Première séance du mardi 29 avril 2025
- Présidence de Mme Clémence Guetté
- 1. Questions orales sans débat
- Maisons de la presse
- Aérodrome de la Salmagne
- Fin de la trêve hivernale
- Cathédrale Saint-Pierre de Beauvais
- Ligne à grande vitesse Paris-Châtellerault
- Jeux de l’océan Indien
- Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
- Retrait-gonflement des argiles
- Calanques de Marseille
- Spectacles d’animaux dans les cirques
- Prise en charge des frais de transport des descendants de déportés
- Étrangers
- Cérémonies d’accueil dans la citoyenneté française
- Effectifs policiers à Clamart et au Plessis-Robinson
- Secours héliportés dans les Alpes-de-Haute-Provence
- Coût de la vie dans les outre-mer
- Prolifération de la cochenille-tortue du pin
- Vignerons
- Filière biologique
- Appellation d’origine contrôlée Champagne
- Établissements scolaires hors réseau d’éducation prioritaire
- Suppression de classes à Paris
- Conditions d’enseignement à Saint-Martin
- Regroupements pédagogiques intercommunaux
- Structures d’accueil des personnes handicapées
- Accès à la contraception et à l’IVG
- Maladie d’Alzheimer
- Mortalité infantile
- Drépanocytose
- Situation des Ehpad de la Loire
- Centres départementaux de santé sexuelle
- Jeux olympiques et paralympiques de Paris
- Publication en open data du plan de corps de rue simplifié image
- Groupe EuroApi
- TVA applicable à certains véhicules
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Questions orales sans débat
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions orales sans débat.
Maisons de la presse
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Sorre, pour exposer sa question, no 320, relative aux maisons de la presse.
M. Bertrand Sorre
« C’est un séisme ! » « C’est une catastrophe ! » « Comment va-t-on faire ? » J’ai entendu de telles réflexions à de multiples reprises au cours des derniers mois à l’annonce de la fermeture de nombreuses maisons de la presse, ces librairies indépendantes pourtant présentes depuis de longues années dans les villes de France, notamment celles, petites ou moyennes, des secteurs dits ruraux. Pour beaucoup de nos concitoyens, ces disparitions ont été vécues comme un véritable choc.
Les chiffres publiés par le Centre national du livre (CNL) en amont de la 27e Fête de la librairie indépendante, qui a eu lieu samedi 26 avril, sont éloquents. Ils témoignent d’une hausse significative du nombre de fermetures de librairies en 2024 : soixante-douze d’entre elles ont baissé le rideau. Le phénomène s’aggrave et touche des commerces parfois implantés depuis des décennies.
Dans ma circonscription, la deuxième de la Manche, quatre maisons de la presse ont baissé définitivement le rideau en seulement dix-huit mois : à Avranches, 10 000 habitants, à Mortain-Bocage, 3 000 habitants, à Saint-Hilaire-du-Harcouët, 5 700 habitants, et à Pontorson, 4 300 habitants. Il s’agit pourtant de communes dynamiques, dotées de zones de chalandise étendues et assurant des fonctions de centralité essentielles.
Les causes de ces fermetures sont multiples : mutation du commerce de proximité, crise du secteur de la presse, évolution des modes de consommation, loyers élevés, etc. C’est un modèle qui est remis en cause, aussi bien dans les villes que dans les campagnes.
Profondément attaché à la vitalité de la ruralité, je suis fermement convaincu de la nécessité de préserver les maisons de la presse, commerces de proximité s’il en est jouant un rôle fondamental dans l’accès à l’information, à la culture et à l’ouverture vers le monde. Nous devons avoir tous ensemble l’ambition de préserver et de développer ces commerces, afin de maintenir un élément essentiel dans nos communes : le lien social. Il s’agit d’un levier majeur pour conserver l’attractivité des zones rurales. Il nous faut sauver ces commerces.
Je souhaite donc connaître les mesures que le gouvernement envisage de mettre en place pour assurer le maintien et le développement des maisons de la presse sur l’ensemble du territoire national, plus particulièrement dans les zones rurales, afin de garantir à toutes et à tous un accès à l’information, à la diversité des médias et, bien sûr, au livre.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Je vais répondre à la question adressée à la ministre de la culture. Ainsi que vous l’avez rappelé, les marchands de presse sont des acteurs essentiels de la diffusion de l’information et du pluralisme des idées. Ils assurent un maillage territorial indispensable, notamment en milieu rural, comme dans votre circonscription de la Manche.
La fermeture de points de vente de la presse est une source de préoccupation majeure pour la ministre de la culture. Le ministère accompagne depuis de nombreuses années les commerçants du secteur. Depuis 2004, les marchands de presse bénéficient d’une aide à la modernisation, adaptée en 2024 pour développer davantage l’attractivité des espaces de vente. Depuis le mois de juillet, le plan Culture et ruralité, a permis de renforcer ce soutien dans certaines zones rurales.
L’aide à la distribution de la presse au numéro permet par ailleurs de maintenir une diffusion dans l’ensemble du territoire et de garantir à nos concitoyens un prix abordable des titres. Au-delà des points de vente, le métier des marchands de presse doit être rendu plus attractif. Le ministère suit de près les travaux sur la revalorisation de leur rémunération que mène, avec leurs représentants et avec les éditeurs, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). Les discussions devraient aboutir au cours du premier semestre 2025. Enfin, l’Arcep a lancé une cartographie nationale des points de vente afin d’identifier les zones les plus fragiles. J’espère que cette démarche permettra de mieux orienter les efforts de soutien des marchands de presse.
Soyez convaincu que le ministère de la culture est pleinement mobilisé pour assurer le maintien et le développement des maisons de la presse sur l’ensemble du territoire national.
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Sorre.
M. Bertrand Sorre
Je remercie M. le ministre et Mme la ministre de la culture pour leur réponse. Ma question porte sur un enjeu majeur pour les zones rurales, que M. le ministre connaît bien. Les maisons de la presse sont des lieux essentiels pour que la culture et la pluralité de l’information puissent se diffuser partout en France, sans oublier le moindre territoire, et pour, qu’ainsi, notre démocratie puisse vivre correctement.
Aérodrome de la Salmagne
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Delannoy, pour exposer sa question, no 333, relative à l’aérodrome de la Salmagne.
Mme Sandra Delannoy
Des informations émanant du conseil de la communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre, relatives à l’avenir du site de l’aérodrome de la Salmagne, situé dans ma circonscription, font état de projets d’une usine de batteries ou d’un data center.
Si je suis bien évidemment favorable à la création d’emplois dans ce territoire, je me permets néanmoins de souligner l’importance de préserver l’aérodrome, son activité et, surtout, les entreprises environnantes. Le projet de data center, s’il était retenu, devrait être considéré avec toute la prudence nécessaire, eu égard aux besoins en eau d’une telle installation et au niveau très fréquemment bas de la nappe phréatique locale.
Dans le cadre du dispositif Sites clés en main France 2030, il semblerait aussi que le conseil communautaire ait transformé des terrains agricoles en zone urbaine susceptible d’accueillir une gigafactory voire un gigantesque parc éolien, en discussion du côté belge de la frontière depuis quelques années. Cela pose la question des critères selon lesquels cette transformation a été décidée.
L’aérodrome de la Salmagne a pourtant de nombreux atouts qui pourraient être développés. C’est un site dynamique où sont installées trois sociétés privées et huit associations liées à l’aéronautique, qu’il s’agisse d’avions, de planeurs, de parachutisme ou d’ULM. En 2023, il a été le théâtre de près de 12 000 décollages, de 1 600 heures de formation et de 7 600 sauts en parachute, dont ceux de l’équipe de France de figures artistiques, plusieurs fois championne du monde. Ces chiffres rendent un peu mensongère sa désignation comme « ancien aérodrome ». Ce terrain ne peut pas être considéré comme une friche.
L’aérodrome est aussi un site d’atterrissage d’urgence pour les hélicoptères arrivant du centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille et pour les avions de l’aéroport Lille-Lesquin. De plus, en cas d’arrêt de la chaîne industrielle sur le site de Maubeuge de l’entreprise Ampere ElectriCity, il permet l’acheminement de pièces urgentes par hélicoptère.
Dans un courrier envoyé en mars au ministère de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, j’ai proposé plusieurs pistes intéressantes et novatrices visant à conserver l’aérodrome. Quel est l’avis du gouvernement sur l’avenir de la Salmagne ? Les habitants de ma circonscription, qui y sont attachés, attendent des réponses.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
La France est riche d’une histoire aéronautique de premier plan et nous avons hérité d’un réseau unique d’aéroports et d’aérodromes. J’entends votre attachement à celui de la Salmagne. L’État reste attentif à l’existence de ce maillage aéroportuaire dense et à la conservation de ces infrastructures.
Néanmoins, vous n’êtes pas sans savoir qu’en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et d’une convention établie le 26 décembre 2006, l’aérodrome de Maubeuge a été transféré par l’État à la communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre. Depuis, au titre de la libre administration des collectivités, le devenir de l’aérodrome relève donc de la responsabilité de cette communauté d’agglomération. En cas de fermeture, l’État restera attentif au respect des obligations spécifiées dans la convention de décentralisation, relatives aux solutions de relocalisation proposées aux différents porteurs d’activité.
S’agissant des activités aéronautiques, vous n’ignorez pas que le centre hospitalier de Maubeuge est doté depuis 2021 d’une hélistation, accessible de jour comme de nuit, à même de satisfaire tous les besoins d’évacuations urgentes. Cela répond à l’un des arguments pertinents que vous avez développés. En matière de vol d’affaires ou d’urgence pour du fret, l’aéroport de Valenciennes-Denain, situé à 40 kilomètres de voie rapide de Maubeuge et doté d’une piste de 1 700 mètres équipée d’un balisage lumineux, d’un service de secours dédié et d’une procédure d’approche aux instruments permettant une accessibilité même dans des conditions de visibilité dégradées, est plus apte à répondre aux besoins de l’agglomération que l’actuel aérodrome de Maubeuge, limité par une piste de 1 300 mètres utilisable seulement de jour.
J’entends votre attachement à cette plateforme. Toutefois, la réalité est celle de la montée en puissance de l’aéroport de Valenciennes-Denain dont les caractéristiques permettent de répondre à un certain nombre des arguments que vous avez développés à bon escient.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandra Delannoy.
Mme Sandra Delannoy
J’ai bien entendu votre réponse. Toutefois, la question demeure : que va devenir l’aérodrome ? Une gigafactory, un centre de données ou un parc éolien ? Les habitants de la troisième circonscription du Nord veulent le savoir.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Tabarot, ministre
Je vais être très franc avec vous : je ne le sais pas. C’est à la communauté d’agglomération chargée de cet équipement d’en décider. Je ne sais pas si une annonce a déjà eu lieu et j’en suis au même niveau d’information que vous et que les habitants de votre circonscription. Je ne peux que le regretter.
Fin de la trêve hivernale
Mme la présidente
La parole est à Mme Soumya Bourouaha, pour exposer sa question, no 323, relative à la fin de la trêve hivernale.
Mme Soumya Bourouaha
Je souhaite faire part de ma vive inquiétude et de ma colère. Lors de mes permanences, je n’ai jamais reçu autant de familles et d’enfants qui dorment à la rue que cet hiver. La crise du logement dans notre pays est catastrophique. Les structures d’hébergement d’urgence n’ont plus les capacités de mettre à l’abri toutes les personnes vulnérables, y compris lorsqu’il s’agit d’enfants.
En août 2024, l’Unicef France recensait 2 043 enfants dont la famille restait sans solution d’hébergement après avoir sollicité le 115. En Seine-Saint-Denis, où je suis élue, ce chiffre s’est accru de 23 % en quatre ans. Pire, dans son dernier rapport, la Fondation pour le logement des défavorisés estime que plus de 8 000 personnes, dont 2 800 enfants, sont refoulées chaque soir au 115 faute d’hébergement. Nous ne pouvons accepter cela en France !
Alors que les expulsions ont repris avec la fin de la trêve hivernale, le 31 mars, je crains que cette situation s’aggrave. En effet, l’été approche et l’on considère que cette saison est encore plus dure que l’hiver pour les sans-abri. Pour protéger les locataires expulsés, deux villes de ma circonscription, La Courneuve et Stains, ont pris des arrêtés suspendant la mise en œuvre des expulsions le temps de trouver une solution de relogement afin d’empêcher toute mise à la rue. Je tiens à saluer l’action de ces communes et de toutes les associations qui se battent quotidiennement pour trouver des solutions pérennes, alors que nous restons dans l’attente d’une politique de l’État plus ambitieuse en matière de logement et d’hébergement.
Il y a urgence car, d’année en année, le nombre de mises à la rue augmente. En effet, la Fondation pour le logement des défavorisés a relevé que 24 000 ménages ont été expulsés en 2024. Ce chiffre dépasse le record précédent, soit 19 000 expulsions en 2023 : il a plus que doublé en dix ans.
D’après les retours de plusieurs territoires, ce chiffre record, en hausse de plus de 130 % en vingt ans, risque fort d’augmenter encore en 2025 : les bailleurs constatent une hausse des impayés en lien avec la crise économique, l’inflation et l’augmentation des prix de l’énergie.
Il faut renforcer l’hébergement d’urgence, en finir avec les suppressions de places et se donner les moyens d’en créer de nouvelles. Comme les associations, nous demandons au gouvernement de conduire une politique pluriannuelle de lutte contre le sans-abrisme et de relancer la construction de logements sociaux. Quand tant d’enfants dorment à la rue, que faites-vous pour les protéger ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
On ne peut rester insensible à votre question. Depuis 2017, grâce aux plans « logement d’abord », plus de 650 000 personnes sans domicile ont accédé à un logement. En complément de ce programme, l’hébergement d’urgence reste indispensable pour répondre aux situations de crise et de grande précarité. Depuis 2020, plus de 200 000 places sont ouvertes chaque année – 203 000 à l’heure actuelle – pour mettre à l’abri des familles, où grandissent près de 70 000 enfants. On estime également qu’environ 25 000 mineurs bénéficient des dispositifs d’intermédiation locative financés par l’État ; au total, plus de 80 000 personnes sont logées grâce à ce mécanisme. Entre 2017 et 2023, cet effort s’est traduit par une augmentation de 57 % du budget dédié à l’hébergement d’urgence, qui s’établit à plus de 3 milliards d’euros.
Vous avez, à juste titre, rappelé la situation en Seine-Saint-Denis. Pour faire face aux besoins de ce département, le nombre des places d’hébergement financées par le ministère du logement y a augmenté de 40 % en cinq ans.
Le 31 mars dernier, la trêve hivernale a pris fin. À cette occasion, ma collègue Valérie Létard, ministre chargée du logement, a transmis une instruction aux préfets, préconisant notamment de renforcer les dispositifs d’accompagnement des locataires dès les premiers impayés de loyers, pour limiter au maximum le recours à la procédure judiciaire. On a créé vingt-six équipes mobiles destinées à aller au-devant des locataires du parc privé en situation d’impayé. Les financements alloués au renfort des commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives ont récemment été augmentés dans les soixante-cinq départements où les expulsions sont le plus fréquentes.
Toujours dans une optique de prévention renforcée, la ministre chargée du logement a relancé l’Observatoire national des impayés de loyers et de charges, qui se réunira au début du mois de mai. Elle travaille également avec son collègue chargé de la santé et de l’accès aux soins pour améliorer la prise en charge sanitaire dans les centres d’hébergement, qui profitera au premier chef aux enfants. Le gouvernement, notamment ma collègue Valérie Létard, reste pleinement mobilisé.
Cathédrale Saint-Pierre de Beauvais
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil, pour exposer sa question, no 335, relative à la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais.
Mme Claire Marais-Beuil
Cette année 2025 sera marquée par les 800 ans de la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais dans l’Oise, chef-d’œuvre unique de l’architecture gothique. Ce joyau défie les lois de la gravité avec le chœur le plus haut du monde : 48,50 mètres. La petite histoire dit que la cathédrale de Reims y entre tout entière !
Cet édifice, véritable témoin de l’histoire de l’art sacré et du patrimoine français, a traversé les siècles grâce à la ferveur et au respect des générations successives. La célébration de cet anniversaire sera marquée par des cérémonies religieuses mais également par un programme artistique et culturel autour d’expositions, spectacles, concerts, résidences d’artistes. Les Nuits cathédrales, de mai à septembre prochain, viendront notamment ponctuer les festivités.
Dans le cadre des préparatifs de cette commémoration, je tiens à appeler l’attention de la ministre de la culture sur le choix des œuvres artistiques destinées à être installées dans le chœur de la cathédrale. En effet, un projet de diptyque de deux tapisseries géantes d’inspiration contemporaine sur le thème de l’Apocalypse a récemment été présenté. Une fois leur tissage réalisé, ces tapisseries seront installées dans l’édifice religieux. Comme vous le savez sûrement, ce projet a été retenu sans prendre suffisamment en considération le caractère particulier du lieu, trésor de l’architecture gothique, ni associer suffisamment les différentes parties prenantes, qu’il s’agisse des membres de la communauté catholique ou des représentants des pouvoirs publics et des élus. Ainsi, ni Mme Caroline Cayeux, présidente de l’agglomération du Beauvaisis, ni M. Franck Pia, maire de Beauvais, que j’ai récemment consultés, n’ont participé au choix de ces tapisseries.
Monsieur le ministre, la célébration des huit siècles de notre cathédrale va avoir un retentissement tant local qu’international pour la ville de Beauvais. Pourriez-vous apporter plus d’explications sur le choix de ces œuvres et sur la façon dont l’administration compte agir pour davantage impliquer l’ensemble des parties prenantes à ce projet ? Mon collègue sénateur Olivier Paccaud a d’ailleurs lui aussi interpellé la ministre de la culture sur le sujet, car ce choix choque beaucoup d’habitants du Beauvaisis.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Vous interrogez ma collègue Rachida Dati, ministre de la culture, sur le choix des œuvres destinées au chœur de la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais. J’ai aussi eu l’occasion d’évoquer le sujet avec mon ancien collègue Olivier Paccaud, que j’apprécie beaucoup.
Dans le cadre de la célébration des 800 ans de la cathédrale, l’État, à travers le Mobilier national et les Manufactures nationales, a commandé deux tapisseries contemporaines réalisées en basse lisse. Cette commande a fait l’objet d’un appel à projets largement – mais visiblement pas assez – diffusé, adossé à un cahier des charges validé en particulier par l’évêché. Le Mobilier national a reçu soixante-douze candidatures. Elles ont été départagées par une commission de jury réunissant des experts en matière religieuse, artistique, historique et patrimoniale, aux côtés d’acteurs locaux et de représentants des pouvoirs publics. Je n’ai pas le détail de ces derniers ; vu votre question, je suppose qu’il y a eu quelques oublis !
La commission a décidé de retenir le projet de l’artiste Stéphane Couturier. De sa rédaction jusqu’à la sélection de l’artiste finaliste, cet appel à projets a mobilisé, de façon concertée, aussi bien les services de l’État, le département de l’Oise et la ville de Beauvais – là encore, sans doute insuffisamment – que le clergé et l’association diocésaine. Les deux tapisseries contribueront à faire rayonner Beauvais au-delà de son territoire et marqueront, sans aucun doute, les festivités de l’octocentenaire de sa magnifique cathédrale.
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil
J’ai vu ces tapisseries : les cartons sont actuellement exposés dans le chœur de la cathédrale. On n’a respecté ni ce chef-d’œuvre gothique ni son histoire en faisant ce choix ; l’un comme l’autre me semblent avoir été un peu oubliés.
Ligne à grande vitesse Paris-Châtellerault
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois, pour exposer sa question, no 312, relative à la ligne à grande vitesse Paris-Châtellerault.
M. Nicolas Turquois
Monsieur le ministre chargé des transports, j’appelle votre attention sur la modification d’un arrêt en gare de Châtellerault le matin. La SNCF a d’abord fait part de son intention de supprimer un des deux trains matinaux de la ligne à grande vitesse (LGV) au départ de Châtellerault et à destination de Paris. Après une mobilisation des usagers et des élus, la SNCF s’est engagée à renforcer le premier train matinal au départ de Châtellerault en y ajoutant une rame supplémentaire et à décaler le second arrêt de quarante minutes au lieu de le supprimer. C’est une proposition à considérer.
Pour commencer, comment est-il encore possible aujourd’hui de devoir mobiliser tous les élus d’un territoire pour obtenir un temps de dialogue avec la SNCF ?
Deuxième question : le faible taux de fréquentation du second train mis en avant par la SNCF pour le supprimer semble contredit par les observations, alors que c’est un élément crucial de la discussion ; comment pourrait-on obtenir des statistiques fiables, c’est-à-dire indépendantes de la SNCF ?
Troisièmement, je crois comprendre que l’ouverture à la concurrence, prévue d’ici à deux ans sur cette ligne, n’emporte aucune obligation de desserte des gares petites et moyennes, comme celle de Châtellerault. Il est intolérable d’autoriser la concurrence à prendre les parts de marché les plus rentables, laissant à la SNCF des miettes. Quelles sont vos ambitions en la matière ?
Enfin, au vu de l’émoi suscité par cette histoire et étant donné les enjeux, pouvez-vous organiser, au sein de votre ministère, un temps d’échange avec les élus des territoires concernés, y compris ceux de la région de Vendôme, elle aussi affectée par ces changements ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Voilà un sujet que je maîtrise un peu mieux que les précédents ! (Sourires.)
Votre question me permet de faire le point sur la desserte ferroviaire de Châtellerault, qui intéresse de nombreux élus de votre territoire – ils l’ont clairement manifesté – et à laquelle je suis attentif.
S’agissant du dialogue, je tiens à souligner que j’ai personnellement agi en demandant à la SNCF, en la personne de Christophe Fanichet, directeur de SNCF Voyageurs, de revoir sa copie et d’engager une véritable concertation avec les élus, qui n’avait probablement pas eu lieu en amont – votre question le confirme. Je me réjouis que ces échanges aient abouti à une solution plus constructive. J’ai également reçu au ministère la sénatrice Marie-Jeanne Bellamy et le président du conseil départemental pour échanger sur ce point. Je me tiens à votre disposition pour recevoir davantage d’élus.
Vous avez raison de souligner l’importance de disposer de données fiables en matière de statistiques de fréquentation. La solution trouvée prévoit une expérimentation de douze mois, qui fera l’objet d’un bilan transparent, partagé avec les élus et associations d’usagers – je m’y engage personnellement.
J’ai la même préoccupation que vous quant à la nécessité de maintenir une desserte équilibrée du territoire. L’objectif du gouvernement est de concilier ouverture à la concurrence et accès équitable au service ferroviaire dans tout le pays, y compris dans les villes moyennes mais à développement économique très fort, comme Châtellerault. Dans le cas de cette ville, il ne s’agit pas d’un marché conventionné mais d’un service librement organisé, le SLO, sur lequel chaque entreprise est libre de se positionner. Il est important d’engager une réflexion sur les incitations à proposer pour améliorer la desserte territoriale, y compris pour les lignes à grande vitesse.
Je comprends parfaitement ce que votre question suggère : la charge de service public ne doit pas peser uniquement sur la SNCF, mais peut-être aussi sur les opérateurs qui entrent sur le marché. Ce point sera à l’ordre du jour des prochaines discussions.
Cela étant dit, la solution trouvée pour Châtellerault répond aux besoins et me semble donc acceptable. Plutôt que de supprimer un train, il s’agit de renforcer la capacité du premier train matinal, de maintenir le second arrêt avec un horaire décalé et d’augmenter le nombre global de places disponibles pour les voyageurs – la demande, vous le savez bien, est importante sur cette ligne.
Enfin, pour ce qui est de l’organisation d’un temps d’échange plus large, je suis bien sûr favorable à la poursuite du dialogue : comme je l’ai dit, je suis à votre disposition, et à la disposition de vos collègues du département et de la région.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
Merci pour votre réponse, monsieur le ministre.
Le directeur de la LGV Atlantique m’a dit, en visioconférence, qu’à ce jour, la concurrence n’a souhaité desservir que quatre des soixante-deux gares de son périmètre. Même une gare comme Poitiers ne l’intéresserait pas ! Ce n’est ni acceptable ni équilibré. La desserte doit concerner tout le territoire : ouvrir à la concurrence sans lui imposer les règles en vigueur, ce n’est pas équitable.
Quant à la fréquentation du train de Châtellerault, je vous informe que je me rendrai moi-même sur place le matin pour essayer de l’estimer, car il y a un vrai écart entre ce qu’affirme la SNCF et ce qu’indiquent les usagers.
Jeux de l’océan Indien
Mme la présidente
La parole est à Mme Anchya Bamana, pour exposer sa question, no 337, relative aux Jeux de l’océan Indien.
Mme Anchya Bamana
Le 24 avril dernier, à Madagascar, alors qu’Emmanuel Macron, président de la République, participait au cinquième sommet de la Commission de l’océan Indien (COI), c’est une véritable humiliation qui a été infligée à notre pays, pourtant l’un des principaux contributeurs financiers de cette organisation. Face à Emmanuel Macron, Azali Assoumani, président de l’Union des Comores, a une fois de plus nié l’appartenance de Mayotte à la France, sans que notre président ne quitte la table, ni n’oppose la moindre réaction de fermeté.
Pire encore, Emmanuel Macron a tenté de maquiller son renoncement en « avancée diplomatique » en renvoyant la question à un hypothétique et illusoire « dialogue bilatéral » – engagé depuis 1999, celui-ci n’a jamais rien produit.
En l’absence de toute pression française sur la COI et sur le régime comorien, Azali Assoumani a sans difficulté bloqué, une fois encore, l’adhésion de notre département à l’organisation régionale, condamnant ainsi Mayotte à rester à l’écart de la table où se dessine pourtant l’avenir de l’océan Indien. Alors que plusieurs États membres seraient prêts à accepter la présence de Mayotte, le président de la République s’est distingué par sa cordialité coupable envers un dictateur hostile à la souveraineté française et orchestrateur de la submersion migratoire de Mayotte. Ce comportement a illustré, une nouvelle fois, la perte de crédibilité de notre diplomatie, notamment dans l’espace africain.
Avec Marine Le Pen et le Rassemblement national, les Mahorais dénoncent la mise à l’écart systématique de Mayotte par la COI et la faiblesse de la réponse française. Face à cette humiliation récurrente, la France devrait suspendre sa participation et ses financements à la COI tant que Mayotte n’y sera pas pleinement reconnue, au même titre que l’île de La Réunion.
La motion votée récemment par le conseil départemental de Mayotte, demandant que les athlètes mahorais puissent chanter La Marseillaise et porter le drapeau français aux Jeux des îles de l’océan Indien, témoigne également de l’ampleur du mépris dont souffrent nos compatriotes mahorais. C’est pourquoi, monsieur le ministre chargé de la francophonie et des partenariats internationaux, je vous demande de nous dire ici quelles autres démarches diplomatiques notre gouvernement compte entreprendre pour que les athlètes mahorais puissent concourir sous les couleurs de la République à Moroni en 2027. Il y va du respect de la souveraineté de la France dans l’océan Indien.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux
Je vous remercie pour cette question, qui concerne un sujet très important pour les Mahoraises et les Mahorais, donc pour la France. L’association de Mayotte à toutes les instances de coopération régionale est une priorité majeure pour notre action diplomatique – le président de la République et moi-même l’avons réaffirmé sans détour et sans hésitation la semaine dernière lors d’un déplacement dans l’océan Indien et à l’issue de la réunion de la COI.
Sur les Jeux des îles, je veux d’abord rétablir certains faits. Contrairement à ce qui a été dit et écrit, la France n’est pas le principal financeur de cet événement, dont la prise en charge relève du pays organisateur. Elle finance simplement, comme chaque État membre, les frais de participation de ses athlètes, dont les athlètes mahorais. Ensuite, il n’existe pas de statut de « délégation non souveraine » dans la charte des Jeux des îles. Enfin, là encore contrairement à ce qui a été dit, il n’a jamais été question d’une co-organisation avec les Comores.
Mayotte, c’est la France, et la France a obtenu que Mayotte accueille en 2035 les Jeux des îles de l’océan Indien. Nous sommes également parvenus à ouvrir la voie à une délégation « France de l’océan Indien ». Il est vrai que cette formule n’est pas acceptée par le comité régional olympique et sportif (Cros) de Mayotte. Nous travaillons donc sans relâche à d’autres solutions.
Vous n’ignorez pas que le problème est ancien et complexe, puisqu’il date de 1979, année où furent organisés les premiers Jeux des îles de l’océan Indien. Nous travaillons sur tous les fronts et je vous invite à soutenir nos efforts dans cette bataille, afin d’améliorer le statut de Mayotte dans l’océan Indien et de lui permettre d’intégrer les programmes de la COI.
Vous parlez d’humiliation, mais je n’en vois point. Au contraire, le président de la République a exprimé, devant les instances de la COI, sa volonté que Mayotte participe aux programmes de la commission. C’est pour cette raison que le président Azali Assoumani a tenu de tels propos. Sauf erreur de ma part, aucun dirigeant français n’avait jusqu’ici réaffirmé devant les pays membres de la COI l’appartenance de Mayotte à la France.
Enfin, vous appelez la France à suspendre ses financements à la COI. Rappelons que la Chine et l’Inde sont membres observateurs de l’organisation et qu’elles n’attendent que cela pour étendre leur influence dans la région. Rejoignez donc le combat que nous menons ! Nous finirons par le gagner.
Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Yadan, pour exposer sa question, no 321, relative à la plateforme des ONG françaises pour la Palestine.
Mme Caroline Yadan
Le 28 juin 2023, lors de son audition par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le directeur général de l’Agence française de développement (AFD) a confirmé que, depuis 2009, l’agence soutenait financièrement la plateforme des ONG françaises pour la Palestine (PFP) à hauteur de plus de 1 million d’euros, dont 320 000 euros pour la période 2020-2023. Or cette plateforme, qui regroupe des associations antisionistes engagées dans des campagnes de boycott de l’État d’Israël – lesquelles sont illégales en France –, mène une activité de lobbying auprès des élus et du gouvernement afin de promouvoir un agenda radical visant à isoler l’État démocratique d’Israël et à remettre en cause la définition de l’antisémitisme établie par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) et adoptée par la France.
Malgré ces éléments déjà préoccupants, l’AFD a renouvelé son soutien à cette structure en décembre 2023 en lui octroyant une nouvelle subvention de 320 000 euros pour trois ans. Cette décision est intervenue seulement deux mois après les massacres du 7 octobre 2023, sans que la plateforme des ONG françaises pour la Palestine ait condamné ces actes terroristes. Au contraire, elle a activement contribué à une campagne de désinformation visant à légitimer la haine d’Israël, notamment en relayant des contenus de médias et d’influenceurs proches des Frères musulmans et du Hamas ou poursuivis pour apologie du terrorisme. Par ailleurs, la plateforme des ONG françaises pour la Palestine est liée à l’association Humani’Terre, dont les avoirs ont été gelés par la France en raison de soupçons de financement du terrorisme. La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) et le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) ont appelé officiellement à la cessation immédiate du soutien financier de l’AFD à cette plateforme.
Dans un contexte où l’antisémitisme connaît une véritable recrudescence en France et partout dans le monde, après le pogrom du 7 octobre, le financement de la plateforme des ONG françaises pour la Palestine par l’Agence française de développement ne peut plus se justifier. Dans ces conditions, pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser les intentions du gouvernement quant à la poursuite du financement, par l’AFD, de la plateforme des ONG françaises pour la Palestine ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux
Je le dis sans détour, les financements accordés par l’AFD aux organisations de la société civile s’effectuent dans le plein respect de la politique étrangère française établie par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE). Les postes diplomatiques et les directions compétentes du ministère sont saisis pour avis sur chaque projet, à l’aune de sa qualité et de son alignement avec nos priorités politiques. Ce contrôle s’applique à tous les soutiens – passés, actuels et à venir – apportés à la plateforme des ONG françaises pour la Palestine.
Le projet que vous évoquez vise à « promouvoir, sur la question israélo-palestinienne, un débat éclairé, basé sur le droit international ». Il n’inclut aucune action de terrain, mais repose sur une démarche de plaidoyer et de sensibilisation fondée sur le respect du droit international et sur des échanges entre les sociétés civiles israélienne et palestinienne. La charte de la plateforme est conforme aux positions politiques françaises : elle affirme « la reconnaissance réciproque des États palestinien et israélien, la pleine réalisation des droits du peuple palestinien à l’autodétermination, la mise en œuvre des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité des Nations unies, et une juste solution, fondée sur la légalité internationale, sur la question des réfugiés ».
En outre, les bénéficiaires d’un soutien de l’AFD sont tenus d’endosser le contrat d’engagement républicain, conformément à la loi. Depuis son enregistrement fin 2023, la plateforme déclare ses activités de lobbying à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Ces activités sont donc publiques et parfaitement connues. Par ailleurs, la plateforme s’est engagée à organiser un suivi régulier avec le MEAE et l’AFD.
Au regard de l’importance du sujet, soyez assurée que le ministère maintiendra une haute vigilance quant à la compatibilité des actions financées avec le droit français et international, au service de la paix et de la sécurité dans la région.
Mme la présidente
La parole est à Mme Caroline Yadan.
Mme Caroline Yadan
Je vous remercie pour votre réponse, mais elle ne me rassure pas. Permettez-moi de vous donner quelques exemples, monsieur le ministre.
Mme Amal Kreishe, directrice de la Palestinian Working Woman Society for Development, qui a reçu des subventions de l’AFD, a salué, sur le média Al-Watan, le massacre du 7 octobre comme un événement « qui restera comme le symbole unique d’un pas décisif sur le chemin de la libération nationale », puis a déclaré : « Que soient bénis les cerveaux, les cœurs, les mains et les jambes qui ont écrit l’histoire de ce jour ».
Autre exemple : Mme Leila Refaat El Ali, directrice de l’association libanaise Najdeh et coprésidente de l’Initiative féministe Euromed (IFE), qui a également reçu des subventions de l’AFD, a posté sur le réseau social Facebook de nombreux contenus hostiles à Israël. Elle a aussi publié, dès le 9 octobre 2023, la photo d’un groupe d’enfants brandissant une banderole sur laquelle on peut lire : « Save the date 7-10-2023 ».
Mme la présidente
Merci, madame Yadan.
Mme Caroline Yadan
Encore un exemple : Mme Layla Naffa, membre du conseil d’administration de l’IFE et directrice des programmes de l’Organisation des femmes arabes de Jordanie, a signé en janvier 2024 un « appel urgent » niant la réalité des crimes sexuels commis le 7 octobre. Voilà la réalité ! Or ces associations demeurent subventionnées par l’AFD.
Retrait-gonflement des argiles
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Ledoux, pour exposer sa question, no 318, relative au retrait-gonflement des argiles.
M. Vincent Ledoux
Le retrait-gonflement des argiles (RGA) est un phénomène naturel qui fissure les maisons. C’est une énorme catastrophe qui sévit à bas bruit. On estime à 11 millions le stock de maisons concernées ; si 30 % d’entre elles se fissurent à l’horizon 2100, l’enjeu financier sera de près de 15 milliards d’euros.
Je salue donc l’effort du gouvernement qui, dans un contexte financier tendu, consacre un budget à la prévention de ce phénomène. Mais cet effort sera-t-il suffisant pour subventionner les premiers travaux de prévention et de réparation, qui visent à traiter annuellement 4 000 maisons grâce à des mesures dites horizontales ? La Caisse centrale de réassurance estime leur coût à 40 millions d’euros.
D’ailleurs, comment le gouvernement compte-t-il utiliser ce fonds, sélectionner les bénéficiaires et promouvoir le dispositif ? Comme il l’a fait pour Breil-sur-Roya, l’État envisage-t-il d’utiliser davantage le bureau central de tarification, en adoptant une approche numérique et omnicanale plus moderne ?
Dans mon rapport sur le phénomène de retrait-gonflement des argiles, j’avais préconisé un pilotage stratégique au plus haut niveau. À défaut, il faudra une démarche à la maille des propriétaires individuels pour mieux faire connaître les moyens de la prévention. Il sera naturellement utile de s’assurer de la bonne coopération des maires, qui sont en première ligne. Pour aller plus loin encore, ne pensez-vous pas que les assureurs ont tout intérêt à créer une association de prévention des risques naturels pour les biens immobiliers, comme ils l’avaient fait pour la prévention routière ?
Enfin, et pour nous attaquer davantage aux causes des fissures qu’à leurs symptômes, il nous faut plutôt développer la recherche de solutions horizontales, visant à stabiliser le taux d’humidité sous les maisons, plutôt que de nous résigner aux mesures verticales – micropieux, résine –, plus coûteuses, plus invasives et donc peu vertueuses sur le plan écologique. Dans ce but, et pour aller plus vite, le ministère de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche a-t-il l’intention d’engager le changement réglementaire et normatif nécessaire ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux
Pour l’année 2022, le coût des sinistres RGA est estimé à plus de 3,5 milliards d’euros, un record depuis la création du régime Cat nat. Dans ce contexte, je vous confirme que, pour la première fois, ce gouvernement a créé une enveloppe budgétaire dédiée, dotée d’un montant de 30 millions, inscrite dans la loi de finances pour 2025, pour financer les gestes de prévention des risques RGA pour environ 3 000 maisons individuelles. Ce montant est certes limité par rapport au coût des sinistres, mais il s’agit d’une expérimentation, que nous pourrons éventuellement étendre. Dans les territoires exposés à un risque RGA fort, nous souhaitons privilégier les solutions horizontales, moins coûteuses et moins invasives, les bénéficiaires devant en outre remplir des critères économiques.
Le gouvernement soutient par ailleurs la simplification des modalités d’accès au bureau central de tarification, grâce notamment à la saisine par voie électronique proposée par la sénatrice Christine Lavarde et le député Antoine Vermorel-Marques dans leurs propositions de loi respectives.
Dans le même esprit, le Roquelaure de l’assurabilité des territoires a récemment abouti à un plan d’action pour une couverture assurantielle adaptée pour les collectivités.
Pour la bonne information des élus, le dispositif de prévention du RGA a été présenté le 9 avril au conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM) et le 15 avril au groupe de travail « risques et crises » de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).
Vous appelez de vos vœux la création, par les assureurs, d’une association de prévention du risque naturel. À cet égard, le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) prévoit un renforcement des actions de prévention et de sensibilisation du public en lien avec les acteurs du secteur de l’assurance.
Tels sont les éléments que Mme la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, souhaitait porter à votre connaissance en réponse à votre question.
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Ledoux.
M. Vincent Ledoux
Tout cela va évidemment dans le bon sens, mais il faut aller vite et fort. À un an des prochaines élections municipales, il nous faut entraîner tous les maires, dont certains méconnaissent les solutions – ayant moi-même été maire pendant dix-sept ans, j’ai peut-être pris, en aménageant l’espace collectif, des mesures contre-indiquées compte tenu des problèmes que rencontraient les maisons individuelles.
C’est pourquoi il faut que nous puissions très rapidement travailler avec l’AMF. Je compte d’ailleurs réunir ici, le 21 mai, tous les acteurs de la chaîne RGA et les représentants du gouvernement, de manière à avancer ensemble. En effet, les axes de progrès sont nombreux. Le fonds sécheresse, adopté dans la dernière loi de finances mais n’entrant véritablement en vigueur que l’an prochain, est évidemment d’une grande importance.
Ne nous y trompons pas : il y a quelques années, nous avions adopté un dispositif comportant deux enveloppes, à l’opérabilité fortement contestable. Gardons-nous de créer une usine à gaz telle que l’argent n’irait pas là où il doit. Il nous faut accompagner un changement de culture, auquel certains résistent : ayant à arbitrer entre un arbre qui fragilise la maison en pompant beaucoup d’eau et la maison elle-même, les gens le font parfois en faveur de l’arbre. Cet accompagnement indispensable doit être fourni par un État aussi décentralisé que possible, au niveau du propriétaire ou de la parcelle. Nos concitoyens vivent un véritable drame, moins reconnu que ceux qu’entraînent d’autres catastrophes naturelles, comme les inondations. En effet, la sécheresse et les fissures sont plus insidieuses, plus silencieuses.
Merci pour votre réponse, mais il faut aller plus vite, plus loin, plus fort !
Calanques de Marseille
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Lhardit, pour exposer sa question, no 342, relative aux calanques de Marseille.
M. Laurent Lhardit
Le littoral sud de Marseille, qui compose en partie la circonscription dans laquelle je suis élu, est un des plus beaux littoraux du monde. Entre mer et collines, derrière les villages des Goudes, de Callelongue, de l’Escalette et de Montredon, une triste réalité se cache pourtant, fruit d’une histoire industrielle dense et terminée depuis peu. Les dépôts de scories, résidus hautement toxiques, pour certains cancérigènes, contiennent des concentrations élevées de métaux lourds, comme le plomb ou l’arsenic, qui représentent une menace pour l’environnement et pour la santé publique. Outre qu’elles polluent les sols en profondeur, les particules toxiques affleurent et sont dispersées par le vent ou entraînées par ruissellement vers la mer.
Au cœur du parc national des calanques, l’héritage de ce passé industriel pèse lourdement, tant sur les sols, contaminés, que sur les habitants, exposés à cette pollution. L’affaire n’est pas nouvelle : dès 2005, l’Institut national de veille sanitaire avait alerté sur les risques d’exposition pour les résidents et les visiteurs. Il a néanmoins fallu attendre 2013 pour voir les premières actions concrètes, comme les diagnostics et études de l’Agence de la transition écologique (Ademe), qui se sont étalés jusqu’en 2023.
Cette pollution a été reconnue par la justice à la fin de l’année dernière : le 16 décembre 2024, le tribunal administratif de Marseille a reconnu la responsabilité de l’État et l’a condamné à dépolluer soixante-dix-sept dépôts répartis sur 29 hectares, entre Mont-Rose et Callelongue, d’ici à juin 2028. Je salue évidemment cette première victoire, historique, même si je regrette que les riverains n’aient pas obtenu l’indemnisation qu’ils demandaient. En tant que député, j’ai le devoir de défendre ces habitants, ici dans cet hémicycle, après tant d’années d’oubli.
Les Marseillais demandent un plan de dépollution complet, rapide et encadré, pour qu’ils cessent enfin de vivre dans la crainte d’être exposés chaque jour à ces pollutions toxiques. Je pense notamment au site de l’usine Legré-Mante – à ce sujet, je remercie l’Union calanques littoral (UCL), l’Association santé littoral sud (ASLS) et la Fédération d’action régionale pour l’environnement Sud (Fare Sud) d’avoir été de véritables lanceurs d’alerte.
Monsieur le ministre, je vous demande de veiller à informer les habitants et les élus sur les avancées en la matière, car ils sont les principaux concernés. L’Ademe affiche certes un calendrier de travaux, mais il reste imprécis. Les Marseillais peuvent-ils compter sur l’État pour protéger leur santé et leur environnement, et pour défendre l’intérêt général de la population du littoral sud de Marseille face à ce grave problème de pollution ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux
Ma réponse à votre question est « oui ». Au débat des années 2000, dès la découverte des dangers pour la santé et l’environnement réprésentés par les dépôts de scories sur le littoral sud des calanques, de premières mesures de confinement et de restriction d’accès ont été prises. En mars 2012, afin de résoudre durablement le problème de ces dépôts pollués au plomb, l’État a confié à l’Ademe la maîtrise d’ouvrage des travaux de sécurisation visant à éliminer le risque d’exposition des populations.
Comme ces dépôts sont situés dans un site classé en plein cœur du magnifique parc national des calanques, une importante phase d’études préparatoires et de nombreuses concertations avec les collectivités locales, les services de l’État et le gestionnaire du parc national ont été nécessaires. En mai 2019, après l’achèvement de ces études, une convention de financement a été signée par l’État, la ville de Marseille, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône et la métropole Aix-Marseille-Provence. Celle-ci a d’ailleurs été actualisée le 22 décembre 2023, pour affiner les scénarios de traitement des dépôts de scorie.
Dans son jugement du 16 décembre 2024 – que vous avez évoqué –, le tribunal administratif de Marseille a confirmé la nécessité de réaliser, selon le calendrier prévu, les travaux de sécurisation de vingt dépôts identifiés comme prioritaires en raison du risque de contamination qu’ils représentent. À cette fin, 14 millions d’euros seront mobilisés. L’Ademe a présenté son intervention lors d’une réunion publique en novembre 2024 et a créé un site internet pour informer les riverains. La première phase de travaux débutera en septembre 2025 et se poursuivra jusqu’en mars 2026 ; une seconde phase est programmée de septembre 2026 à mars 2027.
En cette année de la mer, vous pouvez compter sur l’engagement total de la ministre de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher pour protéger les populations et ce magnifique écosystème marin, situé à moins de 150 kilomètres de Nice, où se tiendra, du 9 au 13 juin, la troisième Conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc 3).
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Lhardit.
M. Laurent Lhardit
J’aurais souhaité obtenir des réponses plus précises quant au calendrier des travaux et à leur réalisation. Les habitants et les élus attendent de telles précisions.
J’appelle votre attention sur les conditions de cette dépollution : il s’agit de poussières qui affleurent et sont donc très volatiles. De ce fait, sans un strict encadrement des travaux de dépollution, des poussières risquent de s’envoler vers les habitations ou vers la mer. Aussi nous montrerons-nous particulièrement attentifs à cet égard.
Spectacles d’animaux dans les cirques
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour exposer sa question, no 315, relative aux spectacles d’animaux dans les cirques.
Mme Anne-Laure Blin
Permettez-moi d’abord de regretter l’absence de la ministre de la transition écologique, à qui cette question est tout particulièrement adressée.
En 2021, un texte pudiquement intitulé « loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes » a été adopté. À l’époque, j’ai été la seule députée à voter contre, car je craignais les effets collatéraux de certains dispositifs, purement idéologiques et très stigmatisants.
Je pourrais vous parler longuement de la fermeture de Marineland intervenue il y a plusieurs semaines, dont les conséquences sont désastreuses pour de nombreuses familles et pour tout un territoire, ainsi que pour les espèces animales concernées. Mais ce matin, je souhaite plutôt me faire la porte-parole des familles du cirque, qui sont dans l’incompréhension la plus complète.
En théorie – je dis bien : en théorie –, la fameuse loi de 2021 permet aux entreprises circassiennes de continuer, jusqu’au 30 novembre 2028, les spectacles itinérants avec présentation d’animaux d’espèces domestiques ou non domestiques. Cette période de transition de sept ans devait permettre aux cirques de prévoir la suite de leurs activités. En réalité, aucune transition n’est ménagée, encore moins la « transition lente » fréquemment évoquée par le ministère.
En effet, alors même qu’elles sont dans leur droit le plus strict, les familles de circassiens subissent toutes une véritable pression : mues par une volonté de ségrégation, des associations animalistes poussent les élus à refuser d’accueillir dans leur commune les cirques itinérants présentant des animaux, qu’ils soient domestiques ou non. De telles décisions, pourtant hors du champ de la loi, mettent en danger les entreprises circassiennes et leur pérennité économique. C’est aussi l’avenir des plus de 5 000 animaux concernés – dont près de 2 000 animaux dits sauvages – qui est en jeu.
La charte nationale Droit de cité, adoptée en 2001 et actualisée en 2018, signée notamment par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), reconnaît « l’importance des artistes itinérants pour la diversité de la création et de la vie culturelle » et vise « à faciliter l’accueil des chapiteaux de cirque ». En dépit de ces engagements, le gouvernement laisse la situation se dégrader et s’abstient de donner des instructions précises aux préfets, notamment celle de déférer systématiquement devant les tribunaux administratifs les décisions qui ne respectent pas la loi. À l’évidence, les circassiens sont abandonnés par l’État, d’autant que celui-ci n’a prévu aucun plan d’accompagnement ni aucune aide, notamment pour créer des établissements fixes afin d’accueillir les animaux.
Quand le gouvernement compte-t-il prendre ses responsabilités et faire appliquer la loi permettant aux cirques présentant des animaux d’exercer leurs activités jusqu’en 2028 ? Par ailleurs, les sanctuaires d’animaux – souvent évoqués, parfois allégués alors qu’ils n’existent pas, même outre-Manche – peinent à voir le jour, faute de financements et de personnel compétent. Quelles solutions proposez-vous pour accueillir les animaux des cirques ? Les propriétaires se retrouvant sans solution, c’est l’euthanasie qui menace ces animaux.
Art ancestral, populaire, familial, de proximité, le cirque traditionnel est ancré dans la culture française depuis plus de deux cent cinquante ans. Je vous serai reconnaissante pour vos éléments de réponse.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux.
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué chargé de la francophonie et des partenariats internationaux
Ma collègue Agnès Pannier-Runacher aurait bien aimé être présente. Elle s’excuse de ne pouvoir participer à cette séance et répondre en personne à votre question.
Mme Anne-Laure Blin
On aurait bien aimé, lors d’une semaine de contrôle !
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué
Elle m’a chargé de vous dire qu’elle-même et son ministère sont pleinement mobilisés pour accompagner la reconversion des circassiens et le devenir des animaux de cirque. Dans la continuité de la loi du 30 novembre 2021 relative au bien-être animal, qui prévoit l’interdiction de la détention d’animaux sauvages au sein d’établissements itinérants, le ministère a élaboré un plan, doté de plusieurs millions d’euros, pour soutenir la reconversion des professionnels du secteur.
Ce plan prévoit notamment une aide à la transition économique des entreprises, un accompagnement à la reconversion des capacitaires détenteurs d’animaux sauvages, ainsi qu’une prise en charge de l’entretien, des soins et de la stérilisation des animaux sauvages dans l’attente de leur placement. Ces aides seront accessibles via un guichet unique, permettant aux professionnels du spectacle itinérant de déposer et de suivre leur demande dès le lancement du plan. (Mme Anne-Laure Blin s’exclame.) Une cellule d’accompagnement placée auprès de la Commission nationale des professions foraines et circassiennes sera également mobilisée pour les accompagner dans la constitution et le dépôt de leur dossier.
Ce plan paraîtra cette semaine…
Mme Anne Bergantz
Quelle chance !
M. Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué
…et sera mis en œuvre par décret. Celui-ci fixera notamment le cadre réglementaire des différentes aides financières destinées aux professionnels des spectacles itinérants.
En complément de ce plan, le gouvernement finance la construction de places d’accueil en refuge pour les animaux. Il s’agit d’offrir, sur le territoire national, des possibilités de placement pour les circassiens qui souhaiteraient se dessaisir de leurs animaux.
Mme Anne-Laure Blin
On les contraint à s’en dessaisir !
Prise en charge des frais de transport des descendants de déportés
Mme la présidente
La parole est à M. François Piquemal, pour exposer sa question, no 328, relative à la prise en charge des frais de transport des descendants de déportés.
M. François Piquemal
Quinze heures quinze : c’est l’heure à laquelle est bloquée l’horloge du camp de Buchenwald. Quinze heures quinze : c’est l’heure à laquelle, le 7 avril 1945, les détenus de ce camp, qui étaient des opposants politiques, des Juifs, des Tziganes ou des homosexuels, se sont libérés de leurs bourreaux nazis, peu avant l’arrivée des troupes américaines.
Le 7 avril dernier, j’étais moi-même à Buchenwald pour les quatre-vingts ans de la libération du camp, à l’invitation de l’Association française Buchenwald, Dora et kommandos, que je tiens ici à saluer. Cette association, comme d’autres, fait œuvre de mémoire ; c’est ô combien important alors que nous assistons à la montée de l’extrême droite dans notre pays et dans le monde.
Ainsi, à Buchenwald, l’extrême droite allemande a manifesté à plusieurs reprises pour demander à raser le lieu de mémoire. C’est la preuve que le négationnisme est toujours bien présent, quatre-vingts ans seulement après les événements en question. Quatre-vingts ans, c’est à la fois si proche et si loin à l’échelle d’une vie humaine ! Celles et ceux qui ont vécu les atrocités sont de moins en moins nombreuses et nombreux ; et pourtant, nous souhaitons que leur trace demeure, pour leurs enfants et leurs petits-enfants mais aussi pour notre société et pour celles et ceux qui viendront après nous.
Cependant, l’éloignement géographique des camps de transit et de concentration – Buchenwald, par exemple, se situe à une journée d’autocar de Paris – rend difficile de s’y rendre. Ils se trouvent en Allemagne, en Autriche ou en Pologne mais aussi sur notre territoire national, où de nombreux lieux d’internement ont été créés sous Vichy.
Ainsi, à la charge émotionnelle qui pèse sur les proches des déportés souhaitant se recueillir s’ajoute une charge financière, qui ne devrait pas être une barrière au deuil et à la mémoire. Vous le savez, il existe déjà un dispositif qui permet à un parent direct d’une personne déportée de bénéficier d’un trajet financé par l’État vers le lieu de la déportation, afin qu’il puisse s’y recueillir. Mais cette prise en charge ne s’applique qu’à un seul bénéficiaire par famille ; aussi est-il compliqué, pour une famille, de décider lequel ou laquelle de ses membres en bénéficiera.
Par ailleurs, les petits-enfants et arrière-petits-enfants de déportés devraient aussi pouvoir se rendre sur ces lieux qui ont marqué l’histoire de leur famille et de la France, certains n’ayant jamais connu leurs grands-parents ou arrière-grands-parents. Connaître son histoire et savoir d’où l’on vient permet aussi de mieux savoir où l’on va.
J’adresse au gouvernement une double question concernant la portée du dispositif et son éventuelle extension familiale. Premièrement, est-il prévu d’étendre à tous les descendants de déportés la prise en charge des frais de transport pour un trajet aller-retour à destination des lieux de déportation ? Deuxièmement, est-il prévu que ce dispositif soit étendu aux familles de victimes des déportations organisées par l’État français après la période de Vichy, par exemple celles qui ont visé les réfugiés républicains espagnols dans les environs de Toulouse au début des années 1950 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants
Votre question touche à la mémoire des lieux de déportation et d’extermination, qui sont au cœur de notre politique mémorielle. Pour conserver cette mémoire, l’État s’est attaché de longue date à créer des lieux de recueillement pour celles et ceux qui n’avaient pas de sépulture.
C’est ce qui a présidé à la fondation, à Paris, du mémorial des martyrs de la déportation, du Mémorial de la Shoah et du Mur des noms, enrichi en 2024 d’un monument numérique. Les commémorations comme celle de dimanche dernier, qui a rassemblé plus de 1 000 personnes devant l’hôtel Lutetia, sont aussi l’occasion de se recueillir.
L’article L. 523-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre prévoit en outre que le conjoint survivant ou un descendant direct d’un déporté disparu peut aller se recueillir aux frais de l’État sur le lieu présumé du crime ou du décès, que ce soit en France ou à l’étranger. En 2024, ce dispositif a permis à vingt-cinq descendants de premier ou deuxième degré de se rendre sur un lieu de déportation. En revanche, comme pour les « Morts pour la France », le dispositif ne couvre pas les arrière-petits-enfants.
Je veux insister sur l’importance que revêt la mémoire de la déportation et de la Shoah, à l’heure où l’antisémitisme connaît une résurgence inquiétante. Face à cela, notre parole doit être sans équivoque ni ambiguïté coupable ; notre réponse doit être claire : la mémoire est une arme contre l’oubli, un rempart contre les amalgames, le socle d’une société apaisée.
C’est pourquoi j’ai renforcé les outils de transmission existants, pour que la mémoire de la déportation et celle de la Shoah ne soient pas seulement celle des familles qui en ont souffert. J’ai ainsi lancé un appel à projets doté d’un million d’euros pour soutenir la mémoire de la Shoah – je signerai tout à l’heure la convention pour la création du réseau des jeunes ambassadeurs européens de la mémoire de la Shoah –, renforcé le soutien aux voyages pédagogiques, accentué l’accompagnement du concours national de la Résistance et de la déportation, et demandé aux préfets de mieux associer les élèves aux cérémonies commémoratives.
La mémoire doit être vivante, collective et incarnée, car c’est dans une mémoire partagée que se construit l’avenir des nations. Voilà la politique que je mène, et j’invite évidemment tous les jeunes à assister aux commémorations.
Mme la présidente
La parole est à M. François Piquemal.
M. François Piquemal
Vous l’avez dit vous-même, madame la ministre : seules vingt-cinq personnes ont pu bénéficier d’une aide pour se rendre sur les lieux de mémoire. C’est vraiment insuffisant ! Le dispositif doit, à mon sens, être étendu aux arrière-petits-enfants et, plus généralement, à l’ensemble des descendants. Vous avez évoqué plusieurs dispositifs intéressants, mais la mémoire incarnée dont vous parlez existe à plus forte raison dans les lieux de mémoire.
Étrangers
Mme la présidente
La parole est à M. Bastien Lachaud, pour exposer sa question, no 329, relative aux étrangers.
M. Bastien Lachaud
« À la préfecture, on m’a dit que je n’avais qu’à faire ma demande en ligne. » « Ça fait un an déjà que je n’arrive pas à prendre rendez-vous. » « Ça fait un an et demi que j’attends mon titre de séjour définitif. » « Je n’ai pas réussi à faire renouveler mon titre de séjour, j’ai perdu mon emploi et j’ai reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF). »
Ces témoignages sont ceux des habitantes et des habitants de ma circonscription, à Aubervilliers et à Pantin. Depuis des années, dans mes permanences, je reçois des ressortissants étrangers qui ne parviennent pas à accomplir les démarches nécessaires pour obtenir ou renouveler leur titre de séjour, parce qu’ils en sont empêchés par un système dysfonctionnel et brutal. Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, qui compte 30 % de résidents étrangers, cette situation touche des centaines de milliers de personnes.
Depuis des années, j’alerte les autorités sur cette situation intolérable, mais rien ne change. Pire, la situation s’aggrave ! Il y a dix ans, les problèmes concernaient avant tout les personnes sollicitant une première admission exceptionnelle au séjour. Ils touchent désormais massivement des personnes déjà titulaires d’un titre de séjour, voulant changer de statut ou le renouveler, ainsi que des conjoints de citoyens français.
Les difficultés s’accumulent à chaque étape : absence d’accueil physique, dysfonctionnements récurrents de tous les services en ligne, délais à rallonge pour l’instruction et la fabrication des titres, absence totale de rendez-vous pour déposer un dossier et même pour récupérer un titre fabriqué. Nous avons affaire à une situation opaque et arbitraire, où le droit élémentaire d’accéder au service public est bafoué ; une situation de non-droit.
Résultat : la corruption prospère. Les rendez-vous en préfecture se monnayent pour plusieurs centaines d’euros, par le biais d’entremetteurs crapuleux ; des officines crapuleuses, qui exigent plusieurs milliers d’euros sans résultat garanti, ont pignon sur rue.
Les conséquences sont dramatiques : certains sont privés de toute possibilité de régularisation ; d’autres, en situation régulière, se retrouvent sans papiers et perdent leur emploi. Voilà une véritable machine à précariser et à exclure, qui brise des vies.
Les causes de cette situation sont structurelles. D’abord, la dématérialisation totale des procédures crée une fracture entre le service public et les usagers. Ensuite, les moyens matériels et humains ne sont pas à la hauteur des besoins. Malgré l’annonce récente d’un plan d’action départemental visant à améliorer cette situation, on ne peut qu’être très sceptique. En effet, ces carences s’accroissent depuis des années : on ne peut que conclure qu’elles font système. C’est un système d’exclusion, qui se développe aux dépens de la dignité des personnes, de leurs droits, de la vocation du service public et des principes de la République. Il est le fruit d’une intention tout à fait délibérée.
Il y a « une volonté politique de multiplier les obstacles » pour les étrangers, déclarait récemment la Fédération des acteurs de la solidarité. Qui peut en douter quand le Premier ministre lui-même reprend les mots de l’extrême droite, en évoquant une « submersion migratoire » contre laquelle il faudrait lutter, et quand la presse révèle que la préfecture de la Seine-Saint-Denis a mis en place, en toute illégalité, un système de fichage des étrangers en situation régulière dans les commissariats ? C’est révoltant !
Nous n’acceptons ni que les services de l’État manquent à leurs obligations, ni que les ressortissants étrangers soient traités comme des citoyens de seconde catégorie. Ces hommes et ces femmes vivent dans notre pays depuis des années, y ont fondé une famille, y travaillent, contribuent à la collectivité, se conforment à la loi et à tous leurs devoirs. Elles ne demandent rien d’autre que leurs droits, rien d’autre qu’un accueil et un traitement juste et digne de la part de l’État. Quand allez-vous enfin les respecter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Si vous me le permettez, je me substitue au ministre d’État, ministre de l’intérieur, pour vous répondre. Je partage le constat que vous dressez ; en revanche, je ne partage pas votre interprétation ni les conséquences que vous en tirez.
Je veux tout de même vous donner quelques précisions. Tout d’abord, je vous assure que l’accès aux droits des usagers du service public est évidemment un combat quotidien du gouvernement. Conscient des conséquences que peuvent entraîner les délais de traitement dégradés dont vous avez parlé – et que j’ai d’ailleurs moi-même pu constater –, le ministère de l’intérieur a fait de la lutte contre la rupture de droits une priorité.
Ainsi, le portail de l’administration numérique pour les étrangers en France – plus connue sous l’acronyme Anef –, utilisable à tout moment, permet le dépôt dématérialisé d’une demande de titre de séjour, ce qui limite, pour l’usager, le nombre de passages en préfecture. Plus de 80 % des demandes font d’ores et déjà l’objet d’une téléprocédure.
Afin de garantir l’égal accès au service public et l’exercice effectif des droits des étrangers, un dispositif d’accompagnement numérique des usagers étrangers a été mis en place depuis novembre 2021 pour les personnes éloignées du numérique ou ne disposant pas d’un accès à internet. Cet accompagnement est réalisé par le centre de contact citoyen (CCC) de France Titres et par les points d’accueil numérique des préfectures et des sous-préfectures.
L’administration est par ailleurs tenue de mettre en œuvre une solution de substitution pour les usagers qui sont dans l’impossibilité de déposer leur demande de manière dématérialisée pour des raisons tenant à la conception ou au mode de fonctionnement de l’Anef.
En outre, afin d’éviter les situations de rupture de droits – c’est ce que vous évoquiez – et d’atténuer les incidences de délais de traitement dégradés, l’Anef permet à un grand nombre d’usagers de télécharger, depuis leur espace personnel, les documents suivants : une attestation de prolongation d’instruction renouvelable lorsque l’instruction se poursuit au-delà de la date de validité du titre expiré – ce document permet de justifier de la régularité du séjour ; et une attestation de décision favorable dès que l’administration statue favorablement sur la demande – ce document permet lui aussi de justifier de la régularité du séjour, dans l’attente de la remise effective du titre de séjour.
Je n’entrerai pas davantage dans le détail, mais de tels dispositifs sont déjà en vigueur. J’ajoute simplement qu’avant le prononcé d’une OQTF, la situation juridique de la personne concernée doit être vérifiée. (M. Bastien Lachaud et Mme Sophia Chikirou s’exclament.) C’est la réalité !
Mme la présidente
Merci, monsieur le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre
Je pourrais continuer mais Mme la présidente m’invite à conclure ; j’aurai d’autres occasions de compléter mon propos.
Cérémonies d’accueil dans la citoyenneté française
Mme la présidente
La parole est à Mme Isabelle Santiago, pour exposer sa question, no 339, relative aux cérémonies d’accueil dans la citoyenneté française.
Mme Isabelle Santiago
Un groupe venu de ma circonscription vient de prendre place dans les tribunes ; j’en profite pour le saluer.
Vous le savez, plusieurs fois dans l’année, dans chaque département, sont organisées au sein de nos préfectures des cérémonies d’accueil des nouveaux citoyens français. Ce rendez-vous républicain essentiel et symbolique est l’occasion de remettre à des femmes et à des hommes venus d’ailleurs un document certifiant qu’ils ont acquis la nationalité française.
Cette cérémonie intervient après un long processus, pour ne pas dire un parcours du combattant périlleux et difficile, car nos compatriotes ont dû affronter plusieurs étapes cruciales pour acquérir la nationalité française et intégrer pleinement notre République et sa communauté de valeurs.
Chaque année, donc, dans mon département du Val-de-Marne, nous étions de nombreux élus à nous rendre en préfecture pour participer à ce moment de concorde républicaine et rencontrer nos futurs concitoyens. Je veux d’ailleurs saluer les fonctionnaires et l’ensemble du corps préfectoral qui assuraient jusqu’à présent le succès de ce temps fort. « Assuraient », oui, au passé, parce que la dématérialisation, encore une fois – cela fait écho au sujet qui vient d’être évoqué –, entraîne la disparition de ces cérémonies. Par conséquent, nos nouveaux concitoyens ne bénéficient plus de cette entrée symbolique dans la République française, remplacée par un mail impersonnel et froid.
Dans ma circonscription, on refuse en outre de communiquer aux maires les coordonnées de ces nouveaux concitoyens, alors que nombre d’édiles souhaiteraient organiser, puisque la préfecture du département ne le fait plus sous la forme que nous avons connue, des cérémonies d’accueil dans la citoyenneté française.
Monsieur le ministre, à l’heure où nous nous devons toutes et tous faire le nécessaire pour renforcer et protéger nos valeurs républicaines, n’est-il pas temps d’institutionnaliser ce rendez-vous républicain partout en France, au moins dans nos municipalités puisque, dans les préfectures, la généralisation de la dématérialisation a pour conséquence que l’on préfère envoyer des mails plutôt que de recevoir les gens, ce qui est fort dommage. Mon collègue Bastien Lachaud vient de le dire, des personnes en situation régulière ne parviennent pas à obtenir le renouvellement de leur titre de séjour ; d’autres, après avoir engagé les démarches pour devenir Français, reçoivent un mail froid et impersonnel comme si nous n’avions pas le souci de partager avec eux les valeurs portées par notre devise Liberté, Égalité, Fraternité.
Je voulais donc savoir ce que vous en pensiez ; pour ce qui me concerne, il me semble que nous ne mesurons pas la portée du symbole d’un accueil fraternel des gens.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Nous partageons votre volonté d’institutionnaliser ce rendez-vous essentiel, dont la portée symbolique est forte et qui est parfois attendu de la part de ceux qui ont fait la démarche d’acquérir la nationalité française. Ce moment ne doit pas être négligé, bien au contraire. De ce point de vue, nous sommes pleinement d’accord avec vous.
Permettez-moi cependant de vous donner quelques informations techniques complémentaires.
Toutes les personnes acquérant la nationalité française, à l’exception de celles ayant souscrit une déclaration sur le fondement de l’article 21-13 du code civil, c’est-à-dire celles qui jouissent de la possession d’état de Français, doivent être conviées à une cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française par le représentant de l’État dans le département ou par le maire, en sa qualité d’officier d’état civil, si le préfet répond favorablement à sa demande d’autorisation d’organiser la cérémonie. Le législateur a ainsi voulu solenniser l’acquisition de la nationalité française, qui ne se réduit pas à une simple démarche administrative – vous avez parfaitement raison –, mais représente un choix de vie important pour nos nouveaux compatriotes.
Si la possibilité offerte au récipiendaire d’obtenir ses titres d’identité avant la cérémonie peut avoir, localement, une incidence sur le taux de présence aux cérémonies d’accueil, les plateformes de naturalisation et les préfectures organisatrices de ces cérémonies s’accordent cependant pour souligner l’attachement des participants au caractère symbolique de l’événement. Bien que la participation des récipiendaires de la nationalité française à ces cérémonies ne soit pas obligatoire, l’accueil dans la citoyenneté est un acte solennel, empreint de joie et de gravité – nous l’espérons –, et la cérémonie qui l’accompagne est, quant à elle, un moment républicain d’une très grande force.
Par ailleurs, je vous confirme qu’en application des dispositions de l’article 21-29 du code civil, le préfet communique au maire, en sa qualité d’officier d’état-civil, l’identité et l’adresse des personnes résidant dans sa commune susceptibles de bénéficier de la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française. Si l’instauration du téléservice permettant le dépôt dématérialisé des demandes de naturalisation a pu créer des difficultés dans la transmission de ces informations, les récentes évolutions techniques de l’application ont permis de faciliter la communication des données nominatives aux préfectures.
En toute hypothèse, nous aurons beau disposer des outils numériques les plus beaux et les plus efficaces qui soient, la transmission des informations entre la préfecture et la mairie doit rester fluide, la capacité d’initiative des maires comme des préfets doit être préservée, voire renforcée – en tout cas, nous devons prendre toutes les mesures incitatives en ce sens. Surtout, le moment où l’acte de naturalisation est officiellement remis à nos nouveaux compatriotes est fondamental et il doit conserver toute sa solennité car il traduit leur adhésion aux valeurs de la République.
Effectifs policiers à Clamart et au Plessis-Robinson
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Didier Berger, pour exposer sa question, no 314, relative à la baisse des effectifs policiers à Clamart et au Plessis-Robinson.
M. Jean-Didier Berger
Je souhaite appeler l’attention du ministre d’État, ministre de l’intérieur, sur l’évolution des effectifs du commissariat du Plessis-Robinson et de Clamart, ville que je connais bien pour en avoir été le maire jusqu’en janvier dernier. Depuis vingt ans que je réside dans cette circonscription, j’observe une baisse constante des effectifs de police. En 2000, pour environ 70 000 habitants dans ces deux villes, 130 policiers étaient affectés au commissariat. En 2014, alors que la population atteignait 80 000 habitants, celui-ci ne comptait plus que 110 policiers, soit une vingtaine en moins. Depuis 2014, la population de ces deux communes n’a cessé de croître pour dépasser les 85 000 habitants tandis que les effectifs de police continuaient de diminuer, le commissariat perdant encore vingt fonctionnaires. En vingt ans, nous serons passés de 130 à 90 policiers, ce que rien ne justifie en matière de sécurité publique.
Je suis, avec le maire du Plessis-Robinson, particulièrement sensible à cette question car nous avons fait l’effort de déployer des policiers municipaux et de développer la vidéoprotection. Ce n’est pas pour voir les effectifs de la police nationale se réduire autant que le maire du Plessis-Robinson a créé en 2001 une police municipale d’une vingtaine d’agents, ni que j’ai à mon tour engagé une police municipale de plus de vingt-cinq policiers quand je suis devenu maire de Clamart en 2014 ! Vider la mer à la petite cuillère n’est pas notre objectif.
Si la thèse du ministère de l’intérieur, tous gouvernements confondus, est d’habituer les citoyens à un certain niveau d’insécurité et, dès qu’il recule parce que des mesures ont été prises en parallèle, de réduire les effectifs du commissariat, nous n’y arriverons pas. C’est en tout cas une situation que nous ne pouvons pas accepter.
Depuis 2012, l’État a considérablement réduit les dotations qu’il versait aux collectivités. Il s’est massivement désengagé, et nous avons perdu énormément d’argent. Ce gouvernement propose de diminuer encore davantage, l’année prochaine, les dotations des collectivités locales. Nous ne pouvons pas, d’un côté suppléer l’État dans ses missions premières et régaliennes d’assurer en tout point du territoire la sécurité de nos compatriotes et, de l’autre, perdre autant de moyens.
De surcroît, à l’heure où les polices municipales sont devenues des forces incontournables de sécurité dans tout le territoire national, nous avons besoin de voir évoluer leurs prérogatives, qui demeurent trop faibles au regard de leurs compétences, de leur formation et de leurs missions.
J’en viens à ma question : quelles garanties pouvez-vous nous donner quant à l’évolution de ces effectifs, monsieur le ministre ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Il n’est pas question, dans l’esprit du gouvernement, que la police municipale se substitue à la police nationale. Au contraire, son action s’inscrit plutôt dans ce qu’il est communément admis de nommer le continuum de sécurité. D’ailleurs, le Beauvau des polices municipales arrive à son terme et nous pourrons, d’ici quelques semaines, en tirer des propositions dans ce domaine, en particulier l’extension des compétences de la police municipale, étant entendu, soyons clairs, qu’il ne s’agit nullement de remplacer à terme la police nationale par la police municipale même s’il conviendra de mieux coordonner leurs actions.
Je reviens plus précisément à votre question. Force est de constater que la circonscription de sécurité publique (CSP) se caractérise par un niveau de délinquance générale très inférieur à celui de CSP comparables en nombre d’habitants, puisqu’elle occupe seulement le quinzième rang du département, entre la CSP de Neuilly-sur-Seine et celle d’Issy-les-Moulineaux. Elle est peu touchée par le trafic de stupéfiants et la délinquance acquisitive. Elle détient d’ailleurs le taux de criminalité le plus faible du département, derrière la CSP d’Issy-les-Moulineaux. À la différence d’autres circonscriptions, elle ne connaît pas de problèmes prégnants liés aux bandes.
Les effectifs s’élèvent à 94 agents au 31 mars 2025, comme en 2024. Si cette dotation est en léger recul par rapport à 2020, il convient de préciser que le modèle spécifique d’organisation de la préfecture de police de Paris présente la particularité d’intégrer, sous l’autorité du préfet de police et pour l’ensemble de l’agglomération parisienne, tous les services de police œuvrant à la sécurité des habitants et permet de les mobiliser chaque fois que nécessaire.
Autrement dit, la couverture policière de votre circonscription n’est pas assurée par les seuls agents de cette CSP. Celle-ci bénéficie au quotidien et autant que de besoin de la présence des patrouilles des unités opérationnelles de la préfecture de police. Ainsi y interviennent, en soutien des patrouilles locales, la compagnie de sécurisation et d’intervention, la compagnie cynophile ou encore le service de nuit de l’agglomération. Ce territoire bénéficie aussi de l’engagement des compagnies d’intervention en mission de sécurisation, ainsi que, le cas échéant, des unités de force mobile.
Il s’agit de rechercher une plus grande efficacité et une meilleure capacité opérationnelle des services. Je n’ai pas le temps de vous donner des chiffres complémentaires mais je le ferai à l’issue des débats car ils sont très intéressants. Sur le fond, je tiens à vous rassurer : il n’est pas question de remplacer la police nationale par la police municipale.
Secours héliportés dans les Alpes-de-Haute-Provence
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay, pour exposer sa question, no 344, relative aux Secours héliportés dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Je prends la parole pour relayer l’inquiétude grandissante des habitants des Alpes-de-Haute-Provence, territoire magnifique mais parfois oublié. Le Choucas 04, hélicoptère de la gendarmerie basé à Digne-les-Bains, est bien plus qu’un appareil : il est la seule planche de salut aérienne pour des milliers de nos concitoyens. En 2023, il a effectué environ 500 missions de secours, dont près d’une centaine de missions médicalisées d’urgence.
Cet hélicoptère va être immobilisé pour une maintenance indispensable, mais aucune solution sérieuse de remplacement n’a été annoncée. Que vaut notre pacte social si la rapidité des secours dépend du code postal ? Un infarctus n’est pas moins grave à Barcelonnette qu’à Paris ; un accident grave n’est pas moins urgent dans les gorges du Verdon qu’à Marseille. Or chez nous, sans hélicoptère, l’urgence devient lente agonie. Nos vies valent-elles moins parce que nous vivons loin des métropoles ? Devons-nous accepter d’être des Français de seconde zone parce que nous avons choisi de vivre en montagne ou en milieu rural ?
Pendant que d’autres départements disposent de plusieurs appareils pour des zones d’intervention bien plus restreintes, nous devons nous débrouiller avec un seul hélicoptère pour plus de 6 900 kilomètres carrés. Et demain, sans hélicoptère, comment ferons-nous ? Devrons-nous attendre sur le bord de la route ?
Monsieur le ministre, j’attends de vous des réponses concrètes. Quelles mesures le gouvernement entend-il prendre immédiatement pour assurer la continuité des secours durant l’immobilisation du Choucas 04 ? Quand compte-t-il renforcer durablement les moyens héliportés dans les Alpes-de-Haute-Provence pour qu’ils soient à la hauteur des situations d’urgence vitale auxquelles nous sommes confrontés en permanence ?
L’égalité devant les secours est un impératif constitutionnel, pas un engagement à crédit. Les Bas-Alpins n’attendront pas : ils réclament, ici et maintenant, les moyens de vivre en sécurité, comme tout citoyen français est en droit d’exiger la protection de la République.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Il me semble évident que nous partageons tous le même souci de préserver le modèle de la sécurité civile pour que soient apportés à chacun de nos compatriotes, le plus rapidement possible, les secours nécessaires. Le Beauvau de la sécurité civile, qui arrive, lui aussi, à son terme, a d’ailleurs été l’occasion de recentrer les opérations et de redéfinir les missions.
La flotte aérienne de la gendarmerie est vieillissante et nécessite une vigilance particulière sur le plan de la maintenance ainsi qu’un renouvellement significatif. Plusieurs flottes d’hélicoptères, en particulier les EC145 C2, principalement utilisés en montagne, deviennent progressivement obsolètes, ce qui entraîne un allongement des périodes d’entretien et d’indisponibilité. Cette situation liée au vieillissement du parc des hélicoptères a été également aggravée par des difficultés externes à la gendarmerie liées à l’approvisionnement en pièces détachées et par la dégradation d’une machine de retour de la Guyane, où l’engagement des moyens aériens est également déterminant.
Dans ce contexte, la gendarmerie est contrainte de prendre des mesures de gestion. La section aérienne de la gendarmerie de Digne-les-Bains sera donc temporairement fermée, du 1er au 31 octobre 2025, pour conduire des opérations de maintenance de son appareil EC145. Pendant cette période, la couverture aérienne dans les territoires concernés sera maintenue et les missions d’urgence vitale seront assurées par un renfort mutuel mobilisant la section aérienne de la gendarmerie de Briançon et les autres hélicoptères de l’État limitrophes.
Pour remédier durablement à cette situation, seize hélicoptères de nouvelle génération – H160 et H145 D3 – ont été commandés. Ces appareils permettront une répartition garantissant aux sections aériennes de gendarmerie de disposer chacune d’un hélicoptère opérationnel jusqu’en 2028. Par ailleurs, des travaux complémentaires sont en cours concernant l’évolution de la flotte d’hélicoptères de la gendarmerie nationale.
Vous avez bien compris le problème auquel nous sommes confrontés : le matériel est vieillissant et doit être, dans un premier temps, réparé, ce qui prendra un mois, mais la sécurité de nos compatriotes sera assurée grâce aux renforts que nous avons prévus. Dans un second temps, l’achat de nouveaux matériels permettra de renouveler la flotte de la gendarmerie.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Ricourt Vaginay.
Mme Sophie Ricourt Vaginay
Monsieur le ministre, vous vous doutez bien que cette réponse est tout à fait insatisfaisante ! L’hélicoptère de Briançon est mobilisé dans toutes les stations des Hautes-Alpes, notamment l’hiver. Il est aussi fréquemment utilisé par le centre hospitalier.
D’autres départements disposent de plusieurs hélicoptères. Compte tenu de sa configuration, il est inadmissible qu’un département comme le nôtre ne bénéficie pas d’une couverture aérienne de secours. Nous demandons qu’un hélicoptère soit basé de manière permanente à Digne-les-Bains, y compris pendant les travaux de maintenance sur le Choucas 04.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. François-Noël Buffet, ministre
Sans allonger les débats, je répète ce que je vous ai dit : dans l’attente des nouveaux appareils, la sécurité aérienne sera assurée grâce au redéploiement de moyens de l’État. La situation est claire. Nous disposerons ensuite de nouveaux hélicoptères, plus récents, permettant de travailler de façon différente. En tout état de cause, la sécurité sera assurée.
Coût de la vie dans les outre-mer
Mme la présidente
La parole est à M. François Ruffin, pour exposer sa question, no 316, relative au coût de la vie dans les outre-mer.
M. François Ruffin
L’écart moyen des prix des produits alimentaires entre l’Hexagone et les outre-mer est de 30 % à 40 %, mais il peut être bien supérieur : 70 % à Saint-Pierre-et-Miquelon ; 78 % en Nouvelle-Calédonie. À la Martinique, un paquet de pâtes coûte à peu près deux fois plus cher qu’ici. C’est la même chose pour le sucre, les couches pour enfants ou le papier toilette ; même le pack d’eau y dépasse les 10 euros !
Un rapport du Sénat le souligne : voilà qui suscite des interrogations sur le nombre et le rôle des intermédiaires et, surtout, sur les oligopoles tels que le groupe Bernard Hayot, qui contrôle beaucoup et se gave, en réalisant une marge de 34 % ! Le ministre Manuel Valls a accusé ce groupe d’« étouffer l’économie locale et le pouvoir d’achat » et n’a pas hésité à évoquer des « pratiques économiques aux relents de colonialisme ».
Ses mots sont forts mais, jusqu’à présent, ses actes et ceux du gouvernement sont faibles ! Pire, vos décisions pourraient en réalité constituer des quasi-cadeaux pour la famille Hayot et leurs collègues. En effet, qu’avez-vous dans vos cartons ? Votre projet de loi contre la vie chère dans les outre-mer prévoit, premièrement, une baisse de la TVA sur les produits essentiels et, deuxièmement, une diminution de l’octroi de mer, voire sa suppression. Alors que les marges de la grande distribution sont en cause, vous n’y touchez pas !
J’ai un doute, ou plutôt une quasi-certitude : la baisse de la fiscalité ne sera pas répercutée sur les prix dans les magasins. Vous n’avez en effet aucune garantie en la matière ! D’ailleurs, même une promesse des Hayot et compagnie ne vaudrait rien.
La solution est beaucoup plus simple : que l’État mène des enquêtes sur la formation des prix de l’eau, des pâtes, du sucre, des couches et qu’il fixe les prix en accordant à chacun une marge raisonnable. C’est ainsi que l’on pratiquait jusqu’en 1986, jusqu’à la libération des prix qui fut la liberté du renard dans le poulailler, aujourd’hui pillé.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je vous prie d’excuser l’absence du ministre d’État, Manuel Valls, qui doit arriver en Nouvelle-Calédonie dans les prochaines heures. Il m’a demandé de vous répondre. Mon expérience, à l’automne dernier, de ministre chargé des outre-mer me permettra d’apporter des éléments complémentaires.
Le constat que vous faites d’un fort différentiel de prix entre l’Hexagone et les territoires ultramarins est largement partagé. Les chiffres sont éloquents : en 2022, l’écart de prix sur l’alimentaire était de 47 % à Saint-Martin, de 42 % en Guadeloupe, de 40 % en Martinique et en Guyane, de 36 % à La Réunion et de 30 % à Mayotte. Lors de votre récent déplacement dans les Antilles, vous avez pu constater que ces moyennes recouvrent des écarts de prix parfois plus grands encore. Cette situation est difficilement supportable pour nos compatriotes ultramarins et nous comprenons bien qu’elle alimente un sentiment d’exaspération.
Les causes de la vie chère dans les outre-mer sont nombreuses – éloignement de l’Hexagone et étroitesse des marchés, entre autres – et ce fléau est malheureusement ancien. Le ministre des outre-mer a aussi évoqué le « rôle d’étouffement de l’économie » de certains grands groupes. En ce qui me concerne, je ne citerai aucun nom.
En Martinique, à la suite du mouvement social, un protocole d’objectifs et de moyens de lutte contre la vie chère a été signé en octobre 2024 – j’étais sur place. Il prévoit un panel de mesures d’urgence et des efforts conjugués de l’État, de la collectivité territoriale, des transporteurs et des distributeurs pour faire baisser les prix. Il ressort du point d’étape publié à la fin du mois de janvier que la mise à zéro de l’octroi de mer sur cinquante-quatre familles de produits et la réduction des marges ont fait baisser les prix d’environ 8,5 %. C’est un premier pas en direction des objectifs fixés.
Au-delà de l’urgence, le ministre des outre-mer travaille à un plan de bataille complet et structurel qui s’attaque méthodiquement à tous les facteurs expliquant la cherté de la vie : manque de transparence, opacité des marges, partage de la chaîne de valeur, situations oligopolistiques, frais d’approche, etc.
Le gouvernement prépare un projet de loi dédié, qui reprendra certaines dispositions présentes dans les deux propositions de loi récemment examinées à l’Assemblée et au Sénat. Il se nourrira également de nombreux rapports d’experts – notamment le rapport remis à l’automne dernier au président de la République par MM. Pierre Egéa et Frédéric Monlouis-Félicité – ainsi que des propositions faites par les délégations aux outre-mer des deux assemblées. Le ministre s’est engagé à ce que le projet de loi soit présenté cet été.
Enfin, lutter contre la vie chère, c’est aussi travailler au renforcement du tissu économique local, à la promotion des entreprises et des filières dans ces territoires. Des progrès notables sont possibles ; il s’agit d’engager une véritable transformation économique des territoires. Le gouvernement, tout particulièrement le ministre, y travaille.
Je ne développerai pas davantage les explications données par le ministre d’État, que je partage totalement. Il reste encore beaucoup à faire.
Mme la présidente
La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin
Je me fais ici l’écho de l’insatisfaction que j’ai entendue en Guadeloupe et en Martinique. Le problème provient des marges de la grande distribution. Pourtant, ainsi que le souligne Aude Goussard, cofondatrice du Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC), c’est l’État et les collectivités qui vont se priver de recettes, non les profiteurs !
Sur qui et sur quoi agit-on ? Michel Branchi, ancien directeur de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en Martinique, nous alerte : on a cassé l’outil qui nous fournissait des données sur les marges et sur la formation des prix, autrement dit l’outil qui nous permettrait d’agir. La proposition de loi rapportée par Béatrice Bellay, députée de la Martinique, vise à ce que l’observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) soit présent lors de la négociation annuelle et à ce qu’en cas d’échec, au terme d’un mois de discussions, l’État intervienne et fixe les prix sans laisser faire le marché.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à dix heures quarante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Prolifération de la cochenille-tortue du pin
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Lottiaux, pour exposer sa question, no 336, relative à la prolifération de la cochenille-tortue du pin.
M. Philippe Lottiaux
Les pins parasols sont des arbres emblématiques des paysages du littoral varois. Or, depuis 2021, ils doivent faire face à un danger grandissant : la cochenille-tortue. D’abord concentrée sur quelques communes du golfe de Saint-Tropez, cette cochenille se répand régulièrement dans des zones de plus en plus vastes du département, malgré un arrêté ministériel de 2022 visant à éviter son introduction et sa propagation. Entre 10 % et 15 % des arbres seraient d’ores et déjà touchés, ce qui suscite l’inquiétude grandissante des habitants comme des élus locaux.
Cette situation illustre l’inadaptation de nos moyens de lutte. Les méthodes biologiques telles que le recours à la coccinelle à virgule ou aux huiles, méthodes aujourd’hui privilégiées, ne parviennent pas à enrayer la propagation. L’utilisation d’insecticides de synthèse – dont certains, comme le Revive II ou le Vertimec, ont prouvé leur efficacité en Italie, précédemment touchée – n’est autorisée que de manière très restreinte dans l’espace et le temps, et uniquement par les professionnels, lorsqu’elle n’est pas interdite. Paradoxalement, l’objectif louable de protection de l’environnement risque fort de se traduire par la disparition de dizaines de milliers d’arbres.
Il apparaît désormais indispensable de passer à un stade supérieur, comme cela a été le cas avec succès dans la lutte contre le charançon rouge du palmier, afin d’éviter une catastrophe pour nos arbres et nos paysages. Cela supposerait d’étendre les possibilités de traitement par les insecticides les plus efficaces, dans le cadre d’une stratégie coordonnée et incitative engagée par l’État en lien avec les collectivités territoriales concernées – aujourd’hui un peu seules et en première ligne alors qu’elles disposent de moyens limités – mais aussi avec les professionnels et les propriétaires.
Par ailleurs, comme dans le cas de la lutte contre le charançon rouge, le traitement devrait être obligatoire, étant entendu que les tarifs devraient être négociés et accessibles à tous. En effet, le coût du traitement ne doit pas être un obstacle à sa mise en œuvre.
Je souhaiterais donc savoir ce qui est concrètement envisagé pour combattre efficacement un fléau face auquel nous ne pouvons demeurer les bras croisés ou nous contenter de solutions qui n’ont pas prouvé leur efficacité.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Comme vous le soulignez, la cochenille-tortue du pin est un insecte qui peut provoquer des dégâts importants, notamment sur les pins parasols. Cet insecte ne fait pas l’objet d’une réglementation au niveau européen, mais a été ajouté en France, en 2021, à la liste des organismes nuisibles dits émergents. À ce titre, il fait l’objet d’une lutte obligatoire. L’arrêté de lutte, adopté en 2022, impose notamment aux détenteurs d’arbres infestés de les tailler ou de les détruire.
En outre, mon ministère octroie depuis 2023 une dérogation pour l’utilisation d’un produit phytosanitaire à base d’émamectine, qui s’applique par micro-injection dans les troncs d’arbre – cette mesure a été reconduite en 2025. Mon ministère veillera à ce qu’un produit de traitement reste disponible pour les situations les plus sérieuses. Cependant, nous convenons volontiers que, du point de vue de l’environnement, le traitement des arbres par piqûre – et, à plus forte raison, par pulvérisation – ne constitue ni une solution totalement efficace ni une voie d’avenir.
Nous avons d’ores et déjà déployé un plan de lutte contre la cochenille-tortue du pin, mais il ne produit pas encore, je le sais, des résultats totalement satisfaisants. D’une part, des recherches sont en cours afin d’identifier des agents de lutte biologique. Un succès en la matière serait une très bonne nouvelle. D’autre part, des discussions se tiennent au niveau européen concernant le statut de ce parasite. La France défend le principe de son classement, lequel permettrait d’harmoniser les mesures de lutte et de réglementer la circulation des plants, qui constitue une voie de dissémination de l’insecte d’une région ou d’un pays à l’autre.
Je vous assure donc de la pleine mobilisation de mes services sur cette question, qui affecte particulièrement plusieurs communes, notamment dans votre circonscription.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Lottiaux.
M. Philippe Lottiaux
J’insiste sur le fait que la situation n’est manifestement plus sous contrôle. Les communes touchées sont de plus en plus nombreuses, ce qui montre que les moyens actuels ne sont pas à la hauteur.
Plusieurs facteurs expliquent la situation actuelle. Les dérogations dans l’espace et dans le temps, réservées aux professionnels, sont peut-être trop limitées. Je rappelle que des jardins sont touchés et que la région compte un grand nombre de résidences secondaires. Or, si leurs occupants sont absents au moment où les professionnels sont autorisés à utiliser des produits, le système ne peut fonctionner.
Encore une fois, les communes se sentent un peu seules. Une politique plus volontariste et mieux coordonnée est nécessaire. Il faudrait à cet égard s’inspirer de la lutte contre le charançon rouge, couronnée de succès. Si je me permets d’insister, c’est parce que, sur le littoral, de nombreuses personnes m’expliquent qu’elles ne savent pas comment résoudre le problème.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
J’entends votre alerte. Je la prends en considération et en ferai part diligemment à mes services. Nous devons exercer une pression au niveau européen, car un classement apporterait des solutions.
J’ai pris toutes les dispositions qui dépendaient de moi, notamment en matière de traitement. L’autorisation d’utiliser le produit phytosanitaire que j’ai mentionné constitue une réponse jusqu’à ce que nous trouvions une solution alternative efficace et convaincante.
Je note en particulier que vous avez évoqué un besoin de coordination. Je vais signaler ce point ; comptez sur moi.
M. Philippe Lottiaux
Merci !
Vignerons
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Meurin, pour exposer sa question, no 338, relative aux vignerons.
M. Pierre Meurin
Tout d’abord, je vous remercie, madame la ministre de l’agriculture, de vous être rendue disponible pour échanger utilement avec nous ce matin.
Premièrement, je souhaite évoquer une question très spécifique. Ma circonscription, la quatrième du Gard, compte de nombreuses caves coopératives, parmi lesquelles la cave des vignerons de Saint-Gély. Celle-ci est confrontée à une situation alarmante, qui illustre la rigidité kafkaïenne dont l’administration fait parfois preuve.
Dans le cadre du plan de distillation d’urgence, l’établissement public FranceAgriMer a exclu le vin de la coopérative au motif qu’il présentait un degré d’alcool supérieur de 0,33 point au degré maximal autorisé. Le vin a bel et bien été réceptionné, contrôlé puis distillé, mais la cave n’a pas reçu les 18 000 euros qui lui sont dus, ce qui représente un manque à gagner très important pour une petite cave coopérative.
Celle-ci a tenté de défendre ses intérêts auprès de FranceAgriMer, qui a décidé de ce non-paiement, et a alerté le ministère de l’agriculture à plusieurs reprises – j’espère que vous avez au moins été informée de cette situation parfaitement injuste. Le problème, pendant depuis un an, n’a pas été résolu. La cave coopérative se trouve donc toujours dans une situation financière préoccupante.
Que comptez-vous faire pour régler ce litige ? L’administration ne doit pas être forte avec les faibles et faible avec les forts – ce qui est trop souvent le cas. Les vignerons attendent votre réponse.
J’en viens à ma deuxième question. Le plan d’arrachage, lancé pour aider la filière viticole et piloté par le même FranceAgriMer, prévoit une indemnisation en fonction des surfaces arrachées. Or cette prime est jugée encore insuffisante, d’autant plus que son imposition réduit son efficacité en tant qu’outil de soutien. Envisagez-vous, par exemple dans le cadre du prochain budget, une défiscalisation partielle ou totale de cette prime ?
Troisièmement, les producteurs français sont pris en tenaille entre, d’un côté, une multiplication des normes européennes – vous connaissez bien ce problème –, des normes nationales, des exigences de certification sans réelle plus-value et, de l’autre, une concurrence européenne et extra-européenne qui entraîne une baisse des prix du marché et qui se révèle déloyale puisqu’elle ne se plie pas toujours aux règles que doivent respecter nos vignerons.
Je rappelle que la France compte 85 000 exploitations viticoles, ce qui représente 500 000 emplois directs et indirects. Ce secteur est le second contributeur à la balance commerciale de notre pays – vous connaissez ces questions mieux que moi.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Pour avoir consacré mes premiers déplacements ministériels de terrain aux difficultés du vignoble, je mesure les défis auxquels sont confrontés les vignerons de votre département.
L’État ne ménage pas ses efforts pour soutenir la filière : 1 milliard d’euros a été consenti par l’État depuis 2020. Au cours des dernières années, ce soutien a notamment pris la forme de mesures de distillation, dont vous regrettez les modalités de contrôle. Vous le savez, ces mesures sont encadrées par Bruxelles. Cet encadrement est bien connu des opérateurs et FranceAgriMer ne peut s’en abstraire. J’ajoute que la cave que vous mentionnez a touché 300 000 euros, soit 94 % de l’aide demandée.
S’agissant de l’arrachage définitif, j’ai obtenu le feu vert de Bruxelles pour un financement à hauteur de 120 millions d’euros, comme l’avait sollicité mon prédécesseur. De nombreux viticulteurs ont recouru à cette mesure financée sur crédits nationaux. Son calibrage ne semble pas faire obstacle à son attractivité, puisque les crédits ont été consommés à 90 %.
Vous appelez de vos vœux une défiscalisation de la prime d’arrachage. Sachez que tout le monde demande des dispositifs de défiscalisation ! Or, en tant que parlementaire, vous connaissez comme moi la situation budgétaire du pays. L’heure n’est pas à la multiplication de telles mesures.
Depuis le plan d’arrachage, nous avons proposé, à la demande des professionnels, des prêts exceptionnels de court terme – avec un taux bonifié par l’État de 1,5 % pour les jeunes agriculteurs et de 1,75 % pour les autres – ainsi que des prêts de consolidation de plus long terme et garantis gratuitement par l’État à 70 %. Il est évident que ces prêts étaient notamment destinés aux viticulteurs – qui avaient d’ailleurs formulé des demandes en ce sens.
J’ai en outre décidé de porter à 50 millions en 2024 le montant de l’enveloppe qui permet la prise en charge exceptionnelle de cotisations par la Mutualité sociale agricole. Cette mesure est ciblée notamment sur la viticulture.
Enfin, j’ai décidé de rendre aux vignerons le reliquat de 10 millions non mobilisé par l’arrachage définitif. Il financera une aide exceptionnelle au bénéfice des jeunes vignerons récemment installés. Les instructions ont été données aux préfets et les enveloppes régionales leur ont été notifiées.
N’en doutez pas, la ministre que je suis se bat pour le vignoble français, au niveau national comme au niveau international, notamment dans le différend qui nous oppose à la Chine et aux États-Unis.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Meurin.
M. Pierre Meurin
Je vous remercie pour ces réponses circonstanciées. Je répète simplement que, quelles que soient les aides reçues par la cave de Saint-Gély, celle-ci a été privée de 18 000 euros uniquement à cause d’un écart de 0,33 degré d’alcool. Il serait souhaitable de régler ce litige, toujours en cours.
Filière biologique
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Pribetich, pour exposer sa question, no 340, relative à la filière biologique.
M. Pierre Pribetich
La France a inscrit en 2021, dans son plan stratégique national pour la politique agricole commune (PAC), des objectifs ambitieux en matière d’agriculture biologique : atteindre 18 % des surfaces en bio d’ici à 2027, avec une enveloppe dédiée de 1,7 milliard pour convertir 325 000 hectares chaque année dans ce mode de production compétitif.
Lors de l’examen de la dernière loi d’orientation agricole, les parlementaires ont souhaité consolider cette trajectoire en fixant un objectif renforcé de 21 % de la surface agricole utile (SAU) cultivée en bio en 2030.
Cependant, vous le savez, madame la ministre, les agriculteurs biologiques font face à de multiples crises, notamment climatiques et inflationnistes, ce qui ralentit le rythme des conversions. Si l’on cumule celles qui ont été opérées entre 2022 et 2024, on atteint à peine l’objectif prévu sur une année. On risque ainsi de laisser repartir, d’ici à 2027, près de 1 milliard d’euros de crédits européens inutilisés.
Nous observons par ailleurs une baisse dramatique du nombre de producteurs et de surfaces agricoles dans les campagnes, alors que l’agriculture biologique approvisionne des usines et des structures intermédiaires, maintenant ainsi l’emploi agricole en zone rurale. Les agriculteurs biologiques de ma circonscription – la troisième de la Côte-d’Or – expriment les mêmes inquiétudes face à cette triste réalité.
Le 17 janvier dernier, vous avez vous-même souligné devant le Sénat que les outils de soutien à la filière biologique prévus par la PAC se concentraient sur la conversion, alors que le premier enjeu est de maintenir les fermes biologiques déjà engagées en zone rurale.
Allez-vous saisir l’occasion de la révision du plan stratégique national, qui doit aboutir le 31 mai prochain, et de la préparation du prochain budget pour retenir ces crédits européens non utilisés, afin qu’ils restent essentiellement dédiés au maintien des fermes biologiques, en renforçant les outils existants tels que l’écorégime bio, le crédit d’impôt bio et les programmes opérationnels consacrés à la filière ? Cela permettrait – vous le savez – de donner un signal à nos agriculteurs biologiques qui, en nous fournissant une alimentation beaucoup plus durable, font notre fierté et bâtissent notre avenir.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Vous souhaitez que les crédits à la conversion non utilisés soient conservés au profit de la filière biologique, ce qui me semble pertinent et légitime.
Sachez tout d’abord que j’ai bien noté le souhait des acteurs de la filière – notamment de la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab) – de réallouer le reliquat des aides à la conversion à d’autres aides à l’agriculture biologique. À l’issue des campagnes de 2023 et de 2024, ce reliquat s’établit à 257 millions d’euros. Voilà la vérité des chiffres : on est loin du milliard évoqué ! Le montant du reliquat constaté après la campagne de 2025 ne pourra être précisé qu’à l’automne.
Alors qu’une reprise des conversions semble se dessiner et que vous avez fixé avec mon accord, dans la loi d’orientation agricole, un objectif ambitieux de 21 % de terres converties à l’agriculture biologique, je ne peux pas approuver une réallocation des crédits au maintien des exploitations en bio au détriment de la conversion au bio. Nous souhaitons, vous comme moi, cette conversion.
À ce stade, je peux vous dire que nous travaillons à une affectation très pragmatique des reliquats évoqués, car nous ne pouvons pas créer des outils nouveaux qui ne pourraient pas être déployés d’ici à la fin de la programmation. Je vous ferai bien sûr part des arbitrages dès qu’ils auront été rendus, mais il va de soi qu’il ne s’agira nullement de réduire notre ambition en matière d’agriculture biologique, ce que j’ai d’ailleurs indiqué au président de la Fnab.
Pour cette raison, le montant du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique a été relevé, passant de 3 500 à 4 500 euros – vous ne l’ignorez pas. Dans la situation budgétaire que nous connaissons, c’est un effort important.
Soyez certain que l’avenir de la filière bio retient toute mon attention. Je le redis, l’agriculture biologique est un modèle vertueux et plébiscité par les Français. Il a fait face à une crise qui a ralenti son développement. Nous devons donc l’accompagner, afin de conforter sa résilience et d’assurer sa pérennité.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Pribetich.
M. Pierre Pribetich
Merci pour votre réponse circonstanciée. Je prends note des engagements que vous avez pris. Néanmoins, la filière est très inquiète. Je souhaiterais donc que votre message de soutien soit diffusé auprès de l’ensemble des producteurs, car ils ne l’ont pas tous reçu.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
Lorsque j’ai reçu, il y a quelques jours, le président de la Fnab, j’ai tenu des propos très clairs. Il vous revient parfois de vous faire le relais de la parole du gouvernement !
M. Pierre Pribetich
Je le ferai !
Appellation d’origine contrôlée Champagne
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson, pour exposer sa question, no 331, relative à l’appellation d’origine contrôlée Champagne.
M. Charles de Courson
L’appellation d’origine contrôlée (AOC) Champagne constitue un élément clé de notre patrimoine viticole national et un moteur économique essentiel pour nos territoires. Son excellence repose sur des règles strictes, qui garantissent l’authenticité et la qualité des vins qui reçoivent ce label.
Pourtant, cette exigence est aujourd’hui fragilisée par un problème de maîtrise des nouvelles plantations, qui menace l’équilibre et la cohérence du vignoble champenois. Depuis 2016, la politique agricole commune (PAC) prévoit un dispositif d’autorisation permettant de réguler la plantation de vignes tout en imposant un minimum de croissance dans les zones AOC, y compris pour les vins sans indication géographique (VSIG). Pourtant, dans le règlement de la PAC de 2013, l’intention était de « ne pas détourner la notoriété des appellations d’origine protégées (AOP) ».
En raison de cette disposition, le Syndicat général des vignerons de la Champagne, en sa qualité d’organisme de défense et de gestion (ODG), a demandé le 27 février dernier la suspension des travaux de l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) sur la révision de l’aire parcellaire de l’AOC Champagne.
Les producteurs champenois sont contraints chaque année d’attribuer des droits de plantation pour des VSIG, alors même qu’ils ont historiquement fait le choix d’un modèle de production exclusivement sous appellation. Or les VSIG échappent à toute régulation stricte : absence de limitation des rendements, liberté totale dans le choix des cépages et des pratiques culturales, impossibilité de localiser précisément les vignes et les lieux de commercialisation des vins. Au-delà de la Champagne, d’autres ODG font face à des difficultés similaires, notamment dans la région de Cognac et dans celle des vins de Bordeaux.
Le paquet « vin », publié le 28 mars 2025, demeure trop peu précis au sujet de la régulation des plantations dans les AOC. Dans ce contexte, quelle est la position du gouvernement sur cette réforme européenne ? La France soutient-elle, au niveau communautaire, l’exclusion des VSIG dans la région Champagne ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Monsieur le rapporteur général du budget, je suis pleinement consciente des défis auxquels sont confrontés les producteurs, champenois notamment, pour ce qui est de la maîtrise des plantations nouvelles de vignes et de la coexistence avec les VSIG dans les zones d’appellation. Le cadre européen en vigueur impose une croissance non nulle des autorisations de plantations nouvelles. Dans la zone Champagne, cela conduit à autoriser chaque année la plantation de 0,1 hectare de vignes destinées aux VSIG. C’est également le cas dans d’autres zones.
À Bruxelles, la France participe activement aux travaux menés depuis octobre dernier par le groupe de haut niveau sur la politique vitivinicole. À ma demande, le représentant français a ardemment défendu, auprès de la Commission européenne, une évolution de cette règle. Elle est nécessaire pour sanctuariser les vignobles sous indication géographique traditionnellement non mixtes. Cela implique d’interdire dans ces zones toute plantation pour les VSIG.
Cet objectif a été repris dans le document conclusif du groupe de haut niveau, approuvé par tous les États membres – je m’en félicite. Votre question me laisse toutefois penser que cet objectif n’est pas assez précisément formulé, point que je vérifierai.
Le paquet « vin », c’est-à-dire la proposition législative issue de ces échanges, a été récemment présenté par la Commission aux colégislateurs de l’Union européenne. Je veillerai tout particulièrement à ce que la modification réglementaire que vous appelez légitimement de vos vœux et que je soutiens prospère jusqu’à son adoption définitive.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson
Une solution très simple consisterait à permettre aux ODG des AOC concernées de fixer à zéro le nombre d’autorisations, autrement dit d’exclure la possibilité de planter pour produire des VSIG, conformément au souhait des acteurs. Confier cette prérogative aux ODG permettrait, me semble-t-il, de trouver un accord dans toutes les zones en question. Seriez-vous d’accord avec cette idée ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
Je ferai expertiser votre proposition. En s’appuyant sur les conclusions du groupe de haut niveau, avec lesquelles nous sommes d’accord sur le fond, la Commission européenne a élaboré le paquet « vin », qui sera présenté au Parlement européen. Si je comprends bien, vous souhaitez vous assurer que la formulation garantisse absolument la possibilité d’exclure les plantations pour les VSIG. J’ignore de quelles marges de manœuvre nous disposons encore ; j’interrogerai mes services à ce sujet.
Sachez en tout cas que la France est très allante dans le groupe de haut niveau : elle y a fait accepter certaines idées, dont celle que vous défendez ici et qui me tient à cœur autant qu’à vous.
Établissements scolaires hors réseau d’éducation prioritaire
Mme la présidente
La parole est à Mme Joséphine Missoffe, pour exposer sa question, no 322, relative aux établissements scolaires hors réseau d’éducation prioritaire.
Mme Joséphine Missoffe
Je souhaite appeler l’attention du gouvernement sur les difficultés spécifiques que peuvent rencontrer les établissements scolaires situés en dehors du périmètre des réseaux d’éducation prioritaire (REP). Alors qu’ils ne sont pas intégrés à ces réseaux, certains de ces établissements accueillent des élèves confrontés à de réels obstacles à leur réussite éducative, liés à des contextes sociaux complexes et à l’hétérogénéité marquée des parcours. Ma circonscription offre l’exemple d’une telle situation : des directeurs ayant auparavant exercé en REP soulignent combien les défis qu’ils rencontrent actuellement s’apparentent à ceux qu’ils ont connus précédemment.
Depuis la dernière refonte de la carte de l’éducation prioritaire, des dispositifs tels que les conventions académiques pluriannuelles de priorité éducative (Cappe) ont été conçus pour tenter d’apporter un soutien aux établissements non classés mais identifiés comme étant exposés à des tensions éducatives réelles. Dans certaines académies, le contrat local d’accompagnement (CLA) a été expérimenté, afin de mieux tenir compte des contextes locaux et d’apporter des réponses spécifiques aux besoins des établissements.
Sur le terrain, des incertitudes s’expriment quant à la pérennisation et à la diffusion de ces approches. Elles concernent plus précisément les outils mobilisables pour garantir que les équipes éducatives bénéficient, chacune dans leur contexte propre, des leviers nécessaires à la mise en œuvre de projets pédagogiques exigeants et inclusifs.
Alors que la refonte de la carte de l’éducation prioritaire se précise, pourriez-vous indiquer les dispositifs de soutien dont pourront bénéficier les établissements scolaires qui ne relèvent pas d’un réseau d’éducation prioritaire mais dont les besoins appellent une vigilance constante ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Je vous rejoins : la politique d’éducation prioritaire est essentielle. Elle a pour objectif de corriger l’effet des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire. Cette ambition a abouti au dédoublement des classes de grande section de maternelle, de CP et de CE1, conformément au souhait du président de la République.
La carte de l’éducation prioritaire est constituée de près de 1 094 réseaux : 732 réseaux d’éducation prioritaire et 362 réseaux d’éducation prioritaire renforcée (REP+). Elle n’a pratiquement pas changé depuis son élaboration en 2014 et 2015, alors que des évolutions socio-économiques et territoriales sont intervenues depuis. Je le dis au nom de la ministre de l’éducation nationale : le chantier de la révision de la carte de l’éducation prioritaire sera conduit.
Vous l’avez relevé, certains établissements n’appartenant pas à ces réseaux présentent des besoins particuliers, parce qu’ils accueillent des publics scolaires fragiles. Un autre dispositif, les contrats locaux d’accompagnement, vise précisément à soutenir les écoles et établissements qui, du point de vue social, sont proches de l’éducation prioritaire, mais ne sont pas labellisés comme tels. Établis par les autorités académiques pour une durée de trois ans, les CLA introduisent davantage de progressivité dans l’allocation des moyens supplémentaires.
Il existe actuellement 515 CLA. Je suis en mesure de vous confirmer que les moyens alloués à ces CLA seront maintenus par rapport à l’exercice budgétaire 2024. Compte tenu de la baisse démographique, ce maintien permettra une meilleure couverture des besoins à l’échelle nationale, y compris dans le 16e arrondissement de Paris, que vous avez mentionné.
Mme la présidente
La parole est à Mme Joséphine Missoffe.
Mme Joséphine Missoffe
Je vous remercie. Dans le 16e arrondissement, nous ferons en sorte que ces dispositifs soient maintenus et, si possible, expérimentés dans de nouveaux établissements scolaires. Je me tiens à votre disposition à ce sujet.
Suppression de classes à Paris
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour exposer sa question, no 330, relative à la suppression de classes à Paris.
Mme Sophia Chikirou
Après avoir nié le résultat des élections législatives de juillet dernier et s’être maintenu au pouvoir contre le vote des Français, après avoir fait passer le pire budget de la Ve République par la force du 49.3, par la ruse et grâce à la trahison de certains sur ces bancs, votre gouvernement, composé de macronistes et de représentants de la droite jusqu’à l’extrême, est pris dans plusieurs scandales concernant le surfinancement de l’école privée.
Dans le budget de 2025, vous réduisez les crédits de l’éducation nationale de 200 millions d’euros, ce qui contredit totalement la promesse du premier ministre de revenir sur son projet initial de supprimer 4 000 postes. On voit clair dans votre jeu : vous dépouillez l’école publique, vous l’abaissez, vous la privez des moyens de la réussite ; ce faisant, vous portez atteinte à l’égalité républicaine.
Votre politique illégitime a des conséquences graves et immédiates : dès la rentrée 2025 sont ainsi prévues des fermetures massives de classes, tandis qu’est remis en cause le régime de décharge de direction dont bénéficient les écoles parisiennes.
Partout en France des classes ferment, des postes d’enseignants sont supprimés et des professeurs ne sont pas remplacés.
À Paris, pas moins de 110 postes de professeurs seront supprimés et près de 170 fermetures de classes ont été confirmées pour la rentrée 2025 lors du conseil départemental de l’éducation nationale du 21 mars. Ces suppressions concernent surtout les arrondissements populaires du nord et de l’est, alors que les quartiers favorisés, comme le 7e arrondissement, sont épargnés.
L’école élémentaire en réseau d’éducation prioritaire (REP) située au 77 rue de Belleville est un exemple édifiant. Malgré l’arrivée prévue de vingt-deux élèves supplémentaires à la rentrée 2025, vous y supprimez une classe. Concrètement, cela implique que, dès 2025, l’école connaîtra une augmentation immédiate de 25 % des effectifs dans les classes non dédoublées, et qu’elle se trouvera dès 2026 dans une situation intenable, avec des classes de CE2, CM1 et CM2 pouvant atteindre jusqu’à trente-quatre élèves, en violation totale des règles en vigueur dans les établissements en REP et REP+ – réseau d’éducation prioritaire renforcé.
En parallèle, le régime de décharge dont bénéficient les directrices et directeurs des écoles parisiennes est également menacé, sans concertation. Ce dispositif, jugé essentiel à la réussite des enfants par la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), permet aux directeurs d’avoir le temps d’assurer le fonctionnement pédagogique et administratif de leur établissement. Le ministère a annoncé un moratoire à la suite de la mobilisation massive du 11 février dernier, mais il n’apporte aucune garantie concrète. Je ne peux pas ne pas vous rappeler le suicide d’une directrice, Mme Renon, en 2019 ; je ne peux pas non plus ne pas évoquer cette scène, dont j’ai été témoin, en février dernier, dans le 11e arrondissement, lorsqu’une directrice en larmes a interpellé la ministre de l’éducation nationale, lui faisant part de sa détresse.
Renoncerez-vous aux fermetures de classes qui aggraveront la situation et qui contreviennent aux règles applicables aux REP ? Recruterez-vous des remplaçants afin que chaque classe ait un professeur ? Respecterez-vous les directeurs et directrices d’école en maintenant les décharges de direction à Paris ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Je me permets de vous répondre au nom de la ministre de l’éducation nationale, qui vous prie d’excuser son absence. Élisabeth Borne et moi-même comprenons votre inquiétude.
L’académie de Paris subira une baisse démographique importante à la rentrée prochaine,…
Mme Sophia Chikirou
C’est faux !
Mme Annie Genevard, ministre
…avec 3 200 élèves en moins pour le seul premier degré, ce qui permettra de réduire le nombre d’élèves par classe. L’académie de Paris présentera donc à la rentrée prochaine le meilleur taux d’encadrement de France métropolitaine, avec vingt élèves par classe en moyenne.
Vous mentionnez les inégalités sociales, qui sont aussi notre priorité. À Paris, en REP, huit élèves sur dix sont scolarisés dans des classes de moins de vingt élèves. Ce sera aussi le cas au sein de l’école élémentaire Belleville, labélisée REP, que vous évoquez : à la rentrée prochaine, ses six classes de CP et CE1 compteront quatorze élèves chacune, et les cinq classes de CE2, CMI et CM2, vingt élèves. Les fermetures prévues se traduiront donc non par une baisse mais bien par une hausse du taux d’encadrement.
Le régime dérogatoire dont bénéficient les seuls directeurs d’école publique de Paris est en vigueur depuis 1982 : il leur permet d’être déchargés de leur fonction d’enseignement à partir de cinq classes, contre douze classes ailleurs en France. Or, depuis 2019, la Ville de Paris n’a plus contribué à ce dispositif, occasionnant une perte sèche de 116 millions d’euros pour le ministère – une situation anormale épinglée par la Cour des comptes en septembre dernier. Élisabeth Borne a donc annoncé une concertation avec la Ville et les partenaires pour trouver une solution pérenne. Le moratoire dont vous parliez n’a donc pas été arraché au ministère, mais bien décidé après une concertation. L’annonce a d’ailleurs été accueillie favorablement par les organisations syndicales, et en premier lieu par l’association des directeurs d’école de Paris, avec qui le dialogue est engagé.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophia Chikirou.
Mme Sophia Chikirou
Si je vous pose cette question, c’est parce que je continue d’être interpellée à Paris par les directeurs et les directrices d’établissement, qui n’ont pas confiance dans les promesses du gouvernement. Au bout du compte, à Paris, la suppression de cinquante-deux postes de directeurs d’école est en jeu.
S’agissant de l’école Belleville, j’étais à leurs côtés juste avant les vacances, avec le directeur, avec le personnel et les parents d’élèves, qui manifestaient devant l’établissement : les chiffres que vous donnez ne correspondent tout simplement pas à la réalité ! Des inégalités scandaleuses subsistent à Paris et les moyennes que vous citez ne permettent pas de répondre aux besoins.
Conditions d’enseignement à Saint-Martin
Mme la présidente
La parole est à M. Frantz Gumbs, pour exposer sa question, no 311, relative aux conditions d’enseignement à Saint-Martin.
M. Frantz Gumbs
Je me suis permis de comparer les résultats du Pisa – Programme international pour le suivi des acquis des élèves – de cinq pays que nous connaissons tous, la France, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis, en privilégiant deux matières : les mathématiques et la lecture. Ces cinq pays sont comparables parce qu’ils connaissent des évolutions sociétales similaires, caractérisées par des publics scolaires d’une grande diversité ethnique et culturelle, en particulier linguistique, dans certains endroits. La France est quatrième sur cinq en mathématiques et cinquième sur cinq en lecture.
Dans ce contexte, je souhaite vous faire part de mon sentiment que le système éducatif français aurait de meilleurs résultats sur ces territoires à forte identité régionale si, la formation académique des enseignants étant la même pour tous, le profil culturel de ces derniers leur laissait plus de liberté pour s’adapter à la culture régionale, en particulier linguistique, du public scolaire qu’ils rencontrent. Le premier résultat serait selon moi une modification du rapport à l’école, de la confiance en l’école de la part des élèves et de leurs parents.
J’illustrerai mon propos avec l’exemple de l’académie de Guadeloupe, en particulier celui du territoire de Saint-Martin. À Saint-Martin, la langue usuelle la plus parlée est l’anglais saint-martinois, plus de huit écoliers sur dix et près de sept collégiens sur six sont scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP), et les évaluations nationales montrent que le taux moyen d’élèves présentant une maîtrise satisfaisante en français est de vingt-six points inférieur au taux moyen académique, et de quarante points inférieur au taux moyen national – étant précisé que ces contre-performances scolaires existent aussi loin que ma mémoire remonte, soit il y a très longtemps, et que ces résultats se sont aggravés entre 2023 et 2024.
Dans ce contexte territorial si particulier, la logique comptable qui consiste à supprimer des postes lorsque les effectifs sont en baisse n’est pas de nature à améliorer les résultats. La revendication de postes et de moyens n’est cependant pas mon sujet aujourd’hui ; les organisations syndicales le font suffisamment bien. Il me semble en revanche qu’un des facteurs qui influence négativement les résultats scolaires dans ce contexte culturel si particulier est précisément la trop grande déconnexion culturelle entre enseignants et enseignés.
Afin d’améliorer la situation et les résultats scolaires, il me semble nécessaire, entre autres, d’adapter l’organisation des mouvements interacadémiques, en séparant les demandes visant la Guadeloupe proprement dite de celles destinées à Saint-Martin et de celles destinées à Saint-Barthélemy, et aussi de favoriser le recrutement de profils volontaires, adaptés et préparés. À défaut de l’avoir choisie, de trop nombreux enseignants subissent leur affectation, la vivent mal et font tout pour partir le plus rapidement possible.
Pourriez-vous envisager de porter un regard particulier sur l’état de l’école dans les outre-mer, dans l’académie de Guadeloupe et dans ma circonscription en particulier ? Nous ne pouvons pas continuer à être ainsi, indéfiniment, au-dessous de tout.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Je me permets de vous répondre au nom de Mme la ministre de l’éducation nationale qui m’a fourni les éléments suivants. Votre question permet de revenir sur l’importance que nous attachons à la réussite des élèves partout sur le territoire. Cette réussite passe par l’amélioration des conditions d’encadrement. Nous faisons le constat d’une forte baisse démographique, comme vous le savez : pour la rentrée 2025, nous compterons près de 93 000 élèves en moins, dont 80 000 dans le premier degré. Cette baisse touche la métropole, mais aussi plusieurs territoires ultramarins, en particulier les Antilles françaises ainsi que Saint-Martin. De cette baisse démographique, nous faisons une force, qui permettra de poursuivre la baisse du nombre moyen d’élèves par classe, lequel atteindra à la rentrée prochaine le niveau historiquement bas de 21,1 élèves par classe en moyenne. C’est aussi un facteur de réussite. Vous invitez la ministre d’État à mettre la baisse démographique au service de la réduction des inégalités sociales et territoriales : c’est bien ce que nous faisons, à l’échelle nationale comme à l’échelle locale.
Pour l’académie de Guadeloupe, la diminution des effectifs depuis 2017 est de l’ordre de 18 %, plus du double de la moyenne de la baisse nationale. Malgré cette évolution, les moyens ont été maintenus, ce qui s’est traduit par l’amélioration du taux d’encadrement des élèves, passé, entre 2017 et aujourd’hui, de 21 à 16,3 élèves par classe dans l’académie.
À Saint-Martin, la baisse des effectifs sera de 2,7 % à la rentrée. Afin de préserver les conditions d’apprentissage les plus satisfaisantes possibles, seules quatre classes seront supprimées sur les dix-sept fermetures prévues initialement. Nous sommes très attentifs à ce que la fermeture des classes n’affecte en rien la réussite des élèves.
Concernant enfin l’adaptation des enseignants aux publics particuliers de ces territoires, vous devrez en discuter plus avant avec la ministre de l’éducation nationale.
Regroupements pédagogiques intercommunaux
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Henriet, pour exposer sa question, no 326, relative aux regroupements pédagogiques intercommunaux.
M. Pierre Henriet
J’appelle l’attention de la ministre de l’éducation sur les enjeux liés à la démographie scolaire, particulièrement prégnants dans les territoires ruraux tels que la Vendée. Le principe selon lequel une commune doit assumer les frais de scolarisation de ses élèves dans les établissements publics ou privés sous contrat est clair et légitime, conformément aux dispositions du code de l’éducation. Néanmoins, dans sa mise en œuvre pratique, ce dispositif entraîne des difficultés financières et organisationnelles importantes pour certaines communes, comme le montre l’exemple concret du regroupement pédagogique intercommunal (RPI) Les Merveilles qui associe les communes de Saint-Juire-Champgillon, Saint-Martin-Lars-en-Sainte-Hermine et La Réorthe, situées dans ma circonscription.
En effet, l’article D. 442-44-1 du code de l’éducation précise que, lorsqu’un RPI n’est pas adossé à une communauté de communes, la détermination des capacités d’accueil ne peut se faire qu’au niveau communal. Ainsi, lorsqu’une commune comme Saint-Martin-Lars-en-Sainte-Hermine ne dispose plus d’établissement scolaire – et n’a donc plus aucune capacité d’accueil –, elle se trouve contrainte de prendre en charge financièrement la scolarisation d’élèves dans des établissements extérieurs, même lorsque la capacité d’accueil du RPI qu’elle vient d’intégrer est suffisante.
Cette situation génère des coûts supplémentaires significatifs pour les communes concernées, elle entraîne une gestion moins efficiente des fonds publics et risque d’affaiblir la solidarité territoriale qui est l’un des fondements des RPI.
Compte tenu de ces réalités, envisagez-vous d’apporter des évolutions réglementaires ou législatives afin de mieux articuler les obligations communales avec les objectifs de mutualisation des RPI ? Envisagez-vous une réforme globale permettant de mieux adapter les dispositifs existants aux contraintes réelles rencontrées par les communes rurales confrontées aux défis croissants de la démographie scolaire ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Je me permets de vous répondre au nom de Mme Élisabeth Borne, qui vous prie d’excuser son absence. Lorsque l’école d’une commune accueille des élèves domiciliés dans une autre commune, la loi prévoit la répartition des dépenses de scolarisation entre la commune de scolarisation et la commune de résidence, à l’issue d’un accord – lorsque j’étais maire, j’ai été confrontée à cette situation qui n’est pas simple, je vous l’accorde.
Deux communes ou davantage peuvent aussi décider de se réunir pour partager les dépenses d’une école au sein d’un RPI : c’est le choix qu’on fait les communes de Saint-Juire-Champgillon, Saint-Martin-Lars-en-Sainte-Hermine et La Réorthe, dans votre circonscription. Ces communes appartiennent au RPI mais conservent cependant leur compétence en matière d’inscription dans l’école implantée sur leur territoire, laquelle implique une participation aux dépenses de scolarisation des élèves domiciliés sur leur territoire. Or Saint-Martin-Lars-en-Sainte-Hermine ne dispose plus d’établissement scolaire.
Les élèves qui y sont domiciliés sont désormais scolarisés dans d’autres communes. La commune de Saint-Martin-Lars-en-Sainte-Hermine devra donc trouver un accord sur le montant de sa participation aux dépenses de scolarisation, qu’elle appartienne ou non à un RPI.
Certaines communes ont fait un autre choix : un RPI peut, en effet, être organisé dans le cadre d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI). Lorsqu’une famille fait le choix d’une scolarisation dans une école implantée dans une commune n’appartenant pas au RPI mais adossée à l’EPCI, la commune de résidence de cette famille ne participe pas aux dépenses de scolarisation. Les communes ont donc le choix.
Pour ces raisons, le gouvernement n’entend pas apporter, à court terme, de modification à un dispositif qui doit se fonder sur la concertation au niveau local ; sans cette dernière, il paraît difficile de répondre aux besoins des élèves et de leurs familles.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Henriet.
M. Pierre Henriet
Madame la ministre, je vous sais attachée à la ruralité. Or ce sujet est fondamental et touche à la solidarité territoriale des communes. En effet, on assiste de plus en plus à une compétition entre communes pour récupérer des effectifs scolaires et s’assurer de l’inscription d’élèves pour les rentrées suivantes. Inscrire les RPI dans le marbre de la loi conforterait l’approche territoriale et permettrait d’éviter un manque de coopération entre les communes, dans un contexte de baisse des effectifs scolaires. Alors que le phénomène risque de s’amplifier, je vous conjure de faire en sorte que ce sujet fasse l’objet d’une véritable prise de conscience, en faveur de toutes les écoles rurales.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
J’ai bien vu, lorsque j’étais maire de Morteau, le basculement entre une période où les communes participaient naturellement au financement de la scolarisation des élèves issus de leur territoire, et une période où elles ne souhaitaient plus payer, au motif que ce n’était plus obligatoire.
Lorsqu’on a voulu faire évoluer la réglementation en la matière, un débat assez vif a eu lieu, qui a notamment agité l’Association des maires de France, au terme duquel il a été décidé de procéder comme nous faisons désormais. Même si le problème reste entier – j’en conviens parfaitement –, je ne crois pas que les choses évolueront dans un avenir proche.
Structures d’accueil des personnes handicapées
Mme la présidente
La parole est à Mme Gisèle Lelouis, pour exposer sa question, no 334, relative aux structures d’accueil des personnes handicapées.
Mme Gisèle Lelouis
Depuis plusieurs années, la France est confrontée à une situation préoccupante : le départ de milliers de personnes en situation de handicap vers la Belgique, en raison du manque de structures adaptées sur notre territoire. Selon un récent rapport de la Cour des comptes, près de 9 000 Français sont pris en charge dans des établissements belges, financés en grande partie par la sécurité sociale et les départements. Chaque année, 350 adultes supplémentaires partent en Belgique, résultat d’un long sous-investissement français dans l’accompagnement du handicap. Pour les familles, c’est une épreuve de plus, imposée par l’absence de solutions locales et par un suivi médical souvent moins robuste.
Le financement de ces établissements par la France pose également un problème. L’accord franco-wallon de 2011, entré en vigueur en 2014, prévoit un contrôle conjoint avec l’Agence pour une qualité de vie (Aviq). Cependant, face à la multiplication des structures, passées de 74 en 2010 à 166 en 2018, ce suivi reste insuffisant. Il est urgent de clarifier les conditions de financement, les critères de contrôle et les sanctions en cas de manquement aux exigences de qualité du soin.
Alors que ces prises en charge ont permis de créer environ 5 000 emplois en Belgique, la France continue de trop peu investir dans son propre dispositif médico-social. Bien que des efforts aient été consentis avec le plan de prévention des départs non souhaités en Belgique associé à une enveloppe de 15 millions d’euros par an depuis 2016, ces initiatives restent insuffisantes pour endiguer l’exil médical.
Je souhaite donc connaître les engagements du gouvernement pour renforcer le contrôle des établissements belges financés par la France, accélérer le développement de structures spécialisées sur notre territoire, et mettre fin au financement des établissements étrangers ne respectant pas nos standards de qualité, afin de proposer aux familles des solutions locales dignes et pérennes.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Face à l’accroissement du recours à l’offre belge, le gouvernement mène une politique de maîtrise des départs contraints en Belgique, qui passe par deux leviers : une action sur la demande et une action sur l’offre, avec le contingentement du nombre de places financées. Le gouvernement veille également au respect de la qualité de l’accompagnement et au contrôle des établissements wallons.
Lancé en 2020, le plan de prévention des départs non souhaités en Belgique, doté de 90 millions d’euros, prévoyait la création de 1 000 nouvelles places en France. Dans les faits, il a permis de créer 2 500 nouvelles solutions pour des adultes en situation de handicap. En outre, 1,5 milliard d’euros sur la période 2024-2030 ont été alloués au plan « 50 000 solutions », qui vise un triple objectif : conforter l’offre d’accompagnement en volume sur le territoire français, corriger les disparités territoriales et accompagner la transformation de l’offre.
L’action sur l’offre se matérialise par un moratoire visant à limiter l’accueil des adultes en Wallonie aux places effectivement occupées le 28 février 2021. De plus, le gouvernement porte une attention particulière à la qualité d’accompagnement des personnes en situation de handicap, quel que soit leur lieu de résidence. En 2024, trente-deux inspections ont été réalisées de manière conjointe. En s’appuyant sur les recommandations de la Cour des comptes, le gouvernement s’engage à renforcer l’outillage commun de gestion, de supervision et de contrôle, et à faire évoluer les méthodes et partenariats entre les autorités françaises et wallonnes. Je transmettrai votre question à la ministre déléguée Charlotte Parmentier-Lecocq.
Mme la présidente
La parole est à Mme Gisèle Lelouis.
Mme Gisèle Lelouis
Il est urgent de se pencher sur certains cas. Dans ma circonscription, des familles sont venues me voir parce qu’elles ne sont plus remboursées de leurs frais de transport – qui, entre Marseille et la Belgique, représentent des montants très importants. Il serait bon de remédier à ces difficultés ; en l’absence de ces remboursements, les familles ne peuvent plus recevoir leurs enfants à la maison.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Je tiens à préciser la localisation des 2 500 places créées, puisque vous évoquez la situation dans votre circonscription : 1 600 en Île-de-France, 630 dans les Hauts-de-France et 270 dans le Grand Est. Je porterai une attention particulière aux Bouches-du-Rhône.
Mme Gisèle Lelouis
Je vous remercie.
Accès à la contraception et à l’IVG
Mme la présidente
La parole est à Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, pour exposer sa question, no 327, relative à l’accès à la contraception et à l’IVG.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
À Lyon, l’accès à la pilule contraceptive et à l’IVG est de plus en plus menacé. Dans la maison médicale La Présence, pourtant conventionnée en secteur 1 par la sécurité sociale, certains médecins invoquent une clause de conscience généralisée pour refuser la prescription de contraceptifs aux femmes et aux jeunes filles qui les consultent. Une pratique qui, sous couvert de convictions personnelles, constitue une entrave grave et directe à un droit fondamental. Soixante ans après la loi Neuwirth qui a légalisé la contraception en France, il est inacceptable que ce droit – celui de disposer librement de notre corps – soit remis en cause.
De façon plus alarmante encore, ces praticiens promeuvent une prétendue « gestion naturelle de la fertilité », dont le taux d’échec est estimé entre 30 à 40 % selon la méthode employée. Ces praticiens ne respectent pas la déontologie médicale qui les oblige à transmettre une information claire et loyale aux patients. La propagation de fausses informations comme une gestion de la contraception par le suivi du cycle menstruel peut mettre les femmes en danger. Que font l’agence régionale de santé (ARS) et l’Ordre des médecins ?
Depuis 2019, cette maison médicale a fait l’objet de plusieurs signalements à l’ARS de la part du Planning familial, demeurés sans réponse. Sommes-nous réellement en train de faire marche arrière et de piétiner toutes ces femmes qui se sont battues dans ces murs et en dehors pour faire respecter nos droits ?
Cette situation s’inscrit dans un climat plus large de remise en cause des droits des femmes. Au café Simone, dans le 2e arrondissement de Lyon, des conférences sont organisées pour désinformer et culpabiliser les femmes qui ont recours à l’avortement. Il y a moins d’un mois, des militants anti-avortement ont défilé dans les rues de Lyon afin de promouvoir leur vision rétrograde et dangereuse pour nos corps et nos vies.
La contraception et l’IVG ne sont pas seulement des actes médicaux ; ce sont des conquêtes sociales, une affirmation de liberté, d’égalité et de dignité. L’IVG est un choix, parfois difficile, toujours personnel. Il appartient à chacune de pouvoir décider de sa vie, de sa maternité, de son avenir. Personne ne peut, ni ne doit, juger ni entraver cet intime cheminement.
Protéger l’IVG, c’est aussi garantir l’accès effectif à ce droit, partout et pour toutes. Car un droit théorique, sans moyens concrets pour l’exercer, est toujours une illusion. Monsieur le ministre, quels moyens allez-vous mobiliser pour garantir le droit à la contraception et à l’IVG sur l’ensemble du territoire ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
S’agissant du cas particulier de la maison médicale lyonnaise La Présence que vous évoquez, je tiens à vous assurer que l’agence régionale de santé est informée et mobilisée, et qu’un travail est engagé avec la présidente du conseil départemental du Rhône de l’Ordre des médecins et avec des élus de la ville de Lyon, pour faire toute la lumière sur les pratiques que vous avez signalées. Les faits que vous rapportez requièrent toute notre attention.
Si la clause de conscience est un droit, elle ne peut en aucun cas faire obstacle à l’accès au soin ou à une information claire, loyale et appropriée, comme le rappellent les recommandations récentes de la Haute Autorité de santé (HAS) relatives à l’accès à l’interruption volontaire de grossesse. D’autant que nous venons de commémorer la promulgation, il y a 50 ans, de la loi Veil.
Plus largement, la métropole de Lyon dispose d’un maillage sanitaire serré : la densité des sages-femmes y est nettement supérieure à la moyenne nationale, avec 3,6 sages-femmes pour 10 000 femmes, contre 2,4 dans le reste du pays. De même, la densité de médecins y est de 11,5 pour 10 000 habitants, contre 8,2 à l’échelle nationale. La métropole de Lyon compte également dix-sept centres de santé et d’éducation sexuelles. Enfin, l’accès à la pilule du lendemain a été étendu en pharmacie, sans ordonnance et sans avance de frais ; nous avons également instauré, pour les moins de 26 ans, le dispositif Mon test IST, sans rendez-vous et sans ordonnance, en laboratoire.
Par ailleurs, le développement de l’accès à l’IVG en établissement de santé demeure un axe prioritaire de mon ministère. Le décret du 23 avril 2024 permet désormais aux sages-femmes de réaliser des IVG en établissement de santé dans les mêmes conditions que les médecins. Cet élargissement de leurs compétences permet l’accès à la technique instrumentale dans de plus nombreux territoires.
Enfin, l’organisation d’une enquête nationale permettant d’évaluer précisément les délais d’accès à l’IVG, les parcours des patientes et les représentations de l’IVG au sein de la population, a été annoncée le 7 mars 2025. Les résultats de cette enquête permettront, j’en suis sûr, d’affiner les politiques publiques destinées à améliorer l’accès à l’IVG en France.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anaïs Belouassa-Cherifi.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
J’ai reçu plusieurs témoignages assez affolants concernant la maison médicale La Présence. Plusieurs femmes ont confié avoir essuyé des refus de prescription de la pilule ; les praticiens leur expliquent que la pilule n’est pas fiable et ces femmes se trouvent renvoyées à des méthodes pour connaître leur cycle et leur période de fertilité. Une autre patiente s’est vue refuser la prescription d’une ordonnance de dépistage de la trisomie 21, alors qu’elle était enceinte ; le médecin a finalement accepté de la fournir à condition que cela soit seulement à titre d’information, précisant à la patiente qu’il ne pourrait tolérer une décision d’avortement prise en cas de test positif.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Madame la députée, les faits que vous rapportez sont graves. Je rappelle que garantir les droits sexuels et reproductifs n’est pas une option, mais une obligation constitutionnelle, éthique et de santé publique. En tant que ministre de la santé de la France, j’y veillerai.
Maladie d’Alzheimer
Mme la présidente
La parole est à M. Max Mathiasin, pour exposer sa question, no 332, relative à la maladie d’Alzheimer.
M. Max Mathiasin
En France, près de 1,5 million de personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée. On devrait en compter plus de 2,3 millions d’ici à 2050, sans parler des millions de proches aidants.
Il est donc plus que temps d’investir dans la recherche, dans les traitements, dans la compensation du handicap : les investissements d’aujourd’hui sont les économies de demain.
Avez-vous enfin, monsieur le ministre, une date de lancement de la stratégie nationale maladies neurodégénératives 2025-2030 ? Avez-vous une date de reprise des travaux pour le comité de suivi de la stratégie Agir pour les aidants 2023-2027 ? Comptez-vous déployer un plan spécifique pour la maladie d’Alzheimer ? Avez-vous un budget qui lui soit consacré ? Quand allez-vous enfin supprimer la barrière d’âge en matière de compensation du handicap et de perte d’autonomie ? La fin de cette barrière d’âge était prévue par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances. Il faut abandonner la distinction entre les plus et les moins de 60 ans dans l’accès à la prestation de compensation du handicap (PCH) ou à l’allocation personnalisée à l’autonomie. Il s’agit de compenser de réels besoins liés à la maladie, afin d’éviter les restes à charge excessifs qui, trop souvent, conduisent les patients à renoncer à leurs droits.
L’Agence européenne des médicaments vient d’autoriser la mise sur le marché du Leqembi, qui apparaît comme une innovation thérapeutique majeure permettant de ralentir, à son stade précoce, la progression de la maladie d’Alzheimer. Allez-vous permettre aux patients éligibles à ce traitement d’en bénéficier assez rapidement ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Le sujet que vous évoquez est un sujet grave. Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : 1,2 million de personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer, 275 000 de la maladie de Parkinson, 110 000 de sclérose en plaques. Différents plans de lutte contre les maladies neurodégénératives ont été mis en œuvre depuis 2001. La feuille de route 2021-2022 a permis de poursuivre un certain nombre de plans d’action, tournés notamment vers les patients et, surtout, les aidants. Eu égard à l’ampleur de ces enjeux, la réponse reste néanmoins insuffisante. D’ici à quelques semaines, la ministre en charge du handicap et des personnes âgées, Charlotte Parmentier-Lecocq, enclenchera un nouveau plan : une stratégie 2025-2030 qui doit répondre aux besoins sanitaires et médico-sociaux – la formation, l’information et la recherche – mais également aux besoins sociétaux pour les aidants, le bien vieillir ou la santé mentale.
Au sujet, plus juridique, de la PCH, je vous rappelle que le Conseil d’État, dans une décision rendue le 4 juillet 2012, a rejeté une requête de la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes tendant à l’annulation des conditions d’âge pour l’octroi de la PCH. Il ressort de cette décision que l’article D. 245-3 du code de l’action sociale et des familles fixant une limite d’âge pour pouvoir solliciter la prestation de compensation à domicile n’est pas contraire à la loi à l’expiration du délai de cinq ans prévu à l’article 13 de la loi du 11 février 2005 et qu’il ne viole donc pas le principe constitutionnel d’égalité devant la loi.
L’existence de cette barrière d’âge n’obéit pas qu’à une logique pécuniaire : sa suppression remettrait en cause la séparation institutionnelle des politiques du handicap de celles de la perte d’autonomie. Le principe de la limite d’âge repose sur le constat que les situations des personnes handicapées et des personnes âgées en perte d’autonomie ne sont pas identiques et que, dès lors, un traitement différencié peut être admis.
Mme la présidente
La parole est à M. Max Mathiasin.
M. Max Mathiasin
Convenez que les familles de ces personnes atteintes de maladies neurodégénératives, les aidants – la société même – sont dans l’embarras face à une telle situation. Les personnes malades et leurs familles attendent du gouvernement des réponses et des engagements précis, datés et chiffrés. Elles ont besoin qu’un budget soit dédié à la maladie d’Alzheimer et aux autres maladies neurodégénératives.
Mortalité infantile
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Pradié, pour exposer sa question, no 345, relative à la mortalité infantile.
M. Aurélien Pradié
Jusque dans les années 1990, la mortalité infantile – celle des bébés avant qu’ils n’aient atteint leur première année – était, en France, l’une des plus basses d’Europe, voire du monde. Depuis ces années, cependant, la mortalité infantile a connu dans notre pays une très forte augmentation, jusqu’à devenir une des plus élevées d’Europe. En 2021, la mortalité infantile nationale se situait en moyenne autour de 3 enfants pour 1 000 ; dans le département du Lot, elle dépassait les 6 pour 1 000 en 2023.
Il faut prendre la mesure de ce dont nous parlons : nous parlons d’enfants qui meurent, pour 75 % d’entre eux, dans les premiers jours ou les premiers mois avant qu’ils n’aient vécu un an. Ce chiffre devrait empêcher de dormir tout un gouvernement.
La mortalité infantile a toujours été, dans nos sociétés, un indicateur de développement, d’évolution et de progrès. Son augmentation est le signe de notre déclassement général, et cela concerne aussi notre système de soins. Le département dont je suis député est un de ceux qui sont aujourd’hui les plus frappés par la mortalité infantile. Les facteurs, assez mal connus, sont multiples : ils vont de l’accès aux soins – aux maternités en particulier – jusqu’à l’accompagnement général de la santé des mamans et des futurs enfants.
Ma question, monsieur le ministre, est simple : le gouvernement a-t-il pris conscience de l’extrême gravité que revêt, dans un pays comme le nôtre, l’augmentation de la mortalité des bébés de moins d’un an ? S’il en a conscience, quelles mesures réelles, urgentes et vitales, a-t-il l’intention de prendre ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je vous remercie d’aborder ce sujet. La question de la mortalité infantile en France suscite en effet des inquiétudes.
Les chiffres publiés par l’Insee nous apprennent que la hausse de la mortalité infantile concerne surtout la période se situant entre la naissance et le vingt-septième jour, avec un taux de mortalité néonatale de 2 pour 1 000 naissances – taux assez proche de ceux de l’Allemagne et du Royaume-Uni.
Les causes en sont multiples. On peut évoquer l’âge des mères au moment de l’accouchement – avec des accouchements de femmes de plus en plus âgées, mais aussi de plus en plus jeunes –, un accroissement du nombre des grossesses multiples, des situations de précarité et peut-être, en effet, l’éloignement des maternités, y compris pour l’accompagnement des mères.
Nous avons un travail à effectuer pour que les maternités puissent assurer un maillage territorial tout en garantissant la sécurité sanitaire par la présence de pédiatres, de gynécologues et par la possibilité d’accéder à la réanimation néonatale. Nous avons, avec Catherine Vautrin, créé un registre national du décès et nos administrations ont déjà commencé à travailler à un plan et à des mesures qui nécessiteront des moyens humains et financiers spécifiques. Nous les débloquerons dès que nous aurons clairement identifié les causes sur lesquelles agir. Nous ferons également de l’encadrement néonatal, qui relève de deux décrets pris en 1998, une priorité. Le gouvernement a déjà entrepris le réexamen des standards de l’obstétrique, de la néonatalogie et de la réanimation néonatale.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Aurélien Pradié
Je ne mets pas en cause votre conscience, monsieur le ministre, mais nous parlons d’un sujet dont l’importance est considérable. Le taux de mortalité infantile a toujours été un indicateur du développement de nos sociétés. Vous pouvez vous cacher derrière des statistiques et des analyses multifactorielles ; la vraie responsabilité reste politique. Une nation qui n’est plus capable de faire baisser la mortalité des bébés est une nation en échec.
Voici le fond de ma pensée : cet écart entre le gigantisme des défis auxquels notre pays fait face – dont celui-ci – et la vacuité de notre débat politique est insupportable. J’aurais aimé – et je ne l’aurais pas dit autrement à la ministre de la santé – que, plutôt que de passer des heures sur l’interdiction des cigarettes électroniques jetables – un sujet assurément important –, vous vous attachiez à ce qui serait une avancée historique bien plus substantielle : que la France ne fasse plus partie des pays où, en Europe, les bébés ont le plus de chance de mourir avant leur première année.
Cette prise de conscience nécessite une mobilisation générale et vitale de la nation. Il ne s’agit pas seulement de l’avenir d’une génération et de notre démographie, mais aussi de démontrer au monde et à nos concitoyens que nous ne sommes pas un pays qui ne cesse de se déclasser.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Que les choses soient bien claires : je suis, comme vous, sensible à ce grave problème de la mortalité infantile et à l’extrême urgence en la matière, en tant que médecin, comme père et comme ministre de la santé. Je ne suis en poste que depuis quatre mois : nous nous mobiliserons pour identifier les causes de la hausse de la mortalité infantile. Un plan passera par la formation de plus de professionnels de santé : si nous avions plus de médecins, plus de pédiatres, plus de gynécologues et plus de réanimateurs en néonatalogie, je pense que nous ferions diminuer une mortalité infantile dont le niveau actuel est le résultat de trente ans de politiques.
Drépanocytose
Mme la présidente
La parole est à M. Elie Califer, pour exposer sa question, no 341, relative à la drépanocytose.
M. Elie Califer
Je ne vais pas utiliser mon temps de parole pour interroger le gouvernement sur le diabète ou son éventuel traitement par le Heberprot-P. Je ne vais pas non plus vous interroger, de nouveau, sur l’insuffisance des moyens alloués à la prise en charge sanitaire des Ultramarins. Ces dossiers fondamentaux, sur lesquels j’ai déjà eu l’occasion de vous interpeller, ne doivent pas éclipser un autre sujet également essentiel : la prise en charge de la drépanocytose.
Cette dernière est la maladie rare la plus fréquente en France. Son incidence ne cesse de croître et pourtant, selon les associations de patients, elle demeure peu connue du grand public et même parfois, en France hexagonale, du corps médical.
Cette pathologie invisible impose d’insupportables contraintes aux personnes qui en sont atteintes. Elles sont nombreuses à témoigner de leur impossibilité à suivre une scolarité régulière ou à maintenir une activité professionnelle stable.
En dépit de son importance épidémiologique, la formation initiale des médecins et des professionnels de santé ne l’aborde que de manière très insuffisante. Si les associations de patients ainsi que la filière MCGRE – la filière des maladies constitutionnelles rares du globule rouge et de l’érythropoïèse – mettent en place des programmes de formation pour pallier ce manque, ces derniers mériteraient d’être bien intégrés dans les cursus universitaires de nos futurs professionnels de santé.
Alors que les populations ultramarines sont les plus concernées par cette maladie, les patients de Guadeloupe susceptibles d’accéder à la thérapie génique doivent être inclus, pour pouvoir en bénéficier, dans des essais thérapeutiques ; or ces derniers se déroulent uniquement dans l’Hexagone. À ce jour, l’inclusion de patients et la participation du centre de référence maladies rares à ces essais directement sur place demeurent complexes, voire impossibles. Cela s’explique par l’insuffisance des moyens matériels et médicamenteux comme par celle du personnel de recherche.
Mes questions, monsieur le ministre, sont simples. Comment la France entend-elle mieux former les soignants à la drépanocytose ? Pourquoi tarde-t-elle à intégrer les thérapies nouvelles et innovantes qui permettraient de mieux soigner les personnes qui en sont atteintes ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Merci de me donner l’occasion, monsieur le député, de faire le point sur la drépanocytose en France.
Cette maladie est incluse, depuis novembre 2024, dans le programme national de dépistage néonatal : elle est ainsi dépistée chez tous les nouveau-nés, en France métropolitaine comme en outre-mer, sous réserve du consentement des parents. Ce dépistage se fait au moyen du test de Guthrie, qui consiste en un prélèvement sanguin sur un papier buvard. Cette mesure vise à améliorer la prise en charge précoce de la maladie génétique la plus fréquente à la naissance. Ce dépistage a d’abord été réservé aux nouveau-nés à risques accrus. Cependant, face à une augmentation de la prévalence de la maladie ayant entraîné une hausse de la morbidité pédiatrique – 200 cas supplémentaires dépistés entre 2016 et 2020 – la Haute Autorité de santé a recommandé, le 15 novembre 2022, de généraliser le dépistage à tous les nouveau-nés de France.
Cette décision marque une rupture très nette par rapport à l’évaluation de 2014, qui préconisait un dépistage ciblé.
En outre, la recherche a permis la commercialisation de plusieurs médicaments favorisant la fixation de l’oxygène sur l’hémoglobine, ou réduisant les phénomènes d’agrégation cellulaire lors des crises vaso-occlusives.
Certains dispositifs innovants s’appuyant sur la thérapie génétique permettent également la correction directe du gène codant la bêta-globine dans les cellules souches hématopoïétiques des patients.
D’autres techniques nouvelles reposant sur des érythraphérèses répétées à intervalles réguliers, qui consistent à remplacer progressivement la totalité du sang des patients par des globules rouges sains, sont actuellement en phase d’essai clinique, au stade de preuve clinique de concept.
De nouvelles thérapies génétiques bénéficient déjà d’une autorisation d’accès compassionnel (AAC), délivrée au cas par cas en France. Mais les avancées en biothérapie et en thérapie génétique, ainsi que l’érythraphérèse, restent les axes les plus prometteurs dans la lutte contre la drépanocytose.
L’objectif 5 du plan national maladies rares 4 (PNMR4), vise d’ailleurs à renforcer l’accès au dépistage, aux essais cliniques et à la recherche, en particulier dans les domaines de la génomique et de la génétique.
Mme la présidente
La parole est à M. Elie Califer.
M. Elie Califer
Je vous remercie pour votre réponse. Cependant, nous parlons d’une maladie dont la progression est défavorable dans nos territoires. Face à cette évolution, il est impératif que les populations des outre-mer puissent accéder aux thérapies géniques, porteuses d’espoir.
Nous attendons donc que le gouvernement et la Nation prennent réellement en compte nos contraintes, car bénéficier des thérapies géniques modernes implique une présence prolongée en métropole. Il est donc nécessaire d’organiser la venue et la résidence des Ultramarins dans l’Hexagone pendant toute la durée de la thérapie.
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Neuder, ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
C’est tout l’enjeu des nouvelles infrastructures du centre hospitalier universitaire (CHU) de Guadeloupe, où j’espère me rendre à l’automne. Elles permettront la formation et le perfectionnement des professionnels de santé, ainsi que le développement d’une expertise universitaire en recherche, afin de rendre ces thérapeutiques plus accessibles, conformément aux objectifs du PNMR4.
Situation des Ehpad de la Loire
Mme la présidente
La parole est à Mme Sylvie Bonnet pour exposer sa question, no 313, relative à la situation des Ehpad de la Loire.
Mme Sylvie Bonnet
Ma question porte sur la situation particulière, et préoccupante, des Ehpad de la Loire. Face à l’ampleur des besoins, le fonds d’urgence destiné à soutenir les Ehpad en difficulté a été porté de 100 à 300 millions d’euros pour 2025. Cette augmentation représente une bouffée d’air pour des établissements en voie d’asphyxie, mais elle ne suffira malheureusement pas à résoudre les difficultés structurelles qui affectent l’ensemble du secteur du grand âge.
En outre, il ne faudrait pas que le saupoudrage soit tel que les Ehpad les plus fragiles ne puissent pas se redresser, l’aide étant trop symbolique.
Ce matin, je souhaite plus particulièrement vous alerter sur la situation préoccupante de la maison de retraite de la Loire (MRL) de Saint-Just-Saint-Rambert, qui accompagne sur un même site des personnes âgées et des personnes souffrant de handicaps psychiques. Elle dispose de 432 lits d’hébergement complet, de deux pôles d’activité et de soins adaptés pouvant accueillir quotidiennement jusqu’à quatorze résidents de l’Ehpad, d’un foyer de vie de soixante lits destiné aux personnes handicapées psychiques stabilisées et d’une place d’accueil de jour, ainsi que d’un accueil de jour de dix places pour des personnes atteintes de troubles cognitifs ou apparentés. Elle propose également un service de soins infirmiers à domicile de quarante-quatre places, intervenant directement au domicile des personnes âgées.
Il s’agit donc un acteur essentiel et incontournable pour le Forez et la Loire. C’est pourquoi j’espère que le fonds de 300 millions d’euros, prévu dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, pourra soutenir significativement cet établissement.
Quelle est la répartition territoriale envisagée de cette enveloppe, ainsi que le calendrier de mise en œuvre ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Le financement des Ehpad reste malheureusement une question complexe et préoccupante. Ce matin, je ne peux vous dire précisément de quelle somme bénéficiera la MRL de Saint-Just-Saint-Rambert.
Mais soyez assurée que le conseil départemental de la Loire et l’agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes sont pleinement mobilisés afin d’établir un diagnostic précis des établissements en difficulté financière. Les 300 millions d’euros que vous mentionnez devraient, je l’espère, contribuer à l’amélioration de ces situations.
Cependant, les dernières évaluations budgétaires soulignent que les difficultés financières sont accentuées par des tendances inflationnistes liées à plusieurs facteurs, notamment le vieillissement de la population ou l’augmentation des charges structurelles des établissements – hausse des coûts de fonctionnement, de l’électricité et du chauffage.
C’est pourquoi une réforme structurelle du modèle économique des Ehpad est en cours. Les établissements habilités à l’aide sociale pourront adapter leur tarification en fonction des bénéficiaires, tandis que les Ehpad publics autonomes seront intégrés dans des groupements territoriaux afin de mutualiser les compétences et de renforcer leur viabilité financière.
En outre, l’expérimentation de la fusion des sections tarifaires soins et dépendance débutera le 1er juillet 2025 dans vingt-trois départements volontaires. Ce nouveau forfait global unique vise à harmoniser la tarification et à simplifier le cadre financier des Ehpad, un objectif soutenu par tous les acteurs du secteur.
L’ambition du gouvernement est de généraliser rapidement ce nouveau modèle de financement à l’ensemble des Ehpad, afin de mieux anticiper les défis liés à l’accélération du vieillissement de la population prévue à partir de 2030.
Centres départementaux de santé sexuelle
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie Pochon, pour exposer sa question, no 317, relative aux centres départementaux de santé sexuelle.
Mme Marie Pochon
Lundi dernier, le conseil départemental de la Drôme a voté son budget 2025, actant la fermeture de sept centres départementaux de santé sexuelle ruraux et la réduction de 20 % des budgets alloués aux onze autres, situés dans des hôpitaux ou gérés par le Planning familial. Des portes se ferment, un filet de sécurité craque pour des milliers de femmes, d’adolescentes et de familles vivant dans des territoires isolés et parfois enclavés.
Malgré les mobilisations massives de l’Ordre des médecins, des professionnels de santé, du Planning familial et de plus de 500 personnes – dont de nombreux jeunes – à la sous-préfecture à Die, le département a justifié ce choix par un argument : la rationalisation. Mais quelle rationalité y a-t-il à ne plus financer l’accès à la contraception, à l’IVG, à la prévention contre les infections sexuellement transmissible (IST) ou à l’accompagnement des femmes victimes de violences ?
Les centres de santé sexuelle jouent un rôle essentiel. L’anonymat y est garanti et chacune, chacun est accompagné et soutenu, sans rendez-vous et gratuitement. Ils permettent l’accès à la prévention, aux soins, aux moyens contraceptifs. On y trouve une réponse aux questions, un accompagnement en cas de violences subies en couple ou à la maison, mais surtout une écoute sans jugement et de la considération.
Sans ces centres, dans des communes comme Die ou Saint-Jean-en-Royans, il faudra prendre un bus pendant une heure, voire plus, pour trouver un lieu équivalent, avec le coût et le temps que cela implique, sans parler de la crainte que les parents ou les proches l’apprennent.
Tout cela pour économiser moins de 300 000 euros par an, alors que le budget départemental de plus de 800 millions d’euros est excédentaire et qu’il n’est même pas affecté par les coupes budgétaires initialement envisagées par l’État.
Cette logique, qui semble également celle du gouvernement, consiste à couper les vivres aux actions de solidarité et de prévention, et à empêcher, de fait, le déploiement des heures d’éducation à la vie sexuelle et affective pour les élèves français. Tout cela, c’est aussi votre bilan.
Ce vote n’est pas un choix rationnel, ni logique, mais idéologique. Comme le disait Simone de Beauvoir : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
Dans la Drôme et dans toute la France, il est temps d’être vigilantes. Si la Constitution garantit la liberté d’avorter, elle ne garantit pas l’accès à l’avortement. Monsieur le ministre, que prévoit votre gouvernement pour assurer cet accès, notamment en matière de budget ? Et comment faire quand une idéologie fait obstacle pour garantir que toutes les femmes, y compris celles des zones rurales, puissent exercer leurs droits ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Je vous remercie pour votre interpellation, qui reflète une inquiétude légitime partagée par de nombreux habitants de la Drôme. Je suppose que vous avez relayé cette préoccupation auprès de la présidente du conseil départemental.
Mme Marie Pochon
Oui.
M. Yannick Neuder, ministre
Je serai moi-même dans la Drôme le 9 mai, et j’évoquerai naturellement ces sujets. En tant que ministre de la santé, je veille particulièrement à garantir un accès équitable à l’IVG – dont nous avons célébré les 50 ans depuis le vote de la loi Veil –, que ce soit dans la Drôme ou ailleurs, puisque ce droit fondamental est désormais inscrit dans la Constitution.
Je ne commenterai pas la décision du conseil départemental de la Drôme, mais je peux vous indiquer qu’elle entraînera un recentrage des services sur les centres hospitaliers de Valence, Romans, Montélimar ainsi que sur les structures du Planning familial, qui font l’objet d’une vigilance particulière de mon ministère et de l’État.
Par ailleurs, le territoire drômois bénéficie de la présence du centre gratuit d’information de dépistage et de diagnostic des infections (CEGIDD) de Valence, financé par l’agence régionale de santé, qui assure des permanences dans plusieurs localités pour les consultations de contraception, ainsi que le dépistage et la prise en charge des IST, avec une approche globale.
Les hôpitaux de Valence, Montélimar et Drôme nord soutiennent également un dispositif spécifique d’accompagnement des femmes victimes de violences. Ils s’appuient sur un réseau local structuré, qui garantit un suivi de proximité dans la durée, sur plusieurs mois.
Enfin, les centres hospitaliers et les maternités de Romans, Valence et Montélimar, ainsi que les centres périnataux de proximité de Saint-Vallier, Crest et Die, proposent des actions de prévention et des consultations spécialisées en gynécologie et contraception. Ils assurent le suivi des patientes, et la prise en charge des IVG médicamenteuses et chirurgicales.
Les coopérations ville-hôpital permettent d’élargir l’accès aux consultations de gynécologie et à l’IVG médicamenteuse, comme c’est le cas, par exemple, sur les contreforts du Vercors, entre les hôpitaux romanais et les maisons de santé pluridisciplinaires.
Jeux olympiques et paralympiques de Paris
Mme la présidente
La parole est à M. Jean Laussucq, pour exposer sa question, no 319, relative aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris.
M. Jean Laussucq
La France a accueilli les Jeux olympiques et paralympiques en 2024. Ce fut une grande réussite unanimement saluée, qui a nécessité une énorme organisation. Toutefois, notamment le long de la Seine et autour du Champ-de-Mars à Paris, la mise en place des sites olympiques a entraîné des mesures exceptionnelles qui ont bouleversé la vie des riverains et des commerçants.
L’activité de certains commerçants a été fortement perturbée, voire rendue impossible, en raison de ces mesures. Conscient de ces difficultés, sous l’impulsion d’Olivia Grégoire – dont je salue l’implication –, le gouvernement s’était engagé à constituer une commission d’indemnisation en faveur des commerçants concernés. Cette commission devait fonctionner selon des critères clairs et transparents afin de répondre en partie aux préjudices subis.
Nous sommes en avril 2025, et de nombreux commerçants s’inquiètent des retards pris dans le processus d’indemnisation. Certains, fragilisés, n’ont pas retrouvé leur chiffre d’affaires ou leur niveau d’activité d’avant les Jeux olympiques et paralympiques.
Il importe désormais de mettre en œuvre des mesures d’indemnisation. Où en est le processus ? Quels sont les éventuels blocages ou retards, ainsi que les solutions envisagées pour les lever ? Enfin, quelles mesures le gouvernement compte-t-il prendre rapidement afin de garantir cette indemnisation ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
L’accueil des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 a représenté une véritable opportunité pour la France et « une grande réussite », pour reprendre vos propos. Ce fut un levier pour notre attractivité, notre économie et notre rayonnement international.
Cependant, cet événement a également constitué un immense défi pour les pouvoirs publics, qui ont dû garantir son bon déroulement et assurer la sécurité de tous. À cette fin, des mesures de police ont été nécessaires, entraînant des restrictions d’accès à certaines zones.
Les autorités ont veillé à limiter au maximum l’impact sur les activités économiques, mais certains professionnels ont tout de même subi des préjudices. Si ceux relevant des contraintes normales imposées par l’intérêt général ne donnent pas droit à une indemnisation, ceux découlant directement des décisions de l’État pourront faire l’objet d’une réparation, à condition qu’ils soient graves et spécifiques. C’est pourquoi le gouvernement a décidé de créer une commission d’indemnisation, qui doit émettre un avis sur les demandes de réparations financières formulées par les professionnels et les acteurs économiques affectés.
Dès fin juin 2024, les membres de cette commission ont rencontré les représentants des principales organisations professionnelles afin de leur présenter le dispositif. Un guide pratique à l’intention des entreprises a été mis en ligne à la mi-août sur le site du ministère de l’économie, tout comme une maquette du futur dossier d’indemnisation. Il s’agit de fournir aux entreprises le plus d’informations possibles, notamment sur les conditions dans lesquelles les indemnisations pourraient être obtenues.
Comme vous le soulignez, il faut que les préjudices invoqués soient objectivés et que l’on puisse en retrouver la trace dans les comptes des entreprises, ce qui a conduit à attendre l’arrêté des comptes au titre de l’année 2024. Le dépôt des demandes d’indemnisation était prévu pour le printemps 2025, c’est-à-dire en ce moment, pour tenir compte des délais de certification des comptes. C’est pourquoi la préfecture de police de Paris et la préfecture de région d’Île-de-France, qui ont été chargées de recevoir les demandes et de les instruire avant de soumettre leur projet de décision à la commission pour avis, prévoient que le guichet unique de dépôt en ligne des demandes d’indemnisation ouvrira très prochainement.
Publication en open data du plan de corps de rue simplifié image
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Michel Brard, pour exposer sa question, no 325, relative à la publication en open data du plan de corps de rue simplifié image.
M. Jean-Michel Brard
En leur qualité d’autorités publiques locales, et en partenariat avec l’association des maires et présidents d’intercommunalité de Loire-Atlantique, affiliée à l’Association des maires de France, le syndicat d’énergie Territoire d’énergie Loire-Atlantique – le TE44 –, et le syndicat des eaux Atlantic’eau réalisent le plan de corps de rue simplifié (PCRS) image en Loire-Atlantique. Ce PCRS image, constitué de photographies aériennes de très haute résolution, offre un niveau de détail supérieur aux images disponibles sur internet.
Ce degré de précision permet de distinguer très nettement les éléments sensibles, par exemple des raffineries, des postes de transformation électrique, des industries stratégiques, des chantiers, des stations de traitement des eaux et d’autres infrastructures critiques. L’objectif du PCRS image, qui s’inscrit dans le cadre de la réforme anti-endommagement, est de réduire les dommages faits aux réseaux et leurs conséquences humaines.
La publication de ces données en open data suscite des inquiétudes justifiées. Cette décision semble en effet contraire aux dispositions de la directive européenne NIS 2, relative à la protection et à la résilience des services essentiels et des activités sensibles, qui a renforcé les exigences en matière de sécurité des réseaux et des systèmes d’information. Ces exigences s’imposent particulièrement aux entités qui fournissent des services essentiels comme l’énergie, l’eau ou les transports et qui exercent des activités critiques. La directive NIS 2 insiste sur la nécessité de protéger les informations sensibles dont la diffusion pourrait exposer ces infrastructures sensibles à des risques accrus de cyberattaque, de sabotage ou d’acte de malveillance.
Or la mise à disposition en données ouvertes du PCRS image, sans restrictions ni contrôle d’accès, pourrait compromettre la sécurité de ces infrastructures, en fournissant à des acteurs malveillants des informations détaillées sur leur localisation, leur configuration et leurs vulnérabilités potentielles. Dans un contexte géopolitique particulièrement tendu, la publication du PCRS image expose les infrastructures et les réseaux sensibles à des risques réels en matière de sécurité physique. Cela va à l’encontre de la directive NIS 2, relative aux menaces physiques et numériques.
Enfin, cette publication soulève des questions juridiques. Elle amène à s’interroger sur sa conformité avec le règlement général sur la protection des données, le RGPD, notamment compte tenu du c) du 1er point de l’article 5, qui porte sur le principe de minimisation des données, et de l’article 32, qui insiste sur la nécessité de garantir un niveau de sécurité approprié.
Envisagez-vous de reconsidérer la publication en données ouvertes du PCRS image ? Pensez-vous mettre en place des mesures de protection adaptées, conciliant transparence administrative et protection des infrastructures essentielles ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de ma collègue Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique.
Vous m’interrogez sur la compatibilité de la publication en données ouvertes du plan de corps de rue simplifié, le PCRS, avec les obligations européennes en matière de sécurité.
Je tiens tout d’abord à rappeler que la publication du PCRS a pour objectif de protéger les personnes et les biens d’accidents causés par la destruction accidentelle de réseaux enterrés. Je rappelle également, s’il le fallait, que le gouvernement partage évidemment votre préoccupation : il faut préserver les informations relatives aux installations sensibles sur notre territoire.
Les directives européennes relatives à la résilience des entités critiques et à la cybersécurité, REC et NIS 2, sont en cours de transposition ; le projet de loi en question sera examiné prochainement dans cette assemblée. Cette transposition permettra de consolider encore davantage le cadre national afin de protéger nos infrastructures critiques et nos systèmes d’information.
La direction interministérielle du numérique, qui est administratrice générale des données, a rendu début 2023 un avis. Elle conclut que la diffusion du PCRS en open data ne porte pas atteinte aux intérêts ou secrets protégés par le code des relations entre le public et l’administration – j’espère que cette précision contribuera à lever vos inquiétudes. C’est le cas du secret de la défense nationale, de la sûreté de l’État, de la sécurité publique et des personnes, ou encore de celle des systèmes d’information des administrations.
À l’évidence, les sites classés zones interdites à la captation des données ne sont pas couverts par le plan de corps de rue simplifié.
Je vous confirme donc que toutes les mesures de protection sont prises, et que les enjeux de sécurité sont pleinement identifiés et pris en compte dans le déploiement du PCRS. Vous pouvez compter sur le gouvernement pour veiller à la sécurité des installations sensibles sur l’ensemble du territoire : c’est une question essentielle.
Groupe EuroApi
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Brugerolles, pour exposer sa question, no 324, relative au groupe EuroApi.
M. Julien Brugerolles
La relocalisation de la production de médicaments en France, dans l’objectif d’approvisionner et de sécuriser notre marché national, est présentée par le gouvernement comme un enjeu majeur de santé publique. Or, non seulement rien ne bouge dans l’industrie du médicament, mais les orientations stratégiques d’un groupe comme Sanofi sont la chronique d’une mort annoncée.
Le 6 janvier, le ministre de l’industrie s’est rendu avec le ministre de la santé à Vertolaye, au cœur de ma circonscription, sur le site d’EuroApi, un groupe qui produit des principes actifs.
Ils ont conclu leur visite en prenant des engagements. Ils se sont d’abord engagés à concrétiser au plus vite le projet important d’intérêt européen commun, le Piiec, afin d’accélérer la production sur ce site de principes actifs corticostéroïdes en utilisant des technologies innovantes qui redonneraient de la compétitivité à leur fabrication.
Ils ont aussi promis d’accompagner financièrement, dans le cadre de France 2030, les investissements prévus pour développer les capacités de production de vitamine B12 sur les sites complémentaires de Saint-Aubin-lès-Elbeuf, appartenant également au groupe EuroApi, et de Vertolaye, ainsi que pour transférer la production des opiacés sur le site de Vertolaye.
Troisième engagement : obtenir du groupe Sanofi des garanties quant à la pérennité de son approvisionnement en principes actifs auprès du site EuroApi de Vertolaye, qui dispose d’un savoir-faire historique, notamment en matière de fabrication de produits hautement actifs.
Vous le savez, c’est de la souveraineté sanitaire de notre pays qu’il est question. C’est aussi du maintien de tels outils industriels indispensables au pays que dépend l’avenir économique de bassins de vie entiers. L’État étant présent au capital d’EuroApi à hauteur de 12 % et disposant de deux sièges au sein du conseil d’administration, pouvez-vous faire un point sur l’avancée de ces engagements, ainsi que sur la situation actuelle du groupe et la préservation des emplois ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Marc Ferracci, ministre de l’industrie et de l’énergie.
Vous m’interrogez sur le devenir d’EuroApi, entreprise française spécialiste du principe actif.
Je tiens tout d’abord à rappeler la politique du gouvernement en matière de produits de santé : l’objectif est de maintenir et de renforcer notre souveraineté industrielle et sanitaire, à la fois en protégeant les médicaments essentiels, qui soignent au quotidien de nombreux Français, tout en préparant l’avenir avec les médicaments de demain.
C’est pourquoi nous avons mené des actions ambitieuses depuis 2020. La crise du covid-19 et les tensions d’approvisionnement des hivers suivants ont mis en lumière nos dépendances et la fragilité de nos chaînes d’approvisionnement en médicaments critiques. Une première réponse a été apportée dès 2020 grâce à France relance.
C’est également dans ce contexte que le président de la République a annoncé en juin 2023 un plan ambitieux de relocalisation des médicaments essentiels afin de reconquérir notre souveraineté sanitaire. Les ministres Marc Ferracci et Yannick Neuder, dont vous avez salué le déplacement, ont présenté l’avancée de ce plan en janvier, sur site. Une quarantaine de médicaments essentiels voient leur production relocalisée et renforcée avec le soutien de l’État.
Dans le cadre de ce plan, France 2030 a notamment soutenu l’augmentation des capacités de production et l’amélioration des procédés d’EuroApi en ce qui concerne les produits opiacés, domaine dans lequel EuroApi est l’acteur clé de notre souveraineté sanitaire.
L’État s’est assuré que la transformation proposée dans le cadre du plan stratégique d’EuroApi soit bien un vecteur d’investissement et de compétitivité pour les sites français identifiés dans ce cadre comme stratégiques et à développer. Nous continuerons d’accompagner EuroApi dans l’exécution de ce plan stratégique, nécessaire pour assurer la compétitivité de l’entreprise.
Par ailleurs, EuroApi fait partie des entreprises françaises accompagnées dans le cadre du Piiec santé. Plusieurs dizaines de millions d’euros sont octroyés dans le cadre du plan France 2030 afin de développer et d’industrialiser des procédés innovants pour la production de principes actifs clés pour EuroApi et notre souveraineté sanitaire. Les discussions portant sur les paramètres précis de la contractualisation de cette aide entre BPIFrance – Banque publique d’investissement – et l’entreprise sont en cours.
Vous l’aurez compris, notre politique en matière de souveraineté sanitaire reste inchangée. Nous conservons la même ambition – sécuriser l’approvisionnement en médicaments essentiels pour les Français, tout en favorisant le développement économique de nos entreprises. Cela passe notamment par des acteurs français du principe actif compétitifs et champions dans leur domaine, et EuroApi a vocation à rester l’un d’eux.
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Brugerolles.
M. Julien Brugerolles
Je vous remercie pour ces précisions, qui restent cependant relativement floues en ce qui concerne le suivi des engagements. Nous resterons extrêmement vigilants sur cette question.
Ce matin, j’ai consulté la liste des médicaments touchés par des tensions ou des difficultés d’approvisionnement. Force est de constater que la situation ne s’est guère améliorée par rapport aux années précédentes. Sur ce point aussi, nous resterons très vigilants quant aux engagements du gouvernement en matière de relocalisation de la production des médicaments et des principes actifs, d’autant que de plus en plus d’étapes de cette production sont externalisées et continuent à être délocalisées, notamment par des groupes comme Sanofi. Cela suscite beaucoup d’inquiétudes chez les salariés, les techniciens et les ingénieurs, en particulier sur le site du groupe EuroApi à Vertolaye.
TVA applicable à certains véhicules
Mme la présidente
La parole est à M. Bartolomé Lenoir, pour exposer sa question, no 343, relative à la TVA applicable à certains véhicules.
M. Bartolomé Lenoir
Je voudrais vous parler d’un cas précis qui illustre le tragique de la bureaucratie française.
Dans mon département de la Creuse, comme partout en France, les agriculteurs, mais aussi les artisans, ont toujours utilisé des fourgonnettes pour mener à bien différents travaux. Nos aînés se souviendront des Peugeot 403. Aujourd’hui, le véhicule le plus approprié, ou du moins celui que les professionnels ont choisi dans mon département, est ce qu’on appelle un pick-up.
Or dans la Creuse, la direction départementale des finances publiques (DDFIP) ne permet pas aux professionnels de récupérer la TVA, car selon elle cette disposition ne s’applique pas aux véhicules dont la carte grise précise qu’ils contiennent quatre places – deux rangées de deux places –, considérés dans les textes comme des véhicules de loisir. Les textes précisent toutefois que si les deux places arrière sont des strapontins, il est possible de récupérer la TVA. Or c’est bien le cas dans nos pick-up.
La DDFIP précise que cette information n’est pas précisée sur les cartes grises, qui mentionnent simplement quatre places, et que le texte qui mentionne les strapontins fait référence à des strapontins qui se relèvent automatiquement lorsqu’ils ne sont pas utilisés. Or dans les pick-up de nos agriculteurs – il faut le voir pour le croire –, il faut une petite action de la main pour soulever le dossier. Par conséquent, il ne s’agirait pas d’un strapontin, ce qui exclut les pick-up des véhicules pouvant faire l’objet d’un remboursement de la TVA.
Madame la ministre, c’est ubuesque ! Nous n’y comprenons plus rien. On crée des problèmes à ces agriculteurs qui travaillent dur pour notre pays, alors qu’il s’agit bien de véhicules à usage professionnel. Il suffit de s’asseoir une fois à l’arrière d’un de ces véhicules pour se rendre compte que ces places sont inutilisables.
Ils n’iront jamais en vacances à Saint-Tropez avec ce type de véhicule, d’autant qu’ils n’en ont ni forcément les moyens ni le temps, eux qui travaillent au service de la France tous les jours !
Il faut donc en finir avec ces textes ubuesques, et ma question est simple : pouvez-vous contacter la DDFIP de la Creuse afin qu’elle autorise la déduction de TVA pour les pick-up professionnels, dont les places arrière n’offrent aucun confort ? Dites leur simplement d’aller sur le terrain. Rien ne remplace jamais un examen pratique, et il suffit de s’y asseoir pour constater que ces places ne sont pas faites pour voyager et que ces véhicules ne sont pas des véhicules de loisir mais des véhicules professionnels. Nos agriculteurs et nos artisans qui utilisent ces pick-up n’ont pas besoin de cette source de stress.
Je vous demande également d’envisager une modification par décret de la réglementation, pour la clarifier et la simplifier. Il faut que les règles soient comprises partout en France. Il faut arrêter d’embêter les Français !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire.
Mme Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire
Monsieur le député, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics. Permettez-moi ensuite de rappeler les règles générales qui s’appliquent au point que vous évoquez.
Les entreprises sont fondées à opérer la déduction de la TVA grevant leurs dépenses dans la mesure où ces dépenses sont utilisées pour les besoins de leurs activités économiques soumises à cette taxe. Toutefois, par dérogation, sont spécifiquement exclus du droit à déduction les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, qui ne sont pas destinés à être revendus à l’état neuf.
La doctrine fiscale qui commente ce dispositif a été reformulée à droit constant et publiée au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip), le 20 novembre 2024. Ainsi, le champ de l’exclusion est déterminé sur la base d’un critère de conception, indépendamment de l’usage effectif. Il concerne en effet des véhicules de toute nature conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, un véhicule conçu pour un usage mixte devant s’entendre d’un véhicule conçu à la fois pour le transport de personnes et le transport de marchandises.
Dans le secteur automobile, le critère de conception est d’abord apprécié au regard de la manière dont le véhicule est catégorisé au niveau européen et, le cas échéant, national pour les besoins de sa réception et de son immatriculation. Les véhicules de catégorie N, conçus et construits essentiellement pour le transport de marchandises, se distinguent par deux critères cumulatifs : un nombre de places limité ; une capacité de transport de marchandises très supérieure à la capacité de transport de personnes.
Ces véhicules ne sont donc pas concernés par l’exclusion du droit à déduction, sauf lorsque la présence d’équipements vient matérialiser le caractère non accessoire du transport de personnes. S’agissant des pick-up, lorsque le code de carrosserie européen est « camions pick-up », l’exclusion du droit à déduction s’applique en présence d’au moins deux rangées de places assises.
Pour déterminer les rangées de places assises, il est tenu compte de l’ensemble des places que le véhicule est susceptible de comporter après une manipulation aisée. À cet égard, la condition tenant à la manipulation aisée est remplie si le véhicule est équipé d’ancrages accessibles. En revanche, il ne doit pas être tenu compte des strapontins. Dans ces conditions, un véhicule pick-up doté, outre la rangée du conducteur, d’une seconde rangée constituée de strapontins, n’est pas concerné par l’exclusion.
Concernant votre demande de faire un point avec la DDFIP de la Creuse, j’ai échangé avec ma collègue Amélie de Montchalin, qui m’a indiqué que son cabinet vous recevrait prochainement pour examiner avec vous le cas précis dont vous avez fait état.
Mme la présidente
La parole est à M. Bartolomé Lenoir.
M. Bartolomé Lenoir
Merci pour votre réponse, madame la ministre, mais elle ne répond pas à mon problème de strapontin. Je serai donc très heureux de me rendre à Bercy, si possible avec un agriculteur qui puisse faire partager son expérience en la matière. Les arguments que vous nous rapportez sont en effet difficilement compréhensibles, au sens où ils restent imprécis. Nous avons besoin de réponses simples et claires.
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions orales sans débat.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au gouvernement ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi organique fixant le statut du procureur de la République national anti-criminalité organisée ;
Débat sur le plan budgétaire et structurel à moyen terme.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures trente-cinq.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra