XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Séance du lundi 30 juin 2025

Sommaire détaillé
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Séance du lundi 30 juin 2025

Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quatorze heures.)

    1. Remise en cause du droit de l’environnement et de la parole scientifique : quelles conséquences face à l’urgence écologique ?

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Remise en cause du droit de l’environnement et de la parole scientifique : quelles conséquences face à l’urgence écologique ? »
    La conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat, proposé par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire, en deux parties. Nous commencerons par une table ronde en présence des personnalités invitées, d’une durée d’une heure, qui donnera lieu à une séquence de questions-réponses ; puis, après une intervention liminaire du gouvernement, nous procéderons à une nouvelle séquence de questions-réponses, d’une durée d’une heure également. La durée des questions et des réponses sera limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
    Pour la première phase du débat, je souhaite la bienvenue à M. Dorian Guinard, maître de conférences en droit public à l’université Grenoble Alpes, et à M. Fabio D’Andrea, physicien climatologue au CNRS et directeur du département de géosciences à l’École normale supérieure.
    La parole est à M. Dorian Guinard, maître de conférences en droit public à l’université Grenoble Alpes.

    M. Dorian Guinard, maître de conférences en droit public à l’université Grenoble Alpes

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    Le droit de l’environnement, en France, s’est construit de façon progressive. Il doit beaucoup au droit de l’Union européenne, et je le souligne parce que certains ont tendance à l’oublier et que, si le constituant et législateur français ont largement œuvré à son développement, il faut se souvenir que, dans la hiérarchie des normes, le droit de l’Union européenne s’impose au législateur.
    On m’a invité pour donner mon point de vue sur la séquence que nous vivons actuellement, marquée par la remise en cause de certaines normes environnementales. La première chose que je voudrais souligner –⁠ et c’est encore oublié parfois par certains –, c’est que les normes environnementales n’existent pas sans raison, et que la préservation de l’environnement, donc par extension de la santé humaine, est un impératif moral mais aussi social, sociétal et économique à court, moyen et long termes.
    Ce qu’on observe –⁠ et, ayant par ailleurs une certaine expérience du contentieux administratif, je vous livrerai des observations qui sont empiriquement démontrées –, c’est que l’État de droit, au sens procédural et matériel, c’est-à-dire nos droits fondamentaux, est rogné par des pratiques dont la validité est sujette à caution et dont la légitimité démocratique est encore plus contestable. Les critiques visent évidemment ici l’exécutif, mais aussi, et c’est un petit peu plus étrange, le législatif qui, lorsqu’il légifère alors même que les risques d’inconstitutionnalité ou d’inconventionnalité sont patents, crée dans notre État de droit des fissures qui pourraient se transformer en failles béantes.
    Quelques exemples pour illustrer mon propos. À mon sens, c’est l’affaire de la retenue illégale –⁠ déclarée illégale par cinq décisions de justice ! – du lac de Caussade dans le Lot-et-Garonne qu’il faut avoir en tête car elle incarne, à elle seule, l’érosion de l’État de droit, à travers l’inexécution des décisions de justice et une certaine impuissance du droit –⁠ qu’en tant que juriste, je juge assez triste – à cause de l’exécutif.
    D’autres exemples d’inexécution des décisions de justice –⁠ une des atteintes les plus graves à la démocratie car elle fragilise un des trois piliers de notre République – peuvent être cités. Ainsi, le jugement du tribunal administratif de Paris du 29 juin 2023, dans l’affaire Justice pour le vivant, qui a abouti à la condamnation de l’État –⁠ sur des fondements juridiques et scientifiques non pris en compte par les gouvernements successifs – pour carence fautive dans la protection de la biodiversité, du fait de protocoles d’évaluation des pesticides non pertinents, n’a jamais été exécuté. Cela illustre d’autant mieux les failles de notre démocratie qu’il n’était pas question d’un petit enjeu local mais de toute la biodiversité sur le territoire national, ce qui constitue un énorme enjeu. Fort peu médiatisée jusqu’à présent, l’affaire, qui devrait être tranchée sous huitaine par la Cour administrative d’appel de Paris, risque de l’être beaucoup plus en cas de nouvelle victoire des associations.
    Autre exemple symptomatique de cette érosion, des pratiques préfectorales qui neutralisent les recours effectifs contre leurs actes, notamment par des publications d’actes sans possibilité de recours avant leur exécution –⁠ typiquement la publication d’un arrêté préfectoral de destruction d’une espèce protégée, un vendredi à dix-sept heures. Pourquoi ? Parce que le tribunal administratif étant fermé le samedi et le dimanche, on ne peut pas faire de recours en référé-suspension ni en référé-liberté. On pense ici à la destruction des bouquetins du Bargy, familière au Grenoblois que je suis mais sur laquelle je pourrai revenir.
    Enfin, le droit de l’environnement subit quelques attaques déplacées lorsque le pouvoir législatif entend surmonter frontalement une décision de justice. En l’occurrence, on peut prendre l’exemple de l’A69, dans lequel il est bien question de passer frontalement outre une décision de justice grâce à une loi de validation, alors même que, dans la doctrine des plus grands professeurs de droit, on ne peut recourir à de telles lois de validation que lorsqu’il s’agit de neutraliser les effets d’une décision pour éviter des contentieux en pagaille mais, jamais au grand jamais, si l’on relit René Chapus, pour passer outre –⁠ je le signale car j’ai cru comprendre qu’une nouvelle loi de validation issue de la commission mixte paritaire (CMP) devrait vous être soumise assez rapidement.
    Le constat est donc sérieux, les risques démocratiques réels et l’érosion progressive de l’État de droit par le flanc environnemental un phénomène qu’il faut, à mon sens, conjurer assez rapidement.

    M. le président

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    La parole est à M. Fabio d’Andrea, physicien climatologue, directeur de recherche au CNRS.

    M. Fabio d’Andrea, physicien climatologue, directeur de recherche au CNRS

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    En tant que climatologue, c’est la remise en cause de la parole scientifique qui retient plus particulièrement mon attention dans l’intitulé que vous avez choisi pour ce débat. Cela m’a immédiatement évoqué ce qui se passe aux États-Unis : licenciements, coupes budgétaires, fermetures de laboratoire, je ne vous en referai pas l’histoire ici.
    Il me semble cependant que la vraie rupture historique réside surtout dans la méthode, délibérément brutale et fondée sur l’intimidation, qui vise à créer un climat de peur, la parole scientifique n’étant désormais plus à l’abri d’être muselée par des attaques personnelles.
    Un autre sujet important me paraît être la dégradation de la production des données géophysiques, sans même parler de la destruction des données existantes. Aujourd’hui, les agences qui s’occupent de la production des données sur le terrain sont malmenées, voire décapitées, ce qui entraîne une diminution du nombre de données fournies.
    Je prendrai l’exemple des flotteurs Argo. Ce sont des instruments extraordinaires, de petits robots qu’on jette à la mer et qui dérivent au gré des courants, avec des plongées en profondeur, pendant quatre à cinq ans, le temps que dure leur batterie. Ils mesurent les courants, la température, la composition de l’eau, jusque dans des endroits où on ne peut se rendre facilement en bateau. Ces flotteurs coûtent 50 000 euros pièce et il en existe quelques milliers répartis dans les océans du monde, financés, opérés et déployés pour 60 % d’entre eux par les États-Unis, qui menacent désormais de limiter leur apport, voire d’abandonner totalement le projet.
    À quoi servent les données Argo ? Aux climatologues certes –⁠ et l’on sait que l’administration Trump n’aime pas les sciences du climat – mais pas uniquement : elles servent aussi à l’industrie de la pêche ou, simplement, à prévoir le temps. Or la météo a une incidence énorme sur l’économie d’un pays car elle est déterminante pour le secteur de l’énergie, l’agroalimentaire, les transports ou les télécommunications. Dégrader les prévisions météorologiques revient donc à appauvrir un pays –⁠ et pas seulement les États-Unis mais également la France, car un manque de données quelque part sur la planète a un effet sur les prévisions partout dans le monde. Il m’est donc assez difficile de comprendre comment on peut vouloir s’attaquer à ce système.
    Dans une perspective plus géopolitique, il faut se demander pourquoi ce sont les États-Unis qui contrôlent ou fournissent la moitié ou plus des données géophysiques, bien au-delà des seules données Argo. C’est un effet du soft power de la puissance impériale américaine, qui a permis au monde de bénéficier de cette connaissance scientifique partagée, comme il a bénéficié de l’aide au développement avant que la moitié de cette aide, émanant des États-Unis, se tarisse, ou encore d’avantages moins «  soft » liés à défense, dont on parle beaucoup à présent.
    Avec la défection de cette puissance, la logique voudrait qu’on saute sur l’occasion et qu’on occupe l’espace laissé en jachère par le retrait américain, que l’on agisse par amour de la science, par opportunisme, par souci de garantir sa souveraineté ou son indépendance, quelle que soit la motivation de chacun.
    Or rien de cela en France, où, au contraire, nos agences qui gèrent et protègent l’environnement ou qui sont à la charnière entre la décision politique et la science, la science et le tissu économique, sont attaquées. Je parle d’attaques budgétaires ou carrément politiques –⁠ je pense à l’Agence de la transition écologique (Ademe) par exemple, victime de tentatives d’intimidation qui ne sont pas sans rappeler les pratiques trumpiennes. Dans ce chaos, la parole des scientifiques devient inaudible.
    Nul besoin ici de convoquer des épistémologues pour dire ce qu’est la science : faire de la science consiste à prendre la réalité au sérieux. Or la réalité, chacun, cet après-midi même, l’éprouve. Il fait 35 o C dehors ; demain il fera presque 40 o C, et après-demain encore plus. Les canicules se sont multipliées par quatre en vingt ans et, chaque année, elles provoquent des dizaines de milliers de morts et des milliards d’euros de dégâts économiques –⁠ voire des dizaines de milliards, si on choisit de compter le coût économique de la mortalité. Ayons bien ces chiffres en tête : ils sont comparables aux coupes budgétaires infligées à la recherche et à la santé –⁠ ce sont les chiffres de Santé publique France, actuellement soumise à inspection.

    M. le président

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    Nous en venons aux questions : j’invite les députés qui souhaitent intervenir dans le cadre de cette table ronde à s’inscrire auprès de la direction de la séance. Chaque question sera immédiatement suivie de la réponse, afin que le débat soit le plus fluide possible.
    La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.

    Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP)

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    Malgré l’évidence du changement climatique, que nous éprouvons de plus en plus dans notre chair –⁠ vous l’évoquiez à l’instant –, malgré les travaux du Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, de l’IPBES, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, malgré l’ensemble des alertes émises par les scientifiques ces dernières années, les discours climatosceptiques et anti-écologiques semblent se propager de manière assez incontrôlable, en témoignent les élections de dirigeants ouvertement climatosceptiques comme MM. Trump, Orbán ou Milei, mais aussi la multiplication, ces derniers mois en France, de textes législatifs, à mon sens trumpistes et écocidaires.
    Selon le baromètre des représentations sociales du changement climatique publié par l’Ademe, en 2025, 29 % des Français considèrent que les désordres climatiques et leurs conséquences ne sont pas d’origine humaine, contre 17 % en 2022, soit 12 points de plus en seulement trois ans. Toujours selon ce même sondage, près d’un tiers de la population estime que les scientifiques exagèrent les risques du changement climatique.
    Cela a été évoqué, tout récemment la droite et l’extrême droite ont encore essayé de faire supprimer l’Ademe, l’Office français de la diversité (OFB) ou encore l’Ifrecor (Initiative française pour les récifs coralliens), autant d’exemples de la volonté politique de faire taire les messagers de ces données scientifiques.
    Le travail de sape du droit environnemental, que vous décriviez monsieur Guinard, se double aussi de déclarations hostiles aux défenseurs de l’environnement, lesquelles se multiplient dans les médias et une partie de la classe politique, ainsi que d’une surveillance et d’une répression accrues des militants –⁠ je rappelle que M. Michel Forst, rapporteur spécial de l’ONU, a déclaré que la France était le pire pays d’Europe en termes de répression policière des militants pour l’environnement. Tout ce qui précède s’inscrit sur un fond d’incompréhension –⁠ ou de déni ? – de l’ampleur de l’effondrement de la biodiversité et de ses conséquences pour nous.
    Selon vous, la remise en cause du droit de l’environnement participe-t-elle de cette fabrique du doute organisé autour de l’urgence écologique et climatique, au travers notamment de l’utilisation fallacieuse de l’idée de simplification, qu’on voit servir de prétexte à la dérégulation environnementale ? Quelles forces voyez-vous à l’œuvre derrière cette tendance que vous décrivez tous les deux et, surtout, faut-il craindre qu’elle finisse par rendre impossible tout espoir de transition écologique et d’adaptation de notre société aux bouleversements en cours ?

    M. le président

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    La parole est à Dorian Guinard.

    M. Dorian Guinard

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    C’est une question difficile. Dans le cadre de mes fonctions universitaires, je suis aussi intervenant à la faculté de biologie de l’université de Grenoble. Je parle donc assez souvent avec mes collègues climatologues, professeurs de biologie, en écologie de la conservation et en écologie fonctionnelle.
    Les discours scientifiques que l’on entend sont parfois qualifiés d’alarmistes. Or pour reprendre ce qu’a dit Christophe Cassou, physicien du climat et auteur principal du sixième rapport du Giec, dans les médias ces derniers temps, les discours ne sont pas alarmistes, mais alarmants. J’ai du mal à comprendre que l’opinion publique reste aussi climatosceptique, au regard des faits scientifiques évalués. Je ne parle même pas de la biodiversité qui est extraordinairement résiduelle, notamment dans les médias.
    La mobilisation de ce type de discours climatosceptiques et les actes qui remettent en cause des agences scientifiques –⁠ à côté de l’Ademe, l’OFB (Office français de la biodiversité) ou l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) subissent aussi des critiques – constituent un danger quand ils s’accompagnent, dans le domaine du droit, de la remise en cause des normes environnementales, y compris celles de l’Union européenne. On n’a pas encore osé tenir des discours opposés aux normes environnementales constitutionnelles, mais je pense que cela ne va pas tarder à venir.
    Le danger, ce serait que certains partis politiques fassent du juge le dernier recours, multipliant ainsi les contentieux environnementaux, ou ceux liés aux libertés publiques, les deux se rejoignant. Aux discours antiscience se joindrait ainsi un discours antijuges mobilisant l’expression « gouvernement des juges », dont on a été saturé ces derniers temps. Beaucoup de parlementaires qui l’emploient n’ont sans doute pas une idée claire de son sens, puisqu’il faut avoir fait un certain nombre d’années d’études de droit pour comprendre ses différentes significations. Le danger est donc, pour moi, de coupler l’attaque d’un « gouvernement des juges » et les discours antiscience.

    M. le président

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    La parole est à M. Fabio d’Andrea.

    M. Fabio d’Andrea

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    Une étude de collègues du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) portant sur le climatoscepticisme récent, a montré qu’il ne serait plus le fait de personnes défendant des idées farfelues qui empruntent un peu au langage scientifique, mais l’effet de groupes politiques organisés, liés à l’extrême droite, qui ont un agenda politique et s’expriment notamment sur les réseaux sociaux.
    Pour réagir au climatoscepticisme, il convient donc de s’inscrire dans le domaine de la communication politique. La balle n’est plus dans le camp des scientifiques – malheureusement. Les personnes tendent à croire des faits scientifiques sur la base de leur vision du monde. Concevoir une société désirable, et dans laquelle on puisse mener une transition écologique, est un problème politique.

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani (LIOT)

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    Merci, messieurs, pour votre approche. Nous sommes face à deux interprétations apparemment inconciliables des réalités contemporaines. D’un côté, il y a ceux qui alertent sur des catastrophes, depuis le lointain club de Rome d’Aurelio Peccei, jusqu’à Ignacy Sachs, en passant par les Sommets de la Terre, les formalisations croissantes des ONG qui rappellent l’urgence face à la perte de diversité biologique, aux canicules et aux catastrophes. De l’autre, il y a ceux qui sont installés dans une dynamique de croissance : la politique de croissance économique des États, les business plans des entreprises, la croissance démographique –⁠ nous étions 1,6 milliard en 1900, nous sommes à présent 8,2 milliards – provoquant de nombreuses contraintes et prédations sur le milieu naturel.
    On peut donc se demander s’il est possible de concilier ces approches ou si la contradiction est fondamentale. Ma question est précise : quel est l’état de la réflexion scientifique sur l’impossibilité mécanique de poursuivre une croissance de long terme dans un espace clos ? Quel est l’état des lieux scientifique face à cette contradiction ?

    M. le président

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    La parole est à M. Fabio d’Andrea.

    M. Fabio d’Andrea

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    Il faudrait qu’un économiste soit là pour répondre à cette question. Mon impression, c’est que la définition de la croissance économique est fondée sur celle de son indicateur, qui est le PIB. Changer la définition du PIB changerait aussi celle de la croissance. La croissance n’est pas une nécessité scientifique, mais un choix de société. Cela relève donc du domaine politique, et pas nécessairement du domaine scientifique.

    M. le président

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    La parole est à M. Dorian Guinard.

    M. Dorian Guinard

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    N’étant pas non plus économiste, je reprends, sans me défausser, ce qu’a dit mon collègue : il faudrait inviter un économiste pour aborder sérieusement cette question fondamentale.
    Un certain nombre d’activités économiques sont associées à une prédation des milieux naturels. Il s’agit donc de se demander comment on conjugue l’activité économique et l’absence de dénaturation trop poussée de milieux toujours plus fragilisés.
    J’ai un exemple à cet égard : lorsqu’une rivière est en très bonne santé –⁠ soit une rivière de première catégorie – et qu’il ne s’y passe rien, aucun indicateur économique ne peut quantifier son état naturel. Si on la pollue, et que cette pollution est attestée, il faudra la dépolluer, ce qui supposera que l’on engage des prestations de services, et donc des activités économiques liées à la dépollution. Par un effet mécanique, des effets de croissance en résulteront.
    Je ne suis donc pas sûr que les indicateurs de croissance, tels qu’ils sont définis et acceptés de façon universelle, soient très pertinents. Les limites naturelles vont se rappeler à tout le monde de façon assez rapide.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Brugerolles.

    M. Julien Brugerolles (GDR)

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    Messieurs, je vous remercie pour votre présence à ce débat, et je salue le groupe de La France insoumise pour cette initiative, au moment où s’enchaînent les reculs politiques et environnementaux.
    Mon propos portera plus spécifiquement sur le discrédit croissant qui pèse sur la parole scientifique. Celui-ci s’est aggravé depuis la crise sanitaire de la covid-19, au cours de laquelle la présentation de mensonges par certains scientifiques comme Didier Raoult, et les prises de paroles contradictoires des experts et des responsables politiques, ont désorienté nombre de nos concitoyens.
    Malheureusement, ce discrédit touche d’abord les jeunes. Les enquêtes montrent une baisse significative de leur confiance envers les scientifiques et les institutions scientifiques.
    Depuis lors, nous assistons un peu partout à l’offensive de mouvements populistes qui n’hésitent pas à travestir les faits et à instrumentaliser l’inquiétude suscitée par la crise climatique et écologique pour promouvoir des récits régressifs et simplificateurs exploitant la peur et le ressentiment, notamment à l’égard des scientifiques.
    Ces discours populistes, avec l’aide de relais médiatiques et de communication privés de plus en plus puissants, saturent le débat public d’émotions et de fausses informations. La frontière s’efface entre d’un côté les opinions et de l’autre les faits et les savoirs, et le socle d’accord minimal sur lequel repose le débat démocratique s’érode.
    Hannah Arendt écrivait que le totalitarisme prospère moins sur l’endoctrinement que sur la confusion généralisée dans laquelle les gens ne savent plus distinguer le vrai du faux, le fait de la fiction.
    Cette menace, devenue très concrète, m’invite à vous poser deux questions. La première est ouverte : à quelles conditions, selon vous, la parole scientifique peut-elle encore être audible et crédible ? La seconde est plus juridique : comment, et avec quels moyens, reconstruire une forme de régulation et d’autorité face aux dérives que sont les fake news, les manipulations et la décrédibilisation de la parole et des travaux scientifiques comme ceux du Giec ?

    M. le président

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    La parole est à M. Fabio d’Andrea.

    M. Fabio d’Andrea

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    Je crois que cette question m’est adressée. Je voudrais légèrement remettre en doute ce que vous dites. Il existe une baisse de la confiance dans les scientifiques, mais d’après tous les sondages, cette dernière reste très haute dans la société. Elle l’est un peu moins dans l’institution scientifique, ce qui participe du manque de confiance dans les institutions en général. Les scientifiques restent néanmoins très écoutés, en tout cas tant qu’ils ne s’occupent pas de choses importantes. C’est ce que je dis à mes collègues : lorsque l’on étudie un sujet qui fait mal, notre parole est remise en cause. Cela me paraît bien ainsi.
    Le covid est un bon exemple parce que, face à cette maladie, les scientifiques n’avaient pas de réponse. Il fallait apporter des réponses face à quelque chose de nouveau, alors qu’il n’y avait pas encore de certitudes scientifiques. Comme tout le monde, nous débattions et exprimions des opinions. Mais certaines personnes ont exagéré, et de mon point de vue, l’exemple que vous citez était presque criminel d’un point de vue moral.
    Un pas en avant, pour nous les scientifiques, et peut-être pour le public aussi –⁠ mais je ne peux pas parler pour lui –, serait de comprendre que la science n’avance pas comme un seul homme. Nous n’avançons pas tous, liés par un consensus, sur ce qu’est la vérité. La science se nourrit du débat, de l’activité dialectique, comme tout autre savoir humain. Si un scientifique dit quelque chose de différent, on sera donc capable de lui répondre.
    C’est un pas en avant car si l’on croit que la science avance comme un seul homme, il suffit qu’un seul homme dise une chose différente pour faire s’écrouler tout l’édifice. Ce petit pas d’éducation pourrait être fait.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sophie Panonacle.

    Mme Sophie Panonacle (EPR)

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    Vous disiez tout à l’heure que peu de travail avait été réalisé au plan législatif. Je ne peux pas laisser dire cela. Des avancées ont eu lieu, des textes ont été adoptés. Mais je vous rejoins sur le fait que plusieurs groupes politiques ont remis en question, notamment il y a quelques jours, des avancées adoptées sur le ZAN (zéro artificialisation nette) ou sur les ZFE (zones à faibles émissions).
    Je suis d’accord pour dire qu’on ne peut bâtir aucune politique publique ou privée sans tenir compte de la science. Je ne suis toutefois pas d’accord avec le fait que la communication ne relève pas du champ scientifique et qu’elle incomberait seulement au politique. Samedi, j’étais dans la station marine de Concarneau, magnifique institution qui appartient au Muséum national d’histoire naturelle. Le directeur ouvre cette science au grand public pour que la sensibilisation de nos citoyens puisse influer sur les politiques. C’est dans ce sens-là que nous parviendrons à avancer. C’est donc parfois aussi aux scientifiques, que je soutiens depuis longtemps, de faire cet effort de sensibilisation et de démocratisation à l’égard du public et pas seulement à nous, les politiques.

    M. le président

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    La parole est à M. Dorian Guinard.

    M. Dorian Guinard

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    Contraint par le temps, je me suis sans doute mal exprimé. Initialement, je voulais pointer le fait que le législateur français, à partir de 1976, ait voté un certain nombre de lois de protection de l’environnement. Je pense notamment à celle de 2016 sur la reconquête de la biodiversité, dont le titre doit parler à tout le monde.
    Il est évident que le législateur français œuvre beaucoup. Je voulais plutôt pointer le fait qu’un certain nombre de textes de protection de l’environnement se nichent dans le droit de l’Union européenne, et que le législateur français –⁠ pas seulement dans cette Assemblée – a une certaine tendance, ces derniers temps, à oublier une partie de la hiérarchie des normes.
    Comme vous, je pense que les universités doivent s’ouvrir et contribuer à organiser des conférences et des colloques à destination du grand public afin de vulgariser les connaissances scientifiques et d’instaurer un échange avec le public. Cela participera de la lutte contre la désinformation évoquée tout à l’heure.

    M. le président

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    La parole est à M. Fabio d’Andrea.

    M. Fabio d’Andrea

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    Vous parlez à quelqu’un qui consacre beaucoup de temps à la vulgarisation scientifique. Je suis entièrement d’accord avec vous : il faut encourager la vulgarisation. Or certains signes ne vont pas dans ce sens. Ainsi, le sort réservé au Palais de la découverte est absolument insupportable pour les scientifiques, mais également pour tous les citoyens.
    Il faut continuer à encourager les chercheurs qui, comme moi, consacrent du temps à la vulgarisation, peut-être en prenant en compte cet engagement dans l’évolution de leur carrière. La recherche et la vulgarisation sont deux aspects du travail du scientifique.

    M. le président

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    La parole est à M. Arnaud Saint-Martin.

    M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP)

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    Qui aurait pu prédire l’épisode caniculaire très intense que nous devons endurer ? Toutes celles et ceux qui ne remettent pas en cause la parole scientifique et qui souhaitent qu’elle soit intégrée en connaissance de cause dans l’élaboration des décisions et de l’action publiques en matière environnementale.
    « Qui aurait pu prédire ? » : cette énième saillie du président de la République, qui a eu l’audace d’annoncer que son second mandat serait placé sous le signe de l’écologie et de la planification écologique, cette incise symbolise le hiatus entre la parole politique et les actes.
    Les climatonégationnistes n’ont jamais été aussi nombreux et organisés. L’extrême droite et la droite extrême de M. Wauquiez donnent des armes lourdes à cette opinion antisciences et ravageuse pour la planète. Elles mettent une cible dans le dos des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) ou de l’Inrae et réintroduisent les semeurs de mort. Ce sont autant d’irresponsables qui dénigrent les lanceurs d’alerte, nous mégabassinent avec leurs poncifs antiécolos et détruisent la recherche publique –⁠ qui est au service de la bifurcation écologique, prend la réalité au sérieux, pour reprendre votre expression, et voit au-delà des seuls besoins insoutenables d’une croissance pourtant en berne.
    La question posée ici est celle du coût de l’ignorance organisée par des marchands de doute dans le champ politique, mais aussi par certains manipulateurs qui, au sein même de la communauté scientifique, usent de l’autorité de la science pour servir des intérêts extrascientifiques, en entretenant sciemment le doute autour du dérèglement climatique. C’est une véritable « fosse sceptique » !
    Le gouvernement n’est pas en reste puisqu’il accompagne le désastre dans un « en même temps » aussi complaisant que coupable. Pourtant, lors du séminaire gouvernemental organisé à la rentrée 2022, où était intervenue la climatologue du Giec Valérie Masson-Delmotte, tout paraissait acquis : il fallait agir, et agir vite, faute de quoi l’effondrement s’accélérerait. Et puis rien, ou presque. Ce gouvernement agit de façon acratique ou incontinente, en dépit du bon sens qui devrait pourtant s’imposer, en responsabilité. Ce n’est pas comme s’il n’avait pas été prévenu. En attendant, il est atterrant de constater les extraordinaires régressions enregistrées ces derniers mois sous l’œil complice du gouvernement –⁠ la cause écologique a Duplomb dans l’aile !
    Comment garantir l’acculturation de la société et des élites politiques et technoadministratives qui font profession de nous gouverner à une culture scientifique et à une conscience écologique significatives, seules à même de nous préserver d’un obscurantisme contre-nature, ferment de l’inaction et de la réaction climatiques ? Le changement climatique, c’est maintenant !

    M. le président

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    La parole est à M. Dorian Guinard.

    M. Dorian Guinard

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    S’agissant des élus, je n’ai pas de réponse à vous apporter. En revanche, en ce qui concerne les hauts fonctionnaires, certaines réponses ont été esquissées, notamment par l’ancien ministre de la fonction publique, M. Guerini. Celui-ci avait mis en place, sous l’égide du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), des formations à destination de la très haute fonction publique. J’y ai participé plusieurs fois, donc j’en parle en connaissance de cause –⁠ je crois que c’est aussi le cas de mon voisin.
    Aujourd’hui, à l’Institut national du service public (INSP) et anciennement à l’École nationale d’administration (ENA) –⁠ j’en parle avec d’autant plus de légitimité qu’une partie de mes étudiants intègrent ce type d’écoles –, on considère que les élèves doivent être très compétents en droit, en économie ou en langues, mais on n’y dispense pas de formation scientifique en physique, en biologie ou en mathématiques. À l’occasion de la formation mentionnée, destinée à sensibiliser à la fois au réchauffement climatique et à l’effondrement de la biodiversité, on a reformé un couple entre le droit et les matières dites scientifique afin de les lier.
    Je pèse mes mots : il faut considérablement améliorer la formation scientifique au sein de l’INSP, de l’Institut national des études territoriales (Inet) et de toutes les écoles d’administration –⁠ il y a débat sur ce que recouvre le terme science, mais je parle principalement de la physique et de la biologie. Inversement, il faut augmenter la place du droit dans les formations des grandes écoles d’ingénieurs comme Polytechnique, Centrale ou AgroParisTech, même si une formation au droit existe déjà dans cette dernière.
    Une fois ces formations renforcées, le personnel amené à administrer l’État au sein de la haute fonction publique sera plus acculturé, ce qui devrait faciliter la prise de certaines décisions. Par effet domino, cela devrait aussi avoir une incidence sur les élus.

    M. le président

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    La parole est à Mme Catherine Hervieu.

    Mme Catherine Hervieu (EcoS)

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    Nous assistons à une remise en cause du droit de l’environnement et de la parole scientifique. C’est insensé au regard de ce que nous vivons ces jours-ci, mais aussi par rapport à l’évolution structurelle. Nous vivons la cinquantième vague caniculaire depuis 1947, et c’est la première aussi intense à avoir lieu si tôt dans l’année, en tout cas en Europe.
    Cette remise en cause est insensée dès lors qu’on est favorable à un modèle de société qui respecte les valeurs de notre République et protège la population ainsi que notre environnement, c’est-à-dire un cadre de vie digne.
    Le droit de l’environnement est un droit jeune, mais il est devenu incontournable depuis les années 1970, et ce à tous les échelons –⁠ international, européen, national et local. Or on observe depuis le début des années 2020 un recul des actions visant à assurer la pérennité de l’humanité dans un cadre de vie de qualité. Il faut le déplorer sans nous y résigner.
    Nous disposons aussi de la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle puisqu’elle a été intégrée au bloc de constitutionnalité en 2005. C’est un changement de paradigme intervenu en France. En tant que scientifiques, que pensez-vous de ces outils législatifs et constitutionnels ? Restent-ils pertinents ? La recherche scientifique et les données qui en résultent grâce à d’importants investissements publics ne constituent pas le socle ferme du travail législatif et réglementaire : qu’en pensez-vous ?
    Notre collègue Sophie Panonacle a évoqué la question de la communication scientifique. Encore faut-il disposer de moyens stables pour maintenir et renforcer le partage des connaissances avec les citoyens dans un cadre rigoureux. La question des moyens alloués à la science, qu’il faudrait augmenter, doit nous intéresser.
    Enfin, les scientifiques en rébellion sortent de leur laboratoire pour partager leurs connaissances. Je pense que vous êtes en phase avec cette démarche, étant donné ce que vous nous avez dit de la vôtre.

    M. le président

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    La parole est à M. Dorian Guinard.

    M. Dorian Guinard

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    S’agissant des scientifiques en rébellion, je ne peux pas me prononcer sur ce point. Je suis moi-même juriste et enseignant-chercheur et toutes mes prises de parole s’inscrivent dans un cadre légal.
    Vous nous interrogez sur les instruments juridiques actuels et leur pertinence. Le Conseil constitutionnel ne procédant pas au contrôle conventionnel de la loi, ce dernier revient aux juridictions suprêmes que sont le Conseil d’État et la Cour de cassation.
    Vous nous avez d’abord demandé si la Charte de l’environnement était un instrument pertinent. De mon point de vue –⁠ nulle vérité en droit, à part celle du juge suprême ! –, la réponse est oui, clairement. Le dernier alinéa de la Charte, le septième considérant, dispose que « les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ». Le Conseil constitutionnel considère que cet alinéa éclaire l’article 1er, qui proclame quant à lui : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. » Dans l’absolu, ces dispositions sont extrêmement protectrices. Faut-il modifier la Charte ? Je ne suis pas de cet avis. Elle permet de protéger l’environnement de façon durable, pertinente et effective, surtout si on couple l’article 1er et ceux qui suivent, notamment l’article 5.
    En revanche, il convient d’acculturer les juges aux connaissances scientifiques. Quand on regarde à la fois le contentieux constitutionnel et le contentieux administratif, singulièrement celui du Conseil d’État, on s’aperçoit que certaines décisions paraissent surprenantes d’un point de vue scientifique –⁠ je ne me permettrais pas de me prononcer sur le plan juridique, n’ayant pas la légitimité nécessaire. Je pense ainsi à la décision du 10 décembre 2020 par laquelle le Conseil constitutionnel a reconnu la conformité à la Constitution d’une loi réautorisant deux néonicotinoïdes, ce qui à mon sens était frontalement anticonventionnel –⁠ je l’avais dit publiquement à l’époque. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en a décidé ainsi juste après la décision du Conseil constitutionnel, ce qui a été très peu relevé par les médias.
    Cela n’a rien à voir avec le législateur français, mais il faut insister sur l’importance du droit de l’Union européenne. Aujourd’hui, la majeure partie du contentieux environnemental est jugée par le juge administratif, et par extension in fine par le Conseil d’État. En réalité, ce sont les règlements et les directives de l’Union qui protègent la plupart de nos droits fondamentaux environnementaux, beaucoup plus que la Charte –⁠ je me place du point de vue quantitatif, je laisse chacun libre de juger s’il en va de même du point de vue qualitatif.

    M. le président

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    La parole est à M. Fabio d’Andrea.

    M. Fabio d’Andrea

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    Je voudrais revenir sur l’amélioration de la compréhension de la science et de la parole scientifique, mais aussi répondre à Mme Panonacle qui a souligné qu’il s’agissait de la responsabilité des scientifiques, et non des politiques. Il faut améliorer l’éducation scientifique des administrateurs de l’État, des hauts fonctionnaires et des magistrats.
    En revanche, s’agissant du grand public, je persiste à croire que l’on croit aux faits scientifiques s’ils s’accompagnent de valeurs. Je n’entends pas nous décharger de notre responsabilité sur les politiques, au contraire ; nous autres scientifiques, nous devons prendre en compte cet aspect.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvie Ferrer.

    Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP)

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    Dans quelques jours, malgré l’absence de débat, l’Assemblée devra se prononcer sur la proposition de loi du sénateur Duplomb, taillée sur mesure pour l’agrobusiness. Elle remet en cause les acquis fondamentaux du droit de l’environnement, notamment en revenant sur l’interdiction de l’acétamipride, insecticide de la famille des néonicotinoïdes interdit depuis 2018 en raison d’un consensus scientifique sur son extrême toxicité pour les abeilles, et plus généralement les pollinisateurs, la biodiversité tout entière ainsi que la santé humaine.
    Dernièrement, des chercheurs de l’université de Tokyo ont mené une étude portant sur une dizaine d’échantillons d’eau de pluie prélevés près de zones agricoles entre avril 2023 et septembre 2024. Ils ont trouvé des néonicotinoïdes dans 91 % des échantillons. Pourtant, au cours des débats en commission, certains parlementaires ont affirmé que l’acétamipride n’est pas toxique ou que cette substance ne persiste pas dans l’environnement. Plus inquiétant encore, la ministre de l’agriculture a affirmé que l’acétamipride n’avait aucun impact négatif sur les colonies d’abeilles.
    En tant que scientifiques, que pensez-vous de cette mesure ? Pouvez-vous nous présenter le point de vue scientifique sur cette question ? Comment expliquer que le monde politique puisse nier à ce point la réalité des faits ? Une adoption de la proposition de loi Duplomb ne marquerait-elle pas une victoire aveuglante de l’obscurantisme au pays des Lumières ?

    M. le président

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    La parole est à M. Dorian Guinard.

    M. Dorian Guinard

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    Je ne jugerai pas les propos des parlementaires sur l’acétamipride. Je suis en train de rédiger une contribution extérieure en prévision de l’adoption de la proposition de loi Duplomb –⁠ mais la commission mixte paritaire (CMP) se réunissant en même temps que nous, nous serons peut-être surpris ! Si la CMP est conclusive, et a priori elle devrait l’être, la proposition de loi devra encore être adoptée par les deux chambres. J’ai cru comprendre que le Sénat l’examinerait le 2 juillet –⁠ je ne sais pas si vous disposez des mêmes informations que moi.
    En toute transparence, je fais partie d’une association qui défend juridiquement les différents taxons qui vivent dans le sol. Au-delà des effets sur les pollinisateurs, je peux vous citer de mémoire environ dix études qui portent sur les effets de l’acétamipride sur la faune du sol, des vers de terre aux collemboles. Je pourrais en faire de même pour le flupyradifurone, car l’acétamipride n’est pas la seule substance qui sera réautorisée si le II de l’article L. 253-8 du code rural est supprimé. Deux autres substances actives sont concernées, dont le flupyradifurone –⁠ l’achat et la constitution de stocks de douze mois seront autorisés jusqu’en décembre 2025. Les enjeux en matière de santé écotoxicologique sont pourtant considérables.
    Chacun est libre de l’interprétation qu’il fait des données scientifiques. Je ne suis pas écotoxicologue, mais en tant que juriste et citoyen, elles me semblent relativement parlantes : nous faisons manifestement face à une violation de l’article 5 de la Charte de l’environnement.
    Je ne suis pas du tout sûr que le Conseil constitutionnel suive cette position, car je l’ai développée dans une contribution sur la proposition de loi de réintroduction des néonicotinoïdes et les effets de cette mesure sur la faune du sol, et il n’en a jamais été fait mention. De manière générale, les études scientifiques sont interprétées assez librement par les non-scientifiques…

    M. le président

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    La parole est à M. Arnaud Saint-Martin.

    M. Arnaud Saint-Martin (LFI-NFP)

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    Je voudrais vous interroger sur l’engagement des scientifiques, en particulier sur leur engagement politique. Jusqu’où aller pour faire entendre la science ? On constate un découplage entre les connaissances scientifiques accumulées et validées par les pairs dans les comités scientifiques et l’action dans l’urgence des crises climatiques. En d’autres termes, ce n’est pas parce que l’on dit le vrai que le vrai se traduit en décision politique. Il n’y a pas de force intrinsèque de la connaissance, de l’idée vraie. Il faut aussi lui donner une force sociale et politique.
    Mais si les politiques ne saisissent pas la balle au bond et restent sourds, que faire ? Il existe une variété d’options possibles et aucune ne domine les autres. Chacun son style : l’expertise scientifique, calibrée selon les canons ordinaires, ou l’activisme scientifique politique –⁠ vous l’avez évoqué tout à l’heure –, qui peut mettre les scientifiques dans la rue. Je pense, par exemple, à la Marche pour les sciences que j’avais coorganisée avec des collègues en 2017 ou, plus récemment, à la mobilisation Stand up for Science contre le fascisme trumpiste, destructeur de la science et à l’origine d’un véritable mouvement de rébellion dans la communauté scientifique. Soulignons que l’engagement des scientifiques n’est pas une nouveauté. Naguère, les fondateurs du CNRS s’engageaient politiquement. Dans les années 1960 et 1970, la critique s’est développée dans les boutiques de sciences. Autant de répertoires d’actions à renouveler.
    Sans pour autant politiser la science, ce qui serait désastreux, quelles seraient, selon vous, les meilleures voies de mobilisation pour susciter l’action climatique ? Une chose est sûre, dire le vrai dans le monde social, crispé par les mensonges, engage de fait et expose aux contradictions non fondées en raison scientifique ou mues par une mauvaise foi indéfendable. Cela expose aussi au rapport de force –⁠ nous le voyons ici même. Rien dans les institutions scientifiques n’y fait obstacle –⁠ le comité d’éthique du CNRS l’a, par exemple, confirmé –, pourvu que les scientifiques explicitent les limites de leur expression aventurée dans l’espace public. À condition qu’ils disent d’où ils parlent et en quelle qualité, ils peuvent parfaitement, et avec profit, distiller les acquis de la science pour servir les causes d’intérêt général.
    Bref, au vu des enjeux que vous avez évoqués, et qui sont fondamentaux, jusqu’où aller pour rendre audible et efficace la parole scientifique au-delà de la seule vulgarisation descendante ?

    M. le président

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    La parole est à M. Fabio d’Andrea.

    M. Fabio d’Andrea

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    Cette question, nous nous la posons tous dans la communauté scientifique. Jusqu’où aller dans le militantisme ? Doit-on s’enfermer dans la tour d’ivoire de la science pure ? Au sein de notre communauté, on trouve tout le spectre des attitudes possibles, ce que je crois une très bonne chose. Certains de mes collègues sont très militants, d’autres ne le sont pas du tout et je les respecte tout autant. Il y a aussi le cas du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, très éloignés du militantisme mais qui ont su conserver leur autorité. Ou celui de collègues très militants, qui se sont beaucoup investis dans une cause et qui, en descendant dans l’arène politique, ont renoncé à leur autorité scientifique a priori. Nous sommes nombreux et chacun doit trouver la position qui lui convient. L’essentiel est que tout le spectre des choix possibles soit préservé.

    M. le président

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    La parole est à M. Dorian Guinard.

    M. Dorian Guinard

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    Je vous ferai quant à moi une réponse de juriste. Chacun agit avec les outils qu’il maîtrise. À titre personnel, puisque votre question vise aussi à nous interroger sur notre position personnelle, j’ai trouvé une manière non pas militante, mais républicaine et démocrate, de défendre la science : il s’agit de contester devant les juges administratifs des actes administratifs qui m’apparaissent totalement invalides au regard du droit de l’Union européenne, de la Constitution ou de la loi. Je fais ainsi rentrer dans le prétoire une partie des données scientifiques, plutôt que d’engager la discussion avec les responsables politiques. Bien sûr, avant de lancer les recours contentieux, nous nous adressons au gouvernement pour qu’il modifie certaines pratiques –⁠ je pense notamment à l’évaluation des pesticides. Mais l’une des manières de remettre en adéquation le droit français avec le droit de l’Union européenne, non pas par militantisme mais simplement par respect de la hiérarchie des normes, est de mobiliser les données scientifiques devant le juge pour que l’exécutif entende raison, au sens scientifique du terme. À titre personnel, je ne trouve pas cela très joyeux d’un point de vue démocratique. On dit parfois que le contentieux est une pathologie démocratique. Il signe en tout cas l’échec du dialogue avec l’exécutif et le refus de ce dernier de modifier les pratiques de protection des écosystèmes et de lutte contre le réchauffement climatique.

    M. le président

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    La parole est à Mme Claire Lejeune, pour une dernière question en guise de conclusion.

    Mme Claire Lejeune (LFI-NFP)

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    Nous vous accueillons à un moment où le hiatus entre, d’une part, les faits scientifiques et leur manifestation vécue charnellement, surtout aujourd’hui avec la canicule, et, d’autre part, les discours sur l’écologie et sa dimension potentiellement punitive est plus grand que jamais. La canicule frappe notre pays et le Giec affirme qu’il est désormais impossible de limiter le changement climatique sous la barre de 1,5o C, mais des discours de plus en plus ouvertement climatosceptiques s’expriment au sein de la représentation nationale. La dangerosité du cadmium est clairement démontrée par un rapport, mais la proposition de loi Duplomb amorce une régression vers une agriculture industrielle. Face à de telles évolutions, je m’interroge sur l’efficacité intrinsèque de la connaissance. J’ai le sentiment que nous devons engager le rapport de force pour imposer un cadre rationnel au débat.
    Je le dis d’autant plus que j’étais en thèse avant d’être élue et que j’ai pensé nécessaire d’adjoindre une action politique plus directe à la démarche scientifique. J’ai en effet l’impression que la régression du droit de l’environnement ne laisse pas la place vide : un autre code s’impose, celui que Katharina Pistor a appelé « le code du capital ». Nous sommes aujourd’hui dans cette bataille. À cet égard, avez-vous des outils et des pistes pour replacer le débat politique dans un cadre de rationalité scientifique ? Quel est votre regard sur le sujet ? Rapprocher les sciences du climat de toutes les sciences humaines et sociales ne permettrait-il pas de nous outiller face la bataille à mener ?

    M. le président

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    La parole est à M. Fabio d’Andrea.

    M. Fabio d’Andrea

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    En réalité, je ne sais pas que vous répondre. Je me pose également ces questions. Vous êtes de gauche et vous considérez qu’on peut joindre la bataille écologiste à la bataille contre le capitalisme. J’aimerais quant à moi que la droite démontre la possibilité de faire se rejoindre le capitalisme et l’écologie. Cette possibilité existe selon moi. En tout cas, je la souhaite. Une fois de plus, la balle est dans le camp des responsables politiques.

    M. le président

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    La parole est à M. Dorian Guinard.

    M. Dorian Guinard

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    Puisqu’il faut conclure, je soulignerai que la question que vous posez est particulièrement difficile. Je n’ai pas la réponse, car je ne suis spécialiste ni des sciences humaines, ni de la physique du climat, ni de l’écotoxicologie. En revanche, je crois qu’il faut –⁠ c’est très performatif ! – que nos collègues soient le plus nombreux possible à s’emparer des grands enjeux de notre siècle en utilisant leurs productions universitaires et leurs travaux de chercheurs. Car je crois encore, dans une forme de croyance, qu’ils peuvent éclairer certains débats, à la fois sur ce qu’il faut faire et sur ce qui est. Ce qui est très peu relayé et l’on entend uniquement parler de ce qu’il faut faire. En tout état de cause, savoir ce qu’il faut faire est extrêmement compliqué, mais ça, c’est à vous de le trancher.

    M. le président

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    Je remercie nos invités pour leur participation à nos travaux.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quatorze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.)

    M. le président

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    La séance est reprise.
    La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche

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    Je vous remercie de m’accueillir afin de débattre de la remise en cause du droit de l’environnement et de la parole scientifique. Cela me donne l’occasion de revenir sur un certain nombre de choses inacceptables qui se déroulent depuis quelques mois, si ce n’est années, dans le monde entier –⁠ y compris en France.
    Il y a des vents contraires. Oui, les dernières semaines ont été difficiles pour l’écologie. Les guerres qui se déclarent partout dans le monde éclipsent, dans les médias et dans l’opinion publique, les chantiers de fond que nous menons. Les leaders de certains pays préfèrent s’illustrer sur le théâtre des opérations militaires plutôt que sur celui du progrès des nations, notamment écologique.
    Certains opposent économie et écologie, alors que 80 % des emplois en France dépendent d’une nature préservée –⁠ statistique calculée, non pas par une ONG militante, mais par la direction générale du Trésor.
    Quand bien même les États-Unis se sont retirés de l’accord de Paris, ils continuent d’investir massivement dans les filières vertes, car elles font partie des secteurs les plus porteurs en matière de croissance économique et de compétitivité. Il en va de même pour la Chine, qui l’a bien compris. En France, les industries vertes croissent deux fois plus vite et créent deux fois plus d’emplois que les autres filières.
    Parallèlement, les risques liés au changement climatique atteignent une intensité sans précédent –⁠ il n’est pas besoin de subir une canicule pour s’en rendre compte. Dans un rapport publié en 2021, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) nous alertait sur le fait que le changement climatique constitue la plus grande menace sanitaire à laquelle l’humanité fait face. Par conséquent, une inquiétude forte s’installe dans la population : 74 % des Français se sentent exposés et vulnérables à une dégradation de leur qualité de vie en raison du changement climatique, et ils ne sont que 30 % à penser que l’avenir est encore entre nos mains, que nous avons toujours la possibilité de limiter le dérèglement climatique et de réduire les pollutions.
    Pourtant, les solutions existent, que ce soit pour amortir le choc du dérèglement climatique, limiter l’impact de la pollution ou éviter l’effondrement de la biodiversité. En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, le Conseil d’État a rappelé qu’avec une baisse de 20 % en sept ans, les gouvernements successifs du président de la République ont fait bien mieux que leurs prédécesseurs en vingt-sept ans. Nous avons ainsi rattrapé le retard qu’ils avaient pris.
    Les solutions existent, mais elles dérangent. Sortir des énergies fossiles, c’est sortir du gaz et du pétrole pour utiliser plus d’électricité. Cela dérange des pays, des entreprises et manifestement des partis politiques.
    On me répondra que la transition coûte cher et que ce sont les plus vulnérables qui payent. Pourtant, quand on rénove thermiquement un logement, la facture baisse massivement. Dans le bassin minier où j’habite, le programme que nous avons engagé a permis une baisse de 40 % des factures. Pourtant, une voiture électrique coûte bien moins cher à l’entretien qu’une voiture thermique. Pourtant, le coût de production des éoliennes marines installées en France est inférieur à 50 euros du mégawattheure –⁠ c’est moins que le nucléaire historique et le nouveau nucléaire. Mais qui le dit ?
    Dès lors que des solutions existent, il est essentiel de bâtir une écologie populaire qui protège les Françaises et les Français, que ce soit contre la canicule, comme aujourd’hui, ou contre les inondations, les incendies ou les pluies torrentielles demain. Cela exige de prendre des décisions fondées sur la science et de ne jamais céder à la posture et à l’émotion.
    C’est ce que je fais en doublant les aires marines protégées (AMP) françaises à la faveur de la conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc), en faisant voter une proposition de loi équilibrée sur les substances per- ou polyfluoroalkylées (PFAS), en agissant au niveau européen et international pour faire reconnaître le nucléaire.
    Dans ces combats, il est essentiel de s’appuyer sur la science : celle qui est attaquée aux États-Unis et qui vient trouver refuge en France à la faveur de l’appel du président de la République ; celle qui est menacée sur les réseaux sociaux et qui reçoit des menaces de mort quand elle nomme les problèmes ; surtout, celle qui cherche à réellement protéger notre avenir, pas à s’indigner en invoquant des données incomplètes ou fausses, comme malheureusement je le vois parfois. Je rends hommage à la détermination et au volontarisme des universités, dont l’action profite de l’élan donné par le président de la République. Je serai toujours à leurs côtés.
    Le masque du déni ou celui de l’indignation de posture sont les deux faces de l’extrémisme. Face au backlash écologique, qui ajoute de l’inquiétude à l’inquiétude, le gouvernement agit pour la science. Beaucoup me diront que ce n’est pas suffisant, d’autres, que c’est trop.
    Ces visions radicalement opposées de notre avenir, vous en êtes chaque jour les premiers témoins. Vous en êtes même plus que les témoins, puisqu’au Sénat comme à l’Assemblée nationale, les initiatives parlementaires visant à détricoter le code de l’environnement sont nombreuses, trop nombreuses. Il en a été ainsi de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN), alors même que l’artificialisation est un facteur d’aggravation des catastrophes naturelles et qu’elle est à l’origine des îlots de chaleur dont nous subissons en ce moment les effets. Citons aussi le retour des néonicotinoïdes, la suppression des zones à faibles émissions (ZFE), celle des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser) ou le moratoire sur les énergies renouvelables. Toutes ces décisions n’ont pas encore été définitivement confirmées, mais les débats qui ont conduit à les prendre témoignent de notre difficulté à combiner écologie et science ainsi qu’à agir.
    Ce sont autant de mesures qui exposent davantage les Français aux risques. Que dire à ceux qui subissent la canicule ? Qu’elle est le fruit de leur imagination ? Que l’affirmation selon laquelle notre pays se réchauffe plus vite que la planète n’est qu’une vue de l’esprit ? C’est au contraire en me fondant sur la science que je défends un plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) fondé sur un scénario de réchauffement à + 4o C en 2100. Voilà la science, elle ne peut guère être contestée.
    Nous devons cependant rassurer les Français et leur montrer que nous avançons. Nous avons un bilan : une baisse de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en sept ans, une baisse de 31 % de la pollution de l’air dans les plus grandes agglomérations, le doublement des moyens de l’écologie –⁠ avec la création du fonds Vert et l’augmentation du fonds Barnier, avec le bonus écologique ou le leasing social pour l’achat d’un véhicule électrique, avec les certificats d’économie d’énergie (C2E) et le soutien de la Caisse des dépôts –, une planification écologique solide –⁠ avec la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui est prête, le Pnacc, la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat qui vient d’être adoptée à la quasi-unanimité par le Conseil national de la transition écologique (CNTE) ou encore la stratégie nationale bas-carbone qui sera présentée en septembre.
    Si nous n’agissons pas maintenant, l’écart de compétitivité avec la Chine et les États-Unis ne fera que se creuser. La Chine a compris que la transition écologique était une opportunité économique. Elle ne subventionne pas massivement les véhicules électriques ou les panneaux solaires par philanthropie, mais par stratégie. L’Europe ne peut pas rester spectatrice.
    Soyons stratèges, refusons la voie du fatalisme, écoutons la science. Ce serait une erreur historique que de reléguer au second plan la transition écologique. Il ne s’agit pas seulement de l’urgence climatique, mais aussi, selon vos valeurs, d’une question de souveraineté, d’indépendance, de pouvoir d’achat, et surtout de protection de nos concitoyens.

    M. le président

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    Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
    La parole est à Mme Anne Stambach-Terrenoir.

    Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NFP)

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    La France subit un épisode caniculaire intense : plus de 40o C par endroits, près de 200 écoles fermées cette semaine. Mercredi dernier, de violents orages ont fait deux morts, privé 100 000 foyers d’électricité et provoqué des inondations, comme à Paris où l’on a vu le niveau de l’eau monter en quelques minutes. Nous savons que ces événements vont se multiplier et que nous vivons la sixième extinction de masse, mille fois plus rapide que les précédentes. Or le constat est sans appel : nous ne sommes pas prêts.
    Le Pnacc pour une France à + 4o C, que vous avez présenté et qui ne s’appuie même pas sur le pire scénario envisagé par les scientifiques, n’est qu’une liste de mesurettes sans aucun moyen supplémentaire. Vous annonciez 600 millions d’euros, mais ce montant n’existe qu’au prix d’un fléchage dangereux de fonds déjà existants. Il est dangereux, parce que quand vous décidez de retirer 260 millions au fonds Vert, vous acceptez de financer l’adaptation au détriment de l’atténuation du changement climatique, laquelle devrait pourtant être la priorité.
    Non seulement nous ne sommes pas prêts, mais en plus, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 a validé le sacrifice des budgets dédiés à l’écologie. Comme si ça ne suffisait pas, se sont succédé ces dernières semaines dans l’hémicycle des textes d’inspiration trumpiste, proposés ou soutenus par le gouvernement avec la complicité de la droite et de l’extrême droite : projet de loi de simplification de la vie économique, loi Duplomb, loi destinée à valider l’A69, loi Gremillet… Toutes ont en commun de faire sauter les dernières digues en matière de droit de l’environnement. Elles poussent à toujours plus d’artificialisation et de pollution, au mépris de la nécessaire préservation de la biodiversité, de nos terres agricoles ou de la ressource en eau. Pour les citoyens, qui subissent une attaque en règle de leurs conditions de survie, elles réduisent les possibilités de débat démocratique et de recours juridique.
    Ce matin, Le Monde titrait : « Une part grandissante du personnel politique semble entretenir un rapport toujours plus distendu à la réalité environnementale. » Le 19 juin, vous fustigiez « tous ceux qui veulent mettre le pied sur le frein de l’écologie » car ils « sont en train de nous envoyer dans le mur ». Vous disiez aussi que « chaque action compte, que chaque tonne de carbone économisée compte, qu’il faut essentiellement agir sur les transports et le bâtiment » au moment même où vous souteniez le projet de l’A69 et reculiez sur la rénovation thermique.
    Exception faite d’une forme de dissonance cognitive, comment justifiez-vous un tel décalage entre vos propos et l’action politique de votre gouvernement, lequel nous envoie effectivement dans le mur ?

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Je m’inscris en faux contre ce que vous avancez. La France insoumise n’est elle-même pas avare de votes contre des mesures écologiques : sur les ZFE, une question majeure d’écologie et de santé publique, vous n’étiez pas au rendez-vous il y a un mois.
    S’agissant des budgets, les faits sont têtus : le fonds Vert, c’est nous qui l’avons créé en 2023, et ses crédits sont en augmentation. Nous avons doublé le budget global consacré à l’écologie : dans ce domaine, le PLF pour 2025 prévoit une augmentation de 600 millions par rapport à l’année précédente. Il serait donc utile à ceux qui nous écoutent que vous citiez les bons chiffres et que vous ne masquiez pas la vérité.
    Vous critiquez l’action du gouvernement. Pourtant, il s’est exprimé contre la suppression des ZFE, contre la réintroduction de l’acétamipride ou encore contre le moratoire sur les énergies renouvelables, pour ne citer que ces trois exemples. Par ailleurs, le gouvernement ne tient pas des propos contraires à la science en prétendant par exemple que l’énergie nucléaire serait contre le climat ; au contraire, le nucléaire est un levier indispensable pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre –⁠ les scientifiques le disent, notamment le Giec.

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Bonnet.

    M. Nicolas Bonnet (EcoS)

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    Le changement climatique est indéniable : l’épisode caniculaire que nous subissons depuis plusieurs semaines, à cause duquel les habitants de plusieurs villes suffoquent sous des températures allant de 35 à 40o C, ne fait que le confirmer, de même qu’on ne peut nier l’augmentation des problèmes de santé liés à la pollution, comme les cancers, ou la chute vertigineuse de la biodiversité. Nous ne pouvons plus refuser de voir ces problèmes sur lesquels les scientifiques tentent de nous alerter depuis plusieurs années.
    Alors que la science nous invite à aller plus loin pour résoudre ces problèmes, nous sommes confrontés, depuis plusieurs mois, à un backlash écologique, à « un grand renoncement », comme dirait Valérie Masson-Delmotte. Je ne suis pas le seul à le dire. Au lieu d’avancer, nous allons de recul en recul, dont certains ont déjà été évoqués.
    Il y a d’abord les attaques contre des agences de l’État, notamment l’Agence de la transition écologique (Ademe) ou l’Office français de la biodiversité (OFB). Je ne dis pas qu’elles sont le fait du gouvernement, mais le socle commun –⁠ alliance du bloc central et de la Droite républicaine – qui le soutient est à l’origine de certaines de ces attaques.
    Il en va de même pour le détricotage du ZAN, qui a été réalisé grâce au projet de loi de simplification de la vie économique présenté par le gouvernement. Quant à la réintroduction des néonicotinoïdes grâce à la loi Duplomb, elle n’a peut-être pas été soutenue par le gouvernement, mais elle est en bonne voie d’être adoptée, y compris par le socle commun. Il y a aussi la suppression des ZFE ou le moratoire sur les énergies renouvelables qui, malgré le rejet final par l’Assemblée de la proposition de loi de programmation pour l’énergie et le climat, avait été adopté par une partie du socle commun.
    Quant à la loi sur l’A69, sur laquelle je ne reviendrai pas en détail, on ne peut pas prétendre qu’elle aille dans le sens de la transition écologique, tout du moins si l’on en croit le Haut Conseil pour le climat (HCC). Enfin, il y a la suspension de MaPrimeRénov qui, je l’espère, sera rapidement rétablie.
    Compte tenu de tous ces reculs, alors même que la science nous incite à aller plus loin, comment comptez-vous mettre de la cohérence et de l’ambition dans vos actions ? Il faut accepter les constats, proposer des solutions techniquement réalisables, mais aussi aller beaucoup plus loin. Comment comptez-vous dépasser le préjugé selon lequel l’écologie serait punitive, alors que c’est bien l’inaction qui l’est ? Si nous n’agissons pas dès à présent, nous léguerons une planète en bien mauvais état aux générations futures et même à ceux qui sont déjà nés.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Je veux d’abord vous rassurer, il n’est pas question de faire disparaître MaPrimeRénov. La ministre du logement a d’ailleurs été très claire à ce sujet : les primes monogestes seront maintenues, tandis que les primes pour rénovation globale seront suspendues deux mois, seulement pendant les vacances d’été, le temps mettre les textes en conformité vis-à-vis de nos ambitions en matière de lutte contre la fraude. J’espère que vous ne nous encouragez pas à la nourrir !
    Vous savez comme moi que les procédures de concertation visant à faire évoluer un dispositif tel que MaPrimeRénov sont menées dans une durée incompressible. Nous suspendons le dispositif d’aide aux rénovations globales pendant l’été, c’est-à-dire pendant une période où les Français engagent rarement des travaux, mais nous le réactiverons dès le 15 septembre : les choses sont claires et il ne faut pas faire croire le contraire.
    J’ai clairement indiqué que je ne partageais pas certaines des positions défendues par des groupes politiques de l’Assemblée nationale. En responsabilité, certains d’entre eux ont fait le choix de participer au gouvernement, qui repose sur une coalition plus que sur une alliance : aussi ne faut-il pas supposer l’alignement des positions de toutes ses composantes.
    D’autres groupes politiques n’ont pas fait le choix de se remonter les manches et de participer au gouvernement : je trouve difficile d’entendre leurs représentants clamer qu’ils ont les mains propres, alors qu’en réalité, ils n’ont pas de mains ! Je préfère agir sur le terrain et obtenir des résultats. C’est ce que nous faisons.
    Quand nous doublons les aires marines protégées pour atteindre les objectifs fixés à l’initiative de la France par la conférence des Nations unies sur les océans, nous faisons bien plus que tous nos prédécesseurs réunis. Il appartient à chacun de défendre une planification écologique ambitieuse et d’aller chercher l’argent où il est, pour consacrer plus de moyens à la transition énergétique. J’ai ainsi obtenu de la Caisse des dépôts (CDC) 2 milliards d’euros de prêts pour financer la rénovation thermique des écoles, le financement d’améliorations de la gestion des eaux et l’augmentation du budget des certificats d’énergie.
    J’espère être plus soutenue que l’an passé lors de la prochaine négociation du budget de la transition énergétique.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Brugerolles.

    M. Julien Brugerolles (GDR)

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    Nous assistons depuis plusieurs mois à des reculs préoccupants du droit de l’environnement, à l’échelle européenne comme dans notre pays. Ces reculs sont souvent faits au nom de la simplification. Que cache ce masque sémantique ? La dérégulation de pans entiers du droit de l’environnement, en faisant de la dérogation la règle et des droits de recours des citoyens l’exception.
    La parole scientifique fait les frais d’une offensive idéologique frontale, destinée à faire primer de grands intérêts économiques et financiers sur l’intérêt général. Cette remise en cause est aussi insidieuse : affaiblissement de la portée des avis scientifiques dans les processus de décision –⁠ on l’a vu lors des débats des lois Duplomb et Gremillet –, minoration de certains enjeux, notamment en matière de biodiversité, ou encore survalorisation des maigres progrès réalisés sur le terrain des émissions de gaz à effet de serre.
    La parole scientifique, quand elle n’est pas réfutée, est neutralisée, contournée, relativisée, décrédibilisée, ce qui sape notre capacité à agir en connaissance de cause dans l’espace démocratique.
    Alors que notre société n’a jamais autant produit et diffusé de savoirs, ceux-ci sont relégués au second plan dès lors qu’ils contestent les logiques économiques dominantes de rentabilité et de compétitivité.
    Si procéder à des arbitrages est légitime, contourner les données de la science ne l’est pas. Ce dévoiement alimente la défiance, le soupçon et, au bout du compte, le ressentiment populiste dont se nourrissent tout particulièrement les mouvements d’extrême droite.
    Ne pensez-vous pas qu’il revient aujourd’hui au gouvernement, et d’abord à lui, de veiller scrupuleusement à la transparence d’arbitrages rendus en fonction des faits scientifiques. Il ne faut plus maquiller les faits, à moins d’accepter de faire le lit des forces politiques qui prospèrent sur ces manipulations.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Que le gouvernement fonde ses arbitrages sur des faits scientifiques, un certain nombre d’éléments en attestent : il prend en compte les études de Santé publique France (ANSP) et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et a exprimé une position très claire au moment où certains entendaient affaiblir ou mettre sous tutelle cette dernière instance scientifique. Je peux comprendre que des décisions politiques soient prises, mais la science ne peut pas se faire dicter la direction de ses avis –⁠ si c’était le cas, la science deviendrait un asservissement.
    Je m’inscris en faux vis-à-vis de vos propos sur la logique de rentabilité. Un grand nombre de solutions écologiques sont rentables et profitables. Imaginer que l’écologie, ce n’est que du sang, de la sueur et des larmes, c’est nourrir un discours qui, au contraire, affole et inquiète ceux qui nous écoutent.
    On devrait plutôt s’assurer que les décisions budgétaires soutiennent la transition des plus précaires et des plus vulnérables des solutions fossiles vers les solutions bas carbone. Les aides au changement de véhicule et l’accompagnement à la rénovation des logements y contribuent.
    En outre, nous devrions entendre des discours et susciter des discussions plus construits. Ce n’est pas le cas à l’Assemblée, mais c’est le cas au Sénat, où le groupe Les Républicains a relevé que l’on taxait plus l’électricité bas-carbone produite en France que le gaz naturel importé, qui plus est depuis des pays qu’on ne peut pas qualifier d’alliés –⁠ la Russie, les pays du Moyen-Orient, voire les États-Unis.
    Il y va donc de la cohérence des positions défendues par certains groupes politiques, notamment du vôtre.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sophie Panonacle.

    Mme Sophie Panonacle (EPR)

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    La parole scientifique et la question environnementale sont aujourd’hui à la croisée des chemins, confrontées à des remises en cause inquiétantes alors que l’urgence écologique n’a jamais été aussi pressante.
    En France, nous avons la responsabilité de soutenir de nos voix la parole scientifique. C’est un impératif écologique, mais également démocratique.
    Le respect des faits, la reconnaissance de la méthode scientifique et l’écoute des chercheurs constituent le socle d’un débat public éclairé. Sans lui, la dette écologique s’aggrave et notre démocratie se fragilise. Nous voyons, hélas, ce que devient une démocratie quand elle tourne le dos à la science : aux États-Unis, Donald Trump a engagé le démantèlement de la recherche publique. Nous assistons à une dégradation délibérée de la capacité d’un État à assumer ses responsabilités vis-à-vis de ses citoyens et de la planète.
    Dans ce contexte, j’affirme ici mon soutien à la proposition de loi de François Hollande visant à créer un statut de réfugié scientifique. Au moment où, de leur chant, les sirènes invitent au renoncement outre-Atlantique, je suis heureuse qu’à l’initiative du président de la République et avec le soutien de la présidente de la Commission européenne, nous ayons su répondre d’une seule voix « Choose Europe for science ».
    Je veux également saluer l’engagement des plus de cent parlementaires –⁠ députés, sénateurs et eurodéputés – qui ont, comme moi, signé l’appel de Nice pour une science au secours de l’océan. À Nice, la mobilisation exceptionnelle de plus de 2 000 chercheurs et chercheuses du monde entier pour produire une synthèse sur l’état de l’océan a trouvé une résonance particulière. Leur message est sans ambiguïté : agir vite, s’appuyer sur la science et faire de l’océan une priorité absolue des politiques publiques.
    Désormais, c’est à nous, parlementaires, qu’il revient de jouer. Aussi, dans le cadre de la préparation du budget pour 2026, j’appelle l’Assemblée à se mobiliser pour soutenir les crédits alloués à la recherche scientifique. Il ne peut y avoir de transition écologique crédible sans investissement massif, pérenne et ambitieux dans la connaissance.
    Comment le gouvernement entend-il garantir, dans le projet de loi de finances pour 2026, un financement solide, stable et à la hauteur des enjeux pour la recherche scientifique, et plus particulièrement pour celle s’intéressant à l’environnement et au climat ? Quels engagements est-il prêt à prendre pour faire de la science un pilier de notre politique écologique et démocratique ?

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Merci d’avoir rappelé l’action du président de la République avec l’action Choose Europe for science, lancée au niveau européen et menée par la France, et tout le travail de collecte de données scientifiques qui y est associé : il y va de la capacité des scientifiques à travailler sur certains sujets, comme le climat ou la protection de la biodiversité, mais également de la maintenance des bases de données scientifiques, absolument essentielles pour que des chercheurs, y compris étrangers, puissent mener à bien leurs travaux. Comme vous le savez, les premiers chercheurs sont arrivés à l’université d’Aix-Marseille la semaine dernière.
    Merci aussi d’avoir mentionné l’appel de Nice et les progrès de l’Unoc. Le succès de cette conférence n’est pas seulement diplomatique, mais est aussi celui de l’écologie et du multilatéralisme, à un moment géopolitique où tout le monde le jugeait impossible. Il faut donc reconnaître les avancées obtenues, notamment l’accord des Nations unies sur la haute mer (accord BBNJ), la reprise des négociations du traité international contre la pollution plastique dit traité plastique et les avancées de la lutte contre la pêche illégale, non déclarée et non régulée, dite pêche INN.
    S’agissant du financement de la science, il appartiendra à mes collègues Philippe Baptiste et Élisabeth Borne de vous éclairer plus en détail.

    Mme Sophie Panonacle

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    Bien sûr !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Tous les ministères devront, dans le contexte que vous connaissez, fournir des efforts budgétaires : nous devons éviter que le service de notre dette atteigne 100 milliards d’euros dans deux ou trois ans, ne serait-ce que pour privilégier une meilleure utilisation de l’argent public –⁠ les ministres pourraient consacrer cette somme à la réalisation de leurs politiques.
    Il faut aussi s’assurer que la transition écologique soit bien présente dans le choix des actions soutenues par le budget, mais également que tous les savoirs soient bien mis en lien. Par exemple, alors que le continuum terre-mer est bien connu, les scientifiques qui travaillent sur la qualité de l’eau et l’effondrement de la biodiversité à l’intérieur des terres n’agissent pas en lien avec ceux qui travaillent sur la qualité des eaux littorales.
    Je vous renvoie donc vers mes collègues pour compléter ma réponse. Quoi qu’il en soit, je défendrai le budget de l’écologie.

    Mme Sophie Panonacle

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    Bien sûr !

    Mme Sylvie Ferrer (LFI-NFP)

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    Ce 30 juin, la proposition de loi Duplomb est discutée en commission mixte paritaire : sept députés et sept sénateurs sont chargés de s’accorder sur la version définitive du texte. En cas d’accord, le texte sera soumis au vote du Sénat le 2 juillet et à celui de l’Assemblée nationale le 7 juillet.
    Parmi ses mesures de régression environnementale, nous retrouvons la réautorisation de l’acétamipride, insecticide de la famille des néonicotinoïdes interdit depuis 2018 en raison d’un consensus scientifique sur sa toxicité extrême pour les abeilles, les pollinisateurs et les humains.
    Je viens d’interroger Dorian Guinard, juriste spécialiste du droit environnemental, à ce sujet. Invité à présenter son point de vue sur les néonicotinoïdes, il est revenu sur leurs effets destructeurs à long terme sur la faune du sol, les enjeux toxicologiques et la violation de l’article 5 de la Charte de l’environnement qu’il jugerait avérée en cas de réintroduction de ces produits phytosanitaires.
    Alors que vous étiez ministre déléguée à l’agriculture, vous avez soutenu au printemps 2024 la réintroduction partielle de l’acétamipride, ce qui contraste vivement avec vos déclarations plus récentes au sujet de cet insecticide. Pourquoi une telle variation de vos positions, alors que les scientifiques sont formels au sujet des conséquences de ce produit sur la biodiversité tout entière et sur la santé humaine ?

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Je vous remercie de me donner ainsi l’occasion de le préciser : au cours de mon parcours ministériel, je n’ai jamais défendu la réintroduction des néonicotinoïdes. Du reste, j’ai adressé un démenti au journaliste qui avait relayé l’information contraire –⁠ son article rappelle que je dis ne pas soutenir les néonicotinoïdes – et les déclarations faites devant l’Assemblée nationale ou le Sénat dans le cadre de mes auditions régulières en tant que ministre déléguée à l’agriculture ou des deux autres portefeuilles auxquels j’ai eu l’honneur d’être nommée le confirment.
    En 2016, l’Assemblée nationale et le Sénat ont voté l’interdiction de cinq produits néonicotinoïdes ou assimilés. Depuis, trois de ces produits ont été interdits par la Commission européenne –⁠ nous étions donc plutôt en avance. Un quatrième est désormais interdit lorsqu’il est utilisé en dehors des serres –⁠ ce qui montre bien qu’il n’est pas anodin. Le cinquième est l’acétamipride.
    L’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa) a rendu l’année dernière un avis enjoignant de poursuivre les études afin de lever certaines interrogations relatives aux effets de cette substance sur les insectes pollinisateurs, et plus généralement sur les milieux, ainsi que sur la santé humaine, puisqu’il s’agit d’un neurotoxique emportant des conséquences sur le développement. Bien que l’acétamipride soit pulvérisée dans la terre et qu’il ne s’agisse pas de la boire, vous savez comme moi qu’une fois infiltrée dans les milieux, elle risque de se retrouver dans les eaux ; nous risquons donc de retrouver ses métabolites dans l’eau potable, bien que cette dernière soit traitée –⁠ nous y retrouvons bien aujourd’hui les métabolites de produits interdits il y a trente ans ! Ce type de pollutions peuvent durer dans le temps et compliquer l’accès à l’eau potable. Cette situation doit nous alerter, sans ignorer pour autant les efforts d’investissement consentis par le gouvernement pour trouver les solutions alternatives dont nos agriculteurs ont besoin.
    Il est vrai que la filière noisette n’a pas de solution à l’heure actuelle, mais c’est bien la voie que je préconise, même si elle ne se traduit pas, à ce stade, dans le texte issu du Sénat examiné en CMP. Je précise néanmoins, sans que je sache s’il s’agit d’une victoire ou d’une défaite, que ce texte a fermé de nombreuses portes en limitant la réautorisation de l’acétamipride à des cas très particuliers.

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Martin.

    M. Sébastien Martin (DR)

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    Comme je suis arrivé en retard, je n’avais pas prévu de parler. Je poserai néanmoins une question à Mme la ministre, dont chacun connaît l’engagement, le pragmatisme et le sérieux dans les matières qui la concernent, comme ce fut le cas lorsqu’elle était chargée de l’industrie.
    Il a été fait état du contexte politique dans lequel délibère notre assemblée. Des débats et des nuances peuvent exister dans chacun des groupes politiques en ce qui concerne les questions environnementales. Aussi devons-nous tenter d’éviter les approches caricaturales en la matière. Souvenons-nous que le Giec a été fondé par les dangereux gauchistes qu’étaient Margaret Thatcher et Ronald Reagan : preuve que l’écologie n’appartient à aucun camp.
    Nous avons cependant besoin de trouver des équilibres pour avancer, en évitant autant que faire se peut l’incertitude –⁠ je vous parle aussi en tant qu’élu local, en ayant en tête les récents votes visant à supprimer le ZAN et les ZFE. Nous pourrions aussi parler de l’eau et de l’assainissement, dont les compétences auraient pu être utilement transférées aux intercommunalités –⁠ les crises que nous connaîtrons encore cet été le démontreront de nouveau. Nous croyons tous à la science ainsi qu’aux vertus du dialogue local. Puisque les collectivités locales exercent déjà l’essentiel des compétences de la transition écologique, qu’il s’agisse des transports, des déchets ou de l’eau, ne pensez-vous pas qu’elles pourraient aussi récupérer la rénovation thermique de l’habitat, entre autres questions liées au logement qui, bien que ne relevant pas entièrement de votre portefeuille, pourraient être décentralisées à bon escient ? Le gouvernement envisage-t-il de suivre cette piste ?

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Je ne sais pas s’il faut décentraliser la rénovation thermique au moyen de la loi, en transférant l’intégralité de la compétence logement, mais je suis à peu près certaine que nous pouvons trouver les moyens de contractualiser le transfert des enveloppes allouées par l’État vers les collectivités locales qui seraient volontaires pour le faire. Ces dernières pourraient ensuite les abonder avec leurs propres fonds afin d’organiser le parcours de rénovation des habitants.
    Cette contractualisation aurait trois avantages. Tout d’abord, le lien de confiance plus grand qui unit les habitants à leur mairie ou à leur agglomération permettrait à ceux qui désireraient rénover leur logement de passer plus rapidement à l’acte après avoir demandé conseil. Ensuite, cela faciliterait leurs démarches, avec un accueil dédié permettant de disposer d’une vue d’ensemble sur les aides locales, les aides nationales et le reste à charge –⁠ c’est d’ailleurs tout l’objet des maisons France Rénov’, qui pourraient s’appuyer sur de tels partenariats avec les collectivités locales. Enfin, il serait plus facile d’identifier les prestataires des travaux sérieux, reconnus, ayant pignon sur rue : les habitants pourraient partager leurs avis, dans un sens ou dans l’autre, là où la plupart choisissent actuellement leurs prestataires après un démarchage téléphonique, lequel s’effectue dans les conditions que vous connaissez –⁠ vous avez d’ailleurs essayé de voter des textes pour empêcher cela, mais, malheureusement, les lois ne sont pas écrites pour ceux qui ne les respectent pas. Bref, il s’agirait de procurer davantage de garanties aux habitants désireux de franchir le pas, en les mettant en lien avec les artisans ou les PME du territoire les plus à mêmes de réaliser des travaux de bonne facture.

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Brugerolles.

    M. Julien Brugerolles (GDR)

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    Vous avez parlé tout à l’heure d’écologie populaire, madame la ministre, en insistant sur l’aide du gouvernement pour louer un véhicule électrique, le leasing social. S’il y a bien une mesure d’écologie populaire, c’est celle-ci, or elle a été suspendue après 50 000 véhicules loués : exemple prototypique de la politique du stop and go qu’il s’agit d’éviter. Vous semblez vouloir abandonner ce dispositif au profit des certificats d’économie d’énergie, financés en particulier par les fournisseurs d’énergie, dont les montants seront en réalité à la charge des consommateurs eux-mêmes, car les fournisseurs ne se priveront de répercuter leurs dépenses supplémentaires sur les factures des ménages, au détriment des plus populaires.
    Je vous ai également entendue évoquer la recherche. Cette dernière ne relève pas de votre ministère, mais je soulignerai tout de même que notre pays est passé de la sixième à la treizième place mondiale en termes de publications scientifiques, selon le dernier rapport de l’Observatoire des sciences et des techniques. Ne pensez-vous pas que les réformes et les restructurations subies par la recherche publique ces dernières années –⁠ je devrais plutôt parler de déstructuration –, censées faire briller la France, ont démontré toute leur nocivité ? Parce qu’il est nécessaire de changer de cap et de donner à la recherche publique les moyens d’agir, nous nous inquiétons des crédits dont elle disposera.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Le leasing social n’existait pas auparavant ; il n’avait pas été pensé par les gouvernements précédents. Il a été créé sous l’égide du président de la République, et il fonctionne manifestement très bien, puisque 50 000 véhicules réservés ont été distribués en quelques semaines –⁠ le budget ne suffit pas, il faut aussi disposer des véhicules. Ce dispositif sera relancé en septembre, de sorte que les Français aient accès à un véhicule électrique pour 100 euros par mois. Les C2E sont soutenus par les scientifiques et les experts économiques parce qu’ils constituent l’un des leviers de la transformation écologique. Ce type de financement permet d’accompagner ceux qui n’ont pas les moyens d’acheter un véhicule électrique, en mettant notamment à contribution ceux qui ont davantage. Je ne peux donc pas laisser passer de tels propos.

    M. Julien Brugerolles

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    Ce n’est pas vrai !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    En ce qui concerne la politique scientifique de la France, nos gouvernements successifs ont défendu un projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030, qui a permis d’allouer des crédits à des programmes qui n’en avaient plus depuis des années, puisqu’ils en avaient été privés, notamment sous le quinquennat précédant 2017. Ce texte a également permis de revaloriser les jeunes chercheurs, que la France ne traite pas aussi bien que d’autres pays.
    Cette treizième place que vous évoquez nous invite aussi peut-être à faire preuve de moins d’arrogance. D’autres pays progressent en ce moment. Des pays que nous considérons comme en retard, ou en développement, en particulier dans le domaine de l’écologie, déposent des brevets en nombre impressionnant –⁠ je pense notamment à la Chine, qui occupe les premières places du classement, et à d’autres qui investissent massivement dans l’écologie parce qu’ils ont compris que le combat écologique est aussi économique, que l’écologie est au service de l’emploi, de la souveraineté et de l’indépendance.

    M. le président

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    La parole est à M. Nicolas Bonnet.

    M. Nicolas Bonnet (EcoS)

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    Sachez tout d’abord que, lorsque je vous interpelle, je ne vous vise évidemment pas personnellement, madame la ministre : je m’adresse au gouvernement au sens large, dans toute sa pluralité, que vous représentez aujourd’hui.
    Pourquoi cherchez-vous à forcer la poursuite du projet de A69 par le truchement de la proposition de loi relative à la raison impérative d’intérêt public majeur de la liaison autoroutière entre Castres et Toulouse ? N’êtes-vous pas d’accord avec l’analyse du Haut Conseil pour le climat selon laquelle il faut cesser de soutenir ces projets qui dégradent davantage l’environnement qu’ils ne servent à la transition écologique au sens large –⁠ en incluant la biodiversité ? Quel est l’apport positif du projet de loi de simplification de la vie économique ? Peut-on le considérer ne serait-ce que comme neutre vis-à-vis des enjeux environnementaux ? Il me semble plutôt qu’il a créé de nombreuses exceptions au droit de l’environnement, largement non justifiées en séance. Bref, tout cela va plutôt dans le mauvais sens.
    Personne n’oppose l’écologie et l’économie, seules les approches divergent. Les contraintes écologiques qui s’imposent à nous répondent à des lois naturelles sur lesquelles nous avons bien peu de prise ; il faut les accepter avec beaucoup d’humilité et plutôt adapter les lois économiques, qui relèvent pour leur part de décisions humaines, au lieu de considérer que l’écologie et l’économie seraient sur un pied d’égalité. L’économie doit fonctionner dans le cadre des contraintes environnementales, plutôt que l’inverse –⁠ cela ne fonctionnerait pas. Que proposerez-vous pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre dans les mois à venir ? Ces dernières ont certes un peu diminué, si l’on considère uniquement les émissions internes en faisant abstraction des émissions importées, dont le volume est encore important. Une courbe qui a commencé à baisser ne baissera pas nécessairement de manière linéaire. Certaines économies sont plus faciles à faire que d’autres ; certains seuils sont toujours plus faciles à franchir.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    En ce qui concerne l’A69, je vous invite à consulter le dossier de compensation. On a le sentiment que ce projet viserait uniquement à artificialiser les sols sans qu’aucune compensation ne soit prévue, or les compensations feront plus que corriger l’artificialisation : il y aura par exemple deux fois plus d’hectares restaurés en zone humide que d’hectares affectés par le projet.

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    Non !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    En outre, cette zone est la seule du territoire présentant une telle densité de population qui soit dépourvue d’autoroute. Les habitants ont peut-être eu tort de ne pas plaider plus tôt en sa faveur, à la différence des Bretons, des habitants des Hauts-de-France, du Grand Est, de Bourgogne-Franche-Comté ou de Provence-Alpes-Côte d’Azur, par exemple, qui ont construit leur autoroute –⁠ lesquelles ne sont pas considérées comme des injures à l’écologie. Quoi qu’il en soit, il faut savoir raison garder au sujet de l’A69, dont le niveau de compensation est sans égal par rapport aux autres autoroutes construites par le passé.

    Mme Karen Erodi

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    Ce n’est pas vrai !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    C’est la raison pour laquelle je soutiens, en conscience, ce projet. S’agit-il d’un projet d’intérêt public majeur ? La contestation porte sur cette question. Ce n’est pas un hasard si, sur le terrain, tous les élus, quel que soit leur bord politique, le soutiennent –⁠ je ne parle pas de ceux qui habitent au plus proche du centre de la plus grande agglomération concernée, mais de ceux qui en sont éloignés. Je ne crois pas que Carole Delga, pour ne citer qu’elle, soit une macroniste échevelée –⁠ en tout cas je ne l’ai jamais entendue s’exprimer en ce sens.
    En ce qui concerne le projet de loi de simplification de la vie économique, vous m’accorderez que l’essentiel des points controversés est issu d’amendements déposés par les sénateurs et les députés. Ce projet de loi, comme son titre l’indique, ne traitait pas d’écologie. Les tests PME et d’autres éléments de simplification contenus dans le texte, tels que la suppression de certains formulaires Cerfa, n’ont rien à voir avec le sujet qui nous réunit.
    Vous avez raison de souligner que la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre doit être relativisée compte tenu de l’importance de nos émissions importées ; réindustrialiser le pays permettra de réduire ces dernières. Lorsqu’on vote contre ou qu’on cherche à entraver des projets de loi tels que celui relatif à l’industrie verte, on agit à l’encontre de la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins, je tiens à vous rassurer : nos émissions importées baissent aussi, quoiqu’à un rythme moins soutenu que les émissions françaises.
    Par ailleurs, nous apprécions la baisse des émissions sur sept ans. Si vous avez raison de rappeler qu’il y a eu des hauts et des bas, les émissions ont baissé de plus de 20 % ces sept dernières années, alors qu’elles n’avaient été réduites que de 15 % les vingt-sept années précédentes. L’accélération est donc indéniable, même s’il convient effectivement de se montrer vigilant : je ne suis pas sereine face à l’avenir, en particulier du fait des mauvais signaux envoyés concernant les énergies renouvelables et le nucléaire.

    M. le président

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    La parole est à Mme Murielle Lepvraud.

    Mme Murielle Lepvraud (LFI-NFP)

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    Depuis 2009, tous les rapports scientifiques convergent, que ce soit celui du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), celui du conseil scientifique de l’environnement de Bretagne ou celui de la Cour des comptes : plus de 90 % de l’azote à l’origine de la prolifération des algues vertes provient de l’agriculture intensive.
    Une décision du tribunal administratif de Rennes du 18 juillet 2023 condamnait l’État pour son inaction. Désormais, la cour administrative d’appel de Nantes, depuis sa décision du 25 juin 2025, reconnaît le lien entre la mort d’un homme et la prolifération des algues vertes.
    Cependant, le gouvernement préfère continuer à soutenir un modèle agricole industriel et créer une filière économique autour des algues vertes, plutôt que de déployer la transition agroécologique nécessaire. En déplacement dans les Côtes d’Armor le 19 juin, Mme Braun-Pivet a déclaré qu’il ne fallait plus considérer les algues vertes comme un « fléau » mais comme un « cadeau ». Je ne crois pas que les habitants d’Hillion apprécient ce cadeau : leur plage a été fermée le 28 juin pour plusieurs jours, en raison du dépassement du seuil d’alerte d’hydrogène sulfuré fixé par le Haut Conseil de la santé publique.
    La justice, la science et les citoyens vous enjoignent d’agir, mais votre gouvernement préfère soutenir la proposition de loi dite Duplomb qui permettra aux élevages industriels de s’agrandir, sans enquête publique, alors qu’ils se trouvent à l’origine du fléau des algues vertes. Madame la ministre, n’avez-vous pas le sentiment de servir de caution à un gouvernement pollueur ? La question vaut pour l’extension des élevages comme pour l’acétamipride, puisque Mme la ministre Genevard soutient la réintroduction de cette substance. Que pèse votre ministère face au ministère de l’agriculture et de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) ?

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Je trouve curieux de remettre en cause notre action en faveur de la baisse des nitrates, alors que l’utilisation de ces derniers a drastiquement diminué dans plusieurs territoires, à la suite de plans d’action successifs tels que les programmes d’actions régionaux Nitrates, dont nous élaborons la huitième version. Il est donc faux de dire que le gouvernement n’agit pas au niveau régional afin que l’utilisation des nitrates et leur présence dans les sols diminuent –⁠ en témoignent les agriculteurs eux-mêmes, qui se plaignent de ne pas disposer des mêmes amendements du sol que par le passé.
    Par ailleurs, il est faux de dire que la proposition de loi Duplomb facilitera l’élevage ultra-intensif. L’élevage français s’appuie sur des installations qui, en moyenne, sont beaucoup plus petites que celles qu’on trouve en Allemagne, aux États-Unis ou en Ukraine. On utilise le terme d’agro-industrie à propos d’élevages qui, en comparaison des pays avec lesquels nous sommes en concurrence, font figure de gentil artisanat.
    En outre, cette proposition de loi ne change rien en matière d’autorisation d’élevage, mais change la façon de les déclarer et de les enregistrer, à des fins de clarification juridique. Si vous vous penchez sur le sujet, vous constaterez plusieurs complications dues aux chevauchements entre l’application des textes européens relatifs aux émissions industrielles directes (IED) et notre droit en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). La proposition de loi Duplomb vise à y remédier, sans aller toutefois jusqu’au bout : nous avions préparé un texte qui permettait de clarifier les dispositions en vigueur, tout en conservant un haut niveau d’exigence puisque nous proposions une transposition de la directive IED mieux disante que le droit européen actuel.

    M. le président

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    La parole est à Mme Claire Lejeune.

    Mme Claire Lejeune (LFI-NFP)

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    Madame la ministre, il est sidérant de vous entendre dénoncer –⁠ dans votre propos liminaire – une situation internationale dans laquelle des dirigeants choisiraient la voie de la guerre au lieu de se concentrer sur le progrès écologique, alors que c’est précisément ce que fait votre gouvernement. Donnons-en quelques illustrations.
    Le projet de loi de simplification de la vie économique déposé par le gouvernement comportait des reculs ; en outre, de nombreux amendements qui allaient dans le mauvais sens du point de vue de l’écologie ont été soutenus, en séance, par le gouvernement. Je ne sais si notre indignation relevait de la posture, comme vous l’avez dit, mais elle a permis de résister à certaines régressions qu’imposait, tel un rouleau compresseur, ce projet de loi.
    Il est faux de dire que votre gouvernement s’est opposé à la réintroduction de l’acétamipride : que ce soit lors des questions au gouvernement ou de façon répétée dans la presse, Mme Genevard a défendu cette réintroduction, notamment en déclarant que l’acétamipride était déjà utilisée « dans tous les insecticides domestiques » et que cette substance n’avait donc pas beaucoup d’importance.
    En ce qui concerne MaPrimeRénov’, l’intention initiale du gouvernement était de suspendre complètement ce dispositif,…

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Non !

    Mme Claire Lejeune

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    …en tout cas de le suspendre pendant quelques mois. Ce qui est sûr, c’est que la réintroduction du parcours monogeste de MaPrimeRénov’ n’a été annoncée qu’à la suite de la mobilisation du secteur du bâtiment –⁠ en particulier de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) –, des acteurs écologistes et des parlementaires, dont nous étions. Il a fallu forcer le gouvernement à revenir à une copie acceptable.
    S’agissant du dispositif des C2E, qui sera de plus en plus utilisé, soulignons qu’il sera payé par les consommateurs : le rapport de la Cour des comptes sur les certificats d’économie d’énergie montre bien que le coût est répercuté sur le consommateur final.
    En considérant l’ensemble de ces exemples, une contradiction se dégage entre les propos que vous tenez face à nous et la réalité de la politique de votre gouvernement.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    C’est le gouvernement qui a déposé un amendement tendant à supprimer la réintroduction des néonicotinoïdes : vous pouvez le vérifier en consultant le compte rendu de la séance du Sénat.
    Concernant MaPrimeRénov’, la suspension du dispositif se justifie par l’ampleur des fraudes constatées : nous avons tous été victimes d’appels, d’ailleurs parfaitement interdits, destinés à nous vendre des rénovations ou des pompes à chaleur –⁠ je défie quiconque dans cette salle de ne pas avoir été l’objet d’une telle sollicitation. L’arrêt de cette fraude permettra de réallouer plus efficacement les crédits correspondants. Nous suspendons donc le dispositif durant deux mois, pour les dossiers de rénovation globale –⁠ vous avez raison de souligner que le dispositif a été maintenu, après vérifications, pour les travaux qui relèvent du parcours monogeste. Je pense qu’il s’agit d’une bonne décision.
    Le principe des certificats d’économie d’énergie est d’inciter et de réorienter les citoyens vers des solutions plus économes en énergie, qui leur coûteront moins cher. C’est le ressort essentiel de ce que nous entendons faire en matière d’écologie populaire. Nous avons encore du chemin à parcourir pour taxer les énergies bas-carbone moins que les énergies fossiles. Le principe est le même : chacun sait que, du point de vue physique, un moteur thermique est moins efficace qu’un moteur électrique et qu’une chaudière thermique est moins efficace qu’une pompe à chaleur. Il s’agit donc d’améliorer le prix de la solution qui économise de l’énergie et de majorer légèrement le prix de la solution qui en consomme indûment, afin de pousser les citoyens, par signal-prix, à aller dans la bonne direction.
    Nous améliorons ces signaux-prix en appliquant des coefficients multiplicateurs dans les C2E afin que les bons gestes soient privilégiés. Cela a très bien fonctionné pendant la crise énergétique, où une réelle transformation des installations a été constatée. Il faut continuer : personne ici n’a pu se satisfaire de voir le nombre d’installations de chaudières à gaz augmenter l’année dernière. Cela ne devrait pas arriver quand on sait combien coûte le gaz, combien son prix est volatil et combien les installations électriques adaptées peuvent être plus compétitives.

    M. le président

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    La parole est à Mme Karen Erodi.

    Mme Karen Erodi (LFI-NFP)

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    Si mon groupe a pris l’initiative de ce débat, c’est parce que l’heure est grave. Malgré les promesses de campagne d’Emmanuel Macron, qui déclarait que son second quinquennat « sera écologique ou ne sera pas », l’opinion publique devient de plus en plus sensible aux thèses complotistes diffusées par l’extrême droite politique, comme l’a souligné tout à l’heure le climatologue Fabio D’Andrea.
    Madame la ministre, comment expliquez-vous que vos propres députés remettent en cause la parole de magistrats indépendants sur l’autoroute A69, reconnue inutile et illégale par le tribunal administratif de Toulouse le 27 février ? Comment pouvez-vous à la fois soutenir un projet jugé anachronique par le Giec et prétendre défendre le vivant ? Comment expliquez-vous que le climatoscepticisme explose depuis sept ans au sein du gouvernement ? N’y voyez-vous pas une forfaiture et une incapacité à penser une autre solution : former les citoyens et protéger les générations futures.
    Je m’exprime en tant que députée du Tarn, opposée à l’A69 depuis des décennies, bien avant mon élection. La raison impérative d’intérêt public majeur n’est pas justifiée. Les arguments avancés sont fallacieux. Dans la circonscription concernée, on trouve une voie ferrée, un aéroport, un hôpital, un campus universitaire, une école d’ingénieur et une école de cinéma –⁠ je pourrai allonger la liste. Les données de l’Insee montrent que le chômage est moins important dans cette circonscription que dans celle où je suis élue qui, centrée autour d’Albi, dispose de l’autoroute A68. La population et le nombre de naissances augmentent moins du côté d’Albi, où il y a l’autoroute, que du côté de Castres.
    Je ne comprends pas pourquoi vous persistez à défendre ce projet. L’autoroute A69 sera déficitaire : on compte seulement 7 000 véhicules par jour sur cet axe, contre 15 000 véhicules par jour sur l’axe Albi-Castres. Le département a apporté les aménagements suffisants et la circulation est fluide. Quel est l’intérêt de ce projet ?

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Vous invoquez la seule décision de justice…

    Mme Karen Erodi

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    J’ai invoqué la parole des scientifiques !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    …dans laquelle le juge s’est prononcé contre le projet d’A69 : il s’est prononcé en faveur de ce projet dans six autres décisions et une septième décision se dessine qui semble aller dans le même sens. Puisque nous parlons de science et de faits, il serait bon de s’attacher à la vraie science et aux vrais faits.
    Dans sept instances de jugement, le juge, par six fois, a donné raison à ce projet.

    Mme Karen Erodi

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    Pas sur le fond ! Vous le savez bien !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    On ne peut donc pas laisser entendre, sans injurier la justice, que le gouvernement s’immiscerait dans son travail : il est libre, comme le sont les citoyens, de faire appel ou de se pourvoir en cassation.

    Mme Karen Erodi

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    C’est une argumentation fallacieuse !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    La justice tranche en parfaite indépendance ; c’est travestir les faits que de prétendre le contraire et on ne saurait défendre la science en travestissant les faits. Je ne peux donc pas adhérer à votre argumentaire.
    Ce projet est déjà sensiblement avancé. Des compensations environnementales ont été négociées. Ma position est donc simple : sur un projet d’aménagement de cette importance, les choses doivent être claires –⁠ c’est oui ou non. On ne peut pas accepter, en revanche, des batailles juridiques qui épuisent tout le monde pendant des années. Ces stop and go à répétition font du mal à la justice et aux défenseurs de l’environnement comme à ceux de l’économie. Les choses doivent être tranchées une fois pour toutes.

    Mme Karen Erodi

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    Mais elles ne le sont pas, justement !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Les travaux se poursuivent et des revirements supplémentaires ne nous conduiraient qu’à perdre des compensations environnementales.
    Si nous avions eu connaissance, il y a cinquante ans, du dérèglement climatique, nous n’aurions sans doute pas aménagé la France de la même façon.

    Mme Karen Erodi

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    Nous ne sommes plus au siècle dernier !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre

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    Essayons maintenant d’avancer, sans perdre plus de temps ; mais ne choisissons pas nos combats en travestissant la réalité, comme vous l’avez fait à propos des juges.

    Mme Karen Erodi

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    Nous faisons simplement entendre la voix des citoyens !

    M. le président

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    Le débat est clos.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue pour dix minutes.

    (La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    2. Réforme de l’audiovisuel public

    Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (nos 118, 1266, 1591 rectifié).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la culture.

    Mme Rachida Dati, ministre de la culture

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    Depuis plusieurs mois, j’ai eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises : l’audiovisuel public est l’un des piliers de notre démocratie. Il est un vecteur d’intégration, d’ouverture et d’émancipation, et c’est précisément parce qu’il doit pouvoir continuer à jouer pleinement ce rôle que la présente réforme est essentielle.
    Nous partageons cette ambition pour l’audiovisuel public avec la commission des affaires culturelles et de l’éducation qui, la semaine dernière, a adopté ce texte à une très large majorité. Nous la partageons également avec la majorité sénatoriale, qui avait largement adopté la proposition de loi du président Laurent Lafon.
    Cette réforme ne remet pas en cause les forces et les succès de nos chaînes et de nos radios du service public. Leurs qualités sont incontestables. Elles peuvent proposer des productions d’une très grande qualité et d’une très grande diversité. Permettez-moi de le répéter, en présence de mon prédécesseur Franck Riester : je suis ici, comme beaucoup d’autres, pour les défendre et pour les préserver.
    Avoir conscience de ces forces ne doit cependant pas nous conduire à nous voiler la face. Nous devons faire preuve de lucidité et constater, comme chacun peut le faire, que nous sommes entrés dans une période de profondes mutations. C’est ce qu’a clairement démontré le rapport rendu par Laurence Bloch, dont je tiens à saluer le travail, qui porte la marque de son objectivité et de sa grande connaissance des enjeux de l’audiovisuel public.
    Les usages évoluent. Les modes de consommation des contenus d’information, de culture et de divertissement se transforment, au bénéfice des plateformes ou des réseaux sociaux. Des pans entiers de la population –⁠ en premier lieu les jeunes – désertent les médias traditionnels que sont la radio et la télévision. En conséquence, l’audience de la télévision vieillit pour se composer majoritairement de plus de 50 ans –⁠ voire de plus de 65 ans – et de CSP+.
    D’une manière générale, le paysage audiovisuel évolue. On assiste à des concentrations de groupes privés qui, eux, se regroupent et se structurent.
    Dans ce contexte, nous avons deux solutions.
    La première est celle de l’immobilisme, du statu quo : faire comme si de rien n’était, et prendre ainsi le risque d’affaiblir l’ensemble de notre audiovisuel public. Cela priverait des millions de Français de leur patrimoine audiovisuel, alors même qu’ils contribuent à son financement. C’est le choix fait par la gauche, qui tente de priver la représentation nationale d’un débat indispensable, dont l’importance mérite que l’on évite les caricatures. Cette approche méprise à la fois les Français attachés à l’audiovisuel public et les plus de 15 000 salariés de ce secteur, qui attendent de la clarté sur son avenir. L’audiovisuel public est un bien commun qui appartient à tous les Français. Ce n’est pas la propriété d’une minorité de députés de gauche qui ne voient que leur intérêt dans des querelles internes. L’examen de ce texte doit donc se tenir dans de bonnes conditions.
    La seconde solution consiste à donner à l’audiovisuel public les moyens nécessaires pour relever ces nouveaux défis –⁠ c’est celle que j’ai choisi de retenir.
    Nous y sommes prêts. Depuis dix ans, les travaux parlementaires sont unanimes : pour se renforcer, l’audiovisuel public doit se rassembler. C’est aussi l’avis des différents rapports d’inspection rendus sur le sujet –⁠ celui de Laurence Bloch ne fait pas exception.
    La stratégie, déjà éprouvée, de rapprochements par le bas sans gouvernance commune ne permet pas d’atteindre les objectifs fixés. Face à la puissance des bouleversements en cours, il faut aller plus loin et plus vite pour préserver l’audiovisuel public.
    Au demeurant, le document signé en 2023 par les deux dirigeantes de l’audiovisuel public avait déjà acté ces rapprochements et affirmé la nécessité d’une gouvernance unique. Il faut nous doter d’un chef d’orchestre et sortir des fonctionnements en silo. Il faut définir des stratégies claires, cohérentes, coordonnées et réellement unifiées, avec un PDG unique et une vision stratégique harmonisée.
    Dans ce nouveau paysage, une telle force est indispensable. Elle permettra à l’audiovisuel public d’être un fer de lance contre la désinformation, de rester un levier puissant pour soutenir et promouvoir la création culturelle et artistique, et d’être un territoire commun à la disposition de tous les Français. J’insiste sur ce point : l’audiovisuel public doit être à la disposition de tous les Français, quels que soient leur âge, leur catégorie sociale ou leur lieu de résidence.
    C’est à cela que la gauche s’oppose. Alors qu’elle se réclame du progrès, son obstruction dans ce débat démontre au contraire son conservatisme.
    Avec la Suède, la France est l’un des derniers pays européens où la radio et la télévision publiques sont séparées. Notre pays fait figure d’exception, alors même que nous sommes collectivement confrontés aux mêmes problématiques que nos voisins européens. (M. Aurélien Saintoul s’exclame.)
    Je tiens à rassurer les salariés des entreprises concernées : cette réforme ne se fera pas contre les intérêts des salariés ou des syndicats. Elle permettra au contraire au secteur de se projeter pleinement dans l’avenir.
    Le mode de nomination du PDG de France Médias sera exactement le même que celui des présidents des sociétés actuelles : la nomination sera opérée par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), de manière totalement indépendante. Cela répond à des obligations non seulement constitutionnelles, mais aussi européennes.
    Les marques de l’audiovisuel public, auxquelles les Français sont attachés, ne disparaîtront pas ; la réforme vise simplement à permettre un rayonnement infiniment plus puissant des contenus, avec des stratégies de diffusion renouvelées. Les identités des différentes entreprises seront conservées ; le projet ne se fera pas au détriment de l’une d’entre elles.
    Tous les Français financent l’audiovisuel public. Si une désaffection s’installe progressivement, les budgets ne seront plus à la hauteur des enjeux et des missions qui lui sont assignées. Avec cette réforme, mon souhait est au contraire de renforcer la capacité de l’audiovisuel public à s’adresser à tous ; il doit donc être financé à la hauteur de cette mission essentielle.
    J’ai fermement soutenu la réforme du financement de l’audiovisuel public, en vigueur depuis le 1er janvier dernier, avec le résultat que l’on connaît. Cette réforme a permis de sanctuariser son indépendance. Si je ne croyais pas en l’audiovisuel public et en son indépendance, la première variable d’ajustement aurait été son financement.
    Le débat sur l’audiovisuel public ne peut pas être la chasse gardée de quelques-uns : c’est un sujet bien trop important pour cela. Face aux bouleversements du monde, avoir un audiovisuel public fort est un enjeu de souveraineté, de culture et de démocratie.
    Beaucoup a été dit sur ce texte, qui a souvent fait l’objet de caricatures. Des attaques violentes contre ma personne ont été proférées. Je tiens à dire que ce texte n’est pas la « réforme de Rachida Dati » ; poursuivant l’intérêt de l’ensemble des Français, elle vise à conserver un audiovisuel public fort, auquel ils sont très attachés.
    Je rends hommage au sénateur Lafon, qui a permis l’adoption de cette proposition de loi en première lecture au Sénat. C’est son texte que nous portons aujourd’hui.
    La seule ambition de ce texte est de permettre à l’audiovisuel public de se battre à armes égales pour répondre aux enjeux qui se dressent face à lui, de lui donner les moyens de jouer pleinement son rôle et de s’adresser à tous.
    Celles et ceux qui prétendent le contraire ne disent délibérément pas la vérité. Ils ne sont pas à la hauteur de ce débat, pourtant fondamental pour faire enfin entrer notre audiovisuel public dans une nouvelle ère. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    L’audiovisuel public n’appartient à aucun député, quelle que soit sa place sur ses bancs. Il n’appartient à aucun responsable politique, aussi engagé à gauche soit-il. Il n’appartient pas à ses salariés, aussi passionnés soient-ils. Il n’appartient pas non plus à ses auditeurs, ses téléspectateurs, aussi fidèles soient-ils. L’audiovisuel public appartient à l’ensemble des Français.
    Je vous le dis très directement et très simplement : Virginie Duby-Muller et moi-même, rapporteurs de ce texte, y sommes profondément attachés.
    L’audiovisuel public n’est pas une abstraction, une succession de logos ou d’entités. Pour beaucoup de nos concitoyens, c’est une présence quotidienne, une voix familière, un lien.
    Pour moi comme pour beaucoup de Français, l’audiovisuel public fut et demeure une fenêtre sur notre pays et sur le monde. Les journaux d’information, les matinales ou l’émission « Envoyé spécial » nous permettent d’avoir accès à une information fiable, plurielle et indépendante et de ne jamais nous contenter d’un simple tweet ou d’un titre accrocheur. Les émissions comme « Le téléphone sonne » ou « Ma France » font entendre la voix de nos concitoyens des territoires ruraux. « L’heure de vérité » hier, « L’émission politique » aujourd’hui, « C dans l’air » ou encore les grandes soirées électorales vont vivre le débat politique et le débat d’idées. « Le masque et la plume », « Les chemins de la philosophie », « La fabrique de l’histoire », « La grande librairie » ou « Thalassa » permettent de s’ouvrir aux arts, à la culture, au cinéma et à la science. « Des racines et des ailes » ou « Secrets d’histoire » suscitent l’émerveillement devant la richesse de notre patrimoine.

    M. Christophe Bex

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    Oui, enfin, là c’est surtout « Bonne nuit les petits » !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Nous avons tous ici une histoire, un souvenir qui nous attache à l’audiovisuel public : un documentaire qui, enfants, a éveillé notre curiosité ; une joute politique qui a forgé notre engagement ; une émission qui a transformé notre regard sur la société ou qui nous a donné envie de découvrir un auteur, une œuvre, un territoire. Ce lien, à la fois intime et universel, traverse les générations et les territoires.
    Notre audiovisuel public fait partie de notre patrimoine commun, de notre mémoire collective –⁠ vous l’avez dit, madame la ministre.
    Dans un monde où le bruit de l’instant étouffe parfois la voix, où l’information peut être déformée ou manipulée, nous avons besoin de l’audiovisuel public pour nous donner le temps et les clés pour comprendre, nous informer, apprendre et nous divertir.
    C’est parce que nous sommes attachés à l’audiovisuel public que nous portons devant vous cette proposition de loi adoptée au Sénat à l’initiative du président Lafon, que je veux saluer pour son engagement et pour sa présence cet après-midi. Ce texte s’inscrit dans la continuité des travaux de l’ancien ministre de la culture, Franck Riester, que je veux également saluer.
    Plus de dix ans après le premier rapport parlementaire à ce sujet, nous voici réunis pour un débat crucial.
    Chers collègues de gauche, la création d’une holding n’est pas une réforme technique. Elle porte une véritable ambition : celle de rassembler les forces de l’audiovisuel public pour lui permettre de relever les nombreux défis auxquels il fait face.
    Que vous le vouliez ou non, le monde de l’information a changé. Le statu quo serait mortifère. Disons-le sans ambages : il mènerait au déclin assuré de notre audiovisuel public.
    J’ai entendu les oppositions et les arguments contre cette loi ; ils ne m’ont pas convaincu.
    Les jeunes délaissent la télévision et la radio pour s’informer sur les réseaux sociaux, et nous devrions l’accepter sans rien faire ? Les géants du numérique imposent leurs algorithmes et leurs règles, et nous devrions nous résigner ? Google cherche à dominer la télévision, YouTube a désormais la plus forte part de marché de la consommation télévisuelle outre-Atlantique, et nous devrions regarder ces menaces sans réagir ? La guerre de l’information fait rage, les ingérences étrangères se multiplient, les fausses informations prolifèrent, et nous devrions nous contenter de coopérations par le bas qui avancent péniblement ?
    Nous ne vous parlons pas ici d’économies, de mutualisation, de synergies ou de tutelle politique ; nous vous parlons de rassembler les forces de l’audiovisuel public pour garantir sa puissance, sa souveraineté et sa capacité de résistance.
    Depuis trop longtemps, notre audiovisuel public est morcelé. Nos grands médias travaillent côte à côte, mais trop rarement ensemble. Nous avons hérité d’un système du XXe siècle alors que nous devons affronter les défis du XXIe siècle. Il en résulte une dispersion des forces, une perte de lisibilité pour les Français et une fragilisation de cet édifice face aux géants du numérique.
    Avec cette réforme, nous ne supprimons aucune entité ni aucune identité. Nous ne diluons aucun savoir-faire ni aucun métier. Nous affirmons simplement qu’un audiovisuel public rassemblé est à la fois nécessaire et urgent pour bâtir un grand média public de l’information, un grand média public de proximité, et pour porter des programmes ambitieux pour l’éducation aux médias et la lutte contre la désinformation.
    Nos maisons de l’audiovisuel public sont pleines de talents. Je tiens à saluer leurs 16 000 salariés qui font un travail remarquable et que nous souhaitons accompagner. (M. Jean Moulliere applaudit.)
    Isolées, nos maisons de l’audiovisuel public courent le risque de l’effacement. Rassemblées, elles pourront continuer d’être un acteur majeur de l’information et de la culture ; elles seront un pilier indépendant de notre démocratie garantissant une information libre, fiable, plurielle et de qualité.

    M. le président

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    La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

    Mme Virginie Duby-Muller, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Dans le cadre actuel de gouvernance, nul ne peut trancher face aux divergences de vues des dirigeants de l’audiovisuel public qui défendent naturellement les intérêts sociaux de leur entreprise. La création d’une holding, qui pourra mener des projets communs et sera ainsi dotée d’un pouvoir décisionnaire, est donc opportune. La constitution de filiales thématiques, dédiées à l’exécution d’une mission de service public particulière, permettra de dépasser les blocages.
    Le rapprochement des fonctions support au niveau de la société mère permettra de dégager des marges de manœuvre pour les investissements d’avenir, en particulier en matière de numérique.
    Outre des amendements rédactionnels, nous vous proposerons plusieurs amendements de fond. Une part importante des débats en commission s’est concentrée sur l’association du Parlement à la nouvelle gouvernance de l’audiovisuel public et sur ses prérogatives de contrôle. L’article 3, intégralement réécrit en commission, prévoit que les présidents-directeurs généraux de France Médias et de France Médias Monde seront nommés pour cinq ans par l’Arcom sur avis conforme des commissions permanentes chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat rendu à la majorité des suffrages exprimés.
    Ce système de validation parlementaire du choix de l’Arcom nous semble dangereux, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, il risque de porter atteinte à la crédibilité et à l’autorité du régulateur dans l’hypothèse où les commissions rejetteraient sa proposition. Deuxièmement, il en résulterait une politisation du processus de désignation qui nous semble difficilement conciliable avec l’exigence constitutionnelle d’indépendance des sociétés nationales de programme. Troisièmement, un tel système porterait atteinte au principe de séparation des pouvoirs. Nous y reviendrons au cours des débats. Nous vous proposerons donc de revenir à une désignation des PDG de France Médias et de France Médias Monde par l’Arcom, qui déterminera une procédure de nomination dans une délibération.
    Nous avons également eu des échanges nourris au sujet des futures conventions stratégiques pluriannuelles (CSP) qui remplaceront les contrats d’objectifs et de moyens. Là encore, la commission a décidé que ces conventions, qui détermineront notamment la trajectoire pluriannuelle de ressources de l’audiovisuel public, ne pourront pas être signées en cas d’avis négatif des deux commissions parlementaires permanentes chargées des affaires culturelles.
    Nous vous proposerons, par amendement, de remplacer cet avis conforme par un droit de veto à la signature des CSP à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, sur le modèle de la procédure prévue à l’article 13, alinéa 5 de la Constitution s’agissant de certaines nominations du président de la République. Le gouvernement a déposé son propre amendement, proposant un système légèrement différent. L’Assemblée nationale tranchera.
    Notre commission a également acté le retrait de France Médias Monde du périmètre de la holding. Dans l’intérêt du texte, nous ne proposerons pas de revenir sur cette décision dont, je le répète, nous prenons acte, bien que convaincus qu’elle affaiblira durablement cette société importante pour le rayonnement international de la France. Enfin, nous avons acté en commission la suppression de l’ensemble des articles du chapitre II. Il ne s’agit nullement de nier l’utilité de ces dispositions, qui visaient à préserver notre souveraineté audiovisuelle, mais de s’interroger sur leur opportunité. La réforme de l’audiovisuel public constituant l’objectif prioritaire du texte, nous devons, compte tenu de l’ampleur de cette transformation et de l’urgence du calendrier, recentrer le débat parlementaire sur l’essentiel.
    Les douze articles que comportait ce chapitre n’ont pas vocation à s’évaporer. Certains pourront être examinés dans le cadre plus adapté d’un futur projet de loi issu des états généraux de l’information ; un autre a d’ores et déjà été repris au sein d’une proposition de loi sénatoriale relative au sport professionnel. Nous souhaitons attirer votre attention sur le fait que les articles 14, 14  bis et 15 devraient faire l’objet d’une notification à la Commission européenne, afin de nous assurer, avant leur adoption au Parlement, de leur conformité au droit européen. Nous développerons ce dernier point lors de l’examen des amendements visant à les rétablir, mais une telle procédure retarderait significativement l’adoption du texte et compromettrait la création de la holding au 1er janvier 2026. Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons aux amendements de rétablissement des articles du chapitre II.
    Avec Jérémie Patrier-Leitus, nous tenons à remercier les trois administrateurs qui ont travaillé à nos côtés. Dans un paysage audiovisuel totalement bouleversé, « le statu quo n’est plus possible » : Jérémie et moi partageons ce constat exprimé par Mme la ministre comme par le président Laurent Lafon, auteur de cette proposition de loi. Depuis dix ans, de nombreux rapports émanant de tous les bords politiques –⁠ celui d’André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, celui de Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier – comme d’autorités indépendantes –⁠ l’Arcom, l’Inspection générale des finances (IGF) – convergent en ce sens. Nous regrettons donc la stratégie d’obstruction stérile de la gauche, reposant d’une part sur le nombre des amendements et sous-amendements déposés, d’autre part sur une motion de rejet préalable. Il est temps de sortir des postures, d’avoir un débat apaisé en vue de consolider notre souveraineté audiovisuelle, à laquelle nous sommes tous attachés et qui demeure un puissant vecteur de pluralisme, de démocratie. (M. le rapporteur applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

    Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Nous sommes appelés à examiner un texte qui engage profondément l’avenir de l’audiovisuel public. Avant toute chose, je souhaite adresser un mot aux équipes mobilisées depuis jeudi : ce matin, les rédactions de Radio France comptaient 67 % de grévistes, que nous soutenons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
    En tant que présidente de la commission, je consacrerai quelques mots au travail de celle-ci. Malgré les désaccords, malgré des débats parfois intenses, nous avons mené l’examen du texte à son terme, discuté de centaines d’amendements, donné voix à des sensibilités très diverses. Je dois cependant le dire avec gravité : toutes les conditions d’un débat pleinement éclairé n’étaient pas réunies. Des documents essentiels, très attendus, comme le rapport de la mission confiée à Laurence Bloch ou l’avis du Conseil d’État, nous sont parvenus parfois vingt-quatre heures à peine avant l’ouverture des débats,…

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Ce n’est pas normal !

    Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    …trop tard pour nourrir une réflexion sereine, trop partiellement pour dissiper les doutes, qu’ils ont même renforcés. On ne prépare pas une réforme d’ampleur sur le fondement d’un rapport de dix-sept pages, rédigé sans consultation des syndicats. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    M. Sébastien Martin

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    Il est temps de le lire, alors !

    Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Le choix de s’appuyer sur une proposition de loi et non un projet de loi a par ailleurs privé le Parlement d’une étude d’impact sérieuse, indispensable eu égard aux conséquences humaines, budgétaires, éditoriales que pourrait avoir cette réforme. Il ne s’agit pas d’un simple ajustement technique : vous l’avez dit, ce texte porte une vision du service public, de l’information, de la culture, donc de notre démocratie. Ce n’est pas une réorganisation, c’est un changement de cap –⁠ sans boussole. Cette réforme vise à créer une holding exécutive dirigée par un PDG tout-puissant. On nous assure que son coût sera nul : c’est irréaliste et dangereux. Les coûts humains, sociaux, budgétaires seront bien réels ; à terme, ce sont les citoyennes et citoyens qui en feront les frais. Elle pèsera sur les antennes, les missions de proximité, sur la qualité des programmes et de l’investigation. Une information dégradée, c’est la démocratie tout entière qui vacille !

    M. Franck Riester

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    Ce sera l’inverse !

    Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Concentrer autant de pouvoirs dans les mains d’un dirigeant revient à affaiblir les contre-pouvoirs (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR), gommer la diversité éditoriale, créer les conditions d’une dépendance structurelle. Votre prédécesseure, madame la ministre, s’était elle-même opposée à la création d’une telle structure ! Dans un contexte de désinformation, de tensions géopolitiques, de campagnes électorales majeures, nous avons besoin d’un audiovisuel public pleinement concentré sur sa mission première : informer –⁠ de manière fiable, pluraliste et indépendante. Il ne s’agit pas de l’enfermer dans une réorganisation mal préparée. Nous partageons, je crois, l’ambition d’un service public fort, mais non la méthode ni la direction.

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Bravo !

    Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Derrière cette réforme, il y a des hommes, il y a des femmes : journalistes, techniciens, producteurs, personnels administratifs, pigistes, intermittents. Ils s’inquiètent à juste titre ; ils savent à quel point leurs missions sont précieuses et fragiles. France Télévisions et Radio France innovent, dominent les audiences, renforcent leur présence numérique et font des économies depuis plusieurs années. Le travail des équipes au sein des territoires, pour une information de proximité, est incomparable ; celui de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) sur les archives, remarquable. Pendant que cette réforme accapare notre temps et une énergie que nous devrions consacrer à d’autres sujets, les vraies questions restent sans réponse : où est la traduction législative des états généraux de l’information ? Où en est l’adaptation au règlement européen sur la liberté des médias ? Où sont la réforme attendue, à l’heure du numérique et de l’intelligence artificielle, de la loi de 1986, et surtout la réflexion en vue d’un financement stable et pérenne ?
    Ce débat dépassera les simples enjeux d’organisation interne : il touche à notre contrat démocratique. On ne construit pas l’avenir en détricotant ce qui fonctionne. Nous devons être fiers de notre audiovisuel public ; il mérite une vision partagée, un cap clair, la confiance accordée à celles et ceux qui, tous les jours, le font vivre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)

    Motion de rejet préalable

    M. le président

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    J’ai reçu de Mme Cyrielle Chatelain et des membres du groupe Écologiste et social une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
    La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Si nous défendons cette motion, madame la ministre, c’est parce que nous doutons de la sincérité du gouvernement. Sous couvert de modernisation de l’audiovisuel public, ce texte acte son affaiblissement et le met en danger de mort. Il prétend le renforcer alors qu’il le démantèle ; il fait mine de louer son indépendance, mais il en organise la soumission au pouvoir politique. Je le répète, la démarche gouvernementale n’est pas sincère : vos actes le prouvent. Vous prenez pour prétexte que les médias publics ne parleraient pas assez aux jeunes, alors pourquoi le gouvernement a-t-il cette année tué la radio Mouv’, destinée au jeune public, en infligeant à Radio France une coupe budgétaire de 25 millions d’euros ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)

    Mme Danielle Simonnet

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    Exactement !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Vous prenez pour prétexte que les médias publics ne parleraient pas assez aux classes populaires, alors pourquoi le gouvernement a-t-il mutualisé les locales de France 3 et France Bleu au détriment de la couverture d’information départementale de celle-ci ? Leurs audiences auprès de ces mêmes classes populaires sont excellentes ! Pourquoi le rapport du comité social et économique (CSE) de France 3 évoque-t-il une compression des effectifs dans toutes les régions ? Pas un jour sans que nous entendions parler de caméras défectueuses qui ne peuvent être remplacées faute de budget,…

    M. Erwan Balanant

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    Ce n’est pas l’ORTF !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    …de rémunérations qui stagnent malgré l’inflation, festivals de musique de conseils municipaux et départementaux que l’on ne couvre plus faute de personnels à envoyer sur le terrain, émissions radio de midi qui disparaissent, mois d’été entiers sans programmation. Le rapport Bloch, sur lequel vous vous appuyez, préconise d’investir dans l’information de proximité : si vous êtes sincère, madame Dati, pourquoi faites-vous l’inverse ?
    Vous prenez prétexte des faibles audiences de la chaîne France Info face à ses concurrents, mais comment avez-vous pu laisser abandonner cette année, faute de budget, le projet d’une nouvelle matinale d’info ? Si les audiences ne sont pas au rendez-vous, peut-être est-ce parce que les effectifs des journalistes de France Info sont inférieurs de 50 % à ceux de BFM TV ?

    Mme Danielle Simonnet

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    De 50 % !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Vous prenez prétexte de la nécessité de préparer le virage numérique des médias publics, alors pourquoi l’État n’a-t-il jamais respecté, notamment ces deux dernières années, les trajectoires de financement figurant dans les contrats d’objectifs et de moyens (COM) ? L’indépendance d’un service public audiovisuel se mesure à la prévisibilité de ses ressources ; notre collègue Céline Calvez et moi en avons fait l’expérience. En tant que rapporteures des COM, nous n’avons pu que constater une totale divergence entre les missions demandées et les moyens conférés. Cette prévisibilité n’est pas respectée en France. Je vais vous dire pourquoi je ne crois pas à votre sincérité :…

    Mme Prisca Thevenot

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    Nous ne croyons pas non plus à la vôtre !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    …depuis 2017, les médias publics ont perdu 776 millions d’euros.

    Mme Prisca Thevenot

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    Bien sûr, c’est la faute de mon collègue Riester !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Le budget de l’audiovisuel public est pratiquement au même niveau qu’en 2008, à ce détail près que sont passés par là 32 % d’inflation, ce qui signifie que les médias publics, en vingt ans, ont été amputés du tiers de leurs capacités financières. Chers collègues du bloc central et du groupe DR, je sais que certains parmi vous continuent de s’interroger au sujet de la pertinence de cette réforme. Vos anciens collègues Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier écrivaient dans le rapport de la mission d’information sur l’avenir de l’audiovisuel public : « Votre président et votre rapporteur considèrent que nous sommes arrivés en 2023 au terme de l’exercice de contrainte budgétaire […]. Si la tendance se poursuivait, elle engendrerait de vrais risques pour le financement de la création […] et le niveau des emplois. » Encore une fois, comment croire à la sincérité du gouvernement quand une note interne de Bercy, révélée par L’Humanité, mentionne la réforme de l’audiovisuel public comme source d’économies destinées à boucler le budget pour 2026 ?
    Quelle entreprise privée ayant perdu le tiers de ses capacités budgétaires serait capable de rivaliser avec nos médias publics ? Premier groupe radio en termes d’audiences, premier groupe télé en termes d’audiences,…

    Mme Prisca Thevenot

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    C’est impressionnant, une telle mauvaise foi !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    …premier site internet d’information –⁠ Franceinfo.fr – de notre pays ; un podcast sur deux écoutés en France est produit par Radio France ; France Inter a gagné cette année 500 000 auditeurs, France Culture, en un an, 23 % d’audience chez les moins de 35 ans !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    En somme, tout va bien !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Avec France 3, France Info et France Inter, le service public de l’audiovisuel occupait en 2024, devant Le Monde, le podium des médias français en matière de qualité et de confiance dans l’information. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC. –⁠ Mme la présidente de la commission applaudit également.) Je pourrais vous citer une litanie de chiffres montrant que l’audiovisuel public fait déjà tant avec si peu. En Europe, seule la BBC, peut-être, réalise de meilleures audiences ; et si vous étiez sincère, madame la ministre, lorsque vous parlez de « BBC à la française », vous ajouteriez que la BBC dispose d’un budget deux fois supérieur à celui de l’audiovisuel français –⁠ si vous étiez sincère, vous vous engageriez à sortir le carnet de chèques. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.) C’est ce que nous proposons : une contribution à l’audiovisuel public affectée et proportionnelle, travaillée avec l’économiste Julia Cagé pour la rendre juste, adaptée aux ressources de chacun. Il nous faut réapprendre que l’information a un coût, celui de l’enquête, du travail journalistique, et que dans un contexte géopolitique tourmenté, il n’y a pas de politique de défense digne de ce nom sans un réarmement informationnel dont notre service public doit être le cœur. (Mme Dominique Voynet applaudit.)
    Si l’audiovisuel public français, par la force de ses audiences et la qualité de ses offres, se révèle l’un des plus solides du paysage européen, c’est d’abord grâce à l’incroyable engagement de ses personnels, qui croient profondément au métier de journaliste, à l’exception culturelle française (Mme Sandrine Rousseau applaudit), les deux missions principales de service public audiovisuel. Je loue leur travail et, sachant qu’ils nous écoutent, je m’adresse à eux : merci aux journalistes de terrain, qui parcourent la France pour rapporter une information de proximité, car l’information ne se limite pas à Paris. Grâce au réseau France 3 et France Bleu, chers collègues élus de territoires ruraux ou périurbains, nous avons la chance de médiatiser l’actualité politique, économique, sportive et culturelle de notre pays dans toute sa diversité, y compris linguistique. Sans eux, comment vivrait la démocratie locale ? Sans leurs studios d’enregistrement, comment se lanceraient nos artistes locaux ?
    Merci aux formations musicales de Radio France, qui font vivre le patrimoine de la musique classique ; merci tout particulièrement au chœur de Radio France, dernier chœur symphonique professionnel permanent de notre pays.
    Merci aux journalistes et correspondants de presse à l’étranger : nous ne mesurons pas toujours notre chance de disposer d’un tel réseau, qui permet la lecture d’une information fiable, sourcée, touchant ce qui se passe dans le monde. Merci à vous qui faites ce métier dans des conditions d’emploi parfois très dégradées, et dans des conditions géopolitiques qui peuvent être particulièrement dangereuses.
    Merci aux techniciens et aux équipes de production et de réalisation, qui œuvrent à la création de programmes dont la qualité des images et du son est parmi les meilleures au monde.
    Merci aux journalistes, reporters d’image, rédacteurs, preneurs de son, monteurs, mixeurs et aux autres personnels, qui, malgré les baisses régulières de budget, ont tenu haut et fort le service public –⁠ ce ne sont pas les seuls agents du service public à avoir tenu, d’ailleurs. Ne venons pas les affaiblir davantage.
    Je m’adresse à vous : nous soutenons votre mobilisation, celle de la large intersyndicale unie, de France Télévisions, à l’INA et à Radio France, en grève contre ce désastreux projet de réforme. Même France Médias Monde est solidaire des autres entreprises publiques, alors que nous avons pu sortir l’entreprise du projet de réforme.

    M. Franck Riester

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    Mauvaise décision !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Nous nous opposons à cette réforme parce que vos talents nous rendent fiers de l’exception culturelle française –⁠ et nous savons que ce sont précisément l’expertise et la diversité de ces cultures professionnelles qui sont sources de la créativité des antennes.
    C’est ce qu’attaque la réforme, en cassant les entreprises publiques par la filialisation, en fusionnant les rédactions de la télévision et de la radio, en mutualisant à tout-va, au mépris des métiers, dans un objectif purement comptable imposé par Bercy.
    On ne fait pas de la radio comme on fait de la télévision. On n’informe pas de la même manière, on ne raconte pas le monde avec les mêmes outils : à la radio, on décrit l’image sans la montrer, l’atmosphère et la ponctuation sont déterminantes ; à la télévision, le décor, les scènes et l’image en disent autant, si ce n’est plus, que le commentaire lui-même.
    Pour paraphraser une syndicaliste de France Médias Monde –⁠ que je salue –, fusionner Radio France et France Télévisions, ce serait comme fusionner Air France et la SNCF au prétexte que ce sont deux entreprises de transport. Écouter la radio ou un podcast, ce n’est pas regarder une vidéo ; voyager en avion, ce n’est pas voyager en train ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.)

    M. Alexis Corbière

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    Ça, c’est vrai !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Ce sont des mots ! Il ne s’agit pas d’une fusion !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Cette réforme sent bon la technocratie et elle produira les mêmes effets que partout : la fusion des médias –⁠ radio et télévision – entraînera une chute des audiences de la radio. Nous en sommes témoins avec les radios privées en France –⁠ la ministre le sait : 27 % d’audience en moins pour RTL entre 2017 et 2024, 34 % pour RMC sur la même période.

    M. Emeric Salmon

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    Et pour Europe 1 ?

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Le média à 360 degrés altère terriblement l’attractivité de la radio. Ce n’est pas pour rien que l’audiovisuel public australien vient de revenir cette année sur la fusion entre radio et télévision publiques, qu’ils avaient amorcée l’année dernière.
    Cette réforme nous fait courir un risque démocratique majeur parce que les médias publics sont un support essentiel du débat politique et que, de leur indépendance, dépend notre droit d’accéder à une information honnête.
    Nous n’avons cessé de dénoncer le risque qu’une réforme de gouvernance ferait porter sur l’indépendance des médias publics vis-à-vis de l’exécutif. Arrêtons de penser naïvement que ce risque est lointain : il se concrétise en Europe, chez les amis hongrois ou italiens de Mme Le Pen.
    Deux verrous peuvent protéger les médias publics des pressions de l’exécutif : un haut niveau de financement, garanti et prévisible ; une gouvernance capable de résister aux assauts du gouvernement. En supprimant la redevance affectée et en mettant les médias publics sous tension budgétaire depuis de nombreuses années, vous avez fragilisé le premier verrou. Avec cette réforme qui centralise la gouvernance autour d’un PDG unique, doté de tous les pouvoirs, avec un seul directeur de l’information –⁠ comme on peut le lire dans le rapport Bloch –, vous vous apprêtez à faire sauter le second.
    Cette réforme est une attaque frontale contre l’indépendance des médias publics. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.) En instaurant une holding exécutive, dotée d’un pouvoir de nomination, de pilotage stratégique et de répartition des budgets, vous tuez toute autonomie réelle des filiales. France Télévisions, Radio France, l’INA deviendront de simples opérateurs aux ordres, contraints d’entrer dans un moule unique, avec une ligne éditoriale dictée d’en haut.
    C’est un recul historique, qui se fait sans respect, ni du personnel ni du Parlement. Le recours à une proposition de loi sénatoriale vous permet d’éviter l’étude d’impact. Les représentants du personnel n’ont été auditionnés par les auteurs du rapport Bloch que le jour où le rapport a été publié. Quel manque de respect !
    Et cette réforme, vous la proposez au pire moment : au moment où la démocratie est assaillie par la désinformation, les deepfakes, les ingérences étrangères ; au moment où les milliardaires transforment des chaînes en usines à talk-shows de propagande. Alors qu’il faudrait renforcer la capacité d’action des médias publics, vous les enfermez dans une structure verticale et rigide, qui met leur indépendance en danger.
    Madame Dati…

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Madame la ministre !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    …comment croire qu’une réforme des médias publics proposée par un gouvernement qui déteste les journalistes va renforcer leur indépendance ? Vous et le président de la République ne cessez de dénigrer l’audiovisuel public.
    En 2017, une enquête sur sa campagne lui ayant déplu, Emmanuel Macron déclarait que l’audiovisuel public était la honte de la République. Quant à vous, votre récente passe d’armes avec le journaliste Patrick Cohen illustre votre vision du rapport entre la politique et la presse : la meilleure défense, c’est l’attaque.
    Comment croire en la sincérité d’une réforme qui touche intimement au fait démocratique, soutenue par une ministre qui enchaîne les procès-bâillons contre les journalistes de ce pays ? Oui, vous enchaînez les procès-bâillons : à votre actif, trois procès contre Le Nouvel Obs, quatre contre Libération, deux contre Le Canard enchaîné. Vous les perdez à chaque fois mais vous savez très bien que, même perdus, ils prennent du temps, de l’énergie et de l’argent aux journaux qui se défendent.
    Quand certains rapportent vos coups de fil véhéments aux patrons de presse, vous parlez de rumeurs –⁠ mais cela commence à faire beaucoup de rumeurs. Nous doutons de votre sincérité –⁠ comment ne pas en douter ?
    Et qui applaudit à ce projet ? Le Rassemblement national bien sûr, dont les représentants vous servent, par leurs votes d’appoint, à défendre un plafonnement des recettes publicitaires des sociétés publiques –⁠  Le Monde s’en est fait l’écho. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.)
    Les médias publics seront pris en tenaille –⁠ cela vous arrange –⁠ entre la diminution des financements publics, comme la note de Bercy le préconise, et la perte de recettes publicitaires. Il en résultera un affaissement de la qualité des programmes et des audiences, particulièrement bénéfique aux médias privés, qui pourront se nourrir sur la bête, et pour le pouvoir politique, qui pourra poser des exigences concernant le contenu en contrepartie de ressources supplémentaires.
    Vous, députés macronistes qui êtes sincères dans l’indispensable barrage contre l’extrême droite,…

    M. Emeric Salmon

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    Oh !

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    …n’allez pas pactiser avec elle, ne bradez pas le service public de l’audiovisuel pour un deal parisien. Le RN a compris que, s’il est fragilisé, il lui sera plus facile grâce à cette réforme de mettre l’audiovisuel public au pas demain. Plafonner les recettes publicitaires avec son soutien, c’est soit la mise au pas, soit la mise à mort du service public de l’audiovisuel si, malheureusement, il arrive au pouvoir.
    Chers collègues, si votre attachement à la liberté de la presse et au service public de l’audiovisuel est sincère, votez cette motion et rejetez ce texte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Chers collègues écologistes, merci pour cette motion de rejet, tout en nuances et en modération. J’entends que nous voudrions tuer le service public de l’audiovisuel, que nous voudrions détruire le service public de l’audiovisuel –⁠ rien que ça ! Vous nous expliquez que nous multiplierons les procédures-bâillons, que nous voulons mettre au pas les salariés de l’aide publique.
    Savez-vous à quel homme politique français cela me fait penser –⁠ c’est « Le jeu des 1 000 euros », comme sur Radio France ?

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    « Questions pour un champion », plutôt –⁠ reléguée le week-end faute de budget !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Savez-vous quelle personnalité politique a été condamnée par la justice française pour injures publiques et diffamation envers Radio France ? Qui a qualifié les journalistes de France Info d’abrutis et de menteurs ? C’est Jean-Luc Mélenchon ! Un homme politique qui vous soutient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. –⁠ Mme Claire Marais-Beuil applaudit également. –⁠ Vives protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
    Ne venez donc pas nous donner de leçons de protection des journalistes du service public ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
    Jamais, chers collègues de gauche, jamais un dirigeant du bloc central n’a traité les journalistes du service public d’abrutis ou de menteurs, et n’a été condamné à 500 euros d’amende et 3 000 euros de dommages et intérêts au profit de Radio France. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe RN. –⁠ Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Vous les avez menacés de l’article 40 du code de procédure pénale !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Quand on a un allié, il faut l’assumer.

    Mme Julie Laernoes

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    Et vous, vous êtes alliés à Marine Le Pen !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Vous avez passé toute votre intervention à nous accuser de vouloir mettre au pas les journalistes. C’est pourquoi je me permets de rappeler votre alliance avec une personnalité politique condamnée pour injure envers des salariés de Radio France, après les avoir, je le répète, qualifiés d’abrutis et de menteurs. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    M. Jean-Claude Raux

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    C’est votre seul argument pour défendre la réforme ?

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Apparemment, ce n’est pas important pour vous… Lorsque cela vient de Jean-Luc Mélenchon, ce n’est pas grave ! (Mêmes mouvements.)

    Mme Prisca Thevenot

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    Allez-vous le laisser parler ?

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Est-ce anodin d’être condamné pour injure envers des journalistes de France Info ? Est-ce que c’est anodin ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)

    Mme Julie Laernoes

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    C’est la courte échelle à l’extrême droite, ce que vous faites !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Y a-t-il un président de séance ?

    M. le président

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    Chers collègues, du calme.

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Je me fais attaquer depuis une heure !

    M. le président

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    Monsieur le rapporteur, vous faites le choix d’interpeller certains bancs ; admettez qu’ils vous répondent. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Sinon, poursuivez votre propos jusqu’au bout, sans interpellation.

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Je voulais rappeler ce fait car nous venons de recevoir dix minutes de leçon de notre collègue.
    Maintenant, je vais vous répondre sur le fond. (« Ah ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP.)
    Vous nous expliquez que l’audiovisuel public vous appartiendrait à vous, députés de gauche, à ses salariés, à ses syndicalistes.

    Mme Julie Laernoes

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    Aucun argument de fond ! Discours politicien !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Nous vous répondons qu’il appartient à tous les Français et à tous les députés, de tous les bords politiques.

    Mme Sandrine Rousseau

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    Heureusement !

    Mme Julie Laernoes

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    Ça s’appelle le service public !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Ce que je regrette –⁠ et j’en terminerai là –, c’est qu’avec cette motion de rejet, vous refusiez le débat. Vous le refusez parce que vous savez qu’il existe une majorité pour adopter le texte. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Il y a eu une majorité en commission…

    Mme Julie Laernoes

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    Grâce à l’extrême droite !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Ce n’est pas vrai, le texte a été adopté en commission non pas avec les voix de l’extrême droite, mais avec celles du bloc central ! Et comme vous constatez qu’il y a un risque qu’il soit adopté ici aussi, vous déposez une motion de rejet et plus de 800 amendements.

    Mme Julie Laernoes

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    Le risque, il est sur le fond !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    C’est lamentable ! Ce que nous vous demandons… (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Mme Julie Laernoes

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    Parlez du fond !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Puis-je m’exprimer ?

    M. Erwan Balanant et M. Franck Riester

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    Monsieur le président !

    Mme Caroline Colombier

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    Partialité, voilà ce que c’est !

    M. le président

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    S’il vous plaît, chers collègues.

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Ce que nous vous demandons, c’est de pouvoir débattre, idée contre idée, argument contre argument.

    Mme Dominique Voynet

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    Mais expliquez-nous en quoi consiste cette réforme !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Nous voulons vous expliquer pourquoi nous pensons que la création de cette holding... (Mme Julie Laernoes s’exclame.)
    Madame Laernoes, laissez le rapporteur terminer.

    M. Alexis Corbière

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    Le rapporteur est vite troublé !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Je ne suis pas troublé, j’aimerais pouvoir parler dans un climat un peu plus apaisé. (Les exclamations ne cessent pas.)

    Mme Prisca Thevenot

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    Sans déconner ! Peut-on le laisser parler ? C’est lunaire !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Si vous permettez que je termine…

    M. Emmanuel Grégoire

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    Recommencez, je n’ai pas bien compris ! (Sourires.)

    M. le président

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    S’il vous plaît ! Monsieur le rapporteur, poursuivez.

    M. Erwan Balanant

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    Il ne va pas se faire engueuler en plus ?

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Puisque le débat est vif et engagé, nous souhaitons qu’il ait lieu. Nous voulons débattre comme nous l’avons fait en commission : argument contre argument, idée contre idée, projet contre projet, vision de l’audiovisuel public contre vision de l’audiovisuel public.
    C’est pour cela que nous regrettons le dépôt de cette motion de rejet et que nous appelons l’ensemble de nos collègues à la rejeter pour que le débat ait lieu et pour que nous puissions adopter ce texte important. Il y va de l’avenir de l’audiovisuel public et de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. –⁠ M. Jean Moulliere applaudit également.)

    M. le président

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    Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Nous en venons aux explications de vote.
    La parole est à M. Philippe Ballard.

    M. Philippe Ballard (RN)

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    Nous nous retrouvons aujourd’hui pour débattre de l’audiovisuel public français. C’est pourquoi je m’étonne de voir cette motion de rejet venir de la gauche, si prompte à défendre ce secteur –⁠ on l’a encore entendu il y a quelques instants – mais qui, là, refuse tout bonnement le débat.
    Nous, au Rassemblement national, nous aimons le débat. (M. Stéphane Rambaud applaudit.) Les événements de ces derniers jours montrent que la gauche de cet hémicycle ne cherche plus à travailler dans l’intérêt de la France et des Français, et cela se confirme encore aujourd’hui. (« Oh là là ! » sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Elle s’enferme dans un cycle perpétuel d’agitation et de gesticulation politiques, sans autre but que de tenter d’exister dans le débat public.

    M. Stéphane Rambaud

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    Cela fait un moment déjà…

    M. Philippe Ballard

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    Or les Français attendent de nous du sérieux, et la souveraineté audiovisuelle française est un sujet ô combien important.
    Le texte qui sera peut-être soumis à notre discussion n’est clairement pas notre projet. Nous souhaitons une privatisation, certes partielle, mais importante de l’audiovisuel public. Les Gafam rodent, tout comme YouTube ou TikTok, et notre audiovisuel, public comme privé, se transforme en proie. Il doit bouger, se transformer, évoluer si nous voulons simplement conserver notre souveraineté audiovisuelle. Nous devons lui donner de l’air, en supprimant des règles qui datent du siècle dernier. Personne ici souhaite que les seuls choix qui nous restent soient Netflix, Amazon, Disney+, YouTube ou TikTok.
    C’est pourquoi nous espérons que le chapitre II de la proposition de loi sera préservé –⁠ on peut toujours rêver…
    Il est temps de réfléchir sérieusement à la défense de notre souveraineté audiovisuelle ; nous n’avons plus le temps d’attendre. Il faut renforcer les acteurs français, en engageant un processus de concentration, que favorisait l’article 12 –⁠ malheureusement supprimé en commission.
    Sur l’audiovisuel public, des questions se posent : le pluralisme des courants de pensée est-il parfaitement respecté ? Disant cela, j’évoque non pas le temps de parole des politiques, mesuré par l’Arcom, mais les idées véhiculées par les différents programmes,…

    M. le président

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    Merci de conclure.

    M. Philippe Ballard

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    …qui sont souvent à sens unique et mêlent wokisme, bien-pensance et politiquement correct. (« Le temps de parole est écoulé ! » sur les bancs du groupe EcoS.) Que ces idées soient défendues par un média audiovisuel privé ne me poserait aucun problème, mais l’audiovisuel public est financé… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur. –⁠ Les députés du groupe RN applaudissent ce dernier.)

    M. le président

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    Nous commençons les explications de vote : merci de respecter le temps de parole, qui est de deux minutes.
    La parole est à Mme Céline Calvez.

    Mme Céline Calvez (EPR)

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    Par cette motion, vous nous invitez à rejeter un débat parlementaire sur l’avenir de l’audiovisuel public. Celui-ci mérite pourtant qu’on lui consacre du temps. Un tel rejet enverrait un signal profondément négatif, non seulement à nos concitoyens, qui ne comprendraient pas que les parlementaires se dessaisissent de leur pouvoir de débattre, mais aussi aux milliers de salariés de l’audiovisuel public, qui attendent depuis trop longtemps des réponses claires sur leur avenir.
    Voilà des années que le Parlement tergiverse sur une réforme de la gouvernance ; plusieurs fois, les débats ont été suspendus, reportés, mis en pause : résultat, l’incertitude perdure. La gouvernance de l’audiovisuel public fonctionne aujourd’hui dans le brouillard, et c’est ce flou qui crée l’angoisse, la tension, l’immobilisme.
    C’est précisément pour y mettre fin que cette proposition de loi, amendée en commission, mérite d’être débattue ici, en séance publique. Nous avons travaillé en commission dans de bonnes conditions, nous avons eu des échanges, pourquoi ne pourrions-nous pas faire de même dans l’hémicycle ?
    L’audiovisuel public, cela a été rappelé, joue un rôle central dans la vie démocratique, culturelle et sociale de notre pays. Il mérite mieux qu’un rejet de principe. Il a besoin d’un véritable projet de gouvernance, stable et lisible, à la hauteur des enjeux en matière de souveraineté comme de pluralisme. Les amendements en commission permettront que ce pilotage se fasse, avec la nouvelle holding, dans de bonnes conditions ; nous avons notamment prévu un meilleur contrôle par le Parlement.
    Ce rejet serait une prolongation de l’immobilisme ; en débattant, nous offririons une meilleure boussole à l’audiovisuel public. (Mme Christine Arrighi s’exclame.) Je vous invite donc à rejeter la motion et à faire vivre le débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Saintoul.

    M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP)

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    Évidemment, nous voterons pour la motion de rejet.
    Cette proposition de loi pose problème à tous les points de vue. Bien entendu, elle est insincère. À l’origine, il s’agissait d’organiser la fusion de la radio et de la télévision publiques, mais l’absurdité de l’idée a obligé ses partisans à reculer et à trouver une formule moins brutale : la création d’une holding dans laquelle seront finalement fusionnées la radio et la télévision publiques. Nous ne sommes pas dupes.
    Pour une réforme de structure d’une telle ampleur, on s’attendrait à voir le gouvernement prendre ses responsabilités et soumettre à l’Assemblée un projet de loi, accompagné d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État. Eh bien non ! Pour occulter les effets catastrophiques de cette réforme, l’exécutif a décidé d’utiliser un bref texte, écrit par un sénateur : habile, mais grossier.

    Mme Marie Mesmeur

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    C’est le moins que l’on puisse dire !

    M. Aurélien Saintoul

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    Sur le fond, Mme la ministre nous dit qu’il s’agit de renforcer l’audiovisuel public dans un temps de concurrence exacerbée avec les grandes plateformes et dans un moment où les usages, notamment des plus jeunes, changent. En quoi une réforme de la gouvernance pourrait-elle apporter quelque solution que ce soit à ces problèmes ? Les débats en commission n’ont en tout cas pas apporté le début d’une réponse à cette question –⁠ évidemment, puisque c’est la régulation des plateformes elles-mêmes qui permettrait de renforcer le service public.
    Les moins soupçonneux à l’égard du gouvernement diront peut-être qu’il s’agit de réduire les dépenses en mutualisant les moyens. On nous a cent fois chanté ce refrain ; à chaque fois, les dépenses ont explosé sans éviter la casse sociale. Vous ne l’ignorez bien sûr pas.
    La réalité, c’est que l’essentiel est ailleurs : il s’agit d’abord de centraliser davantage encore l’audiovisuel public pour resserrer sur lui la mainmise de l’exécutif.

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    C’est faux !

    M. Aurélien Saintoul

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    Il s’agit, peut-être surtout, de l’asphyxier petit à petit puisque chaque recul du service public de l’audiovisuel, ce sont des parts de marché offertes aux oligarques amis de la Macronie et du RN : les Bolloré, les Bouygues, les Saadé, notamment.
    C’est tellement vrai que le RN pose une condition à la réforme : que les recettes du service public de l’audiovisuel soient plafonnées.

    M. le président

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    Merci, cher collègue.

    M. Aurélien Saintoul

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    Il est très significatif que les principaux adversaires du service public de l’audiovisuel soient en fin de compte le soutien de la réforme.
    Ceux qui ne veulent pas préparer la destruction de l’audiovisuel public savent désormais qu’ils doivent rejeter le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)

    M. le président

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    La parole est à M. Emmanuel Grégoire.

    M. Emmanuel Grégoire (SOC)

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    Ce débat aurait mérité mieux : mieux qu’un calendrier précipité ; mieux qu’un rapport censé remplacer une réelle étude d’impact, rapport transmis –⁠ tenez-vous bien – la veille de nos débats en commission ;…

    M. Boris Vallaud

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    Honteux !

    M. Emmanuel Grégoire

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    …mieux que cette mascarade de réforme que vous voulez, madame la ministre, imposer à marche forcée, sans consultation des professionnels du secteur et, plus grave, sans respect pour le Parlement.
    J’ai demandé au premier ministre de rappeler une évidence : la clarté et la sincérité du débat parlementaire sont des exigences constitutionnelles. Or nous débattons ici d’une transformation majeure de notre audiovisuel public sans avoir été correctement informés ni des coûts, ni des impacts, ni des intentions véritables du gouvernement. C’est, sur le plan démocratique, un précédent dangereux.

    M. Boris Vallaud

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    Il a raison !

    Mme Anne Genetet et Mme Prisca Thevenot

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    Vous ne voulez pas débattre !

    M. Emmanuel Grégoire

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    Comment peut-on sérieusement prétendre, comme vous l’avez fait, madame la ministre, que ce texte serait le fruit d’un consensus ? Ce projet ne rassemble personne, sinon un attelage bancal reposant sur la complaisance, cela a été dit, du Rassemblement national.

    Mme Danièle Obono

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    Eh oui !

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Votre attelage à vous ne vaut pas mieux !

    M. Emmanuel Grégoire

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    Le véritable consensus, c’est celui qui se noue aujourd’hui à nos portes, sur la place, entre les salariés de France Télévisions, de Radio France et de l’INA, entre les journalistes, les techniciens, les producteurs, les syndicats et les citoyens. Il y a un consensus massif contre cette réforme précipitée, budgétairement insincère et politiquement dangereuse.
    Vous commettez une double faute : une faute de méthode et une faute démocratique. Cette réforme bricolée et sans financement prétend renforcer l’audiovisuel public tout en l’asséchant : irresponsable, voilà le mot.

    M. Boris Vallaud

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    Oui !

    M. Emmanuel Grégoire

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    Cette irresponsabilité est allée jusqu’à entacher vos dernières déclarations, madame la ministre, sur le service public. Accuser des journalistes d’avoir payé des témoins à charge, qualifier France Inter de repaire de CSP+, ce n’est pas une politique culturelle, c’est une vendetta ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS.) Vous ne respectez pas l’audiovisuel public, vous le méprisez et vous cherchez à le centraliser pour mieux le contrôler.
    Pour toutes ces raisons, nous appelons à refuser ce projet mortifère et à voter cette motion de rejet afin de protéger le service public et la liberté de l’information. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Martin.

    M. Sébastien Martin (DR)

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    Le groupe Droite républicaine votera bien sûr contre la motion de rejet préalable.
    J’ai écouté avec beaucoup d’attention les propos de Mme Sophie Taillé-Polian, qui s’est exprimée dans le calme. Dans une première partie, elle décrivait une situation particulièrement grave et difficile ; dans une seconde partie, tout avait l’air d’aller bien. Or de deux choses l’une : soit les choses vont mal, et il faut avoir le courage de la réforme ; soit les choses vont bien, et il ne faut rien faire. J’avais plutôt le sentiment, en vous écoutant, qu’il fallait changer des choses.
    L’immobilisme ne me paraît pas une bonne idée : les rapports se succèdent depuis dix ans, cela fait deux ans que le Sénat a examiné le texte, nous avons débattu pendant des heures en commission. J’ai entendu dire qu’il fallait beaucoup de temps pour lire le rapport de Mme Bloch, mais enfin il fait dix-sept pages : une soirée devrait suffire.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Excellent !

    M. Sébastien Martin

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    Un parlementaire est capable d’assimiler un dossier, je crois !
    Il n’est plus temps de procrastiner ; il est temps de faire des propositions, de lancer le débat parlementaire, d’avoir des discussions à la hauteur des enjeux, comme cela a été le cas en commission. Rejetons cette motion de rejet.

    M. Jean Terlier

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Alexis Corbière.

    Mme Prisca Thevenot

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    À gauche, ils montent tous à la tribune pour leur instant de gloire !

    M. Alexis Corbière (EcoS)

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    Si vous faites ce choix, nous discuterons –⁠ mais je voudrais rappeler une chose, pour que cessent ici les propos antiparlementaires qui se retourneront bientôt contre ceux qui les tiennent : on a le droit, quand on est député, de déposer une motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    Mme Prisca Thevenot

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    Mais vous, vous ne faites que ça !

    M. Alexis Corbière

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    On a le droit de considérer que les conditions ne sont pas réunies pour la discussion d’un texte, sans que pour autant vous montiez à chaque fois à la tribune pour nous agonir d’injures et expliquer que nous refusons le débat.

    Mme Anne Genetet

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    Nous avons le devoir de débattre !

    M. Alexis Corbière

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    Non, nous ne refusons pas le débat. Et quand nous déposons des amendements, c’est par volonté de préciser les choses.

    Mme Prisca Thevenot

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    Mais avec vous, c’est systématique ! Il y a une motion de rejet sur chaque texte !

    M. Alexis Corbière

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    De grâce, arrêtez de répéter que nous refusons le débat. Si vous trumpisez le débat au point que, chaque fois qu’un député déposera une motion de rejet préalable, vous brandissez des « vous craignez le débat », « vous avez peur », « vous ne voulez pas discuter », eh bien, cela finira par se retourner contre vous !

    Mme Prisca Thevenot et M. Franck Riester

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    Ce n’est pourtant que la vérité !

    M. Alexis Corbière

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    Que disons-nous ?

    Mme Prisca Thevenot

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    Vous dites que vous ne voulez pas débattre !

    M. Alexis Corbière

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    Nous disons que les conditions ne sont pas réunies pour débattre sérieusement d’un sujet que vous avez vous-même, madame la ministre, qualifié de fondamental : le service public de l’audiovisuel, la capacité pour chacun de nos concitoyens de bénéficier, dans cet océan d’information privée, d’une information publique de qualité, d’une information publique qui doit résister à deux pressions : celle du privé ; celle des potentielles pressions du politique –⁠ et, quelles que soient vos intentions, vous n’êtes pas la seule visée, madame la ministre : cela concerne aussi vos successeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
    Il y a ici quelque chose de fondamental et d’universel : pour que le citoyen ait confiance, donc regarde, donc fasse monter l’audience du service public de l’audiovisuel, il doit être sûr que les émissions du service public ont été fabriquées en totale indépendance.

    M. le président

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    Merci de conclure, cher collègue.

    M. Alexis Corbière

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    Nous n’avons pas obtenu les garanties nécessaires et ce texte doit être amélioré. Voilà pourquoi il faut voter pour la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Erwan Balanant.

    M. Erwan Balanant (Dem)

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    Les débats viennent à peine de commencer et je crois vraiment que notre audiovisuel public mérite mieux que la voie empruntée depuis tout à l’heure. J’entends les réticences de certains groupes ; nous l’avons dit, nous en avons nous aussi, concernant la méthode, la façon dont ce texte arrive en séance après de longues hésitations ou certaines décisions. Faut-il pour autant, par posture, choisir l’immobilisme ? Je ne le crois pas. Devons-nous abandonner nos prérogatives de parlementaires ? Je le crois encore moins.
    Ceux qui ont déposé cette motion n’ont pas vu ses effets de bord : si elle est votée, alors la proposition de loi retournera au Sénat et ce texte que nous avons travaillé ensemble, que nous avons amendé, disparaîtra. Nous abandonnerions les amendements qui préservent le caractère français de notre audiovisuel public en interdisant de le privatiser. Nous abandonnerions toutes les petites avancées que nous avons obtenues.
    Je partage vos propos, madame Taillé-Pollian, même si je les aurais sans doute prononcés avec moins de grandiloquence. Nous avons plus que jamais besoin d’un audiovisuel public puissant. C’est, je crois, un point d’accord entre plusieurs groupes. Mais est-ce que tout fonctionne ?
    Je vous vois opiner de la tête : débattons donc pour l’audiovisuel public français pendant ces deux jours.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean Moulliere.

    M. Jean Moulliere (HOR)

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    La motion de rejet préalable déposée par le groupe Écologiste et social vise à rien de moins que refuser tout débat sur la réforme de l’audiovisuel public. (Rires sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Hadrien Clouet applaudit.) Il s’agit d’une manœuvre qui, sous couvert de défense du service public, prive cette assemblée de toute discussion sérieuse sur un texte essentiel pour l’avenir de nos médias nationaux.
    Refuser le débat, c’est choisir l’immobilisme, une fois de plus,…

    Mme Sophie Taillé-Polian

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    Pourtant, avec Bayrou, l’immobilisme ne vous gêne pas, en général !

    M. Jean Moulliere

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    …alors que ce texte a connu un parcours parlementaire pour le moins chaotique : adopté par le Sénat en juin 2023, cette réforme aura été retardée à de multiples reprises –⁠ dissolution de l’Assemblée nationale, embouteillage du calendrier parlementaire, incidents et obstruction en commission.

    M. Alexis Corbière

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    Et les retraites, on en parle ?

    M. Jean Moulliere

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    Pendant ce temps, l’audiovisuel public français traverse une crise sans précédent. À l’heure où les plateformes numériques bouleversent le paysage médiatique, il est de notre responsabilité de doter les médias publics des outils nécessaires pour rester forts, indépendants et attractifs.
    La motion de rejet préalable du groupe Écologiste et social ne relève pas ces défis. Elle s’inscrit dans une logique d’obstruction, alors même que les salariés du secteur, inquiets mais attachés à l’avenir de leur métier, attendent de nous des réponses claires et un débat serein. Le groupe Horizons & indépendants votera donc contre la motion de rejet préalable –⁠ nous croyons à la nécessité de réformer l’audiovisuel public pour garantir sa pérennité, son indépendance et sa capacité à innover.
    La création de la holding France Médias n’est pas une fin en soi, elle est un moyen de mutualiser les forces, d’optimiser les moyens et de renforcer la stratégie numérique des médias publics. Nous devons prendre nos responsabilités : refuser le débat, c’est abandonner l’audiovisuel public à son sort.
    Nous appelons donc tous les députés à voter contre cette motion de rejet préalable pour permettre à l’Assemblée nationale d’exercer pleinement sa mission : débattre, décider et ainsi construire l’avenir de l’audiovisuel public. (M. le rapporteur applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Salvatore Castiglione.

    M. Salvatore Castiglione (LIOT)

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    Cela a été rappelé à plusieurs reprises, sur tous les bancs de l’Assemblée nationale, nous partageons un objectif commun : disposer dans le paysage audiovisuel français d’un service public fort et singulier. Il est vrai que la proposition de loi, en prévoyant la création d’une holding, a fait naître des craintes chez certains députés et chez certains personnels de l’audiovisuel public, en particulier à France Télévisions et à Radio France.
    Je suis convaincu que le débat dans l’hémicycle doit avoir lieu, précisément pour que ces interrogations trouvent des réponses et que ces craintes s’estompent. Même si le texte soulève des inquiétudes légitimes, y compris au sein de notre groupe, c’est grâce à ce débat, que j’appelle de mes vœux et qui a été de nombreuses fois reporté, que nous tracerons, je l’espère, un avenir radieux et pérenne pour l’audiovisuel public. C’est pourquoi, à titre personnel, je voterai contre la motion de rejet. (M. le rapporteur applaudit.)

    M. Jérémie Patrier-Leitus, rapporteur

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

    Mme Soumya Bourouaha (GDR)

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    Ce projet de holding n’a rien d’une modernisation ; il s’agit d’une recentralisation autoritaire, imposée sans écouter celles et ceux qui font vivre le service public. Il concentre les pouvoirs, fragilise les rédactions, uniformise les contenus et affaiblit les garanties d’indépendance éditoriale. En pleine crise démocratique, alors que la confiance dans les médias vacille, vous proposez de concentrer le pouvoir entre les mains d’une direction unique. C’est une faute politique.
    La colère monte, et elle est forte. Les salariés de France Télévisions, de Radio France, de l’INA et de France Médias Monde sont en grève et manifestent actuellement devant notre assemblée. Leur mobilisation est digne, massive, légitime. Ils défendent bien plus que leurs conditions de travail ; ils se battent pour un service public au service de toutes et de tous, un pilier de notre démocratie, un espace de pluralisme et de création. Ils nous alertent sur les suppressions de postes, sur les mobilités forcées, sur la mise en concurrence généralisée, sur la perte de sens ; et vous, vous refusez de les entendre.
    Ce texte ne relève aucun des véritables défis rencontrés par le secteur : il ne tient compte ni du besoin de reconquête de la jeunesse, ni de la concurrence des plateformes, ni de la nécessité de s’adapter aux évolutions technologiques. Il ne prévoit rien pour garantir la liberté de ton, pour renforcer l’ancrage territorial ou pour élargir l’accès à la culture et à l’information. Vous organisez la casse d’un modèle public qu’il faudrait au contraire conforter. Ce que vous préparez, c’est une mise au pas ; ce que nous défendons, c’est l’émancipation.
    Nous plaidons pour une autre vision : celle d’un audiovisuel public fort, pluraliste, financé de manière juste et pérenne, à l’abri des coups de menton politique et des logiques de rentabilité. (Mme Danielle Simonnet applaudit.) Par solidarité avec les salariés, nous voterons pour la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS. –⁠ Mme la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation applaudit également.)

    M. le président

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    Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        132
            Nombre de suffrages exprimés                132
            Majorité absolue                        67
                    Pour l’adoption                94
                    Contre                38

    (La motion de rejet préalable est adoptée.)
    (Les députés des groupes LFI-NFP, EcoS, SOC et GDR se lèvent pour applaudir.)

    M. le président

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    En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

    3. Clôture de la session ordinaire

    M. le président

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    En application de l’article 28 de la Constitution, je constate la clôture de la session ordinaire.
    Je rappelle qu’au cours de la première séance du jeudi 12 juin 2025, il a été donné connaissance à l’Assemblée du décret du président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire le mardi 1er juillet.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, demain, à quinze heures :
    Ouverture de la session extraordinaire ;
    Questions au Gouvernement ;
    Votes solennels sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte et sur le projet de loi organique relatif au département-région de Mayotte ;
    Discussion de la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-sept heures vingt.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra