XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Première séance du mercredi 23 octobre 2024

Sommaire détaillé
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Première séance du mercredi 23 octobre 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quatorze heures.)

    1. Questions au Gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Projet de loi de finances

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Didier Berger.

    M. Jean-Didier Berger

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    Après cinquante ans de déficit, le gouvernement de Michel Barnier a présenté une copie, élaborée en quinze jours seulement, prévoyant de baisser la dépense publique de 40 milliards d’euros et d’augmenter les recettes de 20 milliards. Il est vrai qu’avec Laurent Wauquiez et tous nos collègues du groupe Droite républicaine, nous trouvions que 20 milliards – même provisoires et ciblés –, c’était déjà une somme considérable, sans doute trop élevée.

    M. Thibault Bazin

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    Il a raison !

    M. Jean-Didier Berger

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    Mais voilà : la semaine dernière, en commission des finances, le groupe La France insoumise et ses alliés ont décidé d’adopter des mesures prévoyant non pas 20 mais 60 milliards d’impôts supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Ils sont contents d’eux !

    M. Ian Boucard

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    Le Venezuela !

    M. Jean-Didier Berger

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    Ils disaient qu’ils allaient taxer les ultrariches et les grosses entreprises. En réalité, ils ont décidé d’attaquer tous les Français,…

    M. Sylvain Carrière

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    Non, ça, c’est vous !

    M. Jean-Didier Berger

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    …de taxer tout, tout le temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Thibault Bazin

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    Les classes moyennes !

    M. Jean-Didier Berger

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    Les résidences principales ? Taxe ! Les résidences secondaires ? Taxe aussi ! Même le logement social : surtaxe. Les entreprises familiales et leur transmission ? Taxe encore ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) L’assurance-vie, l’épargne ? Idem ! Oui, il faut dire la vérité : vous avez décidé de tout taxer. Même les Français de l’étranger y passent : taxe, taxe et encore taxe !
    Il faut aussi le dire : vous l’avez fait avec la complicité du groupe Rassemblement national (Exclamations sur les bancs du groupe RN) qui, par son vote ou son abstention, a permis l’accumulation de ces monstruosités fiscales. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
    Notre pays est déjà champion du monde de la fiscalité mais cela ne vous suffit pas. Vous vous apprêtez d’ailleurs à voter ensemble l’abrogation de la réforme des retraites, ce qui aggraverait le déficit jusqu’à 15 milliards d’euros. Il faut le dire à tout le monde : non seulement cela ruinerait le pays mais cela mettrait aussi en danger les retraites de tous les Français.
    Ma question est simple : oserez-vous enfin baisser vraiment la dépense publique ?

    Mme Sandra Regol

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    Et les hôpitaux, les écoles, les pompiers ?

    M. Jean-Didier Berger

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    Garantirez-vous à tous les Français que vous les protégerez contre le programme du Rassemblement national et de la gauche – le même programme (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et SOC) qui aboutira à un seul résultat : semer la misère fiscale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics

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    Je vous remercie pour votre question qui me permet de préciser de nouveau la philosophie du texte initial du projet de loi de finances pour 2025. Je dis bien « initial » car, vous l’avez dit à juste raison, la copie de la commission des finances, certes rejetée in fine, prévoyait 50 à 60 milliards d’euros d’impôts supplémentaires – nous ne parlons ici que d’impôts –, ce que nous n’acceptons pas.
    Le Gouvernement propose un redressement fort et rapide…

    Mme Christine Arrighi

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    Justement, il faut taxer !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …pour mener à bien la trajectoire de retour du déficit public sous les 3 % du PIB à l’horizon 2029.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Pour cela il faut augmenter les recettes !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Afin d’y parvenir, l’objectif de l’année 2025 est ambitieux mais nécessaire : 5 % de déficit.

    Mme Christine Arrighi

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    Nous avons voulu accélérer le processus !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Vous avez raison, cela doit d’abord passer par la réduction de la dépense publique. Bien sûr, la procédure budgétaire suppose que nous parlions d’abord des recettes.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Eh oui !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Cependant, je vous confirme que la deuxième partie prévoit 40 milliards de réduction de la dépense publique, dont plus de la moitié concerne l’État. Cela figure dans la copie initiale et nous nous y tiendrons.
    Cela dit, il faut savoir ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Nous avons déjà pu le mesurer lors des débats qui ont commencé lundi. Jusqu’à présent, ils reflètent parfaitement ce qui s’est passé en commission des finances. Autrement dit : ça part mal.

    Plusieurs députés du groupe DR

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    Très, très mal !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Ça part mal pour le contribuable – particulier ou entreprise. Nous devons poser la question aux Français : pour redresser les comptes publics, souhaitons-nous le matraquage fiscal de tous ou voulons-nous enfin prendre la responsabilité de la baisse de la dépense publique d’abord ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Le Gouvernement prendra cette responsabilité et ne laissera pas faire ceux qui souhaitent aboutir à un texte qui prévoit un matraquage fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Précarité de la jeunesse

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Boris Tavernier.

    M. Boris Tavernier

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    Monsieur le Premier ministre, avez-vous déjà sauté un repas faute d’argent ?

    M. Pierre Cordier

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    Parce que vous l’avez fait, vous, peut-être ?

    M. Boris Tavernier

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    Un tiers des étudiants doit s’y résoudre. Avez-vous déjà fait la queue à une distribution alimentaire ? Un étudiant sur cinq y a déjà eu recours. Avez-vous déjà dû mentir pour louer un appartement ? Avez-vous déjà commencé le mois avec 50 euros en banque ? Avez-vous déjà renoncé à chauffer votre logement ? Près d’un étudiant sur quatre y est contraint : c’est le chauffage ou le porte-monnaie. Ici, nulle sobriété heureuse, nulle conviction écologique. On parle d’avoir froid en hiver. On parle crûment de pauvreté.
    Savez-vous ce que signifie la privation, qu’elle soit matérielle, culturelle ou sociale ? C’est se priver de recevoir des amis à dîner ou de se rendre à un anniversaire par crainte de ne pas pouvoir l’assumer financièrement.
    Car oui, ce qu’on appelle pudiquement précarité étudiante, c’est de la pauvreté. Or la pauvreté, c’est de la violence – sur les corps, sur les esprits, sur la vie. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
    Vous me répondrez certainement : « Crous à 1 euro » ou « logements étudiants ». Très bien mais alors allez-y franco ! Étendez l’accès aux repas à 1 euro. Faites en sorte que ce soit bon. Construisez massivement des logements étudiants, salubres et accessibles. (Mêmes mouvements.)
    Une fois qu’on a dit cela, quid des autres jeunesses : ouvrière, employée, privée d’emploi, rurale, autant de populations qui ne fréquentent pas les Crous ? (Mêmes mouvements.) Les jeunesses sont différentes mais ont un point commun : la précarité, aussi bien en matière d’emploi que d’accès au logement de finances.
    Au fond, que vous ayez vécu ou non ces précarités n’est pas la question. Ces violences sont le quotidien de millions de jeunes en France. Dès lors, il nous faut une véritable politique universelle à destination des jeunes ; oui, une politique qui ne fasse pas d’eux la variable d’ajustement de la société.
    Alors je vous le demande : que proposez-vous à la jeunesse de ce pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

    M. Paul Christophe, ministre des solidarités, de l’autonomie et de l’égalité entre les femmes et les hommes

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    Votre question mériterait une réponse de bien plus de deux minutes – vous me l’accorderez. La lutte contre la pauvreté est primordiale pour mon ministère et je n’entends pas me dérober en la matière. Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a parlé de fraternité,…

    M. Louis Boyard

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    Mais il n’a pas parlé de la jeunesse !

    M. Paul Christophe, ministre

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    …un mot qui s’applique tout particulièrement à ce sujet.
    Je m’engage tout d’abord à appliquer le pacte des solidarités dont je rappellerai deux des axes les plus importants.
    Le premier est l’accès aux justes droits. Tel est le sens de la déclaration préremplie, expérimentée dans cinq départements ces derniers mois et qui sera généralisée à l’horizon 2025.
    L’autre axe est la sortie de la pauvreté par l’emploi. La loi pour le plein emploi, présentée il y a un an, prévoit ainsi un meilleur accompagnement pour que chacun se tourne vers l’emploi. Cela passe notamment par l’écoute, un mot que j’emploie souvent car, vous le savez, les allocataires du RSA, en particulier, veulent être écoutés. Il faut aussi prendre en considération l’ensemble des freins périphériques à l’emploi – je pense au logement ou à la garde d’enfants, un sujet que j’ai abordé hier ici même en évoquant la réforme du complément de libre choix du mode de garde – et toutes les difficultés auxquelles sont confrontés les allocataires.
    Vous avez raison, il faut aussi adresser des messages à la jeunesse. Puisqu’il a été question du budget, je vous invite à être attentif à nos débats lorsque nous aborderons les dépenses prévues par le programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes consacré à la lutte contre la pauvreté – je vois que vous hochez la tête. Des augmentations de budget notables y figurent, par exemple des dispositions concernant la restauration avec le dispositif de cantine à 1 euro pour les plus fragiles ou encore le petit-déjeuner. Il faudra absolument soutenir de telles mesures budgétaires – je compte sur vous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Boris Tavernier.

    M. Boris Tavernier

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    L’écoute ne sera pas suffisante. Nous attendons des actes. N’insultez pas l’avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)

    Guerre en Ukraine

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Petit.

    M. Frédéric Petit

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    Monsieur le ministre des armées, vous avez déclaré le 14 octobre devant la représentation nationale que nos livraisons d’armes à l’Ukraine en 2024 n’atteindraient pas le plafond de 3 milliards d’euros annoncé en janvier.
    Les Ukrainiens comptent sur nous, sur le plan militaire mais également pour remettre, dès à présent, leur pays en état. Cette aide de qualité est vitale pour l’Ukraine et la solidarité entre nos armées représente la première pierre d’une future et nécessaire défense européenne.
    Je tiens à signaler le professionnalisme et la grande qualité de nos armées dans la formation des soldats ukrainiens en France et en Pologne aux côtés de l’armée polonaise.
    Vous le savez bien, cette guerre est aussi celle de l’information. La confrontation des modèles, à l’œuvre sous nos yeux, exige plus que jamais vérité et clarté de notre part.
    Fin août, j’étais en Ukraine, à Lviv et à Tchernihiv. J’ai voulu saluer la mémoire des morts au combat lors des cérémonies officielles. J’y ai vu un pays debout malgré les alertes aériennes incessantes et les bombardements, des entreprises au travail, des enseignants faisant classe devant des enfants revenus en nombre et l’université nationale polytechnique de Tchernihiv de nouveau en travaux pour accueillir les étudiants à la veille de la rentrée après un énième bombardement.
    Les Ukrainiens ne nous demandent pas d’accomplir des miracles ni d’être plus puissants que nous ne sommes. Quel message leur adressons-nous au moment où la Corée du Nord envoie des soldats combattre aux côtés de l’armée russe, au moment où le soutien des alliés du Kremlin s’intensifie ? Le flou et les zones grises serviront toujours les intérêts de ce dernier.
    Pouvez-vous préciser devant la représentation nationale d’où vient ce décalage entre les sommes réellement engagées pour l’année en cours et les 3 milliards annoncés ? Quel sera le montant de notre soutien à l’Ukraine en 2025 ? Enfin, et surtout, pouvez-vous nous rassurer sur le fait que le Gouvernement prend bien en considération le caractère existentiel de la menace que le Kremlin représente pour la France et pour l’Europe ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et EPR, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre des armées et des anciens combattants.

    M. Pierre Cordier

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    Mieux vaut lui que le Président de la République, y compris sur les questions internationales !

    M. Sébastien Lecornu, ministre des armées et des anciens combattants

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    Permettez-moi tout d’abord, monsieur Petit, de saluer votre engagement personnel depuis le début de cette guerre – et, à travers vous, l’ensemble du groupe Dem dont le soutien à l’Ukraine n’a jamais manqué.
    Pour répondre précisément à votre question, je confirme que nous avions annoncé que le montant pourrait atteindre 3 milliards d’euros. Lors de l’audition budgétaire, en commission de la défense nationale et des forces armées, où j’ai été reçu avec le ministre délégué Jean-Louis Thiériot, nous avons fait un point d’étape sur les sommes qui avaient été réellement utilisées à cette date – début octobre –, à savoir plus de 2 milliards d’euros.
    Je signale que le coût de la brigade dite Anne de Kiev devra être intégré à ce calcul et que le montant évoluera encore au moment de la signature de la cession des Mirage 2000 – peut-être en décembre ou en janvier.
    Enfin – mais vous le savez pour bien connaître et suivre les débats budgétaires – il existe un décalage entre, d’un côté, l’acte de cession lui-même, au fond le seul moment qui compte pour l’armée ukrainienne, et, de l’autre, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement correspondant à ces cessions. D’ici à la fin de l’exercice budgétaire, les différents ministres concernés, comme Laurent Saint-Martin ou moi-même, seront amenés à apporter des compléments d’information.
    Au-delà même de la question des sommes se pose celle de la nature des armes fournies à l’Ukraine. Si tout n’était qu’une affaire de milliards, cela se saurait. Les missiles Scalp sont à cet égard un bon exemple puisque notre nation a décidé, avec les Britanniques, de procurer des missiles de longue portée à l’Ukraine. Si ces armes représentent un bon game changer – en mauvais français – du point de vue tactique, cela ne tient pas seulement aux sommes engagées, j’y insiste, mais aussi à leur nature même.
    De même, la cohérence du matériel fourni – munitions, carburants, pièces détachées – est une question importante et constitue, si j’ose dire, notre marque de fabrique. On a trop souvent vu des nations amies proposer en guise d’aide à l’Ukraine un matériel de mauvais état.
    Par ailleurs, sous l’autorité de Jean-Noël Barrot, nous avons obtenu une belle avancée avec la mobilisation des avoirs gelés russes. Pour sa première tranche, l’opération représente 300 millions d’euros, ce qui représente une bonne nouvelle pour le contribuable français, pour l’Ukraine mais aussi pour les entreprises françaises qui pourront accéder à de nouvelles commandes afin d’aider l’Ukraine – c’est en tout cas le chemin que nous prenons.
    Je vous remercie enfin pour vos mots à propos de la qualité de la formation de nos soldats. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)

    Accompagnement des enfants en situation de handicap

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Constance de Pélichy.

    Mme Constance de Pélichy

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    Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs ont manifesté la volonté de faire de l’école un lieu où les enfants différents, extraordinaires, ont également leur place. Pour faciliter l’intégration de ces enfants, un accompagnant d’élèves en situation de handicap peut leur être attribué. Bien accompagner et soutenir tous les enfants, quelles que soient leurs fragilités, dans une école qui ne leur est pas toujours adaptée, relève autant de la justice sociale que des valeurs républicaines.
    Le Gouvernement a décidé de créer 2 000 postes supplémentaires d’AESH pour l’année à venir. Permettez-moi néanmoins de partager les inquiétudes relayées hier.
    De très nombreux postes ne sont pas pourvus. Dans le seul département du Loiret, 750 élèves n’étaient pas accompagnés à la rentrée. Ce sont autant d’enfants en souffrance, d’enseignants en difficulté, de classes déstabilisées.
    Il ne s’agit pas seulement d’ouvrir des postes. Ces derniers sont en effet très mal payés, à temps partiel et sans possibilité de le compléter à cause du mitage des horaires et sans avancement de carrière possible. Il faut donc aussi les rendre attractifs.
    Vous indiquiez hier avoir permis la transformation en CDI et la revalorisation indiciaire de ces postes mais nous n’avons pas reçu de réponse au sujet de ces accompagnants qui jonglent parfois entre sept enfants aux besoins très différents.
    Envisagez-vous de mutualiser ces postes avec d’autres postes de la fonction publique territoriale ou hospitalière afin d’atteindre un temps complet ? Ne pensez-vous pas qu’une année commune de formation aux métiers du soin – aide-soignant, AESH, auxiliaire de puériculture et autres – permettrait de faciliter les passerelles et le déroulement des carrières ?
    L’accueil des enfants à l’école est un droit fondamental. C’est aussi un enjeu de justice sociale, d’éducation, de dignité surtout. Des enseignants, des accompagnants, des familles et par-dessus tout des enfants comptent sur vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LIOT, SOC et HOR. – M. Vincent Rolland applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.

    Mme Anne Genetet, ministre de l’éducation nationale

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    La promesse de l’école inclusive est simple, claire et très ambitieuse : accueillir tous nos enfants, y compris les enfants extraordinaires que vous avez évoqués. Je tiens à souligner que, depuis 2017, le budget consacré à l’école inclusive a plus que doublé, excédant 4 milliards d’euros. Pour l’année 2025, nous nous engageons à lui consacrer la même somme.
    Les écoles accueillent un peu plus de 500 000 élèves en situation de handicap dont deux tiers sont pris en charge par des AESH. Dans le Loiret, un tel accompagnement concerne environ 1 500 enfants sur un total de 2 500.
    Le métier d’AESH est le deuxième de l’éducation nationale : plus de 140 000 personnes l’exercent. Beaucoup a été fait, vous l’avez souligné : possibilité de transformer leurs postes en CDI et augmentation de plus de 13 % de leur rémunération.
    Leur temps de travail ne peut toutefois excéder le temps scolaire, soit 24 heures par semaine. C’est pourquoi certains AESH se sont vu proposer de travailler avec les collectivités locales dans le cadre des activités périscolaires. J’ai entendu vos propositions d’ouverture à d’autres situations. Elles sont très intéressantes et je les étudierai avec attention.
    Je signale également que la loi Vial permet d’envisager la prise en compte du temps du déjeuner lorsque les enfants ont besoin qu’on les accompagne pendant ce moment. C’est ce qui est fait.
    Il faut à la fois soutenir les accompagnants et les élèves. L’élaboration d’un plan métier pour les AESH est en cours dans le cadre du comité interministériel du handicap. Je mènerai ce travail sous l’autorité du Premier ministre, avec Alexandre Portier, ministre délégué auprès de moi,…

    M. Pierre Cordier

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    Excellent, très bien, Alexandre Portier !

    Mme Anne Genetet, ministre

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    …ainsi qu’avec mes collègues Paul Christophe et Charlotte Parmentier-Lecocq. Nous y tenons et voulons absolument inclure tous nos enfants. Le vingtième anniversaire de la grande loi du 11 février 2005 sur l’inclusion approche. Soyez assurés du soutien de l’État à l’accueil d’un maximum d’élèves dans d’excellentes conditions et à l’amélioration du métier d’AESH. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)

    Gens du voyage

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nathalie Colin-Oesterlé.

    Mme Nathalie Colin-Oesterlé

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    Monsieur le ministre de l’intérieur, depuis le 12 septembre, les gens du voyage occupent illégalement, avec 300 caravanes et 300 véhicules, une zone de loisirs à Saint-Julien-lès-Metz, en Moselle, créant un préjudice majeur pour les commerçants.
    Le 29 juillet, 250 caravanes et 200 véhicules s’installaient illégalement sur un terrain de football à Argancy, un village de 1 000 habitants. Le montant des dégradations s’élève à 30 000 euros, une somme considérable pour une petite commune.
    En juillet toujours, à Vry, commune de 500 habitants, 150 caravanes s’étaient installées illégalement, tandis qu’ailleurs les élus étaient menacés et certains maires du Nord mosellan violentés.

    M. Ian Boucard

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    Quelle honte !

    Mme Nathalie Colin-Oesterlé

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    À la suite de dégradations considérables, le président de la métropole de Metz a été contraint de fermer son aire de grand passage. Le coût de sa remise en état est estimé à 150 000 euros. Pour la communauté d’agglomération de Thionville, il s’élève à 300 000 euros.

    M. Pierre Cordier

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    C’est de l’argent public, tout de même !

    Mme Nathalie Colin-Oesterlé

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    La situation devient ingérable et l’exaspération des maires et des habitants est immense face à cet état de non-droit.
    Les occupations illégales de terrains communaux, associatifs, privés se multiplient partout en France, en toute impunité. Les demandes de mise en demeure et d’expulsion restent sans réponse, y compris lorsque les collectivités respectent leurs obligations en matière d’installation et d’entretien des aires d’accueil et de grand passage.

    M. Thibault Bazin

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    C’est scandaleux !

    Mme Nathalie Colin-Oesterlé

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    Les préfectures invoquent pour l’expliquer l’absence de forces de l’ordre disponibles en nombre suffisant et l’absence d’atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique. Naïvement, nous étions pourtant nombreux à penser que l’occupation illégale de terrains était constitutive d’une atteinte à la sécurité et à la tranquillité publique.
    Il est temps de réformer les procédures de mise en demeure et d’expulsion. C’est l’objet de la proposition de loi déposée par notre collègue Xavier Albertini, que nous sommes nombreux à avoir cosignée.

    M. Fabien Di Filippo

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    Il faut mettre bon ordre dans tout ça !

    Mme Nathalie Colin-Oesterlé

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    Ma question est simple – j’y associe notre collègue Isabelle Rauch, également députée de Moselle : quelles mesures comptez-vous prendre dans l’immédiat pour faire respecter la loi, mettre fin à ces occupations illégales et soutenir ceux qui les subissent ? (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR, ainsi que sur quelques bancs du groupe UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur

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    La question des gens du voyage est au cœur des préoccupations de tous les élus de France, notamment des maires. Il ne se passe pas une seule journée depuis ma prise de fonctions sans que j’en entende parler.
    Qu’on soit bien clair : dans la République, chacun peut adopter le mode de vie qu’il souhaite, en fonction de ses traditions. La question n’est pas là. Mais il ne peut le faire qu’à condition de respecter les lois de la République et les dépositaires de son autorité – les maires et tous ceux qui portent l’uniforme –, de respecter la propriété publique ou privée. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe HOR.)
    Quand nos concitoyens voient que des terrains publics ou privés sont occupés,…

    M. Thibault Bazin

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    Et dégradés !

    M. Bruno Retailleau, ministre

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    …avec un branchement direct et, de fait, totalement gratuit sur les réseaux d’eau et d’électricité, ils en arrivent à l’exaspération. Cette situation ne peut se prolonger.
    J’appliquerai très rapidement un plan d’action. Je vous y associerai si vous le souhaitez. Deux propositions de loi ont été déposées, l’une au Sénat, qui vise à consolider les outils des collectivités permettant d’assurer un meilleur accueil des gens du voyage, l’autre à l’Assemblée nationale, qui vise à réformer l’accueil des gens du voyage et à laquelle vous avez fait allusion.
    Je ferai d’abord en sorte que se noue un dialogue direct avec la communauté des gens du voyage.
    Ensuite, un certain nombre de précisions devront être apportées, notamment aux schémas départementaux d’accueil et d’habitat des gens du voyage. Nous disposons de davantage d’outils lorsque nous ouvrons officiellement des aires d’accueil. Je sais très bien que les gens du voyage refusent de s’y installer même lorsqu’elles sont ouvertes…

    Mme Christine Arrighi

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    C’est une honte, de dire ça !

    M. Bruno Retailleau, ministre

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    …mais il convient malgré tout de veiller au respect de la loi.
    Enfin, je prendrai de nouvelles mesures d’ordre public, d’enquête patrimoniale et de réparation des dommages. Il ne peut y avoir de double citoyenneté. Personne n’est au-dessus de la loi. Je ferai respecter l’ordre public et la loi républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe HOR.)

    Sanofi

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Édouard Bénard.

    M. Édouard Bénard

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    Monsieur le Premier ministre, hier, notre collègue François Ruffin interrogeait le Gouvernement au sujet de la souveraineté industrielle du pays et plus particulièrement de Sanofi et des sites de production du Doliprane, qui font couler tant d’encre et de larmes d’inquiétude parmi les salariés, tant en Normandie que dans les Hauts-de-France. En réponse, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie lui indiquait avoir reçu des garanties relatives aux investissements et au maintien de l’emploi du groupe en France. L’État entre au capital de la nouvelle entité à hauteur de 2 % par le biais de la Banque publique d’investissement : très bien.
    Il y a peu, déjà par l’intermédiaire de BPIFrance, 150 millions d’euros étaient injectés dans EuroApi, ancienne filiale de Sanofi spécialisée dans la production de principes actifs. On avait apporté les mêmes garanties, le même discours résonnait dans cette enceinte. Même schéma, même trajectoire, même destinée : aucune relocalisation n’a vu le jour, de la Seine-Maritime au Puy-de-Dôme.
    L’ogre du fonds d’investissement américain auquel on cède Opella se rit du Petit Poucet français et de ses 2 % de parts. Pour reprendre des mots élyséens, c’est du ripolinage, de la poudre de perlimpinpin !
    Cinq mille, c’est le nombre de ruptures de stock de médicaments recensées en 2023 – amoxicilline, paracétamol, Ozempic et j’en passe. Soixante-dix pour cent de ces ruptures concernent des médicaments dont les molécules sont tombées dans le domaine public, à faibles marges et n’intéressant plus Big Pharma qui se concentre sur les produits protégés par des brevets, bien plus rentables.
    Ni vous ni nous ne sommes dupes : la vocation première d’un fonds d’investissement est d’accroître sa rentabilité et de diminuer à cette fin les coûts de production. Or la santé ne saurait faire l’objet d’un jeu boursier.
    Vous nous appelez au travail transpartisan. Dont acte. Notre feuille de route est claire. C’est pourquoi nous nous interrogeons : quid de la création d’un pôle public du médicament qui mettrait notre pays à l’abri des ruptures d’approvisionnement touchant une grande majorité des molécules tombées dans le domaine public, face à la prédation des multinationales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. Jean-Victor Castor

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    Excellent !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.

    M. Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l’industrie

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    L’État s’est impliqué dès l’origine dans la gestion de ce dossier. Le ministre de l’économie Antoine Armand et moi-même nous sommes rendus très rapidement à Lisieux pour rencontrer les salariés inquiets du devenir de cette opération.
    Nous avons exigé et obtenu des garanties afférentes au maintien des sites de production de Compiègne et de Lisieux, à celui de la direction opérationnelle d’Opella en France, à celui de l’emploi ainsi qu’aux investissements qui engendreront des emplois pour l’avenir.
    Ces garanties sont assorties de sanctions très significatives – c’est ce qui fait le caractère inédit de l’accord signé ce dimanche. Pour cette raison, nous sommes confiants quant à la tenue des engagements pris. Mais pour les garantir davantage encore, nous avons tenu à ce que l’État soit présent au capital d’Opella et surtout fermement exigé et obtenu que BPIFrance dispose d’un siège au conseil d’administration. Ce siège lui permettra d’accéder aux informations relatives à la stratégie de l’entreprise, notamment à sa stratégie d’investissement et à sa stratégie éventuelle de localisation ou de relocalisation.
    Notre stratégie industrielle marche sur deux jambes. Il s’agit d’abord de protéger l’existant : les emplois, l’empreinte industrielle, la sécurité d’approvisionnement. C’est pour assurer cette dernière qu’Opella s’est engagée, aux termes de l’accord que je mentionnai plus tôt, à produire dans des quantités déterminées.
    Il s’agit également de ne pas dissuader les investisseurs, celles et ceux qui veulent apporter à notre pays les ressources grâce auxquelles on créera les activités et les emplois de demain.
    Cette stratégie a permis d’améliorer l’investissement depuis cinq ans et nous laisse penser que l’accord signé est équilibré. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme Stéphanie Rist

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    Bravo !

    Projet de loi de finances

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Gérault Verny.

    M. Gérault Verny

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    Monsieur le Premier ministre, en 1978, quand vous arrivez dans cet hémicycle, la dette publique représente 21 % du PIB, soit 80 milliards d’euros, la dépense publique 45 % du PIB et le déficit public 18 milliards. Aujourd’hui, la dette publique représente 113 % du PIB, soit 3 300 milliards, et le déficit public 174 milliards.
    Puisque les Français sont dotés d’un bon sens qui échappe à leurs dirigeants, ils sont 80 % à juger très urgent de réduire la dette.
    La réponse de la gauche est claire : les taxes !

    M. Emmanuel Maurel

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    Allez !

    M. Gérault Verny

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    Taxe sur l’eau touristique, taxe sur les animaux de compagnie, taxe sur les vélos : nous voici revenus dans Robin des Bois avec, dans le rôle du shérif de Nottingham, La France insoumise, qui s’endort le soir en rêvant de nouvelles taxes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupe UDR et RN.)

    M. Sylvain Carrière

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    Et vous, vous rêvez d’austérité !

    M. Gérault Verny

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    Suivant l’adage populaire, à tous les problèmes, il y a une solution. La gauche se l’approprie et ça devient : à tous les problèmes, il y a une taxation. Après tout, selon la doctrine Hollande, on sait que, recette comme dépense, je cite : « C’est gratuit, c’est l’État qui paie. »
    Quelle est la réponse du Gouvernement ?

    M. Nicolas Sansu

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    Augmenter les riches !

    M. Gérault Verny

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    Augmenter encore et encore et encore les prélèvements obligatoires. Dans le pays le plus taxé de l’OCDE, votre gouvernement a décerné un « peut mieux faire » de 40 milliards d’euros aux Français.
    Puisque tout change mais que rien ne change, puisque vous ne présentez aucune réforme structurelle pour diminuer les charges de cet État hypertrophié qui sont devenues une maladie auto-immune, notre dette – toujours elle – sera encore plus lourde, plus insupportable dans un an : elle pèsera 66 milliards de plus.
    Comment pouvez-vous prétendre proposer un budget responsable et plus juste alors que chaque jour d’inaction rapproche le FMI de Paris ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics

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    Vous évoquez la hausse de l’endettement de notre pays, mais je crois qu’il serait honnête de rappeler pourquoi la dépense publique a augmenté ces dernières années.

    Mme Christine Arrighi

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    Parce que vous étiez aux responsabilités !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    C’était d’abord pour protéger. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Cet État a été au rendez-vous face à la crise Covid ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EPR.) Cet État a été au rendez-vous face à la crise énergétique, qui aurait pu faire flamber les factures de nos concitoyens et de nos entreprises ! (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Cela n’a pas été le cas ; nos voisins, eux, ont connu une inflation bien supérieure. (Mêmes mouvements.)

    M. Hervé Berville

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    C’est la vérité !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Et nous avons maintenu une croissance et un taux d’emploi supérieurs à ceux observés en Europe.
    Cela étant dit, la réalité de la dépense publique exige que nous agissions aujourd’hui pour redresser nos comptes. Cela ne passe pas d’abord par la hausse des prélèvements obligatoires.

    M. Éric Ciotti

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    C’est pourtant ce que vous faites !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je ne vous laisserai pas dire cela : c’est avant tout la baisse de la dépense publique qui sera à l’origine du redressement de nos comptes publics.
    Nous allons reprendre le débat budgétaire : vous aurez l’occasion de démontrer par votre vote, sans vous abstenir, que vous refusez le matraquage fiscal que j’évoquais tout à l’heure en réponse à notre collègue Berger. Nous observerons cela, vote par vote.  (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
    En attendant, je serai extrêmement heureux d’entendre vos propositions sur la baisse de la dépense publique (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur plusieurs bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Nous verrons, en deuxième partie de ce projet de loi de finances, si vous êtes au rendez-vous lorsque, pour faire mieux avec moins, des choix courageux s’imposent ! (Mêmes mouvements.)

    Ingérences étrangères

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Marc de Fleurian.

    M. Marc de Fleurian

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    C’est à vous, monsieur le Premier ministre, à qui l’article 21 de la Constitution confie la responsabilité de notre défense nationale, que s’adresse ma question.
    La presse a mis au jour l’affaire indécente du débauchage de Patrick Calvar par l’entreprise américaine Kharon. L’ancien directeur général de la sécurité intérieure travaille désormais directement pour les États-Unis, un pays qui a pris la fâcheuse habitude d’imposer au monde entier des sanctions économiques décidées unilatéralement. Il est devenu l’employé d’un État étranger qui s’est fait une spécialité de traquer et de dépecer ses concurrents internationaux, notamment français, en usant comme d’une arme de son droit extraterritorial. Comment l’ancien patron de la DGSI, dont la fonction était précisément la protection des entreprises françaises contre les appétits étrangers, peut-il aujourd’hui être libre d’aller se vendre à un prédateur féroce de nos fleurons industriels ?
    Il est urgent de convoquer M. Calvar devant les commissions compétentes de notre assemblée : il devra ainsi s’expliquer devant les représentants de la nation sur sa conduite actuelle. Il lui faudra également rendre des comptes sur le partenariat passé entre la DGSI et l’entreprise Palantir, financée directement par les fonds du renseignement américain et qui ressemble à s’y méprendre au loup dans la bergerie.
    Il est un autre impératif : celui de renforcer notre arsenal législatif et réglementaire pour prévenir la vente aux enchères de ceux qui ont exercé, exercent ou exerceront des responsabilités stratégiques au service de notre patrie. Il n’est pas admissible qu’un homme qui a eu accès à des secrets d’État puisse, sans rien craindre de la puissance publique, devenir le catalyseur d’une ingérence étrangère manifeste.
    La nouvelle loi de programmation militaire permet au ministre de la défense de s’opposer au recrutement d’un ancien militaire par une puissance étrangère. Êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à durcir ce dispositif et à l’élargir à l’ensemble du spectre de la souveraineté pour garantir l’intégralité de notre indépendance nationale ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur

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    Tout ce qui touche à la DGSI et à nos services suppose de la discrétion de la part du Gouvernement ; sachez toutefois que nous serons tranchants et que nous opérerons comme il se doit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe DR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Le 17 octobre, un ancien policier agent de la DGSI a été condamné dans le cadre de l’affaire Horus. Il a été détecté, identifié, révoqué et jugé. On s’est aperçu qu’il vendait des informations hautement confidentielles sur le darknet contre des cryptomonnaies.
    L’exemple que vous avez évoqué est d’une autre nature et je ne donnerai à ce sujet aucune information aujourd’hui. Je tiens cependant à rappeler que 5 000 agents travaillent à la DGSI et que des risques structurels existent. Nous engageons systématiquement des contrôles personnels, longitudinaux et récurrents. Nous ne tolérerons rien. Chaque dossier doit être examiné. La présomption d’innocence s’impose à chaque fois mais, croyez-moi, dès lors qu’il s’agira des intérêts supérieurs de la nation, ma main ne tremblera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Thibault Bazin

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    Excellent !

    M. Emeric Salmon

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    En tout cas, c’est gravissime !

    Crise agricole

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Marion.

    M. Christophe Marion

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    Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’agriculture. Depuis quelques jours, les actions des agriculteurs reprennent en Loir-et-Cher comme partout en France : panneaux communaux déplacés ; radars recouverts ; banderoles sur les grilles des sous-préfectures placées ce week-end à l’initiative de la coordination rurale… Hier, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs ont annoncé une reprise des manifestations le 15 novembre. Il faut dire que la situation est catastrophique ; nous le savons tous depuis déjà plusieurs mois, qu’il s’agisse du tournesol, du sarrasin, du maïs ou du Sorgo…
    La récolte n’est toujours pas terminée dans le Vendômois. Pire, et c’est du jamais-vu de mémoire paysanne, les emblavements sont impossibles ! C’est la récolte 2025 qui est désormais menacée ! Si la colère est grande, le désespoir conduit parfois à l’irréparable ; nous sommes tous, dans nos circonscriptions, touchés par des drames humains que nous n’avons pas su éviter.
    Face à cette situation, des réponses fortes sont attendues car nos agriculteurs perdent confiance dans la parole publique, quel que soit le groupe qui la porte. Au fond, c’est cela le plus grave. Ils attendent des réponses immédiates, notamment pour soutenir les trésoreries : décalage des intérêts d’emprunts ; annulation des cotisations à la MSA ; mise en pause des contrôles. Plus globalement, ils attendent de savoir comment vous pensez les accompagner face au dérèglement climatique. Ainsi, mobiliserez-vous, en complément du système assurantiel et afin d’encaisser les variations de revenu, la déduction pour épargne de précaution ?
    Au-delà de l’urgence, des questions restent entières. Je pense à la lutte contre la concurrence déloyale, avec la mise en place et le respect des clauses miroirs ; sur ce point, ne faiblissons pas sur les négociations avec le Mercosur ! Je pense aussi à la garantie d’un revenu décent pour les producteurs. Si personne n’attend de solution miracle sur ces deux points, nos agriculteurs, au-delà des déclarations d’amour, ont besoin d’une vision et d’actes.
    Comment, madame la ministre, pouvez-vous les rassurer – avant l’explosion qui arrive ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

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    Les agriculteurs souffrent. Nous entendons leur colère, leurs doutes, leurs inquiétudes. La situation est, vous l’avez dit, catastrophique : les récoltes sont mauvaises, ici il y a trop d’eau et là pas assez, les rendements sont faibles, les maladies sanitaires déciment nos cheptels. La situation est extrêmement difficile.

    Une députée du groupe RN

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    Ça fait longtemps qu’on entend ça ! Il faut des sous !

    M. René Pilato

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    Et le plan Vert ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Vous avez évoqué le geste ultime auquel certains recourent. Croyez bien que cela nous touche au plus profond de nous-mêmes. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Je voudrais saluer l’action conduite par le délégué interministériel Olivier Damaisin, qui fait un travail extraordinaire (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et Dem) au service des agriculteurs pour déjouer les accidents de la vie, pour lutter contre la tentation qui est parfois la leur de céder à la dépression, ou pire encore.
    Cela dit, il faut des réponses concrètes et urgentes (Mouvements divers) car il faut rétablir la confiance des agriculteurs en la parole de l’État. La première réponse est d’ordre budgétaire. (« Ah ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    M. Pierre Cordier

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    C’est vrai qu’il y a eu des promesses mal tenues !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Tous les engagements pris auprès des agriculteurs l’an dernier sont tenus dans le PLF 2025. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR et DR. – M. Frédéric Petit applaudit également.)

    M. Sébastien Delogu

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    Ce n’est pas vrai !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Dans le contexte très difficile que nous connaissons, le budget de l’agriculture répond aux attentes, aux questions et aux engagements de l’État, quoi que vous en disiez, quoi que vous en pensiez. (Mêmes mouvements.) Au-delà, il faut des réponses complémentaires pour soutenir les trésoreries et des réponses structurelles. Je pense au plan viticole, destiné à répondre à la surproduction, et au plan Méditerranée, que j’ai lancé la semaine dernière à Avignon.

    Mme la présidente

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    Je vous remercie, madame la ministre.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Ce sont des réponses extrêmement importantes. Il y en aura d’autres… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR et DR.)

    État de l’industrie française

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arnaud Saint-Martin.

    M. Arnaud Saint-Martin

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    Monsieur le ministre de l’industrie, vos politiques organisent la saignée de l’industrie française : 980 suppressions de poste chez Thales Alenia Space, 2 500 chez Airbus Defence and Space… Le secteur spatial est une victime de plus du manque d’anticipation du Gouvernement et de l’austérité budgétaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
    Les salariés disposent pourtant de compétences technologiques précieuses, dont la disparition mettrait en danger l’ensemble de nos capacités de géopositionnement, de télécommunications, de suivi des dérèglements climatiques, mais aussi nos applications militaires stratégiques. À l’heure des mégaconstellations et de SpaceX, donc de la domination états-unienne, la suppression de ces postes menace aussi notre capacité d’accès à l’espace, donc notre autonomie et notre souveraineté. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Mais vous ne vous arrêtez pas là ! Vous choisissez de tout détruire dans l’industrie française, les secteurs de l’automobile et des énergies renouvelables en tête. Au total, 100 000 emplois industriels sont menacés. Que faites-vous pour les salariés de MA France ou de Forvia ? Que faites-vous pour les salariés de Vernova ? (Mêmes mouvements.)
    Monsieur le ministre, il y a deux jours, vous vous vantiez dans la presse de vouloir mener une politique industrielle souveraine et ambitieuse. Mais où réside l’ambition dans les 180 plans de licenciements en cours dans tout le pays ? Où réside la souveraineté face à des catastrophes sociales que votre politique va précipiter ? À l’Élysée comme à Matignon, hier et aujourd’hui, ce n’est plus Choose France, c’est la Lose France ! (« Ah ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Vous encouragez le gavage des actionnaires et le dépeçage des fleurons industriels ; vous subventionnez à foison les start-up aux promesses sans lendemain ; vous permettez le licenciement de nos salariés au profit du capitalisme financiarisé et d’un management destructeur ; bref, vous naviguez à vue ! Il est grand temps d’assumer votre responsabilité et de protéger les salariés !

    M. Hervé Berville

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    Rendez-nous le vrai Saint-Martin !

    M. Arnaud Saint-Martin

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    Monsieur le ministre, quand allez-vous planifier la politique industrielle du pays, avec un État stratège aux commandes et au service de l’intérêt général ? Quand allez-vous mettre en œuvre sa bifurcation écologique ? Allez-vous enfin réagir ? ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent longuement. – M. Frédéric Maillot applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie.

    M. Marc Ferracci, ministre délégué chargé de l’industrie

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    Vous m’interpellez, monsieur le député, sur les annonces récentes qui ont été faites par des entreprises de l’aérospatiale, en particulier Airbus Defence and Space, concernant des réorganisations qui pourraient toucher jusqu’à 2 500 emplois en Europe. Il convient d’abord de replacer ces annonces dans un contexte économique : le marché des satellites géostationnaires à visée commerciale est aujourd’hui en baisse, ce qui implique que des entreprises comme Thales mais aussi comme Airbus Defence and Space se réorganisent pour rester compétitives face à la concurrence internationale – je pense que chacun peut le comprendre.
    Ensuite, je tiens à vous dire que la filière spatiale reste une priorité du Gouvernement. Elle représente un enjeu d’autonomie stratégique, elle est porteuse d’innovations et elle connaît des réussites – je veux saluer le premier vol d’Ariane 6 au mois de juillet.

    M. Bastien Lachaud

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    Ce n’est pas grâce à vous !

    M. Marc Ferracci, ministre délégué

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    C’est pour ces raisons qu’avec le ministre de l’économie, Antoine Armand, je suis avec beaucoup d’attention les derniers développements. Le soutien à cette filière va continuer, notamment à travers le programme France 2030, qui finance un certain nombre de projets de soutien à l’investissement.

    Mme Christine Arrighi

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    Il n’y a plus d’argent !

    M. Marc Ferracci, ministre délégué

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    Les salariés font l’objet d’une grande attention. Permettez-moi de vous apporter deux précisions concernant les annonces qui ont été faites. La première, c’est que les 2 500 emplois menacés se situent partout en Europe, pas seulement en France.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Nous voilà rassurés !

    M. Marc Ferracci, ministre délégué

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    La seconde, c’est qu’il n’y aura pas de licenciements : les salariés ont vocation à être reclassés et le seront dans les autres entités d’Airbus. Nous suivrons de près les engagements qui ont été pris. (M. Gabriel Attal, Mme Danielle Brulebois et M. Jean Terlier applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arnaud Saint-Martin.

    M. Arnaud Saint-Martin

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    La start-up nation nous a mis dans le mur ! Il est temps de reprendre le cap et de gouverner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mesures de rétorsion chinoises sur le cognac

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Fabrice Barusseau.

    M. Fabrice Barusseau

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    Madame la ministre de l’agriculture, la semaine dernière, vous avez répondu à notre collègue Sandra Marsaud à propos des surtaxes chinoises sur la filière du cognac. À ce stade, la voie diplomatique semble être la seule que vous retenez pour tenter de résoudre cette crise.
    La France et ses partenaires ne doivent pas plier. La concurrence déloyale des véhicules électriques chinois est une évidence. Elle existe aussi sur bien d’autres marchés, la Chine ayant presque érigé cette méthode au rang de principe institutionnel dans ses modes de production et de commercialisation. Imposer une surtaxe sur les véhicules chinois reste une nécessité absolue si nous voulons préserver notre industrie automobile, en pleine mutation technologique.
    Pour ne pas plier face à la menace de Pékin, les pays européens doivent agir tous ensemble. Or, depuis quelques semaines, des signes de capitulation semblent poindre, en Espagne, pour la protection de la filière porcine, comme en Allemagne, où apparaissent des signes de soumission.
    La crédibilité de la Commission européenne est en jeu et l’affaiblissement de l’influence de la France au sein de l’Europe fait craindre le pire. Votre seule piste, la diplomatie – qui ne semble plus être, depuis plusieurs mois, une force de la France –, alarme les acteurs locaux. Ils attendent plus que de bonnes intentions et se préparent, après des vendanges médiocres, à entrer dans l’action.
    Les agriculteurs de la filière du cognac, qui fait vivre 70 000 personnes, sont inquiets. Le secteur ne demande pas d’aides mais veut pouvoir poursuivre son activité sans nouvelles entraves commerciales nuisant à sa viabilité – les exportations représentent 97 % du chiffre d’affaires.
    Pouvez-vous nous indiquer comment la voix de la France peut à nouveau peser au niveau européen pour apporter des assurances de loyauté commerciale entre notre industrie automobile, nos viticulteurs et la Chine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

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    En effet, la question m’a déjà été posée et je vais redire à quel point les mesures de rétorsion envisagées par la Chine à l’égard des eaux-de-vie de vin que sont le cognac et l’armagnac sont préoccupantes. J’ai réuni la filière, dont vous avez rappelé à juste titre l’importance en termes d’emplois directs et indirects, et les données du problème m’ont été exposées. La Chine étant le premier marché du secteur, ce sont près de 1,4 milliard d’euros qui se trouvent en jeu.
    Hier, j’étais à Luxembourg avec mes homologues européens pour un Conseil agriculture et pêche ; le sujet des accords commerciaux a été mis à l’ordre du jour. Presque tous les ministres ont signalé le danger représenté par la pression que la Chine met sur les pays européens et sur les producteurs, non seulement dans le domaine des eaux-de-vie mais aussi dans ceux du lait ou du porc.
    Je suis donc un peu moins pessimiste que vous. Il me semble qu’il y a une réelle prise de conscience des dangers que font peser les mesures annoncées par la Chine, pour l’instant provisoires. C’est la raison pour laquelle j’ai dit que la dimension diplomatique était essentielle.
    Une autre option serait une compensation économique, mais on parle de 1,4 milliard pour la seule filière des eaux-de-vie. Vous voyez bien que la réponse budgétaire ou financière est hors de portée. Elle n’est d’ailleurs pas souhaitable : la vocation et la volonté des acteurs de ce secteur sont de produire et de vendre. Nous devons tendre vers ces objectifs.
    Au niveau européen, le sujet est désormais parfaitement identifié. Comptez sur moi pour l’aborder et y travailler chaque fois que l’occasion m’en sera donnée, aussi bien lors de rencontres bilatérales que dans les assemblées plénières où je siège. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de Mme Nadège Abomangoli.)

    Présidence de Mme Nadège Abomangoli
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Projet de loi de finances pour 2025

    Première partie (suite)

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (nos 324, 468).
    Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1891 portant article additionnel après l’article 3.

    Après l’article 3

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Damien Maudet, pour soutenir l’amendement no 1891.

    M. Damien Maudet

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    Il vise à supprimer les niches fiscales sur les droits de succession pour les produits d’assurance vie. Sommes-nous dans une sorte d’« héritocratie » ? On peut se poser la question dès lors que sept des neuf Français devenus milliardaires en 2024 sont des héritiers. Selon le magazine Challenges, la moitié des 500 plus grandes fortunes sont des héritiers. Les grands héritages sont au cœur des inégalités : les 10 % les plus riches détiennent 200 fois plus de patrimoine que les plus pauvres ; les 1 % les plus riches, 600 fois plus. Le rapport de MM. Sansu et Mattei – ce dernier fait pourtant partie du groupe Les Démocrates – expliquait qu’en vingt ans, le patrimoine des 10 % les plus pauvres a diminué de 48 %, alors que celui des 10 % les plus riches a augmenté de 119 %.
    Tout cela est dû à l’existence, dans notre pays, d’un système permettant d’éviter l’impôt. Selon Oxfam, les 0,1 % d’héritiers qui touchent 13 millions d’euros, soit 180 fois plus que l’héritage médian, ne paient que 10 % d’impôt, au lieu de 45 %. Avec le système de niches fiscales, sur les trente prochaines années, on risque de perdre 160 milliards de recettes pour l’État. Au moment où Emmanuel Macron explique que celles-ci font défaut, il y a de l’argent à trouver !
    Par le présent amendement, nous souhaitons revenir sur la niche fiscale relative à l’assurance vie, ce qui pourrait nous rapporter jusqu’à 3,5 milliards d’euros. Il s’agirait d’appliquer à sa transmission les barèmes de droit commun de l’impôt sur la succession, tout en prévoyant un abattement pour privilégier les petits épargnants. Il y a de l’argent à aller chercher et comme d’habitude, il se trouve dans les poches de ceux qui n’ont pas besoin de tous ces avantages. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

    M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    L’amendement a été examiné en commission, qui a émis un avis défavorable.
    D’abord – soyons précis –, le stock d’épargne d’assurance vie frise les 1 900 milliards d’euros, dont un quart environ finance la dette de l’État.

    Mme Véronique Louwagie

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    Il finance aussi l’économie !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    L’assurance vie étant totalement liquide, les épargnants peuvent retirer leurs fonds à tout moment. Que se passerait-il pour les finances de l’État s’ils le faisaient massivement ?
    Par ailleurs, la disposition proposée porterait une atteinte majeure à la confiance des épargnants, qui utilisent l’assurance vie pour protéger leurs héritiers, dans la limite du seuil d’exonération. Ceux dont les contrats sont libellés en euros n’ont d’ailleurs pas été particulièrement gâtés ces dernières années.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics

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    Ils ont perdu de l’argent !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Ils ont en effet perdu en pouvoir d’achat. Je partage donc entièrement l’avis majoritaire de la commission des finances : ne touchez pas à l’article L. 132-13 du code des assurances !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics

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    Nous parlions hier et aujourd’hui, dans le cadre des questions d’actualité au Gouvernement, des dispositifs fiscaux qui touchent une large proportion de nos concitoyens. Merci pour cet amendement : il apporte une démonstration implacable du tour de vis fiscal que vous entendez opérer au détriment de nos concitoyens. L’assurance vie est le placement préféré des Français. (Approbation sur les bancs des groupes EPR et DR.) Vous voulez en alourdir la fiscalité ; nous ne le souhaitons pas. Cela a le mérite de constituer un exemple très parlant, que des millions de nos concitoyens comprennent pour le vivre tous les jours au travers de leurs contrats.
    Il existe déjà des dispositifs antiabus, qui empêchent l’optimisation excessive réalisée grâce à l’assurance vie, et il faut bien sûr les conserver ; mais c’est justement parce que l’assurance vie se transmet dans des conditions spécifiques que nos concitoyens y ont recours. Il serait dangereux pour le financement, et de notre dette, et de notre économie, d’adopter cet amendement qui donnerait lieu à un rachat massif des contrats d’assurance vie. Plus généralement, on ne répond pas au problème des déficits publics en allant ponctionner nos petits épargnants !
    Avis très défavorable.

    Mme la présidente

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    Sur amendement no 1978, je suis saisie par les groupes Ensemble pour la République et La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    M. Louis Boyard

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hervé de Lépinau.

    M. Hervé de Lépinau

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    L’amendement en discussion nous fait toucher du doigt, une fois de plus, les fantasmes de l’extrême gauche concernant les ultrariches. Il faut avoir conscience d’une chose : les ultrariches sont des nomades fiscaux. Vous pourrez prendre toutes les mesures que vous voudrez, si vous cognez comme des sourds, ils iront en Belgique ou en Angleterre ; ils ne resteront pas en France. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Louis Boyard

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    On va faire fuir Le Pen !

    M. Hervé de Lépinau

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    L’effet pervers de la mesure que vous proposez est son ruissellement sur les classes moyennes. Le contrat d’assurance vie est un moyen utile pour transmettre du patrimoine à des enfants ou à des proches sans que la matrice fiscale vienne l’éroder. Nous connaissons votre technique : vous jouez toujours sur le fantasme des ultrariches pour ensuite décliner vos propositions sur les classes moyennes – qui, elles, n’en peuvent plus. Je rappelle que nous sommes le pays le plus imposé de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ; il est temps d’arrêter le délire fiscal ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Juvin.

    M. Philippe Juvin

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    Taxer, taxer, taxer, vous n’avez que ce mot à la bouche ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Louis Boyard

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    Distribuer, aussi !

    M. Philippe Juvin

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    Vous voulez taxer l’assurance vie – un produit qui concerne avant tout les petits et moyens porteurs, dans lequel les Français mettent leur épargne. Dites-le clairement !
    Par ailleurs, l’assurance vie sert à financer l’économie, celle de tous les jours. Si vous taxez ce produit, comment allez-vous financer l’économie française ?
    L’assurance vie a une autre vertu encore : ces contrats participent à financer la dette de l’État. Si vous taxez l’assurance vie, qui nous prêtera demain ?
    Vous avez dit, et c’est une erreur, que nous avions un problème de recettes. Si nous avons 3 200 milliards de dette, ce n’est pas parce que nous n’avons pas suffisamment taxé ; c’est parce que nous avons trop dépensé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme Danièle Obono

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    C’est parce que vous avez fait trop de cadeaux aux riches !

    M. Jérôme Legavre

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    Vous êtes de droite !

    M. Philippe Juvin

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    Oui !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Oui, et fiers de l’être !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Daniel Labaronne.

    M. Daniel Labaronne

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    En 2022, la France comptait 18 millions de détenteurs d’assurance vie et 38 millions de bénéficiaires. Près de la moitié des Français âgés de 60 à 69 ans ont un contrat d’assurance vie, 20 % pour un encours inférieur à 3 000 euros et 25 % pour un encours compris entre 3 000 et 15 000 euros. Autrement dit, pratiquement la moitié des détenteurs ont un encours inférieur à 15 000 euros. Ce sont eux que vous voulez taxer. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Damien Maudet et M. Nicolas Sansu

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    Non, ils ne sont pas concernés par l’amendement !

    M. Daniel Labaronne

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    Je peux développer mon propos.

    M. Nicolas Sansu

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    Ne dites par n’importe quoi !

    Mme Émilie Bonnivard

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    Écoutez-le !

    Mme la présidente

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    Laissez l’orateur s’exprimer !

    M. Daniel Labaronne

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    Il s’agit simplement d’éclairer la représentation nationale : c’est mon côté un peu prof. (Les exclamations continuent sur les bancs du groupe LFI-NFP, auxquelles répondent d’autres exclamations sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)

    Mme la présidente

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    J’ai déjà demandé aux députés trop bruyants de laisser parler M. Labaronne ; il n’est pas utile d’aggraver les choses en protestant ainsi ! (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes EPR et DR.)

    M. Pierre Cordier

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    Un peu d’impartialité !

    M. Daniel Labaronne

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    Près de 75 % des agriculteurs ont une assurance vie, tout comme 50 % des indépendants. Bref, vous voulez taxer ces catégories socioprofessionnelles et, ainsi, près de la moitié des Français. Quelle performance !

    M. Nicolas Sansu

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    Mensonge !

    M. Daniel Labaronne

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    Si vous augmentez les droits de succession, vous aurez moins de souscripteurs, donc moins de placements financiers, et par conséquent moins de prélèvements sociaux sur les rendements des contrats : non seulement vous taxerez les Français, mais votre assiette fiscale se réduira.
    Il s’agit donc d’une très mauvaise idée.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

    M. Jean-Paul Mattei

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    Pour ma part, je ne voterai pas cet amendement qui comporte un élément de rétroactivité inacceptable. Il faut conserver l’abattement de 152 000 euros par bénéficiaire, même si je rappelle qu’en matière successorale, l’abattement consenti, qui était du même montant, a été abaissé à 100 000 euros. Ce qui a été fait pour les successions ne l’a donc pas été pour les assurances vie.
    De même – on peut se le dire calmement –, le taux marginal d’imposition en matière d’assurance vie est de 31,25 %, contre 45 % pour les successions en ligne directe. La commission des finances a même adopté un amendement tendant à faire passer à 49 % ce dernier taux. Sans pour autant défendre la proposition de M. Maudet, il me semble qu’on peut se demander s’il est normal d’admettre une différence de près de 14 points entre la taxation des successions et celle de l’assurance vie. Celle-ci est en effet un bon type de placement, utile à notre économie, mais il y a un équilibre qui n’est pas tout à fait respecté.

    M. Sébastien Delogu

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    Quand même !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Sansu.

    M. Nicolas Sansu

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    Le président Mattei l’a exprimé avec ses mots, avec modération mais avec conviction : comme nous l’avions dit dans un rapport sur la fiscalité du patrimoine que nous avions cosigné, il y a un problème de distorsion entre la fiscalité du patrimoine et celle de l’assurance vie. Quand vous léguez une maison ou un autre bien immobilier, vous êtes taxé jusqu’à 45 %, contre 31,25 % s’il s’agit d’assurance vie. Il y a vraiment un problème.

    Mme Véronique Louwagie

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    Oui, mais il faut corriger dans l’autre sens !

    M. Nicolas Sansu

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    Vous nous dites, monsieur Labaronne : « Vous allez taxer les petites assurances vie. » Ce n’est pas vrai : le montant de l’assurance vie entre dans le calcul de la succession et donc dans le cadre de l’abattement, de sorte que la majorité des successions ne donnent lieu à aucun paiement, comme c’est aujourd’hui le cas pour 88 % d’entre elles. Voilà la réalité. Arrêtez de faire fantasmer tout le monde pour essayer une nouvelle fois de sauver les riches ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Hendrik Davi applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je crois qu’il faut conserver l’avantage fiscal et les outils de transmission que l’assurance vie offre aux épargnants, justement parce qu’ils vivent dans un pays aux prélèvements obligatoires élevés. Cette fiscalité avantageuse est faite pour cela et concerne en majorité de petites sommes, comme M. Labaronne l’a bien rappelé : elle répond à un besoin pour ces petits épargnants. Ne les tapez pas !
    Au-delà de cette distorsion, la bonne question à poser est toutefois la suivante : à quoi servent ces 1 900 à 2 000 milliards que représente l’encours total de l’assurance vie ? À financer notre économie et notre dette. Faites attention, ne tarissez pas cette ressource ! Si votre amendement passe et se retrouve dans le texte définitif, un rachat massif des contrats se produira à coup sûr.
    Notre pays connaît déjà une mobilité insuffisante de ses capitaux propres, français ou même européens. Vous le savez : les fonds propres sont majoritairement extra-européens, américains pour beaucoup ; nous n’avons pas de système de fonds de pension en France. Nous avons donc besoin de la liquidité qu’apportent les fonds d’assurance vie. Il importe de la préserver.

    (L’amendement no 1891 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l’amendement no 1978, qui fait l’objet du sous-amendement no 3678.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Il tend à instituer un impôt différencié et s’inspire des travaux d’une mission d’information que Jean-Paul Mattei et moi-même avions conduite sur l’impôt universel. Il s’agissait de vérifier si nous pouvions instaurer un tel impôt en France, sur le modèle de ce qui existe aux États-Unis : un impôt dont tous les citoyens américains, où qu’ils se trouvent dans le monde, sont redevables. Nous avions vite conclu que la chose était irréalisable pour toute sorte de raisons, la première étant qu’il faudrait renégocier plus de 140 accords bilatéraux. On pourrait également s’interroger sur le fondement philosophique d’une imposition reposant sur la nationalité plutôt que sur la résidence.
    Un problème demeurait cependant, auquel la proposition d’impôt universel avait tenté de répondre : celui posé par le citoyen français qui quitte le pays pour des raisons manifestement fiscales. Il paraîtrait normal de le taxer pendant quelques années. De nombreux pays européens le font, notamment l’Allemagne, la Finlande et l’Italie.
    Pour qu’un tel dispositif, qui ne touche qu’une toute petite partie des personnes qui partent à l’étranger, fonctionne et soit juste, il doit reposer sur deux critères. Premièrement, il faut fixer un seuil de revenus qui indique qu’on a bien affaire à quelqu’un qui part parce qu’il estime payer trop d’impôts en France. Avec Jean-Paul Mattei, nous l’avions estimé, je crois, à 250 000 euros. Omis dans l’amendement d’origine, ce seuil sera indiqué dans le sous-amendement.
    Le second critère, pour que le dispositif respecte les conventions internationales, est qu’il soit borné dans le temps. Indéfini, il changerait de nature. Nous proposons une durée de dix ans. Ainsi, pendant dix ans, quelqu’un qui s’installe dans un pays à fiscalité privilégiée – pour aller vite : dans un paradis fiscal, éventuellement officieux, comme le sont certains pays d’Europe – paierait une compensation à la France, ne serait-ce que pour avoir bénéficié pendant des années de ce qu’offre notre pays à tout citoyen, y compris pour faire fortune. C’est une disposition juste et de nature à rendre l’exil fiscal dissuasif. Je le répète, elle est appliquée dans d’autres pays européens, preuve qu’elle est conforme aux traités. Je vous appelle donc à voter cet amendement, modifié par le sous-amendement qui va venir en discussion.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir le sous-amendement no 3678.

    M. Philippe Brun

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    Il faut aborder ce débat avec les idées claires. Premièrement, l’impôt que tend à créer l’amendement proposé par le président Coquerel et adopté à une large majorité par la commission des finances ne constitue en rien un impôt universel. Nous ne remettons pas en question le principe de la territorialité de l’impôt, auquel nous sommes toutes et tous attachés. Il ne s’agit pas non plus de taxer les Français de l’étranger, comme certains ont malheureusement cru le comprendre. Les socialistes s’opposeraient à une telle initiative.
    Issu du rapport Mattei-Coquerel de 2019, l’amendement propose d’adopter un mécanisme d’obligation fiscale étendue comparable à ceux qui existent en Allemagne, en Finlande et dans une majorité de pays européens. Il vise une toute petite catégorie de pays, celle des pays non coopératifs, avec lesquels la France n’a pas de convention fiscale bilatérale et qui pratiquent une fiscalité particulièrement avantageuse.
    Ce sous-amendement a pour but de définir clairement quels seraient les compatriotes concernés : ceux ayant résidé au moins dix ans en France avant leur changement de résidence et dont les revenus annuels sont supérieurs à 300 000 euros. Les Français de l’étranger habitant dans un pays sans convention fiscale bilatérale – le Mali par exemple – mais dont les revenus sont inférieurs à ce seuil ne seraient donc pas soumis à ce mécanisme d’obligation fiscale étendue.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Adopté en commission, cet amendement pose plusieurs problèmes. Le premier est qu’il tend à exclure – à juste titre, d’ailleurs – les pays ayant signé une convention fiscale avec la France. Or ces derniers sont au nombre de 130, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, beaucoup d’entre eux sont des paradis fiscaux : la Suisse, la Belgique, l’Irlande, le Luxembourg, Saint-Barthélemy, Singapour, les Émirats arabes unis, le Panama – et j’en passe. Seuls 70 pays seraient donc concernés, dont, par exemple, la République démocratique du Congo ou l’Angola – vous voyez beaucoup de gens s’installer là-bas pour raisons fiscales ?
    La deuxième raison tient aux critères que propose l’amendement pour définir un pays à fiscalité privilégiée, à savoir « un pays pratiquant une fiscalité inférieure de plus de 50 % à celle de la France en matière d’imposition sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine ». Mais comment calculer cela ? L’imposition de certaines personnes pourrait être supérieure à ce seuil sans que ce soit le cas pour d’autres, en fonction de la différence entre la situation française et la situation à l’étranger.
    Contrairement à ce que certains pourraient croire, l’effet de cet amendement serait donc très limité, et même si nous sommes incapables de l’évaluer, le produit que l’on peut en attendre serait donc des plus faibles. C’est pourquoi j’y suis défavorable à titre personnel.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je suis du même avis que le rapporteur général, pour les mêmes raisons : le dispositif a un caractère inopérant, d’abord parce que les très nombreuses conventions fiscales bilatérales couvrent largement le problème que vous soulevez. Ce qu’il faut faire, c’est continuer à accélérer la lutte contre la fraude fiscale ; le Gouvernement déposera un amendement en ce sens. Nous devons continuer à améliorer l’échange d’informations dans le cadre de ces conventions bilatérales, afin de disposer des données nous permettant de rattraper les fraudeurs fiscaux. Sur ce point, je suis complètement d’accord.
    Je vois bien, monsieur le président Coquerel, que votre amendement a beaucoup évolué depuis sa première version, mais ce faisant, il a fini par devenir inopérant. Votre idée initiale, celle d’un impôt universel, doit susciter notre vigilance : faire reposer l’imposition sur la nationalité plutôt que sur la résidence fiscale, c’est entrer dans un autre monde, celui dans lequel les États-Unis évoluent. Compte tenu de la force extraterritoriale dont ils disposent, un tel dispositif rend infernal le quotidien de nombreux binationaux ; c’est notamment le cas des ressortissants franco-américains vivant sur le sol français, y compris ceux qui n’ont jamais bénéficié des services de la société américaine parce qu’ils n’y ont quasiment jamais vécu – on les appelle les « Américains accidentels » et j’ai eu l’occasion de rédiger un rapport d’information sur le sujet, avec Marc Le Fur, il y a quelques années.
    Dans le cas qui nous intéresse ici, il faut donc éviter que les Français de l’étranger soient soupçonnés, du fait de leur nationalité, d’être des exilés fiscaux. Nous devons être très vigilants quant à la sauvegarde du principe de territorialité de l’impôt, qui l’emporte sur la nationalité. Avis défavorable, donc, pour les raisons techniques que le rapporteur général a bien précisées.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Vojetta.

    M. Stéphane Vojetta

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    Nous sommes 3 millions à avoir choisi de vivre hors de France, temporairement ou à long terme. Dans leur immense majorité, les Français qui s’expatrient le font pour de bonnes et belles raisons : la quête d’une opportunité professionnelle ou d’un nouveau mode de vie pour eux et leur famille, le besoin de partir pour voir si l’herbe est plus verte ailleurs et même, parfois, l’amour – un mot que nous prononçons rarement entre ces murs. Ils sont donc une infime minorité à avoir quitté la France ou à vouloir la quitter simplement pour échapper à son impôt. C’est pourquoi je suis très fier de représenter ici, aux côtés de mes collègues députés des Français de l’étranger, ces concitoyens, et de m’exprimer en leur nom. Il faut que vous le sachiez : les Français de l’étranger ne sont pas des exilés fiscaux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – M. Philippe Brun applaudit également.)
    Pourtant, c’est ce dont vous les traitez en présentant un tel amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En effet, vous proposez de soumettre les Français qui résident à l’étranger, y travaillent et y paient leurs impôts, à un impôt complémentaire payable à la France, au cas où la fiscalité du pays en question serait inférieure d’au moins 50 % à la nôtre en matière d’imposition sur les revenus du travail, du capital ou du patrimoine. Il suffit donc qu’un seul de ces trois critères soit satisfait pour que le pays en question soit considéré de facto par M. Coquerel comme un paradis fiscal. Cela représente pourtant 90 % des pays du monde : tous ceux où il n’y a pas d’impôt sur le patrimoine !
    Monsieur Coquerel, cet impôt est tout sauf ciblé. Avez-vous seulement dressé la liste des pays qui seraient ainsi couverts ? Dites-nous la vérité : vous ne l’avez pas fait !

    M. Nicolas Sansu

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    M. Coquerel dit toujours la vérité !

    M. Stéphane Vojetta

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    Je vous demande donc, chers collègues, de ne pas voter cet amendement. Si par malheur il devait s’appliquer, il mettrait hors jeu, sur leurs marchés du travail respectifs – oui, ce sont des gens qui travaillent (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) –,…

    Mme Danièle Obono

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    Nous parlons des exilés fiscaux !

    M. Stéphane Vojetta

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    …des centaines de milliers de Français qui vivent dans des pays où le taux d’imposition sur le revenu est inférieur à celui pratiqué en France. Ils seraient hors jeu sur le marché du travail car à salaire brut égal, leur salaire net serait inférieur à celui de tous les autres. Les Français de l’étranger vous regardent : ne les trahissez pas, votez contre cet amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – MM. Laurent Marcangeli et Éric Pauget applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Véronique Louwagie.

    Mme Véronique Louwagie

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    Je voudrais d’abord réagir au sous-amendement de notre collègue Philippe Brun : en proposant que seules soient concernées les personnes ayant résidé dix ans en France – au lieu de trois – sur les dix années ayant précédé leur changement de résidence fiscale, voulez-vous dire que vous intégrez au dispositif tous ceux qui ont habité dix années complètes en France avant de partir ? Je ne comprends pas très bien et je pense qu’il y a un petit problème dans la rédaction de votre proposition.
    Ensuite, je crois que les conventions fiscales ont toutes vocation à répondre à ces problèmes, à corriger et à moduler les différentes situations. Si de nouvelles conventions fiscales doivent être établies, il nous faut les proposer ; quant à celles qui peuvent être améliorées, nous sommes également là pour le faire.
    Enfin, quand vous évoquez, en filigrane, la volonté de réduire fortement les mobilités de nos concitoyens, vous n’avez pas en tête ceux qui pourraient rester en France tout en déplaçant leurs avoirs, leurs actifs, leurs entreprises et leurs outils de production. (Mme Danièle Obono s’exclame.) Finalement, vous occultez tous les contribuables qui se trouvent dans de telles situations et je trouve que votre amendement ne présente pas d’intérêt. Travaillons plutôt sur les conventions fiscales qui nous lient à différents pays.

    M. Pierre Cordier

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    Elle a raison !

    Mme Danièle Obono

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    Il faut travailler sur les deux plans !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des finances.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Je propose que nous débattions de ce qui se trouve vraiment dans l’amendement. Monsieur le ministre, lisez l’exposé sommaire ! Voilà trois ans que nous déposons cet amendement ; cette fois, il risque d’être adopté et les collègues qui le contestaient autrefois de bonne foi ont posé moins de questions, mais depuis le début, nous avons indiqué qu’il ne s’agit pas d’un impôt universel à l’américaine, pour les raisons que j’ai déjà expliquées. Ce n’est donc pas ce dont nous débattons.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Pourtant, c’est bien le nom que vous lui donnez !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Non, vérifiez dans l’exposé sommaire, vous verrez qui est concerné ! Ensuite, monsieur Vojetta, vous ne représentez pas tous les Français de l’étranger. Il faut être un peu modeste : on peut éventuellement dire que vous représentez ceux de votre circonscription, mais vous représentez surtout l’ensemble des Français, comme nous tous, car je vous rappelle que nous sommes des représentants de la nation.
    En réalité, la quasi-totalité des Français de l’étranger ne sont pas concernés par cet amendement. La question que nous devons nous poser est donc la suivante : y a-t-il des gens qui partent à l’étranger, dans des pays à fiscalité privilégiée, dans le cadre d’un exil fiscal, afin d’échapper à l’impôt qu’ils doivent en France ?

    Mme Danièle Obono

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    Oui !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Si vous répondez non, c’est que nous ne partageons pas la même vision du monde – ou même de l’Europe, car c’est très souvent à cette échelle que l’exil fiscal s’effectue. C’est un problème, d’autant que les personnes concernées, qui partent à l’étranger pour payer moins d’impôts, continuent souvent à produire leur revenu en France, à constituer leur richesse grâce à l’activité de leur entreprise sur le sol français. Il n’est pas logique ni normal que de telles situations existent, tandis que la plupart des gens paient leur impôt rubis sur l’ongle car ils n’ont pas les moyens de profiter des capacités qu’offrent les paradis fiscaux ! Personne ne peut admettre une telle inégalité ! Je veux bien admettre, monsieur le rapporteur général, qu’il faudra peut-être parfaire le dispositif par la suite, si l’on s’aperçoit que la cible est trop restreinte,…

    M. Nicolas Sansu

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    On gardera Monaco et Andorre !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    …mais nous aurons au moins acté le principe et envoyé un signal. Quand quelqu’un agit ainsi, nous considérons qu’il doit continuer, pendant quelques années – de manière limitée dans le temps –, à contribuer pour le pays qui a participé, grâce au système éducatif et aux infrastructures dont il fait bénéficier ses habitants, à constituer sa richesse. C’est donc un amendement vertueux !

    M. Jean-François Coulomme

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    Eh oui ! C’est du patriotisme !

    M. Nicolas Sansu

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    Nous sommes des patriotes !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Je ne doute pas qu’il faudra l’améliorer, mais adoptons au moins le principe. Nos compatriotes, ceux qui ne cherchent pas à partir à l’étranger pour payer moins d’impôts alors qu’ils travaillent tout autant, le trouveront plus que vertueux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur général.

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Je note que le sous-amendement de notre collègue Philippe Brun restreint encore la portée de l’amendement.

    M. Philippe Brun

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    Oui !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Je le dis en vue des scrutins à venir, puisque nous commencerons par voter sur le sous-amendement : si vous êtes contre l’amendement, votez le sous-amendement !
    Je m’exprime ici à titre personnel, puisque nous ne l’avons pas examiné en commission.

    M. Emeric Salmon

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    Sur le plan stratégique, ce n’est pas forcément une bonne idée !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Karim Ben Cheikh.

    M. Karim Ben Cheikh

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    Nous avons souvent discuté de ce sujet avec le président de la commission des finances. Je veux d’abord dire qu’entendre mon collègue député des Français de l’étranger défendre ces derniers ne cesse de m’étonner. Je l’invite à voter aussi les mesures de justice fiscale et sociale que nous proposons, nous, à gauche, en leur faveur. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.) Je ne l’ai pas souvent vu voter de telles mesures !
    L’impôt proposé n’est certes pas un impôt universel, mais il le devient quasiment ; il suffit de regarder quels sont les pays avec lesquels nous n’avons pas – ou plus – de convention fiscale, comme le Mali, le Niger ou le Burkina Faso, où les conventions fiscales viennent d’être dénoncées. Il va finir par toucher une catégorie particulière de Français de l’étranger et est progressivement en train de se transformer – je suis désolé de le dire ainsi – en impôt sur les binationaux. Or la population française à l’étranger a pour particularité de compter énormément de binationaux ; c’est lié à l’histoire que nous avons en commun avec une partie du monde. C’est notamment le cas dans ma circonscription, qui est intégralement située en Afrique. (M. Hervé Berville et M. Mathieu Lefèvre applaudissent.) Les contours du dispositif contenu dans cet amendement posent donc problème.
    Ma collègue sénatrice Mathilde Ollivier donnait l’exemple d’un ressortissant franco-rwandais qui viendrait étudier et vivre quelque temps en France, avant de rentrer au Rwanda : il serait automatiquement imposable en France ! (Exclamations sur divers bancs.) Cela pose problème, car on sait très bien qu’il ne retourne pas au Rwanda pour des raisons fiscales. Après ce qui s’est passé au Mali, au Niger ou au Burkina Faso, on ne sait pas mesurer l’impact d’un tel dispositif : on ne sait pas combien de nos compatriotes dont ils ne sont vraisemblablement pas la cible seraient concernés par cet amendement.

    M. Stéphane Vojetta

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    Il a raison !

    M. Karim Ben Cheikh

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    Voilà pourquoi je suis contre ce dispositif tel qu’il est présenté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Nous avons soutenu cet amendement d’appel en commission, car il soulève un débat important et légitime. En effet, une telle mesure est la contrepartie de la priorité nationale ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) À partir du moment où un État, une république, reconnaît certains droits à ses seuls ressortissants, ces derniers doivent s’acquitter de leur juste contribution, même quand ils ont quitté ses frontières. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, président Coquerel, il n’y a pas de priorité nationale en France, et nous le regrettons ! Vous ne voulez pas reconnaître des droits particuliers aux Françaises et aux Français parce qu’ils sont français,…

    M. Hervé Berville