Première séance du mardi 21 janvier 2025
- Présidence de M. Xavier Breton
- 1. Questions orales sans débat
- Filière de la noisette
- Économie circulaire
- Assistants familiaux
- Maisons de santé pluridisciplinaires
- Profession de psychomotricien
- Hôpital du Sud Aveyron
- Centres de santé à Paris
- Centre hospitalier intercommunal Robert-Ballanger
- Aide médicale de l’État
- Vaccination contre le covid-19
- Liberté de prescription du médecin
- Maison de santé pluridisciplinaire de Romenay
- Réglementation applicable aux collectivités territoriales
- Chômage frontalier
- Vagues de licenciements
- Convention franco-suisse sur la double imposition des successions
- Site Valeo de Saint-Quentin-Fallavier
- Site Stellantis de Belchamp
- Usine Vencorex du Pont-de-Claix
- Tunnel du col de Tende
- Ligne TER Lyon-Paray-le-Monial
- Accessibilité des gares SNCF dans l’Aisne
- Ligne ferroviaire Aix-en-Provence-Rognac
- Ligne TGV Dijon-Lille
- Nuisances aériennes
- Contrat « ville hôte » des JOP 2030
- Conservatoire de La Courneuve-Aubervilliers
- Maison d’arrêt de La Talaudière
- Carte de l’éducation prioritaire
- Nantes université
- Accueil des gens du voyage
- Effectifs de police à La Garenne-Colombes, Bois-Colombes et Courbevoie
- Phare de Cordouan
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Xavier Breton
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Questions orales sans débat
M. le président
L’ordre du jour appelle les questions orales sans débat.
Filière de la noisette
M. le président
La parole est à M. Michel Lauzzana, pour exposer sa question, no 77, relative à la filière de la noisette.
M. Michel Lauzzana
J’appelle votre attention sur un problème crucial que rencontre la filière de la noisette française et tout particulièrement la coopérative Unicoque, implantée dans le Lot-et-Garonne. Cette coopérative réalise une part importante de la production nationale de noisettes et constitue un levier économique et social vital pour les agriculteurs de mon département. Depuis plusieurs années, la filière de la noisette est confrontée à une pression croissante des ravageurs, tels que le balanin et le carpocapse, qui compromettent gravement les récoltes. En conséquence, et puisqu’il n’existe actuellement aucune – je dis bien aucune – solution alternative, il apparaît nécessaire d’accorder une dérogation pour permettre l’usage temporaire de l’acétamipride, afin de protéger cette production stratégique et les nombreux emplois directs et indirects, notamment agricoles, qui en dépendent.
Cette demande s’inscrit dans un cadre strictement limité et temporaire, en attendant que des solutions alternatives, actuellement à l’étude à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), soient disponibles et opérationnelles. Sans cette dérogation, la filière française devra faire face à une concurrence européenne et internationale déloyale, et à l’importation de noisettes issues de pays autorisant l’usage de produits similaires à l’acétamipride. Cette situation créerait une distorsion inacceptable et fragiliserait notre souveraineté alimentaire, alors qu’elle constitue un enjeu stratégique dans le contexte international actuel.
Madame la ministre de l’agriculture, je connais votre engagement à ce sujet et vous remercie des échanges que vous avez eus avec la filière de la noisette. Je souhaite connaître les mesures que votre ministère entend prendre en urgence pour sauver cette filière française, ainsi que votre position sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, qui sera prochainement examinée au Sénat.
M. le président
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Vous évoquez la situation de la filière de la noisette, et particulièrement de la coopérative Unicoque, acteur majeur implanté dans le Lot-et-Garonne, dont j’ai reçu les représentants le 18 novembre dernier. Cette filière fait face à des difficultés croissantes pour protéger ses cultures, ravagées par la punaise diabolique et le balanin. Cette année, elle connaît des baisses de rendement sans précédent qui menacent sa pérennité. Je ne peux me résoudre à ce que l’absence de traitement alternatif hypothèque l’avenir de filières entières qui, par leur diversité, sont essentielles à la richesse de notre agriculture et à l’équilibre des territoires. Nous devons coûte que coûte préserver leur capacité de production, leur compétitivité et leur pérennité. Il y va de notre souveraineté, pour les grandes comme pour les petites filières.
Depuis l’interdiction par la France des néonicotinoïdes, le balanin ne peut plus être maîtrisé par l’usage de l’acétamipride, alors que cette substance est encore autorisée au niveau européen jusqu’en 2033. Cette interdiction a été votée par le Parlement et inscrite dans la loi ; il ne s’agit pas d’une interdiction émise par l’Anses. Or ce qu’une loi a fait, seule une loi peut le défaire. C’est la raison pour laquelle, contrairement à ce qu’espère la filière, je ne peux pas autoriser l’usage de l’acétamipride par une dérogation de cent vingt jours, comme je peux le faire pour d’autres substances.
Vous évoquez la proposition de loi des sénateurs Duplomb et Menonville qui entend revenir sur cette interdiction. L’occasion est ainsi donnée de rouvrir la discussion, au Sénat et à l’Assemblée, à propos de ce néonicotinoïde particulier – il n’est pas comparable aux quatre autres néonicotinoïdes qui, eux, sont interdits au niveau aussi bien européen que français.
Au demeurant, nous apportons un plein soutien, par le plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada), aux travaux lancés par la filière en lien avec l’Inrae pour trouver des solutions nouvelles. Sans attendre, je mobilise toutes les pistes permettant de sécuriser la production de cette filière ; j’ai ainsi souhaité la création d’un groupe de travail associant mes services, les professionnels, la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) et le délégué ministériel Hervé Durand. Ce groupe de travail, qui se réunira pour la première fois demain, vise à répondre aux problèmes phytosanitaires des producteurs et à identifier l’ensemble des difficultés rencontrées par la coopérative Unicoque. Inutile de vous dire que je suivrai très attentivement ses travaux, car je ne peux me résoudre à la disparition de cette filière. Des solutions doivent être trouvées.
Économie circulaire
M. le président
La parole est à M. Philippe Bolo, pour exposer sa question, no 68, relative à l’économie circulaire.
M. Philippe Bolo
Quel est le point commun entre Aquarys, Redeem Medical, Envie Autonomie, Gekomed, Okamac, les établissements Gaubert Lardeux et Daurema ? Ce sont sept entreprises qui ont fait le pari de l’économie circulaire ; sept entreprises qui, à la suite de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi Agec, ont créé ou développé des services ou des produits permettant le réemploi, la réparation ou la réduction des déchets ; sept entreprises qui, cinq ans après la promulgation de cette loi, constatent malheureusement des résultats économiques loin de leurs prévisions. C’est là un autre point commun à ces sept entreprises : leurs ambitions ont été freinées par le manque d’ardeur de l’État à permettre l’application complète et rapide de la loi Agec et à accompagner l’économie circulaire en général.
Il est reproché à l’État le manque de contrôles de l’interdiction des couverts jetables, qui freine le développement d’Aquarys ; l’absence du décret relatif au réemploi de matériels médicaux, qui entrave Redeem Medical, Envie Autonomie et Gekomed ; la complexité du chèque réparation, qui empêche les établissements Gaubert Lardeux de l’utiliser ; la faible dynamique d’achat de matériel informatique de seconde main par la commande publique, qui limite l’essor d’Okamac. Comble de cette situation, l’État se trouve lui-même victime de l’activité réduite de ces entreprises, puisque chaque perte de chiffre d’affaires représente un manque à gagner pour ses recettes fiscales, de même que chaque emploi non créé est synonyme de cotisations sociales en moins pour financer la santé, la sécurité sociale et la retraite – une aberration dans le contexte budgétaire actuel.
Alors que les dirigeants de ces entreprises nous regardent, quelles réponses concrètes pouvez-vous leur apporter ? Quand le décret relatif au réemploi de matériels médicaux, qui permettrait également des économies de remboursement pour la sécurité sociale, sera-t-il enfin signé ? Quand les contrôles des restaurants qui persistent à utiliser des couverts jetables seront-ils effectués ? Quand l’achat par la commande publique d’ordinateurs reconditionnés sera-t-il soutenu ? Des engagements doivent être pris et tenus ; j’y serai attentif, pour ces entreprises et leurs clients, et pour la crédibilité des lois que nous votons.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Vous m’interrogez sur les mesures prises afin d’accompagner les entreprises dans leur transition vers une économie plus circulaire. Vous évoquez tout d’abord les textes d’application de la loi Agec – également connue sous le nom de loi antigaspillage –, législation structurante qui doit faire évoluer en profondeur nos modes de production et de consommation. Cette loi antigaspillage prévoit 103 décrets d’application, dont 85 devaient être adoptés avant le 31 décembre 2024. Sur ces 85 décrets, 81 sont d’ores et déjà publiés, soit 95 % des textes obligatoires.
Le changement de modèle qu’induisent ces textes nécessite une mobilisation de tous les acteurs – collectivités, metteurs sur le marché, distributeurs, gestionnaires de déchets. Pour les accompagner, d’importants soutiens financiers ont été apportés, notamment par le plan France relance, qui dédie 630 millions d’euros à l’économie circulaire, dont 500 millions ont déjà été engagés. Le fonds Économie circulaire de l’Agence de la transition écologique (Ademe) soutiendra également les projets les plus innovants développés par les entreprises sur le territoire. Le déploiement des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) doit également offrir des soutiens financiers complémentaires. Tout cela s’accompagne de contrôles spécifiques réalisés chaque année par les inspecteurs de l’environnement ainsi que par les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Enfin, je partage votre souhait de simplifier davantage l’économie circulaire. Des travaux sont en cours pour harmoniser et faciliter le recours aux bonus pour les produits des filières REP qui incorporent du plastique recyclé. De même, nous simplifierons prochainement les démarches administratives liées aux conditions de sortie du statut de déchet, introduites dans la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte. J’espère que ces éléments répondront à votre question. J’ajouterai que la stabilité gouvernementale est nécessaire pour mener à bien ces dispositifs.
M. le président
La parole est à M. Philippe Bolo.
M. Philippe Bolo
Merci, monsieur le ministre, pour ces précisions. Je comprends l’encombrement constitué par le nombre de décrets d’application à prendre, mais le Parlement ne peut se satisfaire de cet argument. Ces décrets doivent impérativement être pris. Les entreprises que j’ai mentionnées souffrent d’une activité bien inférieure à celle qu’elles avaient anticipée. Alors que le nombre de défaillances d’entreprise atteint des niveaux records, ayons à cœur de les préserver, de surcroît lorsqu’elles relèvent de l’économie circulaire, dont l’activité est vertueuse pour l’environnement et donc pour notre santé.
Assistants familiaux
M. le président
La parole est à M. David Guerin, pour exposer sa question, no 81, relative aux assistants familiaux.
M. David Guerin
Les assistants familiaux chargés d’accueillir des mineurs et des jeunes de moins de 21 ans à leur domicile sont des acteurs essentiels de la protection de l’enfance. Ils constituent l’un des tout premiers modes d’accueil des enfants de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et permettent de répondre à leur besoin de stabilité, d’encadrement et de sécurité. Selon les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), fin 2021, 74 700 jeunes – soit 40 % de l’ensemble des jeunes confiés à l’ASE en France métropolitaine – étaient hébergés en famille d’accueil. Dans un rapport relatif à la protection de l’enfance paru en novembre 2020, la Cour des comptes soulignait le risque de voir disparaître le métier d’assistant familial : depuis 2017, les effectifs d’assistants familiaux diminuent chaque année, en moyenne de 1,4 % – une situation qui varie selon les départements. Dans mon département, la Seine-Maritime, nous comptions 736 familles d’accueil en 2012 ; elles ne sont plus que 594 en 2024, alors que le nombre d’enfants à accueillir ne cesse d’augmenter.
Pour pallier ce manque d’assistants – leur moyenne d’âge est de 49 ans – et répondre aux souhaits de certains de nos concitoyens, le Sénat a adopté en mai 2024, à la quasi-unanimité, une proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d’assistant familial. Cette mesure serait pertinente. Lors de leur audition au Sénat menée en amont de cette proposition de loi, plusieurs acteurs de la protection de l’enfance ont souligné qu’autoriser les assistants familiaux à cumuler cette activité avec un emploi, dans des conditions adéquates, serait dans l’intérêt de l’enfant : évoluer au sein d’une famille qui travaille favoriserait chez l’enfant accueilli un sentiment de normalité et lui ferait prendre conscience de la valeur du travail. Or, jusqu’à présent, être famille d’accueil implique que le ou les adultes constituant cette famille n’exercent pas d’autre activité professionnelle.
Cette proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale en mai dernier et redéposée en juillet. Je forme le vœu qu’elle soit rapidement inscrite à l’ordre du jour. Il s’agit d’une initiative parlementaire, mais ce sujet doit emporter l’adhésion du gouvernement. J’espère que vous la soutiendrez.
Ce texte n’aborde qu’une partie des solutions permettant d’enrayer la crise du recrutement des assistants familiaux. L’ONU reconnaît que l’accueil familial est le système le plus protecteur des droits et des besoins fondamentaux des enfants. De même, la Convention internationale des droits de l’enfant prévoit que le placement en famille d’accueil doit être la solution privilégiée. Or ce mode d’accueil recule. Une réflexion plus large doit être menée pour assurer le placement d’un grand nombre d’enfants en famille d’accueil et leur garantir une plus grande stabilité dans un parcours encore trop souvent chaotique. Entendez-vous faire de l’accueil et du suivi des enfants par des assistants familiaux, en lien avec les départements, l’une de vos priorités ? Quelles mesures le ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles pourrait-il prendre dans ce domaine dans les prochains mois ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je vous remercie de soulever le sujet important de l’accueil familial au bénéfice des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance.
La protection de l’enfance souffre de plusieurs difficultés ; les perspectives démographiques pesant sur le métier d’assistant familial ne sont pas les moindres.
Près de 40 000 assistants familiaux accueillent chaque jour plus de 70 000 enfants. Cette profession essentielle souffre pourtant de perspectives démographiques défavorables : la moitié des professionnels seront partis à la retraite dans moins de dix ans. Le gouvernement a engagé de nombreux travaux pour résoudre la crise que traverse le secteur, afin que la loi relative à la protection des enfants du 7 février 2022 puisse être pleinement appliquée, tant dans sa lettre que dans son esprit. Il s’agit, en particulier, d’offrir à chaque enfant un parcours et une prise en charge qui soient les plus individualisés possibles, au sein d’une famille.
Dans cette perspective, l’accueil en famille est un objectif privilégié. Il peut se faire chez un tiers de confiance, dans le cadre d’un accueil durable et bénévole, tout comme, bien entendu, chez les assistants familiaux. La loi de 2022 a mis en valeur cette dernière modalité d’accueil, en sécurisant le statut et la rémunération des assistants familiaux, ainsi qu’en définissant des modalités de répit.
Il nous faut cependant aller plus loin, afin d’enrayer la crise d’attractivité que connaît cette profession à l’instar d’autres professions du soin. L’ouverture du métier à de nouveaux profils, au moyen notamment du cumul d’emploi figurant dans la proposition de loi du sénateur Xavier Iacovelli à laquelle vous avez fait référence, est une piste prometteuse que le gouvernement soutient.
Cette disposition tend en effet à corriger une inégalité entre les agents du secteur public et les salariés du secteur privé : un agent public ne peut pas exercer la profession d’assistant familial en même temps qu’une autre activité, au contraire des actifs du privé. Qu’on songe par exemple aux agriculteurs qui, dans certains départements, se sont emparés de cette possibilité.
Cette proposition permettrait donc d’élargir le vivier des assistants familiaux, d’attirer de nouveaux profils d’accueillants et de créer des vocations nouvelles, tout en améliorant les conditions de répit de ceux qui sont déjà en activité. Nous ne pouvons qu’y être favorables.
Une telle ouverture devra bien sûr s’accompagner d’une exigence sur la formation et les compétences, tout comme sur l’honorabilité des nouveaux entrants. Elle peut et doit s’inscrire dans une stratégie plus globale de revalorisation de la profession d’assistant familial, stratégie que nous construisons avec tous les acteurs.
L’accueil familial, en ce qu’il contribue à une désinstitutionnalisation de la protection de l’enfance, est une priorité du gouvernement : il est au cœur des travaux conduits actuellement dans le cadre d’une refondation de la protection de l’enfance. La question des conditions de prise en charge de l’enfant y est centrale. Le gouvernement entend amorcer un virage vers une prévention renforcée, vers un meilleur accompagnement des parents en amont et, lorsque le placement s’avère nécessaire, vers une recherche des solutions les plus familialisées possibles.
Nous travaillons donc à accroître l’attractivité de cette profession et sa capacité à fidéliser celles et ceux qui s’y engagent. Dans cette perspective, nous recueillons les avis et les propositions des fédérations d’assistants familiaux des départements ainsi que des associations, afin d’identifier des leviers d’action.
Il s’agit d’abord d’améliorer l’entrée dans le métier au moyen, par exemple, de campagnes volontaristes de recrutement auprès de personnels médicaux en seconde partie de carrière.
Il convient en deuxième lieu de diversifier les modalités d’exercice en développant, par exemple, l’accueil en relais par d’autres assistants familiaux dans le cadre d’un cumul avec un autre emploi.
En troisième lieu, il faut renforcer l’accompagnement professionnel des assistants familiaux et rompre leur isolement.
En quatrième lieu, nous devons revaloriser et harmoniser les aides et les indemnités.
Un travail de réingénierie du diplôme d’État d’assistant familial a également été entrepris avec le secteur afin de renforcer la professionnalisation, de mieux reconnaître la compétence des assistants familiaux et de rendre plus attractifs le travail et la formation. Ce travail pourrait notamment aboutir à une revalorisation du diplôme.
Pour soutenir ces initiatives, la prochaine contractualisation avec les départements en matière de prévention et de protection de l’enfance sera consacrée en priorité à toutes les formes de placement à dimension familiale, en premier lieu chez les assistants familiaux.
Protéger chaque enfant est la priorité du gouvernement. Nous conduirons pour cela à son terme la refondation de la protection de l’enfance et nous veillerons à la bonne inscription dans le calendrier de la proposition de loi précitée.
Maisons de santé pluridisciplinaires
M. le président
La parole est à M. Stéphane Viry, pour exposer sa question, no 87, relative aux maisons de santé pluridisciplinaires.
M. Stéphane Viry
Les gouvernements successifs, depuis plusieurs années, ont déclaré faire de l’accès aux soins une priorité des politiques publiques. En 2023, le gouvernement avait notamment lancé le plan d’action « 4 000 maisons de santé pluriprofessionnelles ». C’était un plan utile pour lutter contre les déserts médicaux, pour favoriser l’installation de nouveaux médecins et pour permettre l’intervention de nouveaux praticiens, de manière groupée : chacun sait bien désormais qu’il est nécessaire que les médecins exercent collectivement, tant pour la qualité de leur pratique professionnelle que pour l’efficience de leurs actes.
Ce plan reposait, entre autres, sur un volet immobilier tendant à la construction des équipements et des structures nécessaires, au moyen notamment de la création du fonds d’intervention régional.
Si ce plan était à la hauteur des enjeux, la réalité des financements laisse aujourd’hui un goût amer. Les promesses ne sont pas tenues. Le fonds d’intervention régional (FIR), en particulier, sous-employé et trop complexe, freine les innovations dans les territoires. Le modèle de financement n’a pas évolué à ce jour et repose sur des enveloppes déjà épuisées, à l’image de la DETR – dotation d’équipement des territoires ruraux – gérée par les préfectures. Pire, cette politique nationale est financièrement compensée par les collectivités territoriales – région, département, commune – qui se retrouvent, encore une fois, à devoir combler les carences de l’État.
Les agences régionales de santé (ARS), qui sont dotées de ce fonds d’intervention régional, semblent cependant en peine de le mobiliser. Pourquoi les acteurs se heurtent-ils à ces rigidités, alors que ces fonds sont censés être souples, à la main des territoires, afin de leur permettre de répondre aux besoins exprimés ici et là par celles et ceux qui veulent s’installer ? Pourquoi de telles lourdeurs bureaucratiques subsistent-elles dans un secteur vital ?
En voici un exemple : sur les trente maisons de santé pluridisciplinaires installées depuis quelques années dans mon département, dix sont en souffrance, noyées sous les contraintes budgétaires, en attente d’une intervention de l’ARS. On a le sentiment d’un défaut de lisibilité et d’agilité dans l’utilisation du fonds.
Ma question est simple : la création de maisons de santé pluriprofessionnelles est-elle encore une priorité de votre gouvernement, ou bien l’État a-t-il, sans le dire, décidé de transférer cette responsabilité aux collectivités locales qui n’en ont – est-il nécessaire de le rappeler ? – ni les moyens, ni les ressources, ni la compétence directe ? Si c’est encore une priorité, qu’attendent les ARS pour mobiliser les fonds qui sont à leur main et permettre ainsi aux territoires d’agir sur le volet immobilier et d’accueillir de nouveaux médecins ?
En Île-de-France, l’ARS?a conclu il y a quelques années un protocole d’accord avec l’URPS (union régionale des professionnels de santé), à hauteur de 55 millions d’euros, afin de disposer de cette capacité à innover et à doter le territoire des maisons de santé. Y aurait-il, en France, une disparité territoriale ? Ce fonds d’intervention régional ne devrait-il pas être remobilisé par votre ministère ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Vous savez que l’accès aux soins est une de nos priorités, et qu’elle était une des miennes lorsque je siégeais, comme député, à la commission des affaires sociales. Je vous confirme que nous avons bien la volonté de poursuivre l’installation des maisons de santé pluriprofessionnelles. Il faut prendre en compte le souhait des professionnels de santé de pouvoir exercer de manière coordonnée entre praticiens médicaux et paramédicaux – j’y suis particulièrement attaché.
Sur les 4 000 projets d’installation d’une maison de santé pluriprofessionnelle initiés en juin 2023, 2 641 étaient concrétisés au 30 juin 2024 :?c’est un chiffre significatif, et ces installations vont se poursuivre. Le gouvernement a donc bien la volonté de voir s’installer ces maisons qui correspondent aux conditions d’exercice souhaitées par les professionnels de santé.
Je crois personnellement, comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de la passation de pouvoirs au ministère de la santé, qu’il faut que nous nous appuyions sur les élus locaux et les collectivités locales. La santé ressort du régalien, mais les territoires peuvent utilement y participer, comme j’y veillais dans ma région, en contribuant au financement de ces maisons. À l’État, le régalien, aux collectivités, l’aménagement du territoire.
Je vous rejoins sur la nécessité de la simplification : il faut sans cesse se poser les bonnes questions à ce sujet. Il y aura, d’ici l’été, une loi de simplification globale. Que les experts du domaine de la santé, comme ceux que j’ai devant moi ce matin, n’hésitent pas à porter à ma connaissance tous ces irritants du quotidien, afin que nous puissions simplifier les processus permettant aux ARS de répondre au mieux aux besoins des professionnels de santé.
Quelques données chiffrées : en 2024, 27 millions ont été accordés au titre du FIR pour le financement de ces maisons de santé, et nous disposons encore de 45 millions au titre du fonds pour la modernisation et l’investissement en santé pour la période 2024-2026.
Je souhaite aussi vous indiquer, et c’est tout le sens de certaines discussions que nous avons eues lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), que nous souhaitons sanctuariser ces financements d’investissements régionaux pour permettre le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles.
Profession de psychomotricien
M. le président
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil, pour exposer sa question, no 94, relative à la profession de psychomotricien.
Mme Claire Marais-Beuil
J’appelle votre attention sur la situation très délicate, et bien souvent méconnue, de la profession de psychomotricien. Alors que cette profession de santé réglementée est au cœur des nombreux plans de santé publique présentés par les différents gouvernements, son avenir est clairement menacé par la remise en question du financement de son institut de formation rattaché à l’université de la Sorbonne, qui risque de conduire à une diminution du nombre de praticiens formés.
Le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont dépend – au même titre que du ministère de la santé – la formation en psychomotricité, ne semble en effet pas en mesure de pérenniser son financement. Cela conduirait à une réduction de l’offre de formation pour les étudiants. La profession, en ce cas, serait très gravement déstabilisée et la qualité des soins prodigués aux patients s’en trouverait très gravement diminuée.
Ne commettons pas encore une fois, monsieur le ministre, l’erreur que nous avons déjà commise au sujet de la formation des médecins, et dont nous voyons aujourd’hui les conséquences : insuffisance du nombre de praticiens et apparition de déserts médicaux.
Les étudiants et les professionnels en psychomotricité, en particulier dans mon département de l’Oise, sont très inquiets de cette situation. Il est primordial d’apporter des réponses au sujet de l’avenir de la profession à ces personnes pleinement investies au service des personnes fragilisées – enfants nés prématurément, patients atteints de troubles du neurodéveloppement, de maladies neurodégénératives, de cancers, de pathologies psychiatriques – et indispensables à de nombreux Français.
Pourriez-vous confirmer que les services de l’État sont pleinement engagés aux côtés des psychomotriciens pour la réingénierie des formations ainsi que pour le maintien des concours financiers à la formation de cette profession ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Vous posez la question essentielle de la formation. Nous sommes tous convaincus qu’il faut former davantage de professionnels de santé, médicaux comme paramédicaux. La formation des premiers est du ressort des universités ; pour les seconds, la loi de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a transféré cette compétence aux régions. Il existe donc un régime de cotutelle sur ces formations.
Nous sommes attachés à ce que la formation des professionnels de demain soit suffisamment financée, et j’en ai fait une de mes priorités pour le budget 2025. Cela inclut naturellement les psychomotriciens. Le cas de l’institut de formation que vous évoquez, cependant, est plutôt une exception à la règle : il n’est pas concerné par cette politique de décentralisation et demeure lié à l’université de la Sorbonne qui a décidé, de sa propre initiative, de le créer et de le financer. La région Île-de-France a apporté une aide financière exceptionnelle, mais la pérennité de cet institut et son déploiement en accord avec les besoins de formation nécessitent que l’université se tourne vers son ministère de tutelle – le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Contrairement à l’ensemble des centres de formation des professions paramédicales, l’institut n’est pas directement en lien avec la région. Je vous invite à l’alerter à ce propos.
Hôpital du Sud Aveyron
M. le président
La parole est à M. Jean-François Rousset, pour exposer sa question, no 78, relative à l’hôpital du Sud Aveyron.
M. Jean-François Rousset
Le Sud Aveyron est un territoire attractif. Nous avons la chance d’y connaître une ruralité dynamique, qui séduit une nouvelle génération en quête de nature, de sens et de qualité de vie. Avec un taux de chômage au plus bas et une sécurité exemplaire, notre territoire a des atouts majeurs.
L’attractivité médicale y demeure pourtant un défi. Un système de soins performant repose sur un hôpital solide, véritable pivot de l’organisation des soins de ville, de la médecine spécialisée aux interventions en urgence.
Grâce au budget alloué à la santé pour 2024, nous avons obtenu près de 100 millions d’euros pour construire un hôpital commun, regroupant l’offre de soins du Sud Aveyron. C’est un pas décisif, mais l’urgence impose des actions immédiates.
Nous avons d’abord besoin de la garantie que toutes les démarches réglementaires liées à ce projet avancent sans retard, par exemple pour assurer la délivrance du permis de construire. Ensuite, il est essentiel que cet hôpital bénéficie d’un double rattachement, aux centres hospitaliers universitaires (CHU) de Toulouse et Montpellier, pour accélérer les recrutements et s’adapter à la réalité géographique de notre territoire.
L’État est-il pleinement mobilisé sur ce dossier ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je connais votre engagement au service du développement des structures de santé de votre département, qu’il s’agisse des soins de ville ou de l’hôpital.
Vous m’interrogez sur le projet d’hôpital commun du Sud Aveyron, dont l’ouverture est prévue en 2028-2029.
Le ministre de la santé et de l’accès aux soins que je suis veillera bien évidemment à ce que le projet ne subisse aucun retard, afin que l’hôpital s’inscrive rapidement dans le paysage de prise en charge des patients.
Le projet a été validé dans le cadre du Ségur de l’investissement en mars 2024, avec une enveloppe de 80 millions d’euros, dont 71 millions apportés par l’État et 9 millions par la région.
Toutefois, son coût est estimé à 90 millions d’euros. Il nous faut donc rapidement procéder à des ajustements financiers, notamment en discutant avec les collectivités locales pour le financement des raccordements routiers et de l’assainissement.
Les offres pour la maîtrise d’œuvre ont été déposées en novembre 2024, et le jury de sélection est prévu le 29 janvier 2025. Une réunion du comité de pilotage politique est ensuite programmée en mars 2025 afin de valider les propositions retenues et d’assurer la maîtrise budgétaire du projet, tout en répondant à votre souhait, celui de ne pas perdre de temps et de commencer à construire cet ouvrage.
Les collectivités locales, notamment la communauté de communes Millau Grands Causses, ont entamé la viabilisation du terrain et la mise en conformité des infrastructures nécessaires, avec le soutien du département pour la desserte routière.
Une structure de pilotage intermédiaire sera transformée en groupement d’ici à 2026 pour garantir une gestion coordonnée des activités et faciliter les mutualisations entre les équipes médicales des sites dont vous avez parlé.
Des avancées importantes ont été réalisées pour structurer des filières de soins, développer la médecine spécialisée, renforcer les soins gériatriques et la chirurgie et consolider l’offre d’urgence.
Le gouvernement, mon ministère et l’agence régionale de santé (ARS) sont pleinement engagés pour garantir le respect du calendrier d’ouverture de cet hôpital auquel vous êtes particulièrement attaché.
Je serai d’ailleurs heureux de venir dans votre circonscription pour constater, avec vous, l’évolution de ce chantier qui améliorera l’offre de soins dans le département.
M. le président
La parole est à M. Jean-François Rousset.
M. Jean-François Rousset
Je vous remercie pour cette réponse. Nous vous recevrons avec plaisir, le plus tôt possible.
Centres de santé à Paris
M. le président
La parole est à Mme Danièle Obono, pour exposer sa question, no 85, relative aux centres de santé à Paris.
Mme Danièle Obono
Pour 2025, la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) souhaite une mauvaise santé aux habitants du 19e arrondissement et, au-delà, de tout le Nord-Est parisien.
Ces derniers mois, la population de Paris a subi la disparition de plusieurs centres de santé associatifs. En novembre, la Cnam a annoncé la fermeture du centre de la Caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) de Réaumur, et celle de la moitié des services du centre de la caisse régionale de l’assurance maladie d’Île-de-France (Cramif) de Stalingrad dans le 19e arrondissement, qui va provoquer le licenciement de trente et un soignants.
Ces annonces constituent une injustice doublée d’un scandale. Les personnels soignants et administratifs, les syndicats, les usagers et les élus du territoire la refusent catégoriquement.
Injustice, car en 2022, selon l’union régionale des professionnels de santé (URPS), l’Île-de-France était le premier désert médical français. À Paris, seuls 20 % des spécialistes acceptent les consultations sans dépassements d’honoraires, et après un délai d’attente de trois à six mois.
Dans le Nord-Est de la capitale, qui accueille les populations parisiennes les plus précaires et les plus vulnérables, cette inaccessibilité rime avec mauvaise santé. Plus de 40 % des habitants renoncent à se soigner. Or, le centre Cramif de Stalingrad est l’un des derniers centres de santé conventionnés en secteur 1 – sans avance de frais. Il accueille près de 30 000 patients, pour plus de 100 000 passages par an.
Scandale, ensuite, car face à l’enjeu sanitaire, les arguments avancés pour justifier la réduction de l’offre de soins sont fallacieux et inacceptables. Le directeur de la Caisse nationale de l’assurance maladie argue ainsi d’impératifs de redressement, de gestion et d’un déficit.
D’un point de vue purement budgétaire, un déficit ne peut justifier une procédure de licenciement : ces centres dépendent de l’assurance maladie, financièrement capable de les combler.
En outre, il est moralement et politiquement inadmissible de justifier le sacrifice de la santé des plus fragiles sur l’autel de la rentabilité financière. La santé est un bien commun, pas une marchandise. Sa protection est un service public, pas un marché.
Alors que 2025 marquera le quatre-vingtième anniversaire de la création de la sécurité sociale, ces projets de fermeture sont inacceptables. Les centres de santé de l’assurance maladie sont une conquête des luttes ouvrières et du Conseil national de la Résistance. Depuis le milieu des années 1960, à Paris, ils offrent une gamme de soins variés pour tous nos concitoyens, quels que soient leurs moyens.
La France insoumise défend leur renforcement dans les déserts médicaux, notamment par la création de réseaux de centres de santé pluridisciplinaires, en lien avec les hôpitaux publics.
Nous nous opposons résolument à la politique de marchandisation menée ces dernières décennies, qui substitue progressivement aux centres de santé publics ou associatifs non lucratifs des établissements à but lucratif, instaurant ainsi une médecine à deux vitesses.
Avec ma collègue Sarah Legrain, nous appelons toute la population à se joindre au rassemblement unitaire organisé mardi 28 janvier prochain à midi devant la Cramif, et à la réunion publique du jeudi 30 à dix-huit heures trente à la mairie.
« J’habite le 19e, le quartier va mourir si ce centre part. Mon père, handicapé, ne pourra même plus se soigner car je devrais payer un taxi pour l’accompagner à chaque fois », explique Aida, signataire de la pétition lancée par un soignant contre la fermeture du centre de Réaumur et des services de Stalingrad.
Monsieur le ministre, ma question est simple ; j’espère que votre réponse le sera également. Le gouvernement est représenté au sein de la Caisse nationale de l’assurance maladie. Validerez-vous ces fermetures qui vont accentuer les difficultés d’accès aux soins de la population ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je vous remercie pour cette question sur les centres de santé. Une de mes priorités en tant que ministre de la santé et de l’accès aux soins, c’est justement que nous ne fassions plus d’économies sur le dos de la santé des Français.
Je partage votre analyse sur les acquis du Conseil national de la Résistance, qui ont permis à notre pays de sortir de situations complexes à la fin de la guerre, dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la sécurité – nous devrions tous nous en souvenir.
Les centres de santé jouent un rôle important en France, et particulièrement en Île-de-France, les déserts médicaux se situant parfois en zone urbaine ou métropolitaine.
Leur rôle est fondamental dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ce qui semble ici être le cas. On y applique le tiers payant intégral et on y déploie des actions de prévention particulièrement importantes.
L’Île-de-France compte environ 1 000 centres de santé, et ce nombre est en forte augmentation. Nous avons accentué les contrôles pour éviter les dérives ou les fraudes constatées dans certains centres dentaires ou ophtalmologiques.
S’agissant des centres que vous citez, je vais analyser les points que vous soulevez avec précision car les éléments qu’on m’a fournis ne sont pas suffisants pour vous répondre.
Je peux déjà affirmer qu’on ne ferme pas un centre de soins pour des raisons financières. Il convient plutôt d’accompagner ces centres, en mobilisant éventuellement les collectivités, pour envisager un retour à l’équilibre.
Comme à l’hôpital, seule l’absence de professionnels peut conduire à fermer un tel centre – à l’hôpital, on ne ferme jamais de lits pour des raisons financières, mais parce qu’on manque de professionnels de santé. C’est pourquoi je souhaite qu’on forme plus de professionnels médicaux et paramédicaux.
Je vais analyser ce dossier en détail afin de vérifier qu’il ne s’agit pas de fermetures liées à un déficit de professionnels de santé.
J’ai bien conscience que quand on ferme un centre de santé de proximité, on éloigne les patients des soins ; c’est pourquoi je souhaiterais une expertise des structures financières. Je reviendrai ensuite vers vous.
Centre hospitalier intercommunal Robert-Ballanger
M. le président
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour exposer sa question, no 72, relative au centre hospitalier intercommunal Robert-Ballanger.
Mme Clémentine Autain
Je vous alerte une nouvelle fois sur la situation de l’hôpital public, et en particulier celle de Robert-Ballanger, grand hôpital de secteur dans le désert médical qui est le nôtre en Seine-Saint-Denis, où l’on continue à foncer droit dans le mur.
La tarification à l’acte et les regroupements d’hôpitaux imposés par la loi ont été l’occasion de sabrer dans les dépenses, alors que les besoins augmentent.
Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines. Que dire de la chaîne des décisions inspirées du privé ? Le niveau de sous-traitance est à l’image de votre entêtement, et les résultats, sidérants.
Prenons le laboratoire d’anatomopathologie, qui examine les organes, les tissus, les cellules : le service a été externalisé. Avant, il fallait trois semaines pour obtenir les résultats ; désormais, c’est plutôt trois mois. Pourtant, on parle de cancer, monsieur le ministre !
Le service rendu est si mauvais – et même contraire aux termes du marché – que l’hôpital est contraint de sous-traiter ce service à d’autres hôpitaux.
Prenons la radiologie : l’imagerie médicale a été privatisée en 2021. Une grosse entreprise, rachetée depuis par un groupe américain, a obtenu le marché. Mais elle ne prend en charge que ce qui rapporte – scanner, imagerie par résonance magnétique (IRM), mammographie. La radiologie conventionnelle ne l’intéresse pas. Comme à la SNCF ou ailleurs, le privé récupère les parts juteuses et ce qui n’est pas rentable va au public !
Prenons encore la diabétologie. Alors que la population de Seine-Saint-Denis est particulièrement victime de cette maladie, qui touche plus certains milieux sociaux que d’autres, le choix de gestion a conduit à la fermeture de ce service – il ne rapporte pas assez.
Prenons enfin le ménage, que la direction de l’hôpital a décidé d’externaliser, comme si recourir au privé était décidément préférable au maintien du personnel. La méthode se banalise, même si les personnes employées – en majorité des femmes – sont davantage exploitées et que le travail est moins bien fait.
Jusqu’où irez-vous dans la marchandisation du soin ? Quels moyens concrets prévoyez-vous pour résorber le mal-être profond et le chaos au sein l’hôpital public, mais aussi les inégalités entre les territoires, dont mon département, la Seine-Saint-Denis, fait tout particulièrement les frais ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je n’irai nulle part, madame Autain. J’étais encore praticien hospitalier il y a quelques semaines et la préservation de l’hôpital public est au cœur de mes préoccupations. Pour autant, je ne lui oppose pas l’hôpital privé, qui peut être complémentaire dans certains territoires.
Sans outrance, je vais essayer de vous apporter des réponses point par point. Sur certains, nos informations sont discordantes. Je reviendrai donc vers vous ultérieurement.
Vous avez raison, au sein de votre circonscription, le centre hospitalier Robert-Ballanger joue un rôle central dans la prise en charge des patients. Dans le cadre du plan État plus fort en Seine-Saint-Denis, une enveloppe de 8,8 millions d’euros a été allouée pour rénover, restructurer et agrandir son service d’urgence en 2024.
Combiné à la prise de fonction d’un nouveau chef de service des urgences, cet investissement participe à la transformation du service. En effet, de tels investissements n’ont de sens que si les professionnels sont aussi au rendez-vous.
Dans le cadre du Ségur, 73 millions d’euros ont également été investis pour rénover le bloc opératoire et reconstruire le service de psychiatrie. C’est une bonne nouvelle, puisque la santé mentale a été déclarée grande cause nationale.
En novembre 2024, l’hôpital a également obtenu une autorisation pour les actes de thrombectomie – j’étais intervenu dans cet hémicycle pour éviter le déremboursement du matériel nécessaire à la thrombectomie. Cette nouvelle activité sera déployée en 2025 pour renforcer l’offre de soins.
S’agissant des points que vous avez soulevés, s’il s’avère que les résultats d’anatomopathologie sont rendus en trois mois, ce n’est pas acceptable. Il s’agirait clairement d’une perte de chances pour les patients. Le délai précédent, de trois semaines, est malheureusement souvent incompressible du fait de la technicité des analyses et de leur lecture.
Je veillerai donc au bon respect de la convention établie avec ce laboratoire externe. Selon les informations qui m’ont été transmises, cette convention donnait satisfaction en matière de prestation et de diagnostic. Je vous recontacterai à ce sujet après avoir vérifié la longueur des délais.
Comme vous, je déplore la fermeture du service de diabétologie, mais…
Mme Clémentine Autain
Je sais ce que vous allez me dire !
M. Yannick Neuder, ministre
…je ne l’attribue pas à des considérations financières : il a surtout fermé en raison du départ d’un médecin.
Mme Clémentine Autain
Pourquoi les médecins s’en vont, telle est la question !
M. Yannick Neuder, ministre
La continuité de service est néanmoins assurée, en collaboration avec le groupe hospitalier du Raincy Montfermeil.
La qualité de vie au travail est une priorité quel que soit le poste, du technicien de surface au chef de service. Des efforts ont été faits pour réduire le taux de contractuels, qui est passé de 34 % à 17 %, et pour mener une politique active de soutien en faveur des professionnels de santé, notamment en matière de logement.
Je referai le point sur les délais de communication des comptes rendus d’anatomopathologie. S’ils s’avèrent trop longs, je vous en tiendrai informée et nous œuvrerons ensemble afin de les réduire. Des délais qui dépassent trois semaines sont effectivement inacceptables car les patients atteints d’un cancer pourraient être victimes d’une perte de chances en raison d’un retard de diagnostic, retard que nous n’accepterions pas pour nous-mêmes ou nos proches. Je vous remercie de m’avoir alerté sur cette situation.
Aide médicale de l’État
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi, pour exposer sa question, no 73, relative à l’aide médicale de l’État.
M. Hendrik Davi
Monsieur le ministre, étant vous-même médecin, vous savez que les maladies infectieuses ne connaissent pas de frontières ; ne pas soigner un ressortissant étranger, ou mal le soigner, c’est non seulement inhumain et contraire à la déontologie médicale, mais c’est aussi une hérésie en matière de santé publique. Leur santé, c’est aussi la nôtre. Que l’on parle de tuberculose, de sida, de grippe ou de covid, laisser sans soins certains de nos congénères est absurde. Plus on retarde les consultations, plus les maladies s’aggravent, et plus elles sont coûteuses à soigner.
Or, pas plus tard que dimanche dernier, le ministre de l’intérieur – votre collègue – a rappelé sa volonté de réformer l’aide médicale de l’État, l’AME. Jeudi, son ministre délégué a lui aussi annoncé que l’AME serait restreinte. Je note que c’est le ministère de l’intérieur qui communique alors qu’il s’agit d’un vrai sujet de santé publique. Pourtant, les médecins ne cessent de le répéter : les patients étrangers qui bénéficient de l’AME n’ont pas migré pour se faire soigner, mais pour fuir la misère ou la guerre civile. À Marseille, nous recueillons de nombreux témoignages qui vont dans ce sens. Souvent, ces personnes travaillent sur nos chantiers ou dans nos restaurants.
Plusieurs restrictions absurdes de l’aide médicale de l’État ont été mises sur la table, mais l’une d’entre elles inquiète tout particulièrement les associations : la conjugalisation de l’AME. En octobre, le gouvernement avait annoncé que les ressources du conjoint pourraient être prises en compte pour calculer si une personne a droit à l’AME. Cela pourrait avoir pour conséquence d’exclure des milliers de bénéficiaires de ce dispositif – ceux qui sont en couple avec un assuré social dont les revenus dépassent le plafond. Si cette mesure se concrétise, l’accès aux soins et à la prévention dépendra entièrement du bon vouloir du conjoint. Vous mettrez ainsi en danger les 192 000 femmes bénéficiant de l’AME, que leur précarité rend particulièrement vulnérables aux violences conjugales. Saviez-vous que les scientifiques ont montré que les victimes de violences conjugales, lesquelles vont parfois hélas jusqu’au féminicide, ont subi des restrictions de l’accès aux soins de la part de leur conjoint ?
Pour toutes ces raisons, cette mesure de conjugalisation proposée dans le rapport Evin-Stefanini ne doit pas devenir réalité. Ma question est donc très simple : comptez-vous y renoncer ? Vous engagez-vous solennellement à ne pas toucher à l’aide médicale de l’État ? Si vous ne vous y engagez pas, j’espère que cela aura au moins le mérite de convaincre mes camarades socialistes de voter la censure !
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je voudrais d’abord tordre le cou à un certain nombre d’idées reçues sur l’aide médicale de l’État, en mettant de côté les déclarations des uns et des autres, qu’ils soient membres du gouvernement ou non. Vous avez rappelé que je suis médecin. Quand on accueille un patient en urgence, par exemple, comme j’ai eu l’occasion de le faire durant de nombreuses années, une personne qui fait un infarctus la nuit, on ne lui demande pas ses papiers : on l’accueille au bloc et on débouche son artère. Les équipes médicales et paramédicales ne se soucient que d’une chose, la bonne prise en charge du patient. Le dossier administratif n’est constitué que dans un second temps. Je me méfie donc beaucoup de ce qui est dit sur ce sujet, car on peut facilement attiser des peurs infondées. On ne refuse personne à l’hôpital du fait de sa nationalité, et rien n’est prévu pour sanctionner cet accueil.
Je porte un grand intérêt aux questions de santé mondiale, notamment à la tuberculose, au paludisme et au sida, comme en témoigne ma participation à l’installation de l’académie de l’OMS à Lyon. Il n’a jamais été dit que les maladies infectieuses seraient exclues de la prise en charge. Il faut donc dédramatiser. Ce sujet est avant tout un sujet politique, qui dessine une ligne de fracture au sein de cet hémicycle, avant d’être un sujet de santé publique. Les dépenses de l’AME ne représentent que 0,5 % des dépenses de santé.
Mme Clémentine Autain
Exactement !
M. Hendrik Davi
Nous sommes parfaitement d’accord !
M. Yannick Neuder, ministre
Les actes pris en charge dans ce cadre sont essentiellement des accouchements et ceux qui résultent d’affections respiratoires, de problèmes digestifs, notamment d’hépatites, et de problèmes cardiovasculaires – de vrais problèmes médicaux. Ici ou là, des actes plus accessoires ont pu être pris en charge, mais c’est anecdotique. Ils ont cependant fait l’objet de nombreux articles de presse, sans que ce soit toujours très justifié. Je suis pour que l’on se questionne sur ces actes, même si ce n’est pas le fond du problème, mais il n’a jamais été dit que nous ne devions plus faire preuve d’humanité en matière de prise en charge. Il faut agir avec discernement et distinguer l’essentiel du superflu, afin d’éviter un appel d’air. Je ne commenterai donc pas les propos des uns et des autres ; je m’exprimerai plus longuement si ce sujet arrive jusqu’ici. La ligne qui doit être la nôtre, c’est la prise en charge humaine des patients, quelle que soit leur nationalité – personne ne doit être laissé sur le bord de la route. En revanche, il ne faut pas prendre en charge des actes superflus ou qui relèvent de la médecine esthétique.
Sur la question de la conjugalisation, il faut se replonger dans le rapport Evin-Stefanini. C’est une question de justice sociale et d’acceptabilité auprès de nos concitoyens. Certaines personnes qui ont cotisé toute leur vie et qui se retrouvent avec un reste à charge ont du mal à accepter que les dépenses médicales de personnes qui n’ont pas cotisé soient complètement prises en charge. Le rapport Evin-Stefanini contient d’autres propositions afin de soigner tout le monde tout en rétablissant une justice sociale pour ceux qui ont cotisé. Nous pouvons trouver un juste milieu pour contrôler les dépenses avec fermeté – car si la santé n’a pas de prix, elle a un coût – tout en garantissant l’humanité de la prise en charge.
Vaccination contre le covid-19
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet, pour exposer sa question, no 80, relative à la vaccination contre le covid-19.
M. Yannick Monnet
En 2020, notre pays a été confronté au covid-19. Selon Santé publique France, 41 millions de personnes ont été vaccinées, ce qui a drastiquement réduit le nombre de cas graves et de décès liés au virus. Mon propos n’est donc pas de remettre en question l’efficacité du vaccin, mais de rappeler que certains citoyens souffrent d’effets secondaires parfois invalidants et qu’une information transparente sur les bénéfices et les risques des vaccins est indispensable. Or, à ce jour, aucune étude n’a été menée en France pour recueillir des données fiables quant à l’impact des vaccins sur la santé.
De plus, nous savons aujourd’hui que les symptômes du covid-19 peuvent persister dans certains cas au-delà de quelques semaines et correspondre à des pathologies sérieuses, voire graves. La loi du 24 janvier 2022 prévoyait la création d’une plateforme destinée à recenser les personnes touchées et à faciliter leur parcours de soins, mais dans les faits, il n’existe aucun suivi. Par conséquent, des malades se trouvent en détresse physique et psychologique et se sentent abandonnés. Certains manquent de ressources car ils sont incapables de reprendre une activité professionnelle. Il est crucial de faire preuve de considération à l’égard de ces malades et de leur garantir une prise en charge adéquate, fondée sur une approche holistique.
Nous avons besoin d’études rigoureuses pour mieux connaître les conséquences du covid-19 et l’impact des vaccins sur la santé, identifier les populations vulnérables et orienter les politiques de santé publique. Investir dans la recherche permet de préparer notre système de santé aux défis du futur.
Par ailleurs, les patients en arrêt maladie perçoivent une indemnité mensuelle qui les place sous le seuil de pauvreté. Il est urgent d’étudier leur situation et de leur garantir un soutien financier lorsque leurs symptômes sont trop sévères pour leur permettre de travailler dans des conditions normales. Le manque d’accompagnement aggrave leur pathologie tout en étant source d’inégalités dans l’accès aux soins.
Il est donc essentiel de reconnaître l’existence de ces pathologies, d’en comprendre les mécanismes et d’agir rapidement. Comptez-vous mettre en place un programme de suivi de ces patients, notamment en leur proposant une prise en charge médicale adaptée ? Mettrez-vous ainsi au premier plan l’intérêt des patients et contribuerez-vous à renforcer l’efficacité du système de soins ? Et répondrez-vous au besoin urgent de soutien financier de certains patients ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je suis moi-même souvent interpellé au sujet du covid long, qui intervient à la suite d’une infection au covid. Les patients atteints développent des symptômes persistants qui peuvent varier d’un individu à l’autre. La perte du goût et de l’odorat fait partie des symptômes les plus fréquents, tout comme une fatigabilité accrue. C’est un sujet de santé publique important. Les processus doivent quoi qu’il en soit être vérifiés en collaboration avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Il faut encourager la recherche sur ce sujet, car le mécanisme physiopathologique n’est pas encore bien cerné. Un article assez récent publié dans la revue Nature indique que le problème viendrait d’une altération des mitochondries, mais d’autres hypothèses ont été envisagées, notamment une réactivation du virus d’Epstein-Barr, qui concernerait des franges spécifiques de la population. Les scientifiques doivent pouvoir explorer les causes du covid long.
Nous avons débloqué des moyens pour accompagner les personnes qui souffrent d’effets secondaires ou de symptômes prolongés. Je citerai trois mesures concrètes. Des centres spécialisés ont été créés, où l’on peut bénéficier de consultations post-covid assurées par des experts, ainsi que des cellules d’appui et de coordination dédiées au covid long, qui sont réparties sur l’ensemble du territoire. Si besoin, je vous indiquerai les structures les plus proches de votre circonscription, dans l’Allier. L’accompagnement médical a été renforcé : mon ministère a saisi la Haute Autorité de santé pour élaborer un guide sur le parcours de soins des adultes et des adolescents qui présentent des symptômes prolongés à la suite du covid-19. Enfin, nous avons créé une plateforme sur le site de l’assurance maladie avec l’association Tous partenaires Covid, plateforme qui permet de faciliter l’orientation des patients potentiellement concernés par le covid long.
Le covid long peut avoir des répercussions économiques et sociales d’importance pour les personnes concernées. Les dispositifs existants, tels que la reconnaissance de l’affection de longue durée, permettent de soutenir financièrement les malades.
Je m’engage à continuer de communiquer sur le sujet avec transparence, en me fondant sur les données récentes de la recherche et sur les rapports de pharmacovigilance qui seront publiés en France. Il s’agit d’obtenir les connaissances les plus complètes possibles afin de trouver une solution à ce problème. Soyez assuré que mon ministère et moi-même sommes pleinement mobilisés pour identifier les mécanismes physiopathologiques du covid long, proposer aux patients concernés des consultations spécialisées et l’accès à des ressources adéquates dans des structures ad hoc, et enfin prendre les mesures financières permettant de garantir à ces patients une soutenabilité économique et sociale.
Liberté de prescription du médecin
M. le président
La parole est à M. Laurent Panifous, pour exposer sa question, no 88, relative à la liberté de prescription du médecin.
M. Laurent Panifous
L’exercice de la médecine est éminemment complexe. Il exige des connaissances scientifiques parfaitement objectives, vérifiables et reproductibles. Mais ces connaissances ne sont pas suffisantes pour parvenir au bon diagnostic, au bon traitement du patient.
L’individualisation de la prise en charge dépend d’informations qu’échangent le médecin et son patient, du contexte ; et la confidentialité de ces informations est une condition essentielle à la relation de confiance qui les unit, elle est indispensable pour que le patient puisse se livrer complètement et permettre au médecin de lui proposer le traitement le plus approprié.
Le secret médical couvre toutes les informations que le professionnel de santé possède sur une personne. Ce secret est reconnu comme indissociable de l’exercice de la médecine depuis des siècles.
Il est une autre constante : la confiance que nous accordons depuis toujours aux médecins dans leurs choix, leurs diagnostics, les traitements qu’ils prescrivent. Bien sûr, des contrôles sont possibles par leurs pairs ; ces contrôles existent et ne sont pas remis en question.
Depuis le 30 octobre dernier, le décret no 2024-968 relatif au document destiné à renforcer la pertinence des prescriptions médicales conditionne toutefois le remboursement de certains médicaments à la justification de leur prescription par le médecin. Autrement dit, le médecin doit dorénavant dévoiler, sur la prescription ou sur un document joint, dans certains cas, la pathologie dont souffre le patient.
Cette mesure, monsieur le ministre, est perçue par le corps médical comme une atteinte grave au secret médical, d’autant qu’elle ne semble motivée que par une logique comptable et constitue une démonstration de la méconnaissance, par les autorités, des conditions réelles d’exercice de la médecine. Le corps médical dénonce également l’intention de l’État de renforcer le contrôle des prescriptions médicales par une démarche administrative supplémentaire, alors même qu’on cherche à les réduire drastiquement.
On peut exprimer plusieurs craintes : d’abord, que ce dispositif de « surveillance préalable » transfère la responsabilité financière des remboursements de l’assurance maladie aux médecins eux-mêmes, avec un risque d’indus en cas de prescriptions jugées non conformes ; ensuite, qu’il favorise une standardisation excessive des pratiques au détriment de la personnalisation des traitements.
Enfin, je m’étonne que ce décret reprenne une disposition de l’article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 largement rejetée par la commission des affaires sociales.
Force est donc de constater que les dispositions de ce décret comme les conditions de sa parution soulèvent un mécontentement qu’on ne peut ignorer.
Ma question est simple : le gouvernement va-t-il prendre en considération la demande légitime des médecins et des patients ? Allez-vous restaurer le secret médical, mais aussi la confiance envers le prescripteur, en annulant ce décret ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Votre question me permet de faire à nouveau le point sur l’action du gouvernement, en particulier celle du ministère de la santé. Je ne rappellerai pas que je suis médecin et que j’ai exercé jusqu’au mois de décembre. Comment envisager une minute que le ministère de la santé remette en cause le lien de confiance entre un patient et un praticien, quel qu’il soit, ou ne préserve pas le secret médical ? Ne propageons pas de fausses informations !
Ensuite, ne mélangeons pas efficience des soins, mésusage du médicament et lourdeur administrative. Il est hors de question de rendre plus compliqué l’exercice des professionnels de santé par une suradministration, une surinformatisation. Nous sommes donc d’accord. J’ai annoncé tout à l’heure le dépôt d’un projet de loi de simplification avant l’été : si vous avez des propositions, je vous invite vraiment à me les communiquer afin que nous travaillions ensemble.
En revanche, il semble qu’il y ait confusion sur l’objet du décret que vous mentionnez. Celui-ci ne saurait anticiper le contenu d’un PLFSS qui n’est pas encore voté ; il se réfère en réalité à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, et ne traite pas tout à fait du même sujet, puisqu’il y est question du mésusage de certains produits. Voici un exemple concret : certains traitements antidiabétiques, comme les analogues du GLP-1 – le glucagon-like peptide –, ont montré leur efficacité mais sont parfois mal utilisés quand ils sont prescrits – à la demande du patient ou à l’initiative du médecin – pour lutter contre l’obésité, sachant qu’ils font perdre du poids.
Quand il est demandé que le diagnostic soit précisé, c’est le médecin qui l’indique au patient – il n’y a donc pas rupture du secret professionnel. Je rappelle en outre que les pharmaciens qui vont lire une ordonnance sont eux-mêmes soumis au secret médical. Il s’agit donc d’éviter une mauvaise utilisation de la prescription. Les professionnels de santé ont des référentiels de qualité à appliquer afin de ne pas prescrire le mauvais médicament au mauvais patient, ce qui arrive beaucoup avec les antibiotiques. Il n’est donc en aucun cas question, je le redis, de restreindre la confiance entre le médecin et son patient.
Maison de santé pluridisciplinaire de Romenay
M. le président
La parole est à M. Éric Michoux, pour exposer sa question, no 99, relative à la maison de santé pluridisciplinaire de Romenay.
M. Éric Michoux
La maison de santé pluridisciplinaire (MSP) de Romenay, en Saône-et-Loire, compte deux médecins généralistes, trois dentistes, des infirmières. C’est un outil très important pour notre territoire rural, puisqu’à 20 kilomètres à la ronde, il n’y a pas de médecin.
Cette maison de santé a été créée grâce à des financements importants apportés par la commune et par les services de l’État eux-mêmes. Il se trouve qu’un des deux médecins généralistes a pris sa retraite et que celui qui reste doit désormais s’occuper de 2 200 patients. L’agence régionale de santé (ARS) avait autorisé la mise à disposition d’une coordinatrice médicale qui faisait vivre l’établissement dès lors qu’il y avait deux médecins – cela faisait partie du pacte conclu lors de la création de la MSP. Au vu des règles en vigueur, il est probable qu’elle soit amenée à quitter le secteur maintenant qu’il n’y a plus qu’un médecin. Cela serait d’autant plus grave que des départs en cascade risquent de se produire : celui du médecin restant, celui des infirmières, mais aussi, compte tenu de l’importance de la structure et des coûts de gestion du bâtiment, celui des dentistes.
J’en appelle donc à votre bienveillance, monsieur le ministre. J’ai déjà discuté avec le directeur de l’ARS. Est-il possible de modifier la disposition selon laquelle une coordinatrice médicale ne peut exercer quand il n’y a qu’un seul médecin ? Peut-on bénéficier d’un peu de temps, sachant que le conseil municipal et son maire continuent, avec une volonté qui force l’admiration, à chercher des médecins qu’on ne trouve malheureusement pas ? Je sais à quel point vous connaissez le sujet et vous remercie par avance de votre bienveillance.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je suis très heureux de constater que les députés, quel que soit leur bord politique, sont pleinement impliqués dans les maisons médicales, car c’est ce qui permettra de développer le soin dans les territoires.
Vous appelez mon attention en tant que ministre de la santé, et en quelque sorte en tant que médecin, sur la maison de santé pluridisciplinaire de Romenay, laquelle assure une offre de proximité en Saône-et-Loire. La volonté des pouvoirs publics d’aider cette MSP est réelle. La territorialisation des décisions, ici la mobilisation des élus locaux – qu’il s’agisse de la commune, de l’intercommunalité, du département ou de la région – et des parlementaires, a permis à la MSP de Romenay de voir le jour.
Or, le 2 novembre 2019, un des deux médecins généralistes est parti à la retraite. Une dérogation a permis de maintenir jusqu’en 2024 les aides financières et la présence de la coordinatrice médicale. Nous ne pouvons aller au-delà sans changer la loi, vous l’avez dit, et je suis toujours méfiant quand on prétend la modifier pour un cas particulier.
Cependant, vous avez fort bien décrit le caractère structurant de la présence des deux médecins. Quand on perd un médecin – qui est à l’origine de la prescription –, on perd toute la filière d’aval : le pharmacien, les personnels paramédicaux qui agissent sur prescription, et ces départs ne sont pas un facteur d’attractivité pour les dentistes. J’ai donc demandé à l’ARS de la région Bourgogne-Franche-Comté d’octroyer une aide financière de 50 000 euros pour l’année 2025, afin de laisser plus de temps pour trouver un second praticien. Je vous invite aussi à faire de la publicité auprès du médecin à la retraite, car j’espère que lors de l’examen du PLFSS pour 2025, nous pourrons faire voter des mesures permettant à un praticien retraité d’exercer à temps partiel jusqu’à l’arrivée d’un nouveau médecin.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositifs techniques, mais tenez-moi informé. En attendant, nous avons décidé l’aide exceptionnelle que je viens d’évoquer. Nous avons bien compris que dans le territoire concerné, l’offre de soins de proximité souffrirait de la disparition de la MSP.
Cela justifie des actions à long terme pour réformer le système en vigueur, afin de former davantage de professionnels de santé, en particulier plus de médecins. J’espère pouvoir compter sur vous pour adopter ces réformes structurelles.
M. le président
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux
Je vous remercie pour cette aide importante, monsieur le ministre. Bien sûr, vous êtes invité à Romenay quand vous le souhaitez.
Réglementation applicable aux collectivités territoriales
M. le président
La parole est à Mme Nicole Le Peih, pour exposer sa question, no 74, relative à la réglementation applicable aux collectivités territoriales.
Mme Nicole Le Peih
Si les normes nous protègent, leur prolifération excessive peut se muer en un véritable fléau entravant l’efficacité des collectivités territoriales. Cette inflation normative, bien qu’inspirée par de louables intentions, engendre des contraintes administratives démesurées, des surcoûts considérables, et limite la capacité des collectivités.
À la suite du dépôt du projet de loi de simplification de la vie économique sur le bureau de l’Assemblée, j’ai consulté les élus locaux de ma circonscription. Ils m’ont exprimé leur préoccupation croissante face à cette accumulation et à l’instabilité des règles, souvent incompréhensibles et parfois mal adaptées aux réalités locales. La grande majorité d’entre eux souligne que la complexité des normes freine la réalisation de leurs projets et entraîne des coûts opérationnels excessifs.
Prenons l’exemple de la réglementation encadrant la gestion des piscines municipales, établissements soumis à des normes strictes. L’une d’elles concerne la vidange annuelle des bassins, quelle que soit la qualité de l’eau – alors que des analyses bactériologiques sont réalisées trois fois par jour, voire toutes les deux heures. Bien que des mesures aient été prises pour réduire la fréquence des vidanges, de nombreuses collectivités jugent cette obligation coûteuse et difficilement justifiable d’un point de vue écologique. La plupart des maires souhaitent que l’exécutif supprime cette obligation, comme l’ont fait l’Allemagne et la Suisse. Cette suppression figurait parmi les engagements pris par Gabriel Attal alors qu’il était premier ministre.
Répondrez-vous à l’appel des élus locaux en engageant une réforme visant à simplifier la réglementation applicable aux collectivités territoriales, notamment à supprimer l’obligation de vidange annuelle des piscines municipales ? L’examen du projet de loi de simplification, tant attendu par les chefs d’entreprise et par les exécutifs locaux, sera-t-il bientôt repris ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Voilà une question qui se pose quand on a exercé des responsabilités locales, qu’on ait été maire ou président d’agglomération. Les piscines sont des lieux récréatifs, sportifs, mais aussi des lieux qui peuvent contribuer à la dégradation de la santé de nos concitoyens. Les normes en vigueur doivent donc protéger sans bloquer la marge de manœuvre des collectivités, notamment dans un contexte environnemental que tout le monde connaît : raréfaction de la réserve d’eau, sécheresse… Il faut donc trouver un compromis, comme vous le dites vous-même.
En 2017, l’association nationale des élus en charge du sport a été saisie et s’est opposée à la vidange qui, à l’époque, devait être effectuée deux fois par an.
Sa demande a été entendue, bien qu’en désaccord avec l’avis de l’Anses – l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail –, et les bassins sont actuellement vidangés une fois par an. Un certain nombre de retours ont mis en lumière des cas dans lesquels la qualité de l’eau est insatisfaisante.
J’ai demandé à la direction générale de la santé de saisir l’Anses pour une expertise approfondie au sujet d’une approche plus flexible, selon laquelle la vidange serait décidée au cas par cas, en fonction des analyses de la qualité bactériologique et microbiologique de l’eau. C’est en cours et nous attendons l’avis de l’Anses.
Si les conditions sont remplies pour adopter sans risque sanitaire pour la population cette approche au cas par cas, nous le ferons. Laissez-moi simplement le temps de recevoir l’avis de l’Anses, afin de répondre au mieux à votre demande de simplification, expression de votre bon sens d’élue de terrain.
Chômage frontalier
M. le président
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour exposer sa question, no 70, relative au chômage frontalier.
Mme Virginie Duby-Muller
Je souhaite interroger Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi sur une problématique particulièrement sensible pour nos territoires frontaliers, notamment le département de la Haute-Savoie, que j’ai l’honneur de représenter : la prise en charge du chômage des travailleurs frontaliers.
Il y a quelques semaines, un accord a été annoncé entre les partenaires sociaux sur l’assurance chômage. Il proposait notamment une réforme de l’indemnisation chômage pour les travailleurs frontaliers, par l’instauration d’un coefficient attribué aux personnes en situation de chômage afin de réduire leur indemnisation.
J’entends et je comprends les arguments, notamment financiers, qui ont conduit à cette proposition. Elle ne semble cependant pas acceptable, car elle est profondément injuste et assez brutale pour les travailleurs frontaliers.
J’avais reçu, à ma permanence d’Annemasse, plusieurs associations de représentants de travailleurs frontaliers inquiets de cette situation, car selon plusieurs estimations, la réforme pouvait réduire de près de 70 % l’indemnisation chômage des frontaliers.
C’est également problématique d’un point de vue juridique : en rompant le principe d’égalité entre les travailleurs, une telle mesure se révélerait inconstitutionnelle.
Toutefois, le système actuel porte une grave atteinte aux finances publiques de notre pays. Dans la situation critique que nous connaissons, il est important de maintenir comme objectif une bonne gestion de l’argent public.
Selon l’Unedic, la France assume un coût annuel de l’ordre de 800 millions d’euros pour indemniser les travailleurs frontaliers au chômage.
Je rappelle que c’est un règlement européen qui impose au pays de résidence le financement des allocations chômage, quand bien même les cotisations ont été versées dans le pays d’emploi.
Cette situation engendre un déséquilibre budgétaire important pour l’assurance chômage française, puisque la France verse environ 1 milliard d’euros et ne reçoit que 200 millions de remboursement par les pays voisins.
Or une communication officielle du 10 janvier 2025 du secrétariat d’État à l’économie helvétique a annoncé pour son assurance chômage un excédent de recettes de 1,55 milliard de francs suisses ; en 2023, l’excédent était de 2,76 milliards.
Cette réforme ne peut pas se faire au détriment des droits des travailleurs frontaliers qui ont cotisé et qui ne sont pas responsables de cette situation.
Quelles suites comptez-vous donner à cette proposition ? La réforme sera sans doute nécessaire, mais doit se faire en concertation avec les différents partenaires sociaux, les travailleurs frontaliers et les parlementaires.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Votre question me permet de rappeler qu’une des priorités du ministère de Mme Astrid Panosyan-Bouvet est de réformer les règles européennes d’indemnisation du chômage des frontaliers. Le règlement en vigueur dispose que l’État de résidence, et non l’État d’emploi, prend en charge l’indemnisation et que ce dernier verse trois à cinq mois d’allocations à l’État de résidence, selon que le frontalier y a travaillé plus ou moins de douze mois.
Ce système d’indemnisation engendre chaque année un déficit de près de 800 millions d’euros pour l’assurance chômage française, non seulement en raison des salaires plus élevés dans les pays voisins – la Suisse, que vous connaissez très bien, ainsi que le Luxembourg et l’Allemagne –, mais aussi à cause d’un temps plus long de recherche d’un nouvel emploi. Les demandeurs d’emploi transfrontaliers consomment davantage leurs droits : en 2023, 41 % d’entre eux avaient consommé l’intégralité de leurs droits, contre une moyenne de 37 %.
Face à cette problématique, Mme Astrid Panosyan-Bouvet a conçu un plan d’action qui se décline en deux volets. À l’échelle de l’Union européenne, elle a engagé des démarches diplomatiques auprès de ses homologues européens pour défendre la révision du règlement 883/2004 dans le cadre de la présidence polonaise de l’Union européenne.
À l’échelle nationale, elle a saisi, le 8 janvier 2025, la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle d’un projet de décret précisant les éléments constitutifs de l’offre raisonnable d’emploi (ORE) qui, pour rappel, est une offre qui correspond, pour un demandeur d’emploi donné, à son niveau de qualifications et de compétences, à sa localisation géographique et au niveau de salaire normalement pratiqué dans la zone géographique de sa recherche d’emploi.
Le projet de décret prévoit que le salaire habituellement pratiqué en France devienne l’un des éléments constitutifs de l’ORE, et non plus les salaires pratiqués à l’étranger. Les autres éléments restent inchangés.
Ce décret est l’une des mesures de transposition de l’article 4 de l’accord des partenaires sociaux relatif à l’assurance chômage du 14 novembre 2024, dans lequel les organisations signataires appellent formellement les pouvoirs publics à entreprendre toutes les actions nécessaires pour réviser la réglementation européenne en matière d’indemnisation des travailleurs frontaliers et à renforcer leur accompagnement.
Par ailleurs, toujours dans la lignée de l’accord de novembre 2024, et en complément de ce projet de décret, l’accompagnement des demandeurs d’emploi frontaliers sera renforcé par les dix-neuf agences France Travail qui accueillent la majorité d’entre eux.
Il ne s’agit pas de stigmatiser ces travailleurs qui sont une composante essentielle de la vitalité de nos territoires et qui seront toujours libres de chercher un emploi dans le pays de leur choix, mais de mieux accompagner les demandeurs d’emploi frontaliers qui chercheraient en France.
L’assurance chômage doit continuer de jouer pleinement son rôle de filet de sécurité pour tous les travailleurs, tout en répondant aux impératifs d’incitation au retour à l’emploi et de soutenabilité de la trajectoire financière.
Enfin, au niveau bilatéral, il nous faut également travailler directement avec la Suisse à un système plus équilibré pour la France.
Vous avez compris, madame la députée, qu’Astrid Panosyan-Bouvet est pleinement mobilisée sur cette problématique, qu’elle prend très au sérieux, et que vous pouvez compter sur sa pleine détermination.
M. le président
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.
Mme Virginie Duby-Muller
Je vous remercie, monsieur le ministre, de m’avoir transmis les éléments de réponse de votre collègue, qui s’était engagée, avant la censure, à venir en Haute-Savoie. J’espère pouvoir l’y accueillir.
Bien sûr, il faut travailler non seulement à l’échelon européen, mais aussi avec nos partenaires suisses. Nous comptons vraiment sur elle pour avancer sur ce dossier. La France a de l’argent à récupérer.
Vagues de licenciements
M. le président
La parole est à M. Raphaël Arnault, pour exposer sa question, no 86, relative aux vagues de licenciements.
M. Raphaël Arnault
Si je m’adresse à Mme la ministre chargée du travail et de l’emploi, c’est pour rendre compte d’une situation alarmante de licenciements à la chaîne, une violence sociale qui touche de plein fouet des milliers de travailleurs et leurs familles.
Symptômes d’une crise beaucoup plus profonde, alimentée par des décennies de politiques néolibérales d’une brutalité sans nom, ces licenciements massifs concernent particulièrement le groupe Auchan, avec un prétendu plan de sauvegarde de l’emploi qui menace environ 2 400 postes en France, dont 50 dans le département de Vaucluse, notamment au Pontet.
On l’a bien compris, ce plan ne sauvegarde rien du tout, puisqu’aucune solution de reclassement n’est proposée. Les salariés d’Auchan ne sont même pas invités à retrouver un poste au sein des autres enseignes du groupe Mulliez, qui n’hésitent pourtant pas à travailler en synergie lorsqu’il s’agit d’optimiser les profits.
Derrière ces chiffres se trouvent des vies et des familles. Et cette tragédie ne touche pas seulement les employés, mais aussi toutes ces villes, ces villages et ces quartiers entiers dévastés par les fermetures de magasins, les suppressions de postes et les réductions de surfaces.
Pour mémoire, Auchan a engrangé en 2023 près de 1,5 milliard d’euros de bénéfices et 30 milliards de chiffre d’affaires, tout en bénéficiant de centaines de millions d’euros d’aides publiques – provenant de nos impôts – et d’exonérations fiscales.
En plus d’Auchan, le groupe Mulliez, car il est bon de nommer ces grands artistes, propriétaire de nombreuses enseignes, continue d’accumuler des profits colossaux en rinçant toujours plus ses actionnaires.
Decathlon, par exemple, va verser 1 milliard d’euros de dividendes à ses actionnaires, pendant que des milliers de travailleurs sont poussés vers le chômage. Quel beau résumé du macronisme !
Il ne s’agit donc pas d’une réponse à des problèmes économiques auxquels l’entreprise serait confrontée, mais de choix purement politiques : baisser le plus possible les coûts de personnel en abaissant les salaires, en remplaçant des travailleurs qualifiés par des personnes au smic pour effectuer les mêmes tâches, en fermant des postes – des hôtes de caisse jusqu’aux cadres.
Tout ça pour s’aligner sur la concurrence, mais à quel prix ? Les travailleurs sont finalement considérés comme de simples outils qu’on bouge ou qu’on jette au gré des profits. Le capitalisme est inhumain et profondément irrationnel.
Une bataille se déroule sous nos yeux, et que fait le gouvernement ? Toujours plus de liberté pour les exploiteurs ; toujours plus de brutalité pour les travailleurs. La ministre est censée protéger les emplois, pas engraisser ceux qui licencient.
À longueur de journée, les travailleurs de ce pays sont méprisés par une classe politique déconnectée, mais aussi par le président lui-même. Finalement, tout le monde l’a compris : les plus grands assistés de ce pays sont ceux qui vivent sous perfusion de politiques publiques visant à financer les groupes privés.
Je souhaiterais une Assemblée nationale et des ministères remplis de travailleuses et travailleurs. Vous y perdriez votre poste, mais en attendant que nous vous censurions, que comptez-vous faire pour les emplois et à l’égard du groupe Auchan et des propriétés de la famille Mulliez ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Monsieur le député, je n’attends pas d’être censuré ou maintenu ; je suis là pour m’occuper de la santé des Français, des soignants en particulier.
Si l’on veut réellement s’occuper des questions de santé, il faut s’inscrire dans la durée, car on ne peut pas correctement prendre en charge la santé des Français, ni celle des soignants, en quatre mois – qu’importe le ministre.
La ministre du travail, ainsi que le gouvernement, soutiennent les salariés et leurs familles.
La priorité de la ministre est la continuité salariale et professionnelle de tous les salariés touchés par le plan de sauvegarde, en particulier les seniors.
Elle souhaite simplifier les dispositifs de reconversion pour éviter le chômage et contribuer à l’emploi dans les territoires.
Nous voulons relancer le dispositif d’activité partielle de longue durée rebond, qui privilégie la formation et maintient l’emploi. Cette mesure faisait partie du projet de loi de finances qui n’a pas été voté. Pourtant, les entreprises et les salariés l’attendent ; j’espère qu’elle sera adoptée dans le cadre du prochain budget.
La ministre du travail suit de près le plan de sauvegarde en cours de négociation avec les partenaires sociaux et a demandé à Auchan de faciliter le retour à l’emploi des salariés concernés.
La grande distribution est en crise et Auchan subit des pertes importantes chaque année. Le modèle des hypermarchés ne fonctionne plus. Auchan France a enregistré une perte de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires ces dix dernières années.
Ce plan doit suivre les mêmes exigences que le précédent, avec des solutions de reclassement interne et externe, des congés de reclassement rémunérés et des financements pour des formations et des projets professionnels. Les négociations sont en cours. Lors du précédent plan en 2021, les 1 500 postes supprimés se sont traduits par 80 licenciements contraints.
Certes, chacune des entreprises de la famille Mulliez est autonome, mais la ministre du travail a demandé à Auchan d’accompagner les candidatures dans les autres entreprises du groupe. Le groupe financera aussi l’accompagnement pour rechercher des solutions de reclassement et contribuera financièrement à la revitalisation des bassins d’emploi concernés.
Concernant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, une commission d’enquête sur l’utilisation des allégements fiscaux a été créée par le Sénat le 15 janvier.
Nous devons être plus efficaces pour accompagner la transformation des différentes filières affectées dans leur modèle économique par la concurrence. Les restructurations doivent s’accompagner du maintien dans l’emploi et de reconversions réussies.
Je transmettrai vos éléments à ma collègue ministre du travail.
Convention franco-suisse sur la double imposition des successions
M. le président
La parole est à Mme Marie-Ange Rousselot, pour exposer sa question, no 76, relative à la convention franco-suisse sur la double imposition des successions.
Mme Marie-Ange Rousselot
Je tiens à attirer votre attention sur les difficultés que crée pour de nombreux Français de ma circonscription l’absence de convention entre la France et la Suisse visant à éviter les doubles impositions en matière de successions.
En 2014, la France a dénoncé unilatéralement la convention de 1953 qui existait dans ce domaine, devenue obsolète au vu de l’évolution de notre législation. Pourtant, si l’article 784 A du code général des impôts prévoit un mécanisme d’imputation tenant compte de l’impôt acquitté auprès de pays étrangers, des situations de double imposition persistent.
Un nouveau projet de convention a bien été élaboré, mais il a été rejeté par le parlement suisse, traduisant les désaccords d’alors entre nos deux pays sur les principes fiscaux fondamentaux. Depuis, aucun mécanisme bilatéral ne protège les contribuables des doubles impositions.
Nous partageons bien entendu la volonté de l’État de préserver les recettes fiscales légitimes. Mais dans la pratique, il est profondément injuste que certains de nos concitoyens endeuillés se trouvent doublement taxés.
Cela est particulièrement vrai lorsque la succession est en ligne indirecte, que les deux parties sont domiciliées en Suisse et que les biens ou avoirs concernés se situent en France.
Cumulées, les charges fiscales peuvent atteindre des niveaux démesurés et la lourdeur des démarches administratives se révéler difficilement acceptable pour des familles traversant des moments de grande fragilité. Dans les cas extrêmes, les droits de succession additionnés peuvent excéder la valeur de la succession elle-même.
À l’automne 2023, le Conseil national suisse a adopté à la quasi-unanimité une motion demandant à Berne de reprendre les discussions avec Paris et de trouver enfin une solution pérenne à ces anomalies fiscales.
Je vous demande donc de soutenir la reprise de ces négociations et d’œuvrer à la conclusion rapide d’une nouvelle convention fiscale bilatérale, dans l’intérêt de nos deux pays et de nos compatriotes.
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique
Vous avez appelé l’attention d’Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur les effets de la dénonciation en 2014, de la convention franco-suisse en matière d’impôts sur les successions, en faisant notamment état des successions doublement imposées. Le ministre étant retenu, je répondrai en son nom au sujet de l’avancée des réflexions et démarches relatives à la signature d’une nouvelle convention entre la France et la Suisse sur les successions, pour éliminer la double imposition.
À ce sujet, la France et la Suisse étaient liées, jusqu’au 31 décembre 2024, par une convention signée le 31 décembre 1953. Celle-ci s’est révélée inadaptée, dans la mesure où elle créait des situations de non-imposition et d’optimisation, au détriment des finances publiques françaises. C’est pourquoi un projet de nouvelle convention, conforme aux principes internationaux reconnus, avait été finalisé en 2012, par les autorités fiscales françaises et suisses. Après le rejet de celui-ci par le parlement suisse, la France a elle-même dénoncé la convention de 1953, le 17 juin 2014 : publiée le 24 décembre 2014, cette dénonciation est devenue effective le 1er janvier 2015.
Dans certains cas, la législation française, qui s’applique désormais intégralement, permet l’imposition de la succession sur l’ensemble du patrimoine du défunt, que l’actif soit situé en France ou non. De plus, l’article 784 A du code général des impôts prévoit un mécanisme d’élimination de la double imposition relative aux biens meubles et immeubles situés à l’étranger par l’octroi d’un crédit d’impôt aux héritiers domiciliés en France.
Il ne serait ni justifié ni légitime en revanche que la France renonce à imposer les successions relatives à des biens situés en France au profit de ressortissants d’un autre État. Réciproquement, seule la Suisse et ses cantons ont la compétence d’appliquer un mécanisme d’élimination de la double imposition ou de modifier leurs législations respectives pour épargner aux résidents suisses de telles situations.
S’agissant de l’avancée de la préparation d’une nouvelle convention entre la France et la Suisse, il convient de noter que, si la France dispose d’un vaste réseau conventionnel – elle est liée à plus de 120 partenaires par une convention d’élimination des doubles impositions –, le nombre de traités relatifs aux successions reste très faible, puisqu’on en recense seulement trente-trois, généralement anciens ; comme de nombreux États, la France ne souhaite d’ailleurs plus en conclure. À cet égard, la situation franco-suisse n’a rien d’exceptionnel.
Au demeurant, le rejet susmentionné d’un projet pourtant conforme aux principes internationaux par le Parlement suisse doit nous inviter à la prudence, d’autant que le gouvernement suisse n’a jamais approché nos services pour relancer des négociations.
M. le président
La parole est à Mme Marie-Ange Rousselot.
Mme Marie-Ange Rousselot
Je continuerai de suivre avec vigilance ces questions fiscales, très importantes pour les 180 000 Français qui résident en Suisse, dont certains subissent une double imposition inacceptable et incompréhensible.
Site Valeo de Saint-Quentin-Fallavier
M. le président
La parole est à M. Thierry Perez, pour exposer sa question, no 92, relative au site Valeo de Saint-Quentin-Fallavier.
M. Thierry Perez
Je souhaite appeler l’attention du ministre de l’industrie sur la situation dramatique de l’usine Valeo de Saint-Quentin-Fallavier en Nord-Isère, où 238 travailleurs seront bientôt contraints de renoncer à leur travail en raison d’un plan de suppression d’emplois. Cette décision, brutale et lourde de conséquences, suscite une vive inquiétude chez les salariés et leurs familles, mais aussi chez tous les acteurs du tissu économique local.
Ce nouvel épisode de désindustrialisation vient frapper un territoire déjà éprouvé et accentuer le sentiment d’abandon de nos régions productives. L’impact économique pour le Nord-Isère est considérable et se mesure en pertes d’emploi directes et indirectes, en commerces affectés et par le déséquilibre croissant entre les territoires ruraux et les métropoles.
C’est bien l’ensemble de l’industrie française qui est en danger et, en Isère, une véritable chaîne de désindustrialisation menace des secteurs stratégiques. Je veux également parler de Vencorex, acteur clé de la chimie grenobloise, spécialisé dans la production de chlore, de soude et d’isocyanates, dont 460 emplois sont menacés. Ses productions sont indispensables à l’activité d’Arkema, dont l’usine de Jarrie emploie 340 salariés et joue un rôle crucial dans la production de perchlorate, un oxydant utilisé comme propulseur pour les fusées Ariane, ainsi que dans la fabrication de composants stratégiques pour le nucléaire et la défense. Au risque de perdre la capacité à produire ces matériaux en France s’ajoute celui d’une reprise par un groupe chinois, c’est-à-dire d’une vente de notre savoir-faire technologique à des intérêts étrangers.
Face à une concurrence étrangère déloyale, aux délocalisations et à l’absence de stratégie industrielle claire, nos entreprises et leurs ouvriers paient le prix des politiques menées depuis des décennies.
Le Rassemblement national défend une politique de réindustrialisation ambitieuse, axée autour de la relocalisation des productions stratégiques, la protection de nos savoir-faire, le soutien aux entreprises qui choisissent la France et le rétablissement de la souveraineté industrielle.
Au-delà des annonces, quelles actions immédiates comptez-vous mettre en œuvre pour sauvegarder les 238 emplois de Valeo et accompagner dignement les travailleurs concernés ? Comment éviter que d’autres sites, comme ceux d’entreprises stratégiques telles que Vencorex et Arkema, subissent le même sort ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique
Valeo a annoncé, à la mi-juillet, un processus de réorganisation comprenant la recherche de repreneurs pour trois sites, dont celui de l’Isle d’Abeau. Un dialogue rapproché avec les services de l’État a été engagé, afin de limiter autant que possible les conséquences économiques et sociales de cette réorganisation pour ces territoires.
Ce travail a permis d’obtenir des engagements clairs, portant sur le respect du dialogue social, la qualité des mesures d’accompagnement et de reconversion des salariés, la recherche d’un repreneur et les actions de revitalisation et de redynamisation de ce site.
Alors que sa fermeture était annoncée par tous, le groupe Valeo a finalement décidé de ne pas fermer le site de Saint-Quentin-Fallavier-l’Isle d’Abeau. L’activité du site sera toutefois redimensionnée, notamment celle de ses équipes de recherche et développement (R&D), mais l’activité de production de moteurs électriques pour véhicules hybrides et électriques y sera maintenue.
Enfin, Valeo poursuit la recherche d’un repreneur de l’espace disponible au sein de son site, afin de consolider l’activité économique dans le territoire. Ce travail est mené en collaboration avec les services de l’État.
Face aux difficultés que traverse actuellement le secteur automobile, le gouvernement s’est engagé à défendre au niveau européen un plan visant à soutenir la filière en France. Ce plan doit comprendre des mesures de soutien de la demande et de l’offre, mais également des mesures de défense commerciale, destinées à répondre aux actions de dumping pratiquées hors de l’Union européenne. Il doit également permettre d’affirmer un cadre réglementaire incitatif et non punitif. Enfin, les mesures de soutien devront viser la transition des équipementiers et des sous-traitants européens et accompagner ainsi toute une branche en mutation.
Le dialogue stratégique lancé par la Commission permettra de définir l’ensemble des mesures à prendre au niveau européen. Le gouvernement sera particulièrement vigilant à ce que des critères de production nationale ambitieux soient intégrés pour soutenir nos équipementiers et nos constructeurs.
S’agissant de la situation de Vencorex au Pont-de-Claix en Isère, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte en septembre, par son actionnaire thaïlandais – il ne voulait plus assumer les pertes de l’entreprise.
Cette décision a été prise après cinq mois d’une procédure de conciliation qui n’a donné aucun résultat. Les services de l’État et notamment la Délégation interministérielle aux restructurations d’entreprise (Dire) se sont mobilisés sans relâche au côté des salariés de la filière chimie et des collectivités, avec pour objectif de trouver une solution non seulement pour les salariés mais également pour les clients et les fournisseurs de Vencorex.
Ils ont notamment obtenu de l’actionnaire qu’il assume ses responsabilités, en proposant aux salariés un traitement social digne, avec l’attribution d’une indemnité supralégale de 40 000 euros à chaque salarié qui ne serait pas repris à l’issue de la procédure collective. De plus, l’actionnaire prendra toutes les mesures nécessaires à la mise en sécurité du site. L’action de l’État a également permis de circonscrire autant que possible les conséquences en cascade que pourrait avoir la défaillance de Vencorex sur la chimie française et les activités engageant la souveraineté française.
Des solutions de reprise de l’usine ont été recherchées très tôt par les services de l’État, mais aucune solution pérenne n’a pu être trouvée, malgré l’approche d’une douzaine d’acteurs industriels : l’absence de perspective de redressement du marché et le coût important de la reprise envisagée n’ont pas permis la construction de scénarios industriels viables.
Tous les acteurs s’accordent pour constater l’absence d’équilibre économique à la reprise de tout ou partie de l’activité. Enfin, le gouvernement s’est déjà exprimé quant à une éventuelle nationalisation de l’entreprise. Le seul plan présenté prévoyait des pertes cumulées de plusieurs centaines de millions d’euros en près de dix ans : le modèle économique des activités de Vencorex ne semblant pas viable à terme, la nationalisation de cette société ne saurait être envisagée.
Site Stellantis de Belchamp
M. le président
La parole est à M. Matthieu Bloch, pour exposer sa question, no 100, relative au site Stellantis de Belchamp.
M. Matthieu Bloch
Le Pays de Montbéliard et le nord de la Franche-Comté, qui forment le deuxième bassin industriel de notre pays, sont à la croisée des chemins. Ce qui formait autrefois le cœur du groupe Peugeot est aujourd’hui une simple partie d’un grand groupe international, Stellantis, et son sort dépend de décisions prises en dehors de notre pays.
Si les investissements importants qu’a consentis ce groupe dans son usine de Sochaux peuvent sembler envoyer un signal fort de soutien à l’industrie du nord de la Franche-Comté, l’avenir de la branche recherche et développement (R&D) suscite toujours une vive inquiétude, alors même qu’il est essentiel de préparer l’avenir par l’innovation.
Sans la recherche menée dans le site de Belchamp, activité réalisée par 140 salariés spécialement recrutés à cet effet, l’électrification des véhicules, commandée par Bruxelles, n’aurait pas pu être accomplie avec autant de réussite et de rapidité.
L’excellence reconnue du site de Sochaux est indissociable de sa branche recherche et développement, sans laquelle, il n’hébergerait plus qu’une usine de montage parmi tant d’autres et serait considérablement fragilisé.
Le 3 octobre dernier, Marc Ferracci et moi-même visitions ensemble le site de Stellantis à Sochaux, en présence de nombreux élus francs-comtois et de M. Tavares, alors président du groupe. À cette occasion, j’ai fait part à ce dernier de mes inquiétudes quant à l’avenir de l’activité de recherche et développement dans notre territoire – de nombreux cadres le quittent –, et notamment sur la pérennité des 871 emplois du site de Belchamp. M. Tavares m’avait répondu, de manière assez vague et inquiétante, qu’il partageait mes inquiétudes sur l’activité de recherche et développement en France.
Au moment du mariage dans Stellantis des groupes PSA et Fiat Chrysler Automobiles, c’était la société Fiat qui faisait figure d’homme malade. Pourtant, nous constatons que la famille Agnelli jouit désormais d’une influence décisive dans les orientations du groupe. C’était déjà vrai avant le départ de M. Tavares, ce qui justifiait la question que je lui ai posée le 3 octobre – je craignais que toute l’activité de recherche et développement soit déménagée à Turin, aux dépens de Belchamp, du Pays de Montbéliard et de la France. Cela l’est encore plus aujourd’hui, alors que nous ne connaissons toujours pas le successeur de M. Tavares et, à plus forte raison, ses intentions.
Partagez-vous cette inquiétude ? Pouvez-vous me garantir que le site de Belchamp n’est pas menacé ? S’il l’était, de quels leviers disposeriez-vous pour maintenir cette activité essentielle dans le Pays de Montbéliard ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique
En l’absence de mon collègue Marc Ferracci, je vous répondrai. Comme vous l’indiquez, Stellantis a réalisé des investissements importants dans le Pays de Montbéliard, à Sochaux, et poursuit la modernisation du site en le dotant d’un nouvel atelier de peinture. C’est là que sont produits les modèles électriques 3008 et 5008, ainsi qu’une partie des technologies clés – batteries et moteurs. Mon collègue, Marc Ferracci, l’a constaté lui-même lors de la visite que vous mentionnez et qui a eu lieu quelques semaines après sa prise de fonction.
La ligne de production permettra la fabrication de 1 000 véhicules par jour, dans une usine dont le capacitaire est évalué à 300 000 véhicules par an. Le site de Sochaux est le plus important de Stellantis en France, et sa modernisation, engagée depuis quelques années, garantit sa performance.
Vous saluez la contribution décisive du site de recherche et développement de Sochaux-Belchamp aux travaux d’électrification des véhicules. Stellantis a confirmé à Marc Ferracci que ce site était de première importance pour le groupe. Des investissements récents y ont concerné plusieurs installations et bancs d’essai, ce qui témoigne de la volonté du groupe de continuer à s’appuyer sur l’expertise de ses ingénieurs. L’activité de recherche y est soutenue et le groupe a indiqué qu’il n’avait aucune intention de la diminuer, bien au contraire.
La recherche automobile française est toutefois soumise à une forte pression internationale. Les compétences des ingénieurs étrangers sont de plus en plus reconnues, et les cycles de développement sont plus rapides à l’étranger : un nouveau véhicule peut y être développé en douze mois, contre trente-six en Europe, ce qui joue indéniablement en notre défaveur.
Il est donc absolument critique que les constructeurs et les équipementiers européens accélèrent leurs processus de développement et adoptent des outils modernes assurant la compétitivité des sites de R&D européens. À ce titre, le crédit d’impôt recherche français est indispensable pour maintenir l’attractivité de la recherche en France. Bien que des réflexions puissent être engagées sur son fonctionnement, les débats budgétaires doivent nous permettre de le préserver.
M. le président
La parole est à M. Matthieu Bloch.
M. Matthieu Bloch
Je vous remercie pour votre réponse et pour les pistes que vous envisagez, notamment l’accélération des cycles de production, indispensable pour faire face à l’inquiétante concurrence internationale – en particulier, asiatique – dans le domaine de l’électrification. Néanmoins, j’appelle votre attention sur les transferts de cadre qui ont lieu, car j’entends dire tous les jours que des cadres quittent le site de Belchamp. Ce n’est pas une fausse rumeur, mais une réalité très préoccupante. Portez votre attention sur ce site essentiel pour la recherche automobile en France.
Usine Vencorex du Pont-de-Claix
M. le président
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour exposer sa question, no 97, relative à l’usine Vencorex du Pont-de-Claix.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
Les crises sanitaires comme énergétiques que nous avons traversées nous ont convaincus, s’il en était besoin, de l’urgence de réindustrialiser notre pays. La souveraineté, l’emploi et l’autonomie sont autant de principes que nous partageons et qui doivent nous guider sur le chemin d’une industrie française et européenne puissante et indépendante. Aujourd’hui, nous avons l’occasion de démontrer notre détermination collective et d’agir pour conserver le tissu industriel de notre pays.
Avant même de penser à réindustrialiser, il faut nous battre pour conserver nos fleurons, qui font la fierté et la force de notre pays. Au Pont-de-Claix, en Isère, l’usine Vencorex, présente sur la plateforme chimique créée en 1916, produit du sel, du chlore, de la soude et les dérivés monomères et isocyanates, indispensables aux secteurs stratégiques comme la défense, l’aérospatiale ou le nucléaire.
Depuis qu’elle a été placée en redressement judiciaire en septembre, l’entreprise n’a reçu aucune offre de reprise sérieuse. Aujourd’hui, son avenir est suspendu aux choix que nous pouvons faire. Sa fermeture serait une catastrophe pour les 550 salariés, mais aussi pour la filière chimique du Sud Grenoblois et la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui verraient à terme plus de 6 000 emplois directement menacés. Ce serait aussi une catastrophe pour l’ensemble de l’industrie chimique de notre pays : la chute du premier domino pourrait entraîner l’écroulement d’une filière souveraine qui nous permet d’assurer notre défense ou la fabrication du carburant d’Ariane. Les premiers effets sont déjà visibles chez Arkema, qui réfléchit à une restructuration et à la fermeture éventuelle d’ateliers. Ce n’est que le début d’une longue série, si nous n’agissons pas.
À cinquante jours de la fermeture de deux des dix-huit plateformes chimiques françaises, il n’y a pas de fatalité : cette catastrophe peut être évitée. Les salariés, les organisations syndicales et les élus de toutes sensibilités ont proposé à l’État de prendre ses responsabilités et de nationaliser temporairement cette entreprise. Cette demande raisonnable, rationnelle et pragmatique offrirait un horizon à la totalité de la filière française. Elle conforterait notre souveraineté industrielle, grâce à l’intervention de l’État, et éviterait de voir s’envoler à l’étranger les millions d’euros d’investissement public déboursés ces dernières années.
Des mesures concrètes sont attendues de votre part, par les 6 000 salariés, qui seront demain devant Bercy et qui ont derrière eux tout le territoire. L’avenir de l’industrie en France en dépend. La réponse que vous venez de donner à notre collègue n’est vraiment pas satisfaisante. Il y a quelques années, des nationalisations temporaires ont permis le redémarrage d’activités. Au regard des milliards que coûteraient la restructuration et la dépollution de ce site, une renationalisation à 200 millions n’est pas un investissement à perte mais un investissement permettant de maintenir la souveraineté industrielle de la chimie française. C’est ce que nous attendons.
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Mme Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique
Vous avez interrogé mon collègue Marc Ferracci sur la situation de Vencorex. Comme j’ai eu l’occasion d’en parler tout à l’heure, ma réponse sera la même. La procédure de redressement judiciaire ouverte en septembre a été déclenchée par la décision de l’actionnaire thaïlandais de ne plus assumer les pertes de l’entreprise. Cette décision a été prise après cinq mois de procédure de conciliation.
Dans ce contexte, la délégation interministérielle aux restructurations d’entreprise (Dire) s’est investie pendant plusieurs mois. Son objectif a été de chercher des solutions pour les salariés, mais aussi de limiter l’impact de la défaillance de l’entreprise sur ses clients et ses fournisseurs. Pour les salariés de Vencorex, cela se traduit par le traitement social que j’ai évoqué tout à l’heure, avec le déblocage d’une importante indemnité de 40 000 euros par salarié, qui ne serait pas repris à l’issue de la procédure collective. L’actionnaire mettra en œuvre toutes les mesures nécessaires. Quant à l’État, son action a permis de circonscrire au maximum les effets en chaîne sur la chimie française et les activités mettant en jeu notre souveraineté.
L’absence de perspectives de redressement du marché et le coût très important d’une telle reprise n’ont pas permis de construire des scénarios industriels viables. Seule la filiale hongroise d’un industriel chinois s’est positionnée pour reprendre un petit périmètre et une cinquantaine d’emplois. Le diagnostic posé par tous ces acteurs est qu’il n’existe pas d’équilibre économique à la reprise de tout ou partie de ces activités. Enfin, le gouvernement a déjà pu exprimer sa position sur la nationalisation. Pour rappel, le seul plan présenté prévoyait des pertes cumulées de plusieurs centaines de millions d’euros sur près de dix ans. Il n’existe donc pas de perspectives pour le modèle économique de Vencorex. Dans ce contexte, la nationalisation n’est pas une solution envisagée.
M. le président
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Vous avez strictement répété vos précédents propos sans répondre à la fin de ma question. Avez-vous comparé l’investissement à engager pour une nationalisation temporaire et l’investissement nécessaire à la remise en état du site, que l’État thaïlandais ne fera pas ? À la fin, l’investissement sera dix fois plus coûteux pour l’État ou les collectivités. Cette réponse est donc inacceptable. En effet, une renationalisation est tout à fait raisonnable, comme l’a montré, il y a quelques mois, le plan équilibré proposé par l’entreprise. On comprend assez mal qu’il soit refusé. Demain, les salariés et les élus iront devant Bercy et seront reçus, je l’espère, par le ministre, afin d’étudier cette solution.
Tunnel du col de Tende
M. le président
La parole est à Mme Alexandra Masson, pour exposer sa question, no 89, relative au tunnel du col de Tende.
Mme Alexandra Masson
En préambule, je souhaite vous remercier de vous être déplacé le 4 janvier sur le chantier du tunnel routier du col de Tende. Vous savez que, depuis la fermeture du tunnel, il y a quatre ans, les élus et les habitants l’attendaient avec une grande impatience.
Les 2 et 3 octobre 2020, la tempête Alex a lourdement frappé les vallées de la Roya, de la Tinée et de la Vésubie mais, grâce au volontarisme de l’État et des collectivités territoriales des Alpes-Maritimes, ainsi qu’à l’engagement des maires des vingt-sept communes touchées, 90 % des routes et des ponts ont aujourd’hui été reconstruits. Hélas, un grand point noir – et pas des moindres – subsiste toujours : la fermeture du tunnel routier du col de Tende. Je rappelle qu’en termes de fréquentation ce tunnel est la troisième infrastructure routière entre la France et l’Italie, après les tunnels du Mont Blanc et du Fréjus. La réouverture du tunnel de Tende est donc un enjeu capital en matière commerciale, économique, touristique et humaine. Des deux côtés de la frontière franco-italienne, les demandes et les attentes des élus, des entreprises et des habitants sont très fortes.
Les travaux engagés depuis 2020 dans ce tunnel transfrontalier font l’objet d’un statut spécifique : ils sont cofinancés à hauteur de 41,65 % pour la France et de 58,35 % pour l’Italie, pour un montant initial de 176 millions d’euros. En revanche, les travaux sont placés sous la responsabilité exclusive de l’Anas, établissement économique public italien en charge des infrastructures routières. Nous n’avons donc aucun moyen d’action directe sur le chantier. Initialement, le projet était de réhabiliter l’ancien tunnel routier long de 3 250 mètres, dont 1 515 mètres situés côté français, et de construire parallèlement un nouveau tube pour une circulation routière à double sens. Au fil des mois, le montant des travaux a été réévalué à près de 255 millions d’euros. De surcroît, la nouvelle entreprise italienne mandatée par l’Anas pour réaliser les travaux a annoncé ne pas vouloir réhabiliter l’ancien tunnel, sans pour autant réduire le montant réévalué des travaux.
Le montant de la moins-value à verser par l’entreprise maître d’œuvre du chantier, à la suite de sa décision de ne pas poursuivre le chantier de l’ancien tunnel, a-t-il été chiffré ? Le nouvel appel d’offres, annoncé lors de votre déplacement du 4 janvier, en vue de reprendre le chantier de l’ancien tunnel pour une circulation à double sens, s’est-il concrétisé ? Je réitère aussi ma demande d’organisation d’une réunion d’information de la commission intergouvernementale (CIG) pour l’amélioration des liaisons franco-italienne dans les Alpes du sud, tous les deux mois, afin de maintenir une pression forte sur l’Anas. Enfin, après votre visite, le gouvernement français semble prendre ses responsabilités et intervenir réellement auprès des autorités italiennes, afin d’obtenir une réouverture urgente du tunnel. Avec tous les élus de la Roya, je vous encourage à continuer d’être présent et d’agir pour débloquer cette situation, qui n’a que trop duré.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot,, ministre chargé des transports
La réouverture dans les meilleurs délais de la liaison franco-italienne par le tunnel routier de Tende me tient particulièrement à cœur, en raison des attentes très fortes des citoyens et des élus locaux, mais aussi des enjeux majeurs pour les vallées concernées, en France comme en Italie. C’est la raison pour laquelle j’y ai consacré mon tout premier déplacement, le 4 janvier, après m’être entretenu avec Matteo Salvini, mon homologue italien. Au cours de cet échange, ce dernier m’a notamment confirmé la priorité donnée à cette opération par le gouvernement italien, qui assure la maîtrise d’ouvrage de ce chantier.
Les travaux du nouveau tunnel, qui incluent la mise en place des équipements de sécurité, devraient être achevés avant le début du mois d’avril, ce qui permettrait une ouverture à la circulation d’ici fin juin. Comme annoncé sur le chantier, cette ouverture pourrait être précédée d’une ouverture anticipée en phase de test. Elle serait limitée à certaines catégories de véhicules, sous réserve que les conditions de sécurité soient remplies. La partie italienne et son maître d’ouvrage délégué, l’Anas, devront apporter des précisions sur cette possibilité.
Enfin, il reste à lancer l’appel d’offres concernant le réalésage du tunnel existant. Le maître d’ouvrage vise un lancement des travaux début 2026. Une fois que les deux tunnels auront été réalisés, chacun accueillera un sens de circulation, conformément aux termes de l’accord de Paris.
Concernant votre demande de réunions régulières de la CIG, je fixerai cet objectif lorsque je m’entretiendrai avec le futur président de cette commission, la semaine prochaine. Je me réjouis que l’opération avance – attendue depuis tant d’années, elle a connu de nombreux aléas – et que nous puissions enfin entrevoir le bout du premier tunnel – pardonnez-moi l’expression.
Avant-hier, je me suis entretenu avec notre ami commun, le maire de Tende, Jean-Pierre Vassallo. Ce dernier m’a confirmé qu’il y avait actuellement beaucoup de monde sur le chantier, ce qui nous laisse penser que les délais seront tenus, comme nous le souhaitons avec vous.
M. le président
La parole est à Mme Alexandra Masson.
Mme Alexandra Masson
Merci pour ces bonnes nouvelles, monsieur le ministre. Le maire de Tende sera heureux de pouvoir confirmer toutes ces informations à l’occasion de ses vœux.
Ligne TER Lyon-Paray-le-Monial
M. le président
La parole est à M. Jonathan Gery, pour exposer sa question, no 90, relative à la ligne TER Lyon-Paray-le-Monial.
M. Jonathan Gery
Selon le journal Le Parisien, dans ma circonscription, une ligne TER détient le triste record de la deuxième pire ligne régionale de France. En 2023, cette ligne, qui relie Lyon à Paray-le-Monial, en passant par Lamure-sur-Azergues et Châtillon d’Azergues, a vu plus de 25 % de ses trains annulés ou reportés. Pire, selon Adélifpaly, collectif d’usagers de la ligne, seulement 50 % des trains sont à l’heure depuis novembre 2024. Depuis novembre 2023, l’absence d’aiguilleurs, censée être temporaire selon la SNCF, empêche le croisement des trains entre Paray-le-Monial et Lyon sur près de 96 kilomètres. En conséquence, moins de trains circulent et des arrêts ne sont plus desservis entre Lozanne et Moulins-sur-Allier. Baisse de la fréquence, suppression de postes d’aiguilleurs, wagons insuffisants et dégradés, lignes non entretenues : la France périphérique, à qui l’État demande toujours plus d’efforts et impose des obligations, est une fois de plus abandonnée.
La pérennité de la ligne Nevers-Paray-le-Monial-Lyon suscite l’inquiétude légitime des usagers et des élus locaux. Cette ligne historique, empruntée par de nombreux travailleurs en région bourguignonne et dans le Rhône, est fondamentale pour la vitalité de nos territoires. À l’heure où les zones à faibles émissions s’imposent dans les métropoles comme Lyon, les habitants des territoires périurbains et ruraux sont pris au piège et empêchés d’accéder aux métropoles. À l’heure où la SNCF n’a jamais coûté aussi cher au contribuable français, avec un coût annuel de près de 20 milliards d’euros, il est urgent que l’État rappelle leurs obligations à la SNCF et aux collectivités régionales.
Monsieur le ministre des transports, la ligne TER qui traverse ma circonscription est en voie de disparition, vous l’aurez compris. Que comptez-vous faire pour améliorer cette situation ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Vous m’alertez avec passion sur la situation difficile de la ligne TER reliant Lyon à Paray-le-Monial et, plus largement, sur la question des dessertes ferroviaires des territoires ruraux.
Après des décennies de sous-investissement, la dégradation progressive du réseau des lignes de desserte fine du territoire a conduit l’État, conjointement avec une majorité des régions, à lancer, le 20 février 2020, un plan national de remise à niveau de ces lignes. Depuis cinq ans, huit protocoles régionaux ont été signés, qui portent sur 6 300 kilomètres de lignes, pour un montant de 5,7 milliards d’euros.
Les crédits affectés par l’État à ces lignes au cours des dernières années au travers des contrats de plan État-région (CPER) témoignent de l’attention particulière qu’il leur porte : il leur a consacré 550 millions d’euros entre 2020 et 2022, ce qui représente un triplement par rapport à la période précédente, et il s’est engagé à hauteur de 780 millions sur la période 2023-2027.
Le caractère interrégional de la ligne qui relie Lyon à Paray-le-Monial nécessite une coordination étroite entre les régions Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes concernant l’organisation de l’offre ferroviaire sur cet axe, dont elles ont pleinement la responsabilité en tant qu’autorités organisatrices. Les travaux à réaliser pour assurer le bon état de la ligne sont, quant à eux, cofinancés par l’État, les régions et SNCF Réseau, dans le cadre du contrat de plan État-région. La ligne a ainsi fait l’objet d’un investissement significatif de 44 millions d’euros dans le cadre des CPER 2015-2022, et nous prévoyons avec les deux régions, pour le volet 2023-2027 des deux CPER concernés, des engagements nécessaires à la pérennisation de la ligne pour les prochaines années.
Vous le voyez, le gouvernement est pleinement engagé en faveur de la desserte des territoires ruraux, notamment sur votre ligne.
M. le président
La parole est à M. Jonathan Gery.
M. Jonathan Gery
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. On a parfois l’impression que plus on met d’argent, et moins ça marche… J’espère que la France périphérique ne deviendra pas la France des oubliés. Nous jugerons sur les actes.
Accessibilité des gares SNCF dans l’Aisne
M. le président
La parole est à M. José Beaurain, pour exposer sa question, no 91, relative à la mise aux normes d’accessibilité des gares SNCF dans l’Aisne.
M. José Beaurain
Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur une problématique qui m’est chère. Garantir l’égalité d’accès aux services publics de transport est une priorité, notamment pour les personnes en situation de handicap. Pourtant, et malgré les engagements pris par le président de la République lors de la Conférence nationale du handicap de 2023, au cours de laquelle il a rappelé que l’accessibilité devait être une priorité nationale, la réalité, sur le terrain, est tout autre.
M. José Beaurain
De nombreuses gares de l’Aisne restent totalement inaccessibles aux personnes à mobilité réduite : les quais ne sont pas adaptés, il manque des ascenseurs et des rampes d’accès, et même la signalétique est largement insuffisante. Ces insuffisances ne concernent pas uniquement les personnes en situation de handicap. Elles touchent également les personnes âgées, les parents avec des poussettes et, d’une manière plus générale, tous ceux de nos concitoyens qui ont des difficultés à se déplacer de manière autonome.
Dans ma circonscription, la gare de Chauny présente ainsi de nombreux défauts en termes d’accessibilité. L’absence d’ascenseur pour accéder aux quais complique considérablement les déplacements des personnes à mobilité réduite ; les bandes podotactiles sur les bords des quais sont inexistantes, ainsi que la signalétique vocale, ce qui rend la gare difficilement praticable et dangereuse, alors même qu’elle dessert un bassin de population important dans le département. Et il est difficile, monsieur le ministre, de ne pas constater un oubli flagrant des territoires ruraux dans cette dynamique d’accessibilité. L’Aisne, comme beaucoup d’autres départements éloignés des grands centres urbains, semble être laissée de côté, malgré les multiples annonces et engagements pris par les gouvernements successifs.
Ma question est simple : quelles mesures concrètes votre ministère compte-t-il prendre pour que les gares de ces territoires bénéficient enfin des investissements nécessaires ? Peut-on espérer un calendrier clair et des financements spécifiques pour accélérer les travaux et garantir à tous nos concitoyens un accès adapté à ces infrastructures primordiales ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Sachez d’abord, monsieur le député, que j’accorde beaucoup d’attention à votre question.
Le schéma directeur d’accessibilité programmée (SDAP) des gares régionales de l’ex-région Picardie a été approuvé par arrêté préfectoral du 25 novembre 2016 et le SDAP des gares nationales a été approuvé par arrêté ministériel du 29 août 2016. Le pilotage du schéma directeur régional a, depuis, été repris par la région Hauts-de-France. Neuf gares sont concernées par ces schémas et doivent donc être rendues accessibles sur le territoire du département de l’Aisne : une gare nationale, Saint-Quentin, et huit gares régionales.
Il faut distinguer le cas des bâtiments voyageurs et celui des quais : si les bâtiments sont tous accessibles, la situation des quais est plus contrastée – comme vous l’avez montré par des exemples concrets –, car les travaux d’infrastructure nécessaires doivent être cordonnés avec la circulation des trains et sont donc beaucoup plus complexes à réaliser. À ce jour, cinq des neuf gares sont entièrement accessibles aux personnes à mobilité réduite – quais et bâtiments voyageurs : ce sont celles de Laon, Soissons, Tergnier, Villers-Cotterêts et Hirson. Les travaux de la gare nationale de Saint-Quentin touchent à leur fin, et elle devrait être déclarée accessible dans le courant de l’année 2025. Enfin, les investissements vont se poursuivre dans les années à venir pour les gares régionales de Château-Thierry, Chauny et La Ferté-Milon.
En complément des travaux, des services d’assistance permettent de prendre en charge les personnes à mobilité réduite via la plateforme de réservation Assist’enGare ou directement en gare. Au total, près de 40 millions d’euros ont été engagés pour aménager les quais par les financeurs – État, région et SNCF – sur la période 2015-2024, dont près de 10 millions de la part de l’État. Mais il reste beaucoup à faire, comme votre intervention le montre bien.
M. le président
La parole est à M. José Beaurain.
M. José Beaurain
Je ne doute pas une seconde que vous soyez sensible à la situation des personnes en situation de handicap, monsieur le ministre, et je me réjouis que ce projet qui vous tient manifestement à cœur puisse aboutir dans les années qui viennent. Le plus tôt sera le mieux : l’attente est immense et les besoins le sont tout autant.
Ligne ferroviaire Aix-en-Provence-Rognac
M. le président
La parole est à M. Romain Tonussi, pour exposer sa question, no 93, relative à la ligne ferroviaire Aix-en-Provence-Rognac.
M. Romain Tonussi
Monsieur le ministre, ma question porte sur la réouverture de la ligne ferroviaire Aix-en-Provence-Rognac aux voyageurs. Cette réouverture est largement demandée par les administrés comme par les élus locaux de ma circonscription. Elle permettrait de connecter les zones résidentielles de nos communes aux bassins d’emploi des zones industrielles environnantes, notamment le pôle d’activité des Milles ou la zone d’activité aéroportuaire où se trouve Airbus.
M. Romain Tonussi
Le dynamisme démographique du Pays salonais et de la Côte bleue oblige en effet à repenser la mobilité dans notre territoire. À titre d’exemple, plus de 40 000 salariés empruntent chaque jour la départementale D9 pour se rendre sur leur lieu de travail, et le pôle des Milles concentre un flux de 92 000 véhicules par jour. Il en résulte des embouteillages quotidiens, qui saturent les centres-villes, tandis que les routes environnantes sont engorgées par cet afflux quotidien de travailleurs.
La réouverture de cette ligne permettrait donc de désengorger largement le trafic routier aux heures de pointe sur les communes desservies par la D9, la D20 et l’A51. Cette réouverture ne faciliterait pas seulement la vie des actifs, mais également celle de nos étudiants. De nombreux jeunes de ma circonscription étudient en effet à Aix-en-Provence mais, comme aucune ligne directe n’existe à ce jour, ils sont contraints de prendre une correspondance en gare de Marseille-Saint-Charles. Vous allez me dire que ces étudiants pourraient s’installer sur le campus universitaire d’Aix-en-Provence, mais je tiens à rappeler que cette ville reste très touchée par la crise du logement. La réouverture de la ligne Rognac-Aix-en-Provence y remédierait en partie.
Le développement de nos territoires passera nécessairement par l’adaptation de notre offre de mobilité et, dans le département des Bouches-du-Rhône, la ligne Rognac-Aix-en-Provence doit être considérée comme une priorité. Je sais que les premières études de faisabilité ont été lancées à la suite de la signature du contrat de plan État-région en 2023. Néanmoins, des incertitudes demeurent à ce jour quant au financement et au calendrier de cette réouverture. Je précise enfin que l’alternative d’un bus à haut niveau de service (BHNS), proposée par certains, n’apparaît pas comme une solution de long terme. En effet, le volume de personnes effectuant ce trajet quotidiennement étant voué à augmenter, cette solution sera obsolète avant même sa mise en œuvre.
Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer à nos administrés le calendrier précis de la réouverture de cette ligne et nous assurer que les efforts financiers consentis par le gouvernement dans le budget n’auront pas d’incidence sur ce projet ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Garantir des mobilités pour toutes et tous, partout, est une priorité du gouvernement. L’enjeu des mobilités dans la métropole d’Aix-Marseille-Provence est majeur. En tant qu’ancien vice-président, chargé des transports, de cette région, je connais bien la question. Croyez-moi, il est très difficile d’éviter la fermeture de certaines lignes ferroviaires, et plus encore d’en rouvrir.
La labélisation du projet de service express régional métropolitain (Serm) de Marseille par mon prédécesseur, en juillet 2024, témoigne à la fois de la volonté des élus et des collectivités de votre territoire d’améliorer l’offre de mobilités et de l’engagement de l’État et des collectivités en faveur du développement d’une offre de mobilité fiable et accessible pour les habitants et les riverains de la métropole.
Parallèlement à cela, le projet de réouverture aux voyageurs de la ligne ferroviaire entre Aix-en-Provence et Rognac, sur laquelle vous m’interrogez, a fait l’objet d’études d’avant-projet, restituées en juin 2020, qui ont conduit à questionner la pertinence socio-économique du projet et pointé le risque d’une perte de robustesse d’exploitation sur la ligne Marseille-Aix-en-Provence, liée à la saturation de la gare de Marseille Saint-Charles. Dans ce contexte, le comité de pilotage a décidé, fin 2021, de ne pas poursuivre les études à ce stade, constatant que le projet ne trouverait une éventuelle pertinence – et moi, j’y crois – qu’après la réalisation de la deuxième phase de la ligne nouvelle Provence-Côte-d’Azur, qui rendrait traversante la gare de Marseille-Saint-Charles.
À plus court terme, vous l’avez dit, la métropole a lancé, en partenariat avec l’État et la région dans le cadre du contrat de plan État-région, une étude pour évaluer la faisabilité d’un bus à haut niveau de service sur une partie du parcours. Vous nous avez dit ce que vous pensiez de ce projet mais, tant que les travaux de la gare de Marseille-Saint-Charles ne sont pas réalisés, le mode ferroviaire n’est pas forcément le plus adapté pour la desserte de ce secteur.
Soyez en tout cas assuré que le gouvernement est pleinement engagé, à la fois pour soutenir ces démarches et pour accompagner les collectivités locales dans le développement de solutions de mobilité adaptées aux attentes des habitants et aux besoins de votre territoire, que je connais particulièrement bien.
M. le président
La parole est à M. Romain Tonussi.
M. Romain Tonussi
Je vous remercie de votre réponse. Je prêterai une grande attention à l’évolution de ce dossier et je reste à la disposition du gouvernement pour le reprendre, si besoin.
Ligne TGV Dijon-Lille
M. le président
La parole est à Mme Océane Godard, pour exposer sa question, no 98, relative à la Ligne TGV Dijon-Lille.
Mme Océane Godard
La vitalité et le développement de Dijon et de sa métropole ne sont plus à démontrer, mais à accompagner. J’en veux pour preuve l’installation, l’année dernière, du siège de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV), la modernisation d’un grand pôle régional sportif de haut niveau comme le centre de ressources, d’expertise et de performance sportive (Creps), l’installation d’entreprises innovantes dans le secteur des industries de santé, ou encore les ambitions de nos pôles universitaires et de recherche.
Pourtant, la ligne TGV reliant Mulhouse à Lille via Besançon, Dijon, Marne-la-Vallée et l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle a été suspendue en 2020. Cette liaison stratégique n’est pas un simple moyen de transport : elle connecte nos sites de vie, de recherche et de production aux grands hubs économiques nationaux et européens, ce qui renforce notre attractivité. Sa disparition rend plus difficile notre inscription dans une dynamique d’échanges et de développement à la hauteur des défis de la région Bourgogne-Franche Comté, notamment sur le plan de la démographie et de l’attractivité.
En outre, suspendre cette ligne, c’est ne pas tenir compte des évolutions de l’organisation du travail, dont de nouvelles modalités, telles que le télétravail, redessinent les trajectoires professionnelles, donc la mobilité des salariés.
En novembre 2022, une pétition initiée par François Rebsamen, alors maire de Dijon et président de Dijon métropole, pour réclamer le rétablissement de la ligne, a recueilli près de 26 000 signatures, témoignant de l’attente des habitants, étudiants, commerçants, acteurs socio-économiques et touristiques de la région. Des voix s’élèvent d’ailleurs pour dénoncer le fait que Dijon compte parmi les rares métropoles françaises qui ne soient pas directement connectées à un aéroport international.
Monsieur le ministre, quelles mesures le gouvernement compte-t-il prendre pour inciter la SNCF à rétablir cette liaison essentielle, efficace et fiable ? Dans quel délai nous, habitants de la Bourgogne-Franche-Comté et de sa capitale, pouvons-nous espérer ce rétablissement ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
La suspension de la desserte TGV reliant Dijon à Lille par Montbard, Marne-la-Vallée et l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle pose problème, vous l’avez rappelé. D’une part, ses effets concrets sont déplorables ; d’autre part, elle soulève des questions de principe légitimes touchant l’aménagement du territoire et la mobilité de nos concitoyens. Or la mobilité de tous, pour tous et partout, constitue notre priorité. J’ai parlé ce matin même de la situation, en particulier de celle de Dijon, à M. Farandou, le président de la SNCF, avec qui j’avais rendez-vous avant de me rendre à l’Assemblée ; je lui ai demandé de travailler au rétablissement de la liaison.
Comme vous le savez, la création, ou en l’occurrence la recréation, d’une liaison ferroviaire nécessite à la fois des sillons et du matériel ; ce dernier fait en ce moment l’objet de tensions, car la livraison des commandes a pris du retard. Ce sont des processus qui ne s’improvisent pas : la SNCF aura donc besoin d’un certain temps.
De manière générale, le maintien des dessertes TGV en tant qu’outil d’aménagement du territoire se trouve au cœur des préoccupations de ce gouvernement. Dans un contexte de mise en concurrence des services ferroviaires de transport de passagers à grande vitesse, le ministère a engagé ces derniers mois, en lien avec l’Autorité de régulation des transports et les équipes de SNCF Réseau, une réflexion concernant les modalités d’une desserte TGV adaptée aux différents territoires et, je le répète, servant de levier à leur aménagement : il faut en effet prévenir le risque que les opérateurs se concentrent sur les liaisons les plus rentables. Les entreprises ferroviaires et les régions seront étroitement associées à ces travaux.
Enfin, puisque vous avez mentionné mon collègue Rebsamen, chargé de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, permettez-moi de confirmer que ce sujet lui tient à cœur : depuis que j’ai pris mes fonctions, il a bien dû m’en parler une dizaine de fois ! Je suis donc particulièrement mobilisé, madame la députée, et nous avancerons ensemble.
Nuisances aériennes
M. le président
La parole est à Mme Gabrielle Cathala, pour exposer sa question, no 84, relative aux nuisances aériennes.
Mme Gabrielle Cathala
Le bruit et le silence constituent des sujets éminemment politiques. Dans ma circonscription du Val-d’Oise, les communes concernées par le plan de gêne sonore ou par le plan d’exposition au bruit de l’aéroport de Roissy sont gravement touchées par ces nuisances : une étude de l’association Advocnar montre que le bruit y dépasse largement les seuils préconisés par l’Organisation mondiale de la santé pour garantir un sommeil réparateur. Je citerai Andilly, Deuil-la-Barre, Enghien-les-Bains, Margency, Montmagny, Saint-Gratien, Sannois et particulièrement Soisy-sous-Montmorency, survolée par des avions jusqu’à 450 fois par jour : un vol toutes les cinq minutes, même en pleine nuit.
Voudriez-vous que les intéressés se résignent à voir leur vie gâchée par des vibrations si intenses qu’un triple vitrage ne les arrête pas ? Chaque année, le bruit tue prématurément 2 400 personnes et coûte à notre société, selon l’Agence de la transition écologique, plus de 150 milliards d’euros ; 25 millions de Français sont exposés à des niveaux sonores nocifs, 87 % considèrent le silence comme un privilège désormais réservé à une minorité ; dans les quartiers pauvres, où il constitue la première pollution, 50 % des habitants se plaignent du bruit, contre 25 % dans les quartiers résidentiels non prioritaires.
Pourtant, ce poison peut être efficacement traité par des mesures simples. Notre proposition de loi visant à la mise en œuvre de la bifurcation écologique du transport aérien, déposée le 19 novembre, prévoit ainsi un couvre-feu national, c’est-à-dire l’interdiction des vols entre vingt-trois heures et six heures, accompagné de plans de maintien dans l’emploi des salariés du fret aérien, dont l’activité est nocturne. Lors des débats budgétaires, nous avions obtenu la création d’un organe chargé de faire respecter les réglementations ayant trait aux nuisances sonores aériennes : vous avez, avec l’aide du RN, rejeté cette mesure. Nous proposons un plan national en vue d’indemniser les victimes de ces nuisances. Nous agissons contre le bruit. Pourquoi ne pas soutenir ces mesures de santé consensuelles ?
À la pollution sonore s’ajoute la pollution de l’air : celui de l’aéroport de Roissy est aussi saturé de particules fines que l’atmosphère du périphérique parisien ! En France, 9 % de la mortalité est directement liée à ces particules, qui suscitent des maladies respiratoires et cardiovasculaires. Les Français doivent-ils accepter de respirer un air de moins en moins respirable ?
Monsieur le ministre, nos concitoyens ont droit au silence, à un environnement sain. Agirez-vous de manière à faire cesser ces nuisances aériennes aux lourdes conséquences sanitaires, ou votre gouvernement sera-t-il le prochain à être condamné par le Conseil d’État pour inaction climatique et en raison de la pollution de l’air, comme cela s’est déjà produit cinq fois depuis 2020 ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Vous appelez mon attention sur les nuisances aériennes qu’entraîne, pour les habitants du Val-d’Oise, l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Il se trouve que j’y étais lundi : j’ai échangé à ce sujet avec un certain nombre d’acteurs. Comme vous, je mesure l’importance de protéger concrètement les riverains des aéroports, tout en favorisant l’essor d’un transport aérien durable et contrôlé. Quant aux particules fines, mon rapport d’information sénatorial « Zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) : sortir de l’impasse » traitait entre autres de leurs conséquences sur la santé de nos concitoyens.
En vertu de l’« approche équilibrée » prônée par l’Organisation de l’aviation civile internationale et adoptée au sein du droit européen, l’action de l’État en matière de nuisances sonores repose sur quatre piliers : réduction du bruit à la source ; gestion de l’utilisation des terrains ; procédures opérationnelles de réduction du bruit, comme l’écopilotage et les descentes continues ; restrictions d’exploitation si nécessaire.
Cette approche a par exemple inspiré la taxe sur les nuisances sonores aériennes, qui obéit au principe pollueur-payeur : acquittée par les compagnies, son produit est directement affecté aux exploitants aéroportuaires et destiné à l’insonorisation des locaux situés aux abords des aéroports et aérodromes. Pour chacun d’eux, une commission consultative d’aide aux riverains se prononce au sujet de la distribution de ces aides. Il s’agit là de l’un des principaux outils existants en vue de réduire les nuisances sonores générées par le trafic aérien. Élus et associations sont très demandeurs, car ce dispositif, même si certains l’estiment insuffisant, contribue à améliorer la qualité de vie de la population ; de leur côté, les compagnies aériennes, qui, je le répète, le financent, le voient d’un bon œil en tant qu’il concourt à l’acceptabilité de leur activité.
S’agissant d’éventuelles restrictions d’exploitation liées au bruit, la réglementation européenne prévoit qu’elles doivent être précédées, toujours suivant l’approche équilibrée, d’une étude d’impact ; le ministre chargé de l’aviation civile et le ministre chargé de l’environnement peuvent ensuite imposer des restrictions à l’aéroport concerné. Je vous rassure : une telle étude est actuellement conduite à Paris-Charles-de-Gaulle sous l’autorité du préfet du Val-d’Oise, qui a lancé une consultation publique par voie électronique, accessible jusqu’au 28 février sur le site du ministère – je profite de cette occasion pour en faire la publicité !
M. le président
La parole est à Mme Gabrielle Cathala.
Mme Gabrielle Cathala
Je me permets de vous reposer la question du couvre-feu : êtes-vous favorable à l’interdiction des vols entre vingt-trois heures et six heures, assortie de mesures de compensation pour les salariés du fret aérien ?
Contrat « ville hôte » des JOP 2030
M. le président
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour exposer sa question, no 83, relative au contrat « ville hôte » des JOP 2030.
M. Jean-François Coulomme
En février 2030, les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver devraient avoir lieu dans les Alpes françaises. La preuve a été faite que, pour le pays qui l’accueille, le coût d’un événement sportif de cette ampleur est astronomique ; quant à son impact sur l’environnement, alors que le réchauffement climatique et la pression foncière affectent déjà largement nos montagnes, il s’annonce désastreux.
À l’aberration écologique, sociale et financière que constitue cette opération s’ajoutent des questions démocratiques de probité, d’opacité et de conflits d’intérêts. Le 24 juillet dernier, le Comité international olympique (CIO) octroyait aux Alpes françaises les Jeux d’hiver de 2030 ; le 18 septembre, nous apprenions par le média Reporterre, d’après une information provenant du CIO lui-même, que le contrat « ville hôte » avait été signé par les présidents des régions Aura et Paca, en d’autres termes Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur, ainsi que par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Rien n’a été rendu public. Au sein de la région Aura, aucune délibération n’a porté sur cette signature ; pire, un conseiller, membre de la commission JOP du conseil régional, ayant sollicité de manière répétée des informations la concernant, n’a jamais obtenu de réponse. Personne n’a vu le contrat : l’opacité perdure, alors que rien, dans le fait d’une telle signature, ne justifie qu’elle soit dissimulée.
Ce n’est pas tout : dans une version du contrat mise en ligne fin juillet, donc avant signature, mais contenant les noms des futurs cosignataires, M. Wauquiez figure au nombre de ceux-ci en tant que président de la région Aura. Il avait pourtant été proclamé député le 8 juillet, ce qui, en vertu de l’interdiction du cumul des mandats, mettait fin à sa fonction exécutive locale, strictement incompatible avec son nouveau rôle. De surcroît, dans ce contrat se trouve une clause compromissoire, c’est-à-dire excluant la compétence des juridictions étatiques et prévoyant, en cas de litige, un recours à l’arbitrage, autrement dit à des tribunaux privés extraterritoriaux ; souscrire de telles clauses est pourtant interdit aux collectivités territoriales.
Deux régions ont donc engagé l’État dans un projet qui coûtera des milliards d’euros aux contribuables, dans le secret le plus total, par un contrat comprenant des clauses illégales et dont l’un des cosignataires a agi en flagrant délit de cumul de mandats. Vous défiez ainsi toute éthique et toute logique juridique. Comme si cela ne suffisait pas, le premier ministre de l’époque, M. Barnier, a offert à ces Jeux la garantie financière de l’État – pour un demi-milliard d’euros – alors qu’il était membre du conseil d’administration de la commission de la durabilité et de l’héritage du CIO, à laquelle est destiné ce chèque en blanc : sacré conflit d’intérêts, vous en conviendrez !
Madame la ministre, mes questions seront très simples. Premièrement, par qui a été signé ce contrat qui engage nos finances publiques ? Deuxièmement, que comptez-vous faire de l’engagement financier pris par M. Barnier en dépit du conflit d’intérêts entre ses fonctions de premier ministre et son rôle au sein du CIO ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative
Ce contrat « ville hôte », officiellement appelé contrat hôte olympique, compte quatre signataires : le CIO, le CNOSF, la région Aura et la région Sud. Les parties françaises ont signé le contrat dès le début du processus d’attribution : il s’agit d’un engagement obligatoire pour la désignation du pays hôte. La région Aura était alors représentée par Laurent Wauquiez, raison pour laquelle son président actuel, Fabrice Pannekoucke, ne figure pas parmi les signataires originels.
Le CIO n’a pas encore apposé sa signature car, comme cela était prévu au terme de la désignation de la France le 24 juillet, celle-ci interviendra lorsque les garanties exigées seront apportées par la partie française. Le processus suit son cours et Michel Barnier, alors premier ministre, a signé et transmis au CIO une lettre de garanties le 2 octobre dernier. Cette démarche doit encore être entérinée par l’adoption de la loi de finances. Ce n’est que lorsque ce processus législatif sera achevé que le CIO pourra signer définitivement le contrat hôte olympique.
J’ajoute qu’il n’existe pas de contrat hôte paralympique, le contrat hôte olympique valant pour les deux compétitions et comportant une clause relative aux Jeux paralympiques, tel que prévu entre les deux comités internationaux. C’est pourquoi le comité international paralympique n’est pas signataire du contrat.
M. le président
La parole est à M. Jean-François Coulomme.
M. Jean-François Coulomme
L’organisation des Jeux de 2030 dans les Alpes françaises est le résultat d’un déni démocratique et risque d’entraîner des conséquences économiques, sociales et environnementales colossales. Depuis le dépôt de la candidature des Alpes françaises en novembre 2023, se sont enchaînées une série de décisions complètement déconnectées de la réalité économique de notre pays, prises dans une totale opacité et avec une rapidité irresponsable.
La censure a mis en lumière l’absurdité du circuit des décisions prises par les présidents des régions concernées, le président de la République et l’ancien premier ministre concernant ces Jeux. Il y a des raisons de s’alarmer, car tout est critiquable, tant sur le fond que sur la forme : aucune consultation citoyenne, des procédures élaborées en catimini, des signatures de la part des régions qui engagent l’État et sont dissimulées au sein même des conseils régionaux, des conflits d’intérêts à tout va, le tout en engageant financièrement l’État pour la modique somme de 900 millions au minimum, selon l’Inspection générale des finances. À ces vives critiques démocratiques et financières s’ajoute l’impact même du déroulement d’un tel événement sportif dans les Alpes et les conséquences environnementales et sociales qui en découleraient.
Conservatoire de La Courneuve-Aubervilliers
M. le président
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour exposer sa question, no 79, relative au Conservatoire de La Courneuve – Aubervilliers.
Mme Soumya Bourouaha
Je souhaite vous interroger sur le financement des conservatoires à rayonnement régional (CRR), en particulier celui qui vient d’être inauguré dans ma circonscription de la Seine-Saint-Denis, sous le nom de Jack Ralite – personnalité ô combien reconnue, qui a défendu la culture tout au long de sa vie.
Le CRR-93 Jack Ralite est en danger. Pourtant, il forme chaque année près de 1 500 élèves à la musique, à la danse, au théâtre, de l’initiation à la professionnalisation, et touche, en partenariat avec l’éducation nationale, 6 500 élèves, majoritairement issus de milieux défavorisés – les deux tiers des familles appartiennent aux tranches les plus modestes du quotient familial –, dans le cadre des éducations artistiques et culturelles (EAC).
Par ailleurs, il permet de rendre la culture accessible à toutes et à tous, en proposant des ateliers dédiés aux enfants en situation de handicap.
Cependant, ces missions d’utilité publique sont désormais menacées. À l’heure actuelle, le conservatoire est financé à hauteur de 80 % par les mairies de La Courneuve et d’Aubervilliers ; or celles-ci ne peuvent pas assumer seules le coût de cet établissement, pourtant fleuron artistique en Seine-Saint-Denis.
La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales dispose que, dans le cadre de l’article L. 214-13 du code de l’éducation, la région participe au financement de l’enseignement préparant à l’entrée dans les établissements d’enseignement supérieur de la création artistique et dans le domaine du spectacle vivant.
Bien qu’il ait un rayonnement régional et joue un rôle clé dans la formation professionnelle et l’enseignement supérieur – deux compétences relevant de la région –, le conservatoire n’est pas financé par la région Île-de-France ni par l’établissement public territorial (EPT) Plaine Commune. Les conséquences se font d’ores et déjà sentir, avec notamment le gel de la classe orchestre, pour ne citer que cet exemple. Si aucune aide n’est apportée, d’autres effets dommageables pourraient survenir, tels que la suppression du tarif famille nombreuse, une diminution du nombre d’élèves, une réduction des EAC et le ralentissement des projets artistiques.
Si la région Île-de-France et l’EPT Plaine Commune ne jouent pas leur rôle, le soutien du ministère de la culture est essentiel. Rendre la culture accessible à toutes et à tous, c’est l’exigence à laquelle répond le conservatoire et je suis certaine que nous partageons cette ambition, qui devrait d’ailleurs être celle des acteurs de l’État.
Quelles actions la ministre de la culture compte-t-elle engager pour que les régions et les établissements publics respectent leurs responsabilités de soutien aux conservatoires à rayonnement régional ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative
Permettez-moi d’excuser Mme Rachida Dati, ministre de la culture, qui ne peut être présente aujourd’hui. Le conservatoire à rayonnement régional de la Seine-Saint-Denis développe, dans une dizaine de départements, une offre pédagogique riche et exigeante – musique, danse, théâtre – et coordonne des projets pédagogiques et culturels pour des établissements de la Seine-Saint-Denis. Il s’agit d’un acteur essentiel de la vie culturelle du territoire, avec plus de 200 prestations annuelles et 12 000 entrées cumulées sur une saison artistique.
Malgré cette réussite, il traverse en effet depuis deux ans une véritable crise budgétaire. La direction régionale des affaires culturelles (Drac) s’est montrée attentive à cette situation, en versant une aide exceptionnelle de 52 000 euros en 2022. Les villes d’Aubervilliers et de La Courneuve ont également voté, à la fin des exercices de 2022 et de 2023, des dotations exceptionnelles de 300 000 euros. Malgré tout, en 2024, le déficit est plus important et s’élève à 500 000 euros.
En 2025, les villes d’Aubervilliers et de La Courneuve se sont engagées à augmenter leurs dotations respectives de 200 000 et 120 000 euros. Le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis conditionne, quant à lui, la réévaluation de son soutien à la réalisation d’un audit, qu’il finance à hauteur de 20 000 euros.
Plusieurs pistes de soutien sont à l’étude : les équipes de direction du CRR recherchent des ressources complémentaires et envisagent de solliciter le conseil régional et l’établissement public territorial Plaine Commune. L’idée de recourir à la taxe d’apprentissage est, à ce stade, trop embryonnaire, le CRR ne proposant pas de formations de l’enseignement supérieur qui conduisent à un diplôme enregistré au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Cette piste mériterait d’être approfondie, en lien avec les équipes de la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets), mais conduirait le CRR-93 à repenser en profondeur son projet.
Soyez assurée, madame la députée, que le ministère de la culture suit de près la situation de cet établissement.
M. le président
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.
Mme Soumya Bourouaha
Je vous remercie pour votre réponse. Vous avez évoqué plusieurs pistes, sur lesquelles je suis prête à travailler avec le ministère. En tant qu’ancienne présidente puis vice-présidente du CRR-93 pendant de nombreuses années, je peux vous dire que ce problème de financement ne date pas de 2022 mais qu’il remonte à plus de dix ans. Les enseignants comme les parents d’élèves se sont énormément mobilisés à ce sujet. Il faut savoir que 98 % du budget du conservatoire est fléché vers le paiement du salaire des enseignants ; il reste donc très peu d’argent pour financer les projets artistiques. Les municipalités, qui y injectent sans cesse de l’argent, ont besoin d’aide.
Maison d’arrêt de La Talaudière
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Mandon, pour exposer sa question, no 67, relative à la maison d’arrêt de La Talaudière.
M. Emmanuel Mandon
Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, et vise à appeler l’attention du gouvernement sur une des difficultés auxquelles est confrontée la politique carcérale : la vétusté de certains de nos établissements pénitentiaires. Rien de nouveau, hélas, sur le sujet ! Nous savons en effet que, depuis des décennies, notre pays connaît une situation très dégradée, en raison d’un manque de places de prison, alors que le nombre de détenus a explosé.
Cette situation a conduit les gouvernements successifs à programmer la construction de places supplémentaires, à des échéances plus ou moins rapprochées – je pense au fameux plan « 15 000 places », réévalué par la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice. Cela implique des délais souvent très longs entre les annonces et les réalisations. Il arrive même, parfois, qu’un projet soit finalement remis en cause et annulé.
J’en viens plus précisément à l’objet de ma question, à savoir la situation de l’établissement de La Talaudière, situé près de Saint-Étienne, dans ma circonscription. Cet établissement, qui date de 1968, cumule tous les handicaps : surpopulation carcérale structurelle – le taux d’occupation y est d’environ 148 % –, locaux vétustes, conditions d’incarcération difficiles pour les personnels et les détenus, respect insuffisant des normes de sécurité à l’intérieur comme à l’extérieur de la prison. C’est pourquoi son déménagement, lié à une relocalisation sur un autre site, avait été prévu voici une dizaine d’années, opération décidée et confirmée par deux ministres de la justice successifs. Malheureusement, l’État a dû renoncer en 2019 à ce programme immobilier, sous la pression d’interventions politiques notamment, aucune commune n’acceptant de faire l’effort d’accueillir l’établissement.
Un programme de lourds travaux de rénovation et de mise à niveau a toutefois été engagé, ce qui a permis d’obtenir des améliorations indéniables. Néanmoins, il ne règle pas le problème de fond. D’ailleurs, ce type de chantier très long se déroule alors même que l’établissement doit fonctionner au quotidien et entraîne des coûts non négligeables, pour un résultat mitigé. Je tiens à saluer, à cet égard, la patience et le professionnalisme des personnels qui sont soumis à de telles conditions de travail.
Reste l’épineuse question de la sécurisation des abords pour les riverains, qui ont le sentiment d’être oubliés. Les efforts financiers consacrés à la rénovation partielle à l’intérieur des cellules semblent conduire l’administration pénitentiaire à délaisser quelque peu les besoins de sécurisation aux abords de l’établissement. Or peut-on admettre les intrusions dans les propriétés privées et la circulation de visiteurs à toute heure du jour et de la nuit autour de l’établissement ?
Pour mémoire, des travaux de sécurisation partiels comportaient la réalisation d’une clôture sur une partie du périmètre de la prison, afin de prévenir les projections les plus diverses de produits ou de substances illicites sur les cours de promenade, ainsi que l’édification d’un pare-vue pour protéger les familles des nuisances sonores et visuelles – les parloirs sauvages –, que les forces de l’ordre ne parviennent pas toujours à maîtriser.
Force est de constater que ces investissements n’ont pas tous atteint les résultats escomptés. Les intrusions aux abords de la prison se poursuivent, ce qui ne manque pas de créer une véritable situation d’insécurité pour les riverains, dont je n’ignore pas les inquiétudes. Dans l’attente d’engagements fermes qui permettraient de les rassurer, et pour parer à l’urgence et dissuader véritablement les intrusions, des aménagements immédiats s’imposent.
Je suis persuadé, madame la ministre, que vous saurez vous faire l’interprète de ma démarche.
M. le président
La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative
Permettez-moi d’excuser M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice, qui ne peut être présent. Votre question me permet d’insister sur l’importance de doter l’administration pénitentiaire d’un budget à la hauteur de ses besoins, qui lui offre la possibilité non seulement de construire de nouveaux établissements mais aussi d’entretenir et de rénover les locaux actuels, afin que les détenus bénéficient de conditions de détention dignes, et les personnels pénitentiaires de conditions de travail adaptées et sécurisées.
S’agissant du centre pénitentiaire de Saint-Étienne-La Talaudière, la proximité de certaines habitations engendre des nuisances et suscite un sentiment d’insécurité pour les riverains. Néanmoins, des investissements importants y ont été réalisés. Dès 2019, un projet de réhabilitation a été élaboré, afin de mieux l’intégrer dans la cité et d’en renforcer la sécurité. D’ailleurs, les riverains ont été associés à ce chantier. Entre 2020 et 2021, des travaux de sécurisation de l’établissement ont été effectués pour un montant de plus de 2 millions : des filets antiprojections ont été installés et le système de vidéosurveillance a été renforcé. Le périmètre de l’établissement a été doté d’un bardage, doublé d’une clôture électrique, et des pare-vue ont été installés afin de lutter contre les projections.
Depuis le 14 mars 2024, l’établissement est doté d’un système antidrone opérationnel. Celui-ci a permis de réduire drastiquement le nombre de survols d’appareils malveillants – aucun survol n’a été comptabilisé en 2024, contre 55 en 2023. La construction d’une nouvelle base destinée aux équipes locales de sécurité pénitentiaire, pour un montant total d’environ 2,4 millions, permettra de développer les missions de sécurisation périmétrique. Ces travaux s’achèveront à l’automne 2025. Par ailleurs, si le plan « 15 000 places » pour la création de nouveaux établissements pénitentiaires ne prévoit pas de nouvelle prison à Saint-Étienne, le site de La Talaudière fait bien partie des sept établissements du parc pénitentiaire pour lesquels des travaux de réhabilitation supplémentaires sont urgents et prioritaires.
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Mandon.
M. Emmanuel Mandon
Je vous remercie de ces éléments de réponse et me réjouis des quelques avancées importantes. Néanmoins, j’insiste sur le fait que les habitants supportent depuis des années un désordre et des nuisances excessives et anormales. C’est pourquoi j’appelle de nouveau l’attention sur ce dossier et reste disponible pour y travailler avec M. le garde des sceaux.
Carte de l’éducation prioritaire
M. le président
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour exposer sa question, no 75, relative à la carte de l’éducation prioritaire.
M. Mathieu Lefèvre
La carte de l’éducation prioritaire a été révisée en 2015. Depuis, la liste des établissements scolaires intégrés aux réseaux d’éducation prioritaire (REP) et aux réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+) n’a connu que des modifications subsidiaires.
Pourtant, au cours de cette période, de nouveaux établissements répondant aux critères de classement ont ouvert leurs portes et attendent un soutien fort de l’État. C’est le cas notamment du collège Nelson-Mandela de Champigny-sur-Marne : ouvert il y a deux ans, il accueille plus de 29 élèves par classe, un chiffre bien supérieur à la moyenne nationale. Rappelons que 10 % de ses élèves bénéficient de programmes d’accompagnement. Par ailleurs, l’indice de position sociale des élèves (IPS) du collège, qui est de 87, se situe bien en deçà de la moyenne nationale, laquelle s’élevait à 105 à la rentrée 2022. Enfin, les élèves de sixième qui intègrent le collège viennent des écoles primaires situées à proximité, toutes classées en REP. Le fait que d’autres établissements aient récemment été classés REP, sans attendre pour certains ni leur ouverture ni a fortiori la révision générale des classements censée intervenir cette année, ajoute à mon incompréhension.
Les nombreux professeurs et personnels administratifs du collège qui m’ont saisi partagent cette incompréhension. Les conditions de travail, d’encadrement et d’enseignement ne sont pas dignes de ce que doit leur offrir l’État, surtout dans un quartier qui concentre les difficultés. Ma question est donc la suivante : le collège Nelson-Mandela intégrera-t-il le réseau d’éducation prioritaire ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
Je vous prie d’abord de bien vouloir excuser Mme la ministre d’État, qui m’a chargé de répondre à votre question portant sur la révision de la carte du réseau d’éducation prioritaire, en particulier sur la situation du collège Nelson-Mandela de Champigny-sur-Marne. Cet établissement, qui a ouvert à la rentrée scolaire 2022 et dispose d’une capacité d’accueil totale de 750 élèves, n’en accueille aujourd’hui que 538. La structure n’a donc pas encore atteint sa pleine capacité. La montée en charge des effectifs est progressive : le collège scolarise 142 élèves en sixième, 161 en cinquième, 139 en quatrième et 89 en troisième. Le nombre moyen d’élèves par classe s’élève actuellement à 28,3 élèves, la taille des classes étant comprise entre 27 et 30 élèves. Le collège n’est pas classé en éducation prioritaire, mais ses indicateurs montrent qu’il accueille en effet une part non négligeable d’élèves en situation de fragilité sociale et économique : son IPS, qui reflète la proportion d’élèves défavorisés, est de 89,1, alors que la moyenne nationale des collèges est de 104,5, et son taux de boursiers est important : 38,1 %.
Le directeur académique des services de l’éducation nationale (Dasen) du Val-de-Marne, récemment arrivé dans le département, est informé de la situation de l’établissement, à laquelle il sera attentif à l’occasion de la dotation pour l’année 2025-2026.
Rappelons que la carte de l’éducation prioritaire, définie nationalement, date de 2014, ce qui explique que certaines évolutions socio-économiques intervenues ces dix dernières années n’aient pas été prises en compte et que cette carte présente encore des disparités.
Sa révision fait donc partie des chantiers sur lesquels la ministre de l’éducation nationale souhaite réfléchir. Afin d’associer l’ensemble des acteurs et d’anticiper les conséquences sur le budget et les ressources humaines, cette révision ne pourra intervenir qu’à partir de la rentrée 2026. Mme la ministre propose de vous associer à ce travail.
M. le président
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Les évolutions socio-économiques sont bien connues – l’IPS ne date ni de cette année ni de la précédente. Je le répète, tous les élèves sont issus d’écoles primaires classées REP. Je me tiens à votre disposition pour y travailler, mais j’insiste pour que cette révision intervienne dès 2025.
Nantes université
M. le président
La parole est à M. Karim Benbrahim, pour exposer sa question, no 96, relative à Nantes université.
M. Karim Benbrahim
Investir dans l’enseignement supérieur et la recherche, c’est investir dans ce qui fera la France de demain. Pourtant, les universités françaises font face à une crise financière historique, qui les met en difficulté dans l’exercice de leurs missions. Et la coupe budgétaire de 630 millions d’euros, que vous avez fait adopter hier au Sénat, aggrave encore leur situation.
Nantes université prévoit pour l’année 2025 un déficit de 15,9 millions, dont une part importante est due aux effets de l’inflation. Mais d’autres facteurs contribuent à expliquer cette situation financière : 4,3 millions découlent de charges nouvelles non compensées par l’État, comme celles liées à la réforme du compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions.
La compensation, pour moitié seulement, de la hausse du taux du CAS Pensions, adoptée hier par le Sénat, reste insuffisante au regard des charges nouvelles pesant sur les universités. Nantes université fait face à une sous-dotation chronique par rapport aux autres universités françaises, du fait d’un mode de répartition budgétaire national obsolète et injuste. Ce sont ainsi plus de 20 millions d’euros qui lui manquent chaque année ; le déficit pour l’année 2025 est estimé, je le répète, à 15,9 millions.
Cette université a déjà pris d’importantes mesures d’économies, telles que la limitation des recrutements, la réduction des dépenses les moins essentielles et la rationalisation des espaces utilisés. Mais ces efforts ne suffisent plus à compenser les manques structurels de financement ; l’université pourrait désormais se voir contrainte de limiter son offre de formation, de réduire le nombre d’étudiants accueillis ou encore de fermer des antennes dans différents territoires de la région des Pays de la Loire.
La qualité de l’enseignement et de la recherche, et donc, à terme, nos innovations technologiques, humaines et sociales, pourraient être affectées. Le modèle de financement des universités françaises doit être repensé pour le mettre davantage en adéquation avec les besoins des territoires. Quelles évolutions envisagez-vous pour corriger ces inégalités territoriales ? Quelles dispositions prendrez-vous pour rattraper la sous-dotation financière dont pâtit Nantes Université ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
Je vous remercie pour votre question relative à la situation financière des universités, en particulier celle de Nantes, qui offre l’occasion de revenir sur l’évolution législative récente – le Sénat a adopté hier les crédits de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (Mires). Le gouvernement et mon ministère ont entendu les inquiétudes de certaines universités qui font face à des hausses de dépenses dues aux coûts énergétiques et aux charges non compensées, telles que les mesures dites Guerini et l’augmentation du CAS Pensions, que vous avez mentionnées.
Pour remédier à cette situation, nous avons proposé une compensation pour moitié de l’impact de la hausse du CAS Pensions pour les universités, soit une hausse de 100 millions d’euros par rapport à la copie initiale du projet de loi de fnances pour 2025. Votre question traduit une confusion entre le périmètre de la Mires, dont le crédit global connaît certes une baisse de 630 millions, et les programmes Formations supérieures et recherche universitaire et Vie étudiante, qui sont des priorités du gouvernement et pour lesquels le budget, je tiens à le signaler, est en augmentation nette – en particulier pour les universités, qui ont bénéficié d’un effort très significatif dans le contexte actuel.
Quant à la situation financière de l’université de Nantes, elle est à ce jour relativement solide. À la fin de l’année 2024, la trésorerie de l’établissement, dont le niveau sera confirmé dans le compte financier, devrait s’établir autour de 60 millions d’euros, soit l’équivalent de 56 jours de fonctionnement – le double du seuil d’alerte, fixé à trente jours par le nouveau décret financier qui s’applique aux universités. Le taux d’encadrement des étudiants est par ailleurs nettement supérieur à la moyenne des établissements de même catégorie, alors qu’il était nettement en deçà en 2020. C’est la conséquence directe d’un effort d’accompagnement significatif consenti à cet établissement, qui a vu sa subvention pour charges de service public (SCSP) par étudiant progresser de 1 881 euros entre 2020 et 2024, ce qui est considérable – ce n’est malheureusement pas le cas de toutes les universités françaises, je vous le garantis.
Je suis prêt à engager un travail autour de la réouverture du dossier de l’allocation des moyens aux universités et de la répartition de cette allocation. Je le répète, les mécanismes d’allocation budgétaire aux universités reposent avant tout sur l’histoire, pour le dire vite. Il faut repenser ce système. Ce chantier devra être mené en étroite coopération avec l’ensemble de l’écosystème.
M. le président
La parole est à M. Karim Benbrahim.
M. Karim Benbrahim
Vous connaissez au moins aussi bien que moi la situation financière des universités françaises. Les annonces budgétaires ne sont pas à la hauteur des enjeux ; les compensations adoptées hier par le Sénat ne couvrent pas l’intégralité des charges supplémentaires pour les universités. Par ailleurs, s’agissant de l’université de Nantes, la dotation financière par étudiant a diminué de 15 % depuis 2017. Un effort important est nécessaire pour cette université. J’entends que vous êtes ouvert à retravailler les règles de dotation budgétaire. Vous pouvez compter sur ma disponibilité pour mener ce travail avec vous.
Accueil des gens du voyage
M. le président
La parole est à M. Jean-François Portarrieu, pour exposer sa question, no 82, relative à l’accueil des gens du voyage.
M. Jean-François Portarrieu
Depuis plusieurs mois, l’actualité de la région toulousaine est marquée par la recrudescence des installations illicites de gens du voyage. Outre les nuisances occasionnées, cette recrudescence soulève une difficulté récurrente : l’accueil des grands passages. Dans cette situation, les communes et leurs habitants sont pris en étau. Bien entendu, la République reconnaît le mode de vie des citoyens français itinérants et organise ce type d’habitation en résidence mobile. Mais le libre choix de ces modes de vie ne saurait en rien dispenser du nécessaire et strict respect des lois de la République qui incombe à chaque citoyen français ou ressortissant étranger de passage sur le territoire national. Parmi les libertés et valeurs protégées figurent aussi le droit de propriété et le droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé.
Dans un vœu adopté le 12 décembre par le conseil de Toulouse Métropole, les élus, dont je suis, ont sollicité la création d’un groupe de travail relatif à l’évolution du cadre législatif de l’accueil et de l’intégration des gens du voyage au sein des collectivités locales, inspirée par la proposition de loi visant à améliorer l’accueil et l’intégration des gens du voyage au sein des collectivités locales, déposée le 2 mai 2024. Ne pensez-vous pas que ce type de démarche est vraiment nécessaire, vingt-cinq ans après l’adoption de la seconde loi Besson sur le droit au logement ?
M. le président
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Vous posez une question très pertinente. Rappelons quelques éléments de droit : le texte fondateur en matière de stationnement des gens du voyage est la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage. Ce texte organise la liberté d’aller et venir et la possibilité pour les gens du voyage de stationner dans des conditions décentes – vous l’avez rappelé –, en tenant compte du souci des élus locaux que vous êtes et que j’ai été, d’éviter des installations illicites susceptibles de porter atteinte au droit de propriété et d’occasionner des troubles à l’ordre public – vous y avez fait référence également.
En cas de stationnement illégal, l’article 9 de ce texte permet au maire ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), en fonction des compétences qui ont été dévolues, de demander au préfet du département de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. Chacun a constaté à cette occasion des actes de destruction de biens appartenant à autrui. Rappelons les deux procédures possibles : l’action civile en réparation des dommages – nous sommes parfaitement conscients du temps que cela peut prendre – et l’action pénale. En effet, dès lors qu’il y a des dégradations, les infractions peuvent être constituées, même si, là encore, la réponse peut mettre du temps à intervenir. Or l’enjeu premier est souvent le départ des lieux occupés dans les délais les plus brefs possibles. Nous avons bien conscience de ces difficultés.
S’agissant plus particulièrement de la Haute-Garonne, les difficultés rencontrées lors de la saison 2024 des grands passages résultent à la fois du non-respect de la programmation par certains groupes de gens du voyage, mais aussi du nombre apparemment insuffisant d’aires et de places mises à leur disposition. Ainsi, dans le respect de l’équilibre précité, et comme le ministre de l’intérieur l’a annoncé, des réflexions ont débuté afin de renforcer, d’une part, l’efficacité de la procédure d’évacuation des résidences mobiles et, d’autre part, le poids des sanctions judiciaires.
Bruno Retailleau et moi-même, qui recevons de très nombreuses plaintes et réclamations, souhaitons que le groupe de travail au sujet duquel votre collectivité a délibéré soit rapidement constitué. Nous avons confié au préfet Philip Alloncle la mission officielle de réunir l’ensemble des élus et des collectivités intéressés pour faire un état des lieux et une évaluation juridique de la situation, puis aboutir sans doute à une évolution législative qui améliore notre efficacité dans les situations comparables à celles que vous évoquez. Votre question, monsieur le député, a donc été utile pour éclairer la représentation nationale sur ce sujet.
Effectifs de police à La Garenne-Colombes, Bois-Colombes et Courbevoie
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin, pour exposer sa question, no 71, relative aux effectifs de police à La Garenne-Colombes, Bois-Colombes et Courbevoie.
M. Philippe Juvin
L’insécurité n’est pas un sentiment, comme certains l’ont prétendu, mais une réalité pour nombre de nos concitoyens : chaque jour, l’actualité le confirme et nous rattrape. Une enquête annuelle du ministère de l’intérieur le rappelait récemment : plus d’un Français sur cinq déclare se sentir souvent ou de temps en temps en insécurité. Je veux me faire ici le porte-voix des maires des trois communes de ma circonscription : La Garenne-Colombes, dont j’ai été longtemps le maire, Bois-Colombes, dont le maire est Yves Révillon et Courbevoie, dont le maire est Jacques Kossowski. Chacune de ces trois villes a créé une police municipale et un centre de surveillance urbain ; de très gros moyens ont donc été mis à la disposition de nos concitoyens pour assurer leur sécurité.
L’accord implicite qui nous liait à l’État, que nous aidions grâce à l’action des polices municipales, était que celui-ci fasse sa part du travail. Ainsi, à Courbevoie, la ville entretient le bâtiment dans lequel est logée la police nationale ; à La Garenne-Colombes, le bâtiment qui abrite le commissariat de police a été rénové en grande partie grâce à l’aide financière de la commune. Les élus locaux ont donc toujours répondu présent.
Pourtant, nous avons vu les effectifs baisser au fil des années. Il y a un an, le préfet de police de Paris m’avait assuré qu’il étudierait la remise en place d’une brigade anticriminalité (BAC) dans la commune de La Garenne-Colombes – BAC qui existait et qui avait disparu. Au lieu du redéploiement promis, j’ai constaté que, depuis le 1er novembre 2024, le commissariat de La Garenne est désormais fermé à partir de dix-neuf heures. Pour porter plainte, les Garennois doivent se rendre au commissariat de Courbevoie, situé à deux kilomètres : autant vous dire qu’ils n’y vont plus au-delà d’une certaine heure. On me dit qu’il est possible d’effectuer des démarches sur internet, mais ce n’est évidemment pas la même chose. Les effectifs de nuit ont désormais fusionné avec ceux de Courbevoie. Le commissariat de Bois-Colombes, quant à lui, est déjà fermé la nuit, et sa fermeture définitive est annoncée pour les prochains mois. Je veux vous relayer la grande déception des élus locaux, pourtant très impliqués, ainsi que l’inquiétude de nos concitoyens.
Je n’ignore pas les contraintes qui s’imposent à vous ; bien sûr, l’État paupérisé fait ce qu’il peut. Cependant, les élus locaux que nous sommes sont vraiment déçus, après les efforts que nous avons faits, de voir que l’État se désengage ainsi. Il s’agit là d’une question de fond. Alors que nous formons plus de policiers nationaux qui sortent des écoles de police, nous avons l’impression qu’il y a de moins en moins de policiers dans les commissariats. Les communes de la petite couronne constatent douloureusement que Paris aspire beaucoup d’effectifs. Si nos trois communes ont la réputation d’être calmes, c’est justement parce qu’elles bénéficiaient d’effectifs de police. N’inversons pas la cause et la conséquence ! Nous craignons un renversement des choses. Nos communes ne sont situées qu’à quelques encablures des lieux où les émeutes urbaines sont nées en 2023.
Je finis par douter que la sécurité soit réellement la première des libertés – c’est un grand débat philosophique –, mais je suis certain, en revanche, que la sécurité est la première condition de la liberté et de son exercice. Alors, monsieur le ministre, j’aimerais que les trois commissariats de Bois-Colombes, de Courbevoie et de La Garenne-Colombes puissent retrouver leur lustre d’antan, avec les effectifs dont ils disposaient il y a encore peu de temps.
M. le président
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
À titre liminaire, je crois utile de préciser que la fusion des brigades de police secours de nuit des circonscriptions de sécurité de proximité de La Garenne-Colombes et de Courbevoie s’inscrit dans un objectif de renforcement de la présence policière sur la voie publique, avec la meilleure organisation possible des équipages : c’est le principe, même si j’ai entendu les exceptions que vous soulevez.
Cette fusion a été décidée car l’organisation en deux circonscriptions différentes serait apparue non opérationnelle, en particulier la nuit. En effet, il a été constaté que l’activité nocturne de la circonscription de La Garenne-Colombes était très modérée. À titre d’exemple, pour la période du 1er juillet au 31 octobre 2024, le commissariat n’avait reçu que sept déclarations de main courante entre vingt-deux heures trente et six heures trente du matin, sachant qu’en août et en septembre, aucun usager ne s’était présenté durant cette plage horaire. La fusion des brigades a précisément été réalisée pour améliorer la présence sur le terrain, car elle permet – c’est en tout cas le souhait – une meilleure organisation des effectifs et donc la capacité opérationnelle de renforcer les services.
Par ailleurs, ces orientations avaient été présentées à Mme la maire de la commune de La Garenne-Colombes par le chef de la circonscription, sans que des objections n’aient été soulevées – mais les choses ont pu évoluer, bien sûr. J’ajoute que le déploiement d’un cycle horaire similaire à Rueil-Malmaison produira une harmonisation horaire des brigades de police-secours du deuxième district du département, garantissant – nous l’espérons – de meilleures synergies.
Le ministère de l’intérieur le souligne souvent aux élus qui le saisissent de questions liées aux effectifs locaux : la préfecture de police présente la particularité d’intégrer, sous l’autorité du préfet de police, l’ensemble des services de police. Ce modèle spécifique a une conséquence directe : il est impossible de se limiter aux effectifs d’une seule circonscription si l’on veut mesurer les moyens mobilisés pour assurer les missions de sécurité publique. Les directions ou brigades spécialisées de la préfecture de police peuvent, à tout moment, intervenir sur les territoires des communes de l’agglomération parisienne. Cette mobilisation se traduit ainsi, par exemple, par un engagement des compagnies d’intervention de la direction de l’ordre public et de la circulation et des compagnies de sécurisation et d’intervention de la direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne, permettant ainsi de renforcer significativement la présence sur la voie publique. Pourtant, vous semblez observer que ce n’est pas tout à fait le cas. De la même façon, dès que cela est possible, des unités de forces mobiles peuvent être déployées.
Ce modèle d’organisation, associé à l’investissement quotidien de l’ensemble des services de police, a permis une baisse substantielle de la délinquance sur ces communes. Au cours de l’année 2024, les atteintes aux biens ont baissé de 2,05 % à Courbevoie et de 5,38 % à La Garenne-Colombes. Il en va de même pour les atteintes volontaires à l’intégrité physique, qui diminuent fortement sur cette période, de 12,41 % à La Garenne-Colombes et de 7,48 % à Courbevoie.
J’ai compris le sens de vos observations. Je vous répondrai que l’enjeu, c’est l’évaluation des principes de la nouvelle organisation que je viens d’exposer. Je vous propose, monsieur le député, que vos observations contribuent rapidement à cette évaluation.
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Votre réponse est très claire, et je prends note de votre proposition de travailler ensemble. Mais encore une fois : moins de policiers dans les bureaux, moins de fonctionnaires de police devant les ministères, devant l’Élysée ou devant Matignon, devant tous les palais nationaux, moins de policiers à Paris, ville déjà très sécurisée ; en revanche, s’il vous plaît, plus de policiers sur la voie publique dans nos communes de La Garenne, de Bois-Colombes et de Courbevoie.
Phare de Cordouan
M. le président
La parole est à Mme Pascale Got, pour exposer sa question, no 95, relative au phare de Cordouan.
Mme Pascale Got
Ma question concerne la gestion du phare de Cordouan, situé à l’embouchure de l’estuaire de la Gironde. C’est le plus ancien phare de France en pleine mer et le seul encore en activité et gardienné. D’ailleurs, celui que l’on nomme le roi des phares et le phare des rois est désormais inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.
Bien que propriété de l’État, sa gestion, sa valorisation touristique et son gardiennage sont délégués par une autorisation d’occupation temporaire (AOT) au syndicat mixte pour le développement durable de l’estuaire de la Gironde (Smiddest) qui, depuis 2010, assume avec succès l’ensemble des missions conférées par l’AOT, avec le seul soutien financier des collectivités locales. L’AOT arrive à échéance fin 2025 et l’État a dit sa volonté de poursuivre la délégation de gestion du phare par une coopération public-public.
Or, dans un contexte de profonde tension des finances locales, seules contributrices à ce jour, de nombreuses inquiétudes apparaissent quant au maintien du personnel affecté à la gestion du phare et à l’équilibre financier de la structure, compte tenu des spécificités du monument. Vous comprendrez que la charge financière de Cordouan, bien appartenant à l’État, ne peut reposer sur les seules épaules des collectivités, sans mettre l’avenir du monument et son rayonnement Unesco en difficulté. C’est la raison pour laquelle je vous soumets la proposition d’un partenariat financier reposant à 50 % sur les collectivités et à 50 % sur l’État, de même que nous l’avions décidé avec succès pour le programme de rénovation du monument. Monsieur le ministre, acceptez-vous de considérer cette proposition, pour qu’elle soit intégrée dans les termes de la future coopération ?
M. le président
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je vous demande de bien vouloir excuser l’absence de Mme Pannier-Runacher, qui m’a demandé de vous fournir la réponse à votre question. Vous appelez l’attention du gouvernement sur les objectifs et les termes de la future coopération, notamment financière, entre l’État et le Smiddest, relative à la gestion du phare de Cordouan, monument du patrimoine maritime français et mondial. Son histoire est riche : il a été construit il y a plus de quatre siècles sur un îlot rocheux en pleine mer, à l’entrée de l’estuaire de la Gironde. Appelé parfois phare des rois ou encore roi des phares, il participe directement à l’attractivité de la région.
Les quinze dernières années ont été riches d’actions de restauration et de mise en valeur du phare. Des initiatives et des expérimentations ont permis d’améliorer la coopération entre le Smiddest et l’État. Au-delà de ce constat, la reconnaissance et le maintien de la valeur universelle exceptionnelle du phare justifient un engagement et une coopération entre les acteurs publics qui y ont, ensemble, contribué.
Toutefois, l’échéance, fin 2025, de l’autorisation d’occupation temporaire du phare de Cordouan est l’occasion de réviser la forme et les objectifs de la collaboration entre l’État et les partenaires locaux. Fort de ses sept membres regroupant les principales collectivités publiques de l’estuaire de la Gironde, le Smiddest est le partenaire public légitime de l’État. Néanmoins, cette coopération entièrement publique doit répondre aux dispositions du code de la commande publique : elle est envisageable sous réserve que sa formation obéisse à des considérations d’intérêt général et que les pouvoirs adjudicateurs réalisent sur le marché concurrentiel moins de 20 % d’activités concernées par cette coopération.
C’est cette forme contractuelle entre nos deux entités publiques qui, en toute rigueur, doit succéder à celle de l’occupation domaniale actuelle. Pour ce faire, un groupe de travail, à l’initiative et sous le pilotage de la direction interrégionale de la mer Sud-Atlantique, s’attache, avec le Smiddest et en y associant la direction des affaires culturelles et la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture, à dresser un bilan de ces quinze années d’autorisation d’occupation temporaire et à définir les clauses, notamment financières, de ce nouveau cadre. Ce groupe de travail doit permettre au Smiddest et aux collectivités de se positionner sur la poursuite ou non de ce partenariat. La ministre s’attachera avec une vigilance particulière à ce que ces travaux aboutissent rapidement et permettent la poursuite de la collaboration de l’État avec le Smiddest dans les meilleures conditions. À cet égard, nous avons pris note de la proposition que vous venez de faire.
M. le président
La parole est à Mme Pascale Got.
Mme Pascale Got
Je note votre proposition de constituer un groupe de travail, dans la continuité d’une démarche de collaboration qui a toujours rassemblé les services de l’État et le Smiddest. J’attire simplement votre attention sur la question financière, puisque les collectivités qui subventionnent le Smiddest vont voter leur budget et doivent connaître vos orientations. C’est pourquoi je me permets de réitérer ma proposition, qui consiste à s’inspirer des principes de la collaboration à parts égales qui avaient présidé à la rénovation du phare et permis d’aboutir à son classement à l’Unesco. Il serait dommage de ne pas faire perdurer ce partenariat, compte tenu des contraintes financières des deux parties.
M. le président
Nous avons terminé les questions orales sans débat.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au gouvernement ;
Suite de la discussion du projet de loi d’urgence pour Mayotte ;
Discussion de la proposition de loi relative à l’exercice de la démocratie agricole.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures quinze.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra