XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Séance du lundi 14 octobre 2024

Sommaire détaillé
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Séance du lundi 14 octobre 2024

Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Débat sur la dette

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle, en application de l’article 48 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, un débat sur la trajectoire, les conditions de financement et la soutenabilité de la dette publique.
    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

    M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

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    Ménager dans cet hémicycle un temps de débat sur la dette est essentiel pour l’avenir de notre pays. J’ai acquis sur les bancs de cette assemblée la conviction que la dette est bien un sujet politique et pas uniquement financier. C’est avant tout un sujet qui concerne toutes les Françaises et tous les Français, et donc tout particulièrement la représentation nationale.
    Pour cette raison, mon collègue Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics, et moi-même avons tenu à ce que le rapport sur la dette des administrations publiques vous soit remis, mesdames, messieurs les députés, dans les meilleurs délais. Je rappelle qu’à la demande de la présidente de l’Assemblée nationale, ce document vous a été transmis comme convenu le 11 octobre, pour que nous puissions en discuter dans les meilleures conditions possibles, compte tenu des délais extraordinaires dus à la situation politique de notre pays. Sur le fondement de ce rapport, du projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, je vous propose d’évoquer successivement la trajectoire de notre dette et les conditions de son financement.
    Mais un mot tout d’abord sur la situation de notre dette. Vous le savez : notre dette est colossale… Elle atteindra 113 % du produit intérieur brut à la fin de l’année 2024, soit environ 3 300 milliards d’euros.

    M. Olivier Fayssat

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    Chapeau !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Cette dette est le résultat de cinquante années de déficits successifs…

    M. Mickaël Bouloux

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    Surtout les sept dernières années !

    M. Antoine Armand, ministre

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    …puisque, je le rappelle, pas un budget n’a été équilibré depuis l’exercice 1974. C’est plus précisément le résultat d’une dépense publique qui a augmenté quasiment chaque année, depuis plusieurs décennies, ce qui fait que la France a maintenant le taux de dépenses publiques le plus élevé de l’Union européenne. C’est aussi la résultante des crises récentes durant lesquelles nous avons, je crois de manière transpartisane, fait le choix de protéger les ménages et les entreprises, à la fois bien sûr pendant la crise sanitaire que nous avons traversée ensemble mais aussi lors de la récente crise énergétique et de la crise inflationniste qui s’en est suivie, avec des taux d’inflation qui ont dépassé les 4 %. Toutefois, l’inflation se réduit mois après mois puisqu’elle est passée sous les 2 % au mois d’août de cette année et qu’elle devrait être de moins de 2 % pour l’année 2025. Mais je vous le confirme, même si je sais que vous êtes nombreux à en avoir pleinement conscience : nous allons devoir consentir collectivement un effort important et nécessaire parce que cette dette a des conséquences, et tout d’abord sur nos marges de manœuvre.

    M. Sébastien Chenu

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    Vous parlez d’expérience !

    M. Antoine Armand, ministre

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    À cet égard, je souligne que la charge de la dette devrait atteindre 54 milliards d’euros l’an prochain et pourrait devenir le premier budget de l’État en 2027… Elle serait alors supérieure au budget de n’importe quel autre poste de dépenses de l’État.

    Un député du groupe RN

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    Quelle honte !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Pour le dire autrement, cette année, 1 euro de dépenses publiques sur 8 est utilisé pour payer les intérêts de la dette plutôt que pour financer nos services publics. Je ne crois pas que nous puissions nous y résoudre.

    M. Sébastien Chenu

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    Vous devriez vous excuser !

    M. Hadrien Clouet, rapporteur de la commission des affaires sociales

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    C’est votre bilan !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Cette situation a aussi des conséquences sur notre crédibilité et si la hausse de la charge de la dette s’explique d’abord bien sûr par l’augmentation de la dette elle-même, elle est due également, je le souligne, à l’augmentation des taux d’intérêt. Les taux des bons du Trésor à dix ans, par exemple, atteignent 3 % aujourd’hui. Il est vrai que c’est aussi le résultat cohérent de la politique qui a été menée notamment par la Banque centrale européenne pour contenir l’inflation –⁠ j’ai rappelé à l’instant que celle-ci baisse et que, dès l’année prochaine, elle devrait retrouver un niveau inférieur à 2 % en rythme annuel. Mais c’est aussi, reconnaissons-le, un signal que les instituts et les marchés nous envoient : notre écart de taux d’intérêt à dix ans avec l’Allemagne est passé de 0,5 % à un niveau compris entre 0,7 % et 0,8 % au cours de l’année. C’est une tendance évidemment dangereuse puisqu’elle représente des milliards d’euros supplémentaires que nous ne pouvons pas consacrer à nos services publics, à l’investissement dans la transition écologique et numérique et, de manière générale, au renforcement de notre pays. C’est donc bien sûr une tendance que nous devons endiguer.
    Face à cette situation et pour réagir comme l’a souhaité le Premier ministre, il nous faut avoir un discours simple et clair, mais aussi humble.

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Ah oui ! C’est très simple !

    M. Emmanuel Maurel

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    L’humilité n’est pas votre marque de fabrique !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Il nous faut respecter nos engagements européens pour redonner de la capacité d’investissement à notre pays. C’est le principe de la trajectoire que nous allons vous proposer visant à rétablir les comptes publics afin de repasser sous la barre des 3 % de déficit en 2029. Pourquoi un déficit de 3 % au plus en 2029 ?

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Bonne question !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Tout d’abord parce que, et je le redis ici, c’est le niveau de déficit qui permet de stabiliser notre dette, c’est-à-dire de faire qu’elle cesse d’augmenter. Nous retrouverons alors un horizon de désendettement pour notre pays. Ensuite, parce que c’est évidemment aussi un gage de souveraineté nationale et de crédibilité sur la scène européenne. Pour atteindre cet objectif et gagner en crédibilité à cet égard, redescendre à un déficit de 5 % en 2025 est un ancrage nécessaire, mais difficile. Nous y reviendrons sans aucun doute lors des débats sur le projet de loi de finances mais, je le répète, un tel ancrage est nécessaire parce qu’il traduit un ajustement important entre 2024 et 2025, et qu’il nous permet d’envisager sereinement notre capacité à réduire les déficits les années suivantes et à soutenir notre croissance qui, je le souligne, reste un moteur dans l’Union européenne puisqu’elle est supérieure à la moyenne de la zone euro et que, cumulée depuis 2019, elle dépasse 3 % au lieu d’à peine 0 % en Allemagne.
    Tenir cette trajectoire de 5 % en 2025 implique de consentir un effort de 60 milliards d’euros pour l’année prochaine par rapport à la hausse prévue des dépenses publiques. C’est un effort important. Sans en faire un totem, je me dois de rappeler que c’est tout de même la condition de la crédibilité du redressement de nos finances publiques à moyen terme. Le Gouvernement a eu l’occasion d’évoquer à de multiples reprises le fait que cet effort devait essentiellement reposer sur la dépense publique et je ne doute pas que le débat parlementaire permettra d’aller plus loin dans les propositions d’économies,…

    M. Antoine Léaument

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    On peut aussi taxer les riches !

    Mme Stéphanie Rist, rapporteure de la commission des affaires sociales

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    Ah, ça faisait longtemps !

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Il y a un très bon rapport sur le sujet !

    M. Antoine Armand, ministre

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    …qu’il s’agisse des dépenses de l’État –⁠ y compris des emplois –, de la sécurité sociale ou des collectivités. Mais les mesures d’économies proposées pour 2025 ne pourront suffire ni à boucler le budget ni à présenter un effort collectif à hauteur de la contribution de l’ensemble de la nation. C’est pourquoi le Gouvernement a proposé une augmentation des recettes d’environ 20 milliards d’euros basée sur une triple critérisation : des prélèvements ciblés, temporaires et qui s’appliqueront avant tout sur celles et ceux qui peuvent contribuer. C’est nécessaire pour que la réduction de notre dette ne se fasse pas au détriment de notre économie. Après avoir rappelé le niveau de la croissance française comparée à celui de la zone euro et évoqué l’inflation, nul besoin de rappeler ici que le taux de chômage est quasiment au plus bas depuis quarante ans, ce dont je suis sûr que la représentation nationale dans son ensemble ne peut que se réjouir.

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Nous sommes réjouis !

    M. Antoine Armand, ministre

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    S’agissant des conditions de financement de la dette, je note que ce sujet est trop peu abordé, moins souvent que l’ampleur de celle-ci, alors que c’est pourtant un sujet central dans la situation où nous nous trouvons. Je l’ai dit : notre dette est colossale, ce qui place notre pays dans une situation très préoccupante, mais sa gestion technique et financière est assurée.

    M. Sébastien Chenu

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    Ah !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Le rapport qui nourrit ce débat a été établi à partir de la stricte application des principes de gestion technique et financière de notre dette. Je rappelle que l’État émet de la dette de façon régulière et stable, indépendamment de la situation et de la conjoncture économique.
    En outre, je sais que la question de la diversification de nos investisseurs fait souvent débat ici. Il s’agit d’investir et de financer à moindre coût, notamment par la mise en concurrence de nos investisseurs, mais aussi d’assurer notre sécurité et notre résilience si jamais un choc économique frappait une zone géographique plutôt qu’une autre, un type d’investisseur plutôt qu’un autre.
    Enfin, j’en viens au verdissement de notre dette. La France, je le rappelle, a été le premier État souverain à émettre des obligations vertes en 2017. Désormais, la plupart des pays européens font de même car c’est un élément important à la fois de souveraineté nationale, de résilience et de fléchage des investissements publics vers la transition écologique. Alors même que notre trajectoire a suscité des interrogations marquées et compréhensibles, c’est ce qui a permis que le financement technique au quotidien de notre dette se fasse sans heurts sur les marchés. Et je vous annonce en ce milieu du mois d’octobre que plus de 90 % du programme de financement a déjà été réalisé.
    Un mot pour finir, à propos de la notation de la France. Vous avez vu que l’agence de notation Fitch a confirmé notre note vendredi soir, en lui adjoignant certes une perspective négative. L’agence a insisté sur le fait que notre économie est forte, vaste et diversifiée, tout en formulant aussi très clairement les doutes et les interrogations qu’elle avait sur notre capacité à tenir une trajectoire de redressement de nos comptes publics, ce qui doit nous inciter collectivement a encore plus de responsabilité au moment du débat budgétaire. Ce placement sous une perspective négative, nous l’analysons.
    Je n’ai pas besoin de répéter devant la représentation nationale que la politique de la France ne se fait évidemment pas par rapport aux analyses des agences de notation ni pour ces dernières. Il n’en demeure pas moins, je le dis avec une certaine solennité, que les analyses d’agences indépendantes doivent, surtout dans cette période, être considérées comme des avertissements lorsque nous arrivons à de tels niveaux, et nous conforter ainsi dans notre détermination à mener l’effort qui est le nôtre. Celui-ci doit être partagé, ce qui n’empêche pas un débat très large sur les économies à faire ni sur les mesures fiscales à prendre, pas plus que sur le type d’économies ni sur le type de fiscalité concernés, mais un débat qui doit nous placer dans une perspective de redressement de nos comptes publics. Et je sais que nous serons tous dans un esprit de responsabilité. Je me tiens maintenant à votre disposition pour répondre à vos remarques. (Mme la rapporteure et M. Éric Woerth applaudissent.)

    M. Antoine Léaument

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    Deux personnes d’accord avec vous, monsieur le ministre, c’est peu !

    M. Éric Woerth

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    C’est un bon début !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    C’est la troisième année que nous tenons dans cet hémicycle un débat sur la dette publique qui, je le rappelle, est une possibilité prévue par l’article 48 de la Lolf –⁠ la loi organique relative aux lois de finances –, issu d’une révision d’origine parlementaire. Ce débat sur la base d’un rapport gouvernemental sur la dette est d’importance pour le Gouvernement mais aussi pour le Parlement. Son importance est aujourd’hui accrue par l’urgence et par la gravité qui caractérisent la situation de nos finances publiques et de notre dette publique.
    Mes chers collègues, le niveau de la dette publique française se dégrade de manière constante depuis plusieurs décennies. Elle s’élevait, au deuxième trimestre 2024, à 3 228 milliards d’euros, soit 112 % de notre richesse nationale, et devrait poursuivre sa tendance haussière pour culminer à 116,5 % du PIB en 2027 si l’on en croit les prévisions gouvernementales.
    Ce niveau massif de l’endettement public cache une situation très contrastée selon les sous-secteurs des administrations publiques.
    L’endettement public français est essentiellement nourri par les déficits de fonctionnement considérables de l’État. En effet, fin juin 2023, la dette de ce dernier était de 2 628 milliards d’euros. Ces déficits viennent dégrader la situation nette de l’État, c’est-à-dire l’écart entre son actif et son passif, solde négatif égal –⁠ je vous le donne en mille, mes chers collègues – à 1 875 milliards d’euros fin 2022 selon les comptes de patrimoine tenus par l’Insee. Les comptes pour 2023 ne sont pas encore sortis mais je répète le chiffre : 1 875 milliards. Grosso modo, cela signifie que les actifs de l’État, soit un peu moins de 800 milliards d’euros, ne couvrent que le tiers de son passif. Monsieur le ministre, si vous étiez à la tête d’une entreprise privée, vous auriez couru depuis longtemps au tribunal de commerce pour déposer le bilan !

    M. Antoine Léaument

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    Bien dit !

    M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances

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    À l’inverse, les collectivités territoriales affichent un ratio de dette sur PIB faible et quasi stable, autour de 9 % de notre richesse nationale, soit 250 milliards d’euros à la fin juin 2024. Grâce à la règle d’or, c’est-à-dire à l’obligation d’équilibrer les comptes de leurs sections de fonctionnement, celles-ci affichent un excédent, tandis que les sections d’investissement ne peuvent être financées par la dette que partiellement. Ainsi, contrairement à celui de l’État, l’endettement des collectivités territoriales vient financer des investissements publics. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) De plus, les collectivités disposent d’actifs dont la valeur, fin 2022, s’établissait à 2 200 milliards d’euros selon les comptes de patrimoine de l’Insee. Leur situation nette est positive de 1 900 milliards d’euros. L’écart de 300 milliards recouvre principalement 250 milliards d’euros de dettes. L’actif net des collectivités territoriales est donc positif de 1 900 milliards d’euros quand celui de l’État est négatif d’à peu près autant.
    Enfin, la dette des administrations de sécurité sociale s’établissait fin 2023 à 264 milliards d’euros selon l’Insee, soit 9,3 % du PIB. Cette dette est majoritairement le fait des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale car, à l’exception de l’Unedic, les autres organismes sont excédentaires et ont même des réserves. Là aussi, il s’agit essentiellement de déficit de fonctionnement. Fin 2023, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) avait encore 145 milliards d’euros de dette. Pour sa part, l’Urssaf Caisse nationale est désormais structurellement déficitaire et aurait, selon ce qui a été indiqué en commission, une dette de court terme d’environ 40 milliards d’euros.
    Ainsi, alors même qu’il demande des efforts aux collectivités, l’État doit commencer par réduire ses propres déficits de fonctionnement ainsi que ceux du secteur de la protection sociale, qui pénalisent l’ensemble des administrations publiques.
    Ainsi que M. le ministre l’a évoqué, vendredi, l’agence Fitch a maintenu la notation de la France mais lui a attribué une perspective négative. Cependant, les marchés financiers n’ont pas attendu qu’une agence de notation se prononce sur la soutenabilité de la dette française pour réagir. Depuis le printemps, l’écart de taux avec l’Allemagne s’est accru de 30 points de base, reflétant la perception qu’ont les investisseurs du risque comporté par notre dette publique.
    Cela résulte de plusieurs facteurs. Le premier est la fin des politiques non conventionnelles de la Banque centrale européenne (BCE), mais il n’est pas le seul. En 2023, si la hausse des taux directeurs de la BCE de 450 points de base ne s’est pas fait directement sentir sur le ratio entre notre dette et notre PIB, c’est à cause de la poussée inflationniste qui a dopé la croissance nominale du PIB.
    En revanche, aujourd’hui, à l’heure où l’inflation reflue, notre niveau de croissance nominale, qui devrait se situer autour de 3 % par an d’ici à 2029,…

    Mme la présidente

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    Il faut conclure, monsieur de Courson.

    M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances

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    …soit une croissance réelle de l’ordre de 1 %, ne permet plus de diminuer le ratio entre la dette et le PIB sans maîtrise de l’évolution de la dépense publique. Là se trouve la principale raison de la hausse de l’endettement public.

    Mme la présidente

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    Il faut conclure, monsieur de Courson.

    M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances

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    Cet écart au solde stabilisant, qui, je le rappelle, serait légèrement supérieur à 3 %, sera d’autant plus difficile à résorber que notre niveau d’endettement massif, couplé à la hausse des taux d’intérêt, va provoquer une hausse marquée de la charge de la dette des administrations.

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, monsieur le rapporteur général, il faut conclure.

    M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances

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    Cette charge va passer de 1,9 % du PIB en 2023 à 3,5 % en 2031. (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)

    Mme la présidente

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    Je suis navrée mais votre temps de parole était limité à cinq minutes.

    M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances

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    Mes chers collègues, c’est simple : il faut réduire les déficits ! (Sourires et applaudissements sur divers bancs.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial

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    « Sur la dette, un plan d’économies conséquent est plus que nécessaire », déclarait Marine Le Pen à cette tribune le 10 octobre 2022. « Cela fait cinquante ans que vous plombez notre pays par plus de déficit, plus de dette et toujours plus d’impôts. Pourtant, il y a de moins en moins de services publics efficaces », ajoutait Jean-Philippe Tanguy le 17 octobre 2023 à la même place.

    M. Éric Woerth

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    De grands auteurs !

    M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial

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    « Halte ! Nous vous informons que vous êtes positifs au contrôle d’ivresse à la dette publique. Vous êtes accros à la dette et ce sont les Français qui en pâtissent », disais-je au même endroit le 18 octobre 2023.

    M. Éric Woerth

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    C’est original de se citer soi-même !

    M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial

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    Monsieur le ministre, cela fait des années que vous riez à nos alertes, que vous les dédaignez comme aujourd’hui, soutenant mordicus Bruno Le Maire et ses budgets, allant, lors de son départ, jusqu’à le remercier « pour tout ». Cela fait des années que le Rassemblement national vous alerte sur la gestion de notre pays et que Marine Le Pen fait des propositions pour mettre fin aux déficits, ininterrompus depuis cinquante ans, qui nous ont conduits à la catastrophique situation actuelle. LR, Horizons, les centristes, les macronistes évidemment, le Nouveau Front populaire dans son ensemble : vous avez tous, à tour de rôle, creusé notre dette et maintenu nos budgets en déficit depuis cinquante ans puisque vous avez tous eu le pouvoir à un moment ou à un autre.

    M. Antoine Léaument

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    Pas nous !

    M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial

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    Si : M. Mélenchon a été ministre.

    M. Antoine Léaument

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    Un très bon ministre !

    M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial

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    La situation de la dette publique française est préoccupante. Partant d’un ratio entre la dette publique et le PIB de 65 % en 2007, nous avons dépassé les 90 % dès 2012 et les 110 % après la crise sanitaire. Selon l’Insee, la dette s’est élevée à 112 % du PIB au deuxième trimestre 2024. Comme l’a indiqué notre collègue de Courson, cela représente 3 230 milliards d’euros, un niveau record dont vous prévoyez déjà l’accroissement jusqu’en 2027.
    L’Italie et la France sont les seuls pays à être en procédure pour déficit excessif. C’est la conséquence du dérapage que vous connaissez désormais tous : là où la loi de finances prévoyait un déficit public de 4,4 % du PIB pour 2024, l’exécution devrait, selon vos dernières estimations, aboutir à un déficit de 6,1 %.
    Ces données contrastent bien trop avec ce qui se passe chez nos voisins européens. Tous voient leur situation s’améliorer depuis la crise sanitaire, sauf nous. C’est le cas notamment du Portugal, qui dégage depuis l’année dernière des excédents budgétaires, mais aussi de l’Espagne, qui a ramené son déficit public sous les 3 % du PIB dès 2024.

    M. Antoine Léaument

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    Comme par hasard !

