Conférence des présidents de la Région Europe et Assemblée régionale Europe de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie Andorre-la-Vieille (Principauté d’Andorre), du 20 au 22 octobre 2025

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Assemblée régionale Europe de l’APF à Andorre-la-Vieille - photo de groupe 2
Assemblée régionale Europe de l’APF à Andorre-la-Vieille - photo de groupe 2 | Copyright : Assemblée nationale

Mme Dieynaba Diop, députée (Socialistes et apparentés), présidente déléguée de la section française, M. Hussein Bourgi, sénateur (Socialiste, Écologiste et Républicain), vice-président de la section française, Mme Michelle Gréaume, sénatrice (Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky), secrétaire du bureau de la section française, M. Akli Mellouli, sénateur (Écologiste – Solidarité et Territoires), secrétaire du bureau de la section française, Mme Catherine Belrhiti, sénatrice (Les Républicains), membre du bureau de la section française, et M. Philippe Bolo, député (Les Démocrates), membre de la section française, se sont rendus à Andorre-la-Vieille pour participer aux travaux de la 37e Assemblée de la Région Europe (ARE) de l’APF, organisés du 19 au 22 octobre 2025, à l’invitation de la section andorrane de l’APF. Mme Dieynaba Diop a également participé à la Conférence des présidents de la Région Europe qui s’est réunie mardi 21 octobre avant la 37e ARE.

Assemblée régionale Europe de l’APF à Andorre-la-Vieille - délégation française
Assemblée régionale Europe de l’APF à Andorre-la-Vieille - délégation française © Assemblée nationale

Etaient également représentées les sections suivantes: Andorre, Arménie, Belgique/Wallonie-Bruxelles, Jersey, Jura, La Sarre, Luxembourg, Monaco, Roumanie, Suisse, Vallée d’Aoste, Vaud, Albanie, Bulgarie, Catalogne, Chypre, Géorgie, Lituanie, Monténégro, Serbie, Valais, Bosnie-Herzégovine.

M. Ryan Robicheau, délégué régional Amérique, était également présent.

Les travaux de la 37e Assemblée régionale Europe ont débuté par une séance solennelle d’ouverture au cours de laquelle plusieurs allocutions ont été prononcées par M. Carles Ensenyat Reig, Sindic General, président du parlement de la Principauté d’Andorre (Conseil général), M. Marc Magallon Font, président de la section d’Andorre, Mme Amélia Lakrafi, déléguée générale de l’APF (message vidéo), Mme Anne Lambelin, déléguée régionale Europe.

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Cette 37e Assemblée régionale Europe était placée sous le thème « coopération et développement économique en région Europe de l’APF » et organisée en trois tables rondes.

1. La première table ronde a été consacrée au sujet « crises géopolitique et commerciale : comment les économies européennes s’organisent-elles pour faire face à l’actualité internationale ? ».

Mme Elvire Fabry, experte à l’Institut Jacques Delors, s’est exprimée sur « les nouveaux enjeux de compétitivité et de sécurité économique à l’heure de la géopolitisation du commerce ».

Elle a estimé que l’environnement international ne subissait pas une crise dont la communauté internationale pourrait sortir en revenant au multilatéralisme. Il s’agit bien d’un changement structurel. La politique menée par le président Donald Trump depuis sa réélection n’est pas simplement un tournant protectionniste ni un réajustement de la balance commerciale américaine via une fermeture du marché américain et une plus grande ouverture du marché de pays tiers. Elle allie des objectifs politiques à des outils économiques avec une méthode coercitive.

Ainsi, avec l’Union européenne, il ne s’agit pas d’un accord ni d’une négociation mais d’une redéfinition des termes d’échange. La Commission européenne a abordé cette discussion en ayant les mains liées dans le dos à cause du soutien à l’Ukraine, synonyme de soutien à la sécurité des pays européens, ce qui l’empêche d’utiliser ses outils pour répondre. Le président américain la distrait du défi structurel chinois auquel elle est confrontée, à savoir la surcapacité de la production chinoise et la capacité d’innovation. L’Europe subit des pressions des deux côtés pour s’aligner soit sur les intérêts américains soit sur les intérêts chinois. Pour l’experte, le nationalisme économique américain va durer au-delà du mandat de Donald Trump qui va s’attaquer aux réglementations européennes notamment en matière de numérique et d’environnement. C’est pourquoi il faut se préparer à une deuxième phase d’affrontement.

Pour y répondre, l’Union européenne doit renforcer sa compétitivité économique, fournir des efforts de simplification de sa règlementation, réorienter les investissements vers l’innovation, mutualiser les capacités, selon Mme Elvire Fabry. Une année a déjà été perdue depuis les propositions de M. Mario Draghi sur la compétitivité européenne. Déjà en juin 2023, la commission européenne avait proposé une stratégie de sécurité économique pour rester un marché ouvert et le préserver, qui reposait sur trois piliers : la défense commerciale, les partenariats dans le monde, le renforcement de la capacité industrielle de l’Union européenne. L’Europe a raté ce tournant de plus de coordination et de stratégie collective, notamment lorsque le Canada a essayé de résister aux pressions de Donald Trump et qu’il n’y a pas eu de coalition internationale pour demander le respect de la règle de droit.

M. Père Villanova Tris, représentant d’Andorre à la commission européenne pour la démocratie par le droit (commission de Venise) du Conseil de l’Europe, est intervenu sur la thématique « l’Europe devant une crise géopolitique sans précédents : défis et opportunités pour les Etats concernés ».

Il a d’abord rappelé que la géopolitique était un triangle qui essaie d’organiser le monde sous trois angles : celui de la géographie du territoire, celui du pouvoir politique, celui du droit où les Etats jouent un rôle central et sont notamment responsables de la création des organisations internationales, parmi lesquelles les régions doivent jouer un grand rôle. Depuis la fin de la guerre froide, de nombreuses organisations régionales soit thématiques (selon le vocable anglo‑saxon « issues oriented ») soit géographiques, ont proliféré à l’instar de l’OPEP, de l’OMC, de l’OTAN. Les Etats doivent s’intégrer dans cette logique, c’est-à-dire accepter l’état de droit et la relation entre la hiérarchie des normes et la distribution des compétences dans le respect de la loyauté constitutionnelle. Il a estimé que le système international actuel qui est actif à travers le régionalisme était une des rares bonnes nouvelles.

Après ces deux présentations, la parole a été donnée aux parlementaires, dont Mme Dieynaba Diop, présidente déléguée de la section française, qui a souligné combien le second mandat de Donald Trump avait surpris par les différences avec le premier et ce malgré l’annonce préalable de son programme. Elle a insisté sur la nécessité pour la région Europe de s’adapter à la situation et de riposter.

Assemblée régionale Europe de l’APF à Andorre-la-Vieille - Michelle GRÉAUME
Assemblée régionale Europe de l’APF à Andorre-la-Vieille - Michelle GRÉAUME © Assemblée nationale

Elle a considéré que les droits de douane présentés comme « réciproques » et dont le but annoncé était de réduire le déficit commercial américain, d’alléger la dette publique américaine, d’inciter les entreprises étrangères à ouvrir des usines sur le sol américain et ainsi à créer des emplois, et ce dans le cadre du programme « Make America Great Again » (MAGA), étaient en fait devenus une arme au service des intérêts géopolitiques et économiques des Etats-Unis.

Face à la réaction du Canada, de l’UE, du Mexique, du Brésil, de la Corée du Sud, attachés au multilatéralisme et aux règles de l’Organisation mondiale du commerce et qui ont tenté de former une coalition pour mieux résister aux assauts protectionnistes de Washington, le président américain a divisé pour mieux régner et traité chacun séparément et sur un terrain géopolitique. Il s’est attaché à détruire le multilatéralisme. A titre d’exemples, elle a cité l’UE et le soutien à l’Ukraine, le Japon et de la remise en cause de l’alliance militaire qui protège l’archipel dans un environnement régional instable, et aussi le Brésil où Donald Trump a tenté de contrer une décision de justice touchant l’ancien président Jair Bolsonaro.

Elle a regretté que l’Union européenne n’ait pas su tirer profit de la taille de son marché pour mieux négocier, en menaçant par exemple de restreindre certaines exportations de produits stratégiques, comme l’a fait la Chine avec les minerais utilisés pour les batteries et les puces électroniques par exemple. L’UE n’a pas su montrer ses forces en voulant éviter une escalade tarifaire et se garantir un peu de stabilité. Ce faisant elle est sous la menace de nouvelles taxes si elle maintient sa régulation du secteur de la Tech, ce qui est inquiétant pour la suite.

Mme Dieynaba Diop a conclu que deux mondialisations vont se superposer, même s’il est encore difficile de mesurer les conséquences à long terme de cette nouvelle donne et notamment sur la nouvelle géographie du commerce mondial : celle du libre-échange qui va se poursuivre pour les produits à faible valeur ajoutée et celle compartimentée où les échanges et les technologies seront soumis à de nombreuses restrictions. La mondialisation économique est en train de se fracturer et le monde regarde impuissant.

Par ailleurs, si les bénéfices escomptés par le président américain pour son pays sont loin d’être aussi élevés qu’il l’espérait, le grand gagnant de cette guerre commerciale en est aussi la principale cible, à savoir la Chine, première puissance exportatrice de la planète qui continue son offensive commerciale sur le monde. C’est un vrai paradoxe, l’agressivité commerciale américaine qui devait contrer la Chine a permis le réchauffement des relations entre l’Inde et la Chine, le renforcement des liens entre le Brésil et la Chine, entre autres. Sur le long terme, il faudra être plus stratège et savoir saisir les opportunités quand elles se présenteront.

Les interventions des autres sections ont porté sur la conciliation entre les nouvelles technologies, notamment basées sur les batteries au lithium, et le respect de l’environnement, le processus de décisions à 27 Etats membres qui prend du temps, la nécessité de renforcer la coopération entre Etats membres et de respecter les valeurs fondatrices européennes, l’importance de sensibiliser les citoyens à ces problématiques, les possibilités de routes commerciales alternatives.

Mme Elvire Fabry a salué l’analyse de Mme Dieynaba Diop et confirmé que l’offensive commerciale de Donald Trump est bien un exercice de prédation sans limite, alors que l’Europe pensait qu’il s’agissait de la suite de l’offensive lancée par Joe Biden contre la Chine. Mais le scénario est plus compliqué. Le président américain s’acharne contre certains pays dont l’Union européenne et l’état de droit, la règlementation, la démocratie. Il cherche à fragmenter cet ensemble européen.

S’agissant de la stratégie de l’UE, il est clair que celle-ci n’a pas toute la marge de manœuvre pour s’imposer dans cette confrontation. Actuellement, il y une volonté de distinguer ce qui relève des enjeux économiques et d’une coercition politique. Cependant, à un moment ou un autre, elle devra utiliser ses instruments anti coercition pour rester crédible et savoir si elle les utilise contre les Etats-Unis ou la Chine qui privilégie le bilatéralisme avec les Européens. Elle a reconnu avec Mme Dieynaba Diop que l’on avançait vers une fragmentation de la mondialisation avec un risque d’accord entre les Etats-Unis et la Chine et indiqué que le Mercosur permettait à l’UE d’occuper une place en Amérique latine avec une stratégie offensive et pas seulement défensive.

Selon elle préserver les valeurs de l’UE reste au cœur des préoccupations des Etats européens et doit permettre des partenariats gagnants-gagnants. Il faut décider des secteurs à protéger et des stratégies à adopter pour ce faire. Il faut également sensibiliser les citoyens et les mobiliser, notamment sur les questions de cybersécurité qui concernent tout le monde, les entreprises comme les familles, car les manipulations fragilisent le fonctionnement des démocraties.

M. Père Villanova Tris a estimé que les deux grandes politiques publiques que sont la défense et les affaires étrangères resteront nationales mais que cela n’empêche pas les régions d’y participer. Par ailleurs, les Etats ont besoin de maintenir une logique de sécurité avec un contrôle des frontières et de l’immigration.

Mme Florence Brillouin, directrice de la Francophonie économique et numérique (DFEN) à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), a présenté la stratégie économique de l’OIF qui, dans une posture d’optimisme-réalisme, vise à stimuler les échanges, soutenir l’entreprenariat surtout des femmes et des jeunes, à promouvoir les économies durables et innovantes. Elle a souligné le formidable potentiel de l’espace francophonie qui regroupe 90 Etats et gouvernements sur 5 continents, avec 321 millions de locuteurs, dont le nombre devrait doubler en 2050 selon les projections. Depuis 2022, cette stratégie économique a permis d’organiser 6 missions économiques, notamment au Liban, au Vietnam, en Roumanie, au Québec et au Bénin. Ces missions s’adressent aux PME, plutôt qu’aux grands groupes, et ciblent les secteurs. Ainsi, 5 000 rendez-vous d’affaires ont été tenus. Des missions retours sont aussi effectuées au maximum 18 mois après la première mission, et dans un format plus technique, avec des spécialistes juridiques par exemple pour lever certains obstacles. L’OIF mise aussi beaucoup sur le commerce intra régional et développe les opportunités Nord-Sud mais aussi Sud-Sud.

M. Bastien Brunis, président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) de l’Est parisien (Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne), a rappelé le besoin de stabilité et de visibilité pour les entreprises au moment où l’actualité internationale bouscule les économies européennes et par ricochet leurs entreprises. Il a dénoncé les règles imposées aux entreprises par l’UE qui ne sont pas applicables aux acteurs économiques d’autres pays et estimé que l’UE avait les moyens de peser dans la relation avec les Etats-Unis dont les entreprises sont financées à 43 % par l’épargne européenne. Il a invité les parlementaires à lire le rapport de Mario Draghi et à peser sur leurs gouvernements pour une application rapide de ses recommandations. Par ailleurs, il a plaidé pour une aide au secteur privé afin de répondre à la crise multiforme actuelle et une plus forte intégration en matière économique, jugeant que l’absence de marché unique des capitaux nourrit les populismes. Enfin, il a également défendu l’instauration d’un visa francophone des affaires.

Plusieurs parlementaires sont ensuite intervenus dans le débat dont Mme Dieynaba Diop qui a demandé que l’OIF associe les parlementaires membres de l’APF lors des prochaines missions économiques déployées par celle-ci, rappelant que l’organisation le fait déjà lorsqu’elle déploie des missions électorales francophones.

Mme Florence Brillouin a accepté de relayer cette demande aux instances concernées.

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2. La deuxième table ronde a porté sur « économie et emploi en Europe : l’impact de l’IA pour une croissance inclusive et diversifiée ».

M. Stijn Broecke, économiste senior à l’Organisation pour la coopération et le développement en Europe (OCDE), a présenté les travaux de l’OCDE sur l’intelligence artificielle et le marché du travail. Il a d’abord rappelé que l’OCDE suit les développements de l’IA depuis 2019 et son étude porte sur l’année 2023, année où les premiers effets de l’IA sur le marché du travail sont encore minimes en termes d’emploi et positifs pour la productivité. En effet, 4 travailleurs sur 5 estiment que l’IA a amélioré leurs performances au travail et 3 travailleurs sur 5 estiment que l’IA a amélioré leur plaisir au travail. Néanmoins, plus de la moitié des travailleurs estiment que l’IA collecte trop de données. L’étude montre aussi que l’IA pourrait accroître les inégalités entre les travailleurs. Les professions les plus exposées sont souvent les plus qualifiées et ce sont celles qui ont connu la plus grande croissance. A contrario, les métiers manuels (agriculture et pêche, cuisine, ménage, etc.) y sont moins exposés.

Au final, M. Stijn Broecke relève qu’il y a une relation positive à l’IA que l’OCDE ne comprend pas très bien pour l’instant. En outre, il estime que pour accompagner le développement de l’IA, les gouvernements devraient investir dans la formation, promouvoir le dialogue social, fournir une protection sociale et des services de réinsertion, soutenir une transition inclusive et garantir que l’IA soit sûre et digne de confiance.

Mme Claudia de Sessa, chargée de mission à la Direction générale de la recherche et de l’innovation de la Commission européenne, a présenté la stratégie et les programmes de l’Union européenne (UE) relatifs à l’intelligence artificielle. Le plan d’action de la Commission, présenté en avril 2025, s’articule autour de 5 axes : construire une infrastructure informatique (supercalculateurs, giga-usines, cloud pour l’IA) pour traiter les données de l’IA à grande échelle, accroitre l’accès à un grand volume de données par la création de laboratoires de données, développer des algorithmes et favoriser l’adoption de l’IA dans des secteurs stratégiques pour l’Union, renforcer les compétences et les talents en matière d’IA par l’apprentissage et l’accompagnement des travailleurs.

Concernant les centres de données, Mme  Claudia de Sessa a précisé que sur les 13 que compte l’UE, 3 sont dans des pays francophones, et a évoqué des initiatives menées en Belgique ainsi que le succès de l’entreprise française Mistral AI. Pour la Commission européenne, le monde du travail va être piloté par l’IA. Une offre d’emploi sur trois est déjà exposée à l’IA aujourd’hui. Il faut développer les compétences en Europe pour créer des avantages compétitifs. L’Europe a multiplié les formations et attire des talents extérieurs, comme dans le secteur des professions juridiques, mais elle doit accélérer la cadence. Dans les domaines ou l’Union n’a pas de compétence, comme l’éducation, elle appelle les parlementaires nationaux à agir et à développer des écosystèmes fluides.

A la suite de ces présentations, Mme Michelle Gréaume, sénatrice, est intervenue pour appeler à ne pas être trop naïfs vis-à-vis de l’intelligence artificielle. Comme toute révolution économique, elle ne créera des emplois qu’à terme et va d’abord en détruire. En outre, l’IA est déjà un frein à l’embauche des jeunes diplômés, en particulier dans le secteur de la finance, dans le commerce et dans les cabinets de conseil. Et la tendance va s’amplifier, car en France, plus de la moitié des employeurs trouvent plus facile de former une IA à leurs métiers que d’embaucher un jeune diplômé. Face à ce phénomène, il sera nécessaire de protéger et de transformer l’emploi et d’instaurer un droit à la formation tout au long de la vie. Il faudra accompagner les salariés pour leur permettre de trouver un travail dans cet environnement chamboulé.

En outre, Mme Michelle Gréaume a dénoncé le fait que la technologie et les données sont accaparées par une poignée de géants privés, les GAFAM et les fonds d’investissement. L’IA est utilisée pour optimiser les chaines de production, surveiller et contrôler le travail, augmenter les cadences et précariser les emplois. Elle conduit à une détérioration des conditions de travail et à une perte d’autonomie pour les travailleurs. De plus, le bénéfice de l’IA se concentre dans les métropoles et les pôles d’innovation, ce qui accélère la désertification des zones rurales et périscolaires. Pour y remédier, il serait intéressant d’étudier la possibilité de développer les technologies d’intérêt général pour répondre aux besoins sociaux comme la santé, la transition écologique ou les services publics. Et afin de garantir un accès équitable et souverain à ces technologies, c’est au niveau européen qu’une telle action devrait être menée.

L’Assemblée a ensuite entendu M. Jordi Ascensi Sala, Coordinateur de projets numériques à Andorra Research + Innovation. L’expert auprès du Conseil de l’Europe a notamment insisté pour que les législateurs fassent évoluer leur façon de légiférer. Il a prôné l’innovation et une phase de test d’une législation pour juger de son effectivité.

Enfin, M. Ahcène Gheroufella, directeur adjoint de l’économie durable et inclusive chez Expertise France, s’est exprimé sur « l’Europe face à la révolution de l’intelligence artificielle : catalyseur de transformation ou facteur de dépendance ? Pour une trajectoire européenne de souveraineté technologique et de résilience économique.

Il a tout d’abord estimé que l’histoire se répète dans la mesure où l’invention de l’IA produits le même type de réactions et de conséquences que lors de l’invention de la machine à vapeur en 1769 et posé la question de quelle autorité pour contrôler cette révolution, alors que 90 % de l’environnement en matière d’IA sont entre les mains de la Chine et des Etats-Unis, et que l’opacité algorithmique de l’IA et les nombreux biais dans l’entraînement des modèles sont à déplorer. Cette domination est asymétrique par rapport aux autres acteurs émergents comme la Corée du Sud et le Japon en matière de robotique et d’IA industrielle ou l’Inde et ses talents. En Europe, il existe des acteurs comme ASML (Pays-Bas), Mistral AI (France), Graphcore Limited (Royaume-Uni), OVHcloud (France) mais il reste encore à construire une architecture pour l’écosystème IA européen. L’expert a proposé cinq leviers pour combler le retard européen en la matière. L’UE doit mobiliser des investissements massifs et stratégiques. Elle doit construire une infrastructure de calcul souveraine et résiliente. Elle doit harmoniser la régulation pour favoriser l’innovation responsable. Elle doit former, attirer et retenir une main-d’œuvre qualifiée en IA. Elle doit coordonner efficacement les initiatives nationales et européennes. Les forces doivent être mobilisées rapidement ses forces pour façonner l’avenir de l’IA selon les valeurs européennes avant que l’écart technologique ne devienne trop grand. Par ailleurs l’IA doit tenir compte de la transition écologique.

A l’issue de cette présentation, un débat s’est instauré avec les parlementaires.

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3. La troisième table ronde a permis d’aborder la question suivante « jeunesse francophone et économie de demain : acteurs du changement et catalyseurs de l’innovation ».

M. Juri Minoves Triquell, recteur de l’université d’Andorre, et ancien ministre des Affaires étrangères de la Principauté, est intervenu sur le thème de la francophonie scientifique, les universités et les jeunes au cœur de l’innovation et de l’emploi. Il a déploré que la grande majorité des publications scientifiques se fasse en anglais, même en France. Il a ensuite défendu la stratégie de l’Agence universitaire de la Francophonie pour défendre les études et une recherche d’excellence en français.

M. Ahcène Gheroufella, directeur adjoint de l’économie durable et inclusive chez Expertise France, a présenté des actions à mener pour permettre l’émergence de jeunes leaders francophones, comme acteurs d’une francophonie économique audacieuse et connectée.

A la suite à ces présentations, Mme Catherine Belrhiti, sénatrice, est intervenue pour la mise en place d’un Erasmus francophone. Quelques données justifient une telle ambition. Il y a plus de 90 millions d’élèves et d’étudiants dans le monde qui suivent leur scolarité en français. La langue française est la langue de scolarisation de 36 pays, seule ou aux côtés d’autres langues. Et elle est aussi une langue vivante étrangère apprise par environ 50 millions de personnes. Enfin, il importe de préciser que 80 % des élèves scolarisés en français sont sur le continent africain. Ce que ces chiffres montrent, c’est que la langue française dispose d’un véritable statut et d’un pouvoir d’attraction que n’ont pas toutes les langues. Elle est une langue de scolarisation, une langue d’enseignement, c’est-à-dire une langue de transmission et de partage des savoirs. Et l’espace et la population sont suffisamment conséquents pour qu’on y favorise la circulation des individus, c’est-à-dire, en premier, des étudiants.

Pour y parvenir, la sénatrice a proposé de démarrer modestement. Comme le préconise l’Agence universitaire de la francophonie, il vaut peut-être mieux cibler d’abord certaines populations d’étudiants, les étudiants en master et en doctorat. En outre, la mobilité ne devrait durer que 3 à 4 mois, un temps plus facile à gérer pour les organismes d’accueil. L’AUF propose également de viser trois types de mobilités : une mobilité d’études, une mobilité de recherche et une mobilité d’entreprise. Pour mettre ce système en place, il faut une reconnaissance des diplômes plus importante entre pays de l’espace francophone. Il faut aussi envisager de bourses d’échanges entre universités. Il faut aussi un financement partagé entre le Nord et le Sud, sans quoi le programme ne pourra pas se faire. Enfin, et c’est peut-être le sujet le plus difficile dans le contexte politique actuel en Europe, il faut faciliter l’obtention d’un titre de séjour francophone pour les candidats éligibles. C’est-à-dire qu’il faut faciliter l’obtention de visas pour les étudiants francophones.

Enfin, l’Assemblée a entendu M. Alexandre Planelles, directeur général de l’Alliance des Patronats francophones. Cette association regroupe 37 organisations professionnelles représentatives de 35 pays francophones sur les 5 continents, soit plus d’un million d’entreprises. L’objectif de l’Alliance est de créer des synergies entre les secteurs privés francophones et de lever les barrières réglementaires afin de favoriser davantage les échanges commerciaux et les flux économiques entre les pays de l’espace francophone. Pour M. Alexandre Planelles, l’espace francophone représente un enjeu considérable pour les entreprises : 16 % du PNB mondial, 20 % du commerce mondial de marchandises, 14 % des réserves mondiales de ressources minières et énergétiques, 7 % de croissance en moyenne. Surtout, le français est la troisième langue la plus utilisée pour faire des affaires. C’est pourquoi l’Alliance organise des événements et des opérations visant à mettre en relation des acteurs économiques francophones. Elle était présente pour le Sommet de Villers-Cotterêts en 2024 avec le salon Francotech et sera également présente au Cambodge en 2026. En écho aux propos de la sénatrice Catherine Belrhiti, M. Alexandre Planelles a insisté sur l’enjeu stratégique de la mobilité dans l’espace francophone.

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A l’issue de ces trois tables rondes, les parlementaires ont adopté une déclaration promouvant une Francophonie économique innovante, résiliente, inclusive et tournée vers la jeunesse. A la demande de la section française, la déclaration demande notamment à l’OIF d’intégrer des parlementaires membres de l’APF aux missions économiques qu’elle déploie. Le texte de la déclaration figure sur le site de la Région Europe de l’APF : https://www.regioneurope-apf.eu/wp-content/uploads/2025/10/Declaration-Andorre-la-Vieille.pdf.

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Les points suivants de l’ordre du jour ont porté sur la présentation des rapports d’activité de la Région Europe, l’adoption des comptes 2023 et 2024, et l’annonce des prochaines réunions :

 - du 12 au 14 avril 2026, Conférence des présidents de la Région Europe de l’APF à Varsovie, à l’invitation de la section polonaise ;

- du 18 au 20 novembre 2026, 38e Assemblée régionale Europe de l’APF à Bruxelles, au Parlement européen et au siège du Parlement de la Fédération de Wallonie-, à l’invitation de la section Belgique/Wallonie-Bruxelles.

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Les parlementaires français ont été reçus à l’ambassade de France par Son Exc. M. Nicolas Eybalin, ambassadeur de France en Andorre, en présence de M. Carles Ensenyat Reig, Sindic General, président du parlement de la Principauté d’Andorre (Conseil général), et des membres de la commission de la politique extérieure du parlement andorran.

Assemblée régionale Europe de l’APF à Andorre-la-Vieille - Ambassade de France à Andorre - groupe
Assemblée régionale Europe de l’APF à Andorre-la-Vieille - Ambassade de France à Andorre - groupe © Assemblée nationale