Première séance du mardi 28 janvier 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Politique environnementale
- Lutte contre la fraude sociale
- Propos du premier ministre
- Stade de France
- Meurtre d’Elias et politique pénale
- Cessez-le-feu à Gaza
- Mort d’Elias
- Antisémitisme
- Situation des internes en médecine
- Politique environnementale
- Propos du premier ministre
- Sanctions contre les constructeurs de véhicules thermiques et hybrides
- Difficultés du monde rural
- Fermeture de PhotoWatt en Isère
- Directive européenne sur l’intelligence artificielle
- Taxation des travailleurs et des retraités
- Enseignement primaire à Wallis-et-Futuna
- Budget des universités
- 2. Prorogation de la loi du 6 mars 2017 relative à l’assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété
- 3. Lutte contre les violences sexuelles et sexistes
- Présentation
- Discussion générale
- Discussion des articles
- Article 1er
- Article 2
- Amendements nos 4 deuxième rectification, 10 deuxième rectification et 40
- Après l’article 2
- Amendements nos 1 et 6, 8, 2, 9
- Article 3
- 4. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Politique environnementale
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Claude Raux.
M. Jean-Claude Raux
Hier, j’ai quitté ma commune de Saffré les pieds dans l’eau. Depuis lors, la Loire-Atlantique a été placée en vigilance rouge. Il ne s’agit pas d’un cas isolé car nous sommes de nombreux Françaises et Français à avoir connu des inondations historiques, dans le Nord en 2024 comme en Ille-et-Vilaine et dans le Morbihan en ce moment même. Ces épisodes récurrents traumatisent leurs victimes, parfois abandonnées à elles-mêmes par leur assurance habitation.
Face au dérèglement climatique, ce gouvernement est-il digne de tenir le gouvernail ? Non : il me semble que nous sommes à la dérive.
Vous mettez en cause les agences et opérateurs de l’État – l’Ademe, pour ce qui est de la transition écologique, l’OFB, qui s’occupe de la biodiversité, le Cerema, s’agissant de l’expertise relative aux risques – et pensez que nous nous adapterons ainsi plus efficacement, alors que les élus locaux auront tant besoin de ces partenaires pour construire une réponse opérationnelle à des crises qui se multiplient.
Quand le sage montre la Lune, l’idiot regarde le doigt. Quand nous sommes confrontés au plus grand défi de l’humanité, vous cédez aux sirènes populistes et tranchez à la hache dans les budgets consacrés à l’écologie.
Quand l’agriculture subit une crise structurelle, vos sénateurs votent, hier, la réintroduction des néonicotinoïdes. Quelque 1 200 études montrent pourtant les dangers que présente l’usage de cet insecticide mais la science ne guide plus vos politiques ! Tout l’équipage gouvernemental partage-t-il le cap de Mme la ministre de l’agriculture ?
M. Fabrice Brun
Mme la ministre de l’agriculture tient un excellent cap !
M. Jean-Claude Raux
Quand la protection des captages d’eau potable constitue un échec global et que la contamination aux PFAS nous explose à la figure, vos députés autorisent, encore hier, l’épandage de pesticides par des drones.
De recul en recul, la France de François Bayrou pourrait finir par emprunter le même chemin que les États-Unis de Trump,…
M. Philippe Vigier
Oh !
M. Jean-Claude Raux
…qui conduit à renoncer aux ambitions de l’accord de Paris. Aurez-vous le courage politique de travailler pour l’avenir au lieu de nous condamner à le subir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche
Merci de me donner l’occasion d’apporter, au nom du gouvernement, tout mon soutien aux sinistrés des tempêtes Éowyn et Herminia. Je vous assure de la mobilisation totale des services de secours de l’État. Nous consacrons des moyens considérables à aider les populations, notamment un hélicoptère Dragon ainsi que les équipes de sauveteurs en eaux vives. Plus de 600 évacuations ont d’ores et déjà été réalisées dans les meilleures conditions de sécurité et mon collègue François-Noël Buffet était ce matin à pied d’œuvre pour suivre le déroulement de ces opérations.
Je suis d’accord avec vous : l’intensité de ces événements est directement liée au dérèglement climatique. Comme vous le savez, la lutte contre ce dernier constitue une priorité de l’action du gouvernement. Je suis fière de rappeler que, depuis sept ans, nous avons non seulement atteint nos objectifs de baisse d’émissions de gaz à effet de serre mais également rattrapé le retard pris pendant le quinquennat de François Hollande. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Rires sur divers bancs. – Brouhaha.)
Il ne faut cependant pas baisser la garde, comme l’ont montré les résultats moins bons du troisième trimestre 2024. (Le brouhaha se poursuit. – M. François Hollande sourit.) Je suis désolée, monsieur le président Hollande : avec tout le respect que je vous dois, les chiffres sont têtus.
Tous les efforts visant à limiter le dérèglement climatique sont importants mais ses premières conséquences appellent à l’action. Pour cette raison, je promeus un plan national d’adaptation au changement climatique, qui sera publié dans les toutes prochaines semaines. Il se fonde sur un scénario du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, qui prévoit un réchauffement de la France de 4 degrés d’ici à 2100. Ce matin, ce plan a fait l’objet d’un avis favorable à la quasi-unanimité des membres de la commission que préside M. le sénateur Ronan Dantec, que je remercie pour son travail remarquable.
Concrètement, ce plan permettra de renforcer nos outils de prévision des aléas climatiques. Je salue à cet égard l’excellence de Météo-France et Vigicrues.
Mme Marie-Charlotte Garin
Répondez à la question !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Il créera également parmi nos concitoyens une culture du risque et permettra d’adapter nos infrastructures aux nouveaux risques climatiques.
Mme la présidente
Merci, madame la ministre.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre
Sur le plan budgétaire, les fonds dédiés ont été renforcés… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de Mme la ministre.)
M. Philippe Brun
Terminé !
Lutte contre la fraude sociale
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Monsieur le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, nous, députés du groupe Droite républicaine, défendons deux valeurs cardinales : la restauration de l’autorité de l’État et la défense du travail face à l’assistanat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.) Il ne faut pas oublier la France qui se lève tôt ! C’est ce que notre groupe a défendu lors de l’examen du projet de loi de finances et du budget de la sécurité sociale.
Pour valoriser ceux qui travaillent, il faut lutter efficacement contre la fraude qui fragilise notre modèle social.
M. Fabrice Brun
Fraude sociale, fraude fiscale, fraude douanière…
M. Patrick Hetzel
Cette fraude sociale, dont la commission d’enquête que j’ai eu l’honneur de présider a évalué le coût à plusieurs milliards d’euros, prospère sur les défaillances des organismes de sécurité sociale et sur le développement d’arnaques en bande organisée de plus en plus fréquentes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Vous avez récemment déclaré que la fraude sociale ferait l’objet d’une tolérance zéro,…
M. Nicolas Sansu
Mais pas la fraude fiscale, hein ?
M. Patrick Hetzel
…en marge d’un déplacement en Isère consacré à un dispositif innovant de lutte contre la fraude. Nous ne pouvons que saluer cette initiative pertinente.
Quelles seront les prochaines étapes de l’action du gouvernement ? Comment compte-t-il passer aux actes pour éradiquer les fraudes sociales et protéger ainsi les ressources de la sécurité sociale, issues précisément des cotisations de ceux qui travaillent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Vous travaillez depuis de nombreuses années sur la fraude. La fraude sociale est particulièrement insupportable. Le Haut Conseil du financement de la protection sociale a confirmé les conclusions de vos travaux puisque le coût de la fraude a été évalué à 13 milliards d’euros, parmi lesquels Éric Lombard, Amélie de Montchalin et moi-même avons estimé possible de recouvrer 900 millions à 1 milliard. Chaque euro recouvré est un euro de plus pour la santé des Français.
Nous souhaitons poursuivre notre action contre la fraude en formant 450 cyberenquêteurs qui travailleront dans les locaux de la caisse primaire d’assurance maladie de Grenoble mais également à Paris, Marseille, Blois, La Rochelle et Lille, afin que notre lutte soit efficace et qu’en collaboration avec le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau et le ministre de la justice Gérald Darmanin, nous puissions associer les procureurs de la République et les forces de police et de gendarmerie aux caisses d’allocations familiales et nos caisses primaires d’assurance maladie. Ce faisant, notre but est de récupérer tous les revenus engrangés illicitement et de les mettre au service de la santé des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.) Le futur PLFSS consacrera également 1 milliard d’euros à la sécurisation des cartes Vitale. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
J’évoquerai un autre point très important : la dématérialisation des ordonnances. L’Espagne a pris des décisions à ce sujet il y a quelque temps. Grâce à un tel dispositif, il est possible d’économiser 500 à 600 millions d’euros par an. Quand votre ministère sera-t-il en mesure de le généraliser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Danielle Brulebois applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
La lutte contre la falsification des ordonnances mais aussi des arrêts de travail constitue un enjeu d’une importance considérable. Nous agirons à deux niveaux. D’une part, l’intelligence artificielle et le niveau technologique garantiront le caractère infalsifiable des ordonnances et des arrêts de travail. D’autre part, nous mobiliserons les équipes de contrôle médical afin d’empêcher le recours à de faux arrêts de travail. (Mêmes mouvements.)
Propos du premier ministre
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud
« Submersion » : c’est le mot de l’extrême droite partout en Europe et dans le monde. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) C’est un mot qui blesse autant qu’il ment. Monsieur le premier ministre, choisissez-vous vos mots par hasard ou les avez-vous sciemment empruntés à cette extrême droite dont vous prétendez ne plus jamais vouloir dépendre ?
M. Nicolas Meizonnet
Il faudra nous verser des droits d’auteur !
M. Boris Vallaud
Et que dire des termes employés par votre ministre de l’intérieur ou votre ministre de la justice ?
Mais d’abord, de qui parlez-vous ? De ces jeunes migrants, devenus majeurs, privés de papiers alors qu’ils sont en apprentissage ? (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) De cette jeune Liri, qui réside à Rouen ? De ces femmes qui s’occupent de nos enfants, de nos parents, (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS) de celles et ceux qui travaillent dans nos hôpitaux, nos Ehpad, nos crèches ? Parlez-vous de ces hommes et de ces femmes dans les cuisines de nos restaurants, sur nos chantiers, dans nos usines, comme le rappelaient le Medef ou la CPME ?
M. Nicolas Meizonnet
Oui, ce sont vos esclaves !
M. Boris Vallaud
De ces travailleurs sans papiers qui pourtant paient leurs impôts, leurs cotisations, nos retraites ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. – Mme Soumya Bourouaha applaudit aussi.) De ces vies arrachées à leurs pays, à leurs familles, par les guerres, les persécutions ou la misère ?
La question migratoire est une affaire sérieuse pour les Français, trop sérieuse pour se laisser dicter par l’extrême droite les termes dans lesquels on l’aborde. Ce débat mérite mieux que cette funeste coalition de l’ignorance, des préjugés et de l’opportunisme au prix de tous nos principes républicains. Tout plutôt que cet ordre qui puise ses pouvoirs dans la haine de l’autre, que la corruption de nos principes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Monsieur le premier ministre, je vous appelle au sursaut : montrez-vous républicain et fidèle à votre famille politique, celle des démocrates chrétiens. Je vous demande d’être clair : maintenez-vous ce mot de submersion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, dont plusieurs députés se lèvent. – Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. Thierry Tesson
Posez donc la question aux Mahorais !
M. Sébastien Chenu
Les propos de Bayrou avaient trait à Mayotte !
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
J’ai employé le terme que vous évoquez alors que je participais à une émission de télévision, dans le cadre d’un segment relatif à la situation à Mayotte. (« Ah ! » sur les bancs des groupes RN et UDR. – « Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Philippe Vigier
Absolument !
M. François Bayrou, premier ministre
Quiconque s’est rendu à Mayotte, a parlé avec ses habitants, s’est confronté à la situation de ce département – d’autres endroits de France en connaissent de comparables – mesure que le mot de submersion est le plus adapté. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Plusieurs députés des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS
Voyez qui vous applaudit !
Mme la présidente
S’il vous plaît !
M. François Bayrou, premier ministre
C’est le plus adapté parce que tout un pays, toute une communauté de départements français doit faire face à des vagues d’immigration illégale telles que les populations migrantes représentent jusqu’à 25 % de la population des territoires concernés. Cela suscite le désespoir. Qui parmi nous peut dire que ce n’est pas vrai ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Fabrice Brun
La submersion migratoire à Mayotte, c’est Valls qui en parle le mieux !
M. François Bayrou, premier ministre
Ce ne sont pas les mots qui sont choquants mais la réalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR et sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Cette réalité…
Un député du groupe LFI-NFP
Cette réalité, c’est celle du fascisme !
M. François Bayrou, premier ministre
Il est inutile d’employer des mots excessifs. Cette réalité est celle que ressentent nos compatriotes. Notre responsabilité est de changer les choses.
Je suis d’accord avec vous sur le fait que c’est la misère qui est la cause de l’immigration, c’est la guerre parfois, c’est le changement climatique.
M. Sébastien Chenu
Et les politiques menées sur place !
M. Alexis Corbière
Ce n’est pas vrai que vous ne parliez que de Mayotte hier soir !
M. François Bayrou, premier ministre
L’immigration n’est pas la cause des problèmes de la France (Murmures sur les bancs des groupes RN et UDR), ce sont les problèmes de la France qui sont la cause de ce que l’immigration est désormais une impasse parce qu’il n’y a pas d’intégration, comme nous le voulons, par le travail, par la langue et par les principes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Notre responsabilité, quelle que soit notre appartenance politique, c’est de changer la situation du pays, celle qui conduit à des vagues de xénophobie qui sont pour nous, républicains, insupportables. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Thierry Tesson
Ça avait pourtant bien commencé…
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud
Je ne peux qu’être consterné par votre réponse et même « submergé » par la consternation. (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Écoutez cette phrase de Rousseau : (Vives exclamations sur les mêmes bancs.) « La domination même est servile, quand elle tient à l’opinion ; car tu dépends des préjugés de ceux que tu gouvernes par les préjugés. » Si vous gouvernez avec les préjugés de l’extrême droite, nous finirons gouvernés par l’extrême droite (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR) et vous en aurez été le complice. (Les députés des groupes SOC et EcoS se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. Ian Boucard
Sortez dans la rue, un peu !
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre.
M. François Bayrou, premier ministre
Monsieur le président Vallaud, les préjugés sont nourris par le réel. (Vives protestations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Thierry Tesson
Ce n’est pas logique…
M. François Bayrou, premier ministre
Et ceux qui, ici, considèrent qu’on doit faire de ces sujets des sujets d’affrontement, à mon avis trahissent notre mission.
Je n’ai aucune connivence avec personne : ni avec ceux qui exagèrent les réalités ni avec ceux qui les nient. (Protestations continues sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Boris Vallaud
Vous êtes de connivence avec l’extrême droite !
M. François Bayrou, premier ministre
Nous sommes engagés au service des Français pour résoudre les problèmes qui se posent, non pas pour les nier, non pas pour les exagérer mais pour leur apporter, j’y insiste, des réponses. C’est notre responsabilité de républicains. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe DR. – Mme Brigitte Barèges et M. Éric Michoux applaudissent également.)
Stade de France
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane Peu
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances. Le Stade de France fait partie du patrimoine national. De la Coupe du monde de football de 1998 aux Jeux olympiques de Paris de 2024, le Stade de France a permis à notre nation de rayonner en accueillant, à Saint-Denis, les plus grands événements sportifs et culturels. Mais son avenir inquiète.
Dès 2018, en effet, Édouard Philippe, premier ministre, s’était engagé à préparer avec soin le futur pour éviter à l’État, comme en 1995, de signer un contrat mal ficelé et coûteux pour les finances publiques. Or, malheureusement, cette vigilance ne sera suivie d’aucun effet.
La procédure d’appel d’offres a été lancée dans l’urgence, mi-2023, sans que l’État définisse une stratégie claire. Quels investissements pour rénover le stade pour les trente prochaines années ? Quelles garanties pour les finances publiques tout au long de la prochaine concession ? Quelles négociations préalables avec les fédérations de football et de rugby qui, je le rappelle, sont délégataires de service public ? Toutes ces questions, et bien d’autres, adressées au gouvernement, sont restées sans réponse et cette opacité inquiète.
Et c’est dans ce contexte que nous apprenons que l’État a décidé, en catimini, entre la démission de Michel Barnier et la nomination de François Bayrou, loin de la gestion des affaires courantes, d’engager une négociation exclusive avec l’un des candidats.
Mes questions seront simples : est-il encore possible d’éviter une situation où, faute de temps, l’État se retrouverait tel le dindon de la farce ? Comment assurez-vous que le contribuable ne sera pas une nouvelle fois sollicité ? Ne faut-il pas reprendre cette procédure à zéro tant qu’il en est encore temps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
Oui, ce stade, situé dans votre département, est merveilleux. Il appartient à l’État et, depuis sa construction, fait l’objet d’une concession de trente ans qui s’achèvera en août prochain. Durant trente ans, ainsi que le souligne un récent rapport de la Cour des comptes, le concessionnaire a bénéficié de subventions importantes de la part de l’État pour la construction, l’exploitation et l’équipement.
Le 9 mars 2023, l’État a entamé une consultation destinée à désigner le futur titulaire du contrat de concession relatif à l’exploitation du stade. À l’occasion de cette nouvelle concession, l’État souhaite accroître l’attractivité du stade, sa capacité, la qualité des espaces, améliorer les prestations, les animations. Nous souhaitons le maintenir au meilleur standard européen et contribuer ainsi à l’attractivité de votre territoire. Il s’agit donc de renforcer le dynamisme de cet équipement, en permettant l’accueil d’un maximum de matchs et d’événements pour servir les habitants et les visiteurs.
Nous souhaitons également en faire un acteur de la transformation écologique. Un cahier des charges a été établi. Il comporte le programme d’investissements et les obligations comme celle d’accueillir prioritairement les matchs de la Fédération française de rugby et ceux de la Fédération française de football, ainsi que les grands événements sportifs internationaux. À l’issue d’une phase rigoureuse de sélection, deux candidats retenus ont remis deux offres successives en janvier puis en octobre 2024. Durant toute la procédure, l’État a veillé à ce que la pression concurrentielle soit maintenue et s’est assuré de la prise en considération des collectivités locales. Il a en outre été attentif à l’égalité de traitement entre les candidats.
À l’issue de cette procédure, nous sommes en négociation exclusive avec un des candidats.
Meurtre d’Elias et politique pénale
Mme la présidente
La parole est à Mme Marine Le Pen.
Mme Marine Le Pen
Elias avait 14 ans et, vendredi dernier, dans Paris, il a été assassiné par deux mineurs pour un téléphone portable. La France, à nouveau sous le choc, est devenue le pays où le premier des droits de l’homme, le droit à la sécurité personnelle,…
M. Ugo Bernalicis
C’est la sûreté que mentionne la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 !
Mme Marine Le Pen
…est chaque jour foulé aux pieds : le nombre de violences physiques a augmenté de 30 % en huit ans, avec une victime toutes les trois minutes. Voilà qui nécessite une réponse politique et une réponse pénale.
Une récente étude de l’Institut pour la justice montre que moins d’un tiers des coups et violences volontaires débouchent sur une condamnation à de la prison ferme qui reste le plus souvent inexécutée. Nos concitoyens s’interrogent sur une politique pénale qu’ils perçoivent – à juste raison – comme laxiste.
M. Ugo Bernalicis
C’est un sentiment !
Mme Marine Le Pen
Or, quand il n’y a plus de dissuasion pénale, quand l’incarcération ne relève plus de la certitude mais de la science-fiction, la violence et la barbarie, mécaniquement, prolifèrent.
M. Ugo Bernalicis
N’importe quoi !
Mme Marine Le Pen
J’ai donc trois questions. Combien de morts faudra-t-il pour sacraliser enfin l’intégrité physique des Français en décidant, comme nous le réclamons depuis des années, la suppression des aménagements de peine pour toute peine supérieure à six mois de prison en cas d’atteinte aux personnes ? Combien d’assassins mineurs faudra-t-il pour abaisser la majorité pénale à 16 ans et, plus généralement, pour instaurer des peines courtes dès les premiers délits graves, d’exécution certaine et immédiate, pour éviter de voir les mineurs passer de la délinquance au crime en raison de leur sentiment d’impunité ? Combien d’agressions à l’arme blanche faudra-t-il pour que le port de ce type d’arme, qui se banalise, fasse l’objet de sanctions effectives et systématiques, pour que des consignes soient données au parquet de poursuivre systématiquement ce délit, qui est loin d’être anodin ? Pour finir, entendez-vous, monsieur le premier ministre, changer une stratégie pénale qui est un échec dramatique, afin de protéger nos concitoyens, en particulier nos enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, dont de nombreux députés se lèvent pour applaudir, et sur les bancs du groupe UDR.)
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Rendez-vous fin mars !
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Elias avait 14 ans. Il sortait du stade de football où il venait de s’entraîner. De jeunes racketteurs, connus des services de police, en possession, vous l’avez mentionné, d’une arme blanche, en essayant de lui voler son téléphone portable, lui ont donné un coup de couteau à l’épaule. De cette blessure, cet enfant, qui aurait pu être celui de chacun d’entre nous, a trouvé la mort.
Il n’est pas le seul : Zakaria, à Romans-sur-Isère (« Thomas ! » sur les bancs des groupes RN et UDR), Thomas, également,…
Mme Brigitte Barèges
Matisse !
M. François Bayrou, premier ministre
…ont eux aussi été les victimes de ce genre de crime.
Quel est le substrat dont se nourrissent ces crimes ? Le sentiment d’impunité.
M. Hervé Saulignac
Et les réseaux sociaux !
M. François Bayrou, premier ministre
Le sentiment répandu, parmi ces jeunes, dans les situations de dérive que nous savons, qu’ils ne risquent rien.
M. Ugo Bernalicis
Ce n’est pas vrai, ça !
M. François Bayrou, premier ministre
Notre réponse à vos questions est simple : dès la semaine du 10 février, sur proposition de Gabriel Attal, un texte va être examiné,…
M. Ugo Bernalicis
Nous n’allons rien examiner du tout !
M. François Bayrou, premier ministre
…afin que ces dérives puissent être sanctionnées immédiatement pour les jeunes de 16 à 18 ans, et afin de mettre un terme aux retards qui donnent en effet le sentiment qu’on est protégé de tout.
M. Ugo Bernalicis
C’est du grand n’importe quoi !
M. François Bayrou, premier ministre
Je tiens à apporter une réponse claire en particulier à la deuxième question : nous devrions nous saisir de la question du port des armes blanches. L’idée que le port de couteau par des jeunes ne fasse l’objet d’aucune sanction nourrit le sentiment d’impunité. (Approbation sur les bancs du groupe RN.) Il y va de notre responsabilité collective et j’invite les députés de tous les groupes à travailler sur la question à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de Gabriel Attal. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
M. Ugo Bernalicis
Ça se sent que vous n’avez pas bossé !
Cessez-le-feu à Gaza
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel
Il y a un an, j’étais avec plusieurs de mes collègues à Rafah pour exiger un cessez-le-feu. Je n’imaginais pas qu’il faudrait attendre un an pour qu’il prenne forme. La communauté internationale portera devant l’histoire la lourde responsabilité de ne pas avoir tout mis en œuvre pour arrêter l’horreur : au moins 47 000 morts directs et deux tiers de Gaza détruits. Israël a fait de Gaza un territoire fantôme, invivable.
Avec le cessez-le-feu, un fragile espoir renaît, quoique bafoué à plusieurs reprises à Gaza comme à Jénine. C’est un espoir pour les otages israéliens, les prisonniers palestiniens, les populations palestiniennes mais aussi israéliennes.
Mais, depuis samedi, nous savons pourquoi Trump a imposé un cessez-le-feu. C’est pour appliquer le projet de Netanyahou : en finir avec les Palestiniens à Gaza, annexer ce territoire à Israël et réduire à néant tout espoir d’un État palestinien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Mmes Cyrielle Chatelain et Julie Laernoes applaudissent également.)
M. Laurent Jacobelli
Vous êtes alliés avec le Hamas !
M. Éric Coquerel
Cette seconde Nakba, qui se traduirait par le déplacement de 1,5 million de personnes en Égypte et en Jordanie, serait une infamie. L’Égypte lui a opposé un non ferme. Que dit la France, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères ? C’est ma première question.
Ce projet inhumain a provoqué une course de vitesse. Il faut le retour rapide dans tout Gaza des Palestiniens évacués et, pour le permettre, le retour de l’aide humanitaire. On en connaît la condition impérative : que l’Unrwa, l’Office de secours et de travaux des Nations unies, puisse reprendre son travail à Gaza. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.) L’Unrwa sur qui repose cette aide humanitaire.
M. Philippe Lottiaux
L’Unrwa, c’est le Hamas !
M. Éric Coquerel
Après l’avoir affaibli à Gaza, Israël veut demain en finir avec l’agence à Jérusalem et en Cisjordanie, au prétexte d’une complicité de ses membres avec les crimes du Hamas, prétexte infirmé par une mission dirigée par Mme Colonna. S’y ajoute la fin de la contribution des États-Unis à l’Unrwa, soit un tiers de son budget.
M. Julien Odoul
Finançons l’agence avec notre argent, ce sera encore mieux !
M. Éric Coquerel
D’où ma deuxième série de questions : que va faire la France pour éviter cette expulsion intégrale et pour favoriser, au contraire, le retour complet de l’Unrwa à Gaza ? Que va-t-elle faire pour financer davantage l’agence,…
M. Laurent Jacobelli
Si nous nous occupions un peu de la France ?
M. Éric Coquerel
…alors qu’a été réduite à presque rien notre contribution au programme en 2024, contribution pourtant décisive puisqu’elle permet à l’Unrwa de soigner, d’éduquer et de payer son personnel ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Avant de répondre à vos questions, permettez-moi, au nom du gouvernement, d’exprimer mon soutien aux agents de notre ambassade à Kinshasa, prise d’assaut ce matin, dont l’un des bâtiments a été incendié lors d’une attaque inadmissible. Nos diplomates sont en première ligne pour défendre les intérêts des Français et ils méritent notre admiration et notre respect. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Vous l’avez dit, c’est un espoir fragile qui renaît en Palestine avec ce cessez-le-feu que nous attendions depuis si longtemps et qui a déjà permis l’interruption des hostilités, la libération de sept otages. Nous appelons à la libération de tous les otages, en particulier de nos deux compatriotes Ohad Yahalomi et Ofer Kalderon, que nous espérons retrouver dans quelques jours en bonne santé. (Mêmes mouvements.)
Vous m’interrogez d’abord sur la déclaration de la nouvelle administration américaine concernant des déplacements forcés de populations dans d’autres pays de la région. Nous l’excluons, puisque cela constituerait un obstacle quasi définitif à la solution à deux États, défendue depuis longtemps par la France, mais aussi, parce que les pays concernés, vous l’avez rappelé, ont exprimé leur refus d’accueillir les populations déplacées.
Depuis soixante-dix ans, l’Unrwa apporte des biens et des services essentiels aux réfugiés palestiniens, que ce soit à Jérusalem-Est, en Cisjordanie ou à Gaza. Il est irremplaçable et mérite de poursuivre son activité indispensable. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Nous soutenons son action et sa neutralité sera renforcée par une réforme fondée sur le rapport remis par Catherine Colonna.
Nous le soutenons aussi financièrement. En décembre dernier, j’ai annoncé une subvention de 20 millions d’euros pour lui permettre de continuer à réaliser sa mission.
Nous déplorons les deux lois israéliennes, censées entrer en vigueur dans les prochains jours, et nous appelons le gouvernement israélien à renoncer à leur application. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Sophia Chikirou
Merci !
M. Emmanuel Mandon
Très bien !
Mort d’Elias
Mme la présidente
La parole est à Mme Brigitte Barèges.
Mme Brigitte Barèges
Permettez-moi de faire entendre la voix des familles de France et de leurs parents,…
M. Stéphane Peu
Ça faisait longtemps !
Mme Brigitte Barèges
…qui vous manifestent leur colère, mais surtout leur crainte de voir leurs enfants tomber sous les coups de barbares sortis tout droit des films les plus sombres de Stanley Kubrick.
Mme Marie-Charlotte Garin
Mais vous êtes malade !
Mme Brigitte Barèges
Ces assassins multirécidivistes qui terrorisaient ce quartier avaient choisi leur victime, plus jeune, plus vulnérable. Nous connaissons son prénom, Elias, mais nous ignorons encore celui de ses bourreaux.
C’est un prénom hébreu ; dans la Bible, celui d’un grand prêtre d’Israël. Je me demande alors si ces assassins en voulaient au portable d’Elias ou bien à sa vie ? Le coup fatal a été porté ; le portable, abandonné. (Mouvements divers.)
En 2019, Mme Belloubet, alors garde des sceaux, avait fait voter une réforme du code de la justice des mineurs. Elle nous promettait plus de clarté, plus de réactivité, plus d’efficacité. Elle introduisait la césure pénale, innovation formidable qui retarde le prononcé de la peine et qui privilégiait les mesures d’assistance éducative au détriment de la détention. Cinq ans après, quel échec lamentable.
M. Ugo Bernalicis
Vous avez voté pour ce machin !
Mme Brigitte Barèges
N’est-il pas temps, au contraire, de nous réarmer juridiquement en appliquant par exemple la loi Ciotti de 2011, qui prévoyait l’encadrement militaire de mineurs délinquants dans des établissements spécialisés ? Mme Taubira s’est contentée de les fermer.
Cette loi existe, il suffit de l’appliquer. Toutes ces victimes auraient pu être épargnées ! Combien d’Elias, de Philippine, de Lola, de Matisse, de Thomas, faudra-t-il pour nous décider à réformer le droit pénal des mineurs afin de l’adapter à l’ultraviolence qui ensanglante chaque jour notre jeunesse ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – M. Philippe Juvin applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je ne reviens pas sur les circonstances de l’agression criminelle du jeune Elias ; le premier ministre vient de les rappeler. Notre tristesse est partagée, mais aussi notre colère.
Nous devons avoir une réflexion de fond sur la réponse à apporter à la dégradation observée depuis plusieurs années du comportement des mineurs, qui considèrent désormais la vie comme quelque chose de mineur et sont capables de tout, pour tout – c’est-à-dire pas grand-chose.
M. Jean-François Coulomme
Et la cause ?
M. François-Noël Buffet, ministre
On peut également s’interroger sur la cause, mais ce n’est pas à vous que je réponds.
Concernant les mineurs, il faut revoir notre système de procédure pénale sur plusieurs points qui doivent être abordés très librement en toute clarté, notamment la capacité absolument essentielle d’exécuter rapidement une décision. Nous aurons probablement à revoir un certain nombre de sanctions, au moins leur quantum. Il sera peut-être aussi nécessaire d’alourdir la responsabilité civile des parents.
Ces sujets sont d’une importance fondamentale, compte tenu des circonstances. Au mois de février, nous aurons l’occasion, dans le cadre de l’examen du texte déposé par M. Gabriel Attal, d’aborder l’ensemble de ces problématiques.
Il est certain que le gouvernement est mobilisé pour évaluer l’ensemble des moyens dont dispose la justice pour répondre à cette violence criminelle. Il faut lui donner les moyens nécessaires pour remplir sa mission. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)
Antisémitisme
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Yadan.
Mme Caroline Yadan
Se souvenir. Se souvenir de l’histoire et la regarder en face pour construire l’avenir. Il y a quatre-vingts ans, le monde découvrait à Auschwitz le plus grand charnier de tous les temps, celui de l’extermination méthodique et industrialisée des Juifs. Un crime si indicible qu’un nouveau mot fut créé pour le désigner : Shoah.
La Shoah a été l’aboutissement d’un long processus consistant à préparer les esprits, durant des décennies, à la haine des Juifs et à leur déshumanisation. Or la bête immonde est de retour parmi nous.
Le 7 octobre 2023, elle a pris la forme d’une pornographie de l’horreur : des viols méthodiques, des corps éventrés, des familles réduites en cendres, des bébés arrachés à la vie, dans une intention génocidaire et un désir d’extermination qui n’a rien à envier à celui qui a conduit à la destruction des Juifs d’Europe.
Pourtant, loin de susciter un élan universel de solidarité, ces massacres ont fait exploser un antisémitisme, pétri de bons sentiments, offrant à la foule un permis de haïr au nom du progressisme, des droits humains et de la paix.
Cette haine du Juif est exaltée par un dangereux parti à l’extrême gauche de cet hémicycle (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes EPR, RN, UDR et plusieurs bancs du groupe DR. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS), qui trouve que l’antisémitisme est résiduel, qui reprend les accusations moyenâgeuses des Juifs « empoisonneurs de puits », qui défend les chasseurs de Juifs dans les rues,…
Mme Sophia Chikirou
C’est de la diffamation !
M. Sébastien Delogu
Cessez de dire des choses pareilles !
Mme Caroline Yadan
…qui qualifie le Hamas de « mouvement de résistance » et,…
Mme Sophia Chikirou
C’est insultant ! (Plusieurs députés des groupes LFI-NFP et EcoS se lèvent et se tournent vers la présidente.)
Mme Caroline Yadan
…comble de l’ignominie, les meurtriers palestiniens condamnés à perpétuité « d’otages ». (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Quatre-vingt-dix otages restent prisonniers du Hamas, parmi lesquels deux de nos compatriotes, Ofer Kalderon et Ohad Yahalomi, mais aussi Kfir Bibas, petit être arraché à son berceau à neuf mois à peine, plus jeune otage de l’histoire et dont on craint qu’il ne retrouve jamais le monde des vivants.
Madame la ministre, il ne sert à rien de commémorer la Shoah si on laisse les mêmes causes produire les mêmes effets. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés des groupes EPR, RN, DR, Dem, HOR et UDR applaudissent vivement et longuement cette dernière. – La plupart des députés du groupe LFI-NFP, restés debout, commencent à quitter l’hémicycle tout en apostrophant la présidente et leurs collègues du groupe EPR. – Les députés des groupes RN et UDR les encouragent à sortir en désignant de la main les issues.)
M. Sébastien Delogu
C’est une honte, madame la présidente ! Un scandale ! (M. Sébastien Delogu quitte l’hémicycle.)
Mme Marie Pochon
Comment pouvez-vous laisser dire ça, madame la présidente ? (Mme Marie Pochon quitte à son tour l’hémicycle, de même que quelques députés des groupes SOC et EcoS, ainsi que Mme Elsa Faucillon.)
M. Julien Odoul
Bon débarras !
M. Yoann Gillet
Dehors ! (Les quelques députés des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS encore présents protestent vivement.)
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ça suffit !
Mme la présidente
Laissez Mme la ministre répondre ! (Nouvelles protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations
Je vous remercie pour la clarté de votre interpellation. Elle a visiblement déplu à une partie de l’hémicycle, qui considère que l’antisémitisme est résiduel et qui refuse de voir l’ampleur d’un phénomène qui touche trop de nos compatriotes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Jean-Paul Lecoq
Vous êtes ministre : vous n’avez pas à dire cela !
M. Raphaël Arnault
Les antisémites sont de l’autre côté de l’hémicycle, pas chez nous ! (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée
Heureusement, cette partie est minoritaire dans notre pays.
Mme Christine Arrighi
Vous ne vous rendez pas compte de la gravité de ce qui vient d’être dit ! (Mme Christine Arrighi quitte l’hémicycle.)
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée
Les derniers rescapés de la Shoah ont formulé dans leurs récents témoignages l’espoir de ne plus jamais avoir à revivre cela et ont rappelé que le 7 octobre est une cicatrice. Le 7 octobre est aussi une fracture entre ceux qui, d’une part, ont choisi le camp de l’humanité, ceux qui ont dénoncé les attentats terroristes pour ce qu’ils étaient, ceux qui ont eu un geste d’empathie et de solidarité à l’égard des victimes des attentats, parmi lesquelles quarante-deux de nos compatriotes, et ceux qui, d’autre part, ont sans doute préféré plaire à une partie de l’électorat. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR, ainsi que sur les bancs des groupes RN, DR et UDR.)
À la mémoire s’ajoutent les combats du présent, parmi lesquels la lutte que nous devons mener sans répit contre l’antisémitisme. Malheureusement, sa force est de se renouveler constamment en mutant. Il se confond désormais avec l’antisionisme (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN),…
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Ce sont ceux qui vous applaudissent, les antisémites !
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée
…qui n’est pas la critique libre d’un gouvernement, mais la volonté délibérée de détruire un État démocratique et allié de notre pays.
Le gouvernement ne transigera jamais dans sa lutte contre l’antisémitisme et ses mutations ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR.)
M. Jean-Paul Lecoq
Netanyahou est un fasciste !
Situation des internes en médecine
Mme la présidente
La parole est à Mme Géraldine Grangier.
Mme Géraldine Grangier
Combien de temps le ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles, ignorera-t-il les alertes répétées des jeunes internes en médecine ?
Ils vivent une détresse alarmante, exacerbée par des conditions de travail écrasantes, des réformes mal préparées et un système de formation inadapté. Plus de 68 % des internes souffrent de symptômes d’anxiété et 45 % de dépression. Ces chiffres illustrent une crise qui affecte à la fois leur santé mentale et la qualité des soins qu’ils prodiguent.
Les horaires excessifs, la surcharge administrative, le manque de supervision et l’absence de soutien psychologique génèrent une pression insoutenable, tandis que la réforme de la dixième année de médecine générale, prévue pour 2026, renforce l’incertitude.
La réforme introduite par le PLFSS pour 2023, censée répondre aux défis de la désertification médicale, est inapplicable pour plusieurs raisons, bien qu’imposée par 49.3 : absence de décrets d’application et de cadre clair pour les responsabilités des internes et des maîtres de stage universitaires, en nombre insuffisant pour encadrer les docteurs juniors, menaçant de fait la qualité de la formation ambulatoire, et locaux inadaptés pour accueillir les internes en médecine de ville.
Les internes demandent un report de la réforme pour garantir sa préparation dans de bonnes conditions, la création d’un véritable statut de docteur junior ambulatoire, une formation renforcée des maîtres de stage universitaires, qu’il faut recruter massivement, et des locaux adaptés pour la formation ambulatoire.
Dans ce contexte, quelles actions immédiates le gouvernement prévoit-il pour répondre à ces revendications urgentes et garantir une formation de qualité, tout en préservant la santé des internes et l’attractivité de la profession médicale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
La qualité des conditions de travail des soignants, les internes en particulier, est au cœur de nos préoccupations. Nous avons notamment relancé les processus de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Je vous confirme qu’il y a eu dans l’exécution de la réforme de la quatrième année des études de médecine un retard inacceptable à l’égard des internes, mais nous n’en sommes pas complètement responsables. Être le quatrième ministre de la santé en 2024, à quoi s’ajoute la censure, n’a pas facilité la prise en charge. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Fabrice Brun
Il faut le dire !
M. Yannick Neuder, ministre
Cependant, nous sommes totalement mobilisés sur le plan réglementaire, sous la direction de Catherine Vautrin, pour organiser la dixième année pour les docteurs juniors, afin que 3 700 jeunes médecins s’installent dans nos territoires. Un volet législatif est toutefois nécessaire, en grande partie intégré au PLFSS pour 2025 que vous voterez, je l’espère, afin que cela aboutisse. Deux mesures supplémentaires seront intégrées au projet de loi de simplification en santé.
Nous nous efforçons, dans les meilleurs délais, de faire en sorte que les 3 700 internes s’installent à partir du 2 novembre 2026, ainsi que de mobiliser l’ensemble des maîtres de stage universitaires pour que les internes trouvent des stages, pas seulement à l’hôpital, vous l’aurez compris.
Nous comptons sur les élus locaux pour que les dispositifs que nous créerons avant l’été permettent de réunir l’ensemble des conditions afin que la quatrième année et les docteurs juniors enrichissent l’offre de soins dans nos territoires. Je m’en suis encore assuré lundi, lors d’une visite à Châtillon. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Géraldine Grangier.
Mme Géraldine Grangier
Les internes feront grève demain : recevez-les ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Yannick Neuder, ministre
C’est prévu.
M. Fabrice Brun
Il ne vous a pas attendue.
Politique environnementale
Mme la présidente
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
Nous avons tous en tête ces mots de Jacques Chirac : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. »
M. Fabrice Brun
M. Balanant a de bonnes références !
M. Erwan Balanant
Ces mots sonnent aujourd’hui comme une vérité en Californie. Le dérèglement climatique n’est pas une extravagance scientifique, mais bel et bien une réalité que nous ne pouvons plus ignorer : en France, la tempête Herminia nous en fournit la triste preuve.
Alors que des familles vivent dans l’angoisse de voir les eaux monter ; alors que la Loire-Atlantique, le Morbihan et l’Ille-et-Vilaine sont placés en vigilance rouge aux crues ; alors qu’à Quimperlé dans ma circonscription, la Laïta est sur le point de déborder ; alors que 600 personnes ont été évacuées depuis dimanche, parmi lesquelles 73 pensionnaires d’un Ehpad de Bruz au sud de Rennes ; alors que certains trains ne circulent plus et que tous s’accordent à dire que le pire n’est pas encore arrivé, la journée de demain sera cruciale.
Les pluies torrentielles aggraveront une situation déjà délicate et nous devons d’abord penser aux sinistrés. Toutefois, nous devons faire plus que des grands discours. Nous devons faire plus que simplement nous interroger sur notre capacité à réagir : nous devons agir !
Si nous ne devons plus laisser passer les remises en cause des périls à venir et les propos climatosceptiques, nous devons aussi fournir les moyens à nos communes de se prémunir de ces risques et de s’adapter à ces aléas, en donnant une orientation claire et globale à notre politique de lutte contre le dérèglement climatique et à l’accompagnement de ses conséquences.
Dès le premier jour de son mandat, Donald Trump a retiré par décret les États-Unis de l’accord de Paris. Or la Californie brûle et nos rivières débordent.
Nous devons nous adapter et atténuer les conséquences de ces changements profonds. Quelle politique publique la France compte-t-elle mener quand le dirigeant du deuxième pays le plus pollueur au monde nie la réalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
En complément des propos de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui rappelait plus tôt les principes généraux de la politique du gouvernement, je vous dirai que ce matin, à Rennes, j’ai pu constater avec beaucoup d’effroi l’ampleur des inondations. Au moment où je vous parle, 5 000 clients – c’est ainsi qu’on les nomme – sont encore privés d’électricité et 600 personnes ont été évacuées. Les services de secours sont présents et vigilants ; ils travaillent avec des associations agréées pour prendre soin de nos compatriotes, pour assurer la sécurité des habitations qu’ils ont quittées et pour se préparer à l’épisode pluvieux de demain. D’importantes intempéries sont annoncées et les risques resteront élevés dans les jours qui viennent, notamment dans la commune de Redon.
Sur la manière dont nous nous préparons à faire face à d’autres risques naturels, j’ai repris le Beauvau de la sécurité civile. Plusieurs réunions auront lieu au début du mois de février, c’est-à-dire bientôt, et nous espérons en tirer les conclusions le plus vite possible, pour présenter un texte juste avant l’été.
Nous devons complètement repenser notre dispositif, en prévision de l’évolution des risques naturels, amenés à se multiplier et à atteindre une gravité démesurée. L’ensemble des parties prenantes au système de sécurité civile est au travail et les conclusions du Beauvau seront partagées avec celles et ceux d’entre vous qui le souhaitent : l’enjeu est bien de préparer la sécurité civile de demain – notre horizon est de cinq à dix ans tout au plus.
Mme Marie-Charlotte Garin
Soutenez la sécurité civile et soutenez les pompiers !
Propos du premier ministre
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Monsieur le premier ministre, vous nous faites honte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – « Oh ! » sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
Vous faites honte aux 16 millions d’électeurs qui se sont massivement mobilisés le 7 juillet dernier, pour éviter que notre République bascule dans le racisme et la xénophobie. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)
M. Julien Odoul
En tout cas, personne ne s’est mobilisé pour les Écolos !
Mme Cyrielle Chatelain
Vous nous trahissez quand vous parlez « d’apport étranger », vous insultez tous nos compatriotes dont l’histoire et l’identité personnelle sont en partie liées à l’immigration quand vous parlez de « submersion migratoire ». (Mêmes mouvements.)
Vous mentez, quand vous nous assurez que vous répondiez à une question sur Mayotte. Vous mentez, quand vous soutenez que vos propos ne concernaient que Mayotte, car vous avez dit, je vous cite : « Un certain nombre de villes ou de régions sont dans ce sentiment-là. »
M. Alexis Corbière
Eh oui !
Mme Cyrielle Chatelain
Vous mentez aussi quand vous dites que vos propos se fondent sur la réalité : ils ne relèvent que du fantasme et du complotisme ! (Mêmes mouvements. – « Oh là là ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
Vous avez jeté en pâture à l’extrême droite toutes celles et tous ceux qui sont nés hors de nos frontières, mais qui vivent avec nous ! Vous les abandonnez !
Vous les abandonnez, par votre silence assourdissant face à la fermeture de 6 500 places d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile…
M. Laurent Jacobelli
Quel racolage !
Mme Cyrielle Chatelain
…et par votre acquiescement coupable à un durcissement des conditions de régularisation qui les condamne à la clandestinité. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)
Réagissez et, je vous le demande solennellement, présentez vos excuses ! (Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR. – « Oh ! » sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Pendant des siècles, notre pays a été un pays d’intégration.
M. Julien Odoul
D’assimilation plutôt !
M. François Bayrou, premier ministre
C’était déjà le cas sous l’Ancien Régime – c’est à cette période que le droit du sol a été défini.
M. Benjamin Lucas-Lundy
La question n’a pas été posée à Henri IV ! (Sourires.)
M. François Bayrou, premier ministre
Ce pays d’intégration est aujourd’hui en panne.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Mais arrêtez, c’est n’importe quoi !
M. François Bayrou, premier ministre
Il n’est pas en panne à cause des immigrés, il est en panne en raison des difficultés que notre société a à répondre à la question de l’école, à la question du travail, à la question du partage de nos principes dans un certain nombre de nos villes et de nos quartiers.
M. Alexis Corbière
Foutaises ! Historiquement, ce n’est pas vrai !
M. François Bayrou, premier ministre
Laissez-moi vous le dire avec calme : refuser de voir les difficultés et le sentiment qu’un très grand nombre de nos compatriotes partagent, y compris dans des arrondissements parisiens, le sentiment qu’il n’y a rien à faire et que nous sommes sans armes…
Mme Christine Arrighi
Retournez à Pau et restez-y !
M. François Bayrou, premier ministre
Je répète ce que j’ai déjà dit hier : s’il y avait autant de personnes en situation irrégulière qu’il y en a à Mayotte, il y aurait 400 000 personnes qui vivraient dans des bidonvilles à Paris !
M. Laurent Jacobelli
Et eux seraient contents ! (M. Laurent Jacobelli désigne la gauche de l’hémicycle.)
M. François Bayrou, premier ministre
Qui, dans ce cas, oserait contester les mots que j’ai choisis ? Personne !
Mme Marie-Charlotte Garin
Mais ce n’est pas la question !
M. François Bayrou, premier ministre
Vous seriez tous en ébullition !
Mme Christine Arrighi
Restez digne s’il vous plaît.
Mme Dominique Voynet
Vous devriez plutôt ramener le calme !
M. François Bayrou, premier ministre
Notre devoir et notre responsabilité sont d’assurer à nos compatriotes qu’il y a une loi et que cette loi est respectée,…
Mme Julie Laernoes
Ce n’était pas la question !
M. François Bayrou, premier ministre
…que lorsque des OQTF sont prononcées, elles sont exécutées.
Mme Elsa Faucillon
Elles ne le sont jamais, vous le savez bien !
M. François Bayrou, premier ministre
Le sentiment de nos compatriotes est que nous sommes sans défense face à des phénomènes – la guerre, la misère, le changement climatique – dont ils connaissent l’origine et auxquels nous ne répondons pas par des solutions adaptées.
M. Julien Odoul
Et l’AME ?
M. Laurent Jacobelli
Et les soins gratuits ?
M. François Bayrou, premier ministre
C’est à cette réponse que je nous appelle, plutôt qu’à alimenter des querelles sémantiques !
M. Alexis Corbière
Vous allez vous faire applaudir par l’extrême droite !
Mme Marie-Charlotte Garin
Excusez-vous !
M. François Bayrou, premier ministre
Le sentiment que l’immigration suscite chez les Français est le symptôme de notre incapacité à résoudre des problèmes qui concernent la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et DR.)
Mme Marie-Charlotte Garin
Où est passé l’humanisme ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Nous ne sommes pas opposés par une querelle sémantique mais par un différend profond sur ce que signifie notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Notre République, elle est fraternelle ! Notre République, elle accueille. Vous l’avez dit, notre pays a été construit grâce à l’immigration, et il est beau, notre pays ! On l’aime et il a des milliers de visages !
M. Thomas Ménagé
Accueille les étrangers chez toi !
Mme Cyrielle Chatelain
Vous rendez-vous compte de l’insulte que vous faites à ces millions de Français qui portent dans leur chair l’histoire de l’immigration ? Vous leur crachez à la figure et c’est insupportable ! (Les députés du groupe EcoS et plusieurs députés des groupes SOC et LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. Laurent Jacobelli
Quelle indécence !
M. Julien Odoul
Arrêtez !
Mme Cyrielle Chatelain
Vous reprenez les mots et théories de l’extrême droite, qui ne sont fondés en rien ! Aujourd’hui, les étrangers ne représentent que 8 % de la population et vous les pointez du doigt ! (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR se lèvent et applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre.
M. François Bayrou, premier ministre
Je vous répondrai, mais sans agressivité. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Je n’ai aucune leçon de civisme et de fraternité à recevoir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et HOR. – Protestation sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) Ce n’est pas la peine de hurler, d’autant qu’on ne vous entend pas…
J’ai défendu toute ma vie les principes qui font notre nation et j’ai toujours reconnu l’apport des millions de Français issus de l’immigration à notre pays.
Mme Julie Laernoes
Vous avez cessé quand vous êtes devenu premier ministre !
Mme Marie-Charlotte Garin
Excusez-vous !
M. François Bayrou, premier ministre
Ils ont participé à sa vie, à son rayonnement et à sa grandeur.
M. Olivier Faure
Il n’y a donc pas de submersion !
M. François Bayrou, premier ministre
À Mayotte, la submersion est réelle ! Je parlais de Mayotte et je maintiens mes propos.
M. Alexis Corbière
Vous ne parliez pas de Mayotte, tout le monde vous a entendu !
M. Jérôme Guedj
Exactement ! Nous savons ce que nous avons entendu !
M. Laurent Jacobelli
La submersion a lieu ici aussi !
Mme la présidente
Laissez le premier ministre achever sa réponse, s’il vous plaît.
M. François Bayrou, premier ministre
Ce n’est pas parce que vous hurlez que vous serez entendus, c’est même le contraire ! Il est donc inutile de vous égosiller !
Mme Ayda Hadizadeh
Ce n’est pas une submersion, c’est un naufrage…
M. François Bayrou, premier ministre
Un grand nombre de nos compatriotes pensent que nous sommes incapables de faire respecter le droit et de mettre fin au séjour illégal sur le territoire français. Un grand nombre d’entre eux se désespèrent de voir que les communautés sont séparées au lieu de ne faire qu’un.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Quel est le rapport ?
Mme Marie-Charlotte Garin
On n’est pas sur CNews !
M. François Bayrou, premier ministre
Le rapport est établi : c’est parce que nous vivons cette situation qu’un grand nombre de Français rejettent l’immigration.
Mme Cyrielle Chatelain
C’est faux !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous parlez comme Éric Zemmour !
M. Laurent Croizier
Vous, vous ne représentez que les beaux quartiers !
M. François Bayrou, premier ministre
Ce rejet se retourne contre les immigrés en situation régulière, présents sur notre territoire, que nous devons accueillir avec respect et avec fraternité. C’est parce que cette situation n’est pas gérée que les Français la croient ingérable. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Vous dites n’importe quoi !
Sanctions contre les constructeurs de véhicules thermiques et hybrides
Mme la présidente
La parole est à M. François Jolivet.
M. François Jolivet
L’industrie automobile se porte mal en France – je le constate dans l’Indre – et en Europe. Pour ne rien arranger, des sanctions financières extrêmement dissuasives sont entrées en vigueur le 1er janvier 2025 : elles consistent en une amende de 95 euros par gramme de dioxyde de carbone émis et par véhicule neuf et risquent de coûter plusieurs milliards d’euros à nos constructeurs de véhicules hybrides ou thermiques. La situation alarme les industriels, leurs salariés et leurs sous-traitants, qui investissent pourtant massivement dans la transition énergétique. Les sommes en jeu sont colossales : on les estime à plusieurs dizaines de milliards d’euros à l’échelle européenne.
Je m’interroge sur ce qui ressemble moins à un impôt qu’à une amende perçue par Bruxelles et dont nous n’avons pas discuté dans cet hémicycle. Les emplois détruits par l’application de ces amendes étant assumés par chacun des États membres : c’est du perdant-perdant.
Je suis d’autant plus inquiet qu’il a été révélé récemment que des fonds publics européens ont financé des ONG, pour qu’elles mènent des campagnes de lobbying auprès de l’administration européenne, des administrations des États membres et des députés européens, pour inciter au soutien du pacte vert pour l’Europe.
En France, 200 000 emplois directs dépendent de notre industrie automobile. La rigueur du calendrier européen, combinée à la pression des importations étrangères à bas coût, met en péril ce secteur stratégique pour la France et l’Europe.
Au même moment, c’est tout l’inverse que nous constatons aux États-Unis : Donald Trump critique les régulations excessives et dénonce leurs conséquences négatives sur l’industrie automobile américaine ; il se libère, par décret, de l’accord de Paris.
Deux salles, deux ambiances, pourrait-on dire.
Dans cette situation, la France soutiendra-t-elle, auprès du Conseil de l’Union européenne, un ajustement du calendrier des sanctions ?
Si la transition écologique est une nécessité, elle ne peut réussir sans équilibre ni accompagnement. Le groupe Horizons & indépendants soutiendra toujours une France puissante dans une Europe puissante et luttera pour que notre pays ne devienne pas une France cliente dans une Europe cliente. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie