mauvais élève en matière de lutte contre la malbouffe.
Financement des Ehpad
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Yves Bony, pour exposer sa question, no 138, relative au financement des Ehpad.
M. Jean-Yves Bony
Notre système de santé, nous le savons tous, est très mal en point en raison du manque de soignants, des déserts médicaux et des problèmes de financement. Ma question porte plus particulièrement sur le devenir des Ehpad. Ceux-ci connaissent depuis plusieurs années une succession de crises à la fois conjoncturelles et structurelles : crise sanitaire, crise financière, manque de personnel. Les soignants sont épuisés, moralement et physiquement.
Dans le Cantal, la quasi-totalité des Ehpad sont en déficit. D’après le dernier bilan comptable, le déficit cumulé des établissements avoisinait les 4 millions d’euros, malgré la politique volontariste menée par le conseil départemental et les aides de secours accordées par l’agence régionale de santé Auvergne Rhône-Alpes.
Malheureusement, ce ne sont pas des aides ponctuelles qui résoudront le problème de fond de nos établissements. Les élus et les familles sont en plein désarroi, sans solution face à une telle situation. Ce n’est pas non plus l’augmentation incessante des prix de journée qui résoudra le problème. Ces hausses deviennent insupportables pour certains résidents, les pensions de retraite étant souvent inférieures, dans le Cantal, à 800 euros par mois.
Il y a urgence : la population âgée dépendante augmentera de 46 % d’ici à 2050, et les besoins, donc, ne feront que s’accroître. Quelle réforme le gouvernement entend-il mener pour sécuriser l’avenir des Ehpad et garantir une prise en charge pérenne et digne de nos aînés ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Vous interrogez le gouvernement sur la situation financière des Ehpad, en particulier celle des établissements situés dans des territoires ruraux comme le Cantal. Je tiens à rappeler que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) – qui a été voté hier en termes conformes par le Sénat – prévoit un triplement de l’enveloppe allouée aux Ehpad. Les établissements en difficulté recevront au total un montant de 300 millions d’euros. Nous poursuivons les soutiens exceptionnels : l’objectif global de dépenses a été augmenté de 7 % en 2025, après l’avoir été de 4 % en 2024.
Au-delà des aides immédiates, une réforme structurelle du modèle économique des Ehpad est absolument indispensable. Elle est en cours ; je l’ai en partie évoquée en répondant à une question précédente. Dès cette année, les Ehpad auront la possibilité de mieux différencier les tarifs selon les bénéficiaires. Les Ehpad publics autonomes seront intégrés à des groupements territoriaux pour pouvoir mutualiser les compétences et renforcer leur viabilité financière. Le 1er juillet sera lancée une expérimentation permettant aux départements volontaires de fusionner les sections soins et dépendance au profit d’un forfait global unique. Si son évaluation est concluante, le nouveau dispositif pourra être généralisé en 2027, comme le prévoit le PLFSS pour 2025.
Je souligne que le bien vieillir suppose un continuum de solutions entre le maintien à domicile et l’Ehpad. Je pense notamment aux résidences seniors, aux résidences autonomie et à l’habitat inclusif. C’est aussi ce qu’il nous faut développer.
Ce qui manque encore, c’est une approche pluriannuelle, comme l’avaient signalé plusieurs députés lors de l’examen de la loi « bien vieillir ».
Prise en charge des frais de déplacement des infirmiers
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie Pochon, pour exposer sa question, no 142, relative à la prise en charge des frais de déplacement des infirmiers.
Mme Marie Pochon
Dans les territoires ruraux, les professionnels de santé, plus particulièrement les infirmiers, assurent des soins à domicile sur de longues distances, ce qui engendre des frais kilométriques importants. Le temps passé sur la route est autant de temps qui n’est pas consacré aux consultations, ce qui est peu pris en compte. Ces professionnels jouent pourtant un rôle indispensable pour garantir l’accès aux soins de certains habitants très isolés. Pour ceux-ci, la venue des infirmiers à domicile est essentielle. Aujourd’hui encore, du fait du manque d’accès aux soins, l’espérance de vie des habitants des territoires ruraux est de deux ans inférieure à la moyenne nationale.
Les aides à domicile du pôle sanitaire et médico-social de Curnier, par exemple, sont amenées à parcourir 90 kilomètres par jour en moyenne, et jusqu’à 200 kilomètres par jour pendant les week-ends.
Les infirmiers ne bénéficient que d’une enveloppe limitée pour le remboursement de leurs frais : le système ne garantit pas un remboursement suffisant pour couvrir l’intégralité des déplacements nécessaires à l’exercice de leur profession. Par exemple, pour les infirmiers qui exercent dans le secteur de La Chapelle-en-Vercors ou dans le Royans, cette enveloppe est fréquemment épuisée dès le milieu de la matinée. Ils sont donc contraints soit d’assumer par eux-mêmes des frais de déplacement importants pour continuer à assurer leur tournée et l’accès aux soins de toutes et tous, soit de privilégier les déplacements les moins longs, aux dépens des personnes qui vivent dans des villages plus isolés.
Il faut se rendre compte des effets de ces difficultés : dans mon département, la Drôme, la durée d’exercice du métier d’infirmier à domicile est de cinq ans en moyenne.
Face à cette situation, quelles mesures le gouvernement envisage-t-il pour garantir aux infirmières et infirmiers exerçant en milieu rural la prise en charge de chacun de leurs kilomètres ? Il faut prendre en considération les temps de déplacement sur des routes parfois montagneuses ou sinueuses, qui réduisent le nombre d’actes effectuables et créent un déséquilibre entre les professionnels qui exercent en milieu urbain et ceux qui exercent en milieu rural. Il s’agit de garantir l’accès aux soins pour tous nos compatriotes, quel que soit leur code postal.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Vous avez raison de rappeler combien les infirmières et infirmiers libéraux constituent la pierre angulaire de l’accès aux soins pour un certain nombre de nos concitoyens. L’assurance maladie prend en charge les frais de déplacement par le versement d’une indemnité forfaitaire de déplacement et d’indemnités kilométriques qui s’ajoutent à la valeur propre de l’acte réalisé. Ces indemnités sont importantes puisqu’elles représentent aujourd’hui 18 % des montants globaux facturés par les infirmiers libéraux à l’assurance maladie. Après des négociations avec les représentants de la profession, les indemnités forfaitaires de déplacement ont été revalorisées de 10 % en janvier 2024 pour tenir compte de l’inflation.
Par ailleurs, depuis 2021, des accords locaux peuvent être négociés entre les représentants locaux des infirmiers et les caisses locales d’assurance maladie. Tel a été le cas de la Drôme : un accord y a été signé en 2022 par les caisses locales et l’ensemble des syndicats représentatifs de la profession d’infirmier.
Voilà ce que nous faisons aujourd’hui. Je conçois que la situation est très largement perfectible. Il y a sans doute des voies d’amélioration.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie Pochon.
Mme Marie Pochon
Je vous remercie pour votre réponse. Députée d’un territoire rural – je ne suis certainement pas la seule –, je serais très intéressée par un travail avec le gouvernement sur la question de la prise en charge des frais kilométriques. Le système actuel, assez inégalitaire, défavorise les infirmiers qui exercent en zone rurale. Il faut leur permettre d’assumer le coût des distances qu’ils ont à parcourir. En effet, de plus en plus de nos concitoyens ne peuvent plus bénéficier de soins à domicile parce qu’ils habitent trop loin des centres-bourgs.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Cela concerne aussi les aides à domicile.
Mme Marie Pochon
Oui.
Situation de l’école en Seine-Saint-Denis
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Portes, pour exposer sa question, no 154, relative à la situation de l’école en Seine-Saint-Denis.
M. Thomas Portes
Après sept ans de macronisme, l’école publique est au bord de l’effondrement en Seine-Saint-Denis.
À trois ans, nos enfants entrent en maternelle. Ils apprennent à parler, à tisser leurs premiers liens hors du cercle familial, à découvrir les lettres et les formes. À l’école Jean-Baptiste-Du-Hamel de Neuilly-sur-Marne, dans ma circonscription, ils font tout cela… dans les odeurs d’excréments. Depuis un an, une invasion de souris ronge leur quotidien ; draps, vêtements, livres, même leurs travaux, tout est grignoté. Les diverses interventions, trop espacées, n’ont toujours pas réglé la situation. Comment accepter que nos enfants grandissent ainsi ?
Quelques années plus tard, ces mêmes enfants entreront en CP, pour y apprendre à lire, écrire et compter. Ce sont des apprentissages clés, d’autant plus que l’alphabétisation est l’un des facteurs à la lumière duquel l’ONU évalue un territoire et son taux de développement. Pourtant, à l’école Marcel-Cachin de Bobigny, dix-huit élèves de CP ont été privés d’enseignant pendant trente jours. À Noisy-le-Grand, à Neuilly-Plaisance, à Gournay-sur-Marne, les classes explosent, atteignant jusqu’à quarante-cinq élèves. Les enseignants sont à bout de souffle ; le personnel éducatif, épuisé ; les parents d’élèves, démunis.
Puis vient le collège, âge des premières responsabilités et des premières prises de risque. Là encore, en Seine-Saint-Denis, il faut choisir entre le strict nécessaire : le papier blanc ou le papier toilette. Dans les collèges Georges-Braque et Albert-Camus de Neuilly-sur-Marne, la pénurie de papier était telle que les parents d’élèves ont dû organiser des collectes solidaires pour pallier les manques de l’éducation nationale. Comment accepter une telle situation ?
Et que dire de nos lycées ? En septembre dernier, 23 000 jeunes de Seine-Saint-Denis ont été privés de rentrée, faute d’affectation. Lorsqu’ils et elles ont la chance d’y arriver, ces jeunes sont encore, dans leur grande majorité, entourés d’enseignants contractuels inexpérimentés, qui, parce qu’ils ne sont pas encore bien préparés, sont déjà en difficulté.
Dès lors, à 18 ans, où en est un lycéen de Seine-Saint-Denis ? Il a perdu en moyenne un an de scolarité par rapport à un camarade parisien. La probabilité qu’il ait étudié dans des salles infestées de nuisibles est de 30 % ; celle qu’il ait suivi ses cours dans un bâtiment sous-chauffé, de 50 %. Il a rarement connu les sorties culturelles, laissées au libre financement des parents, alors que le département est le plus pauvre de France hexagonale. Pendant qu’un jeune Parisien calcule ses chances d’intégrer une grande école, lui a une chance sur trois de basculer dans la précarité.
À l’heure des coupes drastiques dans les budgets de nos services publics sinistrés, que reste-t-il en Seine-Saint-Denis du principe républicain d’égalité ? Depuis des mois, la communauté éducative donne l’alerte. Les enseignants ont engagé la plus grande grève que le département ait connue depuis les années 1990, un mouvement massif soutenu par les parents d’élèves et les élus. Ils exigent un plan d’urgence, 5 000 enseignants supplémentaires et 3 000 postes dédiés à la vie scolaire.
Alors que l’État investit en moyenne 8 800 euros par an et par élève, ce montant n’est que de 6 200 euros en Seine-Saint-Denis, département pourtant le plus jeune et le plus pauvre de l’Hexagone. Après le passage rue de Grenelle de deux ministres méprisants et silencieux, le gouvernement va-t-il enfin répondre aux revendications légitimes de la communauté éducative ?
Les élèves de Seine-Saint-Denis méritent mieux que d’être considérés comme des enfants de seconde zone. Les enseignants de Seine-Saint-Denis méritent mieux que d’être abandonnés par les politiques publiques. Les parents d’élèves de Seine-Saint-Denis méritent mieux que le silence et le bricolage permanent. Le gouvernement va-t-il enfin prendre la mesure de la situation et mettre en place le plan d’urgence réclamé par la communauté éducative et les parents d’élèves de ce département ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l’emploi
Je vous réponds au nom de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont je vous prie d’excuser l’absence.
La Seine-Saint-Denis, vous l’avez dit, est le département le plus jeune et le plus pauvre. Comme vous l’avez signalé, cela se voit dans l’état de certaines de ses écoles.
Toutefois, des mesures concrètes ont été prises pour relever les défis spécifiques auxquels le département est confronté. Dans le réseau d’éducation prioritaire, les classes de grande section de maternelle, de CP et de CE1 ont été dédoublées. Elles comptent désormais au maximum douze élèves, ce qui mobilise 1 500 enseignants supplémentaires. Par ailleurs, le programme des cités éducatives, qui labellise douze communes du département et mobilise 17,5 millions d’euros, coordonne les efforts de l’État et des collectivités en faveur des élèves des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Lors de la dernière rentrée, le gouvernement a lancé, avec le conseil départemental, un plan dédié à l’attractivité et à la mixité scolaire, qui concernera à terme quarante collèges parmi les plus évités de Seine-Saint-Denis. Pour l’année scolaire en cours, cela représente 2 500 heures supplémentaires attribuées à onze collèges pour enrichir leur offre pédagogique et mieux accompagner les enseignants.
Je comprends néanmoins que les absences récurrentes posent problème, puisque, vous l’avez dit, un lycéen de 18 ans a pu manquer jusqu’à l’équivalent d’une année de cours. En tout cas, nous nous mobilisons pour assurer à chaque élève de Seine-Saint-Denis l’accès à un enseignement exigeant et un avenir à la hauteur de son potentiel.
Mme la présidente
La parole est à M. Thomas Portes.
M. Thomas Portes
Madame la ministre, vous avez parlé de classes dédoublées, avec un effectif limité à douze élèves. Je vous invite à venir constater par vous-même que ce n’est pas la réalité en Seine-Saint-Denis. Et le manque d’enseignants n’est pas le seul problème. Nous avons besoin de plus d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), lesquels, par ailleurs, ne gagnent que 800 euros par mois en moyenne. À Gournay-sur-Marne et Noisy-le-Grand, deux villes de ma circonscription, les activités de cantine ont dû fermer faute d’un nombre suffisant d’encadrants.
En vérité, dans les écoles publiques de Seine-Saint-Denis, les cantiniers sont devenus des surveillants ; les conseillers principaux d’éducation (CPE), des infirmiers scolaires ; les parents d’élèves, des leveurs de fonds pour assurer des sorties scolaires ou pour acheter du papier. On ne peut parler ni d’égalité républicaine ni de République quand on n’assure pas aux enfants de Seine-Saint-Denis une éducation de qualité qui leur permette de se projeter dans l’avenir.
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions orales sans débat.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au gouvernement ;
Discussion de la proposition de loi visant à proroger le dispositif d’expérimentation favorisant l’égalité des chances pour l’accès à certaines écoles de service public.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures cinq.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra