Première séance du mercredi 30 octobre 2024
- Présidence de M. Roland Lescure
- 1. Questions au Gouvernement
- Espèces menacées et biodiversité
- PLFSS et politique de l’emploi
- Retraite des sapeurs-pompiers volontaires
- Négociation de l’accord avec le Mercosur
- Situation en Guyane
- Plan Marseille en grand
- Rénovation des logements dans le bassin minier
- Accord avec le Mercosur
- Situation au Proche-Orient
- Relance des trains de nuit
- Discussions budgétaires
- 2. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
- Deuxième partie (suite)
- Après l’article 5 (suite)
- Amendement no 566
- M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales
- Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
- Amendements nos 2089, 626, 985 et 2382
- Sous-amendement no 2385
- Article 6
- M. Jérôme Guedj
- M. Thibault Bazin
- M. Hendrik Davi
- M. Philippe Vigier
- M. Laurent Panifous
- M. Yannick Monnet
- Mme Laure Lavalette
- Mme Stéphanie Rist
- M. Hadrien Clouet
- M. Sacha Houlié
- M. Yannick Neuder, rapporteur général
- Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
- M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
- Amendements nos 249, 293, 302, 481, 536, 545, 574, 796, 841, 939, 1085, 1820, 1954, 2141 et 2259
- Suspension et reprise de la séance
- Après l’article 6
- Suspension et reprise de la séance
- Article 7
- Après l’article 7
- Après l’article 5 (suite)
- Deuxième partie (suite)
- 3. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Roland Lescure
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Questions au Gouvernement
M. le président
L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Espèces menacées et biodiversité
M. le président
La parole est à M. Nicolas Bonnet.
M. Fabien Di Filippo
Offrez-lui une cravate !
M. Nicolas Bonnet
Ma question s’adresse à la ministre de la transition écologique, Mme Agnès Pannier-Runacher. Le hérisson vient d’être ajouté à l’interminable liste des espèces menacées.
M. Pierre Cordier
Tu n’as qu’à venir dans les Ardennes, il y en a plein, des hérissons !
M. Nicolas Bonnet
Cette énième manifestation de la sixième extinction de masse – la première dont nous soyons collectivement responsables – constitue une alerte. Même le hérisson, allié de nos jardins, se trouve menacé par l’étalement urbain, nos modes de déplacement et certaines pratiques agricoles. Les principales causes de ce drame silencieux sont connues et reconnues : déforestation, artificialisation des sols, surexploitation des ressources naturelles, changement climatique ou encore accumulation de polluants. Ces causes, il nous faut les rappeler sans cesse dans cet hémicycle tant les actions des gouvernements successifs nous inquiètent : que penser de la disparition du secrétariat d’État chargé de la biodiversité, du coup de rabot de 1,5 milliard d’euros porté au fonds Vert et de la remise en cause de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) ? Mais rassurons-nous, le loto de la biodiversité est sain et sauf.
Le Premier ministre a annoncé, dans sa déclaration de politique générale, vouloir « faire évoluer de manière pragmatique et différenciée la réglementation zéro artificialisation nette ». Pourriez-vous indiquer comment une marche arrière sur le ZAN permettra de lutter contre l’érosion de la biodiversité et en quoi consistera votre pragmatisme ?
Ma seconde question porte sur le plan national de restauration de la nature, annoncé à la suite de l’adoption du règlement européen éponyme. Quelles seront vos priorités pour accélérer la restauration des écosystèmes ? À l’heure où la COP16 tire la sonnette d’alarme quant à l’effondrement de la biodiversité, prenons conscience qu’elle ne peut se résumer à une dette écologique remboursable. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe GDR.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
M. Pierre Cordier
Et ministre des hérissons !
Mme Maud Bregeon, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement
Je vous prie d’excuser Mme Agnès Pannier-Runacher (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN et DR) qui se trouve en ce moment même à Cali, en Colombie, pour la COP16.
M. Pierre Cordier
Elle n’est pas souvent là !
M. le président
S’il vous plaît ! On écoute les réponses.
Mme Maud Bregeon, ministre déléguée
Comme en témoigne sa déclaration de politique générale, le Premier ministre défend personnellement la cause du climat et de la biodiversité…
M. Thibault Bazin
Il le fait depuis longtemps !
Mme Maud Bregeon, ministre déléguée
…en faveur de laquelle l’engagement de l’ensemble du Gouvernement et d’Agnès Pannier-Runacher est total. La COP qui se tient à Cali doit apporter des réponses globales, détaillées et efficaces. Des résultats historiques ont été obtenus en 2022, lors de la COP15, avec l’engagement de protéger 30 % des espaces terrestres et maritimes d’ici à 2030. Les discussions en cours constituent pour nous un moment de vérité et de clarification, notamment en matière de financement. Hier, huit États, dont la France, ont annoncé abonder le fonds mondial de 163 millions de dollars supplémentaires, portant sa dotation globale à un montant inédit de 400 millions de dollars. Cet engagement international est très important. Les COP sont les instances de la diplomatie du climat et de la biodiversité où se jouent des moments décisifs.
Néanmoins, elles n’empêchent pas de conduire des actions nationales, telles que la réglementation ZAN. Il s’agit non de revenir sur l’ambition initiale, adoptée par l’Assemblée et le Sénat, mais de l’adapter aux enjeux locaux, en lien avec les élus,…
M. Pierre Cordier
Très bien ! Mais si on n’a pas de parcelle pour construire, c’est un peu ennuyeux !
Mme Maud Bregeon, ministre déléguée
…notamment en matière de logement et d’industrialisation, et de se défaire d’une conception jusqu’au-boutiste ou dogmatique du problème.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Bonnet.
M. Nicolas Bonnet
Il ne s’agit pas de se montrer dogmatique mais de relever un défi. Le financement supplémentaire du fonds Barnier que vous avez annoncé demeure profondément insuffisant. Nous voulons légiférer pour éviter que la dégradation de la biodiversité ne se poursuive. Nous ne pourrons pas rembourser la dette écologique que représente sa destruction ; il est des choses qui ne se réparent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
PLFSS et politique de l’emploi
M. le président
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail et de l’emploi. L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 marque un moment de vérité pour les finances sociales ; il sera crucial pour l’avenir de notre modèle social. Le groupe Les Démocrates aborde ce débat dans un esprit de responsabilité et de dialogue, afin d’œuvrer à des consensus utiles aux Français. Dans cette perspective, nous proposons de préserver les petites retraites et nous saluons les avancées que contient le texte en faveur des agriculteurs, telle la prise en compte, comme dans le régime général, des vingt-cinq meilleures années ; c’est une mesure de justice et de simplicité. Nous proposons également l’alignement des règles applicables au secteur public sur celles du privé, avec l’instauration d’un jour de carence incompressible. Enfin, nous défendons une modulation de la réforme des allégements généraux sur les salaires, afin de trouver le juste équilibre entre la compétitivité des entreprises et la nécessaire lutte contre les trappes à bas salaires.
Au-delà de cet effort de redressement budgétaire, nous devons poursuivre la lutte contre le chômage – c’est aussi par une politique d’emploi ambitieuse que nous rétablirons les comptes sociaux.
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Fabien Di Filippo
Vous n’aviez qu’à ne pas enterrer la réforme de l’assurance chômage !
M. Nicolas Turquois
En effet, plus d’emplois, c’est plus de cotisations finançant la protection sociale. Dans ce contexte et alors que nous devrions fournir un meilleur accompagnement aux personnes les plus éloignées de l’emploi, la baisse des moyens alloués à France Travail nous inquiète. Il faut également améliorer la formation tout au long de la vie et ne laisser personne au bord de la route, en faisant de l’insertion professionnelle une réalité. Enfin, il est nécessaire de faire évoluer notre système d’assurance chômage pour inciter au retour rapide à l’emploi. Quelles sont les orientations que le Gouvernement compte suivre en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi.
M. Alexandre Dufosset
Et du chômage de masse !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
Je salue l’esprit constructif dans lequel vous participez, avec votre groupe, à l’examen du PLFSS. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.) La bataille du plein emploi se trouve toujours devant nous ; si nous sommes parvenus à abaisser le taux de chômage à un niveau historique ces dernières années, le taux d’activité demeure relativement bas pour les jeunes, les seniors et les personnes durablement éloignées de l’emploi.
Pour les jeunes, la révolution culturelle de l’apprentissage est à poursuivre. Pour les seniors, le Premier ministre et moi-même avons demandé aux partenaires sociaux de se saisir de la question et de trouver un accord ambitieux – il s’agit notamment de faciliter, en milieu de carrière, les reconversions et les aménagements de poste permettant de travailler plus longtemps. Quant aux personnes durablement éloignées de l’emploi, les expérimentations menées dans quarante-neuf départements auprès de bénéficiaires du RSA seront généralisées à partir du 1er janvier.
France Travail a, pour sa part, conduit une transformation considérable selon deux axes principaux : un meilleur accompagnement des demandeurs d’emploi, en particulier des bénéficiaires du RSA ; un rapprochement avec le monde de l’entreprise, avec le lancement de la marque France Travail Pro qui doit encourager les immersions courtes et de nouvelles méthodes de recrutement. La subvention allouée à France Travail est maintenue à 1,35 milliard d’euros, conformément à nos engagements envers l’Unedic. Les effectifs de France Travail baisseront, certes, de 1 %, mais après avoir connu une augmentation de 10 % ces dernières années. Nous serons donc au rendez-vous.
M. le président
La parole est à M. Nicolas Turquois.
M. Nicolas Turquois
Pour les personnes durablement éloignées de l’emploi, l’accompagnement humain est nécessaire ; il faut donc préserver les effectifs de France Travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
Retraite des sapeurs-pompiers volontaires
M. le président
La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot.
M. Yannick Favennec-Bécot
Dans quelques semaines, nous célébrerons, dans nos circonscriptions, la Sainte-Barbe aux côtés des sapeurs-pompiers. C’est un moment auquel nous sommes tous profondément attachés car il nous permet de leur rendre hommage et de les remercier, eux qui s’engagent sans compter en faveur de notre sécurité quotidienne. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LIOT, RN, DR et UDR, ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et SOC.)
Cependant, monsieur le ministre de l’intérieur, qu’allons-nous leur répondre quand ils nous demanderont, à juste titre, où en est la mesure adoptée dans le cadre de la réforme des retraites de 2023, qui permet aux sapeurs-pompiers volontaires ayant accompli au moins dix années de service, continues ou non, de valider des trimestres de retraite supplémentaires ?
M. Fabrice Brun
C’est moi qui ai défendu ce dossier !
M. Yannick Favennec-Bécot
Où en est le décret d’application de cette disposition, tant espérée, tant attendue par les sapeurs-pompiers volontaires ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LIOT, EPR, SOC, DR et EcoS.) Dans la première version du projet de décret, la quasi-totalité des sapeurs-pompiers volontaires étaient exclus du dispositif. Or réserver la bonification aux seuls sapeurs-pompiers dont les carrières professionnelles sont hachées susciterait le découragement, la démotivation et, à terme, le désengagement des pompiers volontaires.
M. Jean-Pierre Vigier
C’est certain !
M. Yannick Favennec-Bécot
Pouvez-vous confirmer devant la représentation nationale que la volonté de reconnaissance et de justice à l’égard des sapeurs-pompiers volontaires, clairement exprimée par l’Assemblée nationale, sera bien respectée par le Gouvernement et indiquer à quelle date paraîtra enfin le décret ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LIOT, RN, SOC, DR, EcoS, GDR et UDR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien.
M. Nicolas Daragon, ministre délégué chargé de la sécurité du quotidien
Alors que nous sortons d’un épisode cévenol sévère dans le Sud de la France,…
M. Fabrice Brun
Et en Ardèche, c’était pire !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
…permettez-moi de rendre à mon tour, au nom du Gouvernement, un hommage appuyé aux sapeurs-pompiers. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.) Vous l’avez rappelé, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 prévoit à l’article 24 que les sapeurs-pompiers volontaires ayant accompli au moins dix années de service puissent bénéficier pour leur retraite de trimestres supplémentaires, selon des modalités fixées par un décret en Conseil d’État. Le décret d’application n’a pour l’instant pas pu être pris.
M. Pierre Cordier
Darmanin s’y était pourtant engagé !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Vous réclamez une date, mais la concertation requiert du temps pour ne pas aboutir derechef à une situation insatisfaisante, voire à un blocage. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.) Comme le Premier ministre l’a annoncé à Mâcon le 28 septembre, à l’occasion du 130e congrès national des sapeurs-pompiers de France, le ministère de l’intérieur a repris le dossier. Je suis favorable à une attribution progressive de trimestres supplémentaires qui viendraient s’ajouter à des années de cotisation.
Nous rouvrirons donc une phase de concertation, afin de parvenir à une solution sérieuse et réaliste.
M. Fabien Di Filippo
Voilà qui est encourageant !
M. Julien Odoul
Il faut passer à l’action ! Un peu de respect !
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
L’engagement que nous avons pris ne restera pas lettre morte et se traduira par une avancée concrète.
Vous savez aussi l’importance de la contrainte budgétaire,…
M. Pierre Cordier
La faute à qui ?
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
…contrainte qui nécessite de discuter d’une solution soutenable pour nos finances publiques. (M. Inaki Echaniz s’exclame.)
Je souhaite, comme vous, que les travaux interministériels reprennent et aboutissent au plus vite, afin de fidéliser nos sapeurs-pompiers volontaires et de reconnaître leur engagement indispensable à la nation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Laurent Jacobelli
Novlangue !
M. le président
La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot.
M. Yannick Favennec-Bécot
Plus d’un an de concertation : c’est long pour une mesure si attendue. Ne décevons pas nos sapeurs-pompiers, soyons à la hauteur de leur engagement et de leur dévouement ! (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Nicolas Daragon, ministre délégué
Nous allons rouvrir le dossier immédiatement, comme l’a annoncé le Premier ministre. Nous sommes actuellement en train de relancer le Beauvau de la sécurité civile.
M. Sylvain Maillard
Nous voulons des engagements !
Négociation de l’accord avec le Mercosur
M. le président
La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit
Je voudrais revenir sur l’accord le libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur – le marché commun d’Amérique du Sud.
M. Thibault Bazin
On n’en veut pas !
M. Thierry Benoit
Il vise à échanger des services et des biens industriels contre des biens agricoles. Le projet d’accord porte sur des droits de douane et des volumes. Il concerne, par exemple, la viande bovine, les volailles, le sucre, le miel, le fromage ou le maïs.
M. Thibault Bazin
C’est très important, le fromage !
M. Thierry Benoit
Il est inacceptable que l’Union européenne conclue des accords avec des partenaires qui n’empruntent pas la même trajectoire qu’elle en matière environnementale, sociale et en matière de bien-être animal. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe UDR.)
Mme Danielle Brulebois et M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Thierry Benoit
J’en prends pour exemple la déforestation, l’usage d’antibiotiques et d’activateurs de croissance, la culture d’OGM – organismes génétiquement modifiés –, ou encore les lots de bovins élevés par milliers aux farines animales.
M. Fabrice Brun
Ce n’est pas acceptable !
M. Thierry Benoit
La négociation du traité de libre-échange arrive dans sa phase finale. La Commission européenne envisage de scinder le traité en deux, mettant à part le volet commerce, afin d’empêcher les États membres d’user de leur droit de veto.
Ma question est simple : comment le Gouvernement compte-t-il déjouer…
M. Vincent Descoeur
S’opposer, oui !
M. Thierry Benoit
…ce que l’on peut qualifier de ruse de la Commission européenne ? (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, DR, Dem et LIOT. – M. Stéphane Peu applaudit également.)
M. Thibault Bazin
Excellent !
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger
C’est une excellente question, et nous avons besoin de la mobilisation de tous, sur tous les bancs, et de toutes les appartenances politiques. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
M. Fabrice Brun
Nous sommes mobilisés !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Le Président de la République et le Gouvernement dans son ensemble s’opposent à la ratification de cet accord avec le Mercosur.
M. Kévin Pfeffer et M. Julien Odoul
C’est faux !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Je me bats tous les jours contre la signature, en l’état, de cet accord. Nous nous y opposons pour les raisons que vous avez indiquées et afin que les accords de Paris y figurent en place centrale. Nous nous y opposons parce que nos approches diffèrent des leurs en termes de normes vétérinaires et phytosanitaires. Nous nous y opposons également parce que nous savons qu’il répond à une demande de l’agrobusiness.
Le refus de cet accord est l’étendard de la révolte agricole. Nous avons besoin que chaque groupe politique mobilise son énergie, ici et dans les institutions de l’Union européenne. Nous avons besoin que les syndicats et les ONG se mobilisent également, afin que nous puissions persuader nos collègues européens que cet accord, s’il est bon pour le commerce, ne l’est pas pour l’agriculture ni pour l’environnement.
Nous avons besoin de la mobilisation de tous : merci d’avance ! (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, Dem et HOR.)
M. le président
La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry Benoit
La France doit mettre une pression infinie.
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. Thierry Benoit
L’Union européenne ne peut pas être exigeante avec ses agriculteurs, avec ses industriels et passer en même temps des accords qui ne respectent pas un minimum nos règles. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR.)
M. Philippe Gosselin
Il a parfaitement raison !
M. Thierry Benoit
Il faut une trajectoire commune vers l’Union européenne. Il faut également insister sur l’étiquetage et la traçabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR. – M. Éric Martineau applaudit également.)
Situation en Guyane
M. le président
La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane
Ma question s’adresse au ministre chargé des outre-mer. Le 23 décembre prochain, cela fera un an que la Guyane aura été lourdement marquée par la mort tragique de quatre enfants, noyés dans le fleuve Maroni des suites d’un accident de pirogue, faute de route pour circuler.
Avant eux, combien de femmes, d’hommes, de bébés, de gendarmes ? J’adresse aujourd’hui mes pensées à toutes ces familles endeuillées.
Mais, surtout, combien d’autres après eux ? Combien d’autres cadavres devront être repêchés dans un fleuve officiellement non navigable, mais emprunté chaque jour par des milliers de personnes, pour que nos alertes survivent enfin à un temps médiatique circonscrit à quelques hommages empathiques ?
Le plan ORSEC – organisation de la réponse de sécurité civile – vient d’être déclenché en Guyane : la baisse drastique du niveau du fleuve Maroni met en péril les populations demeurant dans cette partie enclavée du territoire. Maripasoula, Papaichton, Saül : ce ne sont que quelques-unes des communes qui, en 2024, ne sont toujours pas desservies par le réseau routier.
J’entends mes collègues hexagonaux. Je les comprends, et je partage leurs combats contre la désertification médicale, l’abandon des zones périphériques, la précarité de l’emploi, l’insuffisance des salaires ou les pensions indécentes. Je les comprends, car les territoires ultramarins sont le miroir grossissant des turpitudes hexagonales. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR. – MM. Boris Tavernier et Inaki Echaniz applaudissent également.) Ils font l’expérience du même, mais en pire. Ce n’est pas parce que les populations qui souffrent ne sont pas d’ici que leurs souffrances sont moins intenses.
La réponse n’est pas d’organiser un énième comité interministériel organisé à Paris, dont les arbitrages se feront à Paris et dont les décisions finales seront prises à Paris.
M. Pierre Cordier
Eh oui, c’est la capitale de la France ! (Mme Marie Pochon s’exclame.)
M. Davy Rimane
La réalité de nos territoires et, plus singulièrement, de la Guyane devrait nous conduire à nous interroger sur la nécessité d’un renversement de méthode. Seriez-vous prêt à territorialiser le comité interministériel des outre-mer (Ciom), afin d’apporter des réponses pérennes, en phase avec nos réalités et à l’écoute de nos propositions ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre des outre-mer.
M. François-Noël Buffet, ministre des outre-mer
J’ai également une pensée pour les victimes de cet accident dramatique, survenu il y a moins d’un an, ainsi que pour leurs familles.
La Guyane est aussi grande que le Portugal. Les enjeux de transport et de déplacement y sont fondamentaux. Des priorités ont été fixées dans les différents contrats liant l’État à la Guyane, avec plus de 1,2 milliard d’euros prévus à cet effet.
Mais, et cela devrait vous satisfaire, je suis absolument favorable à la territorialisation du Ciom prévu pour le premier trimestre 2025. C’est une nécessité. Il nous faut bien entendu, dans un but de clarté, un document global, mais qui soit prévu territoire par territoire, de manière à cibler au mieux les problèmes et à être le plus efficace possible.
Tous les Français sont égaux…
M. Jean-Paul Lecoq
Certains sont plus égaux que d’autres !
M. François-Noël Buffet, ministre
…et il n’est pas question que certains soient moins bien traités que d’autres. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Davy Rimane.
M. Davy Rimane
Des réponses devront être apportées : ce sera, sinon, la rupture avec nos territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, LIOT et GDR.)
Plan Marseille en grand
M. le président
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat
En 2021, le président Macron annonçait, en grande pompe, le plan Marseille en grand. Une feuille de route idéale vers un monde parfait, généreusement dotée de 5 milliards d’euros, promettant aux Marseillais la résolution rapide de tous leurs problèmes : sécurité, éducation, mobilité, santé, emploi, transport et logement.
Mme Hanane Mansouri
Encore un mensonge !
M. Olivier Fayssat
Deux ans plus tard, seulement 1,31 % des fonds ont été versés : le plan, à ce rythme, s’étalera sur cent cinquante ans – c’est un peu long. Pas de calendrier précis, pas de coordination entre les acteurs, aucune visibilité sur la suite.
Marseille en grand, c’est Marseille en panique. La Cour des comptes, dans son rapport du 21 octobre 2024, ne mâche pas ses mots : manque de pilotage global, absence de priorité clairement définie, retards abyssaux dans la tenue des engagements. La police, qui devait voir ses effectifs augmenter, a au contraire perdu 200 agents entre 2016 et 2023.
M. Julien Odoul
Merci, monsieur Darmanin !
M. Olivier Fayssat
On compte, pour l’année 2023, une cinquantaine d’assassinats sur fond de trafic de drogue, et déjà trente-sept exécutions depuis le début de cette année.
Marseille en grand, c’est Marseille en feu. La deuxième ville de France est en train de se transformer en narcocité. Le ministre de l’intérieur se demandait récemment si nous devions rester dans l’État de droit : Marseille va lui apporter la réponse. Car Marseille sort de l’État de droit – par la petite porte de gauche : celle des points de deal, des incivilités, celle d’une insécurité oppressante, quand des zones de non-droit s’étendent jusqu’à la calanque de Sormiou, en plein parc national des Calanques. À Marseille, c’est comme dans les manifestations : on attrape non les plus dangereux, mais ceux qui courent le moins vite.
Monsieur le Premier ministre, Marseille se meurt de l’insécurité, de l’immigration illégale, de la paralysie des transports et de l’inaction publique. N’ayant pas de contact direct avec le président Macron, je me permets de m’adresser à vous : auriez-vous l’extrême amabilité de rappeler Marseille à son bon souvenir ? Il est minuit moins une minute : si rien n’est fait, Marseille, deuxième ville de France, sortira de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.
Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation
Il est quatorze heures vingt-six…
M. Jean-Paul Lecoq
À Marseille aussi !
Mme Catherine Vautrin, ministre
…et je voudrais revenir sur les propos que vous avez tenus sur Marseille en grand. Le rapport auquel vous avez fait allusion, s’il a été publié le 21 octobre 2024, est en fait une photographie datant du deuxième semestre 2023.
Je vais le reprendre exactement comme vous, pour rappeler que le premier sujet a été de déterminer un certain nombre d’actions sur lesquelles l’État allait s’engager, pour Marseille et pour le quotidien des Marseillais : la sécurité, le logement, les transports, le scolaire.
Mme Hanane Mansouri
C’est maintenant qu’il faut agir !
Mme Catherine Vautrin, ministre
J’ai échangé avec M. Mirmand, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, ce 21 octobre.
M. Laurent Jacobelli
Bravo, ça avance !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Où en sommes-nous ? Quatre-vingt-six pour cent des actions annoncées sont désormais engagées. Bruno Retailleau l’a dit dans cet hémicycle : le renforcement des effectifs et des moyens de police a commencé. En matière scolaire, les six premières écoles ont été livrées, et quatre le seront d’ici à la fin de l’année.
En 2025, vingt-sept écoles nouvelles feront l’objet de travaux : la maîtrise d’œuvre sera choisie au mois de novembre.
M. Julien Odoul
La peinture est choisie !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Cinq projets de mobilité sont en cours de finalisation, pour des livraisons en 2025, comme, par exemple, la ligne 4 du bus à haut niveau de service.
Nous avons évoqué la question du logement ce matin, avec Valérie Létard : 650 millions d’euros sont alloués à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et à l’Établissement public foncier de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. (M. Jean-Paul Lecoq s’exclame.)
M. Bruno Bilde
Quel bilan !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Il faut travailler avec l’ensemble des élus,…
M. Julien Odoul
C’est à vous de travailler !
Mme Catherine Vautrin, ministre
…il faut réaliser des bilans : c’est le sens de l’engagement du Premier ministre et des réunions que nous avons actuellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Rénovation des logements dans le bassin minier
M. le président
La parole est à M. Bruno Clavet.
M. Bruno Clavet
Ma question s’adresse à Mme la ministre du logement. Je vous interpelle au nom des députés du bassin minier. Ce n’est pas un simple point sur une carte, entre le Nord et le Pas-de-Calais. C’est une terre de courage et de travail, un creuset de solidarités.
En 2022, le candidat Emmanuel Macron s’est offert un grand tour de scène à Liévin, Lens et Carvin, se posant en champion du renouveau du territoire. Il a promis, sous l’œil des caméras, une enveloppe supplémentaire de 100 millions d’euros pour rénover les espaces publics des cités minières, en plus des 100 millions d’euros déjà engagés en 2017 pour la rénovation thermique des logements, dans le cadre de l’ERBM, l’engagement pour le renouveau du bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais. Il a déclaré, dans un élan de grandiloquence : « Je me bats pour que la vie des gens change, pas pour qu’on fasse des annonces politiques. »
Deux ans plus tard, que reste-t-il de ces promesses faites la veille du second tour de l’élection présidentielle, dans la circonscription de Marine Le Pen ? Rien, absolument rien. La réalité est implacable : cette seconde enveloppe n’a jamais vu le jour. Pas un euro dans les budgets précédents, ni dans votre projet de loi de finances pour 2025. L’État n’a pas tenu sa parole.
C’est pourquoi je vous demande de rendre des comptes. Que cela vous plaise ou non, vous êtes la ministre d’Emmanuel Macron : cette trahison est aussi la vôtre.
M. Pierre Cordier
Son avenir est derrière lui !
M. Bruno Clavet
Elle a des conséquences directes sur les habitants du bassin minier et sur les 250 communes qui, croyant aux promesses de l’État, ont mobilisé des moyens humains et financiers pour accompagner l’ERBM.
Ma question est double : où est passé le reste des 100 millions d’euros engagés en 2017 pour la rénovation thermique des logements ? Confirmez-vous que les 100 millions d’euros supplémentaires promis par Emmanuel Macron en 2022 n’étaient finalement qu’une promesse en l’air, au service de sa réélection ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre du logement et de la rénovation urbaine.
Mme Valérie Létard, ministre du logement et de la rénovation urbaine
Le sujet que vous évoquez me tient particulièrement à cœur : je suis née, j’ai grandi et je vis dans le bassin minier. J’en suis élue et j’ai toujours défendu, dès la première heure, ce grand projet pour le bassin minier – ça, c’est pour l’histoire.
Un député du groupe EPR
Bravo !
Mme Valérie Létard, ministre
Dès 2017, le Gouvernement s’est engagé à cofinancer la réhabilitation de quelque 23 000 logements énergivores des cités minières du Nord et du Pas-de-Calais à hauteur de 100 millions d’euros pour la période 2018-2027, en collaboration avec les collectivités.
Fin 2023, les 100 millions étaient déjà engagés. Alors que 8 500 logements ont fait l’objet de lourdes rénovations énergétiques, cofinancées par l’État et les collectivités, 13 500 ont bénéficié d’un effet d’entraînement. En effet, l’accompagnement de l’État sur les rénovations les plus ambitieuses a permis aux bailleurs d’investir dans ces rénovations.
En 2024, à la demande du Président de la République, 17 millions d’euros sont venus abonder le programme Engagement pour le renouveau du bassin minier. Ils ont permis de rénover 1 000 logements supplémentaires. Ainsi, les 100 millions initialement prévus pour la période 2018-2027 sont devenus 117 millions, auxquels s’ajoutent 4 millions d’euros débloqués pour 2024 – et nous continuerons en 2025.
C’est cela la réalité, monsieur Clavet ! Rassurez-vous, loin d’abandonner le bassin minier, nous allons continuer à le défendre. Vous pouvez compter sur moi. Nous veillerons à être au rendez-vous et à soutenir tous les élus. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR. – M. Paul Molac applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Bruno Clavet.
M. Bruno Clavet
Face à ce numéro de claquettes, madame la ministre, j’ai cru un instant que c’était la ministre des sports qui me répondait. (Sourires sur les bancs des groupes RN et UDR. – « Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et GDR.)
Vous ne m’avez pas répondu sur les 100 millions promis par Emmanuel Macron. Laissez-moi vous dire que, si vous oubliez les bassins miniers, leurs habitants, eux, ne vous oublieront pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Létard, ministre
Ces propos, venant d’un élu du bassin minier, sont offensants car j’ai toujours été aux côtés des élus pour défendre cette cause commune. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR, sur plusieurs bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Accord avec le Mercosur
M. le président
La parole est à Mme Françoise Buffet.
Mme Françoise Buffet
Nous avons déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet grâce à la question de M. Thierry Benoit. Il est essentiel, et vital, que nous défendions nos agriculteurs et notre souveraineté alimentaire.
La crise agricole que traverse notre pays est profonde, comme l’ont montré les mobilisations massives des agriculteurs en début d’année et celles prévues à la mi-novembre, que les syndicats nous promettent plus radicales. Ces mobilisations visent notamment l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Marché commun du Sud, au sein duquel les normes environnementales et sanitaires sont bien inférieures à celles de l’Europe.
Le marché européen risque d’être inondé par des produits de piètre qualité, vendus à des coûts dérisoires. Cela menace non seulement la survie de nos agriculteurs, qui peinent déjà à vivre du fruit de leur travail, mais aussi la santé des consommateurs et l’environnement, avec un risque accru de déforestation en Amazonie ou dans le Cerrado.
La France a, maintes fois, rappelé la nécessité de conditions strictes pour pouvoir envisager un tel accord, dont le respect de l’accord de Paris et la mise en place de clauses miroirs, garantissant la réciprocité des normes de production. À ce jour, ces conditions ne sont pas remplies.
L’accord n’a pas évolué depuis 2019 et n’est pas à la hauteur de nos exigences. Pourtant, le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, a assuré que l’Union européenne était très près de conclure avec, en ligne de mire, les prochains sommets du G20 et du Mercosur.
Comment faire entendre la voix de la France pour s’opposer à la signature de cet accord dans les conditions actuelles, de manière à préserver la compétitivité de la ferme France, dans l’intérêt de nos agriculteurs et de notre souveraineté alimentaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – M. Marc Fesneau applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Ma réponse sera relativement similaire à celle que j’ai adressée à M. Benoit. Je le répète : par la voix du Premier ministre et de l’ensemble du Gouvernement, et pour faire suite aux annonces du Président de la République, la France est unie et déterminée à refuser cet accord en l’état…
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
…tant qu’il n’intègre pas les dispositions de l’accord de Paris – c’est essentiel –, tant qu’il n’est pas conforme à la nouvelle stratégie de la politique commerciale européenne, soucieuse du développement durable, et tant que la compétence des États membres dans le processus de ratification ne sera pas assurée – la Commission semble vouloir découper l’accord d’association pour en isoler les dispositions commerciales.
M. Sébastien Peytavie
Tout à fait !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
J’y insiste, nous sommes déterminés et nous avons besoin de vous pour porter cette parole auprès de vos collègues députés européens de tous les pays.
M. Antoine Léaument
Pensez à le dire aux députés de la majorité !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Onze pays européens ont signé une lettre demandant à la Commission européenne de signer l’accord.
M. Antoine Léaument
On n’en veut pas ! C’est un accord pourri !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Nous avons aussi besoin que les agriculteurs interviennent auprès de leurs collègues européens. Enfin, nous avons besoin des ONG pour faire valoir les clauses environnementales. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
La réciprocité est un élément très important de cet accord ; nous devons l’obtenir. Si nous ne l’obtenons pas, vous avez raison, la défiance vis-à-vis de l’Europe sera terrible en France.
M. Pierre Cordier
Exact !
M. Julien Odoul
Elle l’est déjà ! Regardez les résultats des élections européennes !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Elle nourrira des sentiments antieuropéens, qui ne sont pas ceux que nous défendons et qui n’appartiennent pas aux valeurs de la France. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)
Situation au Proche-Orient
M. le président
La parole est à Mme Nathalie Oziol.
Mme Nathalie Oziol
La spirale de la violence n’en finit plus au Proche-Orient ! (« Oh ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
M. Julien Odoul
Ah ! Ça faisait longtemps !
Mme Nathalie Oziol
Comble de cruauté, le Parlement israélien a décidé d’interdire de porter assistance aux Palestiniens massacrés, mutilés, brûlés vifs par l’armée de Netanyahou. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Laurent Jacobelli
Et voilà, ça recommence !
Mme Nathalie Oziol
L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa) est le pilier des opérations humanitaires dans la bande de Gaza. Il gère les centres de santé et les écoles en Cisjordanie pour 2,5 millions de réfugiés palestiniens. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Julien Odoul
Et le Hamas ?
Mme Nathalie Oziol
Bannir l’Unrwa, c’est condamner à mort dans des souffrances abominables le peuple palestinien et les travailleurs humanitaires de l’Unrwa, dont 231 ont été tués par l’armée israélienne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Julien Odoul
Ils sont main dans la main avec le Hamas !
M. Laurent Jacobelli
Ce sont des terroristes !
M. Philippe Lottiaux
Ce sont vos amis, les terroristes !
Mme Nathalie Oziol
La France ne peut tolérer que soit ainsi piétiné le droit international !
Je salue la délégation du réseau des ONG palestiniennes présente à l’Assemblée à l’invitation de notre collègue Thomas Portes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC, EcoS et GDR. – Les députés du groupe LFI-NFP et quelques députés du groupe EcoS se lèvent.)
Depuis un an, nous demandons que la France défende le cessez-le-feu dans les territoires palestiniens et au Liban, reconnaisse l’État de Palestine et cesse les livraisons d’armes.
Lors de la conférence internationale de soutien à la population et à la souveraineté du Liban, Emmanuel Macron a dit : « Je ne suis pas sûr qu’on défende une civilisation en semant soi-même la barbarie. ». (Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Cela lui a valu les mêmes procédés infâmes que ceux que subit La France insoumise. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Thomas Portes
Eh oui !
M. Pierre Cordier
Ne criez pas comme ça ! Ce n’est pas la peine !
M. Philippe Lottiaux
Il aurait mieux fait de se taire !
M. Thomas Portes
Ferme ta gueule, toi ! On va s’occuper de toi.
Mme Nathalie Oziol
Condamnez-vous le communiqué du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) qui, en attaquant le Président de la République, crée sciemment une confusion entre critique légitime de la politique de Netanyahou et antisémitisme ? (M. Philippe Lottiaux proteste.)
M. Thomas Portes
Vas-y, dégage !
Mme Nathalie Oziol
Ce qui se passe au Proche-Orient, c’est la colonisation, un génocide et la généralisation du conflit au Liban ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Exactement !
M. Laurent Jacobelli
C’est la France, ici !
M. Thomas Portes
On va s’expliquer dehors, tu vas voir ! On va aller dehors ; on va s’occuper de toi.
Mme Nathalie Oziol
Serez-vous plus clair que les soutiens inconditionnels qui prétendent ne pas savoir à quoi Emmanuel Macron fait allusion ?
On parle de plus de 43 000 morts et plus de 100 000 blessés à Gaza,…
M. Philippe Lottiaux
Ce sont les statistiques de vos amis du Hamas !
M. Thomas Portes
Ferme ta gueule !
Mme Nathalie Oziol
…de plus de 2 000 morts et 11 000 blessés au Liban.
M. Laurent Jacobelli
Vous êtes les porte-parole du Hamas !
M. Pierre Cordier
On n’entend rien !
Mme Nathalie Oziol
La solution à ce conflit est politique, la France doit faire respecter le droit international. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont les députés se lèvent à nouveau.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger. (Vives protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
S’il vous plaît, on écoute Mme la ministre déléguée.
Mme Sophie Primas, ministre déléguée chargée du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Vous avez raison, à Gaza, l’urgence est plus aiguë chaque jour. Cela fait presque quatre semaines que l’armée israélienne a intensifié ses opérations dans le Nord.
Mme Danièle Obono
Ça fait un an !
M. Jean-Pierre Taite
Mais écoutez la ministre !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
La situation humanitaire ne cesse de se dégrader et les victimes se comptent par centaines. Tous les civils ont été enjoints d’évacuer sans avoir la possibilité de le faire en toute sécurité.
Une députée du groupe LFI-NFP
Ça fait un an que ça dure !
Mme Frédérique Meunier
Un peu de politesse !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Partout, dans l’enclave, les entrées d’aide humanitaire sont à leur niveau le plus bas depuis le début de la guerre.
Un député du groupe LFI-NFP
C’est une honte !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Cette situation est intenable et ne conduira ni à la paix, ni à la sécurité, ni pour Israël, ni pour la région. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Sarah Legrain
Et on fait quoi ?
M. Jean-Pierre Taite
Mais elle est en train de vous répondre !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
La mort du chef du Hamas, architecte des massacres terroristes du 7 octobre…
M. Laurent Jacobelli
Ah ! Quand même !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
…doit permettre de tourner la page de la guerre et de prendre enfin le chemin de la reconstruction et de la paix.
Mme Andrée Taurinya
Répondez à la question !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Les otages doivent être libérés sans délai, un cessez-le-feu immédiat conclu et l’aide humanitaire doit pouvoir entrer massivement et sans entrave dans l’enclave.
Mme Andrée Taurinya
Faites respecter le droit international !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Nous sommes profondément préoccupés par les projets de loi adoptés par la Knesset, qui prévoient de révoquer les privilèges et l’immunité de l’Unrwa,…
M. Julien Odoul
Ils sont infiltrés par le Hamas !
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
…de proscrire tout contact avec les agents et entités de l’État israélien et d’interdire la présence de l’agence sur le territoire d’Israël. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Danièle Obono
Et alors, on fait quoi ? C’est l’humiliation de la France !
M. le président
S’il vous plaît…
Mme Sophie Primas, ministre déléguée
Nous avons exprimé notre inquiétude auprès des autorités israéliennes, en lien avec nos partenaires. La France poursuivra son soutien à l’Unrwa et à la mise en œuvre du processus de réformes engagé, conformément aux recommandations du rapport Colonna. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR. – M. Éric Martineau applaudit également.)
Relance des trains de nuit
M. le président
La parole est à Mme Marie-José Allemand.
Mme Marie-José Allemand
En dépit des déclarations ambitieuses que le Gouvernement a multipliées ces dernières années, nous ne disposons d’aucun scénario de relance crédible pour les trains de nuit sur notre territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Pourtant, il y a urgence. Le train de nuit constitue une offre de transport écologique et beaucoup de ces lignes représentent un enjeu essentiel d’aménagement du territoire et de développement économique, car il n’existe pas de solution alternative.
C’est notamment le cas de la ligne Paris-Briançon. Cette ligne connaît depuis plusieurs années des dysfonctionnements majeurs et récurrents, avec un taux de retard de plus de 50 % – le plus élevé de France. Souvent, ces retards atteignent plusieurs heures, avec un triste record de onze heures en janvier dernier.
Les causes sont multiples : vétusté du réseau, état du matériel roulant, priorité accordée par la SNCF aux trains de marchandises circulant sur le même axe. En 2024, les nuits où les trains ne circulent pas du fait des travaux ont été plus nombreuses que les nuits où ils circulent. Et ce sera également le cas en 2025.
Un itinéraire de substitution par Grenoble est possible lorsque la ligne habituelle par Valence ne peut pas fonctionner. Allez-vous obliger la SNCF à effectuer la substitution ?
Il y a urgence à agir : quatre sites des Jeux olympiques d’hiver de 2030 seront desservis par le terminus de cette ligne. Vous engagez-vous à redonner vie au train de nuit Paris-Briançon ? Si oui, avec quels moyens ?
Plus globalement, comptez-vous relancer les trains de nuit ? Je pense par exemple au prolongement de la ligne Paris-Aurillac jusqu’à Mende. Le rapport sur les trains d’équilibre du territoire, publié en 2021, a évalué les besoins en matériel roulant à 600 voitures et 60 locomotives, pour un total de 1,5 milliard d’euros. Quand allez-vous passer la commande ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – M. Paul Molac applaudit également.)
M. Jérôme Guedj
Bravo !
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. François Durovray, ministre délégué chargé des transports
Vous m’interrogez sur le train de nuit Paris-Briançon et sur les interruptions de circulation liées à des travaux en cours jusqu’au 5 décembre, et qui reprendront sur une dizaine de semaines en 2025. C’est une bonne nouvelle pour la régénération du réseau.
L’alternative que vous évoquez, par la ligne des Alpes, a été étudiée par la SNCF. Elle n’est pas viable en raison d’un conflit de circulation avec un TER. Mais des cars permettent d’assurer la continuité du service (Mme Marie Pochon s’exclame) et la SNCF cherche à minimiser l’impact des travaux puisque les trains sont maintenus les week-ends, avec onze allers-retours.
Vous m’interrogez également sur les trains d’équilibre du territoire. Je vous rappelle l’engagement du Gouvernement – du Premier ministre, de Catherine Vautrin et de moi-même – pour les développer. Les rames sont en cours de rénovation.
Un appel d’offres est en cours jusqu’au début de l’année 2025 afin de louer de nouvelles rames beaucoup plus confortables pour les usagers. Nous consacrons 1,75 milliard d’euros aux trains d’équilibre du territoire qui assurent les liaisons Paris-Briançon, Paris-Aurillac et d’autres que nous souhaitons renforcer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
M. Pierre Cordier
Le ministre connaît très bien le fonctionnement de toutes les lignes !
M. le président
Madame la députée, vous avez une seconde pour répondre. Je vous donne la parole, mais il faudra faire vite !
La parole est à Mme Marie-José Allemand.
Mme Marie-José Allemand
Je vous emmène demain soir en bus de nuit avec moi ! (Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué : vous avez trente secondes pour répondre à cette invitation si vous le souhaitez !
M. François Durovray, ministre délégué
Je ne résiste pas au plaisir d’effectuer ce parcours à vos côtés ; rendez-vous est donc pris ! (Sourires.)
M. Jérôme Guedj
Bravo !
M. le président
Le rendez-vous est fixé !
Discussions budgétaires
M. le président
La parole est à M. Nicolas Ray.
M. Nicolas Ray
Un déficit de 6,1 %, une dette de plus de 3 200 milliards d’euros dont les intérêts explosent – telle est la situation catastrophique de nos finances publiques. Après deux mois de débats, nous assistons à un mariage improbable entre le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national, par le vote ou l’abstention. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Cette alliance contre-nature a accouché d’une facture de plus de 50 milliards de taxes supplémentaires pour les Français.
M. le président
Je vous prie d’écouter la question.
M. Nicolas Ray
Hausse de la fiscalité sur l’épargne, sur les successions, sur le logement, sur le travail, avec la taxation de l’intéressement des salariés, (Exclamations sur les bancs du groupe RN) et même adoption d’un amendement portant à 120 % la contribution exceptionnelle des entreprises : il s’agit du matraquage fiscal le plus brutal que notre pays ait connu.
Alors que la France a déjà le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé d’Europe, ces choix sont aberrants. La situation actuelle exige au contraire sens des responsabilités et hauteur de vue. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Benjamin Lucas-Lundy
Tout ça pour parler comme un macroniste !
M. Christophe Bex
C’est une honte !
M. Nicolas Ray
Depuis le début des débats, c’est l’attitude constructive de notre groupe : sous l’impulsion de notre président, nous avons été force de proposition pour trouver des économies.
M. Ian Boucard
Très bien !
M. Nicolas Ray
Il faut aller beaucoup plus loin en la matière,…
M. Jean-Philippe Tanguy
On va regarder les votes et on va bien rigoler !
M. Nicolas Ray
…nous devons lutter contre le gaspillage et œuvrer à la réduction des normes. Il faut aussi faire beaucoup plus pour réduire les dépenses des opérateurs, diminuer l’assistanat et les charges liées à l’immigration. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Philippe Gosselin
Mais écoutez-le !
M. Nicolas Ray
Nous devons nous efforcer de réduire les dépenses pour garantir la compétitivité de nos entreprises, mais aussi afin d’aboutir à un budget plus juste pour les Français, un budget qui sécurise la pension du petit retraité qui a cotisé toute sa vie, qui conduise à une diminution de la facture d’électricité des ménages et des artisans, et qui garantisse à nos PME un coût du travail raisonnable. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. Jean-Philippe Tanguy
Ça s’appelle le programme du RN, et on va vous faire payer des droits d’auteur !
M. Nicolas Ray
Monsieur le ministre du budget, ferez-vous adopter un budget qui redresse les comptes publics tout en étant au service des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Après l’examen de la moitié seulement des amendements modifiant la première partie du PLF, nous pouvons déjà commencer à faire les comptes. Taxe sur les patrimoines : 14 milliards d’euros (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et GDR) ; triplement de la contribution que devront verser les grandes entreprises : 16 milliards (Mêmes mouvements) ;…
M. Thibault Bazin
Vous devriez en avoir honte !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…triplement de la contribution sur le fret maritime : 2 milliards (Mêmes mouvements) ; rétablissement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour les petites entreprises : 5 milliards (Mêmes mouvements. – Plusieurs députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir) ; taxe sur les dividendes : 7 milliards. (Mêmes mouvements.)
M. Philippe Lottiaux
Tout cela a été adopté en l’absence de M. Ray !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je pourrais ajouter tous les dispositifs que vous avez voulu restreindre si ce n’est supprimer, comme le pacte Dutreil, dont bénéficient nos entrepreneurs – notamment nos PME. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Danièle Obono
Les riches se gavent !
M. le président
Écoutons le ministre !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Vous avez raison, nous assistons à une overdose fiscale. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Laure Miller applaudit également.) Compte tenu de la composition de l’Assemblée nationale, elle ne peut être le fait de l’unique Nouveau Front populaire ; ce dernier a régulièrement pu compter sur la complicité du Rassemblement national (Applaudissements sur les bancs du groupe DR, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN) qui a voté pour certaines mesures ou s’est abstenu. Il y a une alliance complice derrière le matraquage fiscal que nous refusons.
Mme Danièle Obono
Le matraquage, ce sont les classes populaires qui le subissent !
M. Philippe Lottiaux
Mais M. Ray n’était pas là, vos amis n’étaient pas là, c’est vous qui êtes complices !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Vous avez raison, monsieur le député : l’équilibre et le rétablissement de nos comptes ne passeront pas par cette overdose fiscale.
M. Jean-Philippe Tanguy
Ils ne passeront pas non plus par la bonne foi !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
La deuxième partie du PLF sera l’occasion de faire preuve de courage en réduisant la dépense publique ; c’est déjà le cas en commission. Le Gouvernement a montré la voie en proposant 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires… (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP. – Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme Danièle Obono
C’est ça, le matraquage !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…– je sais pouvoir compter sur vous et votre groupe pour faire d’autres propositions en ce sens.
Mme Sophia Chikirou
Ils ont perdu les élections !
M. le président
Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Xavier Breton.)
Présidence de M. Xavier Breton
vice-président
M. le président
La séance est reprise.
2. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (nos 325, 487, 480).
Deuxième partie (suite)
M. le président
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement no 566 portant article additionnel après l’article 5.
Après l’article 5 (suite)
M. le président
La parole est à Mme Karine Lebon, pour le soutenir.
Mme Karine Lebon
Nous souhaitons que les chambres d’agriculture bénéficient des dispositions prévues par la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodeom). L’exonération Lodeom est en effet applicable à l’ensemble des employeurs, à l’exception des entreprises publiques et des établissements publics – ce que sont les chambres d’agriculture –, d’où une inégalité de traitement au profit d’acteurs privés. Or les prix pratiqués par ces acteurs, par exemple pour des activités de conseil ou de soins aux animaux, sont bien supérieurs à ceux pratiqués par les chambres, cela au détriment des agriculteurs.
Le présent amendement a été adopté en commission. Je vous invite donc, pour les agriculteurs ultramarins, à renouveler ce vote. (Mme Sandra Regol applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales
Nous avons longuement discuté de cet amendement en commission. Comme elle a voté l’extension qu’il propose pour les motifs que vous évoquez, je donne un avis favorable.
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi, pour donner l’avis du Gouvernement.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi
Vous proposez d’étendre aux chambres consulaires l’exonération applicable aux entreprises établies en outre-mer. Mais l’exonération de cotisations patronales Lodeom est fondée sur une restriction stricte des entreprises et des secteurs qui en bénéficient, corollaire de la générosité, si je puis dire, du dispositif. L’absence du bénéfice de certaines exonérations par le secteur public est également compensée, dans le secteur concurrentiel, par d’autres modes de financement. Si le Gouvernement est sensible à la situation des chambres consulaires, le levier que vous proposez n’apparaît pas comme le plus efficace. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
(L’amendement no 566 est adopté.)
M. Sébastien Peytavie
Et voilà !
M. Pierre Cordier
Il coûte combien, cet amendement ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 2089.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Le Gouvernement entend ajuster l’importante réforme de l’assiette des travailleurs indépendants en outre-mer, prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Vous avez voté hier une meilleure répartition des prélèvements contributifs et non contributifs, ainsi que la simplification du calcul de l’assiette – fortement demandée par les organisations professionnelles.
Plusieurs travaux techniques nous ont conduits à proposer des aménagements. Aussi le présent amendement envisage-t-il de rendre la réforme applicable à Mayotte et de prolonger l’habilitation à légiférer par ordonnance sur les assiettes forfaitaires ultramarines.
J’ai été très sensible aux débats en séance sur le recours répété aux ordonnances pour traiter des questions relatives à l’outre-mer. Je comprends bien le sentiment qui en résulte qu’on ne peut en débattre au Parlement. Or il s’agit ici de prolonger un délai d’habilitation pour que nous nous donnions le temps de la concertation. Et si je n’avais pas le choix d’agir autrement – puisque contrainte par le calendrier –, je m’engage à associer étroitement les parlementaires à ce travail et je serai attentive à ce que, dans le périmètre de mon ministère, nous recourrions le moins possible aux ordonnances.
M. le président
Sur l’amendement n° 626, je suis saisi par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Très sensibles aux engagements de la ministre, nous donnons un avis favorable à son amendement.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Oui, il faut réformer l’assiette des travailleurs indépendants et l’adapter à l’outre-mer. Reste un problème de méthode : alors que le PLFSS précédent, déjà, ne prévoyait pas d’étude d’impact sur cette réforme, vous voulez, ici, l’étendre par amendement gouvernemental. Vous souhaitez une concertation, certes, mais vous ne sauriez la lancer après que nous vous aurons habilitée à légiférer par ordonnance ! Vous annoncez que vous aurez désormais moins recours aux habilitations, mais vous en prévoyez une à l’article 22…
Ce n’est pas parce que les questions liées à l’outre-mer sont complexes que nous ne devons pas en débattre ici. Vous nous avez annoncé les résultats de la mission de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale des finances (IGF) pour la semaine prochaine. Ne vaudrait-il pas mieux renoncer aux habilitations, le temps d’examiner ses conclusions, afin de savoir comment traiter la question pour l’outre-mer ?
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Notre collègue Bazin a parfaitement raison : il faut attendre les conclusions de la mission Igas-IGF avant de définir les limites des décisions à prendre. J’entends l’engagement que vous venez de prendre devant nous, madame la ministre. Maintenant, si vous vous engagez à revenir devant nous avant la publication de l’ordonnance, ça ira ; mais il faut que nous soyons certains de ce qu’elle contiendra. Or, l’année dernière, cela n’a pas été le cas. Il faudrait donc, et je pense que Mme Lebon sera d’accord, vérifier exactement ce qui est prévu pour les collectivités d’outre-mer, étant entendu qu’en aucun cas on ne saurait lui appliquer les dispositifs en vigueur dans l’Hexagone. Si vous prenez à présent cet engagement, je pense que nous pouvons vous faire confiance.
M. le président
La parole est à Mme Karine Lebon.
Mme Karine Lebon
Je me réjouis que nous nous rejoignions sur le sujet, MM. Bazin, Vigier et moi-même, alors que nous ne sommes pas du même bord politique.
Quelque chose me pose problème dans votre amendement, madame la ministre : il modifie l’assiette des travailleurs indépendants, soit, mais il ne précise pas s’il aura une incidence sur les mesures que nous avons votées précédemment.
Enfin je voudrais être rassurée : si je ne peux que saluer votre engagement à ce que nous soyons associés à la réforme – et soyez convaincue que je participerai pleinement à sa coconstruction –, je ne suis pas partisane de donner un blanc-seing au Gouvernerment en ce qui concerne mon territoire.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je m’engage à réunir avant la publication de l’ordonnance les parlementaires que cette question intéresse – et pas seulement, d’ailleurs, ceux d’outre-mer.
Par ailleurs, monsieur Bazin, il y a d’un côté la réforme de la Lodeom sur laquelle une mission donnera ses conclusions la semaine prochaine et, de l’autre, la réforme de l’assiette des travailleurs indépendants.
M. Thibault Bazin
Il faut combiner les deux !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Et nous reviendrons tout à l’heure sur la question de l’étude d’impact.
(L’amendement no 2089 est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 626 et 985, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy, pour soutenir l’amendement no 626.
M. Benjamin Lucas-Lundy
L’année 1848 et la journée de 12 heures ; 1919 et la journée de 8 heures ; 1936 : les 40 heures et les congés payés, avec le premier Front populaire ; 1982 : les 39 heures et la cinquième semaine de congés payés ; 1998 : les 35 heures, avec Lionel Jospin et Dominique Voynet.
M. Pierre Cordier
Avec vous, on travaille toujours moins, quoi !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Notre histoire républicaine est faite de conquêtes en faveur du temps libéré, qui est celui du droit au repos, au loisir, au bonheur.
M. Pierre Cordier
Quand vous serez au pouvoir, on passera donc à la semaine des 19 heures !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Ces conquêtes sont matérialisées par la réduction progressive du temps de travail.
M. Thibault Bazin
Et vive le déclin de la France !
Mme Émilie Bonnivard
Pensez au déficit !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Oui, chers collègues, le sens de notre histoire sociale, c’est le partage du travail pour travailler moins, travailler mieux, travailler tous, pour répartir les gains de productivité accumulés au cours des dernières décennies.
M. Fabien Di Filippo
Parlez-nous donc des gains de productivité !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Voilà pourquoi nous voulons, avec cet amendement de Marie-Charlotte Garin, encourager les expérimentations de la semaine de 32 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 985.
Mme Sophia Chikirou
Le présent amendement va dans le sens de l’histoire. Nous avons l’habitude de voir la droite s’opposer au partage du temps de travail.
M. Pierre Cordier
Mais non !
Mme Sophia Chikirou
Il faut dire qu’il y a un siècle et demi, elle s’opposait à l’interdiction du travail des enfants.
M. Pierre Cordier
Je n’étais pas né, chère collègue !
Mme Sophia Chikirou
C’est toujours le même réflexe, la même logorrhée : avec la réduction du temps de travail, la France courrait à la ruine. Pourtant, tout devrait lui faire penser le contraire et tout devrait nous inciter à aller vers la semaine des 32 heures.
L’urgence écologique d’abord, laquelle rend impossible la croissance infinie de la production et impose un partage des richesses, et donc du travail.
M. Pierre Cordier
Nous sommes une droite sociale ! Nous ne sommes pas concernés !
Mme Sophia Chikirou
Ensuite, la productivité du travail, qui a augmenté de 33 % depuis les années 1980, alors que le passage de la durée hebdomadaire du travail de 39 heures à 35 heures ne représente qu’une baisse de 10 %. La différence est allée directement dans la poche du capital.
M. Pierre Cordier
Le Capital, voilà un livre à lire !
Mme Sophia Chikirou
Enfin, le bon sens. Le passage aux 35 heures en 2002 a permis une forte création d’emplois, 350 000 selon un rapport de l’Igas,…
M. Pierre Cordier
Il faudrait demander aux hôpitaux ce qu’ils en pensent !
Mme Sophia Chikirou
…et ce, grâce à une décision politique de la gauche, à la suite de sa victoire aux élections.
L’Islande a expérimenté les 32 heures et l’Espagne le fait aussi dans un certain nombre de secteurs.
Soyons au rendez-vous de l’histoire. Expérimentons les 32 heures,…
M. Pierre Cordier
Les 20 heures, ce serait encore mieux !
Mme Sophia Chikirou
…payées 35 ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Pierre Cordier
Comment feront les députés quand les collaborateurs seront aux 32 heures ?
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Nous avons déjà eu ce débat en commission, mais il est important que nous l’ayons aussi en séance.
Je note qu’en proposant d’exonérer de cotisations les contrats de 32 heures payées 35, vous reprenez un moyen que vous combattiez auparavant. Vous êtes à contre-courant.
Par ailleurs, si, dans certains secteurs, la productivité a été améliorée, vous ne précisez toutefois pas lesquels seraient concernés par votre amendement.
Je reprends l’exemple qui avait été abondamment discuté en commission : celui des hôpitaux. Le passage aux 35 heures a probablement participé à leur affaiblissement,…
Mme Sophia Chikirou
C’est n’importe quoi !
M. Hendrik Davi
Vous ne pouvez pas dire ça !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
…parce qu’il a conduit à une réduction de 10 % de la quantité de travail et que celle-ci n’a pas été compensée par des recrutements, par manque de personnel.
Mme Sophia Chikirou
Vous avez tout fait pour que les 35 heures capotent !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Dans l’hôpital où j’ai exercé, 60 soignants ont été recrutés ; il en aurait fallu 600. Le passage aux 32 heures que vous proposez pose donc problème.
Mme Sophia Chikirou
Laissez-nous gouverner, on saura les faire les 32 heures !
Mme Émilie Bonnivard
Vous allez vous calmer ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Les chiffres que vous évoquez sont tout à fait contestables. En voici d’autres : en Allemagne, le temps de travail annuel pour un salarié à temps complet est de 1 790 heures, au Danemark, il est 1 714 heures et en Grèce, il est de 1 943. Il faut comparer.
Il faudra travailler plus, certes dans de meilleures conditions, mais c’est la seule solution pour sortir le pays de la crise ; et non pas travailler moins et faire payer les entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Jean-Pierre Vigier
Il a raison !
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Défavorable, évidemment.
M. Pierre Cordier
Mme la ministre est de droite !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Vos amendements traduisent une vision fondamentalement différente du marché de l’emploi. Pour vous, c’est un ensemble fini.
Mme Sandrine Rousseau
Nous pensons surtout que ce n’est pas un marché !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
C’est à ce titre que dans les années 1970 l’on a voulu exclure les seniors du marché de l’emploi, afin de libérer de la place pour les jeunes. Nous en payons encore le prix aujourd’hui. Le taux d’activité de la France, comparé à des pays qui ont choisi des stratégies différentes, est un des plus bas, notamment pour les jeunes et les seniors.
Nous estimons qu’il faut œuvrer à une meilleure insertion des jeunes sur le marché de l’emploi, tout en y maintenant les seniors. C’est le véritable sujet.
Laissons aux entreprises le choix d’expérimenter les 32 heures, comme en Allemagne. Cela ne doit pas relever de la loi.
Nous sommes convaincus que le travail créé le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) Vous êtes au contraire persuadés qu’il existe en quantité limitée.
Mme Sandrine Rousseau
Emploi et travail sont deux choses distinctes !
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo.
M. Fabien Di Filippo
Pourquoi, collègues de gauche, vos résultats électoraux ne sont-ils pas plus élevés qu’ils ne sont ? (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Manuel Bompard
Vous avez fait 6 % !
M. Fabien Di Filippo
Pourquoi personne ne vous croit quand vous promettez aux gens de travailler 32 heures, augmentées de 30 %, et seulement jusqu’à 60 ans ? (Jusqu’à la fin de l’intervention de l’orateur, Mme Sarah Legrain scande régulièrement « 6 % ! ».)
Vous êtes-vous interrogés sur ce clientélisme un peu suranné que vous entretenez ?
Au sujet du passage aux 35 heures, deux leçons sont à rappeler.
À cause de cette décision, les salariés ont subi un gel de leur salaire pendant une décennie, ce qui a fait beaucoup de mal. On ne peut partager que la richesse que l’on crée, le reste étant progressivement rogné par l’inflation. Les 35 heures ont également participé à la dégradation des conditions de travail des salariés et à leur paupérisation. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pour preuve, personne ne nous a copiés.
M. Laurent Croizier
C’est vrai !
M. le président
Veuillez conclure, cher collègue !
M. Fabien Di Filippo
J’en termine, monsieur le président, car nos collègues semblent très intéressés par la leçon d’économie qu’ils reçoivent.
Mme Sophia Chikirou
Nous n’avons pas besoin de vos leçons !
M. Fabien Di Filippo
Enfin, le passage aux 32 heures devrait être compensé par une augmentation incroyable de plus de 10 % de la productivité. Or, depuis 2019 et l’arrivée d’Insoumis toujours plus nombreux, elle a baissé. (M. le président coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)
M. le président
La parole est à M. Benjamin Lucas-Lundy.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Il est cocasse qu’un parti n’ayant même pas fait 5 % aux élections législatives nous donne des leçons en matière de réussite électorale. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
M. Fabien Di Filippo
Même 5 %, c’est bien !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous avez raison d’employer le mot « suranné », puisqu’à vous écouter, j’ai eu l’impression d’une reconstitution historique des débats ayant eu lieu en 1848, en 1936, en 1980 et en 1998. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Vous devez sans doute avoir 200 ans, cher collègue, car ce discours, on l’entend depuis tout ce temps. « Vous voulez interdire le travail des enfants ? Ce n’est pas possible, cela ruinerait l’économie ! » « Vous voulez travailler moins de 12 heures par jour ? Ce n’est pas possible, cela ruinerait l’économie ! » « Vous voulez les 40 heures ? Ce n’est pas possible, cela ruinerait l’économie ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. Fabien Di Filippo
Voulez-vous que nous demeurions la septième puissance mondiale ?
M. Benjamin Lucas-Lundy
Notre histoire sociale et républicaine témoigne de ce que vous êtes un idéologue qui se trompe (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR),…
M. Boris Tavernier
Bravo !
M. Benjamin Lucas-Lundy
…comme vos prédécesseurs et vos successeurs !
Nous ne partageons pas votre idéologie réactionnaire. Sont pragmatiques ceux qui acceptent la réussite du passage aux 35 heures, dont Mme Chikirou a rappelé les chiffres documentés par l’Insee, par l’Igas et par le rapport d’enquête de Mme Barbara Romagnan (Mêmes mouvements) ;…
M. Laurent Croizier
C’est faux !
M. Thibault Bazin
Ce n’est pas vrai !
M. Benjamin Lucas-Lundy
…ceux qui savent que pour que tous travaillent mieux, il faut travailler moins ; ceux qui prennent en considération la réalité écologique ; ceux qui savent pourquoi nous sommes ici et pourquoi la République a été fondée : pour donner des droits nouveaux, pour gagner du temps – de loisir, d’engagement, de repos et de bonheur !
M. Fabien Di Filippo
Sur le dos de qui ?
M. Pierre Cordier
Qui paye ?
Mme Émilie Bonnivard
Heureusement que Mme Chikirou sait où trouver des richesses !
M. Benjamin Lucas-Lundy
Vous êtes du côté des exploiteurs ; nous sommes du côté des salariés et du temps libéré ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
Pour compléter votre leçon d’histoire et d’économie, il faudrait préciser que les grands acquis sociaux que vous avez mentionnés, notamment le passage aux 40 heures, ont été permis par des gains de productivité de 30 % chaque décennie. Ce n’est plus le cas.
M. Laurent Croizier
Exactement !
M. Pierre Cazeneuve
Vous croyez à une chimère socialisante et gauchisante selon laquelle le marché du travail serait un jeu à somme nulle. (M. Charles Rodwell applaudit.) Il n’est pas un gâteau que l’on se partagerait, au contraire : le travail engendre le travail, la croissance engendre la croissance.
Mme Julie Laernoes
« Travailler plus pour gagner plus », c’était de Nicolas Sarkozy !
M. Pierre Cazeneuve
Alors qu’il faudrait travailler plus, vous affirmez qu’il faudrait travailler moins.
Chers collègues, vous mentez aux Français, c’est grave. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme Julie Laernoes
Nous ne mentons pas, nous avons une autre vision de la société !
Un député du groupe LFI-NFP
Vous, les Français, vous les volez !
M. Pierre Cazeneuve
Contrairement à ce que vous prétendez, il est impossible de travailler moins longtemps, parce que notre population vieillit, parce que le nombre d’actifs par retraité ne cesse de diminuer et parce que la productivité stagne.
Vos effets de manche n’y suffiront pas. Ce que vous appelez un impôt sur la vie, et qui n’est qu’un impôt pour toute la vie, ne pourra pas financer cela. Nous n’en voulons pas.
Vous voulez travailler moins pour gagner moins ; nous voulons travailler plus pour partager plus. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR.)
M. Nicolas Sansu
On voit bien qu’il vient des Hauts-de-Seine !
M. le président
La parole est à M. Louis Boyard.
M. Emeric Salmon
M. Boyard va nous parler de travail !
M. Louis Boyard
Mes chers collègues, détente et humilité ! Ce débat, nous l’avons depuis des siècles.
M. Pierre Cordier
Peace and love !
M. Louis Boyard
Compte tenu de l’état dans lequel vous avez mis notre pays, vous n’avez aucune leçon d’économie à nous donner. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Monsieur le rapporteur général, je dispose de chiffres différents des vôtres et qui montrent qu’il y a des pays qui travaillent moins que nous : la Suède – 1 444 heures –, l’Islande, la Nouvelle-Zélande – 1 417 heures –, le Luxembourg, le Danemark, l’Allemagne – 1 349 heures.
M. Pierre Cordier
Il a lu ça dans Pif Gadget !
M. Louis Boyard
Concernant l’hôpital, il y a énormément de gens qui ne veulent que travailler. Vous avez toutefois raison sur un point : si on ne planifie pas l’organisation économique, si on ne forme pas du personnel et si on ne crée pas de postes, alors on fonce droit dans le mur. Alors donnons des moyens à l’université et pour ce faire, cessons de diminuer les recettes, comme le prévoit ce PLFSS. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Jean Jaurès, un grand défenseur de la réduction du temps de travail, disait que le courage revient à chercher la vérité et à la dire.
M. Pierre Cordier
Ça n’a rien à voir avec les 35 heures !
M. François Cormier-Bouligeon
Jaurès se retourne dans sa tombe ! Boyard l’assassine une deuxième fois !
M. Louis Boyard
Vous nous prédisez des inondations, des crues, une pluie de sauterelles – que sais-je ! Il ne s’agit que d’une expérimentation, chers collègues. Souvenez-vous de l’excellent rapport de nos collègues MM. François Gernigon et Stéphane Viry sur la semaine de quatre jours. Lors des auditions, nous avions souligné le besoin d’une expérimentation de la semaine de 32 heures, payées 35. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Hendrik Davi applaudit également.)
J’appelle à la détente et à l’humilité, chers collègues, parce que ce débat dure depuis des siècles. À l’image des opposants à la réduction du temps de travail il y a deux cents ans, vous êtes caricaturaux. Mais rassurez-vous, à la fin, ce sont toujours les travailleuses et les travailleurs qui gagnent. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 626.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 200
Nombre de suffrages exprimés 199
Majorité absolue 100
Pour l’adoption 82
Contre 117
(L’amendement no 626 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 985 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 2382, qui fait l’objet d’un sous-amendement, no 2385.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
L’amendement reprend le no 132, que M. Guedj avait déposé, puis retiré hier pour accélérer les débats. Il vise à répondre à la demande de M. Thibault Bazin d’une étude sur l’impact de la réforme de l’assiette sociale des travailleurs indépendants.
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir le sous-amendement no 2385, à l’amendement no 2382.
M. Jérôme Guedj
J’avais retiré l’amendement afin que nous accélérions nos débats, mais puisque la ministre souhaite le reprendre, je préférerais que ce soit dans sa version initiale, plus complète. Si nous sommes d’accord sur la nécessité d’un rapport relatif aux travailleurs indépendants, notre intention était surtout de vous alerter quant à la trop grande multiplicité d’assiettes des cotisations sociales.
Le rapport rédigé par Antoine Bozio et Étienne Wasmer indique qu’il existe aujourd’hui 3 042 types différents d’assiette en matière de cotisations sociales. Ils nous invitaient à réfléchir à une assiette unique, comme l’assiette des revenus d’activité soumis à la CSG, la contribution sociale généralisée.
Il n’existe pas d’étude à ce sujet, alors que le rapport Bozio-Wasmer exige davantage d’informations. Le sous-amendement vise donc à élargir le champ d’étude du rapport que tend à créer l’amendement de la ministre. Il y va d’une simplification de l’assiette des cotisations sociales, mais nous devons faire attention à qui en seraient les gagnants ou les perdants.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Le Gouvernement a déposé son amendement à onze heures trente et vous l’avez sous-amendé il y a vingt minutes.
M. Jérôme Guedj
Le contenu de l’amendement et du sous-amendement est le même que l’amendement examiné en commission !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Certes, mais nous devons pouvoir travailler correctement et je suis dans mon rôle lorsque je le rappelle. Même si l’amendement et le sous-amendement n’ont pas été examinés par la commission en application de l’article 88 de notre règlement, l’avis sera favorable : il y va de la sérénité de nos débats et de la qualité de l’examen de l’article 6 du projet de loi.
J’insiste : nous n’avons disposé que de vingt minutes pour lire cet amendement et chacun doit en avoir conscience.
Mme Danielle Brulebois
Ce n’est qu’une demande de rapport !
M. Fabien Di Filippo
Entendez la sagesse du rapporteur Neuder.
M. le président
Sur le sous-amendement no 2385, quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Il est favorable.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
La situation est quelque peu surréaliste car, par son amendement, le Gouvernement se demande à lui-même un rapport. Qui s’y opposerait ?
Je vous avais demandé une étude, mais qui n’a rien à voir avec le rapport que demande Jérôme Guedj. Sa demande porte sur les allégements de charge, qui seront notamment traités dans l’article 6,…
Mme Sandrine Rousseau
Vous voulez parler des baisses de cotisations, n’est-ce pas ?
M. Thibault Bazin
…tandis que la mienne renvoie à la réforme de l’assiette des cotisations et contributions des travailleurs indépendants, décidée il y a un an sans étude d’impact.
Certains veulent s’occuper des trappes à bas salaires, mais selon moi, le vrai problème en France, ce sont les trappes à inactivité. Or, malgré les alertes des économistes, vous ne vous attelez pas à leur traitement ! Comment se fait-il qu’un salarié travaillant 23 heures refuse d’exécuter des heures supplémentaires, par peur de subir une réduction de ses allocations ?
M. Fabien Di Filippo
Très bonne question !
M. Thibault Bazin
Comment se fait-il qu’un tel salarié refuse de passer à temps plein, pour les mêmes raisons ?
C’est le sujet que nous devons traiter pour améliorer le taux d’activité ! Attaquons-nous aux vrais problèmes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et EPR.)
Mme Sandrine Rousseau
On va encore nous proposer de baisser le salaire minimum…
M. Fabien Di Filippo
Voilà les ravages de l’assistanat !
(Le sous-amendement no 2385 est adopté.)
(L’amendement no 2382, sous-amendé, est adopté.)
Article 6
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
Nous voilà enfin à l’examen de l’article 6, qui fait couler tant d’encre. C’est d’ailleurs dans un contexte que je qualifierais de baroque qu’aura lieu cette discussion, puisqu’en commission des affaires sociales, c’est une coalition pas si inédite que cela, formée de députés des groupes EPR et DR – le soi-disant socle commun – et de ceux du Rassemblement national, qui a supprimé l’article 6, pourtant défendu par le Gouvernement.
M. Fabien Di Filippo
C’est toujours mieux que l’alliance entre le NFP et le RN !
M. Jérôme Guedj
La gauche, dans sa diversité, a tenté de s’y opposer et le fera de nouveau aujourd’hui.
M. Sébastien Peytavie
Le Modem et la gauche !
M. Jérôme Guedj
Pour la première fois, enfin, nous remettons en question le dogme selon lequel les exonérations de cotisations sociales seraient par principe efficaces.
L’an passé, avec mon collègue Marc Ferracci, devenu depuis ministre, nous avions mis le pied dans la porte en montrant, dans un rapport de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss), qu’une partie des exonérations de cotisations sociales n’avait aucun effet sur l’emploi, pas plus que sur la compétitivité.
Le rapport commandé par Élisabeth Borne aux économistes Antoine Bozio et Étienne Wasmer a confirmé que les sommes considérables – j’ose même dire le pognon de dingue – que le pays perd en exonérations de cotisations sociales n’avaient pas toujours les effets attendus. Je parle de 37 milliards d’euros en 2014, de 50 milliards en 2019 et de près de 80 milliards aujourd’hui. Au moment où nous cherchons les ressources permettant de financer la sécurité sociale, souffrez que nous questionnions l’efficacité de ces allégements !
Nous pouvons faire nôtres certaines mesures de désmicardisation, qui visent à éviter les trappes à bas salaires grâce à une évolution des exonérations appliquées aux salaires proches du Smic, mais certains ne veulent pas en entendre parler.
Par ailleurs, les diminutions d’exonérations prévues par le projet de loi, une première, représentent 5 milliards d’euros : vous qui les refusez, que proposez-vous ? D’autres ressources pour garantir l’équilibre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), l’aggravation du déficit ou, pire encore, la réduction des moyens de l’hôpital, des Ehpad et de la politique familiale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Monsieur Guedj, nous avons donné des pistes concrètes pour réaliser des économies et proposer aux Français un dispositif gagnant-gagnant.
M. Sébastien Peytavie
Dites plutôt perdant-perdant !
M. Thibault Bazin
L’article 6 prévoit de faire peser sur les employeurs 5 milliards d’euros d’augmentation de charges.
M. Yannick Monnet
Il ne s’agit pas d’augmentations de charges !
M. Thibault Bazin
En France, la compétitivité des entreprises est aujourd’hui malmenée, avec des charges plus importantes que dans les pays voisins,…
M. Charles Fournier
Ce sont des cotisations !
M. Thibault Bazin
…qui s’expliquent par des coûts, notamment du travail, plus importants. C’est une réalité documentée et parfaitement illustrée par les sénateurs Duplomb, Louault et Mérillou, dans leur rapport sur la compétitivité de la ferme France.
Pour produire plus en France, pour assurer notre souveraineté, il faudrait plutôt baisser les charges de nos entreprises, pour en améliorer la compétitivité. Nous pourrons alors créer de la valeur et partager nos richesses ! Or les dispositions de l’article 6 risquent de fragiliser encore nos dernières industries. Le groupe de la Droite républicaine vous alerte sur leurs conséquences.
En quoi des entreprises qui devront absorber 5 milliards d’euros de charges en plus seraient incitées, concomitamment, à augmenter les salaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. Mathieu Lefèvre
Très juste !
M. Thibault Bazin
Ne risque-t-on pas plutôt des destructions d’emploi ou le gel des négociations de grilles salariales ? La réduction des allégements, envisagée à l’article 6, entraînera une hausse immédiate du coût du travail. Elle réduira les marges des entreprises, limitera leur capacité d’investissement et freinera les évolutions salariales. C’est inacceptable !
L’effet de l’article 6 pourrait bien être l’inverse de celui affiché par le Gouvernement.
M. Mathieu Lefèvre
Exactement, bravo !
M. Thibault Bazin
L’économie française est diverse et compte de nombreux secteurs à rentabilité faible, qui risquent d’être les premiers mis en difficulté par les 5 milliards d’euros de charges supplémentaires. Ne les fragilisez pas, préservez l’emploi, revoyez votre projet et renoncez à cet article 6, si préjudiciable aux entreprises de France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes DR et EPR.)
M. Mathieu Lefèvre
Bravo !
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
L’article 6 fournit l’occasion d’un débat essentiel, celui relatif aux exonérations de cotisations patronales. Elles coûtent actuellement 80 milliards d’euros par an et, pour une fois, c’est l’exposé des motifs de l’article qui le rappelle très clairement. Leur coût ne cesse d’augmenter : il a progressé de 20 milliards d’euros en quatre ans.
Elles incitent les employeurs à salarier au niveau du Smic ; elles découragent les revalorisations salariales ; elles découragent l’emploi de personnel qualifié.
M. Jean-Pierre Taite
Elles créent de l’emploi !
M. Hendrik Davi
Elles sont donc un frein à l’innovation – c’est en tout cas ce qu’expliquent certains auteurs de rapport. Ces exonérations auraient permis de sauver 40 000 à 460 000 emplois : l’estimation, vous en conviendrez, manque pour le moins de précision !
Faisons ensemble un petit calcul : vous êtes tous passés par le CM1 et êtes donc capable d’effectuer une division. (Exclamations sur les bancs des groupes EPR et DR.)
M. Thibault Bazin
Quel mépris !
M. Hendrik Davi
Avec 80 milliards d’euros, le secteur public pourrait embaucher 2,5 millions de salariés payés 2 000 euros net par mois, sachant que beaucoup de nos fonctionnaires commencent leur carrière à ce niveau de salaire ou en deçà. Cette somme permettrait d’embaucher des soignants, du personnel dans les hôpitaux ou les Ehpad, des professeurs enseignant aux étudiants en santé, du personnel à la Caisse d’allocations familiales (CAF) ou à la Caisse d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat). (M. Jean-Pierre Taite s’exclame.)
Je ne vous propose pas de supprimer immédiatement ces exonérations, mais je souhaitais mettre en regard le nombre de fonctionnaires que la somme qu’elles représentent permettrait de recruter et le nombre d’emplois qui sont réellement sauvés grâce à elles !
En réalité, ces allégements de cotisations nous privent de centaines de milliers d’emplois utiles.
M. Jean-Pierre Taite
Passez ne serait-ce qu’une journée dans le fauteuil d’un dirigeant d’entreprise et vous parlerez de charges plutôt que de cotisations !
M. Hendrik Davi
Il est d’ailleurs scandaleux de demander aux Français des économies de bouts de chandelle alors que les entreprises du CAC40 profitent pleinement de ces exonérations et versent plus de 70 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires !
M. Jean-Pierre Taite
Mais elles ne sont que quarante, justement ! Et les autres, alors ?
M. Hendrik Davi
Il est plus que temps de revoir ce modèle. L’article 6 propose de diminuer ces allégements, mais il ne va pas assez loin. Pourquoi continuer d’exonérer les salaires supérieurs à 2 Smic ? Les réductions de cotisations n’ont aucun effet incitatif sur l’emploi pour les salariés qui gagnent plus de 2 800 euros par mois.
M. Thibault Bazin
Vous avez redoublé votre CM1 !
M. Hendrik Davi
Le Nouveau Front populaire proposera la fin des exonérations de charges sociales pour les salaires supérieurs à 2 Smic, ce qui permettra un gain de 8 milliards d’euros.
M. Jean-Pierre Taite
Réfléchissez ! Avez-vous seulement pensé aux artisans et commerçants ?
M. Hendrik Davi
Notre groupe proposera d’aller plus loin et de faire diminuer les exonérations de manière inversement proportionnelle aux salaires, lorsque ceux-ci s’établissent entre 1 et 2 Smic. Cette mesure dégagerait 12 milliards d’euros de recettes, grâce auxquelles nous pourrions financer l’hôpital et les retraites.
Ne supprimons pas l’article 6, car le débat qu’il permet d’ouvrir est utile ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
M. Pierre Cordier
Ils veulent toujours imposer plus, c’est le festival des horreurs !
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
S’il y a un sujet qui nous rassemble tous, c’est bien la volonté de créer les conditions du développement économique, du maintien de l’emploi, de la création d’entreprises et de la réindustrialisation – un défi que nous relevons de mieux en mieux depuis quelques années.
Madame la ministre, nous admettons avec vous que les allégements de charges sociales sont extrêmement coûteux. Je me souviens cependant que la gauche n’y avait pas renoncé, tant s’en faut. Elle a créé le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), et pourquoi ? Parce que la compétitivité de nos entreprises était trop faible.
Rappelons également que nous faisons entendre une voix différente – la gauche, monsieur Guedj, doit accepter qu’elle n’est pas seule à le faire : nous connaissons l’existence de trappes à bas salaires et savons que les exonérations sociales n’ont pas d’effet avéré sur la création ou la préservation des emplois lorsqu’elles s’appliquent à des salaires compris entre 2,5 et 3,5 fois le Smic.
Aussi devrions-nous insister sur les exonérations appliquées aux salaires inférieurs à 2,5 Smic pour éviter les trappes à bas salaires, en supprimant les exonérations appliquées au-delà. Non contents de résorber ces trappes, nous redonnerions du pouvoir d’achat aux classes moyennes, qui en ont tant besoin.
Le salaire médian s’établit actuellement à 2 000 euros, mais nous comptons fixer un seuil d’exonération à 2 600 euros et proposer ce contrat gagnant-gagnant aux employeurs : l’allégement des charges sociales contre une augmentation sur la feuille de paye.
Ainsi, nous comptons réaliser les mêmes économies que celles prévues par le Gouvernement, mais en les ciblant différemment. C’est ainsi que l’efficacité sera au rendez-vous !
M. le président
La parole est à M. Laurent Panifous.
M. Laurent Panifous
Quand les exonérations de cotisations patronales représentent en France 80 milliards d’euros, il est légitime de s’interroger sur leur pertinence à l’occasion de l’examen d’un PLFSS.
Le Gouvernement fait le choix, légitime, de réduire ces exonérations, pour apporter une solution au déséquilibre des comptes sociaux. Le rapport commandé par le Gouvernement dans le cadre de sa réflexion sur une nouvelle organisation de ces exonérations propose de ne retenir qu’un seul des trois dispositifs d’exonération existants. Nous y sommes favorables, ne serait-ce que pour gagner en lisibilité.
Cependant, notre désaccord porte d’abord sur le niveau jusqu’auquel sont appliquées les exonérations. Nous proposons de le ramener à 2,5 Smic, soit 3 600 euros net, et sommes ouverts à le fixer légèrement au-dessus de ce seuil, mais il est admis que les exonérations n’ont pas d’effet lorsqu’elles sont appliquées à des salaires trop élevés.
Ensuite, certains soutiennent que la baisse des exonérations appliquées aux salaires proches du Smic convaincrait les employeurs d’augmenter les salaires. Je ne le crois pas du tout et celles et ceux qui ont dirigé des entreprises ou des services de ressources humaines soutiendront avec moi que les employeurs réfléchissent différemment. Je considère donc que l’augmentation du coût du travail des salariés rémunérés à des niveaux proches du Smic n’est pas une bonne idée.
Nos amendements refléteront ces deux points de désaccord.
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je dois vous avouer que j’aime bien ce débat, qui oppose la droite et l’extrême droite à la gauche…
M. Thibault Bazin, M. Philippe Lottiaux et M. Pierre Cordier
Et l’extrême gauche !
M. Yannick Monnet
Le débat est très sain. En l’occurrence, il permet à chacun de partager sa position sur la sécurité sociale et la manière dont il souhaite qu’elle soit financée.
Monsieur Bazin, quand vous dites que cela va représenter une hausse des cotisations pour les entreprises, vous raisonnez comme si les aides publiques étaient attribuées à vie ! Je ne partage pas du tout votre vision des choses.
Les chiffres sont connus : les exonérations de cotisations sociales ont représenté 80 milliards en 2023, soit près de 20 milliards de plus qu’en 2021. En vingt ans, le montant des allégements a été multiplié par cinq. Cette masse d’exonérations est octroyée sans aucune contrepartie sociale ou environnementale, alors que vous êtes toujours prompts à demander des contreparties lorsqu’on verse des allocations.
L’objectif de ces exonérations n’est atteint ni en matière d’emploi, ni sur le plan de la compétitivité. S’agissant des créations d’emploi, le comité de suivi du CICE avait lui-même reconnu que celui-ci n’avait permis de créer ou de sauvegarder que 100 000 emplois entre 2013 et 2015, ce qui représente un coût par emploi créé d’environ 200 000 euros. En outre, on déplore un phénomène de trappes à bas salaires, suscité et entretenu par des exonérations qui se concentrent autour du Smic.
Je vais vous poser la même question que mon collègue Jérôme Guedj.
M. Charles Rodwell
Ça ne sert à rien, alors !
M. Yannick Monnet
Vous préférez réduire de 5 milliards les ressources de l’assurance maladie. Alors soyez honnêtes et dites-nous sur quelles dépenses vous voulez rogner ! Arrêtez de vous payer de mots et dites-nous ce que vous comptez faire !
M. Charles Rodwell
Réformer l’assurance chômage !
M. Yannick Monnet
Allez-vous toucher aux médecins-conseils des caisses primaires d’assurance maladie – CPAM – ? Faire des économies sur l’hôpital public ? Sur les Ehpad ?
M. Sébastien Peytavie
Sur l’aide médicale de l’État !
M. Yannick Monnet
Dites aux Français à quels soins vous renoncez ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, GDR, SOC et EcoS.)
M. Louis Boyard
C’est financièrement irresponsable !
M. le président
La parole est à Mme Laure Lavalette.
Mme Laure Lavalette
Monsieur Guedj, vous avez qualifié la situation de baroque, mais la seule qui mérite ce qualificatif, c’est celle qui vous a permis de sauver votre siège en juin…
M. Jérôme Guedj
J’ai battu le RN !
Mme Laure Lavalette
…et qui a permis l’élection d’Emmanuel Macron. Monsieur Vigier, pour gagner en compétitivité, il faudrait baisser la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE – et les impôts de production, que vous avez laissés augmenter par votre absence la semaine dernière – et on parle là de 10 milliards !
M. Charles Sitzenstuhl
Vous n’avez jamais voté aucune baisse d’impôt avec nous !
Mme Laure Lavalette
Madame la ministre, je ne comprends pas cet acharnement contre les très petites, petites et moyennes entreprises – TPE et PME. Sous prétexte de rationaliser les allégements de cotisations patronales, vous risquez de porter un coup fatal à ces entreprises. Cette réforme, vous le savez, menace directement l’emploi, car chaque augmentation de charge pèse sur les trésoreries déjà fragiles et très précaires de nos petites entreprises. Elle intervient en outre dans un contexte déjà bien lourd.
M. Charles Sitzenstuhl
Où étiez-vous depuis sept ans ?
Mme Laure Lavalette
Plus de 63 000 défaillances d’entreprises enregistrées sur douze mois ; 395 entreprises de plus de 50 salariés victimes d’une cessation de paiements depuis le début de l’année – bien plus que durant toute l’année 2019 ; plus de 30 000 entrepreneurs sans activité entre janvier et juin dernier : cela ne vous suffit donc pas ? Voilà qu’il vous faut maintenant ajouter une charge supplémentaire de plus de 5 milliards sur le dos des entreprises !
M. Mathieu Lefèvre
Vous avez rétabli l’ISF il y a une semaine !
Mme Laure Lavalette
Monsieur Lefèvre, si vous voulez, nous pouvons aller à la buvette : nous prendrons un pot,…
M. Mathieu Lefèvre
Pas avec vous, madame Lavalette !
Mme Laure Lavalette
…et vous pourrez me raconter tout ce que vous voulez.
Vous agissez, madame la ministre, comme si le dispositif d’exonération de cotisations sociales patronales était un cadeau. Or il ne l’est pas. Il est un outil de maintien de l’emploi, notamment pour les populations les plus faiblement qualifiées, surexposées au risque de chômage. Rogner sur les marges des entreprises, surtout sur les plus petites d’entre elles, serait un acte mortifère. Passer du « quoi qu’il en coûte », dont vous êtes si fiers, à un « on reprend un peu de votre oxygène », à un moment où les entreprises essaient de sortir la tête de l’eau, avouez que c’est un peu rude !
Croire que le redressement des finances publiques passera par la détérioration des TPE-PME et la destruction de l’emploi, c’est un peu comme tenter d’éteindre un incendie avec de l’essence. Par pitié, revenez à la raison ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Stéphanie Rist.
Mme Stéphanie Rist
Depuis sept ans, nous avons réformé le marché du travail et lutté contre le chômage de masse. Nous avons créé 2,5 millions d’emplois, obtenu de nouvelles recettes sociales et fiscales et restauré la compétitivité de nos entreprises. (M. François Cormier-Bouligeon applaudit.)
Les choix budgétaires doivent être des choix d’économies justes. Or, en l’état, l’article 6 nous semble être davantage du côté des économies que d’une réforme juste. L’emploi ne peut pas être une variable d’ajustement.
Notre groupe propose un objectif de désmicardisation et de sortie des trappes à bas salaires. Nous proposons, pour ce faire, d’appliquer fidèlement les conclusions du rapport d’Antoine Bozio et Étienne Wasmer. L’amendement no 2134 de David Amiel, qui a été salué par M. Wasmer, propose ainsi de réduire les allégements de charges, notamment au-dessus de 2,5 Smic, et d’utiliser intégralement l’argent obtenu pour renforcer les allégements entre 1,2 et 1,9 Smic, de manière à favoriser une augmentation des salaires. Il n’y aurait donc aucune augmentation du coût global du travail – contrairement à ce que prévoit cet article – mais 10 000 emplois créés et 3 à 5 milliards d’euros de salaire en plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Puisque nous sommes au Barnier Comedy Club, je vais vous raconter un conte pour enfants ! Il était une fois un pays donc le Gouvernement avait perdu les élections mais continuait à arroser les grands monopoles privés par le biais d’exonérations de cotisations sociales. Pourquoi ? Pour améliorer leur compétitivité ! Bilan : c’est du flan ! On le sait, car cela a été prouvé, mille fois prouvé. Les exonérations de cotisations sociales sont allées alimenter les marges des grands groupes et n’ont aucunement contribué à des recrutements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-Pierre Taite
Venez chez moi, vous verrez !
M. Hadrien Clouet
Pire encore : comme on a jeté l’argent par les fenêtres, les caisses sont vides et des gens vont travailler alors qu’ils sont malades, parce que vous ne voulez plus les indemniser. Résultat, ils contaminent leurs collègues et, là où vous aviez un malade désindemnisé, vous en avez quatre ou cinq, et autant de journées de travail perdues pour les employeurs. Non seulement ce n’est pas sérieux, mais en plus vous êtes nuls – à un ou deux près, peut-être.
M. François Cormier-Bouligeon
Vous visitez parfois des entreprises ?
M. Jean-Pierre Taite
Faites un tour dans une boulangerie, ou dans une entreprise d’aide à la personne !
M. Hadrien Clouet
Tout cela se fait aux frais des salariés, puisque les directions d’entreprises ont bien compris le calcul des seuils, et on voit des gens faire leur carrière entière sous les 1,6 Smic à cause des cadeaux que vous concédez au patronat. C’est un gaspillage incommensurable. Les allégements généraux au-dessus de 1,35 Smic coûtent à eux seuls 5 milliards par an et les études montrent qu’avec cette somme, on pourrait protéger 90 000 emplois.
M. François Cormier-Bouligeon
Y a-t-il des entreprises dans votre circonscription ?
M. Hadrien Clouet
Vous avez inventé la politique publique qui coûte 63 000 euros par emploi maintenu ! Autrement dit, vous avez réussi à supprimer deux emplois en en conservant un. Bravo ! On n’a vraiment que des génies dans cette salle !
M. Jean-Pierre Taite
Qui, parmi vous, a créé des emplois dans sa circonscription ? Qui paie des employés ?
M. Hadrien Clouet
Le Gouvernement a fait un premier pas, en disant vouloir récupérer 5 milliards sur les 88 milliards du total. En réalité, cela ne représente presque rien : cela veut dire que sur 1 euro de cotisation, vous récoltez 5 ou 6 centimes. Mais, même cela, les fondés de pouvoir du Medef le refusent ! (M. Jean-Pierre Taite s’exclame.) Pouvez-vous un instant arrêter de hurler ? Nous avons compris que vous ne vouliez pas faire payer les patrons !
Nous voulons que cet article soit examiné pour aller plus loin et récupérer quelques centimes de plus ; il faut que les cadeaux que vous avez faits soient soumis à certaines conditions. Nous proposons de sauver Barnier dans les cinq prochaines minutes, pour mieux nous en débarrasser dans les semaines à venir.
M. le président
La parole est à M. Sacha Houlié.
M. Sacha Houlié
Le Gouvernement n’a pas eu que des bonnes idées dans ce PLFSS, mais je le félicite pour l’article 6, qui reprend des amendements que, depuis cinq ans, je dépose avec quelques collègues.
Les exonérations de cotisations avaient deux objectifs : accroître la compétitivité des entreprises et créer des emplois. Le débat sur leur utilité est ancien. En 2019, le regretté Philippe Martin, qui présidait le Conseil d’analyse économique – CAE –, avait établi l’inefficacité totale de toutes les exonérations de cotisations sur les salaires dépassant 2,5 Smic et il s’interrogeait sur l’utilité de celles comprises entre 1,6 et 2,5 Smic. Son analyse a été corroborée par différentes études, notamment par le rapport de nos collègues Jérôme Guedj et Marc Ferracci, lequel est désormais membre du Gouvernement. Cela devrait convaincre ceux de nos collègues qui doutent encore de l’intérêt de supprimer ces allégements de cotisations.
Il paraît préférable de supprimer les exonérations de cotisations sur les hauts salaires et de maintenir celles sur les bas salaires, puisque, pour le coup, il est avéré que ces dernières ont un effet sur la compétitivité et les créations d’emplois.
Nous traversons une crise de la recette et une commission d’enquête se chargera bientôt de déterminer l’origine de nos déficits. Ce qui est sûr, c’est que nous avons perdu cinq ans. Si l’assemblée avait adopté les amendements que nous proposions il y a cinq ans, nos comptes sociaux auraient connu un gain de 13 milliards. De même, si l’assemblée avait adopté les amendements que nous déposons depuis 2022 au sujet de la contribution sur les rentes inframarginales, nous n’aurions peut-être pas le même trou dans le budget de l’État.
Je souhaite que nous puissions examiner cet article et adopter les amendements que Laurent Panifous et moi-même avons déposés, afin de renflouer nos comptes sociaux et de mettre fin à une politique à la fois coûteuse et inefficace. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
La commission a voté la suppression de l’article 6 parce que, comme nombre d’interventions l’ont montré, il y a une inadéquation entre les dépenses et les recettes. M. Monnet l’a dit : il est très difficile, sur de tels budgets, d’envisager une réduction des dépenses, dans la mesure où on touche directement à l’humain.
Du côté des recettes, on a atteint 80 milliards d’exonérations, dont 20 milliards depuis 2021. Si nous avons décidé de supprimer cet article, avec un avis favorable de ma part, c’était aussi pour laisser au Gouvernement le temps de nous faire des propositions. Ces propositions ne sont pas arrivées avant le début de l’examen du texte en séance publique. Peut-être arriveront-elles au cours de la discussion ?
M. Pierre Cordier
Elles vont arriver au Sénat !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Mme Stéphanie Rist a indiqué que l’amendement qu’elle défend créerait 10 000 emplois, mais il ne faut pas oublier que 28 000 emplois pourraient être perdus dans une fourchette allant de 1 à 1,3 Smic. Il faut bien avoir en tête que ces exonérations n’ont pas du tout le même impact sur les emplois non qualifiés, comme les services à la personne ou le ménage. (M. Jean-Pierre Taite applaudit.)
M. Pierre Cordier
Absolument.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Par ailleurs, je trouve que l’on fait peser beaucoup de choses sur les entreprises en ce moment. Je songe à deux dispositions en particulier : celle qui va être prise par voie réglementaire pour demander aux entreprises de mieux prendre en charge les indemnités journalières ; et la baisse des aides relatives à l’apprentissage, qui est inscrite dans le projet de loi de finances (PLF). S’ajoutent encore à cela des effets de bord, que nous avons essayé de neutraliser, s’agissant de l’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi (TODE).
Nous manquons d’une vision globale des trois mesures qui vont porter sur les entreprises – indemnités journalières, allégements généraux et aides à l’apprentissage. Si nous voulons débattre de tout cela dans cet hémicycle, il faut que le Gouvernement nous indique les mesures qu’il entend proposer, que ce soit dans le cadre du PLF, du PLFSS ou par la voie réglementaire car, pour les entreprises, tout cela représente une seule et même charge.
M. Jean-Pierre Taite et M. Jean-Pierre Vigier
Très bien ! Il a raison !
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Enfin, nous avons ce débat ! Je vous recommande vivement la lecture d’un livre qui m’a beaucoup inspirée et dont il est pas mal question en ce moment : Sortir du travail qui ne paie plus, d’Antoine Foucher.
Mme Ségolène Amiot
Il ne faudrait pas faire de publicité dans l’hémicycle !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Il montre que la France a, depuis un moment, un coût du travail structurellement plus élevé que la plupart des pays développés.
Mme Sophia Chikirou
Cela fait trente ans que vous nous dites la même chose !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Comme je l’ai rappelé dans mon intervention liminaire, au moment de la présentation du PLFSS, 54 % du financement de la protection sociale de notre pays reposent sur les salaires. Parce que le coût du travail est structurellement élevé en France et que cela pénalise l’emploi, notamment l’emploi peu qualifié, depuis les années 1990, la gauche et la droite ont, de concert, multiplié les dispositifs d’exonération des charges.
Au départ, les bas salaires étaient visés. Il s’agissait, dans le cadre d’une stratégie défensive, de protéger l’emploi non qualifié dans un contexte de chômage de masse. Puis il a fallu – souvenez-vous du rapport Gandois – protéger l’emploi un peu plus qualifié et l’emploi industriel. Bon an mal an, les exonérations ont concerné les salaires depuis le Smic jusqu’à 3,5 Smic, en sachant que le salaire médian, en France, s’établit à 1,6 Smic. Cette politique d’exonération se justifiait pleinement dans le contexte des années 1990. Elle se justifie encore, d’ailleurs, car le coût du travail est structurellement élevé dans le pays, du fait du système de financement de nos politiques publiques.
Elle a toutefois deux inconvénients majeurs. Premièrement, elle est incroyablement inflationniste. Laurent Saint-Martin le précisera, mais le coût actuel des allégements généraux est de 80 milliards d’euros, c’est-à-dire 2,5 points de PIB, 1,5 fois le budget de l’éducation nationale. Deuxièmement, elle contribue à créer des trappes à bas salaire – le rapport Bozio-Wasmer n’a pas été le seul à le démontrer. Au bout du compte, à la faveur de l’indexation du Smic sur l’inflation, 20 % des salariés sont au Smic et un tiers des salariés qui le sont – cette proportion n’est pas suffisamment rappelée – le sont durablement, pendant des années, voire des décennies. Nous conviendrons que si le Smic peut être un salaire d’entrée, il ne peut certainement pas être un salaire à vie, ce qu’il est pourtant pour nombre de nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – M. Pierre Cordier applaudit également.)
Dès lors que la politique d’exonération, conçue au départ pour compenser un coût du travail structurellement élevé, entraînait la création de trappes à bas salaires, il a fallu imaginer autre chose : stimuler le pouvoir d’achat sans utiliser le levier salarial, notamment. D’où, par exemple, les primes d’activité imaginées à partir des années 2000, en France comme ailleurs. Voilà comment nous nous sommes retrouvés dans la situation actuelle, pour certains intenable. Une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) parue il y a deux semaines établit que pour augmenter de 100 euros le revenu disponible d’une femme payée au Smic et élevant seule ses deux enfants dans un logement dont elle n’est pas propriétaire, son employeur doit débourser 770 euros. Vous constatez les effets pervers de ces dispositifs combinés : les exonérations de charges d’un côté, de l’autre la stimulation – pour de bonnes raisons, encore une fois – des bas salaires par des allocations comme la prime d’activité. Nous avons créé à la fois des trappes à bas salaires et des trappes à inactivité.
Dans un monde parfait, il eût fallu suivre les préconisations du rapport Bozio-Wasmer et instaurer, en même temps, l’allocation sociale unique proposée par le Premier ministre.
M. Thibault Bazin
Ah, très bien !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Nous le ferons plus tard.
M. Jean-Pierre Taite
Il faut commencer maintenant !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Commençons par la première étape. (M. Didier Le Gac applaudit.)
J’entends les craintes du monde de l’entreprise – j’en viens ! –, qu’elles concernent le durcissement des conditions économiques, l’augmentation des défaillances d’entreprises, la hausse des stocks dans l’industrie. J’entends également le rapporteur général, qui craint un empilement des charges liées aux indemnités journalières ou à l’apprentissage. Nous devons disposer d’une vision globale, car, au bout du compte, l’argent provient des mêmes poches : celles des salariés ou des entrepreneurs. Le débat doit avoir lieu. Lors de la navette, nous devrons examiner précisément les effets des mesures sur les très bas salaires, dans l’idée de réformer ces exonérations qui deviennent trop coûteuses, tout en protégeant les entreprises à bas salaire pour qu’elles soient le moins affectées possibles par la mesure. Je me réjouis du débat à venir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Je ne répéterai pas ce qu’a très bien dit Mme la ministre. Ce débat, je suis d’accord avec M. Monnet, est intéressant, il agit comme un révélateur. Il impose d’emprunter un chemin de crête. La position du Gouvernement est simple : nous ne voulons pas casser la politique de l’offre, la politique de réindustrialisation, de l’attractivité et donc de l’emploi ; nous y veillerons. Sur le chemin du redressement des comptes publics, les entreprises doivent pouvoir s’engager elles aussi, sans être pour autant empêchées de poursuivre leurs activités, de se développer, donc d’embaucher.
La ministre l’a dit, dans le PLFSS, nous visons 5 milliards d’économies – ou 4 milliards si vous les considérez en net – sur les 80 milliards d’euros que représentent les exonérations. Ce montant est important. Ces économies financeront la sécurité sociale. Nous conviendrons tous plus ou moins que nous ne souhaitons pas casser la dynamique de l’emploi dans le pays (Le ministre se tourne vers les bancs de la gauche) ; je ne pense pas que vous le souhaitiez. Nous ne voulons pas non plus grever davantage le budget de la sécurité sociale et faire déraper nos comptes.
Je voudrais vraiment faire comprendre aux différents auteurs des amendements de suppression que l’accélération des allégements généraux de cotisations patronales a été très importante, ces quatre dernières années, atteignant un montant supérieur à 20 milliards d’euros. Sur la route que nous empruntons, nous pouvons faire preuve de responsabilité et freiner la dépense publique sans faire de tête-à-queue, sans faire prendre un virage à 180 degrés à la politique de l’offre et de l’emploi. Nous pouvons faire des économies sans désavouer l’efficacité de la politique menée ces dernières années,…
M. Jérôme Guedj
Ça ne fonctionne pas !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…sans qu’il s’agisse de « en même temps », afin de rééquilibrer les comptes sociaux.
Si l’article 6 est supprimé, la mesure de désmicardisation préconisée par le rapport Bozio-Wasmer sera elle aussi supprimée. Même si nous ne nous accordons pas sur le montant de l’économie visée, accordons-nous au moins sur l’esprit de cette réforme, la désmicardisation. Nous pouvons examiner l’article et discuter des paramètres.
M. Gérald Darmanin
On peut aussi faire l’inverse ! On le supprime, puis on le refait.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Symboliquement, vous en conviendrez, cela revient à casser la dynamique de la réforme. Discutons de ses paramètres : doit-elle générer moins de 4 milliards d’euros d’économie ? Si nous n’en débattons pas à l’article 6, je souhaite que nous le fassions un peu plus tard, au cours de la navette. Il ne s’agit pas, j’y insiste, d’un retour en arrière, mais du freinage d’une dépense qui a probablement été très, sinon trop importante. Or les cotisations, dans notre système, financent la sécurité sociale. Nous parlons de 4 milliards sur 80 milliards d’euros d’exonérations ; nous parlons d’une réforme de désmicardisation. Les salaires au Smic représentent près de 20 % des salaires, le double d’il y a quinze ans. La réforme est nécessaire, nous en conviendrons. Gardons l’article 6 en vie !
M. Jean-Pierre Vigier
Réduisez le train de vie des opérateurs de l’État !
Mme Laure Lavalette
On te sent combatif, Jean-Pierre !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Discutons du calendrier, du point d’entrée, du point de sortie, du cas des personnes âgées au Smic, pour aboutir à la rédaction la plus consensuelle possible, mais ne remettons pas en cause la nécessité de la réforme en supprimant l’article. Nous pouvons trouver un compromis.
M. le président
Sur les amendements identiques nos 249, 293, 302, 481, 536, 545, 574, 796, 841, 939, 1085, 1820, 1954, 2141 et 2259, je suis saisi par les groupes Rassemblement national, Ensemble pour la République, Socialistes et apparentés, Écologiste et social et par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je vous propose une méthode pour la discussion des amendements de suppression : chaque orateur disposera d’une minute pour défendre son amendement ; le rapporteur général et le Gouvernement répondront, ainsi que le président de la commission des affaires sociales, s’il le souhaite ; un orateur par groupe aura ensuite la parole en réponse ; enfin, nous procéderons au vote.
La parole est à M. Corentin Le Fur, pour soutenir l’amendement no 249.
M. Corentin Le Fur
Ma collègue Sylvie Bonnet est à son origine. Je sais que mes collègues Pierre Cordier et Jean-Pierre Taite en partagent l’intention. J’ai aussi pour objectif la désmicardisation du pays et je comprends les difficultés rencontrées par le Gouvernement face à la dérive très inquiétante des finances publiques. Nous pensons néanmoins qu’il vaut mieux faire 5 milliards d’économies que de réduire les allégements de charges de 5 milliards,…
M. Hadrien Clouet
De cotisations !
M. Corentin Le Fur
…car cela risque d’augmenter le coût du travail, de détruire des emplois, de diminuer les investissements, ce qui nuirait immédiatement à la compétitivité du pays. Je m’inquiète en particulier pour le secteur agroalimentaire, très développé dans mon territoire, où le taux d’emploi est élevé, avec de nombreuses TPE et PME, car il se caractérise par une faible rentabilité. Or il sera le premier concerné par la réduction des allégements. Cette réforme constitue un danger redoutable pour l’emploi.
M. Jean-Pierre Taite
Faites faire des économies à l’État au lieu de charger les entreprises !
M. Corentin Le Fur
Nous avons proposé de réaliser des économies dans l’administration. Quoi qu’il en soit, la mesure contenue dans l’article nous semble négative.
M. Jean-Pierre Vigier
Très bien, Corentin !
M. le président
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l’amendement no 293.
Mme Frédérique Meunier
Certains confondent malheureusement les entreprises du CAC40, qui représentent 10 % de l’économie, et les TPE-PME, qui en représentent 90 %. Les entreprises, artisans, commerçants, ne pourront pas augmenter les salaires. Beaucoup répercuteront la hausse du coût du travail sur leurs prix de vente, leur clientèle étant majoritairement composée de particuliers. Parce qu’elle entraînerait une stagnation de l’activité ou une défaillance des entreprises, cette réforme serait anti-TPE. N’arrive-t-elle pas à contretemps, alors que ces entreprises sont si fragiles ? Les TPE n’ont pas à devenir la variable d’ajustement de vos recherches d’économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – MM. Charles Rodwell et Charles Sitzenstuhl applaudissent également.)
M. le président
L’amendement no 302 de M. Julien Dive est défendu.
La parole est à M. Bertrand Sorre, pour soutenir l’amendement no 481.
M. Bertrand Sorre
Il vise également à supprimer l’article 6. Je prendrai l’exemple du secteur de la propreté, maillon essentiel de la continuité économique et sociale, dont les acteurs sont engagés depuis de nombreuses années dans la lutte pour la désmicardisation. Les employés du secteur, nous les connaissons, souvent peu qualifiés, répondent à un besoin important des collectivités et du privé. Si la réforme des allégements de cotisations était, malheureusement, adoptée, nous pourrions craindre une hausse du chômage. Depuis plusieurs années, nous défendons l’absence de charges…
M. Louis Boyard
De cotisations !
M. Bertrand Sorre
…supplémentaires pour les entreprises, afin de ne pas les fragiliser ni de freiner les embauches. Depuis sept ans, nous sommes au service de l’emploi, avec des résultats évidents. Personne ne peut souhaiter une hausse du chômage. Je vous invite à voter ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 536.
M. Charles Sitzenstuhl
Il tend à supprimer cet article qui vise à augmenter les charges…
M. Nicolas Sansu
Les cotisations !
M. Charles Sitzenstuhl
…sur les salaires. L’article 6 est un coup de massue sur les entreprises, une mesure antiéconomie, antitravail, anticompétitivité qui fragilisera de nombreuses filières, notamment celles qui sont intensives en emploi, comme l’ont déjà dit d’autres orateurs. Alors que l’année 2025 risque de voir un ralentissement de l’économie en raison du choc fiscal infligé par ce budget, cette hausse des charges…
M. Louis Boyard
Des cotisations !
M. Charles Sitzenstuhl
…est un signal catastrophique pour les entreprises. Plus largement, la discussion budgétaire des derniers jours est très anxiogène pour les entrepreneurs. Il faut arrêter de mettre des bâtons dans les roues des entreprises.
M. Jean-Pierre Vigier
Il a raison !
M. Charles Sitzenstuhl
Le Gouvernement doit renoncer à cette mesure et faire des économies ailleurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Mme Frédérique Meunier et M. Jean-Pierre Taite applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Katiana Levavasseur, pour soutenir l’amendement no 545.
Mme Katiana Levavasseur
Nous l’avons déclaré en commission, avec l’article 6, le Gouvernement s’apprête à commettre une erreur majeure. En réformant les dispositifs d’allégement de charges patronales,…
M. Louis Boyard
Cotisations !
Mme Katiana Levavasseur
On a compris ! Il menace directement les entreprises et l’emploi, et par conséquent les salaires. Les entreprises de services, dont les emplois sont répartis sur l’ensemble du territoire et accessibles à tous les niveaux de qualification, seraient en première ligne face à cette réforme. En effet, leur maintien dépend directement du coût du travail. Pour certaines, les salaires et les charges (« Cotisations ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP) représentent jusqu’à 60 % de leur chiffre d’affaires. Comment pourraient-elles survivre à une nouvelle augmentation des coûts ? Face à cette hausse des charges (Mêmes mouvements), de nombreuses entreprises, déjà étouffées par l’inflation, risquent de fermer. Il y aurait des destructions en cascade. Nous ne pouvons pas accepter ce coup de massue sur l’emploi. Nous demandons de nouveau la suppression de cet article qui fragiliserait encore plus l’économie, détruirait des emplois et pénaliserait les plus précaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
L’amendement no 574 de M. Stéphane Buchou est défendu.
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 796.
M. Mathieu Lefèvre
Les dispositions prévues à l’article 6 ne constituent ni une réforme ni une économie, mais une augmentation nette du coût du travail, à un moment où tout, dans ce projet de loi de finances et dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, augmente : les facteurs et les coûts de production. Notre pays est l’un de ceux où le coût du travail et les cotisations patronales (« Ah, bravo ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP) sont les plus élevés ; nous avons tout ce qu’il y a de plus élevé au monde. À un moment donné, il faut que tout cela s’arrête. Nous devons réfléchir au financement de notre modèle social. Madame la ministre a raison : nous avons un modèle social très généreux. (Mme Laure Lavalette s’exclame.) Madame Lavalette, je vous assure : je n’irai pas à la buvette avec vous, cela ne m’intéresse pas. (Sourires.)
Dans le PLF et le PLFSS, tout augmente. Nous devons impérativement lutter contre la hausse du coût du travail qui n’aura pas d’effet sur les grandes entreprises, mais les petits pressings, les petits artisans, les petits commerçants qui n’en peuvent plus, qui étouffent sous les charges. (Mme Laure Lavalette s’exclame.) Toujours pas, madame Lavalette ! (Sourires.) Nous avons formulé des propositions, à commencer par la réforme de l’assurance chômage, qui permettrait de remettre 100 000 Français au travail. Voilà une piste de réforme et de réduction de dépenses. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 841.
M. Thibault Bazin
Je veux poursuivre le débat en rebondissant sur les remarques et les objections formulées par les ministres. Les montants d’allégement de charges (« Cotisations ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP) croissent en volume. C’est une réalité : ils ont augmenté de 20 milliards d’euros. C’est lié à la hausse du Smic au cours des dernières années, qui est elle-même liée à l’inflation. On peut espérer qu’avec la baisse de l’inflation, la dynamique sera enrayée. Surtout, vous mettez en avant l’augmentation de 20 milliards, mais il faut considérer le montant des cotisations supplémentaires apportées par les entreprises au système de protection sociale au cours des dix dernières années, qui s’élève à 110 milliards !
Il faut nous atteler à résoudre le problème du seuil, qui est réel. Cependant, on peut travailler au lissage tout en évitant d’alourdir le coût du travail. Cela peut se faire à coût constant. Il faut éviter les trappes à bas salaires, mais il faut surtout travailler sur les trappes à inactivité, sans augmenter les charges (Mêmes mouvements) pour les entreprises. En effet, outre ces allégements de charges (Mêmes mouvements), il faut aussi prendre en compte tous les seuils liés aux allocations sociales, ces trappes à inactivité. Vous ne le faites pas dans ce PLFSS, alors que nous devons le faire ensemble.
M. le président
Merci de conclure.
M. Thibault Bazin
En outre – et c’est un point important –, ces allégements de charges (Mêmes mouvements) ont été rendus nécessaires pour accompagner les 35 heures. Nous préférons des économies, que nous avons énumérées dès la discussion générale. Enfin, l’impact sera différent en fonction des secteurs, car dans les secteurs qui emploient des personnes peu ou pas diplômées, l’élasticité de l’emploi par rapport au coût du travail est importante.
M. le président
Je vous remercie.
M. Sébastien Peytavie
Il a le droit à trois minutes ?
M. Thibault Bazin
Là, nous risquons de perdre des emplois, et nous serons tous perdants ; je vous alerte. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour soutenir l’amendement no 939.
Mme Danielle Brulebois
Au risque de répéter ce que d’autres ont déjà dit, j’insiste sur le fait que l’augmentation de 4 points des cotisations (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP) patronales aura des conséquences désastreuses sur la compétitivité et les emplois. Or l’emploi est la première mesure sociale, et ce sont les entreprises qui la prennent. En effet, l’emploi permet d’obtenir un revenu équitable et une protection sociale. Les entreprises nous le disent – non seulement les entreprises de propreté, mais aussi les artisans et les commerçants : avec des marges inférieures à 3 %, comment vont-ils répercuter sur leurs prix la flambée des coûts induite par les crises successives ?
M. Sylvain Maillard
Elle a raison !
Mme Danielle Brulebois
Nous sommes justement en train de gagner la bataille de l’emploi. Le chômage a baissé. Dans le Jura, il est à moins de 5 % ; nous n’avions jamais vu ça. Alors que, pendant des décennies, d’autres ont perdu la bataille de l’emploi, nous sommes en train de la gagner. Ne saccageons donc pas le travail réalisé et soutenons les entreprises, en particulier les TPE et les PME. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Charles Rodwell, pour soutenir l’amendement no 1085.
M. Charles Rodwell
Pour 2,7 millions de Français et pour leurs familles, la vie a basculé depuis sept ans, car ils ont retrouvé un travail. Ces 2,7 millions d’emplois ont été créés par des milliers d’entreprises, notamment des TPE et des PME, qui ont pu créer ces emplois parce qu’elles ont créé de la richesse. Certains le déplorent, mais nous, nous en sommes fiers. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Elles ont pu créer ces 2,7 millions d’emplois grâce à notre politique de l’offre, à la baisse de leurs impôts et grâce à la baisse de leurs cotisations pour alléger pour tous le coût du travail.
La clef de la confiance, c’est la constance. Pour les entreprises et pour l’emploi en France, défendons la constance ; refusons d’augmenter les cotisations ; supprimons l’article 6 ; à la place ? menons la réforme de l’assurance chômage. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour soutenir l’amendement no 1820.
M. Alexandre Allegret-Pilot
On peut naturellement partager l’objectif de simplifier le coin socialo-fiscal sans approuver les mesures proposées, qui entraîneraient une hausse de plus de 5 milliards du coût du travail. Cette hausse serait supportée par les entreprises, déjà fragilisées par la situation économique actuelle et le nombre de défaillances des PME, mais aussi par les salariés. Pourtant, nous vivons dans une économie mondialisée. Or une comparaison rapide montre que non seulement nous avons des taux supérieurs à ceux de nos concurrents en matière de taxation du capital, mais l’écart est plus important encore pour la taxation du travail. C’est ce qui pénalise le plus la France. Il ne faut donc pas taxer davantage le capital ni le travail,…
M. Nicolas Sansu
Il faut faire une zone franche ! (Sourires.)
M. Alexandre Allegret-Pilot
…il faut surtout diminuer le coût du travail en réduisant le coin socialo-fiscal. Ici, on prend le problème à l’envers : non seulement il ne faut pas réduire les allégements, mais il faut travailler à leur extension. Nous sortirons alors du risque de trappes à bas salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)
M. le président
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir l’amendement no 1954.
M. Jean-René Cazeneuve
L’article 6, qui tend à diminuer les exonérations sur les cotisations sociales, pose un triple problème. Premièrement, il pèse sur le coût du travail. Les artisans, les PME, dans le Gers comme partout ailleurs, prennent en considération ce que va leur coûter une embauche ou un emploi. Deuxièmement, son adoption risquerait de compromettre la rentabilité des entreprises et donc leurs investissements. Troisièmement, il envoie un signal très négatif au monde économique.
Les conclusions du rapport d’Antoine Bozio et d’Étienne Wasmer nous conviennent très bien ; ce sont elles qu’il faudrait appliquer pour lutter contre les trappes à bas salaire. Cependant, s’il vous plaît, n’en profitons pas pour faire des économies.
M. Nicolas Sansu
Mais qui soutient le Gouvernement ?
M. Jean-René Cazeneuve
Dans la famille des mesures qui, dans ce budget, augmentent les prélèvements obligatoires, permettez-moi de dire que c’est la pire, car elle va à l’encontre ce que nous faisons depuis sept ans pour lutter contre le chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Madame et monsieur les ministres, ne voyez pas dans nos amendements une sorte d’acharnement de notre part (« Si ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), mais simplement l’expression d’une conviction très forte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement no 2141.
M. Gérald Darmanin
Je défendrai au nom de notre groupe cet amendement visant à supprimer l’article 6. Madame et monsieur les ministres, le débat sur les allégements de charges… (« Cotisations ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP. Jusqu’à la fin de l’intervention de l’orateur, ces mouvements se répéteront à chaque occurrence du mot « charges ». – Protestations sur les bancs du groupe EPR.) Le débat sur les allégements de charges, je l’ai dit à M. Guedj, n’est pas un mauvais débat. La difficulté, c’est que, pour les impôts comme pour les charges sociales, le fromage est gros, mais nous devons y trouver des trous pour rendre plus raisonnable le montant de la somme des impôts et des charges. Il faudrait donc supprimer des charges plutôt que de supprimer des allégements de charges (MM. Mathieu Lefèvre et Sylvain Maillard applaudissent), ce qui ne ferait que renforcer un système déjà absurde. Si l’article 6 n’était malheureusement pas supprimé, ce serait la première fois depuis trente ans que nous augmenterions le coût du travail, et cela, sans faire aucune réforme. En effet, on peut être d’accord avec la volonté exprimée par Mme Rist de supprimer les allégements de charges, à condition de compenser du même montant, à travers une autre mesure, le coût supplémentaire que cela représenterait pour les entreprises. Or ce n’est pas ce que vous nous proposez.
En outre, cette proposition vient au pire moment pour notre économie. Nous le voyons bien dans nos circonscriptions : les faillites d’entreprises sont un peu plus nombreuses, les commerçants et les TPE souffrent de ces charges qui tendent à augmenter de façon inepte le coût du travail.
Enfin, si je puis me permettre, madame la ministre, M. Foucher ne soutient pas exactement ce que vous affirmez : il soutient qu’il faut rapprocher le salaire brut du salaire net, mais, pour ce faire, il préconise de taxer les héritiers – on peut être d’accord ou non sur ce point –, pas d’augmenter les charges sur les entreprises.
Supprimez donc cet article ; nous ne sommes pas là pour augmenter les impôts des entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement no 2259.
M. Jean-Pierre Vigier
Madame et monsieur les ministres, je voudrais simplement vous alerter sur les conséquences de la diminution des cotisations patronales pour les entreprises. Cette mesure entraînera simplement des suppressions d’emploi.
M. Jean-Pierre Taite
Exactement !
M. Jean-Pierre Vigier
C’est particulièrement vrai dans les secteurs à faibles marges, qui emploient de nombreux salariés au Smic.
M. René Pilato
Mais arrêtez ! Les emplois concernés sont déjà partis en Pologne !
M. Jean-Pierre Vigier
En augmentant brutalement le coût du travail, cette disposition fragilisera les entreprises déjà vulnérables qui ne pourront pas répercuter ces charges supplémentaires sur leurs clients. Les autres augmenteront leurs prix. Ces allégements ne sont pas des cadeaux, vous le savez,…
M. Jean-Pierre Taite
Exactement !
M. Jean-Pierre Vigier
…mais un outil efficace de préservation de l’emploi, notamment pour les moins qualifiés. J’appelle donc le Gouvernement à supprimer cet article, et surtout à proposer une solution plus équilibrée pour préserver l’emploi et la compétitivité des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Comme je l’ai dit précédemment, l’avis de la commission est favorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Défavorable. D’abord, nous voulons que le débat ait lieu. Ensuite, l’article 6 reprend, à trois grandes exceptions près, les recommandations du rapport Bozio-Wasmer, dont ceux qui veulent la suppression se réclament.
Premièrement, là où Antoine Bozio et Étienne Wasmer recommandent une augmentation sur une année de 4 points des cotisations patronales sur les salaires de 1 à 1,2 Smic, nous préférons étaler cette disposition sur deux ans.
Deuxièmement, nous sommes aussi sensibles à la question de l’emploi industriel. Aujourd’hui, le plafond des allégements de charges est au-delà de 3,5 Smic. Alors que le rapport Bozio-Wasmer recommande de le baisser à 2,5 Smic, nous proposons un plafond de 3 Smic.
Dans un contexte de forte tension sur les dépenses publiques, une économie de 5 milliards sur un dispositif qui coûte 80 milliards – soit 2,5 points de PIB – n’est pas déraisonnable.
M. Jean-Pierre Taite
Vous pénalisez ceux qui créent de la richesse ! Ce que vous prenez d’un côté, vous le perdez de l’autre !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
M. Bazin l’a dit : parce que nous sommes particulièrement attentifs à l’impact sur les bas salaires – je pense aux effectifs des fédérations des entreprises de propreté et d’aide à la personne, dont les salaires sont concentrés sur cette branche –, nous sommes prêts à des ouvertures pendant la navette parlementaire. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Permettez-moi de rappeler que nous nous sommes engagés à respecter la règle suivante : toute modification du texte visant à réduire les recettes ou les économies peut être étudiée, à condition qu’elle s’accompagne de contre-propositions gagées. (M. Charles Sitzenstuhl s’exclame.)
Nous sommes donc à l’écoute de vos propositions, si leur financement ne change pas le solde final. J’ai dit plus tôt que l’on pouvait changer les paramètres de l’article 6 – à moins qu’il ne soit pas supprimé.
M. Jean-Pierre Taite
Pas d’assistanat, plus de travail !
M. le président
Comme convenu, je donnerai la parole à un orateur par groupe, pour une durée maximale d’une minute.
La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain
Monsieur Darmanin, visiblement, vous avez du mal à comprendre qu’il s’agit de cotisations sociales, et non de charges. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)
M. Sylvain Maillard
Pour les salaires, vous payez des charges !
Mme Clémentine Autain
Les cotisations sociales sont un salaire différé qui finance la protection sociale. Les Français en ont besoin, mais aussi les entreprises, qui profitent de la productivité des employés permise par ce système.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Elle a raison !
Mme Clémentine Autain
Vous n’avez cessé d’accumuler les exonérations de cotisations sociales. Aujourd’hui, cela coûte la somme colossale de 80 milliards d’euros à la sécurité sociale.
M. Jean-François Coulomme
Le coût du capital !
Mme Clémentine Autain
Nous proposons de réduire ce manque à gagner en abaissant le plafond à 2 Smic – ou à 3 Smic, comme le propose le Gouvernement. Cela n’a rien à voir avec le charcutier de Tourcoing ou les TPE-PME.
Mme Émilie Bonnivard
On s’en fiche !
Mme Clémentine Autain
Nous parlons de 2 ou 3 Smic : redescendez sur terre et rendez-vous compte que vous n’êtes pas du côté du travail, mais du capital ! (Exclamations sur les bancs des groupes RN et EPR.) C’est inacceptable et irréaliste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Jean-Pierre Taite
Montez donc une entreprise !
M. Jean-Pierre Vigier
Elle n’a jamais travaillé de sa vie !
M. le président
La parole est à M. François Gernigon.
Seul l’orateur a la parole.
M. François Gernigon
Le groupe Horizons & indépendants est fondamentalement opposé aux amendements tendant à supprimer un article, à l’exception de ceux présentés dans le cadre des niches parlementaires.
Cependant, les propositions du texte mettront en difficulté les 4 millions de PME françaises. Afin de préserver celles-ci, nous voterons en faveur de ces amendements de suppression. La situation doit être vue de façon globale, en prenant en compte la réforme de l’assurance chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Permettez-moi de rappeler à mes collègues de droite et d’extrême droite que l’article 6 a été écrit par un gouvernement de droite ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Hervé de Lépinau
Mais non ! C’est un gouvernement socialiste !
M. Yannick Monnet
Imaginez s’il avait été écrit par la gauche : vous seriez en PLS !
M. Pierre Cordier
Avec vous, il n’y aurait plus d’entreprises !
M. Yannick Monnet
Restez donc raisonnables dans vos propos. Nous ne revenons pas sur la totalité des aides : il s’agit de reprendre 5 milliards sur un total de 80.
Quant à MM. Darmanin et Attal, s’ils se souciaient vraiment des TPE-PME, ils se seraient préoccupés de leurs charges financières ou des coûts du crédit et de l’énergie – ils ne l’ont jamais fait.
Enfin, en votant la suppression de l’article, vous renonceriez à accorder 2 milliards à la branche maladie, 300 millions à la branche famille et 2,7 milliards à la branche vieillesse. Où les prendrez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Mme Danielle Simonnet
Il a raison !
M. le président
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
La fine fleur de la Macronie, MM. Darmanin, Rodwell et Cazeneuve…
Mme Stéphanie Rist
Et moi ! (Sourires.)
M. Hervé de Lépinau
…ainsi que Mmes Rist et Brulebois ont décidé de voter ces amendements de suppression. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Monsieur et madame les ministres, ce n’est plus une révolte, c’est une révolution ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vos troupes se vengent d’une mesure inefficace, car brutale. Oui, subventionner les salaires pose problème, et vous ne visez pas autre chose, parce que nous n’avons pas réussi à fixer correctement le coût du travail.
Mme Danièle Obono
Le prix du travail !
M. Hervé de Lépinau
Le Rassemblement national a proposé une mesure de transition – car il va bien falloir conduire la réforme du coût du travail. Il s’agissait de redonner du pouvoir d’achat aux salariés en augmentant les salaires de 10 % et en exonérant les entreprises concernées de la part patronale pendant trois à cinq ans ; la part salariale, elle, serait maintenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Danièle Obono
Vous allez vider les caisses de la sécu !
M. Hervé de Lépinau
Nous ne sommes pas chiches de nos bonnes idées, nous vous les offrons sur un plateau. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Élise Leboucher.
Mme Élise Leboucher
Je ne vous comprends pas : vous proposez de supprimer l’une des seules mesures sensées du PLFSS, qui remplirait un peu les caisses de la sécurité sociale, alors que les exonérations de cotisations représentent une perte de 90 milliards d’euros par an. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Hier, les agents de la fonction publique hospitalière se sont mobilisés pour réclamer des moyens. Aujourd’hui, votre réponse est de refuser de rendre des recettes à l’hôpital public. Contre la réforme des exonérations, vous agitez la menace des destructions d’emplois et de l’impact sur le pouvoir d’achat, alors que la littérature a prouvé qu’au-delà de 1,6 Smic, les exonérations n’ont aucun effet notable sur l’emploi et la compétitivité. (Mêmes mouvements.)
C’est un moyen bien pratique d’éviter le sujet central de la revalorisation des salaires. Je vous comprends d’autant moins que, d’un côté, vous refusez une mesure qui permettrait de gagner 5 milliards dont la sécurité sociale a cruellement besoin, et, de l’autre côté, vous voulez faire la poche aux apprentis en leur appliquant la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) à partir de 883 euros brut mensuels. C’est inacceptable. Nous nous opposons à ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Jean-Pierre Vigier
Vous êtes déconnectée des réalités du terrain !
M. le président
La parole est à M. Gérald Darmanin.
M. Gérald Darmanin
Madame Autain, c’est la gauche qui a le plus allégé les charges.
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Les cotisations !
M. Gérald Darmanin
En particulier M. Hollande ; et avant tout M. Jospin. S’ils l’ont fait, c’était pour aider les travailleurs à trouver un emploi. Nous ne défendons pas le capital ; et ne soyez pas désagréable avec le charcutier de Tourcoing. Voici un autre exemple de ma circonscription : l’entreprise Jacquart, qui fabrique des matelas, compte 120 salariés. Le chef d’entreprise m’a écrit pour me dire qu’il voudrait embaucher quatre personnes de plus, mais qu’il ne le fera pas l’année prochaine, en raison de la baisse du plafond d’allégements proposée par le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Monsieur et madame les ministres, ne vous cachez pas derrière votre petit doigt : ce ne sont pas des économies, mais une augmentation des prélèvements obligatoires. Je vois que vous ne m’écoutez pas (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP), mais si vous cherchez des économies, pensez aux 12 milliards de la prime d’activité. Vous n’en proposez pas la diminution, alors qu’on pourrait abaisser les charges pour la même somme.
M. Emmanuel Maurel
Il est incroyable ! Sidérant.
M. Gérald Darmanin
Nous attendons que vous réformiez l’assurance chômage. Au lieu de cela, vous augmentez le coût du travail pour la première fois depuis trente ans. Cette hausse est contraire à la politique menée depuis sept ans. Elle va augmenter le chômage, entraînant une baisse des recettes et une hausse des dépenses. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.)
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj.
M. Jérôme Guedj
La cartographie du vote de ces amendements attestera du splendide isolement du gouvernement Barnier. Sa proposition a immédiatement reçu l’opposition résolue d’Ensemble pour la République, rejoint pour l’occasion par la Droite républicaine, cramponnés à un principe auquel ils ne veulent en aucun cas déroger : ne pas toucher à la politique économique menée depuis sept ans, alors même qu’elle a été sanctionnée par les électeurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Bien sûr, le Rassemblement national – toujours insensible aux mesures de justice sociale et fiscale – vous épaule. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
La gauche se retrouve à front renversé. Nous nous efforcerons de sauver cette rare mesure du PLFSS qui va dans la bonne direction, afin de l’enrichir par des amendements. Vous avez dit que le texte était perfectible, mais nous n’avons eu aucun espace de dialogue, de concertation ou de discussion pour le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.) Depuis le rejet de l’article en commission des affaires sociales, silence radio du Gouvernement. Aucune voie d’amélioration n’a été proposée. Cela montre l’isolement du Gouvernement et l’échec de votre méthode. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Dominique Voynet applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Panifous.
M. Laurent Panifous
Depuis quelques semaines, nous essayons de trouver des solutions pour rééquilibrer les comptes publics – ceux de l’État et de la sécurité sociale – en jouant sur les dépenses et les recettes. Nous appelons à un effort des personnes privées, des apprentis et des collectivités ; dès lors, pourquoi s’interdirait-on, par dogmatisme, de demander la même chose aux entreprises en réduisant légèrement les exonérations de cotisations ? Ces exonérations, qui représentent une enveloppe de 80 milliards, ont rapidement augmenté. L’effort des entreprises économiserait 4 milliards sur 80, sans remettre en question leur compétitivité. Ce chiffre est raisonnable au regard de l’effort demandé à toutes les catégories de la population française. Nous voterons contre les amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Wauquiez.
M. Jean-Pierre Vigier
Ah, on va changer de niveau !
M. Laurent Wauquiez
S’il y a bien une division artificielle dans le débat, c’est de faire croire que les allégements de charges (« Cotisations ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP) ne bénéficieraient qu’aux entreprises, et pas aux salariés. Cela n’a aucun sens : il est évident que si vous pénalisez les entreprises, vous pénalisez les salariés.
M. Thibault Bazin
Bien sûr !
M. Laurent Wauquiez
Si vous dégradez la compétitivité des entreprises, vous dégradez l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Si vous augmentez les charges sur les salaires, le pouvoir d’achat baissera. Cette opposition que vous faites entre entreprises et salariés date, au mieux, de l’idéologie marxiste du XIXe siècle : il est temps d’actualiser vos fondamentaux ! (Sourires.)
Dans ce pays, si on veut réussir, il faut réconcilier les entreprises et les salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) L’allégement de charges (« Cotisations ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP) bénéficie au travail et au salaire. Nous défendons cette mesure, car nous sommes convaincus qu’il y a d’autres économies à faire – je pense à la bureaucratie administrative et aux opérateurs.
M. Fabien Di Filippo
Et à l’assistanat !
Mme Danièle Obono
Et aux frais de bouche des régions !
M. Laurent Wauquiez
Nous n’avons pas la même conception des choses : si nous votions toutes les augmentations de fiscalité que vous avez proposées, il n’y aurait plus ni entreprises ni salaires en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Nous venons d’avoir le débat dont nous avons été privés la semaine dernière en commission, l’adoption des amendements de suppression ayant fait tomber tous les amendements qui suivaient.
Je l’ai expliqué tout à l’heure comme je l’ai fait en commission : nous défendons un autre dispositif, car nous sommes aussi attachés que vous (L’orateur désigne la droite de l’hémicycle) et que vous (L’orateur désigne la gauche de l’hémicycle) à la création d’emplois et à la nécessité de donner des perspectives aux entreprises. On ne peut pas constater l’existence de trappes à bas salaires et ne rien faire, car elles posent le problème du pouvoir d’achat.
Nous sommes contre les amendements de suppression car le dispositif que nous proposons ne verra pas le jour s’ils sont adoptés. Pourtant, madame la ministre, nous ne voulons pas d’un tour de passe-passe. Si vous ne tenez pas compte de nos propositions chiffrées, le groupe Les Démocrates votera contre l’article (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) car nous sommes protecteurs des entreprises et de l’emploi.
Combien d’entreprises emploient des salariés touchant plus de 4 000 euros par mois ? Nous proposons de renforcer les allégements de charges sociales (« Cotisations ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) pour tous les salaires inférieurs à 4 000 euros par mois. Et vous verrez, mes chers collègues, cela marche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
M. Nicolas Sansu
Il a raison !
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 249, 293, 302, 481, 536, 545, 574, 796, 841, 939, 1085, 1820, 1954, 2141 et 2259.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 332
Majorité absolue 167
Pour l’adoption 170
Contre 162
(Les amendements identiques nos 249, 293, 302, 481, 536, 545, 574, 796, 841, 939, 1085, 1820, 1954, 2141 et 2259 sont adoptés ; en conséquence, l’article 6 est supprimé et les amendements suivants tombent.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN, EPR, DR et UDR ainsi que sur plusieurs bancs des groupes HOR et LIOT.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
M. le président
La séance est reprise.
Après l’article 6
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 666, 761, 900, 902, 1286 et 935, portant article additionnel après l’article 6 et pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 666, 761, 900, 902 et 1286 sont identiques.
Les amendements identiques nos 666 de Mme Josiane Corneloup, 761 de Mme Béatrice Bellay et 900 de Mme Justine Gruet sont défendus.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour soutenir l’amendement no 902.
Mme Sophie Taillé-Polian
L’issue du débat précédent et la suppression de l’article 6 nous conduisent à nous interroger sur le socle du Gouvernement. Normalement, on entend par « socle » une base solide : celui-ci serait plutôt en carton.
M. Benjamin Lucas-Lundy
En carton-pâte !
Mme Sophie Taillé-Polian
Chers collègues, surtout du groupe Ensemble pour la République, auriez-vous décidé de laisser la main au Sénat et d’entériner les dispositions qui en résulteront, soit parce qu’il y aura eu accord en commission mixte paritaire, soit en l’absence d’une censure du Gouvernement à la suite d’un 49.3 ? Cela relève des petits coups politiques…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement !
Mme Sophie Taillé-Polian
…visant à défendre vos amis.
M. Pierre Cordier
Ç’aurait été plus drôle qu’on dise que la gauche soutient le Gouvernement, que LFI suit le Premier ministre, que Mélenchon égale Barnier !
Mme Sophie Taillé-Polian
J’ai beaucoup entendu parler, dans cet hémicycle, du coût du travail : savez-vous qu’il est lié au coût du capital ? Vous dites défendre la valeur travail ; il faudrait alors défendre la valeur qu’il convient de donner au travail, donc ce qu’il coûtera. Nous ne sommes pas ici pour défendre seulement la part du capital : si les créateurs d’entreprise créent des emplois, les salariés, en produisant, créent de la richesse, qui n’existerait pas sans eux.
M. le président
Merci de conclure, chère collègue.
Mme Sophie Taillé-Polian
Cet amendement, comme ceux qui le précèdent, vise donc à ce que toute nouvelle exonération de cotisations sociales donne lieu à la suppression d’exonérations existantes pour un montant équivalent. (M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no 1286.
M. Stéphane Peu
Compte tenu de l’après-midi que nous sommes en train de vivre, M. Barnier doit se dire qu’avec de tels amis, il n’a pas besoin d’ennemis,…
Mme Sophie Taillé-Polian
Heureusement que les sénateurs sont là !
M. Stéphane Peu
…d’autant que siègent parmi nous d’anciens ministres qui ont participé sept ans durant à la gouvernance de ce pays, et plongé les finances publiques dans la situation où elles se trouvent. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) À leur place, je me ferais tout petit ; mais non, ils prennent la parole et mettent en minorité le parti gouvernemental au sujet d’une mesure positive !
M. Pierre Cordier
Les communistes adorent Michel Barnier ! Nous le ferons savoir aux camarades sur le terrain !
M. Stéphane Peu
Pour tenter de faire cesser les dérives – 80 milliards d’exonérations, c’est 20 milliards de plus qu’en 2021 ! –, nous proposons, nous aussi, que chaque nouveau dispositif soit compensé par la levée d’un autre, afin de ne pas accroître un total qui plombe la sécurité sociale et donne lieu à des effets pervers, comme les trappes à bas salaires. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. le président
La parole est à Mme Murielle Lepvraud, pour soutenir l’amendement no 935.
Mme Murielle Lepvraud
Il vise à instaurer un principe de non-prolifération des exonérations de cotisations sociales en prévoyant que chaque création d’un dispositif de cet ordre entraîne la suppression d’un autre, pour un montant équivalent. En 1993, les cotisations représentaient 82 % des recettes des régimes obligatoires ; ce n’est plus que 49 %. Le modèle assurantiel de la sécurité sociale, fondé sur les cotisations versées par les travailleurs, se délite insidieusement.
En favorisant les exonérations, l’ubérisation du travail, le Gouvernement sait très bien ce qu’il fait : détruire la sécurité sociale au profit des systèmes privés de protection. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) La santé pour les riches, et que les autres crèvent ! Sur les bancs de la gauche, on préfère la solidarité. Vive la sociale ! (Mêmes mouvements.)
M. Pierre Cordier
Encore un quart d’heure et ils chantent L’Internationale !
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
J’entends nos collègues s’étonner que nous souhaitions modifier ces dispositions, mais le Premier ministre lui-même (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR) nous a prévenus que l’administration avait eu très peu de temps pour les élaborer, et qu’il nous invitait donc à les corriger.
Sa ligne demeure la suivante : redresser nos comptes publics tout en revalorisant le travail. C’est ce que promeut le groupe de la Droite républicaine, c’est notre ADN. Nous avons des suggestions visant à ce qu’en travaillant plus, on gagne toujours plus.
Mme Danièle Obono
C’est du Sarkozy 2007 !
M. Thibault Bazin
Ces mesures très concrètes, proposées dès le début de l’examen du texte, sont sur votre table, madame la ministre. Nous restons prêts à échanger, à trouver des solutions, afin de maîtriser les dépenses publiques tout en relevant les défis lancés à notre pays. Nous n’avons rien contre vous : là encore, nous suivons la direction fixée par le Premier ministre, celle d’une collaboration entre Gouvernement et Parlement.
M. Pierre Cordier
C’est très bien !
M. le président
La parole est à Mme Béatrice Bellay.
Mme Béatrice Bellay
Ces interventions nous ont permis de saisir le fil conducteur du Gouvernement, qui est également celui de certains de ses amis,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
En a-t-il encore ?
Mme Béatrice Bellay
…si du moins ils le sont toujours. Partout en France, en particulier dans les pays des océans, dits d’outre-mer, le besoin d’une solidarité institutionnelle se fait plus que jamais sentir ; c’est pourquoi, afin de rééquilibrer le système de santé, nous souhaitons que toute nouvelle exonération fasse disparaître une exonération existante, aboutissant à un jeu à somme nulle.
Lorsqu’il s’agit, par la solidarité, de venir en aide aux Français, tout le monde bégaie. Lorsqu’il s’agit de se pencher sur les conséquences, notamment pour les entreprises, des mesures visant à favoriser les riches – nous attendons indéfiniment la publication de certaines études réalisées par l’IGF ou l’Igas –, il n’y a plus personne. Nous demandons que le Gouvernement soit, comme on dit chez moi, veillatif, c’est-à-dire attentif, aux effets des exonérations, et sache mettre un terme à une partie d’entre elles.
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 666, 761, 900, 902 et 1286.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 111
Nombre de suffrages exprimés 109
Majorité absolue 55
Pour l’adoption 48
Contre 61
(Les amendements identiques nos 666, 761, 900, 902 et 1286 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 935 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Ségolène Amiot, pour soutenir l’amendement no 936.
Mme Ségolène Amiot
Il vise à faire respecter la règle d’or instaurée par la loi du 25 juillet 1994, dite loi Veil : l’État doit systématiquement et intégralement compenser les exonérations de cotisations. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Même avis.
Mme Sophie Taillé-Polian
Pourquoi ?
M. le président
La parole est à M. Louis Boyard.
M. Louis Boyard
Madame la ministre, j’ai de la peine pour vous.
M. Pierre Cordier
Il ne faut pas ! Tu veux un mouchoir ?
M. Louis Boyard
Vous misiez sur un socle commun : il a disparu. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Vous ne cessez d’évoquer Simone Veil : nous lui devons le principe rappelé par cet amendement, c’est-à-dire que toute exonération doit être compensée. Vous retranchez 5 milliards : les prendrez-vous à l’hôpital, à la branche famille, à la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) ? (Mêmes mouvements.) Il est facile de se rendre intéressant ou de faire plaisir au Medef (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR),…
M. Pierre Cordier
Ça n’a rien à voir avec l’amendement !
M. Louis Boyard
…mais le peuple français, lui, paiera. Il est facile de répéter que vous suivez la voie tracée par Simone Veil, mais dès qu’il s’agit de soutenir le travail plutôt que le capital, vous vous défilez. Si vous voulez promouvoir la mémoire de Simone Veil et le gouvernement Barnier, chers collègues, votez pour l’amendement !
M. le président
La parole est à M. Gérald Darmanin.
M. Gérald Darmanin
Nous n’avons rien retranché du tout, monsieur Boyard. Le Gouvernement propose de revenir sur 5 milliards d’allégements de charges…
Mme Ségolène Amiot
Non, d’exonérations de cotisations !
M. Gérald Darmanin
…et non d’imiter M. Hollande, qui a transformé le CICE en baisse de charges. N’insistons pas : je ne veux pas le forcer à faire un rappel au règlement – je ne me le permettrais pas. Avant lui, M. Jospin avait également diminué les charges.
M. Louis Boyard
Les cotisations !
M. Gérald Darmanin
Il ne s’agit pas d’arrêter de financer telle ou telle branche, puisque M. le ministre chargé du budget et des comptes publics a fait remarquer à juste titre que l’État compense une grande partie de ces dépenses. La question est donc la suivante : faut-il financer sans rien modifier l’ensemble des risques – il me semble que vous répondez par l’affirmative, ce que je respecte – ou bien, compte tenu de la baisse de la démographie, d’une productivité qui a changé, de la concurrence internationale, le financement du modèle social doit-il être assis sur la consommation plutôt que sur le travail ? (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
C’est là un débat idéologique intéressant. Vous faites porter notre protection sociale sur les travailleurs ; ne vous étonnez pas qu’ils soient désespérés : ils travaillent plus qu’avant, touchent davantage, et avec tout cela s’en sortent moins bien parce que nous concentrons sur eux le poids du système.
Mme Danièle Obono
Il faut les rémunérer plus !
M. le président
Merci de conclure, cher collègue.
M. Gérald Darmanin
Je conclus, monsieur le président : sans doute faut-il, je le répète, faire reposer ce système sur autre chose que sur le travail – la consommation, voire la rente.
M. Pierre Cordier
En fait, il faut élargir la base !
Mme Ségolène Amiot
Augmentez les salaires !
M. le président
Compte tenu du sujet, au lieu d’une intervention pour et une contre, j’en autorise une de plus pour chaque bord.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
La proposition de M. Darmanin n’est ni plus ni moins qu’un retour à la TVA sociale, autrement dit le financement de notre modèle social par l’impôt le plus injuste qui soit, car reposant sur la consommation. Nul n’ignore que les achats essentiels absorbent tout l’argent de ceux qui ont le moins de moyens, tandis que ceux qui en ont davantage mettent de côté leur superflu…
M. Pierre Cordier
C’est faux : pas toujours !
Mme Sophie Taillé-Polian
…et, grâce aux niches fiscales, s’enrichissent tranquillement. Avec vous, ils peuvent dormir sur leurs deux oreilles !
M. Gérald Darmanin
Arrêtez de faire de la démagogie !
Mme Sophie Taillé-Polian
Nous sommes, nous, des défenseurs du travail. (M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit.)
Mme Marie Lebec
Ça se saurait !
Mme Sophie Taillé-Polian
Les cotisations font partie intégrante du coût du travail, lequel assure la protection des salariés, notamment en cas de maladie ou d’accident lié à leur emploi, et leur garantit une retraite digne, suffisamment tôt pour qu’ils puissent en profiter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
C’est pourquoi notre désaccord avec vous est total : la valeur travail repose sur les cotisations, qui permettent, je le répète, une protection de qualité, ainsi financée par les salariés et par les détenteurs du capital – mais eux, vous les protégez !
M. Jean-Pierre Taite
Les charges qui pèsent sur les entreprises, c’est la casse de l’emploi ! Venez gérer une entreprise, vous verrez !
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Je suis très fier d’appartenir au groupe Modem – un groupe responsable. (M. Stéphane Peu applaudit.) Nous n’avons pas examiné l’article 6 : certains refusent de trouver 5 milliards d’économies. Nous devrons cependant bien nous y résoudre ; alors, faut-il demander cet effort aux comptes sociaux ? À l’État, monsieur Darmanin, c’est-à-dire au contribuable ?
M. Gérald Darmanin
À l’assurance chômage !
M. Pierre Cordier
Heureusement que le Modem est là pour nous donner des idées…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Faites donc une réunion intergroupe ou un séminaire public pour vous mettre d’accord !
M. Cyrille Isaac-Sibille
Si nous ne les dénichons pas, le déficit de la sécurité sociale s’accroîtra d’autant, passant de 18 à 23 milliards. C’est aujourd’hui qu’il importe d’équilibrer les comptes, et c’est pourquoi je suis fier, je le répète, d’appartenir à un groupe qui s’efforce d’y parvenir, tout en sachant que cela ne fera pas plaisir à tout le monde. J’espère voir adopter un amendement qui, tout en tenant compte de la position du Gouvernement, vise à réduire les charges au-delà de 2,5 Smic.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
M. Alexis Corbière
Allez, défendez les travailleurs contre la bourgeoisie !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Le rapporteur général et moi avons émis un avis défavorable, car la loi prévoit déjà la compensation intégrale, par crédits budgétaires, de toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations sociales. Il existe des dérogations, mais la compensation est alors assurée par l’affectation à la sécurité sociale d’une fraction du produit de la TVA.
J’ajoute que la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques prévoit déjà, en son article 21, une règle d’or pour les niches sociales, en plafonnant à 14 % le ratio entre le montant annuel des exonérations et abattements divers, et la somme des recettes des régimes obligatoires. Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable à l’amendement.
Par ailleurs, monsieur Boyard, épargnez-vous la peine que vous avez pour moi ! Nos discussions sont intéressantes et ce débat doit avoir lieu. Par conséquent, dispensez-vous de ce genre de commentaires, qui ne sont pas à la hauteur et n’ont pas leur place dans cet hémicycle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes DR et Dem.)
M. Louis Boyard
C’est le syndrome de Stockholm !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 936.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 124
Nombre de suffrages exprimés 97
Majorité absolue 49
Pour l’adoption 53
Contre 44
(L’amendement no 936 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 101.
M. Jérôme Guedj
Le présent amendement, adopté très largement par la commission des affaires sociales, reprend une orientation que Mme Astrid Panosyan-Bouvet défendait lorsqu’elle était députée et qu’elle doit toujours partager, connaissant ses convictions, maintenant qu’elle est devenue ministre. (Mme la ministre sourit.)
Il concerne la douzaine de branches professionnelles qui continuent de pratiquer des minima conventionnels inférieurs au Smic. Techniquement, l’amendement vise à calculer les allégements de cotisations sociales sur la base des minima conventionnels qu’elles appliquent et non plus en fonction du Smic – puisqu’elles ne l’appliquent pas. C’est, par conséquent, une mesure incitative, fidèle à l’idée que développait dans une tribune du Monde Astrid Panosyan-Bouvet, que j’ai toujours plaisir à citer : « Il faudrait enfin mettre sur la table le sujet de la conditionnalité des aides aux entreprises pour qu’elles soient davantage fonction de la qualité des bonnes pratiques sociales et salariales. » Pour une entreprise et une branche, la bonne pratique salariale serait de ne pas pratiquer de minima conventionnels inférieurs au Smic. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
La commission a effectivement émis un avis favorable sur cet amendement que vous avez su parfaitement expliquer, alors que nous n’étions pas tous convaincus. Par principe, je suis plutôt défavorable à l’idée de pénaliser les entreprises vertueuses. Cependant, votre amendement a le mérite d’appeler l’attention sur la douzaine de branches qui n’ont pas encore porté les salaires au niveau du Smic – et qu’il ne faudrait pas encourager à en rester là. Avis favorable.
M. Aurélien Rousseau
Très bien, docteur !
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je vais vous faire une réponse qui ne me satisfait pas.
M. Alexis Corbière
Aïe !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
En effet, il existe des complications techniques, que j’ai du mal à comprendre : nous sommes capables d’envoyer des gens sur la Lune, mais pas de sanctionner de manière différenciée, au sein d’une même branche professionnelle, les entreprises qui appliquent des minima conventionnels de celles, plus vertueuses, qui sont prêtes à aller au-delà de l’accord de branche. Sur le fond, cette situation n’est pas satisfaisante ; néanmoins, techniquement, il est difficile d’opérer une distinction entre l’entreprise vertueuse qui appartient à une branche appliquant des minima conventionnels trop nombreux, ou peinant à négocier, et les autres.
Sachez toutefois que, depuis un mois que j’ai été nommée ministre, je reçois les représentants des branches professionnelles qui ne jouent pas le jeu. Celles-ci sont de deux types : celles qui pratiquent des minima conventionnels à tour de bras, ce qui fait qu’un salarié peut attendre des années avant que sa rémunération dépasse le montant du Smic – ce sont les fameux Smic à vie ; et celles qui, bien qu’elles soient tenues de réviser leurs classifications tous les cinq ans, ne le font pas, ce qui entraîne, avec l’indexation du Smic, un tassement des salaires par le bas. Par exemple, une aide ménagère qui suivrait une formation afin de devenir auxiliaire de vie n’obtiendrait qu’une augmentation brute mensuelle de 7,55 euros. Nous convoquons donc les branches concernées afin de régler la situation : si elles s’y refusent, des leviers d’action existent, par exemple en agissant sur les fusions de branches.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement qui vise à conditionner les allégements. Je ne le fais pas pour des raisons satisfaisantes, certes, mais parce que des raisons techniques nous empêchent de différencier, au sein d’une branche, les entreprises vertueuses des autres. (M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis Corbière
Nous voterons cet amendement de repli, car il vise à soumettre à conditions les baisses de cotisations. Nous revenons ici sur un vieux débat, qui date d’un siècle – de 1910, avec la naissance des retraites, ou de 1945, avec la création de la sécurité sociale. Alors que M. Darmanin parle de charges, nous parlons, nous, de salaires, qui comprennent une part directe et une part indirecte : le salaire net sert à vivre au cours du mois, tandis que les cotisations servent à faire face aux coups durs de la vie. Ce ne sont pas des charges. Et toute politique de baisse des cotisations est une régression.
Je ne veux pas polémiquer avec le député Hollande, mais je sais qu’il y a eu des désaccords s’agissant des politiques de baisses des cotisations. Il est question de revenir dessus.
M. Pierre Cordier
La gauche plurielle se fissure !
M. Alexis Corbière
Toutefois, arrêtez de considérer qu’il s’agit de charges ; les cotisations forment une partie du salaire. Point final.
M. Benjamin Lucas-Lundy
Bien sûr !
M. Jean-Pierre Taite
Mais ce sont des charges, monsieur Corbière !
M. Alexis Corbière
C’est fondamental. Il s’agit d’un vieux débat au sein du mouvement ouvrier : une partie du salaire n’est pas directement consacrée à vivre mais elle sert à alimenter des caisses de solidarité. Si vous diminuez ces cotisations, vous supprimez une part du salaire.
M. le président
Merci de conclure, monsieur Corbière.
M. Alexis Corbière
Nous sommes en désaccord sur ce point.
M. le président
La parole est à M. Gérald Darmanin.
M. Gérald Darmanin
Je soutiens l’amendement de M. Guedj. En l’adoptant, nous soutiendrons aussi la ministre dans ses négociations, puisque l’automaticité de la conditionnalité voulue par M. Guedj constituera, pour les branches professionnelles, une forme d’épée dans les reins. Parfois, certaines ne font pas d’efforts. Je l’ai vécu personnellement : les agents de la sécurité privée, qui travaillent beaucoup mais qui sont très mal payés pour des raisons qui ont trait au coût du travail, à la concurrence, aux difficultés du métier ou encore au fait que nombre d’entre eux sont issus de l’immigration, n’auraient jamais obtenu une revalorisation de leurs salaires sans l’organisation des Jeux olympiques. C’est bien parce que nous leur avons mis une épée – politique – dans les reins que les employeurs ont été forcés de négocier des augmentations de salaire. Ils sont même allés parfois au-delà du minimum que vous prévoyez, monsieur Guedj – votre proposition pourrait donc induire un effet pervers ; j’en comprends néanmoins la philosophie.
En tout cas, le discours de M. Guedj vaut pour des salariés qui sont mal payés – c’est le moins que l’on puisse dire –, dans des branches professionnelles qui ne font pas beaucoup d’efforts. C’est bien, madame la ministre, que vous les receviez pour discuter ; néanmoins, il vaut mieux leur montrer que la représentation nationale est capable, si vous ne parvenez pas à un accord, de leur imposer quelque chose.
M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Cela fait plusieurs fois que nous abordons ce sujet. Je ne suis pas d’accord avec votre idée de salaire différé ; il s’agit plutôt d’une forme de solidarité immédiate.
M. Alexis Corbière
Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais c’est bien une part du salaire.
M. Frédéric Petit
Non, ce n’est pas du salaire différé ! Lorsque je cotise ce mois-ci, je paie pour ceux qui sont actuellement à la retraite, ceux qui sont malades ou qui en ont besoin en ce moment. C’est le panier qui attendait la paie le samedi soir et qui était vide le dimanche matin ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Ce sont des cotisations, qui forment une part du salaire, certes, mais il ne s’agit pas de salaire différé.
Mme Danièle Obono
Si, c’est du salaire ! C’est sur la fiche de paie.
M. Alexis Corbière
C’est une part de salaire socialisé !
M. Frédéric Petit
Beaucoup reprennent cette expression. En parlant de salaire différé, vous laissez entendre qu’il s’agit d’un système assurantiel, donc d’un système par capitalisation. Or ce n’est pas ce que vous voulez dire.
M. Alexis Corbière
Non ! Vous cotisez pour vos vieux jours ou pour le moment où vous serez malade !
M. Frédéric Petit
Faites attention au vocabulaire ! C’est une notion compliquée, mais nous devons être rigoureux. Les cotisations représentent une forme de solidarité immédiate…
M. Alexis Corbière
Non !
Mme Danièle Obono
Incroyable !
M. Frédéric Petit
…qui est remise à zéro à la fin de chaque mois ou à la fin de chaque année. En effet, je suis solidaire de ceux qui en ont besoin aujourd’hui, tandis que lorsque je serai malade ou à la retraite, ce seront ceux qui travailleront qui seront solidaires avec moi. C’est cela, le système par répartition ; sinon, c’est de la capitalisation. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem, EPR et HOR.)
Mme Danièle Obono
Non !
Mme Elsa Faucillon
Si, il a raison !
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Conditionner les aides est une idée intellectuellement et politiquement très séduisante, parce qu’elle semble juste. Toutefois, elle est compliquée à mettre en œuvre. L’amendement de Jérôme Guedj vise à calculer l’ensemble des dispositifs d’exonération sur la base des minima conventionnels des branches s’ils sont inférieurs au Smic – et non plus en fonction du Smic. Dans la mesure où il raisonne au niveau de la branche, il conduirait à pénaliser une entreprise vertueuse qui aurait fixé, par un accord collectif, une rémunération minimale supérieure au minimum de ladite branche. Ce n’est donc pas satisfaisant. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
J’entends vos arguments, madame la ministre. D’un autre côté, cela n’inciterait-il pas les entreprises les plus vertueuses à agir sur les autres…
M. Jérôme Guedj
C’est bien l’objectif !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
…et cela ne permettrait-il pas, en définitive, que l’ensemble de la branche revalorise les salaires ? Je me demande si les accords au sein d’une même branche ne sont pas plus efficaces que la contrainte. Le débat est très technique, mais il est intéressant ; il est difficile de déterminer quelle est la meilleure des mesures à retenir.
(L’amendement no 101 est adopté.)
M. le président
Cet amendement était gagé. Levez-vous le gage, madame la ministre ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Non.
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet, pour soutenir l’amendement no 1292.
M. Yannick Monnet
Il vise à rehausser de 20 % à 30 % le taux de la contribution patronale sur les attributions d’actions gratuites. De façon générale, nous considérons qu’il est urgent de mettre fin aux dispositifs de contournement du salaire. Celui-ci représente 507 millions d’euros de perte de recettes pour la sécurité sociale. En outre, l’actionnariat salarié renforce les inégalités au sein de l’entreprise, puisqu’il profite d’abord aux salariés qui peuvent se permettre d’accumuler suffisamment d’épargne. Selon l’Insee, en 2018, les 1 % des salariés les mieux rémunérés représentaient 8,1 % de la masse salariale dans le secteur privé. Le salaire annuel des cadres dirigeants était de 114 080 euros en moyenne en 2020, soit cinq fois plus que le Smic – sans oublier les inégalités de salaire entre les hommes et les femmes. Ainsi, l’actionnariat salarié apparaît comme une diversion bien organisée autour des enjeux du salaire et prive la sécurité sociale de ressources indispensables. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Nous avons beaucoup évoqué le partage de la valeur en commission et nous avions rappelé que les actions ne concernent pas que les méga-entreprises ou les très grandes entreprises : 46 % des salariés bénéficient de ce partage de la valeur, quelle que soit la forme qu’il puisse prendre, ce qui constitue un vrai plus. De façon générale, tout ce qui peut permettre d’augmenter le pouvoir d’achat est souhaitable. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Avis défavorable. Les attributions d’actions gratuites constituent un puissant moyen d’intéressement, de fidélisation et de participation des salariés à la création de valeur. Ce dispositif bénéficie d’un régime social et fiscal qui a été assoupli en 2015, et concerne un nombre croissant de travailleurs, bien plus élevé que ce que vous semblez penser : 460 000 salariés en ont bénéficié cette année, pour un montant moyen de 1 300 euros – dont 13 % des salariés de l’industrie. Cela va donc bien au-delà du petit groupe que vous décrivez.
(L’amendement no 1292 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 644.
M. Jérôme Guedj
Cet amendement de repli vise à abaisser à 6 000 euros le plafond d’exemption de cotisations sociales dont bénéficient les attributions gratuites d’actions, dont Mme la ministre a indiqué que le montant moyen était d’environ 1 300 euros. Ainsi, la grande majorité des salariés ne serait pas concernée par cette disposition – laissons de côté le fait que la Cour des comptes considère que ce type de rémunération a tendance à se substituer au salaire de base.
Nous proposons d’aligner le plafond d’exemption sur ceux applicables à la prime de partage de la valeur. Ce n’est pas une mesure gauchiste : elle s’appuie sur le rapport de la Cour des comptes de mai 2024 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. S’agissant des attributions gratuites d’actions et des stock-options, le montant auquel l’exonération s’applique est d’environ 4,7 milliards d’euros, ce qui prive la sécurité sociale d’environ 800 millions de recettes – vous n’avez pas cité ce chiffre.
Je suis incapable d’estimer précisément le rendement de la disposition avec le seuil proposé, mais vous cherchez des recettes et elle toucherait les personnes qui bénéficient de plus de 6 000 euros d’attributions gratuites d’actions, soit quatre fois le montant moyen. J’espère que cet argument vous convaincra. (M. Gérard Leseul applaudit.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
On peut reprendre les mêmes arguments – la discussion tourne toujours autour du seuil et des chiffres. Est-ce que 6 000 euros, c’est beaucoup ? Si on divise par douze mois, cela représente 500 euros par mois.
M. Jérôme Guedj
Quatre fois la moyenne !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
La moyenne de quoi ?
M. Jérôme Guedj
De la distribution.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Dans certains secteurs très compétitifs, le rapport Bozio-Wasmer l’a montré, l’attractivité que procure un gain de pouvoir d’achat de 500 euros n’est pas exceptionnelle – j’avais cité en commission l’exemple de certains secteurs high-tech comme la microélectronique. J’entends vos réticences, mais ces instruments de partage de la valeur ne concernent pas les ultrariches ; ils concernent des secteurs hautement concurrentiels, souvent de dimension européenne. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Avis défavorable. Monsieur Guedj, vous comparez la prime dite Macron et les actions gratuites. Ce n’est pas tout à fait la même chose. La prime de partage de la valeur (PPV) est une prime annuelle tandis que les actions gratuites permettront au salarié de toucher des dividendes. La première offre un complément de rémunération immédiat alors que les secondes servent d’instrument de fidélisation des salariés et d’augmentation de l’actionnariat salarié. Pour toutes ces raisons, nous sommes opposés à l’amendement.
(L’amendement no 644 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Océane Godard, pour soutenir l’amendement no 84.
Mme Océane Godard
Pour ne faire reposer l’équilibre de notre système de retraite ni sur le report de l’âge légal ni sur l’augmentation de la durée de cotisation, nous proposons, d’une part, de rétablir le taux de forfait social normal à 20 % pour les versements réalisés sur des plans d’épargne retraite (PER) et, d’autre part, de réintroduire la contribution sociale à la charge des employeurs de moins de 250 salariés au titre de l’intéressement et de la participation.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
La commission a émis un avis défavorable pour deux raisons principales. D’abord, vous voulez toucher au plan épargne retraite auquel des milliers de nos concitoyens ont recours. Ensuite, vous ciblez les entreprises les plus petites qui ont massivement recours à ces dispositifs – celles de moins de 250 salariés. C’est donc un double avis négatif.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Avis défavorable. Ces propositions affecteraient en premier lieu les PME, qui ont instauré très largement des dispositifs d’intéressement. Votre amendement augmenterait de 20 % le coût total de leurs versements. Le taux de couverture par des accords d’intéressement s’élève à 5 % pour les entreprises de moins de 10 salariés, à 12 % pour celles de 10 à 49 salariés, à 25 % pour celles de 50 à 99 salariés et à 36 % pour celles de 100 à 249 salariés. Votre proposition priverait une partie des salariés – ceux qui travaillent dans les entreprises de moins de 250 salariés – de cet instrument qui tend à se diffuser.
M. le président
La parole est à Mme Joëlle Mélin.
Mme Joëlle Mélin
Je suis étonnée que cette proposition soit issue des rangs socialistes. Elle toucherait les PME, qui sont en grande difficulté – en un an, plus de 60 000 entreprises ont fait faillite, nombre d’entre elles sont en danger –, et le PER, qui reste pour beaucoup de Français un mode d’épargne de bon père de famille.
Mme Ségolène Amiot
Il faut arrêter avec ça !
Mme Joëlle Mélin
Si vous souhaitez brider le grand capital et les surprofits, on peut en discuter – nous avons exprimé une idée semblable. Mais toucher au PER, c’est stupéfiant. Les Français seront prévenus. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
(L’amendement no 84 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 109.
M. Jérôme Guedj
Pour gagner du temps – nous voulons avancer dans l’examen du texte –, je défendrai également ceux qui suivent.
M. Philippe Vigier
C’est bien !
M. Jérôme Guedj
Après l’article 6, nous proposons plusieurs nouvelles ressources pour la sécurité sociale. Après les exonérations de cotisations, nous évoquerons les exemptions d’assiette. La Cour des comptes a estimé, dans son rapport de mai 2024, que « les compléments de salaire se sont, en partie, substitués aux salaires de base, ce qui a entraîné de moindres recettes pour la sécurité sociale et une augmentation de ses déficits ». Ces compléments, qui avaient leur légitimité, ont servi à contourner les augmentations de salaire – nous avons eu le même débat au sujet de la prime Macron.
Au moment où le Gouvernement cherche des recettes – et nous avec vous –, nous vous proposons de procéder par petites touches : 500 millions par-ci, 800 millions par-là, ce sont des masses importantes dans le budget de la sécurité sociale. Dites-nous que vous êtes prêts à étudier ces exemptions d’assiette qui privent la sécurité sociale de montants importants.
En l’espèce, de nombreux compléments de salaire ont un taux de forfait social inférieur au taux normal qui est de 20 %. Le taux est de 16 % pour les versements sur des plans d’épargne retraite d’entreprise collectifs (Perco), de 10 % pour l’abondement sur des plans d’épargne entreprise (PEE) et de 8 % pour la contribution des employeurs privés et publics au financement de la prévoyance complémentaire. Mis bout à bout, ces taux plus favorables – des mécanismes de contournement des augmentations de salaire – conduisent à une perte de recettes de 1 milliard pour la sécurité sociale.
J’aimerais une réponse de la part du ministre chargé des comptes publics. Que faites-vous du rapport de la Cour des comptes qui indique des pistes de recettes supplémentaires ? Est-ce que vous le classez verticalement ? Ne serait-il pas utile d’en discuter avec les organisations patronales et syndicales dans le cadre d’une conférence du financement de la protection sociale ou de la branche retraite, comme nous vous l’avons proposé ?
Il vous a fallu des années pour revenir sur les exonérations de cotisations sociales – vous aviez votre proposition à 5 milliards, mais cela n’a pas marché car vous avez été trahis par vos propres amis. Cela vaudrait le coup d’ouvrir dès à présent le débat sur les exemptions d’assiette, qui représentent près de 80 milliards. (M. Boris Vallaud applaudit.)
M. Jean-Pierre Vigier
Quel esprit de gourmandise !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
On peut débattre une fois encore. Si vous défendez une énième mesure contre le partage de la valeur, je redis la nécessité pour nos concitoyens d’améliorer leur pouvoir d’achat et le besoin des entreprises de disposer de mesures d’attractivité. Il est très agréable de lire vos amendements parce qu’ils sont documentés et sourcés. Cependant, ce n’est pas parce que le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) de 2023 identifie des pistes d’économie que nous devons forcément les adopter.
Ces mesures sont intéressantes numériquement, mais vu l’impact qu’elles auraient sur la vie quotidienne de bon nombre de Français, elles ne sont pas applicables dans le contexte actuel de crise du pouvoir d’achat. Elles feraient chuter immédiatement le pouvoir d’achat de certains salariés, y compris dans des secteurs où les entreprises peinent à recruter. Attention à ne pas retenir mécaniquement toutes les recettes qu’on pourrait trouver ici et là. Même si elles rapportent le même montant, socialement, elles s’appliquent de façon très diverse – elles n’ont pas du tout le même effet sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Avis défavorable sur l’amendement no 109. Le forfait social, je le rappelle, est une contribution sociale patronale qui s’applique, avec des taux différenciés selon la taille de l’entreprise, à tous les compléments de salaire : à l’intéressement, à la participation, à la prime de partage de la valeur mais aussi à la participation des employeurs à des contrats collectifs de protection sociale complémentaire – je pense à la prévoyance et aux retraites complémentaires. Supprimer les taux réduits, en particulier s’agissant des contributions des employeurs à la protection sociale complémentaire, augmenterait le coût du travail pour les petites entreprises. C’est la raison pour laquelle nous y sommes défavorables. Ces forfaits sociaux visent à aider les employeurs, en particulier les petites et moyennes entreprises qui ont moins les moyens de le faire, à proposer des couvertures pour leurs salariés.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Je m’exprimerai sur tous les amendements de Jérôme Guedj puisqu’il les a tous défendus. Ils proposent une litanie d’idées pour taxer davantage le Perco, le plan d’épargne entreprise, l’intéressement, la participation et la prime de partage de la valeur. L’idée sous-jacente, c’est que les entreprises n’auraient qu’à augmenter les salaires plutôt que de recourir à ces dispositifs ; mais ces hausses de salaires seront-elles durables ? Pour que l’entreprise soit capable de les assumer dans le temps, elle doit être viable économiquement. Si l’année suivante, elle n’en est pas capable et qu’elle disparaît, la situation se retournera contre le salarié, qui perdra son emploi – sur le long terme, le salarié et l’entreprise seront perdants.
Qu’il s’agisse d’intéressement ou de participation, pour qu’il y ait partage de la valeur, il faut des résultats, il faut de la valeur. Dans le cas du plan d’épargne retraite d’entreprise collectif ou du plan d’épargne entreprise, le partage des fonds dans la durée permet des investissements longs, réalisés par l’entreprise. Toutes ces logiques font que l’idée sous-jacente selon laquelle augmenter les salaires serait si facile est erronée, et une telle augmentation peut même aller contre l’intérêt du salarié à long terme.
(L’amendement no 109 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 1373 de M. Hadrien Clouet est défendu.
(L’amendement no 1373, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 38, 630 et 1288.
La parole est à M. Elie Califer, pour soutenir l’amendement no 38.
M. Elie Califer
Les accidents du travail constituent une préoccupation majeure qui mérite toute l’attention de l’Assemblée. Le rapport parlementaire no 1181 intitulé « Maladies professionnelles dans l’industrie : mieux connaître, mieux reconnaître, mieux prévenir » proposait notamment d’augmenter les taux de cotisations auprès de la branche AT-MP pour les entreprises dont la sinistralité est anormalement élevée. Le présent amendement des députés socialistes et apparentés vise précisément à instaurer ce malus, pour renforcer la prévention et surtout améliorer la santé au travail. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l’amendement no 630.
M. Alexis Corbière
Il s’agit d’un amendement de Mme Garin – rendons à César ce qui est à César, ou à Cléopâtre ce qui est à Cléopâtre.
Le sujet est majeur : on parle de 500 000 travailleurs en situation de burn-out, mais des bureaux d’études évoquent le chiffre de 2,5 millions, voire 3 millions de salariés, avec une sinistralité particulièrement forte dans certaines branches. Cela signifie que des employeurs ne mènent aucune politique sérieuse pour lutter contre la souffrance au travail, voire imposent aux salariés des conditions de travail qui les abîment psychologiquement : il est normal, dans ce cas, de leur imposer un malus sur leurs cotisations. J’espère que Mme la ministre du travail, dont la fonction n’est pas seulement de défendre les entreprises et les employeurs, mais aussi les salariés,…
M. Benjamin Lucas-Lundy
Exactement !
M. Alexis Corbière
…aura à cœur de faire adopter cette proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. – M. Olivier Faure applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no 1288.
M. Stéphane Peu
Cet amendement de Mme Lebon va dans le même sens que les deux précédents, auxquels je n’ajouterai qu’un seul argument. Je suis député de la Seine-Saint-Denis, département dont le taux de mortalité lié à la pandémie du covid a été le plus élevé, du fait de la forte concentration de salariés de la première et de la deuxième ligne. À cette occasion, on a pu vérifier à quel point les conditions de travail et la protection de la santé sont insuffisamment prises en compte dans certaines branches. L’instauration d’un malus permettra de dégager des recettes supplémentaires pour mieux prévenir et mieux traiter les problèmes de santé au travail.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Les accidents du travail sont un réel fléau. On ne peut qu’inciter les entreprises à se rapprocher des mécanismes d’inspection du travail pour essayer de les limiter.
M. Olivier Faure
C’est du blabla !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Laissez-moi finir, monsieur Faure ! S’il vous plaît, détendez-vous !
M. Olivier Faure
Oui, mais c’est du blabla !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Le débat se passait très bien avant votre intervention, alors laissez-moi terminer !
M. Olivier Faure
Provocation inutile !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Les mécanismes de majoration de cotisations ont été renforcés depuis le 1er janvier 2024, avec l’entrée en vigueur de la « prime signal » qui majore de 10 % le taux de cotisations des entreprises de dix à dix-neuf salariés. Même si mon blabla ne vous plaît pas, ces dispositions sont bien réelles et vos amendements sont donc satisfaits. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je remercie les députés qui, par ces amendements, nous permettent de débattre de la question des accidents du travail, notamment des accidents graves et mortels. Une campagne de sensibilisation réalisée par la direction générale du travail vient d’être lancée. J’ai le sentiment que la société française fait preuve des mêmes accommodements avec les accidents graves et mortels du travail qu’avec les accidents mortels de la circulation routière au début des années 2000. Nous déplorons au moins deux morts par jour au travail et ce chiffre rapporté à la population active nous semble au fond quasi naturel. C’est à nous, politiques, élus, parlementaires, de nous saisir de cette question pour sensibiliser la société française : non, ce n’est pas une fatalité.
Mme Sophia Chikirou
C’est la première fois que je vous entends en parler !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je me suis intéressée à la question avant même d’être nommée ministre et je partage votre objectif d’inciter à la prévention des AT-MP. Vous proposez d’instaurer un malus sur le taux de cotisation AT-MP pour les entreprises n’ayant pas éliminé un risque signalé dans leur bilan social. Or les règles de calcul des cotisations prennent déjà en compte la sinistralité des entreprises ou – pour les plus petites d’entre elles – de leur secteur d’activité. De plus, le code de la sécurité sociale permet d’ores et déjà l’application d’une majoration de cotisations pour les entreprises qui ont commis une infraction relevée par l’inspection du travail ou qui font l’objet d’une injonction de la Carsat. Enfin, le bilan social d’une entreprise est beaucoup moins précis que les données dont disposent les caisses de sécurité sociale pour calculer la cotisation d’AT-MP.
Si je partage avec vous l’objectif de réduction du nombre des accidents du travail graves et mortels, je considère néanmoins qu’il faut privilégier la prévention, les aides visant à aménager les postes…
Mme Sophia Chikirou
Et les contrôles !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…et les contrôles – tout à fait ! Je renouvelle d’ailleurs mon soutien à l’inspection du travail quand elle est agressée physiquement ou verbalement.
Mme Sophia Chikirou
Il n’y a plus d’inspection !
Mme Ségolène Amiot
Et les 20 % de postes manquants ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je m’oppose donc à ces amendements contre-productifs et inopérants.
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 38, 630 et 1288.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Je vous invite à ne voter qu’une seule fois, mes chers collègues.
Mme Ségolène Amiot
Ne relancez pas la suspicion, monsieur le président !
Mme Sophia Chikirou
Vous savez bien que chacun ne vote qu’une fois !
Mme Élise Leboucher
Ne mettez pas en doute la sincérité de nos votes !
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 98
Majorité absolue 50
Pour l’adoption 61
Contre 37
(Les amendements identiques nos 38, 630 et 1288 sont adoptés.)
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, Ecos et GDR.)
M. le président
Il n’y avait pas de suspicion de ma part, mais j’ai vu un collègue appuyer sur deux boutons à la fois. Chacun doit voter à sa place. Je vous prie de ne pas remettre en cause la présidence ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN, EPR et DR.)
M. Jean-Pierre Taite
Respectez les règles, restez à votre place !
M. le président
L’amendement no 1490 de Mme Élise Leboucher est défendu.
(L’amendement no 1490, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Arnaud Simion, pour soutenir l’amendement no 903.
M. Arnaud Simion
Une fois n’est pas coutume, nous proposons une exonération de cotisations sociales, mais pour la bonne cause !
M. Thibault Bazin
La cohérence des socialistes !
M. Arnaud Simion
Il s’agit en effet de réparer un oubli. Dans le cadre de leur développement, les intercommunalités, pour mutualiser leurs coûts de manière substantielle, confient aux syndicats mixtes fermés la gestion des services d’aide et d’accompagnement à domicile et participent ainsi aux politiques tant nationales que départementales de maintien à domicile et d’action sociale. Pourtant, les syndicats mixtes fermés ne bénéficient pas de l’exonération des charges sociales accordée en contrepartie des tâches effectuées au domicile des personnes âgées ou en situation de handicap, des personnes ayant la charge d’enfants en situation de handicap et des familles en difficulté.
Cette disposition est d’autant plus incompréhensible que les centres intercommunaux d’action sociale (CIAS) bénéficient de cette exonération. Mettre fin à cette inégalité de traitement permettrait par ailleurs de lutter efficacement contre la situation quelquefois précaire de leurs agents. L’amendement sécuriserait enfin le développement des coopérations intercommunales qui, dans le domaine de l’accompagnement à la personne, conduisent de belles politiques publiques en mutualisant leurs moyens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. – M. Sébastien Peytavie applaudit également.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
La commission a débattu de cet amendement sur la forme et sur le fond. Nous sommes tous favorables aux mesures de soutien aux services d’aide à domicile. Cependant, la notion de syndicat mixte « fermé », même si elle est courante, ne repose pas sur des bases juridiques solides – c’est la difficulté que pose votre amendement. Par ailleurs, les centres communaux d’action sociale (CCAS) et les CIAS agissent déjà dans ce domaine. L’ajout des syndicats mixtes fermés est-il utile ou participe-t-il au contraire au millefeuille territorial ? Ne serait-il pas pertinent de transférer leurs compétences au bloc communal qui inclut l’intercommunalité ? Je comprends le but que vous recherchez mais encourager le recours aux syndicats mixtes ne me semble pas durablement efficace. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je comprends votre intention, mais les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont une vocation multiple, alors que les centres communaux et intercommunaux sont spécialisés en matière d’aide sociale. Cette compétence spécifique justifie que le législateur leur ait accordé les exonérations que vous évoquez. Avis défavorable.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 903.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 135
Nombre de suffrages exprimés 114
Majorité absolue 58
Pour l’adoption 57
Contre 57
(L’amendement no 903 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 976 et 104, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Louis Boyard, pour soutenir l’amendement no 976.
M. Louis Boyard
Il est agaçant de vous entendre raconter partout que le Nouveau Front populaire veut des taxes et encore des taxes, alors qu’en regardant les détails, on s’aperçoit que les taxeurs en furie, c’est vous ! Quand vous soumettez la rémunération des apprentis à la CSG, c’est une taxe. Quand vous gelez les pensions des retraités, ils le vivent comme une taxe. Quand vous rehaussez le ticket modérateur, c’est une taxe sur les Français les plus précaires.
Par cet amendement, nous vous proposons de taxer le capital comme sont taxés les revenus du travail, ce qui rapporterait 10 milliards. Si vous l’adoptez, il n’y aura pas besoin de nouvelle taxe sur les apprentis, ni sur les retraités, ni sur le peuple français.
Les primes Macron ont retiré 2,1 milliards de recettes par an à la sécurité sociale et vous vous plaignez qu’il n’y ait pas de moyens pour les crèches, pour les hôpitaux, pour les retraités !
Mme Stéphanie Rist
C’est vous qui vous plaignez !
M. Pierre Cordier
Il n’y a pas de moyens pour lutter contre la toxicomanie…
M. Louis Boyard
En réalité, c’est vous les taxeurs en folie, mais vous ne faites peser vos taxes que sur le dos du peuple. Nous vous proposons donc de taxer le capital au lieu du peuple français. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Romain Eskenazi, pour soutenir l’amendement no 104.
M. Romain Eskenazi
On nous reproche souvent de ne pas proposer de moyens pour financer l’abrogation de la réforme des retraites. Tel est le but de cet amendement.
La France est championne d’Europe en matière de distribution de dividendes aux actionnaires. Leur montant a plus que doublé au cours des dix dernières années ; ainsi, on estime à 68 milliards de dollars, soit 63 milliards d’euros, les dividendes distribués en 2023 aux seules entreprises du CAC40. Nous proposons donc d’appliquer à ces opérations une cotisation sociale à hauteur de 28 %, destinée à la branche vieillesse, qui rapporterait un peu plus de 10 milliards.
En effet, de plus en plus de salariés voient diminuer leur salaire au profit du versement de participation et de dividendes. Nous ne proposons pas de soumettre à cette cotisation l’ensemble des versements, mais seulement les sommes versées au-delà de la moyenne des dividendes perçus en France, calculée en divisant le volume national de dividendes versés par le nombre de personnes qui en bénéficient. Cela nous paraît être une contribution raisonnable à l’effort national demandé à l’ensemble des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
La discussion est intéressante, même si elle mérite d’être dépassionnée un peu : faut-il intégrer l’intéressement et autres versements de dividendes à l’assiette des cotisations sociales ? Je note toutefois que vos amendements ne s’appliqueraient qu’aux dividendes versés aux salariés des régimes général et agricole. Soit vous avez mal expliqué votre intention, soit la rédaction des amendements est erronée.
M. Louis Boyard
C’est de la coconstruction !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
En effet, leur adoption n’aurait aucune incidence sur les chefs d’entreprise, sauf sur ceux qui ont le statut de gérant. L’amendement ne touche pas sa cible. Il serait paradoxal d’augmenter les prélèvements sociaux uniquement sur l’actionnariat salarié. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
J’aimerais rappeler que les dispositifs d’intéressement, de participation et d’abondement des plans d’épargne concernent 7,6 millions de salariés. Une part considérable de la population active en bénéficie. Non seulement vos amendements iraient à rebours des objectifs des partenaires sociaux, signataires d’un accord sur le partage de la valeur en entreprise transposé dans la loi en novembre 2023, mais ils augmenteraient en outre le coût pour les entreprises de ces dispositifs d’intéressement.
Mme Ségolène Amiot
Ce n’est pas de l’intéressement qu’il s’agit !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
J’y suis défavorable pour les raisons qu’a indiquées M. le rapporteur général et pour celles que j’ai exposées à M. Guedj s’agissant des actions gratuites. Les amendements affecteraient des dispositifs favorables aux salariés, qui profitent à une part croissante d’entre eux et qui servent à les fidéliser en les faisant participer, par l’actionnariat, à la création de richesse ultérieure.
M. le président
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Jean-René Cazeneuve
Contrairement à ce qu’a dit M. Guedj, les plans d’épargne entreprise, les Perco, ou encore l’intéressement ne sont pas des outils d’évitement fiscal.
M. Jérôme Guedj
La Cour des comptes le dit !
M. Jean-René Cazeneuve
De tels effets peuvent exister à la marge, mais ces dispositifs servent avant tout à motiver les salariés et à partager la valeur. Ils permettent d’ouvrir l’actionnariat d’une entreprise à l’ensemble des salariés. Il est incohérent de critiquer les chefs d’entreprise et le capitalisme matin, midi et soir, tout en s’opposant aux outils qui visent le partage de la valeur au sein de l’entreprise. C’est une contradiction supplémentaire de la part de nos collègues de gauche. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Je rappelle l’utilité première des deux amendements : renflouer de 10 milliards les caisses de la sécurité sociale. Ils sont d’autant plus utiles que la Macronie, contre l’avis du Gouvernement, vient de nous priver de 5 milliards d’euros de recettes. Non seulement leur adoption compenserait cette perte, mais en plus elle nous permettrait de rémunérer 100 000 soignants. Deux bonnes raisons de les voter ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
(L’amendement no 976 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 104, 105, 975, 1289, 111 et 1290 tombent.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et GDR. – De nombreux députés du groupe LFI-NFP, entrés dans l’hémicycle peu avant le vote, restent debout pour applaudir.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 677 et 1248.
L’amendement no 677 de Mme Josiane Corneloup est défendu.
La parole est à M. Damien Maudet, pour soutenir l’amendement no 1248.
M. Damien Maudet
« Je touche à peine 900 euros par mois et je fais entre deux et trois pleins par mois, à 100 euros le plein. » Ce sont des propos qu’on entend souvent de la part d’aides à domicile. Compte tenu de la misère qu’elles gagnent et de la misère qu’elles perçoivent en guise de remboursement de frais kilométriques, certaines d’entre elles en sont réduites à payer pour aller travailler.
Certaines entreprises mettent des véhicules à leur disposition, une pratique que nous aimerions encourager. Seulement, l’usage personnel de ces véhicules est pris en compte comme un avantage en nature dans le calcul du revenu imposable. Nous proposons d’alléger la fiscalité en la matière pour inciter les entreprises à mettre des véhicules à disposition de leurs employés et pour ne pas pénaliser les aides à domicile qui, je le rappelle, touchent en moyenne 683 euros par mois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Ces amendements ont reçu un avis défavorable de la commission. Toutefois, on ne saurait ignorer la problématique du maintien à domicile qui les sous-tend. Le coût du carburant complique considérablement le virage domiciliaire dans les zones mal desservies par les transports en commun, notamment les zones rurales, compte tenu de la dépense entraînée pour les acteurs de l’aide à domicile. À titre personnel, je suis donc favorable aux amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – M. Inaki Echaniz applaudit également.)
Le niveau des salaires dans ce domaine pose un réel problème. Si nous voulons réussir le virage domiciliaire, il faut en donner les moyens aux acteurs. Les aides à domicile sont globalement payés au Smic, mais à 2 euros le litre de diesel, il leur est difficile de se rendre chez les patients. La loi du 8 avril 2024 contient quelques mesures en ce sens ; je pense qu’il faut aller plus loin, sans quoi nous ne pourrons pas assurer le maintien à domicile de nombre de nos concitoyens.
M. Damien Maudet
Merci, monsieur le rapporteur général !
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je rejoins l’avis de la commission. Des amendements similaires concernant les avantages en nature sont déposés chaque année, mais comme l’a dit le rapporteur général, le problème se situe au niveau des salaires. Déroger au principe général selon lequel les avantages en nature sont assujettis aux cotisations sociales ouvrirait une nouvelle brèche dans les recettes sociales, ce qui n’est pas souhaitable. Avis défavorable, même si je partage la préoccupation personnelle du rapporteur général au sujet des salaires des aides à domicile.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Vous avez raison, le secteur de l’aide à domicile connaît de réelles difficultés. On le sait, dans ce domaine, les aides à la mobilité et l’emploi sont liés. Il faut absolument un plan d’attractivité pour ces métiers.
Cela dit, je suis sidéré en voyant la joie qu’éprouvent les députés du Nouveau Front populaire à l’adoption d’un amendement qui pénalisera les salariés. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et EPR. – Dénégation sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Danièle Obono
Les cotisations, c’est leur salaire !
M. Ian Boucard
Bien sûr qu’il a raison !
M. Pierre Cordier
Vous avez fait n’importe quoi ! Tout ça parce que ça s’appelle la prime Macron et qu’en vous y attaquant, vous avez l’impression de sanctionner Macron…
M. Thibault Bazin
En taxant la participation et l’intéressement, vous allez faire perdre du pouvoir d’achat à plus de 7 millions de salariés. Vous discourez sur le capital, mais c’est le travail que vous pénalisez.
Mme Sophia Chikirou
L’amendement concerne aussi les dividendes !
M. Thibault Bazin
Ce qui vient de se passer est très important. Alors que ces dispositifs permettent de partager la valeur et de donner un peu plus de pouvoir d’achat aux salariés, vous vous réjouissez de les taxer davantage. Ce n’est pas le capital, mais les travailleurs modestes qui seront pénalisés ! Vous agissez contre les salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. Nicolas Turquois, vice-président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas Turquois
Je voudrais témoigner que la semaine dernière, en commission, sous la présidence de M. Valletoux et l’animation de M. le rapporteur général, nous avons pu mener des débats approfondis sur des sujets d’importance, dans un climat positif. Sans m’arrêter sur le fond de l’amendement qui vient d’être adopté, je réagis à la forme ; discréditer complètement l’action du Parlement par un tel sketch ne vous grandit pas du tout.
Mme Sophia Chikirou
C’est vous, le sketch ! En ce moment, vous avez le seum, comme on dit !
Mme Danièle Obono
À quoi sert cette intervention ?
M. Nicolas Turquois
Votre attitude est regrettable et même pitoyable. Je tenais à le dire au nom de la commission. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 677 et 1248.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 147
Nombre de suffrages exprimés 147
Majorité absolue 74
Pour l’adoption 65
Contre 82
(Les amendements identiques nos 677 et 1248 ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 1364 de M. Damien Maudet est défendu.
(L’amendement no 1364, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Zahia Hamdane, pour soutenir l’amendement no 965.
Mme Zahia Hamdane
Il vise à réserver les exonérations de cotisations aux entreprises qui en ont besoin, en excluant celles dont la situation financière est florissante. Mettons fin au soutien public qui ne bénéficie qu’à la trésorerie bien garnie des grandes entreprises, sans aucun effet sur l’emploi ou l’économie locale, et dont le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi constitue la parfaite illustration : entre 2013 et 2017, il n’a pas créé les emplois promis, mais il a rempli les caisses des plus grands groupes sans aucune contrepartie. Cette absence de conditionnalité s’observe encore dans les plans d’investissement tels que France relance ou France 2030. Nous finançons sans exigence sociale, sans effet économique tangible pour les travailleurs et sans conscience écologique ; cette politique de l’offre ne soutient ni la relance de la consommation populaire, ni une économie vertueuse. Nous proposons une utilisation plus juste et ciblée des deniers publics : aider les petites et moyennes entreprises qui en ont besoin et cesser de financer celles qui affichent des bénéfices records. L’argent public doit être investi là où il profite aux Français, non pour renforcer les bénéfices d’entreprises qui n’ont pas besoin de subventions pour prospérer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Ne nous y trompons pas : votre amendement, madame Hamdane, ne porte pas sur les grandes entreprises mais sur les travailleurs indépendants – ce qui n’est pas cohérent avec vos propos. En effet, il priverait les travailleurs indépendants d’exonérations, les frappant d’une double peine – ce qui n’est pas, je pense, votre souhait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 965, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 1607 de M. Stéphane Lenormand est défendu.
(L’amendement no 1607, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 938.
M. Aurélien Le Coq
Vous êtes nombreux à vous montrer friands d’exonérations de cotisations sociales, censées créer de l’emploi. Mais où sont les emplois créés par les dizaines de milliards consacrés jusqu’à présent à ces exonérations ? Il y a une dizaine d’années, certains arboraient des pin’s « 1 million d’emplois » : je n’en vois plus beaucoup dans cet hémicycle ! (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
M. Philippe Ballard
Les pin’s sont interdits dans l’hémicycle !
M. Hervé Berville
Ce n’est pas nous, vous ne regardez pas au bon endroit !
M. Aurélien Le Coq
C’était l’époque du CICE, qui coûtait 20 milliards d’euros par an et n’a même pas créé 100 000 emplois – fiasco Hollande qui allait devenir la gabegie Macron-Darmanin, pour un coût de 26 milliards d’euros par an ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) De ces 26 milliards ne sortent aucun emploi, comme l’a montré l’Institut des politiques publiques dans son rapport de septembre 2022. Or ils représentent plus de trois fois ce que vous prélevez sur les retraités ou sur les malades qui voient leurs soins déremboursés. Je le répète, vous ne créez aucun emploi, comme M. Darmanin l’a reconnu tout à l’heure. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Cet argent que vous refusez de demander aux patrons et aux grandes entreprises, vous entendez le prendre dans la poche des Français par le moyen de la TVA. Si vous voulez récupérer des cotisations sociales, votez cet amendement pour abroger l’entrée dans le droit commun du CICE ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hervé Berville
C’est laborieux !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
L’adoption de l’amendement de M. Le Coq supprimerait brutalement le « bandeau maladie » et restreindrait le champ d’application de la réduction générale des cotisations ; le coût du travail s’en trouverait soudainement augmenté de 30 milliards d’euros.
M. Aurélien Le Coq
Cela financera les retraites !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Je ne crois pas que c’est ce que nous souhaitons faire. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Votre amendement, monsieur Le Coq, vise à abroger une loi de financement de la sécurité sociale qui date de 2017.
M. Aurélien Le Coq
Tout à fait !
M. Pierre Cordier
Le ministre comprend vite !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Au-delà du caractère anachronique d’un tel dispositif, vous avez probablement mélangé les époques : vous évoquez le pin’s « 1 million d’emplois », qui a été lancé bien avant 2017. (M. François Hollande fait un signe d’acquiescement.) Or, après 2017, nous avons créé 2,5 millions d’emplois – sans avoir besoin de pin’s pour cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Merci à M. Le Coq d’avoir quelque peu réveillé l’hémicycle.
Mme Danièle Obono
C’est vous qui dormiez !
M. Charles Sitzenstuhl
Je répondrai toutefois beaucoup plus calmement. La différence entre la période où la gauche était aux responsabilités et celle où nous l’avons été,…
Mme Sophia Chikirou
Macron était au gouvernement pendant la première période !
M. Charles Sitzenstuhl
…c’est que lorsque la gauche était aux responsabilités, le chômage a augmenté, alors que durant les sept années où nous l’avons été, le chômage a baissé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
En équivalent temps plein, le taux de chômage s’élève à 15 % !
M. Charles Sitzenstuhl
Vous voulez des chiffres ? Le taux de chômage s’élevait à 10 % en 2017, il oscille aujourd’hui autour de 7 %. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Des milliers de Français ont retrouvé un emploi grâce à la politique économique menée par Emmanuel Macron et Bruno Le Maire. Quand la gauche était aux responsabilités, la France était le pays le plus ringard d’Europe sur le plan économique ; avec nous, la France a été le pays le plus attractif d’Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Quand la gauche est aux responsabilités, les usines ferment dans notre pays ; avec nous, les usines rouvrent ! Voilà la différence entre votre politique économique et la nôtre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Je sais que la vérité est souvent douloureuse à entendre, mais ne vous énervez pas de cette manière ! En réalité, vous avez poursuivi la même politique et obtenu les mêmes résultats – vous êtes seulement plus doués en dissimulation et en maquillage. Votre politique n’a pas créé davantage d’emplois ; certes, on compte 6 millions de chômeurs, mais aussi 1 million d’apprentis, 700 000 travailleurs ubérisés, 2 millions de travailleurs pauvres, 1,3 million de travailleurs en sous-emploi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Vous n’avez pas réindustrialisé le pays : cette année, trente-sept usines ont fermé et seulement vingt-trois ont ouvert, c’est un fiasco complet ! Si nous voulons une sécurité sociale capable de s’occuper à la fois des anciens, des malades et de celles et ceux qui subissent les accidents de la vie, il faut cesser de faire des cadeaux aux plus grandes entreprises et partager la richesse pour qu’elle revienne à celles et ceux qui l’ont produite – il faut, monsieur le ministre, rétablir les cotisations sociales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
(L’amendement no 938 n’est pas adopté.)
M. Hervé Berville
Et voilà !
Un député du groupe RN
Le PS a aussi voté contre !
M. le président
L’amendement no 978 de Mme Zahia Hamdane est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
L’amendement vise à supprimer la prime de partage de la valeur. Or près de 6 millions de Français sont concernés, pour 885 euros en moyenne, ce qui constitue un complément de revenu qui n’a certes rien d’extraordinaire, mais qui demeure intéressant et peut permettre d’améliorer le quotidien. En 2023, 5,3 milliards d’euros ont été versés à ce titre par les entreprises. Prenons garde à ne pas précariser les 30 % de salariés qui en bénéficient. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Ian Boucard.
M. Pierre Cordier
Le successeur de Jean-Pierre Chevènement !
M. Ian Boucard
Le Nouveau Front populaire tente à présent de taxer la prime de partage de la valeur, après avoir essayé de faire les poches des entreprises et de tous les Français. Vous expliquez à longueur de journée qu’il faut taxer le grand capital et les plus riches de notre pays – mais pensez-vous que ceux qui touchent la prime de partage de la valeur font partie des plus riches ?
Une députée du groupe EPR
Bien sûr qu’ils le pensent !
M. Ian Boucard
Pensez-vous que les milliardaires se versent à eux-mêmes une telle prime, défiscalisée jusqu’à 3 500 euros ? Ceux que vous voulez taxer, ce sont les ouvriers de nos circonscriptions, éventuellement nos collaborateurs, ou les femmes de ménage ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous prétendez défendre les classes populaires, mais vous essayez en permanence de leur faire les poches ! Votre projet politique, c’est de faire de la France le Venezuela ! Vous pourriez reconnaître que la majorité précédente – et Dieu sait que j’en ai rarement été le défenseur – a fait au moins une bonne chose en faveur du pouvoir d’achat, à savoir cette prime de partage de la valeur. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
Ils ont fait quelque chose de bien ? Allez-vous-en, disparaissez du paysage politique !
M. Ian Boucard
Le gouvernement socialiste qui l’avait précédé avait aussi fait une bonne chose en faveur du pouvoir d’achat – et je regarde le président Hollande –, c’était la prime d’activité. Certains dispositifs sont instaurés, les braves gens en profitent et hop, il faudrait leur faire les poches et les taxer ! En réalité, votre projet politique est complètement délirant…
Une députée du groupe LFI-NFP
C’est vous qui êtes délirant !
M. Ian Boucard
…et consiste à replonger dans la pauvreté les gens que vous prétendez défendre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes DR et EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Danièle Obono.
M. Pierre Cordier
Le Venezuela vient de déclarer la guerre à Ian Boucard !
Mme Danièle Obono
C’est le moment de rappeler que si nous devons défaire ce que vous avez fait, c’est parce que votre bilan est catastrophique. Quand j’en entends certains se féliciter, je me demande pourquoi ils se sont fait si sèchement battre aux élections législatives !
M. Hervé Berville
On est encore là !
Mme Danièle Obono
Nous sommes obligés de réparer tout ce que vous avez cassé. (Mme Marie Lebec s’exclame.) Vous feriez mieux de vous calmer, car vous n’avez aucune raison d’être fiers de quoi que ce soit ! Dans notre pays, qui est la septième puissance économique mondiale, le nombre de personnes bénéficiant de l’aide alimentaire a été multiplié par trois en dix ans ; dans ces files, qui s’allongent de mois en mois et d’année en année, se trouvent des travailleurs et des travailleuses appauvris par vos politiques. Aucun d’entre eux, collègue Boucard, ne bénéficie de votre prétendue prime de partage de la valeur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et EPR.) Ces femmes de ménage à qui vous refusez l’augmentation du Smic subissent, comme des millions de gens dans notre pays, les conséquences de votre politique de précarisation et de surexploitation. Excusez-nous de devoir réparer les dégâts que vous avez causés, mais nous sommes fiers de considérer les cotisations comme du salaire – les réinstaurer, c’est redonner du pouvoir aux travailleurs et aux travailleuses ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
(L’amendement no 978 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 77 de M. Jérôme Guedj est défendu.
(L’amendement no 77, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 1340.
Mme Sophia Chikirou
Il vise à subordonner l’exonération de cotisations dont bénéficie la prime de partage de la valeur à l’absence de filiale dans les paradis fiscaux. Nous voulons mettre fin au gaspillage et aux exonérations fiscales sans contrepartie, en proposant une règle simple : pas un euro d’argent public ne doit aller aux entreprises qui ne payent pas dûment leur impôt en France. Je pense à…
M. Ian Boucard
La France insoumise ?
Mme Sophia Chikirou
…la fraude massive de McDonald’s, pour un montant de 737 millions d’euros ; au circuit d’évasion fiscale de General Electric, qui a privé le fisc français de 800 millions d’euros ; à McKinsey, avec malheureusement la complaisance de l’État. (M. Jean-René Cazeneuve s’exclame.)
Le gouvernement espagnol a promulgué en 2021 une loi destinée à lutter contre la fraude et l’optimisation fiscale, qui tend à réserver les aides aux seules entreprises n’ayant pas de filiale dans un paradis fiscal : et ce dispositif, figurez-vous qu’il fonctionne ! Nous vous proposons donc également, par ces amendements, de mettre un terme à cette pratique d’entreprises – notamment étrangères – consistant à prendre de l’argent public et à organiser, grâce à leurs filiales, leur évasion dans un paradis fiscal. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
Elle a raison !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Défavorable également.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cet amendement me donne l’occasion de souligner que les services fiscaux font un formidable travail de lutte contre la fraude fiscale (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR), avec une saisie record de plus de 15 milliards d’euros en 2023.
En revanche, pénaliser les bénéficiaires de la PPV serait inefficace, démagogique et dommageable à tous ceux qui en bénéficient.
M. le président
La parole est à M. Kévin Mauvieux.
M. Kévin Mauvieux
J’arrive de la commission des finances, car j’ai eu vent de ce qui se passait dans l’hémicycle. La gauche m’exaspère au plus haut point.
M. Ian Boucard
C’est normal !
M. René Pilato
Nous sommes ravis de cet honneur !
M. Kévin Mauvieux
Toutes vos attaques sur les primes versées aux salariés commencent à m’exaspérer sérieusement. Les primes ne sont certes pas une panacée et ne sont pas du salaire. Mais je pense à mes anciennes collègues de Carrefour, où j’ai travaillé pour payer mes études, qui payaient leurs vacances avec les primes de participation et d’intéressement qu’elles touchaient, notamment au printemps. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je pense à celles qui ont des petits contrats et qui parviennent à arrondir leurs fins de mois grâce à ces primes, sans lesquelles elles ne s’en sortiraient pas.
M. Raphaël Arnault
Vous avez voté contre l’augmentation du Smic !
M. Kévin Mauvieux
On peut comprendre que vous vous en preniez à M. Alexandre Bompard ou au groupe Carrefour, qui réalise de très gros profits. Mais arrêtez de taper sur les travailleurs et de vous en prendre à la France qui se lève tôt !
M. René Pilato
Arrêtez de faire semblant ! Les travailleurs savent !
M. Raphaël Arnault
C’est une imposture !
M. Kévin Mauvieux
La France qui bosse, qui produit nos richesses, qui est courageuse, cette France-là a besoin qu’on la soutienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. Raphaël Arnault
Augmentez les salaires, alors !
M. Kévin Mauvieux
Allez chercher l’argent ailleurs, sans recourir à des solutions de facilité – mais comme les trois quarts d’entre vous n’ont jamais travaillé, cette question des primes vous échappe de beaucoup ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Ségolène Amiot
Nous vous avons proposé beaucoup de choses, mais vous ne les votez pas !
M. le président
La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono
Il faut entendre ce genre de leçons, de la part d’un groupe qui a voté contre l’augmentation du Smic, qui a empêché qu’on aille chercher l’argent des grands héritiers et des super-riches en se faisant la béquille des macronistes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ce n’était pas la peine de revenir en séance pour nous dire cela !
Un député
C’est la démocratie, Obono !
M. Julien Guibert
Vous, vous taxez tout !
Mme Danièle Obono
Il est particulièrement grave, monsieur Saint-Martin, d’entendre un ministre de la République expliquer qu’il n’est pas opportun de voter la conditionnalité des aides aux entreprises pour éviter qu’elles n’utilisent vos dispositifs à des fins d’évasion fiscale. C’est d’autant plus grave qu’en saluant le travail des agents des services fiscaux, vous omettez de dire qu’ils se mobilisent en permanence contre les recrutements insuffisants et contre les suppressions de postes qui les empêchent de mener leurs missions à bien.
Quand on mène une politique de stigmatisation des fonctionnaires et de suppression de leurs postes, on n’est pas en position de jouer les héros. (Protestations sur les bancs du groupe EPR.) Si vous voulez pouvoir les saluer, recrutez des fonctionnaires et donnez leur les moyens de traquer l’évasion fiscale ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hervé Berville
Elle mélange tout !
(L’amendement no 1340 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir l’amendement no 646.
M. Jérôme Guedj
Cet amendement de repli vise à abaisser à 6 000 euros le plafond d’exemption de cotisations sociales dont bénéficie la PPV. Le rapporteur général nous a indiqué tout à l’heure que le montant moyen de la PPV était de 885 euros. Nous avions un amendement similaire sur la participation et l’intéressement, dont le montant moyen s’élève à 1 780 euros. Ces seuils – que nous n’avons pas inventés, puisqu’ils sont tirés du rapport de la Cour des comptes de mai 2024 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale – nous permettraient donc de dégager des ressources sans pénaliser, contrairement à ce qu’on nous a opposé tout à l’heure, les classes moyennes et populaires.
À quel moment, monsieur le ministre, sera-t-il possible – et c’est le sens de la conférence de financement des retraites – de dégager des ressources supplémentaires pour la sécurité sociale ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
À l’article 6 !
M. Jérôme Guedj
Vous pourriez ainsi faire œuvre utile, plutôt que de voir vos propres positions repoussées.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Votre amendement de repli ne change rien au fond. 885 divisés par 12 font 88 : enlever 88 euros par mois, c’est risquer d’allonger les files d’attente aux Restos du cœur.
M. Pierre Cordier
Il ne sait pas compter : 885 divisés par 12 ne font pas 88 !
M. Jérôme Guedj
Mais on n’enlève pas : on soumet à cotisations !
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Ce dispositif vient d’être adopté dans le cadre d’un accord national interprofessionnel : les premières primes ne seront versées qu’en 2026, et vous voudriez déjà les plafonner.
Il est prématuré de modifier cet outil. Attendons de voir comment les petites et moyennes entreprises, en particulier, se l’approprient. Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
La gauche prétend taxer les gros quand, en réalité, elle taxe les petits – et en voulant faire mourir les gros, on va faire mourir les petits.
Mais quelle hypocrisie que celle du Rassemblement national, qui est aujourd’hui converti à la prime de partage de la valeur ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Car cette prime a un autre nom : c’est la prime Macron, que vous n’avez pas votée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. Romain Tonussi
Nous l’avons votée, en juillet 2022 !
M. Hervé Berville
Tartuffes !
M. Mathieu Lefèvre
Convertis bien récemment à la politique de l’offre, vous portez aux nues le prélèvement forfaitaire unique (PFU) que vous vomissiez il y a quelques mois encore. Bientôt, Marine Le Pen se repentira de ne pas avoir voté la suppression de la taxe d’habitation en 2017 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
(L’amendement no 646 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Karl Olive, pour soutenir l’amendement no 164.
M. Karl Olive
Je vous propose, avec notre collègue socialiste Claudia Rouaux, un amendement demandant un rapport qui s’inscrit dans la continuité de celui de la mission flash que nous avons conduite sur le sport au travail, publié en avril 2024.
En 2020, le législateur a introduit dans le PLFSS une mesure pionnière visant à encourager le sport au travail, au moyen d’une exonération de cotisations sociales pour les entreprises qui mettent à disposition de leurs salariés des équipements sportifs ou financent des activités sportives à leur intention. Mais aucun bilan de l’efficacité de cette mesure n’a été publié depuis lors, si bien que nous ne disposons d’aucun élément pour mesurer l’engagement des entreprises sur ce sujet crucial.
Le sport en entreprise, c’est un contrat où chacun est gagnant : les entreprises, les salariés et les finances publiques. Notre rapport rappelle que la sédentarité coûte entre 1 et 2 milliards par an à la sécurité sociale. Je vous invite donc à adopter cet amendement, afin que nous puissions approfondir la question, et ajuster si nécessaire les exonérations destinées à soutenir les entreprises qui font le choix du sport au travail. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
On ne peut qu’être favorable à cette démarche, et je salue votre travail de parlementaire. Mais, comme nous l’avions dit en commission, il me semble plus opportun de faire figurer cette demande à l’agenda du Printemps social de l’évaluation ou dans une des missions de la Mecss. Lors de la prochaine réunion du bureau de la commission des affaires sociales, nous veillerons à ce que ce sujet soit évoqué avec les deux coprésidents de la Mecss. Je vous demande donc de retirer cet amendement, sans quoi j’y donnerai un avis défavorable.
M. Pierre Cordier
Très bien, quel esprit de conciliation !
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Kévin Mauvieux.
M. Kévin Mauvieux
M. Lefèvre ment – ce qui, tout compte fait, ne me surprend pas. C’est dommage qu’il ne soit plus là.
Nous avions voté la prime de partage de la valeur – je m’en souviens d’autant plus que c’est la première loi que j’ai votée, en juillet 2022. Nous l’avons votée parce que nous considérions que si on peut donner un peu de pouvoir d’achat à quelqu’un qui se lève tôt et qui bosse, il faut le faire, même si ce n’est pas avec le meilleur des moyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Mais ça n’a rien à voir avec l’amendement !
M. Kévin Mauvieux
Notre objectif est de récompenser le travail par le salaire, afin de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Nous voulons augmenter de 10 % les salaires, au moyen d’une suppression des charges patronales sur ces 10 %.
M. Raphaël Arnault
Les cotisations, c’est aussi du salaire !
M. Kévin Mauvieux
Nous ne voulons pas augmenter le Smic, car il faut éviter que les entreprises coulent ou que l’ensemble des travailleurs se retrouvent au Smic. La prime de partage de la valeur a permis de rendre à certains – pas à tous – quelques euros, toujours bons à prendre. Quand je travaillais chez Carrefour, une petite prime pouvait permettre de payer un loyer étudiant. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Anaïs Belouassa-Cherifi
Écrivez donc vos mémoires !
M. le président
La parole est à Mme Aurélie Trouvé.
Mme Aurélie Trouvé
Nous sommes d’accord avec vous : il faut encourager la pratique sportive – mais pas en vidant, encore une fois, les caisses de la sécurité sociale. (M. Hadrien Clouet applaudit.)
Je déplore un certain nombre de mesures prises par les gouvernements précédents. Nous avons publié ce midi le rapport de la commission d’enquête populaire – que j’espère voir devenir parlementaire – sur les implications des Jeux olympiques de Paris 2024, et notamment sur leur héritage sportif. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hervé Berville
D’une bonne nouvelle, vous faites une mauvaise !
Mme Aurélie Trouvé
Nous regrettons, par exemple, la suppression de centaines de postes de professeurs d’éducation physique et sportive dans les écoles publiques, ou encore l’absence d’un grand plan d’investissement dans les équipements sportifs. En Seine-Saint-Denis, nous avons quatre fois moins d’équipements sportifs rapportés au nombre d’habitants qu’ailleurs en France. Les moyens ne sont toujours pas là, pour un département qui a pourtant accueilli l’essentiel des épreuves olympiques.
Il faut donc encourager la pratique sportive, mais sans vider les caisses de ceux qui contribuent à la santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Karl Olive.
M. Karl Olive
La démarche du sport en collectivité ou en entreprise permet non seulement d’améliorer les conditions de travail, mais aussi de réduire la facture de la sécurité sociale. En 2014, à Poissy – 1 000 agents – il y a eu en moyenne vingt jours d’absence par agent, soit vingt mille jours d’absence pour un coût de 2 millions d’euros, dont 500 000 directement imputables sur le budget de fonctionnement. Sept ans après, ce ne sont plus que quinze jours d’absence par an et par agent : on a, de cette manière, économisé 1 million d’euros en sept ans, dont 500 000 pour la sécurité sociale. Je maintiens mon amendement.
M. Manuel Bompard
Il y a du sport à l’Assemblée, quand vous n’êtes pas là !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 164.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 181
Nombre de suffrages exprimés 122
Majorité absolue 62
Pour l’adoption 83
Contre 39
(L’amendement no 164 est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 979 et 981, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. Hadrien Clouet, pour les soutenir.
M. Hadrien Clouet
Nous pourrons probablement être d’accord sur un constat : pour certains hauts salaires, les cotisations sociales sont bien plus faibles que pour les petits salaires. N’est-ce pas répréhensible ? Ainsi, la cotisation à l’assurance vieillesse est d’environ 7 % du salaire brut jusqu’à 3 900 euros mensuels, mais elle n’est que de 0,4 % sur la totalité du salaire.
À l’heure où on parle beaucoup d’efforts – apparemment, pas pour tout le monde –, ces amendements proposent de lisser l’effort et de prévoir une cotisation spécifique sur les plus hauts salaires.
L’amendement no 981 est une version très modérée,…
M. Fabien Di Filippo
Ah, on parle de moi ?
M. Hadrien Clouet
…sociale-démocrate et raisonnable.
M. Fabien Di Filippo
Ah non, ce n’est pas moi ! (Sourires.)
M. Hadrien Clouet
Il s’agit de créer une cotisation spécifique portant sur les revenus qui dépassent 10 000 euros par mois. Comme vous le voyez, cela concerne assez peu de monde ! Au cas où vous le trouveriez excessif, vous ne refuserez pas l’amendement no 979, qui limite cette cotisation aux revenus supérieurs à 20 000 euros par mois.
Demander un léger effort à ceux qui gagnent des salaires supérieurs à une dizaine de milliers d’euros par mois ne me semble pas excessif. C’est même nécessaire alors que vous venez de dilapider 5 milliards d’euros il y a quelques minutes. Heureusement, nous en avons remis 10 dans la caisse peu après ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Continuons sur la voie de l’effort partagé : collègues, soyons constructifs ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – M. Benjamin Lucas-Lundy applaudit également.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Défavorable.
M. Hadrien Clouet
Tout de même, camarade ministre !
M. le président
La parole est à M. Manuel Bompard.
M. Manuel Bompard
Les avis du rapporteur général et de la ministre sont bien succincts alors qu’il s’agit d’une mesure de justice sociale : une cotisation spécifique sur les plus hauts revenus. Il me semblait que l’exercice visait à faire des économies, et donc à faire rentrer de nouvelles ressources dans les caisses de la sécurité sociale. Mais à chaque fois que nous vous en proposons, vous dites non sans prendre la peine d’argumenter.
Une fois que vous aurez écarté toutes nos propositions, vous vous tournerez vers les Françaises et les Français. Vous irez voir les fonctionnaires en leur expliquant que leurs absences coûtent trop cher…
M. Fabien Di Filippo
Ben oui !
M. Manuel Bompard
…et dire aux retraités que leurs retraites coûtent trop cher.
À La France insoumise, plutôt que les fonctionnaires ou les retraités, nous préférons mettre les plus hauts revenus à contribution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Fabien Di Filippo
On a l’impression qu’ils ont volé leur argent !
M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Votre explication est simpliste, voire absurde. Vous oubliez qu’il existe plusieurs caisses, plusieurs systèmes, ainsi qu’un plafonnement. Tout le monde cotise au régime général, mais quand on gagne plus de 10 000 euros, on cotise également à un autre régime. Vous ne comprenez pas !
Mme Sophia Chikirou
Vous allez nous apprendre !
M. Frédéric Petit
Nous avions proposé un système à points – le seul à même de garantir une réelle égalité –…
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Non !
M. Frédéric Petit
…et un relèvement du plafond de cotisation. Vous l’avez refusé en 2019, et encore ensuite ! (Mme Danièle Obono s’exclame.)
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
M. Hadrien Clouet
Merci, camarade ministre !
M. Manuel Bompard
Merci, madame la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Nous avons déjà débattu du coût du travail dans notre pays. L’augmentation des cotisations sociales pèse, in fine, sur les entreprises et les actifs.
En outre, le Conseil constitutionnel estime qu’une cotisation n’est pas un impôt et que toute nouvelle cotisation – comme celle que vous proposez de créer – doit s’accompagner de la création de nouveaux droits spécifiques pour les personnes concernées. Est-ce l’objet de vos amendements ? Les personnes dont les revenus excèdent deux fois et demie, ou cinq fois, le plafond annuel de la sécurité sociale (Pass) bénéficieront-elles de droits supplémentaires ? Je n’en suis pas certaine. Je confirme donc mon avis défavorable.
(Les amendements nos 979 et 981, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Mickaël Cosson, pour soutenir les amendements nos 1674 et 1675, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Mickaël Cosson
Ces amendements de mon collègue Vincent Thiébaut visent à accompagner et encourager les entreprises à verdir leur flotte de véhicules. L’amendement no 1674 consiste à sortir du calcul de l’avantage en nature les dépenses engagées par l’employeur pour permettre la recharge d’un véhicule hybride. En outre, il octroie un abattement de 50 % au salarié pour le calcul de son avantage en nature, dans la limite de 1 800 euros par an.
L’amendement no 1675 prévoit un dispositif similaire, mais pour les véhicules électriques.
Il s’agit, je le répète, d’inciter les entreprises à verdir leur flotte, tout en prenant en compte les contraintes des salariés, notamment le fait qu’ils ne peuvent pas toujours charger leur véhicule à leur domicile – qu’ils soient en logement collectif ou aient du mal à acquérir une borne.
M. Richard Ramos
Excellent !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Monsieur Bompard, si je ne reprends pas la parole sur chacun des amendements, c’est pour essayer d’arriver à la partie dépenses du PLFSS – ce serait préjudiciable, pour nous tous, si nous ne les évoquions pas.
M. Jérôme Guedj
Vous allez voter les recettes, alors ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Monsieur Cosson, nous sommes tous favorables à la transition écologique et à l’utilisation de véhicules électriques dans les entreprises. Mais il existe déjà des dispositifs – prime à la conversion et bonus écologique. En outre, le déficit de cotisations s’élève déjà à 80 milliards et les débats ont été houleux sur l’article 6 pour en récupérer 4. Ces sujets sont donc loin de faire l’unanimité. Il est préférable d’éviter de créer de nouvelles exonérations. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il s’agit d’une disposition d’ordre réglementaire, et donc probablement davantage d’amendements d’appel. Le rapporteur général a raison, l’ambition du Gouvernement concernant le verdissement des flottes demeure. S’il y a eu des propositions de recentrage des dispositifs d’accompagnement, notamment du bonus, ils sont bien maintenus en 2025. Avis défavorable.
M. le président
Maintenez-vous les amendements, monsieur Cosson ?
M. Mickaël Cosson
Oui, car je n’en suis pas l’auteur.
(L’amendement no 1674 est adopté.)
(L’amendement no 1675 n’est pas adopté.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinq.)
M. le président
La séance est reprise.
Article 7
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Comme plusieurs autres dispositions du PLF et du PLFSS, l’article 7 concerne l’apprentissage, auquel nous sommes très attachés. Nous avons toujours cherché à le développer quand nous étions au pouvoir, et nous y consacrons des moyens dans les régions que nous dirigeons car c’est un vecteur d’emploi pour les jeunes, un levier pour faciliter l’insertion professionnelle et faire découvrir des métiers. Je rends hommage à toutes les entreprises qui, en formant des apprentis et en s’impliquant auprès de nos jeunes, participent à l’amélioration du taux d’activité de ces derniers.
Le système n’est toutefois pas exempt d’effets de seuil, générateurs d’injustices. Ainsi, certains apprentis en troisième année perçoivent un revenu net plus important que des salariés en début de carrière. De tels effets de bord doivent être corrigés.
Nous nous préoccupons aussi des artisans et des TPE qui bénéficient d’une aide à l’embauche de 6 000 euros. Nous proposons de rendre le système dégressif, avec une aide de 6 000 euros pour le premier apprenti, de 4 500 pour le deuxième et de 3 000 pour le troisième. Nous souhaitons ainsi préserver le réseau des artisans qui s’impliquent dans l’apprentissage.
Le dernier enjeu, c’est celui des jeunes entreprises universitaires (JEU), formidables aventures qui suscitent des vocations et renforcent l’esprit entrepreneurial. Nous devons ajuster les mesures proposées afin de les protéger, tout comme nous devons protéger les artisans et les entreprises qui participent à la formation de nos jeunes.
M. le président
La parole est à M. Hendrik Davi.
M. Hendrik Davi
L’article 7 comprend trois mesures distinctes. Deux mesures visent à réduire les exonérations de cotisations patronales dans le secteur maritime et pour les jeunes entreprises innovantes (JEI). Nous y sommes favorables, car elles reviennent sur des exonérations qui ne sont pas légitimes. Néanmoins, vous proposez aussi de faire contribuer les apprentis à la CSG dès lors qu’ils touchent plus de 50 % du Smic, soit 700 euros par mois. Contrairement à M. Bazin, je ne suis pas favorable au grand virage vers l’apprentissage : ce n’est pas la solution miracle pour l’insertion professionnelle.
M. Thibault Bazin
La gauche est contre l’apprentissage, c’est quand même terrible !
M. Hendrik Davi
Nous pourrons avoir ce débat – très intéressant – si l’article n’est pas supprimé.
Cet article pose un problème, car il prévoit que les apprentis contribueront à la CSG. Pour un apprenti rémunéré à 79 % du Smic, soit 1 395 euros brut, la perte s’élèvera à 49 euros par mois, tandis que la précarité étudiante explose et que le coût de la vie étudiante continue d’augmenter – il a progressé de 6,5 % en 2023 et de 2,25 % en 2024. Pas moins de 65 % des étudiants déclarent avoir recours régulièrement ou fréquemment à l’aide alimentaire. Par conséquent, cette mesure appauvrira encore un peu plus les étudiants en alternance, qui sont souvent des travailleurs très précaires. Le groupe Écologiste et social n’est pas favorable à cette mesure, d’autant moins que de nombreuses autres exonérations peuvent être réduites – nous en avons débattu à l’article précédent.
Nous voterons donc pour les amendements de suppression des alinéas 1 à 5, dont l’objectif est de supprimer la mesure concernant les apprentis, mais nous ne sommes pas favorables à la suppression du reste de l’article. (M. Damien Girard applaudit.)
M. Pierre Cordier
C’est compliqué, tout ça !
M. le président
La parole est à Mme Louise Morel.
Mme Louise Morel
Au sein du groupe Les Démocrates, nous considérons avec quelque inquiétude les amendements de suppression ; nous craignons d’être à nouveau privés de débat.
L’article 7 est un article essentiel de ce projet de loi, car il concerne la jeunesse. Il évoque d’abord l’apprentissage, une politique dont nous sommes très fiers. Grâce à la réforme de 2018, nous avons passé cette année le cap symbolique du million d’apprentis (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem) – ils étaient 480 000 en 2019. Nous avons soutenu cette politique et souhaitons continuer à le faire, et surtout à en débattre. Ne cassons pas cette spirale vertueuse.
Cet article aborde aussi la jeunesse qui entreprend, celle qui prend des risques, qui soutient la croissance et façonne l’avenir – les jeunes entreprises innovantes et les jeunes entreprises de croissance. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Dem.) Députés du groupe Les Démocrates, nous nous tenons à leurs côtés : nous soutenons des amendements afin de préserver leur statut, qui les exonère de cotisations patronales s’agissant du personnel affecté à la recherche et au développement. Nous avons gagné ce combat en commission et souhaitons le poursuivre ici. Nous espérons obtenir le soutien de nombreux collègues sur tous les bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Stéphanie Rist applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Gaëtan Dussausaye.
M. Gaëtan Dussausaye
« Nous voulons […] continuer de soutenir l’apprentissage, mais en évitant les effets d’aubaine », a annoncé Michel Barnier, le Premier ministre, lors de son discours de politique générale ; cette déclaration fait consensus au sein de la majorité des partis politiques.
Malheureusement, ce n’est pas ce que propose le Gouvernement dans cet article. En proposant de réduire les exonérations de cotisations sociales pour les apprentis, il fait de la France du travail une variable d’ajustement et la réponse à ses propres erreurs, aux errances économiques et budgétaires du gouvernement macroniste précédent et de la politique menée par le Président de la République depuis sept ans. Cette mesure engendrera une augmentation du coût du travail, portera atteinte au pouvoir d’achat des apprentis et risque de diminuer l’attractivité et le succès de l’apprentissage dans notre pays.
Un apprenti n’est pas un travailleur comme les autres. La vocation première de l’apprentissage n’est pas la production immédiate de richesses ; c’est d’abord un temps de pédagogie, un temps pour se familiariser avec le monde du travail, pour apprendre un métier, acquérir des savoir-faire et atteindre l’excellence. L’industrie a besoin d’apprentis – nous en avons donc besoin pour réindustrialiser le pays, pour recréer de la croissance et des richesses et pour faire de notre nation une grande nation productrice. Mais quel apprentissage soutenons-nous ? Voulons-nous déverser des milliards d’euros pour former des consultants en apprentissage chez McKinsey ? Je ne suis pas certain que ce soit dans l’intérêt de la France. Il faut plutôt mettre le paquet pour reconstituer une armée de soudeurs français qui pourront ensuite participer à la relance du nucléaire français.
L’apprentissage est attractif, mais nous pouvons le rendre plus efficace – ces débats nous permettront d’y réfléchir. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à Mme Danielle Brulebois.
Mme Danielle Brulebois
Assujettir la rémunération des apprentis à la CSG et à la CRDS nous semble une mauvaise idée, un mauvais signal à envoyer. La politique de l’apprentissage est certes assez coûteuse, mais elle fonctionne. Depuis 2018, c’est une véritable réussite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Il y a quelques années, la France comptait moins de 400 000 apprentis, quand l’Allemagne en comptait 1 million, grâce à une politique favorable à l’apprentissage. En 2024, nous avons rattrapé le retard puisqu’on dénombre plus de 850 000 apprentis.
L’apprentissage est une voie d’excellence pour les jeunes : ils sont 75 % à trouver un emploi en CDI à l’issue de leur formation. Depuis que nous avons réformé l’apprentissage en 2018, le chômage des jeunes a baissé de 50 %. Je rends hommage à tous les tuteurs et maîtres d’apprentissage qui transmettent des savoir-faire d’excellence. Nous avons fait beaucoup pour les apprentis – je pense à l’aide à la mobilité et à l’aide de 500 euros pour financer le permis de conduire. Nous avons besoin de l’apprentissage et il faut tout faire pour le soutenir et le maintenir ; c’est une voie de réussite pour nos jeunes, un ascenseur social qui marche. Qui reprendra les entreprises dans les territoires ruraux si ce n’est les apprentis ? Personne ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
L’article 7 est l’arbre qui cache la CSG ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Il prévoit certes de raboter quelques niches – c’est une bonne chose. Mais derrière ces coups de rabot se cache une tentative d’extorsion généralisée des apprentis de ce pays. Vous voulez faire payer aux apprentis un impôt dont ils sont pour l’instant exonérés – la CSG et la CRDS. Un apprenti de 19 ans en troisième année, payé un peu moins de 1 200 euros (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR)… Écoutez mes explications, car vous n’avez manifestement pas lu l’article. Cet étudiant devra payer un impôt de 50 euros. Pourquoi ? Parce que vous avez consenti des chèques excessifs au bénéfice des employeurs – vous le reconnaissez, c’est dans l’article. Vous inventez donc un dispositif absurde, qui oblige les salariés à rémunérer les employeurs parce que vous avez fait trop de cadeaux à ces derniers. Cela n’a aucun sens !
Non seulement cela ne tient pas la route financièrement, mais vous ne vous attaquez à aucun des problèmes importants. Chaque année, 15 000 apprentis sont victimes d’accidents du travail. Que proposez-vous ? Rien. Un quart des contrats sont rompus dans les premiers mois. Que proposez-vous ? Rien. La moitié des employeurs n’encadrent pas les jeunes en formation. Que proposez-vous ? Rien.
Votre conception de l’apprentissage, c’est d’utiliser les jeunes pour pourvoir des postes de travail, parfois même pour qu’ils exercent d’autres emplois. Il est bon que 50 % des employeurs fassent le boulot et ils doivent être accompagnés ; mais il n’est pas normal que l’autre moitié conserve le bénéfice de vos cadeaux. Surtout, et nous ne l’accepterons jamais, il n’est pas normal que vous taxiez les apprentis pour rembourser leurs patrons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Danielle Simonet applaudit aussi.) Payer pour travailler, ce n’est plus du salariat mais de l’exploitation pure et dure ! Or c’est ce que vous instaurez avec cet article. Nous nous battrons donc pour la suppression des alinéas 1 à 7. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Sur les amendements nos 292 et identiques, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 292, 303, 555 et 576, visant à supprimer l’article 7.
La parole est à M. Pierre Cordier, pour soutenir l’amendement no 292.
M. Pierre Cordier
Les députés du groupe Droite républicaine défendent la formation professionnelle, en particulier l’apprentissage. Or l’application de l’article 7 entamerait directement le pouvoir d’achat des apprentis à travers leur rémunération – élément d’attractivité du dispositif qui permet à tous ces jeunes de poursuivre leurs études. Dans mon département des Ardennes, je connais de nombreux apprentis qui bénéficient de ces quelques revenus et il serait vraiment dommage de les en priver partiellement. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement no 303.
M. Jean-Pierre Vigier
Le financement de l’apprentissage, c’est l’investissement de la nation en faveur des jeunes. Or cet article vise à taxer plus fortement les apprentis. C’est inacceptable ! Vous le savez, l’apprentissage permet d’intégrer le monde du travail. Surtout, une fois la formation ou l’apprentissage terminé, on intègre directement l’entreprise, ce qui est une très bonne méthode. Alors ne cassons pas l’apprentissage : cela évite du chômage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. Gaëtan Dussausaye, pour soutenir l’amendement no 555.
M. Gaëtan Dussausaye
Nous l’avons déjà dit : l’article met tout le monde à la même enseigne, les apprentis comme les entreprises – quel que soit leur secteur d’activité, quelle que soit leur taille, quelle que soit l’importance de leur rôle dans la réindustrialisation, dans la reconstruction, dans le redressement économique nécessaires pour refaire du pays une grande nation qui produise de la richesse et rayonne à travers le monde.
Encore une fois, toutes les entreprises ne peuvent pas être logées à la même enseigne. En pénalisant les apprentis, vous allez pénaliser les entreprises et rendre l’apprentissage plus difficile et moins attrayant. L’apprentissage est une période de formation essentielle si nous voulons refaire de la France une grande nation économique et productrice. Malheureusement, le Gouvernement, par le biais de l’article 7, envoie aux acteurs économiques et à la jeunesse le message suivant : il n’est plus de leur côté. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Buchou, pour soutenir l’amendement no 576.
M. Stéphane Buchou
Nous souhaitons maintenir les aides à l’apprentissage, qui fonctionnent très correctement. J’en veux pour preuve le nombre d’apprentis formés et la baisse du taux de chômage rappelés par nombre de collègues. Ces dispositifs « gagnant-gagnant », vertueux quant à l’emploi de l’argent public et utilisés de manière efficace, sont plébiscités par les entreprises. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Je constate que l’apprentissage fait débat. Je rappelle toutefois que l’article 7 ne s’y limite pas, puisqu’il y est aussi question des entreprises maritimes et des jeunes entreprises innovantes.
M. Philippe Vigier
Absolument !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
La suppression de l’article entraînerait donc celle des dispositifs positifs concernant ces dernières.
En ce qui concerne l’apprentissage, nos travaux doivent tenir compte du projet de loi de finances. Si nous nous faisons tous une certaine idée de l’apprentissage, fût-ce pour des raisons différentes, nous n’en devons pas moins rester attentifs aux mesures concernant les entreprises. Si nous voulons des apprentis, les entreprises doivent pouvoir leur proposer des places !
Quelles primes accordées aux entreprises pour favoriser l’apprentissage seront réduites ? J’invite le Gouvernement à pratiquer une différenciation dans les aides aux entreprises : les plus grandes peuvent sans doute se contenter de primes moins élevées pour…
M. Pierre Cordier
Et les effets d’aubaine, monsieur le rapporteur général ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Laissez-moi finir, monsieur Cordier (Sourires) : vous me coupez la parole, et au bout de quatre-vingts heures de débat, cela peut être déstabilisant.
M. Pierre Cordier
Je vous prie de bien vouloir m’excuser.
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Je disais donc que la prime peut être rabotée pour les grandes entreprises, mais que les entreprises de proximité – PME, TPE, artisans, commerçants (M. Jean-Pierre Taite applaudit) –, elles, peuvent être affectées par une baisse des primes.
J’en viens à la réduction des exonérations de cotisations sociales et à l’assujettissement à la CSG et à la CRDS des rémunérations des apprentis au-delà de 50 % du SMIC. Sont concernés des apprentis en troisième année de contrat, qui gagnent autour de 1 400 euros, soit un niveau de rémunération qui n’est pas des plus élevés. Il faut tenir compte de la précarité étudiante et avoir une vision transversale – ne la limitons pas au PLFSS – qui prenne en considération les mesures sur la vie étudiante susceptibles d’être défendues par le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Pour toutes ces raisons, la poursuite de la discussion m’apparaît nécessaire pour éventuellement enrichir le texte. Les députés des différents bancs ont d’ailleurs manifesté en commission leur volonté que le Parlement joue son rôle. Mon avis sur ces amendements est donc plutôt défavorable.
M. Pierre Cordier
Le Gouvernement est-il prêt à améliorer le texte ?
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Merci, monsieur le rapporteur général, d’avoir présenté dans le détail les dispositions prévues à l’article – je n’y reviens donc pas. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements de suppression, ne serait-ce que pour continuer le débat,…
M. Thibault Bazin
C’est ce que j’ai dit.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…d’autant qu’il donnera un avis favorable à plusieurs amendements.
Il est ici question de trois dispositifs bien distincts : l’assujettissement à la CSG et à la CRDS des rémunérations des apprentis au-delà de 50 % du Smic, la fin de l’exonération de cotisations patronales pour une partie des entreprises d’armement maritime, et enfin la rationalisation du dispositif relatif aux JEI et aux jeunes entreprises de croissance (JEC).
La philosophie qui sous-tend l’effort de redressement des comptes de la nation doit aussi conduire à identifier les dispositifs qui ont bien marché. Or, à écouter les orateurs inscrits sur l’article et ceux qui viennent de défendre les amendements de suppression, j’entends que l’apprentissage est un succès. Il convient d’abord de nous en féliciter. Notre pays compte désormais près de 900 000 apprentis et nous devons continuer à encourager cette démarche. Cela a évidemment un coût pour les finances publiques, qu’il s’agisse de la prime accordée aux entreprises, de l’exonération de cotisations ou du non-assujettissement à la CSG et à la CRDS – encore une fois, il s’agit ici de la part de la rémunération excédant 50 % du SMIC.
Plusieurs d’entre vous ont souligné le rôle, la place des apprentis dans le monde du travail, et ont fait valoir qu’à partir d’un certain niveau de rémunération, pour des fonctions comparables, d’autres salaires, d’un niveau semblable, sont assujettis à la CSG et à la CRDS. Je vous propose par conséquent de discuter du niveau de participation sociale des apprentis – ce ne doit pas être un tabou – et vous demande pour cela de ne pas supprimer l’article. De même, quand de nombreuses aides publiques ont été mises en place pour stimuler les initiatives, et c’est vrai de l’apprentissage, il est de la responsabilité de l’État de savoir freiner cette dépense quand le dispositif a bien fonctionné. C’est le cas ici, le nombre d’apprentis étant tout à fait satisfaisant.
Je donnerai un avis favorable aux amendements de MM. Bazin et Viry, entre autres, concernant une sorte de clause du grand-père – même si l’expression ne convient guère pour des apprentis. La mesure relative à l’assujettissement à la CSG et à la CRDS ne concernerait que ceux qui signeraient un contrat à compter de 2025, et non les apprentis actuels. Pour ce qui est des JEI et des JEC, le Gouvernement défendra un amendement visant à revenir sur les avantages du statut en imposant de nouvelles exigences : l’entreprise devra consacrer au moins 20 % de ses dépenses à la recherche et au développement (R&D) au lieu de 15 %.
Seule la poursuite du débat nous permettra d’adapter au mieux le dispositif aux préoccupations que vous avez exprimées.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
À propos de l’article 7, le rapport évoque une « rationalisation des exonérations de cotisations sociales » alors qu’il s’agit en fait d’une baisse des aides. J’ai été plutôt convaincu par les arguments, que j’ai écoutés attentivement, de nos collègues du groupe DR et, au groupe EPR, de notre collègue Stéphane Buchou. À titre personnel, je voterai donc ces amendements de suppression.
Je partage quelque chose avec Hadrien Clouet : nous connaissons très bien tous les deux notre voisin allemand. Et vous savez que de l’autre côté du Rhin, l’apprentissage est un succès formidable – fruit d’une politique publique très ancienne et soutenue par les différents gouvernements, quel que soit leur bord. Pour notre part, nous avons fait en sorte, avec Emmanuel Macron, depuis sept ans, de booster l’apprentissage ; ce n’est donc pas le moment de changer de direction. (Mme Brigitte Klinkert applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Louis Boyard.
M. Louis Boyard
Mes chers collègues, ce que vous vous apprêtez à faire aux apprentis s’appelle du racket pur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Faire payer la CSG à des jeunes qui vivent avec un salaire compris entre 850 et 1200 euros par mois, souvent en dehors du domicile familial et en dessous du seuil de pauvreté, ça s’appelle du racket pur ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Vous avez vidé les caisses en faisant des cadeaux fiscaux, et tout en maintenant ces derniers, vous demandez aux jeunes de payer la CSG pour remplir les trous que vous avez faits ! Ça s’appelle du racket pur !
Quand il est question d’apprentissage, les jeunes aimeraient que l’on parle des 15 000 accidents du travail qui les touchent chaque année ou des 50 % d’apprentis qui ne bénéficient pas d’un suivi pédagogique ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Parce que ce n’est pas aux jeunes de payer, nous vous appelons à voter pour supprimer les alinéas 1 à 5 et pour maintenir tout ce qui fera contribuer les employeurs pour remplir les caisses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Cordier.
M. Pierre Cordier
Le ministre nous a fourni un certain nombre d’explications quant à sa philosophie et à sa vision des choses. Par conséquent, je retire l’amendement no 292.
M. Fabien Di Filippo
Pour que la discussion puisse avoir lieu !
(L’amendement no 292 est retiré.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 303, 555 et 576.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 246
Nombre de suffrages exprimés 195
Majorité absolue 98
Pour l’adoption 103
Contre 92
(Les amendements identiques nos 303, 555 et 576 sont adoptés. En conséquence, l’article 7 est supprimé.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Après l’article 7
M. le président
L’amendement no 764 de Mme Mélanie Thomin, portant article additionnel après l’article 7, est défendu.
(L’amendement no 764, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Pierre Cordier, pour soutenir l’amendement no 276.
M. Pierre Cordier
Les retraites françaises, personnelles ou de réversion, peuvent être perçues en vivant à l’étranger, sous réserve de fournir chaque année un certificat de vie. Celui-ci est établi en fonction des pays par un notaire, un maire – comme en Algérie – ou une autre autorité locale.
Dans certains pays, comme le Congo ou la Chine, ce certificat doit obligatoirement être établi par le consulat français.
Par souci de cohérence, et pour éviter les fraudes, cet amendement tend à ce que les certificats soient toujours délivrés par les consulats français,…
Mme Farida Amrani
Il n’y en a plus !
M. Pierre Cordier
…lesquels devront convoquer chaque année les bénéficiaires d’une pension de retraite versée par la France.
Mme Élisa Martin
Ils manquent de personnel !
M. Pierre Cordier
Par ailleurs, quand les retraités sont domiciliés fiscalement hors de France, leurs pensions ne sont pas soumises à la CSG, à la CRDS et à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie.
Cet amendement tend à supprimer cette exonération, afin qu’eux aussi participent à l’effort national de redressement des finances publiques.
M. Fabien Di Filippo
Voilà une mesure de bon sens !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Avis favorable.
M. Jean-Paul Lecoq
Ils vont être contents, les Français du Maroc !
M. le président
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Je découvre cet amendement.
Je rappelle que la France dispose de 52 caisses de retraite. Si je prends l’exemple de ma circonscription, vous proposez que les gens fassent cinq fois par an un trajet de quatre heures en voiture. Or nous avons créé un groupement d’intérêt public (GIP) pour regrouper toutes les caisses de retraite et résoudre ce problème.
Les certificats de vie délivrés par les mairies sont faits à l’aide d’un Cerfa français, ensuite traduit dans la langue locale. La modernisation que nous avons menée il y a trois ans satisfait tout le monde, y compris les caisses d’assurance.
L’exonération partielle des cotisations avait été tentée en 2012, mais nous avions dû les rembourser. Aujourd’hui, elle concerne seulement les retraités qui ne sont pas inscrits dans notre système de cotisation. Ils participent à la solidarité nationale en contribuant au volet solidarité – le RSA par exemple. On ne peut pas leur demander de cotiser à une caisse dont ils ne sont pas bénéficiaires.
La situation des retraités à l’étranger est devenue idéale depuis trois ans. Voter pour cet amendement serait donc une grave erreur.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 276.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 205
Nombre de suffrages exprimés 205
Majorité absolue 103
Pour l’adoption 122
Contre 83
(L’amendement no 276 est adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1363 de Mme Alma Dufour et 1558 de Mme Christine Arrighi, qui sont tous deux défendus.
(Les amendements identiques nos 1363 et 1558, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 1672 de M. Vincent Thiébaut est défendu.
(L’amendement no 1672, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Les amendements nos 325 et 326 de M. Christophe Plassard sont défendus.
(Les amendements nos 325 et 326, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Arnaud Simion, pour soutenir l’amendement no 48.
M. Arnaud Simion
Il vise à créer une contribution de 1 % assise sur les revenus de capitaux mobiliers pour contribuer au financement de la cinquième branche de la sécurité sociale, comme le préconisait le rapport de M. Laurent Vachey.
La création de la branche autonomie par la loi organique du 7 août 2020 n’a pas donné lieu à un financement pérenne de la perte d’autonomie. Or le rapport de M. Dominique Libault faisait état d’un besoin de financement de 6 milliards d’euros chaque année à partir de 2024, puis de 9 milliards à partir de 2030.
Il est nécessaire de doter la cinquième branche de financements propres pour lui permettre d’atteindre l’équilibre et de disposer progressivement de capacités financières suffisantes pour répondre aux besoins engendrés par la dépendance.
Le produit de cette contribution serait de 1,5 milliard chaque année, soit un montant bien inférieur à l’économie réalisée par les grandes fortunes après la baisse de la flat tax en 2017. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Votre amendement propose de diviser par quatre le plafond au-delà duquel l’abattement de 1,75 % sur l’assiette de la CSG n’est plus applicable. Ce plafond a été créé par Michel Rocard pour tenir compte des frais professionnels. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. Arnaud Simion
Ce n’est pas le bon amendement !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je vous réponds en tout cas sur l’amendement no 48. La baisse du plafond que vous proposez empêcherait un salarié qui gagne 3 000 euros net par mois de bénéficier de l’abattement. Je doute que cela soit raisonnable. Avis défavorable.
(L’amendement no 48 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 652 et 1384, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 652 de Mme Eléonore Caroit est défendu.
La parole est à Mme Caroline Yadan, pour soutenir l’amendement no 1384.
Mme Caroline Yadan
Il vise à porter la voix des Français de l’étranger et à mettre fin à une situation d’iniquité entre les Français établis au sein de l’Union européenne (UE) et ceux établis à l’extérieur de celle-ci.
Depuis une décision de la Cour de justice de l’Union européenne, les Français établis au sein de l’UE sont exemptés du paiement de la CSG et de la CRDS. La France s’est alignée sur cette décision.
Cette décision européenne n’a toutefois pas concerné les Français de l’étranger établis hors de l’UE, qui continuent de payer la CSG et la CRDS, sans bénéficier de contreparties.
L’amendement tend à mettre fin à cette rupture d’égalité en prévoyant l’exemption du paiement de ces contributions pour tous les Français de l’étranger.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
C’est un marronnier. Tous les ans, nous discutons de propositions similaires. La coordination des régimes de sécurité sociale de l’UE, décidée par le règlement no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, explique la différence de traitement entre les Français établis dans l’UE et hors de l’UE.
En revanche, en proposant d’exclure de cet assujettissement les plus-values et cessions immobilières, vous créez une rupture d’égalité entre les personnes bénéficiant de revenus de capitaux d’origine française.
La prétendue inégalité dénoncée est expliquée par un règlement européen et la proposition que vous faites créerait une rupture d’égalité. Avis défavorable.
(Les amendements nos 652 et 1384, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Jérôme Guedj, pour soutenir les amendements nos 112 et 113, qui peuvent être soumis à une discussion commune.
M. Jérôme Guedj
Nous ne créerons pas la CSG progressive, je ne me fais pas d’illusion, mais j’attire votre attention sur la nécessité d’introduire de la progressivité dans le financement de la protection sociale, comme nous y appelons depuis plusieurs années.
Nous vous proposons de créer un barème de taux progressifs de CSG, lequel permettrait d’introduire de la justice sociale et fiscale.
Avec le taux actuel de 9,2 %, un salarié gagnant 1 400 euros net paie 128,80 euros mensuels de CSG ; avec notre barème, ce ne serait que 124 euros, soit une économie de plus de 4 euros. Un salarié gagnant 2 000 euros net paie 184 euros par mois ; avec notre barème, il paierait 179 euros. À l’inverse, un salarié gagnant 5 000 euros net, qui paie actuellement 460 euros, paierait 465 euros. Je pense que c’est soutenable.
M. Fabien Di Filippo
Punir ceux qui gagnent plus par tous les moyens !
M. Jérôme Guedj
Mettre en place une CSG progressive revient à appliquer au financement de la sécurité sociale le principe qui s’applique au budget de l’État et qui est celui de l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : la progressivité des contributions que chacun est amené à verser.
Nos amendements d’appel vous encouragent donc à reprendre le chantier socio-fiscal de très grande ampleur qui aboutira un jour, nous l’espérons, à la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Actuellement abandonné, il permettra à chacun de contribuer à financer de manière progressive, dès la perception du premier revenu du travail ou de remplacement, notre système sociofiscal.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Nous avons déjà longuement débattu de ces deux amendements. Ils recevront un avis défavorable de la commission, mais vous ouvrez une discussion qui ne manque pas d’intérêt. Rappelons que la CSG, que vous voulez désormais progressive, avait été instaurée pour augmenter l’assiette des contributions au système de sécurité sociale. Néanmoins, elle n’a pas vocation à se substituer à l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, elle représente une recette de 153 milliards d’euros : si l’un de ces amendements était adopté, le délai serait très court pour définir le barème de progressivité d’ici le 1er janvier 2025 tout en garantissant les revenus du système de sécurité sociale.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Le débat portant sur le rapprochement entre la CSG et l’impôt sur le revenu est intéressant, mais je considère que vos amendements sont surtout des amendements d’appel.
Pour être franc avec vous, je suis très partagé sur ce rapprochement entre impôt sur le revenu et CSG, car il pourrait avoir pour effet d’appliquer les défauts du premier au nouvel impôt progressif ainsi créé, alors même que la CSG est un impôt qui fonctionne bien et n’est pas mité.
Votre réflexion est loin d’être absurde, mais elle pourrait déboucher sur plus d’inconvénients que d’avantages, compte tenu de l’efficacité et du rendement actuels de la CSG, que le ministre des comptes publics que je suis ne souhaite pas voir abîmer. Si ce rapprochement devait être préparé, il me semblerait plus utile de procéder d’abord au nettoyage de l’ensemble des niches fiscales à l’impôt sur le revenu.
Revenons aux amendements et à la progressivité de la CSG. Son application aux revenus de remplacement me pose problème.
M. Jérôme Guedj
Elle ne porterait que sur les revenus d’activité !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cela me semble plus raisonnable : autrement, cela représenterait une perte importante pour les retraités.
Je demande le retrait de vos amendements, mais je suis prêt à travailler sur ce sujet, qui m’a toujours intéressé.
(Les amendements nos 112 et 113, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de six amendements, nos 1862, 1861, 1860, 1859, 549 et 1738, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Ludovic Mendes, pour soutenir les amendements nos 1862, 1861, 1860 et 1859, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Ludovic Mendes
Comme mon collègue Jérôme Guedj, je profite de ces amendements d’appel pour faire évoluer le débat sur la CSG. Aujourd’hui, 71 % des recettes de la CSG reposent sur les revenus du travail. À revenus équivalents, un retraité, un chômeur et un travailleur ne seront pas soumis au même taux de CSG, ce qui crée une rupture d’égalité.
Afin de moins faire peser sur les salaires le financement du système de protection sociale, je propose de réduire le taux de CSG appliqué aux revenus du travail et d’augmenter celui appliqué aux revenus issus des jeux d’argent, du patrimoine ou de la rente.
Ce débat doit avoir lieu. Il faut faire en sorte que le travail soit mieux rémunéré et identifier d’autres sources de financement pour notre système de protection sociale. Serait-il vraiment choquant de fixer à 20 % le taux de la CSG sur les revenus issus des jeux d’argent ? Je ne pense pas ! Serait-il vraiment choquant de fixer à 20 % le taux de la CSG sur une partie de la rente et des revenus du patrimoine pour permettre une meilleure répartition des richesses ? Je ne pense pas !
Aujourd’hui, le financement du système de sécurité sociale repose trop sur les travailleurs. À force de prendre sur les salaires, nous les appauvrissons. Je souhaite vraiment que nous débattions de solutions alternatives.
M. le président
La parole est à Mme Josiane Corneloup, pour soutenir l’amendement no 549.
Mme Josiane Corneloup
Le modèle social à la française est souvent cité en exemple, mais ceux qui jugent que les Français qui travaillent ne sont pas suffisamment valorisés sont de plus en plus nombreux. La hausse de la CSG décidée au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron vient étayer ce sentiment.
Nos concitoyens demandent légitimement que l’effort et le travail soient davantage récompensés. Deux Français sur trois considèrent ainsi que notre modèle social produit trop d’effets pervers et n’encourage pas suffisamment au travail.
Si notre système social est fondé sur le principe de solidarité nécessaire pour aider les personnes à faire face aux accidents de la vie, il ne doit en aucun cas conduire à ce que l’inactivité rapporte autant que le travail, au risque d’inciter à rester chez soi et d’encourager l’assistanat. (M. Jean-François Coulomme s’exclame.)
Mme Danielle Simonnet
Ah !
Mme Josiane Corneloup
Cet amendement tend donc à diminuer de 15 % le taux de CSG applicable aux revenus d’activité – qui passerait de 9,2 % à 8 % – et aux pensions de retraite – qui passerait de 8,3 % à 7,2 %. Cette mesure contribuera à restaurer le pouvoir d’achat de ceux qui travaillent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir l’amendement no 1738.
M. Jean-Pierre Vigier
Afin de rapprocher le salaire net du salaire brut, mais aussi de valoriser davantage le travail, notre amendement propose de réduire le taux de CSG de 3 points, afin que les revenus d’activité et de remplacement soient soumis au même taux de prélèvement que les allocations chômage et les allocations versées par les organismes de sécurité sociale lors des arrêts maladie et des congés maternité.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Permettez-moi de rappeler qu’un point de CSG, c’est 17,5 milliards d’euros. Disons alors seulement qu’un amendement visant à diminuer de 3 points le taux de prélèvement coûterait un peu cher. (Sourires.)
Monsieur Mendes, comme M. Guedj, vous évoquez de nouvelles pistes de financement et proposez l’allégement de 1 point du taux de CSG. Il est toutefois étonnant que vous vouliez, même dans ce qui semble être un amendement d’appel, augmenter le taux de CSG applicable aux allocations chômage, aux indemnités journalières et aux allocations journalières du proche aidant. S’il me semble possible de discuter d’une hausse du taux applicable aux recettes de jeux et aux revenus du patrimoine, il me paraît plus délicat d’en faire autant à l’égard des indemnités journalières ou des allocations journalières du proche aidant, dont le montant est déjà relativement faible.
M. Fabien Di Filippo
Le travail, ça n’a pas de prix !
M. Yannick Neuder, rapporteur général
Mon avis sera donc défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il est défavorable.
Monsieur Mendes, le débat que vous ouvrez est intéressant. Cependant, alors que vous étiez il y a quelques instants soucieux de préserver un certain nombre d’acquis des dernières années, vous gagez maintenant vos amendements sur la taxation des revenus du capital. Or les acquis des mandats précédents ont été tout aussi importants en la matière.
S’il me paraît possible de réfléchir à la baisse du coût du travail et à l’augmentation du pouvoir d’achat, il me paraît nécessaire de préserver l’attractivité que nous avons renforcée ces dernières années grâce aux mesures prises au sujet des revenus du capital.
Enfin, je pense comme vous que la fiscalité applicable aux revenus des jeux d’argent doit évoluer. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter.
Vous comprendrez mon avis défavorable sur les autres amendements, car ils sont dépourvus de gage. Or ce sont plusieurs milliards, si ce n’est plusieurs dizaines de milliards d’euros, qui sont en jeu.
M. Thibault Bazin
C’est ça, la générosité de la droite !
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
Je tiens à remercier les parlementaires qui orientent le débat vers une question fondamentale pour notre pays, à savoir l’écart entre le salaire net net – celui que le salarié reçoit chaque mois sur son compte en banque – et le super brut – le coût complet du travail pour l’employeur. Les exonérations de charges que nous avons évoquées, tout comme certaines aides, conçues initialement pour aider les familles les plus modestes, ont pu faire diverger les intérêts des salariés et ceux des employeurs.
M. Thibault Bazin
Je ne cesse de le dire !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
L’exemple d’une mère élevant seule deux enfants, qui n’est pas propriétaire – elle reçoit une aide au logement – et qui est rémunérée au Smic permet de s’en convaincre : pour que son salaire net net progresse de 100 euros, malgré une baisse de sa prime d’activité et de ses aides au logement, son employeur devrait augmenter sa rémunération brute de 770 euros.
Cet écart entre salaire net net et coût complet vient du fait que les salaires financent une partie de la protection sociale,…
Mme Sophia Chikirou
Non : ça vient de l’histoire, madame !
Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre
…alors que d’autres pays ont réussi à diversifier les sources de financement de leur système de protection sociale, tout en conservant une logique paritaire ou partenariale avec les partenaires sociaux.
Nous devons travailler sur ce sujet, car le système construit en trente ans avec les meilleures intentions n’incite plus à présent ni à l’activité ni à la création d’emplois.
M. le président
La parole est à M. Ludovic Mendes.
M. Ludovic Mendes
Monsieur le rapporteur, vous avez tenté de me prendre par les sentiments en évoquant les proches aidants, mais je rappelle qu’ils ne perçoivent pas tous les mêmes allocations. Rappelons qu’un retraité touchant 2 000 euros de pension paye 8,3 % de CSG, tandis qu’un travailleur percevant un salaire équivalent paye 9,2 % de CSG et qu’un chômeur ou un proche aidant recevant des allocations du même montant paye 6,3 % de CSG. Un débat sur la possibilité d’équilibrer cette situation me paraît donc légitime.
Le débat qu’ouvre M. le ministre ne porte pas seulement sur le PFU, puisque tout le monde ne le paie pas. C’est bien de la manière de mieux valoriser le travail et de financer différemment notre système de protection sociale que nous devons discuter. Il n’y avait pas de propositions sur ce thème. Jérôme Guedj et d’autres collègues en ont formulé des propositions ; il doit donc être possible de réfléchir à la répartition de la CSG en France.
Je retire mes amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Josiane Corneloup.
Mme Josiane Corneloup
Compte tenu des explications qui nous ont été apportées, je retire également le mien.
M. le président
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.
M. Jean-Pierre Vigier
Je retire mon amendement pour les mêmes raisons, que j’expliquerai à M. Ray, son premier signataire.
(Les amendements nos 1862, 1861, 1860, 1859, 549 et 1738 sont retirés.)
M. le président
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra