XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Deuxième séance du samedi 17 mai 2025

partager
Deuxième séance du samedi 17 mai 2025
Avertissement: version provisoire établie à 01:05

Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président

M. le président

  • partager

    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Droit à l’aide à mourir

    Suite de la discussion d’une proposition de loi

    M. le président

  • partager

    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Olivier Falorni relative au droit à l’aide à mourir (nos 1100, 1364).

    Discussion des articles

    M. le président

  • partager

    Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1364 à l’article 2.

    Article 2 (suite)

    M. le président

  • partager

    Je suis saisi de sept amendements, nos 1364, 1384, 1883, 1894, 1888, 590 et 1837, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 590 et 1837 sont identiques.
    La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir les amendements nos 1364 et 1384.

    M. Nicolas Sansu

  • partager

    Nous abordons un sujet important et, pour ne pas le cacher, assez clivant : les directives anticipées. Avec plusieurs de mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, nous estimons que le choix libre et éclairé de l’individu doit pouvoir s’exprimer par tous les moyens, y compris par écrit ou par l’intermédiaire d’un tiers de confiance. Cela doit pouvoir se faire tout au long de l’évolution de la maladie, afin de confirmer ou d’infirmer le choix initial de la personne.
    La loi Claeys-Leonetti a mis en œuvre ces directives anticipées dans le cadre de la sédation profonde et continue –⁠ c’est bien normal. Nous devons envisager le cas d’une personne qui ne pourrait plus faire valoir son droit à l’aide à mourir après avoir eu un accident ou, tout simplement, parce que sa maladie lui fait progressivement perdre son discernement.
    Toutefois, la perte du discernement ne règle nullement le problème des douleurs réfractaires et de l’image que l’on renvoie à l’autre, à ses proches. C’est aussi l’un des enjeux de ce texte : permettre à chacun de préserver sa dignité, notamment auprès de ses proches. Je parle d’expérience, comme je l’ai dit au cours des débats sur les soins palliatifs.
    Je tiens à rappeler les conclusions de la convention citoyenne sur la fin de vie, selon laquelle le discernement peut être exprimé directement ou indirectement à travers les directives anticipées ou la personne de confiance. Cela étant, je sais que le texte issu des travaux de la commission est un compromis qui permettra d’inscrire l’aide à mourir dans la loi. Nous ne ferons donc pas obstacle au succès de la proposition de loi, monsieur le rapporteur.
    Nous reviendrons sur ce sujet quand nous débattrons de l’article 4, car je souhaite que vous preniez en compte la sérénité que procure à une personne la rédaction de ses directives anticipées. Souvent, c’est un grand soulagement pour elle et pour ses proches.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir les amendements nos 1883, 1894 et 1888, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    La question des directives anticipées est importante. Revalorisées par la loi Claeys-Leonetti, elles permettent à chacun d’exprimer son choix en matière de fin de vie : poursuivre, limiter, arrêter ou refuser des traitements ou des actes médicaux. Elles ne sont pas utilisées si la personne peut s’exprimer normalement, mais elles anticipent justement les situations où celle-ci ne pourrait plus le faire.
    Il nous semble essentiel d’intégrer les directives anticipées dans la proposition de loi. L’amendement no 1883 tend à le faire en reprenant les mesures prévues par la loi Claeys-Leonetti. Quelle différence y a-t-il entre demander par anticipation la sédation profonde et continue si la situation médicale le réclamait un jour, et dire que l’on préférerait l’aide à mourir, parce que la sédation profonde et continue jusqu’au décès peut prendre plusieurs heures, voire plusieurs jours ?
    L’amendement no 1894 est un amendement de repli qui vise à prendre en compte la demande de droit à l’aide à mourir dans les directives anticipées ou par le biais de la personne de confiance, dans le cas où un malade ne pourrait pas réitérer cette demande en pleine conscience.
    L’amendement no 1888 anticipe une autre situation : la potentielle perte de conscience définitive d’une personne qui aurait préalablement exprimé son choix et remplirait toutes les conditions cumulatives d’accès à l’aide à mourir.
    J’appelle votre attention sur la situation inverse : si une demande orale, en pleine conscience, était exigée, une personne atteinte d’une maladie dégénérative, qui sait qu’elle perdra conscience à un moment donné, devra anticiper et décider de son propre décès avant la date qu’elle aurait souhaitée pour profiter des derniers moments où elle peut communiquer avec ceux qu’elle aime.
    Si nous voulons permettre à une personne de vivre chaque instant qu’il lui semble encore pertinent de vivre, garantissons son ultime liberté à travers les directives anticipées et les personnes de confiance. (Mme Marie-Noëlle Battistel applaudit.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Océane Godard, pour soutenir l’amendement no 590.

    Mme Océane Godard

  • partager

    Ce débat est sensible, parce qu’il est lié à l’impermanence de la vie, au fait que tout évolue. Cependant, je vous invite à considérer quel effet a l’écriture des directives anticipées, dès lors que le patient se sait voué à mourir à court terme, et non pas simplement dans le cadre de volontés anciennes.
    Je sais que, dans cet hémicycle, il y a des soignants et des médecins ; il y a aussi des psychologues, dont je suis. Je voudrais apporter mon éclairage : les directives anticipées peuvent être considérées comme une trace, une balise, une manière de dire : « Cette décision, c’est la mienne. » Ces directives apaisent, soulagent et permettent de ne pas faire reposer sur les proches le poids de décisions ultimes ou de pas leur faire subir les souffrances du malade et la vue de son corps qui se dégrade.
    La formulation des volontés par écrit permet de s’y confronter. J’y vois deux effets principaux : avoir dit ce que l’on voulait et exprimé son dernier choix procure une forme de soulagement ; et puis, quand on lit les témoignages, on s’aperçoit que cela fait parfois renoncer à une décision prise avant la maladie. Tel est le sens de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Danielle Simonnet applaudit aussi.)

    M. le président

  • partager

    Sur les amendements nos 1364, 1384, 1883, 1894 et 1888, ainsi que sur les amendements identiques nos 590 et 1837, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement no 1837.

    Mme Marie-Noëlle Battistel

  • partager

    Cette proposition de loi est un texte de liberté, qui vise à prendre en compte, à chaque étape, la volonté des patients, laquelle doit être au cœur de tous nos débats. Cela concerne à la fois l’accès aux soins palliatifs partout sur le territoire, dont nous avons débattu la semaine dernière, et l’accès au droit à l’aide à mourir. C’est le respect de cette liberté qui doit nous guider tout au long des débats sur ce texte – en tout cas, c’est cela qui nous guide personnellement.
    Nous sommes nombreux à considérer que les directives anticipées doivent pouvoir être prises en compte quand une personne est dans l’incapacité de réitérer sa demande –⁠ je pense aux victimes d’accident, d’AVC ou à toute personne qui ne peut plus s’exprimer.
    Si nous n’inscrivons pas cette possibilité dans le texte, nous contraindrons les malades à souffrir, quelquefois de manière inhumaine, alors même qu’ils auront exprimé leur souhait de ne pas avoir à subir cela.
    Pour ces raisons, les demandes formulées dans les directives anticipées doivent être formellement respectées. Je rappelle qu’il est prévu qu’une personne de confiance puisse témoigner de cette volonté. Cette loi étant faite pour le patient, nous devons respecter sa volonté et ses directives anticipées. (M. Arthur Delaporte applaudit.)

    M. le président

  • partager

    Sur l’amendement n° 1251, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. le rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir, pour donner l’avis de la commission.

    M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir

  • partager

    Je tiens à remercier l’ensemble des députés qui ont présenté ces amendements, parce qu’ils évoquent un sujet important, qui ne pouvait évidemment se passer de débat. Comme je l’ai dit à la tribune, lors de la discussion générale, ce texte est équilibré et solide –⁠ et solide, car équilibré. Je persiste et signe : s’il reste équilibré, il aura une majorité.
    Le sujet des directives anticipées est clivant – cela a été reconnu par ceux-là mêmes qui défendent ce nouveau droit. Moi-même, lorsque j’ai déposé ma proposition de loi en 2021, j’y avais inclus les directives anticipées. Depuis, j’ai aussi beaucoup écouté ce qui se disait.
    Je dois avouer que l’an dernier et cette année, j’ai parfois été agacé d’entendre un certain nombre de collègues hostiles à ce texte dire, à chaque fois qu’était voté un amendement, même d’une modeste importance, que cela rompait l’équilibre. C’est totalement faux. J’affirme que les députés ont toujours su faire preuve de sagesse et de responsabilité, l’an dernier comme cette année, en commission des affaires sociales.
    Mais, en tant que rapporteur général, avec ma collègue Brigitte Liso, rapporteure, nous sommes les garants de cet esprit. Aussi, je le dis clairement : si ces amendements étaient adoptés, ils rompraient l’équilibre de ce texte.
    Je le répète, vous entendrez à de nombreuses reprises, touchant des sujets beaucoup plus annexes, que l’équilibre de ce texte aurait été transformé, et ce ne sera que de la mousse ; il n’en est pas moins vrai qu’en adoptant l’un de ces amendements, nous modifierions profondément ce même équilibre.
    Parmi ceux qui sont favorables à l’aide à mourir, il existe, encore une fois, des divergences : j’ai été marqué par ce que m’ont confié des médecins très favorables, qu’au moment de ce geste qu’ils auront accepté d’accomplir, ne faisant pas valoir leur clause de conscience, ils veulent, ils ont absolument besoin d’une ultime réitération –⁠ de cet échange, de ce nouveau « oui, docteur, je le veux », souvent accompagné d’un « merci, docteur ». Un certain nombre de députés, fervents partisans de l’aide à mourir, déclarent que les directives anticipées leur poseraient un cas de conscience au moment de voter pour ce texte. Tout cela, je l’ai entendu ! Pour toutes ces raisons, j’invite les collègues qui ont légitimement suscité ce débat dans l’hémicycle à retirer leurs amendements ; à défaut, avis très clairement défavorable.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, pour donner l’avis du gouvernement.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles

  • partager

    À mon tour de vous remercier, car ces amendements ont le mérite de nous faire réfléchir, encore une fois, à l’importance de la volonté du patient. Madame Godard, vous disiez il y a un instant : « Cette décision, c’est la mienne ». Je partage l’idée que la décision de recourir à l’aide à mourir appartient exclusivement au patient, et ce, jusqu’au dernier moment ; c’est-à-dire qu’il est extrêmement important de respecter une des cinq conditions que nous examinerons lorsque nous parviendrons à l’article 5 –⁠ le discernement –, qui permet de formuler la demande, de la réitérer, comme vient de l’évoquer le rapporteur général et comme je le répète, jusqu’au dernier moment –⁠ la seule fois au cours de la procédure où l’on interrogera le patient, où on lui demandera s’il le souhaite, étant l’instant où l’on va administrer la substance létale. C’est dire si ce texte est empreint d’une volonté d’écouter le patient, de le laisser jusqu’au bout dire ce qu’il souhaite.
    Si je souligne ce point, c’est parce que j’ai, comme beaucoup d’entre vous, rencontré des patients : nombreux sont ceux qui insistent sur le fait que vous pouvez demander quelque chose étant bien portant, et ne pas avoir modifié vos directives anticipées alors que, dans le cheminement de votre maladie, votre avis peut avoir changé. C’est pourquoi la clé de voûte n’est autre que le consentement du patient, que nous devons être en mesure de recueillir à tout moment. L’an dernier, lorsque nous avions eu ce débat, je m’étais engagée auprès de vous à interroger de nouveau le Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Je vous donne donc lecture de la lettre, signée de son président, datée du 20 mars 2025 :
    « Dans le cadre de la future proposition de loi sur la fin de vie, vous m’avez adressé par courrier en date du 26 février dernier une demande portant sur la question des personnes éligibles à l’aide à mourir. Vous me demandiez comment envisager la situation de personnes qui perdraient leur capacité à exprimer une volonté libre et éclairée entre le moment où elles ont formulé la demande et le moment de l’acte. Vous souligniez que cette question se poserait en particulier dans le cadre des directives anticipées ou de la désignation de la personne de confiance.
    « Je vous réponds en tant que président du CCNE. Le Comité étant en cours de renouvellement partiel, il ne m’est pas possible de le solliciter en ce moment pour une prise de position.
    « Le sujet que vous soulevez est hautement complexe, difficile et humain. Il a été discuté par le CCNE lors de ses échanges ayant abouti à l’adoption de son avis 139 : ’’Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité’’.
    « Le CCNE a émis la recommandation suivante dans son avis 139 (recommandation 17) : ’’La demande d’aide active à mourir devrait être exprimée par une personne disposant d’une autonomie de décision au moment de la demande, de façon libre, éclairée et réitérée, analysée dans le cadre d’une procédure collégiale.’’ Le CCNE avait souligné à cette occasion (page 30 de l’avis 139) que ’’les demandes d’aide active à mourir évoluent dans le temps et se transforment, voire, parfois, s’estompent ou disparaissent’’. Il lui était donc apparu indispensable que le caractère persistant, éclairé et libre de la demande soit assuré.
    « La position que j’énonce aujourd’hui, en tant que président du CCNE, est celle que le Comité avait exprimée en juin 2022. Il n’y a pas eu de changement de la part du CCNE depuis cette date. »
    Tel est exactement le courrier qui m’a été adressé par le professeur Jean-François Delfraissy. Encore une fois, le rapporteur général l’a mentionné, et j’insiste sur ce point : un changement d’approche serait un changement majeur du texte, une sorte de rupture, j’ose le dire, par rapport aux conditions que nous souhaitons mettre à une autorisation de recours à l’aide à mourir. Par conséquent, demande de retrait ; à défaut, avis défavorable à tous les amendements.

    M. le président

  • partager

    Les demandes de prise de parole étant nombreuses, j’admettrai deux orateurs contre les amendements et deux pour.
    La parole est à M. Thomas Ménagé.

    M. Thomas Ménagé

  • partager

    Au sein de mon groupe, je fais partie, vous le savez, de la minorité favorable à une aide active à mourir. Je serais en faveur d’un texte équilibré ; or, vous l’avez rappelé, l’adoption de ces amendements ferait dès à présent basculer mon vote en défaveur de ce même texte, alors même que cette évolution correspond à l’attente d’une grande partie des Français qui nous écoutent –⁠ et qui, après l’échec de l’année dernière, espèrent un vote de l’Assemblée créant ce nouveau droit.
    L’exercice de ce dernier doit reposer sur un consentement libre et éclairé, un choix individuel, personnel. Le rendre possible en vertu des directives anticipées serait d’une totale incohérence avec la philosophie générale du texte, comme avec mon souhait d’ouvrir ce droit. Nous le voyons à l’étranger, nous le constatons lors de nos échanges avec les soignants, qui sont directement au fait des demandes d’aide à mourir : au fil de la vie, on évolue. Selon qu’on la formule à 20 ans, à 40 ans, à 70 ans, malade ou en bonne santé, une demande sera différente. Nous avons vu à l’étranger des personnes farouchement favorables à l’euthanasie qui, au moment où elles se trouvaient confrontées à cette situation, ne la demandaient pas, voire s’y montraient dès lors défavorables ; on connaît aussi, malheureusement ou heureusement, le cas de figure inverse. C’est le libre arbitre : la nature humaine est ainsi faite !
    Monsieur Sansu, vous proposez de passer au cran supérieur, c’est-à-dire qu’une tierce personne, désignée parmi les proches, puisse demander l’aide à mourir à votre place si vous n’êtes pas en mesure de le faire. Cela pose un problème d’insécurité juridique en cas de liens juridiques ou testamentaires, par exemple. Par ailleurs, je ne voudrais pas demander à mes proches de prendre une telle décision !
    Je vous invite donc, chers collègues, même si vous êtes favorables à l’aide à mourir, à vous opposer à ces amendements, dont l’adoption causerait indirectement la mort du texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Philippe Juvin.

    M. Philippe Juvin

  • partager

    Faut-il inclure dans mes directives anticipées le souhait de mourir, le jour où ma conscience ne me permettrait plus de les confirmer ? Je partage l’avis de M. le rapporteur général et de Mme la ministre pour une raison de fond, mais aussi pour des raisons d’application pratique.
    La raison de fond tient au fait que la demande de mort est fluctuante. Nous avons tous une vie plus ou moins autonome : savons-nous ce que nous voudrions vraiment, quel serait notre sentiment, le jour où nous serions sérieusement malade, profondément handicapé ? On apporte des solutions, des réponses, à la famille, à vos souffrances, à des situations diverses ; la demande de mort s’envole, puis réapparaît. Écrire sur un papier ce que l’on sentira, ce que l’on voudra, le jour où l’on ne sera plus capable d’exprimer son consentement, reste par définition impossible. Il faut absolument pouvoir, au dernier moment, dire non. Lors des sédations profondes et continues, auxquelles j’ai participé, il existe un protocole. Au moment d’appuyer sur la seringue électrique, on adresse au patient une ultime question, toujours la même : « Me confirmez-vous, monsieur, madame, que vous voulez vraiment dormir définitivement ? Est-ce que je dois appuyer sur le bouton ? » C’est ainsi que l’on procède en pratique ; évidemment, ce n’est pas applicable si les gens ne sont pas en mesure de vous répondre.
    La question d’applicabilité est la suivante : vous avez probablement tous une expérience personnelle de gens qui sont déments. Ils connaissent des phases de violence, d’agressivité, de déambulation. Parfois, pour des soins très banals –⁠ laver, donner à manger, faire une injection –, on est obligé de les contentionner : ils ne se laissent pas faire, ne comprennent pas ce qui se passe. Imaginez ce qu’il faudrait pour poser une perfusion, injecter un produit, à un patient qui ne le voudrait pas –⁠ parce qu’il est dément, je le répète, et ne comprend pas ce qui arrive ! On en arriverait probablement, comme lors d’un certain nombre de soins, à contentionner les gens. Personne, je pense, ne veut cela, ni même ne l’imagine. (Mme Sylvie Bonnet applaudit.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.

    Mme Christine Pirès Beaune

  • partager

    Les directives anticipées, instaurées il y a quelques années, sont une très bonne chose ; nous devons néanmoins reconnaître qu’il n’y a, je crois, que 12 % des Français qui en rédigent. Peut-être devrions-nous nous interroger au sujet de l’information relative à ce dispositif. Reste que si la future loi ne tient pas compte de ces directives, d’un souhait validement et préalablement exprimé, réitéré à plusieurs reprises, beaucoup seront empêchés d’accéder à l’aide à mourir, quand bien même ils l’auraient demandée en toute conscience. Permettez-moi, madame la ministre, de citer non l’un des cas célèbres en la matière, mais un exemple fictif : j’ai rédigé il y a dix ans mes directives anticipées, je les ai réitérées tous les ans, j’y ai très clairement écrit que si j’étais plongée dans le coma à la suite d’un accident de la route, je voulais avoir accès à l’aide à mourir. Quelle réponse m’apporterez-vous ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Danielle Simonnet applaudit également.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Nicolas Sansu.

    M. Nicolas Sansu

  • partager

    Ce débat est fort intéressant : il montre qu’en n’acceptant pas les directives anticipées, nous exclurons du dispositif tout un tas de personnes qui auraient pu faire valoir leur droit à l’aide à mourir. Comme Christine Pirès Beaune, j’insiste sur le fait qu’il s’agirait de directives réitérées, qu’aussi longtemps que nous sommes conscients, nous pouvons affirmer que nous ne souhaitons pas finir dans le coma, ou complètement dégradés. Le professeur Juvin a fait état d’un problème : l’impossibilité de la sédation profonde et continue lorsque les gens ne sont plus capables de confirmer qu’ils la souhaitent –⁠ ce que seules les directives anticipées permettraient de faire !
    Nous avons donc un réel souci sur ce point, qui aurait dû être abordé au sein du texte et mieux traité. Cela étant, je vais être extrêmement pragmatique : nous souhaitons tous que ce nouveau droit soit inscrit dans le code de la santé publique. Nous ne prendrons donc pas, en tout cas pas aujourd’hui, le risque d’entraîner le rejet de la proposition de loi. Je retire les deux amendements que j’ai soutenus (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN), ce qui n’exclut ni n’épuise le débat à ce sujet, les droits évoluant au fil du temps en fonction des demandes de la société.

    (Les amendements nos 1364 et 1384 sont retirés.)

    M. le président

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 1883.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        112
            Nombre de suffrages exprimés                101
            Majorité absolue                        51
                    Pour l’adoption                23
                    Contre                78

    (L’amendement no 1883 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 1894.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        106
            Nombre de suffrages exprimés                99
            Majorité absolue                        50
                    Pour l’adoption                23
                    Contre                76

    (L’amendement no 1894 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 1888.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        113
            Nombre de suffrages exprimés                109
            Majorité absolue                        55
                    Pour l’adoption                32
                    Contre                77

    (L’amendement no 1888 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    Je mets aux voix les amendements identiques nos 590 et 1837.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        108
            Nombre de suffrages exprimés                99
            Majorité absolue                        50
                    Pour l’adoption                21
                    Contre                78

    (Les amendements identiques nos 590 et 1837 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1251.

    M. Christophe Bentz

  • partager

    Il vise à réaffirmer que la demande d’aide à mourir doit être répétée.
    Monsieur le rapporteur général, à travers tous nos amendements, ce que nous souhaitons, en attendant de rejeter l’article 2 et le texte tout entier, c’est encadrer, restreindre et contraindre pour sécuriser. Nous voulons graver dans le marbre certains garde-fous, même si nous avons conscience qu’au fil du temps, ils sauteront les uns après les autres.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.

    Mme Brigitte Liso, rapporteure de la commission des affaires sociales

  • partager

    C’est moi qui vous réponds, monsieur Bentz. Je suis désolée d’interrompre votre dialogue avec le rapporteur général ! (Mme la ministre rit. –⁠ Sourires sur les bancs du RN.)
    Les demandes réitérées sont déjà prévues dans la procédure. Je me permets d’ailleurs de souligner que M. Ménagé a fait un lapsus tout à l’heure en parlant de consentement plutôt que de demande de la personne –⁠ il est très important de faire la différence. (Mme Sandrine Rousseau applaudit.)
    Je rappelle la procédure : le patient formule sa demande, puis le médecin rend sa décision et le patient a quarante-huit heures pour réitérer cette demande ; lors de l’acte final, il est encore une fois interrogé par le médecin sur son souhait de bénéficier de l’aide à mourir. Au total, la personne est amenée par trois fois à se prononcer : « Je le souhaite », « Je le confirme », « Je le confirme ».
    Défendu. Pardon, défavorable ! (Exclamations.)

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

  • partager

    Lapsus contre lapsus ! (Sourires.) Nous discutons ici d’un point très important. La première fois, il s’agit d’une demande du patient à l’équipe médicale. Compte tenu de son état de santé, le patient demande à bénéficier de l’aide à mourir. Une expertise médicale est alors conduite pour décider s’il est éligible ou non à cette aide. S’il l’est, il n’est d’ailleurs pas certain qu’il activera immédiatement la demande d’aide à mourir. Nous avons abordé ce cas tout à l’heure : certains patients la demandent parce qu’ils préfèrent avoir déjà été examinés si leur situation s’aggrave.
    La deuxième fois, le patient réitère sa demande de bénéficier de l’aide à mourir.
    La troisième fois, lors de l’administration du produit létal, c’est effectivement un consentement qui est demandé : c’est la seule fois où le patient est interrogé et où on lui demande s’il souhaite vraiment l’aide à mourir. Dans les trois cas, nous avons besoin que le patient dispose de tout son discernement.
    Bien sûr, nous examinerons un peu plus tard l’article 4, mais à ce stade votre amendement est satisfait, monsieur Bentz. Je demande donc son retrait.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Michel Lauzzana.

    M. Michel Lauzzana

  • partager

    Cet amendement me donne l’occasion de faire le lien avec la discussion précédente. La procédure de réitération de la demande est justifiée, mais elle ne peut pas s’appliquer à tous les cas. En cas de mort cérébrale ou d’état neurovégétatif, qu’adviendrait-il d’une personne qui aurait rédigé et réitéré des directives anticipées et désigné une personne de confiance ? Si la demande d’aide à mourir est lointaine, si elle date de dix ou quinze ans, on peut évidemment s’interroger, mais si elle a été réitérée régulièrement et de manière récente, on peut, sans trop se tromper, affirmer que la personne ne souhaiterait pas se voir dans cet état.
    Il s’agit d’une vraie question. La proposition de loi ne permet pas de traiter ce cas-là. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Il a raison !

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel

  • partager

    Madame la ministre, comment le consentement ultime du patient sera-t-il matérialisé ? Peut-être ce point nous a-t-il échappé dans le texte, mais il semble que rien ne soit prévu en la matière. Un recours doit être possible et on nous a dit en commission qu’il le serait même pour des tiers a posteriori. Pour sécuriser la procédure, comment le consentement ultime sera-t-il matérialisé, de sorte qu’on en ait une trace quelque part ?

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Christophe Bentz.

    M. Christophe Bentz

  • partager

    Madame la rapporteure, vous n’interrompez pas mon dialogue avec le rapporteur général. Nous dialoguons tous ensemble et je m’excuse de ne pas vous avoir citée. Je le ferai désormais !
    Je sais que la notion de réitération apparaît dans plusieurs articles à venir, mais elle a sa place, si l’on veut sécuriser et encadrer le dispositif, dès l’alinéa 6 de l’article 2, qui définit l’aide à mourir. Je souhaite ce garde-fou et j’attends vivement de pouvoir rejeter l’article 2.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Sandrine Rousseau.

    Mme Sandrine Rousseau

  • partager

    Je rappelle que cette proposition de loi sur la fin de vie a été jugée nécessaire pour remédier à des situations extrêmement difficiles. Je pense au cas Vincent Humbert et aux personnes atteintes de la maladie de Charcot et de maladies neurodégénératives comme Alzheimer. Or si la proposition de loi était adoptée, elle ne répondrait à aucune de ces trois situations ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
    C’est tout de même un problème. La proposition de loi censée répondre à l’appel de citoyennes et de citoyens qui nous ont alertés sur des fins de vie difficiles –⁠ quand des personnes sont plongées dans un coma définitif et irréversible, ou sont atteintes de la maladie de Charcot et souffrent, dans un tiers des cas, de troubles cognitifs, ou sont atteintes de maladies neurogénératives – ne permettra pas de prendre en charge ces situations ! Voilà pourquoi une partie d’entre nous sommes favorables aux directives anticipées, qui donnent accès au droit à l’aide à mourir dans de telles situations. (Mme Danielle Simonnet applaudit, ainsi que plusieurs députés du groupe SOC.)

    M. le président

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 1251.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        110
            Nombre de suffrages exprimés                107
            Majorité absolue                        54
                    Pour l’adoption                40
                    Contre                67

    (L’amendement no 1251 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Charles Rodwell, pour soutenir l’amendement no 756.

    M. Charles Rodwell

  • partager

    Je ne tire pas les même conclusions que Mme Rousseau des manquements de la proposition de loi –⁠ notre collègue souhaite étendre son champ d’application alors que je suis opposé au texte –, mais nous soulignons tous deux des défauts de construction.
    Cet amendement de repli vise à renforcer les garanties encadrant le recours à l’aide à mourir en ajoutant une condition exigée dans la loi belge du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie. La question des pressions extérieures est un sujet extrêmement important et sensible qui sera abordé tout au long de l’examen du texte. Il y a les pressions évidentes, mais aussi les pressions ressenties. Je propose de donner une dimension légale à la notion de pression extérieure afin que toute décision liée à une aide à mourir en soit protégée.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

  • partager

    Cette notion sera débattue à l’article 4 et lorsque nous reviendrons sur la procédure. À ce stade, nous sommes tous d’accord : une personne qui demande à bénéficier de l’aide à mourir doit manifester sa volonté de manière libre et éclairée –⁠ c’est écrit noir sur blanc. Dans le cas où un médecin estimerait que ce n’est pas le cas, la procédure s’interromprait. Avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

  • partager

    Même avis.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Justine Gruet.

    Mme Justine Gruet

  • partager

    La notion de pression extérieure sera en effet examinée à l’article 4 puisqu’elle concerne le cinquième critère à remplir pour accéder à l’aide à mourir. La personne doit être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée, mais la vérification de ce point relève-t-elle d’un avis médical ? Je ne le crois pas. Un médecin est-il capable d’apprécier l’absence de pressions familiales, financières ou psychologiques ? Par ailleurs, quelle pression sociétale s’exerce-t-elle sur le patient, puisque, comme nous l’avons dit, toute la société est engagée dans cette évolution ? L’intervention possible d’un professionnel, dont nous rediscuterons à l’article 4, doit peut-être être envisagée.
    Quant aux directives anticipées, sur lesquelles je n’ai pas eu l’occasion de m’exprimer, elles constituent selon moi une aide à la décision médicale. Une personne doit dire quelle décision elle souhaiterait voir prise quand elle ne sera plus en capacité de se prononcer : elle ne souhaite pas être réanimée, elle ne veut pas d’acharnement thérapeutique, elle demande à bénéficier de l’aide à mourir. Si ces souhaits sont inscrits dans les directives anticipées, quels sont ensuite la chronologie et le timing ? Qui décide, quand la personne n’est plus en capacité de s’exprimer, que la substance létale doit être administrée ? Sur le plan éthique, je m’interroge fortement.
    Je reviens sur les pressions extérieures : à mon sens, ce n’est pas au médecin d’analyser ce critère. Nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous aborderons l’article 4.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

  • partager

    Je soutiens cet amendement de mon collègue Rodwell, qui a le mérite de faire référence à la loi belge. Le cas de la Belgique devrait nous faire réfléchir collectivement, que l’on soit pour ou contre la proposition de loi.
    Ce matin, l’arrêt Mortier a été cité sur les bancs socialistes. C’est un arrêt très intéressant, qui fait l’objet de vifs débats entre les spécialistes du droit. Il constitue sans doute un argument pour les partisans de l’aide à mourir, mais il montre aussi qu’un cadre juridique considéré comme strict n’empêche pas des dérives nombreuses et des manquements importants, qu’on pourrait même qualifier de systémiques, dans l’application de la loi.
    Tout ça pour dire que, concrètement, si le texte est adopté, tout cela débordera. Je pense qu’un certain nombre de collègues qui soutiennent ce texte le savent au fond d’eux-mêmes, parce que c’est précisément ce qui s’est passé en Belgique ou aux Pays-Bas.
    J’ai cité ce matin le professeur Theo Boer, qui soutenait les textes relatifs à l’euthanasie adoptés aux Pays-Bas. Il y a quelques semaines, dans le journal Le Monde, il écrivait  : « j’ai cru qu’un cadre rigoureux pouvait prévenir les dérives de l’euthanasie : je n’en suis plus si sûr. »

    (L’amendement no 756 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    Je suis saisi de deux amendements, nos 12 et 1254, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 12.

    M. Patrick Hetzel

  • partager

    Cet amendement s’inscrit dans le prolongement de nos débats, et appelle l’attention sur le fait que l’on sort désormais du domaine habituel de la médecine et du soin. C’est la raison pour laquelle d’autres amendements ont été déposés, proposant de consacrer au moins un chapitre spécifique à ce sujet au sein du code de la santé publique.
    Il permet également de clarifier le fait que nous sortons clairement de la philosophie de la loi Claeys-Leonetti, qui ne mentionne à aucun moment l’intentionnalité de donner la mort. Cet amendement a donc pour objectif d’indiquer clairement et précisément la nouvelle philosophie introduite par les dispositions consacrant un droit à l’aide à mourir.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1254.

    M. Christophe Bentz

  • partager

    Je ne sais pas si cet amendement est un amendement d’appel, mais il s’agit assurément d’un amendement de rappel. Il rappelle que ce qui est létal n’est pas thérapeutique. Ce sont deux caractéristiques de nature différente, qui sont même profondément opposées.
    Nous avons déposé plusieurs amendements de ce type, qui visent soit à neutraliser le texte, soit à le bousculer un peu, soit à le rendre inopérant, et ce par tous les moyens –⁠ quitte à inverser la vocation de la proposition de loi. Tout cela n’a qu’un seul but : rappeler que nous souhaitons nous cantonner aux soins à la personne en fin de vie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. le président

  • partager

    Sur l’amendement no 1254, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

  • partager

    Par nature, un produit létal n’a pas de visée thérapeutique. Avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

  • partager

    Même avis.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Patrick Hetzel.

    M. Patrick Hetzel

  • partager

    Je vous invite à écouter les propos du président du Conseil national de l’Ordre des médecins. Ils sont très explicites. Il dit qu’il est pertinent d’apporter cette précision pour lever toute ambiguïté et pour rassurer les soignants et les médecins. Cela permettrait en effet de leur indiquer explicitement que la démarche est bien différente des principes qui les ont conduits à prêter le serment d’Hippocrate.

    (L’amendement no 12 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    Je mets aux voix l’amendement no 1254.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        111
            Nombre de suffrages exprimés                105
            Majorité absolue                        53
                    Pour l’adoption                40
                    Contre                65

    (L’amendement no 1254 n’est pas adopté.)

    M. le président

  • partager

    Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 2496, 13, 117, 517, 754, 1253, 1601, 1998, 2326, 203, 837, 2104, 382, 2650 –⁠ faisant l’objet d’un sous-admendement no 2675 –, 118, 201, 283, 498, 515, 863, 979, 1048, 1599, 1811, 2348, 846, 1399, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 13, 117, 517, 754, 1253, 1601 et 1998 sont identiques, ainsi que les amendements nos 2650, 118, 201, 283, 498, 515, 863, 979, 1048, 1599, 1811 et 2348.
    La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2496.

    M. Philippe Juvin

  • partager

    Le texte actuel prévoit deux modalités d’administration de la substance létale : une première par laquelle le patient ingérerait lui-même ladite substance, et une seconde par laquelle une personne tierce viendrait la lui injecter.
    Nous souhaitons que la seule possibilité d’administration soit la première, à savoir l’ingestion. C’est le mode d’administration pratiqué par exemple dans l’Oregon.
    C’est ce que prévoyait le texte initial, à l’exception des situations où le patient se verrait dans l’incapacité de procéder lui-même à l’ingestion. Dans ces cas-là, il était prévu de donner la possibilité à autrui d’injecter la substance.
    Or, sauf erreur de ma part, si le patient ne peut ingérer lui-même, cela signifie qu’il a besoin d’un outil pour se nourrir – grâce à la nutrition parentérale, à une gastrostomie ou à une sonde gastrique. Dès lors, le cas est couvert par la loi Claeys-Leonetti, qui permet de procéder à une injection par autrui. La disposition précisant que l’administration de la substance létale intervient par injection me paraît donc absolument inutile, à moins que l’on ne veuille en réalité faire dévier la procédure vers de l’euthanasie. Cet amendement est donc absolument nécessaire.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 13.

    M. Patrick Hetzel

  • partager

    Nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre. Tel qu’il est arrivé en commission, le texte prévoyait clairement des dispositions que l’on pouvait qualifier de suicide assisté. Comme vient de l’indiquer excellemment mon collègue Juvin, des exceptions étaient admises lorsque le patient se trouvait dans l’impossibilité d’effectuer ce suicide assisté lui-même –⁠ ce sont des situations d’exception d’euthanasie.
    Or, lors des travaux en commission, une modification majeure a été apportée : on a considéré que l’une ou l’autre option pouvait s’appliquer indifféremment. Une ligne rouge –⁠ nous l’avons dit –  a alors été franchie.
    Dans les pays qui sont allés dans cette direction, l’administration par un tiers s’impose dans les faits. Or, ces deux modes d’administration sont de nature extrêmement différente.
    Notons que dans l’Oregon, un certain nombre de patients disposant pourtant d’une prescription ne vont pas chercher le produit létal, et ceux qui vont le chercher ne l’ingèrent pas forcément.
    Les dispositions ainsi prévues ne sont donc pas suffisamment restrictives.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Élisabeth de Maistre, pour soutenir l’amendement no 117.

    Mme Élisabeth de Maistre

  • partager

    Cet amendement est celui de mon collègue Le Fur. L’euthanasie suppose, de la part des personnels soignants, un acte qui constitue une rupture avec leur mission, laquelle est de soigner. L’amendement propose donc de supprimer toute référence à l’euthanasie, dont il est question à mots couverts, afin de protéger les personnels soignants.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 517.

    Mme Justine Gruet

  • partager

    Je souhaite compléter les propos tenus brillamment par Philippe Juvin. C’est un vrai sujet, sur lequel je vous propose une analyse technique.
    Je répète que je n’ai pas d’opposition totale au suicide assisté ; éthiquement, celui-ci est différent de l’euthanasie, puisqu’il engage la responsabilité d’un tiers.
    J’aimerais que nous portions notre attention sur deux situations distinctes.
    D’une part, si le patient peut ingérer lui-même la substance létale, il s’agit d’une situation de suicide assisté.
    D’autre part, si le patient est dans l’incapacité de déglutir et d’ingérer la substance lui-même, cela signifie qu’il est maintenu en vie –⁠ par un système d’alimentation artificielle ou par un respirateur. Il relève donc de la loi Claeys-Leonetti, puisqu’il bénéficie d’un dispositif de maintien en vie pouvant légalement être arrêté conformément aux dispositions de cette loi.
    Je tiens à revenir sur cette précision, compte tenu de son importance en termes d’éthique. Je pense que la prise orale d’une substance létale est plus engageante pour le patient qu’une prise en intraveineuse.
    Madame la ministre, vous faites souvent le parallèle avec la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Or, nous ne nous situons pas dans le même cadre de discussion, puisque dans ce cas, le pronostic vital est engagé à court terme ; d’un point de vue éthique, c’est complètement différent. Cela implique un autre choix de société pour nos concitoyens.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Charles Rodwell, pour soutenir l’amendement no 754.

    M. Charles Rodwell

  • partager

    Je serai bref parce que M. Hetzel et M. Juvin ont parfaitement résumé le propos technique. Je souhaite insister sur l’enjeu politique majeur que soulève ce débat. Le gouvernement et les différents rapporteurs s’étaient engagés à maintenir un cadre très spécifique et ferme sur le suicide assisté, sauf exceptions liées aux difficultés à s’auto-administrer le produit létal par ingestion.
    Désormais, cette écriture du texte donne place à une interprétation beaucoup plus extensive, qui vise tout simplement à légaliser l’euthanasie au sens large.
    Cet amendement propose de supprimer la fin de l’alinéa 6 et de revenir ainsi à l’origine du texte, puisque la sédation profonde et continue jusqu’au décès est instituée par la loi Claeys-Leonetti et peut d’ores et déjà s’appliquer à ces patients.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1253.

    M. Christophe Bentz

  • partager

    Il s’agit encore d’un amendement de repli de repli de repli. Il vise à supprimer la mention au suicide délégué à une personne tierce –⁠ en l’occurrence, une personne soignante – au profit du retour à la seule mention du suicide assisté. C’était là le point d’entrée du texte initial. La seule différence est la main qui administre la substance létale ; l’acte n’en est pas moins grave sur le fond.
    L’amendement vise au moins à respecter l’engagement des soignants, et à permettre aux médecins de respecter le serment d’Hippocrate, qui leur interdit de provoquer la mort. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1601.

    M. Thibault Bazin

  • partager

    À la relecture, la rédaction de l’alinéa 6, en particulier la fin, pose question.
    Sandrine Rousseau l’a bien décrit ce matin. La mort planifiée, organisée avec des tiers, n’en reste pas moins une mort provoquée. D’aucuns prétendent qu’elle serait gage de sérénité, mais comment s’assurer de cette sérénité ? La sérénité a posteriori du soignant qui y participe est aussi en jeu.
    La fin de l’alinéa 6 pose problème : par la simple volonté de la personne qui la demande, la mort provoquée implique un tiers soignant, sans que son intervention soit pourtant nécessaire pour l’injection mortelle. Il convient de s’interroger sur les effets psychologiques d’un tel geste pour le tiers impliqué. Ne court-il pas un risque accru de troubles post-traumatiques ou de dépression ?
    Dans un communiqué de presse paru le 6 mai 2025, l’Académie nationale de médecine appelle à établir une distinction ferme entre euthanasie et suicide assisté, notamment au motif que « seul le suicide assisté respecte jusqu’au terme l’hésitation et l’incertitude du choix ultime de nombre de patients ». On le sait bien, plusieurs l’ont dit : la volonté des patients est fluctuante.
    L’Académie recommande même, dans son avis, « d’écarter l’euthanasie au regard de sa forte portée morale et symbolique » mais aussi du fait que certains professionnels et membres d’associations de l’accompagnement en fin de vie s’y opposent et redoutent cette pratique.
    De son côté, le Conseil national de l’Ordre des médecins met en exergue la relation de confiance qui lie le médecin au patient, et l’engage à être présent auprès de lui jusqu’à ses derniers moments, à assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, à sauvegarder la dignité du malade et à réconforter son entourage.
    On voit bien que la légalisation de la mort provoquée n’est pas qu’une question individuelle. Telle qu’elle est rédigée, la fin de cet alinéa implique fortement le soignant, alors même que ce n’est pas nécessaire. Cela pose problème.

    ------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir les amendements nos 846 et 1399, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Patrick Hetzel

  • partager

    Nous proposons de rétablir les dispositions prévues par la version initiale du texte, selon lesquelles le suicide assisté est la règle et l’euthanasie l’exception.

    M. le président

  • partager

    Nous sommes arrivés au terme de cette longue discussion commune.
    Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 2496, par le groupe Droite républicaine ; sur les amendements no 13 et identiques, par les groupes Rassemblement national et UDR ; sur l’amendement no 382, par le groupe Socialistes et apparentés ; et sur les amendements nos 2650 et identiques, par les groupes Rassemblement national, Droite républicaine et Horizons & indépendants.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

  • partager

    Je salue l’arrivée de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui suit nos débats et a pu constater qu’ils font honneur à l’Assemblée nationale : nous pouvons être collectivement fiers, en tout cas à ce stade de la discussion. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN, EPR, LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Oui, on peut s’applaudir. On ne dit pas toujours du bien de nous, autant nous le dire nous-mêmes, ça ne fait pas de mal ! (Sourires.) Les échos que je reçois de la part de nos concitoyens sont d’ailleurs positifs, qu’ils soient favorables ou opposés au texte : ils apprécient que des députés se prononcent en conscience et non selon des postures ou des consignes. Nous donnons le meilleur de l’image de l’Assemblée nationale, nous avons tous à y gagner et je m’en réjouis.
    Une fois n’est pas coutume, madame la ministre, nous sommes en désaccord sur un point. Autant je serai très heureux de soutenir de toutes mes forces l’amendement que vous proposerez un peu plus tard pour inscrire dans ce texte la définition de la phase avancée, autant je suis en désaccord avec vous sur le sujet qui nous intéresse maintenant. Je vais d’abord m’efforcer d’être cohérent : j’ai dit que le vote en commission de l’amendement visant au libre choix entre autoadministration et recours à un soignant ne bouleversait pas l’équilibre du texte ; revenir à l’écriture précédente ne le bouleverserait donc pas non plus. Cela va de soi !
    En revanche, je récuse totalement le terme de dérive. Tâchons de revenir à ce que permet concrètement cet amendement que je soutiens, d’abord parce qu’il a été voté très largement par la commission des affaires sociales –⁠ ce n’est pas négligeable – (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ M. Nicolas Turquois applaudit également) et ensuite parce que je lui trouve des vertus. Tout d’abord, il ne bouleverse pas l’équilibre du texte. Chacun en conviendra, le fait d’ouvrir le libre choix n’élargira en aucun cas le nombre de personnes éligibles au droit à l’aide à mourir.

    Mme Christine Pirès Beaune

  • partager

    Exactement !

    M. Olivier Falorni, rapporteur général

  • partager

    C’est une évidence : le libre choix n’augmentera ni ne diminuera le nombre de malades éligibles. Pour employer un terme que je n’aime pas mais que j’ai entendu, cette mesure ne contribue pas à faire « déborder » le texte de son équilibre.
    De plus, cet amendement du libre choix n’a pas introduit l’administration de la substance létale par un tiers, déjà présente dans le texte initial. Lors du débat qui a eu lieu l’an dernier, l’Assemblée nationale, dans sa grande sagesse et dans une recherche d’équilibre, a d’ailleurs supprimé une mesure du texte initial, celle qui permettait à une tierce personne non soignante de réaliser le geste létal. Nous avons conservé uniquement le recours au médecin ou à l’infirmier.
    Quand on envisage la réalité et les aspects pratiques de la situation, on peut penser que le libre choix n’aura pas tant de conséquences que notre débat –⁠ un peu théorique à mon goût – pourrait le laisser supposer. En effet, même selon la rédaction initiale, le malade qui aurait obtenu le droit à l’aide à mourir bénéficierait obligatoirement, dans tous les cas de figure, qu’il soit ou non en mesure de réaliser le geste, de la présence à ses côtés d’un médecin ou d’un infirmier qui n’aurait pas fait valoir sa clause de conscience et qui adhère au principe de l’aide à mourir. Le libre choix ne change finalement pas grand-chose –⁠ c’est ce qui m’a convaincu de soutenir l’amendement en commission –, si ce n’est un point important à mes yeux : on n’ajoute pas de l’angoisse à la souffrance. (Mme Danielle Simonnet et M. Arthur Delaporte applaudissent.)
    Je le répète : dans les deux cas de figure –⁠ autoadministration et recours à un soignant ––, le médecin ou l’infirmier sera présent et adhérera au processus de l’aide à mourir. Le libre choix ne modifiera pas le nombre de médecins qui n’adhéreront pas au principe de l’aide à mourir ou le rejetteront, puisqu’ils y adhèrent ou non d’un point de vue philosophique.
    En revanche, si nous remettons en cause le libre choix, je redoute des situations où au dernier moment –⁠ et je rappelle que la réitération de la volonté se fera jusqu’au dernier instant –, un malade qui aura pourtant confirmé et réitéré à son médecin sa demande d’aide à mourir ne soit pas en mesure de s’administrer la substance, pour des raisons diverses –⁠ l’angoisse ou le stress – et alors qu’il n’a pas renoncé à sa volonté exprimée oralement.
    Que fera le médecin si le malade, au dernier moment, se trouve dans une situation de stress et d’angoisse qui ne lui permet pas de réaliser le geste alors qu’il a réitéré sa volonté ? C’est cette situation –⁠ et rien d’autre – qui me préoccupe et m’amène finalement à défendre le libre choix qui me semble nécessaire et conforme à la logique que nous défendons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR. –⁠ MM. Michel Lauzzana et Nicolas Turquois applaudissent également.)
    C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur l’ensemble des amendements, même ceux qui visent à compléter le libre choix. La rédaction actuelle, adoptée par la commission des affaires sociales, me convient.
    Enfin, et ce n’est pas le moindre argument, j’ai encore entendu hier la présidente de la Convention citoyenne sur la fin de vie, Claire Thoury, affirmer que le principe du libre choix était un point crucial pour la Convention citoyenne. Elle considère que le libre choix est un des points sur lesquels l’exigence des conventionnels a été forte. On ne peut à la fois saluer le travail remarquable de la Convention citoyenne –⁠ tout le monde en convient – et ne pas prendre en compte cette volonté très majoritaire –⁠ à plus de 76 % – en faveur d’une loi qui ouvre un droit et qui doit permettre le libre choix. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. –⁠ Mmes Stella Dupont et Danielle Simonnet applaudissent également.)

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

  • partager

    Vous l’avez compris, nous avons avec votre rapporteur général une lecture différente sur la question du libre choix. Comme ce dernier l’a rappelé, la proposition de loi qu’il a déposée a repris en grande partie les résultats de nos travaux de l’an dernier, qui avaient d’ailleurs retenu l’autoadministration comme principe et fait du recours au soignant l’exception, lorsque le patient n’est pas en mesure de réaliser l’acte lui-même.
    En défendant son amendement, le président de la commission des affaires sociales a rappelé notre volonté de bâtir une aide à mourir à la française, dans la continuité de la loi Claeys-Leonetti de 2016 qui a autorisé la sédation profonde et continue. Pour les patients aux attentes de qui la loi ne permet pas de répondre, nous travaillons à la création d’un dispositif supplémentaire : c’est le sens de ce texte.
    Dans son propos, le président de la commission des affaires sociales a également rappelé que la proposition de loi de M. Falorni prévoit, même en cas d’autoadministration, la présence aux côtés du patient d’un personnel soignant qui veille sur lui. Vous évoquiez il y a un instant, monsieur le rapporteur général, l’angoisse du patient ; je veux y ajouter l’angoisse du soignant. Une partie de la communauté des soignants a d’ailleurs déclaré vouloir bénéficier d’une clause de conscience et ne pas accepter d’administrer le produit. Par conséquent, ces soignants demanderont à d’autres d’intervenir à leur place. Il convient de prendre en compte cet élément important.
    Comme je le disais en défendant l’amendement du gouvernement, dès lors que le patient s’autoadministre la substance létale, le soignant est présent pour l’accompagner mais ne fait pas lui-même le geste létal. Ce point est important : accomplir elle-même l’acte létal, c’est, pour la personne qui en fait la demande, réaliser sa volonté jusqu’au moment de l’exécution ; disposer de la présence d’un professionnel, c’est la certitude qu’il sera bien réalisé. L’autoadministration par le patient est l’expression de son discernement et de sa volonté, qui fondent l’équilibre du texte que nous examinons.
    Néanmoins, nous ne pouvons oublier les patients qui ne sont pas en mesure de procéder à l’autoadministration. C’est pourquoi le recours au personnel soignant est possible, par exception. Peut-être, monsieur le rapporteur général, pouvons-nous nous rejoindre sur un point. En effet, lorsque le patient a indiqué sa volonté de s’autoadministrer le produit mais qu’au moment de le boire ou de se l’injecter, il n’est plus en mesure de le faire, un accompagnement par le médecin ou l’infirmier est probablement nécessaire. En nous écoutant les uns les autres, peut-être avons-nous la possibilité d’avancer ensemble.
    En tout cas, le principe de l’autoadministration demeure pour moi l’élément ultime du discernement et de la volonté du patient. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable aux amendements identiques à l’amendement no 2650.
    J’en viens au sous-amendement de M. Sitzenstuhl. Vous avez fait remarquer, monsieur le député, que l’amendement du gouvernement avait été déposé tardivement. Vous aurez sans doute constaté que le texte issu de la commission avait été modifié en séance et qu’une semaine s’est écoulée entre les deux. On ne peut donc pas parler d’un dépôt tardif. De plus, dès lundi, j’ai expliqué la volonté du gouvernement de rétablir le principe de l’autoadministration. Enfin, je ne sais pas si votre sous-amendement propose une rédaction plus efficace que celui du gouvernement. Aussi émettrai-je un avis défavorable.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

  • partager

    Pour compléter les propos des différents orateurs, de M. le rapporteur général et de Mme la ministre, n’oublions pas une chose qu’expriment fortement les soignants : introduire le libre choix vient perturber la hiérarchie du système que nous construisons, à savoir que les soins palliatifs sont la règle commune et l’aide à mourir l’exception. Tout l’enseignement de la médecine se fait autour du soin et de l’accompagnement plus que de l’aide à mourir, qui est d’ailleurs proscrite par le code de déontologie des médecins.
    Or en l’état, l’article mettrait tous les médecins, par défaut et sauf exercice de la clause de conscience, face à l’acte de mort. Nous devons faire droit à cette préoccupation des médecins. La position des soignants est constante sur ce point : ils nous appellent à ne pas entrer dans un tel système.

    Mme Christine Pirès Beaune

  • partager

    Lisez le dernier sondage Ifop !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales

  • partager

    Les soins palliatifs doivent rester la règle et l’aide à mourir l’exception, même s’il faut bien sûr accompagner les malades dans cette situation.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Élise Leboucher.

    Mme Élise Leboucher

  • partager

    Nous nous opposerons à tous ces amendements sauf à l’amendement no 2104 de M. Clouet. La rédaction actuelle nous convient. Nous considérons que revenir au principe d’autoadministration avec exception d’administration par un professionnel de santé entraverait le libre choix du patient. Laisser le choix à la personne éligible revient à reconnaître son libre arbitre jusqu’au bout, peu importe sa capacité physique à effectuer le geste létal. Cela permet de rassurer des personnes vivant une situation déjà très difficile et de privilégier la procédure qui engendre le moins de souffrance pour elles, ce qui est un facteur de sérénité tant pour la personne elle-même que pour le soignant.
    La Convention citoyenne a d’ailleurs appelé de ses vœux ce modèle mixte mêlant l’autoadministration à l’administration avec assistance. Les conventionnels ont plébiscité la solution consistant à proposer indifféremment les deux options. Ne faisons pas semblant d’oublier que les soignants disposeront d’une clause de conscience. Cette disposition ne bouscule pas l’équilibre du texte, car elle n’augmente en rien le nombre de personnes éligibles à l’aide à mourir.
    Quant au sondage Ifop, chacun fait dire aux chiffres ce qui l’arrange. Il est vrai que 73 % des soignants sont prêts à accompagner cette démarche sans y jouer de rôle actif, mais 58 % sont prêts à accepter d’y participer activement –⁠ proportion qui ne manquera pas d’augmenter lorsque ce droit existera et que la pratique se démocratisera. En outre, au-delà de la question de leur propre participation, 68 % des soignants se déclarent favorables à l’administration par un tiers et 60 % favorables à l’autoadministration. Cette lecture du sondage peut nous conduire à repousser les amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Yannick Monnet.

    M. Yannick Monnet

  • partager

    Je suis opposé à l’amendement du gouvernement et aux amendements identiques. Je fais partie de ceux qui souhaitent faire de l’aide à mourir un droit d’exception, ce qui implique d’en faire un droit –⁠ j’ai d’ailleurs fait adopter en commission un amendement en ce sens. Or ces amendements créeraient une rupture dans l’accès à ce droit ; les personnes éligibles pourraient y avoir accès ou non selon leur état moral. S’ils sont adoptés, nous voterons une loi pour les forts.

    Mme Christine Pirès Beaune

  • partager

    Eh oui !

    M. Yannick Monnet

  • partager

    Parmi les personnes satisfaisant à tous les critères, celles qui ont la force morale de s’injecter une substance létale pourront bénéficier de l’aide à mourir mais non les autres.

    Mme Christine Pirès Beaune

  • partager

    Exactement ! Elles ne seront plus libres !

    M. Yannick Monnet

  • partager

    C’est en cela que vos amendements me posent un problème. S’ils sont adoptés, nous ne pourrons plus parler de droit à l’aide à mourir. Le texte deviendra une loi sur le suicide assisté avec exception d’euthanasie ; son message, pour le résumer un peu vulgairement, deviendra « d’accord pour la fin de vie, mais débrouillez-vous ». Tel est le sens qu’ont à mes yeux vos amendements, c’est pourquoi j’y suis profondément opposé. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et SOC et sur quelques bancs du groupe EPR. –⁠ Mme Stella Dupont applaudit également.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Stéphane Delautrette.

    M. Stéphane Delautrette

  • partager

    Nous nous opposerons à ces amendements visant à repartir en arrière et à revenir sur les travaux de la Convention citoyenne. Je crois utile de rappeler que cette dernière s’était prononcée pour la liberté de choix dans le mode d’administration de la substance létale.
    Madame la ministre, depuis le début de l’examen du texte, vous n’avez eu de cesse de parler de liberté : liberté de choix du patient, liberté de choix du professionnel de santé. Celle du professionnel de santé est protégée par la clause de conscience. Celle du patient ne consiste pas seulement à recourir à l’aide à mourir, mais aussi à décider des conditions dans lesquelles il la reçoit. Quand bien même nous voulons construire un modèle à la française, il est bon de rappeler que la très grande majorité des pays européens ayant produit une telle loi ont laissé à la personne malade le choix du mode d’administration.
    Par ailleurs, il ne faut pas confondre l’autonomie décisionnelle et la décision fonctionnelle. M. le rapporteur général l’a rappelé, il peut arriver qu’une personne disposant de toutes ses facultés et continuant d’affirmer sa volonté de mourir éprouve des difficultés à effectuer elle-même ce geste.
    Enfin, Mme la ministre a évoqué l’angoisse du soignant, mais il me semble que celle-ci peut aussi venir de l’incertitude. Il est angoissant pour un soignant de se dire que si, au dernier moment, le patient n’arrive pas à accomplir le geste, c’est lui qui devra remplir ce rôle. Je pense que le soignant, comme le patient, se prépare psychologiquement à cet événement et qu’il est rassurant pour lui de savoir à l’avance dans quelles conditions il se déroulera. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS. –M. Louis Boyard et Mme Stella Dupont applaudissent également.) Cela vaut mieux que de devoir endosser cette responsabilité à l’improviste, en dernière minute, face à un patient dans l’angoisse ; la conjonction d’un patient tétanisé et d’un médecin lui-même susceptible de paniquer pourrait provoquer des situations dramatiques.
    Pour toutes ces raisons, je crois que nous devons conserver le principe du libre choix du patient. Nous soutiendrons l’amendement no 382 de Mme Godard. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.

    Mme Nicole Dubré-Chirat

  • partager

    Au cours des années que nous avons passées à préparer ce texte, la position de chacun a évolué : celle des citoyens, dont 75 % sont désormais favorables à l’aide à mourir, celle des patients souhaitant engager une démarche volontaire d’aide à mourir et celle des soignants qui accompagnent les malades souffrant d’une pathologie grave et incurable. Ainsi, 58 % des médecins se disent désormais prêts à accompagner l’aide à mourir. Il en va de même de beaucoup de personnels paramédicaux, notamment d’infirmières, qui nous disent être prêts à accompagner les patients jusqu’au bout. Les professionnels qui ne le souhaitent pas n’y seront pas obligés : ils pourront faire valoir leur clause de conscience. (Mmes Christine Pirès Beaune et Sandrine Rousseau et M. Aurélien Le Coq applaudissent.) L’ensemble de la société ayant évolué, nous ne saurions revenir sur une rédaction, votée en commission par voie d’amendement, qui laisse au patient le choix du mode d’administration et au soignant la possibilité de refuser son concours.
    Je précise que le code de déontologie des médecins et celui des infirmières seront modifiés, une fois le texte voté, afin de protéger tous les soignants qui aideront un patient à mourir. Le principe du libre choix du patient, d’ailleurs, est cohérent avec la terminologie d’aide à mourir, alors que l’autoadministration comme seule méthode possible relèverait plutôt du suicide assisté. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, LFI-NFP et SOC. –⁠ Mme Brigitte Liso, rapporteure, applaudit également.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.

    Mme Sandrine Dogor-Such

  • partager

    Je remercie M. le rapporteur général pour ses propos et me joins à lui pour saluer la bonne tenue du débat. Je remercie également M. Valletoux pour la manière dont il a présidé nos débats en commission des affaires sociales. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, EPR, DR et HOR. –⁠ Mmes Ayda Hadizadeh et Brigitte Liso, rapporteure, applaudissent également.)
    Le rejet des amendements nous inquiéterait. Il faut tenir compte des préoccupations des soignants ; or beaucoup nous disent qu’ils ne pratiqueront pas cet acte car ce n’est pas leur métier.

    Mme Marie-Noëlle Battistel

  • partager

    Il y a la clause de conscience !

    Mme Sandrine Dogor-Such

  • partager

    Je précise qu’il n’existe aucun pays dans lequel plus de 2 % des médecins acceptent d’y participer. Au Canada, seuls 1,8 % d’entre eux le pratiquent, alors que 70 % s’y étaient déclarés favorables au départ.
    Avant que nous abordions les articles relatifs à la procédure, j’aimerais adresser à Mme la ministre une question que m’ont posée des soignants et à laquelle je n’ai pas su répondre. Si ces amendements ne sont pas adoptés, que se passera-t-il si l’autoadministration de la substance par le patient n’a pas les suites attendues, par exemple si le malade ne décède pas ou qu’il réagit mal au produit ? Comment le soignant doit-il réagir ? Avez-vous prévu ce cas ? Si le soignant doit intervenir pour assurer le succès de la procédure, nous en serons arrivés à promouvoir le secourisme à l’envers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Danielle Simonnet.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    La proposition de loi vise à instaurer un droit, une liberté –⁠ soumise à des conditions très strictes, heureusement – consistant à pouvoir décider d’éteindre la lumière. Les modalités d’administration de la substance doivent dépendre de la volonté du patient.
    J’invite chacun à aborder le sujet avec humilité et avec humanisme. Quand on arrive à la fin de sa vie et qu’on n’en peut plus, que les souffrances sont insupportables, qu’on est atteint d’une maladie incurable qui ne laisse aucun espoir, et qu’on souhaite mourir parce que la vie qu’on mène n’est plus compatible avec l’idée qu’on a de sa propre dignité, devrait-on en plus être obligé de s’administrer soi-même la mort ? Pourquoi ?
    Le médecin, le personnel soignant qui a accepté d’accompagner la personne dans cette démarche y est prêt. Il sera d’accord. N’imposons pas, en adoptant l’amendement du gouvernement, le retour à l’état de fait dans lequel la personne ne pourra avoir recours à un tiers à moins d’être physiquement incapable d’accomplir elle-même le geste. (MM. Alexis Corbière et Arthur Delaporte applaudissent.)
    Quelle serait la conséquence d’un tel retour en arrière ? Si la personne panique et ne peut réaliser le geste –⁠ ce qui ne remet nullement en cause sa volonté –, le personnel soignant l’aidera, j’en suis persuadée, car être médecin ou infirmière, c’est d’abord être humaniste. Ce faisant, il se mettra dans l’illégalité. Il le fait d’ailleurs déjà ! Trêve d’hypocrisie –⁠ croyez-vous qu’aucun soignant n’aide autrui à mourir ? Si, cela existe, mais dans l’illégalité. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC. –⁠ Mmes Nicole-Dubré-Chirat, Véronique Riotton, Stella Dupont et M. Christophe Marion applaudissent également.) Ce texte va enfin dépénaliser, légaliser ce qui se pratique déjà.
    N’agissons pas hypocritement et garantissons cette ultime liberté. À cette fin, nous voterons contre tous les amendements sauf les amendements nos 2104 et 382 de nos collègues insoumis et socialistes qui réaffirment la nécessité de respecter la volonté de la personne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

  • partager

    Nous ferons l’inverse de Mme Simonnet : nous soutiendrons tous les amendements sauf ceux de M. Clouet et de Mme Godard.
    Monsieur le rapporteur général, je reconnais votre perspicacité et votre cohérence, qui sont indubitables. Néanmoins, quand vous affirmez que l’intervention d’un tiers était déjà prévue dans le texte initial, je dois vous faire remarquer qu’elle l’était dans le cadre d’un régime d’exception. Ce caractère exceptionnel, ce n’est d’ailleurs pas nous qui en avons eu l’idée mais le Comité consultatif national d’éthique.
    Il y a une nuance entre la présence d’un tiers et sa participation. La participation elle-même, d’ailleurs, diffère selon qu’elle est nécessaire ou non.

    M. Patrick Hetzel

  • partager

    Oui, car elle engage la responsabilité du tiers !

    M. Thibault Bazin

  • partager

    Je suis très mal à l’aise de vous entendre invoquer l’argument de l’angoisse qui pourrait être manifestée au dernier moment par le patient. Faut-il vraiment, face à la panique du malade, continuer l’acte ? Ne faut-il pas, au contraire, y voir un signe que sa volonté n’est pas ferme ? La prudence n’exigerait-elle pas plutôt de tout interrompre ? (Mme Brigitte Liso, rapporteure, s’exclame.) Je m’interroge profondément sur ce que signifie cette hésitation du patient et sur le rôle qui revient alors au soignant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR et sur quelques bancs des groupes RN, EPR et UDR.)
    Dans une telle situation, la sérénité que cet ultime recours était censé conférer est complètement absente. L’autonomie de la personne n’est pas ici le seul enjeu. Il faut prendre en considération l’impact de cet événement sur le tiers soignant et la vulnérabilité qu’il pourrait entraîner. Ne la négligeons pas ; prenons soin des soignants et de leur potentielle vulnérabilité a posteriori.

    ------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

  • partager

    Les auteurs de tous ces amendements identiques ont un point commun : ils sont tous peu enclins à voter ce texte.

    M. Charles Sitzenstuhl

  • partager

    Ça, c’est sûr !

    M. Thibault Bazin

  • partager

    Cela ne les disqualifie pas pour l’amender !

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

  • partager

    Je n’ai pas dit cela !
    Monsieur Sitzenstuhl, c’est le Conseil d’État qui a demandé au gouvernement de préciser expressément dans la loi que l’aide à mourir constitue un acte autorisé au sens de l’article 122-4 du code pénal, afin de sécuriser juridiquement la procédure.
    Pour revenir, bien malgré moi, sur les soins palliatifs, le Nord, dont je suis députée, est mieux doté en soins palliatifs que la plupart des autres départements ; pourtant, c’est là qu’habitent 20 des 126 Français qui vont chaque année en Belgique pour obtenir une aide à mourir. La corrélation entre manque de soins palliatifs et volonté de solliciter l’aide à mourir n’est donc pas établie.
    J’émets un avis défavorable sur tous les amendements.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

  • partager

    Avis défavorable également.
    Certains souhaitent supprimer cet alinéa parce qu’ils sont en désaccord avec le principe même du droit à l’aide à mourir. D’autres en soulignent le caractère superflu, redite de l’article 122-4 du code pénal. Le rôle de cet alinéa est pourtant de faire apparaître de manière expresse que les praticiens qui appliqueront la procédure prévue par la proposition de loi bénéficieront en effet d’une exonération de leur responsabilité pénale pour des actes qui, en dehors de ce contexte, seraient susceptibles d’être qualifiés pénalement.
    Je rappelle par ailleurs à M. Sitzenstuhl qu’il ne s’agit pas d’un homicide dans la mesure où c’est la personne qui demande à mourir ; c’est cette demande qui est le fait générateur de l’acte. (M. Charles Sitzenstuhl proteste.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Yannick Monnet.

    M. Yannick Monnet

  • partager

    Je suis surpris par ces d’amendements. Je comprends la stratégie d’obstruction, mais vous êtes visiblement prêts à faire adopter un texte qui pénalise un acte autorisé par la loi. Dans quelle situation mettez-vous les soignants ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Sandrine Rousseau applaudit également.) Être contre le texte est une chose, mais on ne peut pas voter n’importe quoi ! Si votre amendement est adopté, la loi autorisera l’injection d’une substance létale en cas d’impossibilité physique, pour le patient, de se l’autoadministrer ; mais le médecin qui le fera sera condamné par la loi. (Exclamations sur les bancs du groupe DR.) Il ne faut pas faire de l’obstruction gratuite ; la loi doit avoir une certaine intelligence, faute de quoi on mettra les gens dans des situations inextricables. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Justine Gruet.

    Mme Justine Gruet

  • partager

    On parle beaucoup du choix du patient, mais je souhaiterais mettre en perspective deux droits : celui à l’accompagnement et aux soins palliatifs, et celui à l’aide à mourir. L’aide active à mourir sera accessible immédiatement, alors que l’accès aux soins palliatifs fait l’objet de délais d’attente ; elle le sera sur tout le territoire, alors que l’accès aux soins palliatifs manque dans vingt départements ; elle le sera partout où le patient le souhaite, alors que les soins palliatifs ne peuvent pas toujours être administrés à domicile. On pourrait continuer la liste. On aura de facto deux droits inégaux, et le patient ne bénéficiera pas forcément d’un choix réel. Si, dans notre pays, l’accès aux soins –⁠ au-delà même des seuls soins palliatifs – était garanti pour tous, en tout point du territoire,…

    M. Nicolas Sansu

  • partager

    Il faut voter le budget !

    Mme Sandrine Rousseau

  • partager

    Votez l’Ondam !

    Mme Justine Gruet

  • partager

    …on pourrait envisager cette mesure. J’ai toutefois le sentiment qu’on appuie sur l’accélérateur de manière plus efficace et précipitée pour l’aide active à mourir que pour le déploiement des soins palliatifs. (M. Charles Rodwell et Mme Élisabeth de Maistre applaudissent.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Danielle Simonnet.

    Mme Danielle Simonnet

  • partager

    Il y a une bonne nouvelle dans cette assemblée : dans quelques mois, quand on en sera au projet de loi de financement de la sécurité sociale, il y aura donc une écrasante majorité pour au moins doubler l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Excellent ! Vous arrêterez de soutenir toutes les exonérations sociales qui appauvrissent la sécurité sociale et on pourra enfin rattraper le retard dont pâtit l’hôpital public, notamment en matière de soins palliatifs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Arthur Delaporte et Mme Sandrine Rousseau applaudissent également.)
    Un peu de sérieux : arrêtez de comparer et d’opposer soins palliatifs et aide à mourir ! Il peut y avoir beaucoup de cas de figure différents, suivant la situation des patients. Certains seront dans un processus de soins palliatifs mais, ceux-ci n’étant pas magiques, ils pourront en avoir assez des souffrances réfractaires à tout traitement et souhaiter accéder à l’aide à mourir. Pour d’autres, les soins palliatifs pourront constituer une réponse en matière de douleur, sans pallier le problème d’une vie qu’ils percevront comme n’ayant plus de sens du fait d’une altération trop forte de leurs capacités d’autonomie. Le fait d’avoir accès aux soins palliatifs n’est pas forcément le critère déterminant pour souhaiter ou non recourir à l’aide à mourir.
    En revanche, savoir qu’on peut y accéder libère d’une partie des angoisses, puisqu’on sait qu’on a cet ultime recours –⁠ auquel on peut d’ailleurs renoncer précisément parce que, ayant moins d’angoisses, on vit la situation différemment. En tout cas, ces deux choses ne sont pas étroitement liées.
    On exerce toujours sa liberté dans un système de contraintes. Quand bien même il y aurait un problème d’accès aux soins palliatifs, voulez-vous condamner la personne qui n’en peut plus à supporter ses souffrances ? Moi non : je veux lui garantir sa liberté. C’est pourquoi il ne faut pas voter ces amendements de suppression, qu’il faut autoriser l’aide à mourir et ne pas poursuivre les soignants qui la fourniront.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Charles Sitzenstuhl

  • partager

    J’ai redemandé la parole car j’ai été interpellé à plusieurs reprises. Le simple fait que ces amendements aient été déposés nous fait débattre, et j’en suis heureux, même si nous ne sommes pas d’accord.
    Monsieur Monnet, je considère que l’alinéa 7 de l’article 2 est la clé de voûte du texte. Je n’en parle pas pour faire de l’obstruction, mais pour que nous débattions du fond.

    Mme Sandrine Rousseau

  • partager

    Vous l’avez déjà dit quinze fois !

    M. Charles Sitzenstuhl

  • partager

    Sans cette phrase, le texte ne tourne plus. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Lorsque j’ai utilisé le mot d’homicide, des cris ont été poussés ; c’est pourtant un terme juridique présent dans le code pénal.

    Mme Karen Erodi

  • partager

    C’est la personne qui demande à mourir, ce n’est pas un homicide !

    M. Charles Sitzenstuhl

  • partager

    Je ne comprends pas la réticence à nommer clairement ce qui figure dans le texte. On a mentionné l’avis du Conseil d’État ; en son point 39, qui concerne l’article 122-4 du code pénal, il précise en effet que cet alinéa est indispensable pour que le texte fonctionne. Lisons donc le point jusqu’au bout : « Le Conseil d’État souligne cependant qu’il ne peut être exclu que des manquements dans la mise en œuvre de la procédure prévue pour l’accès à l’aide à mourir puissent donner lieu à des poursuites, notamment pour le délit d’homicide involontaire, dans les conditions et selon les distinctions prévues par l’article 221-6 du code pénal. » Il fait donc bien référence à l’homicide, car c’est en effet à cela que renvoie cet alinéa.
    J’ai souhaité apporter ces précisions non pour jeter des grands mots, mais pour dire clairement ce qui figure dans le texte.

    Rappel au règlement

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Nicolas Turquois, pour un rappel au règlement.

    M. Nicolas Turquois

  • partager

    Je me fonde sur l’article relatif à la bonne tenue des débats. Leur qualité a été soulignée ; cependant l’argumentation de M. Sitzenstuhl m’a donné l’impression d’être coupable de complicité d’homicide. Il faut choisir les mots ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS. –⁠ M. Charles Sitzenstuhl proteste.)

    Article 2 (suite)

    M. le président

  • partager

    Je mets aux voix les amendements identiques nos 14, 119, 760 et 1336.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

  • partager

    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        118
            Nombre de suffrages exprimés                117
            Majorité absolue                        59
                    Pour l’adoption                39
                    Contre                78

    (Les amendements identiques nos 14, 119, 760 et 1336 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

  • partager

    Je suis saisi de cinq amendements, nos 2327, 120, 2498, 388 et 759, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 120 et 2498 sont identiques.
    La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 2327.

    M. Christophe Bentz

  • partager

    C’est par simple oubli que je n’avais pas déposé d’amendement tendant à supprimer l’alinéa 7, mais l’amendement de notre collègue Hervé de Lépinau me permet d’y réagir. Les questions que les collègues ont soulevées depuis tout à l’heure sont totalement légitimes et le débat –⁠ serein, mais grave – est bienvenu. Ce que l’on fait n’est pas rien : modifier le code pénal est lourd de conséquences. On est en train d’aller à rebours d’un principe universel qui consiste à ne pas provoquer volontairement la mort.
    Par l’alinéa 7, vous proposez d’autoriser dans le code pénal l’aide à mourir –⁠ que vous ne voulez pas qualifier de suicide assisté. N’étant pas juriste de formation, j’ai une question : si, demain, des actes étaient qualifiés de suicide assisté, seraient-ils autorisés par ce même code ?

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Élisabeth de Maistre, pour soutenir l’amendement no 120.

    Mme Élisabeth de Maistre

  • partager

    L’amendement déposé par Corentin Le Fur a pour objectif de substituer aux mots : « droit à l’aide à mourir est un acte autorisé »,  les mots : « suicide assisté et l’euthanasie sont des actes autorisés » Comme l’a rappelé notre collègue Sitzenstuhl, il est nécessaire de bien nommer les choses.

    Rappel au règlement

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour un rappel au règlement.

    M. Charles Sitzenstuhl

  • partager

    Je me fonde sur l’article 70, alinéa 3, du règlement.
    Je voudrais dire à Nicolas Turquois que son intervention, il y a quelques instants, était vraiment dispensable. Chers collègues, je suis présent dans cet hémicycle depuis le début de la semaine,…

    Mme Catherine Vautrin, ministre

  • partager

    Comme tout le monde !

    M. Charles Sitzenstuhl

  • partager

    …comme beaucoup d’entre vous. J’ai un avis sur ce texte, que j’assume.

    Mme Catherine Vautrin, ministre

  • partager

    Comme tout le monde !

    M. Charles Sitzenstuhl

  • partager

    Je pense faire preuve, dans la grande majorité de mes interventions, de recherches de fond : je fais l’effort d’aller chercher dans le code pénal, le code de la santé publique, divers textes de loi et notes de différentes autorités publiques des références pour appuyer mes arguments. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Ségolène Amiot

  • partager

    Vous n’êtes pas toujours de bonne foi !

    M. Charles Sitzenstuhl

  • partager

    Depuis le début de la semaine, je crois n’avoir attaqué personnellement aucun collègue, fait aucun procès d’intention. Je respecte toutes les convictions, y compris la vôtre, cher collègue Turquois ; mais ce que vous avez dit, honnêtement, n’était pas très sympathique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ M. David Amiel applaudit également.)

    Mme Ségolène Amiot

  • partager

    Parler d’homicide, ce n’est pas faire preuve de respect !

    Article 2 (suite)

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2498.

    M. Philippe Juvin

  • partager

    S’il y a un endroit où les choses doivent être dites clairement, c’est bien le code pénal. D’interprétation stricte, il ne doit souffrir d’aucune imprécision, ce qui garantit les citoyens contre l’arbitraire et assure la prévisibilité des sanctions. Si le code pénal est imprécis, par exemple en refusant de nommer clairement l’euthanasie et le suicide assisté, nous nous exposons à une jurisprudence potentiellement problématique. Il faut donc absolument préciser cet alinéa.

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 388

    Mme Justine Gruet

  • partager

    Au-delà de la sémantique, je tiens à faire état de mes incertitudes : Mme Simonnet –⁠ décidément, quand je veux lui parler, elle est absente –, semble ne voir qu’un aspect de la question. Elle a bien précisé que les personnes qui souhaitaient avoir accès à l’aide à mourir ne voulaient pas toutes des soins palliatifs. N’oublions pas ceux qui n’auront malheureusement accès qu’à l’aide à mourir, alors qu’ils souhaiteraient bénéficier de tels soins, auxquels la moitié de nos concitoyens n’ont pas accès. Quoi qu’on en pense, nous sommes donc en train de créer deux droits inégalement effectifs, du fait de l’inégal déploiement des soins palliatifs sur le territoire national.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Charles Rodwell, pour soutenir l’amendement no 759.

    M. Charles Rodwell

  • partager

    L’amendement vise à supprimer la notion de droit de l’alinéa concerné. Cette notion risquerait d’accélérer l’élargissement du champ d’application des dispositions du texte dont nous discutons. Pour cette raison, je propose à mes collègues de la retirer de l’article.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

  • partager

    J’émets un avis défavorable sur l’ensemble des amendements. L’amendement défendu par M. Bentz vise à préciser que l’autorisation du suicide assisté constituerait un cas d’autorisation des « crimes d’empoisonnement et de meurtre ». Par définition, aucun acte autorisé par la loi ne constitue un délit ou un crime ; la précision n’est donc pas indispensable.
    Quant aux amendements suivants, ils portent encore sur des questions de sémantique, auxquelles nous avons déjà amplement répondu.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

  • partager

    Je rappelle à Mme Gruet que, depuis lundi dernier, nous avons eu plus d’une occasion de débattre des soins palliatifs : en assurer le développement le plus étendu possible –⁠ et sous toutes leurs formes – constitue un objectif largement partagé dans cet hémicycle. Tous les départements ne disposent pas encore d’une unité de soins palliatifs (USP) –⁠ vous le rappelez à juste raison. Les hôpitaux comptent toutefois des lits dédiés, auxquels s’ajoutent les équipes mobiles. L’objectif est évidemment d’aller plus loin, plus vite, plus fort, d’où le plan dont nous avons discuté et les budgets qui vont avec. J’ai également pris bonne note de la volonté de l’Assemblée d’améliorer le financement de ces soins au cours des années à venir.
    Concernant les amendements à l’alinéa 7 de l’article 2, qui renvoie à l’article 122-4 du code pénal, je tiens à rappeler que l’aide à mourir n’est pas un homicide ou une infraction pénale, puisqu’elle est demandée par la personne. Ce dernier élément est très important, tout comme l’est, mesdames et messieurs les députés, la façon dont nous allons définir les conditions de sa mise en œuvre. En effet, si elle est pratiquée dans les conditions qui seront prévues par la loi, la clause d’irresponsabilité n’aura pas à être invoquée. Notre responsabilité commune est donc de déterminer avec précision ces conditions, de façon à sécuriser juridiquement cette pratique, tant pour les soignants que pour les patients.
    Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

  • partager

    Le débat qui nous occupe depuis quelques minutes est intéressant puisqu’il porte sur le droit pénal, grand absent de nos discussions il y a deux semaines en commission.
    Plus j’examine ce qui est prévu à l’alinéa 7, plus je m’interroge. Nous avons entendu des points de vue intéressants à cet égard, notamment de pénalistes qui se sont eux-mêmes interrogés sur ce que vous prévoyiez. La rédaction ne résout pas les contradictions éventuelles entre ce que prévoit le texte et les dispositions du code pénal : vous avez précisé les choses relativement à l’article 122-4 du code pénal, mais vous n’êtes pas allés jusqu’à traiter de l’omission de porter secours à une personne en péril, infraction prévue à l’article 223-6, alinéa 2, du même code et susceptible de s’appliquer aux personnes, dont le médecin, qui accompagneraient le malade dans ses derniers instants.
    Ce manque de précision pose des problèmes de sécurité juridique. Devrions-nous préciser que les dispositions de l’article 223-6 ne s’appliquent pas, dès lors que les conditions prévues par le code de la santé publique sont remplies ? Des situations de contentieux pourraient survenir, par exemple lorsqu’une personne demanderait l’aide à mourir, alors que les conditions requises par le code de la santé publique, telles que nous sommes en train de les spécifier dans cette proposition de loi, ne seraient pas remplies. La responsabilité n’est manifestement pas la même. Ne faudrait-il pas créer une infraction dédiée, réprimant le fait pour un médecin de provoquer la mort d’un patient, à sa demande mais en violation des règles édictées par le code de la santé publique ? C’est toute la question du contentieux que ce texte –⁠ nous sommes en train de faire du droit – risque réellement de susciter.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Louis Boyard.

    M. Louis Boyard

  • partager

    Merci, mes chers collègues, pour la qualité d’un débat qui, pour nombre d’entre nous, renvoie à des situations personnelles que nous avons connues ou que nous aurons à connaître. Cette qualité s’est dégradée dès lors que nous avons entamé la discussion de l’amendement no 2327 et du fait des propos que vous avez tenus, cher collègue Sitzenstuhl. Il n’est pas possible d’écrire dans un amendement qu’il s’agirait de légaliser le meurtre, sans faire franchir un seuil au débat puisque cela suggère que la personne qui administrera la substance sera un meurtrier. C’est pour la même raison, mon cher collègue, que beaucoup ont été heurtés lorsque vous avez parlé d’homicide : non, la personne qui administre la substance ne commet pas un meurtre.
    Je me permets de vous rappeler que du point de vue des personnes qui nous écoutent et qui sont favorables à cette proposition de loi, on ne peut qualifier les choses ainsi. Si vous voulez respecter le débat, je vous invite à respecter ce qu’a dit M. le rapporteur général –⁠ il m’a convaincu. On ne peut pas parler de suicide assisté car une aide à mourir n’est pas la même chose qu’un suicide –⁠ nous avons le devoir de protéger la personne en proie à des pensées suicidaires –, pas plus qu’il ne convient de parler d’euthanasie, le mot ayant été souillé. Alors que nous sommes sur le point de consacrer un droit historique, nous ne saurions le baptiser avec un mot souillé.
    M. Bazin, dont j’entends les arguments, soulève un débat intéressant sur les rapports entre les dispositions du texte et celles du code pénal. En revanche, quand certains parlent de légalisation du meurtre et d’autres d’homicide, pardon, mais pour les soignants concernés, j’estime qu’un seuil est franchi et surtout qu’une injustice leur est faite. Je tiens pour ma part à saluer leur courage : ces soignantes et soignants seront fiers en rentrant chez eux d’avoir respecté la liberté d’une personne, son droit le plus fondamental : celui de choisir la fin de sa vie. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    Alors, pour que le débat puisse se poursuivre correctement, je vous en conjure : n’écrivez plus jamais dans un amendement qu’il serait question d’une légalisation du meurtre !

    M. Emeric Salmon

  • partager

    Le droit d’amender librement n’est pas encore restreint par des commissaires politiques !

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Christophe Bentz.

    M. Christophe Bentz

  • partager

    Madame la rapporteure, vous m’avez répondu sur le contenu de l’amendement de notre collègue Lépinau. Or, vous l’avez bien compris, cet amendement qui concerne l’alinéa 7 me donnait l’occasion de poser une question de droit –⁠ assez précise j’espère, sinon je vais la reformuler –, à laquelle je n’ai pas obtenu de réponse sur le fond.
    Il ne s’agit en rien d’un amendement sémantique, mais bien d’un amendement juridique ou judiciaire –⁠ je ne sais comment le qualifier. En effet, l’alinéa 7 tend à inscrire le droit à l’aide à mourir dans le code pénal. Je reformule donc ma question : si, demain, un acte de cette nature venait à être qualifié de suicide assisté, pourrait-il être autorisé par le code pénal ?

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.

    Mme Agnès Firmin Le Bodo

  • partager

    Nous voterons en faveur de l’amendement no 759 de M. Rodwell, à la fois pour une raison de fond –⁠ nous maintenons qu’il ne doit pas s’agir d’un droit, mais d’une possibilité – mais aussi parce que cet amendement peut être considéré comme rédactionnel. En effet, il ne me semble pas possible d’écrire « le droit à l’aide à mourir est un acte autorisé » dans la loi. Du point de vue rédactionnel, je ne crois pas qu’un droit puisse être un acte.

    (L’amendement no 2327, les amendements identiques nos 120 et 2498, et les amendements nos 388 et 759, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Joséphine Missoffe, pour soutenir l’amendement no 534.

    Mme Joséphine Missoffe

  • partager

    Je défends l’amendement de notre collègue Annie Vidal. Les propos que nous entendons depuis le début de nos travaux témoignent des interrogations que suscite la notion d’aide à mourir, et pour cause : elle reste floue, elle peut désigner aussi bien une sédation, un accompagnement palliatif que le recours à une substance létale, comme c’est le cas ici.
    Comme législateur –⁠ et personnellement en tant que soignante –, il me semble que nous devons faire preuve de rigueur dans le choix des mots. Cette proposition de loi introduit un droit nouveau et de nature à ébranler notre société. Ne pas le nommer avec précision revient à prendre le risque de l’ambiguïté et à entretenir une confusion, notamment chez les soignants, les patients et leurs proches.
    C’est pourquoi, à l’alinéa 7, je propose d’introduire l’expression d’aide active à mourir. Déjà employée par le Conseil économique, social et environnemental (Cese), par le CCNE et par l’Académie nationale de médecine, cette expression est approuvée par de nombreux collègues. Elle permet de distinguer clairement cette pratique –⁠ l’administration volontaire d’une substance létale – d’autres formes d’aide à mourir, qui n’impliquent pas un tel acte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Brigitte Liso, rapporteure

  • partager

    Avis défavorable : il s’agit d’un amendement sémantique touchant à une question dont nous avons déjà beaucoup parlé.

    M. le président

  • partager

    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Catherine Vautrin, ministre

  • partager

    Même avis.

    M. le président

  • partager

    La parole est à M. Thomas Ménagé.

    M. Thomas Ménagé

  • partager

    Je soutiens cet amendement de Mme Vidal, dont la portée n’est pas seulement sémantique, mais aussi symbolique, puisqu’il permet de mettre en avant les personnes qui travaillent en soins palliatifs. En effet, nos médecins, nos infirmières, nos aides-soignantes qui, sur le terrain, accompagnent les personnes en fin de vie, les aident : ils aident à mourir.
    Peut-être pourrait-on distinguer l’aide active de l’aide passive que constitue la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Il convient en tout cas de ne pas laisser entendre que l’euthanasie et le suicide assisté –⁠ termes que je ne désavoue pas, bien que je sois favorable à cette proposition de loi – seraient les seules formes d’aide à mourir. Si nous voulons continuer à encourager le développement des soins palliatifs dans notre pays, évitons de témoigner du mépris aux soignants qui les prodiguent.
    La nuance ne me semble donc pas seulement sémantique, mais bien, j’y insiste, symbolique. Elle contribuerait aussi à l’intelligibilité de la loi.
    Comme notre collègue l’a très bien rappelé, il s’agirait de reprendre l’expression qui a été employée par ceux qui ont étudié cette question, aussi bien le Cese que le CCNE. Pour toutes ces raisons, parler d’aide active à mourir pour le droit que nous allons créer –⁠ qui implique le recours à une substance létale – me paraît beaucoup plus clair. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

  • partager

    La parole est à Mme Justine Gruet.

    Mme Justine Gruet

  • partager

    Je ne sais si la chose est volontaire, mais je constate que l’expression d’aide active à mourir, avec l’adjectif « active », revient régulièrement. J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur général, il est cependant possible de changer d’avis au cours des débats, même s’il nous est bien difficile de faire entendre nos arguments, que je crois pourtant tout à fait sensés.
    Pour ce qui est de cette question de dénomination, pourquoi ne souhaitez-vous pas que nous puissions écrire : « aide active à mourir » ? J’ai bien entendu la comparaison avec « aide passive », mais je vous répète que l’expression d’aide à mourir laisse subsister une ambiguïté : l’aide à mourir risque notamment d’être confondue avec des mesures d’accompagnement qui existent déjà, alors que nous n’avons pas encore adopté cette nouvelle législation.
    Stéphanie Rist l’exprimait avec clarté ce matin : nous créons un droit nouveau, donnons-lui un dénomination nouvelle pour éviter toute ambiguïté.

    ------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------