Question écrite n° 57013 :
Indemnisation

9e Législature

Question de : M. Charroppin Jean
- Rassemblement pour la République

M Jean Charroppin appelle l'attention de Mme le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle sur l'embarras cause aux entreprises et aux medecins du travail par une jurisprudence relativement recente (29 novembre 1990, confirmee le 11 decembre 1990), qui a desormais force de loi, stipulant que tout salarie devenu et declare inapte a poursuivre son activite pour des raisons de sante, en dehors du cadre des accidents du travail ou maladies professionnelles, doit beneficier de l'indemnite legale de licenciement, voire meme de l'indemnite conventionnelle de licenciement, lorsque la convention collective n'en exclut pas le versement. En effet, auparavant, toute inaptitude totale consecutive a un etat de sante, ou la responsabilite de l'employeur n'etait pas engagee, etait consideree comme une rupture de contrat de travail a l'initiative du salarie et correspondait donc a une simple demission. L'intervention du medecin du travail consistait donc a entrer en contact avec le medecin conseil afin d'envisager avec lui le devenir medical et social du salarie qui faisait l'objet d'une prise en charge au titre de l'invalidite categorie I ou II selon la gravite de l'etat pathologique. Le systeme repondait ainsi justement et de facon logique aux regles du travail. Depuis novembre 1990, a l'initiative de quelques deliberes de justice, le fondement meme du role represente par les indemnites de licenciement semble perverti par meconnaissance des regles elementaires du droit en matiere de responsabilite civile pour la reparation d'un prejudice. La garantie que les indemnites representaient pour le salarie, en cas de menace de licenciement injuste ou evitable, devient desormais un motif plus attractif et lucratif (que la simple prime de depart a la retraite en outre) pour obtenir une conclusion d'inaptitude apres cinquante-cinq ans, surtout par le biais du medecin du travail, voire du medecin conseil. Ainsi, tout salarie voyant son acuite visuelle baisser jusqu'a etre genante, ou souffrant d'une lombarthrose toujours invalidante, voire d'une cirrhose alcoolique avancee, sera fatalement plus incite, surtout apres trente-cinq ans de carriere, a se sentir veritablement inapte qu'a lutter un minimum pour poursuivre cette derniere. Il convient alors de se demander quel echo pourra trouver alors le medecin du travail dans ses efforts d'amenagement de poste, d'horaire ou de reconnaissance Cotorep pour aider le salarie a terminer sa carriere ? Cette deviation d'une loi bien etablie par le code du travail risque de se retourner finalement contre les salaries dans leur ensemble en rendant precaire leur emploi. Les entreprises n'auront effectivement plus les moyens d'embaucher des remplacants pour poursuivre l'activite en cours et pourront etre tentes de faire jouer la clause « faute grave » pour se dispenser d'une charge dont ils n'ont pas a subir le poids, puisqu'ils n'en sont pas responsables. Enfin, compte tenu du climat de tension lie a la conjoncture qui regne dans les entreprises, il parait difficile de repondre sans scrupule ni embarras a un salarie ou a un employeur qui souhaite etre eclaire sur ce point. C'est pourquoi il lui demande de lui faire connaitre ses reflexions suscitees par cette nouvelle jurisprudence, qui risque d'aggraver de facon catastrophique les charges financieres et la competitivite des entreprises, ainsi que les mesures qu'elle compte prendre pour permettre a la medecine du travail de se fonder sur une legislation logique, claire, impartiale et de conserver un climat relationnel de confiance, indispensable a sa credibilite.

Données clés

Auteur : M. Charroppin Jean

Type de question : Question écrite

Rubrique : Licenciement

Ministère interrogé : travail, emploi et formation professionnelle

Ministère répondant : travail, emploi et formation professionnelle

Date :
Question publiée le 27 avril 1992

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