Deuxième séance du mardi 20 mai 2025
- Présidence de Mme Clémence Guetté
- 1. Droit à l’aide à mourir
- Discussion des articles (suite)
- Article 5 (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Amendement no 2702
- M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
- M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
- Amendements nos 1274, 35, 148, 402, 580, 1443, 1801, 657 et 1188
- M. Stéphane Delautrette, rapporteur de la commission des affaires sociales
- Discussion des articles (suite)
Présidence de Mme Clémence Guetté
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Droit à l’aide à mourir
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir (nos 1100, 1364).
Discussion des articles (suite)
Mme la présidente
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi ; elle a commencé d’examiner, à l’article 5, les amendements nos 2029 à 2625, en discussion commune. Ces amendements ont été présentés par leurs auteurs.
Article 5 (suite)
Mme la présidente
Dans la discussion commune, je suis saisie de deux amendements identiques, nos 407 et 646.
L’amendement no 407 de Mme Geneviève Darrieussecq est défendu.
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 646.
M. Philippe Juvin
Comme je l’ai dit cet après-midi, une demande écrite du patient est absolument nécessaire.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 34.
M. Patrick Hetzel
Il tend à compléter l’alinéa 4 par la phrase suivante : « Cette demande est écrite pour garantir sa traçabilité ». Vous le savez, nous sommes très attachés à protéger les patients dans la durée.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 687.
M. Philippe Juvin
Il vise à préciser que la demande de la personne doit être établie par un écrit daté et signé de sa main. Cependant, nous avons entendu les remarques des plusieurs collègues soutenant que parfois, le patient, paralysé, était incapable de signer. Nous proposons d’ajouter qu’à défaut, cette demande peut être faite par un enregistrement vidéo. Une demande orale ne suffit pas – Verba volant, scripta manent.
Mme la présidente
Dans la discussion commune, les amendements identiques nos 2658 de M. Nicolas Sansu et 2659 de Mme Émeline K/Bidi sont défendus.
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement no 89, par le groupe Socialistes et apparentés ; sur l’amendement no 1620, par le groupe Droite républicaine ; sur le sous-amendement no 2701 et l’amendement no 1899, par le groupe Ensemble pour la République ; sur les amendements no 147 et identiques, par le groupe Droite républicaine ; sur les amendements no 407 et identique, par le groupe Horizons & indépendants et sur l’amendement no 34, par le groupe Droite républicaine.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Laurent Panifous, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements en discussion commune.
M. Laurent Panifous, rapporteur de la commission des affaires sociales
Tous ces amendements visent à reformuler ou à compléter l’alinéa 4 pour préciser la manière dont la demande est présentée par la personne au médecin : par écrit, daté et signé, par enregistrement vidéo. Aux termes de l’amendement no 2029 de M. Isaac-Sibille, le patient ne ferait pas une demande mais ferait part de sa décision.
D’abord, la rédaction actuelle du texte n’exclut pas la nécessité de préciser la manière dont la demande est formulée. L’alinéa 4 établit que le patient « en fait la demande expresse ». La manière dont la demande doit être formulée sera établie par décret en Conseil d’État.
Néanmoins, nous entendons la volonté de nombreux députés sur tous les bancs d’obtenir que cette demande soit formulée par écrit. Il nous paraît cependant essentiel d’autoriser aussi toute autre forme d’expression afin de prendre en considération les personnes qui ne peuvent ou qui ne savent pas écrire – l’illettrisme touche 1,4 million de Français. Il faut donc élargir à d’autres formes d’expression que l’écrit.
Nous émettons un avis favorable sur les amendements no 407 et identiques, qui prévoient que la demande est faite par écrit, sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement tendant à préciser que toute autre forme d’expression est autorisée, afin que chacun puisse exprimer formellement – nous avons entendu cette exigence – la demande d’aide à mourir.
Sur les autres amendements en discussion commune, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, pour donner l’avis du gouvernement.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Les différents groupes souhaitent de manière unanime que nous formalisions davantage la demande et que celle-ci soit écrite. Cependant, nous savons tous que certaines personnes, en raison de leur état de santé, ne sont pas capables d’écrire. Je partage l’avis du rapporteur sur les amendements nos 407 et 646, sur lesquels j’émettrai moi aussi un avis favorable.
Cependant, je déposerai un sous-amendement – je pense qu’il est plus simple que ce soit moi qui le fasse – pour préciser : « ou, à défaut, par tout autre mode d’expression adapté à ses capacités ».
M. Yannick Monnet
C’est l’amendement no 1899 de Mme Karine Lebon, modifié par le sous-amendement no 2701 de Mme Élise Leboucher !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Madame la présidente, je demande une suspension de séance pour que nous nous accordions sur la rédaction.
Suspension et reprise de la séance
Mme la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
Mme la présidente
La séance est reprise.
J’ai reçu, de la part du gouvernement, un amendement no 2702. Il est placé, dans la discussion commune, entre l’amendement no 1899 de Mme Lebon et l’amendement no 1711 de M. Verny.
La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement no 2702.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Madame la présidente, je vous remercie d’avoir accordé cette suspension de séance. Avant l’interruption de nos travaux à 20 heures, plusieurs parlementaires issus de différents groupes ont proposé des amendements tendant à exiger une formalisation par écrit du souhait du patient. Certains d’entre vous avaient déjà débattu de la question en commission, notamment Mme Gruet, M. Juvin, M. Hetzel, M. Verny et Mme Lebon.
Afin de permettre à tous les patients, même à ceux qui ne peuvent pas écrire, de formaliser leur demande, l’amendement tend à modifier l’alinéa 4 en substituant au mot « expresse » le mot « écrite » et en ajoutant « ou, à défaut, par tout autre mode d’expression adapté à ses capacités ». Tel est le sens de l’amendement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et SOC.)
Mme Justine Gruet
Non, il n’est pas écrit « par défaut » !
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
L’amendement reprend, en les complétant, les propositions des différents groupes. Dans l’esprit du sous-amendement de Mme Leboucher, il donne à tous, y compris aux personnes qui ne peuvent pas écrire, la possibilité de formaliser leur demande.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Tout le monde n’ayant pas participé aux réunions de la commission des affaires sociales, je crois important de rappeler que ce sujet avait fait l’objet d’un long débat et que le rapporteur général s’était engagé à ce que les choses évoluent. Je remercie Mme la ministre, MM. les rapporteurs et les députés qui sont intervenus : ce débat a montré que nous souhaitions tous renforcer la disposition, qui paraissait un peu légère car la demande pouvait prendre une simple forme orale. Encore une fois, je vous remercie pour ce travail collectif. L’amendement du gouvernement propose une synthèse qui, je l’espère, satisfera tout le monde.
Mme la présidente
Sur l’amendement no 2702, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je redonne lecture de l’amendement, pour la bonne compréhension de tous : « À l’alinéa 4, substituer au mot : expresse les mots : écrite ou par tout autre mode d’expression adapté à ses capacités. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir.
M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
L’amendement du gouvernement est, à l’image de ce débat, transpartisan. Des idées pertinentes ont été proposées par l’ensemble des groupes. Philippe Juvin, dont je salue la persévérance, a répété plusieurs fois en commission, qu’il tenait particulièrement à la formalisation par écrit. Nous avions renvoyé ces discussions à l’examen en séance. Tous les amendements proposés aujourd’hui sont rédigés dans le même esprit, mais nous ne pouvons nous limiter à une forme écrite : il faut inclure les personnes qui ne peuvent pas écrire.
Nous avons essayé d’écouter les positions de chacun ; l’amendement proposé vise à en faire la synthèse. Il n’y a ni gagnant ni perdant : nous essayons de faire avancer le texte pour apporter une sécurisation supplémentaire. Il me semble que tous ceux qui ont travaillé sur le sujet en commission peuvent en être satisfaits.
Je demande le retrait de la série d’amendements en discussion commune, au profit de l’amendement du gouvernement.
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je souscris à l’amendement du gouvernement et retire l’amendement no 1899.
(L’amendement no 1899 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Il n’a pas été répondu à la question très importante que je posais par le biais de l’amendement no 2029, qui tend à substituer aux mots « en fait la demande expresse » les mots « fait part de sa décision ». Monsieur le rapporteur général, madame la ministre, j’aimerais que vous confirmiez qui prend la décision. Est-ce le patient, qui fait la demande ? Est-ce le collège de médecins, qui approuve ou non la demande ? Tout le monde dit que nous écrivons une loi de liberté ; dans ce cas, c’est le patient qui doit formuler sa décision, sur laquelle le collège de médecins donnera un avis.
Je remercie Mme la ministre d’avoir accepté de réécrire les amendements, bien que l’amendement qu’elle a présenté ne prévoit pas que la demande soit signée et datée, comme c’est pourtant l’usage pour tout document. Je regrette que nous nous en arrêtions là. Je vous le demande une dernière fois : qui prend la décision ? Le patient, ou les médecins ? (M. Gérault Verny applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Monsieur Isaac-Sibille, la réponse à votre question se trouve à l’alinéa 4 de l’article 5 : « La personne qui souhaite accéder à l’aide à mourir en fait la demande expresse à un médecin en activité. » C’est donc bien le patient qui fait cette demande. Le médecin interroge un collège de soignants pouvant regrouper un autre médecin de spécialité, une infirmière et une aide-soignante, ainsi qu’un psychiatre ou un neurologue, s’il est nécessaire de vérifier la capacité de discernement du patient. Ensuite, il rend un avis sur l’éligibilité du patient, qui en est informé.
Dans la rédaction actuelle du texte, le patient peut alors bénéficier de l’aide à mourir, s’il le souhaite. Je déposerai un amendement tendant à prévoir un délai de réflexion de quarante-huit heures.
Je répète que c’est le patient qui fait la demande et que le médecin décide de son éligibilité. Si le patient ne demande pas l’aide à mourir, il ne se passera rien. C’est écrit dans la procédure.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
J’aurai une remarque de forme et une question de fond. J’ai eu l’honneur de représenter la France pendant dix ans au Parlement européen, où contrairement à chez nous, il n’y a pas de majorité. Là-bas, le rapporteur tente de trouver un accord sur le texte avec les différents groupes. Il accepte des amendements de la droite et de la gauche, puis il essaye de construire quelque chose.
M. Jean-Paul Lecoq
Exactement comme chez nous !
M. Philippe Juvin
Même quand les députés ne sont pas d’accord sur le fond, ils acceptent des compromis – ce n’est pas par courtoisie, mais par esprit constructif.
Monsieur le rapporteur, vous avez donné un avis favorable à l’amendement de Mme Darrieussecq, sans même évoquer nos amendements, présentés juste avant. Ces amendements proposent pourtant la même chose : une formalisation par écrit de la demande du patient. Il est vrai que nous ne sommes pas d’accord sur le fond, mais vous n’avez jamais lâché un millimètre, sur rien – rien ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR, RN, HOR et UDR. – Mme Annie Vidal et MM. Cyrille Isaac-Sibille et Charles Sitzenstuhl applaudissent aussi.)
Tous nos amendements n’auraient pas bouleversé le texte. Certes, nous avons fait des propositions structurelles, et je comprends que vous les refusiez. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS.)
Une députée du groupe EcoS
C’est désagréable quand ça vous arrive !
M. Philippe Juvin
Laissez-moi parler, vous êtes fatigants !
Sur des points qui n’auraient pas perturbé votre vision politique, vous auriez pu aussi faire des avancées. Monsieur le rapporteur, il y a ce qu’on appelle un socle commun : quand les débats ressemblent à cela, je me demande ce que cela signifie d’être dans ce socle commun. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
Plusieurs députés du groupe SOC
Nous aussi !
M. Philippe Juvin
Sur le fond, maintenant : nous avons demandé une formalisation par écrit de la demande du patient ; vous proposez un amendement qui prévoit une demande « écrite ou par tout autre mode d’expression. » En réalité, vous ne modifiez rien. C’est ainsi depuis le début du texte : vous prétendez changer les choses, mais vous ne faites rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Bertrand Sorre.
M. Bertrand Sorre
Pour être un peu plus consensuel : j’ai défendu l’amendement no 584, qui tend à préciser que la demande, écrite, est datée et signée par le patient ; je salue cependant la volonté du gouvernement de trouver une rédaction qui, dans cet hémicycle, convienne au plus grand nombre. Je retire l’amendement.
(L’amendement no 584 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Panifous, rapporteur
Monsieur Juvin, je ne sais pas si vous vous adressiez à moi ou au rapporteur général,…
M. Philippe Juvin
À vous, monsieur Panifous, vous aviez bien compris !
M. Laurent Panifous, rapporteur
Vous affirmez que je ne fais pas référence à vos amendements. Je vais donc énumérer les auteurs des amendements auxquels j’ai donné un avis favorable, avant que Mme la ministre ne dépose l’amendement no 2702. Dites-moi si vous les connaissez : ce sont M. Le Fur, Mme Darrieussecq, M. de Courson, Mmes Thillaye et Colin-Oesterlé !
M. Philippe Juvin
Ce n’est pas ce que vous avez dit !
M. Laurent Panifous, rapporteur
Par ailleurs, monsieur Juvin, n’est-ce pas vous qui avez déposé en commission l’amendement no AS1121, précisant que le médecin notifie sa décision par écrit – amendement qui a été adopté ? Pardon de vous le dire, mais il peut être facile de faire lever l’hémicycle au sujet de quelque chose d’inexact ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, LFI-NFP et EcoS.)
(L’amendement no 2029 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 89.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 271
Nombre de suffrages exprimés 262
Majorité absolue 132
Pour l’adoption 111
Contre 151
(L’amendement no 89 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1620.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 270
Nombre de suffrages exprimés 257
Majorité absolue 129
Pour l’adoption 111
Contre 146
(L’amendement no 1620 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2702.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 272
Nombre de suffrages exprimés 251
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 227
Contre 24
(L’amendement no 2702 est adopté ; en conséquence, l’amendement no 1711, les amendements identiques nos 147, 401 et 2625, les amendements identiques nos 407 et 646, les amendements no 34 et 687, les amendements identiques nos 2658 et 2659 tombent.)
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. – M. le président de la commission des affaires sociales applaudit également.)
Mme la présidente
L’amendement no 1274 de M. Christophe Bentz est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à M. Marc de Fleurian.
M. Marc de Fleurian
Cet amendement dû à mon collègue Bentz vise à protéger les médecins militaires du geste consistant à administrer la substance létale. Ceux-ci obéissent en effet à des règles déontologiques propres, fixées par un décret du 9 avril 2025. Suivant l’article 27 de ce décret, « le professionnel de santé des armées ne peut abandonner un patient ou interrompre la mission de soutien sanitaire qui lui a été confiée » ; suivant l’article 36, il « ne provoque pas délibérément la mort ». Ces règles découlent de la spécificité de l’engagement ultime auxquels ces médecins peuvent être confrontés. Face à un ennemi qui, lui, veut provoquer délibérément la mort, ils risquent leur vie pour sauver celle de nos soldats et de civils innocents, comme l’exprime fort bien leur devise : Pro patria et humanitate. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
(L’amendement no 1274 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 35, 148, 402, 580 et 1443.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 35.
M. Patrick Hetzel
Il s’agit d’envoyer un signal aux médecins. L’aide à mourir inquiète un certain nombre de professionnels de santé ; ils seraient rassurés si nous précisions que sa pratique ne concernera que ceux qui se porteront volontaires.
Mme la présidente
La parole est à Mme Élisabeth de Maistre, pour soutenir l’amendement no 148.
Mme Élisabeth de Maistre
Cet amendement est identique, c’est-à-dire qu’il tend à s’assurer de l’accord du médecin en prévoyant que celui-ci est volontaire.
Mme la présidente
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 402.
Mme Justine Gruet
Il s’agit d’insérer à l’alinéa 4, après le mot « médecin », les mots « volontaire, inscrit auprès de la commission mentionnée à l’article L. 1111-12-13 ». Cette modification n’est pas anecdotique : elle inverserait le rapport du médecin avec sa clause de conscience. La rédaction actuelle du texte prévoit que les médecins pourront faire valoir cette clause à titre individuel ; nous partons, nous, du principe que ceux qui, de facto, ne souhaiteraient pas faire valoir cette clause seraient inscrits sur une liste de volontaires. Cela permettrait de ne pas mettre leurs confrères en difficulté et offrirait aux patients souhaitant recourir à l’aide active à mourir une plus grande lisibilité quant aux médecins susceptibles de les accompagner dans ce geste létal.
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l’amendement no 580.
Mme Annie Vidal
Cette liste permettrait de répondre plus facilement à la demande des patients et inverserait pour les médecins le principe de la clause de conscience : il leur faudrait se signaler comme volontaires, ce qui serait beaucoup plus opérant.
Mme la présidente
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 1443.
M. Dominique Potier
Ces amendements identiques visent à clarifier le dispositif, à le rendre plus opérant : en miroir de la liberté du patient, dont il est tant question dans cet hémicycle, nous réclamons celle du médecin.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Le texte prévoit une clause de conscience : aucun professionnel de santé, aucun médecin ne pourra se voir imposer de faire ce geste. En revanche, je ne crois pas qu’il soit nécessaire ou souhaitable, pour pouvoir le faire, d’être forcément inscrit sur une liste. Prenons le cas d’un médecin traitant, d’un médecin de famille, qui ne souhaiterait aider à mourir que ses patients, voire l’un de ses patients et non les autres : soit il ne pourrait le faire, ne figurant pas sur la liste, soit il s’inscrirait, alors qu’il ne veut le faire que dans des cas précis ! Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis. J’ai écouté avec intérêt vos arguments. Je vous rassure, madame Gruet, je ne pense pas non plus que l’ajout que vous proposez serait anecdotique : je le considère avec le plus grand sérieux.
Les articles 14 et 15 prévoient que la commission de contrôle et d’évaluation tient un registre des professionnels de santé qui se sont déclarés disposés à participer à la procédure d’aide à mourir. L’inscription est donc volontaire et facultative ; si vous changez d’avis, comme cela peut arriver à tout le monde, vous pouvez faire jouer votre clause de conscience.
Je rappelle aussi que l’adoption de l’amendement du gouvernement à l’article 2 apporte une garantie supplémentaire aux médecins qui seraient réticents, puisque la règle est désormais que le patient, quand il est en mesure d’y procéder, s’administre lui-même le produit. C’est dire si nous restons vigilants quant au respect de la volonté des professionnels de santé.
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Le recours au volontariat serait superfétatoire alors que l’article 14 instaure une clause de conscience et prévoit que les professionnels disposés à participer à la mise en œuvre de la procédure se déclarent à la commission de contrôle et d’évaluation. Plutôt que de devoir déclarer à chaque instant si l’on est volontaire, mieux vaut un dispositif simple, un lieu d’inscription unique, comme pour l’IVG – d’autant que le médecin qui refuse d’aider un malade à mourir devra lui donner le nom de confrères pratiquant ce geste.
Mme la présidente
Chers collègues, je vous indique que je me conformerai à la jurisprudence établie par la présidente de l’Assemblée lors des précédentes séances : après les avis, je donnerai la parole à deux orateurs pour et à deux orateurs contre. Lorsque ce n’est pas évident, n’hésitez donc pas à indiquer si vous êtes pour ou contre.
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq.
Mme Geneviève Darrieussecq
J’aurais pu déposer l’un de ces amendements, puisque j’ai évoqué tout à l’heure ce volontariat qui me tient à cœur. J’ai entendu les arguments des uns et des autres. En faveur du volontariat, il y a tout d’abord celui de la simplification : on saurait ainsi que le médecin ira rapidement dans le sens du patient. Il s’agit ensuite d’éviter la fracture du monde médical ; je vous l’affirme, c’est un vrai problème dans les services, notamment en soins palliatifs. Enfin, nous évoquons peu la formation, un sujet dont nous avons pas mal parlé lors de l’examen du texte précédent. On ne va pas former à l’aide à mourir tous les médecins, seulement ceux qui sont volontaires ! L’enjeu est important ; à titre personnel, je voterai pour ces amendements identiques que, je le répète, j’aurais pu rédiger – je crois d’ailleurs en avoir déposé de similaires à d’autres parties du texte.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Nous voterons contre les amendements pour une raison simple : le texte prévoit une clause de conscience souple, applicable au cas par cas, qui permet au médecin de faire le geste pour un patient, ne pas le faire pour un autre. Graver le volontariat dans le marbre d’une liste serait une manière de réduire le nombre des médecins susceptibles de pratiquer l’aide à mourir, en d’autres termes de faire peser toutes les demandes d’aide à mourir sur un petit nombre de médecins, ce qui ne facilitera pas forcément leur activité de professionnels de santé. Nous sommes radicalement opposés à ces amendements. Nous défendons, nous aussi, la clause de conscience, mais à une condition : qu’elle ne restreigne pas le droit des patients à l’aide à mourir.
Mme la présidente
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Mon propos ira exactement dans le même sens que celui de Mme Darrieussecq. Certes, la clause de conscience existe ; mais comme elle l’a indiqué fort pertinemment, beaucoup de professionnels exerçant dans les services de soins palliatifs ne veulent pas participer à une procédure d’aide à mourir. Il est nécessaire de les sécuriser.
Nous proposons donc d’établir une règle générale selon laquelle ils ne sont pas obligés de pratiquer l’aide à mourir ; ceux qui souhaitent pratiquer cet acte pourront se manifester sur la base du volontariat.
Pour répondre à l’argument de Mme Rousseau, la clause de conscience continuera bien de s’appliquer au cas par cas. Simplement, cette disposition permettrait de rassurer de nombreux professionnels travaillant au sein des services de soins palliatifs ; elle leur enverrait un signal d’apaisement. (M. Potier applaudit.)
Madame la ministre, je sais que vous êtes attentive aux médecins et à l’ensemble des professionnels de santé. Ne les oubliez pas. Bien évidemment, cette loi doit prendre en considération les patients, mais n’oublions pas de tenir compte de celles et ceux qui dédient l’ensemble de leur activité professionnelle depuis des décennies à leur accompagnement.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 35, 148, 402, 580 et 1443.
(Le vote à main levée n’étant pas concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 263
Nombre de suffrages exprimés 259
Majorité absolue 130
Pour l’adoption 122
Contre 137
(Les amendements identiques nos 35, 148, 402, 580 et 1443 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 1801 et 657, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 1801 n’est pas défendu ?
M. Gérault Verny
Si, madame la présidente !
Mme la présidente
Excusez-moi monsieur Verny, je ne vous avais pas vu.
M. Gérault Verny
Je suis extrêmement vexé, madame la présidente.
Mme la présidente
C’est que vous êtes discret !
M. Gérault Verny
C’est ce qu’on me reproche depuis le début de l’examen de ce texte ! (Sourires sur les bancs du groupe RN.)
Monsieur le rapporteur, je suis ravi ; vous serez sûrement favorable à mon amendement, puisqu’il s’inscrit dans une discussion commune avec des amendements déposés par des collègues de gauche !
Je propose qu’une demande d’aide à mourir ne puisse être instruite par un médecin n’ayant aucun lien préexistant avec le patient. Cela se justifie sur plusieurs plans. D’un point de vue clinique, un praticien qui connaît le patient depuis plusieurs mois dispose d’une connaissance consolidée de son état de santé, de l’évolution de sa pathologie, de ses antécédents médicaux et psychiatriques, mais aussi de ses réactions aux traitements. D’un point de vue procédural, cette relation médicale établie permet de garantir la stabilité du discernement et la continuité du suivi – deux éléments fondamentaux pour apprécier la constance de la demande.
Ces six mois minimum de suivi constituent une borne temporelle raisonnable. Cette condition permet que les décisions ne soient pas formulées ou validées dans un cadre ponctuel, détaché de toute relation thérapeutique durable. Je ne pense pas qu’elle alourdisse particulièrement le processus ; au contraire, elle permettrait de rassurer le patient et d’établir un cadre serein.
Mme la présidente
Sur l’amendement no 657, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune, pour le soutenir.
Mme Christine Pirès Beaune
Certes, ces amendements sont en discussion commune, mais leur objet diffère quelque peu, cher collègue. Dans la rédaction actuelle du texte, seuls les médecins en activité pourront pratiquer l’aide à mourir, les médecins retraités en sont exclus. C’est dommage, dans la mesure où le vivier actuel de médecins est limité. Cet amendement propose de permettre aux médecins retraités inscrits au conseil de l’Ordre des médecins de pratiquer l’aide à mourir.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Ces amendements sont différents, mais ils ont un point commun : ils proposent de substituer la mention de « médecins inscrits à l’Ordre » à celle de « médecins en activité », ce qui engloberait davantage de professionnels de santé.
Monsieur Verny, je vous remercie de remarquer ma sensibilité fortement marquée à gauche. Je l’assume.
S’agissant de votre amendement, je note d’abord un problème rédactionnel, puisque vous écrivez que le médecin doit être « régulièrement suivi par la personne depuis au moins six mois »… Ensuite, il semble sous-entendu que le médecin est volontaire pour participer à la procédure d’aide à mourir. Mais si le médecin traitant refuse d’accéder à la demande d’aide à mourir parce qu’il s’oppose au principe, alors le patient sera obligé de changer de médecin. Cela constitue une entrave formelle à la demande. Avis défavorable.
Madame Pirès Beaune, cette question a été souvent soulevée lors des auditions. Nous préférons conserver la mention de « médecins en activité ». Les médecins inscris à l’Ordre peuvent être retraités et ne plus être à la pointe de la pratique médicale. Il nous semble plus sûr de réserver la faculté d’exercer l’aide à mourir aux seuls médecins en activité. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis. J’ajoute que les dimensions assurantielles de la question sont loin d’être négligeables. Les médecins retraités inscrits à l’Ordre sont autorisés à effectuer des actes gratuits mais ils n’auront pas la capacité d’exercer l’aide à mourir. Seuls les médecins en activité pourront le faire.
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
L’amendement des socialistes revient à inciter les médecins retraités à reprendre du service pour faire de l’euthanasie. (Protestations sur les bancs du groupe SOC.) Par ailleurs, je suis un peu étonné de la réponse de Mme la ministre, qui dit que cet acte serait effectué à titre gratuit. Ce n’est pas un acte à titre gratuit !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit !
M. Matthias Renault
Il serait très malvenu de dévoyer le système de cumul emploi-retraite pour pratiquer l’euthanasie. Jusqu’à récemment, une exonération – bienvenue – de cotisations sociales était prévue pour essayer de faire revenir un maximum de médecins retraités en activité. Je ne pense pas que ce soit pour pratiquer cette activité-là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
J’ai dû très mal m’exprimer ; permettez-moi de reprendre mes propos. Un médecin à la retraite inscrit à l’Ordre peut faire une ordonnance à titre gratuit à un membre de sa famille, mais il ne pourra bien évidemment pas procéder à l’aide à mourir, même s’il est inscrit à l’Ordre. Il nous semble important que le médecin soit en activité afin qu’il ait connaissance de l’ensemble des évolutions de la science. En aucun cas un médecin retraité ne pourra pratiquer un acte d’aide à mourir. J’espère avoir été assez précise.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Si l’on devait mentionner l’inscription à l’Ordre, une autre catégorie de médecins, que Mme Pires Beaune n’a pas évoquée, ne pourrait pas travailler en soins palliatifs et exercer l’aide à mourir : les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue). Il faut conserver cette rédaction.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je tiens à remercier les collègues socialistes qui ont déposé cet amendement n° 657. L’exposé des motifs est très clair, il s’agit d’« élargir ». C’est clairement ce qui est en train de se passer depuis plusieurs jours ; on assiste à des tentatives d’élargissement de ce nouveau droit à l’aide à mourir.
Pourtant, depuis lundi dernier, les collègues, sur les bancs de la gauche, mobilisent un récit consistant à dire que ce texte est balisé, qu’un équilibre a été trouvé. Je me permets de signaler que cet équilibre a beaucoup évolué par rapport à celui trouvé en commission, qui lui-même n’était plus celui affiché dans le projet de loi de la précédente législature – l’équilibre est toujours une notion subjective.
Cet amendement, signé par un très grand nombre de collègues du groupe Socialistes et apparentés, vise explicitement à élargir le nombre de médecins autorisés à pratiquer des euthanasies ou à assister des suicides. Cela révèle bien l’objectif poursuivi par un certain nombre de députés – élargir le champ de cette loi. Ils y parviendront peut-être dans le cadre de cette lecture, ou dans quelques années. Quoi qu’il en soit, cet amendement a la vertu d’être transparent sur les intentions des promoteurs de ce texte.
Mme la présidente
La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.
Mme Christine Pirès Beaune
Effectivement, cet amendement est transparent parce qu’il n’y a pas de raison de se cacher. Nous, on dit les choses ! Les médecins qui ne sont plus en activité mais toujours inscrits à l’Ordre peuvent faire des prescriptions pour leur famille et leurs proches, donc leurs amis. On est souvent bien contents de les trouver pour une ordonnance. Je ne vois pourquoi on leur interdirait de pratiquer l’aide à mourir.
Oui, cet amendement propose d’élargir le nombre de médecins volontaires qui pourront pratiquer ce geste.
(L’amendement no 1801 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 657.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 278
Nombre de suffrages exprimés 272
Majorité absolue 137
Pour l’adoption 74
Contre 198
(L’amendement no 657 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 1188.
M. Charles Sitzenstuhl
J’anticipe les réactions des collègues qui diront que cet amendement crée, sournoisement, une rupture d’égalité ; s’il vous plaît, n’allez pas sur ce terrain. Il a pour objectif assumé de restreindre le champ des médecins qui pourront pratiquer une euthanasie ou assister un suicide.
Ces gestes ne sont pas anodins ; ils vont provoquer la mort. Une certaine expérience professionnelle et humaine est donc indispensable. Je propose ainsi de considérer qu’il faut justifier de plus de vingt ans d’activité pour pratiquer de tels gestes. On peut légitimement penser qu’il s’agit de pratiques déstabilisantes et peu adaptées aux jeunes médecins qui sortent d’études ou qui sont en début de carrière – il convient aussi de les protéger.
Je reviens à l’amendement de Mme Pirès Beaune. J’ai du mal à comprendre la volonté d’augmenter le nombre des médecins qui pourraient pratiquer ces actes. Nous avons plus de 200 000 médecins en activité : c’est un vivier déjà considérable pour une activité dont vous nous dites qu’elle restera marginale.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Avis défavorable. Vous avez anticipé mes arguments, je vous les épargnerai donc. Votre amendement vise à tarir le nombre de médecins autorisés à pratiquer l’aide à mourir ; je n’imagine pas que vous considériez qu’un médecin est moins compétent à 40 ans qu’à 60 ans.
Les jeunes générations de médecins sont beaucoup plus favorables à l’aide à mourir que les anciennes : je vous confirme que l’effet de votre amendement serait important.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Il s’agit là du début d’une série d’amendements de droite. Ce sont des chausse-trapes, qui disent une chose dans l’exposé des motifs et en font en réalité une autre.
Concrètement, l’amendement de M. Sitzenstuhl propose de diviser par deux le nombre de médecins à même de pratiquer l’aide à mourir. On ne peut qu’être contre cette volonté de réduire l’accès à un droit.
L’amendement no 2501 de M. Juvin vise, lui, à supprimer les informations sur l’état de santé et les traitements des personnes – puisqu’il réécrit un alinéa en retirant l’obligation faite au médecin d’expliquer au patient les perspectives d’évolution de son état de santé ainsi que les traitements possibles. Bref, vous voulez arrêter de les soigner, c’est vraiment une super idée !
L’amendement no 2515, de M. Juvin toujours, propose de dresser des listes publiques de médecins disposés à pratiquer l’aide à mourir. Franchement, autant balancer directement un fax à des groupuscules intégristes ! (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Thibault Bazin
C’est caricatural !
M. Hadrien Clouet
Ce sont là trois mauvaises idées.
Par ailleurs, contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, nous avons vu des victoires de la droite sur ce texte : vous avez abrogé le libre choix de l’administration du produit ; vous avez instauré une procédure exclusivement sous forme écrite ; vous avez imposé aux médecins de vérifier des informations complémentaires. Ne dites pas qu’il n’y a pas eu compromis : vous avez même gagné des votes. Et je le déplore ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Delautrette, rapporteur de la commission des affaires sociales.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur de la commission des affaires sociales
Je vais me faire le porte-parole du groupe Socialistes pour prolonger le propos de Christine Pirès Beaune. Nous sommes tous d’accord ici pour dire qu’il est impératif que l’ensemble des Français aient accès aux soins palliatifs.
En adoptant les premiers articles de ce texte, nous avons créé un droit à l’aide à mourir ; dès lors, il est de notre devoir de nous assurer que l’ensemble des Français puissent avoir accès à ce droit.
L’intention de l’amendement défendu par Mme Pirès Beaune, alors qu’on connaît l’état de la présence des professionnels de santé dans les territoires, est bien de garantir que chacun aura accès à ce droit – car il s’agit bien d’un nouveau droit, qui sera, si nous votons ce texte, ouvert à tant de gens qui en ont tant besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Odoul.
M. Julien Odoul
Je regrette les propos de M. Clouet, qui ne sont pas dignes de ce débat. Si nous pouvions nous respecter un peu les uns les autres, et respecter les positions des uns et des autres, ce serait mieux. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
L’amendement de M. Sitzenstuhl est protecteur. Il impose un seuil de maturité, un seuil de discernement et d’expérience indispensable pour un acte grave, qui n’est pas un soin mais l’administration d’une substance létale à un patient en fin de vie. Il faut protéger les jeunes médecins, qui ne sont ni formés ni préparés – psychologiquement ou par leur formation – à accomplir un tel acte.
Nous manquons cruellement de médecins. Leur vocation sera ébranlée par la légalisation de l’euthanasie. Il faut protéger les premières années des soignants.
Je le répète, l’euthanasie n’est pas un soin. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Justine Gruet.
Mme Justine Gruet
Nous nous interrogeons. L’amendement de notre collègue pose la question du développement des soins palliatifs, mais aussi celle du sens du soin en tout début de carrière. Je rappelle que, dans la procédure que vous prévoyez, le pronostic vital n’est pas nécessairement engagé à court terme et que la maladie n’est pas nécessairement en phase terminale.
D’ailleurs, on nous parle beaucoup de sondages qui montreraient l’approbation de la population comme du corps médical. Mais précise-t-on bien les critères aux personnes qui sont interrogées ? Savent-elles que le pronostic vital n’est pas forcément engagé à court terme ?
Je ne serai néanmoins pas favorable à cet amendement, puisqu’une ancienneté ne garantit pas la maturité.
Je m’interroge sur les conséquences du traumatisme que peut provoquer un tel geste sur un médecin en début de carrière. Qu’en sera-t-il, d’ailleurs, des internes, dont nous avons peu parlé jusqu’à maintenant ? Pourront-ils pratiquer l’aide active à mourir ? Il est nécessaire de les sécuriser au cours de leurs études.
(L’amendement no 1188 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 2501 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2515.
M. Philippe Juvin
Cet amendement revient sur le débat que nous avons eu tout à l’heure à propos de la création d’une liste nationale des médecins volontaires pour pratiquer l’aide à mourir.
J’ai l’impression que ceux qui craignent la loi comme ceux qui la désirent pourraient trouver un intérêt à la création de cette liste. Les premiers pourraient considérer qu’elle faciliterait la vie du patient, qui saurait à qui s’adresser au lieu de chercher lui-même. Au Québec, 3 % seulement des médecins pratiquent l’aide à mourir : sans liste, je ne sais pas comment les patients trouvent ces médecins. À l’inverse, ceux qui comme moi s’inquiètent de cette loi considèrent qu’il s’agit d’une manière d’identifier ceux qui ne souhaitent pas y figurer.
Je ne comprends pas pourquoi les partisans de cette loi sont contre une telle liste.
Mme la présidente
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public : sur cet amendement n° 2515, par les groupes UDR et Droite républicaine ; sur l’amendement no 620, par les groupes SOC et UDR.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 2515 ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Nous avons déjà eu ce débat. Je reprends l’exemple d’un médecin qui acceptera de faire ce geste pour des patients qu’il connaît, qu’il a peut-être suivis, mais pas pour d’autres, qu’il ne connaît pas. Devoir s’inscrire sur une liste afin d’accompagner ses patients serait bloquant dans son cas, puisqu’il pourrait être sollicité par d’autres personnes.
La création d’une telle liste ne me semble donc pas souhaitable. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Nous avons déjà évoqué cette proposition tout à l’heure, et nous y reviendrons lorsque nous débattrons de l’article 14. L’idée est que les professionnels disposés à pratiquer l’aide à mourir s’inscrivent sur un registre. De cette façon, un médecin qui ne pratique pas l’aide à mourir sera à même d’orienter un patient qui en fait la demande vers un professionnel qui réalise cet acte. Ce registre ne serait pas accessible au grand public – on parle de malades très fragiles, dont le pronostic vital est engagé – mais il pourrait être consulté par les professionnels de santé.
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Je suis très sceptique sur cette histoire de liste ! Il y a, dans notre système de santé, d’autres actes pour lesquels les médecins peuvent faire jouer leur clause de conscience, vous le savez. Ferons-nous des listes de médecins qui pratiquent l’interruption volontaire de grossesse (IVG), des listes de médecins qui pratiquent la sédation profonde et continue jusqu’au décès, des listes de médecins qui acceptent de faire des recherches biomédicales sur les embryons ?
Ce concept de liste avait été récusé en 1974, lors des débats parlementaires qui ont abouti à la loi Veil. Je vous le dis sincèrement, cette proposition me semble inopportune. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et GDR ainsi que sur quelques bancs du RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Le président Valletoux a presque tout dit. Monsieur Juvin, faut-il une liste des médecins qui acceptent d’appliquer la loi Claeys-Leonetti et de pratiquer la sédation profonde et continue ? Celle-ci, vous le savez, place le patient dans un coma qui va jusqu’au décès.
Il y a un risque de stigmatisation. Il y aura ceux qui acceptent de pratiquer l’acte, et ceux qui s’y refusent. Pensez à l’image que cela pourra donner. Nous voulons tout autant que vous protéger les médecins. Ils le sont par la clause de conscience. En les inscrivant sur une liste, vous les exposez.
Enfin, un médecin acceptera de pratiquer cet acte pour un patient, il le refusera pour un autre. Laissez-lui sa libre conscience et, surtout, pour protéger le corps médical, ne collez pas des affiches avec le nom des médecins ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Pour ma part, je préférerais que les médecins qui pratiquent l’aide à mourir se portent volontaires pour le faire. Pour les soignants, la question du volontariat est cruciale, surtout dans les unités de soins palliatifs. Ce principe inverse la charge de la clause de conscience et protège mieux non seulement les soignants mais aussi, et surtout, les patients, en sanctuarisant les soins par défaut. S’il était adopté, il permettrait de s’assurer que les médecins sont formés et accompagnés, comme Mme Darrieussecq l’a indiqué tout à l’heure.
La clause de conscience n’est pas satisfaisante, et cela pour trois raisons. D’abord, cet acte change la norme du soin. Il implique que les soignants se signalent et se justifient s’ils n’y contribuent pas, alors qu’il ne relève pas de leur champ professionnel. Ensuite, il leur impose de trahir leur promesse de non-abandon du patient.
M. Hadrien Clouet
Quelqu’un aurait-il un décodeur ? On n’y comprend rien !
Mme Sandrine Dogor-Such
De plus, l’obligation d’en passer par la clause de conscience détruirait la dimension collective de la prise en charge en imposant aux professionnels réticents de faire primer leurs convictions personnelles. Le volontariat répond à la logique inverse. C’est pourquoi il est si important pour tout le personnel soignant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. Hadrien Clouet
Même eux, ils n’ont rien compris !
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Trébuchet.
M. Vincent Trébuchet
Ce débat agit comme un révélateur de l’ensemble des positions sur le texte. Au début de notre réflexion sur l’aide à mourir, on parlait d’une loi d’exception réservée à des cas extrêmes de souffrances réfractaires. Cela légitimait l’idée que certains médecins se spécialisent pour pouvoir offrir aux patients demandeurs un accompagnement plus précis et plus pertinent. Or, derrière le refus des amendements visant à restreindre le nombre de praticiens concernés, il y a une volonté que tous les médecins puissent pratiquer cet acte et qu’on s’éloigne d’une loi d’exception pour instaurer un basculement de société.
Faire de la possibilité de choisir sa mort un élément de la dignité m’apparaît comme problématique. Je vais à nouveau citer le rapport Sicard, commandé par le président François Hollande en 2012, qui établissait que « la pratique euthanasique » – et du suicide assisté – « intériorise des représentations sociétales négatives d’un certain nombre de situations de vieillesse, de maladie et de handicap ». Dès lors, associer la dignité à la possibilité de choisir sa mort conduira les populations fragiles à la décision de hâter leur fin. Cela constitue un basculement de société considérable. Vouloir à tout prix que tous les médecins puissent exercer cet acte et refuser que certains, sur la base du volontariat, s’y spécialisent accentue ce basculement de société et menace les populations les plus fragiles. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Parmi les propos récemment entendus, le plus honnête était celui de M. Sitzenstuhl, qui assume vouloir limiter le nombre de praticiens habilités afin de restreindre l’accès à l’aide à mourir, alors que tous les amendements de la série que nous examinons en ce moment ont cet objectif. M. Verny veut même interdire au médecin traitant d’un patient de pratiquer l’aide à mourir sur cette personne !
Cet amendement est très restrictif. En effet, la démographie médicale ne permet même pas à chaque Française et à chaque Français de disposer d’un médecin traitant. Or la procédure de l’aide à mourir et l’accompagnement qu’elle nécessite demandent du temps, pour informer le patient et l’épauler dans la maturation de sa décision, positive ou négative. Ils demandent aussi de la confiance, plus compliquée à accorder à un médecin inconnu quand on est en fin de vie, c’est-à-dire dans une période compliquée de son existence. La confiance est aussi nécessaire pour prendre la bonne décision que pour pouvoir revenir dessus.
Enfin, dans certains pays, il existe des centres d’expertise ouverts aux patients qui, répondant aux critères requis pour bénéficier de l’aide à mourir et souhaitant y recourir, ne trouvent pas de médecin pour les accompagner.
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Juvin, avant de passer au vote.
M. Philippe Juvin
Pour que je puisse l’expliquer sereinement, essayez d’oublier pendant cinq secondes que l’amendement que je défends vient d’un opposant à la proposition de loi.
Monsieur le président de la commission, vous avez dit qu’il n’existait pas de liste des médecins pratiquant des IVG. C’est vrai, mais une personne souhaitant recourir à une IVG sait où aller, car il existe des centres spécialisés dont il est aisé de trouver la liste et les adresses. Pour l’aide à mourir, chez qui aller ?
Mme Julie Laernoes
Chez le médecin traitant !
M. Philippe Juvin
Sans liste, les patients ne sauront pas où s’adresser et perdront du temps à chercher. Ainsi, au Québec, 3 % des médecins seulement pratiquent l’aide à mourir.
D’autre part, l’alinéa 9 de l’article 14 prévoit que les professionnels de santé disposés à participer à la mise en œuvre de la procédure d’aide à mourir s’inscrivent auprès d’une commission créée par l’article 15. Mon amendement est donc cohérent avec l’existence de cette commission, dont la liste des inscrits sera connue puisque les documents administratifs sont publics.
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Non, non, non !
M. Philippe Juvin
Enfin, la liste que je propose permettra de concentrer les moyens sur les médecins à qui la formation à l’aide à mourir est utile – car il faudra bien les former. In fine, elle offrira ainsi un meilleur accès à cette aide.
Je ne comprends donc pas l’opposition à mon amendement, qui n’est que le pendant de l’article 14.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2515.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 282
Nombre de suffrages exprimés 273
Majorité absolue 137
Pour l’adoption 107
Contre 166
(L’amendement no 2515 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 630.
Mme Sandrine Runel
Nous avons à peu près tout entendu : qu’il faut que le médecin soit volontaire, qu’il ait de l’expérience, voire vingt ans d’expérience, que le patient soit agonisant pour que le médecin, volontaire et très expérimenté donc, puisse pratiquer l’aide à mourir, etc. Pourtant, nous avons la solution : former les médecins. Comme évoqué pendant l’examen du texte relatif aux soins palliatifs, il s’agit d’une nécessité, voire d’une obligation morale.
Le présent amendement vise à proposer aux médecins une formation – notamment une formation continue – sur l’aide à mourir. Tout le monde ici le reconnaît : il ne s’agit pas d’un acte évident ou facile à accomplir. C’est pourquoi les médecins qui le pratiqueront seront volontaires, puisqu’ils n’auront pas fait jouer leur clause de conscience. L’objectif de l’amendement est de les accompagner et de les former, pour une meilleure pratique de l’aide à mourir. (Applaudissements sur certains bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
La formation est un sujet important mais l’adoption de l’amendement pourrait fragiliser le texte en raison de sa rédaction. Doit-on comprendre que le médecin recevant la demande d’aide à mourir peut être « de droit formé à ce type d’accompagnement » ou qu’il doit l’être ? Dans ce dernier cas, l’accès au dispositif se trouverait drastiquement réduit.
Avis défavorable, en raison de l’ambiguïté que comporte la rédaction.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
Mme la présidente
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
Je souhaite revenir à la question précédemment évoquée de l’existence d’une liste de praticiens.
Nous définissons en ce moment la procédure de l’aide à mourir, qui doit être à la fois très sécurisée et assez fluide pour que les étapes puissent s’enchaîner. On y entre par une demande dont nous avons heureusement décidé qu’elle serait écrite. Ensuite, le médecin communique au patient des informations sur son état de santé, sur l’accès aux soins palliatifs et sur la possibilité de consulter un psychiatre. Enfin, il lui expose les conditions de l’accès à l’aide à mourir. Le cas échéant, à un moment ou à un autre de la procédure, il pourra lui indiquer son refus de pratiquer le geste demandé et l’orientera vers un confrère. Toutefois, en absence de liste et si, comme au Canada, seuls 3 % des médecins sont volontaires, je me demande combien de coups de téléphone il devra passer pour trouver une solution pour son patient. L’existence d’une telle liste, facilement accessible, servirait donc les intérêts tant des demandeurs que des médecins.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 630.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 283
Nombre de suffrages exprimés 265
Majorité absolue 133
Pour l’adoption 102
Contre 163
(L’amendement no 630 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur les amendements nos 1444 et 2489, je suis saisie par le groupe UDR de demandes de scrutin public. Sur l’amendement no 1619, je suis saisie d’une demande similaire par le groupe Droite républicaine.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux amendements, nos 1444 et 1619, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir le premier.
M. Gérault Verny
Il vise à compléter la liste des personnes ne pouvant recevoir une demande d’aide médicale à mourir en y ajoutant le médecin traitant habituel du patient concerné. Le but est de préserver l’indépendance et la neutralité du praticien dans le contexte d’un acte extrêmement grave et irréversible.
La relation entre un patient et son médecin traitant est marquée par une proximité thérapeutique, affective et, parfois, émotionnelle, qui, si elle est indispensable au suivi médical courant, peut altérer l’objectivité nécessaire à l’évaluation d’une demande d’aide à mourir. En excluant le médecin traitant habituel de la possibilité de recevoir cette demande, l’amendement tend à prévenir les conflits d’intérêts affectifs, à éviter toute confusion entre les rôles de soignant et d’évaluateur, et à garantir que la procédure soit encadrée par un professionnel sans lien thérapeutique préexistant avec le patient.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1619.
M. Thibault Bazin
Nous sommes en train de réfléchir à la procédure de réponse à une demande d’un acte d’une très grande gravité et aux conséquences irréversibles. Pour ma part, je la trouve un peu légère, puisqu’il n’y a ni témoin ni recours possible en cas de réponse positive. Un médecin va peut-être se retrouver seul face au patient. De quel médecin va-t-il s’agir ? J’ai cru comprendre que celui qui va recueillir et instruire la demande, conformément à l’alinéa 4 de l’article 5 et à l’alinéa 2 de l’article 6, pourrait être différent de la personne qui va accompagner l’administration de la substance létale et dont parle l’alinéa 16 de l’article 6. La correspondance aux critères d’accès à l’aide à mourir, et particulièrement à celui du consentement libre et éclairé, sera-t-elle vérifiée seulement au moment de la demande ou également juste avant l’administration ?
Surtout, je me demande comment le médecin qui va instruire la demande, s’il ne connaît pas le patient et n’a pas d’expertise sur sa pathologie, pourrait, comme le prévoit l’alinéa 9 de l’article 5, « informe[r] la personne sur son état de santé, sur les perspectives d’évolution de celui-ci ainsi que sur les traitements et les dispositifs d’accompagnement disponibles ».
Comment le médecin va-t-il prendre la décision s’il ne connaît pas la pathologie, ni les souffrances qui lui sont liées ? L’honneur de notre système de protection sociale est de chercher à assurer la meilleure prise en charge possible du patient, notamment de sa douleur. Or la demande de mort est parfois un appel à l’aide : ce que souhaitent certains patients, ce n’est pas l’administration d’une substance létale, c’est de l’accompagnement et des soins adaptés. Je propose donc que la demande soit instruite par quelqu’un qui connaît le patient ou, du moins, sa pathologie.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Ces deux amendements auraient des effets opposés, puisque l’un fait du médecin traitant le destinataire privilégié de la demande d’aide à mourir, l’autre l’exclut au contraire de la liste des personnes qui peuvent recevoir cette demande.
M. Philippe Vigier
Eh oui !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Rappelons, d’un côté, que plus de 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant ; si c’est à celui-ci que la demande doit être adressée, comment pourraient-ils dès lors accéder à l’aide à mourir ? D’un autre côté, le médecin traitant est souvent le médecin de famille, qui connaît le patient de longue date et qui suit l’ensemble des membres du foyer ; la personne souhaitant accéder à l’aide à mourir peut donc, pour cette raison même, ne pas vouloir le solliciter.
Obliger comme interdire me semble également inopportun : le choix doit revenir à la personne. Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Si je comprends bien, les deux amendements cherchent à s’assurer de la qualité du lien, donc de l’échange entre le patient et le médecin.
Pour vous, monsieur Bazin, le médecin qui reçoit la demande d’aide à mourir doit être « soit le médecin traitant de la personne, soit un médecin qui suit la pathologie en cause ». La procédure, telle qu’elle est définie, l’autorise déjà. D’une part, l’article 4 évoque un pronostic vital engagé ; le patient est donc déjà dans un parcours de soins, dans lequel intervient forcément un médecin référent. D’autre part, le médecin auquel le patient demandera à bénéficier de l’aide à mourir aura la possibilité, s’il le souhaite, d’interroger un médecin spécialiste. Le lien avec ces deux types de médecins est donc déjà prévu par le texte.
Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana
Je constate, moi aussi, que ces deux amendements sont complètement opposés et qu’ils ont tous deux été déposés par des gens qui combattent le texte.
M. Christophe Bentz
Et alors ?
M. Michel Lauzzana
Monsieur Verny, pourquoi le médecin traitant ne pourrait-il pas accompagner son patient ? Qu’est-ce que c’est que ce raisonnement ? Vous jouez sur le fantasme d’une proximité excessive entre le patient et le médecin traitant. Celui-ci connaît à la fois la famille, l’histoire médicale et la pathologie du patient qu’il a suivi, et vous voulez le mettre de côté ? Cela n’a pas de sens.
Autre fantasme : M. Odoul a affirmé tout à l’heure que l’adoption de cette disposition diminuerait l’attractivité des études médicales. Or, au contraire, certains voudront peut-être s’engager dans les études médicales pour se consacrer aux soins palliatifs.
M. Julien Odoul
Ça n’a rien à voir !
M. Fabien Di Filippo
On ne parle pas de soins palliatifs !
M. Michel Lauzzana
Ce raisonnement relève d’un fantasme pur : vos suppositions ne sont pas démontrées.
S’agissant du médecin qui recueille la demande, il faut en rester à la rédaction proposée. Certains, ici, veulent multiplier les obstacles pour l’accès à l’aide à mourir : que ledit médecin ait plus de vingt années d’expérience, qu’il ne soit pas le médecin traitant, et ainsi de suite. On a compris la manœuvre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre-Yves Cadalen.
M. Pierre-Yves Cadalen
Les amendements en discussion se contredisent mutuellement, mais celui de M. Verny contredit de surcroît une autre proposition du même auteur. À l’amendement no 1801, qu’il avait défendu plus tôt, M. Verny soulignait en effet qu’il fallait absolument que la demande soit reçue par un médecin proche du patient. L’exposé sommaire était ainsi rédigé : « Cet amendement vise à empêcher que la demande soit reçue par un praticien inconnu du patient, ce qui garantit la relation de confiance et la connaissance du dossier médical. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Hadrien Clouet
Le vernis a cédé ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Cadalen
Cher collègue, si vous faites de l’obstruction, faites-le de manière intelligente ! (Mêmes mouvements.)
Je vous vois sourire, mais semer la confusion en proposant des amendements contradictoires n’est pas digne de la gravité du sujet. C’est irresponsable et irrespectueux par rapport à nos concitoyens. Vous ne nuiriez pas à la qualité de nos débats si vous retiriez quelques amendements de plus, du moins ceux qui se contredisent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, sur quelques bancs du groupe EcoS et sur certains bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Monsieur Lauzzana, être pour ou contre le texte n’empêche pas d’avoir du bon sens !
Je voterai en faveur de l’amendement no 1619. En effet, le médecin traitant connaît bien le patient et peut évaluer sa souffrance ; or c’est pour permettre d’éviter celle-ci que le texte instaure l’aide à mourir. Familier de la pathologie du patient, le médecin traitant peut lui expliquer s’il est éligible ou non à cette procédure. Il peut aussi, éventuellement, modifier son traitement. Le médecin de famille est proche du patient et, par conséquent, bien indiqué pour recueillir sa décision.
Je suis en revanche opposée à l’amendement no 1444.
Mme la présidente
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Monsieur le rapporteur général, madame la ministre, merci d’apporter une réponse argumentée à chaque amendement : c’est important pour notre débat.
Monsieur Lauzzana, vous m’avez inclus parmi les « gens ». Des citoyens m’ont élu, comme vous, député ; peut-on se respecter les uns les autres ? Mon amendement n’a pas à être disqualifié parce qu’il est en discussion commune avec celui d’un collègue.
Je ne souhaite pas rendre la transmission de la demande au médecin traitant obligatoire ; je propose que celle-ci soit adressée soit au médecin traitant, soit à un médecin spécialiste de la pathologie dont souffre le patient. En effet, comment le médecin va-t-il vérifier la présence des critères requis s’il ne connaît pas le patient ou l’affection grave qui l’amène à demander l’aide à mourir ? Il sera potentiellement seul à prendre la décision. Vous dites qu’il pourra solliciter l’avis de spécialistes mais ses collègues n’auront peut-être pas vu le patient – cela n’est pas prévu par la procédure et je ne crois pas, madame la ministre, que vous ayez déposé des amendements en ce sens. Surtout, il n’y aura pas de contrôle a priori.
Comment, sans connaître le patient, peut-on lui apporter la meilleure réponse ? Comment, sans connaître la pathologie, peut-on être sûr qu’elle ne peut pas être traitée ? Il ne s’agit pas, de ma part, d’une manœuvre dilatoire : je cherche à m’assurer qu’on apporte la meilleure réponse possible à la personne qui souffre et qui demande une aide à mourir. En effet, il arrive que, derrière la demande de mort, il y ait un appel à l’aide, et ce n’est pas toujours l’administration d’une substance létale qui est attendue.
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Tout l’intérêt de ce débat est de sélectionner les meilleures options. La démonstration de M. Bazin est sensée (« Ah ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, DR et GDR), brillante même. Sa proposition apparaît plus pertinente que la mienne pour aider les personnes en fin de vie, en conséquence de quoi je retire mon amendement au profit du sien – et j’invite M. le rapporteur général à soutenir ce dernier.
M. Philippe Juvin
Bravo !
(L’amendement no 1444 est retiré.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1619.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 267
Nombre de suffrages exprimés 263
Majorité absolue 132
Pour l’adoption 99
Contre 164
(L’amendement no 1619 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de deux amendements, nos 420 et 1416, pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe UDR de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq, pour soutenir l’amendement no 420.
Mme Geneviève Darrieussecq
Il s’agit d’indiquer, à l’alinéa 4, que la personne qui souhaite accéder à l’aide à mourir en fait la demande expresse à un médecin « devant sa personne de confiance ou, si elle n’en a pas désigné, devant deux témoins sans lien familial avec elle ». Il n’est pas courant, dans les échanges médicaux, que l’on préconise la présence de témoins, mais en l’espèce c’est important. D’abord, le patient ne comprend pas toujours tout ce qui est dit par le médecin ; ensuite, il peut y avoir des conflits d’intérêts, à tout niveau. Il est bon que des témoins puissent s’assurer de leur absence, de la bonne transmission des messages et, plus généralement, du bon déroulement de la consultation.
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 1416.
M. Gérault Verny
Il introduit une garantie supplémentaire un imposant que toute demande d’aide médicale à mourir soit « formulée en présence d’un témoin indépendant ».
M. Hadrien Clouet
Qu’est-ce qu’un témoin indépendant ?
M. Gérault Verny
La présence de ce témoin, qui ne doit entretenir aucun lien hiérarchique, médical, familial ou économique avec la personne concernée, assurerait le caractère pleinement éclairé de la volonté exprimée. Ce tiers impartial attesterait que la demande est formulée sans pression, sans contrainte morale ou psychologique, et dans un état de lucidité totale. Pour les professionnels de santé, il représenterait également un élément de confiance, sur lequel ils pourraient s’appuyer avant d’engager une décision irréversible. Dans un domaine aussi sensible que celui de la fin de vie, cette précaution est indispensable pour préserver la liberté et la responsabilité individuelles.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Ces deux amendements proposent, l’un, la présence d’une « personne de confiance » ou, à défaut, de « deux témoins », l’autre, celle d’un « témoin indépendant », mais la personne qui demande l’aide à mourir a droit à son intimité et au secret des informations qu’elle partage avec le médecin. Il y va du respect du secret médical.
Avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis : il me paraît indispensable de préserver le respect du secret médical.
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------