XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Séance du mercredi 09 octobre 2024

Sommaire détaillé
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Séance du mercredi 09 octobre 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quatorze heures.)

    1. Questions au Gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Précarité des seniors

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élise Leboucher.

    Mme Élise Leboucher

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    Monsieur le Premier ministre, qui a dit : « Chez moi il fait froid, mais avec le prix du chauffage, je mets deux gros pulls et ça va. Je préfère manger que me chauffer » ? Non, ce n’est pas Bruno Le Maire et ses cols roulés en cachemire,…

    M. Erwan Balanant

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    C’est très bien, les cols roulés !

    Mme Élise Leboucher

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    …mais Jeanne, dans la Sarthe, retraitée de chez Moulinex où elle a fait la totalité de sa carrière.
    Même discours chez nombre de retraités à qui vous prévoyez de faire les poches en imposant, on le sait déjà, le budget le plus violent de l’histoire de la Ve République. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Monsieur le Premier ministre, je vous suspecte d’avoir été trop attentif aux propositions de M. Attal, dont le ministre de l’économie prévoyait déjà une sous-indexation des retraites dans le secret des couloirs de Bercy.

    M. Hadrien Clouet

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    C’est honteux !

    Mme Élise Leboucher

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    Souffrez donc que nous vous disions ce que nous en pensons. Refuser d’indexer les retraites sur l’inflation durant les mois d’hiver est ignoble. (Mêmes mouvements.) Plutôt que de rétablir une dose de justice fiscale, vous faites le choix de matraquer une catégorie de la population qui n’a fait que s’appauvrir ces cinq dernières années.
    Ce n’est pas une découverte : la précarité des seniors s’accentue à mesure que les services publics reculent. Qui assure les services auprès des personnes âgées ? Les services à l’autonomie ? Les Ehpad publics ? Le portage des repas ? L’accompagnement administratif ? Ce sont les collectivités locales, précisément celles que vous voulez mettre au régime alors qu’elles sont déjà à l’os. (Mêmes mouvements.)

    M. Andy Kerbrat

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    Eh oui !

    Mme Élise Leboucher

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    Mes chers collègues, vous êtes des élus de territoire, vous connaissez la détresse de nos anciens, vous savez où nous conduisent ces politiques, alors n’en soyez pas les complices !
    Personne ne devrait se sentir suffisamment légitime pour toucher à l’indexation des retraites, encore moins un Premier ministre issu d’un parti qui, depuis quinze ans, a perdu toutes les élections dans ce pays !
    Monsieur le Premier ministre, le peuple français, souverain, n’a pas voulu de vous. Alors, au nom de quoi lui imposez-vous des mesures aussi dégradantes pour la République et la dignité ? (Les députés du groupe LFI-NFP et quelques députés du groupe EcoS se lèvent et applaudissent.)

    M. Hadrien Clouet

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    Même l’inflation fait plus que vous aux élections !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi.

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi

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    Le Gouvernement a effectivement décidé de retarder de six mois la revalorisation des pensions de retraite, hors minima sociaux, pour qu’elle soit effective en juillet 2025, et non plus en janvier.

    M. Nicolas Sansu

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    Et M. Attal est d’accord !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    Le principe de l’indexation des retraites sur l’inflation est donc sauvegardé. Seule la date est décalée (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) pour prendre en considération le contexte exceptionnel des finances publiques et de l’évolution positive des prix. Ce mécanisme de décalage est d’ailleurs similaire à celui qui a été mis en œuvre en 2014.
    Le Gouvernement vise à prendre en considération l’évolution favorable de l’inflation au cours des derniers mois, afin de demander aux retraités dont le pouvoir d’achat a été préservé une contribution à l’effort collectif. (Mêmes mouvements.) Les pensions ont été revalorisées de 5,3 % en janvier, compte tenu du très fort niveau d’inflation en janvier 2023. Entre-temps, celle-ci a diminué…

    M. Jean-François Coulomme

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    Non, l’augmentation a ralenti !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …au-delà des anticipations des économistes, tombant à un rythme annuel de 1,2 %. Par ailleurs, le Gouvernement a tenu à préserver les retraités les plus modestes : les minima sociaux, qui ne sont pas concernés, seront donc revalorisés.
    En complément des 600 000 personnes qui avaient bénéficié d’une revalorisation de leur pension en septembre 2023, les petites retraites d’environ 850 000 personnes ont également été revalorisées au 1er octobre, conformément aux engagements pris lors de la dernière réforme défendue par Élisabeth Borne et Olivier Dussopt.
    Nous comprenons parfaitement que ce décalage puisse être une source d’inquiétude (Mêmes mouvements), mais comme l’a dit le Premier ministre, il s’agit d’un effort général. Nous restons ouverts aux discussions avec les parlementaires.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Élise Leboucher.

    Mme Élise Leboucher

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    On compte aujourd’hui 2 millions de seniors vivant sous le seuil de pauvreté. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Une grande majorité d’entre eux sont des femmes, dont les pensions de retraite sont de 40 % moins élevées que celles des hommes. Vos mesures vont jeter ces 2 millions de personnes dans une précarité encore plus grande ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent.)

    Situation à la Martinique

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Bellay.

    Mme Béatrice Bellay

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    Monsieur le ministre des outre-mer, dans nos pays des océans règnent pauvreté, chômage de masse, empoisonnement environnemental, importations alimentaires par tonnes incommensurables, non-recours au droit, difficultés d’accès aux soins –⁠ et j’en passe. Quelle vie nous menons ! Vous le voyez, elle n’a rien à voir avec les bienfaits de la colonisation vantés par votre collègue ministre de l’intérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
    Comme l’a précisé mon collègue Jiovanny William, les citoyens ont décidé de se mobiliser afin d’obtenir de la grande distribution une baisse immédiate des prix alimentaires, car ils sont las de payer un pack de bouteilles d’eau plus de 10 euros, las de devoir se priver d’une alimentation saine et équilibrée, las de subir cette captivité commerciale et institutionnelle.
    Si depuis le mois d’août les mobilisations ont été plutôt pacifiques, certaines nuits ont été émaillées de détériorations graves de l’espace public, de pillages de magasins –⁠ notamment dans le quartier Sainte-Thérèse de Fort-de-France, qui paie le plus lourd tribut à cette colère populaire.
    Des négociations ont été entamées, mais votre représentant à la table, le préfet, n’a rien pu dire. Rien, si ce n’est qu’il chercherait des réponses auprès de vous, monsieur le ministre. Peu de temps après, nous avons vu arriver des centaines de gendarmes ainsi que la compagnie républicaine de sécurité no 8 –⁠ la CRS 8, connue pour sa réputation délétère. Est-ce là votre seule réponse à la colère sociale, sourde et bruyante de la Martinique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
    Pire, face à la dégradation de toutes les sécurités, vous avez fait le choix de présenter un budget d’austérité, qui prévoit, d’après ce que nous en avons lu, la réduction de 275 millions d’euros dans la mission Outre-mer du projet de loi de finances.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est faux !

    Mme Béatrice Bellay

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    Alors que les ultramarins réclament l’engagement de l’État pour assurer le blocage des prix, la continuité territoriale, l’accès aux soins, le développement économique, l’emploi et l’augmentation des salaires, vous rabotez encore et toujours sur ceux qui n’ont déjà rien.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est faux !

    Mme Béatrice Bellay

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    Monsieur le ministre, quand prendrez-vous conscience qu’il faut adopter une vision décoloniale de nos territoires et de leurs habitants ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NFP.) Quand mettrez-vous en place des mesures d’égalité réelle ? Quelles sont vos réponses aux questions que votre propre préfet… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. –⁠ Les députés des groupes SOC et LFI-NFP se lèvent et applaudissent. –⁠ Les députés des groupes GDR et EcoS applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre des outre-mer.

    M. François-Noël Buffet, ministre des outre-mer

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    Dans cette période difficile que traverse la Martinique, et plus généralement les outre-mer, la mesure du propos me paraît essentielle. La façon dont vous avez terminé votre intervention, je ne la partage pas –⁠ ni sur le fond ni sur la forme. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)

    M. Jérôme Guedj

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    On n’est pas à l’école !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Certes, les choses sont provisoirement rentrées dans l’ordre, mais je reste convaincu qu’au vu des événements en Martinique, il faut d’abord appeler à ce que le calme se maintienne. Je remercie M. le ministre de l’intérieur, qui a permis la présence des forces de l’ordre sur le territoire, alors que des tirs d’armes à feu ont encore eu lieu l’avant-dernière nuit.
    Le préfet est au travail et l’État est mobilisé pour apporter une réponse…

    Mme Clémence Guetté

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    C’est n’importe quoi !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    …à la situation ponctuelle de la Martinique.

    M. Louis Boyard

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    Ponctuelle !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Pourriez-vous avoir la courtoisie de me laisser répondre ?
    Le Gouvernement est mobilisé pour répondre rapidement à la situation. Nous savons qu’une importante réunion est prévue jeudi en Martinique ; elle réunira autour du préfet un grand nombre de participants. Nous savons aussi que la problématique de fond est parfaitement identifiée et qu’elle est multifactorielle. Il faudra par la suite s’engager dans un travail beaucoup plus approfondi de réforme. C’est l’une des missions que j’assumerai dans les jours prochains.
    Seuls la mesure et le travail en concertation permettront d’aboutir à une solution durable pour les Antilles, si ce n’est pour l’ensemble des outre-mer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    M. Louis Boyard

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    C’est honteux !

    Violence des jeunes

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Alexandra Martin.

    Mme Alexandra Martin

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    Monsieur le ministre de la justice, la recrudescence des actes de délinquance commis par des mineurs de plus en plus jeunes et violents constitue aujourd’hui une menace, non seulement pour la sécurité publique, mais aussi pour l’avenir de nos jeunes. Elle traduit un véritable effondrement de l’autorité. La loi du clan prend le dessus sur la loi de la France.
    À Marseille, nous avons appris avec stupeur l’interpellation de ce jeune garçon de 14 ans après qu’il a froidement abattu un chauffeur de VTC, véhicule de transport avec chauffeur. Que risque ce criminel ? À 14 ans, l’excuse de minorité ne pourra pas être levée et sa peine sera atténuée comme le prévoit l’article 122-8 du code pénal.
    Dans ce cas, comme malheureusement dans de nombreux autres, nous ne pouvons que déplorer un décalage entre le code de la justice pénale des mineurs et cette violence, voire cette ultraviolence, des jeunes.
    Dès 2022, j’ai déposé plusieurs propositions de loi –⁠ dont encore une récemment – envisageant des évolutions pénales concrètes pour lutter efficacement contre cette nouvelle délinquance. J’ai notamment proposé qu’à partir de 13 ans, le bénéfice de réduction de peine, la fameuse excuse de minorité, ne soit plus automatique, mais devienne l’exception, soumise à la décision motivée du magistrat.

    M. Erwan Balanant

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    Mais non !

    Mme Alexandra Martin

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    J’ai également suggéré le renforcement de la responsabilité pénale des parents ou le développement de centres éducatifs fermés appropriés. Or ces propositions, pourtant urgentes et soutenues par de nombreux élus et citoyens, ont été systématiquement balayées et moquées par les gouvernements précédents.
    Le Premier ministre et le ministre de l’intérieur ont récemment exprimé leur volonté de faire de la lutte contre cette forme de délinquance une priorité. Monsieur le ministre, comment comptez-vous garantir la mise en œuvre des réformes nécessaires pour restaurer l’autorité et la sécurité de nos concitoyens, mais aussi pour trouver des solutions pour encadrer ces jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

    Mme Maud Bregeon, ministre déléguée auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

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    Le Gouvernement partage votre colère face à ce que vit votre ville, et ce depuis trop longtemps. Vous avez raison : nous devons être lucides sur la situation. Cela exige d’abord de nommer les choses : on assiste à une hausse du nombre d’actes de violence, une violence inacceptable et commise par des jeunes toujours plus jeunes. Nous le constatons depuis plusieurs années et il faut y apporter des réponses en faisant évoluer notre arsenal législatif.
    Le Premier ministre, avec le garde des sceaux, a souhaité que l’excuse de minorité soit réexaminée…

    Mme Andrée Taurinya

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    Scandaleux !

    Mme Maud Bregeon, ministre déléguée

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    …afin de l’atténuer et de répondre plus efficacement et fermement à la violence des mineurs, laquelle empêche la vie dans nombre de quartiers, non seulement à Marseille, mais aussi dans bon nombre de circonscriptions de France. (Mme Justine Gruet applaudit.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il faut des éducateurs ! Des moyens pour l’éducation !

    Crise agricole

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Benoît Biteau.

    M. Benoît Biteau

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    Madame la ministre de l’agriculture, au début de l’année, la détresse des agriculteurs a ému l’ensemble des Français. La mobilisation à laquelle nous avons assisté était motivée par une sévère crise du revenu, que les mesurettes prises par le gouvernement précédent n’ont pas réglée.
    Ce qui menace désormais la productivité de l’agriculture, la souveraineté alimentaire et le revenu des agriculteurs,…

    M. Nicolas Meizonnet

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    C’est vous !

    M. Benoît Biteau

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    …c’est le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    M. Jordan Guitton

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    C’est faux !

    M. Benoît Biteau

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    La crise est structurelle et exige une réorientation profonde des politiques publiques afin de soutenir la bifurcation des pratiques vers des modèles plus résilients. Les agriculteurs méritent mieux que des mesures qui ne sont qu’un pansement sur une jambe de bois ! (Mêmes mouvements.)
    Les épisodes météorologiques et sanitaires de cet été confirment cette analyse.

    M. Nicolas Meizonnet

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    Vous détestez les agriculteurs !

    M. Benoît Biteau

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    Ils plongent les agriculteurs dans une crise encore plus profonde et renforcent le caractère d’urgence des mesures à prendre avec audace et courage.
    Quand mobiliserez-vous la réserve de crise agricole de l’Union européenne, outil de solidarité mutuelle des agriculteurs, pour indemniser non seulement les pertes liées à la fièvre catarrhale, à la maladie hémorragique, aux salmonelloses, à la grippe aviaire et à l’ensemble des souches pathogènes, mais aussi les pertes de revenus induites par des phénomènes annexes tels que la stérilité ou l’avortement, comme le réclamaient la semaine dernière les éleveurs au sommet de l’élevage de Cournon ?
    En pleine réflexion sur la politique agricole commune (PAC), allez-vous enfin réinventer les modalités de soutien à l’agriculture pour être au rendez-vous de l’histoire en matière de climat et de biodiversité, mais aussi pour que les deniers publics rémunèrent les pratiques vertueuses et sécurisent des revenus agricoles devenus trop aléatoires dans cette économie mondialisée ?
    Sans ces décisions fondamentales et urgentes, l’agriculture, la souveraineté alimentaire, les paysans et leurs revenus seront les premières et principales victimes de la dette environnementale évoquée par M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

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    Votre question embrasse un grand nombre de sujets. Vous avez évoqué tous les maux qui fondent en ce moment sur le monde agricole et sur les agriculteurs ; vous avez évoqué la crise de revenu, qui a provoqué des manifestations et des mobilisations il y a un an. Vous avez évoqué la nécessité de travailler à une meilleure souveraineté alimentaire –⁠ c’est fondamental.

    M. Jean-François Coulomme

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    Exactement !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Vous avez évoqué la crise climatique, la crise sanitaire… bref, tous les sujets que je suis amenée à traiter dans l’urgence au ministère, avec l’aide de l’ensemble de ses fonctionnaires et des membres de mon cabinet. Nous sommes pleinement mobilisés !
    Permettez-moi de revenir sur quelques points. D’abord, il faut apporter des réponses, car le monde agricole traverse une véritable crise, celle de la perte de sens qui naît lorsque les agriculteurs ne se sentent pas soutenus par la nation, lorsqu’ils sont accusés de tous les maux et lorsque les problèmes auxquels ils sont confrontés ne sont pas réglés. Prenons l’exemple de la crise sanitaire : elle est majeure, elle est profonde, elle est grave ; elle touche tout notre territoire national et prend diverses formes, celle de la fièvre catarrhale ovine de sérotype 8 (FCO 8), celle de la FCO 3 ou celle de la maladie hémorragique épizootique (MHE) –⁠ mais vous savez tout cela par cœur.
    Lors du sommet de l’élevage qui s’est tenu à Cournon, le Premier ministre a annoncé un plan d’action et de soutien massif à la filière ovine, qui est probablement, de toutes les filières d’élevage, celle qui souffre le plus. Ce plan comprend un fonds d’urgence de 75 millions d’euros, l’extension de la vaccination gratuite et volontaire pour l’ensemble des filières ovine et bovine contre la FCO 3, ainsi que la mobilisation du fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) pour aider les éleveurs confrontés à la FCO 10 et à la MHE.
    Nous faisons toutefois face à un véritable problème de sécurité et de souveraineté sanitaire, car nous ne disposons pas de suffisamment de vaccins. Je veux toutefois vous assurer de la pleine mobilisation de mon ministère sur ces sujets. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.)

    Contrat de présence postale territoriale

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Croizier.

    M. Laurent Croizier

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    La Poste occupe une place à part dans le cœur des Français.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est vrai !

    M. Laurent Croizier

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    Si La Poste bénéficie d’un fort capital de sympathie, c’est que nos concitoyens sont attachés à ses missions de service public : elle incarne un service de proximité, utile au quotidien, au travers des missions que l’État lui a confiées. Le groupe Les Démocrates est attaché à l’égalité d’accès aux services publics ; il est attaché à leur présence, au plus près de nos concitoyens, particulièrement dans les territoires ruraux. J’y veille moi-même –⁠ je le faisais encore lundi à Quingey – et chacun y veille dans sa circonscription.
    Nous avons exprimé, comme de nombreux élus locaux, notre très vive inquiétude à l’annonce d’un possible gel de 50 millions d’euros initialement alloués au contrat de présence territoriale de La Poste. Lorsque l’un de nos villages perd un service public, lorsqu’il perd son bureau de poste, lorsqu’il perd son école, on porte atteinte à sa vitalité, on crée des inégalités territoriales.

    M. Sylvain Maillard

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    Il a raison !

    M. Laurent Croizier

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    Monsieur le Premier ministre, le groupe Les Démocrates partage avec vous l’impératif de maîtrise des dépenses publiques et de réduction du déficit. La responsabilité budgétaire ne peut toutefois s’opérer aux dépens du maintien des services publics dans les territoires ruraux. Vous avez annoncé vendredi dans le journal Le Monde que cette piste ne serait finalement pas suivie et que le contrat de présence territoriale serait préservé : pouvez-vous, devant la représentation nationale, confirmer cet engagement ?
    Le maintien du budget initial ne règle cependant pas une question plus structurelle. La Poste fait face depuis plusieurs années à l’évolution des usages et à une concurrence accrue : la baisse continue du volume de courrier réduit de fait sa rentabilité, l’obligeant à s’adapter et à trouver de nouvelles activités. Comment l’État compte-t-il accompagner ce groupe dans cette évolution, en gardant toujours à l’esprit l’objectif d’un niveau suffisant de présence territoriale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

    M. Sylvain Maillard

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    Et de La Poste !

    M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

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    Merci pour votre interpellation, qui me permet d’apporter à la représentation nationale une clarification. Ma réponse sera très directe : le projet de budget que nous vous présenterons ne changera pas une virgule au montant que l’État verse à La Poste pour sa mission de distribution du courrier et de service universel postal. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)
    C’est un choix qui nous semble tout à fait légitime, car La Poste assume une mission de service public essentielle, qui permet à plus de 97 % des habitants de trouver un point de contact avec La Poste à moins de 5 kilomètres de chez eux et contribue à l’ensemble des services publics de proximité, auquel je vous sais très attaché, ainsi que votre groupe. C’est pourquoi je veux redire ici que le Gouvernement ne sera pas à l’origine d’une réduction de l’accès à ces services publics de proximité et certainement pas aux services que vous avez mentionnés.
    Le Premier ministre lui-même a déjà eu l’occasion de rappeler son attachement aux maisons France Services, développées ces dernières années par les ministres de la fonction publique et des territoires. Il y va de la cohésion nationale.
    Je sais enfin votre attachement, monsieur le député, aux services publics, et l’attachement des Français aux 17 000 points de présence postale. En tant qu’élu d’un territoire rural et montagnard, j’y suis moi-même viscéralement attaché : vous pouvez donc compter à la fois sur l’engagement du Gouvernement et sur mon engagement personnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et EPR.)

    Statut de la Corse

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Le 11 mars dernier a été signé Place Beauvau un accord relatif à un projet d’écriture constitutionnelle, dessinant l’armature d’un statut d’autonomie pour la Corse. La dissolution a suspendu la transmission du projet à l’Assemblée nationale et au Sénat, ainsi que l’organisation du Congrès prévu à la fin de l’année.
    Conformément au vœu exprimé encore récemment par l’Assemblée de Corse, il conviendrait que le Président de la République, sur proposition du Premier ministre, saisisse le Parlement du projet de révision constitutionnelle, sur le fondement des écritures du 11 mars. En toute hypothèse, madame la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation de France, il est de votre compétence de renouer le dialogue pour apporter de réelles solutions à la question corse.
    Je vous demande donc selon quel calendrier et selon quelles procédures vous comptez donner suite au projet de réforme, comme je voudrais demander respectueusement au Président de la République d’appliquer l’article 89 de la Constitution. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation

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    Vous m’interrogez sur la poursuite du processus dit de Beauvau et je tiens à rappeler que le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a affirmé sa volonté de poursuivre les échanges et de prolonger les discussions qui ont déjà eu lieu au sujet de ce processus.
    Comme vous le savez, c’est la commission des lois du Sénat, présidée jusqu’à récemment par mon collègue François-Noël Buffet, qui travaille sur les écritures constitutionnelles. Il est prévu que son rapport nous parvienne dès la fin du mois d’octobre et ses travaux seront, sitôt leur parution, transmis à la commission des lois de l’Assemblée nationale, dans l’objectif de poursuivre les échanges sur leur base initiale, avec les forces politiques et les forces vives de l’île.
    Je vous assure de la disponibilité du Gouvernement et de la mienne. La méthode à laquelle vous faisiez allusion prévoit, après ce travail préparatoire, de rédiger le projet de loi constitutionnelle, de le transmettre au Conseil d’État puis de programmer sa discussion devant le Parlement en 2025. Selon ce calendrier, le Congrès pourrait être réuni avant la fin de l’année 2025.
    Par ailleurs, je vous rappelle la volonté du Gouvernement et de ses ministres de se tenir aux côtés des élus locaux, pour répondre à différentes attentes. Ainsi, je recevrai dès demain le président de l’exécutif corse, et mardi prochain les parlementaires de l’île. Enfin, je me rendrai en Corse avant la fin du mois d’octobre.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Merci pour votre réponse. Permettez-moi de souligner que la question corse est particulière et qu’elle est grave. Sans la réforme que j’ai évoquée, on ne parviendra pas à l’assainissement d’une situation qui nous a portés aux désastres que sont l’acculturation, la spéculation galopante, les problèmes sociaux et la précarité. En Corse, nous sommes en train de tout perdre : notre terre, notre langue et même notre âme ! (M. Inaki Echaniz applaudit.)
    Je pense que la République sortirait grandie si elle prenait enfin en compte la question corse dans sa dimension humaine et dans sa profondeur historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    Très concrètement, le Gouvernement, conscient de l’importance de la Corse et de l’importance de l’autonomie de la Corse dans la République, entend bien continuer le dialogue.

    Difficultés de la filière viticole

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Portarrieu.

    M. Jean-François Portarrieu

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    Madame la ministre de l’agriculture, les vendanges sont terminées dans les vignobles français, mais elles n’ont pas rassuré le secteur viticole. Les difficultés s’accumulent depuis plusieurs années pour les vignerons : les aléas climatiques s’enchaînent et aux vagues de mildiou, de gel tardif et de grêle, s’ajoute désormais le problème de l’irrigation.
    La faiblesse des récoltes fait planer de grandes incertitudes sur la trésorerie de nombreuses exploitations. Un étalement des encours bancaires semble constituer une première mesure d’urgence pour une filière qui emploie 440 000 personnes et génère 6,5 milliards d’euros de recettes fiscales. Il faut y associer l’indispensable évolution du système d’assurance, actuellement basé sur la moyenne olympique : il est évident que cet indicateur ne correspond plus à la réalité de récoltes bouleversées par le réchauffement climatique. Quant au plan d’arrachage, il doit être bien calibré et appréhendé terroir par terroir, afin de tenir compte de la diversité de nos vignobles.
    Bien que la situation soit vraiment préoccupante pour la filière, la grande majorité des vignerons ne se résigne pas pour autant. Heureusement, puisque leur passion de la vigne et du vin contribue à notre économie à hauteur de 92 milliards d’euros. Leur engagement pèse encore près de 16 milliards d’euros sur la balance commerciale, malgré de nombreux freins à l’export, comme les menaces de surtaxe.
    Nos vignerons ont donc besoin d’être encouragés et de bénéficier d’un meilleur accompagnement. Malgré la lourdeur des normes, leur activité vitalise notre ruralité, valorise nos paysages, enrichit nos destinations touristiques, dynamise l’économie et forge l’identité de nos régions. C’est pourquoi, madame la ministre, avec tous les élus de l’Association nationale des élus de la vigne et du vin (Anev), je souhaite connaître vos orientations et, surtout, les mesures concrètes et durables que vous comptez prendre pour soutenir nos vignerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

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    Vous évoquez les difficultés de la filière viticole : elles sont à la fois conjoncturelles –⁠ le changement climatique ou les mesures prises par la Chine contre la filière des cognacs et brandys – et structurelles, vous le savez. En effet, la filière souffre depuis des années de nombreux maux, en dépit de toutes les mesures prises pour y remédier.
    Ses positionnements de marché n’ont pas toujours été optimaux, ce qui fait que certains produits n’ont pas trouvé leurs débouchés. Ensuite, elle est confrontée à un phénomène sociétal de déconsommation –⁠ de vin rouge notamment – qui l’oblige à repenser sa stratégie. Les difficultés du système coopératif pèsent, elles aussi, lourdement sur la filière viticole.
    J’ai reçu il y a quelques jours les représentants de la filière, dans toute la diversité de ses produits et métiers. Ceux-ci m’ont fait part des inquiétudes dont vous vous faites l’écho aujourd’hui.
    Je tiens à vous dire que le plan d’arrachage définitif, qui n’est pas une proposition de l’État, mais de la filière elle-même, vient d’être validé par Bruxelles, ce qui est une bonne nouvelle. Et nous allons remonter au créneau, s’agissant du plan d’arrachage temporaire. Par ailleurs, nous allons créer des prêts bonifiés pour faire face au remboursement du prêt garanti par l’État (PGE), et certainement des prêts garantis pour pallier les problèmes de trésorerie.
    Il ne faudra pas s’en tenir à l’arrachage, qui est tout de même une forme d’échec, mais penser l’avenir. Or penser l’avenir, c’est prêter attention aux propositions de la filière, notamment au plan de consolidation. J’y suis particulièrement attentive et je travaillerai vigoureusement à ses côtés.

    Situation à la Martinique

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Marcellin Nadeau.

    M. Marcellin Nadeau

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    Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. « Qui veut du pain aura du plomb au nom de la loi, au nom de la force, au nom de la France, au nom de la force de la loi qui vient de France. » Ces mots ne sont pas les miens. Ils sont extraits d’un discours prononcé par feu Georges Gratiant, maire communiste de la ville du Lamentin, à la Martinique, lors des funérailles d’une jeune ouvrière et de deux jeunes ouvriers tombés sous les balles des forces de police et de gendarmerie le 24 mars 1961, « des hommes, des femmes, qui ont commis la faute de ne pas être contents d’avoir été si longtemps trompés, abusés, exploités ».
    Ces mots, j’ai tenu à les prononcer ici pour montrer ou démontrer, s’il en était besoin, la persistance des éléments de colonialité dans les relations entre la France dite métropolitaine et ce que l’on appelle les outre-mer. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et SOC.) Aujourd’hui encore, la seule réponse du Gouvernement aux revendications légitimes des Martiniquaises et des Martiniquais, c’est la répression, c’est l’envoi de la compagnie républicaine de sécurité no 8 –⁠ la CRS 8, sans considération, d’ailleurs, pour les traces indélébiles laissées par les CRS dans notre mémoire collective. (Mêmes mouvements.)
    Et pourtant, le 20 septembre 2024, vous avez été destinataire d’un courrier du groupe GDR vous demandant notamment que l’État consente enfin à jouer son rôle face aux positions oligopolistiques des groupes de la grande distribution, qui font les prix dans nos pays. Compte tenu de la gravité de la situation et de l’urgence qu’il y a à trouver une solution au problème de la vie chère, le choix d’attendre le premier trimestre 2025 pour réunir le comité interministériel des outre-mer (Ciom) nous paraît surréaliste. Et les quatre députés de Martinique attendent de vous une réponse rapide à leur demande d’audience.
    À quand donc les réponses concrètes que nous sommes en droit d’attendre pour que, face à nos revendications légitimes, l’État n’ait pas, une fois de plus, la tentation du plomb et de la répression comme seule réponse ? À quand le départ de la Martinique de la compagnie républicaine de sécurité no 8, réclamé par de nombreux élus de notre pays ? La fameuse CRS 8, qui a encore sévi lundi dernier contre des manifestants pacifiques… (Les députés du groupe GDR se lèvent pour applaudir. –⁠ Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre des outre-mer.

    M. François-Noël Buffet, ministre des outre-mer

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    Si je comprends votre question sur le principe, je n’en partage pas le contenu, pas plus que les convictions que vous venez d’exprimer devant la représentation nationale.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce n’est pas ce qu’on vous demande ! Répondez plutôt à la question qu’on vous a posée !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    La République française est partout et travaille pour l’ensemble de ses compatriotes, sans exception aucune. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    M. Thibault Bazin

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    Très bien ! La République est une et indivisible !

    M. Marcellin Nadeau

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    Je vous ai interrogé au sujet des oligopoles !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Je rappelle que la police et les forces de l’ordre présentes en Martinique ont essuyé des tirs d’armes à feu et que plus d’une trentaine de gendarmes et de policiers ont été blessés. Force doit rester à la loi : c’est un principe qui s’applique dans tous les territoires de la République, sans exception.
    S’agissant du problème de fond que vous soulevez, celui de la vie chère, vous avez raison de dire qu’il faut l’examiner dans le détail. Mais je répète que, pour obtenir une baisse des prix dans le territoire antillais, il convient d’agir à plusieurs niveaux, et pas seulement sur le point précis que vous soulevez. L’État est, depuis longtemps, très engagé sur ces questions. Le bouclier qualité prix (BQP) fonctionne et nous instaurerons des contrôles pour veiller au respect des règles.
    Il importe de mobiliser l’ensemble des forces locales, y compris économiques. La réponse, je l’ai déjà dit, ne peut venir que d’un travail collectif. Celui que le préfet engagera demain avec l’ensemble des élus du territoire apportera déjà certaines réponses mais, sur le fond, je vous promets que nous examinerons l’ensemble de la situation de manière structurelle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    M. Thibault Bazin

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    Très bien !

    Fiscalité des entreprises

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Matthieu Bloch.

    M. Matthieu Bloch

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    Monsieur le Premier ministre, alors que nous sommes déjà les champions du monde des impôts et des charges, nous sommes devenus « en même temps » les bonnets d’âne européens des déficits budgétaires. Voilà le résultat de la politique du Mozart de la finance ! Face à cette situation gravissime, vous avez franchi la ligne rouge de l’augmentation des impôts, que votre propre parti avait pourtant fixée cet été.
    En annonçant une hausse de la fiscalité de 25 milliards d’euros, dont 8 sur les grandes entreprises, vous mettez en danger notre économie. Réduire les allégements de charges de 4 à 5 milliards va également augmenter le coût du travail. Les salariés et les ouvriers de nombreuses entreprises vont sûrement en pâtir.
    Monsieur le Premier ministre, les périodes où notre déficit public a été inférieur à 3 % du PIB correspondent aux périodes de croissance. C’est la croissance qui permet d’augmenter les bénéfices, les salaires et la consommation, donc les recettes fiscales. Alors que nous étions devenus le premier pays européen d’accueil des investisseurs étrangers,…

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Grâce à Emmanuel Macron !

    M. Matthieu Bloch

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    …le signal que vous envoyez est catastrophique. Le risque pour l’emploi, comme en 2012, n’est pas négligeable.
    Dans ma circonscription, les employés de l’usine Stellantis de Sochaux-Montbéliard regardent ce projet avec beaucoup d’inquiétude. Ils savent qu’une hausse de la fiscalité de leur entreprise ne sera pas sans conséquences sur la politique du groupe, détenu majoritairement par des actionnaires étrangers. Ils savent que cela ne sera pas non plus sans conséquences sur l’investissement et les salaires. Le site de Sochaux, notamment sa branche recherche et développement, basée à Belchamp, doit faire face à une concurrence acharnée au sein même d’un groupe désormais mondialisé.
    Ne craignez-vous pas, monsieur le Premier ministre, qu’une hausse de la fiscalité du côté français ne mette en danger le fragile équilibre qui maintient certains sites de production ou de recherche et développement dans notre territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics

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    Il est effectivement essentiel de redresser nos comptes publics : je crois que tout le monde s’accorde là-dessus.

    M. Éric Ciotti

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    C’est à cause de vous !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Il importe toutefois de rappeler que si nos comptes publics sont déficitaires, c’est parce que l’État français a protégé sa population, ses entreprises et ses territoires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Sylvain Maillard

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    Absolument !

    M. Éric Ciotti

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    C’est une fable !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je remarque d’ailleurs que nombre des députés de votre groupe avaient voté des deux mains le « quoi qu’il en coûte », ainsi que le plan de relance –⁠ et ce, à juste titre.
    C’est vrai, notre pays fait maintenant face à un déficit important, qu’il faut considérer avec gravité et lucidité. La décision de ce gouvernement est d’y répondre d’abord par une baisse de la dépense publique, réponse naturelle à la hausse de la dépense que nous avons connue au cours des dernières années. Vous avez raison : nous devons faire preuve d’une vigilance absolue, s’agissant du maintien de la politique de l’offre, c’est-à-dire de la croissance, donc de la capacité de nos entreprises à investir et à embaucher.
    Faut-il pour autant, monsieur le député, s’interdire un débat sur la fiscalité dans notre pays ? Je ne le crois pas. Faut-il pour autant s’interdire d’introduire plus de justice fiscale, sociale et écologique dans notre pays ? Je ne le crois pas. Le projet de loi de finances pour 2025, qui sera présenté demain, contiendra effectivement des propositions de contributions exceptionnelles, ciblées et temporaires, pour deux catégories de contribuables : d’une part, les entreprises de ce pays les plus grandes et les plus profitables,…

    M. Gérault Verny

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    Ce n’est pas vrai : les PME aussi !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …d’autre part, les ménages les plus fortunés –⁠ j’ai déjà eu l’occasion de préciser que cela ne concernera que 0,3 % de nos ménages, représentés par les couples percevant un revenu de 500 000 euros.
    Vous comprendrez donc, monsieur le député, que la contribution exceptionnelle, temporaire et ciblée peut contribuer à l’effort de redressement des finances publiques, tout en préservant notre capacité de production et l’attractivité de nos entreprises.

    Crise agricole

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Delannoy.

    Mme Sandra Delannoy

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    Madame la ministre de l’agriculture, permettez-moi d’appeler votre attention sur les souffrances du monde agricole : mauvaises récoltes, viticulteurs en difficulté, réduction de la collecte de lait par Lactalis, fièvre catarrhale... Force est de constater que cette liste, non exhaustive, ne tinte à vos oreilles que comme un bruit de fond, alors qu’elle devrait y résonner comme un signal d’alarme.
    Non seulement vous restez sourds à la détresse des agriculteurs mais, pire, tels des fossoyeurs du secteur, vous continuez à négocier à Bruxelles le traité du Mercosur –⁠ le Marché commun du Sud –, dont vous avez refusé de discuter à l’Assemblée nationale le 31 octobre prochain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Voilà la considération que vous avez pour ceux qui nourrissent les Français !

    M. Jean-Yves Bony

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    N’importe quoi !

    M. Jean-François Coulomme

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    Vos députés européens ont voté pour !

    Mme Sandra Delannoy

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    Visiblement, vous n’avez tiré aucune leçon de la crise agricole du début d’année.
    Revenons à la fièvre catarrhale. Cette maladie touche durement le Nord, provoquant de véritables hécatombes. J’ai une pensée particulière pour les agriculteurs de l’Avesnois, notamment pour ceux de Damousies, qui m’ont montré les ravages provoqués par la maladie. Les éleveurs comptent de nombreux cadavres, dont il faut financer l’équarrissage. Il n’est pas nécessaire d’être mathématicien pour constater qu’ils subissent une double peine : non seulement la manne financière attendue de la bête disparaît, mais les éleveurs doivent aussi s’acquitter de l’enlèvement du cadavre.
    Eu égard à la récurrence de la maladie, la période de vaccination aurait dû être anticipée car, je vous l’apprends peut-être, gouverner, c’est prévoir ! Que comptez-vous faire, madame la ministre ? Allez-vous accorder des aides financières aux éleveurs, comme à ceux dont les troupeaux souffrent de la maladie hémorragique épizootique (MHE) ? Allez-vous les soulager des coûts d’équarrissage ou des frais d’hygiène préventive ? Allez-vous enfin prévoir des vaccins pour tous les sérotypes de la maladie, sans distinction ?

    M. Thibault Bazin

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    Vous n’avez pas écouté les réponses de la ministre tout à l’heure !

    Mme Sandra Delannoy

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    J’ai bien noté que vous aviez déjà répondu à deux questions relatives à la crise agricole, mais c’était du blabla…

    M. Thibault Bazin

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    N’importe quoi, quel irrespect !

    Mme Sandra Delannoy

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    …et nous, nous demandons des actes, car l’agriculture se meurt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Pierre Cordier

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    Quelle mauvaise foi !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

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    Madame la députée, je vais vous répondre sur un autre ton que celui que vous avez employé, car je crois que la crise que connaissent les agriculteurs mérite autre chose qu’une petite instrumentalisation politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    M. Jean-François Coulomme

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    Il fallait voter la motion de censure !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Les réponses concrètes que vous appelez de vos vœux, nous les apportons. Et ce bruit de fond auquel vous nous accusez de ne pas répondre, nous l’avons bien sûr entendu. Nous l’avons démontré au sommet de l’élevage qui s’est tenu à Cournon, où des mesures très précises ont été annoncées.

    M. Jean-Yves Bony

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    Oui, très bien !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    La création d’un fonds d’urgence de 75 millions, le fait que la décapitalisation des cheptels ne donne pas lieu à réfaction des aides européennes, ou encore la réflexion autour de l’introduction d’un prêt garanti : voici quelques-unes des mesures très concrètes que nous allons mettre en œuvre.

    M. Fabien Di Filippo

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    La pédagogie, c’est l’art de la répétition !

    Mme Julie Lechanteux

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    Il faut de l’action !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    S’agissant du Mercosur (« Ah ! » sur les bancs du groupe RN), je voudrais tout de même rappeler que c’est grâce à la France, qui a fait adopter un protocole additionnel, que nous avons bloqué l’application de cet accord. Je vous l’apprends peut-être : il faut que vous le sachiez.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    M. Bruno Bilde

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    Un mensonge de plus !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Et la famille politique à laquelle j’appartiens s’est toujours opposée à l’accord avec le Mercosur, tout simplement parce qu’il n’est pas équilibré (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR) et qu’il ne comporte pas de clauses miroirs, imposant aux pays du Mercosur les contraintes que l’on impose à nos propres agriculteurs.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est limpide !

    M. Thibault Bazin

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    N’importons pas dans nos assiettes ce que nous ne voulons pas dans nos champs !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Sur ce sujet, comme sur tant d’autres, madame la députée, dans les questions comme dans les réponses, il faut être précis. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Delannoy.

    Mme Sandra Delannoy

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    Vous n’avez répondu à aucune de mes questions ! Nous attendons des actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Crise agricole

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Luc Fugit.

    M. Jean-Luc Fugit

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    En matière agricole, les priorités du groupe EPR sont de poursuivre le travail sur le projet de loi d’orientation agricole et de tout faire pour assurer la compétitivité des exploitations confrontées aux aléas climatiques, économiques et sanitaires.
    Se pose aujourd’hui la question de l’accompagnement des filières d’élevage lors des crises sanitaires qui se succèdent à un rythme soutenu : influenza aviaire, maladie hémorragique épizootique (MHE), fièvre catarrhale ovine (FCO), ces épizooties provoquent des situations dramatiques dans tous les élevages qui en sont victimes, comme c’est le cas actuellement dans plusieurs régions de France touchées par la MHE et la FCO.
    Dans mon département du Rhône, dont je salue les éleveurs, la situation se dégrade de semaine en semaine depuis la mi-août, madame la ministre de l’agriculture. Fin août, votre prédécesseur avait pris des mesures, proposant notamment un dispositif de vaccination volontaire soutenu par l’État pour accompagner les éleveurs dans leur lutte contre la FCO et la MHE. Vendredi dernier, à l’occasion du sommet de l’élevage, vous avez annoncé le renforcement de la stratégie vaccinale et le Premier ministre a apporté des éléments supplémentaires relatifs à l’indemnisation des éleveurs. Nous saluons ces annonces qui étaient très attendues par les éleveurs. Pouvez-vous nous donner plus de détails à leur sujet ? Le monde agricole nous indique déjà que ces aides seront probablement insuffisantes pour couvrir les pertes directes et indirectes, et retrouver des capacités de production permettant aux éleveurs de s’en sortir.
    Dans le cadre du rapport de la mission Agriculture du projet de loi de finances pour 2025, en cours d’élaboration, j’ai conduit de nombreuses auditions avec des acteurs du secteur, lesquelles ont suscité deux questions complémentaires. Premièrement, ne faut-il pas mieux anticiper ce qui pourrait se produire dans les semaines, les mois et les années qui viennent, en élaborant une stratégie vaccinale renforcée et partagée au niveau européen ? L’arrivée de la FCO de sérotype 1 en Espagne, ces derniers jours, devrait nous y inciter. Deuxièmement, ne devrions-nous pas envisager une rénovation complète de la gouvernance et du financement de la sécurité sanitaire dans le domaine animal ? Je sais que vos services ont commencé à travailler sur le sujet : pouvez-vous nous en dire davantage ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

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    Je me suis déjà amplement exprimée sur le sujet, mais je reviendrai sur quelques points, notamment sur mes annonces et celles du Premier ministre lors du sommet de l’élevage à Cournon. L’indemnisation des éleveurs sera assurée par le fonds d’urgence pour la FCO de sérotype 3 et par le fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) pour la FCO de sérotype 8 et la MHE. Nous avons également demandé la reconnaissance de la force majeure afin de leur permettre de déroger à certaines obligations liées à la PAC, la politique agricole commune ; une absence de réfaction du calcul des aides européennes en cas de perte de cheptel ; la généralisation de la vaccination pour la FCO 3.
    Nous avons cependant un problème, qui interroge l’autonomie sanitaire du pays : nous ne disposons pas de laboratoire capable de fournir les vaccins dont nous aurions besoin.

    M. Théo Bernhardt

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    Et voilà !

    M. Bruno Bilde

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    Quel aveu !

    M. Jean-François Coulomme

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    Il est où, le budget ?

    M. Jean-Yves Bony

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    Ça ne se fait pas en un jour !

    M. Thibault Bazin

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    C’est un défi de prophylaxie : nous devons monter en puissance.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Afin d’élargir la perspective avec des sujets dont je n’ai pas encore parlé, vous avez cent fois raison : nous devons mieux réfléchir à l’anticipation, à la prévention. Or cela ne peut se faire véritablement qu’au niveau européen. La FCO 3 nous vient en effet des pays du Nord, et la MHE des pays du Sud. En matière de recherche, de prévention, de stockage des vaccins, seule une stratégie européenne nous permettra de mieux anticiper. Gérer ce type de crises suppose une meilleure anticipation au niveau européen. C’est la raison pour laquelle nous formulerons des propositions en ce sens, de concert avec mon homologue espagnol, lors du prochain conseil des ministres européens de l’agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Élection des juges à la Cour de justice de la République

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle l’élection par scrutin dans les salles voisines de la salle des séances des six juges titulaires et des six juges suppléants de la Cour de justice de la République. Le scrutin est secret et plurinominal, et des bulletins imprimés sont à votre disposition. Pour chaque siège, un suppléant est associé à un titulaire. En conséquence, si le nom d’un candidat titulaire ou si celui d’un candidat suppléant est rayé, le vote pour le siège en question sera déclaré nul. Durant le scrutin, nous poursuivrons nos travaux.
    Je suis saisie de six candidatures pour les postes de juges titulaires et de six candidatures pour les postes de juges suppléants. Il y a autant de candidats que de postes à pourvoir grâce à l’accord trouvé en conférence des présidents avec l’ensemble des présidents de groupe. Les binômes devraient représenter le plus justement possible les équilibres politiques de l’hémicycle.
    J’ouvre le scrutin, qui est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, pour une durée de quarante-cinq minutes. Il sera clos à quinze heures cinquante.

    3. Violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité

    Discussion d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de M. Erwan Balanant et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité (nos 166, 308).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

    M. Gérald Darmanin

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    Aucun membre du Gouvernement n’est présent ?

    Mme la présidente

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    Il s’agit d’une proposition de résolution, la présence du Gouvernement n’est pas nécessaire dans ce cas. Il vous manque tant que cela ? (Sourires.)

    M. Gérald Darmanin

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    Non, pas celui-là !

    Mme Dieynaba Diop

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    Ce n’est pas gentil !

    M. Erwan Balanant, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    Nous sommes réunis pour franchir la dernière étape qui permettra –⁠ si vous en décidez ainsi dans votre grande sagesse –⁠ de créer à nouveau une commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité. Pourquoi consacrer une nouvelle commission d’enquête à ce sujet ? Vous le savez, l’Assemblée nationale avait été conduite, il y a quelques mois à peine, à en créer une première, dont les travaux ont été brutalement interrompus, le 9 juin, par la dissolution. J’avais l’honneur de présider cette commission dont notre ancienne collègue Francesca Pasquini était rapporteure. Elle est présente dans les tribunes et vous me permettrez, en cet instant, d’avoir une pensée pour elle : l’abnégation avec laquelle elle a mené ce combat lors de la précédente législature mérite d’être saluée. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. –⁠ Mme Dieynaba Diop applaudit également.)
    Elle s’est battue, avec bien d’autres, pour que la commission d’enquête soit créée, puis elle s’est investie de manière admirable dans ses fonctions de rapporteure. J’ai estimé qu’il était de ma responsabilité de demander à l’Assemblée nationale de créer sans délai une nouvelle commission d’enquête pour reprendre ces travaux. Car il est temps d’agir. Je tiens à vous remercier, madame la présidente, d’avoir insisté pour que cette proposition de résolution figure parmi les premiers textes inscrits à l’ordre du jour de la session ordinaire. Je remercie également la présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, Mme Fatiha Keloua Hachi, dont l’engagement en faveur des victimes est constant.
    Dans la mesure où la commission des affaires culturelles a jugé recevable la présente proposition de résolution, je n’aurai pas besoin de développer en détail l’analyse juridique, que vous trouverez dans mon rapport –⁠ je remercie sincèrement les administrateurs pour le travail réalisé. Je souhaite cependant éclaircir un point, qui concerne l’interdiction fixée au 1er alinéa de l’article 138 du règlement de l’Assemblée nationale, selon lequel « est irrecevable toute proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ayant le même objet […] qu’une commission d’enquête antérieure, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter du terme de [ses] travaux ». Cette disposition découle de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, qui dispose que les commissions d’enquête « ne peuvent être reconstituées avec le même objet avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la fin de leur mission ». Or la résolution adoptée le 2 mai 2024 par l’Assemblée nationale avait exactement le même périmètre que la présente proposition de résolution. Alors, rencontrons-nous un problème pour reconstituer la commission d’enquête qui nous occupe cet après-midi ? Sans suspense, la réponse est non et je vais m’attacher à vous le démontrer.
    Deux éléments sont à prendre en considération. Le premier, qui ne vous aura pas échappé, est que nos travaux précédents n’ont pu être achevés. Le deuxième est que le cas particulier que constitue un changement de législature n’est mentionné dans aucun des deux textes régissant la création de commissions d’enquête. Or il s’agit là d’un élément décisif : les choix d’une nouvelle assemblée en matière de contrôle et d’évaluation ne sauraient être liés par ceux de l’assemblée précédente. En effet, aux termes du premier alinéa de l’article 3 de la Constitution, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ». Le peuple s’étant exprimé à l’occasion des dernières élections législatives, il nous appartient, à nous députés nouvellement élus ou réélus, de décider quels travaux d’évaluation et de contrôle il convient de mener. Au demeurant, l’ordonnance de 1958 avait pour objet non pas d’entraver la capacité d’enquête du Parlement mais de l’encadrer pour éviter les dérives. Pour l’ensemble de ces raisons, il faut considérer que les dispositions précitées ne font pas obstacle à la création de cette commission d’enquête.
    Les motifs qui nous avaient conduits à la créer une première fois sont, quant à eux, connus ; je ne les rappellerai que brièvement. À la fin de l’année 2023, les révélations de Judith Godrèche –⁠ présente également dans les tribunes et que je salue – avaient provoqué une véritable onde de choc dans le monde de la culture. Auditionnée en mars 2024 par la délégation aux droits des enfants et par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, elle avait dénoncé la léthargie du monde du cinéma face à de multiples dérives qui ne cessent de se reproduire.
    Il n’y a depuis, hélas, rien de nouveau sous le soleil des projecteurs. Je pense à Maria Schneider, livrée à la brutalité de Marlon Brando et de Bernardo Bertolucci lors du tournage du Dernier Tango à Paris ; elle raconta son calvaire mais ne récolta que de l’indifférence. Je pense à Noémie Kocher, qui réussit à faire condamner pour agression sexuelle le réalisateur Jean-Claude Brisseau en 2006, sans pour autant que celui-ci cesse de tourner et de bénéficier de subventions du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Je pense évidemment à Adèle Haenel. Je pense à Aurélien Wiik, l’une des figures de proue du mouvement #MeTooGarçons. Je pense à Stéphane Gaillard, directeur de casting. Je pense à Flavie Flament, qui dénonça en 2016 le viol qu’elle avait subi, adolescente, de la part d’un photographe. Je pense aux victimes de Patrick Poivre d’Arvor. Je pense aux nombreuses accusations de violences sexistes et sexuelles qui se sont fait jour au sein des conservatoires, des orchestres, ou encore des chœurs d’enfants et d’adolescents.
    En effet, les agissements auxquels nous entendons mettre un terme ne se limitent pas au milieu du cinéma –⁠ d’où la pertinence d’inclure dans le champ de la commission d’enquête les secteurs de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité. De même, il ne s’agit pas seulement de violences sexistes et sexuelles ; nous devons également nous interroger sur les ressorts des violences physiques, psychologiques et même économiques.
    Si les violences en tous genres ne se cantonnent pas au monde de la culture et des médias, tant s’en faut, les domaines visés par la présente proposition de résolution n’en constituent pas moins un terreau privilégié pour le développement de tels agissements, ce qui justifie que nous nous efforcions d’identifier les mécanismes facilitant leur apparition, voire les encourageant dans certains contextes précis. Comme le soulignait Francesca Pasquini, que je remercie pour ces mots, « l’art ne saurait être le paravent d’un système conduisant à des abus et à des violences ».
    Les premières auditions menées par la précédente commission d’enquête ont permis de mettre en évidence le caractère systématique de certaines dérives. Elles ont aussi poursuivi et amplifié le mouvement de libération de la parole en offrant aux victimes et à l’ensemble des personnes travaillant dans les secteurs visés un espace d’expression bienveillant. De premières pistes de solutions sont également apparues. Il est donc impératif que nous poursuivions ce travail afin de formuler des recommandations et des propositions d’évolutions législatives.
    Non seulement le constat qui imposait de conduire cette mission est toujours valable, mais de nouvelles pièces sont venues compléter le dossier. Je fais référence aux témoignages que nous avons récoltés dans le cadre des premières auditions de la commission d’enquête, qui n’ont fait que confirmer le diagnostic. Pendant trop longtemps nous n’avons pas su écouter les témoignages, prendre la mesure des violences, notamment sexistes et sexuelles, dont ces personnes étaient victimes. Nous avons beau jeu aujourd’hui de dénoncer l’omerta qui existe, notamment dans le monde du cinéma : nous en portons tous une part de responsabilité.
    Le temps est venu d’agir et de faire savoir à toutes les victimes de violences physiques, psychologiques, sexistes et sexuelles que nous les écoutons et que nous sommes prêts à travailler à offrir un monde plus sûr. Il y va de la protection des enfants, des acteurs, des techniciennes et des techniciens, des journalistes, des mannequins, des musiciens, contre toutes les formes d’abus.
    Au-delà des spécificités des secteurs visés par la commission d’enquête, le travail que nous entendons conduire aura une importance majeure pour l’ensemble de la société. En effet, ce qui se passe au cinéma, dans l’audiovisuel, le spectacle vivant, la mode et la publicité est le reflet de phénomènes qui traversent la société. Comment ne pas penser, à cet égard, aux 160 000 mineurs et aux 84 000 femmes qui, selon les estimations, sont victimes chaque année de violences sexuelles ? Nous devons engager un profond changement des mentalités. De ce point de vue aussi, le travail de la commission d’enquête sera capital, car les secteurs visés ont une particularité : s’ils sont le reflet de la société, ils participent à façonner les représentations. La culture, la création, l’art permettent d’agir sur la manière dont nous appréhendons le monde et les relations au sein de la société.
    À deux reprises, sous la précédente législature, la représentation nationale s’est prononcée à l’unanimité en faveur de la création de cette commission d’enquête. La semaine dernière, et encore à l’unanimité, nous avons fait de même en commission des affaires culturelles et de l’éducation. J’espère que nous serons aujourd’hui unanimes à voter cette proposition de résolution et à lancer ainsi les travaux de la commission d’enquête. Nous le devons aux victimes, afin de faire progresser notre société. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et SOC.)

    (À seize heures quinze, M. Roland Lescure remplace Mme Yaël Braun-Pivet au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de M. Roland Lescure
    vice-président

    Discussion générale

    M. le président

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    La parole est à M. Frantz Gumbs.

    M. Frantz Gumbs

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    Avant la dissolution, nous avons été témoins, dans les médias, de révélations d’acteurs, mais surtout d’actrices, qui ont provoqué une onde de choc dans la société et dans le monde de la culture. Toutes et tous ont dénoncé la léthargie du milieu du cinéma face aux multiples dérives qui n’ont de cesse de se produire et de se reproduire.
    Il existe une véritable omerta dans le monde de la culture. En dépit d’années de révélations par de nombreuses personnalités du secteur –⁠ dans le cinéma, mais aussi la publicité, la mode ou encore la photographie –, aucune mesure concrète n’a été prise.
    En 2016, Flavie Flament dénonçait le viol, commis par un photographe, dont elle avait été victime alors qu’elle était adolescente. En 2019, Adèle Haenel a révélé avoir été victime, elle aussi à l’adolescence, d’agressions sexuelles commises par un réalisateur. En 2024, à la veille de la grand-messe du cinéma français, l’acteur Aurélien Wiik témoignait des abus que son agent, aujourd’hui condamné pour ces faits, lui avait fait subir à l’adolescence.
    Les années se suivent et se ressemblent. Leurs points communs : la jeunesse des victimes et la position dominante des agresseurs. Alors qu’il faut faire preuve d’un courage immense pour dénoncer son agresseur, nous ne pouvons pas faire partie de ceux qui n’écoutent pas, de ceux qui mettent la poussière sous le tapis. Nous ne pouvons pas faire partie de ceux qui, à leur niveau, ne protègent pas. Mais nous pouvons faire partie de ceux qui accompagnent ce mouvement et qui soutiennent les victimes.
    Albert Einstein ne disait-il pas que « le monde est dangereux à vivre non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire » ? Je refuse que nous soyons de ceux qui laissent faire, et que notre inaction favorise l’émergence d’un monde trop dangereux pour nous tous, et surtout pour nos enfants. Alors réveillons-nous, agissons, disons à toutes les victimes de violences physiques, psychologiques, sexistes et sexuelles que nous les écoutons et que nous allons travailler à offrir un monde plus sûr.
    La proposition de résolution qui nous est présentée en est un moyen, et je sais l’engagement de mon collègue Erwan Balanant sur ces sujets. C’est un travail transpartisan qui nous a permis, dès la commission, de la faire adopter à l’unanimité. Je ne doute pas que nous trouverons, dans cet hémicycle, la même large adhésion. Sous la précédente législature, la commission d’enquête avait commencé ses travaux en mai, avant d’être interrompue par la dissolution en juin. Nous devons poursuivre cette si importante mission.
    Mes chers collègues, votons en responsabilité pour la création de cette commission d’enquête qui nous permettra de mettre au jour les défaillances, d’établir les responsabilités de chacun et de proposer un nouveau cadre, plus protecteur. Les députés Démocrates soutiennent avec force la création de cette commission d’enquête. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et SOC. –⁠ M. le rapporteur applaudit également.)

    (À quinze heures vingt, Mme Yaël Braun-Pivet remplace M. Roland Lescure au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Frédérique Meunier.

    Mme Frédérique Meunier

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    Nous abordons une question cruciale, qui touche non seulement à l’intégrité de nos secteurs culturels, mais aussi à la société dans son ensemble : les violences dans l’industrie du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité.
    Je tenais à remercier toutes celles qui ont rompu la loi du silence, ces lanceuses d’alerte, ces victimes qui ont décidé de parler, qui ont eu le courage de dénoncer et de mettre en lumière des réalités abjectes souvent ignorées ou tues. C’est pour elles, et pour toutes celles qui n’osent pas parler, que nous nous devons d’agir.
    Dois-je rappeler ces chiffres qui font froid dans le dos ??Tous les ans, en France, 160 000 mineurs sont victimes de violences sexuelles. Près de 84 000 femmes ont subi de telles violences en 2023, sans compter toutes celles et tous ceux qui n’ont pas porté plainte.
    Nous le savons, le temps politique de ceux qui sont aux affaires n’est plus celui de la réflexion et de l’approfondissement qui conditionnent, pourtant, la réussite de nos politiques publiques. De même, il est de notre devoir de députés d’exercer une pression constante sur des administrations et des structures qui voudraient que l’on s’intéresse le moins possible à elles, qu’on n’y regarde pas de trop près, et surtout pas publiquement, qu’on les laisse s’autogérer et se réformer toutes seules. Elles nous jurent, le cœur sur la main, qu’elles font cela très bien !
    Pour ces raisons, nous devons nous battre contre un système qui protège les agresseurs, contre une culture du silence,…

    M. Thibault Bazin

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    Elle a raison, c’est essentiel !

    Mme Frédérique Meunier

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    …et contre une stigmatisation des victimes qui dissuade de nombreuses personnes de s’exprimer. Il faut aller au-delà de la simple dénonciation. Il faut garantir, pour tous, un environnement sain, et travailler à une culture où le respect et la sécurité sont au cœur de chaque projet.
    Nous devons prendre conscience des traces laissées par des décennies de déviance libertaire, par cette époque où la libération des mœurs correspondait à la banalisation de comportements infâmes de la part d’une élite narcissique jouissant d’une impunité évidente. Une époque, mais également un milieu, où la dignité humaine et le respect du corps et de l’esprit importaient peu, où personne ne s’offusquait de voir une jeune actrice de 14 ans en couple avec un réalisateur de 39 ans. Une époque où une cinquantaine d’intellectuels pouvaient signer une tribune réclamant le droit pour les jeunes de 13-14 ans de décider de leur vie sexuelle. Autant de comportements souvent dissimulés ou considérés avec une certaine complaisance par l’écosystème médiatique de l’époque. Mais qu’en est-il de la sécurité des plus vulnérables, de la protection des mineurs ?

    M. Thibault Bazin

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    Question fondamentale !

    Mme Frédérique Meunier

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    Nous ne pouvons plus permettre de voir banalisés la violence et les abus sous couvert de la liberté d’expression ou d’une certaine créativité.
    En soutenant la création de cette commission d’enquête, nous souhaitons qu’un cadre législatif soit donné pour que ne subsiste plus, dans certains milieux artistiques, une forme d’indulgence. Il ne s’agit pas simplement d’une démarche administrative mais d’un signal fort envoyé à toutes les victimes ainsi qu’aux agresseurs : la France doit garantir que l’art et la créativité s’expriment librement, loin des abus, notamment dans l’industrie du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité.
    Je me réjouis que, parmi les premiers actes de cette singulière législature,…

    M. Pierre Cordier

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    C’est joliment dit !

    Mme Frédérique Meunier

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    …figure la reconduction de cette commission d’enquête. Je ne doute pas, compte tenu de la nature de l’enjeu, que ses travaux ne se déroulent dans le climat constructif et sain qui fut le sien lorsque Francesca Pasquini, que je salue à mon tour, en était la rapporteure. À toutes celles et ceux qui se mobilisent pour faire bouger les lignes sur ces sujets cruciaux, je tiens à dire, au nom de mon groupe, notre profond respect et notre plus grande détermination à avancer, avec eux, dans la lutte contre les violences sexuelles, les comportements sexistes et les abus psychologiques de tout ordre qui brisent des existences et minent notre commun idéal social de fraternité.
    C’est pourquoi la Droite républicaine votera naturellement en faveur de la création de cette commission et espère qu’elle apportera des réponses efficaces et concrètes, à la hauteur de l’enjeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Ian Boucard

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    Très bien !

    M. Pierre Cordier

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    L’efficacité, c’est ce qui compte !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

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    Le mouvement #MeToo a débuté il y a maintenant six ans et s’est traduit par une prise de conscience générale, dans un grand nombre de secteurs et dans une grande partie du monde. J’invite cependant chacun d’entre nous à mesurer tout le chemin qu’il reste à parcourir. Trop de pans entiers de la société restent encore dans l’ombre, à l’abri de la volonté des femmes et des hommes déterminés à en finir avec les violences sexuelles et sexistes.
    Cette libération de la parole a également permis l’émergence, en début d’année, du mouvement #MeTooGarçons qui a révélé des abus commis sur des acteurs adolescents dans le monde du cinéma –⁠ des faits qui, jusque-là, étaient restés dans l’ignorance, l’oubli, voire le déni. Mais les victimes, elles, n’oublient jamais.
    Dans un tel contexte, je suis heureuse de voir cette commission d’enquête renaître, après l’arrêt brutal de ses travaux du fait de la dissolution. Reconduire cette commission dès les premiers travaux de la XVIIe législature témoigne de la volonté unanime, dans cet hémicycle, de répondre rapidement et efficacement à l’appel lancé en février par Judith Godrèche –⁠ que je salue – lors de ses auditions par la délégation aux droits des femmes, puis par la délégation aux droits des enfants.
    Je souhaite remercier notre collègue et rapporteur Erwan Balanant d’avoir déposé cette proposition de résolution, soutenue par l’ensemble des groupes représentés. Je tiens également à saluer Francesca Pasquini qui avait été rapporteure de la même commission d’enquête lors de la précédente législature.
    Je tiens également à reconnaître le travail déjà réalisé au Parlement et par les gouvernements précédents. La loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et des délits sexuels et de l’inceste a renforcé la protection des enfants en créant de nouvelles infractions dans le code pénal, telles que le crime de viol sur mineur de moins de 15 ans et le délit d’agression sexuelle sur mineur. En parallèle, le Gouvernement a lancé un plan 2023-2027 pour lutter contre les violences faites aux enfants, dans l’objectif principal de protéger ces derniers contre toutes les formes de violence, avec un ensemble de vingt-deux actions concrètes. On peut citer en particulier le renforcement des moyens financiers et humains par le recrutement d’écoutants supplémentaires pour les numéros d’urgence –⁠ le 119 pour Allô enfance en danger et le 3018 pour les jeunes victimes de harcèlement.
    Je forme le vœu que cette commission d’enquête soit l’occasion d’entendre ces secteurs culturels, sans tabou, et d’aboutir à des propositions concrètes pour le Gouvernement et le législateur, qui, je l’espère, s’en saisiront au plus vite.
    Il nous semble notamment indispensable de définir les dispositions contractuelles, psychologiques et humaines, les modes de prise en charge, les horaires de travail. Il est nécessaire de vérifier que les mineurs bénéficient de dispositions réglementaires adaptées, et que ces dernières soient respectées. Il nous semble essentiel d’examiner en profondeur la situation de tous les secteurs où les abus semblent être devenus, malheureusement, bien trop nombreux.
    Il est temps de faire de notre siècle celui de l’égalité entre les femmes et les hommes, et celui de la fin de la complaisance à l’égard des violences sexuelles et sexistes. La création de cette commission d’enquête contribue clairement à cet objectif. Le groupe Horizons & indépendants, soucieux que ce sujet ne soit pas largement éteint dans notre société à la suite de décennies d’aveuglement et de silence, touché par le témoignage de nombreuses femmes et certain qu’il faut agir vite et bien, soutient donc cette proposition de résolution. La commission d’enquête dont elle prévoit la création aura notamment la charge de formuler des propositions concrètes pour mieux lutter contre ce fléau. Nous espérons qu’elle pourra le faire dans des conditions à la hauteur de ce sujet grave et sensible. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR, SOC, Dem et LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Soumya Bourouaha.

    Mme Soumya Bourouaha

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    Selon l’enquête « Violences et rapport de genre » de l’Institut national d’études démographiques (Ined), 14,5 % des femmes et 3,9 % des hommes sont confrontés à des violences sexuelles au cours de leur vie.
    Le 15 octobre 2017, l’actrice américaine Alyssa Milano lançait un appel aux témoignages des victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles sur Twitter, devenu X. Bien au-delà du cinéma américain, le hashtag #MeToo est devenu un mouvement global de libération de la parole des victimes de violences sexistes et sexuelles.
    Mais le tabou demeure encore pour nombre de faits d’agressions sexuelles, de violences psychologiques et physiques. Ces actes sont plus difficiles à révéler quand ils sont subis durant l’enfance, car ils peuvent être à l’origine d’amnésies traumatiques et de troubles psychologiques pérennes qui entravent un peu plus la libération de la parole des victimes, et donc la condamnation des responsables.
    Si la famille reste la sphère de socialisation où se produisent le plus de violences durant l’enfance, celles-ci interviennent également dans les sphères professionnelles. De l’industrie de la mode au spectacle vivant, en passant par le cinéma, de nombreuses victimes ont récemment témoigné des violences sexuelles qu’elles ont subies lorsqu’elles étaient mineures.
    C’est le cas d’une dizaine d’ex-mannequins qui, lors d’une audition au Sénat en 2021, ont accusé des figures de la mode comme Gérald Marie ou Jean-Luc Brunel de les avoir violées dans les années 1980 et 1990.
    Après avoir déposé une plainte pour viol sur mineurs contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon, l’actrice et réalisatrice Judith Godrèche a elle aussi dénoncé l’écrasement de la parole et l’invisibilisation de la souffrance des enfants dans l’industrie du cinéma.
    Le 22 février, à la veille de la cérémonie des Césars, le directeur de casting Stéphane Gaillard publiait sur les réseaux sociaux un texte intitulé « Les garçons du cinéma parlent ». Cette initiative visait à mettre en lumière les violences subies par les hommes et a abouti au témoignage, souvent inédit, de 300 personnes sur des faits dont ils avaient été victimes au sein de ce milieu professionnel.
    Relations asymétriques entre réalisateurs et acteurs, entre mannequins et agents, rapport à l’image, au regard de l’autre et au corps déformé par une contrainte esthétique : les industries culturelles et le secteur de la publicité présentent des facteurs de risques de violences sexistes et sexuelles.
    Pourtant, la culture semble être particulièrement en retard dans la prise en compte des violences sexistes et sexuelles. Comme l’explique l’historienne du cinéma Delphine Chedaleux, certaines pratiques de prédation sont « euphémisées, voire applaudies comme des marques de transgression ». Cette logique de banalisation des violences dans les sphères culturelles amène à justifier les faits au nom de la grandeur de l’artiste –⁠ ainsi quand on déclare que Gérard Depardieu rend la France fière.
    Le 18 mai, comme suite aux recommandations de Judith Godrèche, la ministre de la culture a annoncé l’obligation, pour accéder aux aides du CNC, de la présence d’un responsable enfants sur chaque tournage employant des mineurs.
    S’il faut saluer ces avancées, des progrès sont encore possibles afin de prendre en compte de manière optimale les signalements et de sensibiliser davantage aux risques de violences. On pense notamment à l’intégration de la prévention du harcèlement et des violences sexistes et sexuelles dans le cursus d’enseignement supérieur, ou au renforcement des moyens humains et juridiques pour mener les enquêtes et accompagner les victimes.
    Plus généralement, il est indispensable de rompre avec l’omerta qui protège les agresseurs et isole leurs victimes. Nous devons attaquer les fondements mêmes d’une culture patriarcale qui entrave la libération de la parole. C’est seulement alors que les secteurs de la culture, de la mode et de la publicité pourront cesser d’être un refuge pour les agresseurs et une prison pour leurs victimes.
    La proposition de résolution que nous examinons, fruit de l’excellent travail de notre ancienne collègue Francesca Pasquini –⁠ que je salue –, est une étape fondamentale pour avancer dans la reconnaissance des victimes d’abus et de violences dans les secteurs culturel et publicitaire, ainsi que dans la construction de dispositifs protecteurs pour tous les mineurs et professionnels.
    C’est pourquoi le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera résolument en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS. –⁠ M. le rapporteur et Mme Frédérique Meunier applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Panifous.

    M. Laurent Panifous

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    Il faut parler ! Ces dernières années, c’est ce que nous disons toutes et tous aux personnes victimes de violences sexuelles. Le mouvement #MeToo a été l’incarnation de ce que nous appelons désormais la libération de la parole. Il faut parler, raconter, dénoncer. C’est un préalable à la lutte contre ces violences.
    Parler, et puis quoi ? Que se passe-t-il une fois que les victimes ont publiquement parlé ? Une fois qu’elles ont porté plainte ? Les écoute-t-on ? Les croit-on ? Sont-elles seulement entendues, elles qui décident, quelquefois publiquement, de porter une parole qui n’entraînera que trop rarement une condamnation ou une réparation ?
    Cette parole n’aura parfois aucune conséquence, si ce n’est le risque qu’elles prennent d’exposer leur vie et leur souffrance aux yeux de tous, de voir les opportunités professionnelles, et les regards, se détourner.
    Il en faut du courage pour parler, pour accuser. Judith Godrèche n’en a pas manqué en nous exhortant à nous emparer de ce sujet. Sans elle, la commission d’enquête lancée par notre ancienne collègue Francesca Pasquini n’aurait sans doute pas vu le jour.
    Mais tout cela est vain si personne n’écoute ni ne recueille cette parole, et si la parole ne se transforme pas en actes. La libération d’une telle parole ne va pas sans responsabilisation de l’écoute. Et cette responsabilité, c’est d’abord la nôtre, celle des législateurs.
    C’est pourquoi il nous semble évident qu’il faut relancer cette commission d’enquête, pour recevoir cette parole, la prendre au sérieux et pour que l’écoute aboutisse enfin à des solutions.
    Car, malheureusement, le témoignage de Judith Godrèche n’est pas une exception. Au-delà du cinéma, de très nombreuses violences sexistes et sexuelles ont été dénoncées au sein des conservatoires, des orchestres, des chœurs d’enfants et d’adolescents ou dans le milieu de la mode. Les premières auditions menées par la précédente commission d’enquête, interrompues par la dissolution, ont d’ailleurs confirmé le caractère presque systématique de certaines dérives permettant les abus.
    Le monde de la culture et des médias semble constituer un terreau privilégié pour le développement de tels agissements, particulièrement contre les mineurs. Regardons les choses en face : son fonctionnement favorise des situations de vulnérabilité et de forte proximité. La plupart du temps, celui qui abuse n’est pas un inconnu pour l’enfant : c’est une personne de la famille, un professeur, un réalisateur, un directeur de casting. Ce sont des personnes à qui dire « non » paraît impossible car, souvent, ce sont des personnes de confiance ou qui incarnent une forme d’autorité –⁠ des personnes qui sont donc rarement dénoncées, par peur, par emprise, par déni.
    La vie entière des victimes, souvent mineures, s’en trouve bouleversée. Elles vivront pour toujours avec cette blessure, cette peur. Ne pas les entendre, ne pas tenter d’empêcher ces violences, c’est aggraver leurs souffrances. Nous devons protection aux mineurs, en premier lieu, mais aussi aux adultes, partout où ils évoluent et où ils ne se sentent pas en sécurité parce qu’une personne a décidé, en vertu de l’autorité ou de l’ascendant qu’elle exerce, d’abuser d’eux.
    Une commission d’enquête a déjà été menée sur les violences sexuelles dans le sport. Elle a abouti au vote d’une proposition de loi que nous avions tous soutenue. Gardons cette même ambition pour toutes celles et ceux qui sont en danger aujourd’hui, ou qui pourraient l’être demain.
    Mais mettre fin à l’omerta ne suffira pas. Mettre fin au tabou, à la culture du secret, mettre fin à cette culpabilité inversée est un préalable, mais il faut également mettre fin à la culture de l’impunité. Seules 40 % des victimes mènent leurs agresseurs jusqu’au procès, puis à une condamnation.
    Notre groupe soutiendra bien évidemment la relance de cette commission d’enquête. Mais il faut qu’elle aboutisse à des recommandations susceptibles de s’appliquer et qui ne restent pas lettre morte. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LIOT, Dem, SOC et EcoS. –⁠ M. le rapporteur et Mme Fatiha Keloua Hachi, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Michoux.

    M. Éric Michoux

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    Le 2 mai dernier, lors d’une séance empreinte de respect et d’unanimité, l’Assemblée nationale décidait de créer une commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité. Cinq semaines plus tard, la dissolution de cette même assemblée par le Président de la République mettait un terme précoce à ses travaux.
    Il nous appartient de permettre à cette commission de poursuivre sa mission. Le groupe de l’Union des droites pour la République (UDR) votera naturellement la résolution de notre collègue Erwan Balanant, issue de la résolution de notre ancienne collègue Francesca Pasquini, que je salue –⁠ bravo, madame, pour votre travail – car nous considérons qu’elle est recevable et opportune.

    M. Pierre Cordier

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    On peut dire qu’ils sont dans la majorité, alors ?

    M. Éric Michoux

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    Elle est recevable car les travaux de cette commission venaient de débuter sous la précédente législature et la représentation nationale, renouvelée par le peuple français lors des élections législatives, a toute légitimité pour demander qu’ils se poursuivent.
    Elle est opportune car le monde culturel exerce une grande influence sur les comportements individuels et les mentalités : il doit donc s’astreindre à l’exemplarité. Or force est de constater qu’il a trop longuement été aussi prompt à donner des leçons de morale et de politique qu’à excuser les comportements inacceptables de certains de ses membres, parfois éminents.
    La représentation nationale a donc raison de se saisir du sujet, d’autant que le monde de la culture est massivement subventionné par l’État et que l’argent de la nation est indissociable d’une exigence redoublée d’exemplarité.
    Le vote du 2 mai l’illustre, le sujet est de ceux qui reçoivent, légitimement, l’appui unanime des forces politiques de notre assemblée. Cette unanimité transpartisane doit se traduire dans les travaux de la commission et dans ses conclusions.
    Nous formons le vœu que ces travaux permettront de poser des constats incontestables et de tracer le chemin de solutions utiles, traduites en initiatives législatives visant à lutter contre les violences sexuelles, non seulement dans le monde de la culture, mais dans tous les secteurs de notre société.
    Fidèle à l’esprit d’unanimité qui a présidé au premier vote de cette résolution, et déterminés à participer à la lutte contre le fléau des violences sexuelles, le groupe de l’Union des droites pour la République est fier d’apporter son vote en appui de cette révolution…

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    C’est la droite révolutionnaire !

    M. Éric Michoux

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    …pardon, de cette résolution, qui sera aussi une révolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme Frédérique Meunier

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    Les deux, en effet !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Parmentier.

    Mme Caroline Parmentier

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    Le 14 mars, la délégation aux droits des enfants, dont je suis vice-présidente, auditionnait l’actrice Judith Godrèche, qui a porté plainte contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon pour viols sur mineure –⁠ elle avait 14 ans au moment des faits ; eux respectivement 40 et 45 ans.
    Judith Godrèche a été directement victime de la familia grande du cinéma –⁠ et bien au-delà du cinéma – qui s’est protégée et continue de se protéger. Avec les réalisateurs qu’elle a dénoncés, elle a probablement vécu la pire époque, celle issue du libertarisme post-soixante-huitard, celle qui ne souffrait aucune barrière ni interdit, très bien décrite dans le livre de Camille Kouchner La Familia grande.
    Ce sont les mêmes qui pétitionnaient dans les années 1970 en une de Libération pour défendre des pédophiles poursuivis par la justice ou dans Le Monde, en 1977, pour défendre les relations sexuelles entre adultes et enfants.
    C’est un extrait du documentaire très complaisant réalisé sur Benoît Jacquot par Gérard Miller –⁠ depuis mis en cause par des dizaines de femmes pour violences sexuelles – qui a décidé Mme Godrèche à prendre la parole. Il y détaillait par le menu les relations intimes entretenues avec trois actrices alors mineures : elle-même, Virginie Ledoyen et Isild Le Besco.

    M. Ian Boucard

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    Quelle honte !

    M. Pierre Cordier

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    Oui, c’est scandaleux !

    Mme Caroline Parmentier

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    Le cinéma français devra-t-il déboulonner ses films culte, ses monuments, ses psys fétiches ?
    Lors de son audition, Judith Godrèche nous a clairement alertés sur les risques toujours courus par les mineurs au sein de l’industrie du cinéma –⁠ à la fois dans le cadre des castings, mais aussi sur les plateaux lors des tournages. Selon elle, aucune protection, aucun garde-fou ne protège les enfants ou les mineurs qui se présentent pour un rôle, et qui peuvent devenir les jouets d’un véritable système de prédation. Devant notre délégation, elle a évoqué des abus physiques et psychiques : lorsque l’on demande à une future actrice ou à un acteur en herbe de raconter sa vie sexuelle, de livrer son intimité à un jury d’observateurs, c’est déjà un abus caractérisé. La protection des enfants qui évoluent dans le milieu artistique ne peut pas –⁠ ne doit pas – échapper à la loi.
    Les députés du groupe Rassemblement national sont favorables à la création de cette commission d’enquête ; j’avais moi-même déposé une proposition de résolution semblable sous la précédente législature.
    Monsieur le rapporteur Balanant, cette nouvelle législature –⁠ et plus encore le sujet de cette commission d’enquête – aurait dû nous permettre d’œuvrer pour l’intérêt général, collectivement et sans sectarisme.

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Avec moi, jamais ! Avoir des valeurs, ce n’est pas être sectaire.

    Mme Caroline Parmentier

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    Nous avons été soigneusement écartés de la cosignature de votre proposition, alors que nous avons auditionné Judith Godrèche ensemble dans le cadre de la délégation aux droits des enfants et que les députés de notre groupe ont participé aux travaux de la précédente commission d’enquête.

    Plusieurs députés du groupe RN

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    La honte !

    M. Sébastien Chenu

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    Ils sont gênés !

    Mme Caroline Parmentier

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    Cette mesquinerie consistant à refuser d’associer à votre proposition le premier groupe d’opposition de l’Assemblée nationale, alors même que nous avions déposé une proposition de résolution similaire, relève de la basse politique (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP) et n’est pas à la hauteur du sujet qui nous occupe –⁠ vous n’êtes pas à la hauteur de ce que les victimes attendent de notre parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Véronique Riotton.

    Mme Véronique Riotton

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    Je voudrais commencer par dire ma joie de voir le flambeau repris pour reconstituer cette commission d’enquête, laquelle avait été admirablement conduite, de façon transpartisane, par Francesca Pasquini et Erwan Balanant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. –⁠ M. Ian Boucard applaudit également.) Lors de la dissolution, j’ai eu une pensée pour toutes les victimes dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité ; elles ont vécu l’arrêt des travaux de la commission comme un déchirement. Malgré le retour de bâton sur les réseaux sociaux et la brutalité de la culture du viol qui renvoie les victimes à un silence assourdissant, elles ont eu le courage de dénoncer ces violences. Je pense à Judith Godrèche, à Guslagie Malanda, à Lucie Lucas, à Sophie Marceau, à Juliette Binoche, à Aurélien Wiik –⁠ la liste est longue. Merci à chacun et à chacune d’entre vous, lanceur et lanceuse d’alerte, victime ou témoin. Je souhaite à présent que les travaux reprennent au plus vite et, surtout, que nous prenions des décisions concrètes pour mettre un terme à la souffrance des victimes.
    Au nom de mon groupe, je veux affirmer ici et par-delà cet hémicycle que ce que vivent ces enfants et ces femmes ne peut se résumer à des comportements inappropriés ou à des blagues un peu lourdes ; qu’embrasser une actrice ou lui imposer des scènes de sexe sans la prévenir ne fait pas partie intégrante du métier.
    C’est le choix qui s’impose à nous –⁠ détourner le regard ou regarder en face ces violences et ceux qui les perpétuent, et proposer des solutions pour qu’elles s’arrêtent. Il est de notre responsabilité de parlementaire de tendre la main aux victimes et d’exiger des politiques publiques à la hauteur des enjeux. Chers collègues, votons à l’unanimité la reconstitution de cette commission d’enquête pour envoyer un message clair à ceux qui se croient tout-puissants : nous ne voulons et ne cautionnerons pas de violences sexistes et sexuelles dans l’industrie de la culture. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. –⁠ M. Thibault Bazin et Mme Frédérique Meunier applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    Je vous informe que la clôture du premier tour de scrutin pour l’élection des six juges titulaires et des six juges suppléants de la Cour de justice de la République est annoncée dans l’enceinte du palais. Le résultat du scrutin sera proclamé à l’issue du dépouillement.
    La parole est à Mme Sarah Legrain.

    Mme Sarah Legrain

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    Pas un jour sans que nous en ayons la démonstration : les violeurs sont partout.

    Un député du groupe RN

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    À LFI !

    Mme Sarah Legrain

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    Les violeurs sont tapis dans l’ombre des bois, mais surtout à l’ombre de nos toits, de nos draps. Ils sévissent sur nos lieux de travail, sur nos lieux de fêtes, dans nos familles, sur nos écrans ; dans les associations qui viennent au secours des plus précaires, dans les services de protection de l’enfance, dans les syndicats de défense des travailleurs et des jeunes en études, dans les organisations politiques –⁠ y compris féministes. Ils occupent des fauteuils de députés, de sénateurs. Ils reçoivent la légion d’honneur. Ce sont de célèbres acteurs, rappeurs, youtubeurs, présentateurs, réalisateurs. Ce sont aussi nos amis, nos voisins, nos frères, nos pères. Ce sont des bandes de jeunes, ce sont de vieux magistrats, ce sont de bons pères de famille.
    Tous ne sont certes pas des violeurs, mais les violeurs sont partout –⁠ c’est donc notre affaire à tous. Chacun et chacune d’entre nous, a fortiori parlementaire, a le devoir de se demander comment cela peut se produire, encore et toujours (L’oratrice, émue, s’interrompt quelques instants, suscitant les applaudissements des députés des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR, ainsi que de M. le rapporteur et de quelques députés du groupe EPR), et toujours de façon si massive.
    Comment ce système, cette culture du viol, se perpétue-t-il ? N’en déplaise à Caroline Fourest, qui fait le tri entre les bonnes et les mauvaises victimes et tente de discréditer celles qui en font trop à son goût ; n’en déplaise à l’extrême droite, qui fait le tri entre les bons et les mauvais agresseurs (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR) et ne dénonce les viols que lorsqu’ils lui permettent de s’en prendre aux migrants, à la gauche, à la liberté de mœurs et parfois à la liberté de genre (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR) ; n’en déplaise à ces faux amis du féminisme et à ces complices du patriarcat,…

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Ils sont chez vous !

    Mme Sarah Legrain

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    …les violences sexuelles sont systémiques –⁠ elles n’ont rien à voir avec la libération sexuelle et tout à voir avec la domination masculine. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
    C’est ce que nous révélait la déferlante #MeToo, il y a sept ans déjà, en 2017. À l’époque, un certain Emmanuel Macron décrétait les droits des femmes grande cause nationale. On l’a vu depuis disculper son ministre de l’intérieur Gérald Darmanin après une discussion d’« homme à homme », encenser Gérard Depardieu qui « fait la fierté de la France », évincer le juge Durand de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), bloquer une directive européenne sur le viol et le consentement, baisser le budget octroyé par femme victime de violences, refuser aux associations les 2,6 milliards qu’elles demandent, et même nommer un gouvernement d’usurpateurs où l’on ne trouve pas une personnalité militant pour les droits des femmes, mais une cohorte d’antichoix et de LGBTphobes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. –⁠ Mme Martine Froger applaudit également.)
    Il est donc plus que nécessaire de relancer cette commission d’enquête brutalement interrompue par la grenade dégoupillée par Emmanuel Macron. Certains se demanderont peut-être pourquoi la faire porter spécifiquement sur les violences dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité ;…

    M. Thibault Bazin

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    Il y a aussi le sport !

    Mme Sarah Legrain

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    …il faut bien commencer quelque part. Mais c’est aussi le lieu que les voix courageuses des victimes ont d’abord désigné, depuis le point de départ du mouvement #MeToo, l’affaire Weinstein –⁠ du nom d’un producteur américain accusé par des dizaines de femmes – jusqu’au récent cri d’alerte de Judith Godrèche, que je salue (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe EPR), en passant par Adèle Haenel, qui « se lève et se casse » dans l’indifférence générale, et par les victimes des différents #MeToo, dans le domaine du théâtre, de la musique, du stand-up, des médias et de la littérature. Elles parlent, parlent, parlent et aimeraient que nous leur répondions.
    Je vous renvoie aux auditions déjà menées par notre ancienne collègue Francesca Pasquini et par Erwan Balanant, lesquelles montrent comment cette prétendue grande famille de la culture fonctionne comme un miroir grossissant des violences qui traversent la famille et la société ; c’est un lieu de concentration, de reproduction et de légitimation des dominations de genre, économique et symbolique.
    On y trouve tous les ingrédients qui favorisent la perpétuation des violences : l’impunité des agresseurs, l’aveuglement complice des témoins et la silenciation des victimes. On y trouve des enjeux économiques considérables, ainsi qu’une forte précarité. On y trouve un certain entre-soi, de tout petits mondes où l’on se connaît tous et où l’on dépend tous les uns des autres. Et on y trouve évidemment une forte domination symbolique –⁠ des phénomènes d’emprise liés à l’aura de l’art et de la gloire. Ce sont des domaines où des intermittentes précaires, des étudiantes ou des stagiaires en quête de carrière, mineures parfois, sont confrontées à la puissance incontestée de prétendus génies créateurs ou de bêtes de télévision, qui sont intouchables, qui se croient tout permis et à qui l’on permet tout.
    Tout cela doit être analysé et questionné, et donner lieu à des propositions concrètes. Il est temps qu’advienne le changement –⁠ que la honte change de camp, comme le demandent Gisèle Pelicot et toutes les victimes derrière elle ; que l’art ne puisse plus servir de couverture au crime ; que la culture soit purgée de la culture du viol, pour tous nous en délivrer. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR, dont les députés se lèvent. –⁠ M. le rapporteur, M. Olivier Falorni et Mme Sophie Mette applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Céline Thiébault-Martinez.

    Mme Céline Thiébault-Martinez

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    « C’est forcément une transgression… […] On n’a pas le droit, en principe. […] Une fille comme elle, comme cette Judith, qui avait en effet 15 ans… et moi 40 ans, j’avais pas le droit. […] Mais ça alors j’en avais rien à foutre, et même elle, ça l’excitait beaucoup […]. […] faire du cinéma est une sorte de couverture […] au sens de […] couverture pour des mœurs de ce type-là. » Ces mots, tirés du documentaire Les Ruses du désir, sont ceux du cinéaste Benoît Jacquot, évoquant la relation qu’il a entretenue avec l’actrice et réalisatrice Judith Godrèche après leur rencontre en 1986 sur le tournage du film Les Mendiants.
    Ces mots, Judith Godrèche les a récemment découverts avec horreur, comprenant que son désir lui avait été dérobé, et que la jouissance d’un monstre était banalisée en toute impunité. Sept ans après le début du mouvement #MeToo, son témoignage a suscité une onde de choc dans le monde du cinéma français. D’autres actrices, telles que Sarah Grappin, Isild Le Besco ou Anna Mouglalis, se sont jointes à son appel, et ont mis en lumière le système d’abus et d’exploitation des jeunes actrices.
    Malheureusement, depuis trop longtemps, le prix à payer pour la libération de la parole des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles a été l’exclusion, l’ostracisme. Dans le milieu artistique, ces actes ont souvent été tolérés et romantisés ; la distinction entre l’homme et l’artiste est même invoquée pour minimiser ou excuser de telles violences. La tribune signée par cinquante personnalités dans Le Figaro, appelant à « ne pas effacer Gérard Depardieu », accusé de viol et d’agression sexuelle par au moins seize femmes, s’appuie sur cette distinction, affirmant que « lorsqu’on s’en prend ainsi à Gérard Depardieu, c’est l’art que l’on attaque ». Les victimes se retrouvent sexualisées et réduites au silence.
    En dépeignant les agressions sexuelles comme érotiques, le cinéma contribue à la persistance d’une culture du viol dans notre société. Cette banalisation des violences sexuelles est alarmante, d’autant que seule une plainte sur six pour viol ou agression sexuelle sur mineur aboutit –⁠ une plainte sur dix en cas d’inceste. Chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles. Ces chiffres sont ahurissants. Ces abus, commis sur des victimes âgées de 8 ans et demi en moyenne, ont des répercussions profondes sur leur vie –⁠ problèmes émotionnels, symptômes de stress post-traumatique, difficultés scolaires – qui sont bien établies.
    Ces violences ne sont malheureusement pas cantonnées à la seule industrie du cinéma ; elles ont cours dans d’autres secteurs liés au monde de la culture, comme le théâtre ou la mode. La position de l’enfant, sa relation à l’image et à son corps, ainsi que les interactions entre l’enfant et les adultes, que ce soit sur les lieux de tournage ou d’expression scénique ou à l’extérieur, sont des traits communs à toutes ces industries.
    Cette proposition de résolution vise à rétablir la commission d’enquête créée à l’initiative du groupe Écologiste et dont les travaux menés par notre ancienne collègue Francesca Pasquini se sont brutalement interrompus en juin dernier. Avec ce rétablissement, il s’agira d’apporter une réponse politique à toutes les victimes d’abus qui ont trop souvent eu à faire face au mur de l’indifférence érigé par notre société. Il sera aussi question d’instaurer durablement des règles qui n’autoriseront plus la commission de telles violences.
    Pour sa pleine réussite, la commission d’enquête devra recueillir la parole des victimes, lesquelles ne devront pas craindre de s’exprimer, et le monde du cinéma devra accompagner ces témoignages sans ambiguïté, sans jugement et sans conséquences pour ceux qui parlent : ce sont les victimes qui doivent être protégées, pas les agresseurs.
    La commission d’enquête devra dresser un état des lieux exhaustif des violences commises, sachant que, si les préconisations qui en ressortaient n’étaient pas mises en œuvre, suivies et évaluées, tous ces travaux resteraient vains, et les corps continueraient d’être marchandisés, sexualisés et exploités.
    Les exigences que nous posons, nous les devons aux victimes et à la société. Pour qu’enfin les violences sexuelles cessent dans le milieu du cinéma et ailleurs, fortement investis dans les travaux de l’ancienne commission et déterminés à poursuivre cet engagement, nous, députés Socialistes, soutenons avec force la proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandrine Rousseau.

    Mme Sandrine Rousseau

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    « Qui nous écoute vraiment ? » En mai 2024, plus de cent personnalités du monde de la culture signaient une tribune dénonçant le manque d’écoute de notre société à propos des violences sexistes et sexuelles. Cinq mois après leur mobilisation, il est temps que la représentation nationale leur réponde. Nous, nous vous entendons ; nous, nous allons agir.
    Quand la parole se libère, notre responsabilité est d’écouter, de réfléchir et de trouver les voies et moyens pour protéger les enfants, les femmes, toutes les victimes. Face à une parole qui se libère, il est temps de faire une chose : libérer notre écoute, respecter les témoignages et légiférer pour apporter des réponses.
    Cela fera bientôt vingt ans que Tarana Burke a utilisé, pour la première fois, le terme MeToo pour dénoncer, en 2007, les violences sexuelles commises sur les petites filles noires. Qu’avons-nous fait depuis ?
    Grâce à un hashtag, des centaines de milliers, des millions de femmes –⁠ des hommes, aussi – de tous profils, partout dans le monde, ont mis au jour un système de prédation. Ils ou elles ont souvent bravé, avec courage, tous les risques pour leur réputation, leur santé ou leur carrière. Et nous, qu’avons-nous fait ?
    En France, celles et ceux qui se sont mobilisés pour mettre un terme aux violences dans le monde de la culture sont nombreux. Isild Le Besco, Charlotte Arnould, Lucie Lucas, Aurélien Wiik, Anna Mouglalis, Adèle Haenel, Francis Renaud, Marie Coquille-Chambel, Florence Mendez, Nadège Beausson-Diagne, Hélène Devynck, Flavie Flament, Sarah Grappin, Vanessa Springora, etc., etc., etc.
    Et, bien sûr, Judith Godrèche ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR. –⁠ M. Ian Boucard applaudit également.) Judith Godrèche, qui a demandé avec force la tenue de cette commission d’enquête. Ma collègue Francesca Pasquini avait entendu son appel. Elles sont aujourd’hui toutes les deux dans les tribunes et je souhaite leur rendre hommage : merci à vous ! (Mêmes mouvements.) Notre responsabilité est de reprendre le flambeau et de poursuivre le travail entamé.
    Il est important de comprendre ce qui se joue derrière la relation artistique. D’un côté, un metteur en scène, un producteur, un acteur, un présentateur, peu importe, mais une vedette, une star ; une personne que tout le monde admire, que tout le monde vante ; un nom, un artiste, avec des prix, des médailles, des récompenses –⁠ il en a plein –, et tout un monde, tout un milieu qui l’admire, le soutient, l’encourage dans ce que l’on veut qualifier de transgression, alors qu’il ne s’agit en réalité que de crimes et de délits. Face à lui, un ou une enfant, une femme, un homme, souvent débutant et dont les rêves d’avenir se confondent avec son admiration pour la star et son désir de lui ressembler, pour briller, lui aussi. À moins qu’il ne s’agisse d’une maquilleuse, d’un technicien, d’une projectionniste, tous précaires ou à peu près.
    Mais voilà, quand la star se comporte mal, personne, ou quasiment, n’est jamais là pour lui dire stop. Il y a des enjeux économiques, des enjeux de pouvoir, et puis une culture, celle du viol, comme partout. Celle qui fait que, quand un film est réalisé sur Gauguin, on ment sur l’âge de sa femme, qui avait 13 ans et qui, dans le film, en a 17 –⁠ cela fait une différence ! Ce qui fait aussi que tout le monde appelle chefs-d’œuvre les visages déstructurés des compagnes de Picasso, feignant d’ignorer les violences qu’il leur infligeait.
    Attribuer le prix du meilleur réalisateur à Roman Polanski, dire de Gérard Depardieu qu’il fait honneur à la France, soutenir Dominique Boutonnat, laisser des jeunes filles sur les plateaux avec PPDA ou Gérard Miller, inviter Gabriel Matzneff dans les salons littéraires, permettre à Benoît Jacquot de raconter dans une vidéo sa relation avec une enfant de 15 ans, ou laisser Jean-Marc Morandini à l’antenne… (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.) Il est là, le pouvoir ; elle est là, la culture du viol ; elle est là, la violence systémique ! (Mêmes mouvements.)
    Nous, représentation nationale, pouvons aujourd’hui, avec cette commission d’enquête, après la fragilisation de la Ciivise, après le témoignage de Camille Kouchner, lever une partie du voile, faire reculer un peu l’omerta, regarder, écouter et enquêter sur ce qui se passe dans un monde où les strass, les projecteurs et les paillettes nous aveuglent trop souvent. Elle est simplement là, notre responsabilité de législateur : prendre au sérieux les paroles prononcées, et leur offrir un espace rassurant d’écoute et de respect.
    Neige Sinno, dans son magnifique livre Triste Tigre, pose cette question : pourquoi le font-ils ? Et y répond de la manière la plus simple qui soit : parce qu’ils le peuvent.
    Puisse cette commission d’enquête faire en sorte que cela ne soit plus possible, qu’ils ne puissent plus et que partout, tout le temps, la honte change de camp. (Les députés des groupes EcoS et LFI-NFP se lèvent et applaudissent. –⁠ Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.
    Sur l’article unique de la proposition de résolution, je suis saisie par les groupes Ensemble pour la République, La France insoumise-Nouveau Front populaire et Les Démocrates d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Je tenais à remercier les orateurs des groupes, qui ont témoigné de l’unanimité suscitée par ce texte. S’agissant du premier texte de cette législature si particulière à être voté, j’y vois comme un symbole et le signe que, sur certains sujets, nous sommes capables de travailler ensemble. C’est un premier exemple, et j’espère qu’il y en aura d’autres.

    M. Pierre Cordier

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    Ça ne dépend que de vous !

    M. Erwan Balanant, rapporteur

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    Je tenais également à répondre à Mme Parmentier. Le 9 août, j’ai déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale ce texte inspiré par Francesca Pasquini et cosigné par de nombreux députés. De nombreux groupes parlementaires ont pris attache avec moi pour me dire qu’ils étaient prêts à continuer le travail, mais je n’ai reçu aucun message de la part de votre groupe. J’espère, néanmoins, madame Parmentier, que vous saurez ne pas faire preuve de sectarisme et que, cette fois-ci, vous assisterez aux auditions conduites par la commission d’enquête.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de résolution.

    Article unique

    Vote sur l’article unique

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article unique de la proposition de résolution.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        226
            Nombre de suffrages exprimés                226
            Majorité absolue                        114
                    Pour l’adoption                226
                    Contre                0

    (L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble de la proposition de résolution.)
    (Mmes et M. les députés se lèvent et applaudissent longuement en direction de la tribune où se tiennent Mme Francesca Pasquini et Mme Judith Godrèche.)

    Mme la présidente

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    J’espère à mon tour que ce vote est de bon augure en ce début de législature.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    4. Manquements des politiques publiques de protection de l’enfance

    Discussion d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de Mme Isabelle Santiago et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance (nos 190, 304).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Isabelle Santiago, rapporteure de la commission des affaires sociales.

    Mme Isabelle Santiago, rapporteure de la commission des affaires sociales

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    Trois chiffres résument les défaillances de notre politique de protection de l’enfance : 400 000, 38 milliards et 20. 400 000, c’est le nombre d’enfants en danger qui sont confiés à notre République au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE). 38 milliards d’euros, c’est ce que nous coûte indirectement chaque année la prise en charge des psychotraumatismes subis dans l’enfance –⁠ un point mis en lumière en 2021 par une étude de la revue The Lancet sur l’impact de dix ACE (Adverse Childhood Experiences ou expériences traumatiques de l’enfance) sur la santé à l’âge adulte. Et 20, enfin, pour les vingt ans d’espérance de vie en moins des jeunes pris en charge par l’ASE par rapport au reste de la population.
    La République est aujourd’hui un parent défaillant pour ses enfants. C’est pour mettre un terme à ces manquements indignes que notre assemblée est aujourd’hui saisie d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la protection de l’enfance. Comme vous le savez, la précédente commission d’enquête portant sur le même périmètre a vu ses travaux s’interrompre brutalement, du fait de la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le Président de la République le 9 juin dernier. Pour autant, l’urgence pour ces enfants n’a pas disparu et les associations, les professionnels et la société dans son ensemble ont placé dans nos travaux de grandes attentes, qui nous obligent collectivement.
    La façon dont notre République protège les enfants les plus vulnérables constitue un enjeu majeur de notre pacte social. Je veux à cet instant avoir une pensée pour chacun d’entre eux. Les drames trop fréquents qui émaillent notre actualité témoignent des graves dysfonctionnements de la protection de l’enfance et du besoin de profondes modifications de cette politique publique à bout de souffle. Il est urgent que la représentation nationale dresse un constat clair des défaillances actuelles et formule des recommandations pour y remédier. C’est pourquoi nous avons déposé, avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés et de nombreux autres parlementaires, une nouvelle proposition de résolution pour relancer une commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance. La commission des affaires sociales a jugé recevable cette proposition de résolution, qu’elle a votée à l’unanimité la semaine dernière. Je m’en félicite très vivement et j’espère qu’elle saura nous rassembler aujourd’hui.
    Sans anticiper le diagnostic complet que la commission d’enquête permettra de dresser, je veux ici insister sur l’urgence de la situation et la nécessité de faire la lumière sur les graves failles du système actuel. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a d’ailleurs rendu hier un avis particulièrement éclairant, à l’issue d’un travail de plusieurs mois pointant la désorganisation systémique qui affecte l’aide sociale à l’enfance : manque de personnels, manque de places en familles d’accueil et en foyers et capacités de contrôle largement insuffisantes sont autant de symptômes d’une politique qui entretient, faute de diagnostic et d’analyse précise des besoins par territoire, une forme de maltraitance institutionnelle à l’égard des enfants confiés en suppléance parentale.
    N’ayons pas peur des mots : quand des nourrissons hébergés en pouponnière présentent le syndrome d’hospitalisme en France, c’est qu’il y a maltraitance systémique. Le modèle français ne sait plus répondre aux besoins fondamentaux des jeunes enfants ni surtout à leur métabesoin de sécurité. Ces bébés et les milliers d’autres enfants victimes de drames que les médias rapportent chaque jour sont les visages d’une promesse républicaine collectivement trahie. Cette commission d’enquête, nous la leur devons, parce que ces visages, ces voix sont trop souvent ignorés, parce qu’ils ont besoin de notre protection et que nous ne pouvons leur faire défaut. Face à l’ampleur des drames vécus, nous devrons promouvoir ensemble des réformes majeures appuyées sur des services publics à la hauteur des besoins et des budgets qui ne sauraient diminuer, mais devront au contraire connaître une très forte augmentation –⁠ c’est un investissement d’avenir.
    Mes chers collègues, vous le savez, le système français de protection de l’enfance est à bout de souffle. La crise est triple : crise de la prise en charge des enfants, crise des moyens financiers et crise de la gouvernance. C’est tout simplement indigne de notre société ! La crise de la prise en charge est connue depuis longtemps et a déjà fait l’objet de nombreux rapports. Près de 400 000 enfants ont bénéficié d’une mesure d’aide sociale à l’enfance en 2022 et 130 000 sont accompagnés par la protection judiciaire de la jeunesse : nous leur devons un accompagnement digne. Ces chiffres ont connu une hausse continue qui n’a été ni analysée ni suivie de mesures permettant de répondre aux attentes.
    Pour la première fois en 2024, l’accueil familial n’est plus le mode de prise en charge le plus fréquent au niveau national. Le croisement des courbes était un phénomène connu et prévu, qui doit nous interroger. L’accueil en hôtel perdure alors qu’il est indigne et désormais interdit. Je le dis et le répète depuis mon entrée à l’Assemblée nationale en 2020 : le temps de l’enfant n’est pas celui de l’adulte. Nous devons réagir en conséquence. Les retards de prise en charge affectent directement la capacité de l’État à assurer la protection des mineurs. Le système de protection de l’enfance fait parfois défaut dès les premiers instants de la vie. La politique de prévention est nettement insuffisante –⁠ elle est même un impensé. Nous devons faire des propositions afin de revoir tout le modèle. J’avais d’ailleurs lancé en mai dernier une alerte maximale au sujet des pouponnières, à la suite de la visite de l’une d’elles dans le Puy-de-Dôme. Où en est le plan d’urgence que nous avions alors demandé ? Où en est la modification du décret du 15 janvier 1974 relatif à la réglementation des pouponnières ? Les mois ont passé, ces bébés sont toujours là et rien n’a changé, le décret n’a toujours pas été modifié !

    M. Thibault Bazin

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    Dommage qu’il n’y ait pas eu de gouvernement dans l’intervalle !

    Mme Isabelle Santiago, rapporteure

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    L’instabilité des parcours de vie de ces enfants et adolescents est inacceptable. En raison de leur parcours de vie difficile et de leur exposition à des violences de tous types, nous devons être à la hauteur. La crise sanitaire du covid a exacerbé la situation, affectant la scolarité, les études, l’emploi et la santé de ces jeunes. Comment accepter que la plupart des jeunes adultes sans domicile fixe soient issus de la protection de l’enfance ? Comment accepter enfin que ces jeunes majeurs soient deux fois plus susceptibles d’être sans diplôme que ceux de leur âge ? Ces parcours chaotiques se terminent trop souvent par une transition à l’âge adulte difficile. L’âge de 18 ans ou de 21 ans tombe comme un couperet, ce qui est inadmissible au regard de ce que les parents font pour leurs propres enfants dans les générations actuelles. Les sorties sèches de l’ASE restent une réalité, alors que nous avions demandé la poursuite de l’accompagnement. Le passage à l’âge adulte est difficile pour ces jeunes, malgré les avancées de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet.
    La crise de la protection de l’enfance est aussi une crise des moyens humains et financiers. La perte de sens vécue par les professionnels était elle aussi prévisible. Les dépenses départementales, qui s’élevaient à près de 10 milliards d’euros en 2022, ont doublé depuis 1998 mais restent trop peu efficaces. L’État s’est désengagé de toutes les politiques publiques censées accompagner les collectivités territoriales. Qui parmi nous peut affirmer qu’il n’a jamais rencontré un problème d’ordre pédopsychiatrique dans un institut médico-éducatif (IME) ou un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (Itep) ? Sur le terrain, les services publics manquent de moyens pour accompagner ces enfants et les départements ne peuvent être laissés seuls pour faire face à la hausse du nombre d’enfants accompagnés dans un écosystème qui doit prendre en charge leur santé sociale.
    La protection de l’enfance s’appuie sur deux jambes : le ministère de la justice et les départements. Or la justice des mineurs est une des premières victimes du manque de moyens : 522 juges des enfants sont chargés de suivre plus de 250 000 enfants faisant l’objet d’une mesure judiciaire. Plus de trois quarts d’entre eux déclarent avoir déjà renoncé à prendre une décision faute de place en famille d’accueil ou en établissement. En outre, plus de 3 000 enfants font l’objet d’une mesure prononcée par un juge mais non exécutée.
    Le secteur médico-social est gravement atteint. Il a cessé de recruter massivement. Nous avons pourtant besoin de pourvoir les 30 000 postes vacants. Les métiers du lien sont cruciaux. Face à cette crise, nous devons absolument examiner la gouvernance du secteur, établir les responsabilités de chacun et nous montrer force de proposition.

    M. Thibault Bazin

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    C’est vrai !

    Mme Isabelle Santiago, rapporteure

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    J’y tiens. C’est l’honneur de la représentation nationale que de relever ce défi. Il s’agit des enfants de la République ; nous leur devons la protection dès le plus jeune âge. Rappelons-nous toujours que la protection de l’enfance est une politique du quotidien et qu’elle commence parfois quelques jours seulement après la naissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et sur quelques bancs des groupes EPR, LFI-NFP et HOR. –⁠ Les députés du groupe SOC se lèvent pour applaudir.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Arnaud Simion.

    M. Arnaud Simion

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    Outre Mme la présidente, Mme la rapporteure et vous, chers collègues, je salue également les jeunes qui sont présents dans nos travées. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. –⁠ MM. Thibault Bazin et Éric Martineau applaudissent également.)

    M. Aurélien Rousseau

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    Bravo !

    M. Arnaud Simion

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    Notre système de protection de l’enfance et d’aide sociale à l’enfance est à bout de souffle. Rappelons les chiffres : 400 000 mineurs et jeunes majeurs relèvent de l’ASE, 150 000 enfants sont suivis par la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et 25 % des personnes sans domicile fixe sont issues de l’ASE. En outre, les menaces pesant sur les enfants se sont accentuées : pauvreté, manque de place au sein des structures d’accueil, manque d’attractivité des métiers, donc de personnel… Plus la pauvreté est prévalente, plus le nombre de mesures nécessaires à la protection de l’enfance augmente. La crise économique de 2008 et la récente crise sanitaire ont accru les vulnérabilités des familles et des enfants, si bien que la France occupe en matière de pauvreté infantile le trente-troisième rang sur trente-neuf pays de l’Union européenne et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le système de protection de l’enfance traverse une crise sans précédent, qui l’amène, par ricochet, à malmener les enfants ou à les protéger insuffisamment.
    Nous sommes encore loin des objectifs fixés en la matière par le code de l’action sociale et des familles (CASF) : « La protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits. Elle comprend des actions de prévention en faveur de l’enfant et de ses parents, l’organisation du repérage et du traitement des situations de danger ou de risque de danger pour l’enfant ainsi que les décisions administratives et judiciaires prises pour sa protection. »
    Pourtant, les lois fondatrices du 5 mars 2007, du 14 mars 2016 –⁠ la loi Rossignol – et du 7 février 2022 –⁠ la loi Taquet – ont fixé les objectifs de la politique de protection de l’enfance et organisé sa déclinaison territoriale. Certains départements se sont saisis de leur compétence en la matière, en s’engageant en faveur de la protection de l’enfance et en la plaçant au cœur de leur action. Néanmoins, il convient de rappeler qu’ils sont en difficulté financière, privés de levier fiscal depuis 2021 et subissant la baisse des droits de mutation à titre onéreux. Il leur est donc difficile d’instaurer pleinement le contrat jeune majeur et l’entretien supplémentaire jusqu’à l’âge de 21 ans, pourtant indispensables pour offrir aux jeunes une réponse globale en matière éducative, sanitaire, culturelle, de logement, de formation, d’emploi et de ressources.
    L’absence de ministre chargé de cette politique publique porte un coup supplémentaire au contrat moral qui lie la puissance publique à ces enfants vulnérables, ainsi qu’aux professionnels qui les accompagnent.
    Il y a urgence à agir, car tous les éléments d’une crise sociale majeure sont réunis, avec comme premières victimes l’enfance et la jeunesse vulnérables ou en danger. Par conséquent, on ne peut que se réjouir que notre assemblée établisse enfin un diagnostic clair des dysfonctionnements de la gestion du service public de l’ASE, dans le cadre d’une commission d’enquête. Ses travaux permettront d’identifier les manquements à l’origine de la situation actuelle ainsi que les défaillances de la gouvernance et de proposer, pour y remédier, des solutions aussi bien législatives que réglementaires et budgétaires. Tous les acteurs pourront être auditionnés et associés à cette réflexion, y compris les départements.
    En se mobilisant pour présenter et défendre cette proposition de résolution, le groupe Socialistes et apparentés souhaite ardemment répondre aux besoins fondamentaux des enfants. Il souhaite aussi répondre aux familles concernées ainsi qu’aux milliers de professionnels départementaux, d’assistants familiaux et de professionnels de l’ASE que nous avons soutenus lors de la manifestation organisée le 25 septembre à l’appel du collectif des 400 000 et coordonnée par la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape).
    Par la création d’une commission d’enquête, la représentation nationale pourra, nous en sommes convaincus, relever ce défi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. –⁠ Mme Maud Petit et Mme la rapporteure applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Nous nous retrouvons pour examiner la proposition de résolution de Mme Isabelle Santiago visant à créer une commission d’enquête parlementaire pour examiner les dysfonctionnements du système de protection de l’enfance. Merci, madame la rapporteure, de nous proposer à nouveau ce travail. Nous sommes tous conscients du caractère un peu particulier de ce texte : la commission d’enquête proposée avait été lancée sous la XVIe législature avant que ses travaux ne soient brutalement interrompus par la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le Président de la République. La nouvelle proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui en reprend les termes. Elle vise à identifier les causes des défaillances de l’aide sociale à l’enfance et à formuler des recommandations concrètes pour y remédier.
    Il s’agit d’un sujet essentiel. Nous sommes nombreux à constater sur le terrain la crise que traverse l’ASE dans nos départements, illustrée par des drames récents. En juin 2024, en Meurthe-et-Moselle, les agents chargés de la protection de l’enfance étaient en grève pour dénoncer « une perte de sens au travail ». Voici les propos que l’on pouvait entendre : « On est là pour protéger les enfants et on n’arrive plus à faire notre travail correctement. Le malaise dure depuis longtemps et on ne trouve pas de solutions. » Des enfants ne sont pas suivis par un psychologue, sans parler de ceux qui n’ont même pas pu être évalués par manque de professionnels. Des projets de vie ne sont pas formalisés car les éducateurs n’en ont pas le temps, alors que les projets d’adoption, par exemple, doivent être préparés très en amont.
    Il importe donc que la représentation nationale s’empare de ce sujet et surtout que le Gouvernement donne suite aux recommandations qui seront faites. La commission d’enquête envisagée à cet effet aurait pour mission d’identifier les causes profondes des dysfonctionnements de l’ASE et de proposer des solutions législatives, réglementaires et budgétaires. Elle examinerait ainsi l’ensemble du système, de l’accueil initial à l’accompagnement des jeunes majeurs vers l’autonomie, en mettant en lumière les disparités territoriales –⁠ il y en a – et les lacunes dans la prise en charge. Cette démarche globale ne peut qu’être soutenue.
    Le groupe Droite républicaine se réjouit qu’une attention particulière soit portée aux défis spécifiques liés à la prise en charge des enfants en situation de handicap ou présentant des troubles du neurodéveloppement.
    Parmi les enjeux auxquels touche la commission d’enquête, on trouve notamment l’articulation des compétences entre le conseil départemental et l’État, l’attractivité des métiers et les conditions de travail des professionnels. Conscient de l’importance de ces enjeux, le groupe Droite républicaine soutiendra pleinement la création de cette commission, comme il l’avait fait lors de la précédente législature.

    M. Xavier Breton

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    Tout à fait !

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    M. Thibault Bazin

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    Un état des lieux est nécessaire. Il permettra de formuler des propositions adaptées pour renforcer la protection et l’accompagnement des enfants les plus vulnérables, tout en pointant les dysfonctionnements actuels de l’ASE.
    Cela étant dit, la protection de l’enfance fait naître aussi de très belles histoires : des vies sauvées, des vies protégées, des vies accompagnées. Il sera intéressant d’examiner également ce qui fonctionne pour s’en inspirer et pour diffuser les bonnes pratiques ainsi valorisées.
    Pour conclure, je veux exprimer toute notre considération envers les professionnels engagés avec dévouement dans nos territoires pour protéger et aider les enfants les plus vulnérables, car c’est bien avec eux que nous pourrons améliorer demain les politiques publiques de protection de l’enfance. Investissons pour nos enfants ; ils sont notre avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Maud Petit et Mme la rapporteure applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arnaud Bonnet.

    M. Arnaud Bonnet

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    « Nous sommes devenus les juges de mesures fictives, alors que les enjeux sont cruciaux pour la société de demain : des enfants mal protégés, ce seront davantage d’adultes vulnérables, de drames humains, de personnes sans abri et dans l’incapacité de travailler. » Ces mots sont ceux de plusieurs juges des enfants de Bobigny, qui les ont publiés dans une tribune en 2018. Depuis de nombreuses années, les magistrats, les professionnels du secteur et les enfants ou anciens enfants placés eux-mêmes nous alertent sur l’état du système de la protection de l’enfance. Régulièrement, l’actualité est marquée par des drames : révélations de violences –⁠ notamment de violences sexuelles – commises par des assistants familiaux, mineurs laissés seuls dans des chambres d’hôtel, violences au sein des institutions et des foyers, réseaux de trafic de drogue, familles d’accueil clandestines qui accompagnent des enfants en toute illégalité…
    Nous devons être actrices et acteurs de la construction d’une véritable politique publique de la protection de l’enfance. C’est pourquoi je salue la possibilité donnée à cette commission d’enquête de reprendre ses travaux. Je remercie ma collègue Marianne Maximi de l’avoir lancée et Isabelle Santiago de s’y être associée.

    Mme Isabelle Santiago, rapporteure

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    Ce n’est pas tout à fait cela…

    M. Arnaud Bonnet

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    Cette longue suite d’abus et de violences ne peut être considérée comme une succession d’actes isolés ; ils s’ancrent dans la logique d’un dysfonctionnement systémique, trop longtemps ignoré ou minimisé, de notre politique de protection de l’enfance.
    Les dysfonctionnements commencent dès la prise en charge des enfants. Le Syndicat de la magistrature et de nombreux professionnels du secteur nous alertent depuis longtemps sur le manque de moyens de la justice pour accompagner et protéger suffisamment ces enfants. Ainsi, on compte en moyenne en France 1 juge spécialisé pour 488 enfants ; certains juges en suivent même plus de 800 ! Plus des trois quarts d’entre eux ont déjà renoncé, faute de place dans une structure adaptée, à placer des enfants pourtant en danger dans leur famille, et plus de 70 % estiment qu’ils ne rendent pas une justice de qualité. Comment les contredire ? Notre pays laisse des enfants souffrir à cause de son incapacité à penser une politique de la protection de l’enfance à la hauteur des enjeux, et surtout à y consacrer les moyens financiers nécessaires.
    En effet, le débat est également budgétaire. Nous ne pouvons faire des économies sur la santé, la sécurité et l’avenir de ces enfants. D’après une enquête menée par le Groupe national des établissements publics sociaux et médico-sociaux (Gepso), l’Association nationale des maisons d’enfants à caractère social (Anmecs) et la Cnape, il faudrait 1,5 milliard d’euros par an uniquement pour garantir un nombre suffisant de professionnels dans les établissements de la protection de l’enfance.
    Il nous sera aussi nécessaire de penser l’accompagnement de ces enfants une fois sortis du système. Si les associations estiment que 35 % à 40 % des personnes sans domicile fixe de moins de 25 ans nées en France sont passées par l’ASE –⁠ il y a des chiffres qu’il faut répéter inlassablement jusqu’à ce qu’ils disparaissent –, c’est bien parce que notre politique de protection de l’enfance est largement défaillante.
    Il est vrai que ces dernières années, quelques avancées ont été réalisées grâce à la mobilisation de militants de la protection de l’enfance, que je salue, et d’anciens enfants placés. Ainsi, la consultation menée en 2014 a abouti à la loi de 2016 qui a réformé le système de la protection de l’enfance en plaçant l’enfant au cœur des interventions des services publics et en renforçant ses droits au sein du système judiciaire. En 2022, le législateur est de nouveau intervenu à la suite des revendications de différents collectifs afin d’interdire la pratique des placements en hôtel et de renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs quittant le système.
    Pourtant, malgré ces avancées législatives, de nombreuses défaillances demeurent. Elles persistent du fait d’une lenteur dans l’application de la législation, mais aussi d’un manque de moyens. Cette commission d’enquête ne doit pas être une énième déclaration d’intention ; cela relève de notre responsabilité. Nous devons travailler de concert avec les professionnels du secteur, les enfants placés et les anciens enfants placés, notamment le Comité de vigilance des enfants placés, pour que notre travail collectif change réellement les choses.
    Afin que ces enfants ne soient plus les oubliés de la République, le groupe Écologiste et social votera pour réinstaurer cette commission d’enquête. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophie Mette.

    Mme Sophie Mette

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    Au mois de juin, la dissolution de l’Assemblée nationale a brutalement mis fin à bien des travaux. Les élections législatives du mois de juillet ont donné à notre assemblée un visage inédit ; elle est constituée de plusieurs blocs dont aucun ne peut prétendre gouverner seul.
    Malgré les brusques interruptions que j’ai évoquées, nous reprenons nos travaux en faisant des choix qui, je crois, nous honorent collectivement. Nous avons commencé en adoptant une proposition de résolution –⁠ essentielle – qui vise à recréer une commission d’enquête sur les violences sévissant notamment dans le cinéma et l’audiovisuel. Nous recommençons avec une commission d’enquête dont le sujet est parfois connexe, à savoir les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance.
    Malgré l’hétérogénéité de l’Assemblée nationale, les différentes forces politiques qui y sont représentées s’accordent pour traiter de nouveau et rapidement le plus important des enjeux : la protection de nos enfants. La conférence des présidents a souhaité que les commissions d’enquête qui avaient commencé leur travail puissent l’achever. Étant donné les thématiques traitées, c’est un symbole dont nous devons nous réjouir collectivement, en dehors de toute allégeance politique.
    C’est en bonne partie à votre détermination et à votre travail, madame la rapporteure, que nous devons la reprise de cette commission. Le groupe Les Démocrates a toujours montré un intérêt particulier pour la protection de l’enfance. C’est le sens de notre investissement au sein de la délégation aux droits des enfants, notamment celui de sa présidente, dont je salue la réélection, Mme Perrine Goulet. Dans une acception plus large de la protection de l’enfance, c’est également le sens de la lutte acharnée de notre collègue Erwan Balanant contre le harcèlement scolaire, celui de la commission d’enquête que j’évoquais précédemment et de bien d’autres travaux.
    Au printemps dernier, le groupe Les Démocrates avait soutenu la constitution d’une commission d’enquête similaire sur les manquements des politiques de protection de l’enfance, à l’initiative du groupe Socialistes et apparentés dans le cadre du droit de tirage dévolu aux groupes d’opposition. Comme cela a été dit en commission, vous avez choisi, madame la rapporteure, de reprendre cette initiative, même s’il aurait été possible de le faire de manière à rassembler davantage. Cela ne nous empêche pas de reconnaître la qualité de votre engagement en matière de protection de l’enfance, au conseil départemental du Val-de-Marne ou à l’Assemblée. Le sujet mérite tous les soutiens ; vous avez le nôtre.
    Nous espérons désormais que la commission d’enquête dont vous étiez rapporteure pourra achever ses travaux dans la sérénité et l’esprit de responsabilité qui doit prévaloir. N’oublions jamais que notre devoir est d’éclairer des décisions à l’impact concret et avisé sur le sort des Français. Nous attendons donc vos propositions et les Démocrates les accompagneront tant qu’elles participeront à améliorer la protection de l’enfance. Notre assemblée le doit aux plus de 200 000 mineurs et jeunes majeurs qui bénéficient d’une mesure de protection dans notre pays. Il y va de l’honneur et de l’avenir de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)

    5. Élection des juges à la Cour de justice de la République (suite)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin pour l’élection des six juges titulaires et des six juges suppléants de la Cour de justice de la République.
    Nombre de votants : 422
    Nombre de suffrages exprimés : 420
    Majorité absolue : 211
    Ont obtenu, par ordre décroissant des suffrages exprimés :
    M. Philippe Gosselin et M. Xavier Albertini : 276 voix ;
    Mme Stéphanie Rist et Mme Blandine Brocard : 275 voix ;
    M. Hervé Saulignac et M. Harold Huwart : 239 voix ;
    M. Pouria Amirshahi et Mme Émeline K/Bidi : 227 voix ;
    M. Ugo Bernalicis et Mme Andrée Taurinya : 200 voix ;
    M. Bruno Bilde et Mme Christelle D’Intorni : 190 voix.
    M. Philippe Gosselin et M. Xavier Albertini, Mme Stéphanie Rist et Mme Blandine Brocard, M. Hervé Saulignac et M. Harold Huwart, M. Pouria Amirshahi et Mme Émeline K/Bidi ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je les proclame juges de la Cour de justice de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS, Dem et GDR.)
    Il y a lieu de procéder à un deuxième tour de scrutin pour l’élection de deux juges titulaires et de deux juges suppléants de la Cour de justice de la République dans les mêmes conditions que pour le premier tour. J’ai simplement raccourci la durée du vote compte tenu du fait que les candidats sont moins nombreux.
    J’ouvre le scrutin qui est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Le scrutin sera clos dans vingt minutes, à dix-sept heures dix.
    La loi organique prescrit en effet l’organisation d’un scrutin même s’il n’y a pas de candidature surnuméraire.

    M. Christophe Bex

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    Ce n’est pas parce qu’il y a moins de candidats qu’il faut raccourcir le temps !

    Mme la présidente

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    L’expression du vote puis le dépouillement sont cependant nettement plus rapides.

    6. Manquements des politiques publiques de protection de l’enfance

    Discussion générale (suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nathalie Colin-Oesterlé.

    Mme Nathalie Colin-Oesterlé

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    La protection de l’enfance est un sujet qui nous tient particulièrement à cœur, à nous tous ici. L’aide sociale à l’enfance est un service départemental essentiel qui a pour mission de protéger les enfants en danger ou en situation de vulnérabilité. Depuis la décentralisation de la politique sociale en 1983, les départements sont responsables de son application et de son financement. C’est une mission essentielle mais –⁠ il faut bien le dire – elle entraîne de fortes contraintes budgétaires qui mettent souvent à mal les finances des départements. En 2021, plus de 9 milliards d’euros ont été consacrés à l’ASE, dont 81 % pour des mesures d’accueil.
    Pourtant, malgré une augmentation significative des budgets, il existe des disparités entre les départements, certains y allouant une proportion de leur budget trois fois supérieure à celle qui y est consacrée par d’autres. En 2021, ce sont près de 377 000 mesures de protection de l’enfance qui ont été prises. Elles concernent environ 2 % des mineurs en France. Ces mesures correspondent, pour plus de moitié, à des placements en dehors du foyer familial ; pour le reste, il s’agit d’interventions éducatives auprès des jeunes ou de leur famille. En 2021, le nombre de jeunes pris en charge par l’ASE a augmenté de 2,4 %, principalement en raison de l’augmentation du nombre de mineurs et de jeunes majeurs non accompagnés.
    Malgré tous les efforts déployés, les politiques de protection de l’enfance se heurtent à de nombreuses difficultés. Le manque criant de places dans des structures adaptées a pour conséquence une durée de placement anormalement longue dans les foyers de l’enfance et le recours à des hébergements non autorisés, dans des hôtels, notamment pour les mineurs non accompagnés.
    Le secteur souffre également d’une pénurie de professionnels et d’assistants familiaux, avec pour conséquence une surcharge de travail et des délais trop importants pour les placements en famille d’accueil. Le suivi médical des enfants placés n’est globalement pas satisfaisant : dans de nombreux cas, l’obligation d’un bilan d’entrée et celle d’un suivi annuel en matière de santé ne sont pas respectées. Enfin, des cas de maltraitance au sein de certains foyers ont révélé des dysfonctionnements majeurs dans le contrôle et la supervision de ces établissements.
    Des avancées législatives ont permis d’apporter de premières réponses. Ainsi, en 2022, la loi Taquet a interdit le placement d’enfants dans des hôtels et a renforcé les contrôles et l’accompagnement des jeunes majeurs à leur sortie de l’ASE. En 2023, un troisième plan de lutte contre les violences faites aux enfants a vu le jour, avec la création des scolarités protégées et le renforcement du suivi médical des enfants protégés.
    Dans ce contexte, je me réjouis de la réactivation de cette commission d’enquête, après l’interruption brutale de ses travaux due à la dissolution. Sa reconduction dès le début de la nouvelle législature est un signal fort, démontrant notre volonté unanime non seulement de nous attaquer résolument aux lacunes de nos politiques en matière de protection de l’enfance mais également, comme le disait Thibault Bazin, de nous inspirer de ce qui fonctionne.
    Je forme le vœu que cette commission aboutisse à des propositions concrètes et ambitieuses, que nous pourrons rapidement appliquer pour le bien des enfants concernés. Le groupe Horizons & indépendants votera sans réserve en faveur de la proposition de résolution et de la recréation de la commission d’enquête afin que ce travail indispensable puisse se poursuivre dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul-André Colombani.

    M. Paul-André Colombani

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    La question des politiques publiques de protection de l’enfance est de celles qui transcendent les clivages politiques et interpellent directement notre conscience collective.
    Les enfants ne votent pas ; ils ne manifestent pas ; ils n’ont pas de syndicats ou de représentation politique directe. Ils sont trop souvent invisibilisés ou laissés pour compte. Ils sont vulnérables entre tous. C’est justement pour cela que leur bien-être doit être la plus haute de nos priorités. C’est notre devoir impérieux, en tant qu’adultes et en tant que législateurs, de prendre la parole et de faire entendre leur voix, de porter leur cause au premier plan.
    Nous avons le devoir moral et surtout politique de leur offrir la possibilité de vivre et de grandir en sécurité et en bonne santé. Je le dis avec gravité, car ils sont aujourd’hui victimes d’un système défaillant. Des milliers d’entre eux connaissent une situation au mieux précaire, au pire dramatique.
    Quotidiennement, les faits divers nous rappellent cruellement les signalements ignorés, les placements inadaptés, le manque de moyens humains et financiers pour les structures d’accueil, l’exposition des enfants à la maltraitance et à la négligence, ou encore leur vulnérabilité face aux réseaux de prostitution.
    Sur ce dernier point, les chiffres sont malheureusement éloquents : au cours des cinq dernières années, le nombre de procédures pour proxénétisme sur mineurs a augmenté de 68 % : la prostitution concernerait 10 000 à 30 000 mineurs en France. Les victimes sont majoritairement des jeunes filles, qui seraient en grande partie issues de l’ASE ; il est difficile de le quantifier, mais 70 % à 80 % des mineurs prostitués seraient des enfants de l’ASE. Il est urgent d’enrayer et de combattre ce phénomène alarmant. Que pouvons-nous donc faire ?
    La première urgence est de reprendre les travaux engagés il y a quelques mois, en créant à nouveau une commission d’enquête sur les manquements des politiques de protection de l’enfance. La commission d’enquête devra nous permettre, d’une part, de mesurer l’étendue des carences du système actuel, d’autre part, d’identifier les outils qui manquent ainsi que les blocages juridiques qui perdurent.
    Nous devons aller vite, être ambitieux et mener unanimement ce combat pour la dignité humaine et la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR et DR.)

    M. Thibault Bazin

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    Efficace !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Édouard Bénard.

    M. Édouard Bénard

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    « La protection de l’enfance sera au cœur des cinq années qui viennent. » Tels furent les mots d’Emmanuel Macron lors du débat précédant le second tour de la dernière élection présidentielle, en avril 2022. Deux ans et demi plus tard, force est de constater que cette promesse de campagne n’a pas été tenue : la situation de l’aide sociale à l’enfance n’a cessé de se dégrader.
    Les alertes sont nombreuses. Il y a, bien sûr, les drames vécus par de très jeunes mineurs. Le débat sur l’hébergement des jeunes de l’ASE avait ainsi été relancé, fin janvier 2024, après la mort de Lily, une adolescente de 15 ans retrouvée pendue dans un hôtel du Puy-de-Dôme où elle avait été placée. Avant elle, en octobre 2023, Méline, 11 ans, avait également été retrouvée morte dans sa chambre d’un foyer associatif de l’Oise.
    Du 14 au 18 octobre 2024, dix-neuf personnes comparaîtront devant le tribunal de Châteauroux pour –⁠ entre autres chefs d’accusation – de graves maltraitances sur une vingtaine d’enfants hébergés, en toute illégalité, entre 2010 et 2017 dans l’Indre, la Haute-Vienne et la Creuse. En réalité, alors que l’ASE du Nord leur avait confié des dizaines d’enfants, ces « familles d’accueil » n’avaient jamais obtenu l’agrément officiel des autorités. Ces drames et ces graves dysfonctionnements doivent cesser.
    Depuis 2022, la Défenseure des droits nous alerte sur l’état dramatique de la protection de l’enfance qui n’est plus « dûment assurée », selon elle, dans de nombreux territoires. Son constat sur la gravité de la situation était déjà sans appel, lorsqu’elle déclarait en 2022 : « Les réponses institutionnelles à ces besoins ne sont pas à la hauteur des enjeux et portent atteinte aux droits fondamentaux des enfants ».
    De leur côté, en mars dernier, 200 travailleurs sociaux de la protection de l’enfance clamaient leur détresse dans une tribune du Monde. Ils dénonçaient la marginalisation de leur métier, des conditions de travail toujours plus difficiles et, en conséquence, l’absentéisme, les difficultés de recrutement et un recours fréquent à l’intérim –⁠ autant de difficultés qui se répercutent sur le suivi et l’accompagnement des enfants.
    Nous ne pouvons pas rester sourds : régulièrement, d’anciens enfants de l’ASE interpellent les pouvoirs publics. Dès que l’ouverture de la commission d’enquête a été annoncée, certains d’entre eux ont créé le Comité de vigilance des enfants placés, notamment destiné à veiller à la qualité des travaux menés par les députés. Les membres de ce comité attendent des parlementaires un travail irréprochable, afin de mettre à jour les manques, les besoins, ainsi que les défaillances de notre système de protection de l’enfance.
    Enfin, nous ne pouvons pas ignorer les appels lancés par le Syndicat de la magistrature. En mai 2024, une enquête à laquelle ont participé 176 des 522 juges des enfants de France mettait en évidence l’existence d’au moins 3 335 placements non exécutés –⁠ soit autant d’enfants contraints de rester dans leur famille, malgré les dangers qu’ils courent. En outre, le syndicat indiquait qu’aux placements non exécutés s’ajoutaient les placements mal exécutés. Il évoquait ainsi le cas de mineurs « ballottés de lieu d’accueil en lieu d’accueil et/ou hébergés dans des lieux non agréés par le département, voire dans des hôtels ou au camping, ce qui est pourtant interdit par la loi ». Au-delà de ce manque de places et de structures adaptées, l’enquête montrait aussi que les juges des enfants manquaient cruellement de temps. Alors qu’ils sont censés entendre tout mineur capable de discernement, comme le prévoit la Convention internationale des droits de l’enfant, 34 % des juges des enfants déclaraient ne pas procéder systématiquement à l’audition séparée des enfants.
    La promesse de mettre la protection de l’enfance au cœur du quinquennat n’a donc pas été tenue. Nous ne pouvons pas attendre encore deux ans et demi. Les enfants en danger et en souffrance, les professionnels, les magistrats, les éducateurs spécialisés, les assistantes familiales, les pédopsychiatres et les associations d’enfants placés ne peuvent plus souffrir la moindre attente.
    Cette commission d’enquête nous offre l’opportunité de répondre dès maintenant à leur appel. C’est pourquoi les députés communistes et ultramarins du groupe GDR prendront leurs responsabilités et voteront en faveur de son rétablissement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC. –⁠ Mme Sophie Mette applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Hanane Mansouri.

    Mme Hanane Mansouri

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    Nous abordons un sujet qui nous concerne tous et qui, malheureusement, met en lumière les échecs tragiques des gouvernements successifs en matière de protection de l’enfance. Le système, principalement géré par l’aide sociale à l’enfance, est en crise profonde : en France, chaque année, 300 000 enfants sont pris en charge par l’ASE ; parmi eux, plus de 80 000 sont victimes de violence.
    De récents drames, notamment le suicide de Lily, jeune fille de 15 ans, soulignent les manquements intolérables des politiques publiques. Malgré les réformes annoncées et les rapports accablants, les dysfonctionnements persistent, laissant les enfants les plus vulnérables dans des situations tragiques.
    Manifestement, les réformes entreprises depuis plus de dix ans n’ont pas réussi à rétablir l’équilibre de ce système essentiel. Malgré sa mission de garantir les droits fondamentaux des enfants, l’ASE échoue souvent à les protéger –⁠ que ce soit à cause d’un manque de places en famille d’accueil ou d’une précarité et d’une instabilité qui nuisent à l’épanouissement des enfants. Cette situation a des conséquences alarmantes pour leur avenir : 70 % des enfants placés ne parviennent pas à obtenir de diplôme et de nombreux jeunes délinquants pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse ont d’abord été suivis par l’ASE. Il est impératif de mettre fin à cette fatalité.
    Le comité des droits de l’enfant de l’ONU n’a fait que confirmer ce que nous dénonçons depuis longtemps : l’inefficacité d’une politique publique qui ne parvient pas à protéger ceux qui en ont le plus besoin.
    L’instabilité politique actuelle, conséquence directe des choix du parti unique, ne doit pas nous faire perdre de vue nos responsabilités envers les Français les plus fragiles. Chaque enfant mérite un avenir meilleur et un accès équitable aux droits et aux chances offerts par notre pays.
    Les différents rapports que nous avons consultés révèlent des dysfonctionnements multiples –⁠ budgétaires, géographiques, liés aux capacités d’accueil –, qui touchent tous les aspects des politiques publiques, de la petite enfance jusqu’à la jeunesse.
    Saisissons cette occasion pour nous pencher également sur la situation des mineurs non accompagnés.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Ah !

    Mme Hanane Mansouri

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    Selon le dernier rapport de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), 22 % des jeunes accueillis en établissement sont des mineurs et des jeunes majeurs non accompagnés. Dans mon département de l’Isère, cette proportion atteignait 24 % au 31 décembre 2022 et 42 % des placements étaient décidés par l’État. Face aux tensions budgétaires et aux défis que pose l’accueil, il est impératif que cette question soit abordée avec sérieux et diligence.
    Le groupe UDR s’engage à dénoncer les lacunes de cette politique et à agir afin qu’en France, chaque enfant bénéficie d’une protection digne et efficace. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Y compris les mineurs non accompagnés ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Tiffany Joncour.

    Mme Tiffany Joncour

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    Les enjeux du sujet dont nous débattons sont immenses. Ils le sont d’abord parce que les nombreux travaux menés, les rapports, les questions au gouvernement et bien d’autres démarches n’y ont jamais vraiment apporté de solutions concrètes. Ils le sont ensuite parce qu’aujourd’hui, notre société échoue dans la responsabilité qu’elle a envers nos enfants.
    La dissolution de juin dernier a interrompu les travaux en cours ; il est essentiel de les reprendre au plus vite. En France, chaque année, plus de 80 000 enfants sont victimes de violence. Chaque semaine, deux enfants sont tragiquement tués au sein de leur famille. Plus de 300 000 enfants sont placés sous la protection de l’aide sociale à l’enfance. Pourtant, 70 % de ces enfants ne décrocheront jamais de diplôme, malgré les 44 000 euros d’argent public dépensés, chaque année, pour chacun d’entre eux. En outre, 40 % des sans-abri de moins de 25 ans sont passés par l’ASE durant leur enfance.
    Depuis des années, les associations, les lanceurs d’alerte et les médias dénoncent des dérives inacceptables et des maltraitances répétées au sein de l’ASE. Et que se passe-t-il ? Rien. Rien de significatif n’a été entrepris à l’échelle nationale ; pire encore, les querelles politiciennes ont court-circuité de potentielles avancées.
    Je pensais que nous nous accordions tous, de manière transpartisane, sur la nécessité de nous mobiliser afin de changer les choses. Pour protéger les enfants, vous ne pouvez plus vous opposer systématiquement à nos propositions.
    Par sectarisme, vous avez rejeté la proposition de loi, présentée par ma collègue Laure Lavalette, visant à étendre le droit de visite des parlementaires aux établissements sociaux et médico-sociaux, parmi lesquels l’ASE. Si vous aviez voté en sa faveur, des drames auraient peut-être été évités. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
    Encore une fois, la situation est grave : saturation des services, pénurie d’éducateurs et d’assistants familiaux, détresse des enfants placés, présence de drogue et de points de deal dans les foyers, recours persistant aux placements en hôtels sociaux, et bien d’autres problèmes. Tous ces faits sont signalés depuis longtemps.
    Dans son programme présidentiel de 2022, Marine Le Pen a souligné la nécessité de recentraliser l’aide sociale à l’enfance. En 1956, l’Assistance publique a été transformée en aide sociale à l’enfance. Ensuite, les lois de décentralisation ont transféré la responsabilité de la protection de l’enfance aux services départementaux. Dès ses débuts, cette décision a entraîné une disparité géographique significative selon le territoire où se trouvait l’enfant.
    Il est impératif que l’aide sociale à l’enfance et la protection judiciaire de la jeunesse œuvrent de concert. Or la loi offre aujourd’hui 101 politiques distinctes de l’ASE, une par département, rendant la coordination pratiquement impossible. Pire encore, ce carcan administratif facilite les abus dont les premières victimes sont les enfants. La cellule d’investigation de Radio France a ainsi révélé qu’une vingtaine d’enfants auraient été victimes de maltraitances graves –⁠ violences physiques, surdosages médicamenteux, conditions de vie indignes – au sein des familles d’accueil qui les hébergeaient sans autorisation. Cette tragique affaire révèle le manque de contrôle des familles et le laxisme de certaines directions de l’ASE.
    Les gouvernements successifs ont tenté d’harmoniser les politiques de l’aide sociale à l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse, mais cette entreprise s’est révélée presque impossible, en raison de l’éclatement des responsabilités. Face aux enjeux cruciaux que pose la mise en place d’une politique efficace en faveur des enfants en danger, il est impératif de rétablir le rôle de l’État : un rôle protecteur pour des enfants ne demandant qu’à être choyés.
    Si la situation est particulièrement alarmante, n’oublions pas que des milliers de professionnels –⁠ médecins, éducateurs, infirmiers, parents d’accueil et bien d’autres – œuvrent, jour et nuit, pour aider ces enfants du mieux possible. Cette commission d’enquête devra également avoir pour objectif d’apporter des solutions pour améliorer leurs conditions de travail.
    Émile Zola disait qu’un État qui ne protégeait pas les plus faibles n’était pas un État. Malheureusement, lorsque l’État demeure passif face aux viols, aux agressions, aux insultes que subissent de nombreux enfants, ainsi qu’aux conditions de vie dégradantes qui prévalent dans de nombreux foyers, il manque à son devoir. Il est impératif que l’État garantisse la protection de ses enfants.
    C’est pourquoi le Rassemblement national votera en faveur du rétablissement de cette commission d’enquête, afin que ses travaux puissent reprendre au plus vite. Cette fois-ci, allons au bout de la réflexion : elle doit mener à des décisions politiques. Il n’est plus acceptable que les rapports des commissions d’enquête restent dans les archives de l’Assemblée nationale. Travaillons ensemble, agissons sans délai. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    Je vous informe que la clôture du second tour de scrutin pour l’élection de deux juges titulaires et de deux juges suppléants de la Cour de justice de la République est annoncée dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Le résultat du scrutin sera proclamé à l’issue du dépouillement.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Laure Miller.

    Mme Laure Miller

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    Nous nous apprêtons à voter pour le rétablissement de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance. Le travail de cette commission, que j’avais l’honneur de présider, a en effet été interrompu par la dissolution de juin dernier.
    Le groupe Ensemble pour la République votera en faveur de son rétablissement, car le sujet est d’importance. À cette occasion, il nous paraît essentiel de pointer du doigt les dysfonctionnements de la protection de l’enfance, ainsi que leur ampleur. Ils concernent, d’une part, la détection, le signalement et le placement des enfants en danger, d’autre part, les capacités, la qualité et le contrôle des structures d’accueil sur notre territoire. Nous souhaitons insister tout particulièrement sur les conditions d’accueil des enfants et sur la nécessité d’une mise à jour des critères d’encadrement.
    Il est tout aussi essentiel d’identifier les freins à la mise en œuvre des lois adoptées par le Parlement et à la publication des décrets d’application –⁠ je pense à l’interdiction de l’hébergement à l’hôtel ou à l’accompagnement des jeunes jusqu’à 21 ans, avec les contrats jeune majeur. De plus, il est indispensable d’identifier les difficultés de formation, de recrutement et de reconnaissance des professionnels et des travailleurs sociaux.
    La commission d’enquête devra aussi mettre en lumière les expériences positives, les départements où il existe une bonne coordination entre les acteurs et où des projets novateurs sont conduits. Il convient de souligner que, fort heureusement, tout n’est pas à jeter.
    Bien sûr, les enfants protégés et les professionnels du secteur attendent que nous posions des mots sur leurs difficultés, que nous disions la réalité de ce qu’ils vivent et que nous mettions fin à l’insupportable et incessant renvoi des responsabilités entre acteurs. Je suis aussi convaincue que ces enfants, ces professionnels et, de manière générale, les Français attendent de nous, avant tout, de l’action.
    Il existe une littérature pertinente et abondante sur les défaillances de la protection de l’enfance. L’an dernier, le Sénat a étudié l’application des lois réformant la protection de l’enfance. De même, Perrine Goulet, présidente de la délégation aux droits des enfants, a récemment effectué des travaux précieux sur le sujet. Enfin, hier, le Conseil économique, social et environnemental a rendu un avis éclairant.
    Nous sommes donc favorables à la reprise des travaux de cette commission d’enquête. Ils doivent être menés en un temps raisonnable, afin de devenir rapidement opérationnels et d’aboutir à la réforme de l’aide sociale à l’enfance. Notre assemblée n’a jamais été aussi morcelée, mais s’il y a un sujet qui peut nous réunir, transcendant les intérêts partisans, c’est bien celui de la protection de l’enfance.
    La question centrale est celle de la protection. Protégeons-nous correctement ces enfants alors que, dans les faits, leur scolarité n’est pas toujours garantie ; alors que moins de 30 % d’entre eux bénéficient d’un bilan de santé au moment de leur prise en charge par l’ASE et que moins de 10 % d’entre eux font l’objet d’un suivi le temps de leur placement ? Remplissons-nous notre rôle de protection lorsque nous ne confions pas ces enfants en priorité à l’entourage familial, contrairement à ce que prévoit la loi de 2022, et que chaque acteur travaille en silo –⁠ l’agence régionale de santé (ARS) considère ainsi que sa mission s’arrête là où la prise en charge par l’ASE commence, alors que c’est l’inverse qui devrait prévaloir ? Remplissons-nous notre rôle de protection lorsque notre système tarde tellement à exécuter une mesure d’assistance éducative qu’on finit par placer un enfant faute d’avoir pu accompagner les parents en amont ?
    Pouvons-nous accepter qu’à l’instant où je vous parle, il se passe plusieurs mois avant qu’une décision de justice de placement soit exécutée ? Quelle crédibilité pour l’action de notre justice, quelle perte de sens pour l’utilité et la fonction du juge lui-même !
    Comment ne pas frémir à la pensée que, dans certaines pouponnières, le syndrome de l’hospitalisme touche certains bébés, que les taux d’encadrement n’aient pas évolué depuis 1974 et que, la nuit, un adulte doive gérer trente bébés ?
    Peut-on, en 2024, se satisfaire du manque criant de statistiques pour mesurer l’efficacité de cette politique publique ? Peut-on accepter de ne pas savoir combien de parents sont pris en charge par l’ASE, combien y entrent et en sortent chaque année, et pour quelles raisons un enfant est pris en charge par l’ASE ?

    Mme Sarah Legrain

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    Pouvez-vous nous rappeler qui était au pouvoir ces dernières années ?

    Mme Laure Miller

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    Pouvons-nous nous contenter que ce que nous, législateurs, avons voulu et inscrit dans la loi ne soit pas pleinement appliqué ?
    Face à ces constats alarmants nous devons apporter des réponses le plus rapidement possible.
    Chers collègues, les solutions ne sont évidemment pas que financières, mais elles le sont en partie. En plein débat sur le budget, il est évidemment difficile de parler gros sous, mais nous savons ce que l’absence de prise en charge des enfants victimes coûte à long terme. Veut-on continuer à raisonner à court terme ou peut-on enfin choisir de miser sur la protection de l’enfance, ce qui, de toute évidence, nous ferait réaliser des économies à long terme ?
    Notre devise se termine par le mot « fraternité ». J’en suis persuadée, nous avons tous une conception exigeante de notre mission et une haute idée de la politique. Protéger les plus vulnérables et faire preuve de solidarité font incontestablement partie de notre socle commun. La protection de l’enfance doit être refondée.
    Dans le microtrottoir diffusé hier au Conseil économique, social et environnemental, une jeune fille évoquait ces enfants qui « grandissent de travers ». Nous devons mieux protéger et accompagner ces enfants qui « grandissent de travers ». C’est une question de dignité et, pour reprendre les mots d’Albert Camus, de « délicatesse du cœur ».
    Le groupe Ensemble pour la République sera favorable à l’adoption de la proposition de résolution. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)

    (À dix-sept heures vingt, Mme Naïma Moutchou remplace Mme Yaël Braun-Pivet au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de Mme Naïma Moutchou
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marianne Maximi.

    Mme Marianne Maximi

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    En écrivant ce discours, difficile de ne pas avoir une désagréable sensation de déjà-vu ; en écoutant l’oratrice précédente, difficile de ne pas penser qu’alors que vous êtes au pouvoir depuis sept ans, vous n’avez pas agi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)
    Nous sommes en octobre 2024. Il y a cinq mois, une première commission d’enquête sur l’aide sociale à l’enfance entamait ses travaux –⁠ travaux interrompus par la dissolution, ce qui a suscité une immense déception.
    Nous sommes en octobre 2024. Il y a huit mois, dans cet hémicycle, nous nous sommes levés pour rendre hommage aux enfants placés décédés dans le cadre de leur placement, alors qu’ils étaient sous la responsabilité de l’État. (Mêmes mouvements.) Nous nous sommes levés parce qu’une enfant, Lily, 15 ans, placée dans un hôtel de mon département, le Puy-de-Dôme, s’était suicidée.
    Nous sommes en octobre 2024. Il y a deux ans, dans cet hémicycle, était adoptée la loi Taquet, qui interdit que des enfants comme Lily se retrouvent abandonnés dans des hôtels, abandonnés par l’État et par les départements pourtant censés les protéger. Les décrets d’application n’ayant pas été publiés, pendant deux ans, des enfants sont restés dans des hôtels, dans des campings, exposés aux trafics de drogue, à la prostitution. Certains y sont morts ; certains y sont encore.
    Collègues, combien de fois allons-nous monter à cette tribune pour donner l’alerte ? Combien de fois allons-nous disserter sur l’envergure de la crise qui est face à nous ? Combien d’autres enfants placés décédés allons-nous pleurer avant que quelque chose ne se passe ? (Mêmes mouvements.) Savez-vous seulement à quel point chaque minute de perdue est une minute cruciale dans la vie de milliers d’enfants et de familles qui dépendent de nous ?
    L’heure n’est plus aux bons mots, ni aux bonnes intentions. L’effondrement de la protection de l’enfance est là ; il emporte déjà avec lui des vies d’enfants, et d’autres seront emportées à chaque minute, si le législateur ne fait rien.
    Bien sûr, nous soutiendrons la création de cette commission d’enquête –⁠ nous avons d’ailleurs soutenu une proposition transpartisane sur le sujet, et j’en remercie une fois de plus tous les signataires – mais je comprendrais que les enfants placés ne nous remercient pas ; que les professionnels, qui donnent eux aussi l’alerte et tiennent tant à faire du bon travail, ne nous remercient pas ; que les familles qui attendent une aide ou l’exécution d’une mesure ne nous remercient pas ; que les assistants familiaux, qui attendent une reconnaissance, une revalorisation, ne nous remercient pas.
    Le temps de l’inaction doit cesser. Certes, cette commission d’enquête est un premier pas et j’appelle à son adoption, mais il serait inconcevable qu’elle se déroule comme la précédente. Nous avons perdu du temps ; n’en perdons pas davantage.
    J’attends de cette commission –⁠ et je ne suis pas la seule – qu’elle identifie les responsables politiques de la situation actuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.) Qui n’a pas publié à temps les décrets d’application pour interdire les placements en hôtel ? Qui a bloqué ? Pourquoi ? Nous avons besoin de ces réponses. Tout le reste ne sera qu’un pansement sur une plaie béante si nous n’identifions pas les causes de cette situation catastrophique.
    Je m’adresse à présent aux collègues du camp présidentiel : vous allez voter en faveur de la création de la commission d’enquête, mais personne n’est dupe. Nous savons que le précédent gouvernement et ses fidèles relais parmi les députés ont tout fait pour empêcher que les travaux de la commission n’avancent et pour en limiter la portée –⁠ par exemple, en s’octroyant toutes les positions de pouvoir, au mépris le plus total de la pluralité des groupes politiques républicains. (Exclamations sur quelques bancs des groupes RN et UDR.) Vous avez d’ailleurs fait de même avec la commission d’enquête sur les crèches privées lucratives.
    La semaine dernière, vous avez franchi une nouvelle étape en vous alliant à l’extrême droite pour conserver vos postes à la tête de la Délégation aux droits des enfants, en faisant élire une vice-présidente d’extrême droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS. –⁠ Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Vous avez voté pour ceux qui veulent appliquer la préférence nationale en matière de protection de l’enfance, en violation des engagements internationaux de la France (Mêmes mouvements), pour ceux qui défendent un modèle familial patriarcal, sexiste, homophobe et réactionnaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et GDR. –⁠ Huées sur les bancs des groupes RN et UDR.) Vous avez préféré le déshonneur à la défaite.
    La protection de l’enfance que nous voulons est celle qui respecte les conventions internationales, qui protège tous les enfants, quelle que soit leur nationalité, toutes les familles, de toutes les violences et de toutes les maltraitances. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes SOC et EcoS.)

    M. Jordan Guitton

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    Il est où Prevost ? Et Quatennens ?

    Mme Marianne Maximi

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    La commission d’enquête devra impérativement identifier les causes et les responsables de la situation actuelle, d’un système qui maltraite et oppresse les enfants. Nous avons besoin d’un sursaut collectif pour que les enfants placés, constamment méprisés et invisibilisés, soient égaux en droits aux autres enfants.
    Le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire y veillera et prendra pleinement sa part pour obtenir des changements concrets en faveur de la protection de l’enfance dans notre pays. (Les députés du groupe LFI-NFP ainsi que plusieurs députés des groupes SOC, EcoS et GDR se lèvent et applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique de la proposition de résolution.
    Sur l’article unique, je suis saisie par le groupe La France insoumise - Nouveau Front populaire et le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Article unique

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marianne Maximi, pour soutenir l’amendement no 9.

    Mme Marianne Maximi

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    Par cet amendement, nous souhaitons que la commission d’enquête étudie également les conditions dans lesquelles les situations d’enfance en danger sont identifiées et signalées aux services de l’aide sociale à l’enfance.
    Il existe un grave dysfonctionnement de la chaîne de signalement, caractérisée par une très forte inégalité territoriale. Tous les départements ne disposent pas d’une cellule de recueil des informations préoccupantes, bien que cette obligation soit inscrite dans la loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Isabelle Santiago, rapporteure

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    Avis défavorable de la commission. À titre personnel, je suis favorable à l’amendement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Un consensus s’était dégagé en commission pour en rester au texte initial de la proposition de résolution, même s’il eût été possible d’en discuter certains termes. L’objectif était de réenclencher rapidement la commission d’enquête. Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 6 traite déjà de la chaîne de signalement. Il n’y a pas de raison de le modifier. L’amendement étant satisfait, nous pourrions nous en tenir au consensus trouvé en commission.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Isabelle Santiago, rapporteure

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    La commission n’a pas examiné ces amendements lors de la discussion du texte –⁠ ils ont été déposés ultérieurement.

    M. Erwan Balanant

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    La commission s’est bien réunie au titre de l’article 88 ?

    Mme Isabelle Santiago, rapporteure

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    Tout à fait. Nous en avons donc discuté à ce moment-là.
    L’amendement no 9 a pour objet un chantier que nous comptions mener. Il n’est pas contraire au texte portant sur les manquements des politiques publiques, ni au travail que mènera la commission d’enquête. C’est pourquoi j’émets, à titre personnel, un avis favorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

    (L’amendement no 9 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie Mesmeur, pour soutenir l’amendement no 10.

    Mme Marie Mesmeur

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    Les établissements médico-sociaux se trouvent dans une situation inédite, avec de grandes mobilisations. En 2019, le Haut Conseil du travail social a recensé 21 millions de journées d’absence chez les professionnels de la protection de l’enfance, ce qui témoigne de leur souffrance au travail.
    Près de 97 % des établissements du secteur de la protection de l’enfance rencontrent des difficultés de recrutement. Les salaires dépassent d’à peine 100 euros le Smic. À cela s’ajoute la pénibilité d’un travail qui concerne une majorité de femmes. Nous saluons l’engagement de ces professionnels du travail social, qui permet de tenir la maison, ainsi que celui des assistants familiaux, dont le travail consiste à accueillir dans leur intimité, leur maison, leur famille. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Isabelle Santiago, rapporteure

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    Avis défavorable de la commission. À titre personnel, j’émets un avis favorable.

    (L’amendement no 10 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marianne Maximi, pour soutenir l’amendement no 11.

    Mme Marianne Maximi

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    Cet amendement a pour objet d’identifier la chaîne de responsabilités, notamment pour ce qui est de la non-parution des décrets.
    La loi Taquet a été adoptée en 2022. Il a fallu attendre plus de deux ans et le suicide de Lily dans un hôtel du Puy-de-Dôme pour qu’un décret soit enfin publié. Or ce décret n’est pas à la hauteur de l’enjeu de la protection de l’enfance puisqu’il déroge à la loi Taquet elle-même !
    Nous avons besoin de comprendre qui a bloqué la parution des décrets. Aujourd’hui, des enfants de moins de 16 ans séjournent encore dans des lieux inadaptés. Il est urgent d’y travailler. C’est le sens même d’une commission d’enquête. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Isabelle Santiago, rapporteure

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    Avis défavorable de la commission –⁠ l’amendement figurait dans le tableau des amendements examinés tout à l’heure en application de l’article 88. À titre personnel, j’y suis favorable.

    (L’amendement no 11 est adopté.)
    (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie Mesmeur, pour soutenir l’amendement no 12.

    Mme Marie Mesmeur

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    La protection de l’enfance est une politique publique décentralisée, ce qui a pour conséquence des ruptures d’égalité d’un territoire à l’autre. C’est notamment le cas pour les investissements, pourtant nécessaires, en matière de prévention.
    Les dérives peuvent être encore plus graves : bien qu’il s’agisse d’une obligation légale, cinq départements ont arrêté l’accompagnement des mineurs non accompagnés pour des raisons budgétaires, sans aucune réaction du gouvernement de l’époque. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.)
    De plus, nous savons aujourd’hui que les financements actuels ne couvrent pas l’augmentation du nombre des enfants en besoin de protection et qu’ils ne suffisent pas à couvrir toutes les mesures prononcées.
    La Convention internationale des droits de l’enfant oblige à une égalité de traitement de tous les enfants. Pour toutes ces raisons, nous voulons connaître les ressources et leur orientation précise, afin de pouvoir, le cas échéant, les cibler de manière efficace. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)

    M. Thibault Bazin

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    Il faudrait surtout connaître les moyens d’évaluation de l’État !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Isabelle Santiago, rapporteure

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    Avis défavorable de la commission et de la rapporteure. L’amendement ne vise que les départements alors qu’il s’agit d’un écosystème où l’État porte une grande responsabilité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

    (L’amendement no 12 est adopté.)
    (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marianne Maximi, pour soutenir l’amendement no 13.

    Mme Marianne Maximi

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    Ce dernier amendement vise à permettre de recenser les décès et disparitions d’enfants confiés à l’ASE, ainsi que d’enquêter à leur sujet. Cette question a longtemps constitué un angle mort médiatique ; on commence à y travailler un peu plus depuis le dramatique suicide de Lily –⁠ je citerai également, parmi tant d’autres, Nour, Jess, Anthony, Méline, Amine ou Myriam, car il importe que les membres de la représentation nationale aient en tête ces vies d’enfants perdues en raison d’un mauvais accueil, d’une mauvaise prise en charge. Notre commission d’enquête doit pouvoir se pencher sur ces cas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Isabelle Santiago, rapporteure

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    Là encore, avis défavorable de la commission et favorable à titre personnel. Rappelons que, comme je l’ai dit en commission, nous ne serons en mesure d’intervenir dans aucun dossier sur lequel la justice enquête déjà.

    M. Thibault Bazin

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    Eh oui ! C’est le cas de toutes les commissions d’enquête !

    Mme Isabelle Santiago, rapporteure

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    En revanche, nous pourrons demander aux services de l’État des chiffres plus précis que ceux actuellement disponibles, y compris concernant ce que l’on appelle des fugues. S’agissant de manquements des politiques publiques, il nous faudrait savoir quels sont, à l’échelon départemental, les processus visant à signaler celles-ci et à retrouver les enfants, ce qui participe de leur protection. Par conséquent, même si je ne souscris pas à votre présentation de l’amendement, madame Maximi, je suis favorable à ce dernier.

    (L’amendement no 13 est adopté.)
    (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    Vote sur l’article unique

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article unique, tel qu’il a été amendé, de la proposition de résolution.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        204
            Nombre de suffrages exprimés                204
            Majorité absolue                        103
                    Pour l’adoption                204
                    Contre                0

    (L’article unique, amendé, est adopté, ainsi que l’ensemble de la proposition de résolution.)
    (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    7. Élection des juges à la Cour de justice de la République (suite)

    Mme la présidente

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    Voici les résultats du second tour de scrutin pour l’élection des juges titulaires et des juges suppléants de la Cour de justice de la République.
    Nombre de votants : 210 ;
    Nombre de suffrages exprimés : 209 ;
    Majorité absolue : 105.
    Ont obtenu
    M. Ugo Bernalicis et Mme Andrée Taurinya : 122 voix ;
    M. Bruno Bilde et Mme Christelle D’Intorni : 118 voix.
    M. Ugo Bernalicis, Mme Andrée Taurinya, M. Bruno Bilde et Mme Christelle D’Intorni ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je les proclame juges de la Cour de justice de la République.
    (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP et UDR.)
    La conférence des présidents a fixé au mardi 15 octobre, après les questions au Gouvernement, la date de prestation de serment des juges élus aujourd’hui.

    8. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, lundi 14 octobre, à quinze heures :
    Débat sur la dette ;
    Discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2023.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-sept heures trente-cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra