Première séance du vendredi 25 octobre 2024
- Présidence de Mme Clémence Guetté
- 1. Projet de loi de finances pour 2025
- Première partie (suite)
- Après l’article 3 (suite)
- Amendement no 141
- M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
- Amendements nos 297 et 1283
- Sous-amendement no 3681
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Amendements nos 402, 3563, 1564, 3181, 478, 745, 1455, 2549, 1933, 1967, 1976, 2594 et 1586, 784
- Suspension et reprise de la séance
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Rappel au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Rappels au règlement
- Après l’article 3 (suite)
- Article 4
- Article 5
- M. Maxime Amblard
- Amendement no 1938
- Article 6
- Article 7
- Rappel au règlement
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
1. Projet de loi de finances pour 2025
Première partie (suite)
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (nos 324, 468).
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1063 portant article additionnel après l’article 3.
Rappels au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard, pour un rappel au règlement.
M. Manuel Bompard
Je le formule sur la base de l’article 100, relatif à la bonne tenue des débats. Nous apprenons ce matin que le Gouvernement a d’ores et déjà choisi les 114 amendements qu’il souhaite intégrer dans la version finale du budget. Sur ce total, vingt-sept émanent du groupe EPR, seize du groupe de la Droite républicaine, onze du Modem, neuf d’Horizons. Je m’étonne que le nombre d’amendements retenus soit inversement proportionnel au poids des groupes dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Nous apprenons également que selon le Gouvernement, nous pouvons examiner 1 000 amendements d’ici demain soir ; or il en reste 2 400 ! Il me semble que les groupes participant à la coalition gouvernementale pourraient s’efforcer de réduire le nombre de leurs amendements pour nous permettre de terminer l’examen de la première partie du budget.
M. Mathieu Lefèvre
Le droit d’amendement est constitutionnel !
M. Manuel Bompard
On compte plus de treize amendements par député de la Droite républicaine. C’est à eux que l’effort incombe au premier chef. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, Soc et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Il se fonde également sur l’article 100. Cher collègue, il est paradoxal de se plaindre que les droits du Parlement ne soient pas respectés,…
M. Inaki Echaniz
Nous sommes dans l’opposition !
M. Philippe Juvin
…comme vous le faites en permanence pour gagner du temps – tout cela est une mise en scène –, et de refuser à chaque député le droit constitutionnel de déposer des amendements. C’est d’une grande hypocrisie. (MM. Thibault Bazin et Mathieu Lefèvre applaudissent. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Nous sommes en séance depuis quelques secondes et vous faites déjà un rappel au règlement ! Ce n’est pas sérieux, c’est de la comédie !
M. Thibault Bazin
Très bien !
M. Sébastien Peytavie
Vous êtes un bon comédien, vous aussi !
M. Hadrien Clouet
C’est l’hôpital qui se moque de la charité !
Après l’article 3 (suite)
Mme la présidente
L’amendement no 1063 n’est pas défendu.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 141.
M. Thibault Bazin
La journée appartient à ceux qui se lèvent tôt ! Je vais aller droit au but. Nous avons déjà évoqué la rénovation immobilière, l’accession à la propriété et l’investissement locatif. Le secteur du logement est dans une situation dramatique : seulement 283 200 mises en chantier l’an dernier, une baisse de 38 % du nombre de ventes entre 2022 et 2023, une chute de 83 % de l’investissement dans l’immobilier résidentiel sur la même période. Ce sont 135 000 emplois qui sont menacés.
Dans ce cadre, je vous propose de réactiver un dispositif qui a déjà fait ses preuves lors de la crise de 1993-1994. Il a été peu coûteux, car il fut essentiellement mobilisé pour éviter les invendus et l’abandon d’opérations immobilières. Il s’agit d’une exonération partielle des droits de mutation sur les immeubles affectés à l’habitation principale pendant une durée minimale de cinq ans à compter de l’acquisition ou de l’achèvement, durée non opposable en cas de décès de l’acquéreur. Cette exonération permettrait de favoriser l’acquisition de stocks invendus, étant précisé que plusieurs opérations sont actuellement menacées.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Avis défavorable. En matière de logements, nous faisons face à une crise structurelle. Or il s’agit d’une mesure conjoncturelle qui n’aura d’effets qu’à court terme.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
Sur le fond, on ne peut qu’être favorable à cet amendement. J’en demande néanmoins le retrait au profit de l’amendement no 1283 de Mme Béatrice Piron, sous-amendé par le Gouvernement, qui est plus en phase avec les paramètres de soutenabilité financière.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Je me réjouis que le Gouvernement ait sous-amendé un amendement proche du mien. Je retire donc mon amendement au profit de celui de Mme Piron.
(L’amendement no 141 est retiré.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 297 et 1283, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 297.
Mme Véronique Louwagie
Il propose d’instituer une mesure d’exonération temporaire des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) normalement dus lors de la première transmission d’immeubles neufs ou en état futur d’achèvement acquis par acte authentique signé entre le 1er janvier 2025 et le 30 juin 2026. Ce dispositif a pour objectif de relancer rapidement la commercialisation de logements neufs.
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir l’amendement no 1283, qui fait l’objet d’un sous-amendement du Gouvernement.
Mme Béatrice Piron
Proche de celui de Mme Véronique Louwagie, il vise à encourager l’investissement et l’acquisition dans l’optique de permettre à des primo-accédants d’être propriétaires à l’heure de la retraite et, pour ceux qui sont déjà propriétaires, de se constituer un capital destiné à financer des frais de dépendance, tels que le reste à charge dans un Ehpad.
Cet amendement n’a aucun coût pour les finances publiques. Au contraire, il est générateur de TVA. En 1993, lorsqu’il a été mis en œuvre par M. Édouard Balladur, ce dispositif a permis la vente d’environ 40 000 logements.
En retenant ce chiffre, sur la base d’un prix de vente de 250 000 euros, avec un taux de TVA à 5,5 % voire 20 %, cela représente un demi-milliard d’euros de rentrées fiscales, sans compter les frais d’enregistrement, pour un demi-milliard également, au profit des départements. Ainsi, le dispositif peut rapporter 1 milliard d’euros et faire économiser des allocations chômage versées aux salariés du secteur de la construction. Il est important d’investir dans l’immobilier ; l’offre locative est de 50 % inférieure à… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement no 3681.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il vise à plafonner à 50 000 euros l’exonération prévue par l’amendement no 1283, à établir un encadrement plus rigoureux des conditions de location, à préciser la portée de l’engagement de location, notamment pour le cas où la transmission de l’immeuble interviendrait avant l’expiration de la période minimale de location de six ans, ainsi qu’à exclure du dispositif les immeubles dont l’acquisition a déjà bénéficié du dispositif prévu par l’amendement no 3498.
En resserrant ainsi les conditions du dispositif, le sous-amendement précise l’amendement de Mme Piron, sur lequel le Gouvernement émet un avis favorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson
La commission a donné un avis défavorable sur les deux amendements. Comme elle n’a pas examiné le sous-amendement du Gouvernement, je donnerai un avis à titre personnel.
Ce dernier tend à encadrer le dispositif d’une façon plus rigoureuse que l’amendement d’origine. Il précise que l’engagement d’affectation à la résidence principale de l’occupant durant six ans est pris par l’acquéreur pour lui et ses ayants droit à titre gratuit.
Il encadre la possibilité de louer le bien en excluant, outre un membre du foyer fiscal du contribuable, un de ses ascendants ou un descendant, ainsi que, par cohérence, les ascendants, descendants et membres du foyer fiscal de l’héritier, donataire ou légataire du bien si le délai imparti pour louer est encore en cours lors de cette transmission.
Enfin, il réduit l’avantage de 150 000 à 50 000 euros et prévoit le non-cumul entre ce dispositif et celui proposé par M. Jolivet dans l’amendement n° 3498 – exonération de droit de mutation entre vifs prévue par l’article 790 A ter du code général des impôts –, amendement auquel le Gouvernement est favorable, tout en retenant le même plafond d’exonération de 50 000 euros.
Cela demeure néanmoins une mesure ponctuelle, non structurelle. À titre personnel, je donnerai un avis favorable à l’amendement no 1283 si l’Assemblée adopte le sous-amendement du Gouvernement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Demande de retrait de l’amendement no 297 de Mme Louwagie au profit de l’amendement no 1283.
Mme la présidente
La parole est à M. Inaki Echaniz.
M. Inaki Echaniz
Nous reprenons les débats d’hier sur les donations et les exonérations, mais ni le Gouvernement ni les députés auteurs des amendements ne précisent le coût de ces mesures. Lorsque nous proposons un dispositif, on nous demande systématiquement son coût, mais lorsque c’est le Gouvernement ou les députés qui le soutiennent, on n’en parle pas !
M. Éric Woerth
Parce que le Gouvernement présente des mesures solides et sérieuses, ce qui n’est pas votre cas !
M. Inaki Echaniz
Les donateurs sont privilégiés : on parle de 150 000 euros exonérés par donateur, en plus des 100 000 euros non fiscalisés ! Monsieur le ministre, quel sera le coût de ces mesures cumulées ? Ne serait-il pas préférable d’orienter ces moyens vers le logement social, en supprimant la réduction de loyer de solidarité (RLS) afin de permettre à tous les Français, et pas seulement à ceux qui ont déjà de l’argent et des biens immobiliers, de se loger ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Béatrice Piron.
Mme Béatrice Piron
Je suis d’accord avec M. le ministre, il est important de ne pas cumuler les avantages. Cependant, j’observe qu’hier, les amendements sur les donations n’ont pas été adoptés, de sorte qu’il n’y a pas de cumul possible. Si ces amendements étaient adoptés dans la suite des débats, je reverrais ma position.
En revanche, je ne comprends pas la proposition de plafonner l’exonération à 50 000 euros.
Mme Sandrine Rousseau
C’est de la justice sociale !
Mme Béatrice Piron
Si je demande à mon banquier comment me constituer un capital exonéré de droits de succession – sachant que mes enfants en paieront déjà puisque je suis propriétaire –, il me conseillera l’assurance vie. Je peux placer 150 000 euros en assurance vie sans frais de transmission, alors que cette somme ne rapportera rien au secteur de la construction, rien en droits d’enregistrements, rien en TVA. L’État est-il réellement prêt à se priver de 1 milliard de TVA et de droits d’enregistrement au profit des banques ?
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Aujourd’hui, 26 % des opérations de construction sont stoppées faute de réservataires.
M. Inaki Echaniz
La faute à qui ?
M. Thibault Bazin
Vous le savez très bien ! Dans un immeuble, certains logements sont appropriés pour l’accession à la propriété, d’autres ne le sont pas. Certains appartements sont orientés au nord, d’autres au sud. Il y a des rez-de-jardin, des logements en attique. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) C’est une réalité, monsieur Echaniz ! Discutez avec les opérateurs ! Selon leur typologie, certains logements sont plus adaptés pour l’investissement locatif et d’autres, pour l’accession à la propriété. Or il nous faut les deux. Il ne faut pas opposer mais conjuguer.
Lorsqu’une opération est lancée, il faut des réservations. Aujourd’hui, elles font défaut, notamment de la part de primo-accédants. Il nous faut trouver des solutions de financement… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)
Mme Christine Pirès Beaune
Cela fait des années que nous le disons !
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Je vais vous dire le fond de ma pensée sur la question du logement. Certes, j’ai soutenu l’amendement visant à généraliser le prêt à taux zéro (PTZ), mais c’est en raison d’une situation d’urgence. Sinon, de manière générale, j’estime que toutes les mesures qui ne vont pas dans le sens d’une baisse du prix du logement ne règlent rien du point de vue structurel. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Inaki Echaniz applaudit également.)
Le problème auquel nous sommes confrontés, c’est le prix trop élevé du logement – y compris à l’achat – pour des millions de nos concitoyens. Par conséquent, toute mesure reposant sur l’idée, favorable aux vendeurs ou aux promoteurs, qu’il n’est pas nécessaire de baisser les prix, et qui prévoit donc une exonération ou une aide de l’État, ne résout rien.
Le logement est trop cher en France. La part du budget des ménages consacrée à ce poste n’a cessé d’augmenter – environ 20 points de plus depuis une trentaine d’années.
M. Thibault Bazin
C’est vrai !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Cette hausse se vérifie également concernant l’achat immobilier.
Je vais vous citer un exemple très concret. Dans ma circonscription populaire, les habitants ne peuvent plus devenir acquéreurs en raison de l’augmentation du prix du logement. Je ne suis pas favorable à des mesures qui permettent aux promoteurs de pratiquer des prix de 20 à 30 % plus élevés que les prix habituels du marché dans des villes comme celles de ma circonscription. Car vous savez bien que ce ne sont pas les habitants qui peuvent acheter.
Or, avec vos amendements, vous favorisez ce type de pratiques. En outre, les personnes que vous visez avec ces exonérations ne sont pas celles qui éprouvent des difficultés à acheter un logement. Le problème n’est vraiment pas là.
Je n’ai rien contre le fait de généraliser le PTZ – même si cela peut aussi produire quelques effets pervers. En revanche, je ne suis absolument pas d’accord pour proposer des exonérations à des personnes qui ont les moyens de s’acheter un logement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
(L’amendement no 297 n’est pas adopté.)
(Le sous-amendement no 3681 rectifié n’est pas adopté.)
(L’amendement no 1283 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : par le groupe Écologiste et social sur les amendements nos 1564 et 745 et identiques, et par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire sur les amendements nos 2549, 1933, 1967 et 1976.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Les amendements identiques nos 402 de Mme Émilie Bonnivard et 3563 de Mme Véronique Louwagie sont défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a émis un avis défavorable. De façon générale, si nous abordons le problème du logement par la transmission, nous ne toucherons – par définition – que les personnes qui sont en mesure de transmettre.
Par ailleurs, le dispositif temporaire d’exonération de DMTG voté dans la loi de finances rectificative de juillet 2020 n’a pas rencontré le succès attendu, alors même que son champ était plus large que ce que prévoient ces deux amendements.
Enfin, le coût d’une telle mesure est potentiellement très élevé, alors même qu’il existe d’autres outils pour financer la rénovation des bâtiments.
(Les amendements identiques nos 402 et 3563, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 2594, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1564, 3181, 478, 745, 1455, 2549, 1933, 1967, 1976, 2594, 1586 et 784, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 745, 1455 et 2549 sont identiques.
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 1564.
Mme Eva Sas
Il vise à instaurer une contribution que l’on pourrait baptiser Jean Pisani-Ferry-Selma Mahfouz, du nom des économistes qui l’ont préconisée. Il s’agit d’un prélèvement sur le patrimoine financier des 10 % des ménages les plus aisés pour financer la transition écologique.
Cet impôt dont le taux serait très modeste – 0,17 % – suffirait à rassembler les 25 à 34 milliards d’euros par an d’investissements publics supplémentaires nécessaires, selon le rapport Mahfouz-Pisani-Ferry, pour remplir les engagements relatifs à la transition écologique d’ici à 2030.
Je retire cet amendement au profit des nos 745 et identiques.
(L’amendement no 1564 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Ayda Hadizadeh, pour soutenir l’amendement no 3181.
Mme Ayda Hadizadeh
Il est retiré.
(L’amendement no 3181 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 478.
M. Nicolas Sansu
Il vise à créer un ISF – impôt de solidarité sur la fortune – global, avec une composante socle à 0,5 % sur l’ensemble du patrimoine, hors patrimoine professionnel, supérieur à 1 million d’euros, une composante chapeau, avec un barème progressif, sur les patrimoines, hors patrimoine professionnel, supérieurs à 10 millions, et surtout une composante plancher à 2 % sur les patrimoines supérieurs à 50 millions, cette fraction correspondant à la taxe Zucman.
Je retire également cet amendement au profit des nos 745 et identiques à venir.
(L’amendement no 478 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 745.
Mme Eva Sas
Cet amendement, présenté par le groupe Écologiste et social mais aussi au nom du Nouveau Front populaire, puisque des amendements identiques ont été déposés par les autres groupes qui le composent, prévoit la création d’un ISF climatique renforcé et renouvelé par rapport à l’ISF qui existait avant 2018.
Les plus aisés doivent être taxés sur leur patrimoine et non sur leurs revenus. En effet, ils organisent l’illiquidité de leurs revenus…
M. René Pilato
Elle a raison !
Mme Eva Sas
…et leur base taxable est tellement faible que le rendement de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR) prévue par le Gouvernement sera malheureusement très modeste.
En outre, le dispositif que nous proposons est très robuste d’un point de vue constitutionnel, car il présente une composante socle à un taux minimum de 0,5 %. Je précise que dans une décision de 2011, le Conseil constitutionnel a considéré qu’il n’était pas nécessaire de plafonner le niveau de cette contribution.
Grâce à sa composante chapeau, cet ISF climatique rapporterait 15 milliards, une somme dont nous avons besoin pour nous inscrire dans une trajectoire positive de réduction des déficits publics et pour renforcer nos services publics.
Enfin, nous introduisons un mécanisme de bonus-malus climatique, l’imposition variant en fonction de l’empreinte carbone du patrimoine financier et immobilier du contribuable concerné. Rappelons que trois milliardaires français émettent, avec leur patrimoine, autant de CO2 que 20 % de nos concitoyens.
En conclusion, la disposition que nous proposons est complète et robuste ; son rendement est satisfaisant ; je rappelle aussi qu’elle est populaire, 76 % des Français étant favorables au rétablissement de l’ISF. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Ayda Hadizadeh, pour soutenir l’amendement no 1455.
Mme Ayda Hadizadeh
Il vise à rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune. Tout est dit : il est question de solidarité et de fortune. Depuis la suppression de l’ISF, les inégalités de patrimoine ont explosé. Par cette mesure, nous entendons recréer de la solidarité entre toutes les classes sociales. Il n’est pas normal que les personnes les plus riches dans notre société aient pu accroître leur patrimoine, se désolidarisant ainsi du reste de la nation. L’impôt est une contribution qui permet de se doter de biens publics. Il est donc temps que, de nouveau, chacun contribue à la hauteur de ses moyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marianne Maximi, pour soutenir l’amendement no 2549.
Mme Marianne Maximi
Les quatre groupes du Nouveau Front populaire présentent des amendements similaires à celui-ci dans le cadre de cette longue discussion commune sur l’ISF.
Le rétablissement de l’ISF est une mesure attendue par nos concitoyens : quelque 80 % d’entre eux y sont favorables.
M. Éric Woerth
Ça, c’est normal !
Mme Marianne Maximi
C’est une question de justice sociale et de consentement à l’impôt. On ne peut pas demander aux classes populaires de participer à l’effort collectif si les plus riches, eux, ne sont pas imposés.
Je rappelle que la suppression de l’ISF, au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, au même moment que la baisse de 5 euros des APL – les aides personnelles au logement –, est la faute originelle de la Macronie. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Il est temps de réparer cette erreur, surtout dans un contexte de déficit des comptes publics, où nous avons besoin de nouvelles recettes.
Je le répète, cette mesure est importante si l’on veut que chacun consente à l’impôt. Les très riches doivent montrer l’exemple en participant à cet effort essentiel. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Manuel Bompard, pour soutenir l’amendement no 1933.
M. Manuel Bompard
Il vise également à rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune en le renforçant et en introduisant une composante climatique.
Premièrement, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune n’a pas eu les effets escomptés sur l’économie réelle ou sur les investissements dans les entreprises.
M. Daniel Labaronne
Mais si !
M. Manuel Bompard
Deuxièmement, il s’agit d’un cadeau injuste. Cela a permis aux 100 contribuables les plus riches de gagner 1 million d’euros par an. Or nous avons besoin de ces recettes.
J’ajoute que cette nouvelle version de l’impôt de solidarité sur la fortune, qui se trouve renforcé, rapporterait deux fois plus que la hausse des taxes sur l’électricité et le report de l’indexation des retraites réunis. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Voilà une excellente raison de voter cet amendement !
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 1967.
M. Aurélien Le Coq
Par cet amendement de repli, nous souhaitons rétablir l’ISF dans sa version classique.
Je vous invite à le voter sur les conseils avisés d’Emmanuel Macron. En 2019, il avait déclaré à propos de la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune : « Si elle n’est pas efficace, nous la corrigerons […] ». Le moment est donc venu de corriger ce que ma collègue a qualifié tout à l’heure de « faute originelle ».
Nous sommes peu nombreux dans cette assemblée à avoir été élus pour poursuivre la politique en faveur des riches menée par le président Macron et qui nous a mis dans la situation que nous déplorons aujourd’hui.
Le rétablissement de l’ISF nous permettrait de récupérer 4,5 milliards par an, ce qui nous éviterait d’aller chercher de l’argent dans les poches des retraités ou d’augmenter la taxe sur l’électricité, bref de prendre toutes ces mesures que les Français rejettent. Nous savons bien que les ultrariches ont les moyens de payer une telle somme.
Je vous appelle donc à faire preuve de responsabilité. Le rétablissement de l’ISF est une mesure attendue par tous nos électeurs. D’une certaine manière, nous avons rendez-vous avec l’histoire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Gabrielle Cathala, pour soutenir l’amendement no 1976.
Mme Gabrielle Cathala
En 2018, l’ISF était remplacé par l’IFI, l’impôt sur la fortune immobilière, faisant perdre à l’État 3,2 milliards cette année-là, puis 4,5 milliards par an – une perte désastreuse. En 2019, Emmanuel Macron avait annoncé que la réforme « sera[it] évaluée en 2020 ». « Si elle n’est pas efficace, avait-il ajouté, nous la corrigerons […] ».
Précisément, France Stratégie s’est attelée à ce travail d’évaluation et a rendu en 2023 un rapport très éclairant, accablant pour vous. On peut y lire : « L’analyse des effets de la suppression de l’ISF sur les variables d’activité réelle des entreprises indique un impact nul sur l’investissement des entreprises et pas d’effet décelable sur le niveau d’emploi et de masse salariale. »
Voilà pourquoi nous proposons, comme le souhaitent quelque 80 % des Français, de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir l’amendement no 2594.
M. Philippe Brun
Il s’agit d’un amendement de repli pour le cas où l’Assemblée n’adopterait pas notre proposition de base de rétablissement de l’ISF incluant une composante climatique.
Il vise à rétablir l’ancienne version de l’ISF, que la France a connue entre 1997 et 2017 et qui avait prouvé son efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Les amendements nos 1586 et 784 de Mme Eva Sas sont défendus.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission a donné un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.
Les amendements nos 745 et identiques visent à créer un ISF climatique comprenant trois composantes : une fraction socle, une fraction chapeau et une fraction plancher. La première consisterait à imposer à 0,5 % l’ensemble du patrimoine, hors patrimoine professionnel, supérieur à 1 million.
La fraction chapeau s’ajouterait à la fraction socle et toucherait les patrimoines nets supérieurs à 10 millions d’euros, hors patrimoine professionnel, sur le fondement d’un barème progressif allant de 1 à 3 %.
Enfin, la fraction plancher n’affecterait que les contribuables dont le patrimoine net global, incluant les biens professionnels, est supérieur à 50 millions d’euros. Ces derniers devraient s’acquitter de la différence entre 2 % de la valeur nette de leur patrimoine global et le montant total des contributions qu’ils verseraient au titre de la fraction socle majorée de la fraction chapeau – vous suivez tous ? –, de l’impôt sur le revenu (IR), de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de la contribution sociale généralisée (CSG). Cette fraction plancher permettrait notamment de toucher les contribuables qui ne payaient pas l’ancien ISF du fait de la composition de leur patrimoine.
Pour simplifier, cette dernière fraction constitue un plancher tenant compte du patrimoine. Nous avons déjà évoqué ce sujet au moment de la discussion sur la contribution exceptionnelle, alors que certains voulaient transformer cet impôt sur le revenu en un impôt touchant en partie le patrimoine.
La commission a émis un avis défavorable sur ce dispositif, d’abord en raison de sa complexité et de sa faible lisibilité. Pourquoi ne pas établir tout simplement un barème progressif ?
Par ailleurs, comment évaluer la composante climatique d’un patrimoine ? Le classement de l’ensemble des biens que prévoient ces amendements présente à cet égard des difficultés.
J’invite les auteurs de ces amendements à se tourner vers les dépenses fiscales et les droits de succession, s’ils entendent faire contribuer davantage les patrimoines ou les revenus les plus élevés.
J’ajoute que rétablir l’ISF sans tenir compte des mécanismes qui permettaient aux très grandes fortunes d’éviter l’impôt – le système de plafonnement, les holdings « tirelires » – ne semble plus pertinent.
Quant à l’inclusion des biens professionnels dans l’assiette d’une partie de votre dispositif, elle risque de pénaliser certaines professions sans pour autant faire contribuer les patrimoines les plus importants.
Dernier point, constitutionnel : ces amendements ne percuteraient-ils pas le plafonnement imposé par le Conseil constitutionnel en fonction des revenus ? Revenus et patrimoine ne sont pas nécessairement en adéquation.
Tels sont les problèmes, très complexes, posés par ces premiers amendements.
Viennent ensuite les amendements nos 1967 et 1976 visant un retour à l’ISF dans son ancienne version. Ce système fonctionnait et ces amendements ne présentent donc pas de problème technique. L’avis de la commission n’en est pas moins défavorable.
Quant aux derniers amendements de cette discussion commune, le no 2594 de M. Brun et les nos 1586 et 784 de Mme Sas, ils constituent des variantes plus modestes des précédents.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Le rapporteur général ayant très bien présenté les aspects techniques de ces amendements, je serai bref, d’autant plus que nous avons déjà eu ces discussions en début de semaine.
Nous estimons nécessaire, dans le projet de loi de finances pour 2025, de demander une contribution aux plus fortunés qui participera au redressement des comptes publics. Elle doit être ciblée, temporaire et exceptionnelle.
Elle prend la forme de la CDHR, la contribution différentielle sur les hauts revenus, introduite à l’article 3. Vous avez souhaité transformer sa composition et la pérenniser.
M. Nicolas Sansu
Mais le patrimoine n’est pas imposé !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il ne faut pas envoyer trop de signaux contradictoires à l’investissement. L’IFI demeure. Le patrimoine immobilier est donc taxé, monsieur Sansu, étant entendu que nous considérons que le capital circulant doit permettre l’investissement. Il ne faut pas cumuler des outils fiscaux qui finiraient par empêcher l’investissement individuel, notamment en faveur des entreprises.
C’est pourquoi, concernant l’ensemble de ces amendements en discussion commune, l’avis du Gouvernement est défavorable. Je ne souhaite pas le retour de l’ISF mais l’instauration d’une contribution exceptionnelle et ciblée appliquée aux grandes fortunes, que nous avons créée à l’article 3.
Mme la présidente
Ces amendements suscitent des débats. Je laisserai s’exprimer un orateur par groupe. Il serait bon que les membres de chaque groupe se mettent d’accord. Je vois par exemple, au sein du groupe EPR, que MM. Labaronne, Lefèvre et Woerth souhaitent s’exprimer.
M. Emeric Salmon
Tous les présents, en somme !
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Monsieur le rapporteur général, la critique que vous avez émise au sujet des amendements d’instauration d’un ISF climatique ne tient pas.
Vous faites observer que les plus grandes fortunes passaient entre les mailles du filet de l’ISF. Or la fraction plancher, qui s’inspire de la taxe Zucman et oblige les contribuables concernés à s’acquitter d’un montant égal à 2 % de leur patrimoine net pour empêcher ceux qui en sont capables d’éviter l’impôt, répond précisément à cette préoccupation.
J’observe que lorsque nous avons présenté cette taxe de 2 %, Bruno Le Maire l’a trouvée très intéressante. Il estimait qu’elle ne pouvait s’appliquer qu’à l’échelon européen. Pour ma part, je crois que nous pouvons décider de sa création à l’échelon national. Cela montre en tout cas que le fait que certains ne paient pas une taxe suffisante sur l’ensemble de leurs revenus constitue un problème.
Par ailleurs, le dispositif proposé par ces amendements est progressif et plus juste. Sa dimension climatique, passant par un système de bonus-malus, fonctionne très bien.
Vous indiquez, monsieur le ministre, que nous avons créé une taxe sur les plus hautes fortunes qui rapportera au mieux 2 milliards, grâce à l’amendement no 2948 de Charles de Courson que nous avons voté.
Je pense qu’une majorité de nos collègues votera, par exemple, pour la suppression de la taxe sur l’électricité qui pèse sur tous les Français ou contre le fait de faire payer le prix de notre déficit aux retraités.
Certains disent que pour pallier ce manque pour nos recettes, il va falloir diminuer encore nos dépenses publiques. J’attends que nous en parlions concrètement, car s’il est facile d’affirmer que nous allons les réduire en général, il est moins aisé de le faire secteur par secteur.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
C’est vrai.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Il faut donc aller chercher de l’argent. Or la suppression de l’ISF constitue, avec l’instauration de la flat tax, l’un des principaux facteurs de la dérive inégalitaire de notre pays, les plus riches s’enrichissant beaucoup plus rapidement que le reste de la population. C’est donc chez eux qu’il faut trouver les ressources dont nous avons besoin.
Je note ce qu’affirme le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, dans une étude très précise datant d’octobre 2023 : « La suppression de l’ISF sur les variables d’activité réelle des entreprises indique un impact nul sur l’investissement des entreprises et pas d’effet décelable sur le niveau d’emploi et de masse salariale. »
Le rétablissement de l’ISF constitue donc une piste qu’il est absolument essentiel d’explorer en vue de récolter les sommes nécessaires pour réduire les déficits et investir davantage en faveur de l’écologie. Je le dis surtout à nos collègues attachés à la justice fiscale et au rétablissement de la situation en matière de déficits. Quant aux députés de notre bord, ils ne doivent pas rater cette occasion de contribuer à l’investissement écologique.
Il faut donc à tout le moins rétablir l’ISF dans son fonctionnement passé et de préférence voter les premiers amendements de cette discussion commune.
Mme la présidente
La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel Labaronne
On cite des rapports sans jamais mentionner leur date de publication. C’est pourtant une information importante, car il faut du temps pour que les effets des réformes se fassent sentir dans l’économie.
Mme Pirès Beaune évoquait il y a quelques jours le récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). Il y est affirmé que « les évaluations de mise en place du PFU, le prélèvement forfaitaire unique, ont montré que la réforme, compte tenu de l’augmentation des dividendes et des plus-values, n’avait pas entraîné de pertes pour les finances publiques. La mise en place du PFU, combinée à d’autres réformes (baisse de l’IS, l’impôt sur les sociétés, transformation de l’ISF en IFI) a également été concomitante d’une baisse des expatriations et d’une augmentation des impatriations de contribuables fortunés. »
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Très peu !
M. Daniel Labaronne
Ainsi, « des considérations de stabilité fiscale conduisent le CPO à préconiser de maintenir en l’état le PFU et de poursuivre son évaluation. » Voilà ce qu’indique le dernier rapport en date.
La question de la fuite des capitaux n’est donc pas théorique, mais très pratique.
Mme la présidente
Merci de conclure, monsieur Labaronne.
M. Daniel Labaronne
On risque, par les mesures que vous préconisez, de réduire la base fiscale. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Sandra Regol
Ça suffit, il faut respecter le temps de parole ! (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)
Un député du groupe LFI-NFP
La parole, c’est comme l’argent, ça se rend !
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
Pardon, madame la présidente, je ne vous entendais pas du fait du brouhaha venant de ce côté de l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Je ne reviendrai pas sur les vertus de l’ISF, qui ont été largement rappelées. C’est un impôt juste et équitable. C’est la composante climatique que j’aborderai. Le Premier ministre nous a beaucoup parlé de la dette écologique, dont il fait un enjeu important. Pourtant, je ne vois pas dans ce budget de mesures phares, à la hauteur de l’urgence face à laquelle nous devons agir. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS.)
La raison en est simple : l’État n’en a pas les moyens. Nous proposons de les lui donner afin qu’il puisse conduire des politiques à la hauteur des enjeux d’aujourd’hui et de demain. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LFI-NFP.)
Je rappelle que cette composante climatique, outre qu’elle rapporterait 4,5 milliards d’euros, inciterait ceux qui la verseront à se livrer à des investissements plus durables, c’est-à-dire à accompagner la transition écologique.
Je plaide pour l’instauration de l’ISF climatique et j’en appelle à la responsabilité de tous. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre-Yves Cadalen.
M. Pierre-Yves Cadalen
Les débats qui ont lieu dans cette assemblée depuis quelques jours révèlent un problème : certains députés défendent fermement les plus riches, dont le patrimoine a doublé sous la présidence d’Emmanuel Macron. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
L’Assemblée nationale doit entendre une aspiration profonde qui monte dans le pays : l’aspiration à la justice fiscale, la volonté qu’enfin l’impôt, pour qu’on puisse y consentir, soit juste !
Vous dites des riches : « Oh ! Les pauvres ! Ils vont partir ! » Vos larmes sont toujours versées pour eux alors que, comme le disait Victor Hugo, « c’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches ! » Rappelons-le dans cette Assemblée nationale ! (Mêmes mouvements.)
Lorsque les plus riches étaient soumis à l’ISF, seuls 0,2 % d’entre eux quittaient parfois le pays. Alors vos arguments – toujours les mêmes, sur l’attractivité, pour la défense des plus riches –, gardez-les !
Nous assumons, avec le Nouveau Front populaire, de défendre la justice fiscale ! Nous nous souvenons des gilets jaunes et nous voulons qu’enfin l’impôt devienne plus juste ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Dans le rapport que j’ai établi avec Nicolas Sansu, nous avions proposé l’instauration d’un ISF vert à l’échelon européen et non national. Lorsque nous travaillons sur notre fiscalité, il faut prendre en considération celles de nos partenaires européens pour éviter de créer une distorsion de charge fiscale.
Ce qu’indiquait le rapporteur général sur les difficultés que soulèverait la création de l’ISF climatique est très intéressant.
Monsieur le ministre, vous évoquiez l’article 3. Comme je l’ai dit l’autre jour, si le prélèvement qu’il crée constitue une mesure de justice fiscale, alors il faut le pérenniser.
Je suis davantage favorable à une taxation des flux que des stocks. On voit bien que l’IGF, l’impôt sur les grandes fortunes, et l’ISF se sont confrontés à la difficulté posée par la distinction entre patrimoine privé et patrimoine professionnel. Je constate que plusieurs amendements excluent ce dernier de l’assiette de l’ISF. Mais qu’est-ce qu’un patrimoine professionnel ? Cet impôt sur les stocks présente à cet égard un problème de calibrage.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Vous voulez – évidemment ! – encore augmenter la fiscalité générale, …
M. Nicolas Sansu
Pas générale !
Mme Dieynaba Diop
Pas générale, celle qui pèse sur les plus riches !
M. Philippe Juvin
… particulièrement celle qui pèse sur le capital. C’est une folie !
Mme Ayda Hadizadeh
La folie, c’est de creuser la dette ! Le ruissellement n’a pas marché !
M. Philippe Juvin
Les prélèvements obligatoires sur le capital représentent 11,2 % du PIB. Pour la zone euro, ce chiffre s’élève à 9,2 %.
M. Jean-François Coulomme
Eh bien partez dans la zone euro !
M. Philippe Juvin
Cela crée une distorsion très défavorable à notre activité économique.
En quinze ans d’ISF, on a fait partir 10 000 contribuables, 35 milliards de capital.
M. Rodrigo Arenas
Qu’ils partent ! Ce sont des parasites de l’économie !
Mme Dieynaba Diop
Ils ne partent pas, ils ont doublé leur capital ! Et on attend toujours le ruissellement !
M. Philippe Juvin
Que se passe-t-il quand ils partent ? Ils ne paient plus d’impôts en France, en particulier d’impôt sur le revenu. L’ISF tel que vous le proposez provoque une diminution majeure de la ressource fiscale. L’impôt tue l’impôt : vous venez de le démontrer ! (Mme Véronique Louwagie applaudit.)
Mme Ayda Hadizadeh
L’impôt, c’est la solidarité !
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Il faut savoir de quoi nous parlons. L’objectif de ces amendements est de créer une taxe sur le patrimoine. Ne la confondons pas avec la contribution différentielle, qui touche les revenus.
Mme Véronique Louwagie
Vous voulez tout taxer !
M. Nicolas Sansu
On sait toutefois que les plus riches n’ont pas de revenus, ou si peu en comparaison de leur patrimoine ! On rate quelque chose si l’on demande aux multimillionnaires de participer tandis que les milliardaires échappent à la contribution. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Je rappelle tout de même que 73 % de nos concitoyens estiment qu’il faut rétablir un impôt de solidarité sur la fortune, calculé sur le patrimoine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS. – Mme Dieynaba Diop applaudit également.) Je rappelle aussi, pour répondre à M. Juvin, que s’il y a 700 ou 800 départs par an, plus de 100 000 contribuables sont de toute façon concernés. Arrêtez donc de dire n’importe quoi ! Ces départs n’en représentent qu’une infime part.
M. Philippe Juvin
Trente-cinq milliards d’euros !
M. Nicolas Sansu
Je rappelle enfin, pour celles et ceux qui l’auraient oublié, que la résidence principale bénéficierait d’un abattement de 30 %. On ne touche donc pas les petits propriétaires, on cible vraiment les riches ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
Un député du groupe LFI-NFP
Il va défendre le château de Mme Le Pen !
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous sommes pleinement favorables au rétablissement d’un impôt sur le patrimoine et les grandes fortunes. Le collègue vient de rappeler qu’il s’agit d’une demande répétée de nos compatriotes, réaffirmée par leur vote. Nous avons fait plusieurs propositions à ce sujet, la première faisant suite à l’excellent amendement déposé par notre collègue Mattei. Elle n’a pas prospéré pour le moment, mais nous présentons aussi d’autres propositions. Malheureusement, les sous-amendements que j’ai déposés à cet effet ont été déclarés irrecevables, je le regrette publiquement.
Le Rassemblement national s’engage à voter l’amendement de M. Philippe Brun, qui vise à rétablir l’ancien ISF, si nous en excluons la résidence principale. (« Ah ! » sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.) Est-il possible de discuter d’un sujet important ?
Mme la présidente
S’il vous plaît, mes chers collègues : seul M. Tanguy a la parole.
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous savez très bien où était la principale faille politique de l’ISF : un certain nombre de personnes pas spécialement riches, mais détenant un patrimoine valorisé du fait de la spéculation immobilière, étaient injustement visées par le dispositif. Cela dénaturait le débat public sur le sujet en permettant aux opposants à l’ISF de caricaturer cet impôt, et cela faisait du tort à tout le monde. Je pense donc qu’on peut…
Mme la présidente
Je vous remercie, monsieur le député.
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est tout de même dommage de ne pas pouvoir finir son intervention sur un sujet pareil.
Mme la présidente
Vous avez encore le micro ouvert : finissez votre propos plutôt que de faire un commentaire sur le fait que vous devez le terminer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous sommes même d’accord pour sous-amender la proposition d’un ISF climatique à l’amendement no 1964 de Mme Maximi. Voilà quelles sont nos deux propositions de sous-amendement.
Mme la présidente
Si vos sous-amendements n’ont pas été acceptés, c’est parce qu’ils ont été déposés après la présentation des amendements concernés et que le rapporteur général était déjà en train de donner l’avis de la commission.
La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas
Je voudrais d’abord dénoncer les propos de la droite et ses éléments de langage…
M. Éric Woerth
Quels éléments de langage ?
Mme Eva Sas
…selon lesquels nous faisons du matraquage fiscal et font semblant de croire que l’on va s’attaquer aux classes moyennes et populaires, alors que toutes nos mesures sont précisément ciblées sur les ultrariches. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Nicolas Bonnet applaudit également) Elles ne vont absolument pas toucher les classes moyennes et populaires. Arrêtez donc de faire croire le contraire !
Ainsi, mon amendement no 784, qui propose ce que je pourrais appeler l’impôt Zucman, ne toucherait que ceux ayant un patrimoine supérieur à 50 millions d’euros, en créant un complément d’imposition de façon que l’ensemble des impôts acquittés, dont l’IR, l’IFI et la CEHR, soit au moins égal à 2 % de leur patrimoine. C’est vraiment la plus minime des contributions que nous demandons aux ultrariches. Vous ne pouvez pas dire qu’on touche aux classes moyennes et populaires quand il s’agit de ceux qui détiennent plus de 50 millions d’euros de patrimoine ! Je vous invite à voter cet amendement de repli. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
Mme la présidente
Monsieur Tanguy ?…
M. Jean-Philippe Tanguy
Je demande une suspension de séance, le temps de négocier avec ceux qui le veulent pour aboutir à une forme d’ISF qui pourrait réunir une majorité, sinon faire consensus.
Mme la présidente
La suspension est de droit.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures cinquante, est reprise à neuf heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 745, 1455 et 2549.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 187
Nombre de suffrages exprimés 187
Majorité absolue 94
Pour l’adoption 87
Contre 100
(Les amendements identiques nos 745, 1455 et 2549 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1933.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 195
Nombre de suffrages exprimés 195
Majorité absolue 98
Pour l’adoption 86
Contre 109
(L’amendement no 1933 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1967.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 197
Nombre de suffrages exprimés 197
Majorité absolue 99
Pour l’adoption 88
Contre 109
(L’amendement no 1967 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1976.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 198
Nombre de suffrages exprimés 198
Majorité absolue 100
Pour l’adoption 88
Contre 110
(L’amendement no 1976 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 2594, 1586 et 784, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme Dieynaba Diop
C’est bien votre boulot de protéger les riches !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 1964.
M. Jean-François Coulomme
La Charte de l’environnement, qui fait partie du bloc de constitutionnalité de notre république, prévoit dans son article 2 que « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ». Quel meilleur moyen de prendre sa part que d’y contribuer sur le plan financier par l’impôt sur la fortune que propose cet amendement ? Nous avons ici pris en compte la possibilité d’exonérer les résidences principales jusqu’à 800 000 euros avec un taux de 0 %, qui pourra être corrigé par différentes mesures allant dans le sens de l’environnement. Bien évidemment, le taux est fixé à 3 % pour les patrimoines de plus de 100 millions d’euros. Je vous laisse imaginer, comme celles et ceux qui nous regardent, ce que cela représente comme patrimoine !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission des finances est défavorable à l’idée d’un ISF avec composante climatique.
Je note tout d’abord que l’utilité de l’ISF pour réduire les inégalités n’est pas avérée, compte tenu de l’usage que font les grandes fortunes de mécanismes comme le plafonnement. Du temps de l’ISF, dix des cinquante plus grandes fortunes françaises ne payaient rien du tout, et les quarante autres moins de 10 % du barème.
En outre, selon les derniers travaux du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, le taux d’imposition moyen des revenus du capital pratiqué en France demeure parmi les plus élevés de toute l’OCDE.
Quant à la dimension climatique, comment mesurer objectivement l’impact climatique d’un patrimoine ? Vous proposez des classements avec des coefficients, mais ceux-ci ne seraient pas fonction de la quantité d’émissions de chacun de ces biens.
Enfin, intégrer les biens professionnels dans l’assiette, même avec un abattement, risque de pénaliser particulièrement certaines professions sans forcément concerner les plus gros patrimoines.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1964.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 166
Nombre de suffrages exprimés 166
Majorité absolue 84
Pour l’adoption 78
Contre 88
(L’amendement no 1964 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
L’amendement no 1639 de Mme Marietta Karamanli est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission des finances a donné un avis défavorable sur cet amendement qui vise à imposer les très grandes fortunes, avec des taux allant de 1 % pour 20 à 50 millions d’euros de patrimoine à 8 % au-delà de 10 milliards. Si vous souhaitez taxer les grandes fortunes, mieux vaut se tourner vers les mécanismes de défiscalisation comme les dépenses fiscales, les holdings « tirelires », etc. En outre, en pleine crise immobilière, nous ne pouvons pas traiter toutes les composantes du patrimoine de la même façon.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Je veux signaler aux Français qui nous regardent le taux de présence des députés du bloc central. Que leurs électeurs le constatent : il est incroyablement bas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Voilà comment ils vous défendent face aux taxes de la gauche ! Demandez-leur des comptes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
J’adresse cette observation à M. Renault : pourquoi voulez-vous qu’ils soient plus nombreux, puisqu’ils savent qu’ils vous ont pour voter contre toutes les propositions fiscales et sociales ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.) Ils savent que vous êtes là, donc ils n’ont pas à se mobiliser ! (Mêmes mouvements.)
M. René Pilato
Ils vous ont collés d’astreinte, et vous l’acceptez !
Mme la présidente
La parole est à M. Antoine Léaument.
M. Antoine Léaument
Je trouve assez scandaleux que les reproches faits au bloc gouvernemental à propos de la faiblesse de sa présence viennent du Rassemblement national, qui vient de voter avec la Macronie contre le rétablissement de l’ISF (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS), c’est-à-dire contre un impôt qui aurait ajouté de la justice fiscale, au moment où nos concitoyens voient l’Assemblée nationale débattre d’un budget demandant des efforts à tous, sauf aux plus riches ! Dans cet hémicycle, il est écrit Liberté, Égalité, Fraternité (Exclamations sur les bancs du groupe RN), devise inventée par Maximilien Robespierre…,
M. Emeric Salmon et M. Timothée Houssin
Et non Jules Ferry !
M. Antoine Léaument
…qui disait aussi la chose suivante : « Nul ne peut entasser des monceaux de blé à côté de son semblable qui meurt de faim. » Vous avez proposé à ceux qui entassent des monceaux de blé de pouvoir continuer à le faire à côté de ceux qui meurent de faim. C’est un scandale ! Vous êtes les alliés objectifs du bloc central dont vous dénoncez l’absence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel, pour un rappel au règlement.
M. David Amiel
Il se fonde sur l’article 100 de notre règlement. Il est assez savoureux d’entendre des reproches de la part du Rassemblement national quelques minutes après qu’il a demandé une suspension de séance pour négocier des augmentations d’impôts avec le Nouveau Front populaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. René Pilato
Le mensonge ne vous mènera nulle part !
M. David Amiel
Il est également assez savoureux d’entendre des leçons sur notre présence de la part du Rassemblement national alors que la présidente de son groupe, Mme Le Pen, a été absente toute la semaine d’un débat aussi important que celui du budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Après l’article 3 (suite)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1639.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 150
Nombre de suffrages exprimés 149
Majorité absolue 75
Pour l’adoption 61
Contre 88
(L’amendement no 1639 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 835, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de plusieurs amendements pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir les amendements nos 865 et 1778, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
Mme Eva Sas
Ils ont pour objectif d’élargir l’assiette de l’IFI aux biens de luxe et aux placements financiers pour le no 865 et aux seuls placements financiers pour le no 1778. Ils visent également à demander que soit établi un bilan carbone des patrimoines financier et immobilier, de façon à pouvoir mettre en place par la suite un bonus-malus sur cette empreinte carbone.
Mme Christine Arrighi
Excellents amendements !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission des finances a rejeté ces deux amendements. Le no 865 vise à faire entrer dans l’assiette de l’IFI des éléments très différents. On ne peut pas comparer des objets d’art, des jets privés ou des yachts à des biens immobiliers, lesquels répondent à des besoins en matière de logement. L’immobilier ne me semble pas improductif, même lorsque les baux ne remplissent pas les critères que vous proposez – location d’au moins un an de logements appartenant à certaines catégories énergétiques. De plus, les revenus immobiliers sont déjà plus lourdement taxés que les revenus mobiliers. C’est d’ailleurs l’une des critiques adressées à l’IFI.
En outre, les biens que vous visez représentent certes des dépenses somptuaires, mais leur consommation est déjà fortement taxée par ailleurs. Je vous invite à la prudence. On se souvient de la tentative, en 2017 et 2018, de compenser la suppression de l’ISF par une surtaxe sur les véhicules de sport et sur les yachts : ni l’une ni l’autre de ces taxes n’ont procuré le rendement escompté.
Concernant l’amendement no 1778, je remarque que, si on peut avoir une réflexion sur la taxation alourdie de l’immobilier comparativement aux revenus mobiliers, votre proposition se borne à rétablir un ISF excluant la résidence principale de son assiette. Vous ne tenez pas non plus compte des mécanismes de plafonnement des niches fiscales, qui ont toujours permis aux grandes fortunes d’éviter l’ISF ou de ne payer que très peu, ni des holdings « tirelires » qui permettraient d’échapper au dispositif que vous proposez.
Mme la présidente
Je n’avais pas vu qu’il y avait trois amendements dans cette discussion commune. La parole est donc à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l’amendement no 835.
M. Jean-Philippe Tanguy
Beaucoup de gens préféreraient ne pas voir cet amendement ici, puisqu’il vise à taxer la fortune financière.
Une députée du groupe LFI-NFP
Et le château ?
M. Jean-Philippe Tanguy
Contrairement à ce qu’on a entendu récemment, il ne s’agit absolument pas de défendre les plus privilégiés. Il s’agit de trouver le meilleur dispositif pour, d’une part, encourager l’investissement en France et défendre ceux qui ont fait le choix de l’enracinement et, d’autre part, pénaliser ceux qui ont choisi de ne pas défendre le pays et de ne pas investir dans l’outil productif français – bref, de ne pas croire dans l’avenir du pays. L’impôt sur la fortune financière (IFF) que nous proposons rapporterait 3 milliards d’euros de plus que l’IFI qu’il viendrait remplacer.
Peu de Français seront d’accord avec ceux qui estiment que créer un impôt avec un rendement supérieur de 3 milliards à ce qui existe reviendrait à offrir un cadeau au bloc central. De toute façon, nous ne cherchons pas l’accord de ceux qui pensent cela. Nous cherchons à pouvoir nous regarder dans un miroir (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) et nous sommes très fiers de défendre avec constance non des postures, mais un programme de fond associant efficacité économique et justice sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Dieynaba Diop
Ce sont les riches que vous défendez avec constance !
M. René Pilato
Ce ne sont que des discours !
Mme Ayda Hadizadeh
Vous avez refusé la solidarité !
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements en discussion commune ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
À propos des amendements de Mme Sas, je renvoie aux débats que nous avons eus lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018 sur l’assiette de l’IFI, sur ce qu’on pouvait y mettre en plus du patrimoine immobilier. Joël Giraud, à l’époque rapporteur général du budget, avait mené sur ce sujet un travail tout à fait intéressant, tout à fait justifié, mais tout à fait improductif à la fin. Vous vous souvenez que nous avions longuement parlé des yachts, lesquels avaient finalement très vite changé de pavillon ! Aussi louables que soient vos amendements, l’élargissement de l’assiette de l’IFI au-delà du patrimoine immobilier a déjà été tenté, et il s’est révélé inopérant. Mon avis sera donc défavorable.
À propos de l’amendement de M. Tanguy, j’ai un peu de mal à comprendre la différence entre l’IFF qu’il vise à créer et l’ISF. À quelques détails près peut-être, il s’agit de remettre l’ensemble des actifs dans l’assiette de l’impôt,…
M. Nicolas Sansu
Non, pas l’immobilier !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…comme au temps de l’ISF. Il s’agit donc bien d’un retour à l’ISF, contre lequel je vous ai donné mes arguments. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-François Coulomme.
M. Jean-François Coulomme
Monsieur le rapporteur général, si on inventorie tous vos avis sur les mesures de justice fiscale qui sont proposées, le constat semble sans appel : elles sont soit anticonstitutionnelles, soit confiscatoires, soit inopérantes. Tous nos amendements tombent à vos yeux sous le coup d’un de ces qualificatifs. Vous avez l’assentiment de toutes les droites pour résister à nos demandes de partage du capital, qu’il soit immobilier ou mobilier. Avec une approche pareille, nous sommes assez mal partis : une telle logique ne permettra jamais de taxer ceux qui auraient pourtant les moyens de contribuer à l’intérêt général.
Mme Ayda Hadizadeh
Pourquoi ?
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Monsieur Tanguy, avec ce que vous avez voté tout à l’heure, quand vous regardez votre miroir, vous devez voir M. Macron ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Emeric Salmon
Vous, c’est quand vous regardez votre bulletin de vote que vous voyez Macron !
M. Matthias Renault
Souvenez-vous du bulletin que vous avez mis dans l’urne : vous avez délégué votre souveraineté à Macron !
M. Nicolas Sansu
Vous devez voir M. Macron, puisque vous l’avez sauvé à propos de l’impôt de solidarité sur la fortune ! D’autre part, votre amendement est scandaleux. Oui, nos amendements visent à taxer tous les patrimoines, qu’ils soient fonciers, immobiliers ou mobiliers, alors que le vôtre, c’est l’amendement Montretout, pour que Mme Le Pen ne paie pas votre impôt sur la fortune ! Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS. – Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Je dénonce l’incohérence totale du Rassemblement national, qui d’un côté vote le rétablissement de l’exit tax, et de l’autre, demande le rétablissement de l’ISF. La vérité, c’est que la suppression de l’ISF a été la meilleure des exit taxes : elle a permis d’éviter que des contribuables aisés partent pour ne pas rester les seuls au monde à subir une imposition sur leur stock de capital. Je le demande à nos collègues de gauche : qui nous a imités ? Qui nous a copiés ? Quel pays a un impôt sur le stock de capital ? Aucun ! Oui, nous allons faire face à d’importants défis climatiques, mais nous ne les résoudrons pas uniquement avec des capitaux publics. Nous avons besoin de capitaux privés, d’investisseurs privés et d’actionnaires privés pour assurer la souveraineté de notre pays. Tout cela ne pourra se faire si votre démagogie fiscale l’emporte. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.)
Mme Ayda Hadizadeh
Les inégalités explosent dans le monde, mais cela ne vous fait ni chaud ni froid !
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Je trouve que cet amendement est intéressant par ce qu’il révèle de l’état d’esprit du Rassemblement national. En commission comme en séance, vous avez déjà effectué, depuis le début de l’examen du projet de loi de finances, des retours en arrière et des virages à 360 degrés.
M. Emeric Salmon
À 360 degrés, ce n’est plus un virage, c’est tout droit !
Mme Véronique Louwagie
Nous l’avons vu à propos du PFU, dont vous avez voté l’augmentation en commission mais pas en séance. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
Un peu de calme, s’il vous plaît ! On écoute Mme Louwagie !
Mme Véronique Louwagie
Nous le voyons aussi avec cet amendement, qui présente des similitudes avec les orientations du Nouveau Front populaire. Vous voulez taxer le capital, encore taxer. (« Oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Voilà : vous vous retrouvez parfaitement, certes au prix d’un grand écart ! Avec cet amendement, vous voulez faire fuir un certain nombre de contribuables. Je rappelle que l’ISF en a fait partir 10 000 en quinze ans,…
M. Nicolas Sansu
Cinq cents !
Mme Véronique Louwagie
…alors que sa suppression a entraîné la création de 50 000 emplois. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme Ayda Hadizadeh
Vous n’en savez rien !
M. Rodrigo Arenas
Il faut changer de journal !
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je m’adresse à notre collègue qui m’a mis en cause tout à l’heure pour lui dire que je suis rapporteur général du budget. Je suis donc là pour rapporter la position de la commission, quand bien même je ne la partage pas sur certains amendements. Je le dis parfois, avec discrétion. D’autre part, il est dans ma fonction d’appeler votre attention sur plusieurs points, dont les problèmes constitutionnels. Si vous voulez vous attaquer aux très grandes fortunes, il ne faut pas passer par l’ISF, en raison de l’existence d’un plafonnement.
Je me permets de vous rappeler que grâce à ce système, les dix plus grandes fortunes françaises ne payaient pas l’ISF.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Absolument !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ne semons pas d’illusions sur ce point. Comment contourner le problème ? Je le dis peut-être à temps et à contretemps, mais je ne veux pas que vous vous engagiez sur des pistes sans issue. C’est ma fonction de rapporteur général ; après, l’Assemblée fait ce qu’elle veut !
Mme la présidente