Première séance du mercredi 23 octobre 2024
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au Gouvernement
- 2. Projet de loi de finances pour 2025
- Première partie (suite)
- Après l’article 3
- Amendement no 1891
- M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
- Amendement no 1978
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Sous-amendement no 3678
- Amendements nos 2908 et 3588
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Amendements nos 678 rectifié, 1786, 679 rectifié, 1794, 775 rectifié, 1459, 1837, 2611, 933, 854, 1879, 2307, 2311, 1545, 1547, 3122, 2625, 3591, 1987, 1175, 1143, 2883, 2053, 1747, 3164 et 734
- Après l’article 3
- Première partie (suite)
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Questions au Gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Projet de loi de finances
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Didier Berger.
M. Jean-Didier Berger
Après cinquante ans de déficit, le gouvernement de Michel Barnier a présenté une copie, élaborée en quinze jours seulement, prévoyant de baisser la dépense publique de 40 milliards d’euros et d’augmenter les recettes de 20 milliards. Il est vrai qu’avec Laurent Wauquiez et tous nos collègues du groupe Droite républicaine, nous trouvions que 20 milliards – même provisoires et ciblés –, c’était déjà une somme considérable, sans doute trop élevée.
M. Thibault Bazin
Il a raison !
M. Jean-Didier Berger
Mais voilà : la semaine dernière, en commission des finances, le groupe La France insoumise et ses alliés ont décidé d’adopter des mesures prévoyant non pas 20 mais 60 milliards d’impôts supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Fabien Di Filippo
Ils sont contents d’eux !
M. Ian Boucard
Le Venezuela !
M. Jean-Didier Berger
Ils disaient qu’ils allaient taxer les ultrariches et les grosses entreprises. En réalité, ils ont décidé d’attaquer tous les Français,…
M. Sylvain Carrière
Non, ça, c’est vous !
M. Jean-Didier Berger
…de taxer tout, tout le temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Thibault Bazin
Les classes moyennes !
M. Jean-Didier Berger
Les résidences principales ? Taxe ! Les résidences secondaires ? Taxe aussi ! Même le logement social : surtaxe. Les entreprises familiales et leur transmission ? Taxe encore ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) L’assurance-vie, l’épargne ? Idem ! Oui, il faut dire la vérité : vous avez décidé de tout taxer. Même les Français de l’étranger y passent : taxe, taxe et encore taxe !
Il faut aussi le dire : vous l’avez fait avec la complicité du groupe Rassemblement national (Exclamations sur les bancs du groupe RN) qui, par son vote ou son abstention, a permis l’accumulation de ces monstruosités fiscales. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Notre pays est déjà champion du monde de la fiscalité mais cela ne vous suffit pas. Vous vous apprêtez d’ailleurs à voter ensemble l’abrogation de la réforme des retraites, ce qui aggraverait le déficit jusqu’à 15 milliards d’euros. Il faut le dire à tout le monde : non seulement cela ruinerait le pays mais cela mettrait aussi en danger les retraites de tous les Français.
Ma question est simple : oserez-vous enfin baisser vraiment la dépense publique ?
Mme Sandra Regol
Et les hôpitaux, les écoles, les pompiers ?
M. Jean-Didier Berger
Garantirez-vous à tous les Français que vous les protégerez contre le programme du Rassemblement national et de la gauche – le même programme (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et SOC) qui aboutira à un seul résultat : semer la misère fiscale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Je vous remercie pour votre question qui me permet de préciser de nouveau la philosophie du texte initial du projet de loi de finances pour 2025. Je dis bien « initial » car, vous l’avez dit à juste raison, la copie de la commission des finances, certes rejetée in fine, prévoyait 50 à 60 milliards d’euros d’impôts supplémentaires – nous ne parlons ici que d’impôts –, ce que nous n’acceptons pas.
Le Gouvernement propose un redressement fort et rapide…
Mme Christine Arrighi
Justement, il faut taxer !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…pour mener à bien la trajectoire de retour du déficit public sous les 3 % du PIB à l’horizon 2029.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Pour cela il faut augmenter les recettes !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Afin d’y parvenir, l’objectif de l’année 2025 est ambitieux mais nécessaire : 5 % de déficit.
Mme Christine Arrighi
Nous avons voulu accélérer le processus !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Vous avez raison, cela doit d’abord passer par la réduction de la dépense publique. Bien sûr, la procédure budgétaire suppose que nous parlions d’abord des recettes.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Eh oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cependant, je vous confirme que la deuxième partie prévoit 40 milliards de réduction de la dépense publique, dont plus de la moitié concerne l’État. Cela figure dans la copie initiale et nous nous y tiendrons.
Cela dit, il faut savoir ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Nous avons déjà pu le mesurer lors des débats qui ont commencé lundi. Jusqu’à présent, ils reflètent parfaitement ce qui s’est passé en commission des finances. Autrement dit : ça part mal.
Plusieurs députés du groupe DR
Très, très mal !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ça part mal pour le contribuable – particulier ou entreprise. Nous devons poser la question aux Français : pour redresser les comptes publics, souhaitons-nous le matraquage fiscal de tous ou voulons-nous enfin prendre la responsabilité de la baisse de la dépense publique d’abord ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Le Gouvernement prendra cette responsabilité et ne laissera pas faire ceux qui souhaitent aboutir à un texte qui prévoit un matraquage fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Précarité de la jeunesse
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Tavernier.
M. Boris Tavernier
Monsieur le Premier ministre, avez-vous déjà sauté un repas faute d’argent ?
M. Pierre Cordier
Parce que vous l’avez fait, vous, peut-être ?
M. Boris Tavernier
Un tiers des étudiants doit s’y résoudre. Avez-vous déjà fait la queue à une distribution alimentaire ? Un étudiant sur cinq y a déjà eu recours. Avez-vous déjà dû mentir pour louer un appartement ? Avez-vous déjà commencé le mois avec 50 euros en banque ? Avez-vous déjà renoncé à chauffer votre logement ? Près d’un étudiant sur quatre y est contraint : c’est le chauffage ou le porte-monnaie. Ici, nulle sobriété heureuse, nulle conviction écologique. On parle d’avoir froid en hiver. On parle crûment de pauvreté.
Savez-vous ce que signifie la privation, qu’elle soit matérielle, culturelle ou sociale ? C’est se priver de recevoir des amis à dîner ou de se rendre à un anniversaire par crainte de ne pas pouvoir l’assumer financièrement.
Car oui, ce qu’on appelle pudiquement précarité étudiante, c’est de la pauvreté. Or la pauvreté, c’est de la violence – sur les corps, sur les esprits, sur la vie. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
Vous me répondrez certainement : « Crous à 1 euro » ou « logements étudiants ». Très bien mais alors allez-y franco ! Étendez l’accès aux repas à 1 euro. Faites en sorte que ce soit bon. Construisez massivement des logements étudiants, salubres et accessibles. (Mêmes mouvements.)
Une fois qu’on a dit cela, quid des autres jeunesses : ouvrière, employée, privée d’emploi, rurale, autant de populations qui ne fréquentent pas les Crous ? (Mêmes mouvements.) Les jeunesses sont différentes mais ont un point commun : la précarité, aussi bien en matière d’emploi que d’accès au logement de finances.
Au fond, que vous ayez vécu ou non ces précarités n’est pas la question. Ces violences sont le quotidien de millions de jeunes en France. Dès lors, il nous faut une véritable politique universelle à destination des jeunes ; oui, une politique qui ne fasse pas d’eux la variable d’ajustement de la société.
Alors je vous le demande : que proposez-vous à la jeunesse de ce pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes
Votre question mériterait une réponse de bien plus de deux minutes – vous me l’accorderez. La lutte contre la pauvreté est primordiale pour mon ministère et je n’entends pas me dérober en la matière. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a parlé de fraternité,…
M. Louis Boyard
Mais il n’a pas parlé de la jeunesse !
M. Paul Christophe, ministre
…un mot qui s’applique tout particulièrement à ce sujet.
Je m’engage tout d’abord à appliquer le pacte des solidarités dont je rappellerai deux des axes les plus importants.
Le premier est l’accès aux justes droits. Tel est le sens de la déclaration préremplie, expérimentée dans cinq départements ces derniers mois et qui sera généralisée à l’horizon 2025.
L’autre axe est la sortie de la pauvreté par l’emploi. La loi pour le plein emploi, présentée il y a un an, prévoit ainsi un meilleur accompagnement pour que chacun se tourne vers l’emploi. Cela passe notamment par l’écoute, un mot que j’emploie souvent car, vous le savez, les allocataires du RSA, en particulier, veulent être écoutés. Il faut aussi prendre en considération l’ensemble des freins périphériques à l’emploi – je pense au logement ou à la garde d’enfants, un sujet que j’ai abordé hier ici même en évoquant la réforme du complément de libre choix du mode de garde – et toutes les difficultés auxquelles sont confrontés les allocataires.
Vous avez raison, il faut aussi adresser des messages à la jeunesse. Puisqu’il a été question du budget, je vous invite à être attentif à nos débats lorsque nous aborderons les dépenses prévues par le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes consacré à la lutte contre la pauvreté – je vois que vous hochez la tête. Des augmentations de budget notables y figurent, par exemple des dispositions concernant la restauration avec le dispositif de cantine à 1 euro pour les plus fragiles ou encore le petit-déjeuner. Il faudra absolument soutenir de telles mesures budgétaires – je compte sur vous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Tavernier.
M. Boris Tavernier
L’écoute ne sera pas suffisante. Nous attendons des actes. N’insultez pas l’avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Guerre en Ukraine
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Monsieur le ministre des armées, vous avez déclaré le 14 octobre devant la représentation nationale que nos livraisons d’armes à l’Ukraine en 2024 n’atteindraient pas le plafond de 3 milliards d’euros annoncé en janvier.
Les Ukrainiens comptent sur nous, sur le plan militaire mais également pour remettre, dès à présent, leur pays en état. Cette aide de qualité est vitale pour l’Ukraine et la solidarité entre nos armées représente la première pierre d’une future et nécessaire défense européenne.
Je tiens à signaler le professionnalisme et la grande qualité de nos armées dans la formation des soldats ukrainiens en France et en Pologne aux côtés de l’armée polonaise.
Vous le savez bien, cette guerre est aussi celle de l’information. La confrontation des modèles, à l’œuvre sous nos yeux, exige plus que jamais vérité et clarté de notre part.
Fin août, j’étais en Ukraine, à Lviv et à Tchernihiv. J’ai voulu saluer la mémoire des morts au combat lors des cérémonies officielles. J’y ai vu un pays debout malgré les alertes aériennes incessantes et les bombardements, des entreprises au travail, des enseignants faisant classe devant des enfants revenus en nombre et l’université nationale polytechnique de Tchernihiv de nouveau en travaux pour accueillir les étudiants à la veille de la rentrée après un énième bombardement.
Les Ukrainiens ne nous demandent pas d’accomplir des miracles ni d’être plus puissants que nous ne sommes. Quel message leur adressons-nous au moment où la Corée du Nord envoie des soldats combattre aux côtés de l’armée russe, au moment où le soutien des alliés du Kremlin s’intensifie ? Le flou et les zones grises serviront toujours les intérêts de ce dernier.
Pouvez-vous préciser devant la représentation nationale d’où vient ce décalage entre les sommes réellement engagées pour l’année en cours et les 3 milliards annoncés ? Quel sera le montant de notre soutien à l’Ukraine en 2025 ? Enfin, et surtout, pouvez-vous nous rassurer sur le fait que le Gouvernement prend bien en considération le caractère existentiel de la menace que le Kremlin représente pour la France et pour l’Europe ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et EPR, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre des armées et des anciens combattants.
M. Pierre Cordier
Mieux vaut lui que le Président de la République, y compris sur les questions internationales !
M. Sébastien Lecornu, ministre des armées et des anciens combattants
Permettez-moi tout d’abord, monsieur Petit, de saluer votre engagement personnel depuis le début de cette guerre – et, à travers vous, l’ensemble du groupe Dem dont le soutien à l’Ukraine n’a jamais manqué.
Pour répondre précisément à votre question, je confirme que nous avions annoncé que le montant pourrait atteindre 3 milliards d’euros. Lors de l’audition budgétaire, en commission de la défense nationale et des forces armées, où j’ai été reçu avec le ministre délégué Jean-Louis Thiériot, nous avons fait un point d’étape sur les sommes qui avaient été réellement utilisées à cette date – début octobre –, à savoir plus de 2 milliards d’euros.
Je signale que le coût de la brigade dite Anne de Kiev devra être intégré à ce calcul et que le montant évoluera encore au moment de la signature de la cession des Mirage 2000 – peut-être en décembre ou en janvier.
Enfin – mais vous le savez pour bien connaître et suivre les débats budgétaires – il existe un décalage entre, d’un côté, l’acte de cession lui-même, au fond le seul moment qui compte pour l’armée ukrainienne, et, de l’autre, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement correspondant à ces cessions. D’ici à la fin de l’exercice budgétaire, les différents ministres concernés, comme Laurent Saint-Martin ou moi-même, seront amenés à apporter des compléments d’information.
Au-delà même de la question des sommes se pose celle de la nature des armes fournies à l’Ukraine. Si tout n’était qu’une affaire de milliards, cela se saurait. Les missiles Scalp sont à cet égard un bon exemple puisque notre nation a décidé, avec les Britanniques, de procurer des missiles de longue portée à l’Ukraine. Si ces armes représentent un bon game changer – en mauvais français – du point de vue tactique, cela ne tient pas seulement aux sommes engagées, j’y insiste, mais aussi à leur nature même.
De même, la cohérence du matériel fourni – munitions, carburants, pièces détachées – est une question importante et constitue, si j’ose dire, notre marque de fabrique. On a trop souvent vu des nations amies proposer en guise d’aide à l’Ukraine un matériel de mauvais état.
Par ailleurs, sous l’autorité de Jean-Noël Barrot, nous avons obtenu une belle avancée avec la mobilisation des avoirs gelés russes. Pour sa première tranche, l’opération représente 300 millions d’euros, ce qui représente une bonne nouvelle pour le contribuable français, pour l’Ukraine mais aussi pour les entreprises françaises qui pourront accéder à de nouvelles commandes afin d’aider l’Ukraine – c’est en tout cas le chemin que nous prenons.
Je vous remercie enfin pour vos mots à propos de la qualité de la formation de nos soldats. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)
Accompagnement des enfants en situation de handicap
Mme la présidente
La parole est à Mme Constance de Pélichy.
Mme Constance de Pélichy
Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs ont manifesté la volonté de faire de l’école un lieu où les enfants différents, extraordinaires, ont également leur place. Pour faciliter l’intégration de ces enfants, un accompagnant d’élèves en situation de handicap peut leur être attribué. Bien accompagner et soutenir tous les enfants, quelles que soient leurs fragilités, dans une école qui ne leur est pas toujours adaptée, relève autant de la justice sociale que des valeurs républicaines.
Le Gouvernement a décidé de créer 2 000 postes supplémentaires d’AESH pour l’année à venir. Permettez-moi néanmoins de partager les inquiétudes relayées hier.
De très nombreux postes ne sont pas pourvus. Dans le seul département du Loiret, 750 élèves n’étaient pas accompagnés à la rentrée. Ce sont autant d’enfants en souffrance, d’enseignants en difficulté, de classes déstabilisées.
Il ne s’agit pas seulement d’ouvrir des postes. Ces derniers sont en effet très mal payés, à temps partiel et sans possibilité de le compléter à cause du mitage des horaires et sans avancement de carrière possible. Il faut donc aussi les rendre attractifs.
Vous indiquiez hier avoir permis la transformation en CDI et la revalorisation indiciaire de ces postes mais nous n’avons pas reçu de réponse au sujet de ces accompagnants qui jonglent parfois entre sept enfants aux besoins très différents.
Envisagez-vous de mutualiser ces postes avec d’autres postes de la fonction publique territoriale ou hospitalière afin d’atteindre un temps complet ? Ne pensez-vous pas qu’une année commune de formation aux métiers du soin – aide-soignant, AESH, auxiliaire de puériculture et autres – permettrait de faciliter les passerelles et le déroulement des carrières ?
L’accueil des enfants à l’école est un droit fondamental. C’est aussi un enjeu de justice sociale, d’éducation, de dignité surtout. Des enseignants, des accompagnants, des familles et par-dessus tout des enfants comptent sur vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LIOT, SOC et HOR. – M. Vincent Rolland applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Mme Anne Genetet, ministre de l’éducation nationale
La promesse de l’école inclusive est simple, claire et très ambitieuse : accueillir tous nos enfants, y compris les enfants extraordinaires que vous avez évoqués. Je tiens à souligner que, depuis 2017, le budget consacré à l’école inclusive a plus que doublé, excédant 4 milliards d’euros. Pour l’année 2025, nous nous engageons à lui consacrer la même somme.
Les écoles accueillent un peu plus de 500 000 élèves en situation de handicap dont deux tiers sont pris en charge par des AESH. Dans le Loiret, un tel accompagnement concerne environ 1 500 enfants sur un total de 2 500.
Le métier d’AESH est le deuxième de l’éducation nationale : plus de 140 000 personnes l’exercent. Beaucoup a été fait, vous l’avez souligné : possibilité de transformer leurs postes en CDI et augmentation de plus de 13 % de leur rémunération.
Leur temps de travail ne peut toutefois excéder le temps scolaire, soit 24 heures par semaine. C’est pourquoi certains AESH se sont vu proposer de travailler avec les collectivités locales dans le cadre des activités périscolaires. J’ai entendu vos propositions d’ouverture à d’autres situations. Elles sont très intéressantes et je les étudierai avec attention.
Je signale également que la loi Vial permet d’envisager la prise en compte du temps du déjeuner lorsque les enfants ont besoin qu’on les accompagne pendant ce moment. C’est ce qui est fait.
Il faut à la fois soutenir les accompagnants et les élèves. L’élaboration d’un plan métier pour les AESH est en cours dans le cadre du comité interministériel du handicap. Je mènerai ce travail sous l’autorité du Premier ministre, avec Alexandre Portier, ministre délégué auprès de moi,…
M. Pierre Cordier
Excellent, très bien, Alexandre Portier !
Mme Anne Genetet, ministre
…ainsi qu’avec mes collègues Paul Christophe et Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous y tenons et voulons absolument inclure tous nos enfants. Le vingtième anniversaire de la grande loi du 11 février 2005 sur l’inclusion approche. Soyez assurés du soutien de l’État à l’accueil d’un maximum d’élèves dans d’excellentes conditions et à l’amélioration du métier d’AESH. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Gens du voyage
Mme la présidente
La parole est à Mme Nathalie Colin-Oesterlé.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Monsieur le ministre de l’intérieur, depuis le 12 septembre, les gens du voyage occupent illégalement, avec 300 caravanes et 300 véhicules, une zone de loisirs à Saint-Julien-lès-Metz, en Moselle, créant un préjudice majeur pour les commerçants.
Le 29 juillet, 250 caravanes et 200 véhicules s’installaient illégalement sur un terrain de football à Argancy, un village de 1 000 habitants. Le montant des dégradations s’élève à 30 000 euros, une somme considérable pour une petite commune.
En juillet toujours, à Vry, commune de 500 habitants, 150 caravanes s’étaient installées illégalement, tandis qu’ailleurs les élus étaient menacés et certains maires du Nord mosellan violentés.
M. Ian Boucard
Quelle honte !
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
À la suite de dégradations considérables, le président de la métropole de Metz a été contraint de fermer son aire de grand passage. Le coût de sa remise en état est estimé à 150 000 euros. Pour la communauté d’agglomération de Thionville, il s’élève à 300 000 euros.
M. Pierre Cordier
C’est de l’argent public, tout de même !
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
La situation devient ingérable et l’exaspération des maires et des habitants est immense face à cet état de non-droit.
Les occupations illégales de terrains communaux, associatifs, privés se multiplient partout en France, en toute impunité. Les demandes de mise en demeure et d’expulsion restent sans réponse, y compris lorsque les collectivités respectent leurs obligations en matière d’installation et d’entretien des aires d’accueil et de grand passage.
M. Thibault Bazin
C’est scandaleux !
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Les préfectures invoquent pour l’expliquer l’absence de forces de l’ordre disponibles en nombre suffisant et l’absence d’atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique. Naïvement, nous étions pourtant nombreux à penser que l’occupation illégale de terrains était constitutive d’une atteinte à la sécurité et à la tranquillité publique.
Il est temps de réformer les procédures de mise en demeure et d’expulsion. C’est l’objet de la proposition de loi déposée par notre collègue Xavier Albertini, que nous sommes nombreux à avoir cosignée.
M. Fabien Di Filippo
Il faut mettre bon ordre dans tout ça !
Mme Nathalie Colin-Oesterlé
Ma question est simple – j’y associe notre collègue Isabelle Rauch, également députée de Moselle : quelles mesures comptez-vous prendre dans l’immédiat pour faire respecter la loi, mettre fin à ces occupations illégales et soutenir ceux qui les subissent ? (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR, ainsi que sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur
La question des gens du voyage est au cœur des préoccupations de tous les élus de France, notamment des maires. Il ne se passe pas une seule journée depuis ma prise de fonctions sans que j’en entende parler.
Qu’on soit bien clair : dans la République, chacun peut adopter le mode de vie qu’il souhaite, en fonction de ses traditions. La question n’est pas là. Mais il ne peut le faire qu’à condition de respecter les lois de la République et les dépositaires de son autorité – les maires et tous ceux qui portent l’uniforme –, de respecter la propriété publique ou privée. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe HOR.)
Quand nos concitoyens voient que des terrains publics ou privés sont occupés,…
M. Thibault Bazin
Et dégradés !
M. Bruno Retailleau, ministre
…avec un branchement direct et, de fait, totalement gratuit sur les réseaux d’eau et d’électricité, ils en arrivent à l’exaspération. Cette situation ne peut se prolonger.
J’appliquerai très rapidement un plan d’action. Je vous y associerai si vous le souhaitez. Deux propositions de loi ont été déposées, l’une au Sénat, qui vise à consolider les outils des collectivités permettant d’assurer un meilleur accueil des gens du voyage, l’autre à l’Assemblée nationale, qui vise à réformer l’accueil des gens du voyage et à laquelle vous avez fait allusion.
Je ferai d’abord en sorte que se noue un dialogue direct avec la communauté des gens du voyage.
Ensuite, un certain nombre de précisions devront être apportées, notamment aux schémas départementaux d’accueil et d’habitat des gens du voyage. Nous disposons de davantage d’outils lorsque nous ouvrons officiellement des aires d’accueil. Je sais très bien que les gens du voyage refusent de s’y installer même lorsqu’elles sont ouvertes…
Mme Christine Arrighi
C’est une honte, de dire ça !
M. Bruno Retailleau, ministre
…mais il convient malgré tout de veiller au respect de la loi.
Enfin, je prendrai de nouvelles mesures d’ordre public, d’enquête patrimoniale et de réparation des dommages. Il ne peut y avoir de double citoyenneté. Personne n’est au-dessus de la loi. Je ferai respecter l’ordre public et la loi républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe HOR.)
Sanofi
Mme la présidente
La parole est à M. Édouard Bénard.
M. Édouard Bénard
Monsieur le Premier ministre, hier, notre collègue François Ruffin interrogeait le Gouvernement au sujet de la souveraineté industrielle du pays et plus particulièrement de Sanofi et des sites de production du Doliprane, qui font couler tant d’encre et de larmes d’inquiétude parmi les salariés, tant en Normandie que dans les Hauts-de-France. En réponse, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie lui indiquait avoir reçu des garanties relatives aux investissements et au maintien de l’emploi du groupe en France. L’État entre au capital de la nouvelle entité à hauteur de 2 % par le biais de la Banque publique d’investissement : très bien.
Il y a peu, déjà par l’intermédiaire de BPIFrance, 150 millions d’euros étaient injectés dans EuroApi, ancienne filiale de Sanofi spécialisée dans la production de principes actifs. On avait apporté les mêmes garanties, le même discours résonnait dans cette enceinte. Même schéma, même trajectoire, même destinée : aucune relocalisation n’a vu le jour, de la Seine-Maritime au Puy-de-Dôme.
L’ogre du fonds d’investissement américain auquel on cède Opella se rit du Petit Poucet français et de ses 2 % de parts. Pour reprendre des mots élyséens, c’est du ripolinage, de la poudre de perlimpinpin !
Cinq mille, c’est le nombre de ruptures de stock de médicaments recensées en 2023 – amoxicilline, paracétamol, Ozempic et j’en passe. Soixante-dix pour cent de ces ruptures concernent des médicaments dont les molécules sont tombées dans le domaine public, à faibles marges et n’intéressant plus Big Pharma qui se concentre sur les produits protégés par des brevets, bien plus rentables.
Ni vous ni nous ne sommes dupes : la vocation première d’un fonds d’investissement est d’accroître sa rentabilité et de diminuer à cette fin les coûts de production. Or la santé ne saurait faire l’objet d’un jeu boursier.
Vous nous appelez au travail transpartisan. Dont acte. Notre feuille de route est claire. C’est pourquoi nous nous interrogeons : quid de la création d’un pôle public du médicament qui mettrait notre pays à l’abri des ruptures d’approvisionnement touchant une grande majorité des molécules tombées dans le domaine public, face à la prédation des multinationales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Jean-Victor Castor
Excellent !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l’industrie
L’État s’est impliqué dès l’origine dans la gestion de ce dossier. Le ministre de l’économie Antoine Armand et moi-même nous sommes rendus très rapidement à Lisieux pour rencontrer les salariés inquiets du devenir de cette opération.
Nous avons exigé et obtenu des garanties afférentes au maintien des sites de production de Compiègne et de Lisieux, à celui de la direction opérationnelle d’Opella en France, à celui de l’emploi ainsi qu’aux investissements qui engendreront des emplois pour l’avenir.
Ces garanties sont assorties de sanctions très significatives – c’est ce qui fait le caractère inédit de l’accord signé ce dimanche. Pour cette raison, nous sommes confiants quant à la tenue des engagements pris. Mais pour les garantir davantage encore, nous avons tenu à ce que l’État soit présent au capital d’Opella et surtout fermement exigé et obtenu que BPIFrance dispose d’un siège au conseil d’administration. Ce siège lui permettra d’accéder aux informations relatives à la stratégie de l’entreprise, notamment à sa stratégie d’investissement et à sa stratégie éventuelle de localisation ou de relocalisation.
Notre stratégie industrielle marche sur deux jambes. Il s’agit d’abord de protéger l’existant : les emplois, l’empreinte industrielle, la sécurité d’approvisionnement. C’est pour assurer cette dernière qu’Opella s’est engagée, aux termes de l’accord que je mentionnai plus tôt, à produire dans des quantités déterminées.
Il s’agit également de ne pas dissuader les investisseurs, celles et ceux qui veulent apporter à notre pays les ressources grâce auxquelles on créera les activités et les emplois de demain.
Cette stratégie a permis d’améliorer l’investissement depuis cinq ans et nous laisse penser que l’accord signé est équilibré. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme Stéphanie Rist
Bravo !
Projet de loi de finances
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Monsieur le Premier ministre, en 1978, quand vous arrivez dans cet hémicycle, la dette publique représente 21 % du PIB, soit 80 milliards d’euros, la dépense publique 45 % du PIB et le déficit public 18 milliards. Aujourd’hui, la dette publique représente 113 % du PIB, soit 3 300 milliards, et le déficit public 174 milliards.
Puisque les Français sont dotés d’un bon sens qui échappe à leurs dirigeants, ils sont 80 % à juger très urgent de réduire la dette.
La réponse de la gauche est claire : les taxes !
M. Emmanuel Maurel
Allez !
M. Gérault Verny
Taxe sur l’eau touristique, taxe sur les animaux de compagnie, taxe sur les vélos : nous voici revenus dans Robin des Bois avec, dans le rôle du shérif de Nottingham, La France insoumise, qui s’endort le soir en rêvant de nouvelles taxes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupe UDR et RN.)
M. Sylvain Carrière
Et vous, vous rêvez d’austérité !
M. Gérault Verny
Suivant l’adage populaire, à tous les problèmes, il y a une solution. La gauche se l’approprie et ça devient : à tous les problèmes, il y a une taxation. Après tout, selon la doctrine Hollande, on sait que, recette comme dépense, je cite : « C’est gratuit, c’est l’État qui paie. »
Quelle est la réponse du Gouvernement ?
M. Nicolas Sansu
Augmenter les riches !
M. Gérault Verny
Augmenter encore et encore et encore les prélèvements obligatoires. Dans le pays le plus taxé de l’OCDE, votre gouvernement a décerné un « peut mieux faire » de 40 milliards d’euros aux Français.
Puisque tout change mais que rien ne change, puisque vous ne présentez aucune réforme structurelle pour diminuer les charges de cet État hypertrophié qui sont devenues une maladie auto-immune, notre dette – toujours elle – sera encore plus lourde, plus insupportable dans un an : elle pèsera 66 milliards de plus.
Comment pouvez-vous prétendre proposer un budget responsable et plus juste alors que chaque jour d’inaction rapproche le FMI de Paris ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Vous évoquez la hausse de l’endettement de notre pays, mais je crois qu’il serait honnête de rappeler pourquoi la dépense publique a augmenté ces dernières années.
Mme Christine Arrighi
Parce que vous étiez aux responsabilités !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
C’était d’abord pour protéger. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Cet État a été au rendez-vous face à la crise Covid ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EPR.) Cet État a été au rendez-vous face à la crise énergétique, qui aurait pu faire flamber les factures de nos concitoyens et de nos entreprises ! (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Cela n’a pas été le cas ; nos voisins, eux, ont connu une inflation bien supérieure. (Mêmes mouvements.)
M. Hervé Berville
C’est la vérité !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Et nous avons maintenu une croissance et un taux d’emploi supérieurs à ceux observés en Europe.
Cela étant dit, la réalité de la dépense publique exige que nous agissions aujourd’hui pour redresser nos comptes. Cela ne passe pas d’abord par la hausse des prélèvements obligatoires.
M. Éric Ciotti
C’est pourtant ce que vous faites !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je ne vous laisserai pas dire cela : c’est avant tout la baisse de la dépense publique qui sera à l’origine du redressement de nos comptes publics.
Nous allons reprendre le débat budgétaire : vous aurez l’occasion de démontrer par votre vote, sans vous abstenir, que vous refusez le matraquage fiscal que j’évoquais tout à l’heure en réponse à notre collègue Berger. Nous observerons cela, vote par vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
En attendant, je serai extrêmement heureux d’entendre vos propositions sur la baisse de la dépense publique (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous verrons, en deuxième partie de ce projet de loi de finances, si vous êtes au rendez-vous lorsque, pour faire mieux avec moins, des choix courageux s’imposent ! (Mêmes mouvements.)
Ingérences étrangères
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian
C’est à vous, monsieur le Premier ministre, à qui l’article 21 de la Constitution confie la responsabilité de notre défense nationale, que s’adresse ma question.
La presse a mis au jour l’affaire indécente du débauchage de Patrick Calvar par l’entreprise américaine Kharon. L’ancien directeur général de la sécurité intérieure travaille désormais directement pour les États-Unis, un pays qui a pris la fâcheuse habitude d’imposer au monde entier des sanctions économiques décidées unilatéralement. Il est devenu l’employé d’un État étranger qui s’est fait une spécialité de traquer et de dépecer ses concurrents internationaux, notamment français, en usant comme d’une arme de son droit extraterritorial. Comment l’ancien patron de la DGSI, dont la fonction était précisément la protection des entreprises françaises contre les appétits étrangers, peut-il aujourd’hui être libre d’aller se vendre à un prédateur féroce de nos fleurons industriels ?
Il est urgent de convoquer M. Calvar devant les commissions compétentes de notre assemblée : il devra ainsi s’expliquer devant les représentants de la nation sur sa conduite actuelle. Il lui faudra également rendre des comptes sur le partenariat passé entre la DGSI et l’entreprise Palantir, financée directement par les fonds du renseignement américain et qui ressemble à s’y méprendre au loup dans la bergerie.
Il est un autre impératif : celui de renforcer notre arsenal législatif et réglementaire pour prévenir la vente aux enchères de ceux qui ont exercé, exercent ou exerceront des responsabilités stratégiques au service de notre patrie. Il n’est pas admissible qu’un homme qui a eu accès à des secrets d’État puisse, sans rien craindre de la puissance publique, devenir le catalyseur d’une ingérence étrangère manifeste.
La nouvelle loi de programmation militaire permet au ministre de la défense de s’opposer au recrutement d’un ancien militaire par une puissance étrangère. Êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à durcir ce dispositif et à l’élargir à l’ensemble du spectre de la souveraineté pour garantir l’intégralité de notre indépendance nationale ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur
Tout ce qui touche à la DGSI et à nos services suppose de la discrétion de la part du Gouvernement ; sachez toutefois que nous serons tranchants et que nous opérerons comme il se doit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe DR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Le 17 octobre, un ancien policier agent de la DGSI a été condamné dans le cadre de l’affaire Horus. Il a été détecté, identifié, révoqué et jugé. On s’est aperçu qu’il vendait des informations hautement confidentielles sur le darknet contre des cryptomonnaies.
L’exemple que vous avez évoqué est d’une autre nature et je ne donnerai à ce sujet aucune information aujourd’hui. Je tiens cependant à rappeler que 5 000 agents travaillent à la DGSI et que des risques structurels existent. Nous engageons systématiquement des contrôles personnels, longitudinaux et récurrents. Nous ne tolérerons rien. Chaque dossier doit être examiné. La présomption d’innocence s’impose à chaque fois mais, croyez-moi, dès lors qu’il s’agira des intérêts supérieurs de la nation, ma main ne tremblera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Thibault Bazin
Excellent !
M. Emeric Salmon
En tout cas, c’est gravissime !
Crise agricole
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Marion.
M. Christophe Marion
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’agriculture. Depuis quelques jours, les actions des agriculteurs reprennent en Loir-et-Cher comme partout en France : panneaux communaux déplacés ; radars recouverts ; banderoles sur les grilles des sous-préfectures placées ce week-end à l’initiative de la coordination rurale… Hier, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs ont annoncé une reprise des manifestations le 15 novembre. Il faut dire que la situation est catastrophique ; nous le savons tous depuis déjà plusieurs mois, qu’il s’agisse du tournesol, du sarrasin, du maïs ou du Sorgo…
La récolte n’est toujours pas terminée dans le Vendômois. Pire, et c’est du jamais-vu de mémoire paysanne, les emblavements sont impossibles ! C’est la récolte 2025 qui est désormais menacée ! Si la colère est grande, le désespoir conduit parfois à l’irréparable ; nous sommes tous, dans nos circonscriptions, touchés par des drames humains que nous n’avons pas su éviter.
Face à cette situation, des réponses fortes sont attendues car nos agriculteurs perdent confiance dans la parole publique, quel que soit le groupe qui la porte. Au fond, c’est cela le plus grave. Ils attendent des réponses immédiates, notamment pour soutenir les trésoreries : décalage des intérêts d’emprunts ; annulation des cotisations à la MSA ; mise en pause des contrôles. Plus globalement, ils attendent de savoir comment vous pensez les accompagner face au dérèglement climatique. Ainsi, mobiliserez-vous, en complément du système assurantiel et afin d’encaisser les variations de revenu, la déduction pour épargne de précaution ?
Au-delà de l’urgence, des questions restent entières. Je pense à la lutte contre la concurrence déloyale, avec la mise en place et le respect des clauses miroirs ; sur ce point, ne faiblissons pas sur les négociations avec le Mercosur ! Je pense aussi à la garantie d’un revenu décent pour les producteurs. Si personne n’attend de solution miracle sur ces deux points, nos agriculteurs, au-delà des déclarations d’amour, ont besoin d’une vision et d’actes.
Comment, madame la ministre, pouvez-vous les rassurer – avant l’explosion qui arrive ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt
Les agriculteurs souffrent. Nous entendons leur colère, leurs doutes, leurs inquiétudes. La situation est, vous l’avez dit, catastrophique : les récoltes sont mauvaises, ici il y a trop d’eau et là pas assez, les rendements sont faibles, les maladies sanitaires déciment nos cheptels. La situation est extrêmement difficile.
Une députée du groupe RN
Ça fait longtemps qu’on entend ça ! Il faut des sous !
M. René Pilato
Et le plan Vert ?
Mme Annie Genevard, ministre
Vous avez évoqué le geste ultime auquel certains recourent. Croyez bien que cela nous touche au plus profond de nous-mêmes. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Je voudrais saluer l’action conduite par le délégué interministériel Olivier Damaisin, qui fait un travail extraordinaire (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et Dem) au service des agriculteurs pour déjouer les accidents de la vie, pour lutter contre la tentation qui est parfois la leur de céder à la dépression, ou pire encore.
Cela dit, il faut des réponses concrètes et urgentes (Mouvements divers) car il faut rétablir la confiance des agriculteurs en la parole de l’État. La première réponse est d’ordre budgétaire. (« Ah ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. Pierre Cordier
C’est vrai qu’il y a eu des promesses mal tenues !
Mme Annie Genevard, ministre
Tous les engagements pris auprès des agriculteurs l’an dernier sont tenus dans le PLF 2025. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR et DR. – M. Frédéric Petit applaudit également.)
M. Sébastien Delogu
Ce n’est pas vrai !
Mme Annie Genevard, ministre
Dans le contexte très difficile que nous connaissons, le budget de l’agriculture répond aux attentes, aux questions et aux engagements de l’État, quoi que vous en disiez, quoi que vous en pensiez. (Mêmes mouvements.) Au-delà, il faut des réponses complémentaires pour soutenir les trésoreries et des réponses structurelles. Je pense au plan viticole, destiné à répondre à la surproduction, et au plan Méditerranée, que j’ai lancé la semaine dernière à Avignon.
Mme la présidente
Je vous remercie, madame la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
Ce sont des réponses extrêmement importantes. Il y en aura d’autres… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR et DR.)
État de l’industrie française
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin.
M. Arnaud Saint-Martin
Monsieur le ministre de l’industrie, vos politiques organisent la saignée de l’industrie française : 980 suppressions de poste chez Thales Alenia Space, 2 500 chez Airbus Defence and Space… Le secteur spatial est une victime de plus du manque d’anticipation du Gouvernement et de l’austérité budgétaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Les salariés disposent pourtant de compétences technologiques précieuses, dont la disparition mettrait en danger l’ensemble de nos capacités de géopositionnement, de télécommunications, de suivi des dérèglements climatiques, mais aussi nos applications militaires stratégiques. À l’heure des mégaconstellations et de SpaceX, donc de la domination états-unienne, la suppression de ces postes menace aussi notre capacité d’accès à l’espace, donc notre autonomie et notre souveraineté. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mais vous ne vous arrêtez pas là ! Vous choisissez de tout détruire dans l’industrie française, les secteurs de l’automobile et des énergies renouvelables en tête. Au total, 100 000 emplois industriels sont menacés. Que faites-vous pour les salariés de MA France ou de Forvia ? Que faites-vous pour les salariés de Vernova ? (Mêmes mouvements.)
Monsieur le ministre, il y a deux jours, vous vous vantiez dans la presse de vouloir mener une politique industrielle souveraine et ambitieuse. Mais où réside l’ambition dans les 180 plans de licenciements en cours dans tout le pays ? Où réside la souveraineté face à des catastrophes sociales que votre politique va précipiter ? À l’Élysée comme à Matignon, hier et aujourd’hui, ce n’est plus Choose France, c’est la Lose France ! (« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous encouragez le gavage des actionnaires et le dépeçage des fleurons industriels ; vous subventionnez à foison les start-up aux promesses sans lendemain ; vous permettez le licenciement de nos salariés au profit du capitalisme financiarisé et d’un management destructeur ; bref, vous naviguez à vue ! Il est grand temps d’assumer votre responsabilité et de protéger les salariés !
M. Hervé Berville
Rendez-nous le vrai Saint-Martin !
M. Arnaud Saint-Martin
Monsieur le ministre, quand allez-vous planifier la politique industrielle du pays, avec un État stratège aux commandes et au service de l’intérêt général ? Quand allez-vous mettre en œuvre sa bifurcation écologique ? Allez-vous enfin réagir ? ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent longuement. – M. Frédéric Maillot applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.
M. Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l’industrie
Vous m’interpellez, monsieur le député, sur les annonces récentes qui ont été faites par des entreprises de l’aérospatiale, en particulier Airbus Defence and Space, concernant des réorganisations qui pourraient toucher jusqu’à 2 500 emplois en Europe. Il convient d’abord de replacer ces annonces dans un contexte économique : le marché des satellites géostationnaires à visée commerciale est aujourd’hui en baisse, ce qui implique que des entreprises comme Thales mais aussi comme Airbus Defence and Space se réorganisent pour rester compétitives face à la concurrence internationale – je pense que chacun peut le comprendre.
Ensuite, je tiens à vous dire que la filière spatiale reste une priorité du Gouvernement. Elle représente un enjeu d’autonomie stratégique, elle est porteuse d’innovations et elle connaît des réussites – je veux saluer le premier vol d’Ariane 6 au mois de juillet.
M. Bastien Lachaud
Ce n’est pas grâce à vous !
M. Marc Ferracci, ministre délégué
C’est pour ces raisons qu’avec le ministre de l’économie, Antoine Armand, je suis avec beaucoup d’attention les derniers développements. Le soutien à cette filière va continuer, notamment à travers le programme France 2030, qui finance un certain nombre de projets de soutien à l’investissement.
Mme Christine Arrighi
Il n’y a plus d’argent !
M. Marc Ferracci, ministre délégué
Les salariés font l’objet d’une grande attention. Permettez-moi de vous apporter deux précisions concernant les annonces qui ont été faites. La première, c’est que les 2 500 emplois menacés se situent partout en Europe, pas seulement en France.
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Nous voilà rassurés !
M. Marc Ferracci, ministre délégué
La seconde, c’est qu’il n’y aura pas de licenciements : les salariés ont vocation à être reclassés et le seront dans les autres entités d’Airbus. Nous suivrons de près les engagements qui ont été pris. (M. Gabriel Attal, Mme Danielle Brulebois et M. Jean Terlier applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Arnaud Saint-Martin.
M. Arnaud Saint-Martin
La start-up nation nous a mis dans le mur ! Il est temps de reprendre le cap et de gouverner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mesures de rétorsion chinoises sur le cognac
Mme la présidente
La parole est à M. Fabrice Barusseau.
M. Fabrice Barusseau
Madame la ministre de l’agriculture, la semaine dernière, vous avez répondu à notre collègue Sandra Marsaud à propos des surtaxes chinoises sur la filière du cognac. À ce stade, la voie diplomatique semble être la seule que vous retenez pour tenter de résoudre cette crise.
La France et ses partenaires ne doivent pas plier. La concurrence déloyale des véhicules électriques chinois est une évidence. Elle existe aussi sur bien d’autres marchés, la Chine ayant presque érigé cette méthode au rang de principe institutionnel dans ses modes de production et de commercialisation. Imposer une surtaxe sur les véhicules chinois reste une nécessité absolue si nous voulons préserver notre industrie automobile, en pleine mutation technologique.
Pour ne pas plier face à la menace de Pékin, les pays européens doivent agir tous ensemble. Or, depuis quelques semaines, des signes de capitulation semblent poindre, en Espagne, pour la protection de la filière porcine, comme en Allemagne, où apparaissent des signes de soumission.
La crédibilité de la Commission européenne est en jeu et l’affaiblissement de l’influence de la France au sein de l’Europe fait craindre le pire. Votre seule piste, la diplomatie – qui ne semble plus être, depuis plusieurs mois, une force de la France –, alarme les acteurs locaux. Ils attendent plus que de bonnes intentions et se préparent, après des vendanges médiocres, à entrer dans l’action.
Les agriculteurs de la filière du cognac, qui fait vivre 70 000 personnes, sont inquiets. Le secteur ne demande pas d’aides mais veut pouvoir poursuivre son activité sans nouvelles entraves commerciales nuisant à sa viabilité – les exportations représentent 97 % du chiffre d’affaires.
Pouvez-vous nous indiquer comment la voix de la France peut à nouveau peser au niveau européen pour apporter des assurances de loyauté commerciale entre notre industrie automobile, nos viticulteurs et la Chine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt
En effet, la question m’a déjà été posée et je vais redire à quel point les mesures de rétorsion envisagées par la Chine à l’égard des eaux-de-vie de vin que sont le cognac et l’armagnac sont préoccupantes. J’ai réuni la filière, dont vous avez rappelé à juste titre l’importance en termes d’emplois directs et indirects, et les données du problème m’ont été exposées. La Chine étant le premier marché du secteur, ce sont près de 1,4 milliard d’euros qui se trouvent en jeu.
Hier, j’étais à Luxembourg avec mes homologues européens pour un Conseil agriculture et pêche ; le sujet des accords commerciaux a été mis à l’ordre du jour. Presque tous les ministres ont signalé le danger représenté par la pression que la Chine met sur les pays européens et sur les producteurs, non seulement dans le domaine des eaux-de-vie mais aussi dans ceux du lait ou du porc.
Je suis donc un peu moins pessimiste que vous. Il me semble qu’il y a une réelle prise de conscience des dangers que font peser les mesures annoncées par la Chine, pour l’instant provisoires. C’est la raison pour laquelle j’ai dit que la dimension diplomatique était essentielle.
Une autre option serait une compensation économique, mais on parle de 1,4 milliard pour la seule filière des eaux-de-vie. Vous voyez bien que la réponse budgétaire ou financière est hors de portée. Elle n’est d’ailleurs pas souhaitable : la vocation et la volonté des acteurs de ce secteur sont de produire et de vendre. Nous devons tendre vers ces objectifs.
Au niveau européen, le sujet est désormais parfaitement identifié. Comptez sur moi pour l’aborder et y travailler chaque fois que l’occasion m’en sera donnée, aussi bien lors de rencontres bilatérales que dans les assemblées plénières où je siège. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de Mme Nadège Abomangoli.)
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est reprise.
2. Projet de loi de finances pour 2025
Première partie (suite)
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (nos 324, 468).
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1891 portant article additionnel après l’article 3.
Après l’article 3
Mme la présidente
La parole est à M. Damien Maudet, pour soutenir l’amendement no 1891.
M. Damien Maudet
Il vise à supprimer les niches fiscales sur les droits de succession pour les produits d’assurance vie. Sommes-nous dans une sorte d’« héritocratie » ? On peut se poser la question dès lors que sept des neuf Français devenus milliardaires en 2024 sont des héritiers. Selon le magazine Challenges, la moitié des 500 plus grandes fortunes sont des héritiers. Les grands héritages sont au cœur des inégalités : les 10 % les plus riches détiennent 200 fois plus de patrimoine que les plus pauvres ; les 1 % les plus riches, 600 fois plus. Le rapport de MM. Sansu et Mattei – ce dernier fait pourtant partie du groupe Les Démocrates – expliquait qu’en vingt ans, le patrimoine des 10 % les plus pauvres a diminué de 48 %, alors que celui des 10 % les plus riches a augmenté de 119 %.
Tout cela est dû à l’existence, dans notre pays, d’un système permettant d’éviter l’impôt. Selon Oxfam, les 0,1 % d’héritiers qui touchent 13 millions d’euros, soit 180 fois plus que l’héritage médian, ne paient que 10 % d’impôt, au lieu de 45 %. Avec le système de niches fiscales, sur les trente prochaines années, on risque de perdre 160 milliards de recettes pour l’État. Au moment où Emmanuel Macron explique que celles-ci font défaut, il y a de l’argent à trouver !
Par le présent amendement, nous souhaitons revenir sur la niche fiscale relative à l’assurance vie, ce qui pourrait nous rapporter jusqu’à 3,5 milliards d’euros. Il s’agirait d’appliquer à sa transmission les barèmes de droit commun de l’impôt sur la succession, tout en prévoyant un abattement pour privilégier les petits épargnants. Il y a de l’argent à aller chercher et comme d’habitude, il se trouve dans les poches de ceux qui n’ont pas besoin de tous ces avantages. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
L’amendement a été examiné en commission, qui a émis un avis défavorable.
D’abord – soyons précis –, le stock d’épargne d’assurance vie frise les 1 900 milliards d’euros, dont un quart environ finance la dette de l’État.
Mme Véronique Louwagie
Il finance aussi l’économie !
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’assurance vie étant totalement liquide, les épargnants peuvent retirer leurs fonds à tout moment. Que se passerait-il pour les finances de l’État s’ils le faisaient massivement ?
Par ailleurs, la disposition proposée porterait une atteinte majeure à la confiance des épargnants, qui utilisent l’assurance vie pour protéger leurs héritiers, dans la limite du seuil d’exonération. Ceux dont les contrats sont libellés en euros n’ont d’ailleurs pas été particulièrement gâtés ces dernières années.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Ils ont perdu de l’argent !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ils ont en effet perdu en pouvoir d’achat. Je partage donc entièrement l’avis majoritaire de la commission des finances : ne touchez pas à l’article L. 132-13 du code des assurances !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Nous parlions hier et aujourd’hui, dans le cadre des questions d’actualité au Gouvernement, des dispositifs fiscaux qui touchent une large proportion de nos concitoyens. Merci pour cet amendement : il apporte une démonstration implacable du tour de vis fiscal que vous entendez opérer au détriment de nos concitoyens. L’assurance vie est le placement préféré des Français. (Approbation sur les bancs des groupes EPR et DR.) Vous voulez en alourdir la fiscalité ; nous ne le souhaitons pas. Cela a le mérite de constituer un exemple très parlant, que des millions de nos concitoyens comprennent pour le vivre tous les jours au travers de leurs contrats.
Il existe déjà des dispositifs antiabus, qui empêchent l’optimisation excessive réalisée grâce à l’assurance vie, et il faut bien sûr les conserver ; mais c’est justement parce que l’assurance vie se transmet dans des conditions spécifiques que nos concitoyens y ont recours. Il serait dangereux pour le financement, et de notre dette, et de notre économie, d’adopter cet amendement qui donnerait lieu à un rachat massif des contrats d’assurance vie. Plus généralement, on ne répond pas au problème des déficits publics en allant ponctionner nos petits épargnants !
Avis très défavorable.
Mme la présidente
Sur amendement no 1978, je suis saisie par les groupes Ensemble pour la République et La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Louis Boyard
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
L’amendement en discussion nous fait toucher du doigt, une fois de plus, les fantasmes de l’extrême gauche concernant les ultrariches. Il faut avoir conscience d’une chose : les ultrariches sont des nomades fiscaux. Vous pourrez prendre toutes les mesures que vous voudrez, si vous cognez comme des sourds, ils iront en Belgique ou en Angleterre ; ils ne resteront pas en France. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Louis Boyard
On va faire fuir Le Pen !
M. Hervé de Lépinau
L’effet pervers de la mesure que vous proposez est son ruissellement sur les classes moyennes. Le contrat d’assurance vie est un moyen utile pour transmettre du patrimoine à des enfants ou à des proches sans que la matrice fiscale vienne l’éroder. Nous connaissons votre technique : vous jouez toujours sur le fantasme des ultrariches pour ensuite décliner vos propositions sur les classes moyennes – qui, elles, n’en peuvent plus. Je rappelle que nous sommes le pays le plus imposé de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ; il est temps d’arrêter le délire fiscal ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Taxer, taxer, taxer, vous n’avez que ce mot à la bouche ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Louis Boyard
Distribuer, aussi !
M. Philippe Juvin
Vous voulez taxer l’assurance vie – un produit qui concerne avant tout les petits et moyens porteurs, dans lequel les Français mettent leur épargne. Dites-le clairement !
Par ailleurs, l’assurance vie sert à financer l’économie, celle de tous les jours. Si vous taxez ce produit, comment allez-vous financer l’économie française ?
L’assurance vie a une autre vertu encore : ces contrats participent à financer la dette de l’État. Si vous taxez l’assurance vie, qui nous prêtera demain ?
Vous avez dit, et c’est une erreur, que nous avions un problème de recettes. Si nous avons 3 200 milliards de dette, ce n’est pas parce que nous n’avons pas suffisamment taxé ; c’est parce que nous avons trop dépensé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme Danièle Obono
C’est parce que vous avez fait trop de cadeaux aux riches !
M. Jérôme Legavre
Vous êtes de droite !
M. Philippe Juvin
Oui !
Mme Émilie Bonnivard
Oui, et fiers de l’être !
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
En 2022, la France comptait 18 millions de détenteurs d’assurance vie et 38 millions de bénéficiaires. Près de la moitié des Français âgés de 60 à 69 ans ont un contrat d’assurance vie, 20 % pour un encours inférieur à 3 000 euros et 25 % pour un encours compris entre 3 000 et 15 000 euros. Autrement dit, pratiquement la moitié des détenteurs ont un encours inférieur à 15 000 euros. Ce sont eux que vous voulez taxer. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Damien Maudet et M. Nicolas Sansu
Non, ils ne sont pas concernés par l’amendement !
M. Daniel Labaronne
Je peux développer mon propos.
M. Nicolas Sansu
Ne dites par n’importe quoi !
Mme Émilie Bonnivard
Écoutez-le !
Mme la présidente
Laissez l’orateur s’exprimer !
M. Daniel Labaronne
Il s’agit simplement d’éclairer la représentation nationale : c’est mon côté un peu prof. (Les exclamations continuent sur les bancs du groupe LFI-NFP, auxquelles répondent d’autres exclamations sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)
Mme la présidente
J’ai déjà demandé aux députés trop bruyants de laisser parler M. Labaronne ; il n’est pas utile d’aggraver les choses en protestant ainsi ! (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes EPR et DR.)
M. Pierre Cordier
Un peu d’impartialité !
M. Daniel Labaronne
Près de 75 % des agriculteurs ont une assurance vie, tout comme 50 % des indépendants. Bref, vous voulez taxer ces catégories socioprofessionnelles et, ainsi, près de la moitié des Français. Quelle performance !
M. Nicolas Sansu
Mensonge !
M. Daniel Labaronne
Si vous augmentez les droits de succession, vous aurez moins de souscripteurs, donc moins de placements financiers, et par conséquent moins de prélèvements sociaux sur les rendements des contrats : non seulement vous taxerez les Français, mais votre assiette fiscale se réduira.
Il s’agit donc d’une très mauvaise idée.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement qui comporte un élément de rétroactivité inacceptable. Il faut conserver l’abattement de 152 000 euros par bénéficiaire, même si je rappelle qu’en matière successorale, l’abattement consenti, qui était du même montant, a été abaissé à 100 000 euros. Ce qui a été fait pour les successions ne l’a donc pas été pour les assurances vie.
De même – on peut se le dire calmement –, le taux marginal d’imposition en matière d’assurance vie est de 31,25 %, contre 45 % pour les successions en ligne directe. La commission des finances a même adopté un amendement tendant à faire passer à 49 % ce dernier taux. Sans pour autant défendre la proposition de M. Maudet, il me semble qu’on peut se demander s’il est normal d’admettre une différence de près de 14 points entre la taxation des successions et celle de l’assurance vie. Celle-ci est en effet un bon type de placement, utile à notre économie, mais il y a un équilibre qui n’est pas tout à fait respecté.
M. Sébastien Delogu
Quand même !
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Le président Mattei l’a exprimé avec ses mots, avec modération mais avec conviction : comme nous l’avions dit dans un rapport sur la fiscalité du patrimoine que nous avions cosigné, il y a un problème de distorsion entre la fiscalité du patrimoine et celle de l’assurance vie. Quand vous léguez une maison ou un autre bien immobilier, vous êtes taxé jusqu’à 45 %, contre 31,25 % s’il s’agit d’assurance vie. Il y a vraiment un problème.
Mme Véronique Louwagie
Oui, mais il faut corriger dans l’autre sens !
M. Nicolas Sansu
Vous nous dites, monsieur Labaronne : « Vous allez taxer les petites assurances vie. » Ce n’est pas vrai : le montant de l’assurance vie entre dans le calcul de la succession et donc dans le cadre de l’abattement, de sorte que la majorité des successions ne donnent lieu à aucun paiement, comme c’est aujourd’hui le cas pour 88 % d’entre elles. Voilà la réalité. Arrêtez de faire fantasmer tout le monde pour essayer une nouvelle fois de sauver les riches ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Hendrik Davi applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je crois qu’il faut conserver l’avantage fiscal et les outils de transmission que l’assurance vie offre aux épargnants, justement parce qu’ils vivent dans un pays aux prélèvements obligatoires élevés. Cette fiscalité avantageuse est faite pour cela et concerne en majorité de petites sommes, comme M. Labaronne l’a bien rappelé : elle répond à un besoin pour ces petits épargnants. Ne les tapez pas !
Au-delà de cette distorsion, la bonne question à poser est toutefois la suivante : à quoi servent ces 1 900 à 2 000 milliards que représente l’encours total de l’assurance vie ? À financer notre économie et notre dette. Faites attention, ne tarissez pas cette ressource ! Si votre amendement passe et se retrouve dans le texte définitif, un rachat massif des contrats se produira à coup sûr.
Notre pays connaît déjà une mobilité insuffisante de ses capitaux propres, français ou même européens. Vous le savez : les fonds propres sont majoritairement extra-européens, américains pour beaucoup ; nous n’avons pas de système de fonds de pension en France. Nous avons donc besoin de la liquidité qu’apportent les fonds d’assurance vie. Il importe de la préserver.
(L’amendement no 1891 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l’amendement no 1978, qui fait l’objet du sous-amendement no 3678.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Il tend à instituer un impôt différencié et s’inspire des travaux d’une mission d’information que Jean-Paul Mattei et moi-même avions conduite sur l’impôt universel. Il s’agissait de vérifier si nous pouvions instaurer un tel impôt en France, sur le modèle de ce qui existe aux États-Unis : un impôt dont tous les citoyens américains, où qu’ils se trouvent dans le monde, sont redevables. Nous avions vite conclu que la chose était irréalisable pour toute sorte de raisons, la première étant qu’il faudrait renégocier plus de 140 accords bilatéraux. On pourrait également s’interroger sur le fondement philosophique d’une imposition reposant sur la nationalité plutôt que sur la résidence.
Un problème demeurait cependant, auquel la proposition d’impôt universel avait tenté de répondre : celui posé par le citoyen français qui quitte le pays pour des raisons manifestement fiscales. Il paraîtrait normal de le taxer pendant quelques années. De nombreux pays européens le font, notamment l’Allemagne, la Finlande et l’Italie.
Pour qu’un tel dispositif, qui ne touche qu’une toute petite partie des personnes qui partent à l’étranger, fonctionne et soit juste, il doit reposer sur deux critères. Premièrement, il faut fixer un seuil de revenus qui indique qu’on a bien affaire à quelqu’un qui part parce qu’il estime payer trop d’impôts en France. Avec Jean-Paul Mattei, nous l’avions estimé, je crois, à 250 000 euros. Omis dans l’amendement d’origine, ce seuil sera indiqué dans le sous-amendement.
Le second critère, pour que le dispositif respecte les conventions internationales, est qu’il soit borné dans le temps. Indéfini, il changerait de nature. Nous proposons une durée de dix ans. Ainsi, pendant dix ans, quelqu’un qui s’installe dans un pays à fiscalité privilégiée – pour aller vite : dans un paradis fiscal, éventuellement officieux, comme le sont certains pays d’Europe – paierait une compensation à la France, ne serait-ce que pour avoir bénéficié pendant des années de ce qu’offre notre pays à tout citoyen, y compris pour faire fortune. C’est une disposition juste et de nature à rendre l’exil fiscal dissuasif. Je le répète, elle est appliquée dans d’autres pays européens, preuve qu’elle est conforme aux traités. Je vous appelle donc à voter cet amendement, modifié par le sous-amendement qui va venir en discussion.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir le sous-amendement no 3678.
M. Philippe Brun
Il faut aborder ce débat avec les idées claires. Premièrement, l’impôt que tend à créer l’amendement proposé par le président Coquerel et adopté à une large majorité par la commission des finances ne constitue en rien un impôt universel. Nous ne remettons pas en question le principe de la territorialité de l’impôt, auquel nous sommes toutes et tous attachés. Il ne s’agit pas non plus de taxer les Français de l’étranger, comme certains ont malheureusement cru le comprendre. Les socialistes s’opposeraient à une telle initiative.
Issu du rapport Mattei-Coquerel de 2019, l’amendement propose d’adopter un mécanisme d’obligation fiscale étendue comparable à ceux qui existent en Allemagne, en Finlande et dans une majorité de pays européens. Il vise une toute petite catégorie de pays, celle des pays non coopératifs, avec lesquels la France n’a pas de convention fiscale bilatérale et qui pratiquent une fiscalité particulièrement avantageuse.
Ce sous-amendement a pour but de définir clairement quels seraient les compatriotes concernés : ceux ayant résidé au moins dix ans en France avant leur changement de résidence et dont les revenus annuels sont supérieurs à 300 000 euros. Les Français de l’étranger habitant dans un pays sans convention fiscale bilatérale – le Mali par exemple – mais dont les revenus sont inférieurs à ce seuil ne seraient donc pas soumis à ce mécanisme d’obligation fiscale étendue.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Adopté en commission, cet amendement pose plusieurs problèmes. Le premier est qu’il tend à exclure – à juste titre, d’ailleurs – les pays ayant signé une convention fiscale avec la France. Or ces derniers sont au nombre de 130, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, beaucoup d’entre eux sont des paradis fiscaux : la Suisse, la Belgique, l’Irlande, le Luxembourg, Saint-Barthélemy, Singapour, les Émirats arabes unis, le Panama – et j’en passe. Seuls 70 pays seraient donc concernés, dont, par exemple, la République démocratique du Congo ou l’Angola – vous voyez beaucoup de gens s’installer là-bas pour raisons fiscales ?
La deuxième raison tient aux critères que propose l’amendement pour définir un pays à fiscalité privilégiée, à savoir « un pays pratiquant une fiscalité inférieure de plus de 50 % à celle de la France en matière d’imposition sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine ». Mais comment calculer cela ? L’imposition de certaines personnes pourrait être supérieure à ce seuil sans que ce soit le cas pour d’autres, en fonction de la différence entre la situation française et la situation à l’étranger.
Contrairement à ce que certains pourraient croire, l’effet de cet amendement serait donc très limité, et même si nous sommes incapables de l’évaluer, le produit que l’on peut en attendre serait donc des plus faibles. C’est pourquoi j’y suis défavorable à titre personnel.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je suis du même avis que le rapporteur général, pour les mêmes raisons : le dispositif a un caractère inopérant, d’abord parce que les très nombreuses conventions fiscales bilatérales couvrent largement le problème que vous soulevez. Ce qu’il faut faire, c’est continuer à accélérer la lutte contre la fraude fiscale ; le Gouvernement déposera un amendement en ce sens. Nous devons continuer à améliorer l’échange d’informations dans le cadre de ces conventions bilatérales, afin de disposer des données nous permettant de rattraper les fraudeurs fiscaux. Sur ce point, je suis complètement d’accord.
Je vois bien, monsieur le président Coquerel, que votre amendement a beaucoup évolué depuis sa première version, mais ce faisant, il a fini par devenir inopérant. Votre idée initiale, celle d’un impôt universel, doit susciter notre vigilance : faire reposer l’imposition sur la nationalité plutôt que sur la résidence fiscale, c’est entrer dans un autre monde, celui dans lequel les États-Unis évoluent. Compte tenu de la force extraterritoriale dont ils disposent, un tel dispositif rend infernal le quotidien de nombreux binationaux ; c’est notamment le cas des ressortissants franco-américains vivant sur le sol français, y compris ceux qui n’ont jamais bénéficié des services de la société américaine parce qu’ils n’y ont quasiment jamais vécu – on les appelle les « Américains accidentels » et j’ai eu l’occasion de rédiger un rapport d’information sur le sujet, avec Marc Le Fur, il y a quelques années.
Dans le cas qui nous intéresse ici, il faut donc éviter que les Français de l’étranger soient soupçonnés, du fait de leur nationalité, d’être des exilés fiscaux. Nous devons être très vigilants quant à la sauvegarde du principe de territorialité de l’impôt, qui l’emporte sur la nationalité. Avis défavorable, donc, pour les raisons techniques que le rapporteur général a bien précisées.
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Vojetta.
M. Stéphane Vojetta
Nous sommes 3 millions à avoir choisi de vivre hors de France, temporairement ou à long terme. Dans leur immense majorité, les Français qui s’expatrient le font pour de bonnes et belles raisons : la quête d’une opportunité professionnelle ou d’un nouveau mode de vie pour eux et leur famille, le besoin de partir pour voir si l’herbe est plus verte ailleurs et même, parfois, l’amour – un mot que nous prononçons rarement entre ces murs. Ils sont donc une infime minorité à avoir quitté la France ou à vouloir la quitter simplement pour échapper à son impôt. C’est pourquoi je suis très fier de représenter ici, aux côtés de mes collègues députés des Français de l’étranger, ces concitoyens, et de m’exprimer en leur nom. Il faut que vous le sachiez : les Français de l’étranger ne sont pas des exilés fiscaux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Philippe Brun applaudit également.)
Pourtant, c’est ce dont vous les traitez en présentant un tel amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En effet, vous proposez de soumettre les Français qui résident à l’étranger, y travaillent et y paient leurs impôts, à un impôt complémentaire payable à la France, au cas où la fiscalité du pays en question serait inférieure d’au moins 50 % à la nôtre en matière d’imposition sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine. Il suffit donc qu’un seul de ces trois critères soit satisfait pour que le pays en question soit considéré de facto par M. Coquerel comme un paradis fiscal. Cela représente pourtant 90 % des pays du monde : tous ceux où il n’y a pas d’impôt sur le patrimoine !
Monsieur Coquerel, cet impôt est tout sauf ciblé. Avez-vous seulement dressé la liste des pays qui seraient ainsi couverts ? Dites-nous la vérité : vous ne l’avez pas fait !
M. Nicolas Sansu
M. Coquerel dit toujours la vérité !
M. Stéphane Vojetta
Je vous demande donc, chers collègues, de ne pas voter cet amendement. Si par malheur il devait s’appliquer, il mettrait hors jeu, sur leurs marchés du travail respectifs – oui, ce sont des gens qui travaillent (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) –,…
Mme Danièle Obono
Nous parlons des exilés fiscaux !
M. Stéphane Vojetta
…des centaines de milliers de Français qui vivent dans des pays où le taux d’imposition sur le revenu est inférieur à celui pratiqué en France. Ils seraient hors jeu sur le marché du travail car à salaire brut égal, leur salaire net serait inférieur à celui de tous les autres. Les Français de l’étranger vous regardent : ne les trahissez pas, votez contre cet amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – MM. Laurent Marcangeli et Éric Pauget applaudissent également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Je voudrais d’abord réagir au sous-amendement de notre collègue Philippe Brun : en proposant que seules soient concernées les personnes ayant résidé dix ans en France – au lieu de trois – sur les dix années ayant précédé leur changement de résidence fiscale, voulez-vous dire que vous intégrez au dispositif tous ceux qui ont habité dix années complètes en France avant de partir ? Je ne comprends pas très bien et je pense qu’il y a un petit problème dans la rédaction de votre proposition.
Ensuite, je crois que les conventions fiscales ont toutes vocation à répondre à ces problèmes, à corriger et à moduler les différentes situations. Si de nouvelles conventions fiscales doivent être établies, il nous faut les proposer ; quant à celles qui peuvent être améliorées, nous sommes également là pour le faire.
Enfin, quand vous évoquez, en filigrane, la volonté de réduire fortement les mobilités de nos concitoyens, vous n’avez pas en tête ceux qui pourraient rester en France tout en déplaçant leurs avoirs, leurs actifs, leurs entreprises et leurs outils de production. (Mme Danièle Obono s’exclame.) Finalement, vous occultez tous les contribuables qui se trouvent dans de telles situations et je trouve que votre amendement ne présente pas d’intérêt. Travaillons plutôt sur les conventions fiscales qui nous lient à différents pays.
M. Pierre Cordier
Elle a raison !
Mme Danièle Obono
Il faut travailler sur les deux plans !
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je propose que nous débattions de ce qui se trouve vraiment dans l’amendement. Monsieur le ministre, lisez l’exposé sommaire ! Voilà trois ans que nous déposons cet amendement ; cette fois, il risque d’être adopté et les collègues qui le contestaient autrefois de bonne foi ont posé moins de questions, mais depuis le début, nous avons indiqué qu’il ne s’agit pas d’un impôt universel à l’américaine, pour les raisons que j’ai déjà expliquées. Ce n’est donc pas ce dont nous débattons.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Pourtant, c’est bien le nom que vous lui donnez !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Non, vérifiez dans l’exposé sommaire, vous verrez qui est concerné ! Ensuite, monsieur Vojetta, vous ne représentez pas tous les Français de l’étranger. Il faut être un peu modeste : on peut éventuellement dire que vous représentez ceux de votre circonscription, mais vous représentez surtout l’ensemble des Français, comme nous tous, car je vous rappelle que nous sommes des représentants de la nation.
En réalité, la quasi-totalité des Français de l’étranger ne sont pas concernés par cet amendement. La question que nous devons nous poser est donc la suivante : y a-t-il des gens qui partent à l’étranger, dans des pays à fiscalité privilégiée, dans le cadre d’un exil fiscal, afin d’échapper à l’impôt qu’ils doivent en France ?
Mme Danièle Obono
Oui !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Si vous répondez non, c’est que nous ne partageons pas la même vision du monde – ou même de l’Europe, car c’est très souvent à cette échelle que l’exil fiscal s’effectue. C’est un problème, d’autant que les personnes concernées, qui partent à l’étranger pour payer moins d’impôts, continuent souvent à produire leur revenu en France, à constituer leur richesse grâce à l’activité de leur entreprise sur le sol français. Il n’est pas logique ni normal que de telles situations existent, tandis que la plupart des gens paient leur impôt rubis sur l’ongle car ils n’ont pas les moyens de profiter des capacités qu’offrent les paradis fiscaux ! Personne ne peut admettre une telle inégalité ! Je veux bien admettre, monsieur le rapporteur général, qu’il faudra peut-être parfaire le dispositif par la suite, si l’on s’aperçoit que la cible est trop restreinte,…
M. Nicolas Sansu
On gardera Monaco et Andorre !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
…mais nous aurons au moins acté le principe et envoyé un signal. Quand quelqu’un agit ainsi, nous considérons qu’il doit continuer, pendant quelques années – de manière limitée dans le temps –, à contribuer pour le pays qui a participé, grâce au système éducatif et aux infrastructures dont il fait bénéficier ses habitants, à constituer sa richesse. C’est donc un amendement vertueux !
M. Jean-François Coulomme
Eh oui ! C’est du patriotisme !
M. Nicolas Sansu
Nous sommes des patriotes !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je ne doute pas qu’il faudra l’améliorer, mais adoptons au moins le principe. Nos compatriotes, ceux qui ne cherchent pas à partir à l’étranger pour payer moins d’impôts alors qu’ils travaillent tout autant, le trouveront plus que vertueux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je note que le sous-amendement de notre collègue Philippe Brun restreint encore la portée de l’amendement.
M. Philippe Brun
Oui !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je le dis en vue des scrutins à venir, puisque nous commencerons par voter sur le sous-amendement : si vous êtes contre l’amendement, votez le sous-amendement !
Je m’exprime ici à titre personnel, puisque nous ne l’avons pas examiné en commission.
M. Emeric Salmon
Sur le plan stratégique, ce n’est pas forcément une bonne idée !
Mme la présidente
La parole est à M. Karim Ben Cheikh.
M. Karim Ben Cheikh
Nous avons souvent discuté de ce sujet avec le président de la commission des finances. Je veux d’abord dire qu’entendre mon collègue député des Français de l’étranger défendre ces derniers ne cesse de m’étonner. Je l’invite à voter aussi les mesures de justice fiscale et sociale que nous proposons, nous, à gauche, en leur faveur. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.) Je ne l’ai pas souvent vu voter de telles mesures !
L’impôt proposé n’est certes pas un impôt universel, mais il le devient quasiment ; il suffit de regarder quels sont les pays avec lesquels nous n’avons pas – ou plus – de convention fiscale, comme le Mali, le Niger ou le Burkina Faso, où les conventions fiscales viennent d’être dénoncées. Il va finir par toucher une catégorie particulière de Français de l’étranger et est progressivement en train de se transformer – je suis désolé de le dire ainsi – en impôt sur les binationaux. Or la population française à l’étranger a pour particularité de compter énormément de binationaux ; c’est lié à l’histoire que nous avons en commun avec une partie du monde. C’est notamment le cas dans ma circonscription, qui est intégralement située en Afrique. (M. Hervé Berville et M. Mathieu Lefèvre applaudissent.) Les contours du dispositif contenu dans cet amendement posent donc problème.
Ma collègue sénatrice Mathilde Ollivier donnait l’exemple d’un ressortissant franco-rwandais qui viendrait étudier et vivre quelque temps en France, avant de rentrer au Rwanda : il serait automatiquement imposable en France ! (Exclamations sur divers bancs.) Cela pose problème, car on sait très bien qu’il ne retourne pas au Rwanda pour des raisons fiscales. Après ce qui s’est passé au Mali, au Niger ou au Burkina Faso, on ne sait pas mesurer l’impact d’un tel dispositif : on ne sait pas combien de nos compatriotes dont ils ne sont vraisemblablement pas la cible seraient concernés par cet amendement.
M. Stéphane Vojetta
Il a raison !
M. Karim Ben Cheikh
Voilà pourquoi je suis contre ce dispositif tel qu’il est présenté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous avons soutenu cet amendement d’appel en commission, car il soulève un débat important et légitime. En effet, une telle mesure est la contrepartie de la priorité nationale ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) À partir du moment où un État, une république, reconnaît certains droits à ses seuls ressortissants, ces derniers doivent s’acquitter de leur juste contribution, même quand ils ont quitté ses frontières. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, président Coquerel, il n’y a pas de priorité nationale en France, et nous le regrettons ! Vous ne voulez pas reconnaître des droits particuliers aux Françaises et aux Français parce qu’ils sont français,…
M. Hervé Berville
Vous êtes raciste !
M. Jean-Philippe Tanguy
…et le seul droit que vous leur reconnaissez, c’est celui de payer. Malheureusement, les seuls prêts à reconnaître des droits et des devoirs pleins et entiers aux Françaises et aux Français, ce sont les membres du Rassemblement national ! Nous continuerons à soutenir ce principe et à alimenter la réflexion sur ce sujet, qui devrait d’ailleurs faire l’objet d’un débat national. En l’occurrence, le rapporteur général et d’autres collègues ont raison : on ne peut pas changer le principe sur lequel repose l’imposition, en substituant la nationalité à la résidence, sans en référer aux Françaises et aux Français. Le Rassemblement national continuera à promouvoir fièrement la priorité nationale comme consubstantielle à la République,…
Mme Danièle Obono
La France aux Français, c’est bien ça ?
M. Jean-Philippe Tanguy
…et nous nous félicitons que la gauche renoue avec les grandes heures de la Révolution française, quand être française ou français voulait encore dire quelque chose. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
(Le sous-amendement no 3678 est adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1978, tel qu’il a été sous-amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 246
Nombre de suffrages exprimés 241
Majorité absolue 121
Pour l’adoption 86
Contre 155
(L’amendement no 1978, sous-amendé, n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 2908 et 3588, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 2908.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Afin d’enrayer la crise du logement, qui est d’abord une crise de l’offre, j’ai essayé, avec le président Mattei, de trouver une solution pour relancer l’investissement locatif privé.
M. Pierre Cordier
Il faudrait déjà réformer le ZAN !
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’amendement vise à créer un statut du propriétaire bailleur qui permettrait, sur option, d’appliquer un taux forfaitaire d’impôt sur le revenu de 12,5 % pour les revenus et bénéfices nets perçus grâce à la location de logements neufs à usage d’habitation principale, en contrepartie d’un engagement de location du bien immobilier d’au moins neuf mois, d’un encadrement des loyers et d’un diagnostic de performance énergétique de catégorie D minimum.
Si ces conditions sont respectées, les biens mis en location seraient exclus de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) et les revenus locatifs après imputation des charges seraient donc soumis au PFU (prélèvement forfaitaire unique). Les prélèvements sociaux demeureraient inchangés, au taux de 17,2 %.
Ce dispositif pourrait s’appliquer durant cinq ans à compter de l’acquisition ou de la livraison du logement neuf afin d’intégrer dans son champ d’application les logements neufs déjà construits mais n’ayant pas encore été acquis ainsi que les logements acquis neufs mais ayant déjà été occupés.
Il y a beaucoup d’épargne en France mais les épargnants sont nombreux à ne plus vouloir investir dans le logement locatif privé, lequel représente 25 % du parc. Avec le logement social et l’accession sociale à la propriété, c’est l’un des trois leviers que le Gouvernement actionne pour sortir de la crise du logement – l’élargissement du prêt à taux zéro, le PTZ, en témoigne.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, pour soutenir l’amendement no 3588.
M. Jean-Paul Mattei
Je propose un amendement similaire, si ce n’est qu’il s’appliquerait également aux logements anciens rénovés. Les revenus qu’un propriétaire tire de la location de son bien immobilier au titre de la résidence principale sont soumis au régime d’imposition des revenus fonciers, la tranche marginale pouvant atteindre 45 %, aux prélèvements sociaux au taux de 17,2 %, éventuellement à la contribution exceptionnelle dont nous avons débattu, sans parler de l’IFI. C’est une fiscalité confiscatoire.
Par cet amendement, nous voulons encourager les épargnants à investir dans l’immobilier afin de relancer le secteur du logement, qui est en grande souffrance. Il faudra sans doute encadrer le dispositif que nous vous proposons mais cela pourra se faire dans le cadre de la navette.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Avis défavorable aux deux amendements. Revenons quelques instants en 2017 et aux raisons qui ont présidé à la création du PFU. Les revenus mobiliers sont mobiles, par définition. Pour rendre plus attractifs les investissements réalisés sur le territoire français, au sein d’entreprises nationales, il a donc été créé un PFU à hauteur de 30 %. Ce dispositif a porté ses fruits puisqu’il a rapporté davantage au budget de l’État que le régime qui prévalait auparavant.
Le même raisonnement ne peut s’appliquer aux revenus fonciers, qui sont assujettis de surcroît à un régime fiscal propre, avantageux et incitatif, par lequel il est notamment possible de déduire le déficit foncier. D’autres mécanismes, que vous connaissez bien, existent et pourraient disparaître au profit du PFU s’il venait à s’appliquer. Restons vigilants.
Enfin, le dispositif Loc’Avantages permet de bénéficier d’une réduction d’impôt dont l’importance varie selon que le propriétaire a investi dans un logement intermédiaire, social ou très social.
Pour conserver l’épure de la flat tax, il convient donc de la réserver aux revenus du capital. Surtout, prenons garde à ne pas atrophier le régime fiscal des revenus fonciers, qui existe en tant que tel parce qu’il s’applique à des revenus nets alors que les revenus du capital sont bruts. Les mélanger serait une erreur.
Mme la présidente
Monsieur le rapporteur général, pourriez-vous nous donner formellement l’avis de la commission sur les deux amendements, s’il vous plaît ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Mon collègue Mattei l’a excellemment expliqué : on ne peut s’étonner de l’effondrement de l’investissement locatif privé dans des logements neufs quand on voit le barème de l’impôt sur le revenu, majoré pour ceux qui disposent d’une épargne importante, sans parler de l’IFI. C’est devenu un investissement à caractère social. Ne soyons donc pas surpris qu’il s’amoindrisse. Or nous ne pourrons pas sortir de la crise du logement sans actionner les trois leviers : il faut à la fois développer l’accession sociale à la propriété, relancer l’investissement locatif privé et soutenir le locatif social.
J’incite mes collègues à adopter mon amendement dont les dispositions ne s’appliqueraient pas au stock de logements existants mais uniquement aux nouveaux logements. De surcroît, les propriétaires pourraient choisir entre ce taux forfaitaire unique ou le régime actuel. C’est une option, limitée à cinq ans, dont la seule finalité est de relancer le locatif privé.
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
En commission, le rapporteur général nous avait promis de nous donner le coût de cette mesure. Peut-être a-t-il la réponse aujourd’hui. Je me souviens d’un temps où les rapporteurs généraux avaient à cœur de supprimer ou limiter les niches fiscales plutôt que d’en créer. Je suis donc assez surpris par cet amendement.
En revanche, j’y vois une ode au prélèvement forfaitaire unique et je remercie le rapporteur général de rappeler que le PFU est tout naturellement devenu un mode d’acquittement de l’impôt sur les revenus du capital – beaucoup moins pour ce qui concerne les revenus fonciers. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe EPR.)
Je salue également le fait que vous approuviez ce PFU à 30 % ; j’en déduis, monsieur le rapporteur général, que vous ne souhaiterez pas l’augmenter, ne serait-ce que de quelques points, pour les revenus du capital.
Mme Véronique Louwagie
Très bien !
M. Mathieu Lefèvre
On ne comprendrait pas qu’il existe un taux différencié selon qu’il s’applique aux revenus fonciers ou aux revenus du capital.
Cela étant dit, il relève de notre responsabilité budgétaire collective de rappeler que le temps des baisses d’impôt non compensées est révolu. Le Gouvernement a ainsi choisi de décaler la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Au regard de cette décision courageuse mais nécessaire, je ne comprendrais pas que nous aggravions encore davantage les déficits publics alors que notre mission serait plutôt d’aider le Gouvernement à retrouver le chemin de l’ordre budgétaire et à atteindre ses objectifs.
Bref, combien coûte cet amendement ?
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
Si je partage le constat dressé par M. Mattei et le rapporteur général sur la crise du logement et la nécessité de relancer la construction et l’investissement, je reste dubitatif quant à l’opportunité de créer une sorte de flat tax sur les revenus fonciers. L’argent public serait mieux utilisé dans d’autres investissements. Nous déposerons des amendements en ce sens, relatifs au dispositif Loc’Avantages ou au logement social.
Le statut du bailleur privé, souhaité par bon nombre de parlementaires, mériterait que l’on y travaille davantage, par exemple dans le cadre d’une grande loi relative au logement, que nous appelons tous de nos vœux et que j’espère voir avant la fin de la législature, plutôt qu’au détour d’un amendement. À l’heure où nous devons compter les derniers publics, plutôt que de les gaspiller dans une méga-niche fiscale, il vaut mieux les investir dans des dispositifs qui favorisent la primo-accession comme le PTZ, la construction de logements sociaux grâce à la suppression de la RLS (réduction de loyer de solidarité) ou la location de longue durée, ce que nous proposerons bientôt.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Le rapporteur général l’a répété : le mécanisme que nous vous proposons est optionnel et exclusif de tout autre dispositif incitatif. Nous croulons sous les mécanismes d’incitation à l’investissement dont la complexité dépasse l’entendement : dispositif Quilès-Méhaignerie, amortissement Périssol, loi Pinel, etc.
Il est grand temps de simplifier ! C’est l’objet de notre amendement. Je répète qu’il ne s’agirait que d’une option et rien n’interdirait d’en limiter le montant pour éviter de créer une niche au profit des ultrariches, car ce n’est pas notre but. Nous voulons simplement encourager nos concitoyens à investir dans la pierre.
En 2017, nous avons remplacé l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, par l’IFI. Pourquoi celui qui fait l’effort de proposer à la location un logement décent, au loyer encadré, serait-il plus maltraité que celui qui collectionne les voitures anciennes ou des œuvres d’art ? À un certain niveau, l’investissement dans l’immobilier locatif pour la résidence principale a une vocation économique. Vous devriez revoir votre vision de l’immobilier : il ne s’agit pas toujours de se constituer une rente. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
L’amendement a le mérite de poser la question de la relance de la politique du logement. Non seulement le nombre de permis de construire a reculé de 15,3 % en un an – je parle sous le contrôle de mon collègue Thibault Bazin, qui a beaucoup travaillé sur le sujet – mais il faut également prendre en compte les conséquences des nouvelles réglementations en matière de rénovation énergétique. Toutes les mesures pouvant favoriser la construction de logements neufs sont donc de bon augure.
Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous prétendez, la fiscalité des revenus fonciers n’est pas avantageuse. Vous ne pouvez pas dire cela. Vous ne pouvez pas davantage présenter la déductibilité du déficit foncier comme un avantage. Heureusement que les déficits sont pris en compte ! Ils le sont dans tous les régimes d’imposition, qu’ils s’appliquent aux BIC (bénéfices industriels et commerciaux), aux BA (bénéfices agricoles), aux BNC (bénéfices non commerciaux) ou aux locations meublées. Ce n’est pas une spécificité des revenus fonciers.
En revanche, la différence entre la fiscalité des revenus mobiliers, soumis à une imposition de 30 %, et celle des revenus immobiliers, pour lesquels les taux d’imposition peuvent atteindre 70 %, pose un réel problème. Chaque année, nous nous en émouvons à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances (PLF) mais nous attendons encore une réponse. J’ai bien compris que la situation budgétaire du pays ne nous permet pas encore d’agir mais il faudra bien faire baisser la fiscalité sur les revenus fonciers. Toutes les mesures d’incitation fiscale sur les revenus fonciers destinées aux propriétaires privés servent la cause du logement. Nous voterons ces amendements, d’autant plus qu’ils prévoient une limitation dans le temps et délimitent un périmètre. (M. Thibault Bazin applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Lottiaux.
M. Philippe Lottiaux
Il faut des mesures d’urgence pour le logement. Nous n’avons que trop attendu. Cette proposition n’est peut-être pas la panacée mais elle a le mérite d’exister. Elle fait partie de toutes les dispositions qu’il faut prendre pour relancer le logement et sortir de la crise qui frappe non seulement tous ceux qui cherchent un hébergement mais plus largement l’ensemble des acteurs du secteur car les entreprises sont menacées et les salariés risquent de perdre leur emploi.
Or il faudrait presque être fou pour s’engager dans l’investissement locatif aujourd’hui. Du fait de la lourdeur de la fiscalité, du manque de rentabilité, des risques de tomber sur un squatteur qu’on ne peut expulser, de la fin du Pinel, plus personne n’a intérêt à investir dans le locatif. Les gens l’ont bien compris, d’ailleurs.
Des moyens existent pour renverser la tendance, celui qui est proposé en est un. Bien sûr, cela a un coût, mais qui n’est rien par rapport aux bénéfices engrangés. Voyez les milliards que nous avons perdus l’année dernière et cette année en TVA et en droits de mutation parce qu’on ne construit plus de logements et qu’on n’en vend plus ! Ce sera la même chose que pour le PTZ : le coût sera largement compensé par les recettes supplémentaires qui en résulteront. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Si nous poursuivons au même rythme, il nous restera environ 700 heures de débat. Il va nous falloir resserrer les interventions et les limiter, pour chaque amendement, à un orateur favorable et un orateur hostile.
M. Pierre Cazeneuve
Très bien, madame la présidente !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je souhaiterais répondre à Mathieu Lefèvre. Un logement neuf supplémentaire rapporte au moins 8 000 euros en prélèvements obligatoires. Un de nos collègues me fait signe que la somme est plus importante. Disons 8 000. Dès lors, notre amendement serait générateur de revenus. (Protestations de M. Mathieu Lefèvre et d’autres députés EPR.) En effet, la construction prend au moins deux ans ; durant cette période les recettes de l’État augmenteront tandis que le bénéfice fiscal pour l’investisseur – par rapport au PFU et sur l’IFI – sera différé jusqu’en 2027. C’est donc un « plus » pour les finances publiques.
M. Daniel Labaronne
Mais non !
M. Mathieu Lefèvre
Tout est faux !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Certains de nos collègues ont dit qu’il fallait une action équilibrée. Je partage cette opinion. Il faut aider les logements sociaux, le parc locatif privé et l’accession à la propriété, car il convient d’avoir une approche globale.
M. Inaki Echaniz
Je suis d’accord !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Le Gouvernement a entendu tous ceux qui ont demandé la réactivation du PTZ. Elle est réalisée même si des améliorations sont encore possibles. Il reste à agir en matière de logements sociaux. Ce sera l’objet d’autres amendements. Il faut actionner les trois volets.
M. François Cormier-Bouligeon
Et le coût de l’amendement ?
Mme la présidente
Monsieur le rapporteur général, pouvez-vous nous dire formellement l’avis de la commission sur les deux amendements ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il n’y a pas d’avis de la commission.
Mme la présidente
Ce sont des amendements de séance ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Si, il y a un avis. Cela fera plaisir à M. Lefèvre. Nous avons voté et ces amendements n’ont pas été retenus par la commission.
Mme Véronique Louwagie
Ils n’ont pas été adoptés.
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’argument selon lequel tous les amendements seraient nuls car il y a eu un vote final est faux. Je l’ai dit hier et me suis un peu fâché car j’ai horreur que l’on travestisse la réalité. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Il y a eu un vote en commission ; la commission n’a pas été favorable à ces propositions mais j’espère que, grâce aux arguments développés par Jean-Paul Mattei et par moi-même, la majorité changera d’avis.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour un rappel au règlement.
M. Mathieu Lefèvre
Le rappel s’appuie sur les dispositions de l’article 100 de notre règlement. Je ne comprends pas que nous continuions à avancer sur l’examen de cet amendement sans avoir une idée de son coût. Dès que le Gouvernement prend une mesure sans étude d’impact, cela lui est reproché. Cet amendement…
Mme la présidente
Il ne s’agit pas de la même chose ! M. Daniel Labaronne voulait prendre la parole, vous auriez pu la lui laisser.
Un député du groupe EPR
Non, M. Jean-René Cazeneuve voulait parler.
Mme la présidente
M. Cazeneuve aurait peut-être développé les arguments que vous souhaitez voir mis en avant. Votre rappel au règlement n’en est pas un. (M. René Pilato et Mme Eva Sas applaudissent.) À présent, c’est trop tard. Nous allons passer au vote.
M. Karim Ben Cheikh
Respectez la procédure !
Après l’article 3 (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre qui répondra peut-être à M. Lefèvre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je ne sais plus, monsieur le rapporteur général, si vous aviez voté pour le PFU.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Oui, je l’avais voté.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Le dispositif se concentrait sur les revenus du capital non pour exclure les revenus immobiliers mais pour contribuer, avec la réforme de l’ISF, à favoriser l’investissement.
Cette distinction ne visait pas à pénaliser les revenus fonciers et le marché immobilier mais à accélérer la mobilité des capitaux et de l’investissement. Cela a fonctionné. (M. Paul Midy applaudit.)
M. François Cormier-Bouligeon
Bien sûr !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Attention à ne pas revenir en arrière en soumettant demain au même régime deux revenus différents, l’un brut, l’autre net ; l’un destiné à être mobile et réinvesti, l’autre n’ayant pas cette vocation. Il est important de maintenir le distinguo opéré lors de la création du PFU.
J’ai évoqué un régime fiscal « avantageux » à propos des revenus fonciers. Le terme est peut-être excessif (Madame Véronique Louwagie opine) ; il n’en demeure pas moins que ce régime permet d’utiliser des abattements et de bénéficier de réductions d’impôts en fonction de la nature de l’investissement. Si le dispositif Pinel arrive à son terme, d’autres incitations fiscales et de nombreux dispositifs existent encore en matière foncière, tel Loc’Avantages. Mieux vaudrait mettre l’accent sur ce type de dispositif que d’inclure les revenus fonciers dans le PFU.
M. Inaki Echaniz
Tout à fait !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Enfin, nous avons une règle commune : les dispositifs qui ont un coût doivent être gagés. Cet amendement peut coûter plusieurs centaines de millions d’euros ; or je n’ai pas vu de contrepartie proposée pour ne pas alourdir les dépenses et participer à l’ambition de réduction des déficits publics. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Pierre Cazeneuve
Merci, monsieur le ministre.
(Les amendements nos 2908 et 3588, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 2588.
M. Hendrik Davi
Cet amendement reprend une proposition de la Fondation Abbé Pierre (Murmures sur plusieurs bancs) visant à sortir les locations meublées du régime fiscal des bénéfices industriels et commerciaux. Il s’agit d’une mesure très importante pour lutter contre le manque de logements en France.
En effet, comme le relève le rapport sur la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, le développement des meublés de tourisme de type Airbnb a explosé ces dernières années, suscitant une réduction importante des logements disponibles dans ces zones.
À Paris, le nombre de logements disponibles à la location a diminué de 50 % en un an seulement. Sur l’ensemble de la ville de Marseille, on ne compte pas moins de 12 000 logements en location sur la plateforme Airbnb. D’ailleurs, dans les quartiers, on voit se multiplier les boitiers Airbnb. Chaque jour des Marseillaises et des Marseillais m’interpellent car ils ne parviennent pas à trouver de logements à louer.
M. Laurent Jacobelli
Ville de gauche !
M. Hendrik Davi
Il est primordial d’arrêter cette dynamique et d’inciter les propriétaires à se tourner vers la location de longue durée. Pour ce faire, nous proposons, en premier lieu, de réduire les niches fiscales dont bénéficient les meublés touristiques et, en second lieu, d’extraire les locations meublées du régime des BIC. Nous voulons faire revenir les locations meublées dans le régime foncier qui s’applique aux locations non meublées. La différence entre ces deux régimes est en effet totalement injustifiée.
En relevant le plafond et le taux du régime microfoncier et en retirant les meublés touristiques des BIC, cet amendement impactera surtout les gros investisseurs. Selon la direction de la législation fiscale, le gain budgétaire pourrait être de 266 millions d’euros.
Il est important de voter cet amendement pour stopper la dynamique Airbnb. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Elle a donné un avis défavorable à cet amendement pour plusieurs raisons. Tout d’abord, vous doublez le plafond du microfoncier en le passant de 15 000 à 30 000 euros tout en relevant le taux de 30 % à 40 % : cela a un coût de 500 millions.
Par ailleurs, vous souhaitez que les meublés ne soient plus imposés dans la catégorie des BIC. C’est une erreur car l’hôtellerie relève du régime du BIC. Il est normal de traiter le meublé touristique d’une manière équivalente s’agissant d’activités concurrentes.
Nous avons eu un débat sur la double déduction des amortissements. Le Gouvernement nous propose de supprimer cette anomalie dans l’article 24. Si toutefois nous parvenons à l’examen de cet article, il conviendra d’aligner le régime du meublé touristique sur le régime foncier.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Avis défavorable pour les mêmes raisons. Sur l’ensemble des amendements portant concernant la location meublée non professionnelle, je précise que le Gouvernement souhaite avancer vers la convergence des régimes de location nue et meublée, notamment pour éviter les distorsions de marché. La proposition de loi (PPL) Le Meur est en cours de navette…
M. Inaki Echaniz
La PPL Le Meur-Echaniz s’il vous plaît !
M. David Amiel et Mme Olivia Grégoire
Excellente PPL !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Vous avez raison, monsieur le député. Je souhaite qu’au cours de la navette sur le PLF, nous puissions prendre en considération l’aboutissement de votre PPL pour mettre en place une fiscalité convergente sur les locations nues et meublées. En attendant, je proposerai le retrait des amendements sur ce sujet afin que cette question soit étudiée sur la base du résultat de la PPL.
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
Il s’agit effectivement d’une PPL transpartisane Le Meur-Echaniz ou Echaniz-Le Meur et non seulement Le Meur. Il est bon de le rappeler d’autant que je joue le jeu depuis le début.
M. Thibault Bazin
En toute modestie !
M. Inaki Echaniz
L’amendement de M. Hendrik Davi poursuit le travail mené de façon transpartisane sur la location meublée touristique dans le cadre de la PPL déjà citée et du rapport commandé à Annaïg Le Meur par Élisabeth Borne.
Il est nécessaire de réfléchir aujourd’hui à la fiscalité locative pour encourager la location longue durée. Dans la PPL, nous traitons le sujet du micro-BIC et de la niche fiscale – ainsi nommée par les médias – liée aux abattements de 71 % et 50 % qui ne se justifient plus. Nous avons mené un long travail avant de parvenir à un accord global se traduisant par un vote à la quasi-unanimité à l’Assemblée et à un vote unanime au Sénat. La commission mixte paritaire (CMP) aura lieu lundi prochain et le vote définitif du texte début décembre.
Pour encourager la location longue durée, j’invite Hendrik Davi à retirer son amendement en faveur des amendements d’Annaïg Le Meur et de moi-même nos 1909 et 2445 qui sont le fruit du long travail transpartisan que je viens d’évoquer. Ils sont soutenus par le Gouvernement et par les acteurs du monde du logement. Si j’étais rapporteur général, j’émettrais donc un avis de retrait.
Mme la présidente
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Une fois de plus, voici une mauvaise idée venant de la Gauche ! Pour avoir été rapporteur pour avis des crédits consacrés au tourisme, je sais que la location meublée constitue une offre indispensable si l’on veut garantir l’attractivité touristique de la France. Le tourisme représente 90 milliards de chiffre d’affaires pour environ 28 millions de crédits d’État consacrés à Atout France, un groupement d’intérêt économique (GIE) qui a le mérite de bien fonctionner.
Vous vous trompez de combat ! Si de plus en plus de Français refusent de mettre leurs biens en location longue durée soumise à la loi du 6 juillet 1989, c’est que le risque est trop important pour eux. La bataille à mener est celle de la révision de cette loi et non celle de la sanction de la location meublée.
Vous opérez une confusion entre la plateforme Airbnb et les propriétaires. Que vous vouliez fiscaliser la plateforme, je l’entends ! En revanche, ne tapez pas sur les Français ayant un patrimoine souvent modeste dont ils essaient de tirer un petit pécule pour compléter des revenus trop faibles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – Protestations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
Un mot pour répondre à la dernière interpellation : monsieur de Lépinau, allez expliquer aux Marseillaises et aux Marseillais qui ne trouvent pas de logement – la réalité du problème est reconnue par tous, y compris par le maire et la droite, et a donné lieu à des assises du logement – que le patrimoine des propriétaires est destiné aux touristes ! Je vous souhaite bien du courage. Le véritable problème provient de ceux qui en font un commerce, en louant deux, trois, quatre, cinq, dix appartements. Nous parlons de cela.
En réponse à la demande légitime de mon collègue Inaki Echaniz, je précise que je respecte l’excellent travail transpartisan qu’il a mené – dont j’espère qu’il aboutira – et que je suis prêt à retirer mon amendement si j’ai l’assurance qu’à la fin, une solution sera trouvée pour résoudre le problème. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, EPR et SOC.)
(L’amendement no 2588 est retiré.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux demandes de scrutins publics : sur les amendements identiques nos 1909 et 2445, par le groupe du groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public ; sur les amendements identiques nos 142, 1910 et 3358, par les groupes Ensemble pour la République et Socialistes et apparentés.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de cinq amendements, nos 1909, 2445, 142, 1910 et 3358, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1909 et 2445 sont identiques. Les amendements nos 142, 1910 et 3358 sont également identiques.
La parole est à Mme Annaïg Le Meur, pour soutenir l’amendement no 1909.
Mme Annaïg Le Meur
Le décor me semble posé. Mon amendement s’inscrit dans un engagement transpartisan visant à réguler – et non à interdire – les locations de meublés touristiques, qui ont proliféré en France aux dépens des locations de longue durée.
Alors qu’en 2014, 80 000 logements étaient loués en courte durée, dix ans plus tard, il y en a 1,2 million !
Mme Émilie Bonnivard
Pas partout !
Mme Annaïg Le Meur
J’entends qu’ils sont nécessaires dans certaines zones, mais il faut aussi rééquilibrer le dispositif fiscal en faveur des locations de longue durée.
Comment expliquer à nos concitoyens que les abattements fiscaux sont plus avantageux pour les locations de courte durée quand on manque de logements loués pour de plus longues périodes ?
Les revenus fonciers issus des locations nues bénéficient d’un abattement de 30 % avant calcul de l’impôt, quand on obtient 50, voire 71 %, pour les revenus issus de locations de courte durée.
C’était le motif de création de la mission sur la fiscalité locative que m’avaient confiée, quand ils étaient premiers ministres, Élisabeth Borne, puis Gabriel Attal. J’ai rendu mon rapport cet été. Il s’agissait de trouver des solutions ne grevant pas le budget de l’État, et de permettre à tout citoyen de se loger à prix abordable.
Nous avons proposé plusieurs dispositifs. Vous en avez cité certains, monsieur le ministre, notamment le dispositif Loc’Avantages – nous y reviendrons car je crois en son efficacité. Mais il faut aussi encourager la location nue, à l’année. C’est pourquoi mon amendement vise à faire passer l’abattement forfaitaire sur les revenus issus de locations nues, au titre du régime du microfoncier, de 30 à 50 %.
Vous me répondrez : « Cela a un coût ! » Certes, mais la proposition s’inscrit dans un dispositif global incluant notamment les amendements que nous étudierons après l’article 13. Les projections réalisées à l’occasion de la rédaction du rapport sont claires : l’État sera gagnant si l’ensemble du dispositif est adopté – mesures fiscales et dispositions de l’article 24 sur la réintégration des amortissements dans l’assiette de la plus-value imposable.
Je vous le promets, et le répète, nous serons alors gagnants. Nous le serons encore davantage si nos débats permettent une prise de conscience collective : il faut louer plus de logements sur la longue durée, pour loger nos étudiants et nos salariés. (M. Hervé de Lépinau s’exclame.)
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l’amendement no 2445.
M. Inaki Echaniz
Mme Le Meur a rappelé le contexte et la nécessité d’encourager la location de longue durée. Monsieur de Lépinau, nous n’allons pas reprendre les débats qui nous ont occupés lors de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale – ce n’est pas le sujet.
Il s’agit ici des locations nues, de longue durée, alors qu’il faut répondre à ceux qui ont besoin d’avoir un toit au-dessus de leur la tête, longtemps, pour que leurs enfants puissent aller à l’école, pour travailler et pour faire vivre le territoire.
En l’état de la fiscalité, la concurrence est déloyale puisqu’il existe une distorsion. Certes, les meublés de tourisme sont nécessaires à l’économie touristique, mais le phénomène prend des proportions trop importantes et devient trop agressif, ce qui nuit à la rentabilité des locations de longue durée.
Depuis le début du débat budgétaire, vous reprochez à la gauche de ne proposer que des taxes. Avec cet amendement, il s’agit au contraire de faire baisser les impôts, notamment ceux des petits propriétaires bailleurs dont l’investissement immobilier est vertueux puisqu’ils cherchent à loger des familles, des étudiants, tous ceux qui n’ont pas accès au logement social et font vivre nos territoires.
M. Boris Vallaud
Oui !
M. Inaki Echaniz
Alors que la crise du logement est aiguë, il faut également pousser ceux qui ont des logements vacants à les remettre sur le marché pour de longues durées.
Je partage l’analyse du rapporteur général et plaide pour des mesures vigoureuses afin de relancer l’accès au logement. Pour autant, comme l’a dit Annaïg,…
Mme Olivia Grégoire
Appelez les femmes par leur nom, monsieur Echaniz !
M. Inaki Echaniz
…comme l’a souligné Annaïg Le Meur, l’impact budgétaire de nos amendements est neutre, voire positif, quand on analyse l’ensemble des mesures que nous proposons.
Nous avons le soutien du ministère en charge du logement. M. Bazin propose une version moins ambitieuse, mais l’esprit de son amendement – et la position des députés DR – est le même.
Il faut donner un coup de fouet à la location de longue durée. Entendez notre cri du cœur en faveur des petits propriétaires vertueux. Tout le monde prétend les défendre depuis toujours, mais personne n’agit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 142.
M. Thibault Bazin
Mon amendement vise non à alourdir la fiscalité des meublés (M. Inaki Echaniz applaudit), mais, en augmentant l’abattement, à inciter les propriétaires d’appartements non meublés à louer pour une période supérieure à un an. (M. Jean-René Cazeneuve s’exclame.)
Nos deux collègues proposent de passer de 30 à 50 %. Je plaide pour analyser l’effet d’un passage préalable à 40 % – cela permettrait déjà de corriger la distorsion.
M. David Amiel
Très bien !
M. Thibault Bazin
Monsieur le ministre, vous nous renvoyez aux conclusions des débats sur la proposition de loi. Mais la fiscalité est du ressort d’un projet de loi de finances, et non d’une proposition de loi.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Effectivement !
M. Thibault Bazin
Bien entendu, la proposition de loi doit nous permettre de débattre du statut des locations meublées mais, ici, nous n’en traitons pas directement puisque nos amendements visent les locations nues.
Passer de 30 à 40 % permettrait d’inciter les propriétaires à remettre leurs logements sur le marché. Cela irait donc dans le bon sens, celui d’une fiscalité incitative, et non punitive. (M. Inaki Echaniz applaudit.)
S’agissant des meublés, l’approche doit être globale et équilibrée. On ne peut taxer les gestionnaires deux fois.
M. Inaki Echaniz
Bravo monsieur Bazin, et merci !
Mme la présidente
La parole est à Mme Annaïg Le Meur, pour soutenir l’amendement no 1910.
Mme Annaïg Le Meur
J’entends l’argument de M. Bazin, que je remercie. Il a clairement exposé l’objet de nos amendements. Je vous alerte malgré tout sur le fait que le taux de 40 % est inférieur à celui de l’abattement pour location meublée de courte durée.
Mme Émilie Bonnivard
Ce n’est pas la même durée de location !
Mme Annaïg Le Meur
Certes, mais notre objectif reste l’harmonisation.
M. Thibault Bazin
Il faut une approche globale en matière de fiscalité.
Mme Annaïg Le Meur
L’abattement restera plus favorable pour la courte durée et il y aura donc toujours une incitation à aller vers ce type de bail dont on connaît les avantages : moins de contraintes de gestion, un loyer plus élevé, moins de risques d’impayés et un bail beaucoup plus souple.
Si l’on souhaite que la mesure soit réellement incitative, il faut être clair et porter l’abattement à 50 %.
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l’amendement no 3358.
M. Inaki Echaniz
Mon amendement est défendu. Il faut passer au vote et avancer sur la location de longue durée.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Plusieurs députés du groupe EPR
Lequel ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
À titre personnel, je m’interroge : les charges représentent en général 20 à 25 % des loyers, et non 50 %. En passant à 50 % d’abattement, c’est un avantage de 25 points que vous octroyez aux propriétaires par rapport à une déclaration des charges au réel.
En outre, vous estimez que vos amendements seront incitatifs. Permettez-moi d’en douter.
Enfin, le coût du dispositif serait de 500 millions d’euros pour 50 % d’abattement…
M. Inaki Echaniz
Ah non ! Ne me parlez pas du coût ! On a dit que c’était équilibré !
M. Charles de Courson, rapporteur général
…et de 250 pour 40 %.
M. Inaki Echaniz
Non !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
J’étais plutôt enclin à vous demander de retirer vos amendements, non pas, monsieur Bazin, pour réintégrer la fiscalité dans la proposition de loi susmentionnée, mais pour utiliser l’automne budgétaire au mieux. Le projet de loi de finances fera l’objet de navettes, et donc de différentes lectures. Nous aurions pu attendre les conclusions de la CMP pour loger correctement les dispositions fiscales dans le projet de loi de finances.
Mais je constate que le débat avance bien.
M. Emeric Salmon
Il n’avance pas, le débat !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Le débat avance, grâce au rapport de la mission. C’est pourquoi je suis tenté d’aller dans votre sens.
Mme Olivia Grégoire
Excellent !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Pour autant, soyons cohérents et visons la convergence entre les locations nues et meublées.
M. Inaki Echaniz
Le BIC est à 50 % !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur les amendements identiques nos 142, 1910 et 3358, et demande le retrait des amendements nos 1909 et 2445. Il s’agira ensuite de passer à 40 % d’abattement pour les logements imposés au titre des BIC. (M. Inaki Echaniz s’exclame.)
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel
Comme vous, je salue l’important travail de nos collègues Le Meur et Echaniz. Dans cet hémicycle, une très large majorité est favorable à la réforme de notre fiscalité afin de réorienter les locations de tourisme de courte durée vers des locations de longue durée.
Mme Émilie Bonnivard
Pas partout !
M. David Amiel
En l’espèce, les amendements visent uniquement ces dernières, et la location nue. Nous reviendrons plus tard sur la baisse de l’abattement pour les locations en meublé de tourisme.
Mais quel avantage fiscal supplémentaire – quel cadeau fiscal – souhaitons-nous octroyer aux propriétaires bailleurs qui font le choix de la location nue ? Je partage votre analyse : il faut augmenter l’abattement fiscal actuel pour accompagner la réorientation. Pour autant, restons raisonnables au vu de l’état de nos finances publiques et des efforts demandés à nos concitoyens.
Mon groupe soutient les amendements nos 142, 1910 et 3358, qui font passer l’abattement de 30 à 40 %. Les amendements nos 1909 et 2445 – qui le portent à 50 %, soit un quasi-doublement pour un coût de 500 millions d’euros, comme l’a rappelé le rapporteur général – ne seraient pas compris dans le contexte actuel.
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Rolland.
M. Vincent Rolland
Nous nous félicitons de l’avis de sagesse du ministre sur les amendements nos 142, 1910 et 3358. Nous préférons toujours les incitations aux restrictions.
Je me permets de revenir sur les propos de notre collègue Mattei, qui crie en quelque sorte haro sur les loueurs de meublés non professionnels. Comme Émilie Bonnivard, je vis dans un territoire qui serait désertique sans ces loueurs, sans ces locations de vacances ou saisonnières.
J’entends qu’il existe une forte concurrence entre les locations de longue durée et les locations saisonnières dans les zones touristiquement attractives, mais le raisonnement ne tient pas sur tout le territoire.
Le rapporteur général a évoqué l’importance de l’incitation à investir dans l’immobilier. Je suis d’accord avec lui mais, en changeant régulièrement les règles fiscales, et en prenant à revers ceux qui ont déjà investi sur la base de dispositifs fiscaux existants, on risque de refroidir les investisseurs, et de fragiliser l’investissement immobilier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
M. Thibault Bazin
Il a raison !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Maillot.
M. Frédéric Maillot
Je viens de La Réunion où 43 000 demandes de logements ne sont pas satisfaites. L’évolution de la fiscalité est nécessaire car les mères et les pères de famille qui travaillent, et ne sont donc pas éligibles aux logements sociaux, ont de plus en plus de mal à trouver un logement dans les zones tendues, notamment côtières. Ils se rabattent alors vers le parc privé. Mais, si les investisseurs ne sont là que pour faire du business, ils ne pourront pas absorber toutes les demandes !
Il faut passer un message très simple : votre lieu de villégiature, c’est notre lieu de vie. Si tous les logements du parc privé sont réservés au tourisme, nous, les autochtones, que sommes-nous censés faire ? Comment vivre si on ne construit pas assez d’habitations ? Le business, d’accord, mais je refuse que nous laissions dormir les pères et les mères de famille dehors, avec leurs enfants ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. David Amiel
Pourrions-nous bénéficier d’une suspension de séance ?
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour un rappel au règlement.
M. Jean-René Cazeneuve
Il se fonde sur l’article 100, qui porte sur la tenue de nos débats.
Je salue votre présidence et c’est dénué de tout esprit polémique que j’interviens. Vous avez refusé à deux reprises de me donner la parole, au motif que vous ne preniez que deux interventions – une en faveur de l’amendement et une s’y opposant. Cela ne semble plus être le cas. Pourriez-vous, pour des raisons de clarté, préciser dans quel cas vous n’autorisez que deux orateurs à intervenir, et quand vous laissez le débat suivre son cours ? (M. Gabriel Attal et Mme Olivia Grégoire applaudissent.)
Mme la présidente
Les débats ont tendance à traîner en longueur. Je ne vous ai pas refusé la parole en raison de la règle consistant à n’autoriser que deux prises de parole supplémentaires par amendement, mais parce qu’un autre membre de votre groupe s’était déjà signalé pour intervenir, et qu’il entendait défendre une position similaire à la vôtre.
En l’occurrence, nous discutons de plusieurs amendements en discussion commune ; certains d’entre eux sont identiques. J’ai donc estimé qu’il convenait de donner la parole à davantage d’orateurs afin que nous saisissions bien les nuances entre les différentes propositions.
Par ailleurs, je donne plus facilement la parole aux députés des groupes qui l’ont peu demandée jusqu’à présent, comme le Rassemblement national. Efforçons-nous cependant de nous limiter à deux prises de parole supplémentaires par amendement, en s’organisant au sein de chaque groupe et en se montrant compréhensifs.
M. Thibault Bazin
Passons au vote !
Après l’article 3 (suite)
Mme la présidente
La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas
Le groupe Écologiste et social est favorable à ces amendements qui permettraient de répondre à la crise du logement en rendant la location de longue durée plus avantageuse que celle de courte durée.
À Paris, 19 % des logements sont vacants ou occupés occasionnellement, ce qui est dû à l’explosion du nombre de logements loués pour de courtes durées, par exemple sur la plateforme Airbnb. Ce n’est pas acceptable, d’autant moins si l’on considère le nombre de Parisiens hébergés par des tiers dans des logements surpeuplés. En six ans, le nombre de ménages prioritaires au titre du droit au logement opposable a doublé à Paris, et le nombre de demandes de logement insatisfaites a explosé.
Nous sommes particulièrement favorables aux amendements nos 2445 et 1909, qui nous paraissent les plus adaptés puisqu’ils portent l’abattement à 50 %. Il faut inciter les propriétaires – souvent des multipropriétaires qui accumulent les appartements de ce type – à remettre les logements accaparés par la location de type Airbnb sur le marché de la location de longue durée. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Danielle Simonnet
Excellent, elle a raison !
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Falcon.
M. Frédéric Falcon
Il faut distinguer entre plusieurs types de location saisonnière : certains propriétaires cherchent seulement à améliorer leurs revenus en louant quelques semaines par an leur résidence principale, dans laquelle ils vivent le reste de l’année, quand d’autres en font une activité industrielle. Tous les territoires ne sont pas égaux ;…
M. Emeric Salmon
Exactement !
M. Frédéric Falcon
…ceux de nos collègues Le Meur et Echaniz sont particulièrement touchés, et il faut davantage réguler. Mais ne faisons pas croire aux Français que l’effondrement de l’offre locative ces dernières années s’explique exclusivement par l’explosion de la location saisonnière…
Mme Eva Sas
En partie, si !
M. Frédéric Falcon
…– c’est faux.
À Paris, l’offre locative a baissé de 60 % ces trois dernières années, en raison notamment des contraintes imposées aux bailleurs – par exemple celles liées au diagnostic de performance énergétique (DPE), dont nous aurons l’occasion de parler lors de notre niche parlementaire le 31 octobre –, contraintes qui les découragent et que nous voulons lever.
Cependant, pour une fois que cette assemblée se décide à encourager les petits propriétaires en baissant les impôts, j’appelle mes collègues du Rassemblement national à soutenir ces amendements, en particulier ceux qui tendent à porter l’abattement à 50 % plutôt qu’à 40 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Roseren.
M. Xavier Roseren
Ce sujet est très important pour les habitants des zones de montagne, où l’on ne peut plus se loger en raison du déséquilibre fiscal entre la location nue de longue durée et la location à la semaine. Ces amendements, surtout les amendements nos 1910 de Mme Le Meur et identiques, tendent à régler cette anomalie. Avec ce petit plus qui permettra aux habitants de rester au pays et de se loger dans les stations de montagne, la mesure aidera aussi les professionnels à trouver des travailleurs, tout en évitant à nos montagnes de se dépeupler.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a voté pour les amendements nos 1909 et 2445, lesquels portent l’abattement à 50 %. Si l’Assemblée veut être plus raisonnable et diviser par deux le coût de cette mesure, elle peut se rallier aux trois autres amendements, comme le suggérait M. le ministre. Il s’agirait d’une contrepartie pour les autres amendements dont nous avons discuté tout à l’heure avec lui. À vous de décider.
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
Monsieur le ministre, j’ai écouté vos arguments. Je voudrais deux engagements avant de me prononcer sur le retrait, ou non, de l’amendement no 2445.
Notre objectif est d’aligner la location longue durée et la location courte durée. Or, puisque les sénateurs Les Républicains souhaitent conserver l’abattement de 50 % pour les meublés classés, nous proposons de passer également à 50 % l’abattement sur la location nue. Vous engagez-vous donc, si la commission mixte paritaire sur la proposition de loi, qui se tient lundi, s’accorde sur un abattement de 50 % pour les locations de meublés classés, à appliquer également ce taux aux locations nues, sachant que, si nous parvenons à convaincre les sénateurs de descendre jusqu’à 40 %, ce même taux de 40 % pourra être appliqué à la location nue ?
Le second engagement que nous vous demandons, c’est de conserver ces mesures après le recours au 49.3, dont nous savons tous qu’il aura lieu.
De vos réponses dépendra le maintien ou non de mon amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Annaïg Le Meur.
Mme Annaïg Le Meur
Notre objectif a toujours été d’encourager la location nue, par rapport à laquelle nous ne souhaitons pas que la location de courte durée bénéficie d’un avantage fiscal. Certes, il est compliqué, en l’absence de données chiffrées, de s’entendre sur le bon taux, mais l’essentiel est de ne pas privilégier la location de courte durée sur la location de longue durée – cela a toujours été le sens de nos propositions. Pourquoi pas, donc, un abattement de 40 %, si les avantages consentis à la location de courte durée n’excèdent ce taux en aucune façon ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
J’ai commencé par être défavorable à vos amendements et à en demander le retrait. Puis vous m’avez fait changer d’avis et j’ai donné un avis de sagesse sur l’amendement relevant le taux d’abattement de 30 à 40 % – pas de 40 à 50 %.
Mme Véronique Louwagie
Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
N’attendez donc pas de moi que je m’engage à approuver le passage de 30 à 50 % : c’est non !
Quand bien même la CMP sur votre proposition de loi aboutirait au maintien de l’abattement de 50 % sur les meublés classés, je ne m’engage pas à ce que ce taux s’applique également au microfoncier.
M. Inaki Echaniz
Ce n’était pas ça, la demande !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il est de notre responsabilité de demeurer raisonnables, et je maintiens donc mon avis de sagesse sur les amendements no 1910 et identiques, en demandant le retrait des autres.
M. Inaki Echaniz
Et le 49.3 ?
Mme la présidente
La parole est à Mme Annaïg Le Meur.
Mme Annaïg Le Meur
Je retire l’amendement no 1909 !
Mme la présidente
On me fait signe qu’il est repris. Je mets donc aux voix les amendements identiques nos 1909 et 2445.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 179
Nombre de suffrages exprimés 161
Majorité absolue 81
Pour l’adoption 110
Contre 51
(Les amendements identiques nos 1909 et 2445 sont adoptés ; en conséquence, les amendements nos 142, 1910 et 3358 tombent.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Cyrielle Chatelain applaudit également.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 2688, 1140, 2042, 2201 et 2829, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1140, 2042, 2201 et 2829 sont identiques.
La parole est à M. Lionel Causse, pour soutenir l’amendement no 2688.
M. Lionel Causse
Le dispositif Loc’Avantages prévoit une réduction d’impôt au profit des propriétaires qui mettent leur logement en location dans le cadre d’une convention conclue avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah), sous condition de plafond de loyer. Il s’applique jusqu’au 31 décembre 2024, mais la massification attendue ne s’est pas encore produite, probablement freinée par ses paramètres, trop complexes.
Il est donc proposé de prolonger le dispositif jusqu’au 31 décembre 2027 ; de le transformer en crédit d’impôt ; d’augmenter l’avantage fiscal au profit des propriétaires bailleurs les plus modestes ; d’ouvrir le bénéfice du dispositif aux propriétaires dont les revenus locatifs sont soumis au régime microfoncier ainsi qu’aux logements meublés, dont la part croît dans le parc des logements loués à titre de résidence principale ; d’appliquer au dispositif Loc’Avantages le plafonnement majoré des niches fiscales à 18 000 euros, contre 10 000 euros actuellement.
Par ailleurs, cet amendement modifie la servitude de mixité sociale, applicable aux communes faisant l’objet d’un arrêté de carence au titre de l’article 55 de la loi SRU et celle applicable aux communes exemptées de l’application de ce dispositif en raison de l’inconstructibilité de la majeure partie de leur territoire urbanisé.
Cette mesure vise à faire obstacle aux pratiques de contournement de certains propriétaires et promoteurs, qui recourent à Loc’Avantages dans le seul but de satisfaire la servitude, avec le projet de résilier leur engagement dès que possible, altérant ainsi le développement d’une offre sociale pérenne que doit permettre cette règle.
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Buchou, pour soutenir l’amendement no 1140.
M. Stéphane Buchou
Le logement est l’un des principaux sujets de préoccupation de nos concitoyens, comme nous nous en rendons compte chaque semaine dans nos circonscriptions. Fort nombreux sont les territoires en très grande tension et, dans un tel contexte, les dispositions de Loc’Avantages contribuent à améliorer l’offre de logements et l’accès à un toit pour les plus modestes d’entre nous. C’est donc un outil utile et nécessaire.
L’amendement que je vous propose vise à pérenniser le dispositif, censé s’éteindre le 31 décembre prochain. Il vise également à autoriser le recours au régime du microfoncier pour les bailleurs concernés et à passer d’une réduction d’impôt à un crédit d’impôt limité à 4 000 euros pour les propriétaires qui auraient recours à un organisme agréé. Enfin, il vise à inclure ce crédit d’impôt dans le plafonnement des déductions fiscales à 18 000 euros, contre 10 000 euros actuellement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour soutenir l’amendement no 2042.
Mme Cyrielle Chatelain
Cet amendement a pour objet de pérenniser le dispositif Loc’Avantages au bénéfice de l’intermédiation locative, qui est un élément structurant du plan « logement d’abord ».
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 2201.
Mme Sandrine Runel
Loc’Avantages, en vigueur depuis janvier 2022, est un dispositif fiscal qui permet aux propriétaires bailleurs privés ayant conclu une convention avec l’Agence nationale de l’habitat d’obtenir une réduction d’impôt. En contrepartie, ils doivent louer leur logement pendant la durée du conventionnement pour un prix abordable, à des personnes dont les ressources ne dépassent pas les plafonds définis par l’Anah.
Instauré pour deux ans par la loi de finances pour 2022, Loc’Avantages doit prendre fin au 31 décembre 2024, et aucune prorogation n’est pour l’instant prévue. Or la fin de ce dispositif constituerait un frein important à la mobilisation du parc privé à des fins sociales et très sociales. Nous proposons de pérenniser le dispositif et de le renforcer, en autorisant notamment le recours au régime microfoncier pour les bailleurs qui conventionnent leur logement et en passant d’une réduction d’impôt à un crédit d’impôt afin que Loc’Avantages reste attractif pour les bailleurs non ou faiblement imposables.
Mme la présidente
La parole est à M. David Taupiac, pour soutenir l’amendement no 2829.
M. David Taupiac
Cet amendement vise donc à renforcer et à pérenniser le dispositif Loc’Avantages qui a pour vocation d’inciter les bailleurs privés à louer solidairement des logements dans le cadre de l’intermédiation locative. La fin du dispositif, le 31 décembre, serait un frein important à la mobilisation du parc privé à des fins sociales et très sociales.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ces amendements sont certes sympathiques (Sourires) mais permettez-moi de vous donner quelques chiffres. En 2024, 1 825 ménages ont bénéficié de Loc’Avantages, pour un coût estimé à 5 millions d’euros. Ces résultats très modestes s’expliquent par la complexité d’un système où la réduction d’impôt obéit à un taux qui varie de 0 à 65 %, en fonction de la réduction du loyer par rapport à un loyer plafond – vous me suivez ? Il ne faut donc pas s’étonner que ça ne fonctionne pas.
Ces amendements n’ont pas été examinés en commission et, aussi sympathiques soient-ils, ils concernent un dispositif qui n’a pas démontré son succès. Je donnerai donc, à titre personnel, un avis négatif, car l’expérience a montré que ce n’était pas la bonne voie.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je partage l’avis du rapporteur. De façon générale, je suis très circonspect sur les transformations de réduction d’impôt en crédit d’impôt, car c’est toujours – a fortiori dans le contexte actuel de nos finances publiques – extrêmement compliqué à piloter.
Mme la présidente
La parole est à M. Lionel Causse.
M. Lionel Causse
Monsieur le rapporteur, Loc’Avantages n’est utilisé que par 1 800 familles mais 1 800 familles modestes. Nous avons besoin de loger de nombreux Françaises et Français, notamment parmi ceux qui sont le plus en difficulté. Pour une fois que nous avons un système – relativement récent puisqu’il n’a que quelques années – qui permet d’impliquer des bailleurs privés afin de trouver le moyen de proposer à la location des appartements à bas loyer, il me semble que nous devrions nous donner une chance de l’améliorer et de lui donner de l’ampleur.
C’est précisément l’objet de ces amendements, qui permettront, avec un peu plus de temps et des conditions plus attractives, d’atteindre notre objectif. Loger 1 800 familles c’est mieux qu’en loger zéro et, si demain on double, triple ou quadruple ce chiffre, ce seront autant de familles qui ne seront peut-être plus à la rue.
M. Stéphane Buchou
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel.
Mme Sandrine Runel
Monsieur le rapporteur, 2 043 enfants et leurs familles sont à la rue. Alors, si Loc’Avantages peut loger 1 825 ménages, c’est toujours ça de pris, parce que c’est toujours mieux que la rue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. François Ruffin applaudit également.) Le droit au logement, ce n’est pas « sympathique », c’est fondamental ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2688.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 95
Nombre de suffrages exprimés 92
Majorité absolue 47
Pour l’adoption 50
Contre 42
(L’amendement no 2688 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 1140, 2042, 2201 et 2829 tombent.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
L’amendement no 2399 de M. Aurélien Le Coq est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’amendement a pour objet de basculer la location meublée du régime BIC au régime microfoncier. Je n’y suis pas favorable et la commission non plus. Je suis davantage favorable à ce que ces deux régimes convergent, comme le propose le Gouvernement à l’article 24. Cela me semble être la bonne voie.
(L’amendement no 2399, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy, pour soutenir l’amendement no 3311.
M. Paul Midy
L’amendement vise à soutenir l’innovation sociale et écologique développée par les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS). Souvent, ils ne remplissent pas les critères pour bénéficier des dispositifs d’aide, alors même qu’il faut les aider. Ils représentent un modèle à soutenir, notamment les Esus, entreprises solidaires d’utilité sociale, ou les sociétés commerciales de l’ESS.
L’amendement créé une nouvelle catégorie de JEI, jeune entreprise innovante, qui combinerait le statut de JEI à celui d’Esus ou de société commerciale de l’ESS : la jeune entreprise innovante à impact. Cela permettrait d’étendre le bénéfice lié au statut de JEI.
Cet amendement, issu de mon rapport sur l’ESS, répond au souhait d’inscrire l’ESS dans le droit commun et de soutenir en particulier l’innovation sociale. Il a été travaillé, cosigné ou soutenu par plusieurs collègues des groupes socialiste et écologiste. Il est financé par d’autres amendements, votés en commission avant le rejet du texte, qui visent à limiter certaines niches fiscales. J’invite tous ceux qui pensent que l’ESS et l’innovation sociale sont importantes à le soutenir.
Mme la présidente
Je considère que l’amendement no 3321 a été défendu. Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La loi de finances pour 2024 a déjà fortement assoupli le régime s’appliquant aux jeunes entreprises, notamment en rehaussant les plafonds de l’IR-PME jusqu’à 50 000 euros et le taux de réduction d’impôt à 50 % pour les versements réalisés dans les JEI. Ce sont des taux très élevés et l’adoption d’un tel amendement serait contradictoire avec celle de l’article 3, qui tend à éviter que les plus hauts revenus puissent être imposés, grâce à divers avantages, à moins de 20 % de leur revenu fiscal de référence… Par ailleurs, ces mesures ont coûté 200 millions d’euros : compte tenu de la situation des finances publiques, commençons par les évaluer, avant de les renforcer. À titre personnel, avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis. Le statut d’Esus n’a pas été introduit pour devenir un statut fiscal, tel le JEI, mais pour devenir un statut d’entreprise ouvrant le droit à des financements ou des fléchages d’épargne – ce qui a permis à un certain nombre d’entreprises d’accélérer le développement de leur activité. Je ne suis pas favorable à ce qu’il devienne un statut fiscal.
Il faut veiller aussi à ne pas réduire le caractère innovant de ces entreprises en abaissant à 5 % le taux de dépenses de recherche requis pour être éligible au statut de jeune entreprise d’innovation à impact.
Mme la présidente
Sur l’amendement no 3028, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
Il n’y a pas d’abaissement du seuil, nous nous alignons sur les critères des jeunes entreprises d’innovation et de croissance (JEIC). Bien sûr, les entreprises devront aussi répondre aux contraintes attachées au statut d’Esus ou de société commerciale de l’ESS.
(L’amendement no 3311 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 3321 tombe.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain, pour soutenir l’amendement no 3028.
Mme Marie-Pierre Rixain
L’impôt, au-delà de son caractère technique, implique des choix de société qui peuvent équilibrer, déséquilibrer ou rééquilibrer les relations économiques entre les femmes et les hommes. À la suite d’un divorce, le niveau de vie des femmes baisse en moyenne de 22 %, contre 3 % pour les hommes. Des outils existent afin de rééquilibrer ces inégalités économiques.
L’amendement vise à revoir le traitement fiscal de la prestation compensatoire versée sur une période supérieure à douze mois, pour qu’elle demeure ce qu’elle est – un capital, une indemnité due dans le but de réparer un déséquilibre économique –, et non un revenu complémentaire pour le ou la bénéficiaire.
Nous proposons ainsi que, lorsque le capital est libéré en numéraire sur une période supérieure à douze mois – une facilité de paiement accordée au débiteur –, les versements ne soient plus déductibles pour le débiteur et imposables pour la bénéficiaire, cette dernière perdant une partie de facto une partie de la somme prévue pour compenser, précisément, une inégalité économique.
Cette possibilité peut constituer d’ailleurs un levier de violence économique. Nous savons que des ex-conjoints choisissent délibérément cette option pour pénaliser deux fois leur ex-conjointe : en plus de souffrir d’un paiement différé et étalé du capital dû, la bénéficiaire verra cette somme taxée, alors qu’elle ne l’aurait pas été si elle avait été versée en moins de douze mois.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Nous avons eu ce débat x fois en commission des finances. La commission est défavorable à cet amendement parce que la prestation compensatoire peut être versée sous forme de capital ou de rente.
Mme Marie-Pierre Rixain et M. David Amiel
Non !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Si, c’est l’équivalent d’une rente. On peut parler d’étalement dans le temps, si vous voulez être précis.
M. David Amiel
C’est important de l’être !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Cet étalement peut durer, juridiquement, des dizaines d’années.
Mme Marie-Pierre Rixain
Sept ans !
M. David Amiel
Ce n’est pas pareil !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Lorsque le versement de la prestation est échelonné – sur sept ans maximum – l’époux débiteur peut le déduire de son revenu global, dans la limite de 6 500 euros ; logiquement, l’époux bénéficiaire est imposé sur cette somme, puisqu’elle répond à la définition d’un revenu – versé régulièrement.
Mme Marie-Pierre Rixain
Cela conduit à une perte de capital !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Il ne serait pas logique de considérer que la prestation compensatoire ne puisse être déduite pour la personne qui la verse et qu’elle puisse l’être intégralement pour la personne qui la reçoit.
Le dispositif actuel permet aussi à l’époux débiteur qui verse la prestation sous forme de capital dans un délai de douze mois d’obtenir une réduction d’impôt de 25 %, plafonnée. Je vous propose de conserver ce dispositif, qui est cohérent, sauf à vouloir sanctionner la personne qui verse la prestation compensatoire – il s’agit certes souvent d’un homme, mais ce peut être une femme.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Malgré son intérêt, cet amendement pourrait être inconstitutionnel car contraire au principe qui veut que chaque contribuable soit appelé à payer selon sa capacité contributive. Je vous mets donc en garde contre un risque de rupture d’égalité devant l’impôt, tout en me tenant à votre disposition pour travailler sur ces sujets. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Pierre Rixain.
Mme Marie-Pierre Rixain
Monsieur le rapporteur, il s’agit bien d’un capital, défini dès le départ pour réparer des inégalités économiques. En 2000, le législateur a octroyé à l’époux débiteur une facilité de paiement, afin qu’il puisse verser dans son intégralité la prestation compensatoire – qui demeure dans ce cas un capital, non un revenu supplémentaire. Il est totalement inique que, selon les modalités de versement, l’époux bénéficiaire se voie ou non imposé.
M. David Amiel
Il faut de la neutralité fiscale !
Mme Marie-Pierre Rixain
Je rappelle que le choix est laissé à l’époux débiteur et qu’en fonction de sa décision, la prestation – qui n’est pas une rente, mais un capital – sera fiscalisée. Le législateur était certes de bonne foi en 2000, mais notre expérience confirme que cette possibilité engendre des inégalités économiques, le plus souvent au détriment des femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Éric Bothorel
Elle a raison, c’est très clair !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 3028.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 105
Nombre de suffrages exprimés 105
Majorité absolue 53
Pour l’adoption 66
Contre 39
(L’amendement no 3028 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 770, 2045 et 2605, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir l’amendement no 770.
M. Philippe Brun
Cet amendement, qui nous paraît essentiel, propose de défiscaliser la pension alimentaire au bénéfice du parent qui la reçoit. Nous défendons cette mesure depuis plusieurs années. Déjà en 2022, à l’initiative d’Aude Luquet, nous avions discuté et adopté, à la quasi-unanimité, une proposition de loi visant à défiscaliser les pensions alimentaires – elle dort depuis dans les caves du Sénat. Nous proposons de reprendre ses dispositions dans ce projet de loi de finances.
La pension alimentaire, contribution à l’entretien de l’enfant, n’est pas un revenu. Elle est censée couvrir des dépenses et résulte d’une décision de justice fixant un montant qui ne saurait faire l’objet de déductions et de réductions par l’application d’un barème des impôts.
La défiscalisation des pensions alimentaires contribuerait à la baisse de la précarité parmi les familles monoparentales ; 40 % des enfants, au sein de ces familles, vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Cela permettrait également de faire œuvre de justice, car il est inacceptable de payer des impôts sur des frais résultant d’une décision de justice et qui doivent contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Nous espérons que l’amendement sera largement adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour soutenir l’amendement no 2045.
Mme Cyrielle Chatelain
Aujourd’hui, en France, un foyer sur quatre ne compte qu’un seul parent : dans 82 % des cas, ce sont des mères seules, avec leurs enfants, le plus souvent à la suite d’un divorce ou d’une séparation. Aujourd’hui, ces mères assument les principales charges liées aux enfants : la charge affective, la charge mentale, la charge pratique et la charge financière. Le montant moyen de la pension alimentaire que reçoivent ces mères est de 190 euros par mois et par enfant, alors que leurs dépenses mensuelles s’élèvent en moyenne à 750 euros par enfant. Leur investissement important n’est pas seulement affectif, il est aussi financier.
Aujourd’hui, les mères paient des impôts sur ces 190 euros qui leur sont versés, alors que c’est une somme normalement due par un père pour s’occuper de son enfant et contribuer aux charges de son éducation. La défiscalisation de la pension alimentaire contribuerait à soutenir ces mères seules avec leurs enfants qui, dans 32 % des cas, vivent sous le seuil de pauvreté. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Danielle Simonnet
C’est un amendement essentiel !
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir l’amendement no 2605.
M. Philippe Brun
Cet amendement de repli tend à fixer un plafond à la défiscalisation. Il s’agit de ne pas créer une niche fiscale pour des foyers percevant des pensions alimentaires très élevées.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Actuellement, le parent qui verse la pension alimentaire peut la déduire de ses revenus, dans la limite de 6 500 euros par an – un peu plus de 500 euros par mois. Pour le parent qui la perçoit, la pension alimentaire constitue un revenu régulier : elle est donc imposable. Le montant moyen de la pension alimentaire se situe entre 180 et 200 euros par enfant – il est en général fixé en fonction des revenus du père, plus rarement de ceux de la mère.
Cette situation est-elle inéquitable ? L’amendement no 770 prévoit que le parent qui verse la pension ne pourra déduire que la moitié de son montant, ce qui est un peu bizarre. Il vise également à exclure le montant de la pension du calcul de l’impôt sur le revenu de la personne qui la perçoit.
L’adoption de cet amendement créerait une rupture d’égalité avec les personnes qui ont eu des enfants seules ou avec les personnes qui élèvent leurs enfants alors qu’elles sont veuves – elles ne reçoivent pas une telle pension. Le traitement que vous proposez n’est donc pas cohérent. La commission s’est déclarée défavorable à votre amendement et, à titre personnel, je le suis également.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je partage l’avis du rapporteur général : cet amendement introduit un risque de rupture d’égalité.
Mme Danielle Simonnet
Au contraire, nous recherchons l’égalité réelle !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
La pension constitue un revenu à déclarer, mais celui qui la reçoit bénéficie du quotient familial et se voit attribuer des demi-parts en fonction du nombre d’enfants – je rappelle qu’une demi-part est attribuée aux parents isolés dès le premier enfant. De son côté, la personne qui la verse peut en déduire le montant de ses revenus. C’est ainsi que le système fonctionne.
Si la pension devait être défiscalisée, il faudrait organiser entre les parents le partage des demi-parts, ce qui me paraît compliqué. J’admets que les situations ne sont pas identiques entre les deux parents, mais le quotient familial est là pour atténuer ces disparités.
Mme la présidente
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.
Mme Cyrielle Chatelain
Je pense, pour ma part, que ce système est profondément inégalitaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Il repose sur l’idée que c’est aux femmes, toujours aux femmes, de s’occuper de leurs enfants et de s’en occuper seules.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cela n’a aucun rapport !
Mme Cyrielle Chatelain
Il repose sur l’idée qu’un père qui verse un peu d’argent à la femme qui s’occupe de ses enfants peut défiscaliser cette somme. C’est absolument injuste !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je ne vois toujours pas le rapport.
Mme Cyrielle Chatelain
Comme on l’a dit, la charge d’un enfant est estimée à 750 euros par mois et le montant moyen de la pension alimentaire atteint 190 euros. En d’autres termes, une mère séparée prélève chaque mois 560 euros de son budget pour s’occuper de son enfant. Elle tire cette somme de son revenu, sans possibilité de défiscalisation.
Qu’une mère assume seule cette charge me semble très injuste et nous devons corriger cette situation.
M. Thibault Bazin
Elle se trompe de sujet ! Ça n’a rien à voir avec l’amendement !
Mme Cyrielle Chatelain
Vous nous parlez de défiscalisation, mais que dire de toutes ces femmes qui vivent sous le seuil de pauvreté ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
La pension n’est pas liée au sexe !
Mme Cyrielle Chatelain
Bien sûr que si, et mon propos est cohérent avec l’amendement que je défends. Il pose la question de l’égalité de traitement, de la reconnaissance du travail de ces femmes, de leur charge. Demandez-leur qui prend rendez-vous chez le médecin, qui achète les habits, qui remplit les cartables de crayons, de feutres et de feuilles ! Aujourd’hui, ce sont ces mères célibataires, seules avec leurs enfants ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
Si vous voulez faire un geste en faveur de l’égalité, acceptez cet amendement. Beaucoup de ces femmes ne paient même pas l’impôt sur le revenu !
M. Thibault Bazin
Elle raconte n’importe quoi !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ça n’a rien à voir !
Mme Cyrielle Chatelain
Au contraire, ça a tout à voir ! Si vous voulez contribuer à l’égalité entre les hommes et les femmes, votez cet amendement ! Il faut accepter de corriger ce qui doit l’être, même lorsque cela perturbe vos habitudes. (Mêmes mouvements.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre
C’est navrant de démagogie.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Je comprends la motivation de cet amendement, mais l’impôt sur le revenu est très bien conçu, puisqu’il est par définition progressif. Vous avez raison, beaucoup de femmes vivent sous le seuil de pauvreté, raison pour laquelle elles ne paient pas d’impôt sur le revenu. Cette contribution ne les concerne pas.
En revanche, pourquoi ne pas assujettir à l’impôt la pension alimentaire perçue par une femme dont les revenus sont importants ? C’est bien votre demande qui est injuste !
Ce que vous ne voulez pas voir, c’est que la grande progressivité de l’impôt sur le revenu permet d’éviter que ne surviennent des cas tels que ceux que vous évoquez.
Mme Cyrielle Chatelain
Encore un homme pour nous expliquer comment ça marche ! (Exclamations sur les bancs des groupes RN, EPR, DR, HOR et UDR.)
M. Thibault Bazin
Buvez un peu de tisane madame !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Madame Chatelain, je ne nie pas du tout la véracité de vos propos et il est nécessaire de mener le combat contre les inégalités que vous pointez. Je me permets seulement de répondre à votre amendement, qui vise à introduire une mesure fiscale sans lien avec le sexe, le genre, le statut de père ou celui de mère.
Mme Danielle Simonnet
Si, ce sont les femmes qui subissent ces inégalités !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Peut-on éviter de mélanger des faits de société, des faits statistiques, à des problèmes de fiscalité ? En l’occurrence, ce problème se pose autant lorsque la pension est versée par un homme que lorsqu’elle l’est par une femme !
Mme Danielle Simonnet
Mais justement, ce sont en grande majorité les hommes qui versent des pensions alimentaires !
M. Peio Dufau
Ces problèmes sont liés !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Non, ils ne le sont pas ! Modifier le régime fiscal pour que les pensions soient défiscalisées – en contrepartie de la non-prise en compte de la demi-part fiscale –, pourquoi pas, nous pouvons en débattre. Cette modification s’appliquerait aussi bien aux hommes qu’aux femmes qui versent une pension alimentaire – quel que soit le genre, le mécanisme reste le même.
Votre propos laisse accroire que le régime fiscal aggrave les inégalités entre hommes et femmes quand il s’agit de prendre les enfants à sa charge.
Mme Danielle Simonnet
Oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je ne suis pas d’accord avec votre analyse. La familialisation de l’imposition, avec l’attribution d’une demi-part, impose de déclarer la pension. On peut être contre ce principe, mais il est faux de dire qu’il est lié aux inégalités entre femmes et hommes.
Mme Cyrielle Chatelain
En somme, vous dites aux pères qu’ils ne devraient pas donner l’argent qu’ils doivent !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Sachez que les pensions alimentaires peuvent être très élevées.
Mme Elsa Faucillon
Eh oui, les enfants coûtent cher !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Trouveriez-vous normal qu’une pension alimentaire mensuelle de 3 000 euros ne soit pas fiscalisée ? Votre amendement ne prévoit aucun plafond, alors qu’il arrive que des divorces débouchent sur le versement de pensions supérieures à 3 000 euros par mois ! (Mme Cyrielle Chatelain s’exclame.)
Madame Chatelain, pouvez-vous m’écouter deux minutes ?
Mme Cyrielle Chatelain
C’est difficile !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Tel qu’il est rédigé, votre amendement ne prévoit pas de plafond.
M. Philippe Brun
L’amendement no 2605 prévoit une limite de 12 000 euros par an.
M. Charles de Courson, rapporteur général
En réalité, votre amendement est conçu pour les foyers très aisés car les gens modestes ne sont pas imposables. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme Cyrielle Chatelain
Mon amendement est plafonné, monsieur le rapporteur !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Deuxième remarque : le parent qui verse la pension peut la déduire du montant de ses revenus, dans la limite de 6 500 euros par an. Même ceux qui doivent verser 3 000 euros par mois – et ils existent – ne pourront déduire de leurs revenus que 500 euros par mois. Je suis donc contre ces amendements.
Mme Sabrina Sebaihi
Vous n’aimez pas les enfants ! (Sourires.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 770.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 96
Majorité absolue 49
Pour l’adoption 50
Contre 46
(L’amendement no 770 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 2045 et 2605 tombent.)
(Les députés des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR se lèvent et applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je demande une interruption de séance, afin de réunir les présidents de groupes pour discuter de la manière de faire progresser nos débats. Nous examinons seulement dix amendements par heure depuis hier et je vois mal comment nous pourrons traiter l’ensemble dans les délais qui nous sont impartis.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
D’un commun accord, nous avons décidé avec les présidents de groupe qu’il n’y aurait plus, sur chaque amendement, qu’une intervention pour, et une contre, chacune d’une minute maximum. Certains groupes se sont même engagés à se contenter de dire si leurs amendements étaient ou non défendus.
L’amendement no 3659 du Gouvernement est défendu.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Avis défavorable.
(L’amendement no 3659 est adopté.)
Mme la présidente
Sur les amendements identiques nos 1536, 2095 et 3503, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sophie Errante, pour soutenir l’amendement no 1536.
Mme Sophie Errante
Cet amendement vise à modifier le second alinéa du III de l’article 80 quaterdecies du code général des impôts.
Quand des salariés se regroupent pour détenir collectivement des actions de leur entreprise, ils sont immédiatement taxés, alors qu’aucun gain réel, aucune liquidité, n’a été perçu. Il est assez contre-intuitif, et totalement incohérent avec la philosophie de l’impôt, de demander à des salariés de payer des impôts, alors qu’ils n’ont encore rien gagné. Ce blocage fiscal est un frein direct à l’élargissement de l’actionnariat salarié, qui est pourtant une nouvelle forme de participation des salariés au développement économique de leur entreprise.
Nous voulons encourager l’actionnariat salarié, car il n’est pas qu’un outil, mais un levier de motivation, de cohésion et de redistribution des richesses au sein de l’entreprise.
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 2095.
M. Mathieu Lefèvre
Comme notre collègue l’a très bien expliqué, il s’agit de favoriser le déploiement de l’actionnariat salarié en étendant la mesure de sursis existant en cas d’attribution gratuite d’actions à l’ensemble des salariés aux situations dans lesquelles l’attribution d’actions ne concerne que 25 % d’entre eux – un nouveau cas introduit par l’accord national interprofessionnel (ANI). Concrètement, cela signifie que l’apport des titres par les bénéficiaires à la société de salariés qu’ils auront constituée ne serait plus considéré comme un fait générateur d’imposition.
Mme la présidente
La parole est à Mme Violette Spillebout, pour soutenir l’amendement no 3503.
Mme Violette Spillebout
À Lille et dans le Nord, il y a une grande tradition d’entreprenariat social. Celui-ci a toujours été très attentif au partage de la valeur et à l’actionnariat salarié. Malheureusement, si l’actionnariat salarié est très développé dans les entreprises cotées – 84 % –, sa part reste très faible dans les PME – elle n’est passée que de 4 à 9 % depuis 2015.
Avec cet amendement, notre collègue Olivia Grégoire propose que lorsqu’au moins 25 % des salariés se regroupent pour bénéficier d’actions gratuites, ils ne soient pas immédiatement imposés. Il s’agit, à un moment où beaucoup déplorent une perte de sens, de favoriser l’engagement des salariés dans le projet de leur entreprise.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ces amendements sont sympathiques…
M. Thierry Benoit
Ça commence mal !
M. Charles de Courson, rapporteur général
…puisqu’ils visent à étendre le mécanisme du sursis d’imposition du produit des actions gratuites réinvesties dans le cadre d’une restructuration aux actions obtenues dans le cadre d’une attribution intermédiaire, ne concernant qu’une partie des salariés de l’entreprise, alors qu’il se limite aujourd’hui aux actions gratuites obtenues dans le cadre d’une attribution à l’ensemble du personnel.
Le risque, c’est que cet outil, qui présente un avantage fiscal, soit utilisé en contrepartie d’une non-rémunération, autrement dit qu’il se substitue au salaire. Il y a un vrai danger de contournement. Si cela ne concerne par exemple que les cadres très supérieurs, ce peut être un problème. Je suis sensible à la question que vous posez mais, à titre personnel, je suis défavorable à ces amendements qui, du reste, n’ont pas été examinés par la commission.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même si je suis très favorable à l’actionnariat salarié, qui s’est beaucoup développé au cours des dernières années, notamment grâce à la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises – loi Pacte – et à des assouplissements votés l’année dernière, j’émettrai moi aussi un avis défavorable sur ces amendements car le risque de contournement qu’a noté le rapporteur général me paraît bien réel. Sur la question des actions gratuites, il est essentiel de trouver le bon dosage.
Mme la présidente
La parole est à Mme Olivia Grégoire.
Mme Olivia Grégoire
Il me semble que vous prenez le sujet à l’envers. Nombre de très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) n’ont pas les moyens d’aligner leurs salaires sur ceux des entreprises de taille intermédiaire ou des entreprises technologiques.
M. Nicolas Sansu
Et alors ?
Mme Olivia Grégoire
Le levier de l’action gratuite, même s’il déplaît à certains, est essentiel pour attirer et garder des talents dans les toutes petites entreprises, lorsqu’elles ne peuvent pas s’aligner sur le plan du salaire. J’entends qu’il puisse y avoir un risque, mais je maintiens qu’il est important d’encourager ce type de partage de la valeur. On parle souvent ici, et c’est heureux, de justice sociale. Or le niveau de l’actionnariat salarié dans les TPE et les PME est incomparable avec celui des grands groupes. L’écart entre les deux est dramatique.
Mme Sabrina Sebaihi
Ce qui compte, ce sont les écarts nets de salaire !
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1536, 2095 et 3503.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 101
Nombre de suffrages exprimés 100
Majorité absolue 51
Pour l’adoption 65
Contre 35
(Les amendements identiques nos 1536, 2095 et 3503 sont adoptés.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 838, je suis saisie par le groupe du groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour le soutenir.
M. Jean-Philippe Tanguy
Je propose de supprimer la niche fiscale dont je bénéficie, à titre personnel, en tant que conseiller régional. À l’origine, cette niche était censée compenser le fait que les petites communes ne prennent pas en charge les frais de leurs élus, mais elle concerne en réalité tous les élus locaux. Dans la mesure où la plupart des frais des conseillers régionaux sont pris en charge, cet avantage fiscal n’a pas lieu d’être pour eux.
Cette année, nous sommes censés faire la chasse aux mauvaises niches fiscales. Or je constate qu’en commission, nous n’en avons à peu près supprimé aucune. Sommes-nous enfin prêts à faire le ménage, ou bien allons-nous encore trouver une excuse pour prolonger des niches fiscales dont plus personne ne veut ? Sur un sujet aussi symbolique, allons-nous enfin introduire une rupture cette année ? Ou bien allons-nous continuer à nous octroyer des avantages que les Français ne comprennent plus et dont ils ne veulent plus ? La position du Rassemblement national est claire : nous sommes favorables aux avantages fiscaux mérités, mais il faut en finir avec les avantages fiscaux indus. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a rejeté cet amendement, parce qu’il ne concerne que les élus régionaux. Si nous prenions une disposition, il faudrait qu’elle concerne tous les élus locaux, c’est-à-dire également les élus communaux, intercommunaux et départementaux.
M. Emeric Salmon
Non !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ce que vise notre collègue, c’est l’abattement de 17 %, plafonné à 695 euros, dont bénéficient, sur leur indemnité, les conseillers régionaux, les conseillers départementaux et les conseillers municipaux des communes de plus de 3 500 habitants. Je répète qu’il faudrait réfléchir à une réforme d’ensemble et pas se focaliser sur les conseillers régionaux.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cette disposition de notre droit fiscal concerne l’ensemble des élus locaux mais vise en particulier les élus des petites communes et votre amendement risque, à mon sens, d’introduire une rupture d’égalité. Votre amendement, en l’état, toucherait tout le monde, y compris les élus des petites communes. Je vous invite donc à le retirer.
M. Emeric Salmon
Il n’y a pas de rupture d’égalité, puisqu’ils ne touchent pas les mêmes indemnités !
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Chenu.
M. Sébastien Chenu
Je ne comprends pas pourquoi vous parlez de rupture d’égalité. Cet amendement vise précisément le mandat de conseiller régional, et pas les autres. On pourrait très bien commencer par revenir sur cette niche fiscale pour les conseillers régionaux.
Nous serions bien inspirés, à titre de symbole, de suggérer aux élus régionaux de faire preuve de volontarisme en matière de sobriété. Et si nous voulions un jour aller plus loin, j’aimerais, à titre personnel, que nous examinions le coût et l’utilité de la région et des mandats de conseillers régionaux. (« Ah oui ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 838.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 97
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l’adoption 53
Contre 42
(L’amendement no 838 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Jolivet, pour soutenir l’amendement no 3205.
M. François Jolivet
Volontairement provocateur, il vise à fiscaliser la prime d’activité, cette prestation sociale non imposable qui représente une dépense de près de 11 milliards d’euros par an. Les rapports des inspections générales se succèdent pour souligner qu’elle est très difficile à gérer. La Cour des comptes le suggère également, alors que cette prestation fait l’objet du plus grand nombre d’indus.
Elle se trouve en outre détournée de son objectif. Ses allocataires sont en effet de plusieurs sortes. Il peut s’agir de salariés qui ne sont pas assez payés par leur employeur. Pourquoi reviendrait-il à l’État, en période de plein emploi, de leur verser un complément de rémunération ?
Il y a aussi des agents publics, employés à mi-temps, dont les ressources sont insuffisantes et qui obtiennent une rémunération complémentaire en fonction de leur situation familiale ; y compris lorsqu’ils sont en arrêt maladie – on peut d’ailleurs s’étonner que les collectivités territoriales, l’État ou les établissements publics de santé se reposent sur la prime d’activité pour pallier leur défaut de prévoyance.
D’autres salariés, encore plus malins, vont jusqu’à adapter leur mode de vie à la prime d’activité : ils négocient avec leur employeur une rémunération et calculent en fonction de cette dernière le montant de la prime qu’ils toucheront – 80, 200, 400, jusqu’à 685 euros –, jusqu’à profiter d’un reste à vivre supérieur à celui d’un travailleur à temps plein. C’est la raison pour laquelle… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)
Mme la présidente
Je suis navrée, ce n’est pas très agréable.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a voté contre cet amendement.
M. François Jolivet
Non, car je l’ai retiré en commission !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Vous l’avez retiré car vous saviez que la commission s’apprêtait à voter contre.
Premièrement, la prime d’activité est versée selon un critère de revenu, fixé à 1,6 Smic par foyer. Or un couple, même sans enfant, qui touche 1,6 Smic, n’est pas imposable. Ainsi la portée de l’amendement est-elle très limitée. Deuxièmement, l’ensemble des prestations sociales sont comptabilisées dans le revenu fiscal de référence (RFR) qui est utilisé pour déterminer le montant des aides versées, dont celui de la prime d’activité. Votre proposition ne paraît pas raisonnable, elle est vide de sens. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Les personnes qui touchent la prime d’activité concernées par cet amendement provocateur, ainsi que vous l’avez qualifié, sont souvent non imposables ; elles n’acquittent pas l’impôt sur le revenu (IR). Je comprends l’intention, mais cette prestation sociale a d’abord été conçue comme une incitation au retour à l’emploi. Je saluerai toujours ceux qui, dans cet hémicycle, recherche le rendement mais, en l’occurrence, défiscaliser la prime d’activité n’en offrirait aucun. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. François Jolivet.
M. François Jolivet
Je ne craignais pas que mon amendement soit rejeté en commission, monsieur le rapporteur général. Je peux tout aussi bien gagner, comme il vous arrive de perdre !
M. Charles de Courson, rapporteur général
C’est sûr !
M. François Jolivet
J’appelle l’attention de l’Assemblée : la prime d’activité représente un budget de 10 milliards d’euros, qui est à 70 % détourné de son usage, comme le soulignent la Cour des comptes et tous les rapports des inspections générales. Il est anormal que la puissance publique verse des compléments de rémunération, alors que cela devrait être le rôle des employeurs, quels qu’ils soient, et quelles que soient les situations des personnes concernées. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Mathieu Lefèvre applaudit également.) Si la France devait verser de tels compléments à tout le monde, il ne fait aucun doute que son budget dévissera.
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Le débat est essentiel et ne doit pas être balayé d’un revers de main. Près de 14 milliards d’euros pourraient en effet être versés par les entreprises elles-mêmes. L’argent public ne sera jamais suffisant pour que les bas salaires comblent l’écart qui les sépare de ceux existant chez nos voisins européens. Pour les mêmes raisons, nous nous opposerons à l’augmentation des charges sociales lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), afin de ne pas renchérir le coût du travail. Quitte à supprimer la prime d’activité, peut-être vaut-il mieux exonérer les employeurs de charges au niveau du Smic.
Mme la présidente
La parole est à M. Kévin Mauvieux.
M. Kévin Mauvieux
Notre collègue Jolivet est souvent perspicace. Il est indéniable que la prime d’activité engendre des effets d’aubaine, dans le secteur public comme dans le secteur privé, et qu’elle représente un coût considérable. Pourquoi, cependant, lorsque nous sommes confrontés à un problème, devrions-nous d’abord taper sur la personne qui perçoit la prestation, d’autant plus lorsqu’elle a le courage de travailler, pour un faible revenu, sans qu’elle soit responsable de cette situation ? Au lieu de s’en prendre à la prime d’activité du salarié, demandons-nous pourquoi l’État impose autant les entreprises pour ensuite verser aux salariés un complément de revenus sous forme de prestation sociale, laquelle permet aux entreprises de continuer à proposer de faibles salaires. Nous sommes pris dans un cercle vicieux. Un jour, il faudra bien remettre en cause la prime d’activité, parce que son coût est faramineux, mais pas au détriment des travailleurs courageux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
(L’amendement no 3205 est retiré.)
Mme la présidente
Je suis saisie de cinq amendements, nos 754, 1316, 1776, 2726 et 3225, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 754, 1316, 1776 et 2726 sont identiques.
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l’amendement no 754.
Mme Danielle Brulebois
La loi d’orientation des mobilités a instauré le forfait mobilités durables, qui permet à l’employeur de prendre en charge tout ou partie des frais – exonérés de cotisations sociales – engagés par ses salariés se déplaçant au moyen de mobilités douces jusqu’à leur lieu de travail. Cependant, la location de véhicules propres est aujourd’hui exclue du dispositif, alors qu’elle constitue une solution alternative à l’achat d’un véhicule et contribue largement à la réduction de la pollution liée aux transports terrestres. Par cet amendement, afin d’atteindre les objectifs ambitieux de planification écologique et de respecter les trajectoires établies par les feuilles de route de décarbonation, nous proposons que le forfait mobilités durables prenne également en charge les services de location de véhicules propres.
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Thiébaut, pour soutenir l’amendement no 1316.
M. Vincent Thiébaut
Pour compléter le propos de Mme Brulebois, l’amendement vise également à permettre aux salariés vivant dans des territoires dépourvus de transports publics ou de pistes cyclables et travaillant loin de leur domicile – certains ouvriers des usines de ma circonscription font souvent 50 ou 60 kilomètres, sinon plus – de contribuer à la décarbonation, tout en profitant, si l’entreprise est d’accord, du leasing d’un véhicule propre, notamment électrique, à faible émission. Cela permettra aussi de doper le marché des véhicules hybrides ou électriques.
Mme la présidente
L’amendement no 1776 de Mme Félicie Gérard est défendu.
La parole est à Mme Violette Spillebout, pour soutenir l’amendement no 2726.
Mme Violette Spillebout
Je suis élue à Lille, une métropole européenne qui a beaucoup de mal à faire changer les usages en la matière. On s’écharpait la semaine dernière sur la zone à faibles émissions (ZFE), dont le périmètre s’est considérablement réduit. La maison des mobilités durables ouverte dans la ville est très peu fréquentée. Un soutien est apporté au plan de mobilité employeur, qui est obligatoire dans certaines entreprises, mais rares sont celles qui l’instaurent. Ajouter, par le présent amendement, les services de location de véhicules propres au forfait mobilités durables ne représenterait pas un coût supplémentaire direct pour l’État mais constituerait un encouragement, à la discrétion des employeurs, à la mobilité propre. Rappelons qu’aujourd’hui, en France, 12 % des immatriculations concernent des entreprises de location. Il s’agit donc d’un réel enjeu de transition et de planification écologiques. (M. Jean-René Cazeneuve applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l’amendement no 3225.
M. Mickaël Bouloux
Les partis présidentiels défendent quatre amendements identiques : cherchent-ils à gagner du temps ? Ce n’est pas possible autrement. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.) J’irai vite, pour ma part : l’amendement tend à inclure uniquement les services de location de véhicules 100 % électriques au forfait mobilités durables. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a voté contre ces amendements car, dans la situation actuelle, le forfait mobilités durables couvre déjà les frais de recharge des véhicules, qu’ils soient possédés ou loués par les salariés. Inclure la location dans le dispositif entraînerait des différences de traitement entre nos concitoyens, tous les employeurs ne pouvant la prendre en charge.
Mme Danielle Brulebois
C’est facultatif !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Il ne paraît pas très prudent d’ajouter une telle charge aux entreprises. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis : cette charge supplémentaire viendrait alourdir le coût du travail. Nous partageons une même sensibilité à cet égard.
(Les amendements identiques nos 754, 1316, 1776 et 2726 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 3225 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Ray, pour soutenir l’amendement no 1190.
M. Nicolas Ray
Cet amendement de Corentin Le Fur vise à exonérer, de manière complète et permanente, les primes versées par l’État aux athlètes français. La fiscalité en la matière a beaucoup évolué : instaurée en 1984 pour les Jeux olympiques (JO) de Los Angeles, l’exonération a été remise en cause en 2010 puis rétablie par la loi de finances pour 2017. Il serait intéressant, à la suite des Jeux olympiques de Paris, de confirmer cette exonération pour nos athlètes médaillés qui n’ont pas forcément des revenus importants. Ces primes constituent des revenus exceptionnels qui récompensent des années d’effort et d’entraînement intensif, pour des athlètes qui ont fait la fierté de notre pays en remportant de nombreuses médailles, tant aux Jeux olympiques qu’aux Jeux paralympiques (JOP). Même si un système d’étalement existe, ces primes n’en restent pas moins soumises actuellement à l’impôt, d’où cet amendement visant à les en exonérer.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’ensemble des primes versées aux sportifs français ayant remporté une médaille s’est élevé à 18 millions d’euros. L’adoption de cet amendement coûterait probablement quelque 4 à 5 millions d’euros. La jurisprudence de l’Assemblée a été variable : la plupart du temps, nous avons opté pour l’exonération, mais pas toujours. La commission a émis un avis défavorable. Je me montrerai plus ouvert en m’en remettant à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
J’irai un peu plus loin que M. le rapporteur général en donnant un avis favorable à cet amendement.
M. Jean-René Cazeneuve
Favorable ?
(L’amendement no 1190 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 1010, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Matthias Renault, pour soutenir l’amendement no 1010.
M. Matthias Renault
Il vise à lutter contre la désertification médicale en exonérant d’impôt sur le revenu la rémunération perçue, dans le cadre d’un cumul emploi-retraite, par les médecins libéraux et les infirmières libérales. Cette mesure fait l’objet d’une proposition de loi figurant à l’ordre du jour de notre niche parlementaire du 31 octobre. J’ai déposé en vue de l’examen de ce texte plusieurs amendements afin de mieux cibler le dispositif et de diminuer son coût, estimé pour le moment à environ 75 millions d’euros – on compte 13 500 médecins en cumul emploi-retraite, dont moins de la moitié sont généralistes. Il s’agit de réserver l’exonération aux zones de désertification médicale – les zones d’intervention prioritaire (ZIP) –, de la plafonner à 80 000 euros de revenus annuels et d’en exclure les médecins salariés par des plateformes de téléconsultation.
M. Nicolas Sansu
Que dit l’article L. 643-6 du code de la sécurité sociale ?
Mme la présidente
Il faut conclure.
M. Matthias Renault
Tant que j’y suis… (Sourires.)
Mme la présidente
Non, je vous demande de conclure.
M. Matthias Renault
Alors, je vous invite à voter cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a rejeté cet amendement. La commission des affaires sociales a voté l’exonération complète des cotisations retraite pour les médecins retraités continuant à travailler. Je vous signale également que la commission des finances a, ce matin, rejeté la proposition de loi visant à exonérer de l’impôt sur le revenu les médecins et infirmières en cumul emploi-retraite. Essayons de nous montrer cohérents : avis défavorable.
M. Nicolas Sansu
L’article L. 643-6 du code de la sécurité sociale, qui vise-t-il ?
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je sais qu’un avis favorable du Gouvernement à un amendement peut entraîner un réflexe pavlovien consistant à voter contre. Cependant, pour revenir à l’amendement no 1190, il s’agissait tout de même d’exonérer d’impôt les primes des médaillés des JO et des JOP ; or, j’en suis surpris, vous avez tous voté contre !
M. Matthias Renault
C’est démago !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Vous n’aimez pas nos champions olympiques ! (Vives protestations sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LIOT.)
M. José Beaurain
Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre !
M. Emeric Salmon
Vous n’avez qu’à verser des primes plus importantes !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
S’agissant de l’amendement no 1010, contrairement à ce que laissent entendre vos propos et l’exposé sommaire, il concerne toutes les professions libérales.
M. Nicolas Sansu
Oui, toutes les professions libérales ! Les avocats, les notaires…
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Par ailleurs, comme le rapporteur général l’a indiqué, une mesure concernant le cumul emploi-retraite des médecins a été adoptée lors de l’examen du PLFSS en commission des affaires sociales. Avis défavorable.
M. Gérault Verny
Vous n’aimez pas les médecins ! (Sourires.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ni les avocats ! (Sourires.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 852, je suis saisie par le groupe du groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil
Nous avons en effet rejeté cet amendement et une proposition de loi visant le même objectif en commission des finances. Cependant, il s’agit de lutter contre les déserts médicaux. On m’objectera le coût de cette mesure ; je répondrai que la santé n’a pas de prix. Les Français ne peuvent accepter que leur santé ait un prix pour vous, monsieur le ministre. Or ce n’est que parmi les médecins à la retraite que l’on peut aujourd’hui trouver des médecins – attendre quinze ans que de nouveaux médecins soient formés ne résoudra pas le problème des déserts médicaux. Aux collègues du groupe Horizons qui, ce matin, ont objecté que la mesure bénéficierait à tous les médecins…
Mme Dominique Voynet
Et aux notaires !
Mme Claire Marais-Beuil
…alors que les déserts médicaux ne concernent que les médecins généralistes, je demanderai : n’y a-t-il donc pas de problème, dans votre circonscription, pour trouver un gynécologue, un ophtalmologiste, un psychiatre, un pédiatre ? Vous le voyez, tous les domaines de la médecine sont touchés par les déserts médicaux. Aux collègues de gauche qui objecteront, quant à eux, que pour résoudre le problème des déserts médicaux, il suffit de salarier les médecins (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR)…
Mme la présidente
Il faut conclure.
Mme Claire Marais-Beuil
…je répondrai qu’un médecin aux 35 heures ne remplacera jamais un médecin à 70 heures partant à la retraite. Il faut lutter autrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Cet amendement est totalement démagogique, inefficace et à côté de la plaque ! (« Oh ! » et exclamations prolongées sur plusieurs bancs du groupe RN.) Vous savez pertinemment qu’il n’aura aucun effet sur les déserts médicaux. Par ailleurs, il ne comporte aucune condition géographique réservant l’exonération aux zones où l’on manque de médecins, d’aides-soignants et d’infirmiers – c’est complètement nul ! (M. Damien Girard et Mme Dominique Voynet applaudissent.) De plus, aucun ciblage n’est prévu : des médecins retraités touchant 133 000 euros par an, soit parmi les 2 % des plus hauts revenus, seront ainsi exonérés d’impôt, au mépris de toute justice fiscale.
M. Gérault Verny
Dégage !
Mme Danielle Simonnet
Si vous voulez lutter contre les déserts médicaux, il faut supprimer le numerus clausus, favoriser les formations, revaloriser les salaires des infirmières, arrêter Parcoursup et développer des centres de santé permettant l’exercice d’une profession médicale salariée – il s’agit d’une demande très forte.
M. José Beaurain
Quelle déconnexion !
Mme Danielle Simonnet
Ce n’est certainement pas ce genre d’amendement totalement démagogique et inefficace qui y parviendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je reviens brièvement à la réflexion du ministre concernant la défiscalisation des primes versées aux athlètes. Sincèrement, j’adore les Jeux olympiques. Mais l’athlète qui y termine quatrième ne reçoit aucune prime alors qu’il a souvent touché, comme les autres athlètes, un salaire au-dessous du Smic durant sa préparation olympique.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
L’un n’empêche pas l’autre !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Si ! Si l’on veut aider l’olympisme, je préfère qu’on ne baisse pas de 18 % le budget du ministère des sports. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR et sur quelques bancs du groupe RN.) Je préfère que l’on fasse en sorte que les athlètes qui préparent les JO – y compris ceux qui ne seront pas sélectionnés après y avoir consacré quatre ans de leur vie – aient des revenus un peu plus importants, plutôt que de défiscaliser celui qui a réussi à remporter une médaille. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. Louis Boyard
Jugez donc de la pertinence des propos du président de la commission des finances !
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1010.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 167
Nombre de suffrages exprimés 167
Majorité absolue 84
Pour l’adoption 74
Contre 93
(L’amendement no 1010 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 671.
M. Fabien Di Filippo
La seule solution budgétaire, pour redresser le pays et résoudre le problème du pouvoir d’achat, c’est le travail – tout le reste est artificiel. En 2012, lorsque les socialistes sont arrivés au pouvoir, ils ont abrogé la défiscalisation des heures supplémentaires. Six ans plus tard, à la suite du mouvement des gilets jaunes, elle n’a été réintroduite que partiellement. Cet amendement vise à ce que ceux qui souhaitent et peuvent travailler davantage que 35 heures bénéficient entièrement du fruit de leur travail. Cela constituera une incitation à travailler davantage et un gain net de pouvoir d’achat pour l’ensemble des Français – dont c’est la principale préoccupation. Le seul pouvoir d’achat digne de ce nom n’est pas celui qui se paye de promesses chimériques ou par des aides – que les Français finissent toujours par payer doublement, sous forme de taxes ou d’inflation – mais celui qui leur permet de gagner plus d’argent en travaillant davantage. (M. Thibault Bazin applaudit.)
M. Thibault Bazin
Il a raison, c’est par le travail qu’on sauvera le pays.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a rejeté cet amendement. Les heures supplémentaires sont actuellement défiscalisées jusqu’à 7 500 euros par an, soit 625 euros par mois – pratiquement la moitié d’un Smic. Le coût budgétaire de la mesure proposée – l’exonération des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu – est de l’ordre de 3,2 milliards d’euros. Il ne faut pas que les éléments de rémunération supplémentaire prennent le pas sur les éléments de rémunération principale…
M. Nicolas Sansu
On est bien d’accord !
M. Charles de Courson, rapporteur général
…et qu’on réduise, année après année, l’assiette des cotisations sociales, qui est d’ailleurs beaucoup plus large que celle de l’impôt sur le revenu. Soyons prudents : avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis, en précisant que je suis d’accord avec le début du propos de Fabien Di Filippo – c’est effectivement par le travail qu’on résorbera le déficit, qui est dû à un problème de croissance et d’activité. En revanche, il ne faut pas que le travail échappe de façon trop importante à la cotisation et à l’impôt.
Mme Christine Arrighi
Dites-le à M. Macron !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Soyons vigilants : le plafond d’exonération répond à cette nécessité ; il s’agit de ne pas grever notre souveraineté et la capacité de la collectivité à lever l’impôt. Il importe également, comme l’a dit le rapporteur général, d’éviter que les revalorisations salariales passent à la trappe au profit de ce type d’exonération. C’est une question de dosage : le plafond avait été relevé pendant la crise sanitaire, à 7 500 euros par an, et je pense qu’il n’est pas nécessaire de le supprimer.
Mme la présidente
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Merci pour vos réponses. L’idée n’est pas seulement de déplafonner mais bien de revenir sur l’ensemble des charges sociales. Du point de vue théorique, la logique malthusienne qui considère que les gens qui travaillent davantage volent le travail des autres ne tient pas. Quand, à un certain moment de votre vie, vous avez le projet d’acheter une maison, d’avoir un enfant, vous faites face à des dépenses supplémentaires et vous avez besoin de davantage de revenus. Personne ne s’amuse à travailler davantage que l’horaire légal pour simplement mettre de l’argent de côté : les revenus supplémentaires sont réinjectés dans l’économie, et profiteront à des secteurs qui souffrent grandement aujourd’hui. L’effet multiplicateur est important – et il n’est pas artificiel, puisqu’il n’est pas issu de l’argent public mais de la richesse produite par le travail des gens. Du point de vue pratique, vous vous doutez bien qu’une personne ne peut pas accepter de faire des heures supplémentaires au point de remplacer un, deux ou trois salariés dans son entreprise – des plafonds et des seuils légaux préviennent cela.
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel
Comme le rapporteur et le ministre l’ont rappelé, la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires ont été rétablies – avec des plafonds, bien entendu : mesure dont le coût est raisonnable, et qui bénéficie à de nombreux Français. Il serait paradoxal de consacrer plusieurs milliards d’euros à faire sauter ces plafonds, tandis que, dans le même temps, on nous propose, dans le PLFSS, une augmentation massive, à hauteur de 4 milliards, du coût du travail.
Notre combat prioritaire doit donc être de proposer une solution alternative à cette hausse du coût du travail prévue par le PLFSS, qui détruira de très nombreux emplois – plus d’une centaine de milliers –, qui freinera les progressions salariales et qui portera un coup très rude au pouvoir d’achat. (MM. Gabriel Attal et Jean-René Cazeneuve applaudissent.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 671.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 166
Nombre de suffrages exprimés 163
Majorité absolue 82
Pour l’adoption 90
Contre 73
(L’amendement no 671 est adopté ; en conséquence l’amendement no 852 tombe.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 59, je suis saisie par le groupe du groupe UDR d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Vincent Trébuchet, pour soutenir cet amendement.
M. Vincent Trébuchet
J’ai entendu le plaidoyer de la gauche contre les niches fiscales inégalitaires : j’aimerais aider nos collègues à faire le ménage.
Les intermittents du spectacle et les sportifs bénéficient d’un régime fiscal qui leur permet de lisser leurs revenus exceptionnels sur cinq ans : nous proposons de le supprimer.
Rassurez-vous, nous n’avons rien contre les intermittents du spectacle. Ils bénéficient déjà d’un régime d’indemnisation du chômage qui coûte à l’État, chaque année, 1 milliard d’euros. Mais quelle est l’efficacité de cette niche fiscale ? En 2011, l’Inspection générale des finances (IGF) a montré que ce dispositif, datant de 1927, était peu efficace. Le précédent rapporteur général du budget, Joël Giraud, a indiqué qu’il s’agissait d’un « trou noir fiscal » : il n’y a en effet pas de plafonnement, chers amis de la France insoumise, sur cette niche fiscale qui alimente les effets d’aubaine et la prolétarisation des intermittents du spectacle.
Vous allez me dire, monsieur le rapporteur général : « Une niche fiscale qui ne fonctionne pas ? Faisons un rapport. » Mais ce serait un remède pire que le mal que de faire un rapport sur chaque énorme niche fiscale inutile. Je demande à l’Assemblée d’avoir le courage de la supprimer. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Il ne s’agit pas d’une niche fiscale mais d’un mécanisme de lissage des revenus. Les intermittents du spectacle peuvent gagner très bien leur vie une année et très mal la suivante.
M. Gérault Verny
Les commerçants aussi !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ils ont le choix entre un lissage sur trois ans et un lissage sur cinq ans, ce qui paraît tout à fait équitable. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Maurel.
M. Emmanuel Maurel
Je remarque que les élus du groupe de M. Ciotti sont plus tatillons quand il s’agit de s’attaquer aux Français dont le patrimoine est supérieur à 50 millions d’euros que quand il s’agit de défendre les intermittents du spectacle dont le revenu net moyen est de 1 875 euros mensuels, soit 800 de moins que le salaire net moyen. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Mais je m’adresse à vous en raison de votre supposé patriotisme. Ne vous en déplaise, le statut de l’intermittence participe de la vitalité de la culture française. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et SOC.) La plupart de mes collègues, quand j’étais député européen, me disaient envier notre système : 50 % des films projetés dans nos cinémas sont des œuvres françaises, contre seulement 20 % d’œuvres nationales dans les autres pays. Nous devons cela à une politique publique de soutien aux créateurs et aux artistes, politique dont nous sommes fiers.
M. Gérault Verny
Ça n’a rien à voir !
M. Emmanuel Maurel
Si vous êtes patriotes, si vous aimez l’exception culturelle française, n’adoptez pas cet amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP et SOC.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 59.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 164
Nombre de suffrages exprimés 159
Majorité absolue 80
Pour l’adoption 72
Contre 87
(L’amendement no 59 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 2956 et 1920, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 2956.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Cet amendement, déposé avec Mme Félicie Gérard, est issu de nos travaux sur la fiscalité plan d’épargne retraite (PER), qui nous ont permis d’identifier un mécanisme d’optimisation fiscale rendu possible par le sursis d’imposition des sommes versées sur un PER, imposées à la sortie lorsqu’elles sont déduites à l’entrée. Quand l’assuré décède avant la liquidation de son PER, les sommes déduites à l’entrée ne sont jamais imposées au titre de l’impôt sur le revenu. On peut faire le pari que ce cas de figure concerne principalement des contribuables disposant d’un revenu élevé et qui n’ont ainsi pas eu besoin de liquider leur contrat au moment de la retraite.
Nous proposons donc d’interdire l’ouverture d’un PER après 67 ans : vous conviendrez qu’il est quelque peu surréaliste d’ouvrir un tel plan alors que vous êtes retraité – cela correspond pourtant à l’essentiel des pratiques observées par les distributeurs. Nous proposons également d’imposer les sommes non liquidées à l’impôt sur le revenu, cette imposition étant bien entendu déduite des éventuels droits de succession afin d’éviter une double imposition.
La commission des finances a rejeté cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 1920.
M. Aurélien Le Coq
Nous sommes opposés au PER, qui favorise la retraite par capitalisation. Toutefois, et tant qu’il existe, sa vocation est de servir à la retraite, et pas de servir, en partie, de moyen de contournement fiscal, comme Charles de Courson vient de l’expliquer.
Parce que certains mettent de l’argent dans leur PER, argent qui se trouve soustrait à l’impôt sur le revenu pour n’être imposé qu’au titre de l’impôt sur les successions, ce sont 1,2 milliard d’euros qui font défaut à l’État. Nous proposons donc que cet argent soit, quoiqu’il arrive, assujetti à l’impôt sur le revenu, afin que la société puisse prendre son dû.
Ce sont les plus riches, sans surprise, qui bénéficient de cette manœuvre fiscale. Les PER sont détenus à 34 % par des cadres, et seulement pour à peine 10 % par des ouvriers. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Les travaux menés par le rapporteur général et Félicie Gérard sont très intéressants et touchent à un point important. Le problème vient des sommes qui sont versées après le départ à la retraite : ce que dit le député Le Coq est juste, cette épargne devrait servir à la retraite.
L’enjeu est donc de rendre obligatoire – ce que ne prévoient pas exactement les amendements dont nous discutons – la liquidation du PER au moment de la retraite, comme en Allemagne. Je vous demande donc de les retirer, afin que nous puissions travailler ensemble à un véhicule législatif allant dans ce sens, plutôt que de fixer un âge limite d’entrée.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Avis défavorable à ces deux amendements…
M. Aurélien Le Coq
Au nom de quoi ?
M. Jérôme Legavre
Vous n’êtes pas le rapporteur général !
Mme Clémence Guetté
Ni au Gouvernement ! (Sourires.)
M. Charles Sitzenstuhl
Tout d’abord, et je reprends à mon compte les explications de M. le ministre, s’il faut perfectionner le PER, nous devons en discuter sans précipitation. Ensuite, le PER est un produit très jeune, créé par le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises – la loi Pacte –, en 2019, sous le premier mandat d’Emmanuel Macron. Ceux qui étaient là savent que la France peut mieux faire dans ce domaine : nous devons être meilleurs sur ce type de produits d’épargne. Pour qu’ils puissent pénétrer dans la population, de la stabilité est nécessaire : il nous faut donc être très prudents, et ne pas légiférer à la hâte.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Nous n’allons pas retirer notre amendement : même si vous rendez obligatoire la liquidation du PER à la retraite, il se trouve que le décès peut survenir avant la retraite et que de l’argent échappe donc à l’impôt sur le revenu. Notre amendement vise à ce que ce revenu y soit assujetti, quoi qu’il arrive – et même si nous ne pensons pas que le PER doive continuer à exister.
Pour ce qui est de la stabilité – et pour ce qui est donc de faire attention à ce que cette épargne permette aux plus riches…
M. Sylvain Maillard
Ce ne sont pas les plus riches, ce sont les cadres !
M. Aurélien Le Coq
…de continuer à soustraire une partie de leur argent à l’impôt sur le revenu : je vous rappelle que, dans ce pays, des ultrariches ne payent pas suffisamment d’impôts.
M. Sylvain Maillard
Les ultrariches n’ont pas de PER !
M. Aurélien Le Coq
L’ambition originelle de ce budget était de trouver des solutions pour combler le déficit que vous avez créé à force de cadeaux fiscaux. En votant cet amendement, on pourrait y contribuer pour une petite part. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
La différence entre ces deux amendements tient dans l’interdiction d’ouvrir un PER après 67 ans. Cela n’a rien de révolutionnaire : si vous ouvrez un PER alors que vous êtes à la retraite, c’est pour constituer une épargne, pas pour préparer votre retraite.
Vous avez été ouvert vis-à-vis de notre amendement, monsieur le ministre. Nous sommes prêts à le retirer, mais pas contre une promesse de Gascon. Demandez à M. Cazeneuve ce que c’est !
M. Jean-René Cazeneuve
Je vais demander un rappel au règlement pour fait personnel ! (Sourires.)
M. Charles de Courson, rapporteur général
Votre promesse doit être suivie d’effet. Dans une prochaine loi de finances rectificative, il faudra absolument toiletter quelques éléments du PER. J’invite notre collègue Le Coq à retirer également son amendement.
(L’amendement no 2956 est retiré.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1920.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 142
Nombre de suffrages exprimés 141
Majorité absolue 71
Pour l’adoption 70
Contre 71
(L’amendement no 1920 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 2313 et 688, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Mathilde Feld, pour soutenir l’amendement no 2313.
Mme Mathilde Feld
Cet amendement vise à soumettre au barème de l’impôt sur le revenu les montants versés à des sociétés sous forme de holdings, afin de lutter contre une optimisation fiscale agressive.
Les plus pauvres, eux, sont redevables de la TVA chaque fois qu’ils consomment – et comme ils consomment une très large partie, voire la totalité, de leurs revenus, ils paient cette taxe de façon systématique sur l’ensemble de leurs revenus. Les salariés des classes moyennes, eux aussi, paient systématiquement les taxes qu’ils doivent à l’État sur leurs revenus.
Les milliardaires, eux, ne peuvent consommer tous leurs revenus – c’est humainement impossible – et peuvent jouer à échapper à l’imposition. Pour cela, ils ont trouvé une technique simple, permise par notre système fiscal : leurs dividendes sont versés sur le compte de holdings qu’ils possèdent.
Pour que tout le monde soit traité de façon égale face à l’impôt, pour que les gros paient gros et que les petits paient petit, je vous propose d’adopter cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 688.
Mme Eva Sas
Il vise à lutter contre l’évasion fiscale des ultrariches en soumettant à l’impôt sur le revenu les dividendes distribués sur les comptes des holdings et non encore versés aux actionnaires depuis plus de trois ans – des dividendes qu’ils laissent dormir, en quelque sorte. Une nouvelle illustration de la faible contribution des plus aisés à l’effort fiscal, d’autant plus choquante que nous avons aujourd’hui besoin de l’effort de tous.
Rappelons qu’alors que le patrimoine moyen dans le monde a augmenté de 3 % par an depuis 1995, la fortune des individus les plus riches a progressé de 6 à 9 % par an – un rythme beaucoup plus rapide dans la période récente.
Notre objectif est de lutter contre les pratiques d’évitement de l’impôt. Notre ancienne collègue Charlotte Leduc, à qui je veux rendre hommage ici (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI- NFP) affirmait dans un rapport sur la lutte contre l’évasion fiscale publié l’an dernier : « Au-delà des recettes phénoménales qu’elle rapporterait à l’État, une lutte efficace contre l’évasion fiscale est un enjeu fondamental de justice sociale, garante de la préservation du consentement à l’impôt et de la cohésion sociale dans notre pays. »
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’objet de ces deux amendements est d’essayer de taxer les revenus non distribués remontés dans des holdings dites patrimoniales.
Vous citez dans l’exposé des motifs les travaux de l’Institut des politiques publiques qui montrent que les holdings interviennent dans les stratégies d’optimisation fiscale pratiquées par les plus fortunés. Cependant, cette même note souligne qu’il serait risqué de taxer directement les dividendes dormant en raison de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui considère qu’on ne peut taxer un revenu qui n’a pas été perçu.
Au vu de cet obstacle constitutionnel, je vous suggère de retirer vos amendements.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Avis défavorable. Ce débat fait écho à celui que nous avons eu hier soir à l’article 3.
M. Nicolas Sansu
Exact !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
D’abord, votre mesure instaure une double imposition : au moment de la présomption de la redistribution puis lors de la redistribution effective. Ensuite, vous parlez d’évitement de l’impôt, mais le seul évitement que vous obtiendrez, c’est celui de l’investissement. Si la France est le seul pays à pratiquer cette imposition, les holdings seront créées ailleurs.
Je ne dis pas qu’il ne faut pas mener une réflexion multilatérale sur cette question – nous l’avons d’ailleurs entamée avec le Brésil lors du G20 et nous devons la poursuivre. Mais soyons réalistes sur les effets que produirait une telle mesure si la France était la seule à l’appliquer.
Mme Christine Arrighi
Vous êtes tellement réalistes que vous avez créé des milliards de dette !
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel
L’étude de l’Institut des politiques publiques, citée à l’appui de cet amendement, est intéressante à plus d’un titre. D’abord, elle montre que les holdings peuvent être utilisées de façon abusive, à des fins de contournement fiscal – même si, dans la majorité des cas, il n’en est rien.
Ensuite, elle indique que l’ISF ne fonctionnait pas du tout et qu’il était possible d’y échapper massivement– pour ces mêmes raisons, les amendements qui ont été joyeusement votés hier pour taxer les milliardaires ne seront d’aucune efficacité.
Enfin, l’étude rappelle que le problème posé par les holdings ne tient pas au cadre juridique français mais européen : la directive « mères-filiales » empêche l’Europe d’instaurer des règles similaires à celles en vigueur aux États-Unis.
Pour des raisons à la fois économiques, rappelées par le ministre – la nécessité d’agir de façon coordonnée au niveau européen – et juridiques – cette mesure doit être opérationnelle –, il faut commencer par obtenir une révision de la directive « mères-filiales », qui a permis des usages détournés à des fins d’optimisation fiscale. (M. Thomas Cazenave applaudit.)
Mme la présidente
Sur l’amendement no 786, je suis saisie par le groupe du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Comme l’a dit M. le ministre, ce débat est similaire à celui que nous avons eu hier. Le problème qui se pose est simple : en versant des dividendes à des holdings familiales qui ne sont absolument pas transparentes, les ultrariches – même si vous n’aimez pas le terme –…
M. Sylvain Maillard
Ça ne veut rien dire, surtout !
M. Nicolas Sansu
…échappent à l’impôt, à l’exclusion de la quote-part pour frais et charges. Comment fait-on pour les en empêcher ?
Même si je pense que ces amendements auraient dû mentionner le PFU plutôt que l’IR, il faut trouver une solution pour lutter contre les mécanismes qui permettent à certains de signer un pacte Dutreil ou de procéder à un démembrement, pour verser ensuite l’argent dans des holdings domiciliées dans des pays à faible fiscalité – pour ne pas dire des paradis fiscaux. Nous devons aller chercher l’argent dont nous avons besoin pour nos politiques publiques. C’est l’objet de ces amendements.
Mme la présidente
Sur les amendements nos 1794 et 1837, je suis saisie par le groupe du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
(Les amendements nos 2313 et 688, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun, pour un rappel au règlement.
M. Philippe Brun
Il se fonde sur l’article 100 relatif à l’organisation de nos débats. De manière assez surprenante, le service de la séance – que nous respectons évidemment – a décidé de placer la moitié des amendements relatifs au prélèvement forfaitaire unique, déposés par les différents collègues, non pas après l’article 3, mais après l’article 19. Nous ne comprenons pas une telle distinction, qui aura pour conséquence un débat haché.
Il faut solder la question du PFU en la traitant en une seule fois. Sinon, nous serons amenés à demander au président de la commission ou au rapporteur général d’examiner très rapidement ces amendements de façon prioritaire – puisque des dispositions réglementaires nous le permettent. Si nous voulons que les débats se passent bien, tous les amendements relatifs au PFU doivent être examinés en même temps – donc maintenant, après l’article 3 – comme cela a été le cas en commission. (M. Manuel Bompard applaudit.)
Mme Danielle Simonnet
Très pertinent !
Mme la présidente
Je prends acte de votre demande et me renseigne à ce sujet dès que possible.
Après l’article 3 (suite)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 678 rectifié, 1786, 679 rectifié, 1794, 775 rectifié, 1459, 1837 et 2611, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 678 rectifié.
Mme Eva Sas
Il prévoit d’augmenter le taux de prélèvement forfaitaire unique de 10 points même si, je le rappelle, notre position de principe est que les revenus du capital devraient être soumis à l’impôt sur le revenu de la même manière que les revenus du travail. Il s’agit donc d’une proposition de repli.
Au moment où nous devons redresser la situation budgétaire, il n’est pas acceptable de demander des efforts au plus grand nombre – à travers le report de l’indexation des retraites par exemple – et de ne pas mettre à contribution les revenus du capital.
Je rappelle que les revenus du patrimoine augmentent trois fois plus vite que les revenus du travail – de 7,3 % en 2022 et de 15,5 % en 2023 – et qu’ils concernent une minorité de personnes, puisque 96 % des dividendes sont versés à seulement 1 % des foyers fiscaux.
Mme la présidente
Madame la députée, il faut conclure.
Mme Eva Sas
C’est à cause de ce faible taux de la flat tax que notre système fiscal n’est pas progressif. (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marianne Maximi, pour soutenir l’amendement no 1786.
Mme Marianne Maximi
J’aimerais que nous consacrions un peu de temps à cette discussion commune qui me semble essentielle. Notre amendement prévoit de relever le taux de la flat tax de 10 points.
Vous nous demandez comment faire 60 milliards d’économies dans le cadre de ce projet de loi de finances. Nous formulons des propositions, une démarche qui doit être perçue comme constructive car elle ouvre la voie à un débat. Ainsi, nos amendements de repli vous permettront de vous positionner sur cette question importante.
Chaque année, la flat tax coûte à elle seule 2 milliards à l’État. Or ce mécanisme est parfaitement injuste puisque ce sont les 10 % les plus riches qui en bénéficient en priorité. Encore une fois, ce n’est pas nous qui l’affirmons mais l’Insee, qui qualifie ce dispositif de niche fiscale.
Si vous votez contre ces amendements, vous réussirez l’exploit de faire pire que Nicolas Sarkozy en matière de taxation du capital, ce qui, je l’espère, ne constitue pas forcément pour vous un motif de fierté. (M. Maxime Laisney applaudit.)
Nous présenterons d’autres amendements de repli sur le sujet. Je conclus pour laisser le temps à la discussion qui, une fois encore, me semble essentielle dans le cadre de nos débats. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l’amendement no 679 rectifié.
M. François Ruffin
Monsieur le ministre, qui a déclaré que, depuis des décennies, le capital a été mieux rémunéré que le travail et que la part du travail dans la valeur ajoutée a diminué ? Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne.
Les salariés, dont les salaires sont quasiment gelés – quand ils ne diminuent pas depuis des années – sont rationnés tandis que les actionnaires se gavent.
Il suffit pour s’en convaincre de consulter Les Échos de mon ami Bernard Arnault. On pouvait y lire, à la une, en septembre que « Les dividendes mondiaux sont partis pour battre de nouveaux records cette année », mais aussi que « Le deuxième trimestre a été radieux pour les actionnaires » On y apprenait encore que les entreprises européennes avaient versé 204 milliards d’euros de dividendes, soit une hausse de 7 %, et que la France était en tête des contributions européennes avec + 0,8 % par rapport à 2023. Sur ce front-là, on bat record sur record !
L’injustice est double : non seulement les gens qui se lèvent tôt et vont au boulot sont moins bien payés que ceux qui gagnent de l’argent en dormant, grâce à leur compte en banque, mais en plus, ils sont plus taxés que les actionnaires.
Cet amendement de repli est inspiré par l’amendement Mattei : il prévoit de rehausser le taux de PFU à 35 % – c’est le minimum du minimum.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 1794.
M. Aurélien Le Coq
Depuis le début du débat budgétaire, tout le monde est censé répondre à la même question : comment faire pour remplir le trou que vous avez créé et creusé au cours des sept dernières années ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.) Le problème est bien là : vous avez installé le chaos budgétaire en France, que fait-on maintenant ?
Vous avancez les pires idées du monde – prendre de l’argent aux retraités, dérembourser les visites chez le médecin, faire payer ceux qui ne peuvent pas se chauffer – sans regarder plus haut. La réalité, c’est qu’au-dessus, il y a de l’argent – et même beaucoup. L’an dernier, les dividendes ont représenté 107 milliards et les bénéfices 150 milliards.
La réalité, c’est que vous n’invitez personne à investir. Comme cela coûte moins cher de mettre l’argent dans sa poche, ceux qui ont de l’argent se gavent en touchant les dividendes. C’est France Stratégie qui le dit.
M. Gérault Verny
Ah non !
M. Aurélien Le Coq
Votre flax tax n’incite pas davantage à augmenter les salaires. Donc oui, on peut taxer les plus riches. Il faut taxer le capital au même niveau que le travail. L’augmentation de 5 points de la flat tax n’a rien d’affolant, elle serait une mesure de justice fiscale et de bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 775 rectifié.
Mme Eva Sas
La flat tax est un vieux rêve d’économiste libéral, persuadé que la baisse des taux stimulera, par sa simplicité, les prélèvements obligatoires. En instaurant, dans le cadre de la loi de finances pour 2018, un plafond de 30 %, Emmanuel Macron a d’emblée offert des cadeaux aux plus aisés.
Sept ans plus tard, et quelques centaines de milliards de dette supplémentaires, personne n’a réussi à démontrer l’existence d’un lien direct entre le paquet de mesures propatrimoine d’Emmanuel Macron et la relance de l’investissement productif, qui était pourtant l’objectif.
Par cet amendement de repli sur repli sur repli, le groupe écologiste propose de relever le PFU de 3 points. Ce n’est pas assez mais cela injectera au moins quelques millions dans nos services publics et adressera un message de plus grande justice fiscale.
Mme la présidente
La parole est à Mme Stella Dupont, pour soutenir l’amendement no 1459.
Mme Stella Dupont
Il s’agit d’un amendement du collectif social démocrate, qui réunit des députés membres de différents groupes et non inscrits. Nous proposons une répartition plus équitable de l’effort consenti pour améliorer nos finances publiques par l’intermédiaire de plusieurs mesures visant à augmenter les recettes ou à réduire les dépenses en ciblant ceux qui ont les moyens. Nos amendements ont pour but de défendre les principes de justice fiscale, de justice sociale et de justice écologique.
Le présent amendement vise à augmenter de 3 points la taxation des revenus du capital, actuellement fixée à 30 %. Cette hausse apparaît justifiée, modérée et équitable. On estime qu’elle rapporterait entre 1 et 1,5 milliard d’euros.
Selon une étude de France Stratégie, 1 % des foyers fiscaux perçoivent 96 % des montants totaux des dividendes. Si cet amendement ne s’attaque pas au problème de la taxation des plus-values latentes liées aux dividendes, il constitue un premier pas essentiel vers davantage d’équité.
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard, pour soutenir l’amendement no 1837.
M. Manuel Bompard
Cet amendement de repli tend à augmenter le taux de la flat tax de 3 points.
Depuis le vote qui a eu lieu en commission, j’ai entendu dans les médias un certain nombre d’affirmations. Je rappellerai trois éléments : d’abord, 4 000 foyers captent un tiers des dividendes ; ensuite, 96 % des dividendes sont captés par 1 % de la population ; enfin – puisque j’ai entendu dire que l’augmentation de la flat tax affecterait les petits investisseurs –, il n’est pas obligatoire de faire le choix de la flat tax. On peut tout à fait opter, quand on a des petits revenus, pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu. Les petits investisseurs ne sont donc pas concernés par cette augmentation. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Nicolas Sansu
Très bien !
M. Charles Sitzenstuhl
C’est faux.
Mme la présidente
L’amendement no 2611 de M. Michel Castellani est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Avec le PFU, la France applique un modèle désormais généralisé en Europe, en matière d’imposition des revenus financiers. Le taux français, identique à celui en vigueur en Belgique, se situe dans la partie haute de la distribution. Le taux s’élève à 26,4 % en Allemagne, à 26 % en Italie ; de son côté, l’Espagne applique deux taux, l’un de 19 %, l’autre de 21 %. Il ne conviendrait pas que notre système s’écarte trop des autres.
Les deux premiers amendements proposent une augmentation du taux de 10 points, de l’ordre de 5 milliards ; les deux suivants, de 5 points, soit 2,5 milliards ; les trois suivants portent le taux à 33 %, à l’image de l’amendement adopté en commission, que M. Mattei a finalement retiré ; le dernier amendement propose une augmentation de 1 point.
La commission a donc approuvé une augmentation de 3 points. J’ai personnellement plaidé en faveur d’une approche plus modérée.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Nous abordons l’un des débats importants de cette première partie. Chacun conviendra que l’acte de naissance du macronisme fut la création du PFU, c’est-à-dire l’instauration d’un déséquilibre entre l’imposition des revenus du travail et celle des revenus du capital.
L’avantage ainsi conféré à ces derniers s’est avéré si important qu’il explique en partie la multiplication par deux des dividendes depuis 2017. La part des dividendes dans les bénéfices l’a largement emporté sur celle des investissements, de toute évidence.
Quel en est l’effet ? Supposons que vous soyez cadre supérieur dans une société. Vous pouvez choisir d’être rémunéré par un salaire, soumis aux cotisations et à l’imposition afférentes, ou par des dividendes. Si ceux-ci sont imposés à 30 %, il est bien normal que vous les choisissiez.
M. Gérault Verny
Ce n’est pas vrai !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Bien sûr que si. J’ai été chef d’entreprise, je sais de quoi je parle. L’effet mécanique que je viens de décrire a entraîné une défiscalisation progressive.
Beaucoup de collègues ont voté ce matin contre les mesures relatives aux retraités. Je sais que nous voterons contre l’augmentation des tarifs d’électricité. D’une manière ou d’une autre, si nous voulons réduire les déficits, il faudra bien trouver de l’argent quelque part. L’augmentation du taux de la flat tax constitue un moyen excellent et très juste de le faire. En effet, il n’est pas normal de mieux nourrir le capital que le travail.
Je regrette que M. Mattei ait retiré son amendement ; j’espère que nous voterons au moins la proposition qu’il avait mise sur la table, soit l’augmentation de 3 % du taux d’imposition du PFU. Ce n’est vraiment pas beaucoup, cela enverrait un signal et cela rapporterait 1 milliard.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Que nous ne partagions pas les mêmes opinions ne pose aucun problème, bien au contraire. Mais pourrions-nous tout de même convenir qu’augmenter le taux d’un prélèvement obligatoire n’augmente pas nécessairement son rendement ? Qu’augmenter le taux d’un prélèvement économique dans un pays comme le nôtre, dont l’économie est ouverte, n’élargit pas systématiquement son assiette et peut même la rétrécir ?
M. Daniel Labaronne
Mais oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Le président Coquerel a raison : la création du PFU, avec d’autres réformes fiscalo-réglementaires, constitue l’un des actes fondateurs de la mandature 2017-2022.
Le rendement de la taxation des revenus du capital a augmenté très fortement au moment de l’instauration du PFU, dès 2018. Selon un rapport de France Stratégie déjà cité, le produit fiscal issu de cette mesure est en très forte hausse.
Évidemment, nous avons assisté à un déstockage des dividendes plus important au début que par la suite, ce qui a créé de l’investissement dans le pays.
M. Manuel Bompard
Incroyable !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Pourquoi ne vous demandez-vous jamais comment nous avons fait baisser le chômage de 2 points, passant de 9 à 7 % ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Je n’ai jamais eu de réponse à cette question.
M. Manuel Bompard
En truquant les chiffres !
Mme Danièle Obono
En passant du « blanco » !
M. Arnaud Le Gall
En radiant des chômeurs et en ubérisant les travailleurs !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Le chômage a diminué en raison d’une création nette d’emplois. Cette dernière requiert du capital pour nourrir l’investissement nécessaire. Pour attirer et conserver ce capital, il faut des conditions fiscales lisibles, stables et pluriannuelles.
Comme l’a bien dit le rapporteur général, tous les pays attractifs, qui bénéficient d’investissements, suscitent une création nette d’emplois et se réindustrialisent doivent leur succès à la lisibilité de leur fiscalité. La flat tax aura probablement été la taxation la plus lisible et la plus claire de ces dernières années pour l’investissement productif.
M. Daniel Labaronne
Très bien !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
C’est pour cette raison que nous avons créé de l’emploi industriel et construit plus d’usines que nous n’en avons fermé. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous pouvez le contester. Mais c’est à juste titre que vous vous satisfaites de la baisse du chômage, et c’est bien cela qui compte en dernière analyse.
J’ai entendu employer le terme de fantasme. On aurait nourri en 2017 le fantasme d’augmenter l’investissement et de capter plus d’argent grâce à la flat tax. Mais ce n’est pas un fantasme !
Mme Christine Arrighi
Arrêtez de gagner du temps !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Les chiffres sont têtus ! Je cite encore le rapport de France Stratégie : le rendement de la fiscalité sur les revenus du capital n’a jamais été aussi élevé que depuis la création de la flat tax !
M. Sylvain Maillard
Eh oui !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Revenir dessus, c’est évidemment prendre le risque de réduire son assiette et de restreindre nos capacités d’investissement et de production. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Je ne serai pas plus long. Je dirai seulement que vous avez voté hier soir la CDHR, la contribution différentielle sur les hauts revenus, que vous avez pérennisée. (Mêmes mouvements.)
M. René Pilato
On est des gens bien !
Mme Ségolène Amiot
Arrêtez de vous écouter parler, laissez-nous voter !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je vous ai écoutée, madame la députée, et je donne l’avis du Gouvernement sur les amendements en discussion.
La création de la CDHR, pour un grand nombre de ceux qui y sont assujettis, se traduira dans les faits par une augmentation du PFU. Augmenter le taux de la flat tax constituerait une double erreur, d’abord parce que cela donnerait lieu à une double imposition, ensuite parce que cela enverrait un signal qui porterait préjudice à l’attractivité de la France.
Il faut voter contre ces amendements visant à rehausser le taux du PFU. (MM. David Amiel et Sylvain Maillard applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. David Guiraud.
M. David Guiraud
Certaines images donnent le sourire. Monsieur le ministre, quand vous annoncez une soi-disant baisse du chômage, une seule personne vous applaudit sur vos propres bancs : l’ancien Premier ministre ! Cela fait le même effet que lorsqu’un cambrioleur laisse sa photo sur les lieux du délit ! (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous affirmez que le rendement de la fiscalité du capital n’a jamais été aussi élevé que depuis l’instauration de la flat tax. Mais ce qui n’a jamais été aussi important depuis sa création, c’est le versement des dividendes, qui ont doublé ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce n’est pas la faute du Gouvernement !
M. David Guiraud
Le voilà, le lien de cause à effet ! Ce rendement est plus important parce que vous avez fait le choix politique de favoriser les revenus du capital !
Le débat sur la flat tax, comme la plupart de ceux qui nous ont animés, pose la question suivante : qui défend le budget du gouvernement Barnier ? Vous nous l’avez dit : il faut faire des économies. Nos options sont limitées : soit nous augmentons les taxes sur l’électricité que paient tous les Français, soit nous augmentons celles qui touchent les plus hauts revenus ; soit nous démolissons les finances publiques locales, soit nous taxons les revenus du capital.
Tous les députés devront voter en conscience afin de faire des choix politiques assez forts à l’issue de l’examen du budget.
Mme Marie-Christine Dalloz
Nous voterons en conscience !
M. David Guiraud
J’espère qu’ils s’apercevront qu’on ne peut pas soutenir le budget Barnier et qu’il faut taxer les revenus du capital à la hauteur de leur contribution. Il n’est pas normal de demander aux Français de faire des efforts tandis que ceux qui pèsent sur les revenus du capital demeurent minimaux et tendent toujours à baisser. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Monsieur Bompard, si je puis me permettre, vous vous contredisez. Vous ne pouvez pas affirmer qu’il est anormal que les revenus du capital soient moins taxés que ceux du travail tout en rappelant qu’il est possible d’opter pour le barème progressif, parfois plus avantageux.
Le taux d’imposition du PFU s’élève à 30 %. Ce niveau de taxation serait inférieur, selon vous, à celui qui pèse sur le travail. Je vous invite à vérifier vos chiffres : les charges sur les bas salaires s’élèvent à environ 20 % et ces derniers ne sont pas touchés par l’impôt sur le revenu. Ce que vous dites est donc faux.
Et puis il ne faut pas tout mélanger : les revenus qui font l’objet de ce prélèvement ne sont soumis ni aux cotisations retraite ni aux cotisations chômage, et n’ouvrent pas droit pour cette raison aux mêmes avantages que les revenus du travail. Il est donc normal que la taxation soit différenciée.
Mme la présidente
Comme cette série d’amendements fait débat, je vais donner la parole à davantage de collègues.
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
On a évoqué en séance ce sujet hier soir avec la contribution différentielle sur les hauts revenus que l’on a sinon pérennisée, du moins pas bornée dans le temps. Pour ma part, j’assume complètement le présent débat. Je l’ai d’ailleurs déjà eu avec Nicolas Sansu dans le cadre de notre rapport sur la fiscalité du patrimoine, à propos de la contribution respective du revenu du travail et du revenu du capital au budget de l’État.
Je n’ai pas souhaité maintenir l’amendement no 3589 rectifié car cette contribution différentielle crée un PFU majoré et que j’aimerais en savoir plus sur les effets précis de cette mesure en termes de rentabilité, le but étant tout de même de trouver des ressources complémentaires pour notre budget. Et si on veut garder la trajectoire deux tiers de baisse de dépenses publics et un tiers de hausse de recettes, il faudra bien en trouver. Je pense donc qu’il est important de débattre de ce sujet.
Je rappellerai à M. le ministre qu’en 2017, la création de la flat tax et la suppression de l’ISF ont eu, les deux premières années, pour effet conjugué de considérables distributions de dividendes dans certaines entreprises. Tant mieux peut-être, mais le constat est là, il faut le reconnaître. Il faudra bien qu’un jour, on décide de réfléchir sereinement au moyen de rééquilibrer la répartition entre le revenu du travail et le revenu du capital. (MM. Pascal Lecamp et Éric Martineau applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
La fiscalité sur le capital intervient après que les entreprises ont payé les impôts de production et l’impôt sur les sociétés (MM. Gabriel Attal, David Amiel et Charles Sitzenstuhl applaudissent), et cela fait 30 % plus 25 % plus 5 %. Voyez qu’on est très loin de la taxation des revenus du travail !
Deuxièmement, notre objectif à travers le PFU était d’orienter l’épargne vers le financement de l’investissement productif, et nous avons réussi cet exploit ! Les entreprises ont pu ainsi trouver des financements plus facilement, donc investir davantage, ce qui crée de la croissance,…
Mme Estelle Mercier
Elle est où la croissance ?
M. Daniel Labaronne
…d’où moins de chômage et plus de revenus, donc plus d’impôt sur le revenu encaissé ! (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.) Voilà bien pourquoi, monsieur le ministre, nous avons réussi à développer l’investissement dans notre économie, n’est-ce pas ? C’est le raisonnement économique, en l’occurrence les enchaînements macroéconomiques ! (Mêmes mouvements.) Mais si !
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Calmez-vous !
M. Daniel Labaronne
Je terminerai en disant que je n’ai toujours pas la réponse à ma question, mes chers collègues : pourquoi avons-nous été pour la quatrième année consécutive le premier pays d’accueil des investissements directs étrangers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) Pourquoi donc ? Eh bien, c’est parce que nous avons mis en place des dispositifs qui favorisent les investissements… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Je vais essayer de ramener un peu de calme. Je suis tout de même surprise de l’évolution des mots du côté du Nouveau Front populaire. Il y a quelques jours, vous nous parliez des « ultrariches », maintenant vous nous parlez des « super-riches » ; il y a quelques jours, vous nous parliez des « milliardaires », maintenant, vous nous parlez des « millionnaires » (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le choix des mots a son importance : il montre que vous n’aimez pas le capital (Rires sur les bancs du groupe LFI-NFP), et même que vous le détestez. (Rires, certains députés sur les mêmes bancs se levant pour applaudir).
Vous l’avez dit : vous voulez assécher, faire les poches. Mais, mes chers collègues, à vouloir faire les poches, vous allez faire fuir les personnes car nous avons des différences de taux de prélèvements sur les revenus du patrimoine avec les autres pays, ce que le rapporteur général a très bien rappelé. On ne peut au contraire que se réjouir de constater une augmentation des revenus du patrimoine : cela signifie que les entreprises ont eu des résultats…
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Grâce aux travailleurs !
Mme Véronique Louwagie
…qu’elles ont bien travaillé, qu’il y a eu un regain d’activité économique et qu’elles ont pu distribuer des dividendes,…
Mme la présidente
Je vous prie de conclure.
Mme Véronique Louwagie
…sachant que ceux-ci participent au développement économique de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Stella Dupont.
Mme Stella Dupont
Compte tenu des difficultés qui pèsent sur les comptes publics, il faut avoir l’esprit clair et être responsables. J’ignore ce que deviendra la contribution différentielle sur les hauts revenus dans le cadre du parcours législatif de ce PLF, mais je pense qu’il faut rester pragmatique, mesuré et équilibré dans les décisions que nous avons à prendre au niveau du Parlement, même si rien n’est simple.
Il me semble que revaloriser de 3 points le taux du PFU, nonobstant la question de la contribution différentielle, ne provoquerait pas de désengagement massif des investisseurs étrangers – Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu l’ont démontré dans leur rapport d’information. Et je pense que ce serait de juste équité que les revenus du capital contribuent, eux aussi, à cet effort collectif dont le pays a besoin. Il me semble donc utile de voter l’amendement que j’ai défendu au nom du collectif social-démocrate.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
La chanson, c’était « Tout va très bien, madame la marquise », et c’est maintenant « Tout va très bien, monsieur Labaronne » ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe GDR et LFI-NFP.) N’en rajoutez pas, mon cher collègue. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Si tout allait bien pour vous, le bloc central n’occuperait pas si peu de travées. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Je précise par ailleurs que si des versements de dividendes ont pu être gelés un moment lors de la création du PFU, il y a eu aussi, comme vient de le rappeler mon collègue Mattei, la fin de l’ISF qui a permis aux plus riches de débloquer davantage d’argent pour l’achat d’actions, ce qui a abouti à des versements considérables de dividendes pendant deux ans. Compte tenu de leur niveau, si les dividendes étaient assujettis au barème de l’IR, cela rapporterait des milliards et des milliards supplémentaires !
M. Daniel Labaronne
Comme sous François Mitterrand !
M. Nicolas Sansu
La moindre des choses, c’est tout de même de demander aux plus riches…
Mme la présidente
Monsieur Sansu, il faut conclure.
M. Nicolas Sansu
96 % des dividendes sont détenus par 1 % des foyers fiscaux. On ne peut pas le comparer à la contribution… (Mme la présidence coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et LFI-NFP. – M. Alexis Corbière applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin
Monsieur le ministre, il n’est plus question d’entendre encore une fois évoquée dans cette assemblée la valeur travail ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Oui, comment oser encore en parler quand on accepte ainsi que le travail soit plus taxé que ne le sont les dividendes des actionnaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Tous les habitants de notre pays doivent pouvoir vivre de leur travail, non pas survivre ! Or aujourd’hui, ce sont les actionnaires qui vivent, et très grassement, du travail des autres ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR.)
Non seulement ils sont gavés de dividendes mais, en plus, ils sont moins imposés. La révolution de 1789, rappelons-le, est née d’une crise fiscale et d’un sentiment d’injustice puisque les privilégiés du clergé et de l’aristocratie ne payaient pas l’impôt ! Aujourd’hui, on se retrouve avec d’autres privilégiés qui payent moins qu’ils ne le devraient, qui échappent en tout ou partie à l’impôt, et qui ne respectent pas la Déclaration des droits de l’homme, laquelle dispose que tous les citoyens sont imposés selon leurs facultés ! Ce sont les petits qui payent gros et les gros qui payent petit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Thiébaut.
M. Vincent Thiébaut
Je pense que ce débat est un débat important et, comme l’a dit Jean-Paul Mattei, il faut que nous puissions l’avoir. Mais ce qui me gêne dans ces amendements, c’est que même s’ils ne portent que sur des actionnaires et donc sur de grandes sociétés, c’est oublier qu’à travers elles, c’est l’ensemble des PME et des TPE, l’ensemble des patrons, qui aujourd’hui se serrent la ceinture en se rémunérant par les dividendes, que vous allez toucher (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR), de même que des investisseurs et des retraités qui ont fait des placements pour vivre mieux, eux aussi, grâce au versement de dividendes. Or ces amendements proposent de taxer ces gens-là.
M. Jean-Paul Lecoq
Quelle méconnaissance de votre part !
M. Vincent Thiébaut
Et je vous rappelle que c’est la grande majorité des actionnaires en France. Certes, je peux comprendre que certaines fortunes suscitent des interrogations, mais je souligne que le socle, la base, ce sont ces gens-là. Voilà pourquoi les députés du groupe Horizons ne voteront aucun de ces amendements. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Castellani.
M. Michel Castellani
Il est sain qu’il y ait débat parce que le sujet est important. Il est toujours désagréable de proposer un impôt – je parle pour moi, mais aussi sans doute pour nombre d’entre vous. Mais sommes-nous dans une logique confiscatoire ? La réponse est non. Sommes-nous dans une logique punitive ? Non plus.
Pour nous, au groupe LIOT, la richesse, quand elle naît du travail, de l’épargne et du talent est une bonne chose pour la collectivité. Toutefois, nous sommes tous face à la situation d’aujourd’hui et, si le dérapage des finances publiques continue, on s’achemine vers un désastre collectif, un désastre qui frappera chacun et chacune dans notre pays. Il s’agit donc de se demander comment améliorer les choses. Il est vrai qu’il faudra sans doute baisser la dépense publique – encore que cela aura des effets pervers puisque l’on sait que quand la demande alimentée par l’État baisse, tout le circuit économique est touché, et in fine, les finances publiques. De toute façon, nous savons très bien que la baisse de la dépense publique ne suffira pas. Il y a aussi le versant prélèvements – il faudrait s’intéresser d’ailleurs, je le dis au passage, à l’existence des zones grises et des paradis fiscaux.
En tout cas, pour conclure, je soulignerai qu’existent actuellement des écarts gigantesques de richesses et que cela doit tout de même se répercuter dans la répartition de l’impôt. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Alexis Corbière
Il a raison !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Chers collègues du NFP, je sais que vous êtes sourds quand des conseils bienveillants viennent du Rassemblement national, mais vous pourriez écouter vos amis du MODEM, qui généralement sont de bon conseil. Si M. Mattei n’a pas maintenu son amendement, alors que nous avions pensé trouver un consensus, c’est qu’il y a une raison. Il y a eu un émoi en France…
Une députée du groupe LFI-NFP
Un émoi dans votre camp, monsieur Tanguy !
M. Jean-Philippe Tanguy
…quand cette disposition a été votée en commission parce que, pour des raisons que vous pouvez trouver justifiées ou non, les petits porteurs et les chefs d’entreprise, comme l’a dit notre collègue Thiébaut, se sont sentis concernés injustement par cette mesure. La fiscalité a aussi des effets psychologiques. François Ruffin a évoqué la Révolution française mais de façon erronée : le peuple français s’est uni contre une toute petite minorité de privilégié ; vous, vous ne cessez d’offrir au Gouvernement le cadeau de la désunion du peuple, en séparant les classes moyennes qui ont pu épargner et les classes populaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. Alexis Corbière
C’est incroyable !
M. Jean-Philippe Tanguy
Au Rassemblement national, c’est autour de la valeur travail et de l’épargne que nous voulons unir tous les Français.
M. Alexis Corbière
Voilà le visage du RN : contre l’ISF et pour la flat tax !
M. Jean-Philippe Tanguy
Unissons les Français qui subissent la mondialisation et l’injustice fiscale ! De grâce, cessez de les diviser en faisant croire que vous allez tondre tout le monde alors qu’il faut seulement de la justice fiscale ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Gérault Verny applaudit également.)
Mme la présidente
Avant de passer aux votes, pourriez-vous rappeler l’avis de la commission sur chacun des amendements, monsieur le rapporteur général ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission ayant voté contre les augmentations de 10 points et de 5 points du taux du PFU, l’avis sera défavorable sur les amendements nos 678 rectifié, 1786, 679 rectifié et 1794. Elle a adopté les amendements visant une augmentation du taux de 3 points ; l’avis sera donc favorable sur les amendements nos 775 rectifié, 1459 et 1837. L’amendement proposant une augmentation de 1 point est tombé du fait de l’adoption des amendements précédents.
(L’amendement no 678 rectifié n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1786.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 285
Nombre de suffrages exprimés 284
Majorité absolue 143
Pour l’adoption 119
Contre 165
(L’amendement no 1786 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 679 rectifié n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1794.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 292
Nombre de suffrages exprimés 291
Majorité absolue 146
Pour l’adoption 124
Contre 167
(L’amendement no 1794 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 775 rectifié et 1459, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1837.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 294
Nombre de suffrages exprimés 290
Majorité absolue 146
Pour l’adoption 130
Contre 160
(L’amendement no 1837 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 2611 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 933, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour le soutenir.
M. Jean-Philippe Tanguy
Avant d’y venir, je signale à nos collègues du NFP que la Macronie était absente lors du vote sur le PFU. Une absence sur une mesure aussi importante ne pouvait qu’être un piège et vous tombez sans cesse dans les pièges. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Danièle Obono
C’est faux !
M. Jean-Philippe Tanguy
Voilà un amendement qui n’est pas un piège : il vise à taxer les superdividendes, c’est-à-dire des versements excessifs formés sur la base de profits illégitimes. La mesure rapporterait 750 millions d’euros aux finances publiques. Cette somme non négligeable serait tirée de dividendes indus et non d’une épargne sérieuse tranquillement accumulée au fil d’années d’efforts. Vous avez l’occasion en cinq minutes de démontrer que vous n’êtes pas sectaires (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), que vous voulez non pas frapper tout le monde de la même façon mais seulement prémunir la France des excès de la finance. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Un amendement très proche a été adopté en commission avant d’être retiré par son auteur, M. Philippe Brun. Il a ensuite été repris, avec quelques adaptations, par notre collègue Jean-Philippe Tanguy.
M. Emeric Salmon
M. Brun va être obligé de voter pour !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je donnerai un avis défavorable parce que cet amendement vise les épargnants plutôt que les entreprises. Le dispositif prévoit une surtaxe au PFU pour les revenus provenant de certaines entreprises, ce qui instituerait une différence de traitement entre contribuables qui n’est pas sans soulever des questions de constitutionnalité au regard du principe d’égalité puisqu’elle n’a pas de lien direct avec les capacités contributives des épargnants.
Enfin, le caractère forfaitaire du PFU est son principal atout. Il est donc contradictoire d’y ajouter une tranche majorée et d’en exempter les contribuables au revenu fiscal de référence inférieur à un certain seuil. Pour ma part, je ne suis pas favorable à une hausse généralisée du PFU dans un souci de justice fiscale. Je donne donc un avis défavorable à titre personnel.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Dans la continuité des arguments développés précédemment à propos du PFU et du prélèvement forfaitaire obligatoire (PFO), j’émettrai également un avis défavorable. Il faut de la clarté et de la lisibilité concernant les outils fiscaux. N’oubliez pas que, par ailleurs, des articles restant à examiner visent à demander aux très grandes entreprises une contribution exceptionnelle. Nous avons besoin d’être cohérents par rapport à ce qui a été annoncé, surtout pour des secteurs de l’économie pour lesquels sont prévues des contributions temporaires – comme celle proposée par cet amendement, auquel je reconnais ce mérite.
Mme la présidente
La parole est à M. David Guiraud.
M. David Guiraud
Cher collègue Tanguy, chers collègues du groupe Rassemblement national,…
M. Erwan Balanant
Quand c’est le RN, c’est « chers collègues »…
M. David Guiraud
…je tiens à vous présenter ce soir mes plus sincères condoléances pour la mort du RN comme parti d’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Et je vous souhaite la bienvenue dans la coalition du gouvernement Barnier. Parce que sur la flat tax, à la hausse de laquelle vous ne vous étiez pas opposés en commission, vous avez sauvé le gouvernement Barnier tout à l’heure. Sur l’impôt universel, auquel vous ne vous étiez pas opposés en commission, vous avez sauvé le gouvernement Barnier tout à l’heure.
Vous le faites car vous êtes terrifiés à l’idée d’avoir à vous positionner sur une motion de censure à l’issue d’un 49.3. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Vous êtes plus intéressés par votre survie politique que par la taxation des plus hauts revenus et par la justice fiscale. Dans une certaine mesure, cela clarifie un peu le débat.
Regardez les bancs de la majorité !
M. Jean-François Coulomme
Il n’y a personne !
M. David Guiraud
Regardez-vous, chers collègues (L’orateur s’adresse aux députés du groupe EPR) : il n’y a plus personne ! Il n’y a plus qu’eux (L’orateur désigne les bancs du groupe RN) qui vous aident ! Votre groupe, il est tout sec, tout maigre. On dirait un bâton Justin Bridou ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Nicolas Sansu
Silence pour la finance !
M. Jean-Philippe Tanguy
Cher collègue Guiraud, c’est vous qui faites revivre les morts ! Sans vous, M. Macron ne serait plus à l’Élysée. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Mathilde Panot
Vous n’avez pas voté la destitution !
M. Jean-Philippe Tanguy
Votre propension systématique à trahir le peuple a fait revivre soixante députés de M. Attal. Peut-être même que sans votre musique pour réveiller les morts, Mme Borne, la pauvre, ne serait plus parmi nous. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Alors, aux insoumis la Macronie reconnaissante ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 933.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 223
Nombre de suffrages exprimés 222
Majorité absolue 112
Pour l’adoption 99
Contre 123
(L’amendement no 933 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de quatre amendements, nos 854, 1879, 2307 et 2311, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1879 et 2307 sont identiques.
La parole est à M. Franck Allisio, pour soutenir l’amendement no 854.
M. Franck Allisio
Révélées en 2018 au cours de l’enquête dite des CumEx Files, les opérations d’arbitrage de dividendes dont se sont rendues coupables plusieurs grandes banques restent un sujet qui doit préoccuper le législateur.
Ces pratiques, qui auraient représenté un coût de 30 milliards d’euros pour les finances publiques, doivent être efficacement combattues. À cette fin, cet amendement vise à réécrire l’article 119 bis A du code général des impôts afin de réintroduire les mesures adoptées par le Sénat lors du débat sur le PLF pour 2019 puis vidées de leur substance par l’Assemblée.
Afin d’éviter le recours à des montages abusifs d’évitement de l’impôt utilisant notamment des conventions fiscales avantageuses, nous proposons de soumettre à la procédure dite normale – c’est-à-dire à un prélèvement à la source d’environ 30 % – les dividendes versés à un résident d’un État lié à la France par une convention fiscale ne prévoyant pas de retenue à la source. Par la suite, le bénéficiaire de ces dividendes pourra demander, sur présentation de justificatifs, le remboursement d’un éventuel trop-perçu. Cette procédure permettra d’entraver toute tentative de se soustraire à l’impôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 1879.
M. Nicolas Sansu
Les montages dits CumCum permettent à des investisseurs non résidents d’éviter la retenue à la source sur les dividendes versés par une société française en transférant temporairement les titres à un tiers non soumis à cette retenue. Ce tiers interposé peut être soit un résident fiscal français – comme une banque, dans le cas le plus fréquent – soit un non-résident qui n’est pas soumis à la retenue à la source du fait d’une convention fiscale.
Le dispositif antiabus introduit en 2018 s’avère inopérant car il se limite aux cessions temporaires, dans la limite d’un certain nombre de jours. De plus, l’administration fiscale a été déboutée par le Conseil d’État au prétexte qu’elle utilisait comme base la notion de bénéficiaires effectifs, qui est absente de notre droit. C’est l’un des points que cet amendement vise à corriger.
Les montages CumEx, qui consistent à multiplier des cessions d’actifs autour de la date de détachement du dividende de manière à dissimuler l’identité du propriétaire réel à cette date et à permettre à d’autres personnes de demander indûment des remboursements de retenue à la source, ne sont actuellement pas détectés en France.
Cet amendement, comme une proposition de loi transpartisane, vise à s’attaquer à ces trois pratiques de fraude fiscale connues et en partie chiffrées : on parle, pour les seuls CumCum internes, de 4 milliards d’euros.
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Feld, pour soutenir les amendements nos 2307 et 2311, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Mathilde Feld
Je ne vais pas répéter ce qu’a dit notre collègue Nicolas Sansu, rapporteur avec moi d’un rapport sur l’évasion fiscale. Je souhaite seulement appeler l’attention de toute l’Assemblée sur l’importance capitale de la lutte contre l’évasion fiscale. Je vous invite vivement à voter pour nos amendements.
Mme la présidente
Sur l’amendement no 1545, ainsi que sur les amendements identiques nos1547 et 3122, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur les quatre amendements en discussion commune ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Le dispositif visant à répondre aux pratiques de CumCum adopté par le Sénat lors de l’examen du PLF pour 2019 et repris dans ces amendements est intéressant. J’y suis favorable sur le principe. Je signale toutefois des difficultés dont il faut tenir compte. D’abord, l’extension du champ de la retenue à la source, si elle rendrait plus complexe la mise en œuvre des arbitrages de dividendes, ne mettrait pas en échec la pratique, qui pourrait évoluer à son tour pour contourner l’élargissement. Surtout, le mécanisme adopté en 2019 n’a toujours pas fait ses preuves et ne semble pas être le plus adapté pour lutter contre ces pratiques.
L’ajout de la notion de bénéficiaire effectif, qui pourrait renforcer l’efficacité des contrôles de l’administration, me semble pertinent. Nous pourrions également songer à définir un abus de droit par complicité concernant les intermédiaires qui jouent un rôle crucial dans ces schémas. Ces amendements ont été rejetés par la commission mais j’y suis favorable à titre personnel.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette série d’amendements ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je rejoins l’analyse du rapporteur, sans pour autant émettre explicitement un avis favorable. En effet, ces amendements, tout comme ceux de Mme Pirès Beaune que nous examinerons juste après, n’apportent pas de réponse opérationnelle au problème des CumCum. En revanche, je veux contribuer à sa résolution. En effet, il n’est pas normal que nous ne trouvions pas un dispositif de lutte efficace.
Ma recommandation sera moins une suggestion de rejet qu’une demande de retrait des amendements en raison de leur caractère inopérant d’un point de vue juridique. Pour caractériser la notion d’abus de droit dans le contexte des arbitrages de dividendes, nous attendons un avis du juge administratif que nous espérons connaître dans les prochains mois. Cela rejoint ce qu’a dit le rapporteur général. Ensuite, on pourra adapter les dispositifs. Aujourd’hui, en revanche, je suis obligé de vous dire que nous n’avons pas l’outil législatif efficace.
Il ne s’agit donc pas d’une fin de non-recevoir. Il ne s’agit certainement pas d’une envie de lutter contre cette fraude-là (Exclamations, rires et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), contre cette optimisation excessive, plutôt. Techniquement, ce n’est pas une fraude mais le lapsus est révélateur : il s’agit de quelque chose contre lequel nous devons lutter, j’en conviens parfaitement.
Mme Christine Arrighi
Il y a des rapports sur le sujet depuis dix ans !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
C’est justement parce que ce n’est pas une fraude qu’il nous faut trouver l’outil législatif qui convient. Après le jugement du tribunal administratif, nous aurons un chemin pour y parvenir.
M. Nicolas Sansu
Au fond, nous sommes dans une zone grise.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
J’y travaille avec la direction générale des finances publiques, comme l’ont fait mes prédécesseurs Thomas Cazenave et Gabriel Attal avant moi. Le problème n’est pas celui de la conviction : si l’on disposait d’une baguette magique, on l’aurait déjà fait ; et si vous avez la solution, faites-nous le plaisir de la présenter ! Quoi qu’il en soit, nos services y travaillent, sachant que, pour avancer, il faut parvenir à caractériser l’abus de droit.
Demande de retrait.
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous reconnaissez tous deux que le problème existe ; ce constat est donc partagé. Vous affirmez en revanche qu’on n’a pas les outils adaptés, ni le bon véhicule législatif. C’est difficilement défendable vu que cela fait cinq ans que vous auriez pu vous saisir du sujet. En 2019, un amendement en ce sens a été adopté au Sénat où, l’année dernière encore, le sujet a été abordé, tout comme, d’ailleurs, en commission des finances de l’Assemblée. Au bout de cinq ans, comment entendre qu’on ne trouve pas de solution ni de véhicule législatif ? Vu qu’il s’agit d’évasion fiscale, cela crée un sentiment de frustration chez nos concitoyens, et on peut le comprendre. À un moment où nous avons besoin de rétablir la trajectoire des comptes publics, nous ne pouvons pas rester inactifs. Ces amendements ne sont peut-être pas les bons, mais il est important d’avancer.
Mme la présidente
Veuillez conclure !
Mme Véronique Louwagie
Vous ne pouvez pas vous contenter de promesses, vous devez vous engager sur un délai.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Je partage l’avis de Mme Louwagie. Nous soutiendrons le meilleur parmi les amendements proposés – je redemande au rapporteur général de nous donner son avis sur ce point –, ce qui inclut l’amendement suivant de Mme Pirès Beaune. Cette dernière me semble d’ailleurs posséder toutes les compétences nécessaires pour trouver les bonnes modalités techniques d’une telle disposition – je n’accepte pas les affirmations gratuites.
La solution, monsieur le ministre, est simple : puisque le texte devra faire l’objet d’une deuxième lecture, cela vous laisse le temps de nous soumettre un meilleur dispositif. En attendant, le groupe Rassemblement national votera en faveur de l’amendement que le rapporteur général considère comme le meilleur. Il est grand temps que le Parlement prenne ses responsabilités et qu’on mette fin à la fraude fiscale massive. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin
Monsieur le ministre, vous n’êtes pas pressé, tout de même, sur ce dossier ! Avant vous, avez-vous dit, il y a eu Thomas Cazenave, et avant lui Gabriel Attal ; ça traîne depuis cinq ans mais maintenant, dites-vous, faites-nous confiance ! Comment voulez-vous qu’on ait confiance quand la question traîne depuis si longtemps ? Vous dites que s’il y avait eu un moyen, vous l’auriez fait. Que les choses soient claires : on soupçonne justement – et c’est plus qu’un soupçon – une absence de volonté politique. Vous ne voulez pas résoudre ce problème. Sur certains sujets, vous êtes très pressé d’agir ; mais dès qu’on parle d’évasion fiscale, de contrôle des financiers, vous ne l’êtes plus et vous demandez de vous faire confiance pour trouver l’outil, le chemin etc.
Nous voterons évidemment les amendements proposés et nous verrons bien si, demain, vous avez quelque chose à nous proposer. Ma conviction, c’est que ce ne sera ni demain ni après-demain, mais quand ce gouvernement n’existera plus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
D’abord, monsieur Ruffin, les services agissent et redressent…
Mme Christine Arrighi
Mais non, ça ne fonctionne pas !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…ils sont très loin d’être à l’arrêt. Simplement, on réfléchit à l’outil législatif nécessaire pour que l’idée fonctionne. Vous allez voter les amendements et la mesure va passer ; mais elle sera inopérante. Il ne s’agit pas de dire que vous ne savez pas écrire les amendements tandis que nous aurions, dans un coffre, la solution magique. Mme Pirès Beaune a d’ailleurs écrit un rapport sur le sujet.
M. Inaki Echaniz
Un très bon rapport !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Les amendements proposent de tester plusieurs dispositions législatives, mais celles-ci ne peuvent pas marcher. C’est tout ce que je veux souligner ; ne me faites donc pas un procès en procrastination !
Mme Alma Dufour
Bien sûr que si !
M. François Ruffin
Si, si !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
M. Tanguy s’interrogeait sur le calendrier : le tribunal administratif doit pouvoir caractériser l’abus de droit ; ce jugement permettra d’avancer et de faire des propositions législatives. Je ne peux pas me montrer plus franc et vous me croyez si vous voulez, monsieur Ruffin…
Vendredi matin, j’ai une réunion avec l’administration fiscale sur cette question. Je veux qu’on avance, mais je ne peux vous donner ni un avis favorable ni même m’en remettre à votre sagesse sur des dispositions juridiquement inopérantes. Vous allez néanmoins les adopter, et vous verrez que cela ne servira à rien.
Mme Véronique Louwagie
Cela enverra un signal !
Mme Mathilde Feld
Donnez des moyens !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Pour ma part, je préfère y travailler. Si vous voulez qu’on adopte en permanence des dispositions pour faire passer un signal,…
Mme Danièle Obono
C’est notre boulot !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…en attendant de les travailler, soit ; mais notez bien qu’elles seront stériles – il est de ma responsabilité de vous le dire.
Mme la présidente
Chers collègues, vous êtes nombreux à demander la parole. Certes, durant la séquence précédente, chaque groupe a pu s’exprimer mais je rappelle que les présidents de groupe étaient convenus qu’on devait limiter le nombre et la durée des prises de parole. Je laisse M. Nicolas Sansu intervenir pour équilibrer le débat mais il serait bon qu’on revienne ensuite à la règle que nous avions définie ensemble.
M. Nicolas Sansu
Je serai donc très bref. L’amendement no 1879 que j’ai présenté intègre l’idée de bénéficiaire effectif – la seule qui puisse marcher devant un tribunal, cela m’a été confirmé par l’administration fiscale. Je vous invite, monsieur le ministre, à vous rapprocher de ces services car c’est avec eux que j’ai rédigé cet amendement. L’adopter nous permettrait d’avancer car le Gouvernement serait alors obligé de faire quelque chose ! (M. François Ruffin applaudit. – Brouhaha.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général. Pouvez-vous rappeler brièvement l’avis de la commission sur chaque amendement et répondre à la question de M. Tanguy ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Hélas, je partage l’analyse juridique de M. le ministre : aujourd’hui, on n’a pas la solution. Quant à savoir lequel des amendements est le moins mauvais, nous devrions voter les amendements nos 1545 et 1547, qui suivent. S’ils sont tout aussi incapables que les précédents de régler le problème, leur adoption rappellera au moins à M. le ministre qu’il faut agir en vitesse.
La piste de l’abus de droit par complicité, s’agissant des intermédiaires qui jouent un rôle crucial dans ces schémas, est peut-être intéressante ; mais elle ne figure dans aucun des amendements proposés.
Votons, si vous voulez, les deux amendements de Mme Pirès Beaune – ils ne sont pas mutuellement exclusifs mais cumulatifs –, même s’ils ne sont pas opérationnels. On reverra le sujet en commission mixte paritaire ou au Sénat. Comme on fera pression sur vous, monsieur le ministre, vous direz à vos services : j’en ai marre de me faire engueuler en séance, trouvez-moi une solution ! (Sourires.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce n’est pas une question de pression, il faut le jugement du tribunal administratif !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Jusqu’à preuve du contraire, ce ne sont pas les tribunaux qui décident à notre place. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP, GDR et UDR.)
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il faut néanmoins une décision de justice !
M. Charles de Courson, rapporteur général
En tant qu’ancien magistrat, je respecte beaucoup la magistrature, mais le juge doit être éclairé.
Bref, je propose que nous nous rallions tous aux deux amendements de Mme Pirès Beaune et qu’on revienne à la question lors de la lecture finale du texte, ce qui donnera deux mois au Gouvernement. En deux mois, monsieur le ministre, vous devriez trouver – vous avez beaucoup de gens intelligents autour de vous. La décision de justice qu’on attend peut ne pas être claire ou s’avérer inopérante. Ce ne sont pas forcément les juges qui vous aideront à trouver la solution.
J’invite les auteurs de tous les autres amendements sur la question à les retirer.
(L’amendement no 854 est retiré.)
(Les amendements identiques nos 1879 et 2307 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 2311 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune, pour soutenir l’amendement no 1545.
Mme Christine Pirès Beaune
Le présent amendement et le suivant avaient déjà été déposés l’an dernier. Nous les avions rédigés avec notre ancienne collègue Charlotte Leduc, avec qui nous avions également cosigné une proposition de loi.
L’existence des CumCum a été révélée au grand public, et à beaucoup d’entre nous, en 2018, par un article du Monde. Cela avait fait grand bruit et de nombreux États avaient réagi. De quoi s’agit-il ? Une société française qui distribue des bénéfices à un actionnaire non-résident doit opérer une retenue à la source ; pour éviter ce prélèvement, il suffit d’interposer, entre la société et le bénéficiaire de dividendes, un intermédiaire qui devient propriétaire temporairement. Cette évasion se chiffre en milliards.
L’amendement no 1545 concerne les CumCum internes : le détenteur d’actions prête à une banque française le temps du paiement du dividende – car la banque, elle, est exonérée sur l’impôt sur les dividendes. Il récupère ensuite le dividende sans avoir payé l’impôt ; la banque prend, au passage, une petite commission. En 2019, on avait tenté de réguler ce mécanisme ; malheureusement, l’ingénierie financière n’ayant pas de limite, de nombreux artifices ont été mis au point pour continuer à contourner l’impôt.
L’amendement no 1547 concerne les CumCum externes : l’intermédiaire – le partenaire de contournement de l’impôt – n’est pas une banque française mais un individu basé dans un pays doté d’une convention fiscale avec la France qui ne prévoit pas de retenue à la source. Le mécanisme est donc similaire.
Ces détournements coûtent à la France et à de nombreux autres pays des milliards par an. Hier soir, monsieur le ministre, je vous ai remis un article de Florence Deboissy, paru dans la Revue de droit fiscal ; membre du comité de l’abus de droit fiscal, elle explique très bien ce système et incite à l’action.
Je ne pense pas que les amendements soient inopérants. Ils ne sont peut-être pas parfaits et ne mettront pas fin à la discussion – il faut aller plus loin –, mais ils apportent sûrement un petit plus.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Nous soutenons l’amendement no 1545 ainsi que les suivants. Comme vous le savez, nous avons poussé de nombreuses mesures pour lutter contre la fraude fiscale. Gabriel Attal puis Thomas Cazenave ont renforcé les équipes de Bercy, mais on n’en fait jamais assez en la matière. Nous rejoignons Mme Pirès Beaune : il faut aller plus loin. Nous voterons donc en faveur de ses amendements.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1545.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 184
Nombre de suffrages exprimés 183
Majorité absolue 92
Pour l’adoption 178
Contre 5
(L’amendement no 1545 est adopté.)
(Applaudissements sur divers bancs.)
Mme la présidente
On en vient aux amendements identiques suivants, nos 1547 et 3122.
Mme Christine Pirès Beaune a déjà défendu l’amendement no 1547. L’amendement no 3122 de M. Jean-Philippe Tanguy est également défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Toujours défavorable.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1547 et 3122.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 178
Nombre de suffrages exprimés 178
Majorité absolue 90
Pour l’adoption 171
Contre 7
(Les amendements identiques nos 1547 et 3122 sont adoptés.)
(Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
L’amendement no 2625 de M. Michel Castellani est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission n’a pas pu se prononcer sur cet amendement : elle a en effet adopté une augmentation du PFU non de 2 points, comme proposé ici, mais de 3 points.
(L’amendement no 2625, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 1987, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de trois amendements, nos 3591, 1987 et 1175, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 3591 de M. Emmanuel Mandon est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’amendement no 3591 est intéressant. Il est tellement facile de bénéficier d’une exonération – nos collègues corses nous ont parlé de ce qui se passe sur leur île : vous faites construire une maison, vous vous y installez et prétendez qu’une partie en est louée, avant de la revendre en faisant une plus-value qui est exonérée puisqu’il s’agit de votre résidence principale. Cet amendement va dans la bonne direction en exigeant que le bien constitue la résidence principale depuis au moins cinq ans. La commission a émis un avis favorable et moi aussi, à titre personnel.
Mme la présidente
Veuillez m’excuser, il s’agit en effet d’un amendement en discussion commune ; je vous redonnerai la parole à la fin, monsieur le rapporteur général.
En attendant, M. Peio Dufau va défendre l’amendement no 1987.
M. Peio Dufau
La taxe sur les plus-values immobilières ne s’applique qu’à la revente de résidences secondaires. Il ne s’agit pas de changer la donne à cet égard, mais de lutter contre les culbutes spéculatives comme vient de le dire M. le rapporteur général. En effet, dans certains territoires comme le mien, au Pays basque, certains sentent le bon coup, achètent un bien à 250 000 euros, le déclarent comme étant leur résidence principale avant de le remettre en vente quelques mois plus tard au double, voire au triple du prix initial.
Le présent amendement vise donc à rétablir une taxe sur les plus-values pendant cinq ans pour empêcher ou, du moins, dissuader de telles opérations spéculatives. Comme M. de Courson l’a rappelé, l’amendement a été examiné et voté en commission des finances. Je me félicite d’ailleurs que deux élus du groupe Dem m’aient emboîté le pas, déposant le même amendement que le mien. J’espère que nous parviendrons à mettre fin à cette spéculation sauvage. Il ne faut pas laisser exploser les prix de l’immobilier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Romain Daubié, pour soutenir l’amendement no 1175.
M. Romain Daubié
Tout le monde a compris qu’il fallait faire quelque chose pour nos finances publiques. Néanmoins j’aurais préféré qu’on parle davantage d’économies – j’en ai proposé plusieurs, notamment de la part de l’État, que nous examinerons après l’article 16.
J’ai pris connaissance de l’amendement no 1987 issu de la commission et je suis effaré par toutes les propositions d’impôt qu’on peut entendre : on a l’impression qu’un nouvel impôt apparaît chaque fois que quelqu’un respire, ce que je trouve assez déconnecté de la réalité.
Mon amendement vise simplement à ramener la durée de la taxe de cinq ans à un an, ce qui me semble bien plus réaliste. Cette solution me semble moins pire – j’emploie l’expression à dessein, vu la volonté que je perçois de revenir sur l’exonération existante.
Mme la présidente
Si je résume, monsieur de Courson, vous êtes favorable aux amendements nos 3591 et 1175. Sinon, quel est l’avis de la commission ?
M. Peio Dufau
Seul l’amendement no 1987 a été examiné par la commission.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Les amendements nos 3591 et 1987 sont identiques : vous ne bénéficierez pas de l’exonération de la plus-value sur la cession de votre résidence principale si vous n’avez pas occupé cette résidence pendant au moins cinq ans. L’amendement no 1175 prévoit pour sa part qu’il suffira d’y résider pendant un an, ce qui est apparu insuffisant à la commission qui vous demande de voter les amendements identiques.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
Je tiens à préciser que l’amendement no 1987 n’est pas identique à l’amendement no 3591 : à l’initiative de notre collègue Dufau, il est mieux rédigé.
M. Romain Daubié
C’est la solidarité basque !
M. Philippe Gosselin
C’est fini cette page de publicité ?
M. Inaki Echaniz
Je vous invite à privilégier l’amendement no 1987 pour rendre cette justice à ceux qui l’ont déposé en premier lieu.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 3591.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 145
Nombre de suffrages exprimés 111
Majorité absolue 56
Pour l’adoption 25
Contre 86
(L’amendement no 3591 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1987.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 146
Nombre de suffrages exprimés 145
Majorité absolue 73
Pour l’adoption 85
Contre 60
(L’amendement no 1987 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 1175 tombe.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Je suis saisie de cinq amendements, nos 1143, 2883, 2053, 1747 et 3164, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1143 et 2883 d’une part, et les amendements nos 1747 et 3164 d’autre part, sont identiques.
L’amendement no 1143 de M. Stéphane Buchou est défendu.
La parole est à Mme Martine Froger, pour soutenir l’amendement no 2883.
Mme Martine Froger
Les organismes de maîtrise d’ouvrage et d’insertion (MOI) peuvent faire valoir auprès des particuliers une exonération d’imposition des plus-values au titre onéreux des biens immobiliers pour négocier à la baisse le prix des biens qu’ils acquièrent. Cette possibilité est étendue aux collectivités locales et aux Établissements publics financiers qui proposent ces biens en bail emphytéotique aux organismes MOI.
Cela permet de réduire les coûts d’acquisition pour ces organismes et ainsi d’équilibrer financièrement leurs opérations de production de logements sociaux. Une telle exonération n’est cependant possible que pour les biens cédés jusqu’à la fin du mois de décembre 2025.
L’amendement vise à proroger ce délai et à inscrire durablement dans la loi un dispositif incitant les propriétaires privés à vendre leurs logements à des organismes du logement social.
Mme la présidente
L’amendement no 2053 de Mme Cyrielle Chatelain est défendu.
La parole est à M. Inaki Echaniz, pour soutenir l’amendement no 1747.
M. Inaki Echaniz
Comme l’a dit notre collègue Froger, il s’agit d’un dispositif efficace, qui fonctionne bien. À l’inverse de ce que nous avons voté concernant les plus-values spéculatives, vous voyez que nous ne nous contentons pas de faire la chasse aux spéculateurs puisque nous exonérons ces mêmes plus-values dès lors qu’elles résultent d’une vente à un bailleur social ou à un organisme à vocation sociale.
Apparu en 2005, le dispositif a depuis été reconduit chaque année en raison de son efficacité et de son utilité publique, au service du logement social. Nous demandons qu’il devienne pérenne alors qu’il est censé disparaître en 2025. Vu la crise du logement social, il faut promouvoir la production de logements sociaux et faciliter l’accès des bailleurs sociaux à du foncier bâti, qu’ils pourront ensuite intégrer au parc de logements à loyers modérés.
Mme la présidente
L’amendement no 3164 de M. Frédéric Maillot est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Les trois premiers amendements tendent à pérenniser un avantage fiscal borné au 31 décembre 2025 ; les deux suivants à repousser la borne à 2027. Telle est la différence entre eux.
La commission des finances a émis un avis défavorable car ce dispositif a un coût – comme tous les dispositifs de ce type – et doit être régulièrement évalué. Nous pouvons nous donner le temps de l’évaluation avant de voter ou non une prorogation, d’autant que le dispositif n’est pas immédiatement menacé. Autrement dit, nous pouvons attendre la loi de finances de l’année prochaine.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Un rapport d’évaluation est prévu tant pour l’abattement que pour les exonérations. Il est préférable de renvoyer la décision à l’année prochaine. J’émets donc un avis défavorable.
(Les amendements identiques nos 1143 et 2883 sont adoptés ; en conséquence, les amendements nos 2053, 1747 et 3164 tombent.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. François Jolivet, pour soutenir l’amendement no 734.
M. François Jolivet
L’amendement concerne les établissements publics fonciers (EPF) qui, vous le savez, ont des difficultés à aménager des terrains et à produire du logement social. Ils sont pris dans une nasse fiscale qui les contraint à payer un impôt à l’État alors même qu’ils n’ont pas encore vendu. Au bout du compte, c’est la collectivité locale concernée qui doit payer.
L’amendement vise à leur laisser une période de dix ans pour procéder aux aménagements et pour vendre. En effet, il arrive que les travaux d’aménagement soient terminés mais que les logements ne sortent pas de terre du fait de la crise de la production. Il vous est donc proposé de porter le délai de trois à dix ans.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Vous savez que les immeubles cédés à une collectivité territoriale, à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent ou à un établissement public foncier sont exonérés d’imposition sur la plus-value lorsque l’engagement est pris d’en faire des logements sociaux. Tandis que les collectivités territoriales et les EPCI ont un an pour réaliser la cession, les établissements publics fonciers ont trois ans.
Le délai de dix ans que vous proposez semble excessif à la commission des finances et risquerait de réduire la portée du dispositif en ralentissant la livraison des logements sociaux. Le délai de trois ans est identique à celui qui concerne les travaux à réaliser dans le cadre du PTZ ; il est donc correctement calibré. L’amendement a été repoussé par la commission des finances et j’y suis également défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis, pour les mêmes raisons.
(L’amendement no 734 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La suite de l’examen du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.
3. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra