Compte rendu de la réunion de la section française - mardi 28 octobre 2025 à 17 heures à l’Assemblée nationale

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Audition de Slim Khalbous - 28 octobre 2025
Audition de Slim Khalbous - 28 octobre 2025 | Copyright : Assemblée nationale

Mme Dieynaba Diop, présidente déléguée, a remercié M. Slim Khalbous, recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), d’avoir accepté cet échange avec les parlementaires membres de la section française de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF). Elle lui a demandé de bien vouloir présenter brièvement l’Agence universitaire de la Francophonie, avant de détailler le Programme international de mobilité et d’employabilité francophone (PIMEF), puis de rendre compte des difficultés budgétaires rencontrées par l’AUF depuis l’annonce par le gouvernement français, en juin 2025, de la baisse de sa contribution annuelle.

M. Slim Khalbous, recteur de l’Agence universitaire de la Francophonie, a tout d’abord indiqué que l’AUF avait été créée en 1961, avant l’Association internationale des parlements de langue française (AIPLF), l’ancêtre de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF). En 2026, l’AUF fêtera son soixante-cinquième anniversaire. En effet, la francophonie éducative et scientifique est née avant la francophonie institutionnelle. Cette organisation est passée d’une utopie à un organe regroupant plus de 1 000 universités et centres de recherche, présents dans 118 pays, dépassant ainsi l’espace francophone classique, et constituant le premier réseau au monde de ce genre. En effet, le réseau du Commonwealth regroupe 500 établissements, le réseau lusophone 150, le réseau arabophone 300 et le réseau africain 280. Rien qu’en Afrique, l’AUF regroupe 450 universités.

Il a ensuite rendu compte de l’évolution suivie ces dernières années selon des axes nouveaux. Au départ, le réseau était très universitaire, puis les politiques publiques éducatives et universitaires ont changé et l’AUF s’est rapprochée des décideurs politiques, en organisant notamment des rencontres annuelles avec les ministres de l’éducation et de la recherche des pays membres. La cinquième édition de ces rencontres aura lieu à Dakar, au Sénégal, du 3 au 6 novembre 2025. Le président de la République du Sénégal prononcera le discours d’ouverture. Les travaux de l’Agence portent notamment sur la réforme des systèmes éducatifs, universitaires et de recherche dans les pays membres, alors que l’UNESCO se consacre essentiellement au primaire et au secondaire. Un accord-cadre lie les deux institutions qui sont partenaires pour accompagner les gouvernements dans le changement de leurs systèmes éducatifs.

Le second axe suivi ces dernières années concerne le rapprochement avec la jeunesse. Auparavant, l’AUF travaillait essentiellement avec les institutions et par ricochet avec la jeunesse, mais l’expérience a montré que cela n’était pas suffisant. Depuis trois ans, il a été décidé d’approcher directement les jeunes francophones, via le système associatif. Ainsi, 200 clubs ont été créés dans 70 pays. Appelées Clubs leaders étudiants francophones (CLEF), ces associations existent au sein des établissements membres de l’AUF et sont un relais essentiel des actions de l’Agence.

A propos du PIMEF, Monsieur le Recteur s’est félicité de l’état d’avancement de ce projet tout en craignant pour sa pérennité en raison des risques liés à son financement. Le projet a été présenté lors du 19e Sommet de la Francophonie organisé à Paris et Villers‑Cotterêts les 4 et 5 octobre 2024 et accepté par les Chefs d’Etat et de gouvernement présents. Puis la France et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) l’ont annoncé parmi les livrables du Sommet. La France a proposé un financement à hauteur de 1 million d’euros et le Canada pour 350 000 euros, constituant ainsi deux fonds d’amorçage.

Trois éléments de travail ont été retenus : construire une plateforme numérique, désigner des référents PIMEF internes à l’AUF partout dans le monde et organiser un tour des universités pour sélectionner les établissements pilotes ‑ce tour a commencé il y a six mois. Par ailleurs, si les réflexions menées par l’AUF dans le passé ont porté sur la gouvernance de ce projet, son financement et la question de l’équivalence des diplômes, il a été décidé de commencer par les universités membres de l’AUF, de demander à chaque université de fixer sa capacité d’accueil c’est-à-dire un quota d’étudiants, de prendre en compte le niveau disparate des établissements, de sélectionner les meilleurs et de viser l’objectif d’une meilleure connaissance des francophones entre eux. Enfin, il a été jugé impératif de favoriser les flux du Nord vers le Sud alors que dans le cadre d’Erasmus 85 % des flux se font du Sud vers le Nord. Dans ce cadre, l’AUF se porte garante, assure le rapprochement entre les établissements et mobilise les CLEF pour l’accueil des étudiants par leurs pairs. Il a également été décidé de commencer dans un premier temps avec les niveaux masters et doctorants pour deux raisons : la première est liée à l’obtention plus facile d’une équivalence et, deuxièmement, les étudiants sont un peu plus âgés que ceux du premier cycle universitaire. A ce stade, les premières demandes concernent pour beaucoup la recherche dans les laboratoires universitaires et pour des durées de trois à quatre mois.

Trois formules sont proposées : la formule classique académique, la formule de recherche avec des cotutelles de recherche dans le cadre de thèses et de publications francophones, la formule professionnelle en entreprise. Sur ce dernier point, M. Slim Khalbous a regretté que les entreprises françaises ne soient pas suffisamment sensibles à la question francophone et ne précisent pas dans leurs annonces de recrutement que la maîtrise du français est un atout pour tel ou tel poste. Les parlementaires pourraient relayer l’intérêt de telles mentions.

Il a ensuite demandé l’appui des parlementaires sur la question des visas, véritable enjeu pour le PIMEF. Il faudrait en effet mettre en place un processus sécurisant la reconnaissance du PIMEF par les consulats facilitant ainsi la délivrance de visas aux candidats retenus pour effectuer ce programme. A cet égard, il convient de souligner que le PIMEF permet d’obtenir des stages d’une durée limitée entre un et quatre mois avec une obligation de retour, sans risque de fuite puisque le diplôme est délivré dans le pays d’origine de l’étudiant.

S’agissant des aspects budgétaires, M. Slim Khalbous a indiqué que la phase pilote du PIMEF, qui sera présentée à Dakar début novembre prochain, permettra d’annoncer la liste des universités qui vont y participer et d’insister sur la nécessité pour les pays membres de le financer, qu’il s’agisse de pays du Nord comme du Sud. Lors de cette réunion de Dakar, 23 ministres de l’enseignement supérieur seront présents, le ministre français s’étant excusé. Ils recevront un dossier comprenant une grille de financement établie selon quatre critères : l’indice de richesse établi par la Banque mondiale, l’indice de développement humain (IDH), le nombre d’étudiants francophones dans chaque pays membre, le degré de francophonie de chaque pays. Un fonds budgétaire minimum obligatoire pour chaque pays participant devra être constitué sur la base de ces quatre critères et sera doublé d’un fonds volontaire.

Mme Amélia Lakrafi, députée, a souligné l’intérêt de cet Erasmus francophone et souhaité savoir combien de pays avaient déjà accepté de le financer.

M. Romain Baubry, député, a rendu compte d’un stage de trois semaines qu’il avait effectué à l’Université Senghor d’Alexandrie, du 15 juin au 4 juillet 2025, dans le cadre d’une classe diplomatique francophone. Il a salué cet espace d’échange, de dialogue et d’excellence entre une dizaine de parlementaires et une soixante de diplomates participants.

M. Vincent Eblé, sénateur, a souhaité savoir si le PIMEF s’adressait uniquement aux établissements publics ou si le secteur privé était également concerné.

M. Slim Khalbous a répondu que quinze pays avaient donné un accord de principe dès avant la diffusion de la grille mentionnée précédemment. L’AUF estime que pour assurer la pérennisation du projet, il faudrait une contribution obligatoire de 35 à 40 pays comprise entre 10 000 et 150 000 €. Il a rappelé qu’il s’agit du seul programme multilatéral Sud-Sud et Nord-Sud et indiqué qu’un test avait déjà été réalisé avec huit pays d’Amérique latine, le projet PUMA, qui concerne un échange d’étudiants francophones entre 25 universités et pour une durée de trois ans. A terme ce projet PUMA sera incorporé dans le projet PIMEF.

Il a remercié M. Romain Baubry pour son témoignage et indiqué à M. Vincent Eblé que les établissements privés et les entreprises étaient concernées par le PIMEF, et pas seulement le secteur public.

Il a ensuite abordé la question du financement de l’AUF et commencé par remercier toutes les personnes qui avaient signé la pétition visant à soutenir l’AUF. Il a indiqué avoir appris le 29 juin 2025 que la contribution française devait baisser de 75 %, alors qu’elle représente 45 % du budget de l’AUF, et qu’elle serait rétroactive à partir du 1er janvier 2025. Or le budget prévisionnel pour 2025 avait été validé en novembre 2024 avec le représentant de l’Etat français et les salaires des salariés et les frais de fonctionnement de l’Agence avaient déjà été payés pour les six premiers mois de l’année 2025. Cette annonce a suscité beaucoup d’inquiétude qui subsiste d’ailleurs car aucune information supplémentaire n’a été communiquée qu’il s’agisse du maintien du budget pour 2025 ou du budget prévisionnel pour 2026, mais aussi pour les quatre prochaines années puisque la stratégie de l’AUF est quadriennale.

M. Slim Khalbous a tenu à rappeler que l’AUF dispose de trois sources de financements. La première ce sont les fonds publics qui représentent 80 % de son budget. Il y a quatre ans, les principaux contributeurs étaient la France, le Canada/Québec, la Belgique et la Suisse. Aujourd’hui, ces cinq pays ne représentent plus que 58 % du budget de l’Agence et ont été rejoints par le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Congo, la Roumanie, le Vietnam, la République démocratique du Congo et même Haïti, soit douze pays. La deuxième source provient des adhésions des 1 000 établissements membres de l’AUF, ce qui représente 5 % du budget. Enfin, la troisième source provient des fonds contractuels, négociés de gré à gré avec des acteurs comme la Banque Mondiale ou les fonds compétitifs comme les fonds européens via des appels à projets, ou encore des fondations philanthropiques. Aujourd’hui cette troisième source est en augmentation. Contrairement à l’OIF, il s’agit de fonds volontaires et non pas de contributions statutaires et donc obligatoires. Le budget était de 32 millions € de 2009 à 2019. En quatre ans, il est passé à 50 millions € mais la baisse des fonds gouvernementaux met en péril l’Agence car les fonds structurels sont fléchés pour des interventions soit dans des zones géographiques imposées soit sur des sujets imposés et, de plus, ne permettent pas de financer les salaires des intervenants. Par ailleurs, l’effet de levier des fonds gouvernementaux a toujours été important : 1 € gouvernemental permet de lever 6 à 7 € de fonds contractuels. M. Slim Khalbous a cité l’exemple de l’Europe occidentale où l’AUF a récemment investi 3 millions € qui ont permis aux universités concernées de lever 15 millions € supplémentaires. Cette incertitude budgétaire freine l’Agence et l’empêche notamment de former ses cadres. Par exemple, sur les 400 que compte l’Agence, 250 ont pu suivre à ce jour des formations en gestion des projets visant notamment à leur apprendre comment lever des fonds.

Mme Dieynaba Diop a remercié M. Slim Khalbous pour la qualité de cet échange, avant d’annoncer les points suivants figurant à l’ordre du jour de la réunion, à savoir les modifications à la composition du bureau de la section française et les désignations aux postes internationaux de l’APF.

A la suite de la démission de M. André Reichardt de son mandat de sénateur, il a été décidé de confier la vice-présidence déléguée de la section française à Mme Elsa Schalck, sénatrice.

Le groupe Horizons & Indépendants a souhaité que M. Thomas Lam, député, remplace Mme Naïma Moutchou, députée, au poste de membre du bureau de la section française, ce qui a été accepté.

A la suite de la démission de M. André Reichardt de son mandat de sénateur, il a été décidé de confier la présidence de la commission politique de l’APF à M. Guillaume Chevrollier, sénateur.

A la suite de la démission de M. Nicolas Meizonnet, député, de son poste de rapporteur à la commission des affaires économiques, sociales et environnementales de l’APF, M. Romain Baubry, député, et Mme Marie-José Allemand, députée, se sont portés candidats. Il a été procédé à un vote à l’issue duquel M. Romain Baubry a été désigné rapporteur à la commission des affaires économiques, sociales et environnementales de l’APF.

La séance a été levée à 18 h 06.