
Députés et sénateurs présents :
Mme Dieynaba Diop, députée, présidente déléguée
M. André Reichardt, sénateur, vice-président délégué
Mme Amélia Lakrafi, députée, déléguée générale de l’APF
M. Pouria Amirshahi, député, vice-président
M. Hussein Bourgi, sénateur, vice-président
Mme Mireille Conte-Jaubert, sénatrice, secrétaire du bureau
M. Michel Guiniot, député, secrétaire du bureau
M. Akli Mellouli, sénateur, secrétaire du bureau
Mme Catherine Belrhiti, sénatrice, membre du bureau
Mme Géraldine Bannier, députée
M. Bernard Buis, sénateur
M. Yan Chantrel, sénateur
Mme Corinne Féret, sénatrice
M. Loïc Hervé, sénateur
M. Marietta Karamanli, députée
M. Bertrand Sorre, député
Mme Dieynaba Diop, présidente déléguée, a remercié M. Thani Mohamed-Soilihi, Ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, d’avoir accepté l’invitation à venir échanger avec les parlementaires membres de la section. Elle a demandé au ministre de bien vouloir éclairer les parlementaires sur les priorités de la France au lendemain du 19e Sommet de Villers-Cotterêts, soulignant que le parlement français accueillera du 9 au 13 juillet 2025 les travaux de la 50e session de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie.
M. André Reichardt, vice-président délégué, s’est joint à ces remerciements avant de souligner le rôle essentiel de vigie de la démocratie joué par l’APF. Il a néanmoins fait part de ses inquiétudes face aux défections successives de certaines sections membres comme le Mali, la Tunisie, le Burkina Faso ou encore le Niger. Ces nouveaux terrains de déstabilisation justifient l’affirmation de l’APF en tant qu’acteur de la diplomatie parlementaire sur la scène internationale.
M. Thani Mohamed-Soilihi, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux a remercié les parlementaires pour cette invitation avant de rappeler l’importance de la Francophonie comme vecteur de solidarité, de justice et de respect des diversités culturelles et linguistiques. Il a souligné que l’attachement à la langue française ouvre des opportunités et engage à des responsabilités.
Revenant sur le 19ᵉ Sommet de la Francophonie organisé en octobre 2024 à Villers-Cotterêts et à Paris, il a mis en avant son importance historique et stratégique, notamment avec l’adoption de la Déclaration de Villers-Cotterêts sur le thème « Créer, innover et entreprendre en français ». Ce texte engage les États membres sur des priorités concrètes telles que le développement économique et numérique, la mobilité, la défense des droits et la diversité linguistique. Il a ainsi rappelé les mesures principales qui ont été adoptées, notamment la création du salon Francotech avec le soutien de l’Alliance des patronats francophones, le lancement du Programme international de mobilité et d’employabilité francophone (PIMEF), du programme Volontaires unis pour la Francophonie, du Collège international de Villers-Cotterêts, et la création de LANGU:IA, outil francophone pour garantir une présence équitable du français dans les systèmes numériques mondiaux.
Le ministre a ensuite salué les actions de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie en matière de gouvernance démocratique, de transition écologique et de promotion de l’État de droit. Il a mentionné la création d’un mécanisme, mis en place par l’APF, de vigilance démocratique et les travaux sur l’harmonisation législative francophone. Son intervention s’est conclue par un appel à poursuivre « l’esprit de Villers-Cotterêts » jusqu’au prochain Sommet de 2026 au Cambodge.
M. Yan Chantrel, sénateur, a jugé que la Francophonie doit aussi se tourner vers la jeunesse, en particulier africaine, et lui adresser un message positif. A cet égard, il a regretté la baisse de 75 %de la contribution française à la francophonie scientifique qui interviendra dès 2025. Il a rappelé que les parlementaires sont des alliés dans ses combats pour obtenir des arbitrages budgétaires favorables.
Il a interpellé le ministre sur la problématique de la monétisation des artistes africains qui, bien qu’ils rencontrent un succès important sur les réseaux sociaux, ne peuvent vivre de leur art. Il conviendrait de les aider.
Mme Dieynaba Diop a relevé l'importance du partenariat France-Sénégal et notamment évoqué la problématique d’obtention de visas pour les étudiants étrangers et les frais d’inscription universitaires élevés en France, qui détournent les étudiants francophones vers d’autres pays moins difficiles d’accès.
En outre, elle a signalé le dépôt, en 2024, d’une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le massacre de Thiaroye du 1er décembre 1944, et salué l’utilisation du mot « massacre » par M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, ainsi que les travaux d’historiens engagés sur cette question mémorielle.
Mme Corinne Féret, sénatrice, a demandé une clarification sur la position de la France vis-à-vis de la Tunisie. La section tunisienne a réintégré l’APF en 2024 mais la situation des droits de l’homme et l’évolution politique intérieure soulèvent des questions.
M. Akli Mellouli, sénateur, a regretté l’existence d’une contradiction entre la volonté de faire rayonner la langue et la culture françaises et la détérioration de l’accueil des étrangers voulant étudier en France. Il conviendrait de mieux prendre en compte les diasporas car c’est en connaissant l’autre que l’on peut avancer ensemble et la question mémorielle sera au centre des futurs paradigmes de la relation franco-africaine. La stratégie de repositionnement du Sénégal avec l’Union africaine tout en conservant le lien avec la France mérite d’être étudiée avec attention.
M. Hussein Bourgi, sénateur, a souligné que la question mémorielle concerne aussi l’Algérie et le Liban en insistant sur les crispations toujours vives. Il a alerté sur les conséquences de ces tensions sur les plans diplomatique, économique et militaire, pointant la montée des influences concurrentes. Selon lui, la francophonie perdra encore du terrain si rien n’est fait en matière de visas ou de politique éducative.
M. Bertrand Sorre, député, a indiqué que la proposition de loi relative à la restitution d'un bien culturel à la République de Côte d'Ivoire, adopté par le Sénat, sera examinée en séance publique à l’Assemblée nationale le 7 juillet prochain. Il a également cité l’exemple du Québec où la découvrabilité des contenus numériques en français est une priorité. Il faudrait s’en inspirer.
M. Pouria Amirshahi, député, a plaidé pour une approche réellement francophone en matière de numérique, d’intelligence artificielle, de traduction. Il a insisté sur la distinction nécessaire entre aimer la France et aimer le français, et défendu une francophonie polycentrée, enrichie par les langues populaires, qui accepte l’altérité. Faire le contraire constitue une erreur stratégique. Il a regretté l’inertie persistante sur certains projets, comme celui d’un Erasmus francophone, évoqué depuis plus de dix ans sans aboutir. Les gestes patrimoniaux comme la rénovation du château de Villers-Cotterêts ne suffisent pas. Il faut ouvrir un nouveau chapitre avec des preuves tangibles comme les visas, le mémoriel, etc.
Mme Géraldine Bannier, députée, a rappelé que d’autres supports restent essentiels, en plus du numérique, et regretté le manque de livres dans certaines Alliances et Instituts français, notamment au Cap Vert et à Sao Tomé-et-Principe.
Mme Amélia Lakrafi, députée, déléguée générale de l’APF, a, elle aussi, regretté la baisse des crédits alloués aux programmes francophones, et particulièrement la rétroactivité de certaines décisions budgétaires. Elle a pointé la contradiction entre la réduction de la subvention à l’AUF et la demande de développement du PIMEF, alors que le Président de la République annonce débloquer 100 millions d’euros pour accueillir les chercheurs américains. La Francophonie scientifique doit elle aussi être développée et elle pourrait s’appuyer sur les grandes entreprises.
S’agissant de la propriété intellectuelle, elle a cité l’exemple de la Société des auteurs, compositeurs éditeurs de musique (SACEM), qui pourrait être encouragée à développer des partenariats avec d’autres pays.
Elle a rappelé que le financement de l’APF est un levier essentiel pour les pays de la Francophonie et que cette aide transforme concrètement le travail des acteurs francophones sur le terrain. Sur 54 pays partenaires de la Francophonie, les relations se sont détériorées avec quatre d’entre eux seulement et c’est fortement dû à la désinformation.
M. Thani Mohamed-Soilihi a répondu aux questions des parlementaires.
Parmi les seize livrables issus du sommet de Villers-Cotterêts figure le programme PIMEF qui est au cœur du message envoyé à la jeunesse et les arbitrages budgétaires sont à la discrétion du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Concernant la monétisation, des échanges avec les acteurs du numérique pour renforcer la protection des artistes francophones sont en cours. Le ministre a également évoqué sa visite de chantier à la future piscine olympique construite à l’occasion des Jeux olympiques des Jeunes à Dakar, qui lui a permis de constater la volonté conjointe, avec les autorités sénégalaises, de développer de nouveaux partenariats avec la France.
Il est important de poursuivre les échanges humains entre la France et la Tunisie, par exemple à travers le développement de programmes croisés de volontaires.
La question mémorielle est importante. Outre le Bénin et le Sénégal, des gestes similaires avec la Côte d’Ivoire, Madagascar et le Cameroun sont en cours. Il faut néanmoins veiller à ne pas imposer ces gestes mais attendre qu’une demande soit introduite par les concernés pour un véritable effet réparateur. S’agissant de la restitution des biens culturels, il n’existe pas actuellement de loi-cadre. Il existe une forte demande de francophonie en Afrique mais aussi au Québec, ou encore aux Seychelles.
La question de la découvrabilité des contenus francophones figure parmi les livrables du Sommet de Villers-Cotterêts.
En conclusion, le ministre a remercié les parlementaires pour les propositions émises et s’est engagé à les associer davantage. Sur le plan budgétaire, il a indiqué que tous les engagements pris par le Président de la République lors du Sommet ont été financés pour 2024, 2025 et 2026 et que la baisse des crédits annoncée ne concernera pas les livrables du Sommet, tout en reconnaissant un certain impact pour l’Agence universitaire de la Francophonie. Il a mis en garde contre ceux qui attaquent la francophonie en pensant nuire à la France, rappelant que la communauté francophone est avant tout une communauté d’intérêts. Il a réaffirmé sa volonté d’innover en français, d’en faire une langue d’affaires et de technologie. Il a terminé en évoquant le programme PIMEF et le projet de collège international, soulignant le rôle central que doit jouer Villers-Cotterêts dans cette dynamique.
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A l’issue de ces échanges, et conformément au deuxième point de l’ordre du jour, la présidence de la commission politique de l’APF a été confiée à M. André Reichardt, sénateur, en remplacement de M. Christophe-André Frassa, qui a démissionné de cette fonction.
Puis la nouvelle composition du bureau de la section française, pour la partie Assemblée nationale, a été validée comme suit :
Présidente : Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente de l’Assemblée nationale
Présidente déléguée : Mme Dieynaba Diop
Vice-présidents : MM. Pouria Amirshahi, Guillaume Bigot, Vincent Ledoux
Secrétaire général adjoint : M. Michel Herbillon
Secrétaires : MM. Jocelyn Dessigny, Michel Guiniot, Aurélien Taché
Trésorier adjoint : M. Stéphane Hablot
Membres : Mmes Farida Amrani, Marine Hamelet, Hanane Mansouri, M. Emmanuel Maurel, Mmes Sophie Mette, Naïma Moutchou, Prisca Thévenot, Estelle Youssouffa
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Le troisième point de l’ordre du jour relatif au programme de la 50e Session de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie qui se tiendra à l’Assemblée nationale et au Sénat du 9 au 13 juillet 2025 a été présenté par Mme Dieynaba Diop.
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La réunion s’est clôturée avec une cérémonie de remise des insignes de l’Ordre de la Pléiade par Mme Dieynaba Diop à Mme Claudine LEPAGE, ancienne sénatrice, et M. Carles DIAZ, poète.