    M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial

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    Cela se traduit par une hausse des taux d’intérêt souverains. En effet, la France emprunte désormais à des taux plus élevés que le Portugal, l’Espagne ou même la Grèce.
    En conséquence, la charge de la dette explose, devenant bientôt le premier poste de dépenses de l’État, alors que c’est le plus improductif. Elle s’élèverait à 45,8 milliards d’euros en 2024 mais devrait augmenter pour s’établir à 54,4 milliards en 2025 et dépasser les 75 milliards d’euros en 2027.
    Comme si ces indicateurs ne se suffisaient pas, la structure de notre dette assène le dernier coup de massue. Je vous ai déjà alerté à plusieurs reprises sur un point que vous n’avez pas, monsieur le ministre, mentionné dans votre discours. Il s’agit des obligations indexées sur l’inflation, qui nous font courir un danger croissant à mesure que la charge de la dette augmente. L’encours des obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATI) s’est en effet élevé fin 2023 à 11,2 % de l’encours global de la dette négociable de l’État. Entre 2022 et 2023, l’émission des OATI a entraîné un surcoût de plus de 30 milliards d’euros pour le pays. Nous avons même continué à émettre de la dette indexée en période de taux négatifs : un vrai racket des Français au profit de la finance. Il serait intéressant de savoir combien la France aurait économisé si elle n’avait pas émis d’OATI pendant que les taux d’intérêt étaient négatifs.
    Sur ce sujet, la France va à contre-courant du reste de l’Union européenne et de ses voisins puisque le Royaume-Uni, qui avait été l’initiateur des OATI il y a un certain temps, réduit désormais drastiquement le recours à ces produits et que l’Allemagne a décidé cette année de ne plus émettre d’obligations souveraines indexées sur l’inflation, les jugeant toxiques.
    Alors, faites comme vos amis, vos exemples, vos mentors : mettez fin aux émissions d’OATI, qui font prendre des risques à la France tant l’évolution des prix est vouée à devenir plus volatile. Je vous ai mâché le travail : une proposition de loi est prête à ce sujet depuis plusieurs mois !
    Mes chers collègues, face au mur de la dette que vous avez tous contribué à créer, ne fuyez pas ! Ne fuyez plus encore une fois ! Acceptez l’aide du Rassemblement national, premier parti de France, dans l’intérêt de la France et des Français ! Vous ne pouvez plus nous donner de leçons. Soyez humbles, et redressons le pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Cette dette est insupportable. Elle est le résultat de la politique qui a consisté, sept ans durant, à favoriser les revenus du capital à coups de niches et d’allégements fiscaux ainsi que d’aides injustifiées à des entreprises qui les recyclent en dividendes.

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Excellent !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Sanofi en est un bon exemple : en dix ans, le groupe a perçu 1 milliard d’euros de crédit d’impôt recherche (CIR) pour supprimer des laboratoires et vendre Doliprane à un fonds américain, le tout avec un chiffre d’affaires tiré de la sécurité sociale, et a distribué 53 milliards de dividendes.

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    C’est vrai !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Une grande partie des 62 milliards d’euros de recettes en moins de 2023 s’est accumulée dans les poches de bien peu de Français. Je le répète avec force : oui, ce sont ces recettes manquantes qui expliquent très majoritairement le déficit actuel. En 2023, les dépenses publiques ont baissé de 1,5 % par rapport au PIB, tandis que les recettes baissaient de 2 %. Quel montant, dans l’augmentation de la part des 500 plus grandes fortunes dans le patrimoine total des Français, passée de 25 à plus de 42 %, a contribué au gonflement de la dette ?
    Bercy ne conteste d’ailleurs pas que la progression ininterrompue des prévisions de déficit pour 2024 et 2025 depuis plusieurs mois ne provienne surtout d’une baisse du rendement de l’impôt sur les sociétés, de l’impôt sur le revenu et de la TVA. Ce n’est pas une surprise sur les bancs de l’Assemblée puisque, lors des débats budgétaires précédents, nous avions, pour ces motifs, mis en doute les prévisions de déficit assénées par les ministres.
    Oui, cette politique a rendu le déficit incontrôlable, au point de le rendre imprévisible. Cela pourrait contribuer peut-être plus gravement que le déficit lui-même à une perte de confiance de nos créditeurs, qui prêtent sans rechigner à la France car elle est dotée de capacités prévisionnelles et d’un appareil d’État sérieux. Ainsi, ils savent où ils placent leur argent. Voilà pourquoi je proposerai mercredi à la commission des finances de se transformer en commission d’enquête sur les raisons de la variabilité de ces prévisions, passées en six mois de 4,4 à 6,1 % du PIB. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)
    On aura compris que c’est à force d’avoir mis des milliards d’euros dans la poche de quelques-uns, à force d’avoir privilégié leurs intérêts particuliers, que la France ne peut plus s’endetter. Ce n’est pas à la dépense publique et sociale, qui est au service de tous, de remédier au problème.

    M. Antoine Léaument

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    Bien !

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Exactement !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Cela constituera le débat central des projets de loi de finances de l’État et de la sécurité sociale.
    La question de la dette n’en est pas épuisée pour autant. Car si cette dette-là est insupportablement mauvaise, il existe une bonne dette, qu’il faudrait mobiliser pour l’intérêt général, voire pour la survie de l’humanité.
    En avons-nous les moyens ou le montant actuel de la dette nous met-il déjà en faillite ? Les libéraux agitent depuis plusieurs années l’épouvantail de la dette pour mieux nous faire accepter des politiques d’austérité et, surtout, de privatisation de secteurs, potentiellement rentables, comme la santé, l’éducation, etc., pour lesquels le service public coûterait trop cher. N’oublions pas, pour commencer, qu’un service, quand il n’est plus pris en charge de façon solidaire et publique, l’est souvent par le privé, du moins pour les citoyens qui en ont les moyens. Pour savoir combien ce service coûte globalement à un pays ou à un autre, peut-être conviendrait-il de comparer l’ensemble des dettes.
    Par exemple, si la dette publique des Pays-Bas est inférieure à celle de la France, sa dette privée, à 230 % du PIB, est très supérieure, au point que l’endettement global des Pays-Bas est de 280 % du PIB, contre 274 % chez nous.
    Ensuite, rappelons que la France n’est pas endettée à hauteur de 3 000 milliards d’euros sur la seule année 2024. Elle l’est sur huit ans et demi, durée moyenne de remboursement de nos emprunts. Ramenée à un an, la dette représente non plus 110 % du PIB mais 13 %, c’est-à-dire 353 milliards d’euros, ce qui, vous en conviendrez, est moins effrayant. Au cours des dix dernières années, nos taux d’intérêt à dix ans ont diminué. Depuis un an, ils sont assez stables. Dès que la France émet un emprunt, trois fois plus de créditeurs que nécessaire se précipitent. La France reste parmi les quinze valeurs les plus sûres du marché. Certes, on voit poindre des signaux moins positifs mais, à ce stade, ils sont dus davantage à la politique menée qu’à la capacité de la France à rembourser.
    Reste la charge de la dette qui, en effet, va monter de 1,9 % à 2,6 % du PIB. Mais, là encore, ce serait tout à fait supportable si cette dette permettait, par exemple, de réduire notre dette écologique. Celle-ci est prioritaire ; je suis ravi que Michel Barnier l’évoque, mais cela semble un vernis puisque le budget en matière environnementale va diminuer de 16 % alors que, selon l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), il faudrait, d’ici 2030, à législation et réglementation inchangées, 50 milliards d’euros de plus d’investissement de la part de l’État et 23 milliards de la part des collectivités territoriales pour atteindre les objectifs climatiques. Le rapport Draghi, lui, parle de 800 milliards au niveau européen.
    Ce besoin massif d’investissement en matière environnementale, mais aussi dans les domaines comme la santé, l’éducation ou le logement, réclame des fonds qu’une seule année de production de richesses ne peut assurer, même si un meilleur partage des richesses pourrait améliorer la situation. La vraie question…

    Mme la présidente

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    Il faut conclure !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    …est de savoir à qui cette dette appartient. Je préconise pour ma part de procéder de la même façon que la BCE pendant le covid : au lieu d’être soumis aux marchés, nous devons produire nous-mêmes notre dette et donc en être souverains. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    M. Emmanuel Maurel

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales.

    M. Yannick Neuder, rapporteur général de la commission des affaires sociales

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    Je me réjouis d’intervenir devant vous à l’occasion de ce débat ô combien important sur la dette des administrations publiques. Depuis que le principe en a été inscrit, en 2022, dans la loi organique relative aux lois de finances, c’est la deuxième fois que nous tenons ce débat en séance publique. C’est aussi et surtout la première fois que le rapporteur général de la commission des affaires sociales peut s’y exprimer ès qualités.
    Je ne reviendrai pas sur la situation globale de la dette publique, qui a déjà fait l’objet d’une présentation détaillée par les orateurs précédents. Aussi focaliserai-je mon intervention sur la dette des administrations de sécurité sociale, laquelle est constituée non seulement des déficits cumulés des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, mais également de ceux d’autres organismes tels que l’Unedic, qui n’entrent pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.
    Selon les données publiées par l’Insee en septembre dernier, la dette des administrations de sécurité sociale s’est établie en 2023 à 263,7 milliards d’euros, ce qui représentait 8,5 % du montant total de la dette publique et 9,3 % du PIB. Si l’on resserre la focale sur les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, on constate que la dette s’élevait à 159 milliards en 2023, soit 5,1 % du total de la dette publique. Le rapport sur lequel nous débattons aujourd’hui projette pour 2024 un niveau de dette des administrations de sécurité sociale à 9,1 % du PIB. Contrairement à la dette publique de l’État et à celle des collectivités territoriales, la contribution des administrations de sécurité sociale à l’ensemble de la dette publique diminue donc en 2024 et diminuerait encore en 2025 pour s’établir à 8,7 % du PIB.
    Derrière cette baisse relative se cache toutefois une situation très préoccupante, en particulier pour ce qui concerne les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Comme vous le savez, la principale différence entre la dette sociale et celle de l’État réside dans le fait que la première a vocation à être totalement apurée. Tandis que l’État fait rouler sa dette en ne remboursant que les intérêts, la sécurité sociale doit rembourser non seulement les intérêts, mais également le capital. Cela implique qu’elle soit capable de rembourser des montants de dette plus élevés que les déficits qu’elle enregistre.
    Lorsque la commission des affaires sociales l’avait auditionnée en mai dernier à l’occasion de la présentation du rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2024, la présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes nous avait mis en garde sur le fait que nous pourrions nous trouver dans une situation d’« impasse de financement » à l’horizon de 2027 : le niveau des déficits projetés à cette date excéderait la capacité d’amortissement de la dette sociale par la Cades. Autrement dit, la dette augmenterait plus vite que notre capacité de l’amortir.
    Or force est de constater que nous nous trouvons dans cette situation dès cette année. En effet, selon les données publiées dans le PLFSS pour 2025, le déficit des régimes obligatoires de base s’établirait en 2024 à 18 milliards d’euros, en dégradation de plus de 7 milliards par rapport à 2023. Le déficit de la branche maladie serait de 14,6 milliards tandis que celui de la branche vieillesse, de 5,5 milliards –⁠ en intégrant les excédents du fonds de solidarité vieillesse (FSV). C’est un montant qui dépasse les capacités d’amortissement de la dette sociale par la Cades, lesquelles seraient de 16 milliards en 2024 selon les données rectifiées dans le PLFSS pour 2025.
    En l’absence de mesures de redressement, le déficit continuerait de se creuser pour atteindre 28,4 milliards en 2025. Alors même que la Cades vient d’achever en septembre de cette année le programme de reprise de 136 milliards d’euros de dette voté dans les lois du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et à l’autonomie, l’Acoss –⁠ Agence centrale des organismes de sécurité sociale, désormais appelée l’Urssaf Caisse nationale – se retrouverait donc, selon le rapport Rist-Clouet, à devoir financer une dette supérieure à 34 milliards d’euros au 31 décembre 2024 –⁠ voire 37 milliards à ce jour si je me fie aux données de la Cour des comptes.
    Face à cette situation, nous devons impérativement prendre le chemin d’un redressement des comptes sociaux. Dans la mesure où les défis auxquels fait face la sécurité sociale résultent de facteurs structurels, il convient de prendre des mesures elles aussi structurelles. Nous aurons l’occasion d’en débattre très prochainement lors de l’examen du PLFSS. J’aurais voulu esquisser quelques pistes de réflexion devant vous, mais je dois y renoncer par manque de temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Stéphanie Rist, rapporteure de la commission des affaires sociales.

    Mme Stéphanie Rist, rapporteure de la commission des affaires sociales

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    Avant d’évoquer la place des déficits de la sécurité sociale dans la dette publique, je voudrais saluer la décision prise par la conférence des présidents de permettre à Hadrien Clouet et moi-même d’intervenir en notre qualité de rapporteurs d’une mission d’information de la commission des affaires sociales sur la gestion de la dette sociale.

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Très bien ! C’est la première fois.

    Mme Stéphanie Rist, rapporteure

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    J’y vois une façon de mettre en valeur les travaux de contrôle menés par les commissions permanentes de notre assemblée, lesquels doivent contribuer à éclairer le débat public et parlementaire sur ce problème fondamental. Il semblait nécessaire que les membres de notre commission soient associés à ce débat. En effet, les recettes et les dépenses des administrations de sécurité sociale s’élevaient l’année dernière respectivement à 748,5 milliards et 735 milliards, ces montants étant très supérieurs à ceux des ressources et des charges du budget de l’État. Pourtant, la contribution de la sécurité sociale à notre endettement est bien inférieure à sa part dans la dépense publique. La dette transférée à la Cades et celle gérée par l’Acoss représentent environ 5 % de la dette publique. Si l’on y ajoute la dette du régime d’assurance chômage, des régimes complémentaires de retraite et des établissements publics de santé, cette proportion atteint environ 8,5 %.
    Il reste que la dynamique de rétablissement des comptes sociaux amorcée au sortir de la crise sanitaire est en train de s’infléchir : d’après le projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté par le Gouvernement, le déficit des régimes de base et du fonds de solidarité vieillesse atteindra 18 milliards d’euros cette année, contre 10,8 milliards l’année dernière. Dans ces conditions, le montant des déficits dépassera dès 2024 celui de la dette amortie par la Cades, situation que la Cour des comptes a qualifiée d’« impasse de financement ».
    L’aggravation des déficits concerne l’ensemble des administrations publiques, mais elle pose des problèmes spécifiques à la sécurité sociale. Comme nous le rappelons dans notre rapport, celle-ci a été conçue pour être gérée à l’équilibre. Cette exigence découle de la nature des dépenses financées par la sécurité sociale, qui sont constituées pour l’essentiel de prestations qui bénéficient aux générations actuelles et dont le coût ne devrait pas être reporté sur les générations futures.
    D’après les prévisions concernant le financement de la Cades, l’amortissement des passifs qu’elle a déjà repris pourrait s’achever dès 2032. Cela signifie qu’il serait possible de lui transférer une partie des déficits des régimes de base pour les années 2023 et 2024 sans modifier le cadre organique. Je note que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit pas de tels transferts. Il propose cependant de relever de douze à vingt-quatre mois la maturité maximale des emprunts souscrits par l’Acoss. Cette mesure me semble bienvenue : elle permettrait à l’Acoss d’accéder à de nouveaux marchés et de bénéficier ainsi de meilleures conditions de financement, sans remettre en cause la dichotomie entre ses missions et celles de la Cades.
    Je terminerai mon propos en évoquant trois points qui alimentent le débat.
    Premier point : une reprise de la dette sociale par l’État serait-elle plus juste ?

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Oui !

    Mme Stéphanie Rist, rapporteure

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    À mon sens, non. La distinction actuelle et l’amortissement partent du principe que ce n’est pas à nos enfants de porter la responsabilité de la charge du service rendu et des prestations dont ils ne bénéficient pas. Il faut préserver cette justice intergénérationnelle.
    Deuxième point : une reprise par l’État serait-elle plus efficace ?

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Oui !

    Mme Stéphanie Rist, rapporteure

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    Contrairement à ce qui peut être dit, notre rapport montre que la Cades et l’Acoss répondent aux objectifs qui leur sont assignés. Tous les acteurs reconnaissent la qualité de leur signature, et les taux qui leur sont consentis présentent des écarts très faibles avec ceux de l’État. J’ajoute qu’elles bénéficient des avantages de souplesse et de flexibilité en ayant la possibilité d’émettre des titres en dehors du cadre de refinancement de la dette de l’État. Il me semble d’ailleurs contestable d’affirmer qu’il serait moins coûteux de faire rouler la dette que de l’amortir. En effet, en réduisant le montant de la dette sociale, l’amortissement réalisé par la Cades limite les charges financières liées au refinancement de cette dette.
    Enfin, troisième point : pouvons-nous amortir la dette sociale sans réussir à réduire les déficits qui l’alimentent ? Non. Je m’étonne encore d’avoir entendu en commission qu’il faudrait écarter la piste de la maîtrise des dépenses. Mais je ne m’étonne plus d’entendre qu’il faudrait une hausse importante et irresponsable des prélèvements et des cotisations. La France connaît déjà des records en matière de prélèvements obligatoires, leur augmentation ne peut constituer une solution viable pour notre modèle de protection sociale.
    Pour ma part, j’ai la conviction que nos efforts doivent se concentrer sur la maîtrise des dépenses et l’amélioration de leur efficacité, sans omettre la réflexion sur les recettes sociales. Les causes du déficit de la sécurité sociale, en particulier celui de l’assurance maladie, sont de nature structurelle. Notre débat devrait porter sur l’amélioration de la pertinence des prescriptions, sur le freinage des indemnités journalières et des transports sanitaires, sur la révision du modèle des affections de longue durée (ALD), sur la simplification administrative, mais aussi sur l’évolution nécessaire du statut des établissements de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hadrien Clouet, rapporteur de la commission des affaires sociales.

    M. Hadrien Clouet, rapporteur de la commission des affaires sociales

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    On aurait pu nommer ce rapport « Anatomie d’une chute » ou « Le casse du siècle » ; malheureusement, c’était déjà pris. Car voilà ce qui se passe depuis trente ans : les salariés cotisent à la sécurité sociale, mais cela ne suffit pas vu les cadeaux consentis aux grands groupes ; dès lors, les contribuables doivent, toutes et tous, mettre la main à la poche par le biais de l’impôt sur le revenu, de la TVA, de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), ce qui ne suffit évidemment pas puisque les plus grandes fortunes échappent elles aussi à l’impôt ; on se retrouve donc à discuter des modalités de déremboursement des rendez-vous médicaux et du gel des pensions de retraite de nos anciens. Ainsi, ce que vous appelez la dette sociale, on la paie trois fois : on cotise, on paie des impôts et vous grattez sur les pensions de retraite ou les rendez-vous médicaux.
    Le rapport annonce, collègues, qu’il va falloir rendre l’argent. Rendre, pour commencer, l’argent des exonérations de cotisations sociales : on parle là de 88 milliards d’euros, soustraits chaque année à la sécu pour être offerts à des employeurs sans aucune condition –⁠ ni de taux de profit, ni de qualification, ni d’utilité sociale. Rendez-vous compte qu’on verse plus d’exonérations aux entreprises qu’elles ne paient d’impôt sur les sociétés ! Vous avez inventé la nationalisation ultralibérale : on alimente les grands groupes pour leur demander de bien vouloir travailler. Ils sont cependant reconnaissants, puisqu’avec les cadeaux que vous leur faites, ils offrent un cinquième trimestre à leurs actionnaires : plaisir d’offrir, joie de recevoir. (M. Thomas Portes applaudit.)
    En conséquence de ces cadeaux, dont je n’ai mentionné qu’une petite partie émergée, il manque de l’argent dans la sécu. C’est tout l’objet de l’invention du terme de dette sociale : dans les années 1990, patatras, Alain Juppé veut interdire à la sécurité sociale de résorber ses déficits comme elle le faisait alors, en empruntant à la Caisse des dépôts (CDC). Pour lui, une telle manœuvre n’est pas assez pédagogique : il faut afficher une dette sociale bien à part pour culpabiliser les gens, afin qu’ils se sentent mal d’aller bien.
    On a échappé, de peu, au compteur automatique de dette sur les biberons mais ce n’est pas passé très loin. Ainsi Alain Juppé décrète-t-il en 1996 le cantonnement de la dette sociale, c’est-à-dire qu’il crée une caisse, la Cades, qui bénéficie d’un impôt spécifique : la contribution au remboursement de la dette sociale –⁠ si des gens dehors se demandent ce dont il s’agit, la ligne est ici sur votre bulletin de paie (L’orateur indique la ligne correspondante sur une fiche de paie.) : je l’ai surlignée en jaune, vous pouvez mesurer ce que vous donnez à cette caisse…

    M. Emmanuel Mandon

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    Ce n’est pas une découverte !

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    … – ainsi que d’une part de CSG et du fonds de réserve pour les retraites (FRR), pour lesquelles je croyais que nous manquions d’argent. Grâce à cela, la Cades emprunte à moyen et à long terme sur les marchés financiers afin de reprendre et d’apurer la dette des organismes de protection sociale. Une idée moderne, novatrice même, puisqu’elle vient de Poincaré, qui avait créé une telle caisse en 1922.
    Les personnes qui travaillent pour cette caisse font au mieux, elles s’acquittent le mieux possible de la tâche qu’on leur a confiée : elles obtiennent des taux d’intérêt assez bas et, à ce jour, n’ont jamais perdu l’argent à la loterie des marchés financiers. Permettez-moi toutefois d’inverser la perspective : si, dès le début, on avait alloué à la sécurité sociale le montant qu’on leur donne, on n’aurait jamais eu besoin de verser ni intérêts financiers ni commissions bancaires. À combien s’élèvent ces intérêts financiers et ces commissions bancaires depuis 1996 ? À 75 milliards d’euros. Cela signifie que ces dépenses parasitaires, improductives –⁠ de la stricte intermédiation financière – ont coûté six années de déficit de la sécurité sociale.
    Cela m’a fait penser à la phrase de Montesquieu, qui s’interrogeait en son temps : « Si les Tartares inondaient aujourd’hui l’Europe, il faudrait bien des affaires pour leur faire entendre ce que c’est qu’un financier parmi nous. » Cela est vrai mais, collègues, nous savons à présent qu’un financier est quelqu’un qui nous dépouille de 75 milliards d’euros, sous vos applaudissements.
    Comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement macroniste est le seul d’Europe à avoir imputé à la sécurité sociale les dépenses de la crise du covid, notamment les congés parentaux et le chômage partiel –⁠ un chèque de 136 milliards d’euros au total – alors qu’il s’agit de vos décisions politiques. Personne d’autre n’a fait cela en Europe. On croyait avoir les Mozart de la finance, on finit avec les Madoff de la sécu. (Sourires.) Je connais la chanson, on nous dit : « les générations futures paieront. »

    Mme Stéphanie Rist, rapporteure

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    Eh oui !

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Mais non ! Si une génération entière paie, à qui paie-t-elle ? L’argent ne va ni sur la lune ni sur Mars : il y a des gens qui paient et d’autres qui reçoivent. En conséquence, ce sont les enfants d’ouvriers qui verseront des intérêts aux enfants de rentiers, qui détiennent les titres de la dette publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Alors, collègues, si cela vous turlupine, si cela vous empêche de dormir, je conclurai en vous disant : taxez les riches ! (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

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    Je souhaite d’abord saluer l’engagement, la fougue parfois, de nos deux rapporteurs et la publication récente de leurs travaux sur la dette sociale. Il s’agissait à l’origine d’une initiative lancée sous la précédente législature, dans le cadre de la Mecss –⁠ mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale –, laquelle se consacre chaque année à une évaluation structurante.
    Dès le 20 juillet, le bureau de notre commission a souhaité que ces travaux, très avancés au moment de la dissolution, puissent être rapidement menés à bien, afin que chacun en dispose avant le début de la discussion du PLFSS. Comme il n’était pas possible d’attendre la reconstitution de la Mecss, le bureau puis la commission ont décidé que cette évaluation de la Mecss deviendrait une mission d’information de la commission, confiée aux mêmes rapporteurs.
    Très complet et documenté, ce rapport est donc le premier qu’il ait été donné à la commission des affaires sociales d’examiner sous l’actuelle législature. C’est un signe, s’il en était besoin, de l’importance que la commission attache à cette question.
    Pourquoi considérons-nous que ce sujet est essentiel ? Après tout, nous pourrions nous dire que les dépenses des administrations de sécurité sociale sont certes d’un montant supérieur aux dépenses de l’État, mais que la dette sociale est très significativement inférieure à celle de l’État. Ce serait pourtant se leurrer : la dette sociale est non seulement d’apparition plus récente mais, à la différence de celle de l’État, il a été décidé de la cantonner et d’affecter des ressources en vue de son remboursement. Or le cantonnement est un principe cardinal quant à la manière dont nous appréhendons la dette sociale. En effet, même si la perspective de son extinction, initialement fixée à 2009, a reculé au fur et à mesure des transferts de déficits à la Cades, la question reste la même : une dette sociale est-elle légitime ?

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Oui !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

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    Autrement dit, peut-on s’endetter pour des dépenses sociales ? Poser cette question,…

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    C’est ne pas y répondre !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

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    …c’est déjà y répondre. Les dépenses sociales n’ont pas vocation à générer de la dette. Comment justifier que les dépenses d’assurance maladie soient effectivement acquittées quinze ou vingt ans plus tard ? L’équilibre des comptes sociaux n’est donc pas un dogme mais une question de bon sens : on ne s’endette pas pour acquitter des dépenses de prestations.

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Ce sont des investissements !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

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    Il ne constitue pas non plus un objectif inatteignable : il faut se souvenir qu’il y a cinq ans, nos comptes sociaux s’en approchaient à nouveau, avant que la crise du covid ne vienne radicalement infléchir cette trajectoire financière.
    De ce point de vue, le choix de cantonner la dette due à la crise du covid était, lui aussi, pleinement responsable. Certes, le fait qu’elle ait été occasionnée par des circonstances exceptionnelles aurait pu conduire à des décisions différentes –⁠ le débat a eu lieu – mais cela n’a pas amené le gouvernement de l’époque à décider qu’elle échappe à ce principe de saine gestion.
    Après ces temps difficiles, il nous revient de conduire à nouveau les finances sociales vers l’équilibre. Même si les organismes sociaux empruntent dans des conditions très voisines de l’État, la hausse des taux d’intérêt nous contraint à reprendre la maîtrise de nos comptes sociaux. Le PLFSS pour 2025 présenté jeudi dernier par le Gouvernement devra constituer une première étape dans cette direction.
    Il reviendra bien sûr à notre commission puis à notre assemblée d’améliorer ou de compléter les mesures que le PLFSS propose en ce sens, mais nous devrons toujours nous fixer comme objectif d’engager les finances sociales sur le chemin de l’équilibre, seule solution acceptable tant du point de vue des principes que de la soutenabilité de notre modèle social. (Mme la rapporteure applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Woerth.

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Il n’est même plus ministre !

    Mme Prisca Thevenot

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    Ne soyez pas jaloux !

    M. Éric Woerth (EPR)

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    Je suis heureux qu’ait lieu ce débat, dont Laurent Saint-Martin et moi-même avions inscrit le principe dans la loi quand nous avions fait évoluer la loi organique sur les finances publiques, il y a maintenant quelque temps.
    En France, tout le monde ou presque veut dépenser plus, tout en s’endettant moins. C’est évidemment une contradiction difficile à résoudre, même s’il est vrai qu’en matière d’endettement, il n’existe pas vraiment de règle économique qui fixerait un seuil au-delà duquel le taux serait trop élevé. En réalité, cela dépend de beaucoup d’autres facteurs.
    Le certain est que la charge de la dette, encore très supportable il y a peu, est à présent devenue insoutenable. La France doit réduire son niveau d’endettement, c’est une priorité. Au même titre qu’il faut des politiques économiques, éducatives, des politiques d’ordre public ou de santé, il faut une politique de la dette, qui s’inscrive dans la durée.

    M. Emmanuel Fernandes

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    Pourquoi avoir fait le contraire ?

    M. Éric Woerth

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    Les fameux 3 228 milliards de dette ne sont pas le fruit du hasard : ils résultent de l’accumulation de déficits publics –⁠ quelque 1 000 milliards tous les dix ans – par une France qui vit au-dessus de ses moyens depuis presque toujours.
    Réduire la dette, en maîtriser le montant, c’est donner de la manœuvrabilité à notre pays –⁠ vous l’avez dit, monsieur le ministre –, ne pas dépendre des autres, garder de la puissance pour répondre aux crises comme aux défis de demain et préserver les générations futures ; c’est, au fond, nous montrer à la hauteur de nos responsabilités. Faute de quoi, tout comme l’accumulation de strates successives de neige finit par provoquer des avalanches dévastatrices, l’accumulation de dettes risque de produire une avalanche de désastres financiers, tant pour nos entreprises que pour le pouvoir d’achat. Nous devons nous en garder en reprenant le contrôle de nos finances publiques comme le Gouvernement est en train de le faire, après une succession de crises. Reconquérir notre souveraineté financière c’est comprendre et accepter que la dette est une affaire de confiance, de maîtrise des déficits et d’investissements.
    Comment construire une politique de la dette ? D’abord en faisant évoluer la composition de notre dette, qui est avant tout une dette de fonctionnement. Comment comprendre que la sécurité sociale puisse être source d’endettement ? Comment pourrons-nous soutenir la part publique de l’investissement dans la transition écologique et numérique ? Il faut méthodiquement réduire la dépense de fonctionnement, la rendre plus efficace et augmenter la dépense d’investissement. La dette doit être un accélérateur d’avenir et non le contraire, comme c’est le cas. La réforme de l’État, et plus généralement des pouvoirs et services publics, n’est plus une option. À cet égard, le rôle du Parlement est trop faible –⁠ je le regrette vivement ; le rôle des Français dans la détention de la dette doit probablement croître, lui aussi, pour équilibrer celui des porteurs étrangers.
    Une politique d’endettement repose également sur la confiance. Or l’écart de taux avec le Bund allemand est préoccupant, d’autant plus que l’Allemagne elle-même ne va pas bien : les investisseurs commencent à se méfier du risque souverain français et à se poser des questions, tout comme les agences de notation. On nous observe avec une vigilance accrue : de grands paramètres, comme le PIB par habitant ou la productivité, ne plaident pas en notre faveur, non plus que nos erreurs de prévision sur les recettes. On peut d’ailleurs espérer que ce ne sera pas le cas s’agissant des prévisions de croissance et de recettes pour 2025. L’augmentation du coût de la dette souveraine pèse aussi sur le financement des entreprises. La confiance suppose le respect des engagements : en prendre moins et les tenir, c’est un facteur clé pour la dette.

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Commencez par le faire aux élections !

    M. Éric Woerth

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    Une politique de la dette passe enfin par le rétablissement de notre solde primaire et une croissance plus forte pour atteindre le solde stabilisant la dette. Nous en sommes encore loin mais l’effort relève d’une politique économique, fiscale et budgétaire bien dosée. Une dette soutenable prépare l’avenir au lieu de le condamner. C’est possible, cela demande du temps, de la persévérance, du sérieux, une bonne dose de courage et de sens de l’intérêt collectif.

    M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial

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    Tout ce qui vous manque !

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    On veut bien le remplacer !

    M. Éric Woerth

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    Au fond, tout ce que je viens de vous dire est assez banal, un peu moins toutefois que ce qu’ont dit les orateurs du groupe LFI-NFP. Ce qui serait vraiment original, ce serait non pas de le dire mais de le faire –⁠ et j’espère, monsieur le ministre, que vous le ferez. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. René Pilato.

    M. René Pilato (LFI-NFP)

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    Des 3 200 milliards de dette, 1 200 sont imputables à la Macronie. Vous entendre prôner la même politique, monsieur le ministre, laisse pour le moins perplexe.
    Où est passé l’argent ? Libéralisation du secteur de l’énergie et fin des tarifs réglementés ont laminé les forces vives du pays. Un tiers des Français doit vivre avec de moins de 100 euros dès le 10 du mois. Des restrictions se font donc sur les loisirs, les biens de consommation, la nourriture et la santé. Ils doivent arbitrer, par exemple, entre la facture d’électricité et la facture de cantine.
    En France, septième puissance mondiale, 2 millions de retraités vivent sous le seuil de pauvreté, des étudiants font la queue à l’aide alimentaire, le taux de pauvreté atteint 15 % de la population, soit 9 millions de personnes –⁠ une honte ! Il s’agit donc d’une consommation de survie pour ces « gens qui ne sont rien » dixit Macron.
    Par rapport à l’inflation, les salaires baissent ; la consommation se réduit ; les carnets de commandes se vident ; les investissements sont reportés. Des aides au logement changeantes et des taux d’emprunt élevés grippent le secteur de la construction et, par contagion, c’est toute l’économie qui tousse : les défaillances d’entreprises se multiplient, le nombre de précaires augmente, cela se traduit par une baisse des recettes de l’État.
    C’est en effet un manque de rentrées fiscales –⁠ de l’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu et maintenant de TVA – qui fait exploser la dette. Avec plus de 40 milliards de coupes budgétaires touchant la santé, l’éducation comme les retraites, et l’augmentation du prix de l’énergie, le reste à vivre pour les foyers diminuera encore.
    Monsieur le ministre, les mêmes causes produisant les mêmes effets, que pensez-vous qu’il se passera si vous persistez ? Une spirale récessive. Pire, une maman déjà à l’euro prêt va se restreindre pour nourrir son enfant, tomber malade et fuir le médecin –⁠ car le reste à charge d’une visite à 30 euros, c’est une semaine de cantine. En bout de course, elle finira aux urgences, qui, déjà saturées, risquent d’avoir une morte de plus sur un brancard. (Mme la rapporteure proteste.)
    Monsieur le ministre, par vos choix budgétaires, vous ajoutez de la souffrance à la détresse. Vos ballons d’essai mettent déjà le feu aux poudres : vous êtes obligé de faire machine arrière alors que le budget n’est même pas encore en discussion. Voici le bilan de la brutalisation de la vie politique par Macron et ses serviteurs : des burn-out, des suicides, une société éco-anxieuse, 1 200 morts aux urgences en 2023 –⁠ et les caisses sont vides !
    Monsieur le ministre, en versant aux entreprises 200 milliards d’euros d’aides sans contrepartie, l’État finance la sphère privée, qui délocalise, et non les services publics, qui sont à l’os. La réduction des prélèvements obligatoires sur les plus riches et sur les bénéfices des entreprises a été drastique ; selon la Cour des comptes, il manque ainsi 62 milliards par an au budget depuis sept ans.
    Il paraît que vous cherchez 60 milliards : supprimez les niches et les dispositifs inefficaces, faites contribuer les ultrariches et les grands groupes, faites peser l’effort de transition sur les plus gros pollueurs et redonnez des moyens aux collectivités, par exemple en rétablissant la CVAE –⁠ cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – de façon progressive ! Cela rapporterait 50 milliards, sans hausse d’impôt pour les classes moyennes et populaires. Pour ce qui est des 10 milliards restants, une taxe au kilomètre sur les marchandises pourrait être envisagée. Enfin, pour donner des marges à tout le monde, nous pourrions obtenir un opt-out pour la France en matière d’énergie et revenir aux tarifs réglementés qui existaient auparavant. (M. Philippe Brun applaudit.)
    La politique de l’offre est une catastrophe pour les finances publiques et le mythe du ruissellement, une calamité pour les ménages dont le reste à vivre baisse. Notre pays compte 147 milliardaires en 2024,…

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    C’est beaucoup trop !

    M. René Pilato

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    …contre 67 il y a dix ans. Ces gens-là n’aiment pas la France ;…

    Mme Prisca Thevenot

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    C’est vrai que vous l’aimez, vous !

    M. René Pilato

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    …ils n’aiment que le fric, qu’ils délocalisent également. Leur égoïsme est sans limite : nos riches nous coûtent un pognon de dingue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Avec la complicité de l’Élysée, ils détruisent notre pays.

    M. Éric Woerth

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    Et vous ?

    M. René Pilato

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    Monsieur le ministre, vous avez œuvré sept années au profit de quelques-uns, tout cela en cachette, au point que mon collègue Éric Coquerel, président de la commission des finances, souhaite doter la commission de pouvoirs d’enquête afin d’examiner l’évolution des déficits publics.

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Excellent président !

    Mme Prisca Thevenot

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    Et la commission d’enquête sur les Jeux olympiques, c’est pour quand ? Ça s’est bien passé, pourtant !

    M. René Pilato

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    Parce qu’une autre économie est possible, le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire refusera l’austérité du budget que vous nous proposez pour 2025. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jacques Oberti.

    M. Jacques Oberti (SOC)

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    En 2017, Emmanuel Macron est élu pour la première fois ; la dette publique française atteint alors 2 231 milliards d’euros. En 2024, alors que débute le deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron, elle s’élève désormais à 3 228 milliards d’euros, soit 1 000 milliards de plus.

    M. Mickaël Bouloux

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    Eh oui !

    M. Jacques Oberti

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    Comment ces dernières années de présidence d’Emmanuel Macron, poursuivant la politique du « quoi qu’il en coûte », ont-elles pu plonger notre pays dans cette situation catastrophique ? La crise sanitaire et les mesures de relance qui ont suivi ont grandement participé à augmenter la dette. Mais depuis, elle a crû à un rythme jamais observé : sa croissance a été multipliée par deux. Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), seule la moitié de la dette actuelle serait imputable à cette période inédite. Elle pourrait d’ailleurs atteindre 124 % du PIB d’ici à 2028 !
    Nos voisins européens, tous gravement touchés, eux aussi, par la covid, ne connaissent pas le même triste destin. D’évidence, nous, Français, avons assisté à une gestion imprudente et calamiteuse de nos finances publiques. L’an dernier, la Cour des comptes s’alarmait déjà de la trajectoire présentée par le Gouvernement, inquiétude que partageait la Commission européenne. Plus grave encore, la dégradation a été dissimulée par le ministre Bruno Le Maire, qui a caché la vérité sous prétexte de ne pas inquiéter les Français.

    M. Philippe Brun

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    Eh oui !

    M. Jacques Oberti

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    Lorsqu’en juin dernier, notre pays subissait une baisse de notation, Bruno Le Maire nous disait que ce n’était pas si grave. Aujourd’hui, les Français exigent la transparence sur la politique économique et fiscale qui a été menée, et nous soutiendrons la transformation de la commission des finances en commission d’enquête. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NFP.) Les Français ont vu la multiplication des cadeaux fiscaux à ceux qui en ont le moins besoin : la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au profit d’un impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui a permis l’augmentation de 2,1 % du niveau de vie des 0,1 % les plus riches, la sous-taxation des revenus du capital par rapport aux revenus du travail, la réforme de la flat tax, la suppression du taux supérieur de la taxe sur les salaires ainsi que l’explosion des niches fiscales.
    Ces cadeaux, ainsi que la suppression de la taxe d’habitation (TH) et de la CVAE, ont fondé une politique de l’offre qui n’a pas eu d’effets. Par ailleurs, tout travail sur les dépenses et sur le soutien aux ménages a été laissé de côté. Ce « quoi qu’il en coûte » a particulièrement nui aux plus précaires. Si la dette a augmenté de façon aussi fulgurante, c’est bien la conséquence de choix politiques.
    Désormais, le Gouvernement nouvellement nommé souhaite faire de nous des « chasseurs de dette »…

    M. Antoine Léaument

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    Pas mal !

    M. Jacques Oberti

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    …traquant la moindre dépense pour nos services publics, sans distinction. Pourtant, force est de constater qu’il existe bien une bonne dette et une mauvaise dette. Ne les confondons pas ! Aucun pays n’est sans dette. Il existe une bonne dette publique, qui joue un rôle clé dans la stabilité financière de notre pays ; une dette par nature vertueuse, qui participe au financement d’un avenir meilleur et qui produit du progrès social ; une dette synonyme de revalorisation de nos services publics par des moyens accrus pour l’école, pour investir dans l’avenir de nos enfants, pour la santé, pour la justice, pour la justice sociale –⁠ source de quiétude –, pour le logement, pour la sécurité ; une dette qui permet aussi d’investir, pour les générations futures, dans la décarbonation de notre pays. Une telle dette est productive d’économie et de progrès, tandis que l’augmentation de la dette de ces dernières années, une mauvaise dette faite d’offrandes fiscales aux classes les plus riches, n’a pas produit d’effets positifs.
    Chers collègues, l’avenir est sombre. Comme nous l’a expliqué Jean Pisani-Ferry, retarder les investissements essentiels à la poursuite de la neutralité climatique ne fera que nous coûter davantage dans l’avenir. Chassons donc cette mauvaise dette ! À quoi bon poursuivre à tout prix un idéal d’équilibre budgétaire, à coups de mesures injustes qui abîment le tissu social et qui mèneront à une mise en péril de notre modèle démocratique ? Intégrons de nouveaux critères d’appréciation de la dette pour enfin garantir une justice sociale et une réelle planification écologique !
    Face à de tels enjeux, le Gouvernement prône une cure d’austérité : 40 milliards d’euros de coupes budgétaires. C’est trop, beaucoup trop pour une France déjà abîmée par plusieurs années de crises. En recherchant des dépenses publiques qu’il juge inefficientes, le Gouvernement vise les services publics essentiels, y compris en mettant à vif les collectivités territoriales, alors que persistent des niches fiscales et des aides aux entreprises mal ciblées, sans conditionnalité, peu efficaces et souvent sans contrepartie –⁠ la position de Sanofi en est un bel exemple. Il est réellement temps de réparer les dégâts du macronisme : faisons enfin preuve de responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

    Mme Marie-Christine Dalloz (DR)

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    Notre pays connaît une dégradation sans précédent de la situation de ses comptes publics. Les derniers chiffres publiés par l’Insee traduisent un dérapage incontrôlé de notre niveau de dette publique : elle a atteint, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, 3 228,4 milliards d’euros à la fin du deuxième trimestre, et pèse désormais 112 % de notre produit intérieur brut.
    La dette a progressé de près de 69 milliards d’euros en trois mois et de 127 milliards au premier semestre 2024. Au deuxième trimestre, elle est soutenue par la dette de l’État, qui a bondi de près de 70 milliards d’euros,…

    Mme Christine Arrighi

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    Vous avez voté le budget pendant sept ans !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    …ainsi que par celle des administrations de sécurité sociale –⁠ le rapporteur général de la commission des affaires sociales l’a rappelé tout à l’heure –, en hausse de 4 milliards d’euros. Elle atteint désormais son plus haut niveau depuis le troisième trimestre 2022. En sept ans, l’addition a bondi de plus de 900 milliards d’euros. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
    Si je vous gêne, vous pouvez sortir, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Ce qu’il ne faut pas faire pour qu’ils applaudissent !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    La charge de notre dette s’est mécaniquement accrue : de 35,7 milliards d’euros en 2020, elle est passée à 50 milliards d’euros en 2023, soit l’équivalent du budget de l’éducation nationale. C’est là tout l’enjeu : si nous voulons mener des politiques ambitieuses, nous devons maîtriser notre dette ; sinon, les charges liées aux intérêts continueront de croître.

    M. Laurent Wauquiez

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    Exactement !

    Mme Danielle Simonnet

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    Taxez les riches !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Tous nos indicateurs macroéconomiques sont dans le rouge et placent la France dans le peloton de tête des pays les plus endettés de la zone euro –⁠ vous parlez d’une réussite ! –, derrière la Grèce et l’Italie.
    Alors que nombre de nos partenaires européens sont parvenus à stabiliser voire à réduire significativement leur déficit public –⁠ je pense notamment à l’Espagne –, la France, elle, n’a toujours pas réagi. Quant au déficit public, la dernière estimation du Trésor, qui date de juillet dernier, l’évaluait à 5,6 % du produit intérieur brut, bien loin des 3 % fixés par le pacte de stabilité et de croissance (PSC).
    La Commission européenne ayant levé la clause de sauvegarde au printemps dernier, la France se retrouve placée en procédure de déficit excessif –⁠ c’est une réalité dont il faut prendre toute la mesure –, ce qui pourrait avoir des conséquences non négligeables sur nos capacités d’emprunt à l’avenir. Cette situation a de fait rendu caduque la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2023-2027 et soulève la question de la crédibilité de la France quant à sa capacité à soutenir sa dette et à assainir durablement ses finances publiques.
    Je le répète inlassablement depuis sept ans. Le constat est sans appel : la dette publique, emportée par la réitération des déficits et par son propre poids, affiche un coût de plus en plus élevé qui contraint toutes les autres dépenses, obère la capacité d’investissement du pays et l’expose dangereusement en cas de nouveau choc macroéconomique,…

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Macroniste !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    …un tel choc n’étant pas forcément à exclure. Par conséquent, retrouver la maîtrise de notre endettement est aussi un enjeu de souveraineté. Après le dérapage sans précédent de l’année 2023 et les résultats décevants et mal anticipés de l’année 2024, il est maintenant impératif de crédibiliser les objectifs pour 2025. La France doit prendre des mesures fortes et afficher clairement par quelles réformes elle entend respecter la trajectoire budgétaire fixée par les traités européens que nous avons signés.
    Monsieur le ministre, la responsabilité qui vous incombe désormais est d’amorcer le plus rapidement possible un assainissement de nos finances publiques par des réformes structurelles d’ampleur.

    Mme Véronique Louwagie

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    Tout à fait !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Néanmoins, il nous faut rester vigilants : les remèdes pourraient potentiellement s’avérer plus durs que le mal lui-même. Les efforts doivent être portés sur la maîtrise de la dépense publique, qui devra toujours être préférée à une augmentation de la fiscalité. (M. Laurent Wauquiez applaudit.) La compétitivité de nos entreprises, la valorisation du travail et le pouvoir d’achat des Français doivent rester des priorités sur lesquelles il ne faut transiger en aucune façon.
    Le groupe Droite républicaine a présenté une série de mesures en vue d’atteindre ces objectifs ambitieux. Croyez, monsieur le ministre, que nous serons –⁠ en responsabilité – au rendez-vous du défi qui nous attend. Dans la situation que nous connaissons, et je m’adresse à mes collègues de tous les bancs (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), nous attendons de vous et du Gouvernement du courage, de la constance et de la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Christine Arrighi.

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    C’est la troisième députée de la Haute-Garonne à s’exprimer !

    Mme Christine Arrighi (EcoS)

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    En quittant Bercy, Bruno Le Maire a laissé un bilan catastrophique, inégalé et, je l’espère, inégalable : plus de 1 000 milliards d’euros de dette en sept ans –⁠ selon l’Observatoire français des conjonctures économiques, la crise sanitaire et énergétique n’y participe qu’à hauteur de 458 milliards – et un déficit public qui risque de dépasser 6 % du PIB cette année. C’est le résultat de la politique que vous avez soutenue pendant sept ans, monsieur le ministre ! Vous êtes donc comptable de ce bilan.
    Dans les faits, les aides publiques versées aux entreprises, essentiellement sous forme de dépenses fiscales et sociales, y sont pour beaucoup. Elles sont passées d’environ 2,6 % du PIB en 1979 à 8,5 % du PIB en 2022 et représentent plus de 200 milliards d’euros, répartis comme suit : 109 milliards de niches fiscales, 64 milliards d’allègements de cotisations sociales et 32 milliards de dépenses budgétaires directes. Tous ces cadeaux ont été consentis sans contreparties,…

    M. Hadrien Clouet

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    C’est vrai !

    Mme Christine Arrighi

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    …ni sociales ni environnementales, malgré toutes les alertes que nous avons données et tous les amendements que nous avons déposés ; le cas de Sanofi est à ce propos révélateur. Moins de rentrées fiscales, c’est moins d’argent pour les services publics. Ces mesures ont bel et bien trouvé leur pleine efficacité : le patrimoine des 500 plus grandes fortunes françaises est passé de 600 à 1 200 milliards d’euros entre 2017 et 2023. C’est l’âge d’or du capitalisme sous perfusion, autrement dit du capitalisme collectivisé, mais au profit des plus riches !

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Ils ont gavé les riches !

    Mme Christine Arrighi

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    Avant la crise sanitaire, les intérêts d’emprunt et, partant, la charge de la dette étaient faibles du fait des taux bas voire négatifs, ce qui compensait l’augmentation de l’encours de la dette et permettait de stabiliser son service à moins de 36 milliards d’euros en 2020, contre 46 milliards en 2011.
    Depuis, le contexte a changé : covid, guerre en Ukraine, inflation élevée et remontée des taux d’intérêt. La situation a mis en lumière l’indexation des titres de dette publique sur l’inflation : notre pays subit un surcoût lié aux intérêts des titres à taux variable –⁠ sans réaction de votre part. En 2022, sur ses 2 088 milliards d’euros de dette à moyen et long terme, la France a payé environ 38 milliards d’euros d’intérêts, en nette progression par rapport aux 24 milliards de 2021. Le coût d’emprunt aurait été nettement moins élevé si 10 % de la dette publique n’avaient pas été contractés à taux variables, indexés sur l’inflation.
    Un peu moins d’un tiers de ces emprunts indexés est lié au taux d’inflation français et le reste, à l’inflation européenne. À la fin de l’année 2022, le taux d’inflation de référence français atteignait 6 % et celui de la zone euro, 9,3 %. Votre politique a donc eu un coût supplémentaire, de près de 16 milliards d’euros –⁠ 3,5 milliards pour les titres de dette indexés sur l’inflation française et 12,4 milliards pour ceux indexés sur l’inflation européenne.
    Pourquoi un tel choix, monsieur le ministre ?
    Si le taux de ces emprunts avait été fixé au taux moyen pratiqué, comme pour les 90 % restants de la dette publique, le coût n’aurait été que de 2,5 milliards, soit une économie de 13,5 milliards par rapport à la situation actuelle. Vous êtes les principaux responsables de cette importante charge de la dette, qui représentera cette année encore le deuxième poste budgétaire de l’État, après l’enseignement scolaire. Le résultat de votre entêtement à maintenir une politique de l’offre au service du capital : l’ouverture de la procédure d’infraction pour déficit excessif à l’encontre de notre pays.
    Chocs pétroliers de 1973 et 1979, krach boursier de 2000 à 2002, crise des subprimes de 2008, crise des dettes souveraines de 2011, pandémie du covid, chaque crise économique a conduit à des politiques de relance analogues, qui elles-mêmes ont engendré l’expansion de la dette publique, à laquelle nous tentons de répondre par de nouvelles politiques d’austérité, malgré l’échec de toutes les précédentes.
    Cette alternance de relance et d’austérité est caractéristique de notre histoire économique des cinquante dernières années. En définitive, on change d’équipe, mais on ne touche ni à la méthode ni au fond du programme, bien que l’on parvienne toujours au même résultat. Le même mécanisme d’austérité s’installe. Après le « quoi qu’il en coûte », place au discours sur le retour à l’équilibre budgétaire, au sacrifice et à la responsabilité, avec 40 milliards d’euros de réduction des dépenses pour 2025.
    Or pour atteindre l’objectif d’une maîtrise des dépenses publiques, il faut mettre davantage à contribution les grandes entreprises et le capital, qui ont été les plus grands bénéficiaires des différents plans de relance, singulièrement du dernier d’entre eux, sans pour autant que vous ayez réagi, si ce n’est pour déclarer, on s’en souvient encore dans ces murs : « Les superprofits, je ne sais pas ce que c’est. »

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Oui, on s’en souvient !

    Mme Christine Arrighi

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    Nous sommes convaincus qu’il est urgent d’en finir avec ce capitalisme sous perfusion constante, prédateur pour les comptes publics. Nous devons investir dans la transition écologique, car dettes budgétaire et écologique sont intimement liées. Nous devons fixer un cap clair à notre industrie…

    Mme la présidente

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    Il faut conclure, ma chère collègue.

    Mme Christine Arrighi

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    …et à notre formation professionnelle pour nos emplois d’avenir. C’est le seul moyen de nous prémunir contre les crises qui plongent notre pays dans la spirale de la dette et les Françaises et les Français les plus démunis dans la précarité sociale et écologique. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Mandon.

    M. Hadrien Clouet, rapporteur

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    Ça fait un contraste !

    M. Emmanuel Mandon (Dem)

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    Il faut enfin avoir le courage de rompre avec la facilité de la dette. Cette phrase n’est pas mienne : elle provient du rapport Pébereau relatif à la dette publique, qui, déjà en 2006, alertait sur les importants risques associés à notre niveau élevé d’endettement et à sa dynamique. Près de dix-huit ans ont passé depuis la publication de ce rapport. Or le poids de notre dette publique n’a cessé de croître. Au deuxième semestre de 2024, elle culmine à 3 228 milliards d’euros, soit 112 % de notre PIB –⁠ un montant que nous considérons comme absolument vertigineux.
    Je ne reviendrai pas sur le débat, ouvert par le président de la commission des finances, entre la bonne et la mauvaise dette. Oui, l’endettement public est inévitable et certaines dettes sont très utiles pour investir et préparer l’avenir : innovation, transition écologique, éducation… L’endettement a d’ailleurs permis très récemment de protéger notre économie et les Français de la crise sanitaire et de la crise énergétique. À la faveur de cette politique volontariste, nous affichons une croissance encore robuste, et l’inflation est désormais maîtrisée.
    Mais l’utilité de la dette ne doit pas nous dispenser de nous interroger sur le niveau de l’endettement public, fruit d’une succession de déficits budgétaires croissants pendant cinquante ans, qui résultent d’une hausse de la dépense publique en déficit d’efficacité. Aujourd’hui, le poids de ce passé fait peser des risques sans précédent sur l’avenir de notre pays. Tout d’abord, si nous continuons sur cette trajectoire, l’action publique risque d’être durablement paralysée. Et en période de dégradation des conditions de financement, c’est la charge de la dette qui explose. Pour cette année 2024, elle représentera plus que le budget de la défense ; à l’horizon 2027, elle pourrait devenir le premier poste de dépense de l’État.
    Rappelons que chaque euro dépensé pour payer les intérêts de la dette est un euro en moins pour investir dans l’avenir. Ces dizaines de milliards d’euros auraient pu servir à investir dans la transition écologique, l’amélioration de nos services publics, l’éducation de nos enfants ou encore la modernisation de nos armées, mais ils iront directement dans la poche de nos créanciers.
    Si nous ne mettons pas fin à cette spirale de l’endettement, c’est notre souveraineté qui sera en jeu. Le décalage grandissant par rapport à nos voisins européens, que chacun peut constater, affaiblit la position de notre pays dans l’Union européenne, alors que, dans les années à venir, des orientations fortes devront être décidées pour défendre la place de notre continent sur la scène internationale.
    Je crois que beaucoup de collègues dans cet hémicycle partagent la conviction que je viens d’esquisser : si nous renonçons à maîtriser notre dette publique, nous renonçons à maîtriser le destin de notre pays. C’est vrai pour les générations actuelles et, plus encore, pour les générations futures, dont nous préemptons la capacité à décider pour elles-mêmes.
    La question fondamentale qui se pose est celle de la méthode. Le désendettement est une tâche complexe. Il s’agit non pas de basculer dans l’austérité, mais de trouver un juste équilibre entre sérieux budgétaire, soutien à la croissance et lutte contre les inégalités. Les débats budgétaires que nous entamerons cette semaine nous permettront d’aborder la question sur le plan pratique et, je l’espère, en responsabilité. Au-delà des mesures techniques, je crois que, pour parvenir à relever ce défi de société, nous devrons être prudents, évaluer et nous montrer persévérants.
    La prudence, tout d’abord. À la lueur des exercices 2023 et 2024, du fait de la nette dégradation des recettes fiscales, nous devons de toute urgence intégrer à nos prévisions un principe de précaution, dans un climat économique de plus en plus incertain.
    L’évaluation, ensuite. Les procédures d’évaluation des politiques publiques doivent devenir obligatoires de manière récurrente, notamment en matière d’investissement. Outil nécessaire, l’accès aux données publiques doit être facilité et le rôle d’évaluation du Parlement doit impérativement monter en puissance.
    La persévérance, enfin. Face à l’ordre de grandeur des efforts à consentir, la bonne gestion des comptes publics doit être au centre des préoccupations de toutes nos politiques publiques. Pour y arriver, c’est tout un mode de fonctionnement qu’il nous faut bouleverser, car c’est en sortant durablement de la facilité de la dette publique que nous réussirons à assurer l’avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Félicie Gérard.

    Mme Félicie Gérard (HOR)

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    L’an dernier, à cette même tribune, je concluais ma prise de parole par ces mots : « Prenons nos responsabilités pour que jamais la France ne se trouve dans une situation dans laquelle elle ne pourrait plus faire face à ses dettes. » Ces mots résonnent d’autant plus aujourd’hui que l’état de notre dette publique est particulièrement inquiétant. En 2023, la dette publique s’établissait à 3 101 milliards d’euros, soit 109,9 % du PIB. En 2025, elle atteindra 114,7 %.
    Cette situation dégradée s’explique par de nombreuses raisons. Tout d’abord, suite à la crise financière de 2008 et à la crise des dettes souveraines européennes qui l’a suivie, dette publique française et déficit n’ont cessé de croître. Le ratio de dette publique est passé de 65,5 % du PIB en 2007 à 98,7 % du PIB en 2017.
    Ensuite, entre 2017 et 2019, sous l’impulsion du Premier ministre Édouard Philippe, le ratio de dette a amorcé une décrue : la dette publique est passée de 98,5 % du PIB en 2018 à 98,1 % du PIB en 2019.
    Enfin, face à la crise sanitaire qui a démarré en 2020, notre déficit public et notre endettement se sont aggravés, et cette aggravation s’est maintenue en raison du faible dynamisme de la croissance.
    Aujourd’hui, retrouver une trajectoire soutenable de réduction de la dette doit être une priorité absolue pour le Gouvernement, comme pour chacun d’entre nous.
    Le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) 2025-2029, que la France doit communiquer à la Commission européenne, prévoit la décrue du ratio de dette publique, en pourcentage du PIB, à partir de 2028. Selon le PSMT, ce ratio devrait continuer d’augmenter jusqu’à atteindre 116,4 % du PIB en 2027, mais amorcerait ensuite une décrue : 116,1 % du PIB en 2028, puis 115,7 % du PIB en 2029. En limitant le déficit, le ratio de dette peut donc diminuer. L’endettement de la France n’est pas une fatalité.
    Les récentes annonces de l’agence Fitch sont, à ce titre, encourageantes. En maintenant la note de notre pays, elle témoigne que le Gouvernement a pris la mesure du problème que nous rencontrons. Cet effort, monsieur le ministre, devra être poursuivi, voire accentué, lors des débats parlementaires sur le projet de loi de finances, qui s’ouvriront mercredi.
    Le groupe Horizons & indépendants s’est fixé un principe simple : ne pas contribuer à aggraver la situation des finances publiques. Chaque amendement que nous soutiendrons dans le cadre de ce projet de loi de finances sera compensé par une mesure d’économie. C’est un principe essentiel pour garantir l’ordre dans les comptes.
    Je le répète puisque certains, au sein même de cet hémicycle, semblent encore en douter : nous devons retrouver une trajectoire de réduction de la dette, maîtriser de toute urgence nos dépenses publiques et remettre de l’ordre dans les comptes de notre pays. Pour pouvoir aider les plus fragiles à long terme, le sérieux budgétaire est un principe qui devrait guider chacun de nos choix.
    Ce budget ne sera comme aucun autre, tant la situation politique est complexe. L’hémicycle est fracturé et le Gouvernement reste fragile. Dans ce contexte, je suis persuadée que nos compatriotes attendent de nous d’être responsables et de travailler ensemble dans l’intérêt de notre pays. Notre groupe y est prêt. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

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    Après des décennies de déficit, le benign neglect a fini par devenir un péché mortel. En toute hypothèse, l’heure est venue, obligatoirement douloureuse, de tenter de modifier une courbe qui conduit au déclassement et à la dépendance. Le service de la dette représente déjà 55 milliards et son évolution, telle que l’on peut la prévoir actuellement, est catastrophique. Nous voilà soumis à la dictature des marchés. Je le dis au passage, il est fondamentalement malsain que la dette publique serve de matière première à la spéculation financière, porteuse de surprofits pour certains, mais stérile quant à la création de richesses directes et de bien-être collectif.
    Vous annoncez pour l’an prochain un effort budgétaire de 60 milliards d’euros calculé par rapport à l’évolution tendancielle des dépenses. Admettons. Sur les 40 milliards de baisses annoncées, 12 milliards ne sont pas documentées, ce qui est hautement inquiétant. On peut s’interroger aussi sur le rapport entre hausse de la fiscalité et baisse des dépenses. Ainsi la réduction de cotisations dues par les employeurs s’apparente-t-elle davantage à un durcissement de l’imposition qu’à une économie sur les aides aux entreprises.
    Peu importe. Il n’existe pas de formule magique en la matière. Le principal réside dans l’objectif annoncé : l’infléchissement de la dette et la maîtrise du déficit public. L’atteindre constitue un pari indispensable mais difficile à tenir, car cela passe par une série d’hypothèques redoutables.
    D’abord, le décor macroéconomique est morose : 1,1 % de croissance et 2,1 % d’inflation limitent fortement les marges de manœuvre. D’autant que l’ajustement structurel budgétaire prévu aura probablement un impact macroéconomique négatif direct sur la croissance. Compte tenu du relèvement prévu des prélèvements obligatoires, celle-ci ne sera au rendez-vous que si l’efficacité dynamique de la dépense publique augmente. Or telle n’est pas la tendance constatée. Depuis que je fréquente cette assemblée, c’est-à-dire depuis 2017, le PIB de la France a augmenté de 480 milliards d’euros et la dette de 1 000 milliards. C’est problématique !
    Comme l’a souligné le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), le PLF pour 2024 que nous avons voté prévoyait un déficit de 4,4 % du PIB, soit 128 milliards d’euros, mais le déficit sera en réalité de 6,1 % du PIB à la fin de l’année, soit 180 milliards. Ainsi, cette année se seront accumulés 52 milliards de déficit supplémentaires, soit 1,7 point de PIB. Même pour un keynésien forcené, il sera difficile de continuer sur cette voie !
    Les besoins de financement totaux devraient atteindre 307 milliards l’an prochain, en légère baisse, même si elle n’est pour l’heure qu’une hypothèse. Ces chiffres donnent le tournis !
    La réussite de la manœuvre budgétaire passe en outre par l’évolution favorable de quatre autres variables. En premier lieu, elle nécessite une amélioration du solde des échanges extérieurs qui, pour l’heure, jouent dans un sens récessif.
    En deuxième lieu, elle suppose le maintien des taux d’intérêt à un bas niveau, ce qui n’est nullement garanti à moyen terme. En effet, le Portugal ou la Grèce empruntent à des taux inférieurs aux taux français, et les rendements de la dette française se situent désormais 77 points de base au-dessus de ceux de l’Allemagne.
    Il faut troisièmement que la croissance soit soutenue par la demande des ménages, ce qui passe nécessairement par une diminution de leur taux d’épargne, difficile à imaginer en période de durcissement fiscal.
    Enfin, le maintien à haut niveau de l’investissement des entreprises est indispensable : il requiert une conjoncture porteuse et un climat de confiance, les deux s’entretenant mutuellement.
    Bref, nous nous trouvons dans une situation de difficulté et d’incertitude, même à court terme. Quant au moyen terme, je ne me hasarderai pas à l’évoquer tant les variables susceptibles de l’influencer et leurs effets multiplicateurs sont nombreux.
    Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires a fait et fera des propositions opérationnelles, d’une part de moindres dépenses sur certains chapitres, d’autre part en matière de rentrées fiscales. Comment ne pas s’interroger sur la permanence de paradis fiscaux, y compris en Europe, et de montages permettant la fuite de dizaines de milliards d’euros ? Comment ne pas s’insurger face à la pratique du rachat d’actions, moyen commode d’évitement fiscal ? Comment ne pas remarquer que 68 milliards d’euros de dividendes ont été distribués l’an dernier pour les seules entreprises du CAC40 ?
    L’idée est non pas de frapper les petits épargnants, mais d’affirmer qu’il n’est pas besoin de gagner 50 000 euros net par mois pour être heureux. Après cette remarque philosophique, de portée individuelle et sociale, je conclurai en disant que le groupe LIOT participera de façon constructive, avec pragmatisme et volonté de justice, à l’élaboration de ce budget.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Maurel.

    M. Emmanuel Maurel (GDR)

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    Il y a un an, quasiment jour pour jour, à cette tribune, le ministre alors chargé des comptes publics déclarait : « Si notre stratégie a porté ses fruits, elle appelle aujourd’hui une réduction progressive du déficit. »
    Un an plus tard, un nouveau ministre est obligé de modérer cet enthousiasme sans se départir totalement de l’autosatisfaction qui demeure la marque de fabrique du macronisme, même défait et déclinant.
    Monsieur le ministre, vous déclarez en substance : notre politique était formidable mais la situation est catastrophique. Vous êtes ainsi capable, dans le même discours, voire dans la même phrase, d’asséner avec la même assurance ces deux thèses que tous les Français –⁠ sauf vous – savent contradictoires !
    La situation des finances publiques est réellement très préoccupante et très grave mais vous en êtes –⁠ quoi qu’il vous en coûte de l’avouer – largement responsables.
    La LPFP votée en décembre 2023 –⁠ dont vous saviez qu’elle serait obsolète avant même d’être promulguée – prévoyait un ratio de dette rapportée au PIB de 108 % à l’horizon 2027. Dix mois plus tard, le Gouvernement est contraint et forcé d’admettre que ce ratio ne descendra pas sous 116 % avant 2030 !
    Autrement dit, entre la fin de l’année 2023 et l’horizon 2029, le stock de dette aura augmenté de 400 milliards d’euros courants, tandis que la charge de la dette aura doublé. Pour l’ancienne majorité, devenue une sorte de coalition de perdants en cohabitation avec elle-même –⁠ si l’on en juge par les applaudissements peu nourris que recueillent les propos de M. le ministre –, le bilan est accablant.
    Pour faire taire les critiques de l’opposition et pour convaincre les Français, vous évoquez sans cesse le « sérieux budgétaire ». Le problème est qu’il a essentiellement consisté à organiser le désarmement fiscal de la nation au profit des plus riches. Depuis 2017, vous avez supprimé 60 milliards de rentrées fiscales au nom d’un hypothétique ruissellement –⁠ le mot a encore été prononcé aujourd’hui –, qui s’est manifestement tari dès le sommet. Il n’était pourtant pas nécessaire d’être devin pour anticiper que couper dans les recettes augmenterait le déficit.
    Certes, des facteurs aggravants ont concouru au creusement inédit du déficit et de la dette, mais vos prédécesseurs ont sciemment ignoré les signaux d’alarme des fonctionnaires de Bercy. Il faudra faire toute la lumière sur cet épisode, qui relève selon moi de la dissimulation à l’égard du public et de la représentation nationale, même si vous avez estimé en commission des finances, monsieur le ministre, que ce mot était proche de la diffamation. Je constate que les révélations se succèdent et ne doute pas que la vérité éclatera. Nous verrons qui avait raison.
    La cause majeure de notre déficit et de notre dette réside également dans votre dogme « trop d’impôt tue l’impôt » et dans votre hostilité à l’action de l’État, sauf quand il s’agit de réparer les dégâts du marché. Un exemple –⁠ vécu lorsque j’étais parlementaire européen – l’illustre : vous avez refusé que la France sorte du marché européen de l’électricité où le prix était indexé sur les cours du gaz et instauré un bouclier tarifaire qui a coûté à l’État 70 milliards d’euros, dont 40 milliards en 2023 et 2024, alors que nous étions redevenus autosuffisants en électricité à très bas prix après l’achèvement, fin 2022, de la réparation des réacteurs nucléaires. Nous payons aujourd’hui le prix de cette faute politique commise par idéologie.
    Vous voilà maintenant engagés dans une opération de colmatage des brèches qui tient autant de la panique que de l’improvisation : vous négociez quelques milliards avec les grandes entreprises et les 60 000 foyers fiscaux les plus riches. Surtout –⁠ nous le répéterons avec constance –, vous rabotez à coups de dizaines de milliards d’euros les politiques de l’État et de la sécurité sociale, tout en surtaxant l’électricité en pleine transition énergétique et en ponctionnant les collectivités locales, premiers investisseurs du pays. Or, pour citer le président de la commission des finances, il s’agit là de « bonne dette », dans laquelle il ne faut pas couper.
    Les Français nous observent avec circonspection et inquiétude. Nous sommes là pour vous dire que d’autres solutions et une autre politique économique sont possibles. La France n’est pas condamnée à l’austérité à perpétuité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Gérault Verny.

    M. Gérault Verny (UDR)

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    Le courage, cette vertu rarement populaire, n’apporte souvent que l’inconfort, l’isolement, parfois même l’opprobre. Pourtant, il est la vertu de l’exigence : l’exigence des mots, des actes, de l’engagement. Il a fondé l’engagement politique de chacun d’entre nous. Dans nos jeunes années, nous avons tous ressenti ce devoir, parfois teinté d’idéalisme, de nous lever et de nous battre pour un avenir meilleur, pour laisser à nos enfants une France plus forte que celle que nous avions trouvée. C’est ce qui nous a poussés à assumer la responsabilité de prendre place dans cet hémicycle, de nous asseoir sur ces bancs.
    Le courage, c’est admettre que le fardeau s’alourdit chaque jour sur les épaules des Français. Le courage consiste à reconnaître qu’avec une telle dette, nos enfants et nos petits-enfants paieront le prix exorbitant de notre inaction : 110 000 euros de dette pour chaque actif. Chaque Français travaille désormais non pas pour lui-même mais pour rembourser une dette qu’il n’a pas contractée.
    Lorsque M. le Premier ministre a été élu député pour la première fois, en 1978, la dette publique représentait 21 % du PIB, soit 82 milliards d’euros. Aujourd’hui, la situation est toute autre : elle dépassera 3 300 milliards à la fin de l’année.
    Le courage, c’est François Fillon déclarant en 2007 : « Je suis à la tête d’un État en faillite sur le plan financier. » Il avait raison. Or, à l’époque, la dette publique n’était que de 874 milliards d’euros, soit 64 % du PIB de 2006. Hélas, dix-sept ans plus tard, je l’ai dit, cette dette atteint 3 300 milliards.
    Et demain ? Le HCFP préconise d’atteindre les 3 % de déficit en 2029. Qu’est-ce que cela signifie réellement ? Attendre 2029, c’est accepter de reporter à demain ce que nous devons faire aujourd’hui et souscrire à une augmentation de 725 milliards d’euros de dette, soit 25 000 euros supplémentaires pour chaque actif français.
    Si ces chiffres peuvent sembler abstraits, permettez-moi de vous donner une image concrète : en 2029, le coût des intérêts de la dette pourrait atteindre 120 milliards d’euros par an, autant d’argent qui ne pourra pas être investi pour les Français. Surtout, la moitié de notre dette étant détenue par l’étranger, les Français paieront à des fonds souverains 60 milliards, autant d’argent qui ne sera pas investi en France.
    Nous voulons des maternités pour faire naître nos enfants, des professeurs pour les éduquer, des universités pour créer les innovations de demain, des policiers pour nous protéger, des magistrats pour rendre la justice, des hôpitaux pour nous soigner, des maisons de retraite pour prendre soin de nos aînés. Le courage consiste à refuser que l’argent des Français serve à payer des intérêts plutôt qu’à financer l’avenir de notre nation. Nous devons avoir ce courage, ici, dans cet hémicycle, pour faire les choix difficiles mais nécessaires.
    Heureusement, rien n’est inéluctable ! « Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va », disait Sénèque. Aussi permettez-moi de vous donner un cap, notre cap : réalisons des réformes structurelles qui garantiront que chaque euro dépensé aura un impact direct pour nos concitoyens. Oublions la tentation d’augmenter la fiscalité ! Nous sommes déjà le pays le plus taxé de l’OCDE –⁠ Organisation de coopération et de développement économiques. Chaque euro d’impôt supplémentaire, c’est moins de croissance et de pouvoir d’achat, plus de chômage et de pauvreté. La seule voie raisonnable est de baisser la dépense publique.

    M. Aurélien Le Coq

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    C’est ce qu’ils font depuis le début, et ça ne marche pas !

    M. Arnaud Le Gall

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    Vous êtes les plus grands faiseurs de dette !

    M. Gérault Verny

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    C’est difficile, cela demande du courage. Mais n’oublions pas, chers collègues, que nos arrière-grands-parents ont dû montrer un autre courage : celui de sortir des tranchées sous le feu des balles.

    M. Arnaud Le Gall

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    Arrêtez de nous regarder en parlant de dette, c’est vous qui n’avez pas arrêté d’en faire !

    M. Gérault Verny

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    Notre sens du devoir nous demande aujourd’hui de mettre fin à cette dérive budgétaire, de voter dès cette année un budget qui respecte enfin le pacte de stabilité et qui empêche l’accroissement de la dette. Le courage, monsieur le ministre, consiste à agir maintenant, à mettre un terme à cette dérive budgétaire et à engager les réformes indispensables.
    Si vous choisissez cette voie, vous trouverez en nous des alliés. En revanche, si vous persistez dans l’inaction, dans le report des réformes et dans la facilité consistant à augmenter la fiscalité, alors –⁠ nous vous le disons avec gravité – nous vous censurerons. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    M. Arnaud Le Gall

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    Ouh là !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.

    Mme Claire Marais-Beuil (RN)

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    Chers collègues, 3 228,4 milliards. Oui, vous avez bien entendu. C’est le niveau de la dette française –⁠ j’en ai le vertige. Notre Mozart de la finance nous a laissé une dette colossale. Lui dont on vantait les mérites et la compétence nous a joué une bien mauvaise mélodie.
    La situation financière et économique de la France est tout simplement catastrophique. Non, elle n’est pas, comme nous l’a dit notre Premier ministre, très grave, mais vraiment, je le répète, catastrophique.
    Les chiffres de la dette française ont atteint au deuxième trimestre 2024 un niveau inédit. Certes, on s’attendait à une augmentation, mais la situation est encore pire que prévu : une véritable explosion de la dette publique, qui devient incontrôlable.
    Nous remboursons actuellement 50 milliards par an, uniquement des intérêts d’emprunt. En réponse, le Gouvernement nous annonce des hausses d’impôts et peu –⁠ très peu – d’économies. Ces hausses d’impôts risquent de ralentir l’économie de la France et, en même temps, de freiner la consommation. Nous serons alors entraînés dans une véritable spirale, entre impôts et dette.
    Alors, stop ! Arrêtez, devenez responsables ! Je sais qu’il est difficile de prendre des décisions d’économies. Interrogez donc les Français qui, eux, doivent chaque jour, par votre faute, faire des choix : payer leurs dépenses courantes ou pouvoir se faire un peu plaisir. D’ailleurs, ils ont tranché : ils ne vont plus au restaurant, réduisent leur budget vacances et, surtout, disent souvent non, notamment à leurs enfants, sinon ils se retrouvent dans le rouge à la banque et en subissent les conséquences –⁠ interdiction bancaire et surendettement.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Exactement !

    Mme Claire Marais-Beuil

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    Une dette publique de 3 228,4 milliards, cela correspond à une dette de 47 215 euros par Français dès la naissance. Notre dette publique a complètement dérapé : elle a augmenté de 842,3 milliards depuis 2020. Pourtant, elle n’a pas engendré de croissance forte ni créé le plein emploi ; notre niveau de pauvreté est très élevé et les inégalités augmentent. Cette dette est avant tout le résultat de l’accumulation sans fin des dépenses de fonctionnement et de l’incapacité de l’État à réduire son train de vie.
    Lorsque j’entends le nouveau ministre de l’économie dire que M. Le Maire nous a laissé un héritage formidable, je ne comprends pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Antoine Armand, ministre

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    Je n’ai pas dit cela !

    Mme Claire Marais-Beuil

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    Car cela ne peut pas continuer, nous devons impérativement mettre fin à ce déni de réalité. Les chiffres étaient pourtant bien là : la dette publique augmentait beaucoup trop par rapport au PIB.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Allons, il y a eu une crise !

    M. Emmanuel Mandon

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    Comme s’il ne s’était rien passé !

    Mme Claire Marais-Beuil

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    Depuis le dernier trimestre 2019 jusqu’au deuxième trimestre 2024, elle a augmenté de 842,3 milliards, alors que le PIB n’a progressé que de 444,5 milliards. Il manque donc 398 milliards depuis 2020. Il en allait de même depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron en 2017 : entre le premier trimestre 2017 et le deuxième trimestre 2024, la dette a augmenté de 973 milliards et le PIB, de seulement 584,9 milliards.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Et la pandémie de covid ?

    M. Yoann Gillet

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    Elle a bon dos, la pandémie !

    Mme Claire Marais-Beuil

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    Si nous continuons sur cette voie, nous dépasserons les 1 000 milliards de dette supplémentaire avant la fin de l’année. Merci, monsieur Macron, et merci à tous vos gouvernements ! Nous ne pouvons pas continuer comme cela.

    M. Éric Woerth

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    À l’époque, vous trouviez qu’on ne dépensait pas assez !

    Mme Claire Marais-Beuil

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    Vous me direz que ce ne sont que des chiffres, je vous répondrai que c’est simplement du bon sens et que cela correspond à la réalité.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    C’est de la démagogie, du populisme !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Allez donc faire un tour à Lausanne, monsieur Sitzenstuhl !

    Mme Claire Marais-Beuil

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    Regardons le ratio de dette publique rapportée au PIB, afin de voir si cette situation crée une certaine dynamique. Bien sûr, pendant la crise du covid, nous sommes montés à 117,7 %, mais avant cette période, à la fin 2019, ce chiffre s’élevait déjà à 98,1 %. Alors que des pays européens sont parvenus, après 2021, à réduire le ratio dette sur PIB,…

    M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial

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    Eh oui !

    Mme Claire Marais-Beuil

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    …nous avons échoué.
    Nous le constatons, nous avons lâché les cordons de la bourse et, malheureusement, nous sommes les seuls à avoir autant dérapé. Si nous regardons autour de nous dans la zone euro, le ratio dette sur PIB s’établit à 90 % et, en Allemagne, il est de 64 %. Or, en 2008, ces ratios étaient au même niveau en France, dans la zone euro et en Allemagne –⁠ autour de 65 % –, les niveaux de dette publique étaient alors semblables.
    Nous le voyons bien : après la crise de 2008, la zone euro comme l’Allemagne ont réagi, contrairement à la France. Cela a continué ensuite : les uns ont fait des efforts tandis que les autres –⁠ nous, la France – ne changeaient ni ne réagissaient. Aujourd’hui, les marchés financiers considèrent qu’il est aussi risqué d’investir en France qu’en Italie, au Portugal ou même en Grèce !
    Non, la dette publique n’est pas une fatalité. Il est possible de la réduire, à une seule condition : le vouloir vraiment. D’ailleurs, pouvez-vous nous dire qui détient notre dette ? Mon collègue Kévin Mauvieux cherche depuis plusieurs mois la réponse mais ne l’a pas encore obtenue.
    Enfin, je me pose bien des questions à propos de la petite phrase de M. Bruno Le Maire : « La vérité apparaîtra plus tard. » Que signifie-t-elle ? Serait-on face à un nouveau mensonge d’État ? Nous avions en tout cas bien raison de demander un audit complet des finances publiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. –⁠ M. le rapporteur spécial applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Antoine Armand, ministre

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    J’essaierai de répondre, sans être trop long, à chacun des orateurs, car beaucoup de choses très intéressantes ont été dites.
    Monsieur le rapporteur général, j’ai apprécié à sa juste valeur le début de votre intervention, lorsque vous avez comparé la France à une entreprise. Il me semblait que vous aviez une certaine conception de notre nation et je ne suis pas sûr que j’attendais de votre part une telle comparaison. Toutefois, j’en prends bonne note.
    Par ailleurs, vous avez conclu en évoquant la nécessité de réduire les déficits. Or vous aviez déclaré en 2011 –⁠ j’ai de bonnes lectures – qu’il faudrait réduire les déficits d’environ 1 point l’année suivante, avec une proportion de deux tiers pour les dépenses et d’un tiers pour les recettes. Je sais donc que je pourrai compter sur votre soutien.
    Monsieur le rapporteur spécial Mauvieux, vous avez cité de nombreux chiffres qui illustrent un constat que nous partageons en tant qu’élus de la nation : la situation actuelle est préoccupante.
    J’aimerais revenir sur un point que vous avez –⁠ comme d’autres – plus particulièrement relevé et à propos duquel toute la transparence doit être faite devant la représentation nationale : la question des obligations indexées sur l’inflation.
    Premièrement, le souci des équipes de l’Agence France Trésor –⁠ qui accomplissent un travail exceptionnel, je tiens à le souligner ici – est de s’assurer que la demande de titres de dette soit la plus élevée et fiable possible. Or les obligations indexées à l’inflation font l’objet d’une demande spécifique. Je ne parle pas d’une demande de la part de spéculateurs car je pense plutôt, par exemple, à l’épargne réglementée. En effet, le livret A est indexé, pour moitié, sur l’inflation. Cela nous permet d’avoir une demande très importante.
    Deuxièmement, comme plusieurs de vos collègues, vous avez mentionné l’enjeu financier. Or, vous en conviendrez avec moi, pour mesurer le coût occasionné, on ne peut pas raisonner à partir d’une année qui nous arrange en écartant celles qui nous dérangent,…

    M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial

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    Ce n’est pas ce que j’ai fait !

    M. Antoine Armand, ministre

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    …il faut prendre en compte toutes les années.

    M. Kévin Mauvieux, rapporteur spécial

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    Oui !

    M. Antoine Armand, ministre

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    C’est ainsi qu’ont procédé les équipes. Or il apparaît que, si l’on n’avait pas eu recours, depuis les années 1990, au principe de l’indexation sur l’inflation, le coût supplémentaire aurait été d’au moins 5 milliards. (M. Charles Sitzenstuhl applaudit.) D’un point de vue financier, ce choix présente donc un intérêt. Nous pouvons bien sûr en discuter.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    En plus, ça a été inventé par les socialistes !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    La convergence des luttes !

    M. Antoine Armand, ministre

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    J’en profite pour évoquer les comparaisons qui ont été établies par certains avec le Royaume-Uni, la Suède ou l’Allemagne. Je mettrai de côté ce dernier pays car je n’ai pas besoin de vous préciser que notre niveau d’endettement n’est pas exactement le même. En revanche, le Royaume-Uni a un taux d’endettement bien supérieur au nôtre, y compris s’agissant des obligations indexées. Certes, ce pays souhaite revenir à un niveau plus bas mais, du point de vue des proportions, sa situation n’a rien à voir avec la nôtre.
    Monsieur le président de la commission des finances, vous avez d’abord évoqué le montant de la dette et la question de son financement en soulignant que cette dette était techniquement contrôlée et qu’il ne fallait pas céder à la dramatisation en la matière. Je vous rejoins sur ce point.
    De même, je suis d’accord avec vous lorsque vous mentionnez la possibilité de mutualiser, au niveau européen, le financement de la transition dans différents domaines, comme cela a été proposé dans les rapports de Mario Draghi et d’Enrico Letta. Nous devons continuer, en tant qu’Européens, de défendre cette idée car la question se posera au cours des prochaines années. C’est un combat de longue haleine qu’il n’est pas totalement évident de mener –⁠ je le dis avec toute l’humilité qui convient – lorsqu’on est le troisième pays le plus endetté de la zone euro. Cependant, je le mènerai, y compris personnellement.
    Vous avez également abordé, comme d’autres orateurs, la question de nos investisseurs. Oui, ils ont des profils variés. Je précise toutefois que les trois quarts d’entre eux sont Français ou issus de la zone euro, le quart restant étant composé, pour une bonne partie, de Suisses et de Britanniques.
    Pour éviter toute méprise, je rappelle encore une fois ici que le fait de détenir un titre de dette publique ne donne pas pour autant un droit de regard sur la politique conduite par la nation. Le seul droit que cela confère est celui d’être remboursé –⁠ c’est d’ailleurs pour cette raison que ces titres trouvent des acheteurs. Par conséquent, le fait que le financement de la dette soit diversifié, voire extra-européen, ne constitue pas une difficulté. Au contraire : c’est précisément pour cette raison que ne nous courons pas de risque lorsqu’une crise économique ou un choc géopolitique survient dans telle ou telle région du monde.
    J’aimerais maintenant répondre, de façon groupée, à Mme Rist et à MM. Clouet, Neuder et Valletoux au sujet de la dette sociale, qui constitue une question en soi. Tout d’abord, si elle représente moins de 9 % du PIB, c’est parce qu’elle est remboursée progressivement –⁠ sinon, 260 milliards d’euros seraient venus s’ajouter à la dette publique depuis 1996. Ensuite, comme le souligne le rapport d’information de Stéphanie Rist et Hadrien Clouet, cette dette est gérée avec efficacité et la sécurité sociale ne rencontre pas de difficulté majeure pour emprunter.
    Je réponds à présent au député Woerth, lequel a souligné le paradoxe très français qui consiste à vouloir dépenser plus tout en s’endettant moins. J’en profite pour saluer son engagement car c’est grâce à lui qu’un tel débat peut avoir lieu puisque, comme il l’a rappelé, il en fut, avec Laurent Saint-Martin, un des initiateurs. Nos échanges sont peut-être un peu plus techniques que dans d’autres débats mais ils nous permettent de dire toute la vérité s’agissant de l’état de la dette et de sa gestion financière.
    Je pense comme vous qu’il est nécessaire de s’engager sur le suivi de la dépense. Si nous arrivons à fournir un effort collectif pour le budget 2025, la priorité immédiate sera d’appliquer les baisses de dépenses que nous aurons proposées. Sinon, nous n’arriverons pas à faire ces économies –⁠ une situation que nous avons connue dans le passé, au cours des dernières décennies. Sur ce point, vous pourrez compter sur la vigilance du ministre chargé du budget et des comptes publics et, bien sûr, sur la mienne.
    Je m’adresse maintenant à M. Pilato… que je ne vois pas.

    Plusieurs députés

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    Il est parti !

    M. Gérald Darmanin

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    Là où il est, il nous entend !

    M. Antoine Armand, ministre

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    C’est dommage. Je pensais que, m’ayant harangué comme il l’a fait et s’étant dit si préoccupé de la dette publique, il serait resté pour écouter la réponse.

    Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

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    On la transmettra !

    M. Gérald Darmanin

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    Il lira le compte rendu !

    M. Arnaud Le Gall

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    Les réponses sont tellement prévisibles ! Il les connaissait déjà !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Au moment de faire part de son inquiétude concernant la dette publique, il a expliqué que les dépenses qui s’étaient accumulées avaient laminé les forces vives. Je lui pose alors la question : est-ce que ce sont les tests gratuits, pendant la crise du covid, qui lui ont posé problème ? Ou le recours au chômage partiel pour éviter le chômage de masse et l’atrophie du tissu économique ? Ou encore le Ségur des hôpitaux, qui a permis d’augmenter le salaire des soignants et d’investir dans les équipements ?

    Mme Christine Arrighi

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    Arrêtez de vous réfugier derrière la dette covid !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Je l’ignore mais il saura sûrement nous répondre. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Arnaud Le Gall

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    Des milliards versés sans contreparties ! Le plan de relance est un échec !

    Mme la présidente

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    Monsieur le ministre, évitons les interpellations. Le collègue en question n’est pas là, adressez-vous à l’Assemblée. Tout le monde va s’apaiser, nous arrivons à la fin du débat.

    M. Antoine Armand, ministre

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    Madame la présidente, je ne voudrais pas qu’une réponse à un député de la nation passe pour une interpellation !

    Mme la présidente

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    Vous savez bien qu’on ne fait pas d’interpellation personnelle. M. Pilato étant absent, je vous prie de vous adresser à l’Assemblée dans son ensemble.

    M. Gérault Verny

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    Ce n’était pas une interpellation, c’était une réponse !

    M. Rodrigo Arenas

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    Élevez le niveau ! Vous valez mieux que ça !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Je voudrais à présent répondre à M. Oberti.

    Mme Christine Arrighi

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    Il est parti !

    M. Philippe Brun

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    Nous le représentons !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Je ne m’adresserai donc pas au député Oberti.

    Mme Christine Arrighi

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    Merci !

    Mme la présidente

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    Parfait !

    M. Rodrigo Arenas

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    Très bien ! Adressez-vous à l’Assemblée !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Il a déclaré que la politique de l’offre n’avait pas produit d’effets. J’aimerais revenir sur ce point. Lorsque je dis –⁠ et je le répète – que notre politique a eu des effets et que je suis heureux que le chômage ait baissé, je ne verse pas dans l’autosatisfaction partisane. En tant qu’élu de la nation, on a bien le droit de se réjouir que le chômage soit en baisse et que la France soit le pays le plus attractif de l’Union européenne. Je ne vois pas où est le problème. De même, ce ne serait pas un aveu de faiblesse de votre part que de reconnaître certains succès.

    M. Arnaud Le Gall

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    Vous avez modifié les critères de définition du chômage, ce qui vous a permis de faire baisser mécaniquement le nombre de chômeurs !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Madame Dalloz, je partage pleinement votre inquiétude au sujet du montant de la charge de la dette. Vous avez rappelé à quel point elle pouvait obérer notre capacité à investir. De même, je partage votre souci de déterminer une trajectoire crédible d’ici 2029, en commençant par contenir le déficit en 2025 au-dessous de 5 %. Le budget pour 2025 est en cours d’examen à l’Assemblée, et il sera attentivement étudié –⁠ nous rejoignons la question du suivi et de l’exécution de la dépense.
    Enfin, je partage la conviction essentielle que vous avez exprimée : au-delà de la première partie du projet de loi de finances, nous devons nous donner pour ligne de conduite de mener des réformes. Nous présentons un projet de loi de finances éminemment perfectible ;…

    Mme Christine Arrighi

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    Ça, c’est sûr !

    M. Antoine Armand, ministre

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    …la représentation nationale le perfectionnera, à n’en pas douter. Néanmoins, cela ne doit pas nous priver de réfléchir à des réformes de fond sur la productivité des services publics, les économies que nous pouvons faire, le taux d’emploi, l’attractivité du pays et les investissements industriels. En tant que ministre de l’économie, j’y serai particulièrement attentif.
    Madame Arrighi, je voudrais revenir sur ce que vous dites sur l’austérité.

    Mme Christine Arrighi

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    Vous pouvez vous adresser à tout le monde !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Voici quelle est ma conviction en la matière. Quand la dépense globale que nous présentons dans le projet de loi de finances pour 2025 augmente de 0,4 % en volume, ce n’est pas de l’austérité. Ce projet de loi de finances vise à prévenir l’austérité.
    Parmi nos partenaires européens, avec lesquels je participe à de nombreuses réunions, certains ont procédé à des coupes de 25 % dans les salaires des fonctionnaires, ou de 10 %, voire de 20 %, dans les pensions de retraite pour éviter des sanctions financières.

    Mme Danielle Simonnet

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    Vous auriez donc pu faire pire !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Ce n’est pas ce que nous souhaitons pour la France. C’est pour cela que nous présentons un budget de redressement des comptes publics –⁠ et non un budget d’austérité.
    C’est pour cela que nous investissons aussi dans la transition écologique,…

    Mme Christine Arrighi

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    Il fallait s’y prendre avant !

    M. Antoine Armand, ministre

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    …moins que nous le souhaiterions, bien sûr,…

    Mme Christine Arrighi

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    Cela fait sept ans que vous êtes au gouvernement !

    M. Antoine Armand, ministre

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    …mais dans l’intérêt du pays et en gardant des marges de progression.

    Mme Christine Arrighi

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    Ne faites pas comme si vous veniez d’arriver !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Monsieur Mandon, vous avez également exprimé la conviction que nous devons maîtriser la dette. Vous le savez comme moi, un des principes du rapport Pébereau, que vous avez cité et auquel je tiens moi aussi, est l’examen intégral de l’efficacité des dépenses. Nous devons donc effectuer une revue intégrale des dépenses, exercice que nous engagerons de nouveau dans les prochaines semaines.
    Madame Gérard, je vous rejoins : la dette met en jeu la souveraineté.
    Monsieur Castellani, vous avez mentionné la fraude fiscale. Je veux redire que le Gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre celle-ci : ce qui est en jeu n’est pas seulement le pacte républicain ; c’est aussi une question financière. Le recouvrement de la fraude fiscale a été amélioré de 600 millions d’euros entre 2022 et 2023 ; nous pouvons sans doute faire beaucoup mieux. Le projet de loi de finances pour 2025 comporte des mesures en ce sens, notamment en ce qui concerne les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) et les investissements en cryptoactifs.
    Monsieur Maurel,…

    M. Emmanuel Maurel

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    Il est là ! Il vous écoute !

    M. Antoine Armand, ministre

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    …je suis heureux de vous entendre vous inquiéter de la situation des finances publiques,…

    Mme Danielle Simonnet

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    Vous êtes heureux qu’il s’inquiète !

    M. Antoine Armand, ministre

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    …car je sais que ce débat constitue les prémices des discussions budgétaires qui nous permettront d’examiner les propositions d’économies que vous formulerez avec les membres de votre groupe.

    Mme Danielle Simonnet

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    Supprimons le SNU !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Je le répète, avec sincérité et sans aucun second degré : il y a un paradoxe dans notre pays. D’un côté, la croissance se maintient. Sans doute est-elle insuffisante –⁠ à titre personnel, j’aimerais qu’elle soit supérieure, mais peut-être votre groupe a-t-il une position différente. Il reste que la France est l’un des pays de la zone euro dont la croissance résiste ; c’est plutôt une bonne nouvelle. De nouveau, s’en réjouir ne constitue pas une prise de position partisane. De l’autre côté, la situation des finances publiques est très dégradée.

    M. Arnaud Le Gall

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    La faute à qui ?

    M. Antoine Armand, ministre

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    Là encore, dire la vérité n’est pas faire preuve de sectarisme, mais donner un fondement à la discussion.
    Monsieur Verny, je partage la préoccupation que vous avez exprimée au sujet du coût de la dette et de notre capacité à financer les services publics, au sens strict, et les investissements pour les générations futures. Vous avez posé la question, qui doit effectivement être débattue, de la date à laquelle notre déficit reviendra sous le seuil de 3 % du PIB, baisse qui nous permettra de nous désendetter. Je note que le Haut Conseil des finances publiques considère, comme le Gouvernement, que 2029 est un bon moment pour le faire. En effet, il y a un équilibre à assurer pour redresser les finances publiques sans freiner trop fortement la croissance, car une baisse de celle-ci ne nous permettrait plus de favoriser l’emploi, notamment dans le secteur industriel, et plus généralement de continuer à soutenir le pays. J’en conviens, cet équilibre est difficile à trouver, cependant nous pourrons sans doute y parvenir ensemble si davantage de mesures d’économie sont proposées dans ce budget et si nous pouvons remplacer les sommes attendues de certaines augmentations de la fiscalité par le même montant en économies de dépenses publiques. Le Gouvernement étudiera les pistes pour le faire et les retiendra à chaque fois que cela est possible.
    Madame Marais-Beuil, comme tous nos concitoyens, je partage votre inquiétude au sujet de la dette. Je note néanmoins qu’à plusieurs moments de notre histoire récente, le groupe auquel vous appartenez a demandé –⁠ peut-être d’ailleurs n’était-ce pas absurde – plus de protection des Français, au moment du covid-19 et en matière de politique énergétique. Ce sont des mesures coûteuses. Je le répète à chacun d’entre vous : si, en faisant preuve de responsabilité, nous démontrons notre capacité à réduire le déficit sur plusieurs années, le Gouvernement retiendra les propositions et trouvera des chemins et des solutions concrètes pour réduire d’abord le déficit grâce à des économies dans les dépenses. Néanmoins, je terminerai en rappelant qu’il ne faut pas tuer ou freiner la croissance. Nous devons conserver cet acquis sans sectarisme et avec responsabilité.

    Mme la présidente

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    Le débat sur la dette est clos.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Résultats de la gestion et approbation des comptes pour 2023

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 (nos 3, 291).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics

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    Nous examinons cet après-midi le projet de loi de règlement et d’approbation des comptes pour l’année 2023. Il succède à un projet de loi identique déposé le 17 avril 2024, sous la législature précédente, et lui aussi rejeté par la commission des finances, tout comme l’avaient été les projets de loi de règlement pour 2021 et 2022.
    Si une majorité se dégage aujourd’hui pour rejeter ce texte, nous laisserons notre pays sans loi d’approbation des comptes de l’État pour la troisième année consécutive.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    C’est vraiment lamentable !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Avec un espoir mesuré de succès, je forme le vœu que nous interrompions aujourd’hui cette série et que nous ne laissions pas le rejet des comptes devenir une tradition au Parlement. Je suis particulièrement attaché à cet exercice, que j’ai moi-même contribué à renforcer et à moderniser par la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, la Lolf, que j’ai défendue avec Éric Woerth et Charles de Courson lorsque j’étais rapporteur général du budget.
    J’y suis d’autant plus attaché que je suis sincèrement convaincu de la nécessité d’instaurer un véritable chaînage vertueux entre l’exécution des lois de finances, l’évaluation de leur application et l’autorisation budgétaire que le Gouvernement sollicite chaque année lors de l’examen du projet de loi de finances, le PLF.
    C’est en faisant la transparence sur l’exécution que l’on améliore la gestion des deniers publics. Entre le Printemps de l’évaluation, désormais consacré par la Lolf, et l’automne de l’autorisation, la loi de règlement et d’approbation des comptes constitue un trait d’union.
    C’est en évaluant rigoureusement la pertinence et l’efficacité de la dépense que le Parlement joue pleinement son rôle de contrôle de l’action du Gouvernement, et ce sont les constats tirés de l’évaluation du budget exécuté qui font la qualité des débats sur le vote du budget à venir.
    En outre, le texte dont il est question est de nature essentiellement technique. En se prononçant contre celui-ci, votre assemblée censurerait donc moins la gestion passée du Gouvernement qu’elle ne dédaignerait ses propres prérogatives budgétaires.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Eh oui !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Dès ma première audition par la commission des finances, j’ai exprimé mon souhait de renforcer les prérogatives budgétaires du Parlement, ce qui suppose tout d’abord de ne pas rejeter les lois de règlement.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Bien sûr !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    En raison des contraintes que vous connaissez, le calendrier d’examen du projet de loi a dû être adapté. Cela étant, la discussion que nous aurons garde à mes yeux toute sa pertinence. Je souhaite qu’elle contribue à éclairer les choix que le Gouvernement propose à votre assemblée dans le cadre du PLF pour 2025, que j’ai présenté vendredi dernier en commission des finances.
    Les comptes pour 2023 font état d’une dégradation de nos finances publiques. En 2023, le déficit public a atteint 154 milliards d’euros, soit 5,5 % du PIB. C’est une dégradation à la fois par rapport aux résultats 2022, où le déficit s’établissait à 4,8 %, et par rapport aux prévisions du dernier collectif budgétaire pour 2023, qui prévoyait un déficit de 4,9 % pour l’année.
    Ce niveau de déficit appelle deux constats, déjà largement commentés. Le premier, c’est que l’essentiel de la dégradation est lié au niveau des recettes, moindre qu’attendu, dans un contexte dans lequel les évènements exceptionnels des dernières années, en particulier les crises et l’inflation, ont rendu très erratique et beaucoup moins prévisible l’évolution des prélèvements obligatoires. Au total, la perte de recettes par rapport à ce qui était anticipé lors du débat parlementaire de l’automne 2023 s’élève à 21 milliards d’euros. C’est un sujet majeur et nous nous sommes engagés, avec Antoine Armand, à renforcer les capacités de prévision et de suivi des dépenses et des recettes publiques au sein des ministères économiques et financiers.
    Le deuxième constat, c’est que la dégradation aurait été encore plus grave si le précédent gouvernement n’avait pas agi pour maîtriser la dépense. Je tiens à cet égard à saluer l’action de mon prédécesseur, Thomas Cazenave, qui, aux côtés de Bruno Le Maire et grâce aux mesures de freinage déployées dès le printemps 2023, notamment la mise en réserve et les annulations de crédits par décret en cours de gestion, a maintenu les dépenses de l’État et de ses opérateurs 7 milliards d’euros en dessous de ce que prévoyait la loi de finances initiale.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Très bien !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    La trajectoire de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’Ondam, a elle aussi été respectée.
    Pour conclure, je me tournerai vers un avenir très proche, le PLF pour 2025, que nous examinerons dans quelques jours et dont la préparation exige de prendre en considération les constats pour l’exécution 2023.
    La dégradation de nos comptes que nous avons enregistrée en 2023 et celle que nous constaterons pour 2024 justifient l’effort de redressement que le Gouvernement propose pour 2025. Vous en connaissez déjà l’ampleur.
    Pour ramener le déficit public à 3 % du PIB à l’horizon 2029 afin de maîtriser notre dette publique, conformément à nos engagements, il nous faut dès 2025 le limiter à 5 % du PIB. Cela représente un effort de 60 milliards d’euros, opéré pour les deux tiers, soit 40 milliards d’euros, sous forme de baisse de la dépense publique, et pour le tiers restant, une vingtaine de milliards d’euros, sous forme de contributions fiscales, pour la plupart exceptionnelles, temporaires et ciblées.
    Nous avons fait ces dernières années des choix politiques justes et nécessaires en maintenant les boucliers tarifaires déployés pour protéger nos concitoyens et notre économie, en luttant contre l’inflation et la hausse des prix de l’énergie, mais aussi en relançant notre activité économique et la réindustrialisation et en renforçant l’attractivité économique de notre pays.
    Vous conviendrez qu’il nous faut maintenant réduire notre déficit et retrouver des marges de manœuvre pour faire face à d’éventuelles crises futures. Il faudra, dès aujourd’hui, agir vite et fort. Nous aurons bientôt l’occasion d’en débattre.
    Au préalable, je m’engage à toujours vous tenir un discours de vérité sur l’état de nos comptes, sur l’ampleur de l’effort à fournir et sur la nécessité de redresser nos finances publiques. Concrètement, je m’engage à être régulièrement transparent avec la commission des finances au sujet de la situation de nos finances publiques.
    Il est indispensable que vous disposiez plusieurs fois dans l’année, et non uniquement lors du dépôt des textes financiers, d’états de situation précis et récents sur l’ensemble des administrations publiques –⁠ État, collectivités, sécurité sociale – et que des mécanismes d’alerte permettent de mieux anticiper et d’éviter des dérapages comparables à celui constaté en 2023.
    Beaucoup d’informations, dont certaines font d’ailleurs l’objet de demandes de rapport de votre part à l’occasion de l’examen de ce texte, sont d’ores et déjà publiées par mon ministère. Elles ne sont pas toujours suffisamment mises en valeur ; c’est un problème. Il nous revient collectivement de mieux les faire connaître. Nous pouvons certainement faire un effort supplémentaire de clarté et d’intelligibilité. J’espère que ce projet de loi pourra être débattu et adopté. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Avant d’appeler l’ensemble des groupes parlementaires à rejeter ce projet de loi d’approbation du dérapage des comptes de l’État pour l’année 2023, je formulerai quatre remarques.
    Premièrement, ce projet de loi atteste de la dégradation continue de nos finances publiques. Le solde public est déficitaire à hauteur de 5,5 % du PIB en 2023, soit 154 milliards d’euros. Ce chiffre est alarmant à plus d’un titre.
    D’abord, le déficit public continue de se détériorer. Pour l’ensemble des administrations publiques, il atteignait 125 milliards en 2022. Il y a donc un écart de 0,8 point de PIB entre le solde de 2022 et celui de 2023.
    Alors que l’ensemble de nos partenaires européens ont profité de l’année 2023 pour assainir leurs finances, la France a aggravé son déficit de 29 milliards d’euros en un an –⁠ soit l’équivalent de la moitié du budget dédié aux armées.
    Ensuite, cette dégradation est plus importante que ce qu’anticipait le Gouvernement. La loi de finances pour 2023 prévoyait un déficit, déjà peu louable, de 5 % de PIB. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et la loi de fin de gestion pour 2023 tablaient quant à elles sur un déficit de 4,9 % de PIB.
    Je rappelle que la loi de fin de gestion pour 2023 a été publiée au Journal officiel le 30 novembre 2023. Comment peut-on expliquer un dérapage de 0,6 point de PIB entre une prévision fin novembre et une exécution fin décembre ?
    Monsieur le ministre et vous, chers collègues membres du précédent gouvernement, pourquoi ne pas reconnaître qu’au-delà d’une simple erreur de prévision, il y a eu une mauvaise information du Parlement ?
    C’est cette exécution anormalement décalée par rapport à la prévision que la représentation nationale devrait aujourd’hui adopter.
    Deuxièmement, je souhaite revenir sur les causes structurelles de ce dérapage. Les mauvais résultats s’expliquent d’abord par une baisse significative des recettes. Elles se révèlent en nette baisse par rapport aux prévisions de la loi de fin de gestion, pourtant établies à la fin de l’année 2023.
    C’est le cas, en particulier, pour les recettes de l’impôt sur les sociétés –⁠ moins 4,4 milliards d’euros, c’est déjà considérable, mais vous me direz qu’en 2024 ce seront presque 14 milliards d’écart –, de l’impôt sur le revenu –⁠ moins 1,4 milliard –, et de la TVA –⁠ moins 1,4 milliard également. Au total, les recettes fiscales nettes de l’État ont diminué de 7,4 milliards d’euros par rapport à 2022, pour atteindre 322,5 milliards d’euros.
    Je rappelle par ailleurs que la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité, la fameuse Crim, supposée rapporter plus de 12 milliards d’euros selon les estimations de la loi de finances initiale pour 2023, n’a finalement rapporté que 670 millions d’euros.
    Cette exécution médiocre est aussi le résultat d’une dépense excessive. De prime abord, on pourrait se féliciter que les dépenses de l’État aient seulement progressé de 1,5 milliard d’euros en 2023 par rapport à 2022 ; mais à y regarder de plus près, cette stagnation dissimule une forte baisse des dépenses exceptionnelles de crise et une forte augmentation des autres dépenses, à hauteur de 29,4 milliards d’euros.
    Cela signifie que la dégradation des comptes publics est le résultat d’un déficit plus structurel qu’auparavant ; la composante conjoncturelle du déficit ne représente en effet plus que 0,8 point sur 5,5 % de PIB de déficit, soit environ 15 %.
    Le déficit du budget de l’État est passé de 151,4 milliards d’euros en exécution en 2022 à 173 milliards d’euros en 2023, soit un déficit supplémentaire de 21,6 milliards d’euros.
    Troisièmement, je tiens à souligner la responsabilité du Gouvernement dans ce dérapage. Tout d’abord, ce déficit n’est pas seulement la conséquence d’une situation économique compliquée. Il reflète avant tout les échecs de la politique budgétaire et fiscale menée depuis 2017.
    Certes, tout le monde approuve la baisse des prélèvements obligatoires, mais la réaliser avant toute baisse des dépenses publiques accentue le déficit de l’État. Les baisses apparentes d’impôts sont en réalité une aggravation de la dette.
    La réforme de la fiscalité locale, qui a coupé le lien entre les citoyens et l’activité économique, mais aussi avec les élus locaux, n’a fait que réduire les marges de manœuvre de l’État. En affectant désormais plus de la moitié des recettes de la TVA aux collectivités territoriales ou à la sécurité sociale, à hauteur de 40 %, l’État a grevé durablement ses recettes.
    Les mesures exceptionnelles, nécessaires pendant la crise énergétique, n’ont pas été suffisamment ciblées, permettant ainsi aux ménages et aux entreprises les plus aisés de bénéficier des dispositifs de bouclier tarifaire au même titre que les plus vulnérables.
    Rappelons ensuite que le Gouvernement a eu recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le PLF pour 2023.
    Il a également fait un usage prononcé du gel et annulé 5 milliards d’euros de crédits par décret en septembre. L’actuel projet de loi demande l’annulation de 12,2 milliards d’euros de crédits supplémentaires. Si on ajoute à ce décompte les 23,5 milliards d’euros de crédits reportés sur l’année 2024, alors le pilotage ministériel du budget de l’État a modifié celui-ci à hauteur de 40 milliards par rapport à ce que prévoyait la loi de finances initiale.
    Cette situation se répète en ce moment à l’examen de la gestion de l’exécution 2024 : après l’annulation de 10 milliards de crédits par décret dès le mois de février et un gel de 16 milliards, quand serons-nous saisis d’une éventuelle loi de finances rectificative, ou du moins d’une loi de fin de gestion qui vous éviterait de rouvrir les débats sur la partie fiscale, monsieur le ministre ? Nous n’avons toujours pas de visibilité sur ce calendrier.
    Quatrièmement, le rejet de cette loi d’approbation des comptes de l’État pour 2023 ou l’adoption de la motion de rejet préalable n’aura aucune conséquence pratique. Ce que nous appelions les lois de règlement sont devenues des objets politiques, plus que des véhicules législatifs, tant leur caractère formel est important.
    On peut le regretter, parce que dans nombre de démocraties on vote le budget en quinze jours, certes, mais après avoir passé des semaines à examiner l’exécution du budget. Si l’on peut raconter des histoires dans les lois de finances initiales, cela est moins possible dans les lois de règlement.
    D’une part, l’Assemblée nationale a déjà rejeté par deux fois les lois de règlement, pour les exercices 2021 et 2022. D’autre part, si l’article 41 de la Lolf prévoit que le PLF pour l’année n + 1 ne peut intervenir qu’après le vote en première lecture de la loi de règlement de l’année n –⁠ 1, la Lolf ne fait pas de son adoption une condition suspensive.
    Enfin, souvenons-nous que ce projet de loi a été rejeté en commission en mai dernier –⁠ certes, la composition de notre Assemblée était autre – et aurait été rejeté en séance si la dissolution n’était pas intervenue. Le texte a donc été présenté une seconde fois en Conseil des ministres cet été, avant d’être rejeté de nouveau par la commission des finances le mois dernier. Lors du vote final, plus aucun membre de la minorité présidentielle n’était d’ailleurs présent, hormis l’ancien rapporteur général du budget, qui s’est abstenu –⁠ à la surprise de nos collègues.
    Pour toutes ces raisons, chers collègues, je vous appelle aujourd’hui à rejeter le projet de loi d’approbation des comptes de l’État pour l’année 2023. Il convient donc de voter contre l’adoption des différents articles. Par ailleurs, j’émettrai un avis défavorable aux amendements demandant des rapports, car si nous votons contre les articles, ces amendements, quand bien même ils auraient été adoptés, tomberont.
    Alors que la discussion budgétaire pour l’année 2025 s’ouvrira dans quarante-huit heures en commission, prenons tous la mesure de l’urgence de la reprise en main des finances publiques.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Madame la présidente, je suis très heureux d’intervenir à l’occasion de votre première présidence. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    L’examen d’un projet de loi de règlement n’est pas une simple formalité. Voter pour reviendrait à donner quitus à vos prédécesseurs, à leur donner raison. Or, avant l’arrivée de ce texte dans l’hémicycle, la commission des finances que je préside a déjà refusé d’approuver les comptes de la politique macroniste non pas une fois, mais deux fois : avant et après la dissolution.
    Ce texte a été rejeté en commission car une majorité s’opposait à la politique des gouvernements précédents. Je profite donc de mon intervention pour dresser le bilan budgétaire et économique des sept années qui viennent de s’écouler.
    Depuis 2017, on nous promet la réduction du déficit à tout prix : c’était d’ailleurs votre priorité affichée, mais le déficit se creuse chaque année. Les décisions prises depuis 2017 réalisent des prouesses qui font pâlir les économistes les plus chevronnés : en 2023, le PIB a augmenté en valeur et en volume, mais les recettes fiscales ont baissé. L’économie française a donc créé plus de richesses, mais le budget de l’État a enregistré des recettes moindres. Vous refusez d’admettre que les causes en sont connues : il y a moins d’argent qui rentre, car les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron ont eu pour objectif de réduire toujours plus la contribution des plus riches au budget de l’État.
    Entre 2017 et 2023, la part des recettes publiques dans le PIB a diminué de 2,7 point, passant de 54,3 % à 51,6 %, alors que celle des dépenses recule de 0,7 points, passant de 57,7 % à 57 % du PIB. Ainsi, les recettes ont reculé quatre fois plus vite que les dépenses. Le déficit n’est donc pas creusé par une hausse des dépenses, mais par la baisse irrationnelle des recettes.
    Il y a d’abord les niches fiscales, qui coûtent une fortune alors qu’elles sont réservées à des privilégiés. Je ne citerai que le crédit d’impôt recherche (CIR), qui ne bénéficie qu’à de grandes entreprises comme Sanofi : 7 milliards d’euros en tout ! Les riches qui défiscalisent les charges salariales de leur personnel de maison : 6 milliards d’euros ! 41 milliards d’euros de superprofits pour CMA-CGM, alors qu’elle ne paie presque rien grâce à la niche sur le fret maritime ! Outre les niches fiscales, n’oublions pas les baisses d’impôts décidées depuis 2017 au profit exclusif des plus riches, 62 milliards de recettes en moins chaque année, qui ne profitent qu’à une minorité et qui viennent gonfler cette dette que vous décriez.
    Pour quel résultat ? Personne n’est dupe ! Le vernis de la communication s’effrite et on voit apparaître la dure réalité de cette politique économique. Vous n’avez pas seulement échoué sur le déficit, vous avez échoué sur quasiment tout !
    La pauvreté augmente : ça, personne ne s’en vante au Gouvernement –⁠ vous dites même être fiers d’hériter du bilan de Bruno Le Maire. Selon l’Insee, les services publics réduisent de 50 % les inégalités ; mais ils s’écroulent chaque année un peu plus. Ainsi galopent les inégalités !
    Le pays n’a jamais créé autant de richesses, et pourtant il y a 9 millions de pauvres et, au moment où nous parlons, 2 000 enfants qui dorment dans la rue. Quant à ce qu’il n’y a pas… Non, il n’y a pas eu 2 millions d’emplois de créés ! Vos prédécesseurs ont seulement forcé des millions de gens à la précarité (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP) : 500 000 apprentis, 700 000 coursiers à vélo ou chauffeurs Uber, exécutant un travail à la tâche, comme au XIXe siècle, ce ne sont pas de bons emplois salariés ! Et on compte plus de 1 million de travailleurs pauvres cette année !

    Mme Danielle Simonnet

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    C’est bien vrai !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Demeure donc le chômage de masse et demeurent les travailleurs pauvres. En 2023, 35 % de la baisse du nombre de chômeurs s’expliquait par un changement des règles de calcul des statistiques de Pôle Emploi : 100 000 personnes qui n’avaient toujours pas d’emploi ont disparu du calcul !
    Il n’y a pas de réindustrialisation, car lorsque la part de l’emploi industriel dans l’emploi salarié total passe de 16,4 % en 2017 à 15,5 % aujourd’hui, l’emploi industriel recule ! Pendant ce temps-là, l’usine MA France met la clef sous la porte ! (Mêmes mouvements.)
    Il n’y a pas d’attractivité pour les investisseurs. Certes, la France est le pays d’Europe qui attire le plus grand nombre d’investissements directs étrangers (IDE), mais s’agissant de leur valeur totale et du nombre d’emplois qu’ils créent, elle est dépassée. C’était pourtant le sacro-saint objectif de M. Macron, mais la Banque de France calcule que 1 500 milliards d’euros quittent la France vers l’étranger, alors que 920 milliards y entrent : il y a donc plus d’argent qui sort que d’argent qui entre !
    Il n’y a pas non plus de bifurcation écologique, et c’est même là une catastrophe. Vous annoncez l’an prochain une baisse de 16 % du budget du ministère de l’écologie.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Et la baisse des émissions ? Les émissions de gaz à effet de serre accusent une très forte baisse !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Le fonds Vert perdra 1 milliard d’euros et la dotation de MaPrimeRénov’ diminuera de plusieurs centaines de millions d’euros…

    Mme Olivia Grégoire

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    Justement, qui a créé MaPrimeRénov’ ?

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    …alors même que l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) estime que l’État devrait investir 50 milliards d’euros en plus pour atteindre ses objectifs d’ici 2030 et les collectivités territoriales 23 milliards d’euros en plus pour atteindre les leurs.
    Pas de transition écologique, pas de réindustrialisation, plus de pauvreté, plus d’investissements à l’étranger qu’en France, et toujours le chômage : c’est donc un échec !
    Pour finir sur la question budgétaire, la variabilité des prévisions signe un échec terrible, qui nous conduit à nous interroger sur les comptes de l’année 2023. Le déficit public a atteint 4,8 % en 2022 et 5,5 % en 2023 et à chaque fois, vos prévisions se sont révélées fausses. Vous n’étiez certes pas en fonction, mais si vous menez la même politique que vos prédécesseurs, nous arriverons aux mêmes conclusions, qu’elles s’appliquent à vos prévisions ou à vos résultats.
    Pour ces raisons, j’appelle à voter contre ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)

    Motion de rejet préalable

    Mme la présidente

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    J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5 du règlement.
    La parole est à M. David Guiraud.

    M. David Guiraud

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    Madame la présidente, je partage le plaisir du président de la commission des finances de vous voir assise à ce siège. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    En reprenant une citation connue, je commencerai mon propos par ce constat : si la population comprenait parfaitement notre système budgétaire, je crois qu’il y aurait une révolution demain matin.
    Permettez-moi, à ma modeste échelle, de faire œuvre de saine pédagogie. Non seulement nous n’approuvons pas les comptes de l’État, mais nous avons aussi besoin d’un débat sur la transformation profonde de notre système de financement public –⁠ une transformation absolument scandaleuse, au sens premier du terme, d’abord parce qu’elle est profondément inégalitaire, ensuite parce que nous savons désormais tous qu’elle met en péril nos comptes publics, et enfin parce qu’elle est profondément antidémocratique.

    Mme Prisca Thevenot

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    C’est vous qui parlez d’antidémocratie ?

    M. David Guiraud

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    Notre pays n’a jamais levé autant d’impôts que sous la présidence Macron.

    Mme Prisca Thevenot

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    Mais vous aimez les impôts !

    M. Arnaud Le Gall

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    Vous, vous aimez la TVA ! Vous aimez les impôts contre les pauvres !

    M. David Guiraud

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    Nous n’avons jamais été aussi riches ! Pour s’en convaincre, il suffit de regarder l’évolution des recettes fiscales nettes de l’État.
    Avant qu’Emmanuel Macron accède au pouvoir, les recettes fiscales nettes de l’État s’élevaient à 285 milliards d’euros. Elles ont atteint 295 milliards d’euros en 2017 comme en 2018, avant de retomber en 2019 à 281 milliards d’euros ; à partir de 2021, elles ne cessent plus d’augmenter : 295 milliards d’euros, à nouveau, en 2021, et environ 323 milliards d’euros en 2022, 2023 et 2024. Elles sont déjà estimées à 357 milliards d’euros en 2025.

    M. Arnaud Le Gall

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    Vous avez augmenté les impôts des plus pauvres !

    M. David Guiraud

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    357 milliards d’euros ! L’État est assis sur une montagne d’or, celle des Français, et comme tout dragon, il a caché une partie de son trésor dans la montagne,…

    Mme Prisca Thevenot

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    Ah ! C’est le retour du Père Castor !

    M. David Guiraud

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    …parce qu’à ces 357 milliards d’euros, il faut ajouter les recettes d’un impôt dont on ne parle décidément pas assez, alors qu’il est le premier du pays : la TVA. Le projet de loi de finances fait état de 106 milliards d’euros de recettes de TVA pour l’État, mais c’est curieux, car la France n’a pas collecté seulement 106 milliards d’euros de TVA. En réalité, notre pays a prélevé le double de cette somme chez les Français, car les recettes de TVA –⁠ l’impôt le plus injuste – ont explosé sous le mandat Macron. On est passé de 163 milliards d’euros de TVA nette en 2017 à 186 milliards d’euros en 2021, puis à 217 milliards d’euros en 2024 : en sept ans, les recettes de TVA ont bondi de plus de 50 milliards d’euros, soit le budget de la défense nationale, rien que ça !
    Si nous sommes si riches, mais que le budget de l’État accuse un grave déficit, que se passe-t-il ? Où part cette masse considérable d’argent, payée par les Français, notamment les plus précaires, qui déposent dans leurs caddies de supermarché des produits alimentaires dont le prix a explosé avec l’inflation ? Où va cette fortune, payée avec la sueur et les larmes de certaines familles ? C’est le député d’une ville où le taux de pauvreté dépasse 40 %, Roubaix, qui vous pose la question : où va cette fortune ?
    Nous sommes face à un véritable scandale d’État.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    À un complot, même !

    M. Arnaud Le Gall

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    On n’a pas parlé de complot, on a parlé de scandale !

    M. David Guiraud

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    Une chose est désormais connue et reconnue : cette fortune est de moins en moins affectée au budget de l’État. Voici un fait indiscutable : 100 milliards d’euros de recettes de TVA –⁠ soit l’équivalent de deux fois le budget de notre défense nationale – échappent au budget de l’État, sans qu’aucun débat d’ampleur nationale sur le détournement de cet argent ait eu lieu.
    Ce n’est pourtant pas un détail, car l’argent du budget de l’État sert à financer la solidarité ; l’argent du budget de l’État sert à financer les services publics ; l’argent du budget de l’État, c’est la transition écologique. Surtout, l’argent du budget de l’État est discuté tous les ans ici, à l’Assemblée. Or nous constatons que 100 milliards d’euros ont été soustraits au budget de l’État, sans qu’on sache vraiment à quel moment notre assemblée en a débattu, sur décision des gouvernements d’Emmanuel Macron, juste comme ça. Étonnant, non ?

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Tout est dans le PLF pour 2019 !

    M. David Guiraud

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    Monsieur Cazeneuve, permettez-moi de m’étonner : quand on discute du financement de nos écoles, de nos hôpitaux ou de nos armées, le Gouvernement nous dit qu’on est à l’euro près. Quand on examine à la loupe, quand ce n’est pas au microscope, chaque pupitre de classe pour vérifier que l’on n’a pas dépensé un centime de trop, vous êtes là, mais quand 100 milliards d’euros s’envolent du budget de l’État, vous regardez vos pompes ! Permettez-moi de relever cette hypocrisie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Certains graphiques sont éloquents, notamment celui figurant dans le rapport de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2024. Il est saisissant, n’est-ce pas ? (L’orateur montre un document.)

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Non !

    M. David Guiraud

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    En 2017, l’argent issu de la TVA revenait presque exclusivement à l’État.

    M. Carlos Martens Bilongo

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    Il a raison !

    M. David Guiraud

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    On constate depuis comme un rétrécissement au lavage…

    M. Mathieu Lefèvre

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    Et alors ?

    M. David Guiraud

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    Nous repérons à présent deux nouveaux acteurs qui perçoivent la TVA : la sécurité sociale et les collectivités locales. Personne ne se demande pourquoi ?
    Commençons par la sécurité sociale, et vous comprendrez ma position : le Gouvernement a littéralement créé une TVA sociale, c’est-à-dire une mesure défendue par Nicolas Sarkozy et qui a pu faire chuter des gouvernements, reprise récemment par le responsable des Républicains, Éric Ciotti –⁠ il l’était en tout cas avant la bataille pour le QG des Républicains, cette bataille épique qui opposa Valérie Pécresse et Éric Ciotti, suspendu à son balcon.

    Mme Olivia Grégoire

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    Vos leçons, vous les ferez à d’autres, monsieur Guiraud !

    M. David Guiraud

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    Derrière cette TVA sociale se cache une idée aussi simple que dangereuse, celle de diminuer les cotisations patronales en les faisant financer par la TVA. Ce que les Français des classes populaires ou moyennes paient de TVA dans leur caddie de courses finance directement les cadeaux fiscaux faits aux entreprises. On sait à qui ils bénéficient ; je vous donne un indice, la réponse commence par CAC et finit par 40 !
    Dans son dernier livre, le ministre Bruno Le Maire, avant son exil en Suisse, évoquait cette fameuse TVA sociale, allant jusqu’à la chiffrer à hauteur de cinq points, soit 60 milliards d’euros de TVA qui seraient affectés au budget de la sécurité sociale. Une telle mesure provoquerait un choc sans précédent sur la consommation de Français qui peinent à boucler leurs fins de mois –⁠ et regardez (L’orateur montre un document) : ces 60 milliards d’euros apparaissent bien ici, sous vos yeux !

    M. Antoine Léaument

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    Implacable !

    M. David Guiraud

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    Voilà la TVA sociale ! Quand on lit les documents budgétaires de l’État, on voit d’ailleurs ces 60 milliards d’euros.
    Nous parlons là d’un phénomène très récent, ce qui explique pourquoi personne ne l’a repéré. Il est réellement apparu en 2019 et ne concernait auparavant que des montants assez faibles, de l’ordre de 10 milliards d’euros. Voilà qu’en 2019, d’un coup, on assiste au transfert de 46 milliards d’euros de la TVA –⁠ soit un quart du produit de la taxe – vers la sécurité sociale.
    Et depuis cette date, c’est comme au PSG : le montant des transferts a explosé. En 2021, ce sont 53 milliards de TVA qui ont été transférés à la sécurité sociale, puis 57 milliards en 2022 et 60 milliards en 2023 –⁠ nous en revenons à notre graphique.
    Dès 2019, dans son rapport sur les recettes fiscales de l’État, la Cour des comptes identifiait la cause de ces transferts et montrait que le repli des recettes fiscales s’expliquait par « l’affectation aux administrations de sécurité sociale d’une nouvelle fraction importante de TVA […], prenant principalement en charge le coût des baisses de cotisations sociales décidées en contrepartie de la suppression du crédit d’impôt sur la compétitivité et l’emploi ». La boucle est bouclée ! Ce qui est décrit ici, c’est une politique libérale ultra-agressive, où l’État ordonne à la sécurité sociale de supporter le poids, toujours plus important, d’une politique qui favorise les grandes entreprises, et la force à se priver de milliards d’euros du fait des exonérations de cotisations.
    Et pour éviter l’explosion du budget de la sécurité sociale, le Gouvernement finance ses cadeaux aux entreprises avec l’argent de la TVA. L’argent issu de l’impôt le plus injuste du pays est aspiré par l’État, qui le redonne immédiatement au grand patronat : c’est cela, la TVA sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Cela ne s’arrête pas là, puisque le même sort est désormais réservé aux collectivités locales. En 2017, l’État ne leur transférait pas un euro de TVA, tout simplement parce qu’elles disposaient alors de ce qui est en voie de disparition avec vous, à savoir les impôts locaux.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Vous voulez les rétablir ?

    M. David Guiraud

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    Mais la politique macroniste s’est également distinguée par la suppression des impôts locaux : je pense à celle, progressive, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises –⁠ CVAE – et à celle de la taxe d’habitation. Si la taxe d’habitation était payée par une partie de la classe moyenne, elle l’était majoritairement par les 20 % des Français les plus riches. En supprimant ces impôts, vous avez voulu épargner les Français les plus aisés et les entreprises. Mais, sans ces impôts, le budget des collectivités locales ne tient plus, et vous le savez !

    Mme Nathalie Oziol

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    Vous cassez tout ce que vous touchez !

    M. David Guiraud

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    Vous avez donc utilisé l’argent de la TVA pour payer votre politique de cadeaux aux plus riches et aux entreprises. Alors que l’État ne transférait pas un euro de TVA aux collectivités locales en 2017, ce transfert dépasse 50 milliards en 2024, comme le montre mon graphique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Carlos Martens Bilongo

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    Merci, professeur !

    M. David Guiraud

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    Sans passer par un débat parlementaire, vous avez donc demandé aux Français des classes populaires et moyennes –⁠ qui, eux, paient la TVA sans pouvoir y échapper – de porter sur leur dos tous les cadeaux fiscaux que vous avez faits aux Français les plus aisés et aux grandes entreprises.

    Mme Olivia Grégoire

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    Arrêtez avec vos histoires de cadeaux !

    M. David Guiraud

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    Quand on vous piste dans vos politiques budgétaires –⁠ il faut être un fin limier, car vous vous êtes bien cachés pendant quelques années ! –, on s’aperçoit que ce que vous êtes en train de construire, ce n’est rien d’autre qu’un État capitaliste, prédateur, carnassier (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP), un État qui demande toujours plus d’efforts aux plus pauvres, un État qui s’appuie toujours plus sur la TVA, pour tout financer, pour tout piloter. J’en veux pour preuve un article paru récemment dans Alternatives économiques

    Mme Olivia Grégoire

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    Un journal de centre –⁠ extrême – gauche !

    M. Arnaud Le Gall

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    Un journal sérieux !

    M. David Guiraud

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    …qui expose des faits simples : en 2019, le taux de prélèvements obligatoires des 5 % de Français les plus pauvres était de 58 %, alors que le taux de prélèvements obligatoires des 5 % les plus riches était de 51 %. En d’autres termes, les classes laborieuses portent sur leurs épaules la politique de classe violente et agressive que vous infligez au pays. (Mêmes mouvements.)

    M. Louis Boyard

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    Bravo, camarade !

    M. David Guiraud

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    En plus d’être d’une brutalité inouïe pour les Français, qui ne s’en sortent plus, cette politique est d’une inefficacité terrible. C’est votre budget qui nous mène dans le mur !
    Vous allez sans doute me répondre, comme vous l’avez déjà fait en commission, qu’en contrepartie, les recettes de l’impôt sur les sociétés ont augmenté et que c’est la preuve que vous avez redonné de la confiance aux entreprises.

    M. Aurélien Le Coq

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    Mensonge !

    M. David Guiraud

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    La relation de cause à effet que vous établissez me paraît un peu étrange. Vous allez peut-être me trouver bas du front mais, à mon avis, c’est l’augmentation générale des prix qui a entraîné une hausse du résultat net des entreprises, donc du montant de l’impôt sur les sociétés. (Mêmes mouvements.)
    On pouvait penser que vous alliez nous lâcher un peu avec la TVA, mais vous continuez ! Puisqu’il faut presser le citron des Français jusqu’au bout, vous envisagez maintenant de taper sur les abonnements au gaz et à l’électricité en multipliant par quatre le taux de TVA qui s’y applique. (Mêmes mouvements.)

    Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

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    Honteux !

    M. David Guiraud

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    Et ce n’est pas tout : vous allez encore utiliser la TVA pour frapper les collectivités locales, en leur demandant un effort de 5 milliards dans le budget.
    Quand je parle d’État carnassier, ce n’est pas une métaphore, puisque l’argent de la consommation populaire est entre les mâchoires d’un État capitaliste vorace, profondément inégalitaire. Avec cela, l’État mâchouille aussi le peu qu’il nous reste de démocratie sociale et de démocratie locale, puisqu’il est en train d’entrer dans le financement de la sécurité sociale et dans celui des collectivités locales, les empêchant de se développer seules grâce aux cotisations sociales et patronales ou aux impôts locaux. Et on connaît la suite : une fois que vous aurez complètement pris le pouvoir dans ces budgets, vous nous expliquerez qu’il n’y a plus d’argent et qu’il faut les faire péter. (Mêmes mouvements.) L’argent de la sécurité sociale, pour vous, n’a pas d’autre vocation que d’aller dans le privé…

    Mme Stéphanie Rist

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    N’importe quoi !

    M. David Guiraud

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    …pour que le privé puisse enfin faire ce dont il rêve depuis 1945, à savoir remettre une logique de marché dans le trésor que constitue la solidarité entre tous les travailleurs de ce pays.
    Pour toutes ces raisons, nous allons rejeter en bloc ce projet de loi –⁠ comme les projets de loi de finances à venir –, car il repose sur le vol de l’argent des Français qui n’ont pas d’autre choix que de consommer pour vivre.

    Mme Nathalie Oziol

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    Très bien !

    M. David Guiraud

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    Et c’est précisément parce qu’ils n’ont pas d’autre choix que nous serons là pour les défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    J’ai dit combien l’examen du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes est important, puisqu’il doit permettre au Parlement d’exercer pleinement ses prérogatives budgétaires et d’autoriser les dépenses à venir –⁠ en l’occurrence, celles du projet de loi de finances pour 2025 – en connaissance de cause.
    Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, monsieur Guiraud, vous avez tous trois tenu des propos politiques qui anticipent sur le débat relatif au projet de loi de finances, et c’est votre droit, mais je crois vraiment que nous devrions chercher ensemble à instaurer un chaînage vertueux entre l’autorisation parlementaire et ce que l’on appelait il y a peu la loi de règlement. Comme le rapporteur général l’a très bien dit, on passe trop de temps à autoriser à l’automne, et pas assez de temps à évaluer au printemps. Le rejet en bloc de ce projet de loi m’apparaît comme un contresens technique. S’il a lieu, il n’empêchera pas l’examen du projet de loi de finances pour 2025, mais il nous privera d’une documentation fiable sur l’approbation des comptes, permettant de mieux autoriser. C’est évidemment votre choix le plus souverain.
    S’agissant de la TVA, vous avez fait un assez bon résumé de la situation, mais vous avez oublié de dire que les transferts de TVA ont permis aux collectivités territoriales d’accroître leurs recettes, par leur propre dynamique…

    M. Thibault Bazin

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    Ce serait d’ailleurs une bonne chose que cela continue l’année prochaine !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …et à la sécurité sociale de bénéficier de recettes.
    Je ne pense pas que nos concitoyens souhaitent le retour de la taxe d’habitation, pas plus que les entreprises, celui de la CVAE, dont je rappelle que c’est l’impôt de production le plus bête, puisqu’il vous taxe avant même que vous ayez fait un euro de valeur ajoutée. Cela, c’est le passé. Les transferts de TVA et leur dynamique ont permis à la fois aux collectivités territoriales et à la sécurité sociale de préserver leurs recettes.

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Et les services publics ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Nous pourrons débattre de ces questions autant que vous le voudrez lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, mais en fin de compte, il est toujours question des administrations publiques : c’est le même déficit public. Ceux qui financent la dette de la France ne se demandent pas quelle est la part du déficit de la sécurité sociale, celle du dérapage des comptes des collectivités territoriales et celle de l’endettement de l’État. Ils considèrent les administrations publiques dans leur ensemble.
    Nous pourrons, si vous le souhaitez, débattre de la TVA et de l’opportunité de rétablir certains impôts locaux.

    M. Aurélien Le Coq

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    Comptez sur nous !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je suis sûr que vous allez défendre de nombreux amendements visant à imposer de nouveaux impôts aux entreprises et à nos concitoyens, mais il me semble que cela ne change rien à notre problématique commune,…

    M. Aurélien Le Coq

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    Ce ne sont pas les mêmes qui paient, ça change tout !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …qui consiste à redresser nos comptes. C’est du même solde public qu’il s’agit à la fin, celui de notre pays, que je vous proposais justement de sanctionner en votant ce projet de loi technique.

    Un député du groupe LFI-NFP

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    Ce n’est pas technique, il s’agit de la vie des gens !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je répète qu’il n’y a aucun sens à voter contre ce texte.

    Mme la présidente

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    Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Nous en venons aux explications de vote.
    La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.

    M. Jean-René Cazeneuve (EPR)

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    Quand je vous écoute, cher collègue, je ne sais pas s’il faut rire ou pleurer. Premier texte, première motion de rejet préalable : c’est plus fort que vous.

    M. Antoine Léaument

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    Ce n’est pas le premier texte ! Il fallait être là la semaine dernière !

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Sous la précédente législature, vous avez déposé une motion de censure toutes les trois semaines. Et les motions de rejet préalable, on ne les compte même plus ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En réalité, ce n’est pas ce texte que vous rejetez, mais nos institutions et notre république. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    Mes chers collègues, tous les groupes pourront s’exprimer, je vous invite à vous écouter.

    Mme Mathilde Panot

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    Nous réagissons à des propos provocants !

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Sur le fond, je vois bien que certains ici veulent refaire le match après coup. Ils avaient évidemment prévu l’enlisement de la crise en Ukraine ; ils avaient évidemment prévu le ralentissement de la croissance économique en Chine ; ils avaient évidemment anticipé l’attaque terroriste du 7 octobre 2023. Il est donc facile pour eux de dire que rien ne justifie, en cette fin d’année, le dérapage de nos comptes publics.

    M. Antoine Léaument

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    Ça n’a pas de rapport ! En tout cas, le bombardement de la Force intérimaire des Nations unies au Liban, on l’avait prévu !

    M. Thibault Bazin

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    La dissolution, on ne l’avait pas prévue non plus…

    M. Jean-René Cazeneuve

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    La réalité, c’est que dès que le Gouvernement a eu vent de la baisse des recettes, il a pris un certain nombre de mesures.
    Le projet de loi qui nous est soumis est une photographie, un constat,…

    M. Aurélien Le Coq

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    De votre échec !

    M. Jean-René Cazeneuve

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    …un document administratif. Voter contre, c’est casser le thermomètre, ni plus, ni moins. C’est nous priver, et priver l’administration, de visibilité et d’un outil de pilotage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Legavre.

    M. Jérôme Legavre (LFI-NFP)

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    Mes chers collègues, je vous invite à voter cette motion de rejet préalable. Je ne sais pas si c’est plus fort que nous, mais votre politique nous invite à la déposer. Ce projet de loi a été rejeté par tous les groupes en commission des finances. Même les macronistes ont voté contre, tant ils ont honte de leur propre bilan ! Il faut dire qu’il est lourd, et même très lourd. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Un trou énorme a été creusé depuis des années dans le budget de l’État, à coups de cadeaux fiscaux divers et variés. Dans ce domaine, vous êtes très inventifs : 200 milliards d’aides aux entreprises chaque année,…

    M. Thibault Bazin

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    Il y a des emplois derrière ces exonérations !

    M. Jérôme Legavre

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    …auxquels s’ajoutent tous les dispositifs de diminution des recettes fiscales, à hauteur de 62 milliards en 2023, au bénéfice des plus fortunés.
    Je ne prendrai qu’un exemple : la niche fiscale sur le fret maritime, qui représente 5,6 milliards –⁠ excusez du peu ! –, bénéficie en particulier au groupe CMA-CGM, dont les profits ont explosé ces dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Son dirigeant, Rodolphe Saadé, qui est par ailleurs milliardaire et bien en cour, ne paie presque pas d’impôts. Tout va bien pour lui ! Tout va bien aussi pour Sanofi, et l’on sait les conclusions que ce groupe en a tiré.

    Mme Mathilde Panot

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    Doliprane et les emplois détruits !

    M. Jérôme Legavre

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    Vous ne cessez, dans le même temps, de vanter vos résultats en matière économique et de création d’emplois. En réalité, vous avez fait exploser la précarité : 11,5 millions de personnes sont pauvres, soit 17 % de la population. (Mêmes mouvements.)

    Mme Olivia Grégoire

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    Et le chômage, on l’a fait exploser ?

    M. Jérôme Legavre

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    La France est le pays d’Europe où la pauvreté a le plus augmenté ces dernières années. Je donnerai un exemple, à mettre en regard avec la situation des plus fortunés, que votre politique enrichit : il s’agit d’une dame de ma circonscription, à Clichy-sous-Bois, la ville la plus pauvre de Seine-Saint-Denis. Elle travaille et élève seule ses quatre enfants ; elle n’a pas de logement, parce que dans ce département, 200 000 demandes de logement ne sont pas satisfaites. Elle se retrouve sans domicile et les appels au 115 restent sans réponse, faute de places en nombre suffisant. Des exemples comme celui-là, il y en a des milliers, mais en septembre 2023, par décret, vous avez annulé 5 milliards de crédits. Cette politique conduit au désastre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Louis Boyard

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    S’il n’y a plus de Doliprane, comment on va faire pour écouter Barnier ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mickaël Bouloux.

    M. Mickaël Bouloux (SOC)

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    Ce texte est l’occasion de contrôler l’exécution de l’exercice budgétaire de l’année 2023. Au risque de vous surprendre, nous estimons que l’exécution s’est passée comme prévu –⁠ non pas bien, mais comme prévu. Des recettes qui plongent, le déficit qui explose –⁠ passant de 4,4 à 5,5 % du PIB –, une croissance divisée par plus de deux par rapport à la prévision –⁠ 0,9 % au lieu de 2,3 % – et des effets macroéconomiques qui conduisent à la situation actuelle : une croissance de 1,1 % au lieu de 1,6 %, un déficit de 6,1 % au lieu de 3,9 % du PIB, qui nous contraint à trouver 10, puis 20, puis 40, puis 60 milliards d’euros ; enfin, la suppression de 2 200 postes de fonctionnaires, dont 2 000 enseignants. Comme nous l’avions prédit, l’exécution budgétaire ne s’est pas bien passée !
    Depuis sept ans, la Macronie plonge le pays dans une crise économique et financière. Allons-nous valider cette politique économique ? La réponse est évidemment non.
    « Soyez fiers d’être des amateurs », avait lancé le chef de l’État au début de son premier quinquennat, drapé dans ses certitudes jupitériennes. En l’occurrence, il ne s’agit pas d’amateurisme : chaque année, à cause des cadeaux faits aux ultrariches, 62 milliards d’euros de recettes manquent dans les caisses de l’État. S’agit-il d’un sabotage volontaire ? Dans les prochaines semaines, la transformation de la commission des finances en commission d’enquête permettra de répondre à cette question. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS.) Nous voterons bien sûr en faveur de cette motion de rejet préalable. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Véronique Louwagie.

    Mme Véronique Louwagie (DR)

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    Ce projet de loi est identique à celui que nous avions examiné en commission des finances au mois de mai, avant d’être interrompus par la dissolution. Le voter, et non pas l’adopter, est un préalable indispensable à l’examen du PLF pour 2025 qui débutera dans quelques jours. Nouvelle législature oblige, le projet de loi de règlement de 2023 devait être de nouveau déposé et examiné par le Parlement. Compte tenu du dérapage des finances publiques et d’une trajectoire budgétaire inacceptable, le groupe Droite républicaine votera contre ce texte comme au printemps, dans un souci de cohérence et en conformité avec ses convictions.
    Néanmoins, monsieur Guiraud, lors de votre intervention, vous n’avez pas défendu une motion de rejet préalable. Vous avez plutôt motivé votre opposition au texte indépendamment de son contenu, à savoir l’exécution budgétaire de l’année précédente. L’opposition à ce texte ne justifie aucunement une motion de rejet. Comme à votre habitude sous la précédente législature, vous perpétuez l’usage consistant à déposer de manière systématique une motion de rejet préalable.

    M. Antoine Léaument

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    On a le droit d’être député, ou pas ?

    Mme Véronique Louwagie

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    De manière tout aussi systématique, vous avez déposé des amendements de suppression à chacun des articles du texte. Que vous y soyez opposé est une chose, mais cela ne saurait justifier le dépôt de tous ces amendements de suppression. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Antoine Léaument

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    Ne les votez pas !

    Mme Véronique Louwagie

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    Cette motion de rejet n’a aucun sens et les députés du groupe Droite républicaine voteront évidemment contre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Simonnet.

    Mme Danielle Simonnet (EcoS)

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    Je rebondirai pour commencer sur les propos de l’ancien rapporteur général du budget, selon qui la présentation d’une motion de rejet préalable sur un texte budgétaire serait totalement contraire aux principes républicains. Pardonnez-moi, monsieur Cazeneuve, mais la Révolution française et notre république procèdent de la question de l’impôt : qui paie, qui collecte, pour quoi faire ? Il est donc éminemment républicain de se poser cette question. (Exclamations sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Discutons-en, alors !

    Mme Danielle Simonnet

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    Il faut effectivement soutenir la motion de rejet, tant ce texte démontre l’échec de votre politique. Comment vous faire confiance, franchement ? Vous promettiez 12 milliards d’euros de recettes grâce à la Crim, laquelle n’a rapporté que 600 millions ! L’écart est énorme. Le déficit public, qui devait s’établir à 4,9 % du PIB selon vos prévisions, a dérapé jusqu’à atteindre 5,5 % ! L’expliquez-vous par une erreur statistique ou un modèle obsolète ? Non, car c’est votre politique qui est obsolète. Tel est le bilan de votre politique de cadeaux aux plus riches, aux plus grandes entreprises, notamment les plus polluantes. Cette politique porte la responsabilité de la situation financière catastrophique actuelle.

    M. Thibault Bazin

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    Ça aurait été pire avec Lucie Castets !

    Mme Danielle Simonnet

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    Le déficit est d’abord dû à un manque criant de recettes. Depuis 2017, une baisse d’impôts de plus de 60 milliards d’euros a été consentie en priorité aux plus riches et aux plus grandes entreprises. Les riches vivent au-dessus de nos moyens. Une commission d’enquête sur le dérapage budgétaire s’impose, la lecture des comptes de 2023 en atteste.
    Nous devrons bientôt débattre d’un budget austéritaire et inégalitaire terrifiant, prévoyant plus de 40 milliards de coupes budgétaires. Il faut donc voter la motion de rejet, il s’agit même d’un devoir républicain ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Mandon.

    M. Emmanuel Mandon (Dem)

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    Nous nous sommes efforcés d’écouter attentivement notre collègue David Guiraud, mais je dois bien avouer ne pas avoir tout compris. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Ce n’est pas gênant ! J’ai surtout l’impression d’une démarche consistant à faire feu de tout bois, en oubliant l’objet du texte. C’est bien regrettable. Quelques explications nous ont été fournies, qui prétendaient peut-être nous éclairer quant à un certain projet politique, mais qui n’argumentaient en aucun cas en faveur de la motion de rejet. Le présent texte relève d’une procédure votée par le passé, prévue par la Lolf, approuvée par les parlementaires. Aussi est-il tout à fait logique pour le groupe Démocrate d’appeler à voter contre cette motion qui vient, à n’en point douter, à un mauvais moment. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François Jolivet.

    M. François Jolivet (HOR)

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    Monsieur Guiraud, comme mon collègue Mandon, je n’ai pas tout compris.

    Un député du groupe LFI-NFP

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    On vous a pourtant expliqué !

    M. François Jolivet

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    C’est peut-être normal. Sans doute sommes-nous, dans l’Indre, d’un niveau inférieur, mon cher Léaument. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS.) La Lolf impose au Gouvernement de présenter le présent projet de loi avant que le PLF pour 2025 soit soumis à nos suffrages. C’est la procédure. Le passé n’a pas d’avenir et la marche arrière n’est pas la meilleure manœuvre pour avancer, serais-je tenté de dire. Si j’en crois la composition de cette assemblée, les Français souhaitent que nous avancions tous ensemble. C’est la raison pour laquelle le groupe Horizons & indépendants s’opposera à la motion de rejet. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Pierre Bataille.

    M. Jean-Pierre Bataille (LIOT)

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    J’avoue ma surprise : pour ma première intervention dans cette assemblée, je m’attendais à débattre de l’approbation des comptes de 2023. Comme vous, j’avais préparé plusieurs arguments pour exprimer mon avis, en disant d’emblée que le ministre chargé du budget et des comptes publics ici présent n’est pas comptable du bilan de l’année 2023. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Thibault Bazin

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    Il y a vraiment de tout, chez les LIOT !

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    Les LIOT, c’est plus ce que c’était !

    M. Jean-Pierre Bataille

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    J’étais néanmoins, comme le rapporteur général et les autres collègues de mon groupe, tout à fait prêt à voter contre le texte.
    Les propos des collègues situés à gauche de l’hémicycle témoignent d’un emportement, peut-être d’une récupération. Sans vous donner un blanc-seing, je me suis interrogé, jusqu’à ces dernières minutes, sur la position du groupe LIOT.

    M. Thibault Bazin

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    On s’interroge tous !

    M. Jean-Pierre Bataille

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    Nous voulons changer de paradigme budgétaire. Nous voulons une transparence totale entre le Gouvernement et le Parlement, entre le Gouvernement et les Français. Nous l’attendons toutes et tous. Dès lors, pour être en accord avec les différentes sensibilités qui font la force du groupe LIOT, nous nous abstiendrons. (Exclamations et applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Maurel.

    M. Emmanuel Maurel (GDR)

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    M. le ministre nous invite à délaisser le passé et à nous tourner vers l’avenir ; mais l’examen du projet de loi d’approbation des comptes pour 2023 ne consiste-t-il pas précisément à inviter les parlementaires à porter un regard sur vos actions passées ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Oui, en le votant !

    M. Emmanuel Maurel

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    Nous examinons vos choix politiques, et surtout votre gestion. Alors que vous vous autoproclamez champions de la rigueur et du sérieux budgétaire,…

    M. Thibault Bazin

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    C’est nous les champions, pas eux !

    M. Emmanuel Maurel

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    …il y a beaucoup à redire, et nous voulons le dire ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Ne votez pas la motion, dans ce cas ! Laissez du temps au débat !

    M. Emmanuel Maurel

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    Vous qualifiez ensuite la procédure de technique. Pardonnez-nous de faire de la politique, même quand c’est technique ! Nous voulons juger de vos actes, de la manière dont vous avez démembré les recettes fiscales de l’État. Vous êtes comptables d’un bilan calamiteux. Il y a des moments pour le dire, aujourd’hui en est un. (Exclamations sur les bancs du groupe EPR.)
    Enfin, il est indigne du débat d’entendre l’orateur macroniste et ancien rapporteur général du budget nous faire le coup, des sanglots dans la voix, du rejet des institutions et de la République, sous prétexte que nous donnons notre avis ! (Mêmes mouvements.)

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Vous rejetez le débat !

    M. Emmanuel Maurel

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    En 2024, les Français ont rejeté votre politique à deux reprises !

    M. Thibault Bazin

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    Et même à trois reprises !

    M. Emmanuel Maurel

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    Cela ne signifie pas pour autant qu’ils rejettent les institutions et la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        159
            Nombre de suffrages exprimés                158
            Majorité absolue                        80
                    Pour l’adoption                108
                    Contre                50

    (La motion de rejet préalable est adoptée.)

    Mme la présidente

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    En conséquence, le projet de loi est rejeté. (Les députés des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR se lèvent et applaudissent.)

    3. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, demain, à quinze heures :
    Questions au Gouvernement ;
    Prestation de serment de six juges titulaires et six juges suppléants à la Cour de justice de la République ;
    Discussion du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2023.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-huit heures dix.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra