Deuxième séance du mercredi 15 janvier 2025
- Présidence de M. Xavier Breton
- 1. La santé mentale des jeunes
- Mme Anne-Cécile Violland (HOR)
- Mme Soumya Bourouaha (GDR)
- M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR)
- Mme Marie-France Lorho (RN)
- Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR)
- Mme Clémence Guetté (LFI-NFP)
- Mme Chantal Jourdan (SOC)
- M. Corentin Le Fur (DR)
- M. Sébastien Peytavie (EcoS)
- M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem)
- Mme Béatrice Piron (HOR)
- M. Max Mathiasin (LIOT)
- M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
- Mme Béatrice Bellamy (HOR)
- M. Yannick Neuder, ministre
- M. Marcellin Nadeau (GDR)
- M. Yannick Neuder, ministre
- M. Olivier Fayssat (UDR)
- M. Yannick Neuder, ministre
- M. Julien Limongi (RN)
- M. Yannick Neuder, ministre
- M. Alexandre Dufosset (RN)
- M. Yannick Neuder, ministre
- M. Jean-François Rousset (EPR)
- M. Yannick Neuder, ministre
- M. Stéphane Vojetta (EPR)
- M. Yannick Neuder, ministre
- Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP)
- M. Yannick Neuder, ministre
- M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP)
- M. Yannick Neuder, ministre
- M. Joël Aviragnet (SOC)
- M. Yannick Neuder, ministre
- Mme Isabelle Santiago (SOC)
- M. Yannick Neuder, ministre
- M. Corentin Le Fur (DR)
- M. Yannick Neuder, ministre
- M. Arnaud Bonnet (EcoS)
- M. Yannick Neuder, ministre
- Mme Géraldine Bannier (Dem)
- M. Yannick Neuder, ministre
- Mme Sophie Errante (NI)
- M. Yannick Neuder, ministre
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de M. Xavier Breton
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)
1. La santé mentale des jeunes
M. le président
L’ordre du jour appelle le débat sur le thème « La santé mentale des jeunes ».
La conférence des présidents a décidé de l’organiser en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland.
Mme Anne-Cécile Violland (HOR)
Cinq minutes pour aborder le sujet si important de la santé mentale, c’est peu ! Mais c’est proportionné au temps et aux actions consacrés à la prise en compte de cette question dans notre société, qui ne lui accorde que bien trop peu de place. Je remercie donc la vice-présidente Naïma Moutchou d’avoir proposé ce thème de débat.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne depuis de nombreuses années qu’il n’existe pas de santé sans santé mentale. Selon elle, un jeune de 10 à 19 ans sur sept souffre d’un trouble mental tel que la dépression, l’anxiété, un trouble du comportement ou l’éco-anxiété. Ce sont les principales causes de morbidité et de handicap chez les adolescents. Le suicide représente à lui seul la troisième cause de décès chez les 15-29 ans. Il est donc fondamental d’accompagner les jeunes, particulièrement durant l’adolescence, période cruciale pour leur développement et leur bien-être.
Depuis 2020, nombre de rapports scientifiques et sociaux nous alertent sur l’augmentation des souffrances psychiques chez les enfants et les adolescents. Bien sûr, il s’agit parfois de troubles préexistants, exacerbés par la situation anxiogène de la période du covid. Mais ce n’est pas toujours le cas. Les problèmes de santé mentale étaient là avant la crise sanitaire, qui n’aura eu qu’un mérite : permettre un début de prise de conscience collective, encore balbutiant.
Dans la plupart des cas, ces troubles ne sont ni détectés ni traités, par manque de prévention et de connaissance. Selon une étude de Santé publique France (SPF) de 2023, 35 % des 18-24 ans estiment ne pas prendre soin de leur santé mentale. Au cours de notre vie, nous sommes tous un jour ou l’autre, et souvent dès le plus jeune âge, confrontés à un problème de santé, physique ou psychique. Mais si, dans le premier cas, une réponse adaptée est trouvée, le second cas est trop souvent passé sous silence, par peur, par manque d’informations ou de connaissances, et encore plus quand le patient est jeune. Face à cette situation, on ne peut se contenter de s’émouvoir et de dénoncer des drames qui entraînent le décès de jeunes gens et brisent des familles.
À l’échelle de l’Union européenne, un nouveau pilier en matière de santé est apparu en 2023. Il propose une approche globale où la santé mentale est mise sur un pied d’égalité avec la santé physique. Parmi les mesures annoncées, l’Europe propose notamment un soutien aux pays membres dans le déploiement de politiques publiques en matière de santé mentale.
En France, nous avons le dispositif Mon soutien psy, mais il doit être encore amélioré. En effet, l’obligation de prescription pour pouvoir consulter ne facilite pas l’accès au parcours de soins. Ensuite, le nombre de séances remboursées ne peut être le même pour tous, compte tenu de la variété de troubles existants et de la nécessité de proposer un parcours de soins adapté à chacun. Enfin, le montant payé aux professionnels ne valorise pas le travail de ceux qui participent au dispositif et n’incite pas les autres à y prendre part alors qu’ils sont déjà surchargés.
Santé publique France souligne que la promotion du bien-être, l’accès aux soins et l’inclusion dans la société constituent des enjeux majeurs. Ils ne peuvent attendre et nécessitent de mener des politiques publiques fortes, notamment en matière de prévention et de formation. Sensibiliser, libérer la parole, prévenir : voilà des axes à davantage soutenir. Ne laissons pas nos jeunes dans la détresse, accompagnons-les, informons-les, soutenons-les, afin que leurs troubles ne s’intensifient pas à l’âge adulte, qu’ils puissent recevoir les soins adaptés à leur état de santé et qu’ils ne se mettent pas en marge de la société.
Il est nécessaire d’inclure davantage les acteurs médico-sociaux tout comme les milieux scolaires. Là encore, la formation est essentielle. Alors que le gouvernement précédent, sous l’égide du premier ministre, Michel Barnier, avait érigé la santé mentale en grande cause nationale en 2025 et que les premiers travaux devaient débuter, la santé ne peut pas attendre et dépendre des positions dogmatiques de groupes politiques freinant l’exercice de la démocratie. Elle doit transcender les clivages, et un consensus est impératif sur cette question. Le nouveau premier ministre, François Bayrou, a confirmé cette grande cause nationale dans son discours de politique générale.
Certes, la santé a un coût. Mais quel est celui de notre inaction en la matière ? Il est tellement élevé qu’il est difficilement quantifiable – plusieurs milliards d’euros pour notre seul pays. Et, surtout, quel est le coût social, psychique et financier pour nos jeunes ? L’urgence nous rappelle à notre responsabilité et nous commande de prendre des mesures concrètes sans tarder. Monsieur le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, l’heure n’est plus aux constats mais à l’action, pour davantage d’équité sociale et sociétale. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
M. le président
La parole est à Mme Soumya Bourouaha.
Mme Soumya Bourouaha (GDR)
La santé mentale a été déclarée grande cause nationale pour 2025, dans un contexte où les secteurs de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie sont en grande difficulté face à l’afflux de nouveaux patients, de plus en plus jeunes.
Les chiffres confirment la gravité de la situation et soulignent l’urgence d’agir pour répondre au mal-être de la jeune génération. Par exemple, le taux de passage aux urgences pour des troubles psychiatriques est en forte hausse chez les jeunes. Une enquête de l’Ifop de 2024 révèle que la proportion de jeunes ayant déjà eu des pensées suicidaires atteint 23 %, soit quasiment un jeune sur quatre. Elle établit également qu’un jeune de 11 à 24 ans sur deux a traversé un épisode dépressif d’au moins deux semaines au cours de l’année écoulée. Cette détresse semble particulièrement marquée chez les jeunes femmes : 27 % d’entre elles déclarent avoir eu des pensées suicidaires, contre 18 % des garçons. De plus, elles sont davantage touchées par l’anxiété, avec 68 % des filles concernées contre 51 % des garçons. Ces chiffres mettent en lumière des écarts significatifs qui appellent des réponses adaptées aux besoins spécifiques de chacun. Enfin, une étude de janvier 2024 de Santé publique France a démontré que les enfants des milieux modestes sont particulièrement touchés : ceux vivant sous le seuil de pauvreté sont trois fois plus souvent hospitalisés pour des problèmes psychiatriques que les autres.
Les sources d’angoisse sont multiples. La précarité et le cadre de vie sont des facteurs marquants. L’épidémie de covid-19, les confinements, les couvre-feux, la crainte du virus ont créé un climat anxiogène et ont délité les relations sociales pendant de longs mois. À des âges où les interactions sociales sont essentielles, les enfants, les adolescents et les jeunes adultes ont été très touchés par ce repli sur soi et sur les écrans. Les bouleversements et catastrophes climatiques qui s’enchaînent, ainsi que le contexte géopolitique marqué par les guerres en Ukraine et en Palestine alimentent aussi ces angoisses. Par ailleurs, la mise en concurrence des lycéens et lycéennes à travers la plateforme Parcoursup contribue à ce climat anxiogène.
Les auteurs de l’étude publiée par Santé publique France soulignent la nécessité d’un dépistage et d’une prise en charge précoces afin de prévenir les répercussions sérieuses à l’âge adulte. Mais comment dépister efficacement lorsque, dans certains départements, exerce un seul pédopsychiatre ? Comment faire lorsque le délai d’attente pour obtenir un rendez-vous en centre médico-psychologique (CMP) est souvent supérieur à six mois ? Le constat est éloquent : le nombre de pédopsychiatres a baissé de moitié en dix ans. Dans les territoires d’outre-mer, la situation est encore plus grave : on y compte moins de cinq praticiens pour 100 000 habitants de moins de 16 ans. Dans ces territoires, 30 % des moins de 20 ans sont confrontés à de graves addictions, à des violences ou à une détresse psychique.
Les structures d’accueil sont insuffisantes, et l’école, devenue un désert médical à part entière, n’a pas les moyens de déceler les besoins des élèves. Ainsi, on estime qu’en dix ans le nombre de médecins scolaires a chuté de 20 %. En 2023, il n’y en avait que 900 pour 60 000 établissements. À l’université, on compte un psychologue pour 30 000 étudiants, alors que la norme recommandée est de 1 pour 1 500.
Quant au dispositif Mon soutien psy, il n’est clairement pas adapté à des besoins de long terme. Seules douze séances par an peuvent être remboursées par l’assurance maladie. Cela n’est pas suffisant car la prise en charge et le soin reposent sur la capacité du patient à prendre la parole sur ce qu’il a vécu et à énoncer ce qu’il ressent. Or il faut souvent plusieurs séances pour créer un lien de confiance avec le praticien permettant au patient de se confier aisément.
Enfin, parce que le temps de prise en charge manque, les professionnels prescrivent parfois des anxiolytiques et des antidépresseurs qui ne sont pas adaptés aux enfants et aux adolescents. Ainsi, dans un rapport publié en 2024, l’assurance maladie a révélé que la consommation de psychotropes chez les 12-25 ans a bondi de plus de 60 % entre 2019 et 2023. Ce n’est pas acceptable.
C’est pourquoi je défends le renforcement d’un pôle de santé scolaire. Je propose également de mettre en place un dépistage obligatoire en classe de quatrième centré sur la santé mentale des élèves, de revaloriser les métiers de la psychiatrie, d’investir dans la formation et le recrutement des professionnels de santé et, enfin, d’accroître les moyens alloués aux structures d’accueil.
C’est en reconstruisant un maillage solide de soins, de prévention et d’accompagnement que nous pourrons répondre aux besoins des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Mme Clémence Guetté, M. Sébastien Peytavie et M. Arnaud Simion applaudissent également.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot (UDR)
Trois gouvernements se sont succédé en affichant la même priorité. Après Gabriel Attal et Michel Barnier, François Bayrou a lui aussi désigné la santé mentale comme grande cause nationale. Il me semble important de saluer la continuité de l’orientation donnée, au moins dans la communication.
Dans l’action, en revanche, les choses se corsent et les déclarations d’intention restent malheureusement lettre morte. Les quelques tentatives engagées par les différents gouvernements peinent à porter leurs fruits. En 2022 déjà, la santé mentale des adolescents s’était nettement dégradée puisque 24 % des lycéens déclaraient avoir eu des pensées suicidaires. Cette même année, le ministre de la santé, Olivier Véran, nous promettait une « petite révolution » en matière de santé mentale : huit séances gratuites chez le psychologue grâce au dispositif Mon psy, toutefois boycotté par 93 % des professionnels libéraux.
L’élargissement du dispositif, sous l’impulsion de Michel Barnier, avec l’introduction du principe d’une consultation mensuelle de psychologie gratuite pour tout demandeur, reprend sous nos yeux les erreurs du socialisme : saupoudrer d’argent public un problème, un peu comme si on tentait d’éteindre un incendie à l’aide d’un arrosoir de jardin. Pendant ce temps, les centres médico-psychologiques sont totalement embolisés.
Le constat est sans appel : en 2025, nous sommes encore bien loin de la « petite révolution pour la santé mentale » annoncée par Olivier Véran. Combien de temps allons-nous continuer à mal traiter les conséquences plutôt que bien traiter les causes ? Alors que 78 % des Français affirment que la santé mentale est aussi importante que la santé physique, seuls 34 % d’entre eux considèrent qu’elles font l’objet d’une même attention. Résultat : 63 % des jeunes Français sont régulièrement inquiets pour leur état psychique. La souffrance est bien réelle. Ainsi, un quart des personnes interrogées ont traversé un épisode dépressif prolongé.
Plus alarmant encore, chez les 18-24 ans, le nombre de tentatives de suicide a doublé depuis 2017. La consommation d’antidépresseurs a bondi, quant à elle, de 60 % chez les 12-25 ans en quatre ans. Cette augmentation est certainement due à l’évolution des pratiques médicales et des prises de conscience chez les jeunes Français – deux éléments qui méritent d’être interrogés. Il y a aussi indubitablement une vague de fond qui vient ravager toute une population, en majorité des filles et des jeunes femmes.
Parce que cette population française aura la lourde tâche de refonder notre pays, au sein de familles équilibrées et d’une nation confiante et ambitieuse, nous devons l’accompagner avec la plus grande bienveillance et la meilleure exigence.
Par ailleurs, l’essor du wokisme chez les plus jeunes est bien souvent l’expression d’un mal-être, traduction d’un nihilisme bien contemporain.
Mme Clémence Guetté
N’importe quoi !
M. Alexandre Allegret-Pilot
L’éclatement des structures familiales, la perte de repères collectifs ambitieux ainsi que la large diffusion d’idéologies victimaires et autocentrées, prônant la déconstruction plutôt que la construction, ne sont pas sans conséquences : le doute, l’anxiété et le sentiment d’impuissance semblent avoir largement remplacé la confiance, la sérénité et la réalisation dans l’action. Difficile dans ces conditions de conserver un équilibre physique et mental – l’un n’allant pas sans l’autre. Je ne fais qu’esquisser un diagnostic bien modeste, je vous l’accorde, et hautement imparfait, de la part d’un simple député.
Venons-en au nœud du problème. Pour traiter la véritable épidémie qui menace la santé mentale des jeunes Français, il nous faut avant tout en avoir une connaissance suffisante, c’est-à-dire en définir le périmètre, comme dirait Michel Foucault, en identifier et en hiérarchiser les causes, tout en cartographiant les populations les plus à risque. Ainsi seulement pourrons-nous déployer des solutions susceptibles non seulement d’amoindrir les conséquences, mais aussi et surtout de résorber les causes des dérèglements psychologiques et physiques qui affectent beaucoup trop de nos concitoyens, en premier lieu les jeunes.
La dernière mission d’information à l’Assemblée nationale sur ce sujet remonte pourtant à 2013. Compte tenu de la situation, que chacun peut constater, il est grand temps de la renouveler ; je vous invite à y participer. Il y a trois mois, le 22 octobre, j’ai demandé au premier ministre un état des lieux de la situation mentale des jeunes Français, de ses causes et des interprétations à en dégager. Je n’ai toujours pas reçu de réponse, à croire que cette priorité nationale n’était pas si prioritaire que cela.
J’espère que vous démontrerez qu’au-delà des mots, vous accordez à cette problématique la place essentielle qu’elle mérite et que méritent les jeunes Français. William Golding écrivait : « Pire que la folie. La santé mentale. » Ensemble, donnons-lui tort. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à Mme Marie-France Lorho.
Mme Marie-France Lorho (RN)
Championne, la France détient le record malheureux d’un mal bien grand qui affecte près d’un cinquième de sa population. L’état de la santé mentale des Français est alarmant. Avec un quart de la population consommant régulièrement des anxiolytiques, des hypnotiques ou des antidépresseurs, notre pays s’est hissé au premier rang mondial des prescripteurs de ces traitements. Parmi les 13 millions de Français affectés par ce fléau, la détresse de la jeune population est particulièrement manifeste.
La consommation de psychotropes chez les 12-25 ans a connu une évolution terrifiante en 2023 : un peu plus d’un million de jeunes ont bénéficié du remboursement d’au moins un psychotrope. En l’espace de quatre ans, leur consommation a bondi de 18 %. L’année 2020 de l’épidémie de covid-19 marquant une charnière, nous devons interroger les politiques sanitaires du gouvernement d’alors : les confinements, les restrictions, au premier rang desquelles l’interdiction de circuler ou d’exercer des activités extrascolaires, toutes ces atteintes à nos libertés ont porté un coup sévère à la santé mentale de nos enfants et de nos jeunes. Résultat : un jeune de 18 à 24 ans sur cinq a connu un épisode dépressif en 2021. Les effets de ces restrictions se ressentent sur le temps long : « Les conséquences de la pandémie sont considérables, et il ne s’agit là que de la partie émergée de l’iceberg », prévenait déjà un rapport de l’Unicef en 2021.
Absence de prise en charge, investissements trop minces des gouvernements : les politiques publiques de la santé mentale sont si faibles qu’elles engendrent une tension supplémentaire sur le système hospitalier, notait Santé publique France. La hausse croissante des consultations pour motif psychiatrique dispensées par l’accueil des urgences hospitalières depuis 2020 – 566 000 passages aux urgences en 2023 – traduit ce phénomène. Or les défaillances de soins ont un coût : en 2021, la London School of Economics a estimé à 390 milliards de dollars par an le manque à gagner lié aux troubles mentaux entraînant un handicap ou un décès parmi les jeunes. Ne pas soigner ou mal soigner ses jeunes constitue donc non seulement une faute morale terrible, mais aussi une perte particulièrement coûteuse et préjudiciable au développement des nations.
Il est dramatique de proposer une réponse systématiquement médicamenteuse à une population en plein développement, ayant atteint l’âge où de profondes questions viennent bouleverser les existences. Les conséquences d’une telle approche peuvent être très lourdes. D’après le rapport d’information de nos collègues Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau publié le 11 décembre dernier, « entre 2019 et 2023, les effectifs traités par antidépresseurs ont connu une progression importante de 60 %, soit 143 600 jeunes gens supplémentaires ». Pourtant, les effets indésirables de telles substances, parfois extrêmement dangereux – puisqu’ils peuvent conduire à des tentatives de suicide, dont certaines se concrétisent – sont rarement pointés du doigt.
Le président du conseil scientifique de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent exprimait ainsi sa crainte que l’antidépresseur puisse, dans certains cas, augmenter ou faire apparaître des comportements suicidaires. De son côté, la journaliste Ariane Denoyel, auteur d’un ouvrage sur la question, mentionnait un fichier listant 45 000 effets indésirables constatés liés aux antidépresseurs, parmi lesquels 1 500 suicides, sachant que la pharmacovigilance rate à peu près 85 à 90 % des effets graves, selon les études indépendantes. Erreurs de prescription ou prescription automatique par certains pédopsychiatres : il semblerait que les antidépresseurs soient massivement prescrits à des personnes qui ne devraient pas en prendre. L’absence d’informations quant aux effets potentiellement néfastes sur les jeunes et l’absence de plans de prévention émanant des autorités sanitaires sont sans doute également responsables de cette consommation abusive ou à mauvais escient.
Le gouvernement a-t-il prévu des actions de prévention pour contrer cette tendance inquiétante ? En 2017, la Haute Autorité de santé (HAS) a certes produit une recommandation à destination des médecins généralistes pour les aider à cibler les spécificités de la dépression et à proposer une prise en charge adaptée à chacun, mais aucun plan n’a été envisagé pour les mettre en garde contre le mésusage de telles substances par un public auquel elles ne doivent pas être prescrites. Pire encore : lorsque certains journalistes du service public ont interrogé l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) au sujet des actions menées pour prévenir les risques d’effets indésirables graves des antidépresseurs, en particulier chez les jeunes, ils n’ont pas obtenu de réponse. Cette institution ne propose qu’un document, une « mise au point quant au bon usage des antidépresseurs chez l’enfant et l’adolescent » datant de… janvier 2008, époque à laquelle la consommation n’était évidemment pas aussi importante qu’aujourd’hui.
Nos enfants et nos jeunes gens sont un bien précieux ; ils construisent les lendemains de notre nation. Nous ne pouvons décemment pas les laisser livrés à eux-mêmes et à des substances inadaptées à leurs maux. Quelles mesures de prévention le gouvernement compte-t-il prendre pour limiter la consommation de substances psychotropes par les plus jeunes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR)
Je remercie les députés du groupe Horizons & indépendants d’avoir proposé d’inscrire à l’ordre du jour ce débat d’une importance majeure.
Bien que nous abordions ce soir le sujet de la santé mentale en nous concentrant sur la jeunesse, particulièrement exposée ces dernières années, je commencerai par rappeler que les personnes concernées ne correspondent pas à un profil type. Homme, femme, en activité professionnelle ou non, jeune ou âgé : un Français sur cinq est aujourd’hui affecté par un trouble de ce type, soit 13 millions de personnes dans le pays – ce nombre dit à lui seul qu’il s’agit d’un véritable enjeu de santé publique.
Mobilisons-nous pour être au rendez-vous des attentes fortes en la matière, d’autant plus que la santé mentale constitue le premier poste de dépenses de l’assurance maladie : 14 % de son budget y est consacré, soit 26,2 milliards d’euros. À l’enjeu sanitaire s’ajoute donc un enjeu économique évident pour nos finances publiques – cela doit nous interpeller.
Avec ma collègue Sandrine Rousseau, dont je tiens à saluer la mobilisation constante sur ce sujet, nous venons d’achever une mission d’information sur la prise en charge des urgences psychiatriques. Nos travaux ont mis en évidence la détérioration rapide de la santé mentale de la population ces dernières années, en particulier chez les jeunes depuis la crise sanitaire. Chez les 18-24 ans, la prévalence des épisodes dépressifs est passée de 11,7 % à 20,8 % entre 2017 et 2021, soit une hausse de 77 % en quatre ans. Les jeunes femmes sont particulièrement touchées : les hospitalisations liées aux gestes auto-infligés chez les femmes âgées de 10 à 19 ans ont progressé de 570 % depuis 2007.
Le groupe Ensemble pour la République s’inquiète de tels indicateurs, d’autant que leur dégradation se traduit par une forte hausse de la consommation de médicaments chez les adolescents et les jeunes adultes. En 2023, 936 000 jeunes âgés de 12 à 25 ans ont bénéficié du remboursement d’au moins un médicament psychotrope, soit 144 000 jeunes de plus qu’en 2019. Quelle que soit notre sensibilité politique, cette situation ne peut pas nous laisser insensibles. Un constat se dessine : de plus en plus de jeunes dans notre pays sont en souffrance psychique. Il est urgent que les pouvoirs publics augmentent les moyens nécessaires pour les aider, car ils sont l’avenir de la nation.
De nombreuses actions ont déjà été menées ces dernières années pour accompagner les jeunes confrontés à des troubles psychologiques ou psychiatriques. En 2018, l’établissement d’une feuille de route pour la santé mentale et la psychiatrie fut l’une des premières pierres de la politique publique en la matière. L’ont enrichie ensuite le Ségur de la santé et, en 2021, les assises de la santé mentale et de la psychiatrie.
Des mesures concrètes ont vu le jour, à l’instar du numéro national de prévention du suicide, le 3114, particulièrement utile aux jeunes, le suicide étant la première cause de décès dans la tranche 25-34 ans. Ce numéro permet à toute personne suicidaire ou en situation de détresse psychologique d’obtenir une assistance et un accompagnement de qualité. Parce que la plupart des troubles légers de l’enfant et de l’adolescent en santé mentale se développent et s’aggravent à l’âge adulte, l’accent a également été mis sur le repérage précoce, à travers la stratégie des 1 000 premiers jours, l’expérimentation du dispositif Ecout’émoi de 11 à 21 ans ou encore l’outil de recontact VigilanS, permettant de coordonner un réseau de professionnels de santé qui garderont le contact avec la personne qui a tenté de se suicider.
L’action gouvernementale s’est également centrée sur la santé mentale des étudiants : le dispositif Santé psy étudiant, lancé en 2021, permet ainsi aux étudiants de bénéficier de douze séances par an avec un psychologue, sans avance de frais.
La stratégie d’accompagnement en santé mentale ne pouvant reposer sur les seuls professionnels de santé, plus de 5 000 secouristes en santé mentale ont été formés dans le milieu étudiant, afin d’être au plus près de ceux qui auraient besoin d’aide. Si beaucoup a été fait pour toutes les catégories d’âge de la jeunesse, il faut désormais mener une politique publique encore plus ambitieuse. La prévention auprès des jeunes doit être l’objectif prioritaire, car comme l’indiquait Michel Barnier, le 10 octobre dernier, « la prévention coûte toujours moins cher que la réparation ». Le groupe EPR considère que le repérage précoce et l’orientation adaptée doivent faire l’objet d’un soutien massif, d’une mobilisation de l’ensemble des acteurs, médecins scolaires et généralistes.
Nombre de mesures simples, réalisables dans un délai acceptable, sont listées dans le rapport de la mission d’information sur la prise en charge des urgences psychiatriques. Alors que la santé mentale est la grande cause nationale pour 2025, celle des jeunes doit en être un des axes forts, comme l’a confirmé hier le premier ministre lors de son discours de politique générale. On ne peut que s’en réjouir. Je souhaite néanmoins savoir si le gouvernement serait favorable à un plan d’action pluriannuel en matière de santé mentale, avec un volet dédié aux âges clés de la jeunesse, en lien avec la feuille de route du délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, M. Frank Bellivier.
M. le président
La parole est à Mme Clémence Guetté.
Mme Clémence Guetté (LFI-NFP)
Au siècle dernier, Georges Bataille écrivait : « L’angoisse, évidemment, ne s’apprend pas. » Cette évidence, plusieurs milliers de jeunes l’éprouvent quotidiennement dans leur chair et leur existence abîmées par une souffrance invisible. Selon un sondage récent, un jeune sur quatre a déjà eu des pensées suicidaires, et la moitié des 11-24 ans ont déjà connu un épisode dépressif d’au moins deux semaines. Ce constat, déjà rappelé plusieurs fois, est sans appel. Se détourner de ces chiffres serait une attitude coupable tant ils sont le stigmate de notre époque, ère des pandémies – on a parlé du covid –, de la guerre en Europe et du génocide au Proche-Orient : 57 % des adolescents affirment ainsi être « écœurés par ce qu’ils voient autour d’eux ».
Ces chiffres sont aussi le miroir des inégalités structurelles de notre société, puisque les plus modestes ont jusqu’à trois fois plus de risques de souffrir de dépression ou d’anxiété que les autres ; ils reflètent plus particulièrement notre société patriarcale, quand un quart des jeunes femmes ont déjà eu des pensées suicidaires, soit 50 % de plus que les garçons.
Le constat est avant tout celui d’une dégradation : le nombre de jeunes qui pensent au suicide a doublé en dix ans. Malheureusement pour vous, monsieur le ministre, cette croissance exponentielle s’inscrit dans une réalité sociale et politique. Le mal-être de la jeunesse française a des racines ; il prospère dans un monde de malheur, le seul qu’ils connaissent et le seul que vous lui promettez.
Vous êtes au pouvoir depuis sept ans et qu’avez-vous fait ? Rien pour engager la bifurcation écologique : vous avez été sanctionnés deux fois pour votre inaction, alors que plus de 58 % des jeunes Français sont anxieux face à la crise climatique. Rien non plus pour soutenir une solution de paix diplomatique à Gaza et en Ukraine, alors que les trois quarts des jeunes Français redoutent l’éventualité d’une guerre nucléaire. Rien pour que les jeunes mangent à leur faim, quand un étudiant sur cinq a recours à l’aide alimentaire. Rien pour leur garantir l’accès à un logement décent, quand des jeunes doivent vivre dans des campings pour poursuivre leurs études. Votre bilan, c’est Parcoursup : la guerre de tous contre tous pour l’accès aux bancs de la fac, les moins chanceux étant laissés de côté, bannis de la moindre formation, livrés à l’angoisse. Ainsi, 70 % des jeunes sont stressés par la façon dont est décidée leur orientation : ceux-là ont deux fois plus de risques que les autres de souffrir de détresse psychologique.
Si les causes formelles de la dégradation de la santé mentale de la jeunesse française vous accablent, la manière dont vous traitez ses effets vous condamne. Vous faites des annonces, vous empilez des dispositifs largement insuffisants, tels que Santé psy étudiant, Mon parcours psy ou le nouveau numéro vert. Tout cela ne suffit pas à vous dédouaner. En effet, la santé mentale, c’est avant tout la santé, que vos politiques néolibérales ont sacrifiée sur l’autel de l’austérité : 58 % des lits de pédopsychiatrie ont été supprimés en dix ans. Ainsi, dans ma circonscription, des adolescents de 14 ans qui tentent de mettre fin à leurs jours ne peuvent être accueillis dans des structures adaptées, faute de lits et de personnels. De même, le démantèlement organisé de l’éducation nationale, après qu’on a bradé le lycée professionnel au profit de l’apprentissage généralisé, a fait chuter le nombre de psychologues scolaires : selon les syndicats, on compte un seul praticien pour 1 800 élèves ; il en faudrait deux à trois fois plus pour être au niveau de nos voisins. Ces praticiens sont de moins en moins titularisés, de plus en plus précaires, comme partout dans la fonction publique, que vous méprisez.
Vous traînez comme un boulet les drames humains silencieux d’une jeunesse en souffrance, abandonnée par vos gouvernements, privée des moyens humains et financiers nécessaires à son bien-être et à sa guérison. Le peu regretté Michel Barnier prétendait faire de la santé mentale une priorité nationale. Gabriel Attal le proclamait déjà avant lui, et François Bayrou l’a réaffirmé hier. C’est une hypocrisie sans nom, quand on sait que le sujet était quasiment absent du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; quand, depuis sept ans, des ministres incapables sont recyclés pour mener les politiques du pire d’un président défait à trois reprises. La jeunesse mérite tellement mieux.
Elle peut compter sur nous et sur nos engagements. Tôt ou tard, nous réussirons, entre autres choses, à instaurer la garantie d’autonomie jeune ; à proposer 150 000 nouveaux logements étudiants, pour permettre à chacun de vivre dignement ; à abroger Parcoursup de façon à promouvoir l’université sans sélection et des formations pour toutes et tous ; à généraliser le repas à 1 euro dans les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) ; à augmenter le montant des aides personnelles au logement.
« La beauté du monde, écrivait Virginia Woolf, a deux arêtes, l’une de rire, l’autre d’angoisse. » La jeunesse doit être du côté des éclats de rire, autant que possible. L’inverse n’est que la démonstration de la promesse d’un monde qui se meurt, le vôtre. Je lui redis que la joie triomphera, que les jours heureux reviendront. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan (SOC)
La santé mentale des Françaises et des Français se détériore gravement depuis plusieurs années : 13 millions de personnes sont touchées par des troubles psychiques dans notre pays. Comme l’indique Santé publique France, cette tendance, amorcée en 2010, a connu une accélération sans précédent entre 2017 et 2021. Elle atteint aujourd’hui des proportions particulièrement inquiétantes, notamment chez les jeunes. La direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) nous alerte : si être jeune protégeait de la dépression en 2014, aujourd’hui la jeunesse est un facteur de risque. En quatre ans, la prévalence des épisodes dépressifs a presque doublé et touche désormais plus de 20 % des jeunes. En 2023, quatre étudiants sur dix présentaient des symptômes dépressifs modérés à sévères. Les mineurs sont aussi touchés : 13 % des enfants de 6 à 11 ans présentent un trouble psychique, et près d’un quart des collégiens et lycéens déclarent se sentir seuls ou isolés, selon un rapport récent de l’Unicef.
Si les causes de ce phénomène restent largement à établir, il est certain que les facteurs sociaux, économiques et environnementaux pèsent sur la santé mentale. Trois conjonctures ont marqué ces dernières années : la crise sanitaire, source d’isolement et de repli des plus jeunes sur les écrans ; les effets sociétaux, tels que la pression sociale ou scolaire ; enfin, la crise climatique, source d’éco-anxiété, tout particulièrement pour les jeunes générations.
Face à cela, la psychiatrie de secteur n’a plus les moyens de répondre aux besoins. Comme le souligne la Cour des comptes, la prévalence des troubles psychiques a augmenté en moyenne de 10 % en pédopsychiatrie. Dans ce contexte, le parcours d’accès aux soins se complique, l’offre est saturée et les délais d’attente qui s’allongent peuvent dépasser deux ans dans certains CMP. Par ailleurs, devant l’émergence de nouveaux troubles et des conditions de vie de plus en plus difficiles, les professionnels soulignent la nécessité de prises en charge plus longues et plus complexes. Le recours aux urgences devient plus fréquent du fait d’absence de réponse en amont, comme le précise le rapport de nos collègues Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau sur la prise en charge des urgences psychiatriques. S’ajoute à cela le problème d’attractivité du service public, la fragilisation des services de l’enfance et le manque de soignants, qui touchent de plein fouet les populations les plus fragiles.
La dégradation de la santé mentale se traduit de façon inquiétante dans la consommation de psychotropes : 940 000 jeunes ont bénéficié du remboursement d’au moins un psychotrope en 2023, soit près de 20 % de plus qu’en 2019. Comme le dénonce le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), des milliers d’enfants sont victimes d’une surmédicalisation destinée à les aider à surmonter des difficultés psychiques qui devraient d’abord être traitées par une approche psychologique.
Face à ces constats, plusieurs pistes existent pour améliorer la santé mentale des jeunes, dégagées par de nombreuses associations de professionnels, d’aidants ou d’usagers, et que nous pourrions concrétiser lors de cette année 2025 dédiée à cette grande cause. Premièrement, il convient d’accentuer la prévention à tous les niveaux, dès les premiers lieux de vie de l’enfant. Cela passe par la formation de l’ensemble du personnel scolaire aux questions de santé mentale et par la présence de professionnels recours dans chaque établissement – infirmières, assistantes sociales, psychologues, médecins scolaires.
Deuxièmement, nous devons mieux prendre en compte les facteurs sociaux et environnementaux dans l’appréhension des troubles.
Troisièmement, il est nécessaire de déstigmatiser les troubles psychiques : une meilleure connaissance assure une meilleure prise en charge. Sur ce point, les premiers secours en santé mentale constituent un outil de formation pertinent pour la société française, et nous proposerons de les renforcer, la semaine prochaine, dans le cadre de la niche parlementaire socialiste. Enfin, il nous faut sortir du fonctionnement en silo et s’inspirer d’expériences de soin plus adaptées, effectuées en proximité, dans la cité, et qui favorisent la diversité des pratiques. Il est nécessaire d’améliorer notre connaissance des processus intrapsychiques et celle de la diversité des publics. Les prises en charge pluridisciplinaires sont certainement les plus adaptées pour répondre aux problèmes de santé mentale ; il en existe et il faut se donner les moyens de les pérenniser.
Suite à la volonté gouvernementale affichée de prendre en compte la santé mentale, des politiques publiques concrètes et pertinentes doivent à présent voir le jour. C’est un dû à la jeunesse et pour l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à M. Corentin Le Fur.
M. Corentin Le Fur (DR)
Monsieur le ministre, je suis ravi de vous retrouver à ce poste et je vous souhaite plein succès dans votre mission majeure, alors que la santé est plus que jamais la priorité des Français.
Longtemps niée, parfois minimisée voire stigmatisée, la question de la santé mentale est toujours, hélas, d’une grande actualité. Le temps où les personnes en souffrance psychologique étaient marginalisées est révolu, celui où les personnes en souffrance psychiatrique étaient cachées l’est heureusement tout autant. Ces souffrances sont des maladies qui, comme toutes les maladies, se soignent. Ces évidences, parce qu’elles ne l’ont pas toujours été, méritent d’être rappelées.
Hélas, enquête après enquête, les chiffres confirment que la santé mentale des Français se dégrade. Les causes de cette dégradation sont multiples : anxiété face à un avenir de plus en plus incertain, individualisme exacerbé, éclatement de la sphère familiale, isolement accru par l’essor du numérique.
Les jeunes ne sont pas épargnés, bien au contraire. L’état de leur santé mentale est même devenu alarmant. L’épisode du covid et les confinements les ont isolés, les ont privés d’une partie de leur jeunesse et ont causé de nombreux dégâts. Si la pandémie est passée, les séquelles et les souffrances restent parfois indélébiles.
Selon Santé publique France, un quart des lycéens et des collégiens éprouvent un sentiment de solitude, et 15 % d’entre eux présentent un risque important de dépression. Pire, un quart des lycéens déclarent avoir déjà eu des pensées suicidaires et, chaque année, plus de 400 adolescents mettent fin à leurs jours. Chez les adolescents, le suicide est la deuxième cause de mortalité après les accidents de la route.
Ces chiffres sont terribles et nous obligent. Ils nous obligent à agir sur le harcèlement scolaire que subissent environ 600 000 élèves, soit un élève par classe. En la matière, nous devons encore muscler notre législation. Conçus comme des espaces de liberté, les réseaux sociaux sont devenus des espaces d’impunité, où la violence, souvent sous couvert de pseudonyme, règne en maître. Il faut exclure systématiquement les harceleurs et en finir avec l’anonymat sur les réseaux sociaux, devenus trop souvent asociaux.
Ces tristes chiffres nous obligent également à agir afin de mieux prendre en charge les jeunes en détresse. Faute de personnel et de structure, trop peu d’entre eux bénéficient du suivi psychologique ou psychiatrique dont ils ont cruellement besoin.
Le premier ministre Michel Barnier, reprenant une initiative du premier ministre Attal, a fait de la santé mentale la grande cause nationale de 2025, ce qui est une bonne chose. Je me réjouis que François Bayrou ait confirmé cette orientation. Elle doit maintenant se traduire en actes. Car comment accepter que la France soit aussi en retard en matière de prise en charge de la santé mentale ?
À ce titre, je veux profiter de cette tribune pour partager avec vous un témoignage aussi attristant que révoltant, qui illustre à lui seul l’étendue des progrès à réaliser. Ce témoignage est celui d’une mère de famille qui se bat courageusement pour sa fille, Zoé. Zoé a 13 ans, vit à Andel et souffre de troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Elle est diagnostiquée et a reçu une orientation médicale qui devrait lui permettre de bénéficier d’un suivi et d’un bilan en thérapie cognitive et comportementale, au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Mais Zoé réside dans le département des Côtes-d’Armor, où aucun hôpital ne dispose d’une équipe de professionnels formés en thérapie cognitive et comportementale. Depuis des mois, les parents de Zoé se battent avec beaucoup de courage et d’obstination pour obtenir la prise en charge de leur fille dans un établissement situé à Rennes, dans le département voisin. Mais, depuis des mois, la sectorisation psychiatrique leur est opposée, et Zoé ne peut donc pas bénéficier du suivi qui lui a été prescrit. Je vous le dis avec gravité, monsieur le ministre : il s’agit de non-assistance à personne en danger. En effet, faute de prise en charge, sa santé mentale se dégrade ; les crises de TOC se multiplient et se succèdent, souvent violentes et d’une grande intensité. Parfois, la jeune fille frappe ses parents et se met elle-même en danger.
À force de se heurter au mur de l’administration et en l’absence d’une perspective de prise en charge, la famille s’enfonce chaque jour un peu plus dans l’angoisse. Faute de soins, pour tenter d’atténuer ses crises, Zoé est aujourd’hui sous anxiolytiques. Cette vérité est terrible : comment accepter qu’en 2025, dans la cinquième puissance mondiale qu’est la France, on renonce à soigner une jeune fille de 13 ans ? Parce que la médecine psychiatrique est le parent pauvre de la médecine, parce que l’on se refuse à déroger à la sectorisation psychiatrique et parce que nous manquons de professionnels, de jeunes enfants se voient administrer des anxiolytiques.
J’en prends conscience chaque jour un peu plus : l’accès aux soins, notamment en zone rurale, est mon principal sujet d’inquiétude. L’accès à des soins psychiques m’inquiète plus encore et montre à quel point notre système de santé est à rebâtir.
Je sais, monsieur le ministre, que vous en êtes conscient, et que vous vous êtes attaqué à ce chantier dès votre prise de fonction, avec beaucoup de détermination. Je sais pouvoir compter sur vous.
J’ai eu l’occasion d’alerter la précédente ministre de la santé et l’agence régionale de santé (ARS) de Bretagne sur le cas de Zoé, et je trouve inadmissible qu’aucune solution n’ait pu être trouvée. Je ne vais pas renoncer tant qu’elle ne sera pas convenablement prise en charge. Je profite donc de votre nomination pour vous saisir de ce problème ; je compte sur vous, la famille compte sur vous, Zoé compte sur vous. Il existe malheureusement beaucoup de cas comme le sien, tout aussi alarmants, mais il est à lui seul la preuve que, en matière de santé mentale, le chantier est gigantesque.
M. le président
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie (EcoS)
Nos jeunes générations, qui sont pourtant l’avenir de notre pays, n’ont jamais autant été en détresse psychologique. Comment leur en vouloir ? Ces générations accusent le coup des crises écologiques et économiques qui s’intensifient chaque jour, sans qu’aucune réponse d’ampleur n’y soit concrètement apportée.
Si la crise sanitaire a révélé chez de nombreux jeunes des souffrances psychologiques latentes, les causes de ces dernières sont éminemment liées à un monde en mouvement, de plus en plus individualiste, de plus en plus inégal, où le repli sur soi se généralise. Les jeunes n’ont jamais eu aussi peu de perspectives d’avenir, tendance encouragée par un système scolaire devenu un vecteur d’inégalités – inégalités que Parcoursup exacerbe encore en générant de l’anxiété dès la classe de troisième.
Aucune génération n’a autant levé le tabou sur la santé mentale que ces jeunes générations, et nous leur devons beaucoup pour cela. Elles ont pourtant de plus en plus besoin d’une prise en charge à laquelle elles peuvent de moins en moins accéder. Un enfant sur six présente ainsi un trouble de santé mentale. Entre 2014 et 2021, la prise d’antipsychotiques a augmenté, chez les mineurs, de 49 %, celle des antidépresseurs a augmenté de 63 %, et celle des hypnotiques et des sédatifs a augmenté de 155 %. Ce sont des augmentations deux à vingt fois plus importantes que dans la population générale.
En 2023, quatre étudiants sur dix présentaient des symptômes dépressifs modérés ou sévères. Les séquences budgétaires du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui forment la colonne vertébrale financière de la direction que nous souhaitons donner à notre pays, auraient pu et auraient dû être l’occasion de prendre à bras-le-corps la question de l’épanouissement psychique de nos jeunes générations. Il y avait là l’occasion de doter suffisamment nos CMP, qui constituent la pierre angulaire de l’offre ambulatoire en matière de santé mentale. Les CMP et les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) souffrent pourtant d’un sous-financement permanent, qui entraîne, selon les régions, des délais d’attente pouvant aller jusqu’à deux ans, le nombre de pédopsychiatres ayant chuté de 34 % en dix ans.
Les assises de la santé ont certes acté de la dotation de 800 équivalents temps plein supplémentaires, sur trois ans, pour les CMP, sans spécifier toutefois les professions concernées. Ces chiffres demeurent donc bien en deçà des besoins. Quant au corps des psychologues de l’éducation nationale, la création de postes y est totalement à l’arrêt, alors qu’un psychologue scolaire prend en charge, en moyenne, 1 500 élèves. Selon la moyenne européenne, il ne devrait pourtant en prendre qu’un maximum de 800. C’est une absurdité, quand l’un des premiers leviers de la lutte contre le harcèlement est l’accompagnement psychologique des élèves qui en sont victimes.
Ces assises furent donc une énième occasion manquée, la prétendue grande cause des trois derniers gouvernements se réduisant à de maigres ajustements apportés au dispositif Mon soutien psy. Les annonces du précédent gouvernement sur la possibilité, pour chaque Français, de consulter un psychologue une fois par mois sont, monsieur le ministre, et compte tenu des restrictions de ce dispositif, pour le moins problématiques. Le dispositif Mon soutien psy n’offre aucun suivi disciplinaire sur le long terme ; il se retrouve aujourd’hui déserté par la majorité des psychologues et n’est réservé qu’aux cas légers et modérés. L’allocation d’une enveloppe supplémentaire, pas plus que des ajustements paramétriques, ne sera suffisante pour que Mon soutien psy puisse se substituer à une réelle prise en charge par la sécurité sociale, pour toutes et tous, de consultations de psychologues.
Nous ne parviendrons pas, chers collègues, à redonner de l’espoir aux jeunes à coups de dispositifs bon marché et de surmédicamentation. Les solutions existent pourtant. Elles ont été formulées aussi bien par les professionnels du secteur que par la Cour des comptes : recrutement, à la hauteur des besoins, de psychologues en CMP et CMPP, extension des maisons des adolescents, revalorisation des carrières des psychologues et des pédopsychiatres. Une réelle politique publique de prévention doit aussi être déployée, notamment à l’encontre des violences sexistes et sexuelles comme des violences contre les enfants, violences omniprésentes dans notre société : en France, toutes les trois minutes, un enfant est victime de violences sexuelles. Chaque enfant victime de violences sera un enfant courant des risques plus élevés de souffrir ultérieurement de troubles psychiques, d’automutilation, d’addiction, de tenter de se suicider, ou de se voir empêché de trouver sa place dans la société.
Une nouvelle séquence budgétaire va s’ouvrir prochainement : c’est une nouvelle opportunité pour, enfin, investir massivement dans la prévention et les soins psychiques. Avec les 170 millions d’euros débloqués en 2024 pour Mon soutien psy, nous aurions pu financer 2 500 postes de psychologues en CMP et en CMPP.
Chers collègues, monsieur le ministre, allons-nous enfin franchir le pas et considérer que la santé mentale de la jeunesse de ce pays n’a pas de prix ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, EPR, LFI-NFP, SOC, et GDR.)
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem)
« L’âme résiste bien plus aisément aux vives douleurs qu’à la tristesse prolongée. » Ces mots de Jean-Jacques Rousseau résonnent aujourd’hui avec une intensité particulière face à la détresse croissante de nos jeunes concitoyens.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La santé mentale représente désormais le premier poste de dépense de l’assurance maladie, tout comme elle est la première cause des arrêts de travail et des invalidités. Les maladies mentales, invisibilisées et stigmatisées, touchent un public de plus en plus jeune. Le récent rapport de nos collègues Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau souligne un triplement des hospitalisations liées aux gestes auto-infligés chez les jeunes de 10 à 19 ans.
La crise sanitaire a exacerbé des vulnérabilités déjà présentes. Un tiers des jeunes de 18 à 24 ans déclarent ne pas prendre soin de leur santé mentale faute d’information ou d’accès à des solutions adaptées. Notre système de soins psychiatriques n’est pas à la hauteur des besoins.
Notre réponse doit s’articuler autour de trois axes : la prévention, le dépistage des préfragilités et des fragilités, le soin. Je crois fermement en la prévention et au dépistage précoce qui, seuls, permettront d’améliorer la santé physique et psychique de nos concitoyens et de réduire la pression sur nos structures d’urgence et de soins. Cela implique une mobilisation générale et coordonnée. Je parle souvent, à ce sujet, d’une industrialisation de la prévention : nous avons su produire des soins, il nous faut maintenant produire de la prévention.
Pouvoirs publics, professionnels de santé en ville, établissements scolaires, collectivités locales, associations sportives ou sociales, familles, entreprises : tout le monde doit se mobiliser. Je souhaite évoquer à ce titre une expérimentation que nous avons lancée, le professeur Franck Chauvin et moi-même, en région Auvergne-Rhône-Alpes, visant à créer des environnements favorables à la santé des jeunes de 6 à 11 ans en milieu scolaire et périscolaire. Ce dispositif, qui concerne plus de 15 000 enfants, dès la primaire, forme et outille des professionnels en milieu scolaire et extrascolaire, afin de promouvoir la santé auprès des jeunes. Elle favorise ainsi l’acquisition, dès le plus jeune âge, d’une culture de santé – la littéracie –, tout comme celle de compétences psychosociales. Ces dernières ont une incidence positive sur le développement global des enfants, notamment en matière d’hygiène de vie, de réussite scolaire et de respect de l’autre, en réduisant les risques de harcèlement scolaire, d’agression et de comportement délictuel. Elles contribuent enfin, en favorisant le bien-être de l’enfant, à sa santé mentale. Il s’agit de la plus grande expérimentation européenne dans ce domaine : elle est évaluée, efficace et duplicable à un coût très raisonnable. Je plaide pour sa généralisation partout sur le territoire métropolitain et dans les territoires d’outre-mer.
Nous devons, en parallèle, dépister les signes avant-coureurs et les préfragilités, afin d’éviter l’aggravation des troubles psychiques. En France, le programme de formation de secouriste en santé mentale représente une avancée majeure dans le repérage de ces troubles, l’information sur les ressources disponibles et le signalement aux services compétents. Il faut faire la promotion de cette formation qui n’est pas suffisamment connue. Depuis 2018, 200 000 secouristes ont ainsi été formés, pour un objectif de 750 000. Ces formations, principalement à destination des adultes, doivent être élargies aux jeunes, notamment en milieu scolaire. Une proposition de loi du groupe socialiste vise précisément à outiller les élèves, les enseignants et le personnel encadrant, afin qu’ils puissent détecter ces troubles et agir rapidement.
Nous devons, enfin, renforcer les structures de soin psychiatrique. Trop longtemps, les troubles mentaux ont été relégués au deuxième plan, derrière les maladies somatiques. C’est pourquoi je salue la décision du premier ministre François Bayrou et de son prédécesseur Michel Barnier d’ériger la santé mentale en grande cause nationale pour 2025.
Les lacunes dans la prise en charge des patients sont importantes. Il n’y a pas de consensus sur les définitions du bien-être, de la santé mentale ou de l’urgence psychiatrique. Il existe des disparités territoriales. Il nous faut renforcer et harmoniser les moyens des structures spécialisées et, surtout, recruter davantage de personnels formés. Cela passe par une revalorisation des métiers de la pédopsychiatrie, qui souffrent aujourd’hui d’un manque d’attractivité. Les acteurs locaux sont prêts et mobilisés : à nous, élus, de leur offrir les moyens d’agir. Donnons dès à présent à nos enfants les clés pour qu’ils s’épanouissent rapidement. Face à la tristesse prolongée qu’évoquait Rousseau, soyons une force qui apaise et redonne espoir.
M. le président
La parole est à Mme Béatrice Piron.
Mme Béatrice Piron (HOR)
Le premier ministre l’a une nouvelle fois annoncé, ce mardi, lors de son discours de politique générale : la santé mentale sera la grande cause nationale de l’année 2025. C’est un enjeu crucial, qui touche des millions de nos concitoyens. En 2022, 9,5 % des jeunes de 17 ans étaient concernés par des problèmes anxio-dépressifs sévères, contre 4,5 % en 2017. Ce sont 18 % d’entre eux, en 2022, qui ont eu des pensées suicidaires dans l’année, contre 11 % en 2017. Selon l’enquête nationale en collèges et en lycées chez les adolescents sur la santé et les substances (EnCLASS) de 2024, 14 % des collégiens et 15 % des lycéens présentent un risque important de dépression. Cette étude montre que la proportion de collégiens percevant leur santé comme excellente a connu une baisse significative par rapport à la période 2010-2018, et que cette baisse concerne davantage les filles que les garçons.
Ce constat alarmant souligne l’urgence qu’il y a à agir face à une crise dont les répercussions sont durables sur la vie personnelle, sociale, scolaire et, plus tard, professionnelle, des individus concernés. Il est indispensable d’investir dans des politiques publiques ambitieuses afin de prévenir et de diagnostiquer ces troubles, comme pour accompagner les personnes qui en souffrent. C’est ainsi que nous pourrons garantir une société résiliente, équitable et solidaire.
Il ne s’agit pas seulement de soigner, mais aussi d’agir en amont des crises, dès les premiers symptômes, pour limiter les souffrances inutiles et leurs conséquences. Comme ma collègue Anne-Cécile Violland l’a souligné, la prévention doit être un pilier de cette démarche.
La grande majorité des jeunes vivent au sein de leur famille : le rôle des parents est donc important. Ils sont, bien souvent, les premiers à détecter des changements dans le comportement de leur enfant. Ce sont aussi eux qui doivent gérer les conséquences quotidiennes de ces troubles. Leur engagement est déterminant pour la réussite du parcours de soins. Mais, en dépit de ce rôle essentiel, les familles se retrouvent souvent isolées et démunies. Trop souvent, les proches ne bénéficient ni d’un soutien psychologique adapté aux difficultés qu’ils rencontrent ni même d’une écoute attentive. Il est urgent de leur offrir des ressources pour comprendre, accepter et accompagner au mieux leur enfant dans cette épreuve.
La relation entre les soignants et les parents mérite également d’être renforcée. Les familles doivent être considérées comme des partenaires à part entière dans le parcours de soins. Des recherches montrent que la prise en compte de leur vécu améliore la qualité du travail thérapeutique et augmente les chances de succès des traitements. Cela passe par des échanges réguliers, structurés et transparents, par des réunions réunissant les équipes soignantes et les parents pour discuter des traitements, des stratégies éducatives et des progrès accomplis.
Il fut un temps où l’on se méfiait de la famille ou des proches du patient, où l’on préférait les tenir à l’écart de la relation thérapeutique. Certains se demandaient même si la famille ne portait pas une part de responsabilité dans l’émergence de la maladie mentale.
Aujourd’hui, le travail avec les familles s’impose comme une nécessité incontournable dans les soins de santé mentale. Mais il existe malheureusement une grande inégalité territoriale, et entre praticiens. Toutes les familles ne réussissent pas à obtenir les informations dont elles ont besoin.
Certaines associations, comme l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam) ou Profamille, tentent de favoriser ce travail de collaboration en demandant au corps médical de dialoguer lors de consultations ou de réunions régulières organisées avec les parents. La généralisation de tels échanges permettrait de discuter en profondeur de la situation de l’enfant ou du jeune adulte, des traitements en cours ou des attitudes à adopter dans le cadre familial, et ces associations, qui favorisent l’accompagnement, sont de précieux relais. Il faut les encourager financièrement.
Avec de grands adolescents ou de jeunes adultes, les difficultés s’intensifient du fait de l’âge de la majorité médicale – certains médecins considèrent qu’un jeune de 16 ans est libre de gérer seul sa santé.
Ce passage à l’âge adulte s’accompagne souvent d’un changement dans la prise en charge médicale : le secret médical freine, voire stoppe les échanges entre la famille et le médecin, alors que beaucoup de troubles psychiatriques apparaissent à cette période, et qu’il faut parfois plusieurs années pour poser un diagnostic.
Souvent, il est crucial de compléter les traitements médicamenteux par un suivi psychologique. Cette démarche – qui devrait être intégrée dans l’obligation de soins lorsqu’elle est prononcée – joue un rôle essentiel dans la reconstruction de l’estime de soi des malades.
La création de Mon Parcoursup (Sourires),…
M. Rodrigo Arenas
Ah, bravo !
Mme Béatrice Piron
…de Mon soutien psy – pardon pour le lapsus – constitue un progrès, mais il est encore difficile de trouver des praticiens, et les douze consultations ne sont pas toujours suffisantes.
Les enfants de l’aide sociale à l’enfance, souvent fragilisés par leur histoire et en souffrance, subissent quant à eux le manque d’offre sans dépassement d’honoraires dans le secteur libéral. Il faudrait adapter le dispositif à ce public.
En conclusion, faire de la santé mentale la grande cause nationale 2025 est une opportunité unique ; saisissons-la. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
M. le président
La parole est à M. Max Mathiasin.
M. Max Mathiasin (LIOT)
Le 6 mai dernier, dans le cadre du débat sur la santé mentale des jeunes, les députés du groupe LIOT ont interpellé le gouvernement sur l’état de santé très alarmant de nos jeunes dans l’Hexagone et, surtout, dans les territoires ultramarins.
Huit mois plus tard, force est de constater que les mesures annoncées se font attendre sur le terrain. Pire, les professionnels manifestent leur désarroi et nous alertent sur les chiffres, plus qu’inquiétants.
De nombreuses études soulignent l’aggravation de la santé mentale des jeunes Français, qui s’est dégradée de manière significative au cours des dernières années, du fait de la crise du covid-19, de l’influence des réseaux sociaux, de la précarité étudiante ou de l’usage accru des stupéfiants.
Dans son étude publiée en octobre 2024, AXA prévention révèle que 56 % des moins de 25 ans sont en état de détresse psychologique ; 51 % des collégiens et 58 % des lycéens rapportent des plaintes somatiques et psychologiques récurrentes ; 14 % des collégiens et 15 % des lycéens présentent un risque significatif de dépression ; 24 % des lycéens ont eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois ; 13 % ont déjà tenté de passer à l’acte.
Pourtant, 35 % des 18-24 ans estiment ne pas prendre soin de leur santé mentale. En cause : le manque de moyens, d’accompagnement, de structures spécialisées ou de spécialistes disponibles.
La situation est encore plus terrible dans nos territoires ultramarins, notamment à La Réunion où, selon les derniers chiffres de l’Observatoire régional de la santé (ORS), trois tentatives de suicide ont lieu chaque jour. D’après ce baromètre, les 18-24 ans sont les plus touchés, et le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes âgés de 15 à 29 ans.
En Guadeloupe, en 2023, 55 % des jeunes déclaraient avoir des idées suicidaires. À Saint-Pierre-et-Miquelon, les chiffres sont encore plus affolants : en 2020, en réponse à une enquête de Santé publique France, 25,6 % des jeunes de 18 à 24 ans ont déclaré au moins un épisode dépressif caractérisé dans l’année ayant précédé l’enquête contre 11,7 % en métropole, 19,2 % affirmant avoir eu des pensées suicidaires sur cette même période, contre 4,6 % dans l’Hexagone.
Alors que la santé mentale des jeunes se détériore du jour en jour, les structures spécialisées sont de plus en plus saturées, et le manque de moyens, flagrant.
Pourtant, ces dernières années, le chef de l’État et les ministres successifs ont multiplié les annonces. Mais nous sommes toujours désespérément dans l’attente d’actions concrètes pour lutter contre ce fléau qui ronge les jeunes générations, et qui nous dépasse.
En 2021, Emmanuel Macron s’est engagé dans ce combat en annonçant un grand plan pour la santé mentale en France, avec trente mesures, dont six en direction des jeunes. Depuis, tous les gouvernements successifs ont tenté de le mettre à exécution, mais les résultats se font douloureusement attendre.
Depuis quelques années, on attend la généralisation à tout le territoire national de plusieurs dispositifs, mais les retours de terrain sont très minces. Ainsi, les équipes de liaison et d’intervention auprès d’adolescents en souffrance (Elias) sont bien mentionnées dans les notes des agences régionales de santé en tant que projet expérimental, mais les résultats de ces expérimentations sont peu connus, et les rapports ne mentionnent que rarement la santé mentale des jeunes.
De même, les maisons des adolescents, censées apporter des réponses pertinentes et adaptées à la santé et au bien-être des adolescents, en complément des dispositifs existants, sont peu développées dans les territoires ultramarins.
Sondés, les jeunes déplorent le manque d’information et se sentent souvent isolés dans leur détresse.
Les territoires ultramarins sont contraints de survoler le problème. Les moyens consacrés par le gouvernement ne sont pas suffisants, le manque de structures, criant, et le nombre de spécialistes insuffisant pour des consultations régulières ou des suivis à long terme.
Le sujet est d’autant plus important que la santé mentale des jeunes se dégrade chaque jour davantage. Il faut impérativement disposer d’un état des lieux et des besoins sur le terrain.
Quels sont les dispositifs mis en place par l’État pour aider notre jeunesse à aller mieux ? Quelles améliorations pouvons-nous rapidement espérer ? Que comptez-vous faire pour former les nouvelles générations de médecins ?
Le 1er octobre dernier, Michel Barnier, alors premier ministre, avait mis l’accent sur la nécessité pour l’État de prendre à bras-le-corps la santé mentale des Français, et plus particulièrement celle des plus jeunes, en déclarant la santé mentale grande cause nationale 2025.
Le nouveau gouvernement s’inscrit-il dans cette lignée ? Ou allons-nous continuer à regarder la santé des jeunes Français se détériorer sans rien faire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Je remercie le groupe Horizons & indépendants d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour. Le sujet est particulièrement inquiétant et je suis satisfait que François Bayrou, comme Michel Barnier avant lui, ait souhaité en faire une grande cause nationale.
Bien entendu, cette proclamation ne suffira pas pour que les choses s’arrangent spontanément. Il s’agit d’un sujet de longue haleine, sérieux, qui doit transcender nos divergences politiques, pour que nous puissions y apporter des solutions pérennes.
Je ne plaide pas pour mon cas, mais il faut aussi que le ministre de la santé puisse inscrire son action dans la durée – en quatre mois, rien n’est possible sur des sujets aussi graves.
La souffrance psychologique d’une partie de notre jeunesse doit nous interpeller. La crise sanitaire a été un révélateur, mais aussi un accélérateur, de ce phénomène préoccupant. Pourtant, elle n’est pas seule en cause, vous l’avez évoqué – éco-anxiété ou isolement derrière les écrans sont aussi responsables de la situation.
Les chiffres sont là : un enfant sur douze et 8,3 % des petits de 3 à 6 ans présentent des problèmes de santé mentale. En outre, nous sommes le premier pays consommateur de psychotropes en Europe ; c’est très inquiétant.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres. Vous les connaissez, parfois même mieux que moi puisque certains d’entre vous ont travaillé sur le sujet – je pense notamment à Mme Dubré-Chirat qui, avec Sandrine Rousseau, vient de rendre un rapport sur la prise en charge des urgences psychiatriques.
On ne peut s’habituer à de telles statistiques, ni les accepter. C’est pourquoi je compte prendre ce sujet à bras-le-corps.
Je salue l’investissement du Parlement et l’engagement des parlementaires de tous bords. Nous devons travailler ensemble au service de cette cause nationale, et coconstruire un plan d’action. En tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, dès le 11 décembre, j’avais estimé que le rapport présenté par Mmes Dubré-Chirat et Rousseau pouvait constituer la trame d’une proposition de loi transpartisane.
Le point de vue du ministre que je suis devenu depuis n’a pas changé, d’autant que le temps presse. Nous n’avons pas le loisir de reprendre les diagnostics ; il faut agir, en s’appuyant sur certains d’entre vous, experts, comme Sébastien Peytavie, ou Anne-Cécile Violland, qui s’est penchée sur la santé mentale des femmes dans le cadre des travaux de la délégation aux droits des femmes. Enfin, n’oublions pas le groupe d’études santé mentale, qui a également fait des propositions.
Samedi, à Annemasse, aux côtés des soignants agressés, j’ai constaté combien la prise en charge des urgences psychiatriques peut aussi désorganiser celle de nos urgences – en l’espèce, sur soixante patients pris en charge là-bas, dix l’étaient pour des symptômes psychiatriques, et il s’agissait souvent de jeunes.
Les urgences sont le lieu où tous les problèmes de la société, mais aussi de la psychiatrie, se cristallisent.
Ce secteur manque de moyens, en premier lieu humains : il fait face à une pénurie de professionnels de santé, médicaux et paramédicaux, à même de prendre en charge ces jeunes patients dont les cas relèvent de l’urgence. Il manque aussi de lits : les fermetures de lits ont été trop nombreuses, en particulier dans ces secteurs. Le chiffre de 8 000 lits fermés en vingt ans, guère contesté, est inacceptable. Il faut désengorger ces services saturés, d’autant que cette situation alimente insidieusement la violence envers les soignants – 30 % des auteurs de violences sur des soignants souffrent de troubles psychiatriques. Les difficultés sont donc majeures.
La pédopsychiatrie les concentre encore davantage, puisqu’elle doit affronter à la fois les difficultés propres à la psychiatrie et celles qui caractérisent le secteur de l’enfance. Les pédopsychiatres ne représentent que 5 % des psychiatres en France, soit 780 praticiens – c’est très peu. Que ce soit en tant que député ou comme rapporteur général, j’ai répété que la formation devait être une priorité ; il faut former davantage. Mais former plus de médecins, de psychiatres, de psychologues, de paramédicaux prendra du temps. Je souhaite lancer un grand plan de formation des professionnels de santé et en garder la maîtrise afin d’éviter la fuite de tous ceux, jeunes ou moins jeunes, qui veulent se consacrer aux autres mais ne trouvent d’autre solution que de se tourner vers l’étranger pour se former.
Ces filières souffrent aussi d’un problème d’attractivité. Les internes ne les considèrent pas comme des filières comme les autres, vers lesquelles ils peuvent envisager de s’orienter. D’autres filières pâtissent de cette désaffection – la gériatrie, les soins palliatifs. Pas moins de 62 % des futurs médecins considèrent la psychiatrie comme une spécialisation moins prestigieuse – je reprends les termes employés dans le sondage –, et pour 37 % des internes, elle fait peur. Le problème n’est donc pas tant les conditions de travail, le statut ou la rémunération que l’image de la profession.
Des missions d’information ont eu lieu, bien qu’elles commencent à dater. Nous pouvons certes envisager de procéder à un audit sur les conditions de travail en psychiatrie, mais cela ne doit pas retarder l’amélioration de la prise en charge à laquelle nous devons travailler tous ensemble. Des travaux sérieux ont été menés par deux parlementaires et présentés en commission des affaires sociales. L’urgence à agir est telle que nous pouvons partir de ces travaux, et je soutiendrai le cas échéant une proposition de loi transpartisane qui s’en inspirerait.
S’agissant du déploiement de moyens supplémentaires pour la psychiatrie, la situation est assez paradoxale : les tensions n’ont jamais été aussi fortes dans ce secteur, et elles se font toujours plus aiguës en ce qui concerne les urgences, alors que l’engagement au plus haut niveau de l’État pour mettre au point un plan ambitieux en faveur de la psychiatrie est considérable – je pense notamment à ce qui a été fait entre 2018 et 2021. Nous partons cependant d’une situation qui reste très préoccupante.
Des mesures ont été évoquées. Le député Cyrille Isaac-Sibille a ainsi proposé de généraliser l’expérimentation qui a été menée dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il nous revient à présent d’analyser les résultats des différentes expérimentations de ce type. En fonction de leur pertinence, il faut envisager la possibilité de les étendre à tout le territoire national. Il est en effet crucial d’ancrer nos décisions dans les territoires. Je ne vois pas l’intérêt d’aller réinventer une autre expérimentation si celle menée à l’initiative du député Isaac-Sibille, qu’il me fera découvrir, peut être généralisée et s’adapter aux spécificités de chaque territoire, qu’ils soient ruraux, urbains, frontaliers ou montagneux. Lors de mon déplacement en Haute-Savoie, samedi, mes interlocuteurs ont notamment insisté sur les particularités des territoires frontaliers.
Nous pouvons également renforcer les maisons des adolescents, comme l’un d’entre vous l’a souligné. Cette année consacrée à la santé mentale doit être le point de départ d’une politique de santé mentale en faveur de tous, en particulier des plus jeunes. J’espère donc qu’elle permettra de mettre sous le feu des projecteurs ce dispositif sous-utilisé, mal connu et insuffisamment inséré dans le réseau des acteurs.
Je tiens aussi à évoquer la stratégie nationale – j’y reviendrai, car il y a des questions sur ce point, notamment sur la prévention primaire et secondaire du suicide par le biais du dispositif d’accompagnement VigilanS, doté d’un numéro de téléphone. J’entends les critiques de Mme Guetté à l’encontre de Mon soutien psy, mais je m’en étonne, car en commission des affaires sociales, nous nous sommes beaucoup battus pour que ce dispositif soit généralisé et pour favoriser l’accès direct. En avez-vous pris acte ? Je n’étais au départ pas favorable à l’accès direct, mais les arguments de mes collègues en commission m’ont convaincu. C’est ainsi que les travaux parlementaires nous font évoluer : alors que l’on a ses propres convictions sur un sujet, on peut changer d’avis en écoutant des collègues qui connaissent beaucoup mieux la question. Nous veillerons collectivement – le sujet ne m’appartient pas – à ce que l’accès direct soit réintégré au projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’avais demandé un rapport portant sur l’accès direct pour évaluer le taux d’hospitalisation, de suicide et de recours aux psychotropes à l’issue de ces douze séances, afin de déterminer si cette prise en charge est efficace.
Dans la continuité de mon action en tant que rapporteur général puis ministre, une de mes premières décisions a été de signer une lettre de couverture pour permettre à toute personne de plus de 3 ans de bénéficier de ces douze séances remboursées à hauteur de 50 euros à partir du 1er janvier 2025. Il faut cependant pouvoir évaluer correctement cette prise en charge. Nous devons être pragmatiques : la prise en charge proposée n’est peut-être pas suffisante, mais il faut bien partir de quelque part. Dans un contexte très tendu, avec des gouvernements dont la durée de vie n’a pas permis de mener un travail de fond, il est essentiel d’assurer la continuité des dispositifs qui fonctionnent. La hausse de la rémunération des séances est susceptible d’améliorer l’adhésion des psychologues au dispositif. Il faut aussi tenir compte du coût de la mesure, notamment rapporté au nombre de psychologues œuvrant au sein des centres médico-psychologiques. Vous avez été nombreux à dénoncer les délais inacceptables imposés à nos concitoyens, et qu’il faudrait raccourcir. Il faut concilier ces deux paramètres, ne pas avoir à choisir entre l’un et l’autre. Disposons-nous de suffisamment de soignants au sein des CMP ? Il faut adapter les capacités des formations pour pourvoir ces structures qui assurent une prise en charge de secteur. Cette séance est un débat, pas une soirée d’annonces, mais je souhaite que nous retravaillions sur ce point.
Le député Le Fur a rappelé que la prise en charge par secteurs pouvait poser des problèmes. L’organisation de la psychiatrie en secteurs a des avantages, mais elle implique aussi une hiérarchisation des urgences quand on passe d’un secteur à l’autre, ce qui peut constituer un frein. Quand un patient ne peut pas être pris en charge dans son secteur, il faut prévoir des dérogations pour qu’il puisse l’être dans un secteur voisin. J’imagine que les petites Zoé sont nombreuses en France. Il faut voir comment on peut, au cas par cas, quand l’offre de soins est insuffisante, la trouver dans d’autres structures – c’est ce qu’on fait pour d’autres pathologies – sans enfreindre les règles.
M. le président
Monsieur le ministre, je vous rappelle que votre intervention sera suivie de quinze questions, soit une heure de débat en prenant en compte votre temps de réponse. Or il est déjà vingt-trois heures dix. Je vous laisse finir votre propos, mais gardez à l’esprit que vous pourrez aussi répondre après chaque question.
M. Yannick Neuder, ministre
Je vous remercie, monsieur le président. Je vais conclure, mais j’avais encore des choses à dire. J’ai déjà parlé dix-huit minutes, me laisserez-vous aller jusqu’à vingt ?
M. le président
Bien sûr, monsieur le ministre !
M. Yannick Neuder, ministre
Je souhaite répondre aux questions précises qui m’ont été posées. Je connais votre investissement sur ces sujets, madame Violland. Vous souhaitez que nous agissions. Je ne souhaite que cela, mais de grâce, laissons-nous le temps d’agir !
Mme Bourouaha a évoqué la question des outre-mer, un sujet d’importance, en particulier s’agissant de Mayotte. Les élus mahorais que j’ai rencontrés lors de mon déplacement souhaitent que l’on puisse trouver un soutien psychologique dans chacun des centres communaux d’action sociale (CCAS) des dix-sept communes de l’archipel. Je suis en train d’y pourvoir.
Monsieur Allegret-Pilot, les travaux que vous avez évoqués ont été menés avant le covid, or il y a un avant et un après covid. Je regrette les délais observés pour créer une mission interministérielle : ils sont en décalage avec la réalité. Nous n’allons pas instituer cette mission dans la minute, mais nous disposons d’un rapport d’information de qualité, présenté par des collègues, et par souci d’efficacité, je vous propose de nous en inspirer.
Madame Lorho, vous avez alerté à juste titre sur la hausse incroyable et inquiétante des prescriptions de psychotropes. Outre l’aspect financier, il faut en effet étudier les effets secondaires de ces traitements. Les plans de prévention sur lesquels j’aurai l’occasion de revenir dans la suite du débat doivent retenir comme critère d’efficacité la baisse de consommation de psychotropes, en particulier chez les jeunes.
Mme Nicole Dubré-Chirat a coécrit un excellent rapport d’information qui définit cinq axes pouvant servir de base à la proposition de loi que j’appelle de mes vœux. Pour gagner du temps, je préciserai que l’on peut retrouver mon avis sur la question à la page 214 du rapport – j’étais alors rapporteur général, mais cela reste d’actualité maintenant que je suis ministre.
Madame Guetté, je ne souhaite pas polémiquer sur les sujets que vous avez évoqués. L’urgence est la cohésion nationale et les Français attendent que nous trouvions des solutions, que nous travaillions vite. Je n’en suis plus à chercher à savoir qui est responsable de quoi : en m’occupant de la santé psychologique et psychiatrique des Français, de la santé des soignants, je veux être le plus pragmatique possible. (Mme Clémence Guetté s’exclame.)
Votre proposition de loi sur les moyens de prévention, madame Jourdan, sera probablement l’occasion de revenir sur l’organisation que vous appelez de vos vœux. Vous avez demandé un rendez-vous que j’espère pouvoir honorer au plus vite – en tout cas avant l’examen de votre texte dans le cadre de la niche parlementaire de votre groupe. Nous verrons alors si nous pouvons procéder à la généralisation que vous suggérez.
Je vous ai déjà répondu, monsieur Le Fur.
Monsieur Peytavie, je vous ai également répondu. Lors de l’examen du PLFSS, nous maintiendrons les mesures que nous avons défendues ensemble, notamment l’accès direct au dispositif Mon soutien psy et la possibilité de l’évaluer.
Je visiterai volontiers, monsieur Isaac-Sibille, les lieux de l’expérimentation que vous conduisez dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Je retiens votre lapsus, madame Piron, évoquant Parcoursup au lieu de Mon parcours psy. J’ai des enfants qui ont été confrontés à Parcoursup et je sais l’angoisse que ce dispositif a pu provoquer quelques dimanches soirs, quelques nuits.
Mme Marie Mesmeur
C’est hors sujet !
M. Yannick Neuder, ministre
Je m’interroge, je n’ai pas de solution.
Mme Marie Mesmeur
Abroger !
M. Yannick Neuder, ministre
Tout n’est pas blanc et tout n’est pas noir. On doit pouvoir orienter correctement nos étudiants sans forcément les stresser. C’est en tout cas ce que suggère le bon sens.
Je conclurai en répondant à M. Mathiasin. Vous avez souligné que les maisons des adolescents étaient peu nombreuses en outre-mer. Nous devons porter un regard particulier sur la santé en général en outre-mer. Malheureusement, depuis trois semaines que je suis ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, je n’ai pu me rendre que dans les lieux de crise potentielle, qu’il s’agisse de Mayotte ou de La Réunion. On se rend toutefois vite compte de la spécificité de l’outre-mer, où les difficultés sont démultipliées. Je souhaite que nous travaillions sur cette question. Il faut déployer des moyens et réfléchir aux processus de formation.
J’ai peut-être été un peu long, mais je ne savais pas exactement ce que vous attendiez de moi…
Mme Clémence Guetté
Le sens de la synthèse ! (Sourires.)
M. Yannick Neuder, ministre
…et je répondrai de mon mieux à vos questions. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
M. le président
Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes. Compte tenu de l’heure, je serai particulièrement vigilant sur le respect de cette règle.
La parole est à Mme Béatrice Bellamy.
Mme Béatrice Bellamy (HOR)
Chaque suicide est une catastrophe à l’origine de grandes douleurs, de traumatismes. Or les suicides sont en grande partie évitables, en particulier quand il s’agit des jeunes. En 2021, plus de 4 % des 18-25 ans ont déclaré avoir pensé à se suicider au cours de l’année. Depuis, cette spirale négative n’a fait que s’intensifier et c’est tout le secteur de la santé mentale des jeunes qui traverse une crise sans précédent.
Exposées à des pressions sociales et parfois familiales accrues, au harcèlement en ligne et aux violences sexistes et sexuelles, les jeunes femmes constituent un groupe particulièrement vulnérable. Le système psychiatrique, en grande difficulté, peine à répondre à cette urgence. Je le constate en Vendée, dans ma circonscription : l’établissement public de santé mentale déplore les délais d’attente qui s’allongent, les structures d’accueil débordées, la raréfaction des ressources humaines. Ce constat est d’autant plus alarmant qu’une prise en charge précoce est cruciale pour prévenir des drames.
Les jeunes sont l’avenir de la société, ils sont la France que nous construisons. Notre responsabilité collective est de garantir leur bien-être mental et de leur offrir le soutien dont ils ont besoin. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur plusieurs points ? D’abord, comment mieux intégrer dans la pédopsychiatrie les problèmes liés au psychotraumatisme, qui ne font qu’augmenter et favorisent les passages à l’acte suicidaire ?
Ensuite, la prostitution adolescente est de plus en plus présente. Une réponse spécifique, spécialisée, s’impose donc.
Enfin, quels sont les moyens les plus stratégiques alloués au projet territorial de santé mentale en cours d’élaboration ? Il s’agit là d’une urgence qui nécessite une action rapide et ambitieuse.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Le suicide représente malheureusement 16 % des décès chez les 15-24 ans et 20 % chez les 25-34 ans. Je ne vous accablerai pas de chiffres, mais il faut savoir que les taux d’hospitalisation ne cessent d’augmenter et que, par défaut d’armement de soignants, nous ne disposons pas du nombre de lits suffisant. La situation est donc très tendue. Il va falloir agir au plus vite pour former plus de soignants et donc rouvrir des lits d’hospitalisation, afin de détendre les systèmes en aval des urgences.
Il conviendra en outre de revaloriser les dispositifs de prévention primaire, comme VigilanS, pour accompagner les mineurs, de faire évoluer le 3114 en proposant une connexion permettant de tchatter, d’expérimenter le dispositif ElioS destiné à repérer, sur les réseaux sociaux, les jeunes en souffrance mentale. À ce propos, je ne reviendrai pas sur le fait que des adolescents peuvent se voir proposer par certains réseaux sociaux des tutoriels pour mettre fin à leurs jours – c’est tout simplement insupportable. Je sais que des parents ont à raison saisi la justice contre ces réseaux sociaux.
Enfin, il faudra nous rapprocher de l’éducation nationale, secteur qui souffre de la même instabilité que celui de la santé. Grâce à des mesures de long terme, nous disposerons de protocoles de santé mentale dans les établissements et pourrons repérer les plus jeunes en détresse.
M. le président
La parole est à M. Marcellin Nadeau.
M. Marcellin Nadeau (GDR)
Un rapport de la Cour des comptes, publié en mars 2023, a émis de fortes inquiétudes sur l’offre de soins en pédopsychiatrie. Si le nombre de psychiatres augmente, celui des pédopsychiatres diminue – de 34 % entre 2010 et 2022.
Comme l’ont souligné plusieurs de nos collègues, la situation est plus grave dans les collectivités d’outre-mer, où l’on compte moins de cinq praticiens pour 100 000 habitants de moins de 16 ans. À La Réunion comme à la Martinique, il est donc impossible d’assurer un accès précoce aux soins. Or, dans nos pays, 30 % des moins de 20 ans sont confrontés à de graves addictions, à des violences, ou souffrent de détresse psychique.
Mais la psychiatrie présente un autre problème dans les collectivités d’outre-mer – je l’ai évoqué dans un précédent débat : l’insuffisance du suivi psychiatrique dans les prisons. Et si c’est le cas en France, c’est pire en outre-mer, où les structures manquent. Avec les représentants syndicaux de l’administration pénitentiaire, nous parlons vraiment de discrimination structurelle entre l’Hexagone et les collectivités d’outre-mer. L’offre de soins n’y est pas inadaptée, mais quasi absente en milieu pénitentiaire – comme dans le milieu public.
Dans nos territoires, il n’existe en effet pas d’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) ni d’unité pour malades difficiles (UMD), notamment en Martinique. Or seul ce type d’établissement pourrait répondre décemment aux besoins des patients, des familles et de la société – déjà fortement anxieuse. La création d’une UMD inter-régionale en Martinique est ainsi indispensable pour la zone Antilles-Guyane. Quand j’avais fait part de cette demande, lors d’un précédent débat, Mme Vautrin s’était engagée à la prendre en considération.
Puisque le premier ministre fait de la santé mentale des jeunes une priorité, peut-on espérer une véritable politique psychiatrique dans les dix collectivités d’outre-mer, notamment en ce qui concerne la pédopsychiatrie et la prise en charge des malades psychiatriques en milieu carcéral ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Il ne serait pas crédible que, trois semaines après mon arrivée, j’aie la réponse à toutes vos questions. Reste que les collectivités d’outre-mer concentrent des difficultés économiques et démographiques supplémentaires, sans oublier l’éloignement du système de formation. Vous avez également parlé de la prise en charge psychologique et psychiatrique dans les prisons, sujet que j’ai déjà évoqué avec le ministre de la justice. Il arrive en effet que des places de prison soient occupées par des prisonniers ayant des problèmes psychiatriques ; ces patients de fait devraient plutôt être pris en charge dans des unités de psychiatrie. Or nous en manquons.
Nous nous trouvons à une période charnière de crise de notre organisation politique. C’est pourquoi je propose une pluriannualité de nos budgets. Je souhaite également une hausse de l’Ondam, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, qui nous permette de renforcer le plus rapidement possible la formation, d’augmenter les moyens de façon à prendre à bras-le-corps toutes ces questions. Je suis donc tout à fait disposé à travailler avec vous, mais je le répète, il faut voir loin car nous aurons à former les professionnels qui pour l’instant n’existent pas.
M. le président
La parole est à M. Olivier Fayssat.
M. Olivier Fayssat (UDR)
Quelque 10 % des lycéens ont envisagé au moins une fois une tentative de suicide ; un jeune sur sept risque une dépression. La prise en considération de ce mal-être profond suppose qu’on en identifie les causes et qu’on propose des mesures préventives avant d’avoir à en traiter les conséquences.
Dans cet effort nécessaire, je porte une attention particulière à la consommation de stupéfiants qui, à un âge où la personnalité est en construction, a des conséquences dévastatrices, y compris lorsqu’il s’agit de drogues douces – qui n’en sont plus.
Pour lutter contre ce fléau, il faut de la volonté, de la fermeté et des effectifs de police. Oui, nous avons besoin de brigades antidrogue pour sécuriser collèges, lycées et facultés. Nous jugerons de la volonté à leur déploiement à proximité des établissements d’enseignement. Quant à la fermeté, elle résidera dans la réponse judiciaire.
Je tiens par ailleurs à appeler votre attention sur le harcèlement scolaire, autre enjeu majeur face auquel il conviendra de répartir les efforts entre prévention, information et répression.
Enfin, il faut aussi regarder derrière nous. Tout n’était pas mieux avant, mais quand une situation se dégrade, il faut s’interroger sur ce qui a changé. Je pense à l’impact qu’auront les absurdités wokistes qui culpabilisent nos enfants à propos d’une histoire révolue. Les enfants européens sont-ils vraiment coupables d’esclavage, complices de l’Inquisition et comptables de tous les conflits passés ? Naissent-ils endettés envers le monde ? Et que faire pour espérer le pardon de ceux qui ne sont d’ailleurs pas leurs victimes ? (Murmures sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Rappelons-nous aussi la simplicité de ce monde ancien, peuplé seulement d’hommes et de femmes, un monde au sein duquel chacun pouvait se construire sur le fondement de la certitude d’être ce qu’il est. Toutes ces idéologies, inutiles et anxiogènes, infusent une vision déprimante, sans issue, d’un monde dans lequel notre jeunesse entre à peine. Pouvons-nous compter sur votre engagement pour protéger cette jeunesse ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Oui, vous pouvez compter sur mon engagement pour protéger l’ensemble de nos concitoyens, quel que soit leur âge, en particulier les plus vulnérables comme les adolescents et les jeunes.
Ont notamment été évoqués la consommation de drogues, la consommation de psychotropes, la consommation d’alcool et le harcèlement. Tous ces sujets nécessitent des politiques publiques sur le temps long.
Au risque de me répéter, je rappelle que pour pouvoir agir, il nous faut d’abord une certaine stabilité. Si vous souhaitez que nous travaillions ensemble, ce ne peut être simplement à l’occasion de ce débat. Du moins nos échanges auront-ils permis d’entendre les propositions des uns et des autres, et il me semble que sur 90 % des sujets, nous pouvons tomber d’accord.
Je vous propose donc de travailler ensemble sur les sujets que vous avez évoqués, particulièrement inquiétants pour notre jeunesse. Mais, dans un premier temps, il nous faut un budget qui, je l’espère, nous donnera des moyens, et, dans un deuxième temps, une politique qui s’inscrira dans la durée afin d’agir au plus vite.
Seul, on avance vite, mais je pense qu’ensemble, nous pouvons aller plus loin, dans l’intérêt de notre jeunesse.
M. le président
La parole est à M. Julien Limongi.
M. Julien Limongi (RN)
Nos jeunes constituent nos forces vives. Ils sont notre avenir. Nous avons le devoir de les protéger et de leur permettre de s’épanouir.
Pourtant, leur santé mentale est dans un état alarmant : troubles anxieux, troubles alimentaires, insomnies. Parmi les causes de ce mal-être, j’aimerais attirer votre attention sur deux fléaux : le harcèlement scolaire et, plus généralement, la violence à l’école.
Ces phénomènes ne sont pas de simples incidents ; ils détruisent des vies et instaurent un climat de peur dans ce qui devrait être un sanctuaire.
Je pense aux élèves du lycée de Coulommiers, qui m’ont confié à quel point les violences minent leur moral, les angoissent et les empêchent de se concentrer sur leurs études.
Je pense aussi à ces parents de Melz-sur-Seine qui m’ont raconté la peur constante de leurs enfants face à un enfant violent et imprévisible, qui malheureusement pourrit la vie de tout un village sans qu’une solution soit trouvée.
Les élèves victimes, comme leurs familles, se sentent abandonnés. Le mal-être grandit, la motivation chute, et pour certains, cette fragilité mentale s’aggrave face à un désespoir qui devient leur quotidien, jusqu’à commettre l’irréparable.
Pourtant, que faisons-nous face à ces situations ? Plans symboliques, lignes d’écoute, cours d’empathie, mais malheureusement, nous ne nous attaquons pas directement à la violence.
La culture du « pas de vague », qui persiste dans nos administrations, tue à petit feu. Trop souvent, les victimes sont abandonnées, tandis que les agresseurs restent dans les établissements, perpétuant leur comportement.
Quand mettrons-nous à l’écart les élèves violents ou harceleurs, afin de recréer un climat paisible dans nos écoles ? Quand contraindrons-nous les administrations scolaires à prendre des mesures fermes et immédiates ?
Nous devons faire primer l’intérêt collectif en envoyant un signal fort aux victimes, pour leur dire qu’elles ne sont pas seules, et aux agresseurs, pour leur signifier que leurs actes auront des conséquences. Jules Ferry disait que l’espoir d’une nation réside dans sa jeunesse. Protégeons cet espoir avant qu’il ne sombre dans le désespoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Vous avez évoqué de nombreux sujets, probablement inspiré par des exemples concrets vécus dans votre circonscription. Nous avons malheureusement tous connu des épisodes de harcèlement dans nos circonscriptions. Je partage votre souhait de renforcer la répression en la matière. Oui, la peur doit changer de camp ; ce n’est pas le harceleur qui doit être maintenu dans l’établissement, c’est à lui de le quitter.
Le sujet ressort davantage du champ de l’éducation nationale que de celui de la santé ; mais je n’ai aucune intention de le contourner, bien au contraire. Je transmettrai donc tous ces éléments à ma collègue ministre de l’éducation nationale.
Sur ces sujets, qui nécessitent une prise en charge en profondeur, la réponse est encore la même : il faut de la stabilité et un travail sur le long terme. Je vous rappelle qu’existent des objectifs de renforcement des compétences psychosociales des enfants et des jeunes dans le cadre d’une stratégie nationale, à l’horizon 2037. Il faut que l’on puisse les appliquer.
Or notre pays ne dispose pas de budget actuellement, ni pour son éducation nationale ni pour sa santé – il n’y a de budget pour rien.
J’entends tous les maux que vous relevez, en tant que député de proximité, mais quels que soient les ministres et leur volonté d’agir, si l’on ne s’inscrit pas dans la durée et que l’on ne dispose pas d’un budget pour développer des politiques publiques, il n’y aura pas de solution. Si l’on veut être responsable en regard des situations que vous décrivez, il faut que nous agissions ensemble.
Mme Nadine Lechon
Cela fait longtemps qu’on vous le demande !
M. le président
La parole est à M. Alexandre Dufosset.
M. Alexandre Dufosset (RN)
Ce soir, nous tombons tous d’accord pour dire que la santé mentale des jeunes Français est très préoccupante. Sans répéter les nombreuses statistiques qui ont été évoquées, j’en retiendrai une qui me glace le sang, ayant passé le cap des 25 ans il n’y a pas si longtemps.
Selon une étude Axa d’octobre dernier, 56 % des moins de 25 ans sont en état de détresse psychologique, soit plus d’un jeune sur deux. Les troubles de la jeunesse reflètent ceux de la société entière et les agriculteurs sont particulièrement touchés par la détresse psychologique.
Tous les deux jours, l’un d’eux se donne la mort. Selon un rapport de Santé publique France publié en 2021, les agriculteurs présentent un risque de suicide 43 % plus élevé que la moyenne nationale.
C’est dans ce contexte particulièrement pesant que plus de 150 000 jeunes se forment aujourd’hui aux métiers de l’agriculture, du CAP – certificat d’aptitude professionnelle – au BTS – brevet de technicien supérieur. À ces jeunes, il faut ajouter les milliers d’autres qui chaque année s’installent en exploitation.
Nombreux sont ceux qui ont déjà connu des épisodes de détresse psychologique. Combien seront-ils demain, ou dans quelques années, une fois confrontés aux difficultés du métier ?
Un élève en lycée agricole me disait l’autre jour sur un rond-point de Cambrai, au moment des feux de la colère que la profession organisait, « J’espère que je ne me suis pas engagé dans un métier maudit. » Étant moi-même un ancien de l’enseignement agricole, je dois dire que son interrogation ne m’a pas paru illégitime.
Quels dispositifs spécifiques mettre en place pour prévenir chez les jeunes les risques supplémentaires liés au métier d’agriculteur ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
La situation particulièrement difficile des agriculteurs les conduit hélas à être particulièrement exposés au suicide et à d’importants troubles psychologiques. Je pense notamment aux éleveurs confrontés à des attaques de loups, dont l’impact psychologique est probablement sous-estimé, et dont leur rémunération ne tient pas compte.
Il faut également rappeler les difficultés des agriculteurs en matière de santé mentale. Ils ont souvent besoin du salaire de leur épouse pour vivre correctement et procurer à leur famille un niveau de vie décent. C’est ce qu’ils me disent dans ma circonscription, et probablement ce qu’ils vous disent aussi.
Des mesures de prise en charge existent. Agri’écoute, un dispositif que nous connaissons tous, fait un travail de proximité et je remercie l’ensemble de ses bénévoles, qui sont souvent eux-mêmes des agriculteurs.
Il y a aussi Agri Sentinelles : au 30 juin 2024, 6 552 sentinelles ont été formées pour mailler le territoire et être à l’écoute des agriculteurs.
Les chambres d’agriculture ont également un rôle important dans le soutien des agriculteurs. Enfin, il y a les équipes mobiles de santé mentale, qui assument des permanences décentralisées et qui mènent des expériences, notamment dans les Ardennes.
Si on s’écarte un instant du sujet, on constate que les mauvaises conditions de travail sont souvent en cause. On peut évoquer la santé mentale, mais on peut aussi mentionner la faible rémunération au regard du nombre d’heures travaillées. Si nous voulons vraiment soulager les agriculteurs et leur charge mentale, faire en sorte qu’ils soient moins dépressifs, alors dépêchons-nous de voter la loi d’orientation agricole et de nous doter d’un budget afin de pouvoir accompagner les agriculteurs ! Vous secouez la tête, mais vous ne devriez pas.
Mme Nadine Lechon
Il fallait agir avant !
M. Théo Bernhardt
Ces problèmes ne datent pas d’aujourd’hui !
M. Yannick Neuder, ministre
C’est bien d’être vigilants quant à l’accompagnement des agriculteurs, mais ceux-ci ne veulent pas de soutien psychologique (M. Corentin Le Fur applaudit) : ce qu’ils veulent, c’est des prix, pouvoir faire leur travail et nourrir leur famille. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)
M. Rodrigo Arenas
C’est faux !
M. le président
La parole est à M. Jean-François Rousset.
M. Jean-François Rousset (EPR)
Hier, lors de sa déclaration de politique générale, le premier ministre a confirmé que la santé mentale devait être la grande cause nationale de 2025. Vous la reprenez à votre compte, je vous en remercie.
Il s’agit d’un enjeu majeur de santé publique, car la maladie mentale et les troubles psychiques touchent près d’un cinquième de la population française, soit 13 millions de nos concitoyens. Pourtant, peu d’entre eux sollicitent de l’aide, particulièrement chez les jeunes.
Selon Santé publique France, en 2022, 35 % des 18-24 ans déclaraient avoir l’impression de ne pas prendre soin de leur santé mentale ou de leur bien-être. Parmi eux, 32 % avouaient ne pas savoir comment s’y prendre.
Ces chiffres révèlent un problème majeur, celui du diagnostic des difficultés psychologiques. Que ce soit lié à l’environnement, à la famille ou à l’individu lui-même, le jeune fait souvent face à un obstacle qui l’empêche d’identifier ses difficultés, donc d’accéder à un traitement.
En Aveyron, comme dans certains territoires, les maisons des adolescents jouent un rôle essentiel. Structures pluridisciplinaires, elles constituent de véritables lieux de ressources sur l’adolescence et ses problématiques, pour un public âgé de 11 à 25 ans. Tel un guichet unique, elles offrent un accompagnement coordonné et organisé entre les différents acteurs du territoire – sanitaires, sociaux ou éducatifs – grâce aux éducateurs spécialisés et aux psychologues.
Ces maisons des adolescents sont pourtant largement méconnues. Combien savent qu’il en existe presque sur l’ensemble du territoire ? Combien connaissent leurs missions ou savent comment les contacter ?
D’un côté, il existe des structures dédiées à la santé mentale des jeunes, de l’autre, il y a des jeunes qui ignorent qu’elles existent. Pourquoi cette ignorance et comment y remédier ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et HOR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Je vous remercie de parler des maisons des adolescents. Je suis d’accord avec vous, ce sont des structures qui manquent de visibilité et qui gagneraient à être connues et reconnues, avant tout par les familles de ces adolescents, parfois grands adolescents – 11 à 25 ans.
On dénombre 125 de ces maisons. Leur doublement est un objectif et j’espère qu’il sera tenu. J’espère aussi que la réaffirmation de la santé mentale comme grande cause nationale nous permettra de mettre un coup de projecteur sur ces structures, pour les faire connaître davantage dans les milieux scolaires et auprès des missions locales, pour mieux les articuler avec la médecine scolaire et la protection judiciaire de la jeunesse.
Nous pouvons aussi contribuer à faire connaître ces structures, à les développer et surtout à valoriser leur prise en charge multidisciplinaire.
Là encore, il n’y a pas une seule solution concernant la santé mentale des jeunes, mais un ensemble de solutions qui nous permettra d’améliorer sa prise en charge.
M. le président
La parole est à M. Stéphane Vojetta.
M. Stéphane Vojetta (EPR)
Les ados français passent en moyenne cinq heures par jour devant les écrans, dont deux rien que sur TikTok ; 67 % des élèves de primaire sont inscrits sur des réseaux sociaux, pourtant interdits aux moins de 13 ans.
Malgré un arsenal législatif français et européen renforcé, les mineurs restent encore trop souvent exposés à des contenus inappropriés à leur âge ou encourageant des comportements à risque.
De récents rapports, ainsi que des plaintes déposées par des familles, mettent en lumière les conséquences psychologiques dévastatrices dues à l’exposition excessive à ces plateformes : addiction, troubles de l’alimentation ou de l’attention, harcèlement, anxiété, voire incitation au suicide.
Pendant ce temps, l’association e-Enfance, qui gère le 3018, numéro d’appel pour les jeunes victimes de harcèlement et de violences numériques, attend désespérément les 2 millions d’euros d’argent public qui lui permettront d’embaucher des répondants et d’éviter que deux tiers des enfants qui appellent pour demander de l’aide n’aient personne au bout du fil.
La censure du gouvernement Barnier a hélas à nouveau empêché cette promesse d’être tenue.
Pendant ce temps, la vérification de l’âge sur internet reste une chimère et il suffit toujours de cliquer sur un bouton pour avoir accès à de la pornographie 24 heures sur 24, à 7 ans comme à 77 ans.
Pendant ce temps, réapparaissent les publicités des influenceurs pour la chirurgie esthétique, malgré l’interdiction posée par la loi Delaporte-Vojetta et malgré leurs effets psychologiques désastreux sur des filles toujours plus jeunes.
Pendant ce temps, les outils de modération, de signalement ou de contrôle parental des plateformes numériques sont souvent inefficaces ou inoffensifs face à des algorithmes trop puissants.
Pendant ce temps, enfin, le rapport du groupe d’experts sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans remis au président de la République le 30 avril croupit au fond d’un tiroir, le suivi de ses préconisations ayant été empêché par l’instabilité gouvernementale.
J’aurais pu vous demander quelles actions concrètes votre gouvernement entend mener pour mieux protéger les mineurs des dangers que présentent les écrans pour leur santé mentale, mais je vais vous faciliter la tâche. Je préfère vous annoncer que mon collègue socialiste Arthur Delaporte et moi-même avons lancé les travaux préparatoires d’un nouveau texte transpartisan, qui viendra compléter les dispositions de la loi précitée et s’attachera également à combattre l’exposition excessive aux écrans. Ce deuxième texte bénéficiera-t-il lui aussi du soutien du gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et HOR.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Vous connaissez probablement ces sujets mieux que quiconque, puisque ce n’est pas la première fois que vous légiférerez en la matière. Je ne rappellerai pas les méfaits des écrans sur l’endormissement, ni le risque d’obésité et les problèmes sociaux induits par la sédentarité. Naturellement, je soutiendrai votre deuxième proposition de loi.
Vous soulignez la nécessité d’une stabilité au sein du Parlement, quelles que soient les différences politiques qui séparent les uns et les autres. Vous évoquez la soumission aux écrans et leurs impacts psychologiques et sanitaires sur les enfants ; ce sont des sujets qui ne sont ni de droite ni de gauche.
Il importe de responsabiliser les parents pour interdire l’accès à un téléphone portable ou à une tablette à partir d’une certaine heure. Il faut aussi adopter un budget qui permettra à l’association e-Enfance de fonctionner. Nous devons agir de manière responsable.
Le rapport rendu par Amine Benyamina et Servane Mouton en avril 2024 est actuellement étudié par mes services. J’espère que nous pourrons appliquer ses recommandations, ce qui suppose que mon ministère dure plus de quatre mois.
M. le président
La parole est à Mme Marie Mesmeur.
Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP)
Alors qu’un lycéen sur dix a déclaré avoir fait une tentative de suicide au cours de sa vie et que quatre étudiants sur dix présentent des symptômes dépressifs, il est temps d’avoir ce débat.
Ces données ne sont pas à considérer avec un mépris paternaliste, elles révèlent une souffrance profonde, celle d’être projeté de force dans un monde angoissant, égoïste et violent. Quatre jeunes sur cinq ressentent de l’angoisse face à la machine à trier Parcoursup, qui engendre une compétition permanente et alimente un système éducatif toxique. Ce monde refuse de leur offrir des perspectives claires et rassurantes.
Il y a aussi la souffrance liée à la misère. Oui, les étudiants sont pauvres et le montant maximal des bourses est largement inférieur au seuil de pauvreté. Peut-on aller bien quand on dort dans sa voiture, quand on a faim, quand on vit avec quelques centimes par jour ?
Il y a la souffrance de l’épuisement. Au lycée, tous les élèves sont accablés par les rythmes scolaires et à l’université, la moitié des étudiants sont contraints d’avoir un emploi pour payer leurs études.
Il y a l’inquiétude face à votre inaction pour endiguer le réchauffement climatique et mettre en place la nécessaire planification écologique. Vous avez fait de la santé mentale une grande cause nationale, mais vous ne pouvez déplorer les effets dont vous chérissez les causes. Votre obsession austéritaire est en train de briser les derniers remparts de la protection sociale. En France, on compte un psychologue pour 30 000 étudiants, contre un pour 1 500 aux États-Unis, alors que l’OMS recommande une densité huit fois supérieure.
L’inaction a un coût social et économique, puisqu’elle a de nombreuses conséquences sur les systèmes de santé et d’éducation. Grande cause nationale, oui, mais pour quels actes ? Combien de psychologues supplémentaires recrutés ? Combien d’étudiants sortis de la misère ? Vous parliez de formation, mais quand Parcoursup sera-t-il abrogé ? Enfin, soutiendrez-vous le repas du Crous à 1 euro pour toutes et tous, sur lequel l’Assemblée nationale doit se prononcer la semaine prochaine ?
Sachez-le, vous ne pourrez pas améliorer la santé mentale des jeunes à coups de 49.3. Seul un budget à la hauteur y parviendra, alors laissez-nous faire ! (M. Rodrigo Arenas applaudit.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Je ne peux pas vous répondre quand vous me demandez combien de psychologues ont été formés depuis que la santé mentale a été proclamée grande cause nationale. À cause de la censure, ce n’est qu’hier que cela a été confirmé, et bien qu’il soit possible de travailler mieux et plus vite, je crains qu’en une nuit nous n’ayons pas formé beaucoup de psychologues.
Soit on se contente de se mettre en scène dans de courtes vidéos… (Mme Marie Mesmeur s’exclame.) Je ne vous ai pas interrompue et je ne vous ai pas parlé sur un ton paternaliste. …soit on essaie d’agir sur ce problème, ce qui nécessitera de mobiliser un budget et d’identifier ses causes. Vous en avez d’ailleurs cité un grand nombre, comme la précarité étudiante.
Que Parcoursup soit anxiogène, je l’ai moi-même reconnu, mais convenons qu’il faut bien des dispositifs permettant l’orientation des jeunes. Vous dites qu’il faut former plus de psychologues et, plus généralement, vous évoquez la situation de la médecine et de la santé. Il y a des déserts médicaux partout, mais c’est aussi dans les universités qu’il faut agir ! La réussite de nos étudiants et la complétude de leur parcours scolaire passent par l’accès à la restauration, au logement, aux transports, aux équipements sportifs, aux lieux culturels et à la santé, dans le cadre d’une prise en charge globale.
Au risque de me répéter, pour tout cela, il nous faut un budget. On peut considérer que les budgets ne sont pas suffisants, mais il est certain qu’on précarise encore plus les étudiants et qu’on les expose à toujours plus de risques si l’on prive notre pays de budget. Autrement, seuls les étudiants qui ne sont pas en difficulté s’en sortiront. Ce sont bien les plus précaires que protège notre système social.
M. le président
La parole est à M. Rodrigo Arenas.
M. Rodrigo Arenas (LFI-NFP)
Vous ne pouvez pas vous dédouaner des sept années dont vous êtes l’héritier, monsieur le ministre ! Vous ne pouvez pas invoquer la censure pour refuser d’admettre que les mesures qui ont été prises sont insuffisantes. Vous demandez du temps, mais du temps, nous n’en avons pas.
Dans ma circonscription se trouve l’Institut mutualiste Montsouris, qui possède un département de psychiatrie de l’adolescent et du jeune adulte très réputé. Il croule sous les demandes et peine à répondre à toutes les familles confrontées à la détresse de leurs enfants. Mais après ces sept années, cet institut est menacé de dépôt de bilan. Je n’ose imaginer ce que sa fermeture impliquerait pour les patientes et les patients en mal de soins psychiatriques.
À cheval sur ma circonscription, l’hôpital Sainte-Anne, établissement de renommée mondiale, dit lui aussi son manque criant de soignants et de lits, alors qu’il doit accueillir de plus en plus de jeunes fracassés par la crise sanitaire et confrontés aux angoisses d’un avenir incertain et d’un quotidien stressant.
À ces jeunes en grande difficulté s’ajoutent les enfants, qui forment une génération bouleversée par le covid-19, qui ne parvient pas à retrouver ses marques dans une école battue par les vents de l’austérité. Nous ne pouvons décemment affirmer que les élèves bénéficient d’une attention médicale et psychiatrique à l’école : ce n’est pas vrai ! C’est aussi votre bilan, car vous êtes le continuateur et l’héritier de cette politique. Le 49.3 ou la censure n’y changeront rien.
Vous et votre gouvernement avez prétendu vouloir consacrer 600 millions d’euros à la grande cause nationale qu’est la psychiatrie. Quelle somme ou quelle part de cette somme allez-vous flécher vers la pédopsychiatrie, pour donner de l’air à des hôpitaux qui en ont largement besoin et qui le demandent depuis bientôt sept ans, voire plus longtemps ? Vous n’êtes peut-être pas comptable des échecs du passé, mais vous l’êtes du présent et des actes de gouvernements dont vous êtes le continuateur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Je vous répondrai sur un ton plus calme que le vôtre. Pourquoi ?
M. Rodrigo Arenas
Vous direz cela aux patients !
M. Yannick Neuder, ministre
Justement, les patients – que je rencontrais encore souvent jusqu’en décembre – ne veulent plus de ce type de discussions. Ils veulent de la stabilité, mais pas savoir si telle mesure est de gauche ou de droite. Ils veulent qu’on agisse dans leur intérêt.
Il n’y a pas de majorité dans cet hémicycle et il n’y en aura pas demain, quel que soit le gouvernement. (M. Rodrigo Arenas s’exclame.)
Un certain nombre des sujets qui clivent notre Assemblée ne seront tranchés que lors de l’élection présidentielle de 2027, où chacun votera selon ses idées. Je ne suis pas d’accord pour que la santé – mentale, mais pas seulement – des Français et celle des soignants soient prises en otage d’ici là. Deux ans et demi, soit la durée qui nous sépare de la prochaine élection présidentielle, c’est quasiment le temps de formation d’une infirmière et c’est presque trois promotions d’aides-soignantes. Voilà le temps qu’il nous reste.
Pour répondre correctement aux besoins de votre circonscription, il ne suffit pas d’énumérer les différentes structures d’hospitalisation qui ont des problèmes. Ces problèmes ne datent pas d’aujourd’hui et ce n’est certainement pas en privant la France d’un budget de santé et d’un Ondam qu’ils seront réglés.
Vous évoquez l’Institut mutualiste Montsouris, mais je n’ai été informé de ses difficultés qu’il y a quarante-huit heures.
M. Rodrigo Arenas
Ça fait trois ans que j’en parle !
M. Yannick Neuder, ministre
Sa liquidation judiciaire pourrait intervenir dans quelques jours. Vous qui provoquez l’instabilité gouvernementale du pays, vous demandez qu’une réponse soit apportée ce soir à une situation instable.
M. Rodrigo Arenas
Mais non !
M. Yannick Neuder, ministre
Laissez-moi le temps de découvrir la situation de cet institut, voyons quel Ondam hospitalier sera fixé à l’issue de nos débats et envisageons ensuite la manière dont nous pourrons aider les établissements en difficulté. En tout état de cause, ce n’est pas en refusant de doter la sécurité sociale d’un budget que nous pourrons améliorer la santé des Français. Patient ou soignant, personne ne dira le contraire ! (M. Rodrigo Arenas s’exclame.)
M. le président
La parole est à M. Joël Aviragnet.
M. Joël Aviragnet (SOC)
Notre jeunesse fait face à une double menace : des addictions qui persistent et de nouvelles formes de dépendance qui émergent. Selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives, en 2022, 15,6 % des jeunes âgés de 17 ans fumaient quotidiennement du tabac et 13,9 % consommaient du cannabis au moins une fois par mois. Ce pourcentage grimpe à 58,6 % pour la consommation d’alcool.
Malgré les progrès enregistrés depuis la dernière enquête, menée en 2017, ces chiffres demeurent trop élevés. Plus inquiétant encore, les conduites addictives évoluent, pour ne plus se limiter aux substances toxiques : les jeux vidéo, les paris en ligne et l’usage excessif des réseaux sociaux touchent de plus en plus nos jeunes, ce qui entraîne des troubles comportementaux et psychologiques qui nécessitent une attention accrue et des réponses adaptées.
Les dispositifs actuels sont clairement insuffisants. Le fonds de lutte contre les addictions reste sous-alimenté compte tenu des besoins, tandis que les associations et établissements scolaires manquent de moyens pour déployer des actions à grande échelle. Il est donc urgent d’agir avec des mesures à la hauteur des enjeux.
Il faut tout d’abord prévenir, en intensifiant les interventions en milieu scolaire et en concevant des programmes éducatifs interactifs qui prennent en compte les nouvelles formes d’addictions. Ensuite, il faut renforcer l’accompagnement, en augmentant les moyens des structures d’accueil, des consultations jeunes consommateurs (CJC) et les associations spécialisées. Enfin, nous devons mieux réguler, en limitant l’accessibilité des substances addictives et en encadrant la publicité des plateformes en ligne qui captent l’attention des plus jeunes.
Il est temps de passer des mots aux actes et de faire de la santé mentale et de la lutte contre les addictions chez les jeunes une priorité nationale. Comment comptez-vous lutter contre les conduites addictives qui hypothèquent l’avenir et nuisent à la santé mentale des jeunes ?
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
En faisant exactement ce que vous préconisez ! Vous avez évoqué tous les facteurs de vulnérabilité pour notre jeunesse – le tabac, l’alcool ou les drogues. Vous êtes par ailleurs membre d’un parti de gouvernement et pour répondre à tous les besoins que vous avez listés et que je ne conteste pas, je ne vous demande qu’une chose : donnez-moi un budget ! Donnez-nous un budget, donnez un budget à la sécurité sociale, et nous essaierons de lutter ensemble contre ces pratiques addictives !
N’allez pas imaginer que trois semaines après ma nomination, et à minuit moins cinq, je vais répondre à toutes ces questions. Il faut avancer sur tous ces sujets, c’est certain, mais ce n’est pas en privant notre pays de budget que nous y arriverons. Avançons ensemble.
Concernant le cannabis, ma position est très ferme : oui au cannabis thérapeutique, mais certainement pas au cannabis récréatif, car c’est la porte d’entrée vers des drogues encore plus dures.
M. le président
La parole est à Mme Isabelle Santiago.
Mme Isabelle Santiago (SOC)
Je suis rapporteure de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance. Depuis six mois, nous auditionnons des pédopsychiatres, des psychiatres, des pédiatres et de nombreux autres spécialistes de la question de l’enfance.
La santé mentale des enfants est une question cruciale, car lorsqu’on parle de la santé mentale en général, on se réfère d’abord au développement de l’enfant et à la compréhension de ses besoins fondamentaux. Les recherches cliniques permettent désormais, grâce aux neurosciences, d’avoir une vision globale des choses – qui nous manque en France. Je travaille beaucoup avec le Québec, qui a su faire le point sur la santé de ses jeunes et a lancé le programme Agir tôt. Le ministre de la santé québécois est un grand neurologue, qui a fait de la jeunesse, et des enfants en particulier, une priorité budgétaire et en matière de politiques publiques.
Je publierai mon rapport au mois d’avril : j’aurai plaisir à venir vous le présenter, car il contiendra de nombreuses préconisations. Avant d’être députée, j’ai été pendant douze ans vice-présidente, chargée de la protection de l’enfance, du conseil général Val-de-Marne. Croyez bien qu’avec les hôpitaux, la pédopsychiatrie, la maison de l’adolescent, et j’en passe, nous avons accompagné les jeunes. Mon engagement s’inscrit dans la durée.
En mai dernier, j’ai alerté la ministre de la santé de l’époque sur la situation en santé et en santé mentale de nos enfants en pouponnière. Je trouve scandaleux que, malgré l’alerte nationale que j’ai lancée, rien n’ait été fait pour ces bébés qui, alors âgés de trois mois, souffraient du syndrome de l’hospitalisme ; aujourd’hui, ils sont certainement porteurs de handicap à vie. C’est notre responsabilité collective et, oserai-je dire, gouvernementale.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
La question que vous évoquez transcende les oppositions partisanes. Je n’en ai pas connaissance mais je veux que nous en parlions rapidement ensemble pour voir si, à mon niveau et avec vous tous, nous pouvons agir vite. Il ne faut pas perdre une journée, une heure, une minute. L’inaction coûte de l’argent…
Mme Isabelle Santiago
Trente-huit milliards !
M. Yannick Neuder, ministre
Il n’y a pas besoin d’autant d’argent pour mettre ces enfants à l’abri. Je souhaite que nous travaillions ensemble sur ce sujet très rapidement.
Mme Isabelle Santiago
Je suis à votre disposition.
M. Yannick Neuder, ministre
La situation que vous venez d’exposer ne relève pas de la politique, mais de l’aide envers les plus vulnérables et nous devons absolument travailler ensemble là-dessus.
M. Joël Aviragnet
Et cela n’a rien à voir avec le fait que le budget ait, ou non, été voté.
M. le président
La parole est à M. Corentin Le Fur.
M. Corentin Le Fur (DR)
Monsieur le ministre, je sais combien la santé mentale des jeunes vous tient à cœur – c’est un sujet majeur – et à quel point vous êtes attelé à la tâche avec détermination, compétence et passion. Merci pour votre réponse au sujet de Zoé : sa famille se bat et a parfois l’impression de se heurter à des murs. Il y a vraiment urgence et je vous remercie par avance de l’attention que vous pourrez porter à ce dossier.
La sectorisation n’a pas que des défauts, vous l’avez rappelé, mais en l’occurrence, il n’y a pas de solution pour Zoé dans le département des Côtes-d’Armor et il est indispensable qu’elle soit prise en charge à Rennes. J’espère de tout cœur qu’elle le sera dans les plus brefs délais. Le cas de Zoé n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, qui montre à quel point la santé mentale des jeunes est une question fondamentale. Je sais qu’avec votre gouvernement, vous en êtes totalement conscient et je vous souhaite un plein succès.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Le cas particulier que vous évoquez doit nous donner l’occasion de faire le point avec les directeurs des agences régionales de santé, que je verrai toutes et tous la semaine prochaine, sur les défauts de prise en charge dans les différents territoires et sur le recours aux soins. Je vais voir avec les ARS, notamment avec celle de la région Bretagne, ce qu’elles proposent lorsque des patients ne trouvent pas dans leur département l’offre de soins dont ils ont besoin et que la prise en charge est sectorisée. Cela nous permettra d’établir une sorte de cartographie de l’offre de soins et je reviendrai très vite vers vous.
M. Corentin Le Fur
Rien ne bouge à l’ARS.
M. le président
La parole est à M. Arnaud Bonnet.
M. Arnaud Bonnet (EcoS)
En 2019, les médecins des urgences préconisaient un suivi pédopsychiatrique dans 67 % des cas chez les jeunes. Ces derniers temps, les services de pédopsychiatrie reçoivent de plus en plus de jeunes traumatisés, victimes de maltraitance et de violences sexuelles, mais aussi de plus en plus de jeunes qui craquent sous la pression scolaire.
C’est notre énième débat sur la santé mentale : j’espère que cela finira par déboucher sur une hausse des moyens qui lui sont dévolus. Nos secteurs médicaux et paramédicaux craquent du fait du manque de moyens. Il va quand même falloir finir par l’entendre – peut-être l’examen du budget sera-t-il enfin l’occasion d’agir ? Il faut donner des moyens aux établissements et aux professionnels de santé, notamment en santé mentale, et encore plus en pédopsychiatrie.
Qui aurait pu prédire que les jeunes craqueraient sous la pression scolaire ? Tous les syndicats, les enseignants, les élèves et les parents dénoncent depuis des années la pression engendrée par les réformes successives et le renforcement de la sélection et de la compétition. Quand traiterons-nous enfin les causes de cette dégradation profonde de la santé mentale, plutôt que d’en déplorer les conséquences ?
J’aimerais pour finir vous alerter sur deux points.
Je viens de la Seine-et-Marne, qui fait la moitié de l’Île-de-France. Par pitié, ne raisonnons pas en faisant des moyennes régionales et en disant que parce qu’il y a tant de médecins à Paris pour telle superficie, il en faut tant à tel endroit ! Ce qu’il faut, c’est garantir l’accès aux soins.
Deuxièmement, la charge de travail de nos professionnels de santé, notamment de nos pédopsychiatres, devient immense. Prenons soin des personnes qui prennent soin, avant de ne plus en avoir.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Je me retrouve dans beaucoup de vos propos. Il est vrai, tout d’abord, que la pédopsychiatrie est complètement sinistrée. Je suis parlementaire depuis 2022. Votre groupe politique fait partie de ceux qui ont voté la proposition de loi que j’avais déposée pour former davantage de soignants. C’est un problème que, malheureusement, je ne découvre pas. J’attends juste que vous me donniez les moyens nécessaires pour former beaucoup plus de professionnels de santé dans le secteur médical. Pour le paramédical, vous savez que c’est au niveau régional que cela se décide. Chaque minute qui nous éloigne de l’adoption d’un budget est une minute de perdue pour la formation.
Il faut que nous formions plus de professionnels, et plus vite. Parmi les solutions, je propose notamment de rapatrier tous les étudiants qui sont à l’étranger pour qu’ils finissent leur cursus en France : je souhaite par exemple que l’on puisse accueillir en troisième cycle les étudiants qui sont en cinquième ou sixième année en Roumanie. Dans le lot, il y aura peut-être des pédopsychiatres qui iront exercer dans votre département. Il faut former plus, former mieux, former plus vite : pour ce faire, je ne demande qu’une chose, c’est un budget et des moyens.
J’apprécie votre remarque relative au chiffrage et aux moyennes : je suis favorable à une territorialisation des décisions, afin de prendre en compte les spécificités régionales. La différenciation doit permettre un bon maillage du territoire : c’est aux élus de prendre leurs responsabilités en la matière.
M. le président
Merci de conclure, monsieur le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
J’avais encore une remarque à vous faire, mais j’y reviendrai tout à l’heure.
M. le président
La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme Géraldine Bannier (Dem)
Ma question est simple, monsieur le ministre : comment améliorer l’accès à un suivi médical approprié dans des territoires sous-dotés en spécialistes en santé mentale ?
Je prendrai un exemple concret. Du fait d’une mutation professionnelle, une mère doit déménager de Vendée en Mayenne et s’inquiète pour sa fille. Âgée de 11 ans, en mal-être, elle était jusque-là suivie dans un centre médico-psychologique : après une première hospitalisation, elle y était reçue pour des entretiens hebdomadaires. Pourra-t-elle bénéficier de la même réponse dans le département sous-doté qui est le mien ?
Le suivi médical d’un jeune – j’en ai vu tellement qui en auraient besoin dans les collèges que je ne compte plus le nombre de ministres que j’ai alertés sur cette urgence – nécessite un accompagnement long et stable avec, si possible, une coordination étroite entre les adultes qui sont au contact du jeune : le personnel de l’éducation nationale, les éducateurs, les professionnels du secteur médico-social et les élus doivent pouvoir intervenir en équipe et sur plusieurs années auprès du jeune. Comment faire pour éviter les ruptures et s’assurer que le suivi est bien constant ?
Le livre Cramés, les enfants du monstre, de Philippe Pujol, démontre le besoin absolu de soins dans les quartiers Nord de Marseille, qui sont également sous-dotés en professionnels. L’auteur déclare que face au monstre, il faut traiter toutes les vulnérabilités, parce que les failles éducatives et psychologiques enferment vite les jeunes dans le cercle vicieux de la drogue et de la violence.
Comment faire pour avoir, dans ces quartiers, des professionnels en nombre suffisant ? Nous savons combien il est difficile d’attirer les gens vers ces métiers exigeants, de relation à l’autre et d’écoute, vers ces métiers humains.
Ma question est très simple, la réponse est sans doute plus complexe. Nous avons des propositions à vous faire et nous attendons les vôtres pour améliorer la répartition des médecins sur tout le territoire.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Vous faites partie du groupe d’études sur les déserts médicaux et l’accès aux soins et c’est bien la question centrale. Pour assurer à nos concitoyens, quel que soit le lieu où ils habitent, une offre de soins suffisante, je répète, au risque de rabâcher, qu’il faut former plus de soignants. Comme cela va prendre un peu de temps, il faudra trouver des solutions alternatives.
Je l’avais déjà indiqué au moment de l’examen de ma proposition de loi et, malheureusement, les chiffres n’ont pas bougé : on forme le même nombre de soignants qu’en 1970 ; notre système étant trop restrictif, beaucoup de jeunes partent à l’étranger ; la population a vieilli ; nous sommes 15 millions de plus ; et le rapport au travail a changé, puisque pour remplacer 1 généraliste qui s’en va, il en faut désormais 2,3.
Le constat, nous le connaissons, et il a été confirmé par le rapport de la Cour des comptes au mois de décembre. Je ne souhaite qu’une chose : c’est d’avoir un budget pour agir vite, pour former plus, pour faire de la délégation de tâche, pour travailler avec les professionnels du secteur paramédical sur de la pratique avancée et de l’accès direct. Ce n’est pas une mesure, ce sont plusieurs mesures qui permettront d’améliorer la prise en charge médicale. Cela va prendre du temps et je répète que chaque minute que nous perdons ici à nous invectiver ou à menacer de censurer le gouvernement nous fait perdre du temps. Les patients et les soignants ne le comprennent pas.
Monsieur Bonnet, je voulais revenir sur la fin de votre intervention. Vous dites qu’il faut protéger les soignants : c’est tout le sens de mon déplacement à Annemasse. C’était aussi le sens de la proposition de loi de notre collègue Philippe Pradal, du groupe Horizons, qui a été adoptée en mars dernier. Du fait des multiples interruptions qu’a connues le travail parlementaire, ce texte n’a pas encore été examiné par le Sénat. Il vise pourtant à infliger des peines plus lourdes à ceux qui s’en prennent aux soignants ; il contraint les établissements à signaler les violences et garantit l’anonymat du dépôt de plainte pour éviter les représailles.
Sur l’ensemble de ces sujets, je crois que nous finirons par nous accorder. Pour agir, il faut du temps et des moyens, et nous allons le faire tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. le président
La parole est à Mme Sophie Errante.
Mme Sophie Errante (NI)
Si nombre de choses ont été dites, un sujet n’a pas encore été évoqué : à partir de 16 ans, les jeunes entrent dans la médecine adulte, et cela pose un certain nombre de problèmes. C’est assez violent pour eux et pour leurs familles, et les soignants sont eux aussi perturbés par cette arrivée de jeunes dans le milieu adulte. Vous avez évoqué les catégories d’âge et je pense que le parcours lié à l’âge soulève une question.
Ma deuxième question porte sur la répartition géographique et, surtout, sur les inégalités territoriales. On a évoqué les cas spécifiques des zones ultramarines et de la ruralité mais on observe, plus généralement, de grandes disparités d’un territoire à l’autre. Dans certains, il existe des solutions effectives, mais pas partout. Doit-on nécessairement passer par une loi pour y remédier ? Je pense que vous auriez d’ores et déjà la possibilité de faire beaucoup. Nombre de rapports ont été remis. Cela fait douze ans que je suis députée et que je légifère, et j’admets que l’on ressent, chez les professionnels comme chez les parlementaires, un certain épuisement à voir les rapports s’empiler (Mme Isabelle Santiago approuve), répétant les mêmes choses sans jamais déboucher sur une concrétisation, voire aboutissant à des disparités territoriales dans les mises en œuvre. Il existe en matière de santé mentale une très grave inégalité géographique et sociale.
C’est un sujet difficile : la santé mentale est souvent perçue de manière honteuse ; les problèmes sont cachés, ils relèvent de l’intime. Les gens qui viennent nous voir dans nos circonscriptions ont vraiment besoin qu’on les écoute et qu’on les aide. Pour moi, l’année 2025 devra aussi être l’occasion de parler de toutes les questions relatives à la santé mentale.
Merci beaucoup, monsieur le ministre.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Yannick Neuder, ministre
Vous dites probablement tout haut, madame la députée, ce que chacun pense tout bas. Je pense moi aussi qu’au sein de ce parlement, il y a parfois trop de débats, trop de rapports, trop de propositions de loi. Nous sommes tous pour la démocratie, mais à un moment, on nous demande de l’action. Ne légifère-t-on pas trop ? Quand on va en circonscription, notamment à l’occasion des vœux, on voit bien que le Parlement n’est pas perçu comme efficace, et cela renforce la défiance à son égard.
Je vais essayer de vous répondre le plus factuellement possible.
En premier lieu, petit sujet de satisfaction, les pédopsychiatres peuvent prendre des patients jusqu’à 18 ans, et non 16.
Ensuite, je pense qu’il faut examiner les choses au cas par cas. Peut-être faudrait-il légiférer moins, de manière à désengorger les commissions et l’ensemble du système, et examiner tout ce qui peut être fait par voie réglementaire. Si vous en êtes d’accord, et sous réserve que l’on ne m’accuse pas de vouloir priver le Parlement de ses prérogatives, tout ce qui peut être fait par voie réglementaire doit l’être, de manière à accélérer les choses et à soulager.
Troisièmement, j’avais l’intention de vous proposer – et les débats de ce soir me confortent dans l’impression que cela pourrait vous intéresser – une sorte de loi de simplification visant à lever les facteurs de blocage que vous avez repérés. Peut-on concevoir rapidement quelque chose qui serait susceptible d’assouplir les processus en vigueur et de simplifier l’accès aux soins, en utilisant autant que possible la voie réglementaire ?
N’hésitez pas non plus à relayer les expérimentations locales, afin que l’on trouve les budgets pour éventuellement les pérenniser à l’échelon national. Je me suis beaucoup battu dans le cadre de l’examen du PLFSS pour maintenir les crédits du fonds d’intervention régional (FIR), qui permet à chacune des agences régionales de santé d’apporter de la souplesse, de voir ce qui marche et ce qui ne marche pas et d’accorder des financements dédiés. Il s’agit parfois de petites enveloppes destinées à des solutions locales, mais cela peut améliorer la prise en charge localement. Et si cela convient aux professionnels de santé et facilite les soins, allons-y ! Simplifions les démarches auprès des ARS et allons dans le sens d’une territorialisation des décisions. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)
M. le président
Le débat est clos.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
M. le président
Prochaine séance, aujourd’hui, à neuf heures :
Débat sur le thème « L’évaluation de la loi confortant le respect des principes de la République ».
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 16 janvier 2025, à zéro heure vingt.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra