XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Première séance du mardi 28 janvier 2025

Sommaire détaillé
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Première séance du mardi 28 janvier 2025

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Questions au gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.

    Politique environnementale

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Claude Raux.

    M. Jean-Claude Raux

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    Hier, j’ai quitté ma commune de Saffré les pieds dans l’eau. Depuis lors, la Loire-Atlantique a été placée en vigilance rouge. Il ne s’agit pas d’un cas isolé car nous sommes de nombreux Françaises et Français à avoir connu des inondations historiques, dans le Nord en 2024 comme en Ille-et-Vilaine et dans le Morbihan en ce moment même. Ces épisodes récurrents traumatisent leurs victimes, parfois abandonnées à elles-mêmes par leur assurance habitation.
    Face au dérèglement climatique, ce gouvernement est-il digne de tenir le gouvernail ? Non : il me semble que nous sommes à la dérive.
    Vous mettez en cause les agences et opérateurs de l’État – l’Ademe, pour ce qui est de la transition écologique, l’OFB, qui s’occupe de la biodiversité, le Cerema, s’agissant de l’expertise relative aux risques – et pensez que nous nous adapterons ainsi plus efficacement, alors que les élus locaux auront tant besoin de ces partenaires pour construire une réponse opérationnelle à des crises qui se multiplient.
    Quand le sage montre la Lune, l’idiot regarde le doigt. Quand nous sommes confrontés au plus grand défi de l’humanité, vous cédez aux sirènes populistes et tranchez à la hache dans les budgets consacrés à l’écologie.
    Quand l’agriculture subit une crise structurelle, vos sénateurs votent, hier, la réintroduction des néonicotinoïdes. Quelque 1 200 études montrent pourtant les dangers que présente l’usage de cet insecticide mais la science ne guide plus vos politiques ! Tout l’équipage gouvernemental partage-t-il le cap de Mme la ministre de l’agriculture ?

    M. Fabrice Brun

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    Mme la ministre de l’agriculture tient un excellent cap !

    M. Jean-Claude Raux

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    Quand la protection des captages d’eau potable constitue un échec global et que la contamination aux PFAS nous explose à la figure, vos députés autorisent, encore hier, l’épandage de pesticides par des drones.
    De recul en recul, la France de François Bayrou pourrait finir par emprunter le même chemin que les États-Unis de Trump,…

    M. Philippe Vigier

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    Oh !

    M. Jean-Claude Raux

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    …qui conduit à renoncer aux ambitions de l’accord de Paris. Aurez-vous le courage politique de travailler pour l’avenir au lieu de nous condamner à le subir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et plusieurs bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

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    Merci de me donner l’occasion d’apporter, au nom du gouvernement, tout mon soutien aux sinistrés des tempêtes Éowyn et Herminia. Je vous assure de la mobilisation totale des services de secours de l’État. Nous consacrons des moyens considérables à aider les populations, notamment un hélicoptère Dragon ainsi que les équipes de sauveteurs en eaux vives. Plus de 600 évacuations ont d’ores et déjà été réalisées dans les meilleures conditions de sécurité et mon collègue François-Noël Buffet était ce matin à pied d’œuvre pour suivre le déroulement de ces opérations.
    Je suis d’accord avec vous : l’intensité de ces événements est directement liée au dérèglement climatique. Comme vous le savez, la lutte contre ce dernier constitue une priorité de l’action du gouvernement. Je suis fière de rappeler que, depuis sept ans, nous avons non seulement atteint nos objectifs de baisse d’émissions de gaz à effet de serre mais également rattrapé le retard pris pendant le quinquennat de François Hollande. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Rires sur divers bancs. – Brouhaha.)
    Il ne faut cependant pas baisser la garde, comme l’ont montré les résultats moins bons du troisième trimestre 2024. (Le brouhaha se poursuit. – M. François Hollande sourit.) Je suis désolée, monsieur le président Hollande : avec tout le respect que je vous dois, les chiffres sont têtus.
    Tous les efforts visant à limiter le dérèglement climatique sont importants mais ses premières conséquences appellent à l’action. Pour cette raison, je promeus un plan national d’adaptation au changement climatique, qui sera publié dans les toutes prochaines semaines. Il se fonde sur un scénario du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, qui prévoit un réchauffement de la France de 4 degrés d’ici à 2100. Ce matin, ce plan a fait l’objet d’un avis favorable à la quasi-unanimité des membres de la commission que préside M. le sénateur Ronan Dantec, que je remercie pour son travail remarquable.
    Concrètement, ce plan permettra de renforcer nos outils de prévision des aléas climatiques. Je salue à cet égard l’excellence de Météo-France et Vigicrues.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Répondez à la question !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Il créera également parmi nos concitoyens une culture du risque et permettra d’adapter nos infrastructures aux nouveaux risques climatiques.

    Mme la présidente

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    Merci, madame la ministre.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Sur le plan budgétaire, les fonds dédiés ont été renforcés… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de Mme la ministre.)

    M. Philippe Brun

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    Terminé !

    Lutte contre la fraude sociale

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel

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    Monsieur le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, nous, députés du groupe Droite républicaine, défendons deux valeurs cardinales : la restauration de l’autorité de l’État et la défense du travail face à l’assistanat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.) Il ne faut pas oublier la France qui se lève tôt ! C’est ce que notre groupe a défendu lors de l’examen du projet de loi de finances et du budget de la sécurité sociale.
    Pour valoriser ceux qui travaillent, il faut lutter efficacement contre la fraude qui fragilise notre modèle social.

    M. Fabrice Brun

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    Fraude sociale, fraude fiscale, fraude douanière…

    M. Patrick Hetzel

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    Cette fraude sociale, dont la commission d’enquête que j’ai eu l’honneur de présider a évalué le coût à plusieurs milliards d’euros, prospère sur les défaillances des organismes de sécurité sociale et sur le développement d’arnaques en bande organisée de plus en plus fréquentes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
    Vous avez récemment déclaré que la fraude sociale ferait l’objet d’une tolérance zéro,…

    M. Nicolas Sansu

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    Mais pas la fraude fiscale, hein ?

    M. Patrick Hetzel

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    …en marge d’un déplacement en Isère consacré à un dispositif innovant de lutte contre la fraude. Nous ne pouvons que saluer cette initiative pertinente.
    Quelles seront les prochaines étapes de l’action du gouvernement ? Comment compte-t-il passer aux actes pour éradiquer les fraudes sociales et protéger ainsi les ressources de la sécurité sociale, issues précisément des cotisations de ceux qui travaillent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

    M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins

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    Vous travaillez depuis de nombreuses années sur la fraude. La fraude sociale est particulièrement insupportable. Le Haut Conseil du financement de la protection sociale a confirmé les conclusions de vos travaux puisque le coût de la fraude a été évalué à 13 milliards d’euros, parmi lesquels Éric Lombard, Amélie de Montchalin et moi-même avons estimé possible de recouvrer 900 millions à 1 milliard. Chaque euro recouvré est un euro de plus pour la santé des Français.
    Nous souhaitons poursuivre notre action contre la fraude en formant 450 cyberenquêteurs qui travailleront dans les locaux de la caisse primaire d’assurance maladie de Grenoble mais également à Paris, Marseille, Blois, La Rochelle et Lille, afin que notre lutte soit efficace et qu’en collaboration avec le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau et le ministre de la justice Gérald Darmanin, nous puissions associer les procureurs de la République et les forces de police et de gendarmerie aux caisses d’allocations familiales et nos caisses primaires d’assurance maladie. Ce faisant, notre but est de récupérer tous les revenus engrangés illicitement et de les mettre au service de la santé des Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.) Le futur PLFSS consacrera également 1 milliard d’euros à la sécurisation des cartes Vitale. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel

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    J’évoquerai un autre point très important : la dématérialisation des ordonnances. L’Espagne a pris des décisions à ce sujet il y a quelque temps. Grâce à un tel dispositif, il est possible d’économiser 500 à 600 millions d’euros par an. Quand votre ministère sera-t-il en mesure de le généraliser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Danielle Brulebois applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Yannick Neuder, ministre

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    La lutte contre la falsification des ordonnances mais aussi des arrêts de travail constitue un enjeu d’une importance considérable. Nous agirons à deux niveaux. D’une part, l’intelligence artificielle et le niveau technologique garantiront le caractère infalsifiable des ordonnances et des arrêts de travail. D’autre part, nous mobiliserons les équipes de contrôle médical afin d’empêcher le recours à de faux arrêts de travail. (Mêmes mouvements.)

    Propos du premier ministre

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Boris Vallaud.

    M. Boris Vallaud

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    « Submersion » : c’est le mot de l’extrême droite partout en Europe et dans le monde. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) C’est un mot qui blesse autant qu’il ment. Monsieur le premier ministre, choisissez-vous vos mots par hasard ou les avez-vous sciemment empruntés à cette extrême droite dont vous prétendez ne plus jamais vouloir dépendre ?

    M. Nicolas Meizonnet

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    Il faudra nous verser des droits d’auteur !

    M. Boris Vallaud

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    Et que dire des termes employés par votre ministre de l’intérieur ou votre ministre de la justice ?
    Mais d’abord, de qui parlez-vous ? De ces jeunes migrants, devenus majeurs, privés de papiers alors qu’ils sont en apprentissage ? (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) De cette jeune Liri, qui réside à Rouen ? De ces femmes qui s’occupent de nos enfants, de nos parents, (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS) de celles et ceux qui travaillent dans nos hôpitaux, nos Ehpad, nos crèches ? Parlez-vous de ces hommes et de ces femmes dans les cuisines de nos restaurants, sur nos chantiers, dans nos usines, comme le rappelaient le Medef ou la CPME ?

    M. Nicolas Meizonnet

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    Oui, ce sont vos esclaves !

    M. Boris Vallaud

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    De ces travailleurs sans papiers qui pourtant paient leurs impôts, leurs cotisations, nos retraites ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. – Mme Soumya Bourouaha applaudit aussi.) De ces vies arrachées à leurs pays, à leurs familles, par les guerres, les persécutions ou la misère ?
    La question migratoire est une affaire sérieuse pour les Français, trop sérieuse pour se laisser dicter par l’extrême droite les termes dans lesquels on l’aborde. Ce débat mérite mieux que cette funeste coalition de l’ignorance, des préjugés et de l’opportunisme au prix de tous nos principes républicains. Tout plutôt que cet ordre qui puise ses pouvoirs dans la haine de l’autre, que la corruption de nos principes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
    Monsieur le premier ministre, je vous appelle au sursaut : montrez-vous républicain et fidèle à votre famille politique, celle des démocrates chrétiens. Je vous demande d’être clair : maintenez-vous ce mot de submersion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, dont plusieurs députés se lèvent. – Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)

    M. Thierry Tesson

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    Posez donc la question aux Mahorais !

    M. Sébastien Chenu

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    Les propos de Bayrou avaient trait à Mayotte !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    J’ai employé le terme que vous évoquez alors que je participais à une émission de télévision, dans le cadre d’un segment relatif à la situation à Mayotte. (« Ah ! » sur les bancs des groupes RN et UDR. – « Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Philippe Vigier

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    Absolument !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Quiconque s’est rendu à Mayotte, a parlé avec ses habitants, s’est confronté à la situation de ce département – d’autres endroits de France en connaissent de comparables – mesure que le mot de submersion est le plus adapté. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    Plusieurs députés des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS

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    Voyez qui vous applaudit !

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    C’est le plus adapté parce que tout un pays, toute une communauté de départements français doit faire face à des vagues d’immigration illégale telles que les populations migrantes représentent jusqu’à 25 % de la population des territoires concernés. Cela suscite le désespoir. Qui parmi nous peut dire que ce n’est pas vrai ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    M. Fabrice Brun

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    La submersion migratoire à Mayotte, c’est Valls qui en parle le mieux !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Ce ne sont pas les mots qui sont choquants mais la réalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR et sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
    Cette réalité…

    Un député du groupe LFI-NFP

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    Cette réalité, c’est celle du fascisme !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Il est inutile d’employer des mots excessifs. Cette réalité est celle que ressentent nos compatriotes. Notre responsabilité est de changer les choses.
    Je suis d’accord avec vous sur le fait que c’est la misère qui est la cause de l’immigration, c’est la guerre parfois, c’est le changement climatique.

    M. Sébastien Chenu

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    Et les politiques menées sur place !

    M. Alexis Corbière

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    Ce n’est pas vrai que vous ne parliez que de Mayotte hier soir !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    L’immigration n’est pas la cause des problèmes de la France (Murmures sur les bancs des groupes RN et UDR), ce sont les problèmes de la France qui sont la cause de ce que l’immigration est désormais une impasse parce qu’il n’y a pas d’intégration, comme nous le voulons, par le travail, par la langue et par les principes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
    Notre responsabilité, quelle que soit notre appartenance politique, c’est de changer la situation du pays, celle qui conduit à des vagues de xénophobie qui sont pour nous, républicains, insupportables. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    M. Thierry Tesson

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    Ça avait pourtant bien commencé…

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Boris Vallaud.

    M. Boris Vallaud

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    Je ne peux qu’être consterné par votre réponse et même « submergé » par la consternation. (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Écoutez cette phrase de Rousseau : (Vives exclamations sur les mêmes bancs.) « La domination même est servile, quand elle tient à l’opinion ; car tu dépends des préjugés de ceux que tu gouvernes par les préjugés. » Si vous gouvernez avec les préjugés de l’extrême droite, nous finirons gouvernés par l’extrême droite (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR) et vous en aurez été le complice. (Les députés des groupes SOC et EcoS se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)

    M. Ian Boucard

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    Sortez dans la rue, un peu !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre.

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Monsieur le président Vallaud, les préjugés sont nourris par le réel. (Vives protestations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)

    M. Thierry Tesson

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    Ce n’est pas logique…

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Et ceux qui, ici, considèrent qu’on doit faire de ces sujets des sujets d’affrontement, à mon avis trahissent notre mission.
    Je n’ai aucune connivence avec personne : ni avec ceux qui exagèrent les réalités ni avec ceux qui les nient. (Protestations continues sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)

    M. Boris Vallaud

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    Vous êtes de connivence avec l’extrême droite !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Nous sommes engagés au service des Français pour résoudre les problèmes qui se posent, non pas pour les nier, non pas pour les exagérer mais pour leur apporter, j’y insiste, des réponses. C’est notre responsabilité de républicains. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs du groupe DR. – Mme Brigitte Barèges et M. Éric Michoux applaudissent également.)

    Stade de France

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances. Le Stade de France fait partie du patrimoine national. De la Coupe du monde de football de 1998 aux Jeux olympiques de Paris de 2024, le Stade de France a permis à notre nation de rayonner en accueillant, à Saint-Denis, les plus grands événements sportifs et culturels. Mais son avenir inquiète.
    Dès 2018, en effet, Édouard Philippe, premier ministre, s’était engagé à préparer avec soin le futur pour éviter à l’État, comme en 1995, de signer un contrat mal ficelé et coûteux pour les finances publiques. Or, malheureusement, cette vigilance ne sera suivie d’aucun effet.
    La procédure d’appel d’offres a été lancée dans l’urgence, mi-2023, sans que l’État définisse une stratégie claire. Quels investissements pour rénover le stade pour les trente prochaines années ? Quelles garanties pour les finances publiques tout au long de la prochaine concession ? Quelles négociations préalables avec les fédérations de football et de rugby qui, je le rappelle, sont délégataires de service public ? Toutes ces questions, et bien d’autres, adressées au gouvernement, sont restées sans réponse et cette opacité inquiète.
    Et c’est dans ce contexte que nous apprenons que l’État a décidé, en catimini, entre la démission de Michel Barnier et la nomination de François Bayrou, loin de la gestion des affaires courantes, d’engager une négociation exclusive avec l’un des candidats.
    Mes questions seront simples : est-il encore possible d’éviter une situation où, faute de temps, l’État se retrouverait tel le dindon de la farce ? Comment assurez-vous que le contribuable ne sera pas une nouvelle fois sollicité ? Ne faut-il pas reprendre cette procédure à zéro tant qu’il en est encore temps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

    M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

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    Oui, ce stade, situé dans votre département, est merveilleux. Il appartient à l’État et, depuis sa construction, fait l’objet d’une concession de trente ans qui s’achèvera en août prochain. Durant trente ans, ainsi que le souligne un récent rapport de la Cour des comptes, le concessionnaire a bénéficié de subventions importantes de la part de l’État pour la construction, l’exploitation et l’équipement.
    Le 9 mars 2023, l’État a entamé une consultation destinée à désigner le futur titulaire du contrat de concession relatif à l’exploitation du stade. À l’occasion de cette nouvelle concession, l’État souhaite accroître l’attractivité du stade, sa capacité, la qualité des espaces, améliorer les prestations, les animations. Nous souhaitons le maintenir au meilleur standard européen et contribuer ainsi à l’attractivité de votre territoire. Il s’agit donc de renforcer le dynamisme de cet équipement, en permettant l’accueil d’un maximum de matchs et d’événements pour servir les habitants et les visiteurs.
    Nous souhaitons également en faire un acteur de la transformation écologique. Un cahier des charges a été établi. Il comporte le programme d’investissements et les obligations comme celle d’accueillir prioritairement les matchs de la Fédération française de rugby et ceux de la Fédération française de football, ainsi que les grands événements sportifs internationaux. À l’issue d’une phase rigoureuse de sélection, deux candidats retenus ont remis deux offres successives en janvier puis en octobre 2024. Durant toute la procédure, l’État a veillé à ce que la pression concurrentielle soit maintenue et s’est assuré de la prise en considération des collectivités locales. Il a en outre été attentif à l’égalité de traitement entre les candidats.
    À l’issue de cette procédure, nous sommes en négociation exclusive avec un des candidats.

    Meurtre d’Elias et politique pénale

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marine Le Pen.

    Mme Marine Le Pen

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    Elias avait 14 ans et, vendredi dernier, dans Paris, il a été assassiné par deux mineurs pour un téléphone portable. La France, à nouveau sous le choc, est devenue le pays où le premier des droits de l’homme, le droit à la sécurité personnelle,…

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est la sûreté que mentionne la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 !

    Mme Marine Le Pen

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    …est chaque jour foulé aux pieds : le nombre de violences physiques a augmenté de 30 % en huit ans, avec une victime toutes les trois minutes. Voilà qui nécessite une réponse politique et une réponse pénale.
    Une récente étude de l’Institut pour la justice montre que moins d’un tiers des coups et violences volontaires débouchent sur une condamnation à de la prison ferme qui reste le plus souvent inexécutée. Nos concitoyens s’interrogent sur une politique pénale qu’ils perçoivent – à juste raison – comme laxiste.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est un sentiment !

    Mme Marine Le Pen

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    Or, quand il n’y a plus de dissuasion pénale, quand l’incarcération ne relève plus de la certitude mais de la science-fiction, la violence et la barbarie, mécaniquement, prolifèrent.

    M. Ugo Bernalicis

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    N’importe quoi !

    Mme Marine Le Pen

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    J’ai donc trois questions. Combien de morts faudra-t-il pour sacraliser enfin l’intégrité physique des Français en décidant, comme nous le réclamons depuis des années, la suppression des aménagements de peine pour toute peine supérieure à six mois de prison en cas d’atteinte aux personnes ? Combien d’assassins mineurs faudra-t-il pour abaisser la majorité pénale à 16 ans et, plus généralement, pour instaurer des peines courtes dès les premiers délits graves, d’exécution certaine et immédiate, pour éviter de voir les mineurs passer de la délinquance au crime en raison de leur sentiment d’impunité ? Combien d’agressions à l’arme blanche faudra-t-il pour que le port de ce type d’arme, qui se banalise, fasse l’objet de sanctions effectives et systématiques, pour que des consignes soient données au parquet de poursuivre systématiquement ce délit, qui est loin d’être anodin ? Pour finir, entendez-vous, monsieur le premier ministre, changer une stratégie pénale qui est un échec dramatique, afin de protéger nos concitoyens, en particulier nos enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN, dont de nombreux députés se lèvent pour applaudir, et sur les bancs du groupe UDR.)

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Rendez-vous fin mars !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    Elias avait 14 ans. Il sortait du stade de football où il venait de s’entraîner. De jeunes racketteurs, connus des services de police, en possession, vous l’avez mentionné, d’une arme blanche, en essayant de lui voler son téléphone portable, lui ont donné un coup de couteau à l’épaule. De cette blessure, cet enfant, qui aurait pu être celui de chacun d’entre nous, a trouvé la mort.
    Il n’est pas le seul : Zakaria, à Romans-sur-Isère (« Thomas ! » sur les bancs des groupes RN et UDR), Thomas, également,…

    Mme Brigitte Barèges

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    Matisse !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …ont eux aussi été les victimes de ce genre de crime.
    Quel est le substrat dont se nourrissent ces crimes ? Le sentiment d’impunité.

    M. Hervé Saulignac

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    Et les réseaux sociaux !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Le sentiment répandu, parmi ces jeunes, dans les situations de dérive que nous savons, qu’ils ne risquent rien.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce n’est pas vrai, ça !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Notre réponse à vos questions est simple : dès la semaine du 10 février, sur proposition de Gabriel Attal, un texte va être examiné,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous n’allons rien examiner du tout !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …afin que ces dérives puissent être sanctionnées immédiatement pour les jeunes de 16 à 18 ans, et afin de mettre un terme aux retards qui donnent en effet le sentiment qu’on est protégé de tout.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est du grand n’importe quoi !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Je tiens à apporter une réponse claire en particulier à la deuxième question : nous devrions nous saisir de la question du port des armes blanches. L’idée que le port de couteau par des jeunes ne fasse l’objet d’aucune sanction nourrit le sentiment d’impunité. (Approbation sur les bancs du groupe RN.) Il y va de notre responsabilité collective et j’invite les députés de tous les groupes à travailler sur la question à l’occasion de l’examen de la proposition de loi de Gabriel Attal. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Ça se sent que vous n’avez pas bossé !

    Cessez-le-feu à Gaza

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    Il y a un an, j’étais avec plusieurs de mes collègues à Rafah pour exiger un cessez-le-feu. Je n’imaginais pas qu’il faudrait attendre un an pour qu’il prenne forme. La communauté internationale portera devant l’histoire la lourde responsabilité de ne pas avoir tout mis en œuvre pour arrêter l’horreur : au moins 47 000 morts directs et deux tiers de Gaza détruits. Israël a fait de Gaza un territoire fantôme, invivable.
    Avec le cessez-le-feu, un fragile espoir renaît, quoique bafoué à plusieurs reprises à Gaza comme à Jénine. C’est un espoir pour les otages israéliens, les prisonniers palestiniens, les populations palestiniennes mais aussi israéliennes.
    Mais, depuis samedi, nous savons pourquoi Trump a imposé un cessez-le-feu. C’est pour appliquer le projet de Netanyahou : en finir avec les Palestiniens à Gaza, annexer ce territoire à Israël et réduire à néant tout espoir d’un État palestinien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Mmes Cyrielle Chatelain et Julie Laernoes applaudissent également.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous êtes alliés avec le Hamas !

    M. Éric Coquerel

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    Cette seconde Nakba, qui se traduirait par le déplacement de 1,5 million de personnes en Égypte et en Jordanie, serait une infamie. L’Égypte lui a opposé un non ferme. Que dit la France, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères ? C’est ma première question.
    Ce projet inhumain a provoqué une course de vitesse. Il faut le retour rapide dans tout Gaza des Palestiniens évacués et, pour le permettre, le retour de l’aide humanitaire. On en connaît la condition impérative : que l’Unrwa, l’Office de secours et de travaux des Nations unies, puisse reprendre son travail à Gaza. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.) L’Unrwa sur qui repose cette aide humanitaire.

    M. Philippe Lottiaux

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    L’Unrwa, c’est le Hamas !

    M. Éric Coquerel

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    Après l’avoir affaibli à Gaza, Israël veut demain en finir avec l’agence à Jérusalem et en Cisjordanie, au prétexte d’une complicité de ses membres avec les crimes du Hamas, prétexte infirmé par une mission dirigée par Mme Colonna. S’y ajoute la fin de la contribution des États-Unis à l’Unrwa, soit un tiers de son budget.

    M. Julien Odoul

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    Finançons l’agence avec notre argent, ce sera encore mieux !

    M. Éric Coquerel

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    D’où ma deuxième série de questions : que va faire la France pour éviter cette expulsion intégrale et pour favoriser, au contraire, le retour complet de l’Unrwa à Gaza ? Que va-t-elle faire pour financer davantage l’agence,…

    M. Laurent Jacobelli

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    Si nous nous occupions un peu de la France ?

    M. Éric Coquerel

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    …alors qu’a été réduite à presque rien notre contribution au programme en 2024, contribution pourtant décisive puisqu’elle permet à l’Unrwa de soigner, d’éduquer et de payer son personnel ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Avant de répondre à vos questions, permettez-moi, au nom du gouvernement, d’exprimer mon soutien aux agents de notre ambassade à Kinshasa, prise d’assaut ce matin, dont l’un des bâtiments a été incendié lors d’une attaque inadmissible. Nos diplomates sont en première ligne pour défendre les intérêts des Français et ils méritent notre admiration et notre respect. (Applaudissements sur tous les bancs.)
    Vous l’avez dit, c’est un espoir fragile qui renaît en Palestine avec ce cessez-le-feu que nous attendions depuis si longtemps et qui a déjà permis l’interruption des hostilités, la libération de sept otages. Nous appelons à la libération de tous les otages, en particulier de nos deux compatriotes Ohad Yahalomi et Ofer Kalderon, que nous espérons retrouver dans quelques jours en bonne santé. (Mêmes mouvements.)
    Vous m’interrogez d’abord sur la déclaration de la nouvelle administration américaine concernant des déplacements forcés de populations dans d’autres pays de la région. Nous l’excluons, puisque cela constituerait un obstacle quasi définitif à la solution à deux États, défendue depuis longtemps par la France, mais aussi, parce que les pays concernés, vous l’avez rappelé, ont exprimé leur refus d’accueillir les populations déplacées.
    Depuis soixante-dix ans, l’Unrwa apporte des biens et des services essentiels aux réfugiés palestiniens, que ce soit à Jérusalem-Est, en Cisjordanie ou à Gaza. Il est irremplaçable et mérite de poursuivre son activité indispensable. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Nous soutenons son action et sa neutralité sera renforcée par une réforme fondée sur le rapport remis par Catherine Colonna.
    Nous le soutenons aussi financièrement. En décembre dernier, j’ai annoncé une subvention de 20 millions d’euros pour lui permettre de continuer à réaliser sa mission.
    Nous déplorons les deux lois israéliennes, censées entrer en vigueur dans les prochains jours, et nous appelons le gouvernement israélien à renoncer à leur application. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Merci !

    M. Emmanuel Mandon

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    Très bien !

    Mort d’Elias

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Brigitte Barèges.

    Mme Brigitte Barèges

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    Permettez-moi de faire entendre la voix des familles de France et de leurs parents,…

    M. Stéphane Peu

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    Ça faisait longtemps !

    Mme Brigitte Barèges

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    …qui vous manifestent leur colère, mais surtout leur crainte de voir leurs enfants tomber sous les coups de barbares sortis tout droit des films les plus sombres de Stanley Kubrick.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Mais vous êtes malade !

    Mme Brigitte Barèges

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    Ces assassins multirécidivistes qui terrorisaient ce quartier avaient choisi leur victime, plus jeune, plus vulnérable. Nous connaissons son prénom, Elias, mais nous ignorons encore celui de ses bourreaux.
    C’est un prénom hébreu ; dans la Bible, celui d’un grand prêtre d’Israël. Je me demande alors si ces assassins en voulaient au portable d’Elias ou bien à sa vie ? Le coup fatal a été porté ; le portable, abandonné. (Mouvements divers.)
    En 2019, Mme Belloubet, alors garde des sceaux, avait fait voter une réforme du code de la justice des mineurs. Elle nous promettait plus de clarté, plus de réactivité, plus d’efficacité. Elle introduisait la césure pénale, innovation formidable qui retarde le prononcé de la peine et qui privilégiait les mesures d’assistance éducative au détriment de la détention. Cinq ans après, quel échec lamentable.

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous avez voté pour ce machin !

    Mme Brigitte Barèges

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    N’est-il pas temps, au contraire, de nous réarmer juridiquement en appliquant par exemple la loi Ciotti de 2011, qui prévoyait l’encadrement militaire de mineurs délinquants dans des établissements spécialisés ? Mme Taubira s’est contentée de les fermer.
    Cette loi existe, il suffit de l’appliquer. Toutes ces victimes auraient pu être épargnées ! Combien d’Elias, de Philippine, de Lola, de Matisse, de Thomas, faudra-t-il pour nous décider à réformer le droit pénal des mineurs afin de l’adapter à l’ultraviolence qui ensanglante chaque jour notre jeunesse ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – M. Philippe Juvin applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    Je ne reviens pas sur les circonstances de l’agression criminelle du jeune Elias ; le premier ministre vient de les rappeler. Notre tristesse est partagée, mais aussi notre colère.
    Nous devons avoir une réflexion de fond sur la réponse à apporter à la dégradation observée depuis plusieurs années du comportement des mineurs, qui considèrent désormais la vie comme quelque chose de mineur et sont capables de tout, pour tout – c’est-à-dire pas grand-chose.

    M. Jean-François Coulomme

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    Et la cause ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    On peut également s’interroger sur la cause, mais ce n’est pas à vous que je réponds.
    Concernant les mineurs, il faut revoir notre système de procédure pénale sur plusieurs points qui doivent être abordés très librement en toute clarté, notamment la capacité absolument essentielle d’exécuter rapidement une décision. Nous aurons probablement à revoir un certain nombre de sanctions, au moins leur quantum. Il sera peut-être aussi nécessaire d’alourdir la responsabilité civile des parents.
    Ces sujets sont d’une importance fondamentale, compte tenu des circonstances. Au mois de février, nous aurons l’occasion, dans le cadre de l’examen du texte déposé par M. Gabriel Attal, d’aborder l’ensemble de ces problématiques.
    Il est certain que le gouvernement est mobilisé pour évaluer l’ensemble des moyens dont dispose la justice pour répondre à cette violence criminelle. Il faut lui donner les moyens nécessaires pour remplir sa mission. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)

    Antisémitisme

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Yadan.

    Mme Caroline Yadan

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    Se souvenir. Se souvenir de l’histoire et la regarder en face pour construire l’avenir. Il y a quatre-vingts ans, le monde découvrait à Auschwitz le plus grand charnier de tous les temps, celui de l’extermination méthodique et industrialisée des Juifs. Un crime si indicible qu’un nouveau mot fut créé pour le désigner : Shoah.
    La Shoah a été l’aboutissement d’un long processus consistant à préparer les esprits, durant des décennies, à la haine des Juifs et à leur déshumanisation. Or la bête immonde est de retour parmi nous.
    Le 7 octobre 2023, elle a pris la forme d’une pornographie de l’horreur : des viols méthodiques, des corps éventrés, des familles réduites en cendres, des bébés arrachés à la vie, dans une intention génocidaire et un désir d’extermination qui n’a rien à envier à celui qui a conduit à la destruction des Juifs d’Europe.
    Pourtant, loin de susciter un élan universel de solidarité, ces massacres ont fait exploser un antisémitisme, pétri de bons sentiments, offrant à la foule un permis de haïr au nom du progressisme, des droits humains et de la paix.
    Cette haine du Juif est exaltée par un dangereux parti à l’extrême gauche de cet hémicycle (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes EPR, RN, UDR et plusieurs bancs du groupe DR. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS), qui trouve que l’antisémitisme est résiduel, qui reprend les accusations moyenâgeuses des Juifs « empoisonneurs de puits », qui défend les chasseurs de Juifs dans les rues,…

    Mme Sophia Chikirou

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    C’est de la diffamation !

    M. Sébastien Delogu

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    Cessez de dire des choses pareilles !

    Mme Caroline Yadan

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    …qui qualifie le Hamas de « mouvement de résistance » et,…

    Mme Sophia Chikirou

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    C’est insultant ! (Plusieurs députés des groupes LFI-NFP et EcoS se lèvent et se tournent vers la présidente.) 

    Mme Caroline Yadan

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    …comble de l’ignominie, les meurtriers palestiniens condamnés à perpétuité « d’otages ». (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
    Quatre-vingt-dix otages restent prisonniers du Hamas, parmi lesquels deux de nos compatriotes, Ofer Kalderon et Ohad Yahalomi, mais aussi Kfir Bibas, petit être arraché à son berceau à neuf mois à peine, plus jeune otage de l’histoire et dont on craint qu’il ne retrouve jamais le monde des vivants.
    Madame la ministre, il ne sert à rien de commémorer la Shoah si on laisse les mêmes causes produire les mêmes effets. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés des groupes EPR, RN, DR, Dem, HOR et UDR applaudissent vivement et longuement cette dernière. – La plupart des députés du groupe LFI-NFP, restés debout, commencent à quitter l’hémicycle tout en apostrophant la présidente et leurs collègues du groupe EPR. – Les députés des groupes RN et UDR les encouragent à sortir en désignant de la main les issues.)

    M. Sébastien Delogu

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    C’est une honte, madame la présidente ! Un scandale ! (M. Sébastien Delogu quitte l’hémicycle.)

    Mme Marie Pochon

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    Comment pouvez-vous laisser dire ça, madame la présidente ? (Mme Marie Pochon quitte à son tour l’hémicycle, de même que quelques députés des groupes SOC et EcoS, ainsi que Mme Elsa Faucillon.)

    M. Julien Odoul

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    Bon débarras !

    M. Yoann Gillet

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    Dehors ! (Les quelques députés des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS encore présents protestent vivement.)

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Ça suffit !

    Mme la présidente

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    Laissez Mme la ministre répondre ! (Nouvelles protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

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    Je vous remercie pour la clarté de votre interpellation. Elle a visiblement déplu à une partie de l’hémicycle, qui considère que l’antisémitisme est résiduel et qui refuse de voir l’ampleur d’un phénomène qui touche trop de nos compatriotes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Vous êtes ministre : vous n’avez pas à dire cela !

    M. Raphaël Arnault

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    Les antisémites sont de l’autre côté de l’hémicycle, pas chez nous ! (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Heureusement, cette partie est minoritaire dans notre pays.

    Mme Christine Arrighi

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    Vous ne vous rendez pas compte de la gravité de ce qui vient d’être dit ! (Mme Christine Arrighi quitte l’hémicycle.)

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Les derniers rescapés de la Shoah ont formulé dans leurs récents témoignages l’espoir de ne plus jamais avoir à revivre cela et ont rappelé que le 7 octobre est une cicatrice. Le 7 octobre est aussi une fracture entre ceux qui, d’une part, ont choisi le camp de l’humanité, ceux qui ont dénoncé les attentats terroristes pour ce qu’ils étaient, ceux qui ont eu un geste d’empathie et de solidarité à l’égard des victimes des attentats, parmi lesquelles quarante-deux de nos compatriotes, et ceux qui, d’autre part, ont sans doute préféré plaire à une partie de l’électorat. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR, ainsi que sur les bancs des groupes RN, DR et UDR.)
    À la mémoire s’ajoutent les combats du présent, parmi lesquels la lutte que nous devons mener sans répit contre l’antisémitisme. Malheureusement, sa force est de se renouveler constamment en mutant. Il se confond désormais avec l’antisionisme (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN),…

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Ce sont ceux qui vous applaudissent, les antisémites !

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    …qui n’est pas la critique libre d’un gouvernement, mais la volonté délibérée de détruire un État démocratique et allié de notre pays.
    Le gouvernement ne transigera jamais dans sa lutte contre l’antisémitisme et ses mutations ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Netanyahou est un fasciste !

    Situation des internes en médecine

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Géraldine Grangier.

    Mme Géraldine Grangier

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    Combien de temps le ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles, ignorera-t-il les alertes répétées des jeunes internes en médecine ?
    Ils vivent une détresse alarmante, exacerbée par des conditions de travail écrasantes, des réformes mal préparées et un système de formation inadapté. Plus de 68 % des internes souffrent de symptômes d’anxiété et 45 % de dépression. Ces chiffres illustrent une crise qui affecte à la fois leur santé mentale et la qualité des soins qu’ils prodiguent.
    Les horaires excessifs, la surcharge administrative, le manque de supervision et l’absence de soutien psychologique génèrent une pression insoutenable, tandis que la réforme de la dixième année de médecine générale, prévue pour 2026, renforce l’incertitude.
    La réforme introduite par le PLFSS pour 2023, censée répondre aux défis de la désertification médicale, est inapplicable pour plusieurs raisons, bien qu’imposée par 49.3 : absence de décrets d’application et de cadre clair pour les responsabilités des internes et des maîtres de stage universitaires, en nombre insuffisant pour encadrer les docteurs juniors, menaçant de fait la qualité de la formation ambulatoire, et locaux inadaptés pour accueillir les internes en médecine de ville.
    Les internes demandent un report de la réforme pour garantir sa préparation dans de bonnes conditions, la création d’un véritable statut de docteur junior ambulatoire, une formation renforcée des maîtres de stage universitaires, qu’il faut recruter massivement, et des locaux adaptés pour la formation ambulatoire.
    Dans ce contexte, quelles actions immédiates le gouvernement prévoit-il pour répondre à ces revendications urgentes et garantir une formation de qualité, tout en préservant la santé des internes et l’attractivité de la profession médicale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

    M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins

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    La qualité des conditions de travail des soignants, les internes en particulier, est au cœur de nos préoccupations. Nous avons notamment relancé les processus de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
    Je vous confirme qu’il y a eu dans l’exécution de la réforme de la quatrième année des études de médecine un retard inacceptable à l’égard des internes, mais nous n’en sommes pas complètement responsables. Être le quatrième ministre de la santé en 2024, à quoi s’ajoute la censure, n’a pas facilité la prise en charge. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Fabrice Brun

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    Il faut le dire !

    M. Yannick Neuder, ministre

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    Cependant, nous sommes totalement mobilisés sur le plan réglementaire, sous la direction de Catherine Vautrin, pour organiser la dixième année pour les docteurs juniors, afin que 3 700 jeunes médecins s’installent dans nos territoires. Un volet législatif est toutefois nécessaire, en grande partie intégré au PLFSS pour 2025 que vous voterez, je l’espère, afin que cela aboutisse. Deux mesures supplémentaires seront intégrées au projet de loi de simplification en santé.
    Nous nous efforçons, dans les meilleurs délais, de faire en sorte que les 3 700 internes s’installent à partir du 2 novembre 2026, ainsi que de mobiliser l’ensemble des maîtres de stage universitaires pour que les internes trouvent des stages, pas seulement à l’hôpital, vous l’aurez compris.
    Nous comptons sur les élus locaux pour que les dispositifs que nous créerons avant l’été permettent de réunir l’ensemble des conditions afin que la quatrième année et les docteurs juniors enrichissent l’offre de soins dans nos territoires. Je m’en suis encore assuré lundi, lors d’une visite à Châtillon. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Géraldine Grangier.

    Mme Géraldine Grangier

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    Les internes feront grève demain : recevez-les ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Yannick Neuder, ministre

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    C’est prévu.

    M. Fabrice Brun

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    Il ne vous a pas attendue.

    Politique environnementale

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant

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    Nous avons tous en tête ces mots de Jacques Chirac : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. »

    M. Fabrice Brun

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    M. Balanant a de bonnes références !

    M. Erwan Balanant

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    Ces mots sonnent aujourd’hui comme une vérité en Californie. Le dérèglement climatique n’est pas une extravagance scientifique, mais bel et bien une réalité que nous ne pouvons plus ignorer : en France, la tempête Herminia nous en fournit la triste preuve.
    Alors que des familles vivent dans l’angoisse de voir les eaux monter ; alors que la Loire-Atlantique, le Morbihan et l’Ille-et-Vilaine sont placés en vigilance rouge aux crues ; alors qu’à Quimperlé dans ma circonscription, la Laïta est sur le point de déborder ; alors que 600 personnes ont été évacuées depuis dimanche, parmi lesquelles 73 pensionnaires d’un Ehpad de Bruz au sud de Rennes ; alors que certains trains ne circulent plus et que tous s’accordent à dire que le pire n’est pas encore arrivé, la journée de demain sera cruciale.
    Les pluies torrentielles aggraveront une situation déjà délicate et nous devons d’abord penser aux sinistrés. Toutefois, nous devons faire plus que des grands discours. Nous devons faire plus que simplement nous interroger sur notre capacité à réagir : nous devons agir !
    Si nous ne devons plus laisser passer les remises en cause des périls à venir et les propos climatosceptiques, nous devons aussi fournir les moyens à nos communes de se prémunir de ces risques et de s’adapter à ces aléas, en donnant une orientation claire et globale à notre politique de lutte contre le dérèglement climatique et à l’accompagnement de ses conséquences.
    Dès le premier jour de son mandat, Donald Trump a retiré par décret les États-Unis de l’accord de Paris. Or la Californie brûle et nos rivières débordent.
    Nous devons nous adapter et atténuer les conséquences de ces changements profonds. Quelle politique publique la France compte-t-elle mener quand le dirigeant du deuxième pays le plus pollueur au monde nie la réalité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

    M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur

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    En complément des propos de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui rappelait plus tôt les principes généraux de la politique du gouvernement, je vous dirai que ce matin, à Rennes, j’ai pu constater avec beaucoup d’effroi l’ampleur des inondations. Au moment où je vous parle, 5 000 clients – c’est ainsi qu’on les nomme – sont encore privés d’électricité et 600 personnes ont été évacuées. Les services de secours sont présents et vigilants ; ils travaillent avec des associations agréées pour prendre soin de nos compatriotes, pour assurer la sécurité des habitations qu’ils ont quittées et pour se préparer à l’épisode pluvieux de demain. D’importantes intempéries sont annoncées et les risques resteront élevés dans les jours qui viennent, notamment dans la commune de Redon.
    Sur la manière dont nous nous préparons à faire face à d’autres risques naturels, j’ai repris le Beauvau de la sécurité civile. Plusieurs réunions auront lieu au début du mois de février, c’est-à-dire bientôt, et nous espérons en tirer les conclusions le plus vite possible, pour présenter un texte juste avant l’été.
    Nous devons complètement repenser notre dispositif, en prévision de l’évolution des risques naturels, amenés à se multiplier et à atteindre une gravité démesurée. L’ensemble des parties prenantes au système de sécurité civile est au travail et les conclusions du Beauvau seront partagées avec celles et ceux d’entre vous qui le souhaitent : l’enjeu est bien de préparer la sécurité civile de demain – notre horizon est de cinq à dix ans tout au plus.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Soutenez la sécurité civile et soutenez les pompiers !

    Propos du premier ministre

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Monsieur le premier ministre, vous nous faites honte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – « Oh ! » sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
    Vous faites honte aux 16 millions d’électeurs qui se sont massivement mobilisés le 7 juillet dernier, pour éviter que notre République bascule dans le racisme et la xénophobie. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)

    M. Julien Odoul

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    En tout cas, personne ne s’est mobilisé pour les Écolos !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Vous nous trahissez quand vous parlez « d’apport étranger », vous insultez tous nos compatriotes dont l’histoire et l’identité personnelle sont en partie liées à l’immigration quand vous parlez de « submersion migratoire ». (Mêmes mouvements.)
    Vous mentez, quand vous nous assurez que vous répondiez à une question sur Mayotte. Vous mentez, quand vous soutenez que vos propos ne concernaient que Mayotte, car vous avez dit, je vous cite : « Un certain nombre de villes ou de régions sont dans ce sentiment-là. »

    M. Alexis Corbière

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    Eh oui !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Vous mentez aussi quand vous dites que vos propos se fondent sur la réalité : ils ne relèvent que du fantasme et du complotisme ! (Mêmes mouvements. – « Oh là là ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
    Vous avez jeté en pâture à l’extrême droite toutes celles et tous ceux qui sont nés hors de nos frontières, mais qui vivent avec nous ! Vous les abandonnez !
    Vous les abandonnez, par votre silence assourdissant face à la fermeture de 6 500 places d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile…

    M. Laurent Jacobelli

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    Quel racolage !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    …et par votre acquiescement coupable à un durcissement des conditions de régularisation qui les condamne à la clandestinité. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)
    Réagissez et, je vous le demande solennellement, présentez vos excuses ! (Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR. – « Oh ! » sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.

    M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique

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    Pendant des siècles, notre pays a été un pays d’intégration.

    M. Julien Odoul

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    D’assimilation plutôt !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    C’était déjà le cas sous l’Ancien Régime – c’est à cette période que le droit du sol a été défini.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    La question n’a pas été posée à Henri IV ! (Sourires.)

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Ce pays d’intégration est aujourd’hui en panne.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Mais arrêtez, c’est n’importe quoi !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Il n’est pas en panne à cause des immigrés, il est en panne en raison des difficultés que notre société a à répondre à la question de l’école, à la question du travail, à la question du partage de nos principes dans un certain nombre de nos villes et de nos quartiers.

    M. Alexis Corbière

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    Foutaises ! Historiquement, ce n’est pas vrai !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Laissez-moi vous le dire avec calme : refuser de voir les difficultés et le sentiment qu’un très grand nombre de nos compatriotes partagent, y compris dans des arrondissements parisiens, le sentiment qu’il n’y a rien à faire et que nous sommes sans armes…

    Mme Christine Arrighi

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    Retournez à Pau et restez-y !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Je répète ce que j’ai déjà dit hier : s’il y avait autant de personnes en situation irrégulière qu’il y en a à Mayotte, il y aurait 400 000 personnes qui vivraient dans des bidonvilles à Paris !

    M. Laurent Jacobelli

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    Et eux seraient contents ! (M. Laurent Jacobelli désigne la gauche de l’hémicycle.)

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Qui, dans ce cas, oserait contester les mots que j’ai choisis ? Personne !

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Mais ce n’est pas la question !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Vous seriez tous en ébullition !

    Mme Christine Arrighi

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    Restez digne s’il vous plaît.

    Mme Dominique Voynet

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    Vous devriez plutôt ramener le calme !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Notre devoir et notre responsabilité sont d’assurer à nos compatriotes qu’il y a une loi et que cette loi est respectée,…

    Mme Julie Laernoes

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    Ce n’était pas la question !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    …que lorsque des OQTF sont prononcées, elles sont exécutées.

    Mme Elsa Faucillon

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    Elles ne le sont jamais, vous le savez bien !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Le sentiment de nos compatriotes est que nous sommes sans défense face à des phénomènes – la guerre, la misère, le changement climatique – dont ils connaissent l’origine et auxquels nous ne répondons pas par des solutions adaptées.

    M. Julien Odoul

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    Et l’AME ?

    M. Laurent Jacobelli

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    Et les soins gratuits ?

    M. François Bayrou, premier ministre

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    C’est à cette réponse que je nous appelle, plutôt qu’à alimenter des querelles sémantiques !

    M. Alexis Corbière

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    Vous allez vous faire applaudir par l’extrême droite !

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Excusez-vous !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Le sentiment que l’immigration suscite chez les Français est le symptôme de notre incapacité à résoudre des problèmes qui concernent la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et DR.)

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Où est passé l’humanisme ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Nous ne sommes pas opposés par une querelle sémantique mais par un différend profond sur ce que signifie notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
    Notre République, elle est fraternelle ! Notre République, elle accueille. Vous l’avez dit, notre pays a été construit grâce à l’immigration, et il est beau, notre pays ! On l’aime et il a des milliers de visages !

    M. Thomas Ménagé

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    Accueille les étrangers chez toi !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Vous rendez-vous compte de l’insulte que vous faites à ces millions de Français qui portent dans leur chair l’histoire de l’immigration ? Vous leur crachez à la figure et c’est insupportable ! (Les députés du groupe EcoS et plusieurs députés des groupes SOC et LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. Laurent Jacobelli

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    Quelle indécence !

    M. Julien Odoul

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    Arrêtez !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Vous reprenez les mots et théories de l’extrême droite, qui ne sont fondés en rien ! Aujourd’hui, les étrangers ne représentent que 8 % de la population et vous les pointez du doigt ! (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR se lèvent et applaudissent cette dernière.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre.

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Je vous répondrai, mais sans agressivité. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) Je n’ai aucune leçon de civisme et de fraternité à recevoir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et HOR. – Protestation sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.) Ce n’est pas la peine de hurler, d’autant qu’on ne vous entend pas…
    J’ai défendu toute ma vie les principes qui font notre nation et j’ai toujours reconnu l’apport des millions de Français issus de l’immigration à notre pays.

    Mme Julie Laernoes

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    Vous avez cessé quand vous êtes devenu premier ministre !

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Excusez-vous !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Ils ont participé à sa vie, à son rayonnement et à sa grandeur.

    M. Olivier Faure

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    Il n’y a donc pas de submersion !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    À Mayotte, la submersion est réelle ! Je parlais de Mayotte et je maintiens mes propos.

    M. Alexis Corbière

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    Vous ne parliez pas de Mayotte, tout le monde vous a entendu !

    M. Jérôme Guedj

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    Exactement ! Nous savons ce que nous avons entendu !

    M. Laurent Jacobelli

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    La submersion a lieu ici aussi !

    Mme la présidente

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    Laissez le premier ministre achever sa réponse, s’il vous plaît.

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Ce n’est pas parce que vous hurlez que vous serez entendus, c’est même le contraire ! Il est donc inutile de vous égosiller !

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Ce n’est pas une submersion, c’est un naufrage…

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Un grand nombre de nos compatriotes pensent que nous sommes incapables de faire respecter le droit et de mettre fin au séjour illégal sur le territoire français. Un grand nombre d’entre eux se désespèrent de voir que les communautés sont séparées au lieu de ne faire qu’un.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Quel est le rapport ?

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    On n’est pas sur CNews !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Le rapport est établi : c’est parce que nous vivons cette situation qu’un grand nombre de Français rejettent l’immigration.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    C’est faux !

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Vous parlez comme Éric Zemmour !

    M. Laurent Croizier

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    Vous, vous ne représentez que les beaux quartiers !

    M. François Bayrou, premier ministre

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    Ce rejet se retourne contre les immigrés en situation régulière, présents sur notre territoire, que nous devons accueillir avec respect et avec fraternité. C’est parce que cette situation n’est pas gérée que les Français la croient ingérable. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Vous dites n’importe quoi !

    Sanctions contre les constructeurs de véhicules thermiques et hybrides

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Jolivet.

    M. François Jolivet

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    L’industrie automobile se porte mal en France – je le constate dans l’Indre – et en Europe. Pour ne rien arranger, des sanctions financières extrêmement dissuasives sont entrées en vigueur le 1er janvier 2025 : elles consistent en une amende de 95 euros par gramme de dioxyde de carbone émis et par véhicule neuf et risquent de coûter plusieurs milliards d’euros à nos constructeurs de véhicules hybrides ou thermiques. La situation alarme les industriels, leurs salariés et leurs sous-traitants, qui investissent pourtant massivement dans la transition énergétique. Les sommes en jeu sont colossales : on les estime à plusieurs dizaines de milliards d’euros à l’échelle européenne.
    Je m’interroge sur ce qui ressemble moins à un impôt qu’à une amende perçue par Bruxelles et dont nous n’avons pas discuté dans cet hémicycle. Les emplois détruits par l’application de ces amendes étant assumés par chacun des États membres : c’est du perdant-perdant.
    Je suis d’autant plus inquiet qu’il a été révélé récemment que des fonds publics européens ont financé des ONG, pour qu’elles mènent des campagnes de lobbying auprès de l’administration européenne, des administrations des États membres et des députés européens, pour inciter au soutien du pacte vert pour l’Europe.
    En France, 200 000 emplois directs dépendent de notre industrie automobile. La rigueur du calendrier européen, combinée à la pression des importations étrangères à bas coût, met en péril ce secteur stratégique pour la France et l’Europe.
    Au même moment, c’est tout l’inverse que nous constatons aux États-Unis : Donald Trump critique les régulations excessives et dénonce leurs conséquences négatives sur l’industrie automobile américaine ; il se libère, par décret, de l’accord de Paris.
    Deux salles, deux ambiances, pourrait-on dire.
    Dans cette situation, la France soutiendra-t-elle, auprès du Conseil de l’Union européenne, un ajustement du calendrier des sanctions ?
    Si la transition écologique est une nécessité, elle ne peut réussir sans équilibre ni accompagnement. Le groupe Horizons & indépendants soutiendra toujours une France puissante dans une Europe puissante et luttera pour que notre pays ne devienne pas une France cliente dans une Europe cliente. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Je vous remercie pour votre question sur les conséquences du règlement européen sur les émissions de CO2 pour la filière automobile. Je suis profondément convaincu que la transition écologique de la filière, qui doit se traduire par l’arrêt de la vente des véhicules thermiques neufs en 2035, doit aller de pair avec la progression de l’emploi industriel dans nos territoires. À cet égard, la situation est préoccupante : si les amendes – dont le montant total pourrait représenter plus de 2 milliards d’euros – sont appliquées à nos constructeurs au titre de l’année 2025, la filière dans son ensemble fera face à une situation difficile, voire impossible ; en outre, l’achat de crédits carbone aux concurrents, notamment américains ou chinois, ainsi que la réduction de la production et de la vente de véhicules thermiques pourraient avoir des effets délétères et dramatiques qui affecteraient toute la chaîne de valeur, en particulier les équipementiers.
    Dans ces conditions, la position actuelle de la Commission européenne consistant à laisser l’année se dérouler en observant le comportement des acteurs n’est pas tenable, pour une raison simple : les constructeurs automobiles – Toyota, Stellantis, Ford – ont déjà commencé à acheter des crédits d’émission de CO2 à leurs concurrents, et à leur concurrent américain Tesla en particulier, à hauteur de 1 milliard d’euros.
    Aussi devons-nous agir. Avec mes collègues Agnès Pannier-Runacher et Benjamin Haddad, nous avons d’ailleurs publié une tribune demandant à la Commission de prendre ses responsabilités et de revenir sur le calendrier des amendes, sans pour autant remettre en cause l’objectif d’électrification de la filière automobile. Agissons de manière responsable afin que l’indispensable transition écologique se conjugue avec une indispensable politique industrielle, plus offensive et moins naïve. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Difficultés du monde rural

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

    M. Philippe Bonnecarrère

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    Le gouvernement a-t-il un cap et une ambition pour le monde rural, qui souffre d’un sentiment de déclassement ? Au-delà des questions agricoles ou d’accès à la santé, les attentes se concentrent sur deux sujets : le logement et la mobilité. Il est plus difficile d’accéder à un logement en milieu rural, en raison des contraintes d’urbanisme, de l’absence d’opérateurs sociaux ou – faute de rentabilité – d’intervenants privés. Il y est aussi plus difficile d’être mobile, en l’absence d’une solution alternative à la voiture. Que proposez-vous pour pallier ces difficultés, madame la ministre déléguée chargée de la ruralité ? Avez-vous, au-delà des déclarations d’intentions, une politique et des projets concrets pour le logement et la mobilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Yannick Monnet applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ruralité.

    Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité

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    Je connais votre engagement de longue date au service de votre département du Tarn et de nos concitoyens. La ruralité concerne 22 millions d’habitants et représente 88 % des communes de France, c’est considérable. Monsieur le premier ministre a souligné que chacun, en France, devait avoir une chance, et que chaque territoire devait bénéficier de la reconnaissance de l’État. C’est pourquoi nous travaillons activement, avec François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, à évaluer les engagements du gouvernement pris il y a près de deux ans dans le cadre du plan France ruralités, alors que trente mesures sur les trente-deux qu’il contenait ont été mises en œuvre. Nous cherchons à les faire évoluer, car la ruralité est au cœur de notre politique.
    En ce qui concerne le logement, nous procédons avec Valérie Létard à l’évaluation de trois mesures : MaPrimeRénov’, qui a permis de rénover près de 300 000 logements ; la prime à la vacance de logement, qui est particulièrement pertinente dans le monde rural ; enfin la probable ouverture prochaine de l’accès au prêt à taux zéro dans l’ensemble du territoire. L’évaluation précise de l’efficacité de ces mesures doit là aussi nous conduire à des évolutions.
    En ce qui concerne la mobilité, seul levier pour lutter contre le sentiment – parfois réel – de déclassement et contre l’assignation à résidence des jeunes dans ces territoires, nous devons pratiquer du sur-mesure, tout en développant l’offre de TER et de bus. Avec le ministre chargé des transports Philippe Tabarot, nous consacrons beaucoup de temps à ces innovations…

    Mme Christine Arrighi

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    Mais pas beaucoup d’argent !

    Mme Françoise Gatel, ministre déléguée

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    …ainsi que 30 millions d’euros.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

    M. Philippe Bonnecarrère

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    Ayez de l’ambition et de l’audace pour le monde rural ! Ce n’est pas qu’une question d’argent : la ruralité a besoin d’assouplissements sur le plan de l’urbanisme, de dérogations à la main des préfets et de garanties d’accessibilité aux services publics afin de retrouver des marges de manœuvre en matière de transports. Les territoires ruraux vous demandent de l’action et du bon sens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Guillaume Lepers applaudit également.)

    Fermeture de PhotoWatt en Isère

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexis Jolly.

    M. Alexis Jolly

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    La stratégie – si tant est qu’on puisse encore employer ce terme – industrielle de la France est une catastrophe de premier ordre. La situation de l’entreprise PhotoWatt, située à Bourgoin-Jallieu, dans ma circonscription, est particulièrement éloquente : cette entreprise, pionnière dans la fabrication de panneaux photovoltaïques, véritable fleuron national dans le secteur d’importance stratégique des énergies nouvelles, a été purement et simplement sabotée. (M. Hervé Berville s’exclame.) Au lieu de la soutenir et de valoriser son savoir-faire reconnu dans le monde entier, les gouvernements successifs, dont vous êtes les continuateurs, l’ont totalement abandonnée à la merci de ses concurrents asiatiques. Elle se prépare à fermer définitivement ses portes, laissant sur le carreau 162 salariés aux compétences que d’autres pays se feront un plaisir d’acheter à prix d’or.
    Ce sabotage de l’économie française est dénoncé par l’ensemble de nos capitaines d’industrie et restera l’un des plus grands scandales de notre temps ; le président de Michelin l’a bien expliqué la semaine dernière au Sénat. Notre stratégie industrielle alterne entre le dramatique et l’absurde. La France disposait d’un avantage concurrentiel exceptionnel dans le secteur de l’énergie : vous l’avez méthodiquement flingué pour satisfaire l’escroquerie écolo. Nos entreprises avaient besoin de protections : vous les avez soumises à une concurrence féroce, à des coûts de production deux fois inférieurs aux nôtres. Elles avaient besoin de liberté pour produire et innover : vous les avez contraintes, bridées et écrasées de normes et de charges toujours plus lourdes.
    À l’heure où le monde entier est engagé dans une course à la domination économique, vous laissez la France se faire marcher dessus comme un paillasson, vous bornant à invoquer une Union européenne qui cherche à nous faire la peau. Face à ce scandale, comptez-vous enfin réagir pour stopper l’hémorragie et sauver ce qu’il reste de notre industrie nationale, ou vous contenterez-vous de gérer le déclassement et la destruction de l’économie française, pour le plus grand bonheur de nos concurrents ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Comme vous, je suis attristé et déçu de la fin de l’activité de cette filiale d’EDF à Bourgoin-Jallieu. J’ai suivi de près les discussions avec l’entreprise Carbon qui ont malheureusement échoué fin 2024. Ce n’est cependant pas la faute de l’État.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Ce n’est jamais de votre faute !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    C’est l’opposition des salariés de l’entreprise PhotoWatt qui a fait échouer ce projet de rapprochement. Nous continuons cependant de soutenir la filière photovoltaïque dans le cadre d’une stratégie énergétique équilibrée, telle que l’avait présentée le président de la République à Belfort en 2022, reposant sur deux jambes : développement de la filière nucléaire et soutien apporté aux énergies renouvelables.

    M. Nicolas Meizonnet

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    Il faut soutenir les entreprises françaises !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Je dois également saluer l’adhésion nouvelle du groupe RN à cette stratégie, cela m’avait échappé par le passé !

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Faites alliance, ça ira plus vite ! J’oubliais : M. Retailleau est déjà au gouvernement…

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Nous continuerons de marcher sur nos deux jambes et à soutenir toutes les énergies renouvelables : le photovoltaïque, le solaire ainsi que l’hydroélectricité. Cette stratégie contribue à la fois à notre souveraineté énergétique et à notre souveraineté industrielle.

    Mme Christine Arrighi

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    Avec quel argent ? L’épargne des Français ?

    M. Marc Ferracci, ministre

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    J’observe une forme d’incohérence dans vos critiques d’un gouvernement qui, tout en défendant le photovoltaïque, aurait failli à soutenir les industriels pour qu’ils accèdent à une énergie décarbonée à un prix raisonnable.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Vous avez enlevé 1 milliard à l’écologie !

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Soyez convaincus de notre détermination : nous continuerons de tout faire pour conjuguer souveraineté énergétique et souveraineté industrielle.

    Directive européenne sur l’intelligence artificielle

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    À l’heure où Trump, avec des relents autoritaires, lance le programme « Stargate » pour développer l’intelligence artificielle, quel est le projet de la France en la matière ?
    Selon le média d’investigation Disclose, la France d’Emmanuel Macron a secrètement intrigué, en 2023, pour introduire dans la loi européenne sur l’IA la possibilité d’utiliser la reconnaissance biométrique dans l’espace public, en temps réel, lorsqu’elle estime que « la sécurité nationale » – incluant le maintien de l’ordre – est en jeu. Qui pourrait-on rechercher concrètement, et sur quelle base ? Le courrier du secrétariat général pour les affaires européennes est très clair : il est pour la France « très important de préserver la possibilité de rechercher une personne sur la base de critères objectifs exprimant une croyance religieuse ou une opinion politique ». Comment ? Grâce à la vidéosurveillance algorithmique en temps réel, en détectant notamment « le port d’un badge ou d’un accessoire ».
    L’arc réactionnaire macroniste, tout à son obsession ultrasécuritaire, est allé jusqu’à persuader les autres pays de l’UE de déroger (M. Sylvain Berrios s’exclame), au nom de la sécurité nationale, à l’interdiction de l’usage de l’IA prévue par les articles sur les « risques inacceptables », afin de rechercher une personne sur la base de la « race, [des] opinions politiques, [de l’]affiliation à une organisation syndicale, [des] convictions religieuses ou [de la] vie sexuelle ». Pire, selon une source citée par Disclose, la France « est le seul pays à avoir demandé cette exclusion totale » du règlement pour tous les aspects du maintien de l’ordre. Nous avons devant nous des menteurs professionnels (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) : ils avaient juré en 2023 devant la représentation nationale qu’ils ne voulaient pas développer la reconnaissance biométrique, mais ils ont écrit la même année au Conseil de l’UE pour permettre la mise en place d’un tel outil, en pire !
    Plus rien ne distingue le macronisme autoritaire de l’extrême droite. (M. Paul Midy s’exclame.) Puisque M. Cédric O, qui est directement concerné, n’est pas là, et puisque MM. Bayrou et Buffet n’y sont pour rien, je m’adresse à l’ancienne première ministre Borne – ça tombe bien, elle est toujours là – pour qu’elle rende des comptes à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ma question était pour vous, madame Borne !

    M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Quelle est l’ambition de la France en matière d’IA ? D’être à l’avant-garde de cette technologie d’avenir. D’une part parce que notre avenir en dépend, d’autre part parce que celui qui conçoit et forge les outils a toujours plus d’influence sur leur utilisation que celui qui les régule.
    Nous nous sommes opposés à certaines dispositions de ce règlement européen pour deux raisons. Premier motif d’opposition : elles compromettaient la capacité de la France et de l’Europe à disposer de leurs propres outils et nous condamnaient, pour les années à venir, à être tributaires des outils développés aux États-Unis et en Chine. Deuxièmement, nous ne pouvions pas accepter que les institutions européennes s’approprient les questions qui relèvent d’un champ qui est du ressort des États membres, celui de la sécurité nationale, et imposent des règles qui ne sont pas de sa compétence.

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est bien, on avance !

    M. Jean-Noël Barrot, ministre

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    C’est pourquoi nous avons réclamé de la Commission européenne et de ceux qui négociaient ce texte, comme nous le faisons systématiquement, que soient prévues des dérogations, en vertu du principe de subsidiarité.

    M. Paul Midy

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    Eh oui !

    M. Jean-Noël Barrot, ministre

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    Ce principe est sain et a aiguillé Robert Schuman – nous allons célébrer le soixante-quinzième anniversaire de sa déclaration du 9 mai 1950 qui a jeté les bases de l’UE telle que nous la connaissons. La France, il est vrai, fait office de vigie : chaque fois que la commission tente d’investir les champs de compétence propres aux États membres, elle rappelle sa position avec une certaine vigueur – vous l’avez d’ailleurs relevée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Si je comprends bien, nous avons donc, par ce règlement, interdit des usages de l’IA en raison de « risques inacceptables » – le fichage ethnique, religieux, politique, syndical – que vous êtes prêts à laisser à la main de l’État ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)

    M. Jean-Noël Barrot, ministre

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    Non !

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous êtes… (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)

    Taxation des travailleurs et des retraités

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen

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    Il faut arrêter de vouloir taxer toujours les mêmes !

    M. Fabrice Brun

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    Et surtout d’emmerder les Français !

    M. Christophe Naegelen

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    Les personnes qui travaillent ne sont pas des vaches à lait ; au contraire, elles doivent être mises en avant et valorisées.
    Les retraités ne sont pas des nantis : ils ont contribué à construire notre pays, et la retraite qu’ils touchent est le fruit d’une vie de travail.
    Les uns comme les autres contribuent, plus que largement, au financement de la solidarité nationale.

    M. Ian Boucard

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    Très bien !

    M. Christophe Naegelen

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    En revanche, nous vivons dans une administrocratie, où l’empilement des normes et un effectif pléthorique d’agences sclérosent notre pays, complexifient le quotidien des Français et coûtent très cher aux finances publiques. Monsieur le premier ministre, quand entreprendrez-vous un véritable travail de suppression des normes, de clarification et de rationalisation de toutes ces agences ? Vous engagez-vous à effectuer ce nettoyage, qui permettra non seulement de simplifier la vie des Français, mais aussi de trouver les sources d’économies nécessaires au budget de la France ?
    Par ailleurs, vous engagez-vous à ne pas taxer davantage les travailleurs en général ni les retraités, qui ont passé une large partie de leur vie à travailler ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Ian Boucard applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

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    Vous venez de faire allusion aux difficultés que peuvent rencontrer celles et ceux qui travaillent. Vous nous avez mis en garde contre de potentielles taxes et je vous répondrai tout aussi directement : le premier ministre a clairement affirmé à la télévision, hier soir, que les textes budgétaires en cours d’examen ne comporteront pas de taxe supplémentaire.
    Hier, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a commencé l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, tel que modifié par le Sénat.
    Ce texte contient effectivement une disposition, adoptée à l’initiative de certains sénateurs, qui prévoit sept heures de travail supplémentaires non rémunérées. Dès son entrée en fonction, le premier ministre a affirmé que son gouvernement écouterait les parlementaires sur ce sujet. Vous aurez à examiner, cet après-midi en commission, de nombreux amendements, déposés par tous les groupes, tendant à supprimer cette disposition. De là à dire que les membres de votre assemblée sont, à la quasi-unanimité, opposés à cette mesure, il n’y a qu’un pas, que je ne peux franchir – n’étant pas parlementaire –, mais, en tout état de cause, le gouvernement s’est engagé à respecter votre volonté.
    Par ailleurs, le travail interministériel engagé par le premier ministre à propos de chaque agence, quel que soit le domaine, doit permettre de retrouver des marges de manœuvre pour l’action plutôt que pour la seule démarche administrative. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen

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    Merci pour ce premier élément de réponse s’agissant des sept heures de travail supplémentaires non rémunérées. J’avais également en tête l’éventuelle suppression de l’abattement fiscal de 10 % accordé aux retraités ; nous serons très vigilants sur ce point.
    En ce qui concerne les agences, un travail important est à mener, et un véhicule législatif se profile pour cela, avec l’examen à venir du projet de loi de simplification de la vie économique. Nous devons, ensemble, prendre en main ce sujet avec courage, afin de mettre un terme à cette gabegie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Ian Boucard et M. Philippe Bonnecarrère applaudissent également.)

    Enseignement primaire à Wallis-et-Futuna

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mikaele Seo.

    M. Mikaele Seo

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    Le statut de Wallis-et-Futuna de 1961 dispose que l’enseignement demeure de la compétence de l’État. Or cette compétence, s’agissant de l’enseignement primaire, a été confiée depuis 1962 à la mission catholique. Cette singularité a donné lieu à plusieurs revendications, jusqu’au dernier mouvement de grève des enseignants, qui a duré deux mois en 2023. À la suite de ce mouvement, un protocole d’accord a été signé entre le ministre de l’éducation nationale, le territoire, la mission catholique et les syndicats, avec le soutien des parents d’élèves.
    Madame la ministre de l’éducation nationale, confirmez-vous que l’État honorera enfin son engagement relatif à l’intégration du personnel enseignant dans la fonction publique de l’État, plus précisément dans le corps des professeurs des écoles, à l’intégration de l’ensemble des personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux et de santé (Atoss), ainsi que de l’ensemble des surveillants des internats de Wallis-et-Futuna, dans la fonction publique de l’État, et à la poursuite de l’entretien des bâtiments de l’enseignement primaire ?
    La date butoir approche, madame la ministre. Je me tiens à votre disposition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

    Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

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    Vous avez posé une question claire et je voudrais répondre avec la même clarté : oui, les engagements pris seront tenus ; oui, les enseignants et les personnels du premier degré à Wallis-et-Futuna seront bien intégrés dans la fonction publique de l’État. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
    Vous l’avez rappelé, un long mouvement de grève, de près de deux mois et demi, a eu lieu en 2023. Un protocole, qui est selon moi essentiel, a été signé avec l’État en juillet de cette même année, et la modification du statut des enseignants et des personnels doit permettre d’assurer l’égalité territoriale et constituer un levier pour la réussite des élèves. J’y suis très attachée, comme tous les acteurs présents sur place.
    À la suite de ce protocole, une mission interministérielle a rendu ses conclusions et elle a fait des propositions réglementaires et législatives. Sur le plan législatif, deux voies sont possibles : soit, comme le préconise la mission, le gouvernement dépose un projet de loi l’habilitant à procéder par ordonnance, ce qui pourrait être la voie la plus rapide ; soit vous souhaitez déposer une proposition de loi et, dans ce cas, avec le ministre d’État, ministre des outre-mer, nous soutiendrons votre texte.
    Sans attendre, j’ai demandé aux services de préparer les décrets. Je pense qu’à Wallis-et-Futuna, tout le monde est prêt. Je voudrais en profiter pour rendre hommage au travail de l’administrateur supérieur et de la vice-rectrice. Malheureusement, le contexte politique des derniers mois a retardé la publication des textes et on sait qu’il sera difficile de les publier tous d’ici à la rentrée du 17 février. Néanmoins, nous sommes déterminés à les présenter le plus rapidement possible. Je vous propose d’en discuter dès votre retour de circonscription. Quoi qu’il en soit, l’État est déterminé à respecter les engagements pris. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    Budget des universités

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Fabrice Roussel.

    M. Fabrice Roussel

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    Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, « l’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde », écrivait Nelson Mandela. Cette position n’est pas partagée par le gouvernement, qui préfère hypothéquer l’avenir de la nation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
    La semaine dernière, vous avez déposé au Sénat un amendement comportant une coupe budgétaire de 630 millions d’euros sur les crédits de l’enseignement supérieur. Il ne s’agit plus de cessation de paiement : vous visez désormais la banqueroute. (Mêmes mouvements.)
    La France, dans son ambition de former les générations futures, a toujours placé l’université au cœur de son modèle social et républicain. Pourtant, les établissements universitaires, censés incarner les piliers de notre savoir et de notre compétitivité, se trouvent désormais dans une situation budgétaire critique qui menace leurs missions de formation, de recherche et d’innovation.
    Nous souhaitons dénoncer la baisse constante des budgets alloués aux universités alors qu’elles subissent l’absorption des surcoûts liés aux mesures salariales imposées sans compensation, la hausse des prix de l’énergie ou encore l’alourdissement des cotisations du CAS Pensions – compte d’affectation spéciale –, pour ne citer que ces exemples.
    Les conséquences de ce manque de moyens sont désastreuses : baisse des capacités d’accueil, réduction de l’offre de formation, fermeture de sites universitaires, dégradation des services proposés aux étudiants.
    « Universités fragilisées, jeunesse oubliée, recherche en péril », avez-vous entendu les présidents de nos universités ? Il serait bienvenu de reconnaître, au moins, la difficile situation budgétaire de ces dernières et les efforts qu’elles consentent pour tenter de maintenir des conditions d’études acceptables. Alors que le taux de réussite des étudiants baisse, que le nombre de doctorants ne cesse de diminuer, la politique du gouvernement affaiblit chaque jour le système d’enseignement et de recherche. Madame la ministre, allez-vous continuer à sacrifier ainsi l’avenir de nos universités et de notre jeunesse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, dont plusieurs députés se lèvent, et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)

    M. Pierre Cordier

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    C’est toujours dans la mesure avec les socialistes !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

    M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche

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    La semaine dernière, le Sénat a adopté les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur, qui, avec son caractère interministériel, regroupe huit programmes. Votre question concerne plus précisément les trois programmes relevant directement de mon ministère, qui ont trait aux universités, aux organismes de recherche, aux chercheurs et aux étudiants. Pour ces programmes, l’effort voté par le Sénat ne représente que 193 millions d’euros. Soyons clairs : nous avons préservé le budget des universités et de la recherche. (Protestations et exclamations prolongées sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)

    Mme Christine Arrighi

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    Monsieur Baptiste, franchement !

    M. Philippe Baptiste, ministre

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    S’agissant des universités, le gouvernement a décidé de débloquer 100 millions d’euros supplémentaires afin de compenser leur CAS Pensions. En 2025, le financement de l’État progressera donc de 200 millions d’euros pour les établissements de l’enseignement supérieur, universités et écoles, traduisant l’engagement du gouvernement dans un contexte budgétaire difficile.
    En ce qui concerne les organismes de recherche, les discussions budgétaires en cours n’auront pas d’incidence sur la mise en œuvre des budgets pour 2025 et donc sur la conduite des programmes de recherche déjà lancés. Un effort supplémentaire de 100 millions d’euros est demandé au Centre national de la recherche scientifique qui, compte tenu de sa trésorerie, est en mesure de le faire. (Mme Christine Arrighi s’exclame.)
    Enfin, je tiens à souligner que la progression prévue par la loi de programmation de la recherche, intégrée au projet de loi de finances pour 2025, est sanctuarisée, et que les mesures en matière de ressources humaines en faveur des personnels sont maintenues. Tel est l’effort que nous faisons pour défendre la recherche, l’université et les étudiants.

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Xavier Breton.)

    Présidence de M. Xavier Breton
    vice-président

    M. le président

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    La séance est reprise.

    2. Prorogation de la loi du 6 mars 2017 relative à l’assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété

    Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à proroger la loi n° 2017-285 du 6 mars 2017 relative à l’assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété (nos 141, 843).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.

    M. François Rebsamen, ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation

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    Permettez-moi de revenir quelques instants, comme l’avait fait la secrétaire d’État chargée de la ville lors du débat en séance publique au Sénat, en avril dernier, sur l’historique du désordre de la propriété en Corse.
    Depuis près de deux siècles, la Corse fait face à une situation foncière complexe, caractérisée par l’absence de titres de propriété, l’imprécision du cadastre et un niveau d’indivision successorale bien plus élevé que sur le reste du territoire.
    Ce problème trouve son origine dans l’arrêté Miot du 10 juin 1801. Ce siècle avait un an ! Déjà Miot perçait sous… Passons ! (Mme Christine Arrighi sourit.) Cet arrêt, en introduisant des mesures fiscales exceptionnelles, incitait les administrés à régulariser leur situation. Cependant, en supprimant les sanctions liées à l’absence de déclaration de succession, il a paradoxalement découragé les familles de régulariser leurs biens – c’est souvent le cas –, et ce, durant près de deux siècles.
    Cette situation perdure aujourd’hui. Ce sont 30 % des parcelles corses – plus de 300 000 – qui sont encore détenues par des personnes présumées décédées, puisque nées avant 1910. La situation cadastrale est par ailleurs particulièrement inexacte, puisque 6,4 % des parcelles demeurent non délimitées, contre seulement 0,4 % au niveau national.
    Les conséquences de ce désordre foncier sont multiples, pour les particuliers comme pour les pouvoirs publics. Pour les particuliers, il limite l’exercice du droit de propriété, complique les successions, les donations et l’accès au crédit. Il rend également coûteuse la sortie des indivisions. Pour les pouvoirs publics, il représente d’abord un manque à gagner d’environ 20 millions d’euros sur la taxe foncière. Il entrave également la mise en œuvre de législations déterminantes, comme en matière de sécurité des personnes et des biens, de vétusté des bâtiments ou de prévention des incendies.
    Des initiatives ont été prises, depuis trois décennies, pour remédier à cette situation et favoriser un retour au droit commun. C’est ce à quoi tendait notamment, en 2006, la création du Girtec, le groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse. Ce dispositif, soutenu activement par le Sénat, fait actuellement l’objet de réflexions visant à le pérenniser voire à le renforcer.
    La loi du 6 mars 2017 qui tend à assainir le cadastre et à réduire les désordres de propriété s’inscrit dans cette dynamique. Ses dispositions, prévues pour dix ans, facilitent l’usage des actes de propriété acquisitive et simplifient la sortie des indivisions grâce à des mesures fiscales incitatives.
    Cette loi, qui s’est révélée très efficace, a rendu possibles de premières avancées : 15 000 parcelles ont été titrées et, par rapport à 2009, près de 100 000 parcelles ne sont plus enregistrées au nom de propriétaires présumés décédés.
    En dépit de ces progrès, seulement 70 % des parcelles corses disposent, à l’heure actuelle, d’un titre foncier régulier, contre 99 % au niveau national. Ce bilan démontre que la loi répond à un besoin réel – les notaires constatent que les familles sont encouragées à résoudre des situations d’indivision du fait de l’évolution du droit civil et des incitations fiscales – mais également que des efforts restent nécessaires afin de prolonger cette dynamique menant à une régularisation durable.
    C’est pourquoi le gouvernement soutient la proposition du sénateur Jean-Jacques Panunzi de prolonger les mesures de la loi du 6 mars 2017 jusqu’en 2037. Ce prolongement permettra de consolider les acquis et de continuer à réduire les désordres fonciers qui, au-delà de leurs implications administratives, alimentent – n’en doutons pas – la spéculation immobilière en Corse.
    Il est de notre responsabilité collective de maintenir une politique ambitieuse en faveur de la Corse : la clarification durable de l’ordre cadastral le permettra.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Xavier Albertini, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Xavier Albertini, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Historiquement, la Corse connaît une situation qualifiée de désordre foncier du fait de l’existence de nombreux biens immobiliers à la situation juridique incertaine. Ce désordre résulte de l’arrêté dit Miot du 10 juin 1801 qui prévoyait, pour la Corse, que le montant des droits de succession soit calculé au forfait et non pas sur la base de la valeur des biens. Ce texte supprimait les pénalités pour défaut de déclaration d’héritage, répondant en cela à la prédominance coutumière des indivisions et des successions orales.
    Cette législation d’exception a favorisé, en Corse, un très faible taux de déclaration des successions et, en conséquence, des successions non réglées sur plusieurs générations. Presque un tiers des parcelles du territoire corse sont aujourd’hui enregistrées comme appartenant à une personne née avant 1910 et donc présumée décédée.
    Les terrains se retrouvent alors souvent partagés en indivision de fait, impliquant parfois plusieurs dizaines d’héritiers potentiels qui sont empêchés d’exercer leur droit sur les biens concernés. En parallèle, 16 % de la surface de l’île correspond à des biens non délimités, c’est-à-dire à des biens dont les limites extérieures sont cadastrées mais dont les limites intérieures – les limites entre les parcelles des différents propriétaires –, ne sont pas bornées. Cela fait également obstacle à un usage normal des droits de propriété.
    Cette situation propre à la Corse pose des problèmes juridiques, économiques, fiscaux, environnementaux, sans oublier les questions d’urbanisme.
    Ainsi, elle empêche l’exploitation économique d’un bien, l’accès au crédit, la constitution d’une hypothèque. Elle entrave l’établissement et le recouvrement de recettes fiscales nationales, comme les droits sur les successions, et locales, comme la taxe foncière. En 2018, la perte de recettes fiscales liées au niveau moindre de déclaration des successions par rapport à la moyenne nationale était estimée par l’Inspection générale des finances (IGF) à 50 millions d’euros par an.
    Cette situation fait aussi obstacle à la mise en œuvre d’obligations légales – je pense au débroussaillement en prévention des incendies ou à la police des habitats insalubres.
    Confrontés à ce désordre foncier, les notaires corses ont recouru à un outil né de la pratique pour reconstituer des titres de propriété : l’acte de notoriété acquisitive constitue un mode de preuve de la propriété. En l’espèce, il s’agit d’établir les faits qui peuvent corroborer une prescription acquisitive – dite aussi usucapion –, c’est-à-dire la possession paisible, continue, publique et non équivoque d’un bien immeuble pendant une durée de trente ans.
    Le législateur a soutenu l’initiative des notaires, l’article 1er de la loi du 6 mars 2017 prévoyant pour la Corse un régime d’usucapion renforcée – l’acte notarié ne peut être contesté que durant une période de cinq ans.
    La même loi comporte quatre mesures juridiques et fiscales principales visant à soutenir la reconstitution de titres de propriété en Corse : l’assouplissement des règles de gestion des indivisions ; l’incitation aux donations entre vifs au moyen d’une exonération de 50 % des biens pour la première mutation postérieure à la reconstitution d’un titre de propriété ; l’encouragement au règlement des successions par une exonération de 50 % des droits de successions ; la facilitation de la sortie des indivisions par l’exonération du droit de partage dû lors du partage ou de la licitation d’un bien indivis.
    Si ces mesures, saluées par tous, composent un cadre favorable à l’assainissement du cadastre, elles ne permettent pas de ramener la Corse dans le droit commun. L’État, la collectivité de Corse, les associations de maires et le conseil régional des notaires de Corse ont donc créé le groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse, le Girtec.
    Opérationnel depuis 2012, il procède à l’ensemble des recherches nécessaires à l’établissement des titres de propriété. Il est saisi par les notaires, eux-mêmes sollicités par les particuliers.
    Il s’est doté de bases de données et de méthodes qui ont inspiré des organes étrangers confrontés à des problématiques similaires, comme le bureau des affaires générales de la ville de Tokyo.
    Depuis sa création, le Girtec a contribué à l’établissement de 74 % des actes au profit des particuliers et 1 868 titres de propriété résultant d’actes de notoriété acquisitive ont été publiés sur le site de la préfecture, un titre correspondant en moyenne à sept parcelles.
    Cependant, le cadre dérogatoire prévu par la loi de 2017 n’est applicable que jusqu’en 2027, date à laquelle il est certain que la tâche ne sera pas achevée.
    Afin de garantir la poursuite du titrement en Corse, il importe de proroger ces dispositions et de maintenir la synergie avec le Girtec, comme on nous l’a rappelé en audition.
    Lors des travaux en commission des lois, dans une ambiance de travail agréable et respectueuse, j’ai pris la suite de Laurent Marcangeli, et nos collègues ont soulevé deux questions.
    Tout d’abord, celle de l’évaluation des exonérations : la principale exonération, relative aux droits de succession, est chiffrée à 20 millions d’euros par an dans les documents budgétaires. Le nombre de bénéficiaires n’étant pas connu, il serait intéressant de pouvoir mesurer l’avantage fiscal individuel consenti par l’État. L’IGF évalue le manque à gagner fiscal à au moins 50 millions d’euros par an, montant auquel il faut ajouter les pertes d’autres recettes, ainsi que tous les coûts environnementaux et économiques engendrés.
    L’administration n’est pas en mesure de chiffrer le coût de l’exonération de 50 % sur la donation qui suit un titrement. Elle concerne probablement moins de situations et devrait donc être moins coûteuse que le dispositif principal. Il serait toutefois utile que le gouvernement fournisse quelques ordres de grandeurs complémentaires en la matière.
    La deuxième question débattue en commission, qui n’est pas sans lien avec la première, concerne l’évaluation de l’efficacité de ces exonérations.
    Nous disposons à ce stade de deux éléments. Le premier, c’est la création de titres par les notaires, en progression depuis 2018. Il est certes difficile de distinguer l’effet propre des exonérations, l’action des notaires et le travail du Girtec, mais la loi de 2017, dans ses aspects tant civils que fiscaux, crée un environnement favorable et incitatif.
    Le deuxième élément, c’est l’évolution des droits de succession perçus en Corse. Par la volonté du législateur, la stabilité sur plusieurs années d’une fiscalité dérogatoire, et incitative, a permis une hausse de la perception des droits de succession.
    La direction générale des finances publiques (DGFIP) nous a indiqué que les rentrées fiscales atteignaient 59 millions d’euros en 2023, contre 6 millions d’euros en 2013, 30 millions en 2019 et 43 millions en 2022.
    Cette hausse de 35 % entre 2022 et 2023 témoigne bien d’une dynamique fiscale propre à la Corse car, sur la même période, la hausse n’était que de 11,4 % au niveau national. Au mois de septembre 2024, alors que l’exercice n’était pas clos, les montants perçus atteignaient déjà 44 millions d’euros, ce qui n’est pas négligeable.
    Ainsi, les craintes exprimées en commission par certains de nos collègues, appartenant en particulier aux groupes GDR ou LFI-NFP, ne sont pas fondées. Nous aurons l’occasion d’en débattre plus longuement lors de l’examen des amendements.
    Enfin, François-Xavier Ceccoli et Paul-André Colombani l’ont déjà rappelé en commission, le cas des biens de grande valeur a souvent déjà été réglé, les parcelles restant à titrer étant principalement situées dans des zones plus pauvres et les indivisions plus complexes à régler.
    En effet, la valeur des biens à transmettre est souvent largement inférieure au coût de la succession, et l’interruption des exonérations casserait la dynamique que chacun peut constater. Le Girtec et le conseil régional des notaires l’ont confirmé en audition – reconnaissez qu’ils sont les mieux placés pour juger de la situation.
    Cette dynamique, positive, est fragile. Nous devons la préserver, dans l’intérêt de la Corse. Je vous propose donc d’adopter la présente proposition de loi qui proroge les dispositions de la loi de 2017 pour dix années supplémentaires, jusqu’en 2037.

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.

    Mme Sophie Ricourt Vaginay

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    La proposition de loi visant à proroger les dispositions de résorption du désordre foncier en Corse s’inscrit dans une continuité historique et juridique, tout en étant profondément ancrée dans les réalités spécifiques de ce territoire.
    La Corse, par son identité, son histoire et ses particularités géographiques, mérite que nous considérions ces enjeux avec toute l’attention qu’ils exigent.
    C’est en 1807 que Napoléon Bonaparte, lui-même d’origine corse, institua le cadastre, outil révolutionnaire pour son époque, visant à délimiter et à enregistrer la propriété foncière. Il affirmait alors : « Une bonne administration commence par une bonne répartition de la propriété. »
    Pourtant, plus de deux siècles plus tard, cette ambition n’est que partiellement réalisée sur l’île. En Corse, le désordre foncier persistant se manifeste par des propriétaires mal identifiés, des biens non délimités et une faible application des règles de droit civil, notamment en matière de successions et de donations.
    Ce problème a de lourdes conséquences : il freine la valorisation du patrimoine privé et économique, entrave le développement local et prive les collectivités de près de 50 millions d’euros de fiscalité chaque année.
    Cependant, il serait injuste de traiter ce sujet comme une simple question administrative et fiscale. La Corse, avec ses particularités géographiques, la transmission familiale de ses terres et un attachement culturel unique à son patrimoine, nécessite une approche adaptée, qui respecte cette singularité.
    Dans ce cadre, il faut envisager les mesures spécifiques – comme les exonérations fiscales temporaires : bien que dérogatoires, elles constituent une incitation forte à régulariser les situations cadastrales et servent de levier pour résoudre un désordre hérité de siècles de pratiques complexes et souvent inadaptées aux réalités insulaires.
    Nous devons toutefois aller plus loin. Si ces exonérations sont nécessaires, elles ne suffisent pas à résoudre le problème structurel.
    Le Girtec, l’organisme public chargé de la gestion et de la modernisation du cadastre corse, joue un rôle essentiel. Il faut cependant renforcer ses moyens, largement insuffisants. Le recrutement de géomètres et experts fonciers qualifiés, travaillant sous la supervision du Girtec, permettrait d’accélérer les régularisations et de garantir des résultats concrets.
    La spécificité de la Corse justifie d’adopter une vision large car il s’agit de rétablir une justice foncière et fiscale adaptée à ce territoire singulier.
    La valorisation des terres corses ne peut se faire sans respecter leur caractère patrimonial, culturel et économique unique. C’est aussi l’opportunité de reconnaître la richesse que représente ce patrimoine pour les générations futures et pour le développement local, en permettant aux Corses de tirer pleinement parti de leurs terres.
    En prorogeant les dispositions de la loi de 2017, ce texte offre une chance de répondre aux besoins spécifiques de la Corse, même s’il est insuffisant pour résorber rapidement les désordres.
    Nous devons soutenir des mesures qui respectent les particularités insulaires, tout en garantissant une modernisation du cadre foncier. C’est une responsabilité collective et un devoir envers ce territoire qui incarne une part essentielle de l’identité de la République.
    Le groupe UDR votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR, DR et HOR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Béatrice Roullaud.

    Mme Béatrice Roullaud

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    Les députés doivent se prononcer sur un texte qui prévoit la prorogation pour une nouvelle période de dix ans de la loi du 6 mars 2017 relative à l’assainissement cadastral en Corse et à la résorption du désordre de la propriété.
    Avons-nous intérêt à voter ce texte ? Pour répondre utilement à cette question, il faut d’abord rappeler la situation immobilière particulière de l’île de Beauté.
    Sur plus de 1 million de parcelles que compte l’île, 30 % sont présumées appartenir à des personnes nées avant 1910 – et donc décédées – et 15 % ne sont pas délimitées. Cela représente plus de 300 000 parcelles dont il est impossible de déterminer avec certitude le propriétaire.
    Cet imbroglio juridique trouve sa source dans un arrêté de 1801, dit Miot, qui supprima en Corse les pénalités de retard en l’absence de dépôt de déclaration de succession dans les six mois du décès du propriétaire des biens.
    Ainsi, de génération en génération, il est devenu impossible de savoir qui est propriétaire de telle ou telle parcelle. Cette situation inextricable est source de bien des désordres, à tous les niveaux : les particuliers, tout d’abord, ne peuvent plus acheter ces parcelles dites non titrées en toute sécurité ; l’État et les collectivités, ensuite, ne peuvent ni percevoir les taxes locales afférentes ni faire appliquer les règles environnementales ou de police générale.
    Comment enjoindre au propriétaire d’une maison de débroussailler et de lutter contre l’incendie, ou de faire des travaux si l’immeuble s’écroule, si on ne connaît pas ce propriétaire ?
    Le législateur a pris conscience qu’il fallait agir pour assainir le cadastre. En 2006, il a créé un groupement d’intérêt public, le Girtec, afin d’aider à la reconstitution des origines des propriétés.
    Le Girtec a contribué à rétablir plus de 3 264 titres de propriété, soit en moyenne presque deux par jour. Mais cela ne suffisant pas, le législateur est intervenu en 2017 pour prévoir des dérogations civiles et fiscales incitatives afin d’accélérer le processus de titrement.
    Le premier article de la loi de 2017 comporte une innovation de taille. La notoriété acquisitive va beaucoup plus loin que la prescription acquisitive, déjà connue : le notaire établit l’acte, qui ne sert plus uniquement en défense mais devient un outil de preuve de la possession trentenaire, et cet acte ne peut être contesté par autrui que pendant cinq ans. Il s’agit donc d’une grande avancée pour l’établissement des titres.
    L’article 2 de la même loi modifie les règles relatives à l’indivision en abaissant la majorité requise pour les prises de décision.
    Les articles 3, 4 et 5 prévoient plusieurs avantages fiscaux qui ont vocation à inciter les Corses à reconstituer leur titre de propriété : exonération de 50 % des droits de mutation à titre gratuit lors de la première mutation postérieure à la reconstitution du titre de propriété ; exonération des droits de succession à concurrence de moitié des biens situés en Corse, qu’ils soient titrés ou non ; suppression du droit de partage de 2,5 % sur le montant de l’actif net partagé.
    Ces avantages fiscaux, estimés en 2024 à la coquette somme de 20 millions d’euros pour la seule exonération des droits de succession, appellent deux réserves. La première est le montant des sommes qui échappent ainsi à l’État. La seconde est la distorsion entre le régime fiscal des personnes habitant l’Hexagone et celui des Corses.
    Cependant, le Conseil constitutionnel juge de façon constante que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que des situations différentes soient traitées différemment. Or tel est le cas en l’espèce. Enfin, si l’exonération partielle des droits de succession des biens immobiliers non titrés s’explique moins que les autres mesures, nous pensons qu’il est tout de même indispensable de voter en faveur de la prorogation de la loi du 6 mars 2017, car l’arrêt du dispositif provoquerait des désordres bien plus ruineux que les exonérations.
    Ce serait mettre un coup d’arrêt au Girtec, à tout le travail accompli jusque-là et à l’effort des Corses. Il serait désastreux de mettre fin à un processus qui, bien qu’il soit sans doute trop lent, fonctionne, puisque 1 868 titres ont été créés et 15 000 parcelles titrées. S’arrêter au milieu du gué serait inefficient et générateur de troubles administratifs, juridiques et environnementaux. Il faut donc être pragmatique et renouveler telle quelle la loi de 2017.
    C’est la raison pour laquelle le Rassemblement national votera en faveur de ce texte sans proposer d’amendement modificatif qui aurait pour effet, de notre point de vue, de freiner le processus. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et HOR, et sur quelques bancs du groupe UDR. – M. François-Xavier Ceccoli applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Vincent Caure.

    M. Vincent Caure

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    La Corse, comme d’autres territoires de notre République, comme l’Ardèche, la Lozère ou comme d’autres territoires ultramarins, subit de longue date un désordre foncier et une irrégularité cadastrale hautement préjudiciables à son développement. Depuis plus de deux siècles, en raison de la situation dérogatoire héritée de l’arrêté Miot de 1801, l’absence de titre de propriété, l’inexactitude du cadastre et la pérennisation de nombreuses situations d’indivision successorale maintiennent nos concitoyens dans une forme d’insécurité juridique et provoquent des effets économiques néfastes pour eux, pour la collectivité et pour l’État.
    Ainsi, l’absence de titre de propriété limite les possibilités pour nos concitoyens de recourir à un emprunt. Par ailleurs, la détention de biens par de multiples héritiers dilue les responsabilités, rend plus difficile l’entretien desdits biens et alimente les contentieux au sein des familles. Enfin, les personnes publiques ne peuvent recouvrer l’impôt de manière satisfaisante, à commencer par la taxe foncière. Autre exemple, l’impossible exploitation des lieux concernés réduit les recettes fiscales perçues par les collectivités publiques. En 2018, on estimait ainsi à 50 millions d’euros par an la perte de recettes fiscales liée au niveau de déclaration des successions, inférieur à la moyenne nationale.
    Cette situation héritée de plus de deux cents ans d’histoire insulaire pose donc de nombreux problèmes juridiques, fiscaux et environnementaux. Ce régime dérogatoire a pris fin en 2009, laissant place à un régime transitoire. Pour accélérer la résolution du désordre foncier corse, la loi du 6 mars 2017 relative à l’assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété prévoyait d’accélérer les opérations de titrement dans l’île et d’inciter à la résolution des successions. Il était prévu que les dispositions de ce texte s’appliquent durant dix ans, délai qui expirera en l’état actuel du droit, le 31 décembre 2027.
    La loi de 2017 a produit des effets positifs. En effet, un quart des parcelles qui étaient considérées en 2009 comme appartenant à un propriétaire décédé, soit près de 100 000 parcelles, ne le sont plus.
    Malgré ces avancées, le groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse estimait encore, en 2023, à plus de 78 800 le nombre de propriétaires nés avant 1910 et donc présumés décédés, ce qui représente environ 30 % des parcelles dénombrées dans l’île. Les objectifs de la loi de 2017 n’ont donc pas complètement été atteints. C’est la raison pour laquelle il nous semble important de la proroger et de voter pour ce texte, qui s’inscrit dans la continuité d’un travail de longue date mené par le législateur pour enfin résorber le désordre foncier corse. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR. – M. François-Xavier Ceccoli applaudit également.)

    M. Florent Boudié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à M. François Piquemal.

    M. François Piquemal

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    La question de l’assainissement cadastral en Corse est importante, notamment en ce qui concerne la récupération des titres de propriété. La loi de 2017 a permis quelques avancées en facilitant la reconstitution des titres, répondant ainsi à une problématique historique spécifique à la Corse depuis l’arrêté Miot de 1801 qui prévoyait une dérogation aux mesures fiscales et à l’abrogation des sanctions encourues en cas d’absence de déclaration de succession. Ainsi, en 2016, 35 % des parcelles étaient toujours détenues par des personnes physiques nées avant 1910. La loi de 2017 a donc instauré pour dix ans la légalisation des actes notariés de notoriété acquisitive en Corse ainsi que des exonérations fiscales pour inciter à la régularisation.
    La proposition de loi que nous examinons soulève néanmoins plusieurs questions. Les dérogations administratives telles que la simplification des actes notariés simplifiés peuvent faciliter la récupération des titres de propriété. L’exemple des actes notariés de notoriété acquisitive reste un moyen pragmatique de résoudre des problèmes de titrement en Corse et de stabiliser le foncier, sachant qu’une grande partie des parcelles est encore en indivision ou mal délimitée. En revanche, la prorogation pour dix années supplémentaires des exonérations fiscales liées aux successions de biens corses nous semble injustifiée.
    Ces exonérations déconnectées de l’objectif d’assainissement cadastral risquent de devenir permanentes et de s’inscrire dans le droit commun sans évaluation claire de leur efficacité, comme l’a rappelé la direction générale des finances publiques. Le rapport du Sénat sur cette proposition de loi indiquait déjà que ces exonérations coûtaient 20 millions d’euros sans que leur impact sur la régularisation des titres fonciers soit prouvé. Dans un contexte budgétaire tendu, il semble difficile de prolonger de telles mesures. Cela reviendrait surtout à créer une inégalité entre les territoires.
    Le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire rejette donc les exonérations fiscales proposées, mais n’est pas en désaccord avec les mesures administratives qui facilitent la régularisation des titres de propriété. C’est pourquoi nous appelons à amender le texte. Nous voterons les amendements du groupe GDR ; nous voterons pour la proposition de loi s’ils sont adoptés et nous abstiendrons s’ils ne le sont pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Bien dit ! Il a raison !

    M. le président

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    La parole est à M. Hervé Saulignac.

    M. Hervé Saulignac

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    Élu d’un département rural – l’Ardèche, qui a été citée –, je connais, comme beaucoup d’entre vous, les difficultés que peut rencontrer une commune lorsque le titrement de certaines parcelles n’est pas en ordre. En la matière, le cas de la Corse est tout à fait particulier. Il nous rappelle que le cadastre n’est pas un simple outil notarié : c’est la condition du développement économique d’un État moderne et la garantie de l’exercice du droit de propriété de tous ses citoyens. On mesure pleinement son caractère indispensable quand un territoire en est privé, ce qui est, en partie, le cas de la Corse depuis plus de deux siècles.
    Cette situation est le fruit d’un cadeau qui s’est révélé empoisonné : le fameux régime de taxation foncière spécifique accordé à l’île en 1801, accueilli en son temps avec bonheur par des habitants qui ne pouvaient pas se douter des conséquences fâcheuses qu’il aurait pour leurs descendants. Après deux siècles où se sont succédé un régime de droit de succession forfaitaire et une exonération totale de ces droits, c’est, plus qu’un désordre foncier, une cécité d’État qui s’est installée, avec tous les inconvénients rappelés par le rapporteur.
    Je ne reviendrai pas sur ces inconvénients, qui sont de nature fiscale – le manque à gagner pour l’État a été estimé en 2018 à au moins 50 millions d’euros – et de nature économique – les indivisions ancestrales paralysent le marché immobilier et entraînent parfois la détérioration des terres et des bâtis.
    La Corse et ses habitants payent le prix fort de cette ristourne ancestrale. Le désordre qu’elle a causé n’a que trop duré, et le groupe socialiste n’a jamais rechigné à ouvrir ce dossier technique et sensible.
    Ainsi, c’est d’abord la commission Badinter sur l’indivision en région Corse, formée en 1983, qui a prescrit aux notaires locaux de recourir à l’acte de notoriété acquisitive, à la publicité élargie et à l’homologation judiciaire, autant de solutions toujours très utiles aujourd’hui. En 2013, le gouvernement a permis d’évoluer vers une normalisation du régime corse en remplaçant l’exonération totale par une exonération à hauteur de 50 % de la valeur vénale du bien et en ramenant le délai de déclaration de deux ans à six mois.
    Pour progresser sur ce long chemin de l’assainissement cadastral, il est nécessaire de se donner du temps et de maintenir des incitations suffisamment fortes ; c’est pourquoi le groupe de travail transpartisan initié par Bernard Cazeneuve en son temps a fait naître un régime transitoire sur lequel nous pouvons compter jusqu’en 2027, qui offre un cadre simplifié et incitatif au titrement des parcelles.
    Si la méthode a porté ses fruits, chacun reconnaît que le processus ne pourra être achevé à l’horizon 2027, puisque pas moins de 300 000 parcelles restent toujours à attribuer. Toutefois, il nous semble nécessaire de souligner les limites de ces dispositions : d’abord, il est de coutume de prolonger les dépenses fiscales de trois ans et non de dix ans ; ensuite, une étude d’impact sérieuse nous manque pour apprécier l’efficacité précise de chaque mesure ; enfin, les prolongations successives des mécanismes d’incitation fiscale finissent par priver ces derniers de leur attractivité.
    Le cas de la Corse est assez riche d’enseignements pour le législateur. Il nous instruit sur les effets pervers que peuvent avoir des exonérations d’abord bienvenues, sur l’importance de l’impôt comme socle de notre vie sociale et sur la nécessité d’assurer l’égalité entre les citoyens aussi bien devant l’impôt que devant l’exercice des droits individuels. Tâchons de poursuivre le travail pour la Corse et d’en tirer les enseignements pour tout le pays. Vous l’aurez compris, le groupe Socialistes et apparentés soutiendra la prolongation des dispositifs jusqu’en 2037 et votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Michel Castellani applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. François-Xavier Ceccoli.

    M. François-Xavier Ceccoli

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    J’ai l’honneur de m’exprimer au nom du groupe de la Droite républicaine, qui soutient cette proposition de loi visant à proroger la loi du 6 mars 2017 relative à l’assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété en Corse. Vous me permettrez de m’exprimer également en tant que député de la Corse.
    Je rends hommage au travail de Xavier Albertini, qui a remplacé au pied levé M. Marcangeli, et je salue l’arrivée parmi nous de mon collègue Xavier Lacombe, qui prendra également la parole.
    La propriété foncière dans notre territoire connaît une situation juridiquement problématique, caractérisée par l’absence de titre de propriété pour une partie substantielle des parcelles. Cette situation est l’héritage d’une histoire singulière. Je me réjouis que l’approfondissement du sujet par la représentation nationale ait permis une approche raisonnée de la question, s’éloignant des clichés trop souvent repris.
    Vous devez savoir que l’examen de ce texte, d’abord au Sénat et désormais dans notre hémicycle, revêt une importance toute particulière pour les Corses, tant la poursuite des efforts de clarification cadastrale, spécialement dans les zones rurales ou enclavées, permet, au-delà de tout investissement, une valorisation de nos terres, trop souvent abandonnées. Comme l’a dit M. le rapporteur, les parcelles ayant une valeur financière importante ont, elles, déjà été transmises ; ce sont donc les parcelles de l’intérieur de la Corse, appartenant aux gens les moins fortunés, dont la situation demeure obscure.
    Le désordre de la propriété qui sévit en Corse affecte également le développement de notre île, des points de vue économique mais également social et sociétal. Chaque Corse connaît une famille déchirée par une histoire de terrain non attribué n’ayant suscité l’intérêt des parties que lorsqu’une d’entre elles s’est manifestée. Ce n’est pas un cliché. Combien de maisons sont abandonnées parce que les copropriétaires n’arrivent pas à se mettre d’accord !
    Le maire que j’ai été pendant plus de quinze ans peut vous le dire : exercer normalement le droit de préemption ou encore tenter la médiation entre des propriétaires dont les responsabilités sont diluées, pour ne citer que ces deux exemples, relève souvent d’un véritable parcours du combattant.
    L’exercice des compétences des collectivités locales ne peut se faire en bonne et due forme. Tant que cette situation perdure, nous ne pouvons imaginer une émancipation sereine, alors que nous sommes à l’aube d’un statut institutionnel nouveau.
    Pourtant, les élus locaux ont besoin d’agir pour remédier aux périls qui menacent nombre de demeures et à l’impossibilité de transmettre certains terrains aux agriculteurs à cause de l’indivision. Les terrains en jachère sont aussi des cicatrices visibles des ravages de l’indivision, alors que nous devons créer les logements dont le besoin s’accroît sans cesse.
    Cette situation affecte aussi – en premier lieu, dirais-je – un grand nombre de nos compatriotes insulaires les plus modestes. N’oublions jamais qu’il s’agit de la région métropolitaine la plus pauvre. Ainsi, il arrive que des propriétaires n’aient pas les moyens suffisants pour remédier à l’indivision dont ils sont les victimes, les indivisaires pouvant se compter par dizaines, voire par centaines. Je vous laisse imaginer le travail titanesque qu’il est nécessaire d’engager pour remédier à ce genre de difficultés, le temps que cela exige et les fonds qu’il est indispensable de réunir pour tendre vers une régularisation, en sachant que, souvent, la valeur de ce travail est supérieure à la valeur vénale du bien.
    Fort heureusement, le législateur a doté notre île d’un outil pour lutter contre ce phénomène en créant le Girtec. Je tiens à saluer le travail remarquable de cette structure qui a permis de réduire le nombre de dossiers de manière significative. Toutefois, il faudra accélérer la reconstitution des titres car, comme cela a été dit en commission, conserver le rythme actuel conduirait à poursuivre ce travail pendant environ soixante-dix ans, ce que personne ne veut.
    Un vote positif sur la proposition de loi contribuera incontestablement à effectuer des avancées significatives. Cela se justifie d’autant plus que ce travail de reconstitution de titres a entraîné un accroissement significatif des droits de succession prélevés sur l’île, dont le montant a été multiplié par six entre 2017 et 2021 – c’est donc une stratégie gagnant-gagnant. Chacun doit le savoir et, à la lumière des difficultés budgétaires qui sont les nôtres, l’apprécier.
    Avant de conclure mon propos, je tiens à remercier le sénateur Jean-Jacques Panunzi, présent dans les tribunes, qui est à l’origine de cette proposition de loi, pour le travail qu’il a accompli sur ce sujet majeur pour la Corse à la suite de Camille de Rocca Serra, qui nous a précédés dans cet hémicycle (Applaudissements sur les bancs du groupe DR), l’auteur de la loi initiale – un texte qui relève du bon sens et a fait la preuve de sa pertinence.
    Je vous demanderai donc, mes chers collègues, de voter la prorogation du dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Christine Arrighi.

    Mme Christine Arrighi

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    Je ne reviendrai pas sur l’histoire de cette proposition de loi qui s’inscrit dans la continuité d’un travail législatif engagé depuis près de trois décennies pour accompagner la procédure de régularisation foncière en Corse. Notre groupe adhère pleinement à l’objectif de réduction du désordre cadastral en Corse. L’ampleur de ce désordre est attestée par des chiffres frappants : comme cela a déjà été dit, environ 300 000 parcelles restent non attribuées. Le problème dépasse les enjeux administratifs et fiscaux pour revêtir une dimension politique et patrimoniale intimement liée à l’histoire complexe de l’île. L’instauration d’un régime fiscal dérogatoire en 1801, avec des exonérations totales de droits de succession et la prédominance des successions orales, a durablement affecté la structuration foncière en Corse, laissant un héritage juridique et cadastral lourd de conséquences. Il en découle une situation profondément préoccupante à de multiples égards.
    Sur les plans social et patrimonial, le désordre cadastral porte atteinte aux droits des usufruitiers et limite leur capacité à jouir de leurs biens et à transmettre leur patrimoine. En outre, il contribue à la dégradation des terres et des bâtis, pénalisant ainsi l’aménagement du territoire et provoquant une désertification des villages.
    Sur le plan fiscal, la collectivité de Corse, comme nous l’avons souligné lors de l’examen en commission, se trouve privée de recettes essentielles, telles que la taxe foncière ou les droits de succession sur les biens non déclarés.
    Sur le plan économique, l’absence de titres clairs réduit la disponibilité de biens immobiliers sur le marché, entraînant une raréfaction de l’offre et une augmentation des prix. Cette situation empêche de nombreux Corses, en particulier des primo-accédants qui souhaitent vivre et demeurer dans l’île, d’acquérir un logement, tout en favorisant une spéculation foncière problématique, notamment sur le littoral.
    Enfin, sur le plan environnemental, le désordre cadastral freine l’application des politiques de prévention des incendies, du fait de l’incapacité des autorités à localiser ou à mobiliser des propriétaires pour débroussailler les parcelles à risque.
    Bien que la démarche dont participe cette proposition de loi soit nécessaire, cette dernière est perfectible. La loi de 2017, qui a introduit des mesures dérogatoires et fiscales pour accélérer le titrement en Corse, a entraîné des progrès. Depuis son adoption, environ 15 000 parcelles ont été régularisées et le montant des droits de succession collectés a progressé entre 2013 et 2022.
    Cependant, même si ces mesures sont efficaces, elles ne suffisent pas à régler entièrement la situation, et l’échéance de 2027 paraît irréaliste. Le rythme actuel de régularisation, combiné à la complexité des indivisions, nécessiterait encore plusieurs décennies pour aboutir à un cadastre assaini. Le groupe Écologiste et social salue le travail remarquable effectué par le groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse afin de reconstituer les titres de propriété. Ses moyens doivent être renforcés.
    Les réalités de la situation corse nous poussent à soutenir cette proposition de prorogation, qui est conçue comme une réponse exceptionnelle à une problématique singulière et enracinée.
    Toutefois, j’exprimerai deux réserves qui ont déjà été exposées lors de l’examen du texte par la commission des lois. La première porte sur la constitutionnalité des mesures fiscales. La seconde concerne l’évaluation de leur efficacité. Nous pensons qu’il est impératif d’instaurer un mécanisme rigoureux d’évaluation des dispositifs introduits en 2017. Il faut mener une analyse précise de l’impact des exonérations fiscales sur le titrement et les recettes de la collectivité afin de garantir leur pertinence à moyen et long terme, et évaluer la capacité du Girtec à répondre à toutes les sollicitations.
    La régularisation foncière en Corse n’est pas seulement une question locale : elle soulève des enjeux d’intérêt général et de cohésion républicaine. Cette situation touche à des principes fondamentaux de la République, tels que le droit de propriété, la sécurité juridique et évidemment l’égalité devant l’impôt. En soutenant cette proposition de loi, malgré les réserves précédemment évoquées, nous affirmons notre volonté d’accompagner la Corse dans une transition nécessaire, tout en appelant à élaborer une réforme plus globale de la gestion foncière dans l’île. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR. – M. Paul Christophe applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Martineau.

    M. Éric Martineau

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    La proposition de loi que nous examinons vise à résorber les désordres de propriété liés à l’absence de titres de propriété opposables et à l’existence de biens non délimités en Corse. Cette situation est problématique pour plusieurs raisons. D’abord, les usufruitiers se trouvent privés du plein exercice de leur droit de propriété. Par conséquent, ils ne peuvent pas recourir facilement aux règlements successoraux, aux crédits et aux donations. Ce désordre foncier entraîne également une perte de recettes fiscales pour l’État ; le manque à gagner s’élèverait à 20 millions d’euros.
    Au-delà des implications juridiques et administratives, le désordre de propriété en Corse revêt une dimension politique importante car il entraîne une raréfaction des biens immobiliers, qui contribue à la hausse des prix. Enfin, cette situation pourrait s’avérer dangereuse pour la sécurité des personnes et des biens. Ces désordres de propriété limitent la capacité des collectivités à entretenir leur territoire et les freinent dans l’application de la législation relative aux immeubles menaçant ruine ou à la prévention des incendies.
    Nous tenons donc à saluer l’initiative des parlementaires qui ont proposé dès 2017 de remédier à ce problème en instaurant des mesures dérogatoires aux règles successorales et d’indivision, ainsi que des exonérations fiscales pour inciter à la reconstitution des titres de propriété. Ce dispositif a effectivement permis de faire progresser le titrement des parcelles. Les dérogations au droit commun et les exonérations fiscales ont créé une dynamique incitant les particuliers à résoudre les problèmes d’indivision qui courent depuis plusieurs générations. Depuis 2017, environ 15 000 parcelles ont été régularisées et aucune difficulté contentieuse n’a été identifiée. Toutefois, près de 300 000 parcelles sont encore non délimitées ou appartiennent à des personnes présumées décédées. Les dispositifs dérogatoires fixés par la loi actuelle arriveront à échéance en 2027 ; toutefois, il est peu probable que le travail de reconstitution des titres sera achevé en deux ans. La proposition de loi vise donc à proroger les mesures dérogatoires aux règles successorales et d’indivision ainsi que les trois exonérations fiscales jusqu’en 2037, pour continuer d’inciter à la reconstitution des titres de propriété.
    Le groupe Les Démocrates tient à saluer l’initiative du groupe Horizons & indépendants d’inscrire ce texte à l’ordre du jour. Convaincus de la nécessité de poursuivre ce mouvement de titrement, nous voterons en faveur de cette proposition de loi.

    M. le président

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    La parole est à M. Xavier Lacombe.

    M. Xavier Lacombe

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    Je tiens tout d’abord à saluer le travail accompli par Xavier Albertini dans un délai si contraint. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, la proposition de loi répond à un besoin, celui de résorber un désordre foncier particulièrement marqué et problématique en Corse, mais également présent à un degré moindre dans certains territoires ruraux métropolitains et dans les collectivités d’outre-mer.
    Je souhaite rappeler quelques chiffres et souligner certaines difficultés : 15,7 % de la surface cadastrée de l’île est constituée de biens non délimités et 30 % des parcelles appartiennent à des personnes présumées décédées, de sorte que des familles entières restent dans l’indivision. Cette situation a des conséquences sur le logement, l’économie et l’aménagement du territoire. En tant que maire d’une commune de l’île, je peux en témoigner : ce désordre empêche l’installation durable d’exploitations agricoles et pénalise la collectivité, qui se trouve dans l’impossibilité d’acquérir des terrains pour mener à bien des projets communaux.
    Devant cette situation, le texte adopté dès 2017 a prouvé son efficacité, accompagnant un mouvement de titrement massif et inédit entamé il y a quelque quinze ans. Les chiffres le montrent : près d’un quart des parcelles non titrées en 2009 sont dorénavant dotées d’un titre de propriété. En matière fiscale, le montant des droits de succession collectés a été multiplié par six en moins de dix ans, atteignant 43 millions d’euros en 2022. Pourtant, ce mouvement n’en est encore qu’à son début, car 300 000 parcelles sont encore dans l’indivision. Il convient donc de déployer tous les outils permettant d’accélérer ce mouvement de régularisation indispensable, en commençant par adopter cette proposition de loi pour proroger le dispositif actuel jusqu’en 2037. Cela laisserait assez de temps pour la reconstitution de titres de propriété – une procédure relativement longue – et donnerait un horizon de long terme aux usagers pour engager ces démarches sereinement.
    Permettez-moi de rappeler que les exonérations, sujet d’interrogation légitime pour certains d’entre nous, répondent à une situation d’exception et n’encouragent en rien la spéculation foncière qui mine l’économie et pénalise les habitants de l’île, notamment les jeunes primo-accédants. En effet, ces exonérations s’appliquent majoritairement à des biens patrimoniaux, issus du bâti rural et appartenant, pour beaucoup d’entre elles, à des familles modestes voire très modestes. De plus, le montant cumulé des exonérations demeure très inférieur au manque à gagner fiscal lié à la non-déclaration de l’ensemble des successions en Corse, qui s’établit à près de 50 millions d’euros chaque année et constitue un problème majeur pour les collectivités.
    Parce que la proposition de loi prolonge un texte d’équilibre, cadre légal de la résorption d’un désordre qui n’est plus acceptable, le groupe Horizons & indépendants la votera.
    Au-delà de l’adoption de ce texte, l’article 2 de la loi de 2017, relatif aux majorités qualifiées pour sortir de l’indivision, doit enfin être rendu applicable. En effet, faute de procédure claire, il reste inutilisable huit ans après sa promulgation. Il est nécessaire de préciser son application par décret, afin que les notaires puissent le mettre en pratique.
    Enfin, il est essentiel de renforcer les moyens du Girtec, dont le travail remarquable a accompagné près de 2 000 procédures de titrement depuis sa création. Il est urgent d’assurer son avenir par des moyens à la hauteur de sa tâche – un peu plus de 1 million d’euros –, car sans lui, le texte ne pourra porter pleinement ses fruits. J’appelle donc les pouvoirs publics à garantir son financement pour 2025 et, à plus long terme, je souhaite que ce financement soit garanti par la loi de finances.
    Je tiens à remercier tous les élus qui ont contribué à l’élaboration de ce texte. En premier lieu, Jean-Jacques Panunzi, qui a défendu sa prorogation au Sénat en avril 2024, mais également les députés à l’initiative du texte initial de 2017 : mon collègue Thierry Benoit, Camille de Rocca Serra, Laurent Marcangeli, Paul Giacobbi, Sauveur Gandolfi-Scheit, François Pupponi et Yves Albarello, qui m’ont précédé sur ces bancs.
    Ce texte ne résout pas tous les maux de la Corse, mais il symbolise un élan transpartisan pour son avenir, en nous invitant à réfléchir collectivement aux outils nécessaires pour imaginer les bases d’un développement soutenu et soutenable pour l’île. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR. – M. Éric Martineau applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Paul-André Colombani.

    M. Paul-André Colombani

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    Huit ans après l’adoption de la loi de 2017 relative à l’assainissement cadastral, force est de constater que les territoires comme la Corse, les Antilles ou Mayotte continuent de subir les conséquences d’un désordre foncier qui n’en finit plus de peser sur leurs habitants. Le hasard du calendrier parlementaire fait que la semaine dernière, ma collègue Estelle Youssouffa – que je salue – a exposé ici les difficultés rencontrées dans ce domaine par Mayotte. Ces difficultés sont comparables à celles de la Corse. Ma collègue a justement rappelé, et je m’associe à ses mots, que le foncier est la plus grande – si ce n’est la seule – richesse de nombre d’insulaires.
    Le problème du désordre foncier dans les territoires insulaires n’est pas nouveau, car il résulte d’un enchevêtrement de facteurs historiques, juridiques et économiques. La situation spécifique de la Corse, qui remonte à plus de deux siècles, est directement liée à l’absence de titres de propriétés et aux mesures successorales dérogatoires du fameux arrêté Miot de 1801, pris en raison du contexte d’indivision généralisée et de l’extrême pauvreté de l’île. Les chiffres sont accablants. À titre de comparaison, la Corse compte quinze fois plus de biens non délimités que la moyenne nationale. Ce record illustre l’ampleur du problème. L’État porte une responsabilité historique dans cette situation : après l’annexion de la Corse en 1769, il n’a pas su – ou voulu – adapter son système juridique pour répondre aux spécificités locales, notamment à l’organisation coutumière des terres fondée sur les successions orales. L’absence de cadastre généralisé et l’incapacité à apporter des solutions durables ont laissé l’île dans un flou juridique, où la propriété des terres est souvent incertaine.
    Malheureusement, les conséquences sont lourdes et multiples : entrave à la transmission des biens ; frein aux investissements, notamment dans le secteur agricole ; habitations en ruine et terrains en déshérence ; désertification des villages et pénurie de logements pour la jeunesse. La gestion compliquée des espaces naturels et agricoles, qui favorise parfois une urbanisation anarchique, entraîne une sous-utilisation des terres et représente un obstacle à la lutte contre les incendies.
    En 2017, face à un tel fléau, le législateur a cru pouvoir résoudre le fruit de deux cents ans de régime dérogatoire en un trait de plume. Avouons que c’était assez utopiste. Certes, des progrès ont été réalisés : la loi de 2017 a prévu des mesures civiles et fiscales favorables qui ont indéniablement eu un effet incitatif. Cette loi, ainsi que le travail du Girtec, ont permis des progrès indéniables : environ 1 860 titres concernant près de 15 000 parcelles ont été créés depuis 2017. Cependant, le défi reste colossal : plus de 300 000 parcelles demeurent enregistrées au nom de propriétaires décédés. À ce rythme, il faudrait encore soixante-dix ans pour parvenir à un assainissement complet.
    Désormais, il est évident que les objectifs fixés pour 2027 sont devenus inatteignables. La prorogation des mesures dérogatoires jusqu’en 2037 est donc indispensable pour poursuivre ce travail de fond, d’autant plus que la Corse connaît depuis deux décennies un phénomène croissant de spéculation foncière qui tire les prix à la hausse. En l’absence d’une fiscalité adaptée, de nombreux Corses ne pourraient tout simplement pas prendre en charge les frais successoraux qui dépassent souvent le prix des biens patrimoniaux hérités. Disons-le donc clairement : mettre fin à ce régime dérogatoire, c’est programmer une dépossession foncière massive des Corses.
    Nous avons débattu en commission des amendements du groupe LFI-NFP, mais je voudrais que chacun ait à l’esprit que la non-prorogation de ce dispositif pénaliserait avant tout les familles les plus précaires. En effet, l’indivision concerne généralement non pas les villas luxueuses du littoral, mais les demeures patrimoniales et les terrains en zones rurales. Il me semble cependant nécessaire que cette prorogation s’accompagne d’une meilleure information des parlementaires et d’une plus grande transparence fiscale de la part de Bercy.
    Pour conclure, nous sommes évidemment les premiers à affirmer que la prorogation des mesures dérogatoires est nécessaire. Toutefois, elle n’est pas une fin en soi. Le groupe LIOT exhorte donc l’État à prendre deux engagements. Premièrement, l’État doit se doter des ressources pour traiter ce problème séculaire, en renforçant les moyens d’action du Girtec, mais aussi en traitant la question de la pression foncière en Corse. Deuxièmement, il doit lier le problème foncier aux attentes légitimes du peuple corse, afin d’engager une réforme institutionnelle et fiscale ambitieuse, seule voie pour trouver des solutions concrètes et durables à ce défi historique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT, DR et HOR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    La Corse fait face à un désordre foncier caractérisé par l’absence de titres de propriété, le non-dépôt des déclarations de succession, l’inexactitude du cadastre et la persistance des indivisions successorales. Cette situation engendre des conséquences néfastes pour les citoyens comme pour les collectivités locales. Pour les particuliers, elle entraîne une insécurité juridique, source de litiges, et une limitation de l’exercice du droit de propriété qui favorise la dégradation du patrimoine et alimente la spéculation. Pour les collectivités, elle cause une perte de recettes fiscales et complique l’administration du territoire, touchant notamment la redynamisation des villages ainsi que la réhabilitation et la prévention des incendies.
    Afin de résoudre cette situation, des mesures ont été engagées depuis plusieurs années. En particulier, la loi du 6 mars 2017 visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété en Corse a instauré et prolongé des dérogations au droit civil commun et des exonérations fiscales portant sur les droits de succession, afin d’encourager le titrement des parcelles et de faciliter la résolution des situations d’indivision successorale.
    La présente proposition de loi entend prolonger ces dérogations de dix ans. Si nous partageons ses objectifs, nous sommes vigilants quant à ses modalités. Par exemple, l’allègement fiscal des premières successions post-régularisation foncière est justifiable pour résorber le désordre cadastral, mais l’extension de ces exonérations à toutes les successions, y compris à celles de biens déjà titrés, soulève des questions d’équité et d’efficacité. En effet, cette approche généralisée crée des inégalités fiscales contraires aux principes constitutionnels, sans cibler spécifiquement la résolution du problème foncier.
    En 2012 et 2013, dans le cadre du projet de loi de finances, le Conseil constitutionnel a censuré les mesures d’exonération des droits de succession sur les immeubles situés en Corse, estimant que le maintien de ce régime fiscal dérogatoire méconnaissait le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques. En effet, la constitutionnalité de la prorogation de dix ans du régime dérogatoire d’exonération partielle, à hauteur de 50 %, des droits de succession pour les biens immobiliers situés en Corse pose question, puisqu’elle concerne les successions de tous les biens situés en Corse, y compris ceux qui n’ont aucune difficulté particulière de titrement. À ces importantes fragilités au regard du principe d’égalité devant l’impôt s’ajoute l’incapacité d’évaluer précisément les articles 3 et 5 de la loi du 6 mars 2017 qu’il nous est proposé de proroger. En effet, la direction générale des finances publiques n’a pas été en mesure de fournir des données, même approximatives, sur le coût des exonérations fiscales prévues par ces articles.
    Enfin, rappelons que, selon les chiffres transmis par le groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse, 1 868 titres ont été créés entre 2018 et la mi-mars 2024. Il reste toujours plus de 300 000 parcelles à régulariser. La prorogation de cette loi ne permettra donc pas de résorber le désordre de la propriété dans un proche avenir. Ainsi, bien que les travaux de titrement en Corse demeurent nécessaires, nous considérons qu’il serait plus pertinent de réformer l’imposition des successions, afin de rétablir la justice fiscale. La prorogation de ces dispositifs fragiles au regard du principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt favoriserait ceux qui bénéficient déjà de successions avantageuses.

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous sommes d’accord !

    Mme Elsa Faucillon

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    Nous partageons cependant les objectifs du texte, tout en souhaitant, au regard de l’inachèvement des travaux de titrement en Corse, que le débat donne raison aux deux amendements que nous proposons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La discussion générale est close.

    Discussion des articles

    M. le président

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de loi.

    Article unique

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Guiniot.

    M. Michel Guiniot

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    L’article consacre le dispositif de prorogation de la tentative d’assainissement cadastral en France, en particulier en Corse. Il a été souligné en commission que 6,4 % des parcelles corses n’étaient pas délimitées et que pour 35 % d’entre elles, l’identité réelle de l’actuel propriétaire posait question, selon l’organisme chargé d’assainir le cadastre sur place. Ce problème dure depuis le rattachement de la Corse à la France et a été consacré par l’arrêté Miot du 21 prairial de l’an IX ; il est donc difficile de dire qu’il y a urgence à le résoudre. Toutefois, comme l’a précisé l’orateur de notre groupe, un vote favorable est important.
    L’article propose tout simplement de remplacer, dans la loi sur la résorption du désordre de la propriété, l’échéance de 2027 par 2037, et celle de 2028 par 2038. J’appelle votre attention sur l’alinéa 8 de l’article, relatif à la compensation de la perte de recettes pour l’État. Les documents budgétaires établis par le gouvernement et le ministère des finances évaluent la principale exonération sur les déclarations de succession à au moins 20 millions d’euros par an pour 2024 et 2025. Or l’IGF chiffre ce bilan fiscal à 50 millions d’euros par an, depuis 2018. Si tous s’accordent sur la façon de procéder, il faudrait aussi que tous s’accordent sur le coût, car nous sommes nombreux à en avoir assez du « quoi qu’il en coûte ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    Sur l’article unique, je suis saisi par les groupes Horizons & indépendants et Libertés, indépendants, outre-mer et territoires d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir les amendements nos 1 et 2, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    Mme Elsa Faucillon

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    Je viens d’expliquer les raisons pour lesquelles nous proposons les deux amendements. L’amendement no 1 touche à l’alinéa 3 de l’article unique qui proroge des exonérations prévues dans la loi de 2017. Nous demandons la suppression de la prolongation décennale de cette exonération fiscale pour plusieurs raisons. D’abord, il nous semble injustifié de faire bénéficier de cette exonération l’ensemble des immeubles situés en Corse, alors même que les problèmes d’indivision ne touchent qu’une minorité de redevables. Ensuite, une prorogation de trois ans a déjà été censurée par le Conseil constitutionnel. Enfin, nous regrettons qu’il soit impossible de chiffrer l’incidence budgétaire de cette mesure fiscale.
    Il importe évidemment de remédier au désordre foncier qui touche la Corse, mais il faut le faire dans le respect de la justice fiscale. Veillons à ne pas alimenter les grosses fortunes, alors que le désordre foncier touche surtout des personnes qui ont de très petits revenus.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Xavier Albertini, rapporteur

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    Avec votre premier amendement, vous voulez supprimer la prorogation de l’exonération de droit de partage. Je rappelle que ce droit est payé à la sortie de la succession, au moment du partage ou, éventuellement, de la licitation. Cette exonération a pour but de faciliter la fin complète des successions : il ne suffit pas de les ouvrir, il faut surtout les clôturer. Comme notre collègue Colombani l’a rappelé, l’indivision concerne surtout des biens de faible valeur, pour lesquels le droit de partage est souvent supérieur à la valeur vénale du bien. Cela rend difficile l’achèvement des partages successoraux et l’attribution d’un titre de propriété définitif à l’un des héritiers.
    Vous considérez qu’il n’est pas justifié que le texte s’applique à l’ensemble des immeubles situés en Corse et vous invoquez le principe de l’égalité face à l’impôt. Je vois mal comment l’on pourrait envisager une distinction entre des biens déjà titrés et transmis et des biens faisant simplement l’objet d’une succession : cela créerait une inégalité au sein du même territoire. J’ajoute que l’exonération s’applique essentiellement sur les actes de partage de succession qui interviennent entre des membres originaires de la même succession, ou de successions successives par rapport au même bien. Il y a vraiment une volonté dynamique.
    Votre deuxième amendement vise à supprimer la prorogation de l’exonération de 50 %. Vous avez fait référence à plusieurs reprises à un avis du Conseil constitutionnel intervenu il y a quelques années, mais la situation n’était pas tout à fait la même. Je rappelle qu’une exonération totale, mais temporaire, avait été instaurée en 2002 pour les successions immobilières en Corse. Elle devait passer à 50 % pour les successions ouvertes entre 2011 et 2015, puis s’éteindre en 2015. Cela étant, la loi de finances rectificative pour 2008 a prorogé l’exonération à 100 % jusqu’en 2017, et la loi de finances pour 2013 jusqu’en 2022. Ce que le Conseil constitutionnel a sanctionné, c’est le fait que l’exonération en matière de droits de succession soit totale, ce qui n’est pas le cas dans le texte qui vous est soumis : depuis 2017, en effet, l’exonération est de 50 %. C’est cette exonération à 50 % que l’article unique vise à proroger de dix ans.
    Je vous invite donc à retirer vos amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    M. François Rebsamen, ministre

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    Votre premier amendement vise à supprimer l’alinéa 3 de l’article unique, qui proroge jusqu’en 2037 l’exonération, pour les actes de partage de succession et les licitations de biens héréditaires, du droit de 2,5 % à hauteur de la valeur des immeubles situés en Corse. Le deuxième vise à supprimer l’exonération des droits de mutation par décès applicable à concurrence de la moitié de la valeur des immeubles et droits immobiliers situés en Corse.
    Les dispositions de nature fiscale qui ont été introduites dans la loi du 6 mars 2017 et qui prennent fin au 31 décembre 2027 ont été conçues comme un ensemble indivisible et incitatif afin de contribuer, vous le savez, à l’assainissement du cadastre corse, notamment par la voie de l’incitation fiscale. Il faut que l’ensemble des dispositions de la loi du 6 mars 2017 soit prolongé de dix ans, jusqu’en 2037, à défaut de quoi le dispositif ne sera pas incitatif. J’en profite pour saluer à mon tour Jean-Jacques Panunzi, ici présent, qui a lancé cette réflexion.
    L’incitation fiscale permettra aux propriétaires de Corse d’entreprendre des démarches de nature à sortir de cette instabilité juridique qui prive de nombreux habitants de Corse d’un accès à la propriété, alors qu’il est de l’intérêt de tous que le cadastre corse soit assaini et que l’ordre de la propriété soit rétabli. Cette prorogation jusqu’en décembre 2037, inscrite à l’article 1135 bis du code général des impôts, doit en effet inciter les propriétaires en Corse à réaliser les démarches successorales et à assainir ainsi le cadastre corse.
    Le rapporteur a très bien expliqué ce qui a motivé la décision du Conseil constitutionnel. J’aimerais rappeler les objectifs de la loi du 6 mars 2017, qui sont d’intérêt général et qui justifient cette dérogation. Il s’agissait, d’une part, de garantir à tous les propriétaires en Corse la pleine jouissance juridique de leur droit de propriété. Or cela ne sera possible que lorsque le cadastre sera assaini. Le droit de propriété étant de nature constitutionnelle, il peut fonder une telle dérogation. Cette loi répondait par ailleurs à un impératif de sécurité juridique et d’ordre public, en tenant compte des conditions particulières dans lesquelles le droit de propriété s’exerce en Corse, pour des raisons historiques et culturelles.
    S’il y a un risque constitutionnel, il reviendra au juge constitutionnel de se prononcer le moment venu. Pour l’heure, parce qu’il est impératif de prendre toutes les mesures de nature à assainir le cadastre corse, je vous invite à retirer vos amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je veux soutenir ces amendements. En commission, notre groupe en avait également déposé : il s’agissait d’amendements d’appel et j’espérais qu’en séance publique, le rapporteur ou le ministre nous ferait des propositions.
    Vous avez bien compris que ce qui nous intéresse, c’est de fixer un seuil en fonction des revenus des gens. Nous ne disconvenons pas que, dans la majeure partie des cas, cette exonération bénéficie à des gens qui n’auraient pas les moyens d’assainir le cadastre – pour ma part, je préfère le terme « fiabiliser » à « assainir » –, mais vous pouvez aussi admettre qu’elle profite à quelques-uns pour qui elle n’est peut-être pas totalement, voire pas du tout justifiée. Je sais que vous cherchez beaucoup d’argent en ce moment pour boucler le budget : ce n’est peut-être pas le meilleur moment pour faire des exonérations.
    Nous déposons des amendements d’appel en commission pour interpeller le gouvernement ; c’est la troisième fois que l’on nous demande de voter une prorogation ; et tout continue comme avant. Moi, je pense que c’est un problème. Nous ne bloquerons pas ce texte, parce que nous sommes nous-mêmes pris en tenaille,…

    M. Philippe Gosselin

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    Tout ça pour ça !

    M. Ugo Bernalicis

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    …mais ce fonctionnement parlementaire est quand même assez insupportable : on nous contraint, sur de petits textes qui ont l’air d’être à la marge ou sans grand intérêt, mais qui en réalité ont des effets très importants localement, à voter des dérogations au principe fondamental d’égalité devant l’impôt qui sont problématiques. Il faut que nous soyons entendus…

    M. Antoine Léaument

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    Très bien !

    M. Ugo Bernalicis

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    …et nous le sommes un peu puisque Paul-André Colombani a dit qu’il partageait en partie notre analyse. Mais rien ne change.
    D’après ce que j’ai compris – en l’absence d’étude d’impact –, c’est le groupement d’intérêt public qui a le plus contribué à assainir le cadastre, et non les exonérations fiscales qui, elles, ont fluctué au cours du temps.

    M. le président

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    La parole est à Mme Béatrice Roullaud.

    Mme Béatrice Roullaud

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    Nous ne voterons pas ces amendements. Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, nous ne comprenons pas vraiment que l’exonération s’applique aussi à des parcelles titrées, mais elle fait partie d’un tout. Nous sommes contre ces amendements, parce qu’ils vont à l’encontre d’un processus dont il ne faut pas freiner la dynamique. Si l’on supprime ces exonérations fiscales, les Corses seront moins incités à faire des déclarations de propriété, à user du mécanisme de la notoriété acquisitive et à procéder à des partages. Ne nous arrêtons pas au milieu du gué, ou alors les exonérations que nous avons faites jusqu’ici n’auront servi à rien.
    Au début, je n’étais pas forcément convaincue par ce texte, mais les auditions m’ont convaincue, notamment celle du Girtec, qu’il fallait absolument proroger ces exonérations pour dix ans, et plus si nécessaire. Il ne faut pas abandonner ces avantages fiscaux tant que nous n’aurons pas atteint notre objectif. Lorsque nous l’aurons atteint, alors oui, la question de la suppression des avantages fiscaux se posera. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Hervé Saulignac.

    M. Hervé Saulignac

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    La question de l’égalité devant la loi, que posent ces amendements, est tout à fait légitime. Et, en droit, leur exposé sommaire est tout à fait fondé. Mais ce dont il s’agit, c’est de solder une inégalité devant la loi qui a été institutionnalisée pendant deux siècles. Et l’on en sort tout doucement, trop doucement, par un régime dérogatoire qui, lui aussi, est tout à fait contestable en droit.
    C’est une solution d’exception qui doit mettre fin à un désordre lui-même né d’une situation d’exception. Même si cette solution n’est pas satisfaisante en droit, nous pensons que supprimer la prorogation de ces exonérations maintiendrait un statu quo tout à fait préjudiciable.
    Un jour, il faudra tout de même mettre une borne à ce type de prorogations, parce qu’au rythme où nous allons, je pense que c’est le législateur du XXIIe siècle qui finira par entériner l’assainissement cadastral. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    Je vais retirer ces deux amendements, mais il me semble que ce débat n’a pas été tout à fait inutile. À mon avis, il faudra rapidement poser des bornes. Ce que j’ai entendu, en substance, c’est : « Ne sachant pas, continuons ! » Il va falloir savoir ce qui est vraiment efficace pour parvenir à l’objectif que nous visons tous ! Personne n’a contesté l’objectif d’assainissement, ou de fiabilisation, du cadastre et nous savons tous les conséquences que cela peut avoir, aussi bien pour des collectivités que pour des particuliers. Mais proroger cette exonération sans fixer aucune borne, alors que ses effets restent limités, n’est pas la meilleure manière de légiférer. Au moment de retirer mes amendements, j’interpelle donc à nouveau le gouvernement sur la nécessité de fixer rapidement des bornes. (MM. Ugo Bernalicis et Antoine Léaument applaudissent.)

    (Les amendements nos 1 et 2 sont retirés.)

    M. le président

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    Nous avons terminé d’examiner l’article unique de la proposition de loi.

    Explication de vote

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

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    Nous soutiendrons cette proposition de loi présentée au Sénat par Jean-Jacques Panunzi, que je remercie – de même que je remercie le rapporteur de son travail. Il y a là une nouvelle péripétie du très malheureux bras de fer de la Corse avec le pouvoir central et centralisé.
    Le problème des droits de succession en Corse remonte en effet à l’arrêté Miot du 10 juin 1801, qui a modifié la base de calcul de l’impôt et surtout ne comprenait aucune disposition visant à contraindre à la déclaration de succession, ce qui n’a pas manqué de provoquer un non-respect généralisé. Depuis, les nombreuses réformes successives n’ont pas remédié aux incertitudes touchant la propriété. Ainsi les biens sans maître, non délimités, en copropriété, couvrent en Corse une superficie considérable ; dans bien des cas, le droit de propriété ne peut s’exercer, ce qui rend impossible le règlement d’une succession, vente, location. Une telle situation est naturellement pénalisante en matière de mise en valeur des terres, d’entretien du patrimoine bâti, de fonctionnement du marché.
    Aujourd’hui, sauf acquisition à titre onéreux après le 23 janvier 2002, les biens situés dans l’île sont exonérés de droits de succession à hauteur de 50 % de leur valeur, en vertu de la loi du 6 mars 2017. Depuis, des tensions continues visent à retarder la fin de ce régime dérogatoire, prévue le 31 décembre 2027. Pourquoi ce jeu du chat et de la souris ? Parce que, pour beaucoup de Corses, la « normalité » signifierait l’obligation de vendre, compte tenu du montant considérable des droits à verser alors au fisc. Ce vigoureux coup de pouce à une dépossession déjà bien avancée serait à tout le moins malvenu. Tous nos collègues doivent donc concevoir la nécessité de repousser une fois de plus l’échéance et de laisser au Girtec, que je remercie, le temps d’avancer dans son travail.
    Je souligne que nous ne traitons ici que d’un aspect de la situation : la Corse fait l’objet de nombreux dispositifs fiscaux dérogatoires, certains généraux, d’autres propres à l’île, certains utiles, d’autres moins, tous concourant à une confusion quelquefois contre-productive. Sur le fond, la prolongation du régime transitoire de succession ne réglera rien. Nous nous battons en vain depuis des années pour que ces dispositifs soient mis à plat, que soit enfin élaboré un statut fiscal apte à améliorer les fondamentaux de la vie économique et de la protection sociale en Corse. Les mécanismes de compensation de l’insularité, inefficaces, sont largement captés par de puissants intérêts particuliers. Nous espérons faire progresser ce chantier qui reste pour l’instant ouvert ; du reste, la surtaxe sur les billets d’avion, si elle venait vraiment à s’appliquer, constituerait à cet égard une hérésie et une injustice à l’égard d’une population insulaire.
    La question des droits de succession en recouvre une autre, essentielle : à qui transmettre ce patrimoine, en vue de quelle société ? Libérer les successions revient aussi à accélérer encore la spéculation, le bétonnage, la transformation de la Corse en paradis de vacances et de retraite, à en faire un lieu de désastre environnemental, de surprofits pour les privilégiés du système et de marginalisation croissante pour les autres. Voilà pourquoi, même si nous soutenons ce texte, notre ambition, intacte, consiste à doter l’île d’un statut de protection de notre patrimoine. On nous dit que le statut de résident constitue une ligne rouge, mais il faut avoir conscience des ravages environnementaux, culturels, de la dépossession, encore une fois, subis par la communauté corse. Ce sont nos valeurs historiques, notre langue, notre sens de la vie, nos intérêts économiques et sociaux qui seront in fine balayés si nous ne les préservons pas.
    Là se livre le vrai combat : la structure de l’État-nation n’étant pas adaptée à cette approche, il s’agit de la faire évoluer plutôt que d’entériner une situation qui conduit à la mort du peuple corse.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ça, nous sommes d’accord !

    M. Michel Castellani

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    Tout cela renvoie au débat de fond, à la reprise du processus de Beauvau, que nous appelons de nos vœux. Je le répète une fois de plus, nous ne cherchons nullement à nous singulariser : nous avons le devoir de prendre part à un combat historique, de défendre les intérêts fondamentaux de la Corse et des Corses, aujourd’hui exposés au vent mauvais de l’histoire. Nous voterons pour ce texte, mais en ayant conscience qu’il ne résoudra en rien la question foncière et contribuera moins encore à la survie du peuple corse. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Vote sur l’article unique

    M. le président

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    Je mets aux voix l’article unique de la proposition de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        146
            Nombre de suffrages exprimés                139
            Majorité absolue                        70
                    Pour l’adoption                139
                    Contre                0

    (L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble de la proposition de loi.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    3. Lutte contre les violences sexuelles et sexistes

    Discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (nos 669, 845).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    Mme Maud Bregeon, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Nous voici réunis afin d’examiner la proposition de loi qu’Aurore Bergé avait déposée en décembre : c’est un plaisir de la retrouver sur les bancs des ministres pour discuter de ces dispositions. Nous connaissons, madame la ministre, votre engagement permanent concernant ces sujets ; je souhaite que nos débats nous permettent d’avancer, au service des victimes de violences sexistes et sexuelles.
    Comme je l’ai fait devant la commission des lois, je voudrais rappeler quelques grands enjeux que nous devrons garder à l’esprit tout au long de l’examen du texte. Celui-ci vise à combattre prioritairement deux types de violences massives dans notre société : les violences sexuelles, d’une part, pour lesquelles on a recensé 114 000 victimes en 2023, et les violences commises au sein des couples, d’autre part, qui comptaient 271 000 victimes cette année-là. Et, ne nous y trompons pas, ces chiffres ne constituent encore que la partie émergée de l’iceberg. Les estimations globales sont bien plus élevées. C’est que la très grande majorité des victimes ne fait pas la démarche consistant à déposer plainte : seules 14 % des victimes de violences conjugales et 6 % des victimes de violences sexuelles se tournent vers les forces de sécurité.
    Ajoutons à cela le fait que, selon le rapport public 2023 de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), 160 000 enfants subissent chaque année des violences sexuelles ; autrement dit, toutes les trois minutes, en France, un enfant est violé ou agressé sexuellement. Là encore, la réalité dépasse largement le nombre des plaintes : lorsque l’auteur est un proche, seules 12 % des victimes dénoncent immédiatement l’infraction, ce chiffre tombant à 9 % en cas d’inceste.
    Que ces violences soient commises à l’encontre de femmes ou d’enfants, nous nous trouvons donc, je le répète, face à des situations extrêmement fréquentes.
    Telle est l’une des spécificités de ce débat : nous ne parlerons pas de crimes rares, de victimes peu nombreuses, de cas particuliers, épisodiques, mais d’une dramatique réalité quotidienne, de centaines de milliers de femmes et d’enfants agressés dans leur chair, qui voient parfois leur vie détruite. C’est à ces victimes que nous devons penser, pour elles que nous devons agir.
    Face aux chiffres vertigineux que je viens de citer, le texte vise pragmatiquement à résoudre des problèmes bien identifiés, relevant du domaine de la loi et donc de notre compétence. Ses deux premiers articles traitent ainsi de la prescription, en matière civile pour l’article 1er, qui prévoit de rendre l’action en responsabilité imprescriptible dans le cas de certaines infractions, en matière pénale pour l’article 2, qui tend à appliquer aux victimes majeures de viol le principe de prescription glissante.
    Dans les deux cas, il s’agit d’adapter notre droit à la réalité – nous le savons, les crimes sexuels, notamment à l’encontre d’un mineur, sont particulièrement difficiles à révéler – et de laisser du temps aux victimes. Il leur est insupportable de s’entendre dire : « C’est trop tard, la justice ne peut plus rien pour vous ». Nous devons leur laisser le temps de parler, de dénoncer, d’être prêtes à affronter ce qu’elles ont subi, en préservant la possibilité de saisir la justice, d’obtenir réparation, le cas échéant, mais surtout de voir leur parole accueillie par nos institutions judiciaires et de se voir ainsi reconnues.
    Si l’article 2 a plutôt fait l’objet d’un consensus lors de nos échanges en commission, il n’en est pas de même de l’article 1er, qui y a été supprimé. Je proposerai donc – comme d’autres d’ailleurs – un amendement qui vise à le rétablir, car la disposition qu’il contient me semble particulièrement importante. La semaine dernière, lors de nos débats en commission, nous avons longuement évoqué la déperdition des preuves, sans préciser que de nombreuses évolutions technologiques permettent désormais de retrouver bien plus de preuves qu’il y a trente ou quarante ans – nous ne pouvons ignorer ces avancées.
     
    Par ailleurs, au-delà de la question probatoire, l’article 1er vise à répondre notamment au problème des aveux tardifs, auxquels la Ciivise est souvent confrontée : dans ce cas, il n’y a pas de preuve supplémentaire à rapporter. L’imprescriptibilité en matière civile permettra donc de laisser une porte ouverte aux victimes qui se trouvent dans cette situation pour accéder à la justice et demander réparation.
    Enfin, dernier élément, la justice pénale en France est davantage conçue pour juger et sanctionner les auteurs des faits que pour prendre en charge les victimes, qui n’y ont qu’une place restreinte. La justice civile, à l’inverse, laisse toute sa place à la victime, qui constitue la partie demanderesse. Or, grâce à cette proposition de loi, nous nous préoccupons avant tout des victimes. C’est pourquoi le choix de limiter l’imprescriptibilité au champ civil me semble présenter une réelle cohérence et j’espère que nous parviendrons, ensemble, à rétablir l’article 1er.
    L’article 3 vise à insérer dans le code pénal la notion de contrôle coercitif. Il y a environ un an, la cour d’appel de Poitiers a rendu cinq arrêts confirmant des condamnations pour violences, menaces ou harcèlement au sein du couple. Elle y analysait les faits relevant de « la mise en place d’un contrôle coercitif » dans leur ensemble, permettant de contextualiser les différentes infractions.
    Largement inspirés du travail de plusieurs auteurs, ces arrêts expliquent que les agissements considérés sont divers et cumulés, et que s’ils peuvent être relativisés lorsqu’ils sont pris isolément, ils forment en réalité, lorsqu’on les identifie, qu’on les liste et les analyse dans leur ensemble, un tout cohérent, qui conduit au contrôle coercitif. Ces actes, de nature très variée, participent ainsi d’une stratégie de l’auteur qui vise à piéger la victime dans une relation d’obéissance et de soumission. Ces arrêts soulignent la gravité de tels agissements, en considérant que « le contrôle coercitif est une atteinte aux droits humains ». Particulièrement éclairante pour comprendre et lutter contre les violences conjugales, cette notion doit donc être intégrée dans notre droit.
    Comme j’ai déjà eu l’occasion de le souligner en commission des lois, la rédaction initiale de l’article 3 ne me semblait pas satisfaisante. Partageant ce constat, la commission a supprimé l’article, en attendant de trouver une meilleure proposition. Nous avons donc travaillé, avec des collègues de différents groupes, à une nouvelle rédaction, que nous nous sommes efforcés de sécuriser, en lien avec le garde des sceaux et la Chancellerie, ainsi qu’avec la ministre Aurore Bergé. Sans prétendre avoir abouti, en si peu de temps, à une rédaction parfaite, je suis convaincue que cette nouvelle proposition a le mérite de la précision et de la clarté, qui sont indispensables en droit pénal. Elle constituera ainsi une base de travail solide pour la suite, dans le cadre de la navette parlementaire.
    Si, à l’inverse, l’Assemblée nationale refusait d’intégrer dans le texte la notion de contrôle coercitif – prenant le risque de faire purement et simplement disparaître des travaux parlementaires un sujet qui mérite encore réflexion –, elle enverrait un message désastreux aux victimes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et HOR. – Mme Émilie Bonnivard applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations

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    Des milliers de prises de parole ont fait émerger des récits qui ont trop longtemps été tus. Nous avons enfin accepté d’écouter ces voix, que l’on préférait ignorer. Nous avons vu paraître des ouvrages qui ont marqué l’opinion, tels que ceux de Vanessa Springora – Le consentement – ou de Camille Kouchner – La familia grande. Nous avons lu des milliers de témoignages bouleversants de victimes, recueillis par des commissions inédites, telles que la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) ou encore la Ciivise.
    Le nombre de condamnations de majeurs pour viol a augmenté de plus de 30 % depuis 2017 et de 129 % pour les viols incestueux commis sur des mineurs. Cependant, ce n’est pas assez. Face à l’ampleur du fléau, il faut aller plus loin ; beaucoup plus loin.
    Chaque année, en moyenne, 217 000 femmes âgées de 18 à 74 ans sont victimes de viol, de tentative de viol ou d’agression sexuelle. Pour les violences sexuelles commises à l’encontre des enfants, les chiffres sont terrifiants : toutes les trois minutes, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle, soit 160 000 victimes mineures chaque année. Encore actuellement, une plainte n’est déposée que dans 19 % des cas et 12 % seulement dans les cas d’inceste.
    La présente proposition de loi tente d’apporter trois réponses. La spécificité dans les affaires d’inceste, c’est leur cible – des enfants, vulnérables par nature –, leur durée – souvent les faits se poursuivent durant des années – et la stratégie implacable exercée par les bourreaux. Un parent, un grand-parent, un frère, un oncle, un ami de la famille, une figure de confiance ou d’autorité crée une normalité alternative, isole sa proie, la dévalorise, inverse la culpabilité et verrouille sa parole.
    Les témoignages des victimes révèlent toujours ce même processus : « Il me disait : tous les papas font ça et tous les papas sont les premiers. » « C’est notre secret ». « Il disait que c’était moi qui le provoquais ».
    L’enfant victime se retrouve alors prisonnier. Prisonnier de sa sidération, car la violence des actes le plonge dans un état qui l’empêche de réagir. Prisonnier de sa confusion, car il ne comprend pas la gravité des faits et n’a pas de mots, à son âge, pour les expliquer ni les exprimer. Prisonnier de son silence, car il craint les représailles, la perte d’un lien prétendument privilégié, la destruction à venir de sa famille. Ce silence est non pas un choix, mais une impossibilité.
    La mémoire finit par revenir, souvent des années, voire des décennies plus tard, à la naissance d’un enfant, au cours d’une conversation, en lisant un article, en regardant la télévision ou lorsque le bourreau décède. Et lorsque les souvenirs ressurgissent, les victimes doivent encore surmonter le poids écrasant de la honte et de la culpabilité qui peuvent également revenir. Alors, trop souvent, lorsque les victimes trouvent enfin la force de parler, lorsqu’elles sont prêtes à engager des démarches, la justice leur répond qu’il y a prescription et qu’il fallait parler plus tôt. Cette même prescription, qui a trop longtemps été utilisée comme un bouclier par ceux qui ont commis l’indicible.
    Nous savons pourtant que pour les victimes, rien ne s’efface. Permettez-moi de vous livrer l’un des témoignages recueillis par la Ciivise : « Quand j’ai enfin eu la capacité d’aller parler, et de mettre des mots, j’ai compris aussi qu’à ce moment-là, il était trop tard pour aller en justice, parce qu’il y avait cette fameuse prescription. Et moi, je considère que j’ai pris perpète pour la vie. Et celui qui m’a violée, incestuée, lui, il n’a pas pris perpète pour la vie. […] Quand moi, enfin, j’ai réussi à me dire OK, je vais plus loin dans mes démarches, en fait, la prescription était là, et c’était fini. » L’affaire est classée sans suite pour les auteurs ; mais ce n’est jamais sans suite pour les victimes.
    Lorsque la procédure pénale peut être engagée, les violences se doublent de l’épreuve liée au procès. Je pense au témoignage d’une victime qui ne s’attendait pas à « devoir raconter des parties de sa vie intime, sexuelle et familiale à des inconnus » et qui considère que « c’est un traumatisme ». D’ailleurs, je n’ose évoquer dans ces murs certaines des questions insupportables qui n’ont rien à faire dans un tribunal et qui constituent une violence supplémentaire envers les victimes.
    C’est pourquoi le gouvernement est favorable aux amendements déposés par la rapporteure et de nombreux groupes parlementaires qui visent à rétablir l’article 1er de la proposition de loi, afin d’introduire l’imprescriptibilité en matière civile des viols commis sur des mineurs et de leur permettre, ainsi, d’obtenir réparation. Certains, en commission, se sont demandé pourquoi la limiter au civil. Au civil, il s’agit de reconnaître une faute et de réparer un dommage, sans procéder à des confrontations éprouvantes comme cela se fait au pénal, lors d’un procès. La procédure est écrite, ce qui évite aux victimes de s’exposer à des questions dégradantes ou à des regards accusateurs qui risquent d’intensifier leurs traumatismes.
    Celui qui viole un enfant doit savoir qu’il ne sera jamais à l’abri, qu’il ne pourra plus jamais dormir tranquille, que la justice pourra passer à tout instant. Il est temps pour lui aussi de connaître l’intranquillité, celle-là même qu’il a imposée à vie à ses victimes. Qui pourrait s’opposer à ce principe simple, mais essentiel, de réparation à l’égard des enfants concernés ?
    C’est aussi pour cela que le gouvernement est favorable aux dispositions de l’article 2 de la proposition de loi, qui élargit le principe de prescription glissante introduit par la loi du 21 avril 2021 aux violences sexuelles commises sur des majeurs. Ainsi, les délais de prescription doivent pouvoir être prolongés si la même personne viole ou agresse sexuellement, parfois des dizaines d’années plus tard, une nouvelle personne, que les faits soient commis sur un mineur ou un majeur. Nous faisons donc en sorte que chaque victime sache qu’elle peut parler, même des années plus tard, et que sa parole ne sera jamais vaincue par le temps.
    Enfin, nous devons ouvrir les yeux sur la réalité des violences faites aux femmes. Celles-ci ne se résument pas à des coups. Cela ne commence d’ailleurs jamais par des coups : les femmes ne sont pas stupides. Si on levait la main sur nous pour nous battre ou nous tabasser dès le premier jour, nous partirions aussitôt en courant ! Les violences prennent plutôt des formes insidieuses, s’infiltrant dans le quotidien par des comportements apparemment anodins : des mots, des regards, des interdictions qui, petit à petit, isolent, détruisent l’autonomie des femmes, jusqu’à les réduire à l’impuissance lorsque surviennent les violences physiques, sexuelles et psychologiques. Surveiller les horaires, les fréquentations, voire les interdire, tracer un téléphone portable, un GPS, vérifier le moindre euro dépensé : telle est la stratégie déployée, qui conduit la victime à avoir peur de tout, tout le temps.
    De nombreux pays, tels que la Grande-Bretagne, le Canada et certains États américains, ont déjà inscrit le contrôle coercitif dans leur législation, reconnaissant ainsi sa gravité et sa spécificité. Je sais que nous partageons la conviction selon laquelle il est primordial de le prendre en compte. C’est pourquoi je vous invite à adopter l’amendement proposé par la rapporteure qui vise à introduire la notion de contrôle coercitif dans le code pénal, afin de créer une infraction spécifique.
    Au moment où vous vous apprêtez à vous prononcer sur ce texte, gardons à l’esprit que la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants ne peut plus être l’affaire des seules victimes, qui ont souvent passé leur vie murées dans le silence. Elle doit devenir le combat de toute la société. Nous ne pouvons pas laisser cette opportunité s’éteindre dans l’inaction ou l’indifférence.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Mais avec quels moyens ?

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    En écoutant ces « moi aussi », en les écoutant vraiment, nous ne les réduisons plus au silence. Permettez-moi de citer encore un dernier témoignage : « Il y a une fois où j’ai tenté de me défendre, où je l’ai giflé et où il m’a étranglée par colère, au point que j’en perde connaissance. Je pensais vraiment que j’étais en train de mourir. Ce qu’il a fait par la suite, c’est qu’il m’a carrément brûlé la langue avec une cigarette pour être sûr que je ne parle pas. Il m’a clairement dit que si je parlais, si je le disais à qui que ce soit, il me ferait bien pire. » Écoutons-les et rendons-leur justice. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Mme la rapporteure et M. le président de la commission des lois applaudissent également.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sophie Blanc.

    Mme Sophie Blanc

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    La proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes aborde un sujet d’une gravité indiscutable. Les crimes et délits à caractère sexuel recouvrent des infractions diverses : violences physiques et morales, exploitation et exhibition sexuelles.
    En 2023, les services de sécurité ont enregistré 114 000 faits de violences sexuelles, dont 74 % commis en dehors du cadre familial ou conjugal – soit près de 84 000 victimes. Si cette proportion est en légère baisse depuis 2016, ces chiffres constituent toujours une alerte dramatique sur l’ampleur du fléau.
    Le Rassemblement national a fait de la lutte contre toutes les formes de violence, en particulier celles commises sur des femmes, une priorité absolue.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Ha ! ha ! ha !

    Mme Sophie Blanc

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    Notre action ne se limite pas à des discours et nous avons démontré notre engagement par des actes législatifs concrets : permettez-moi de rappeler la proposition de loi soutenue par notre collègue Emmanuel Taché de la Pagerie, relative à la création d’une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, adoptée par cette assemblée.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    C’était celle de la sénatrice Valérie Létard !

    Mme Sophie Blanc

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    Cette loi, désormais en vigueur, témoigne de notre volonté d’apporter des solutions pragmatiques, efficaces et, surtout, adaptées aux besoins des victimes. Elle prouve également que des propositions sérieuses, bien construites et réalistes peuvent changer le quotidien de ceux qui souffrent en silence.
    C’est avec ce même esprit de responsabilité que nous examinons les dispositions de la présente proposition de loi. Si la lutte contre les violences sexuelles et sexistes est une priorité qui transcende les clivages politiques, force est de constater que le texte qui nous est soumis souffre d’un manque de travail législatif sérieux, notamment en ce qui concerne les articles 1er et 3, qui ont d’ailleurs été rejetés par la commission des lois.
    Ce rejet repose sur des fondements solides : d’une part, l’absence d’avis du Conseil d’État, qui constitue une lacune majeure, compte tenu de l’importance des modifications apportées par le texte, d’autre part, l’inadaptation de ces dispositions à la réalité juridique et judiciaire. Nous ne pouvons pas nous permettre de légiférer à la hâte sur des sujets aussi sensibles, au risque de créer des dispositions inefficaces, voire contre-productives.
    L’article 1er, qui visait à rendre imprescriptibles les actions civiles en réparation de dommages résultant de viols commis sur des mineurs, soulève des objections juridiques importantes. D’abord, l’imprescriptibilité est un principe exceptionnel, historiquement réservé aux crimes contre l’humanité, en raison de leur caractère unique et universel. L’étendre à d’autres infractions, aussi graves soient-elles, risquerait d’en diluer la portée symbolique et juridique.
    Ensuite, cette mesure laisse à penser que les victimes pourraient obtenir justice plusieurs décennies après les faits. En réalité, l’imprescriptibilité civile impose à la victime de constituer seule son dossier, sans l’appui de l’appareil judiciaire. Comment réunir des preuves solides, parfois soixante ans après les faits ? Cette fausse promesse risque d’entraîner des conséquences émotionnelles et financières dévastatrices pour des victimes déboutées par la justice civile. Plutôt que d’offrir un espoir illusoire, le groupe Rassemblement national préconise un allongement du délai de prescription à trente ans – cela constituerait un compromis réaliste et protecteur.
    L’article 3, qui visait à définir les violences psychologiques dans le code pénal, présente également des dangers. La volonté d’introduire une définition plus précise pourrait paradoxalement restreindre le champ d’application de la loi et exclure certaines formes de violences pourtant graves. Une telle rigidité risquerait de créer des vides juridiques, en écartant des situations qui, bien que non conformes à la nouvelle définition, mériteraient pourtant d’être réprimées. Ce risque est amplifié par le fait que cette disposition semble s’inspirer d’un attendu d’une décision des juges du fond, qui n’a pas été validé par la Cour de cassation. Le résultat risque d’être contre-productif : une mesure mal conçue, qui fragilise, plutôt qu’elle ne renforce, la protection des victimes.
    Le combat contre les violences sexuelles et sexistes doit être mené avec rigueur, sérieux et détermination. Notre assemblée ne peut pas se satisfaire de textes imparfaits, mal préparés ou n’ayant pas fait l’objet d’une concertation suffisante. Ce sujet mérite mieux qu’un traitement approximatif. Le Rassemblement national continuera de se battre pour des mesures pragmatiques, adaptées et réellement efficaces. Notre objectif est clair : protéger les victimes, garantir la justice et faire en sorte que de tels actes ne restent jamais impunis. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Graziella Melchior.

    Mme Graziella Melchior

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    Parviendra-t-on un jour à éradiquer de notre société les violences systémiques à l’égard des femmes et des enfants ? On est en droit d’en douter, face à des chiffres insupportables et parfois décourageants. En effet, en France, chaque année, 160 000 enfants sont victimes de viols ou d’agressions sexuelles – soit un enfant victime toutes les trois minutes. Dans 81 % des cas, les coupables sont des membres de la famille. Par ailleurs, en 2023, nous avons dénombré 271 000 victimes de violences conjugales et 114 000 victimes de violences sexuelles, en grande partie des femmes bien sûr. Rappelons que, dans 91 % des cas, elles connaissent leur agresseur.
    Ainsi, aussi difficile que cela soit à entendre, nous ne devons jamais oublier que la famille est le premier lieu de violence à l’égard des femmes et des enfants. De fait, cela implique des schémas culturels, des gestions traumatiques parfois lentes, des difficultés à sortir d’une emprise ou à caractériser les faits, puisqu’ils ont eu lieu dans un cadre a priori de confiance. Dans ce contexte, la question de la prescription est fondamentale : les délais actuels peuvent constituer une injonction douloureuse faite aux victimes, ce qui explique en partie le faible taux de dépôt de plainte ainsi que le peu de condamnations prononcées.
    Ces dernières années, nous avons assisté à une prise de conscience sociétale et à une mobilisation associative et politique, épousant les contours d’une mutation générationnelle salutaire. Je veux d’ailleurs souligner ici le rôle si précieux que jouent les associations qui œuvrent à la protection des femmes et des enfants, partout dans notre pays. Hier encore, je rencontrais le centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) du Finistère, que je remercie pour son action si indispensable. Ainsi, notamment sous votre impulsion, madame la ministre, notre majorité a défendu de nombreuses lois, pour la plupart transpartisanes – il faut le saluer.
    Pour lutter contre l’insupportable fléau que constituent les violences, notamment sexuelles, à l’égard des enfants, des avancées législatives fortes ont été obtenues – je pense à l’allongement de vingt à trente ans du délai de prescription, en matière pénale, pour les crimes sexuels commis sur les mineurs ou à l’introduction du principe de prescription glissante. Pour mieux protéger les enfants, nous avons également adopté une loi qui précise qu’aucun adulte ne peut se prévaloir du consentement sexuel d’un enfant de moins de 15 ans.
    S’agissant de la protection des femmes, de nombreux dispositifs ont été instaurés : le dépôt de plainte facilité, la formation des forces de l’ordre et des magistrats, le bracelet antirapprochement (BAR), le téléphone grave danger, ou encore l’aide universelle d’urgence versée aux victimes de violences conjugales. Ce sont là des avancées significatives, mais il reste beaucoup à faire. Aussi examinons-nous aujourd’hui la proposition de loi que vous avez déposée, madame la ministre, à la fin de l’année 2024, quand vous étiez députée.
    À son origine, le texte comportait trois articles. Le premier visait à rendre imprescriptibles, en matière civile, les crimes sexuels commis sur des mineurs, afin de renforcer les droits des enfants victimes, notamment lorsque leur prise de conscience est tardive. Le deuxième visait à étendre le dispositif de prescription glissante aux victimes majeures. Le troisième visait à faire entrer dans le code pénal la définition du contrôle coercitif, lequel est caractérisé par l’usage de violences psychologiques comme outil de subordination, qui placent les victimes dans un état de vulnérabilité.
    Je précise que le contrôle coercitif est déjà criminalisé en Grande-Bretagne, en Écosse, au Canada et dans certains États américains. Lors de son examen en commission la semaine dernière, le texte a été, je le regrette, quelque peu dépouillé de ces dispositifs. Aussi, le groupe Ensemble pour la République et moi-même défendrons deux amendements visant, pour l’un, à rétablir l’article 1er, pour l’autre, à proposer une nouvelle rédaction de l’article 3.
    Enfin, je tiens à mentionner à cette tribune un autre amendement que j’ai déposé et qui n’a malheureusement pas été retenu. Il visait à faire suite au récent arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui a considéré comme une violation de la Constitution européenne un divorce prononcé en France aux torts exclusifs de la femme au motif qu’elle refusait des relations sexuelles avec son mari. Madame la ministre, alors que nous luttons contre le viol conjugal, nous devons rappeler que le consentement au mariage ne saurait être assimilé à un consentement aux relations sexuelles. L’ambiguïté qui subsiste dans notre droit concernant le devoir conjugal est archaïque – j’espère que l’arrêt de la CEDH suffira à y mettre fin.
    Je vous remercie pour cette proposition de loi et pour votre détermination dans le combat fondamental que constitue la lutte contre les violences faites aux enfants et aux femmes. J’espère que par ce texte, notre assemblée saura s’unir pour envoyer un message fort aux victimes et leur dire : « Nous vous entendons. » (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem. – Mme Émilie Bonnivard applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Élise Leboucher.

    Mme Élise Leboucher

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    « Le regard que nous posons sur les enfants, la protection et l’éducation que nous leur donnons disent la société que nous sommes ». Alors que nous examinons cette proposition de loi, nous voilà renvoyés à cette phrase du rapport de la Ciivise qui revient à poser la question : quelle société sommes-nous ?
    Quelle société sommes-nous quand 160 000 enfants sont victimes chaque année de violences sexuelles ; quand toutes les trois minutes, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle ; quand sur une classe de trente élèves, trois sont la cible de ces crimes ; quand les enfants en situation de handicap ont trois fois plus de risques d’être victimes de violences sexuelles ?
    « Le déni, c’est une société de spectateurs », nous dit encore le rapport de la Ciivise. Trop longtemps, la société et ses institutions sont restées un tiers passif, un spectateur face à la violence exercée par les agresseurs, qui, je le rappelle, sont à 97 % des hommes. Ils ont en commun de profiter d’une domination d’âge, d’autorité, de statut sur les enfants qu’ils violent. Les violeurs ne sont pas les monstres de notre imaginaire collectif ou des délires racistes de l’extrême droite ; ce sont d’abord les pères, les frères, les oncles, les amis des parents, les voisins de la famille, un entraîneur – le plus souvent, une personne en qui l’enfant a toute confiance.
    Quelle société sommes-nous, quand, lorsqu’il révèle les violences au moment des faits, près d’un enfant sur deux n’est pas mis en sécurité et ne bénéficie pas de soins ; quand 3 % seulement des viols et agressions sexuelles commis chaque année sur des enfants font l’objet d’une condamnation des agresseurs – seulement 1 % dans les cas d’inceste ?
    Pendant ce temps, neuf mineurs concernés sur dix développent des troubles associés aux troubles de stress post-traumatique. Ils sont plus susceptibles d’adopter des conduites à risques, de développer des addictions ou encore de souffrir de dépression. Les effets des violences poursuivent les personnes très longtemps et entraînent des répercussions importantes sur leur vie affective et sexuelle. Selon la Ciivise, les agresseurs et les violences qu’ils commettent coûtent au moins 9,7 milliards d’euros par an à la société. S’ajoute à cela le coût de l’atteinte à l’intégrité de ces enfants, qui n’est pas quantifiable.
    Comment sortir notre société de ce rôle de spectateur dans laquelle elle s’est enfermée ? Comment sortir de l’emprise patriarcale qui transpire dans nos institutions et dans nos familles ? Ce n’est que par une approche globale que nous pourrons gagner du terrain sur le déni et l’impunité.
    Pourtant, vous-même, madame la rapporteure, avez estimé en commission que le texte que nous examinons n’était pas assez abouti. En effet, il s’en tient, hélas, à une approche procédurale et parcellaire sans prendre en considération le caractère structurel et systémique des violences sexuelles et sexistes et des violences intrafamiliales.
    Notre réflexion sur les procédures judiciaires doit se faire en prenant en compte le contexte dans lequel elles se situent et en travaillant sur la libération de la parole des victimes. Rappelons que 81 % des victimes de violences sexuelles sur mineurs ne portent pas plainte – et même 88 % en cas de violences incestueuses. Moins de 10 % des femmes portent plainte concernant les violences sexuelles subies, et le nombre de procédures judiciaires qui aboutissent est très faible.
    Le contexte, c’est aussi un service public de la justice qui manque structurellement de moyens pour mener à bien ses missions. La justice civile, à laquelle la proposition de loi renvoie, est particulièrement affectée par le manque de personnels et de moyens : la médiane du délai de traitement des affaires en première instance atteint près d’un an et demi, ce qui a conduit d’ailleurs la commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej) à classer la justice civile française dans la catégorie alerte.
    Face à des décennies de sous-investissement, le budget historique du précédent garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, n’est pas à la hauteur des besoins. Alors que la charge des juridictions civiles et pénales ne cesse d’augmenter, vous avez refusé de leur accorder les moyens nécessaires, en rejetant nos amendements au projet de loi de finances pour l’année 2025 – par exemple, ceux relatifs au recrutement de 603 magistrats spécialisés dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, ou à la formation des magistrats à cette lutte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Colette Capdevielle applaudit également.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Eh oui !

    Mme Élise Leboucher

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    Après des années d’austérité dans les services publics, c’est tout un filet de sécurité et de soutien qu’il convient de réinvestir afin d’agir sur le repérage et la prévention des violences faites aux femmes et aux enfants, de créer une culture de la protection et de la lutte contre l’impunité, et de garantir un accompagnement global des victimes. Les acteurs de l’éducation nationale, les travailleurs sociaux, la protection judiciaire de la jeunesse, les professionnels de santé et les acteurs de la justice ont besoin de moyens et de formations afin de mener à bien leurs missions.
    C’est d’ailleurs ce qu’appelle de ses vœux la Ciivise : parmi ses nombreuses recommandations, elle préconise de renforcer les moyens des services sociaux et des services de santé scolaires, d’étendre la formation des magistrats sur les violences sexuelles sur mineurs à tous les magistrats spécialisés et de garantir la prise en charge par la solidarité nationale de l’intégralité du coût du parcours de soins spécialisés du psychotraumatisme.
    J’insiste sur l’absolue nécessité d’assurer la mise en œuvre effective à l’école des séances d’éducation à la vie sexuelle et affective et de garantir un contenu d’information adapté au développement des enfants (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR. – Mme Colette Capdevielle et Mme Marie-Charlotte Garin applaudissent également) – moins de 15 % des élèves en bénéficient actuellement. La prévention et l’éducation doivent être au cœur de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, pour lutter contre la culture du viol et de l’impunité – mais sur ce sujet aussi, vous refusez nos amendements.
    En commission, l’ensemble des groupes a reconnu la nécessité d’une loi globale de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, que nous appelons de nos vœux depuis sept ans. Cette avancée notable est le fruit de la mobilisation des associations. Il est désormais urgent de transformer cela en actions concrètes et d’instaurer des politiques publiques à la hauteur de ce que nous devons comme protection aux enfants et aux femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR. – Mme Marie-Charlotte Garin applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle.

    Mme Colette Capdevielle

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    La lutte contre les violences sexuelles et sexistes demeure un angle mort des politiques publiques françaises. Nous souffrons encore d’un manque de courage et de volonté politique, en refusant de voir la brutale réalité des chiffres que vous toutes avez rappelés. Je suis d’ailleurs étonnée que pas un seul homme ne prenne la parole aujourd’hui : une ministre, une rapporteure et uniquement des oratrices dans cette discussion générale ! J’aurais souhaité qu’un homme intervienne. (Applaudissements et murmures sur divers bancs.)

    Mme Émilie Bonnivard

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    Vous auriez pu demander à un homme du groupe socialiste !

    Mme Colette Capdevielle

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    Pourtant, le modèle espagnol, depuis 2004, aurait dû nous inciter à élaborer une véritable loi-cadre, comme les très nombreuses associations nous y invitent encore. Le 23 janvier dernier, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, car un juge versaillais avait récemment prononcé le divorce aux torts exclusifs d’une épouse âgée, sous prétexte qu’elle refusait – sans raison valable, a osé écrire le juge – d’avoir des relations intimes avec son mari. Le juge français, d’ailleurs en conformité avec la jurisprudence française établie, estimait que le refus de relations sexuelles constituait une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage.
    La Cour européenne des droits de l’homme donne ainsi une magistrale claque au patriarcat français, en consacrant le fait que tout acte sexuel non consenti est une forme de violence sexuelle et que l’existence d’une telle obligation – notre bon vieux « devoir conjugal » – est à la fois contraire à la liberté sexuelle et au droit de disposer de son corps, ainsi qu’à l’obligation de prévention qui pèse sur les États en matière de lutte contre les violences domestiques et sexuelles.
    Le droit européen nous donne là une sacrée leçon. Fini le devoir conjugal : le mariage ne donne plus l’autorisation d’imposer des relations sexuelles à son épouse ; par conséquent, refuser une relation sexuelle à son mari n’est plus un manquement au devoir conjugal. Les épouses françaises peuvent dire merci au droit européen.
    Lutter contre les violences de genre, c’est d’abord produire un travail effectif et efficace de prévention. Là encore, la France est à la traîne. Pas plus tard qu’hier après-midi, je recevais une lettre dont la copie vous est adressée, madame la ministre, relative à la fermeture, pour des raisons budgétaires, du centre de santé sexuelle de l’hôpital de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz, dans mon département. Ce centre joue pourtant un rôle essentiel en matière de prévention, d’information, d’accueil et de prise en charge des personnes victimes de violences sexuelles. Situé au sein d’un établissement hospitalier, il offre aux victimes une prise en charge totale et pluridisciplinaire et garantit une confidentialité essentielle pour recueillir leurs paroles sur des sujets souvent encore tabous.
    En contradiction avec le discours public, cet abandon de la mission de service public par l’hôpital, motivé une nouvelle fois par des raisons budgétaires, est inadmissible, à l’instar des baisses des subventions pour les associations de victimes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – M. Emmanuel Duplessy applaudit également.) Quel est le message envoyé aux victimes ? C’est la double peine ! Et que dire – j’interpelle en l’occurrence le garde des sceaux – de cet homme condamné à dix ans de réclusion criminelle pour viol sur mineure de 13 ans, lâché en liberté la semaine dernière sans même un contrôle judiciaire, parce que la cour d’appel de Versailles est engorgée et n’a pu le juger dans le délai d’un an. Un violeur condamné est donc en liberté et sa victime avait 13 ans : voilà le tableau objectif de la protection des victimes !
    C’est dans ce contexte qu’intervient votre proposition de loi. Vous revenez encore – c’est assez facile – sur le serpent de mer des prescriptions ; avec l’article 1er, vous proposez un entre-deux, à savoir une imprescriptibilité en matière civile qui, selon les professionnels – Mme la rapporteure peut en témoigner –, va poser plus de problèmes qu’elle ne va en résoudre.
    Par ailleurs, je déplore le vide total en matière d’accompagnement judiciaire des victimes et d’indemnisation – je pense notamment à la commission d’indemnisation des victimes d’infraction (Civi) et au service d’aide au recouvrement des victimes d’infraction (Sarvi). Quant à la question des prescriptions, très différente en droit pénal et en droit civil, elle mérite d’être posée de nouveau, mais de manière globale et transpartisane.
    Votre proposition de loi a toutefois le mérite d’ouvrir enfin le débat sur le contrôle coercitif. Des textes existent déjà dans le code pénal, afin d’engager des poursuites contre les tyrans domestiques. Faut-il en rédiger un nouveau ? Certains professionnels en doutent, nous pensons au contraire que cela est nécessaire.
    L’observatoire des litiges judiciaires de la Cour de cassation travaille depuis plusieurs mois sur ce sujet émergent : inspirons-nous de ses travaux. Forme très courante des violences familiales, le contrôle coercitif est l’expression du terrorisme patriarcal. Il constitue une arme invisible pour les tiers et un mécanisme subtil, pervers et destructeur, qui s’insinue progressivement et précède neuf fois sur dix les féminicides. Sa qualification et sa définition ne sont pas simples car il s’agit de faire entrer le droit pénal dans l’ordre domestique. J’appelle votre attention sur les difficultés de la rédaction des dispositions en question. Les victimes de contrôle coercitif méritent que nous réalisions un travail sérieux : nous y prendrons toute notre place. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Émilie Bonnivard.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Aujourd’hui, nous avons une immense responsabilité : celle de dire à tous les enfants victimes de viols et à toutes les femmes victimes de violences sexuelles que nous reconnaissons leur souffrance et que nous nous donnons collectivement les moyens d’y répondre et de la réparer.
    Selon la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, 5,4 millions de personnes ont été confrontées enfants à des violences sexuelles. Chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles – soit une agression sexuelle toutes les trois minutes sur des enfants, dont 80 % sont des filles et 20 % des garçons.
    Ces chiffres, certainement encore en dessous de la réalité, devraient nous sauter au visage. Pourtant, l’inceste et le viol sur mineur sont par essence les crimes qui demeurent les plus impunis de notre société, tout simplement parce qu’ils ne sont pas dénoncés. Ils bénéficient en effet d’une forme de déni social qui a longtemps prévalu et a étouffé la parole – déni auquel s’ajoute l’immense difficulté, voire l’impossibilité psychique pour les victimes, de briser le silence. Cette sous-révélation massive des violences conduit à l’impunité de fait de dizaines de milliers d’agresseurs : telle est la situation. Seuls 12 % des cas d’inceste font l’objet d’un dépôt de plainte et seul 1 % conduit à une condamnation.
    Et pourtant, combien de vies brisées ? Le pédocriminel détruit l’enfant dans son intégrité physique, psychique et morale. Il en fait un objet. Il enferme les enfants dans une sidération, une solitude et une culpabilité insupportables, les condamnant à la dissociation et à porter un poids si lourd. Il détruit chez l’enfant devenu adulte la confiance en l’autre, nécessaire pour se construire, et laisse des séquelles physiques et psychiques profondes, qui entament lourdement les chances de l’adulte de vivre une vie normale.
    L’article 1er de la proposition de loi initiale visait à instituer l’imprescriptibilité civile pour les viols sur mineurs, non parce qu’il s’agirait de les comparer aux crimes contre l’humanité, mais tout simplement parce que la seule possibilité pour la victime d’énoncer ce crime, puis éventuellement de le dénoncer, ne peut intervenir, dans l’immense majorité des cas, que des décennies après la commission des faits, en raison de la réalité psychique des traumatismes.
    L’imprescriptibilité ne vient pas seulement consacrer la gravité d’un crime, mais peut aussi être considérée comme un outil juridique en matière civile, propre à une dénonciation par essence tardive et à une possible réparation pour les victimes. Il s’agit d’adapter notre droit à cette réalité qui touche 160 000 enfants par an. D’autres pays l’ont fait, agissons de même.
    Lors des auditions, nous avons entendu des magistrats de grande qualité nous dire leurs réserves à propos de l’imprescriptibilité, même uniquement civile. Incapacité à juger des faits trente ou quarante ans après et risque de déception des victimes : ces arguments sont éminemment légitimes mais ils sont toujours soulevés par l’institution judiciaire elle-même, au nom des difficultés que l’imprescriptibilité lui pose.
    Nous devons désormais changer de paradigme en donnant aux victimes, même si cela est difficile et complexe, la possibilité d’une réparation qui est aujourd’hui impossible, et à la justice les moyens d’y parvenir. Certes, modifier aussi profondément notre droit grâce à une proposition de loi n’est pas idéal – nous pourrions encore et toujours en débattre et faire mieux – mais notre rôle, ici et maintenant, est de décider, de protéger et de réparer, plus encore quand il s’agit des êtres dont la vulnérabilité est la plus grande, les enfants victimes d’un fléau massif.
    L’article 2 étend la notion de prescription glissante aux crimes sexuels commis sur majeurs et vise à faciliter la reconnaissance des récidivistes et à reconnaître toutes les victimes. Il permettra donc de mieux rendre la justice.
    Enfin, l’article 3 sur le contrôle coercitif est positif : il consacre une jurisprudence précieuse, qui permet de mieux comprendre et de qualifier les mécanismes de manipulation à la base de toutes les violences intrafamiliales et faites aux femmes, et donc de mieux les juger. Toutefois, veillons à ce que cette proposition de loi, par une définition trop restrictive ou hâtive de cette notion, ne vienne pas en amoindrir la puissance et la portée juridique.
    Le groupe de la Droite républicaine votera pour ce texte et appelle de ses vœux, comme vous le faites sur tous les bancs de cette assemblée, une loi-cadre, pour lutter mieux et plus globalement contre les violences faites aux femmes et aux enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – Mme la rapporteure applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Tous les chiffres, faits et analyses, cités à cette tribune rappellent à quel point les violences sexuelles devraient être considérées non comme des objets particuliers, mais comme un problème majeur, voire le problème majeur de notre société. L’Espagne a fait le choix d’assumer, les yeux grands ouverts, que les agresseurs, les violeurs de femmes et d’enfants et les auteurs d’inceste sont présents dans nos familles, parmi nos proches et nos collègues. Elle a compris que pour mobiliser la société et aider réellement les victimes, il faut affronter le sujet des violences dans sa globalité, y consacrer des moyens financiers et humains, des budgets de formation, et impliquer tout le corps social.
    Ce n’est pas le choix qu’a fait la France, qui ne met les moyens nécessaires ni dans la justice, ni dans la police, ni dans leur formation, ni même dans un réel soutien aux victimes par l’intermédiaire, par exemple, des associations. Nous sommes pourtant en pleine séquence budgétaire : ce serait le bon moment de démontrer notre volonté dans la lutte contre ces violences. Toutefois, mes collègues l’ont rappelé : aucun de nos amendements en faveur des droits des femmes et des enfants ou prévoyant des moyens supplémentaires pour former la police et la justice ou pour la prévention et la communication n’a été voté. Pendant que nous nous battons, le gouvernement a régulièrement piscine.

    M. Emmanuel Duplessy

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    C’est vrai !

    Mme Sandra Regol

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    Pourtant, madame la ministre et madame la rapporteure, vous avez les moyens de trouver des financements pour mener des actions et entendre les victimes : tout est question de volonté.
    Cette proposition de loi part d’ailleurs d’une volonté que nous partageons : doter les victimes d’outils contre leurs agresseurs. Si elle laisse de côté toutes les questions que je viens d’énumérer et qui sont centrales, elle a le mérite de donner un signal. Or, la question qui se pose à nous est simple : voulons-nous seulement envoyer un signal aux victimes ou leur donner des moyens pour agir contre leurs agresseurs et dépasser le cadre d’une simple proposition de loi, en assumant le nécessaire travail de fond à entreprendre ?

    M. Emmanuel Duplessy

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    C’est la vraie question !

    Mme Sandra Regol

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    L’éducation à la vie affective et sexuelle a été évoquée. Elle est constamment attaquée par la droite et l’extrême droite, au prétexte qu’elle dévoierait nos enfants, alors qu’elle leur donne simplement des outils pour comprendre qu’ils n’ont pas à subir des attouchements et que d’autres n’ont pas à décider à leur place ce qu’ils doivent faire de leur corps.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Non mais ça va pas la tête, de dire des choses pareilles !

    Mme Sandra Regol

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    Il est vrai que le premier ministre préfère, ici même, reprendre les mots et les obsessions migratoires de l’extrême droite, plutôt que d’agir pour les victimes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
    S’agissant de l’imprescriptibilité, le débat qui s’est largement tenu en commission, notamment à mon initiative, a permis de confronter les visions sans sombrer dans les jugements moraux ou les invectives. J’espère que cet hémicycle saura en faire autant. La prescription existe pour prendre en compte la disparition des preuves et des témoignages au fil du temps, afin de limiter les risques d’erreur judiciaire. Elle est donc non pas conçue contre les victimes, mais pensée pour que justice leur soit faite. Mais surtout, le droit a déjà intégré une forme d’imprescriptibilité de fait : la prescription des viols sur mineurs ne commence à courir qu’à compter de la date de la consolidation du dommage, c’est-à-dire à partir du moment où la victime a pris conscience de ce qui lui était arrivé. Ainsi, nous pouvons déjà appliquer cette disposition de notre droit.
    Nous n’avons pas changé de point de vue depuis les débats en commission : nous avons besoin de moyens financiers et humains, notamment pour renforcer l’espace de vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars) ainsi que la formation des professionnels du soin des victimes, tout en insistant sur la justice restaurative qui a fait ses preuves en la matière. Je sais qu’une part des associations de victimes ou d’aide aux victimes demandent l’imprescriptibilité. Je sais leur incompréhension de notre position, lorsque nous avançons des arguments juridiques.
    Je le redis pourtant : instaurer l’imprescriptibilité civile, c’est laisser la victime seule face au procès, face à une démarche judiciaire qu’elle devra mener à bien sans être accompagnée, épaulée. Je ne pense pas que cela l’aide. La question est celle de la capacité à juger et à punir les agresseurs mais surtout à les empêcher de sévir. Nous devons trouver des moyens de réparer, d’empêcher, de restaurer. Cela exige bien plus que ce que vous proposez. La prescription glissante est utile. En commission, nous avons pu avancer ensemble dans notre réflexion à son sujet.
    S’agissant enfin du contrôle coercitif, la CEDH nous enjoint à traiter les signes précurseurs de violences. C’est justement à cette fin que l’on envisage d’inscrire dans la loi la condamnation du contrôle coercitif. Cela pourrait permettre la mobilisation des proches des victimes qui, trop souvent, banalisent les faits commis et négligent leur répétition.
    Madame la rapporteure, vous l’avez dit et redit : dans sa rédaction initiale comme dans sa rédaction actuelle, cet article n’est pas satisfaisant. Pour cause : ainsi rédigé, il risque de limiter les droits acquis des victimes. En Écosse, ceux qui ont fait l’expérience de tels dispositifs législatifs indiquent que, sans moyens, sans formation, sans accompagnement, ils n’ont pas les effets escomptés. Nous devons les écouter. Ma collègue Sandrine Josso et la Cour de cassation mènent des travaux à ce sujet. Peut-être devrions-nous nous appuyer sur ces travaux. C’est le sens de l’amendement de ma collègue Colette Capdevielle.
    Vous l’aurez compris : nous ne nous opposons pas à ce texte mais nous demandons beaucoup plus. Notre vote dépendra donc des résultats de son examen dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – Mme Elsa Faucillon applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Lingemann.

    Mme Delphine Lingemann

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    Si notre devoir est avant tout de protéger les victimes, notre responsabilité politique est de construire un cadre juridique solide qui réponde à leurs souffrances sans pour autant fragiliser les principes fondamentaux de notre droit. Le groupe Les Démocrates accueille favorablement toutes les mesures qui améliorent la réponse judiciaire aux violences faites aux femmes et aux enfants. Nous soutenons donc par principe votre proposition de loi qui vise à rendre imprescriptible l’action civile en cas de viols sur mineurs.
    Le présent débat, attendu par tant de victimes et par les associations de protection de l’enfance, mérite d’avoir lieu. En effet, les chiffres sont terribles : chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles. Seules 13 % des victimes révèlent les violences qu’elles ont subies au moment des faits ; seules 19 % des victimes de violences sexuelles dans l’enfance portent plainte.
    En responsabilité, notre groupe démocrate appelle toutefois votre vigilance sur plusieurs points.
    D’une part, l’imprescriptibilité permettrait certes aux victimes ayant souffert d’une amnésie traumatique de disposer de plus de temps pour porter plainte mais ne résoudrait pas le problème posé par l’absence de preuves ou leur dépérissement de celles-ci. C’est pourquoi nous craignons qu’elle ne suscite de faux espoirs chez les victimes qui, du fait du passage du temps, ne pourraient plus produire toutes les preuves nécessaires.
    D’autre part, indépendamment de la longueur du délai de prescription, la question du début de ce dernier est tout aussi essentielle. Je rappelle que la jurisprudence de la Cour de cassation est particulièrement protectrice pour les victimes puisqu’elle fixe le point de départ de ce délai bien après la survenance des faits, à compter de la date de consolidation de l’état de la victime, c’est-à-dire du moment où elle prend conscience de son traumatisme.
    Enfin, nous rappelons que la prescription est corrélée à une hiérarchie claire entre les crimes : actuellement, seuls les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles. S’il n’est évidemment pas question de nier la gravité des viols, étendre l’imprescriptibilité aux viols sur mineurs en matière civile comporte le risque d’une dénaturation de ce principe hiérarchique et implique une révision de l’échelle des peines.
    Compte tenu de ces questionnements légitimes au regard de notre mission, qui est avant tout de légiférer en responsabilité, un véhicule législatif plus cohérent aurait pu être retenu afin de recueillir l’avis préalable du Conseil d’État, comme on l’a fait s’agissant de la proposition de loi visant à intégrer la notion de consentement dans la définition pénale des infractions d’agression sexuelle et de viol.
    Notre groupe soutient l’extension de la prescription glissante aux cas de viols ou agressions sexuelles sur majeurs qui aligne le régime applicable aux majeurs sur celui des mineurs, favorise l’égalité de traitement entre les victimes et renforce leur protection contre les récidivistes. Prolonger la capacité d’agir des victimes dont le délai de prescription initial a expiré instaure un mécanisme de solidarité entre les victimes d’un même agresseur.
    Pour ce qui est enfin de l’article 3, le groupe Les Démocrates soutient le principe de l’intégration du contrôle coercitif dans le code pénal. Nous estimons que cet article, supprimé en commission, doit être réintégré au texte afin que le débat sur ce sujet se poursuive dans le cadre de la navette parlementaire. Comme nous l’avons souligné en commission, nous considérons qu’il n’est pas pertinent d’introduire cette notion dans l’article du code pénal relatif aux violences psychologiques : cela risquerait de réduire le contrôle coercitif à cette seule dimension. Par essence, la notion de contrôle coercitif permet d’appréhender de manière globale les schémas de contrôle. L’introduction d’un nouvel article dans le code pénal nous semblerait donc plus pertinente.
    Je voudrais terminer mon propos en ouvrant des perspectives. Lutter contre les violences faites aux femmes et aux enfants, c’est aussi reconstruire la confiance dans l’institution judiciaire. Dans cet esprit, notre groupe se tient prêt à travailler à une grande loi-cadre qui pourrait apporter des réponses plus globales aux violences sexistes et sexuelles.
    Je sais pouvoir compter sur votre engagement, madame la ministre, comme vous pourrez compter sur le soutien des députés du groupe Les Démocrates pour faire avancer ce combat. Nous appelons à voter la présente proposition de loi, qui constitue une étape importante dans le traitement de cette question si cruciale et qui comporte des avancées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Pascal Lecamp applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

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    Alors que l’année 2025 vient de s’ouvrir, de nombreux crimes ont déjà été commis à l’encontre des femmes et des enfants. Le décompte reprend : après 2023, où la Miprof, la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, a identifié 1 185 femmes tuées, qu’on a essayé de tuer ou qu’on a contraintes à se suicider uniquement parce qu’elles étaient des femmes, le collectif #NousToutes recense cinq féminicides commis depuis le 1er janvier 2025, dont un quelques heures après le passage à la nouvelle année.
    Les enfants sont également au cœur de ces violences : le groupe Horizons & indépendants tient à rappeler que la Ciivise, dans son rapport édifiant de novembre 2023, identifiait 160 000 enfants victimes de violences sexuelles chaque année. Un enfant sur dix sera victime de violences sexistes et sexuelles. Au total, c’est l’enfance de 5,5 millions d’adultes qui a été ravagée.
    Ces événements tragiques rappellent le législateur à son rôle : fixer les règles de détermination des crimes et des délits ainsi que les peines qui leur sont applicables. En effet, si la libération de la parole, déclenchée par des victimes qui ont eu le courage de parler et que la société a enfin accepté d’entendre, constitue un premier pas, nos politiques publiques et notre système judiciaire restent perfectibles. Travailler collectivement à une adaptation plus poussée de ce système aux violences de ce type est la condition sine qua non pour que les victimes continuent de s’exprimer. Tout en préservant les équilibres inhérents à l’État de droit et aux droits de la défense, qui ont valeur constitutionnelle, notre droit pénal doit offrir à ces victimes davantage de justice.
    C’est l’objet de cette proposition de loi et je remercie Mme la rapporteure et Mme la ministre de l’avoir inscrite à l’ordre du jour. Au regard du combat qu’elle nous aidera à mener, notre groupe l’accueille favorablement. Nous ne saurions trop rappeler la nécessité de mettre en lumière, dans le débat public, ces enjeux qui relèvent à la fois de la santé publique et de l’égalité entre les femmes et les hommes mais également entre tous les enfants. Le législateur doit s’en emparer.
    Trop de victimes s’abstiennent de porter plainte. La peur et la honte n’ont toujours pas changé de camp. Le psychotraumatisme latent est là, toujours là. Faire fi de l’amnésie traumatique serait une erreur. La réparation constitue donc un enjeu.
    Ces dernières années, de nombreuses évolutions ont vu le jour. Ainsi, la loi Schiappa de 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a fixé la date d’expiration du délai de prescription des crimes sexuels commis sur les mineurs à trente ans après la majorité des victimes présumées, tandis que la loi de décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a élargi les conditions du port du bracelet antirapprochement et de la mise à disposition du téléphone grave danger.
    Comme d’autres l’ont fait, notre groupe tient à souligner que le législateur pourrait et devrait aller plus loin. Il serait souhaitable qu’il se saisisse d’une loi-cadre permettant de traiter l’ensemble des enjeux relatifs aux violences faites aux femmes et aux enfants, au fil d’un travail parlementaire approfondi.
    La présente proposition de loi, qui constitue un signal, contient des dispositions intéressantes. Son article 2 pourrait donner lieu à la judiciarisation de situations plus nombreuses et apporterait davantage de justice aux femmes et aux enfants victimes.
    Le principe de la prescription glissante, introduit par la loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, prolonge le délai de prescription du viol sur un enfant si la même personne viole ou agresse sexuellement par la suite un autre enfant – le délai est alors étendu jusqu’à la date de prescription de cette nouvelle infraction. Actuellement, ce principe vaut seulement pour les crimes et délits sexuels commis sur les mineurs. Son élargissement aux crimes commis sur les majeurs constitue une évolution très intéressante, dont le groupe Horizons & indépendants espère qu’elle fera consensus au sein de cet hémicycle.
    Notre groupe estime nécessaire de poursuivre le travail parlementaire relatif à la notion de contrôle coercitif que vous avez commencé, madame la rapporteure, en réintroduisant l’article 3 par voie d’amendement. Il s’agit d’un contentieux émergent de premier plan, que les travaux de l’Observatoire des litiges judiciaires de la Cour de cassation, qui seront rendus courant 2025, éclaireront utilement.
    Notre groupe votera majoritairement ce texte. Nous le devons aux victimes. Notre responsabilité est de montrer à ces femmes et à ces enfants que nous les entendons, que nous comprenons et que nous les soutenons. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et quelques bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Martine Froger.

    Mme Martine Froger

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    Ces dernières années, les témoignages de femmes et d’enfants victimes se sont multipliés. La révélation des actes de violence physique et sexuelle qu’ils ont subis, toujours plus nombreux, a provoqué un choc dans notre société. Pourtant, nous savons que nombre de victimes n’ont pas encore parlé et que certaines ne parleront jamais.
    Dans tous les témoignages que nous avons pu lire ou entendre, un sentiment revient constamment : le sentiment d’injustice. Or, parmi tous les obstacles qui se dressent sur le long chemin que parcourent les victimes en quête de réparation, la prescription est sans doute le plus redoutable. Une fois atteinte la date d’expiration du délai, tout s’arrête : le couperet du classement sans suite tombe, l’agresseur ne peut plus être inquiété et jouit d’une totale impunité.
    Cependant, notre groupe tient à souligner qu’il ne suffit pas d’affronter la question de la prescription pour résoudre le problème. Pour l’essentiel, les classements sans suite procèdent d’une caractérisation insuffisante de l’infraction et d’un manque de preuves. Je rappelle que le taux de classement sans suite, s’agissant des viols, s’élève à 94 %.
    Cette situation n’est plus acceptable et la proposition de loi que nous examinons doit être débattue, comme toutes les modifications permettant de faire évoluer nos procédures civiles et pénales afin de mettre un terme à ce sentiment d’injustice.
    En commission des lois, l’article 1er du texte, qui visait à rendre imprescriptible l’action civile en cas de viol sur mineurs, a été rejeté. Cette mesure touchait à un sujet sensible : notre groupe demeure convaincu que la notion d’imprescriptibilité doit être réservée aux crimes contre l’humanité. Toutefois, il est aussi impératif d’entendre les demandes des associations en matière de réparation des victimes. En évitant le volet pénal pour se limiter à la procédure civile, l’article 1er aurait pu constituer une solution de compromis. Je suppose que nous en débattrons à nouveau aujourd’hui au cours de l’examen des amendements visant à restaurer cette disposition.
    Il est important de mesurer l’impact que l’instauration de l’imprescriptibilité peut avoir sur les victimes. Lors de nos travaux, certains de nos collègues ont souligné le risque de voir se tenir des procès impossibles à mener convenablement en raison de la date de commission des faits et de l’insuffisance des preuves, ce qui, in fine, pourrait donner de faux espoirs aux victimes. J’entends ces arguments mais j’estime important de ne pas nous enfermer dans un débat de juristes sur cette question. Nous parlons de près de 160 000 enfants victimes chaque année de violences sexuelles et d’inceste. L’ampleur de ce phénomène et la vulnérabilité de ces victimes justifient grandement une évolution importante de nos procédures.
    L’article 2, qui étend le mécanisme de prescription glissante aux majeurs, nous semble représenter une évolution substantielle. Concrètement, le délai de prescription applicable dans le cas d’une femme victime de viol pourrait être prolongé si son agresseur violait une autre femme. Notre groupe est favorable à l’élargissement de ce dispositif, déjà applicable aux mineurs, qui peut être utile pour lutter contre les prédateurs sexuels. Une logique de solidarité entre les victimes, visant à combattre les récidivistes, imprègne ce mécanisme. Je sais que certains, ici, sont réticents devant ces changements de la procédure pénale, mais nous sommes bien forcés de constater qu’en l’état, le droit ne protège pas suffisamment les victimes.
    Enfin, l’article 3, également rejeté, introduisait la notion de contrôle coercitif en matière de violences contre les femmes. Notre groupe était réservé – la définition proposée était floue et aurait pu fragiliser l’arsenal pénal – mais reste ouvert à une nouvelle rédaction qui nous sera proposée par la rapporteure. Nous considérons néanmoins qu’il aurait été sans doute opportun que ce dispositif fasse l’objet d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État afin de le sécuriser et d’apporter ainsi une protection supplémentaire aux victimes.
    Mes chers collègues, si je comprends les interrogations qui doivent être les nôtres en tant que législateur quand il s’agit de modifier l’arsenal juridique, je tiens à dire qu’il est aussi de notre devoir de garantir qu’aucun enfant, qu’aucune femme, qu’aucun homme ne puisse être abusé. Il est temps que tout cela cesse, il est temps de mettre un terme à ce sentiment d’impunité. Si nous voulons que les victimes puissent parler et aller en justice, nous devons leur en donner les moyens. La fin du silence doit s’accompagner de la fin de la culture de l’impunité.
    Pour ces raisons, le groupe LIOT, sous réserve des équilibres qui seront trouvés en séance, soutiendra cette proposition de loi. (Mmes Elsa Faucillon et Émilie Bonnivard applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    Les prises de parole de personnes qui, enfants, avaient été victimes d’inceste, ont révélé à la société entière que les agresseurs sont nos pères, nos oncles, nos frères, nos grands-pères… Le procès Pelicot a, lui, démontré la banalité du crime de viol, une banalité dans la fréquence, une banalité dans les profils. Une banalité qui se joue dans un silence assourdissant.
    Il nous faut à présent être à la hauteur. Or, disons-le, nous ne le sommes pas encore – et la réponse judiciaire non plus. Vous avez rappelé plusieurs chiffres : seules 6 % des victimes de viol portent plainte et 94 % de ces plaintes sont classées sans suite – 86 % dans les affaires de violences sexuelles.
    Il ne s’agit plus seulement d’écouter les victimes mais bel et bien d’agir. Il existe de nombreuses propositions visant à mettre fin à ce qui constitue une violation du droit à l’intégrité physique et une violation du droit à la dignité. Parmi ces propositions, on peut relever le vote d’une loi-cadre contre les violences sexistes et sexuelles, une loi intégrale, globale pour s’attaquer à tout ce qui touche à ces violences sexistes et sexuelles. On pense également au financement massif des associations de défense des droits des femmes ou encore à la nécessaire formation citoyenne et politique sur les différentes formes de domination patriarcale et sur les procédés des agresseurs.
    Nous examinons une proposition de loi composée de mesures défendues par la Ciivise qui, depuis plusieurs années, réalise un travail d’alerte remarquable que je salue.
    L’une de ces mesures, l’imprescriptibilité de l’action civile, soulève plusieurs interrogations, évoquées en commission le 22 janvier dernier. L’imprescriptibilité civile implique que la victime peut se voir indemnisée pour le viol qu’elle a subi à n’importe quel moment de sa vie et quand bien même l’action publique pénale serait prescrite. Or l’action civile repose en partie sur l’action pénale. Afin d’indemniser la victime d’un viol, il faut prouver un fait générateur du préjudice, qui est ici précisément le viol. En l’absence de possibilité pour le procureur de mener une enquête en raison de la prescription au pénal, la caractérisation du fait générateur est impossible.
    Aussi ne faut-il pas sous-estimer le phénomène de déperdition des preuves qui empêche toute caractérisation de l’infraction : c’est non seulement un des fondements de la prescription mais aussi et bien souvent un des fondements des classements sans suite. Seul un cas subsiste : celui où l’auteur avouerait le viol après la prescription de l’action publique. La probabilité d’un tel événement dans le cadre d’une société mue par un patriarcat plurimillénaire reste néanmoins très faible. Non seulement la société ne l’y invite pas, mais encore l’auteur de viol n’a aucun intérêt à supporter les conséquences de tels aveux.
    Il existe un risque important, celui que nous tâchons d’évaluer à l’occasion de l’examen de la présente proposition de loi : créer de faux espoirs. Au bout de la chaîne, c’est l’autorité judiciaire qui sera qualifiée d’incompétente et les victimes qui se sentiront peut-être encore plus abandonnées. On risque en effet de reprocher à la justice d’enregistrer un nombre important de procédures et de prononcer peu de condamnations en raison du manque de preuves du fait générateur du préjudice.
    Enfin, le caractère imprescriptible pourrait, dans certains cas, faire peser l’indemnisation du crime sur la descendance de l’auteur si celui-ci vient à décéder.
    L’extension de la prescription glissante aux victimes majeures ne pose pas de difficultés pour le groupe GDR : la pratique permettant en réalité déjà de couvrir ces cas de figure, nous ne voyons pas d’obstacle à l’inscrire dans la loi.
    En ce qui concerne le contrôle coercitif, la rédaction proposée en commission pose plusieurs problèmes, avis partagé par l’ensemble des commissaires. Nous pensons que l’efficacité de cette infraction repose sur la qualification autonome qu’on pourrait lui donner. Si la définition proposée par Mme Josso nous semblait intéressante, il faut veiller à ne pas trop restreindre les marges de manœuvre du magistrat.
    Pour finir, je tiens à souligner à quel point il nous faut avancer rapidement vers une loi-cadre de nature à nous permettre de lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles dans la société. Pour ce qui est de la présente proposition de loi, vous aurez compris que nous nous déciderons en fonction de la teneur de nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – Mme Colette Capdevielle applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.

    Mme Sophie Ricourt Vaginay

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    La présente proposition de loi concerne un sujet fondamental : la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Ces violences, inadmissibles dans une société civilisée, appellent des réponses fermes, justes et équilibrées. Cependant, la version initiale du texte porte la marque de pressions idéologiques plus que celle de l’exigence de clarté et d’impartialité. En outre, ballotté au gré des chaises musicales du gouvernement et des ajustements de dernière minute, le texte a perdu son cap.
    La commission des lois a joué son rôle et rétabli les équilibres en rappelant que notre système judiciaire repose sur des principes solides, hérités d’une longue tradition républicaine. Parmi ces derniers, l’imprescriptibilité est une exception réservée aux crimes contre l’humanité, qui touchent à l’universel et défient la temporalité. Étendre ce principe à d’autres crimes, aussi graves soient-ils, risquerait d’affaiblir la cohérence de notre droit et de dénaturer son équilibre. Ce n’est pas manquer de considération pour les victimes que de défendre cette ligne. Au contraire, c’est affirmer que la justice doit rester une institution forte, respectée et respectueuse des droits de chacun, y compris de ceux de la défense.
    Cela étant, la prescription glissante pour les majeurs est une disposition qui mérite d’être saluée. Elle constitue une réponse pragmatique et adaptée à la nature répétitive des comportements criminels, permettant ainsi de garantir que la justice puisse se saisir de faits trop longtemps occultés.
    L’intégration, dans le cadre pénal, des violences psychologiques, bien que louable dans son intention, doit être envisagée avec la plus grande prudence face aux dérives idéologiques. Ces violences, par leur nature subjective, sont complexes à définir et à prouver. Si nous ne voulons pas fragiliser la justice, il est impératif d’éviter tout flou législatif excessif qui ouvrirait la porte à des abus ou des dérives. Il est tout aussi impératif de faire confiance à cette même justice qui a établi une jurisprudence précise sur le sujet.
    Nous devons par ailleurs nous montrer des plus prudents avec un certain militantisme outrancier qui, sous couvert de féminisme, cherche à opposer systématiquement les hommes et les femmes. Ces discours militants détournent l’attention des véritables enjeux : protéger les victimes, sanctionner les coupables et préserver le tissu social.
    Il ne suffit pas de multiplier les textes de loi pour répondre aux attentes légitimes des victimes de ces crimes odieux. Ce qu’il faut avant tout, c’est renforcer les moyens alloués à la justice et à la police : former les magistrats et les policiers, moderniser les tribunaux et garantir une application rigoureuse des lois en vigueur. Trop souvent, l’État compense ses carences par une inflation législative qui produit plus de confusion que d’efficacité.
    Mes chers collègues, avec Éric Ciotti et le groupe UDR, notre rôle est clair : défendre une vision exigeante et responsable de la justice. Une justice ferme mais équilibrée, qui protège sans excès, punit sans faiblesse, et demeure fidèle aux principes fondamentaux de notre droit. Elle ne doit jamais céder aux passions idéologiques, mais toujours s’inscrire dans la recherche d’une vérité impartiale et durable.
    Pour conclure, je rappellerai cette réflexion éclairante de Simone Weil : « Une femme ne veut pas être honorée comme une créature sacrée. Elle veut qu’on lui permette de respirer et de vivre. » C’est cet équilibre, entre liberté et dignité, que nous devons viser. Notre responsabilité est de garantir à tous une justice à la fois humaine et rigoureuse, dans le respect des valeurs qui fondent notre société. Ce combat est celui d’une République forte et juste, et il nous engage tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    M. le président

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    La discussion générale est close.

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au règlement.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je tiens avec solennité, au nom de l’article 70, alinéa 3, du règlement, qui dispose que peut faire l’objet de peines disciplinaires tout député « qui se livre à une mise en cause personnelle, qui interpelle un autre député ou qui adresse à un ou plusieurs de ses collègues des injures, provocations ou menaces », à revenir sur l’incident survenu pendant les questions au gouvernement.

    Mme Émilie Bonnivard

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    C’est sérieux ? Franchement !

    M. Ugo Bernalicis

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    Je profite de la présence de la ministre déléguée Bergé puisqu’elle et notre collègue Yadan se sont permis de nous qualifier, purement et simplement, de complices du nazisme et de la Shoah, et d’antisémites d’aujourd’hui. C’est inacceptable ! Il n’y a pas d’antisémites dans nos rangs. (« Oh ! » et rires sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Emmanuel Duplessy

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    Personne n’a été condamné pour antisémitisme chez nous ! Nous allons vérifier vos casiers judiciaires et vos CV !

    M. Ugo Bernalicis

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    L’antisémitisme n’est pas un de nos moyens et nous ne serons jamais antisémites…

    M. Laurent Jacobelli

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    On en voit pourtant, là-bas, sur vos bancs !

    M. Ugo Bernalicis

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    …car nous serons toujours des antiracistes convaincus et intégraux – parce que nous sommes des républicains convaincus.
    Je tenais à faire cette mise au point parce que je ne souhaite pas que recommence une telle instrumentalisation,…

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Assumez ce que vous êtes hélas devenus !

    M. Ugo Bernalicis

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    …surtout si l’on considère la solennité qu’impose le débat de ce soir.
    J’espère, monsieur le président, que la présidente de l’Assemblée sera bien saisie de ces faits et que des réponses y seront apportées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    Je transmettrai votre demande à Mme la présidente de l’Assemblée.

    Discussion des articles

    M. le président

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    M. le président

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    Je suis saisi de huit amendements identiques, nos 5, 7, 14, 23, 24, 25, 28 et 34, visant à rétablir l’article 1er, supprimé par la commission.
    La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir l’amendement no 5.

    Mme Sylvie Bonnet

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    Il s’agit de permettre l’imprescriptibilité civile des viols commis sur les mineurs, afin que les victimes puissent ainsi obtenir une réparation.

    M. le président

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    La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 7.

    Mme Virginie Duby-Muller

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    Nous voulons en effet rendre imprescriptible l’action civile en cas de préjudice causé par  des tortures ou des actes de barbarie, ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre des mineurs. L’article 2226 du code civil prévoit une prescription de vingt ans dans ces cas mais ce délai est souvent insuffisant face à la réalité des traumatismes. Les victimes de violences sexuelles en particulier, lorsqu’elles étaient mineures, mettent parfois des décennies à briser le silence. Aussi les délais prévus sont-ils inadaptés et injustes.
    Rétablir l’article garantirait qu’aucune victime ne soit privée d’un droit à réparation à cause du temps écoulé, à condition que le préjudice soit prouvé. En commission, plusieurs groupes ont exprimé leur réticence concernant la notion d’imprescriptibilité mais face à la force des témoignages des victimes de violences sexuelles, il me semble important de répondre à cette demande, présente dans les conclusions des travaux de la Ciivise.
    Rendre cette action civile imprescriptible, c’est envoyer un message fort : les violences contre les enfants ne seront jamais oubliées et les droits des victimes doivent prévaloir sur toute autre considération. C’est pourquoi je vous invite à adopter cet amendement. (Mme Émilie Bonnivard applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Laurent Mazaury, pour soutenir l’amendement no 14.

    M. Laurent Mazaury

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    Nous défendons le rétablissement de l’article 1er pour les mêmes motifs philosophiques et psychologiques que ceux invoqués à l’instant.

    M. le président

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    La parole est à Mme Julie Delpech, pour soutenir l’amendement no 23.

    Mme Julie Delpech

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    Il vise lui aussi à rétablir l’article 1er afin de rendre imprescriptible l’action en responsabilité pour les dommages corporels, causés par des tortures ou des actes de barbarie, ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre des mineurs.
    Il s’agit de répondre à une attente forte des victimes et de leurs familles, pour lesquelles le temps nécessaire à la reconstruction et à la prise en charge ne saurait être un obstacle à la justice. L’imprescriptibilité est une mesure essentielle pour permettre aux victimes, souvent frappées d’amnésie traumatique ou confrontées à la difficulté de dénoncer leur agresseur, d’obtenir réparation et reconnaissance. En garantissant que la justice puisse s’exercer sans limite de temps, nous envoyons un message fort : la société ne tolérera jamais ces crimes et restera aux côtés des victimes aussi longtemps qu’il le faudra. L’amendement s’inscrit dans la continuité des engagements pris ces dernières années pour lutter contre les violences sexuelles et réaffirme notre détermination à renforcer la protection des plus vulnérables.

    M. le président

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    La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 24.

    Mme Maud Bregeon, rapporteure

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    L’objectif est de réintroduire l’imprescriptibilité civile. Il me semble inacceptable et impensable que l’on puisse dire à des victimes qu’elles arrivent trop tard. Il est inimaginable que l’on accepte un délai couperet, à cause duquel, après des années de réflexion, une fois que les victimes sont prêtes à parler, la justice ne serait plus en capacité de les entendre et de les reconnaître en tant que telles.

    M. le président

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    L’amendement no 25 de Mme Sandrine Josso est défendu.
    La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir l’amendement no 28.

    Mme Béatrice Piron

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    Il tend également à rétablir l’article 1er qui introduit l’imprescriptibilité des agressions et violences sexuelles commises sur des mineurs.

    M. le président

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    La parole est à Mme Graziella Melchior, pour soutenir l’amendement no 34.

    Mme Graziella Melchior

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    Il s’agit toujours de rétablir l’article 1er. Je suis convaincue que nous avons le devoir de dire aux enfants victimes de crimes sexuels qu’il n’est pas trop tard pour être enfin reconnus en tant que victimes et pour obtenir réparation. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Très bien !

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    J’émets, bien évidemment, un avis favorable sur l’ensemble de ces amendements et j’en profite pour répondre à quelques arguments et questions posées durant la discussion générale.
    Pour ce qui est de l’avis du Conseil d’État, j’ai déposé cette proposition de loi en tant que députée, et je crois que tous ceux qui ont fait de même savent qu’il faut saisir l’opportunité de déposer un texte quand elle se présente, et plus encore dans le contexte d’incertitude politique que nous traversons.
    J’entends néanmoins que vous attendez tous une loi-cadre en la matière. Je propose d’écrire à l’ensemble des présidents de groupe pour qu’ils désignent un ou deux représentants par groupe, et qu’ensemble, en lien avec la Chancellerie, nous travaillions sur cette loi-cadre en examinant ce qui a été fait ces quinze dernières années et qui mériterait d’être revu, renforcé ou corrigé, et en identifiant les manques. C’est dans cette optique que nous pouvons réussir à travailler collectivement dans un esprit de consensus, je l’espère. Malgré certains désaccords, beaucoup d’orateurs souhaitent que nous avancions.
    S’agissant des désaccords, une question est souvent revenue : donnons-nous de faux espoirs aux victimes ? La réponse la plus simple est d’écouter ces dernières, parce qu’elles nous disent préférer un espoir – éventuellement faux – à l’absence de tout espoir. Aujourd’hui, la justice leur répond, une fois qu’elles sortent enfin de l’état de sidération d’une innocence volée, de honte et de culpabilité, qu’il est trop tard. Et si nous ne changeons pas la loi, c’est nous qui leur dirons qu’il est trop tard et qu’il fallait se réveiller plus tôt pour parler. Comme nous y a enjoints Émilie Bonnivard, plaçons-nous non du côté de l’institution judiciaire, mais des victimes ! C’est pour elles que ce texte existe, pour la réparation dont elles ont besoin. Il ne répond pas à un enjeu politique : s’il est adopté, ce sera grâce à l’ensemble des membres de l’Assemblée ; mais s’il ne l’est pas, imaginez le message envoyé aux milliers de victimes qui ont eu le courage de témoigner et de révéler ! Nous continuerions à leur dire qu’il est trop tard et qu’il fallait parler plus tôt. Je ne suis pas convaincue par l’argument des faux espoirs. Je crois davantage à la réparation que nous pourrions rendre possible et dont les victimes pourraient bénéficier. Elles sont lucides et savent qu’elles n’obtiendraient pas nécessairement de condamnation, mais elles veulent être reconnues en tant que victimes, elles veulent que leur parole soit consignée et légitime. Nous pourrions leur offrir un cadre qui le permettrait.
    Une autre question concerne la distinction entre matière civile et matière pénale. La Ciivise avait recommandé l’imprescriptibilité en matière pénale ; j’ai eu l’occasion d’en discuter avec le juge Durand, que je remercie encore pour le travail qu’il a réalisé. Je crois toutefois qu’il faut qu’on maintienne l’exception pénale pour les crimes contre l’humanité, raison pour laquelle le texte ne se place qu’au niveau civil. N’oublions pas, de surcroît, que le régime de la preuve est moins lourd en matière civile, puisque le fondement juridique est celui de la faute. Ce n’est pas la même épreuve qui est imposée aux victimes et ce ne sont pas les mêmes condamnations qui pourraient en résulter.
    Enfin, vous évoquez souvent le sentiment d’impunité qui existe dans notre société. Mais qui en pâtit ? Les victimes, ces enfants devenus adultes, qui n’ont même pas la possibilité d’accéder à la justice. En votant contre cette possibilité, nous renforçons ce sentiment d’impunité qui préserve les auteurs de violences, lesquels ont déjà volé la vie des victimes qui nous disent toutes dans leurs témoignages qu’elles ont le sentiment d’avoir été condamnées à perpétuité. Notre système laisse tranquilles les auteurs de ces crimes. Plus un seul auteur de violences sexuelles ou d’inceste, le crime le plus insupportable qui soit, à l’encontre de nos enfants ne doit pouvoir dormir tranquille. Je veux qu’ils comprennent, au vu de nos votes, que nous sommes du côté des victimes et que nous refusons toute impunité. Disons à ceux qui ont abusé nos enfants qu’ils ne dormiront plus tranquilles, car le jour où les victimes sauront parler, elles auront accès à la justice ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe DR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle.

    Mme Colette Capdevielle

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    Ces amendements viendraient rétablir l’article 1er et donc modifier de manière substantielle le code civil en matière de prescription – ce n’est pas rien –, sans étude d’impact, sans avis du Conseil d’État et contre l’avis de tous les professionnels du droit.
    En 2022, la Cour de cassation a rendu un arrêt concernant un homme victime de viol lorsqu’il était élève dans un collège religieux, de 1972 à 1975 : elle a déclaré son action recevable, car la date de début du délai de prescription n’est pas la même en matière pénale et en matière civile. Il s’agit respectivement de la date des faits et de la date de consolidation – et nous sommes tous d’accord pour admettre qu’une victime de viol ou d’agression sexuelle ne peut jamais être consolidée. Madame la ministre déléguée, il faut dire aux victimes qu’elles peuvent déjà engager des actions civiles sur la base de cette décision de 2022.
    Supposons qu’elles ne le puissent pas, parce qu’elles seraient consolidées. Pourquoi faire une exception pour cette infraction et pas pour d’autres ? Voilà pourquoi nous proposons de remettre sur le métier le sujet de la prescription dans sa globalité.
    Madame la rapporteure, vous avez affirmé que la justice civile laisse toute la place à la victime. C’est faux, parce qu’elle n’est plus une victime, mais une justiciable comme les autres, qui doit engager un avocat et apporter la preuve d’un viol ou d’une agression sexuelle. Au pénal, elle a la possibilité de bénéficier d’une enquête de police ou de gendarmerie, voire d’une enquête instruite par un juge qui auditionnera les témoins. Au civil, la victime devient partie demanderesse et elle est seule à devoir assumer la charge de la preuve. Croyez-moi que c’est dur.
    Dans la mesure où nous considérons que le sujet des prescriptions nécessite un très large débat en matière tant pénale que civile, nous nous abstiendrons sur ces amendements de rétablissement.

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    L’article 1er n’a pas été supprimé parce que les commissaires aux lois ne souhaitaient pas apporter de réponse aux victimes en matière de justice civile ou parce qu’ils récusaient leur demande de reconnaissance du préjudice et de réparation. Il a été rejeté parce que, comme l’a expliqué Mme Capdevielle, en matière de justice civile, le régime de prescription démarre au moment de la consolidation des faits et s’étend dans le temps long pour permettre à la victime d’arriver au bout du processus à l’issue duquel elle est prête à demander justice. En l’état, le droit civil permet donc déjà l’action souhaitée.
    Il existe des difficultés et peut-être aurons-nous l’occasion d’en parler. Il faut discuter de la justice civile dans son ensemble. Comme le disait Mme Capdevielle, dans la procédure civile, la charge de la preuve revient au justiciable et elle est plus difficile à fournir qu’au pénal. La réintroduction, en l’état, de cet article ne répond pas à notre intention et pourrait soulever des problèmes.
    La ministre déléguée a annoncé qu’elle saisirait la présidence de l’Assemblée ; en effet, étant donné les questions dont nous devons discuter et les délais contraints qui ont été les nôtres pour examiner ce texte, il aurait été préférable que le Conseil d’État soit saisi pour avis, y compris pour une proposition de loi, puisque la présidente de l’Assemblée dispose de ce pouvoir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Le sujet de l’imprescriptibilité fracture depuis de nombreuses années les mouvements féministes, les collectifs et les associations qui militent pour que nous disposions d’outils permettant de lutter contre les violeurs et les auteurs d’incestes. Ce n’est pas nouveau et ce vote permettra de nous départager.
    Il est dommage, malgré les éléments juridiques rappelés par Mme Capdevielle, que nous n’ayons pas disposé de plus de temps, car il s’agit d’un débat profond et ancien, qui ne repose pas sur rien. Il y a des victimes qui préfèrent être déçues plutôt que de ne pas avoir la possibilité de recourir à la justice, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre déléguée. Cependant il y a autant de réalités que de victimes et, pour certaines d’entre elles, cette prescription sert de déclencheur : l’idée que le recours en justice ne soit bientôt plus possible les prend tellement à la gorge que ce qu’elles pensaient jusque-là impossible devient une nécessité.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    C’est vrai !

    Mme Sandra Regol

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    De la même façon que l’on ne peut pas réduire les victimes à l’exemple que vous avez cité, je ne vais pas les réduire à l’exemple que j’ai cité, pourtant concret puisque fondé sur les témoignages de personnes avec qui j’ai travaillé.
    En tant que législateur, nous devons nous montrer à la hauteur de la solennité de ce vote et tâcher de répondre au mieux à la question cruciale qui est posée. L’imprescriptibilité de fait s’applique déjà, dans certains cas, aux crimes commis sur des mineurs. Rétablir l’article 1er dans la proposition de loi aurait des conséquences importantes, voire capitales ; c’est sur ce point que devrait porter le débat.

    M. le président

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 7, 14, 23, 24, 25, 28 et 34.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        162
            Nombre de suffrages exprimés                149
            Majorité absolue                        75
                    Pour l’adoption                62
                    Contre                87

    (Les amendements identiques nos 5, 7, 14, 23, 24, 25, 28 et 34 ne sont pas adoptés ; en conséquence, l’article 1er demeure supprimé.)
    (Mme Andrée Taurinya applaudit.)

    Mme Émilie Bonnivard

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    Vous applaudissez, vraiment ?

    Article 2

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 4 deuxième rectification et 10 deuxième rectification.
    La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir l’amendement no 4 deuxième rectification.

    Mme Sylvie Bonnet

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    Il vise à rendre imprescriptible l’action publique des viols sur mineurs. Parmi les victimes ayant témoigné auprès de la Ciivise, l’imprescriptibilité pénale est la mesure la plus demandée. Les trois quarts des victimes déclarent que les faits dont elles ont souffert sont aujourd’hui prescrits et ce constat alarmant appelle une réforme urgente : il est impératif de leur laisser le temps nécessaire pour trouver la force et les moyens de se faire entendre. Rendre les violences sexuelles sur mineurs imprescriptibles permettrait aussi de lutter plus efficacement contre l’impunité des agresseurs.

    M. le président

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    La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour soutenir l’amendement no 10 deuxième rectification.

    Mme Virginie Duby-Muller

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    Pour les mineurs, l’imprescriptibilité des viols est une mesure de justice incontournable. Nous savons que les enfants victimes de tels crimes, souvent commis dans un contexte de proximité ou d’inceste, mettent de longues années à pouvoir parler. Amnésie dissociative, dépendance juridique et psychologique, peur de l’agresseur : ces obstacles retardent considérablement les démarches judiciaires. Un délai de prescription, aussi long soit-il, n’y change rien. L’amendement vise donc à adapter la loi à ces délais de révélation, pour que jamais une victime ne soit privée de justice.
    Pour les majeurs, nous conservons en l’enrichissant une prescription glissante, introduite par la loi Billon de 2021. Ce mécanisme permet d’allonger les délais de prescription lorsqu’un agresseur récidive et, partant, de renforcer la lutte contre les agressions sexuelles tout en garantissant une cohérence juridique.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Maud Bregeon, rapporteure

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    Défavorable. Lors de l’examen de la proposition de loi en commission, les députés n’avaient pas souhaité y inscrire l’imprescriptibilité pénale. Je rappelle que seuls le crime de génocide et les crimes contre l’humanité sont pénalement imprescriptibles. Instaurer l’imprescriptibilité des viols sur mineurs – ce dont je comprends la logique – devrait passer par une réflexion beaucoup plus large, qui appréhenderait l’ensemble des délais de prescription.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Défavorable également. Je comprends l’objet de ces amendements et je sais que l’imprescriptibilité est une recommandation de la Ciivise. Pour les raisons que j’ai déjà évoquées, je suis favorable à l’imprescriptibilité en matière civile et j’espère que le travail parlementaire qui se poursuivra permettra de convaincre la majorité de vos collègues de son fondement, de son utilité voire de sa nécessité pour les victimes. En revanche, je suis défavorable à l’imprescriptibilité pénale.

    M. le président

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    La parole est à Mme Émilie Bonnivard.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Je regrette profondément que l’article 1er n’ait pas été rétabli. Comme l’a dit la ministre déléguée, le maintien de sa suppression envoie un message extrêmement violent aux victimes – c’est en tout cas ainsi que je le perçois. Il ne nous en aurait rien coûté de poursuivre ensemble le travail parlementaire, en préparant une loi-cadre. Nous aurions ainsi pu faire preuve de responsabilité, non pas par légèreté, mais pour accorder notre reconnaissance aux millions de victimes. Il aurait également été souhaitable de ne pas accueillir la suppression d’un tel article par des applaudissements.

    Mme Virginie Duby-Muller

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    Oui, un peu de décence !

    Mme Émilie Bonnivard

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    J’espère vivement que le travail parlementaire nous permettra de rouvrir ce débat. Le maintien de la suppression de l’article constitue une véritable défaite, source d’une grande tristesse.

    (Les amendements identiques nos 4 deuxième rectification et 10 deuxième rectification ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée, pour soutenir l’amendement no 40.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    C’est un amendement de coordination, visant à améliorer la procédure pénale. En commission, la conformité du code de procédure pénale vis-à-vis de la loi Billon a été abordée : ce code ne retient pas l’hypothèse que la première infraction serait suivie d’un viol et nous souhaitons combler cette lacune. J’en profite pour rendre hommage à Isabelle Santiago pour son travail sur le sujet.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Maud Bregeon, rapporteure

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    Favorable.

    (L’amendement no 40 est adopté.)

    (L’article 2, amendé, est adopté.)

    Après l’article 2

    M. le président

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    Je suis saisi de cinq amendements, nos 1, 6, 8, 2 et 9, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 1,6 et 8 sont identiques, ainsi que les amendements nos 2 et 9.
    La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir l’amendement no 1.

    Mme Sylvie Bonnet

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    Il est très difficile, après un inceste, de porter plainte contre un membre de sa famille, de faire voler en éclats son foyer et de se délivrer d’un tabou universel, ce qui justifie de donner du temps au temps, en tout cas bien plus que le délai existant. L’amnésie dissociative concerne 40 % des victimes ayant subi, enfants, des violences sexuelles et 50 % des victimes d’inceste ; elle constitue un obstacle majeur à la révélation des faits dans les délais légaux actuels.
    Il est crucial qu’un parent protecteur soit prêt à défendre la victime, sinon l’incapacité juridique des enfants est accentuée. Or, en cas d’inceste, seulement 5 % des pères et 6 % des mères portent plainte, ce que révèle l’enquête « Parent complice, parent protecteur » réalisée par l’association Face à l’inceste.
    La possibilité de porter plainte des années après peut soulager des victimes, alors que l’impossibilité de porter plainte après 48 ans peut compromettre leur parcours de guérison et de réparation. L’amendement tend donc à concilier imprescriptibilité des agressions sexuelles sur mineurs et application de la prescription glissante à l’ensemble des agressions sexuelles sur majeurs, y compris aux agressions délictuelles.

    M. le président

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    Les amendements identiques nos 6 de M. Philippe Fait et 8 de Mme Virginie Duby-Muller sont défendus, ainsi que les amendements identiques nos 2 de Mme Sylvie Bonnet et 9 de Mme Virginie Duby-Muller.
    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Maud Bregeon, rapporteure

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    Nous sommes défavorables à l’imprescriptibilité pénale, pour les raisons qui ont déjà été développées.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Défavorable également.

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    La discussion de ces amendements illustre le problème posé par la proposition de loi. Je note la cohérence des collègues qui souhaitent, en matière de prescription, aller plus loin que le texte, mais le problème de la prescription se pose souvent et il mérite un débat à lui seul, sans être associé à d’autres sujets.
    La prescription glissante des crimes commis sur des majeurs a été votée plus tôt, mais sans évaluation de l’application de la loi de 2021. Du reste, la minorité n’est pas un détail, raison pour laquelle nous avions voté une exception de minorité lors des débats portant sur ce dispositif. Ainsi, il ne suffit pas de mettre en cohérence diverses dispositions légales applicables aux majeurs ; il faut envisager leurs conséquences dans le cadre d’une véritable évaluation. Ne pas évaluer l’efficacité de la prescription glissante serait une erreur.
    Nous nous opposerons donc à ces amendements, qui ouvrent la voie à une introduction de l’imprescriptibilité bien peu satisfaisante pour le législateur et dont l’adoption aurait une série de conséquences sur le contenu du code pénal.

    (Les amendements identiques nos 1, 6 et 8 ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements identiques nos 2 et 9 ne sont pas adoptés.)

    Article 3

    M. le président

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    Je suis saisi de cinq amendements, nos 29, 32, 38, 39 et 13, pouvant être soumis à une discussion commune, qui tendent à rétablir l’article 3, supprimé par la commission.
    Les amendements nos 32, 38 et 39 sont identiques.
    La parole est à Mme Sandrine Josso, pour soutenir l’amendement no 29.

    Mme Sandrine Josso

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    Il vise à créer une nouvelle infraction en cas de contrôle coercitif.
    Préparé avec l’aide d’experts, notamment Andreea Gruev-Vintila, autrice d’un ouvrage de référence sur le sujet et présente en tribune, ainsi que de spécialistes, de représentants d’associations, d’universitaires et de juristes, l’amendement propose la définition la plus exhaustive et la plus aboutie du contrôle coercitif en droit comparé. Cette définition a été non pas transposée, mais transadaptée en droit français, pour tenir compte de la spécificité de notre système. Précise, elle respecte le principe de la légalité pénale.
    Une femme victime de contrôle coercitif est une femme qui se trouve comme enfermée dans une cage, en raison d’actes d’isolement, d’intimidation, de harcèlement, de menaces sur elle et ses enfants, de surveillance et de contrôle de ses ressources financières, tout cela pour obtenir une soumission.
    En défendant cet amendement, j’ai une pensée pour les femmes, les mamans et les enfants victimes des méthodes de contrôle et de coercition. Je plaide pour qu’ils puissent retrouver leur dignité et leur liberté. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et EPR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement no 32.

    Mme Maud Bregeon, rapporteure

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    Inspiré des auditions réalisées avec les différents groupes parlementaires, il vise à introduire la notion de contrôle coercitif et à la définir de la manière la plus aboutie possible. L’écriture de la proposition de loi pourrait être perfectionnée, mais l’article que nous souhaitons rétablir a le mérite de mentionner explicitement le contrôle coercitif, de ne pas restreindre son constat au seul cas des violences psychologiques et de créer une infraction. Nous y voyons la solution la plus efficace pour les victimes.

    M. le président

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    La parole est à Mme Julie Delpech, pour soutenir l’amendement no 38.

    Mme Julie Delpech

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    Il tend à rétablir l’article 3, en introduisant dans le code pénal la notion de contrôle coercitif, dans une rédaction enrichie et précisée, conformément aux engagements pris en commission. Cette avancée apportera une réponse politique forte aux attentes des victimes et des associations, qui dénoncent depuis longtemps l’absence de reconnaissance, dans notre droit, de ces comportements destructeurs.
    Le contrôle coercitif est une violence insidieuse, qui prive les victimes de leur autonomie et les soumet à une emprise destructrice. Sa reconnaissance permettra aux autorités judiciaires d’intervenir plus efficacement, dès les premiers signes de manipulation.
    Cette mesure, dans la continuité des réformes engagées depuis 2017, renforce la lutte contre les violences intrafamiliales, en s’appuyant sur les travaux menés en commission et les recommandations des experts pour garantir un cadre juridique clair et efficace. Elle constitue donc une avancée juridique et sociétale, qui affirme notre engagement à éradiquer ces violences et à mieux protéger les victimes.

    M. le président

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    La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l’amendement no 39.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

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    Je remercie Mme la rapporteure d’avoir réintroduit la notion de contrôle coercitif et d’avoir souligné que ce n’est que le début d’un long processus, nécessaire, sur un sujet aussi important – ce que cet amendement rappelle à son tour.

    M. le président

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    La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement no 13.

    Mme Colette Capdevielle

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    Le contrôle coercitif est au cœur de la violence conjugale. Il est multiforme, puisqu’il comprend les petites humiliations quotidiennes – « tu es nulle », « où étais-tu ? » –, les intimidations, l’isolement, les critiques répétées, l’exploitation, la manipulation, mais aussi, souvent, les menaces de suicide de la part des auteurs – « Si tu me quittes, je me tuerai et je tuerai les enfants » –, le fait de traquer, de surveiller, d’espionner, de minimiser son propre rôle dans la violence exercée, d’utiliser les enfants, de multiplier les procédures judiciaires, de couper les finances ou de soumettre la femme au « devoir conjugal ». Il faut travailler à la définition de cette notion et à la façon de l’inclure dans le code pénal. Je suis d’accord avec la collègue qui incite à la prudence : il faut probablement créer une infraction spécifique, en dehors de l’article du code pénal relatif aux violences psychologiques qui n’en sont qu’une des formes. Si l’incrimination de contrôle coercitif a été consacrée par la cour d’appel de Poitiers dans cinq arrêts de principe basés sur le droit actuel, le travail législatif doit continuer. L’amendement de Mme Josso est très intéressant ; il est le fruit d’un travail important, j’y reviendrai.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?

    Mme Maud Bregeon, rapporteure

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    Favorable aux amendements identiques nos 32, 38 et 39, défavorable aux nos 29 et 13.

    M. le président

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Il me semble qu’il y a un consensus pour creuser la question du contrôle coercitif et faire en sorte qu’une infraction autonome soit créée dans notre droit. Aussi faut-il ancrer cette notion dans le texte dès maintenant, en première lecture, afin que le travail parlementaire se poursuive lors de la navette. Si la notion était supprimée, je crains que nous n’arrivions pas à la réintroduire au bout du compte. Adoptons dès à présent une rédaction de cet article 3 !
    Je suis favorable à l’amendement de Mme la rapporteure et aux amendements identiques, qui caractérisent mieux cette infraction autonome. Je salue le travail très important de Sandrine Josso, y compris celui qu’elle mène dans le cadre de sa mission sur la soumission chimique ; je lui demande néanmoins de retirer son amendement no 29, comme je demande le retrait du no 13.

    M. le président

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    La parole est à Mme Elsa Faucillon.

    Mme Elsa Faucillon

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    Si je comprends bien, nous nous apprêtons à voter une disposition que nous ne considérons pas comme définitive.

    Mme Aurore Bergé, ministre déléguée

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    Sous réserve de son adoption au Sénat !

    Mme Elsa Faucillon

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    Pourtant, quand on crée une nouvelle infraction, chaque mot compte. Nous l’avons constaté à propos de l’IVG, à laquelle nous avions consacré du temps pour bien rédiger la loi. Il importe que nous puissions tous disposer de la connaissance suffisante pour nous prononcer. En l’état, j’ai du mal à estimer laquelle des rédactions sera suffisamment précise tout en laissant une latitude au juge – il y a besoin des deux.
    Ensuite, il nous faut réfléchir à ce que deviendront les personnes condamnées à une amende ou une peine de prison. Même si la prison concernera peu de cas, je ne suis pas certaine qu’elles en sortiront meilleures. (Approbation sur les bancs du groupe EcoS.) Toutes les peines alternatives, notamment les stages, seraient bien plus utiles. Ces derniers sont encadrés par des associations, qui font un travail remarquable. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Ce n’est pas faire preuve de laxisme que de chercher la meilleure réponse possible, de sorte que ceux qui ont purgé leur peine puissent devenir d’autres hommes dans leur foyer. (Mêmes mouvements.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Nous sommes favorables à l’amendement no 13 qui permettrait d’enclencher la discussion sur cette notion par le biais d’une demande de rapport « sur l’opportunité de créer une nouvelle incrimination pénale ». Le contrôle coercitif est une notion utile pour rechercher, décrire et déconstruire certains processus toxiques et problématiques qui participent des violences sexuelles et sexistes.
    Nous maintenons en revanche les réserves exprimées en commission, qui avaient justifié de supprimer l’article 3 : en l’état, malgré le travail accompli pour préciser les choses, la rédaction ne permet toujours pas d’éviter certains écueils. Cette notion de contrôle coercitif doit-elle caractériser une infraction à part entière ou une circonstance aggravante, ce qui n’emporte pas les mêmes conséquences ? En dépit des réécritures, la confusion demeure par rapport à la notion d’emprise ou aux délits de harcèlement. Le rapport demandé permettrait de mieux l’apprécier. La Cour de cassation y travaille également. Nous pourrions nous inspirer de ces travaux pour élaborer des propositions pénales plus efficaces.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Nous nous retrouvons dans la même situation qu’en commission : nous manquons cruellement de temps pour traiter d’un sujet très important.
    Je fais partie de ceux qui pensent que nous avons besoin de définir la notion de contrôle coercitif avant d’agir en conséquence, pour éviter que des agresseurs aillent encore plus loin, et aussi pour mobiliser la société en diffusant l’idée qu’il est parfois très répréhensible d’agir de manière répétitive ou d’avoir la mainmise sur quelqu’un. À ce stade, nous ne sommes pas sûrs que nos rédactions respectives ne limiteront pas des droits existants ou ne permettront pas aux agresseurs de s’en sortir. Néanmoins, un consensus est apparu et nous devons continuer à progresser.
    Il est compliqué de faire court sur un sujet aussi complexe. Tout à l’heure, madame la ministre déléguée, vous avez annoncé le lancement d’un groupe de travail pour réfléchir aux outils de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants. Je crains que voter dès à présent pour une rédaction que nous savons inappropriée et inapplicable ne soit pas la bonne solution : qu’adviendra-t-il ensuite ?

    M. le président

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    Nous avons un problème de méthode. Il est vingt heures dix et, une fois que nous aurons voté sur ces amendements, il en restera sept. Or vous êtes encore nombreux à souhaiter vous exprimer et nous avons prévu des explications de vote avant de voter sur l’ensemble du texte. Souhaitez-vous que nous en terminions l’examen en prolongeant la séance, ce qui impliquerait de courtes explications de vote d’une à deux minutes au plus ? L’autre solution consisterait à achever uniquement l’examen de l’article 3 avant de poursuivre à vingt et une heures trente.
    Souhaitez-vous prolonger la séance ? (Approbation sur les bancs du groupe EPR. – Désapprobation sur les bancs du groupe EcoS.)
    Puisqu’un groupe n’est pas d’accord, terminons l’examen de l’article 3 et je lèverai la séance. (Brouhaha.) C’est votre choix, assumez-le ! Vous vous en expliquerez auprès de vos collègues.
    La parole est à Mme Colette Capdevielle.

    Mme Colette Capdevielle

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    L’amendement de Mme Josso a le mérite d’avoir fait l’objet d’un grand travail, notamment pour ce qui concerne les circonstances aggravantes – lorsque l’infraction est commise sur une personne handicapée, une personne particulièrement vulnérable, en présence d’enfants ou lorsque les faits sont facilités par un usage détourné de dispositifs ou d’institutions – actions en justice ou structures de soins, entre autres. Néanmoins, il faut faire très attention à la rédaction et ne pas penser uniquement à la victime. Pour avoir longtemps pratiqué le droit, je me mets à la place des personnes accusées : non seulement elles se défendront, mais elles retourneront les attaques dont elles feront l’objet contre la victime. En définissant le contrôle coercitif comme le fait d’imposer « des propos ou comportements répétés ou multiples, portant atteinte aux droits et libertés fondamentaux de la victime », j’entends déjà les réponses des accusés : « Pardon, Stéphanie, mais tu vas travailler, tu rends visite à ta mère, tu sors avec ta copine, tu vas au cinéma, non ? Tu n’as jamais été enfermée ni séquestrée. » Tout ce dont nous avons discuté pourrait faire l’objet de semblables retournements. Quand on légifère sur la notion de contrôle coercitif, ayons en tête que d’autres, en face, décortiqueront l’infraction, et qu’ils le feront d’autant plus facilement que cette dernière est définie du point de vue de la victime. Nous devons décrypter le comportement de l’auteur plutôt que celui de la victime, sinon la situation se retournera toujours contre elle.
    Nous voterons malgré tout en faveur de votre amendement, madame Josso. Il n’est pas parfait mais il a le mérite d’exister, il est très complet et nous permettra de poursuivre le travail législatif.

    (L’amendement no 29 est adopté ; en conséquence, l’article 3 est ainsi rétabli et les amendements nos 32, 38, 39 et 13 tombent.)

    M. le président

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ;
    Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des soins et dispositifs spécifiques au traitement du cancer du sein par l’assurance maladie ;
    Discussion de la proposition de loi visant à prévenir les litiges relatifs aux obligations de décence énergétique et sécuriser leur application en copropriété ;
    Discussion de la proposition de loi visant à restreindre la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels et renforcer les actions de prévention sur les consommations détournées ;
    Discussion de la proposition de résolution visant à condamner l’oppression et la terreur imposées aux femmes iraniennes, et réaffirmer leur liberté absolue.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures quinze.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra