Première séance du vendredi 23 mai 2025
- Présidence de M. Xavier Breton
- 1. Droit à l’aide à mourir
- Discussion des articles (suite)
- Article 8
- Mme Sandrine Dogor-Such
- M. Sébastien Saint-Pasteur
- M. Patrick Hetzel
- Amendements nos 58, 1344 et 1662
- M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
- Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
- Rappel au règlement
- Article 8 (suite)
- Suspension et reprise de la séance
- Amendements nos 2521, 553, 577, 2279, 1663, 59, 2404, 2405, 2561 et 60
- M. Stéphane Delautrette, rapporteur de la commission des affaires sociales
- Amendements nos 615 et 1664
- Article 9
- Rappel au règlement
- Article 9 (suite)
- Rappel au règlement
- Article 9 (suite)
- Article 8
- Discussion des articles (suite)
Présidence de M. Xavier Breton
vice-président
M. le président
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Droit à l’aide à mourir
Suite de la discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir (nos 1100, 1364).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’article 8.
Il restait alors 666 amendements en discussion.
Article 8
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, première inscrite sur l’article.
Mme Sandrine Dogor-Such
En vue de garantir la sécurité du dispositif, cet article définit les conditions de préparation et de délivrance de la substance létale par les pharmacies à usage intérieur (PUI).
Si nous nous félicitons de l’adoption en commission de notre amendement excluant que les pharmacies des Ehpad préparent la substance létale, nous déplorons le choix de priver les pharmaciens de l’objection de conscience accordée aux médecins et aux infirmiers car c’est le pharmacien qui préparera la substance létale.
Lors de son audition par la commission des affaires sociales, le président du syndicat national des pharmaciens des établissements publics de santé a déclaré espérer que le cas de conscience du pharmacien soit reconnu au même titre que celui des autres professionnels.
Actuellement, un pharmacien qui préparerait une substance létale en vue de son ingestion par une personne serait poursuivi pour complicité d’empoisonnement. En inversant cette logique, l’article 8 contraint les pharmaciens à agir contre le sens de la vocation qu’ils ont choisie. Dès lors, il est normal que certains pharmaciens voient une incompatibilité entre leur déontologie et votre proposition de loi.
En outre, alors que les pharmaciens doivent respecter un cahier de charges très strict en matière de stupéfiants, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens s’est inquiété des modalités d’entrée dans les officines des produits nécessaires à l’élaboration de la préparation magistrale. Pouvez-vous lui apporter des garanties ?
Un autre problème pour conclure : des complications sont toujours susceptibles de survenir pour le patient à l’occasion de l’absorption du produit létal mais aucune procédure de sécurité n’est prévue par votre texte.
Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas cet article. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Sébastien Saint-Pasteur.
M. Sébastien Saint-Pasteur
L’article 8 nous rappelle que la grandeur d’une loi ne tient pas seulement à ses principes mais à sa mise en œuvre. Nous ne débattons pas ici d’un détail technique mais de la capacité à rendre un droit réel pour celles et ceux qui, en fin de vie, demandent à être respectés jusque dans leur ultime volonté.
Prenons un exemple concret : une personne en soins palliatifs à domicile suivie de près par son infirmier référent a exprimé de manière libre et éclairée sa volonté de recourir à l’aide à mourir. Tout a été validé. Si la pharmacie d’officine refuse de recevoir la substance létale ou si la chaîne de transmission est ralentie faute de coordination avec une pharmacie à usage intérieur, que se passe-t-il ? Ce que la loi aura reconnu comme un droit deviendra un parcours d’obstacle, voire une impasse. Pour la personne concernée, ce sera une violence supplémentaire, une attente injustifiable, une souffrance de trop.
Pensons aussi aux résidents d’Ehpad. Alors que ces établissements disposent parfois de PUI, ils ont été écartés du dispositif par amendement. Pourquoi créer de telles inégalités ? Pourquoi priver ces lieux du rôle qu’ils peuvent jouer pour accompagner dignement leurs résidents ?
Je m’adresse à celles et ceux, souvent assis sur les bancs conservateurs, qui s’opposent frontalement au droit à l’aide à mourir alors qu’ils prônent la lutte contre la lourdeur administrative et en faveur de l’efficacité de l’action publique dans tant d’autres domaines. Soyez cohérents ! Si l’on veut alléger les contraintes, faisons-le aussi ici afin d’éviter que des patients ne soient piégés par des complexités bureaucratiques au moment où leur vie est la plus difficile ! Nous ne pouvons pas laisser la volonté d’une personne en extrême souffrance se heurter à des murs administratifs ou logistiques. L’humanité de notre droit se mesure à sa capacité à être appliquée avec simplicité, efficacité et respect. Rendons cette loi pleinement opérationnelle ! Ne laissons pas des approximations organisationnelles entraver les derniers instants d’une vie !
Notre responsabilité collective se joue ici. Débattre de l’anthropologie, c’est bien ; rendre nos lois applicables dans le monde réel, c’est mieux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Christophe Bex applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Cet article, qui organise la préparation et la délivrance de la substance létale, comporte plusieurs enjeux. En premier lieu, la chaîne de délivrance repose sur plusieurs intervenants sans que les responsabilités, les protocoles de sécurité et de traçabilité des substances létales concernées ne soient clairement définis. En l’état actuel de sa rédaction, cet article expose à des risques de confusion, d’erreurs et peut-être même de mésusages, ce qui serait vraiment problématique.
Second enjeu : le rôle confié aux pharmacies d’officine dans la délivrance de la substance létale contribue – il faut bien le dire – à une banalisation de cet acte, en contradiction avec l’intention affichée, celle d’un texte qui concernerait un nombre limité de nos concitoyens, en fin de vie. On peut s’interroger quant à cette disposition.
Au fil des amendements, nous proposerons de réserver la préparation et la délivrance de la substance létale aux seules pharmacies hospitalières explicitement désignées par les autorités sanitaires. Nous suggérerons aussi de renforcer les obligations de traçabilité et de sécurisation des stocks, de contrôle des dates de validité des substances létales mais aussi de destruction contrôlée des substances qui n’auraient pas été utilisées.
En réponse à une revendication qui s’est confirmée au cours des mois, nous proposerons une clause de conscience explicite pour les pharmaciens et son extension à toute personne susceptible d’être impliquée dans la chaîne logistique, administrative ou technique de la procédure.
M. le président
Nous en venons à l’examen des amendements.
Je suis saisi de trois amendements identiques nos 58, 1344 et 1662, tendant à la suppression de l’article 8.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 58.
M. Patrick Hetzel
Si cette proposition de loi repose sur le principe d’autodétermination de la personne, cet article contredit ce principe.
Il organise un dispositif très différent de celui que l’on nous avait initialement annoncé – même s’il y avait eu des débats – c’est-à-dire un dispositif « proche » de celui existant en Oregon qui prévoit l’autoadministration pleine et entière de la substance létale.
Nous organisons un processus dans lequel la personne doit pouvoir exercer sa liberté jusqu’au bout. Certes, on nous indique que ce sera le cas mais, en réalité, si on veut véritablement s’en assurer, il faut faire en sorte que l’autoadministration puisse être la règle générale.
M. le président
Sur les amendements identiques nos 58, 1344 et 1662, je suis saisi par le groupe Droite républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 1344.
M. Charles Sitzenstuhl
En cohérence avec mon opposition à ce texte, je présente un nouvel amendement de suppression d’article.
L’article 8 soulève deux difficultés. La première, c’est la contradiction – déjà relevée – entre le périmètre très large des pharmacies autorisées à délivrer la substance létale – elles le seront quasiment toutes – et le nombre très limité de citoyens qui devraient être concernés par ce texte selon les intentions affichées, et maintes fois répétées, de ses défenseurs.
À ce sujet, je me permets de réitérer une énième fois la question que j’ai déjà posée à Mme la ministre et au rapporteur général : quelles sont les prévisions et les estimations concernant le nombre de Français qui auront recours au suicide assisté et à l’euthanasie dans les prochaines années ? C’est une donnée essentielle du débat que vous n’avez toujours pas transmise.
La seconde difficulté réside dans l’absence de clause de conscience des pharmaciens et des salariés des pharmacies. Rien n’est prévu, ce qui est très étonnant. On peut comprendre que, pour des raisons qui leur sont propres, un certain nombre de pharmaciens ne souhaitent pas participer d’une façon directe ou indirecte à des actes d’euthanasie et de suicide assisté. Il semble important qu’ils puissent faire jouer une clause de conscience.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1662.
M. Thibault Bazin
Nous en venons à cet article 8 qui s’intéresse à l’organisation de la préparation et de la distribution de la substance destinée à provoquer la mort. Sont impliquées la pharmacie à usage intérieur des établissements qui en ont une et, dès l’alinéa 2, la pharmacie d’officine.
Or l’article 14 ne prévoit pas de clause de conscience pour les pharmaciens.
M. Philippe Vigier
Elle n’existe pas.
M. Thibault Bazin
Elle est exclue pour eux.
Pour en justifier, le Conseil d’État écrit dans son avis sur le projet de loi initial : « Les missions de réalisation de la préparation magistrale létale et de délivrance de la substance létale ne concourent pas de manière suffisamment directe à l’aide à mourir pour risquer de porter atteinte à la liberté de conscience des pharmaciens. »
Une telle analyse semble sophistique. En effet, si le lien entre la préparation de la substance létale et le suicide assisté ou l’euthanasie est indirect, il n’en demeure pas moins certain puisque cette substance ne peut servir qu’à ces usages.
En outre, du point de vue pénal, un avocat auditionné l’an dernier par la commission spéciale, rappelait que la responsabilité d’un acte repose aussi sur ceux qui ont concouru, de près comme de loin, à son organisation.
Ne pas accorder une clause de conscience aux pharmaciens qui travaillent dans les pharmacies à usage intérieur et dans les officines reviendrait à contraindre certaines personnes à préparer et à délivrer des substances dont l’usage unique serait en contradiction avec leur conscience. Délivrer une telle prescription n’est pas un acte anodin.
Une loi qui se veut un texte de liberté pour tous, doit l’être également pour les pharmaciens et les pharmaciens d’officine. Voulons-nous in fine contraindre certains professionnels en France et créer de la souffrance pour eux ? En l’absence de clause de conscience pour les pharmaciens, je vous propose de revoir votre copie sur cet article 8. (M. Gérault Verny applaudit.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir, pour donner l’avis de la commission.
M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
Deux arguments principaux sont avancés pour demander la suppression de cet article. Le premier, que Thibault Bazin vient de développer, s’appuie sur l’absence de clause de conscience des pharmaciens. En réalité, nous aurons l’occasion d’en parler à l’article 14, qui est dédié à la clause de conscience. Nous pourrons, s’il le faut, citer l’avis du Conseil d’État sur cette question.
M. Thibault Bazin
Je l’ai cité moi-même !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
D’autre part, vous arguez d’une incohérence supposée entre l’autodétermination de la personne en fin de vie et le fait qu’elle ne retire pas elle-même le produit létal. Or le circuit du produit s’explique par les conditions de sécurité que nous souhaitons garantir eu égard aux particularités – c’est le moins que l’on puisse dire – de cette substance. En définitive, supprimer l’article 8 reviendrait à fragiliser la sécurité de ce circuit, ce que personne ne souhaite ici. Avis défavorable à l’ensemble des amendements de suppression.
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, pour donner l’avis de la commission.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Je vais revenir sur les propos des différents orateurs pour reprendre le fil. Les choses se passent de la manière suivante : le médecin prescrit la potion létale ; cette prescription est adressée à la PUI de l’hôpital ; celle-ci réalise la préparation.
Je précise d’ores et déjà qu’une liste des PUI habilitées à préparer la substance létale sera fixée par voie réglementaire.
Ensuite, deux cas de figure se présentent : si le patient est à l’hôpital, le produit létal est acheminé vers le service concerné ; si le patient est à domicile, une pharmacie d’officine le délivre au professionnel de santé chargé de l’accompagnement.
En principe, le patient s’autoadministre la préparation en présence d’un soignant – par exception, c’est le soignant qui la lui administre. Ensuite, ce qui reste du produit, y compris l’emballage, est récupéré par le professionnel de santé. Celui-ci rapporte ces éléments à la pharmacie, laquelle les remet enfin à l’hôpital.
C’est donc toute une chaîne qui se met en place – j’insiste sur ce point. La pharmacie ne constitue en aucun cas l’alpha et l’oméga du processus puisque c’est systématiquement un autre professionnel de santé qui manipule le produit létal avant comme après son utilisation.
M. le rapporteur général a invoqué l’avis du Conseil d’État en matière de clause de conscience, mais nous pourrions remonter plus loin. La demande qu’elle s’applique à la délivrance de la pilule contraceptive avait été formulée, ce que le Conseil constitutionnel a refusé.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces amendements de suppression.
M. le président
Plusieurs d’entre vous souhaitent s’exprimer. Comme nous examinons des amendements de suppression d’un article, je donnerai la parole au-delà des limites que nous nous sommes fixées pour les autres amendements.
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Tous les arguments ayant déjà été avancés lors de la défense des amendements, j’aimerais plutôt vous donner mon sentiment. Chaque fois que nous essayons de poser des bornes ou de prévoir des aménagements ou des accommodements qui nous semblent raisonnables sur ce texte, nous sommes confrontés à des impasses, comme dans un labyrinthe.
Cela démontre que, ontologiquement, nous avons emprunté un mauvais chemin car nous nous retrouvons systématiquement face à des dilemmes quasiment insolubles. Le débat autour de la liberté de conscience des pharmaciens est un exemple parmi tant d’autres – je pense aux critères, au discernement, au rôle des tiers ou encore au lieu dont nous avons discuté hier.
Immanquablement, mon sentiment rejoint celui d’un grand député qui a porté cette voix à gauche dans le débat sur le projet de loi de 2024 : Pierre Dharréville. Dans sa dernière intervention sur le texte, pris de vertige face à l’impasse qui prouve qu’il est impossible d’arbitrer sur ces questions – sauf à affronter des dilemmes abyssaux –, il expliquait : « Il s’agit d’un projet brutal, d’un texte sans rivage et d’un terrible message de renoncement et d’abandon, qui ne sera pas sans conséquences sur la vie sociale, la solidarité et le soin. »
L’article 8, comme tous les autres, démontre que c’est en réalité l’article 1er qui est une mauvaise route pour notre démocratie, pour notre République et pour la république sociale que nous chérissons. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Mme Annie Vidal, M. Patrick Hetzel et Mme Blandine Brocard applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel
L’article 8 doit évidemment être conservé, par conséquent nous voterons contre ces amendements de suppression.
Tout d’abord, nous souhaitons travailler sur cet article pour que certaines précisions soient apportées. Notre rapporteur Stéphane Delautrette défendra notamment un amendement concernant les délais de fabrication.
Je rappelle également qu’en 2015, une consultation avait été lancée sur ces questions auprès des pharmaciens et que seuls 3 400 d’entre eux avaient répondu, ce qui laisse penser que le sujet ne les préoccupe pas beaucoup.
Par ailleurs, je remercie Mme la ministre d’avoir établi un parallèle avec la délivrance de la pilule contraceptive. On pourrait aussi rappeler que, pour la délivrance de la pilule abortive dans le cadre d’une IVG médicamenteuse, le droit à la clause de conscience ne s’applique pas non plus aux pharmaciens alors que les gynécologues et d’autres professionnels de santé peuvent l’invoquer.
Nous devons avancer sur ce texte et discuter de cet article très important parce qu’il est au cœur de la mise en œuvre concrète du nouveau droit accordé aux malades. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
La rédaction de l’article 8 me trouble beaucoup. En effet, dans les autres pays où ce type de dispositif a été adopté, il s’agit soit de suicide assisté – à l’instar de ce que nous avons inscrit à l’article 7 en indiquant que la règle était l’autoadministration – soit d’euthanasie. Or, à l’étranger, dans le cas du suicide assisté, la substance létale n’est pas prise en charge par un professionnel de santé mais délivrée directement au patient. C’est uniquement dans les pays qui ont légalisé l’euthanasie que le professionnel de santé détient la substance.
Dès lors, pourquoi a-t-on choisi, ici, de faire appel au professionnel de santé ? Souhaite-t-on anticiper une évolution législative – puisqu’il a existé, à un moment, une ambiguïté, levée au cours de nos débats, autour de la suppression de l’exception euthanasique ? Cette question mérite d’être discutée.
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Après avoir validé, il y a maintenant une semaine, le principe de l’aide à mourir, puis, ces derniers jours, les critères d’éligibilité, la procédure et les modalités – notamment le lieu et le moment –, nous en arrivons, avec l’article 8, à la délivrance de la substance nécessaire.
Pour chacune de ces différentes étapes, contrairement à ce que certains ont pu dire, nous avons précisé, affiné, consolidé, sécurisé ce qui devait l’être pour aboutir à un texte clair, précis, encadré…
M. Charles Sitzenstuhl
C’est faux !
M. Matthias Tavel
… qui prévoit – et c’est le cœur du texte – que chaque décision repose sur la volonté du patient et sur l’avis médical.
M. Antoine Léaument
Tout à fait !
M. Matthias Tavel
Je comprends que certains ne partagent pas notre point de vue et soient opposés au texte. Cependant, à chaque étape, nous avons validé le principe même de cette évolution.
Les amendements de suppression visent uniquement cette fois la procédure. Il s’agit faire de l’obstruction. C’est cohérent – M. Sitzenstuhl l’a d’ailleurs reconnu il y a quelques jours. Toutefois vous ne pouvez pas à la fois affirmer qu’il faut prévoir des garde-fous et demander de supprimer un article qui nous permet de débattre des conditions, des précisions, des modalités afin de procéder à d’éventuels ajustements.
Nous voterons contre ces amendements car nous souhaitons continuer à préciser et à affiner le texte mais aussi à réaffirmer le principe du droit à l’aide à mourir pour nos concitoyens – comme nous le faisons depuis le début. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Michel Lauzzana.
M. Michel Lauzzana
Je ne reviendrai pas sur la question de la clause de conscience car des réponses ont déjà été apportées en nombre suffisant sur ce point – même si je sais bien que nous en reparlerons puisque je fais confiance à certains de mes collègues pour remettre le sujet sur la table, d’autant plus que l’article 14 porte sur la clause de conscience des médecins.
J’aimerais répondre à mon ami Charles Sitzenstuhl qui demandait tout à l’heure combien de personnes auraient recours à l’aide à mourir. Au fond, ce n’est pas vraiment le problème.
M. Charles Sitzenstuhl
Ah bon ?
M. Michel Lauzzana
Le vrai problème est de savoir si notre droit est juste ou non. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Geneviève Battistel et Mme Sandrine Rousseau applaudissent également.) Sinon, quelle piètre opinion aurions-nous du droit !
Nous sommes en démocratie. Vous avez tout à fait le droit d’être opposés au texte mais nous avons tout à fait celui de penser qu’il s’agit d’un droit juste pour nos concitoyens. C’est pourquoi je ne voterai pas pour ces amendements de suppression. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Marie-Noëlle Battistel
Très bien !
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Je voterai contre ces amendements. Je suis surprise que ceux qui souhaitent que la loi soit encadrée proposent des amendements de suppression à chaque article. Je tiens donc à saluer la responsabilité de ceux qui ont voté contre de tels amendements car s’ils avaient été adoptés, la loi n’aurait pas du tout été encadrée.
Si la préparation est confiée à un médecin ou un professionnel de santé, c’est d’abord pour des questions de sécurité. Je rappelle qu’il est statistiquement très rare qu’un patient à domicile en fin de vie, en phase terminale avancée, soit capable de se rendre dans une officine pour récupérer son médicament, a fortiori une substance létale. Il est donc préférable qu’un professionnel de santé aille la chercher.
Nous aurons un peu plus tard le débat sur la clause de conscience mais je rappelle que les pharmaciens ne peuvent invoquer une telle clause pour la délivrance de pilules contraceptives ou abortives. Je signale au passage à Mme Battistel que les 3 400 pharmaciens titulaires qui ont répondu à la consultation représentent tout de même 15 % de l’effectif de ces professionnels. Je rappelle également que les pharmaciens accompagnent au quotidien les personnes qui décèdent à domicile – parce qu’il y en a déjà – et leurs familles.
Monsieur Hetzel, si le modèle français prévoit l’intervention d’un professionnel pour les patients à domicile, c’est justement parce que, dans l’Oregon ou en Suisse, le malade ne bénéficie pas de la présence d’un médecin pour l’accompagner – lui et sa famille – jusqu’au bout.
M. Philippe Vigier
Eh oui !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Enfin, les promoteurs – un mot que je n’aime pas du tout – de ce texte, dont je fais partie, ont pris en considération un autre élément : la présence d’un médecin ou d’une infirmière au moment de la mort du patient permet de constater le décès sans qu’il soit nécessaire d’appeler la police. C’est peut-être un détail mais qui veut dire beaucoup. (M. Vincent Caure, Mmes Nicole Dubré-Chirat et Camille Galliard-Minier applaudissent.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Selon moi, seules les pharmacies hospitalières devraient être habilitées à préparer la substance. Je nourris quelques doutes, et même une grande inquiétude, concernant les pharmaciens en milieu rural. Ils sont les premiers à prendre part aux discussions dans le village. En général, ils connaissent bien le patient et les relations qu’il entretient avec sa famille. Ils sont au courant de situations complexes, par exemple les problèmes qui peuvent se poser en matière d’héritage. Ce que vous leur demandez de faire est donc peut-être délicat pour eux.
J’aimerais aussi revenir sur les propos de Mme la ministre concernant la contraception. De nombreux pharmaciens refusent de délivrer la pilule du lendemain lorsque la personne court un danger. Il faut savoir qu’à partir du moment où la pilule du lendemain est devenue gratuite à partir de l’âge de 16 ans, des difficultés ont commencé à se poser parce que des jeunes filles allaient toutes les semaines en pharmacie pour s’en procurer. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme Ayda Hadizadeh
Oh non, ce n’est pas possible !
Mme Danielle Simonnet
Et voilà qu’on discute de l’IVG maintenant !
Mme Sandrine Dogor-Such
Il existait alors des dangers liés aux effets secondaires. Moi qui ai travaillé pendant trente-cinq ans en officine, j’ai été témoin de ce phénomène pendant les dernières années. Au départ, le pharmacien délivrait la pilule en avertissant les jeunes filles des dangers – il n’avait pas le choix parce qu’on lui présentait une ordonnance – mais, par la suite, il refusait de le faire en raison du risque de santé.
Le pharmacien a une liberté de conscience.
M. le président
Madame la députée, il faut conclure.
Mme Sandrine Dogor-Such
C’est pourquoi je pense que, en pareil cas, une clause de conscience serait utile. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Je n’en veux pas à notre collègue Charles Sitzenstuhl : il est cohérent et s’oppose systématiquement à toutes les dispositions du texte. En revanche, lorsque Thibault Bazin écrit dans l’exposé sommaire de son amendement de suppression que c’est au patient d’aller chercher lui-même la substance létale à la pharmacie, il semble avoir oublié que les personnes dont nous parlons, qui nous écoutent et nous regardent, sont atteintes d’une maladie grave à un stade avancé ou terminal et souffrent de douleurs réfractaires. N’imposons pas à ces patients ce que nous n’imposons pas à une personne atteinte d’une angine !
M. Thibault Bazin
Je n’ai pas écrit cela !
M. Philippe Vigier
Lors de son audition devant la commission, la présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens a indiqué que la profession ne demandait pas l’introduction d’une clause de conscience – les propos d’Agnès Firmin Le Bodo étaient très justes. Rappelons que le travail des pharmaciens est de délivrer les prescriptions médicales des médecins. Si une clause de conscience était introduite, ils pourraient demain refuser de délivrer des antibiotiques ou tout autre médicament, ce qui ferait courir un véritable danger au patient et mettrait à mal la chaîne de soins et sa sécurité, sur laquelle Mme la ministre a insisté tout à l’heure.
Franchement, ces amendements de suppression ne sont pas recevables. Le professeur Juvin le sait très bien, si les pharmacies hospitalières cessaient de délivrer aux anesthésistes-réanimateurs les produits dont ils ont besoin, tout le système de soins serait menacé.
M. Philippe Juvin
Vous avez une piètre opinion des pharmaciens ! Respectez-les !
M. Philippe Vigier
Je vous invite à réfléchir, chers collègues. Ce que vous avez dit n’est pas juste ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, SOC et EcoS.)
M. Thibault Bazin
Ce que vous avez dit n’est pas juste non plus ! Ce n’est pas beau de mentir…
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Madame Dogor-Such, un pharmacien n’a pas le droit d’interdire la pilule du lendemain et d’en limiter l’accès aux femmes. En tenant de tels propos, vous montrez clairement quelles sont vos positions sur les droits sociétaux…
Monsieur Hetzel, depuis le depuis de nos débats en commission, vous utilisez de manière continue les mots « euthanasie » et « suicide assisté » (Exclamations sur les bancs du groupe RN – M. Charles Sitzenstuhl s’exclame également), malgré les explications du rapporteur sur la connotation historique du mot « euthanasie »,…
M. Laurent Jacobelli
Ça s’appelle une euthanasie !
Mme Sandrine Rousseau
…malgré ce que nous vous avons dit sur la gravité de confondre suicide et fin de vie pour des personnes sur le point de mourir. Je veux vous donner un chiffre pour vous convaincre de ne plus utiliser ces mots : depuis 2006, les tentatives de suicide et les suicides des jeunes filles de 9 à 19 ans ont augmenté de 570 % !
M. Hervé de Lépinau
Il faut s’attaquer aux causes !
Mme Sandrine Rousseau
Tant que vous parlez de suicide pour des personnes qui vivent leurs derniers jours de vie et que vous confondez l’aide à mourir avec un problème de santé publique (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS) qui touche les jeunes,…
M. Hervé de Lépinau
Terrorisme intellectuel !
Mme Sandrine Rousseau
…qui n’est pas pris en charge et qui n’est pas soigné correctement, vous faites partie du problème ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Je vous le dis comme je le pense. Le fait que vous n’entendiez pas notre demande de ne pas utiliser ces mots montre que vous n’êtes pas prêt à changer de position ! (Exclamations sur les bancs des groupes RN, DR et UDR.)
M. Gérault Verny
C’est trop long, monsieur le président !
M. Patrick Hetzel
Ça suffit !
M. le président
Merci de conclure, chère collègue !
Mme Sandrine Rousseau
Quant à la clause de conscience pour la loi Clayes-Leonetti, texte que vous considérez comme un trésor national, personne ne la fait valoir ! (Mêmes mouvements.)
M. Thibault Bazin
Un peu d’apaisement ne ferait pas de mal !
Mme Sandrine Rousseau
Aujourd’hui, nous parlons des pharmaciens. Si nous leur accordons la clause de conscience, alors nous… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’oratrice.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin, pour un rappel au règlement.
M. Philippe Juvin
Sur le fondement de l’article 70, pour mise en cause personnelle, monsieur le président.
M. Stéphane Peu
Vous n’avez pas été nommé !
M. Philippe Juvin
« Vous faites partie du problème », a dit Mme Rousseau à M. Hetzel. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Ce débat n’est pas facile, parce qu’il touche l’intime et heurte certaines consciences. Je comprends que tout le monde ne soit pas de notre avis, mais nous tentons depuis le début de l’examen de la proposition de loi de nous respecter mutuellement, certains ayant la volonté d’avancer, d’autres de mettre en échec le texte.
Cette mise en cause grave, sur un sujet aussi important que le suicide, qui mériterait d’être considéré comme une priorité dans le domaine de la santé mentale, est inacceptable. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il est inadmissible de dire à un député qu’il fait partie du problème. Je souhaite des excuses et je demande une suspension de séance. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR. – Exclamations sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)
Article 8 (suite)
M. le président
Avant la suspension, la parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Deux remarques. Tout d’abord, madame Dogor-Such, le produit létal est effectivement élaboré par la PUI, puis transmis à une pharmacie. Le choix de l’officine relève de la discussion entre le médecin et le professionnel de santé pour toutes les raisons que vous avez évoquées. L’acte envisagé étant strictement personnel, le patient qui a demandé à bénéficier de l’aide à mourir peut souhaiter que le produit soit déposé dans une autre officine que son officine habituelle. Le texte prévoit bien ce cas de figure, car nous souhaitons respecter strictement l’avis du patient.
S’agissant ensuite de la tenue de nos débats, nous entamons notre dixième journée de travaux et je peux parfaitement comprendre que la fatigue liée à une forte mobilisation conduise certains à s’exprimer de manière un peu véhémente. Permettez-moi de souligner qu’il nous reste 660 amendements à examiner et que c’est l’honneur de votre assemblée de travailler sur ce texte dans le respect et l’écoute mutuels. C’est pourquoi je vous invite à conserver la sérénité qui a prévalu jusqu’ici. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, Dem et GDR.)
M. le président
Je vais suspendre la séance après avoir mis aux voix les amendements identiques nos 58, 1344 et 1662.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 103
Nombre de suffrages exprimés 100
Majorité absolue 51
Pour l’adoption 37
Contre 63
(Les amendements identiques nos 58, 1344 et 1662 ne sont pas adoptés.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures trente-cinq, est reprise à neuf heures quarante.)
M. le président
La séance est reprise.
L’amendement no 2521 de M. Philippe Juvin est défendu.
(L’amendement no 2521, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 553 de Mme Annie Vidal est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 553.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 37
Nombre de suffrages exprimés 37
Majorité absolue 19
Pour l’adoption 15
Contre 22
(L’amendement no 553 n’est pas adopté.)
M. le président
Les amendements identiques nos 577 de Mme Annie Vidal et 2279 de Mme Christine Loir sont défendus.
(Les amendements identiques nos 577 et 2279, repoussés par la commission et le gouvernement, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1663.
M. Thibault Bazin
Il vise à préciser, à l’alinéa 2, que la délivrance de la substance létale sera effectuée à l’unité.
(L’amendement no 1663, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Les amendements nos 59 de M. Patrick Hetzel, 2404 et 2405 de M. Théo Bernhardt sont défendus.
(Les amendements nos 59, 2404 et 2405, repoussés par la commission et le gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Sur l’article 8, je suis saisi par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de deux amendements, nos 2561 et 60, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2561.
M. Philippe Juvin
Résumons : la clause de conscience existe pour les médecins mais pas pour les pharmaciens. Nous avons entendu vos arguments contre l’instauration d’une telle clause. Nous estimons au contraire qu’elle est indispensable, pour les pharmaciens hospitaliers à qui l’on demandera de fabriquer la substance mais aussi pour les pharmaciens et les personnels travaillant dans les pharmacies d’officine qui seront chargées de la distribuer – je pense en particulier aux préparateurs en pharmacie.
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 60.
M. Patrick Hetzel
L’amendement tend à compléter l’article par l’alinéa suivant : « Un pharmacien n’est pas tenu de délivrer une préparation létale mais il informe, sans délai, l’intéressé de son refus et lui communique immédiatement le nom de praticiens susceptibles de lui délivrer ce produit. »
La délivrance d’une préparation létale fait basculer dans une autre philosophie. Pour vous en convaincre, sachez que bon nombre de pharmaciens se sont exprimés en demandant explicitement à faire jouer la clause de conscience si la législation devait évoluer.
M. le président
La parole est à M. Stéphane Delautrette, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur de la commission des affaires sociales
Avis défavorable
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je voudrais rappeler aux collègues qui défendent ce texte que l’on ne parle pas de n’importe quelle substance. Monsieur Vigier, il ne s’agit pas là d’un vaccin contre le tétanos, d’antibiotiques ou de médicaments contre la douleur, mais d’une substance létale !
M. Emmanuel Fernandes
On a bien compris !
M. Charles Sitzenstuhl
Pour le dire plus simplement, afin que chacun comprenne bien : c’est un poison. Nous pouvons donc entendre que cela pose un cas de conscience à bon nombre de pharmaciens. Ainsi, en 2024, Le Figaro publiait une tribune à ce sujet signée par des docteurs et des professeurs en pharmacie pour alerter sur les difficultés auxquelles ils seraient confrontés s’ils devaient être amenés à délivrer des substances létales. Je les cite : « Actuellement, un pharmacien qui préparerait ou délivrerait une substance létale en vue de son ingestion par une personne serait poursuivi pour complicité d’empoisonnement. Il encourrait trente ans de réclusion criminelle. » On voit bien le cas de conscience auquel seront confrontés les pharmaciens ; il justifie que soit prévue une clause de conscience.
M. le président
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Il y a une différence entre cas de conscience et clause de conscience. La clause de conscience peut être invoquée par une personne à qui l’on demande de réaliser directement un acte. Un médecin, une infirmière sont en lien direct avec la réalisation de l’acte d’aide à mourir et d’accompagnement à l’ingestion ou l’injection du produit létal.
Surtout, partant de votre raisonnement, qu’adviendrait-il de la distribution des toxiques ? Dans ma carrière, j’ai souvent eu à aller chercher des toxiques dans les pharmacies d’officine et je puis vous assurer que ces substances suivent un parcours très précis.
M. Philippe Juvin
Les toxiques, ce n’est pas pour tuer mais pour soulager ! La morphine est un toxique, madame !
Mme Nicole Dubré-Chirat
Il faut signer des reçus, rapporter les ampoules, les emballages. Si l’on suivait votre logique, les pharmaciens ne pourraient plus distribuer de toxiques, ni même des produits qui, sans être identifiés comme des substances létales, sont susceptibles de causer la mort. Jusqu’où posons-nous des limites à la distribution de substances par le pharmacien, qui ne peut pas refuser une prescription médicale ?
M. Philippe Juvin
C’est insensé.
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Nous ne nous servons pas du sujet des pharmacies pour faire de l’obstruction mais parce que c’est un vrai débat. Ainsi, l’Autriche, où seul le suicide assisté est autorisé, a instauré une sorte de service minimal qui consiste pour l’État à permettre aux personnes demandeuses d’aller chercher le produit en pharmacie pour se l’administrer ensuite. Seules les pharmacies volontaires, inscrites sur une liste nationale consultable par les personnes concernées, peuvent être sollicitées pour délivrer la substance létale. C’est un système qui me semble plus raisonnable.
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Les substances délivrées par les pharmaciens sont classées dans des tableaux : A pour les produits toxiques, B pour les produits stupéfiants et C pour les produits dangereux. C’est tous les jours qu’ils en délivrent et leur travail est précisément de vérifier que la posologie prescrite par le médecin est adaptée au traitement. Ce sont des produits qui entraînent la mort s’ils sont mal utilisés.
M. Philippe Juvin
Les bêtabloquants aussi !
M. Philippe Vigier
Soyons clairs, c’est ainsi que cela se passe et c’est parce que nous sommes parfaitement conscients de la manière dont les produits sont délivrés que nous avons voulu sécuriser le dispositif de cette façon. Tel qu’il est organisé, le parcours de la substance létale me paraît être le plus conforme aux impératifs de sécurisation. La ministre a rappelé le cheminement très particulier prévu spécialement pour cette substance. Il ne s’agit pas du tout d’une préparation qui peut se faire à l’avance comme on en a l’habitude dans les pharmacies. Allez dans les officines pour vous en rendre compte par vous-même, si vous voulez.
M. Philippe Juvin
Quelle caricature !
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Monsieur Sitzenstuhl, nous avons tous conscience ici qu’une substance létale n’est pas un produit anodin et qu’il faut sécuriser l’ensemble du circuit, de la préparation jusqu’à l’acheminement. C’est bien cette préoccupation qui a été au cœur du débat avec les pharmaciens que nous avons auditionnés par l’intermédiaire de leurs instances représentatives. Je le répète, le débat ne s’est pas concentré sur l’instauration d’une clause de conscience mais sur l’attention particulière que nous devions porter à la sécurisation du circuit.
Revenons au texte de la proposition de loi. C’est le médecin chargé d’accompagner la personne dans son processus qui prescrira par ordonnance à la PUI la préparation de la substance létale. J’insiste sur cet élément : c’est bien la PUI qui sera chargée de la préparation, en aucun cas une pharmacie d’officine ou une PUI d’Ehpad, ce dont s’inquiétait Mme Sandrine Dogor-Such. La PUI prépare la substance, la transmet à l’officine selon un circuit sécurisé, cette dernière la remettant ensuite aux professionnels de santé chargés d’accompagner ou de réaliser, le cas échéant, l’acte. C’est important de le rappeler à ce stade du débat.
Vous le voyez, le circuit est parfaitement sécurisé et établi selon une procédure bien précise. C’est important de le rappeler à ce stade du débat.
Pour ce qui est de la clause de conscience, nous aurons l’occasion d’en reparler mais de grâce, attendons l’article qui traite du sujet.
(Les amendements nos 2561 et 60, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Sur l’amendement no 1664, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such, pour soutenir l’amendement no 615.
Mme Sandrine Dogor-Such
Avant de présenter l’amendement, je voudrais répondre à Mme Rousseau que le pharmacien, lorsqu’il nourrit un doute sur une prescription, contacte le médecin qui peut l’autoriser à refuser de délivrer le médicament. Je tenais à le préciser car je n’ai pas pu m’exprimer en détail tout à l’heure.
Ce texte nous touche tous, que l’on y soit favorables ou opposés. Nous y consacrons beaucoup de temps, et la fatigue peut nous pousser à tenir des propos qui dépassent notre pensée. Sur ce point, je suis d’accord avec la ministre et je salue les propos d’apaisement qu’elle a tenus.
J’en viens à l’amendement. Le pharmacien n’a pas le choix mais il n’est pas le simple exécutant de prescriptions émanant de professionnels habilités. Il a le devoir de refuser d’honorer une prescription qui lui semblerait dangereuse pour le patient, avec l’autorisation du médecin.
La législation, telle qu’elle est amenée à évoluer, pourrait faire naître des cas de conscience chez les pharmaciens et je souhaite par conséquent que l’on complète l’article par l’alinéa suivant : « Le pharmacien chargé de la délivrance de la préparation magistrale n’est ni un parent, ni un allié, ni le conjoint, ni le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ni un ayant droit du médecin prescripteur. » Il s’agit de prévenir tout risque de conflit d’intérêts entre le médecin prescripteur et la pharmacie d’officine. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
(L’amendement no 615, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1664.
M. Thibault Bazin
Vous avez indiqué, madame la ministre, en réponse à nos amendements, que la liste des PUI chargées de fabriquer ces substances létales serait établie par voie réglementaire. Je vous propose de l’indiquer à cet endroit du texte, en précisant que seules les PUI et les pharmacies d’officine volontaires seront habilitées à manipuler et délivrer la substance létale. Cette proposition fait écho à la position défendue par Mme Darrieussecq à propos des médecins et des infirmiers.
Le pharmacien exerce sa mission dans le respect de la vie et de la personne. Il peut considérer, selon sa conviction personnelle, que le seul fait de manipuler une telle substance l’amène à participer à l’acte de donner la mort et s’en sentir blessé en conscience.
Le pharmacien n’est pas un simple commerçant ou exécutant. Du reste, en Belgique, aux Pays Bas, au Luxembourg, on ne contraint pas les pharmaciens d’officine. La France serait une exception si elle adoptait une telle disposition.
À l’instar des médecins qui prêtent le serment d’Hippocrate, les pharmaciens prêtent celui de Galien, une fois leur thèse achevée et avant de commencer à exercer. Le pharmacien référent, le pharmacien de proximité, connaît bien les patients. S’il voit arriver une ordonnance de substance létale prescrite à une personne qu’il connaît, il saura que cette dernière ne va pas décéder de mort naturelle. Cette disposition opère une confusion entre les médicaments prescrits pour soigner ou délivrer de la souffrance et les substances qui entraîneront la mort.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Mais il y a une procédure ! On peut choisir l’officine !
M. Thibault Bazin
La nuance est de taille ! On ne peut pas traiter de la même manière ces produits. C’est pourquoi je vous invite à adopter cette solution de compromis qui consiste à pouvoir s’adresser à des « pharmacies d’officine volontaires ». Vous prétendez que les pharmaciens sont peu nombreux à demander cette clause mais je vous rappelle que, selon une étude du syndicat national des pharmaciens des établissements publics de santé, pas moins de 81 % la demandent. Respectons cette liberté.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Ce ne sont pas 81 % des pharmaciens qui demandent cette clause de conscience mais 81 % des pharmaciens qui travaillent dans des structures hospitalières et non pas les pharmaciens d’officine. (M. Arthur Delaporte applaudit.)
M. Philippe Juvin
C’est tout de même considérable !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Vous avez raison, le pharmacien n’est pas un exécutant et je vous remercie de l’avoir rappelé mais au quotidien, de par son métier, il accompagne déjà des personnes en fin de vie. Croyez-vous que lorsqu’il délivre un patch de morphine à 100 milligrammes ou un patch de scopoderm, il en ignore la finalité ? Il faut savoir raison garder. Le rôle de tous les professionnels, à chaque maillon de la chaîne, est bien d’accompagner les personnes jusqu’au bout. C’est aussi le rôle du pharmacien. (Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Vigier, M. Gérard Leseul et M. Nicolas Bonnet applaudissent.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1664.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 115
Nombre de suffrages exprimés 113
Majorité absolue 57
Pour l’adoption 40
Contre 73
(L’amendement no 1664 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’article 8.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 120
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 71
Contre 45
(L’article 8 est adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Article 9
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, premier inscrit sur l’article.
M. Charles Sitzenstuhl
L’article 9 concerne l’accompagnement de la personne pendant l’administration de la substance létale et les modalités de cette administration, ainsi que le devenir du produit non utilisé. C’est un article important là aussi, assez dense et qui fait plus d’une page. On va donc avoir un débat de fond.
Je relève que le mot « létale » est utilisé six fois. Je rappelle, pour les collègues qui ne voudraient pas voir la réalité de ce texte, que ce mot veut dire mortelle. Il y a donc bien référence à la mort : on parle d’une substance qui va provoquer immédiatement la mort du malade. Cette clarification sémantique me permet aussi de clore le débat ouvert par Mme Rousseau. Je pense que vous ne devriez pas, chère collègue, avoir peur des mots. Un certain nombre de structures participant au débat public sur le sujet sont d’ailleurs très claires dans le choix des mots qu’elles utilisent : je pense une nouvelle fois à l’ADMD, l’association pour le droit de mourir dans la dignité, dont le rapporteur général est membre du comité d’honneur si j’en crois le site internet de cette association,…
M. François Cormier-Bouligeon
Et alors ?
M. Charles Sitzenstuhl
…qui utilise ouvertement les mots « euthanasie » et « suicide assisté ». Je ne sais pas si vous leur avez fait le reproche, monsieur le rapporteur général, de souiller le débat d’une façon ou d’une autre, de vouloir être trop brutaux.
J’ai aussi regardé les législations en vigueur : en Belgique, la loi de 2002 s’appelle « relative à l’euthanasie » et l’occurrence « euthanasie » n’apparaît pas moins de dix-huit fois si j’ai bien compté. En Autriche, dans une loi beaucoup plus récente, le mot « suicide », selbstotung en allemand, apparaît deux fois. Je n’arrive toujours pas à comprendre cette volonté des promoteurs de cette proposition de loi a euphémisé leurs propos et à dissimuler la réalité.
M. le président
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel
C’est en effet un article très important parce qu’il traite de nombreux sujets. Quand je vois le nombre d’amendements de suppression, je m’interroge évidemment sur l’intention de ceux qui veulent supprimer des dispositions visant à s’assurer que la personne exprime à tout moment sa volonté d’accéder à l’aide à mourir, alors qu’ils ont beaucoup insisté sur ce point au cours des débats. C’est pourtant bien le moment d’en discuter.
L’article 9 traite aussi de la préparation de l’administration du produit, de la surveillance de l’administration – en autoadministration ou par la personne habilitée – et de l’établissement du certificat de décès. Voici encore un sujet de discussion : à propos de la surveillance, que fait-on en dernière minute si la personne ne peut pas s’autoadministrer le produit ?
Il y a là de quoi tenir de gros débats, chers collègues. Au lieu de vouloir supprimer cet article, vous devriez donc vous mobiliser pour en discuter. (M. Arthur Delaporte applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Je ne reviendrai pas sur l’attaque personnelle que j’ai considérée comme abjecte et inique de la part de Mme Rousseau à mon encontre… mais sur la manière dont les débats se sont déroulés.
Madame la ministre, vous y faisiez référence juste avant la suspension de séance et vous avez parfaitement raison d’estimer que les débats se sont jusqu’à présent passés dans de bonnes conditions. Cela étant, madame Rousseau, en écho avec ce que vient de dire notre collègue Charles Sitzenstuhl, je vous invite vraiment à regarder la vidéo de votre intervention et vous y verrez l’absolument impensable : par la manière dont vous vous exprimez, vous cherchez à instaurer une police de la pensée. C’est absolument incroyable. À un moment donné, il faudra bien que vous compreniez que votre violence verbale est révélatrice véritablement d’une pensée totalitaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe RN. – Mme Annie Vidal applaudit également.)
Je tiens à vous dire deux choses : ce n’est pas à la hauteur des débats et vous n’avez en aucun cas le monopole de l’éthique dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe RN. – Mme Nicole Le Peih applaudit également.)
Mme Danielle Simonnet
Et ça, ce n’est peut-être pas une mise en cause personnelle ? C’est honteux !
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Monsieur Hetzel, je ne voulais pas en parler dans cet hémicycle, mais vous m’y forcez et donc je vais vous le dire : ma maman s’est suicidée.
Elle s’est suicidée, alors qu’elle était en fin de vie, parce qu’il n’y avait pas d’aide à mourir, et dans des conditions abjectes ; son agonie a été insupportable, épouvantable, elle a duré extrêmement longtemps : c’est pourquoi je milite pour le droit à mourir et que j’invite les collègues à ne pas voter les amendements de suppression. Elle a fait ce que vous appelez un suicide libre en prenant dans sa table de chevet tous les médicaments qu’elle avait gardés depuis des semaines et elle les a avalés d’un coup.
C’est exactement l’inverse de ce que nous voulons établir : une loi qui permette la sérénité et l’organisation, qui permette la présence de proches à côté, qui tiennent la main des personnes qui sont en train de mourir après l’avoir souhaité. Or le suicide, c’est tout à fait autre chose. Elle est morte dans une agonie d’une violence que vous ne pouvez pas imaginer. Ce n’est pas d’expression d’une pensée totalitaire que de dire cela, mais l’expression d’une pensée pour tous les proches des personnes qui se sont suicidés ! (Mmes et MM. les députés des groupes EcoS et LFI-NFP se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Thierry Sother applaudissent également.)
M. le président
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Mon propos portera sur la question du certificat de décès. Nous, au groupe Rassemblement national, avons eu l’occasion à plusieurs reprises de dire que ce texte bouleverse des règles éthiques de la société sur le plan anthropologique, des règles qui sont particulièrement anciennes. Et nous en arrivons maintenant à une règle de droit qui va être tordue de manière absolument invraisemblable…
J’ai le regret de vous dire, en tant qu’avocat (« Ici, nous sommes députés ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP), que le texte introduit un mensonge juridique. En effet, prévoir qu’administrer volontairement la mort, donc que commettre un acte létal, permettra d’établir un acte de décès avec une présomption de mort naturelle, ce n’est pas entendable pour un juriste ! Ce n’est pas admissible ! La mort est naturelle à partir du moment où il n’y a pas le concours de qui que ce soit, un tiers ou la personne elle-même. Écrire le contraire est un mensonge juridique (M. Charles Sitzenstuhl applaudit), je ne peux pas le dire plus clairement.
Les effets de bord de cet alinéa 8, si jamais il venait à être voté, seront considérables. Nous vous avons rappelé que dans l’entourage des personnes en fin de vie, il n’y a pas que des gens bien intentionnés. Vous leur offrez sur un plateau le moyen de satisfaire leur souhait en s’exonérant totalement de leurs responsabilités. S’il y a présomption de mort naturelle sur le certificat de décès, allez dire à un officier de police judiciaire qu’il conviendrait tout de même d’enquêter pour essayer de déterminer l’origine de la mort. Nous sommes en train d’ouvrir une énième boîte de Pandore juridique, et ce serait notre honneur de la refermer tout de suite. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Suite au débat de cette nuit, j’ai beaucoup réfléchi et je m’interroge toujours sur les bénéficiaires de cette aide à mourir. J’en étais resté au principe d’une aide compassionnelle et exceptionnelle.
Que partage-t-on avec les petits oiseaux dans les arbres qui nous environnent ? C’est l’instinct de survie. En fin de vie, celui-ci s’estompe naturellement et les gens s’éteignent. Il est vrai qu’il y a quelques cas exceptionnels où, malheureusement, cet instinct de survie persiste et la personne s’accroche inconsciemment alors qu’elle est dans des souffrances insupportables. Pour moi, cette proposition de loi concernait ces cas et, d’un point de vue compassionnel, il faut en prendre soin et les accompagner.
Mais après bientôt quinze jours de débats, je ne sais plus si ce texte s’adresse uniquement aux personnes que je viens d’évoquer. Hier, un amendement qui visait à empêcher la publicité de l’aide à mourir a fait l’objet d’avis défavorables et a été repoussé. Pourtant, à l’heure des réseaux où tout le monde s’exprime sur tous les sujets, peut-on concevoir que la mort puisse être scénarisée ? Or c’est ce qui va se produire en n’empêchant pas la publicité alors qu’il s’agit d’un moment qui doit être intime et conserver son mystère. Je ne sais plus dès lors plus quelle loi on est en train d’adopter. (Mme Blandine Brocard, M. Pascal Jenft et M. Charles Sitzenstuhl applaudissent.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 61, 1156, 1345, 1665, 2280 et 2374, tendant à supprimer l’article 9.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 61.
M. Patrick Hetzel
Cet amendement répond à nos questions sur cette rédaction. Plusieurs des collègues qui se sont exprimés sur l’article l’ont déjà souligné : le plus troublant, c’est évidemment l’alinéa 8. Je me permets tout de même de le relire : « Est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir […]. » On voit bien que cette disposition crée une situation qui nécessite de mettre des mots sur une réalité de fait qui n’est pas ce qu’elle est censée être. Je ne sais pas comment appeler cela si ce n’est de parler d’un mensonge, au moins juridiquement.
Jusqu’à nouvel ordre, quelqu’un qui meurt d’un suicide assisté ou d’une euthanasie n’est en aucun cas décédé de mort naturelle. Il y a là vraiment matière à s’interroger et j’aimerais avoir en tout cas une clarification qui puisse justifier l’utilisation d’une telle terminologie. Je vous assure que depuis que la commission a adopté cette rédaction, j’ai été interpellé par des concitoyens qui me disent : « Mais enfin, qu’est-ce que vous êtes en train de faire à l’Assemblée nationale ? Comment pouvez-vous aller jusqu’à tordre les mots pour décrire une réalité qui n’est pas celle que vous dites ? Est-ce que vous avez conscience de la manière dont vous êtes en train de légiférer ? » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. le président
Sur les amendements nos 61 et identiques, je suis saisi par les groupes Rassemblement national et UDR de demandes de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 1156.
M. Dominique Potier
On a souligné à l’article précédent les impasses pratiques, que nous ne cessons d’énumérer – j’ai pour ma part parlé d’un labyrinthe –, dans lesquelles nous menait cette proposition de loi, notamment s’agissant du conflit entre les libertés, une question qui va être développée lors de l’examen de la suite du texte. Je pense notamment à l’entrave à l’information des personnes concernées, tant pour défendre l’alternative que représentent les soins palliatifs que pour défendre le suicide assisté. Si on ne trouve pas alors un équilibre, nous serons dans une grande dérive.
Labyrinthe, impasse, mais aussi vraie bataille culturelle. Je souhaite, depuis mon banc situé à gauche, dire que l’enjeu de la vérité du langage est un enjeu démocratique, un enjeu républicain. Les mots ont un sens. Il n’y aura dans mon propos aucun jugement moral ni aucune volonté de restreindre en quoi que ce soit les droits assurantiels ou autres des personnes qui auront recours à l’aide à mourir.
Toutefois, par respect envers la démocratie et la dignité de notre assemblée, il faut que les mots soient justes et ne mentent pas. Je pense à la novlangue imaginée par George Orwell dans 1984 et à la situation actuelle où des forces extrémistes, qui peuvent être libertariennes et eugénistes, sont toutes proches du pouvoir dans de grandes démocraties occidentales, et non seulement aux périphéries du monde. Dans ce contexte, la bataille des mots doit être celle des républicains et des humanistes. Nous devons dire la vérité. La mort issue d’un suicide assisté, d’une euthanasie ou d’une aide active à mourir ne peut être qualifiée de naturelle. Le dire ne constitue pas un jugement moral et ne retire de droits à personne, mais c’est affirmer une vérité qui construit la pensée et notre société. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – Mmes Joséphine Missoffe et Blandine Brocard applaudissent également.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 1345.
M. Charles Sitzenstuhl
De manière cohérente avec mon opposition à l’ensemble du texte, il vise à supprimer l’article 9. Son alinéa 8, qui pose de sérieux problèmes, rend nécessaire que nous ayons un débat approfondi et que le gouvernement exprime sa position.
Je le dis comme je le pense : cet alinéa, qui dispose qu’une mort par euthanasie ou suicide assisté est réputée être naturelle, professe un mensonge. Je partage l’avis de notre collègue Dominique Potier : cet alinéa a quelque chose d’orwellien. Écrire dans la loi qu’une mort non naturelle l’est ouvrirait une brèche considérable.
M. Thierry Tesson
C’est vrai !
M. Charles Sitzenstuhl
J’appelle l’ensemble des députés, y compris ceux favorables au texte, à réfléchir aux conséquences de ce point.
L’alinéa 8 soulève également d’importantes difficultés constitutionnelles. Nous sommes les législateurs et nous devons protéger les principes de valeur constitutionnelle. Or, depuis 1999, le Conseil constitutionnel a érigé l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi au rang d’objectifs de valeur constitutionnelle. J’en appelle une nouvelle fois à nos collègues très sensibles à la défense de notre ordre constitutionnel et de l’État de droit. La présence dans une loi d’un alinéa qui affirme l’inverse de la réalité – on ne peut pas se contenter de parler d’euphémisme – poserait de sérieuses difficultés juridiques et démocratiques. En adoptant cela, on affaiblirait considérablement l’État de droit et la démocratie.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1665.
M. Thibault Bazin
L’article 9 détaille le déroulement de l’administration de la substance létale en vue de provoquer la mort. Sa rédaction me semble parfois ambiguë, parfois problématique et soulève beaucoup de questions éthiques.
Tout d’abord, l’alinéa 5 pose un problème majeur puisqu’il dispose qu’une personne en mesure de s’administrer elle-même le produit peut demander à un soignant de le faire, avec toutes les implications que cela risque de représenter pour ce dernier. Il n’y a plus d’exception euthanasique.
L’alinéa 6 prévoit que, si le patient demande le report de l’administration, « le professionnel de santé convient d’une nouvelle date ». Cette automaticité me pose un problème. Dans un tel cas, n’y a-t-il pas matière à réévaluer l’intention du patient ? Ne faut-il pas voir dans la demande de report le signal implicite d’un doute, d’un mal-être ou, au minimum, d’un questionnement qui ne peut être considéré de manière anodine ? Ne faut-il pas s’assurer qu’elle ne traduit pas le souhait d’une autre forme d’aide ?
L’alinéa 8 dispose que la personne dont le décès résulte d’une aide à mourir « est réputée décédée de mort naturelle ». Ce n’est pas vrai. Le décès intervient parce qu’une substance létale a été prescrite, préparée et administrée de manière intentionnelle, en vue de provoquer la mort.
Avant cela, l’alinéa 7 demande au professionnel de santé, même s’il n’administre pas la substance létale, de rester à proximité pour « intervenir en cas de difficulté ». De quoi parle-t-on ici de manière floue ? Quelles sont les difficultés qui peuvent survenir ? Que doit faire le soignant si le suicide assisté se déroule différemment que prévu ? Est-il amené à agir ? Si oui, en faisant quels actes ? Vous parlez même de la possibilité d’injecter une dose de sécurité supplémentaire. Mais pourquoi serait-elle plus efficace que la première ? Que faire si le patient rejette le produit, et avec quelles conséquences en termes de responsabilité ? Tout cela peut être traumatisant. Sans davantage de garanties éthiques répondant à ces multiples questions, il faut s’opposer au processus tel qu’il a été imaginé. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
L’amendement no 2280 de Mme Christine Loir est défendu.
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 2374.
M. Christophe Bentz
Je suis d’autant plus gêné que, dans les tribunes du public, des enfants nous regardent et nous écoutent. Dire que je suis gêné est un euphémisme, car administrer une substance létale à un être humain en vie revient bien à provoquer la mort intentionnellement et délibérément. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) L’article 9 prétend qu’un suicide assisté est une mort naturelle. Ce n’est vrai ni philosophiquement, ni médicalement, ni juridiquement, ni, tout simplement, humainement. En demandant la suppression de l’article 9, nous voulons supprimer un mensonge. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Ils visent à supprimer l’article 9, qui est au cœur du dispositif de l’aide à mourir puisqu’il concerne l’administration de la substance létale. Comme l’ensemble du texte, cet article me semble bien équilibré (M. Thierry Tesson s’exclame), puisqu’il évoque la confirmation de la volonté du patient, le rôle du professionnel, l’autoadministration ou l’administration par un soignant, le report de la date d’administration, la traçabilité des actes, la destruction du produit létal – et je pourrais encore citer d’autres éléments.
M. Thierry Tesson
Les mots sont les mots !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Il a été longuement débattu en commission et nous pourrons encore discuter de son contenu. Mais pour que cela ait lieu, encore faut-il ne pas désirer le supprimer. Le faire reviendrait presque à supprimer le droit à l’aide à mourir. Je suis donc très hostile à ces amendements que je vous invite à repousser. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
De nombreux éléments de l’article 9 ont vocation à détailler les conditions et les suites de l’administration de la substance létale. La commission des affaires sociales a souhaité préciser que le recours à l’aide à mourir ne constitue pas un obstacle médico-légal, lequel placerait le corps à la disposition de la justice. Un certificat de décès présente un double intérêt. Le premier est de permettre l’inhumation de la personne décédée. Le second relève de la santé publique. Pour suivre l’évolution de la mortalité et de ses déterminants en France, nous avons besoin d’éléments statistiques, dont ceux qui se trouvent dans l’analyse des causes de décès.
Il me semble que, lors de vos travaux en commission, vous avez cherché à éviter tout ce qui pouvait constituer un obstacle médico-légal dans la première partie du certificat de décès, qui correspond à la celle intitulée « Informations funéraires ».
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Tout à fait !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Une autre partie porte sur les causes du décès. À l’issue de la procédure d’aide à mourir, le médecin qui remplira le certificat y indiquera en premier lieu la cause initiale du décès, soit – nous le disons depuis la première minute de nos débats – un traumatisme ou une pathologie, par exemple un cancer du sein ayant entraîné des métastases pulmonaires. Il indiquera ensuite l’enchaînement le plus probable des événements ayant abouti à la cause immédiate du décès, un arrêt cardiaque ou tout autre effet de la substance létale.
Les remarques que soulève l’alinéa 8 ne l’ont pas été au moment de la légalisation de la sédation profonde et continue. Si certains parlent de mensonge, nous pouvons à tout le moins relever que notre législation manque de précision…
M. Dominique Potier
Oui !
Mme Catherine Vautrin, ministre
…car le cas de figure est le même après un décès à l’issue d’une sédation profonde et continue.
M. Dominique Potier
Pas tout à fait !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Une autre partie du certificat porte sur des informations complémentaires, dont la circonstance apparente du décès, pour laquelle le médecin doit choisir entre mort naturelle, fait de guerre, accident, complication de soins médicaux ou chirurgicaux, suicide, atteinte volontaire à la vie d’autrui ou circonstance indéterminée.
Chacun pourra vérifier mes propos puisque je n’ai fait que décrire ce qu’est un certificat de décès. Le choix de faire d’un décès intervenant à l’issue d’un recours à l’aide à mourir une mort naturelle a été notamment motivé par des raisons assurantielles. Il est pourtant précisé ailleurs dans le texte que l’aide à mourir ne fait pas obstacle au déclenchement des conditions prévues par un contrat d’assurance sur la vie.
À ce stade, je pense donc que son alinéa 8 ne justifie en aucun cas de rejeter l’article 9 – pour lequel la navette parlementaire pourra par ailleurs être utile – et que nous avons à prendre, au ministère de la santé, un arrêté modifiant la liste des circonstances apparentes du décès. Nous pourrions ajouter une case « sédation profonde et continue/aide à mourir ».
M. Dominique Potier
Intéressant !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Quitte à vouloir être précis, autant l’être complètement ! (Applaudissements sur certains bancs des groupes EPR, Dem et LIOT.)
M. le président
La parole est à Mme Danielle Simonnet.
Mme Danielle Simonnet
Après tant de jours de travaux, il est possible que nous n’arrivions pas à nous convaincre les uns les autres. Soyons francs ! Avec tous ces amendements de suppression, j’ai l’impression que vous voulez remettre complètement en cause l’instauration de ce nouveau droit qu’est l’aide à mourir, de cette ultime liberté qu’elle offre. C’est votre droit le plus strict, conformément à vos convictions. Toutefois, ce n’est peut-être pas une position très républicaine. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR. – M. Charles Sitzenstuhl s’exclame également.)
M. Thierry Tesson
La République, c’est la mort ?
M. Cyrille Isaac-Sibille
La République appartient à tout le monde !
Mme Danielle Simonnet
Écoutez mes explications ! Vous prétendez que nous sommes face à une rupture anthropologique et qu’interrompre la vie, ou provoquer la mort, de quelqu’un qui le demande vous paraît inenvisageable. Reconnaissez que votre position est sans doute étroitement liée à vos convictions spirituelles et à votre rapport à votre propre fin de vie !
M. Cyrille Isaac-Sibille
C’est moraliste !
Mme Danielle Simonnet
Mais admettez qu’une majorité de citoyennes et de citoyens estiment que ce nouveau droit doit enfin être instauré !
M. Matthias Renault
Peu de pays l’ont fait !
Mme Danielle Simonnet
En cas de souffrances réfractaires à tout traitement, de maladie grave et incurable ainsi que d’engagement du pronostic vital, l’aide à mourir permet d’être soulagé et de partir sereinement. Elle ne crée aucune rupture anthropologique. Même si vous permettez à cette loi d’exister, vous ne serez en aucun cas contraint de vous l’imposer dans votre vie personnelle. Ce sera une grande loi laïque, qui permettra à d’autres convictions que les vôtres d’avoir une traduction. Voilà pourquoi c’est une grande loi républicaine. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. Cyrille Isaac-Sibille
C’est une nouvelle loi libérale !
M. le président
La parole est à Mme Claire Marais-Beuil.
Mme Claire Marais-Beuil
L’un des points de l’article 9 qui m’inquiètent est le sort de la substance létale lorsque la personne prend le parti de ne pas mourir le jour décidé et que l’on fixe une nouvelle date. Que devient alors le produit, qui en devient responsable ? Le texte ne le précise pas.
Par ailleurs, je souhaite répondre aux collègues.
Non, madame Simonnet, vous n’êtes pas seule à incarner la République ; nous l’incarnons tous. (Mme Pascale Bordes applaudit.)
Je peux comprendre, madame Rousseau, que votre parcours vous ait amenée à décider de voter ce texte ; mon parcours à moi m’a conduite à la décision inverse. Voilà quarante ans que je vis tous les jours avec le fait d’avoir dit à mon père comment faire, parce qu’en 1985, on ne parlait pas de soins palliatifs. Et il avait une folle envie de vivre, de voir la naissance de son petit-fils. Il n’est pas du tout mort sereinement ; il l’a décidé car la douleur devenait insupportable, mais s’il avait pu avoir recours à des soins qui lui auraient permis de vivre sans douleur, je sais qu’il aurait essayé de tenir le plus longtemps possible pour voir sa famille.
Mme Sandrine Rousseau
Mais les gens pourront continuer à le faire !
Mme Claire Marais-Beuil
J’ai respecté votre choix ; respectez le mien. C’est mon choix, c’est ma vie, c’est ce que j’ai vécu. Je respecte votre expérience ; respectez la nôtre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit également.)
Mme Sandrine Rousseau
Franchement, c’est dégueulasse !
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour un rappel au règlement.
M. Charles Sitzenstuhl
Je me fonde sur l’article 70, alinéas 3 et 5.
Assez de procès d’intention ! On vient à l’instant d’accuser les opposants au texte d’être antirépublicains. On entend depuis plusieurs jours que nous serions inhumains, indifférents à la souffrance et à la douleur des personnes. Je ne serai pas plus long : ça suffit ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Danielle Simonnet et M. Matthias Tavel
Ce que vous nous dites est bien pire !
Mme Ségolène Amiot et Mme Marie-Charlotte Garin
Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Charles Sitzenstuhl
Restons à la hauteur du débat, respectons-nous !
M. Thibault Bazin
Oui, il faut se respecter !
M. Matthias Tavel
Et vous, vous nous traitez d’assassins !
M. Charles Sitzenstuhl
Arrêtez de nous jeter l’anathème pour fuir les questions dont vous ne voulez pas débattre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, DR et UDR. – M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit également.)
Article 9 (suite)
M. le président
La parole est à M. Pierre-Yves Cadalen.
M. Pierre-Yves Cadalen
Puisque, tout à l’heure, un collègue a pris à témoin les enfants présents en tribune, je veux que ceux qui nous écoutent et qui voudraient expliquer ce texte aux enfants en comprennent bien les dispositions.
La personne qui va bénéficier de l’aide à mourir est déjà très malade et en situation de grande souffrance – souffrance qui peut également affecter ses proches, Sandrine Rousseau l’a souligné. C’est cette personne elle-même qui va décider d’engager le dispositif de l’aide à mourir ; c’est à elle qu’appartiendra la décision. Oui, nous devons respecter mutuellement les principes et les convictions morales des uns et des autres ; mais c’est précisément ce que propose le texte. Personne, bien entendu, ne sera forcé de faire usage de l’aide à mourir.
M. Thibault Bazin
Si, les pharmaciens !
M. Pierre-Yves Cadalen
Nous respectons parfaitement votre point de vue ; mais admettez que ce texte ouvre, dans notre pays, une liberté nouvelle. Le dispositif qu’il crée doit être pris pour ce qu’il est, précisément : un droit nouveau, qui offre la possibilité d’un choix. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
M. Cyrille Isaac-Sibille
Voilà, c’est une loi libérale !
M. Pierre-Yves Cadalen
Il incarne la République, celle des droits politiques. Monsieur Isaac-Sibille – regardez-moi puisque vous me répondez ! (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR) –, comme vous parliez, tout à l’heure, de la mort naturelle, je vais vous citer l’évêque Bossuet. Cela fera écho à une petite blague qui avait été faite plus tôt dans la semaine, et réjouira monseigneur Juvin ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) Allons, cela le fait rire lui-même, ce n’est pas méchant ! (Sourires.)
M. Thibault Bazin
Le sujet ne prête pas à rire !
M. Emeric Salmon
Ce n’est pas possible !
M. Pierre-Yves Cadalen
Bossuet, dans un texte…
M. Dominique Potier, M. Alexandre Allegret-Pilot et M. Gérault Verny
La honte !
M. le président
Merci de conclure, cher collègue !
M. Pierre-Yves Cadalen
Je vais conclure par une citation qui permet d’éclairer les débats :… (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro de l’orateur.)
M. le président
Je vous invite à éviter les prises à partie personnelles.
La parole est à Mme Camille Galliard-Minier.
Mme Camille Galliard-Minier
Depuis tout à l’heure, on parle de la disposition qui consiste, dans l’intérêt des personnes recourant à l’aide à mourir, à considérer que leur mort est réputée naturelle. Différents collègues, dont certains se disent avocats, comme M. de Lépinau, ont pris la parole pour affirmer…
M. Hervé de Lépinau
Je ne me dis pas avocat, je suis avocat !
Mme Camille Galliard-Minier
Je suis également avocate.
Ils ont affirmé qu’il s’agirait d’un concept juridique complètement nouveau, inédit dans notre droit. Je voudrais rappeler que la théorie des fictions juridiques existe depuis le droit romain ; elle n’est donc en rien nouvelle, c’est un concept qu’on trouve dans tous les bons dictionnaires juridiques, notamment celui de Gérard Cornu. Ce procédé technique consiste pour le législateur à créer un fait qui est, en effet, contraire à la réalité en vue de produire des effets juridiques.
On peut citer l’exemple de l’infans conceptus : pour bénéficier d’une succession, l’enfant doit être né vivant et viable ; lorsque, malheureusement, le père décède durant la grossesse de sa femme, l’enfant, n’étant pas né vivant et viable, ne devrait normalement pas pouvoir lui succéder. Grâce à la fiction de l’infans conceptus, on va considérer qu’il lui succédera malgré tout lorsqu’il naîtra, alors même qu’il n’était pas né au moment où son père est décédé. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Un autre exemple beaucoup plus simple est fourni par la théorie des immeubles par destination : lorsque vous achetez une maison avec une bibliothèque, celle-ci, bien qu’étant un meuble, vous revient avec la maison dès lors qu’elle est considérée comme un immeuble par destination. (M. François Cormier-Bouligeon applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme Blandine Brocard.
Mme Danielle Simonnet
Ce n’est pas un orateur pour, un contre ?
M. le président
Non, c’est un orateur par groupe.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je croyais que c’était deux pour, deux contre !
M. le président
Je rappelle la règle du jeu : sur des amendements de suppression, depuis le début de l’examen de ce texte, on admet l’expression d’un orateur par groupe ; pour les autres amendements, on revient à un pour, un contre ; et lorsqu’il s’agit d’une discussion commune, deux pour, deux contre. Madame Brocard, je vous avais donné la parole.
M. Laurent Jacobelli
C’est ça aussi, la République, madame Simonnet !
Mme Blandine Brocard
L’article 9 décrit les conditions de l’administration de la substance létale. Le vocabulaire utilisé est froid, glacial même, alors qu’on parle des moments les plus durs et les plus profonds que chacun sera amené à vivre. L’article 9 passe tout en revue, dans les moindres détails, comme le texte le fait pour tout le reste. On organise – autre terme beaucoup utilisé – la mort sous couvert de fin de vie apaisée. Pourquoi ne serions-nous pas aussi méticuleux, aussi précis dans nos efforts pour accompagner les patients, pour leur permettre de continuer leur vie jusqu’au bout ?
Mme Ségolène Amiot
C’était l’objet du texte précédent, consacré aux soins palliatifs !
Mme Blandine Brocard
Chers collègues, je vous écoute ; merci de m’écouter également !
Ma seconde interrogation concerne l’alinéa 8, selon lequel une mort provoquée équivaut à une mort naturelle. On franchit là un gouffre anthropologique ; c’est un renversement total, abyssal, terrifiant. Les mots ont un sens. Les termes « droit à l’aide à mourir », plutôt que « fin de vie », sont d’ailleurs aussi problématiques. Personnellement, je veux aider à vivre ; par ailleurs, j’insiste, ce n’est pas un droit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – MM. Dominique Potier et Patrick Hetzel applaudissent également.)
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je voterai contre les amendements de suppression. J’ai besoin d’entendre les opposants au texte sur ce jour important qu’est celui de l’administration de la substance létale. Vos critiques m’aident dans ma réflexion sur cette question. (M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit.) Depuis ce matin, notre débat se dégrade, et c’est très désagréable.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Exactement !
M. Yannick Monnet
Nous en sommes tous comptables, quels que soient les bancs où l’on siège. D’une certaine manière, nous faisons le même cheminement qu’une personne qui sollicite l’aide à mourir : plus on s’approche du moment décisif, plus les options se resserrent et les échanges se tendent. Nous devrions prendre un peu de recul et de hauteur pour retrouver un débat apaisé où s’exprimeront les voix favorables et très favorables au texte, les voix opposées et très opposées, ainsi que les voix du milieu. Essayons d’avancer dans la réflexion ; sinon, la fin du débat sera exécrable, et ce n’est pas souhaitable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS. – MM. Gérard Leseul, Dominique Potier et Cyrille Isaac-Sibille applaudissent également.)
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Je voterai contre la suppression de l’article 9 qui permet d’avancer dans la procédure. Je m’interroge toutefois sur la pertinence de l’alinéa 3 qui dispose que le médecin ou l’infirmier « [v]érifie que la personne confirme qu’elle veut procéder ou faire procéder à l’administration ». À partir du moment où nous avons voté la règle de l’autoadministration, cette disposition n’a plus lieu d’être et devrait être supprimée – ce travail reviendra au Sénat.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Il y a un amendement en ce sens !
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Tant mieux !
Par ailleurs, puisque la volonté de mourir doit être réitérée jusqu’au bout, y compris au moment de l’autoadministration du produit, c’est donc le professionnel de santé présent – médecin ou infirmier – qui détiendra la substance létale, et ce sera à lui de la ramener à la pharmacie. Cette éventualité a ainsi été prévue.
M. le président
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Le groupe UDR votera pour les amendements de suppression.
D’abord, on l’a rappelé, les mots ont un sens : l’euthanasie ne constitue pas une mort naturelle, on ne peut pas accepter ce terme. Ce point est fondamental, voter cette disposition me semblerait délirant.
Autre élément tout aussi délirant : alors qu’il s’agit de vie et de mort, le processus ne fait l’objet d’aucun contrôle du juge, qui est pourtant le garant des libertés – même si ce n’est pas une liberté, mais un droit que vous cherchez à créer. (M. Gérault Verny applaudit.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 61, 1156, 1345, 1665, 2280 et 2374.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 135
Nombre de suffrages exprimés 135
Majorité absolue 68
Pour l’adoption 50
Contre 85
(Les amendements identiques nos 61, 1156, 1345, 1665, 2280 et 2374 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Les amendements nos 2378 rectifié de Mme Brigitte Barèges et 228 de Mme Marie-France Lorho sont défendus.
(Les amendements nos 2378 rectifié et 228, repoussés par la commission et le gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq, pour soutenir l’amendement no 417.
Mme Geneviève Darrieussecq
J’insiste à nouveau sur le caractère volontaire de la démarche du médecin, qui me semble encore plus important dans cette phase décisive de l’aide à mourir qu’est l’administration de la substance létale. Je connais les réponses qu’on va me donner, mais je tiens à redire que cet adjectif rassurerait les professionnels de santé, dans leur ensemble, et éviterait la division des équipes – ma grande préoccupation. (M. Philippe Juvin applaudit.)
J’entends comment nous vivons, tous et toutes, l’examen de cette proposition de loi. On parle beaucoup des cas particuliers, personnels ; les interventions sont chargées d’émotion – je sais à quel point c’est important quand on vit des choses difficiles. Cependant, nous devons nous extraire complètement de cet état d’esprit : pour voter cette loi sociétale, nous devons voir plus haut et plus loin que les cas particuliers. Ce sera essentiel pour nos débats. (Mmes Blandine Brocard, Nicole Le Peih et Joséphine Missoffe applaudissent.) Je vous remercie de vous respecter les uns les autres, et d’en rester à ce débat sociétal qu’on attend de nous.
(L’amendement no 417, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l’amendement no 578.
Mme Annie Vidal
Je serai brève, puisque cet amendement tendant à remplacer le verbe « accompagner » par « assister » aux alinéas 2 et 9 a en quelque sorte déjà reçu un avis défavorable.
Je profite en revanche de ce temps de parole pour rappeler qu’il n’y a pas ici de députés qui seraient plus républicains que les autres. Au cours des travaux, les uns et les autres réfléchissent et, suivant leurs convictions, arrêtent une position sur ce texte – ces positions sont toutes respectables.
Sans cautionner la façon dont le débat s’est un peu dégradé ce matin, force est de constater que toutes les démarches des députés opposés au texte – pour qu’il soit réécrit, pour qu’il soit applicable ou pour se prémunir d’éventuelles dérives – ont été vaines : aucun de nos amendements n’a été adopté.
M. Philippe Vigier
Ce n’est pas vrai !
Mme Annie Vidal
Il n’y a pas de meilleurs républicains que les autres, seulement des gens qui ont différentes convictions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Sur l’amendement no 1833, je suis saisi par le groupe UDR d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Plusieurs amendements déposés par des députés opposés au texte ont été adoptés dans l’hémicycle, par exemple sur l’autoadministration. Il n’est donc pas vrai qu’aucun d’entre eux ne l’aurait été.
D’autre part, nous nous sommes battus pour qu’existe un droit opposable aux soins palliatifs – j’entends ce qui a été dit à ce sujet –, tout comme nous nous battons à présent pour instaurer un droit à l’aide à mourir. Cela fait partie de la définition du terme « liberté » : posséder son corps, en rester le maître jusqu’au dernier instant. Voilà ce que nous défendons dans cet hémicycle, je vous demande à votre tour de l’entendre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. – Mme Marie-Noëlle Battistel applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. le rapporteur.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Il me semble important de rappeler qu’à ce stade du débat, cinquante-trois amendements ont été adoptés, ce qui apporte la preuve que les travaux que nous conduisons…
Plusieurs députés du groupe RN
Sur combien ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Cinquante-trois ont été adoptés. Or j’entends dire qu’aucun amendement n’aurait été adopté ou pris en compte,…
M. Thierry Tesson
Ça fait 2 % !
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
…quand cinquante-trois l’ont été depuis le début de nos discussions.
M. Emeric Salmon
Aucun n’a reçu d’avis favorable ; au mieux, vous vous en êtes remis à la sagesse de l’Assemblée !
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
J’entends les réactions des uns et des autres – j’ai moi-même longtemps été députée. Elles sont normales : quand on dépose un amendement, c’est par définition que l’on souhaite le défendre et ainsi améliorer le texte qui vous est soumis. C’est le sens même de la discussion dans l’hémicycle. Nous pouvons tous convenir qu’un travail a été accompli en commission, que tout le monde respecte. Reste que si ce travail se double d’un examen en séance, c’est pour que nos discussions puissent faire évoluer le texte si nécessaire.
Voici l’état d’esprit dans lequel nous devons travailler : il faut écouter les uns et les autres, sans oublier que nous n’en sommes qu’à la première lecture à l’Assemblée nationale ; qu’en cas d’adoption, le texte sera ensuite examiné, en première lecture, par le Sénat ; qu’il reviendra ensuite, en deuxième lecture, à l’Assemblée ; avant un dernier examen au Sénat. Nous sommes au début d’un parcours législatif très long, et c’est heureux puisqu’il s’agit d’un texte qui nécessite de la réflexion. Telle est la raison pour laquelle j’estime important que les amendements puissent être déposés, défendus et soumis au vote. Cela fait la force de la représentation nationale.
M. Jean-Paul Mattei
Très bien !
(L’amendement no 578 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour soutenir l’amendement no 1833.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Contrairement à ce qui a été dit précédemment, imposer à autrui de s’administrer une substance létale ou de se la faire administrer n’est pas une liberté.
Mme Julie Laernoes
Mais personne n’impose rien, c’est un choix !
M. Alexandre Allegret-Pilot
On parle ici de la création d’un droit – les mots ont un sens, chers collègues, surtout quand on prétend écrire la loi.
Je fais miens les propos de Mme Vidal : nous avons l’impression de prêcher dans le désert.
Mme Danielle Simonnet
Ce n’est pas une question religieuse : il n’y a rien à prêcher !
M. Alexandre Allegret-Pilot
Nous ne cessons d’alerter, en vain, mais nous n’abandonnerons pas !
Cet amendement vise à instaurer un contrôle de la part du juge, afin de s’assurer a priori que la procédure est effectivement respectée, que le consentement est bien libre et éclairé avant l’acte mortel. C’est une demande minimale – et la énième.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1833.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 128
Nombre de suffrages exprimés 122
Majorité absolue 62
Pour l’adoption 44
Contre 78
(L’amendement no 1833 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 62 et 2540, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 62.
M. Patrick Hetzel
Cet amendement tend à compléter l’alinéa 3 de l’article 9, en précisant que l’on « vérifie que la personne confirme qu’elle veut procéder à l’administration » jusqu’au dernier moment. Maintenir cette vigilance jusqu’à la dernière étape, jusqu’à l’injection ou à l’ingestion de la substance létale, constitue à mes yeux une exigence éthique.
M. le président
L’amendement no 2540 de M. Philippe Juvin est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Ce que les amendements visent à instaurer correspond très exactement à la procédure prévue. Je vous renvoie à l’alinéa 3 : la personne chargée d’administrer la substance « vérifie que la personne confirme qu’elle veut procéder ou faire procéder à l’administration ». Ils sont donc satisfaits. Je formule une demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Nous ne sommes pas d’accord avec votre analyse, monsieur le rapporteur. Nous demandons que la vérification se poursuive jusqu’à la perte de conscience. Cela veut dire qu’au moment d’injecter, le praticien vérifie une dernière fois – j’ai déposé un autre amendement visant à préciser les modalités de cette vérification.
Au moment de mettre en place la sédation profonde et continue prévue par la loi Claeys-Leonetti, certaines équipes sont convenues de demander une ultime confirmation avant d’appuyer sur le bouton de la seringue électrique.
(Les amendements nos 62 et 2540, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 229 de Mme Marie-France Lorho est défendu.
(L’amendement no 229, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 111.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Cet amendement vise à s’assurer que le consentement est bien libre et éclairé. Comme l’a dit Mme la ministre, il faut vérifier jusqu’au dernier moment. Hier, nous avons adopté un amendement qui permet que la date d’administration soit fixée jusqu’à trois mois après la décision. Il est donc important de vérifier que la personne dispose toujours de son libre arbitre et qu’elle consent de manière libre et éclairée.
(L’amendement no 111, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Nicole Le Peih, pour soutenir l’amendement no 587.
Mme Nicole Le Peih
Le présent amendement a pour objet de clarifier la nature de la confirmation requise. Il s’agit d’affirmer avec force que le consentement de la personne concernée ne peut être qu’explicite, clair et dénué de toute ambiguïté. Pour cela, il tend à compléter l’alinéa 3 en insérant les mots « par un accord exprès » après « confirme », afin de garantir que l’accord est donné en pleine connaissance de cause et qu’il ne peut être présumé, sur le fondement d’un comportement sujet à interprétation ou d’un silence équivoque. En effet, un consentement tacite ou implicite ne saurait suffire dans un tel contexte.
La précision participe d’une logique de respect absolu de la volonté individuelle et répond à une exigence fondamentale en matière de droits et de libertés. Elle renforce la sécurité juridique en protégeant tant les personnes concernées que les professionnels chargés de recueillir leur consentement.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Madame Le Peih, vous souhaitez préciser que la personne confirme sa volonté en donnant un accord exprès. Nous avons débattu à plusieurs reprises des modalités de confirmation, dont l’article 13 – que nous examinerons prochainement – prévoit que la forme et le contenu spécifiques seront précisés par décret en Conseil d’État, comme vous le savez.
Concernant l’ultime confirmation, il ne me semble pas pertinent d’en spécifier les modalités. L’autoadministration étant la règle – aux termes de l’article 2 –, l’acte même vaudra confirmation du consentement. Je comprends le sens de votre amendement, madame, mais la notion qu’il tend à introduire ne me semble pas pertinente dans un dispositif qui répond déjà à votre souhait légitime.
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je comprends parfaitement ce que Mme Le Peih cherche à promouvoir. Toutefois, la mise en œuvre de l’aide à mourir implique le suivi d’une procédure fixée dans la loi, ce qui donne des garanties aussi bien au demandeur qu’au soignant concerné. La proposition de loi prévoit que le professionnel qui accompagne la personne vérifie le jour même le caractère libre et éclairé de sa volonté et qu’il met immédiatement fin à la procédure s’il constate que la condition relative au consentement libre et éclairé n’est pas satisfaite.
Comme le rapporteur général vient de le rappeler, un décret pris en Conseil d’État nous donnera l’occasion de le réaffirmer, mais je tenais à le dire devant vous, de façon que cela figure dans le compte rendu de nos débats.
À ce stade, votre amendement me semble satisfait. Je vous adresse donc une demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
(L’amendement no 587 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 1062 de M. Thomas Ménagé est défendu.
(L’amendement no 1062, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1377 et 1920.
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 1377.
M. Nicolas Sansu
Cet amendement tend à apporter une simple précision, équivalente à celle que nous avions apportée à l’article 5, afin de garantir que le patient puisse confirmer « oralement, par écrit ou par tout mode d’expression possible » son souhait de recourir à l’aide à mourir.
M. le président
L’amendement no 1920 de M. Yannick Monnet est défendu.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Avis défavorable également.
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1377 et 1920.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 120
Nombre de suffrages exprimés 115
Majorité absolue 58
Pour l’adoption 47
Contre 68
(Les amendements identiques nos 1377 et 1920 ne sont pas adoptés.)
2064
La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour soutenir l’amendement no 2064.
M. Cyrille Isaac-Sibille
Il s’agit d’un amendement de coordination. Comme l’a souligné notre collègue Firmin Le Bodo, nous avons fait en sorte que l’administration du produit létal ne puisse pas être déléguée. En conséquence, l’amendement tend à supprimer les expressions renvoyant à cette possibilité.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
On pourrait en effet considérer que c’est un amendement de coordination, compte tenu de l’adoption, à l’article 2, de l’amendement no 2650 du gouvernement par lequel, à la suite de longs débats, nous avons rétabli la priorité donnée à l’autoadministration. Nous examinerons tout de suite après un autre amendement – je pensais qu’ils seraient en discussion commune –,…
Mme Catherine Vautrin, ministre
Oui, le Bazin !
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
…celui de M. Bazin, qui dit à peu près la même chose mais dont la rédaction nous semble plus adaptée à la situation.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Oui, je préfère celui de M. Bazin !
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
C’est la raison pour laquelle je vous demande de retirer votre amendement, au profit de celui de M. Bazin, auquel je serai favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
J’ai exactement le même avis que M. le rapporteur.
(L’amendement no 2064 est retiré.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 1666 et 2371, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1666.
M. Thibault Bazin
À l’article 2, nous avons rétabli ce qui est appelé « l’exception euthanasique », principe qui avait été supprimé en commission. Je propose donc, par cohérence, à l’alinéa 3 de l’article 9, de préciser que l’administration de la substance létale par un tiers soignant n’est possible que dans le cas où la personne « n’est pas en capacité physique » de procéder elle-même à cette administration.
Lors de votre audition devant la commission des affaires sociales, l’année dernière, vous aviez dit, madame la ministre, qu’il fallait que ce soit une loi d’exception. Un tel acte a des implications majeures pour le tiers soignant : on ne peut pas laisser au patient le libre choix de le faire participer aussi activement si ce n’est pas nécessaire. C’est un point essentiel que nous devons prendre en considération.
M. le président
L’amendement no 2371 de M. François Gernigon est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Favorable au no 1666 de M. Bazin ; défavorable au no 2371.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis : demande de retrait du no 2371, au profit du no 1666 de M. Bazin.
(L’amendement no 1666 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 2371, 284 et 2054 tombent.)
M. le président
L’amendement no 440 de Mme Justine Gruet est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Sagesse.
(L’amendement no 440 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. René Pilato, pour soutenir l’amendement no 2373.
M. René Pilato
Il va permettre de voir si cette assemblée est cohérente, et si vous êtes prêts à bien écouter ce qui est proposé pour voter en toute honnêteté. L’alinéa 3 prévoit que, le jour de l’administration de la substance létale, le médecin ou l’infirmier « vérifie que la personne confirme qu’elle veut procéder ou faire procéder à l’administration ». L’amendement vise à compléter l’alinéa, en précisant qu’il « veille à ce qu’elle ne subisse aucune pression de la part des personnes qui l’accompagnent pour procéder ou renoncer à l’administration. »
Nous en avons parlé, c’est la personne elle-même qui demande l’aide à mourir, pour mettre fin à des souffrances réfractaires. Au bout de la procédure, lorsqu’elle arrive à l’instant ultime, il faut aussi que le médecin ou l’infirmier veille à ce qu’elle ne subisse aucune pression, dans un sens ou dans l’autre. Nous allons donc voir, chers collègues, si vous êtes capables de respecter la volonté exprimée par la personne jusqu’au dernier moment. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Thomas Ménagé
On l’est !
M. Hervé de Lépinau
Nous ne sommes pas sectaires, nous !
M. Thierry Tesson
Nous sommes de braves gens !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Je dois avouer que vous m’avez convaincu, monsieur Pilato. (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je comptais m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée, parce que je trouvais qu’une telle précision n’était pas forcément nécessaire, mais vos arguments ont emporté ma conviction ainsi que celle de mon collègue Delautrette. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je me permets de vous lire l’alinéa en question, parce que je trouve cette proposition très intéressante. En l’état de la rédaction, le médecin ou l’infirmier « vérifie que la personne confirme qu’elle veut procéder ou faire procéder à l’administration ». M. Pilato souhaite préciser qu’il veille en outre « à ce qu’elle ne subisse aucune pression de la part des personnes qui l’accompagnent pour procéder ou renoncer à l’administration. » Avis favorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Cet amendement permettra d’atténuer un peu les effets de la saillie mélenchonienne qui s’est fait entendre tout à l’heure sur les bancs de l’extrême gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme Élise Leboucher, rapporteure et Mme Nathalie Oziol
Ce n’est pas à la hauteur !
Mme Danielle Simonnet
Un peu de sérénité, s’il vous plaît !
M. Hervé de Lépinau
La République, c’est nous tous ! Nous allons voter cet amendement, parce que la grande différence entre vous et nous, c’est que nous ne sommes pas sectaires ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) À partir du moment où des amendements vont dans le bon sens, nous les votons. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. Matthias Tavel
Ce n’est pas de notre faute si vous n’allez jamais dans le bon sens !
M. le président
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Je comprends la volonté d’encadrer le dispositif et de s’assurer qu’aucune pression n’est exercée sur le patient, mais je ne sais pas si c’est le rôle du médecin que de vérifier cela. C’est ce qui me gêne un peu, mais je pense tout de même qu’il n’est pas inutile d’introduire cette précision. On sait qu’en général, ces contrôles se font malheureusement plutôt a posteriori. Nous voterons l’amendement pour garantir l’équilibre du texte.
M. le président
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
Je vais moi aussi voter cet amendement car, à chaque fois que nous avons l’occasion de préciser qu’aucune pression ne doit s’exercer sur la personne qui prend une telle décision, j’y suis favorable.
Je voudrais tout de même ajouter qu’il n’était pas très élégant, lors de la présentation de votre amendement, de suggérer que nos votes n’ont pas été honnêtes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
M. Thomas Ménagé
Eh oui !
Mme Annie Vidal
Pendant tout l’examen du texte, j’ai lu attentivement chaque amendement ; j’ai voté ceux dont je considérais qu’ils apportaient quelque chose au texte, sans tenir compte du groupe politique auxquels appartenaient leurs auteurs.
M. Thibault Bazin
Moi aussi !
M. Thomas Ménagé
Regardez-vous dans une glace !
Mme Annie Vidal
À ce stade du débat, je vous prie donc d’éviter ce genre d’insinuation. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs des groupes EPR, DR et HOR.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
En toute logique, nous allons évidemment voter l’amendement de notre collègue Pilato.
M. Hadrien Clouet
Excellent !
M. Philippe Juvin
Il faudra probablement aussi voter son pendant, à savoir l’amendement no 2541 que je défendrai un peu plus tard. (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.) M. Pilato dit qu’il faut vérifier qu’aucune pression ne s’exerce sur le patient ; je souhaite ajouter pour ma part qu’il faut vérifier que « son discernement n’est pas altéré ».
M. Maxime Laisney
Ça, c’est déjà dans le texte !
M. Philippe Juvin
Il est tout à fait indispensable que cet équilibre soit garanti.
M. Thibault Bazin
Très bien !
M. Thierry Tesson
Vont-ils le voter ?
(L’amendement no 2373 est adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement no 662.
Mme Sandrine Runel
Face à tant de concorde sur l’amendement précédent, je nourris un certain espoir concernant celui-ci ! (Sourires.)
M. Philippe Juvin
Faut pas s’emballer !
Mme Sandrine Runel
J’espère donc que vous lui réserverez le même sort.
M. Emeric Salmon
Non, non !
Mme Sandrine Runel
Cet amendement, comme les nos 663 et 2366 que nous examinerons ensuite, vise à rendre valide le témoignage de la personne de confiance le jour de l’administration de la substance létale, au moment où le médecin vérifie une dernière fois la volonté de la personne d’aller au bout du processus, dans le cas où une maladie altère gravement son discernement. La personne de confiance qui aura été désignée dans les directives anticipées pourra donc confirmer auprès du médecin que la personne qui a demandé l’aide à mourir souhaite bien se voir administrer la substance létale.
Cette ultime vérification nous paraît essentielle, parce qu’il nous semble injustifiable qu’une personne malade étant arrivée à ce stade ultime de sa démarche et de la procédure, et ayant déjà exprimé à plusieurs reprises sa volonté de la mener à son terme, se voie refuser l’accès à l’aide à mourir uniquement parce qu’elle n’est plus en état de le confirmer une dernière fois, juste avant l’administration de la substance. Étant donné les maladies qui sont concernées, cela pourrait évidemment arriver.
L’amendement vise donc à sécuriser la procédure en lui permettant d’aller à son terme, grâce à la prise en considération des directives anticipées datant de moins d’un an. Nous espérons qu’il sera adopté, ce qui permettra aux personnes concernées d’en bénéficier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Nous avons eu l’occasion de donner des avis favorables à plusieurs de vos amendements au cours du débat, mais pour le coup, je serai défavorable à celui-ci.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Oui !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Pour la trente-deuxième fois – j’ai fait le compte –, je vous réponds que je ne suis pas favorable à l’introduction des directives anticipées dans ce texte. En cohérence avec tous les avis défavorables que j’ai émis sur ce sujet auparavant, je vous demande de retirer l’amendement ; à défaut, j’inviterai les collègues à voter contre.
M. Philippe Vigier
Très bien !
Mme Sandrine Runel
C’est dommage !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Nous sommes évidemment de l’avis de Mme la ministre et de M. le rapporteur général, pour les raisons qui ont été évoquées, mais je veux souligner un point essentiel. Vous proposez de tenir compte de directives anticipées datant de moins d’un an – dans l’amendement que vous venez de défendre – voire de moins de deux ans – dans celui de Mme Battistel : c’est une preuve supplémentaire de ce que nous disons depuis le début, à savoir que le texte concerne des patients qui peuvent vivre plusieurs années, en l’occurrence jusqu’à deux ans – c’est ce que vous écrivez.
Mme Ségolène Amiot
Ça n’a rien à voir ! On parle de directives anticipées !
M. Philippe Juvin
Encore une fois, ce n’est pas une loi sur la fin de vie : elle pourra s’appliquer à des patients qui auraient encore deux ans à vivre. La preuve en est que vous l’écrivez dans votre amendement, et je vous en remercie !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Il ne faut pas exagérer : ça n’a rien à voir.
M. le président
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Je précise qu’il s’agit ici de la validité de directives anticipées. Monsieur Juvin, ce que vous dites n’est pas exact : vous faites comme si ces gens auraient pu vivre encore deux ans, mais il s’agit de la durée de validité des directives anticipées qu’ils ont rédigées en amont !
Mme Sophie Taillé-Polian
Sans être malades !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Bien sûr !
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Vous extrapolez !
Mme Julie Laernoes
On peut très bien avoir rédigé des directives anticipées mais n’être confronté à la situation que vingt ans après, sans même se souvenir les avoir rédigées. Il importe donc de vérifier qu’elles ont été renouvelées dans le contexte de la maladie. Ne tronquez pas le débat avec des arguments qui n’en sont pas ! Vous êtes visiblement à court d’arguments.
(L’amendement no 662 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi des deux amendements no 663 de Mme Julie Laernoes et 2366 de Mme Marie-Noëlle Battistel, qui peuvent être soumis à une discussion commune.
Ces deux amendements sont défendus.
(Les amendements nos 663 et 2366, repoussés par la commission et le gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Michel Lauzzana, pour soutenir l’amendement no 2145.
M. Michel Lauzzana
Nous avons déjà longuement débattu des directives anticipées, et leur introduction dans le texte a été rejetée à plusieurs reprises. Je ne veux pas alourdir les débats : je retire mon amendement.
M. Philippe Vigier
Très bien !
(L’amendement no 2145 est retiré.)
M. le président
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public : sur l’amendement no 2541, par le groupe Droite républicaine : sur les amendements identiques nos 698 et 1828, par le groupe UDR.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l’amendement no 2206.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Je veux insister sur cet amendement, d’autant qu’il n’est plus question ici des directives anticipées : il n’équivaut donc pas à ceux que nous venons de défendre, même s’il témoigne lui aussi de notre attachement au respect de la volonté du patient et de son ultime liberté.
Il vise à introduire la possibilité, pour le patient, d’ajouter dans son dossier médical, au moment du dépôt de sa demande, une mention écrite confirmant sa volonté d’accéder à l’aide à mourir et précisant qu’en cas d’aggravation soudaine de son état au cours de la procédure, elle souhaite voir celle-ci se poursuivre sans être tenue d’exprimer une dernière fois son consentement. En apposant cette mention signée, dans son dossier médical, dès qu’elle demande d’accéder à l’aide à mourir, la personne peut ainsi renoncer à la dernière réitération de sa volonté. Une telle possibilité existe dans certains pays et je crois que cet amendement pourrait faire consensus.
M. Emeric Salmon
Non !
Mme Marie-Noëlle Battistel
Dans le cas où la procédure arrive à son terme, si la personne a elle-même exprimé cette volonté en l’inscrivant dans son dossier médical, nous nous devons de la respecter.
(L’amendement no 2206, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2541.
M. Philippe Juvin
Je reprends l’argumentation utilisée par M. Pilato lorsqu’il a défendu il y a un instant son excellent amendement visant à s’assurer de l’absence de toute pression sur la personne, dans quelque sens que ce soit. J’ai très logiquement voté pour son amendement, comme chacun d’entre nous d’ailleurs. Dans le même esprit, il convient de vérifier jusqu’au dernier moment que le discernement du patient n’est pas altéré, pour les raisons que M. Pilato lui-même a invoquées. Le vote de mon amendement témoignera donc de la bonne volonté des uns et des autres.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Votre demande est satisfaite. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2541.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 118
Nombre de suffrages exprimés 116
Majorité absolue 59
Pour l’adoption 44
Contre 72
(L’amendement no 2541 n’est pas adopté.)
M. Emeric Salmon et M. Hervé de Lépinau
Voilà, la démonstration est faite !
M. Hervé de Lépinau
Incroyable !
M. le président
La parole est à Mme Lisette Pollet, pour soutenir l’amendement no 1949.
Mme Lisette Pollet
Nous demandons la suppression pure et simple de l’alinéa 4, selon lequel le médecin ou l’infirmier est chargé, le cas échéant, de préparer l’administration de la substance létale destinée à provoquer la mort. Il s’agit d’une question morale et éthique majeure. Le fait d’envisager que le médecin puisse administrer cette substance entre déjà en contradiction avec le cœur même de sa mission, qui est de soigner, d’accompagner et de protéger la vie. Qu’on lui demande de surcroît d’en assurer la préparation revient à lui faire porter l’entière responsabilité du processus létal, du début à la fin.
Nous y voyons le glissement insidieux vers une instrumentalisation du corps médical. Lui imposer une telle tâche, c’est nier là encore sa conscience professionnelle et piétiner une nouvelle fois le serment d’Hippocrate ; c’est risquer de briser le lien de confiance entre les soignants et les patients. Il est déjà contestable que la société fasse peser cette charge morale sur le personnel médical. En l’occurrence, une ligne rouge est franchie : ce n’est pas au médecin de fabriquer le poison et encore moins de l’administrer.
(L’amendement no 1949, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de quatre amendements, nos 698 de Mme Anne-Laure Blin, 1828 de M. Alexandre Allegret-Pilot, 856 de M. Patrick Hetzel et 2012 de M. Vincent Trébuchet, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 698 et 1828 sont identiques, ainsi que les amendements nos 856 et 2012.
Tout ces amendements sont défendus.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable.
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 698 et 1828.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 122
Nombre de suffrages exprimés 119
Majorité absolue 60
Pour l’adoption 43
Contre 76
(Les amendements identiques nos 698 et 1828 ne sont pas adoptés.)
(Les amendements identiques nos 856 et 2012 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Matthieu Bloch, pour soutenir l’amendement no 435.
M. Matthieu Bloch
Il vise à préciser l’alinéa 5 en ajoutant les mots « si elle y consent », afin de protéger les professionnels de santé. Imaginons en effet le cas d’un professionnel qui serait d’accord pour préparer la substance létale et surveiller les opérations, mais pas pour l’administrer. Même si l’on débattra plus loin de la clause de conscience, il est important de rappeler le nécessaire consentement du professionnel de santé à cette étape de la procédure. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDR et RN.)
(L’amendement no 435, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Les amendements identiques nos 441 de Mme Justine Gruet et 2584 de M. Philippe Juvin sont défendus.
(Les amendements identiques nos 441 et 2584, repoussés par la commission et le gouvernement, ne sont pas adoptés.)
M. le président
L’amendement no 2544 de M. Philippe Juvin est défendu.
(L’amendement no 2544, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Nous en venons à l’amendement no 2622 de M. Philippe Juvin, sur lequel je suis saisi d’une demande de scrutin public par le groupe Rassemblement national.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement est défendu.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable.
M. le président
Avec votre accord, nous n’attendons pas les cinq minutes réglementaires.
Je mets aux voix l’amendement no 2622.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 125
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l’adoption 48
Contre 75
(L’amendement no 2622 n’est pas adopté.)
M. le président
L’amendement no 2546 de M. Philippe Juvin est défendu.
(L’amendement no 2546, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 1471, 1667 et 280, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Matthias Renault, pour soutenir l’amendement no 1471.
M. Matthias Renault
Je propose que, lorsque le demandeur d’euthanasie ou de suicide assisté demande un report de la date de l’administration de la substance létale, l’intégralité de la procédure soit considérée comme caduque. En cas de demande de report, il existe en effet un doute raisonnable sur la volonté de la personne d’aller au bout de la démarche.
Dans les pays où seul le suicide assisté est légalisé, comme en Autriche ou dans certains États des États-Unis, et dans lesquels le service proposé se limite à la mise à disposition d’une substance létale, entre un tiers et la moitié des personnes qui vont chercher le produit en pharmacie renoncent à aller au bout. C’est pourquoi, à partir du moment où quelqu’un demande un report de son rendez-vous, on peut considérer qu’il existe un doute quant à sa volonté d’aller jusqu’à l’administration du produit. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1667.
M. Thibault Bazin
Relisons l’alinéa 6 : « Si la personne qui a confirmé sa volonté demande un report de l’administration de la substance étale, le professionnel de santé suspend la procédure et convient d’une nouvelle date [….] ». Cette rédaction nous pousse à nous interroger. À tout le moins, nous pourrions remplacer « convient » par « peut convenir ». En effet, ne doit-on pas considérer une demande de report de l’administration de la substance létale comme le signal implicite sinon d’un doute sérieux, du moins d’un mal-être ou d’un questionnement ? La demande de report de cet acte, qui n’est pas anodin, ne doit-elle pas retenir notre attention ?
De plus, la rédaction choisie suppose une forme d’automaticité : la date est reportée et il faudrait aussitôt convenir d’une autre. Ne pourrait-on pas retirer ce caractère automatique ? J’ai déposé plusieurs amendements sur ce sujet. Peut-être celui-ci est-il un peu trop brutal pour vous, parce que je propose de mettre fin à la procédure en cas de demande de report par le patient. Mais j’en défendrai un autre qui propose de remplacer « convient » par « peut convenir ». Vous voyez, je suis très constructif !
M. le président
L’amendement no 280 de Mme Sylvie Bonnet est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Stéphane Delautrette
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je suis défavorable à cette série d’amendements, mais je donnerai un avis favorable à un amendement ultérieur de Mme Vidal, le no 556, qui tend à insérer au même alinéa 6 la mention « à la demande du patient ». Il est de nature à vous satisfaire : il prévoit que c’est bien le patient qui demande de fixer une nouvelle date.
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. Thibault Bazin
Vous auriez pu prendre le mien, c’est le même !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Pas tout à fait ! (Sourires.)
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je prends au bond les propos de Mme la ministre. Compte tenu de la volonté que vous exprimez – si je la comprends bien –, je me demande si le gouvernement n’aurait pas dû déposer un amendement de réécriture de l’alinéa 6 de l’article 9.
Faisons un peu de légistique. L’alinéa 2 de l’article 7 – nous en avons débattu hier – dispose que « la personne convient de la date à laquelle elle souhaite procéder à l’administration de la substance létale ». Le sujet de la phrase est donc « la personne » – même si, nous en avons parlé, elle n’est plus seule, puisqu’un médecin ou un infirmier a été désigné pour l’accompagner. Or, à l’alinéa 6 de l’article 9, on change le sujet de la phrase : c’est cette fois le professionnel de santé qui convient d’une nouvelle date. J’ai compris que l’amendement de Mme Vidal permettrait de faire mention du patient mais, pour clarifier la procédure et mettre en cohérence les deux formulations, il conviendrait de réécrire cet alinéa.
M. Thibault Bazin
Voire la proposition de la loi pour la XVIIIe législature ! (Sourires.)
M. Charles Sitzenstuhl
Je suggère donc, madame la ministre, que le gouvernement dépose un amendement en ce sens.
M. le président
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
Je veux modérer les arguments que je viens d’entendre. Quand la personne qui souffre beaucoup arrive au moment ultime, elle peut demander un report afin de laisser à sa famille – qui a pu avoir un contretemps – le temps d’arriver pour l’assister et l’accompagner jusqu’au bout. Ce n’est pas forcément parce qu’elle doute,…
M. Emeric Salmon
Peut-être que c’est pour ça aussi !
M. René Pilato
…ce n’est pas nécessairement le signe qu’elle va renoncer, c’est simplement parce qu’elle va accepter de tenir un peu plus longtemps, pour que tout soit réuni.
M. Laurent Jacobelli
On n’en sait rien, en fait !
M. le président
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Je m’interroge sur ce que donnera la rédaction de l’alinéa 6 si nous adoptons l’amendement no 556 de Mme Vidal. Alors que l’alinéa débute par « Si la personne qui a confirmé sa volonté demande un report… », nous nous apprêtons à ajouter un peu plus loin « à la demande du patient ». Je me demande si tout cela ne devient pas illisible et si cet ajout n’est pas superfétatoire.
M. Charles Sitzenstuhl
Il faut réécrire l’alinéa !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Delautrette
Il est important de prendre le temps d’examiner et de sécuriser la procédure.
M. Thibault Bazin
Oui !
M. Stéphane Delautrette
J’entends ce que vous dites, madame Dubré-Chirat. On peut effectivement considérer qu’il faut améliorer la rédaction, mais cela pourra se faire à la faveur de la navette parlementaire.
M. Thibault Bazin
Oui, les sénateurs aiment beaucoup corriger les députés ! (Sourires.)
M. Stéphane Delautrette
Le rapporteur général et moi sommes du même avis que le gouvernement : il est opportun de préciser, comme le propose Mme Vidal, que le professionnel de santé convient d’une nouvelle date « à la demande de la personne ». Nous tiendrons ainsi compte des différents avis exprimés dans cette assemblée. Quand bien même la rédaction serait à parfaire, je préfère cette option à la suppression de l’alinéa, que certains seront peut-être tentés de demander sous prétexte que la procédure ne serait pas assez précise. Il ne faudrait pas supprimer du texte la possibilité de programmer une nouvelle date.
C’est la raison pour laquelle nous invitons les collègues à soutenir l’amendement no 556 de Mme Vidal et à retirer les amendements concurrents. Je le redis, il sera possible de revoir la rédaction de l’alinéa dans le cadre de la navette, mais la précision apportée par cet amendement me semble un élément utile à la compréhension de notre intention.
(Les amendements nos 1471, 1667 et 280, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Sur les amendements identiques nos 63, 541, 1067, 2446 et 2542, je suis saisi par le groupe Droite républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 528 de M. Eric Liégeon est défendu.
(L’amendement no 528, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 63, 541, 1067, 2446 et 2542.
L’amendement no 63 de M. Patrick Hetzel est défendu.
La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l’amendement no 541.
Mme Annie Vidal
Cet amendement no 541 vise à supprimer la dernière partie de la phrase, c’est-à-dire les mots « et convient d’une nouvelle date dans les conditions prévues à l’article L. 1111-12-5 », tandis que le no 556 – que je défends également – tend à préciser que, lorsque le médecin convient d’une nouvelle date, c’est bien « à la demande du patient »
Dans les deux cas, il me paraît important de souligner que la demande de report du patient – fût-elle causée par un événement lié à la famille – peut traduire un doute conscient ou inconscient quant au fait de conduire la procédure à son terme. Le fait de convenir immédiatement d’une nouvelle date, si ce n’est pas la demande du patient, pourrait être considéré comme une forme de pression exercée sur celui-ci. J’ai déposé ces deux amendements au nom de la liberté du patient et de la non-directivité requise dans une telle situation. Le gouvernement et les rapporteurs étant favorable à l’amendement no 556, je retire à son profit le présent amendement no 541.
(L’amendement no 541 est retiré.)
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 1067.
M. Dominique Potier
Il serait aberrant, alors que nous cherchons à préserver la liberté absolue du patient, que l’on puisse mette des entraves à l’exercice de son discernement jusqu’au bout. Je retire mon amendement au profit du no 556 de Mme Vidal, qui apporte une précision bienvenue.
(L’amendement no 1067 est retiré.)
M. le président
L’amendement no 2446 de M. Éric Michoux est défendu.
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2542.
M. Philippe Juvin
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec votre analyse, madame Vidal. Le fait que le professionnel de santé convienne d’une nouvelle date, comme le prévoit l’alinéa 6, pose deux problèmes. D’abord, le patient demande peut-être un report de l’injection parce qu’il n’en veut plus du tout.
Mme Ségolène Amiot
Il a droit de dire non, dans ce cas !
M. Philippe Juvin
Il n’y a donc pas à convenir d’une nouvelle date. Ne sous-estimez pas la pression induite par une simple procédure ! Pourquoi convenir d’une date si la personne dit « je ne veux plus » ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Ségolène Amiot
Ce n’est pas la question !
M. Philippe Juvin
Laissez-moi parler ! Ils sont fatigants…
Mme Ségolène Amiot
Vous dites n’importe quoi !
M. Philippe Juvin
Il convient donc de voter le présent amendement pour supprimer les mots « et convient d’une nouvelle date […] ».
Ensuite, quand bien même nous adopterions l’amendement no 556 de Mme Vidal introduisant la mention « à la demande du patient », la rédaction de l’alinéa ne correspondrait toujours pas à celle de l’article 7, où nous avons précisé que c’est la personne – pas le professionnel de santé – qui convient de la date.
M. Philippe Vigier
Il a raison.
M. Philippe Juvin
Tel qu’il est rédigé, l’alinéa induit un double enfermement du patient : s’il ne veut plus, on lui impose une date ; s’il veut toujours, c’est encore le médecin qui fixe la date. Même avec votre amendement, madame Vidal, on revient sur le principe posé à l’article 7.
M. le président
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur les amendements nos 230, 556, 1669, 1668 et 1846, par le groupe UDR ; sur les amendements identiques nos 520 et 555, par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements no 63 et identiques ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je n’ai nullement l’intention de faire des procès d’intention aux uns ou aux autres,…
M. Stéphane Delautrette
J’espère bien !
M. Charles Sitzenstuhl
…mais j’appelle votre attention sur la qualité de la disposition que nous nous apprêtons à voter. Le rapporteur a lui-même reconnu qu’il y avait un problème dans la rédaction de l’alinéa 6 et a renvoyé à la navette parlementaire. Chers collègues, voulons-nous vraiment voter un alinéa mal rédigé, sachant qu’il resterait de mauvaise qualité même après avoir été modifié par l’amendement de Mme Vidal ?
J’ai soulevé un problème de fond et Philippe Juvin l’a souligné : dans cet alinéa, le sujet de la phrase est « le professionnel de santé », alors que dans l’alinéa 2 de l’article 7, le sujet de la phrase est « la personne ». (Mme Blandine Brocard acquiesce.) Il y a là une vraie contradiction, qui brouille la philosophie du texte. C’est pourquoi, madame la ministre, je réitère ma demande : il serait sage que le gouvernement réécrive l’alinéa 6 par voie d’amendement, car l’amendement no 556 ne suffira pas à résoudre la difficulté. Il n’y va pas seulement de la qualité de la loi : cette rédaction pourrait ouvrir une brèche, créer une insécurité juridique.
Par parenthèse, nous démontrons une nouvelle fois qu’il y a de nombreuses imperfections dans le texte, alors qu’on nous affirme que tout est cadré et que les boulons sont parfaitement serrés ! Madame la ministre, je suggère – c’est d’ailleurs peut-être dans l’intérêt du gouvernement – que la séance soit suspendue quelques minutes afin que vous proposiez une réécriture de l’alinéa. (Exclamations sur quelques bancs.)
Mme Marie-Noëlle Battistel
Oh non, ça va !
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Au risque de choquer, je vais revenir au contenu réel du texte. La disposition que nous examinons est simple : si la personne demande un report de l’aide à mourir, on lui propose une nouvelle date.
M. Charles Sitzenstuhl
Le médecin et non la personne elle-même !
M. Hadrien Clouet
Je suis en train de vous répondre ! Cette procédure me semble normale.
M. Laurent Jacobelli
Non !
M. Hadrien Clouet
Quelle serait la solution alternative ? La personne demanderait un report mais on ne lui proposerait pas de nouvelle date ? Quelle idée formidable ! Ou alors : la personne ne demanderait pas de report, mais on lui proposerait quand même une nouvelle date ? Cela n’a pas de sens !
Il faut être cohérent. Au reste, les amendements présentés n’ont pas de rapport avec cette disposition. J’entends des collègues soutenir que, si le patient demande à annuler ou à suspendre, il ne faut pas lui proposer une nouvelle date : je suis bien d’accord, mais ce n’est pas le sujet de l’alinéa ! On peut aussi parler d’un autre texte ou d’articles imaginaires, si vous voulez !
En l’occurrence, il ne s’agit que de la demande de report du patient, laquelle est formulée soit parce que ses proches n’ont pas pu venir, soit parce qu’il a besoin d’un temps de réflexion supplémentaire ; il est alors normal de le lui accorder, mais il faut tout de même lui proposer une nouvelle date, sinon le risque est qu’il ne demande pas ce temps de réflexion supplémentaire. En effet, si la personne n’est pas sûre de pouvoir accéder ultérieurement à l’aide à mourir, elle pourrait renoncer à demander le report.
Ainsi, ces amendements qui visent théoriquement à repousser l’aide à mourir dans le temps risquent en réalité d’accélérer la procédure : dès lors que les personnes n’auront pas la certitude de pouvoir y recourir ultérieurement, elles seront tentées d’abdiquer leur délai de réflexion. Bref, vous entretenez une grande confusion avec vos amendements hors sujet.
Monsieur Sitzenstuhl, vous souteniez à l’instant que, si des amendements de ce type n’étaient pas votés, vous ne pourriez pas voter le texte dans son ensemble.
M. Charles Sitzenstuhl
N’importe quoi, je n’ai pas dit ça !
M. Hadrien Clouet
Si, vous avez dit que cela vous empêcherait de voter ! Comme je doute que vous le votiez de toute façon, à l’instar de nombreux autres collègues, un tel argument ne risque pas d’emporter mon adhésion…
Mme Marie-Noëlle Battistel
On peut passer au vote des amendements ?
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
À moins que quelque chose ne m’échappe, nous parviendrons avec l’amendement no 556 de Mme Vidal à une rédaction claire et précise : « Si la personne qui a confirmé sa volonté demande un report de l’administration de la substance létale, le professionnel de santé suspend la procédure et, à la demande du patient, convient d’une nouvelle date […] ». Pour ma part, très sincèrement, je ne vois pas de problème d’écriture.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Il n’y a en effet rien de dramatique !
M. Charles Sitzenstuhl
Si, c’est mal écrit par rapport à l’article 7 !
M. René Pilato
Il fallait proposer une réécriture complète, collègue !
M. Yannick Monnet
Je trouve l’alinéa 6 très bien écrit et très clair ainsi.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Si la personne demande le report, ne faut-il pas reprendre la procédure dans son ensemble, pour fixer une nouvelle date ? C’est ce que prévoit l’alinéa 6 de l’article 10. En principe, il ne peut s’agir uniquement de prévoir une nouvelle date d’administration de la substance létale.
D’autre part, comment le report est-il pris en compte dans l’ancienneté de la demande ? Puisqu’il faut recommencer à zéro au bout d’un an,…
M. Yannick Monnet
Non, trois mois !
Mme Sandrine Dogor-Such
…quelle date faut-il retenir pour le calcul de ce délai d’un an ? La date prévue initialement ou la nouvelle date ?
J’ajoute que convenir d’une nouvelle date peut être incitatif : c’est une forme de pression qui maintient la personne dans sa demande initiale, alors même qu’elle est dans un moment de particulière vulnérabilité. Un patient change très souvent d’avis : s’il n’est pas tenu compte de cette ambivalence, la démarche du soignant devient incitative, et le patient se retrouve enfermé dans sa demande initiale. Or faire marche arrière, changer d’avis sera d’autant plus difficile à mesure que l’état du patient s’aggrave.
Bref, comme vous le voyez, de nombreuses questions se posent à propos de cette possibilité de report, qui n’existe même pas dans la loi belge ! La procédure telle qu’elle est prévue risque fort de contraindre l’expression de la volonté du patient au moment où ses forces diminuent. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Delautrette, rapporteur.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Je vais tenter de répondre, à supposer que j’aie bien compris les problèmes que l’alinéa semble poser à Mme Dogor-Such. En ce qui concerne les modalités de la fixation d’une nouvelle date, je vous renvoie à l’article 7 : la personne convient de la date à laquelle elle souhaite procéder à l’administration de la substance létale avec le médecin ou l’infirmier qui va l’accompagner. La procédure reste la même, rien n’a changé.
Vous évoquez aussi la question des délais. Là encore, je vous renvoie à l’article 7, qui apporte toutes les garanties : s’il s’avérait que le report de la date entraîne un dépassement du délai de trois mois après la notification de la décision favorable – et non plus d’un an, puisque l’amendement no 2652 rectifié du gouvernement a été adopté à l’article 7 –, alors le processus d’évaluation de la volonté libre et éclairée de la personne serait relancé.
Enfin, monsieur Sitzenstuhl, je ne peux pas vous laisser dire que nous nous apprêtons à envoyer dans la navette un texte écrit avec les pieds ! C’est bien ce que vous nous dites, au demeurant depuis le début de l’examen du texte.
M. Charles Sitzenstuhl
Je n’ai pas dit ça ! Pourquoi me prêter des mots que je n’ai pas employés ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
J’ai effectivement dit que l’on pouvait parfaire la rédaction, la rendre plus cohérente : par exemple, si l’on emploie les mots « patient » et « personne » dans un même alinéa ou un même paragraphe, il faut peut-être choisir l’un des deux. En tout cas, quoi que vous en disiez, nous veillons à adopter des dispositions bien écrites, quand bien même nous ne sommes pas d’accord sur leur contenu.
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 63, 2446 et 2542.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 144
Nombre de suffrages exprimés 142
Majorité absolue 72
Pour l’adoption 55
Contre 87
(Les amendements identiques nos 63, 2446 et 2542 ne sont pas adoptés.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour un rappel au règlement.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Je vais en prendre pour mon grade !
M. Charles Sitzenstuhl
Je le formule sur le fondement de l’article 70, alinéa 3. Monsieur le rapporteur, pourquoi une telle intervention ? Je n’ai pas utilisé les termes que vous employez !
M. Hervé de Lépinau
Exactement !
M. Charles Sitzenstuhl
Il y a quelques jours, nous avons été plusieurs à appeler de nos vœux une certaine éthique du débat. Ce que vous venez de faire n’est pas conforme à l’idée que je m’en fais.
M. Hervé de Lépinau
En tant que rapporteur, c’est intolérable !
M. Charles Sitzenstuhl
J’argumente sur les plans sémantique et juridique, je discute du fond – je note d’ailleurs que le gouvernement ne m’a pas répondu –, et vous utilisez quant à vous des termes qui vont au-delà de ce que j’ai dit – tant dans la forme que du point de vue symbolique, notamment par leur brutalité. Ce n’est pas une manière de procéder. (M. Gérault Verny applaudit.)
Mme Marie-Noëlle Battistel et Mme Danielle Simonnet
Avançons !
Article 9 (suite)
M. le président
L’amendement no 230 de Mme Marie-France Lorho est défendu.
Je mets aux voix cet amendement no 230.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 142
Nombre de suffrages exprimés 131
Majorité absolue 66
Pour l’adoption 46
Contre 85
(L’amendement no 230 n’est pas adopté.)
M. le président
Nous en venons à l’amendement no 556, que Mme Vidal a déjà défendu et sur lequel la commission et le gouvernement ont donné un avis favorable.
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Je comprends la philosophie de l’amendement de Mme Vidal. S’il nous fait avancer dans le bon sens en redonnant une place au patient dans la procédure, il ignore, en persistant dans l’idée qu’il faudrait fixer une nouvelle date, le cas où le patient demanderait un report parce qu’il ne veut plus.
Quoique l’amendement soit bien écrit, il ne règle pas le problème ; d’une certaine manière, il le confirme. On dira au patient, qui interrompt la procédure parce qu’il ne veut plus,…
Mme Élise Leboucher, rapporteure
Non, il s’agit d’un report !
M. Philippe Juvin
…qu’il faut convenir d’une nouvelle date.
Mme Danielle Simonnet
C’est à la demande du patient !
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je suis très étonné du silence du gouvernement.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Ça va !
M. Charles Sitzenstuhl
Nous avons mis en avant un problème de rédaction, posé plusieurs questions et formulé des propositions ; le gouvernement ne répond pas. Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous ne déposez pas un amendement de réécriture ? Manifestement, il y a du flottement autour de cet alinéa 6. (M. Gérault Verny applaudit.)
Mme Marie-Noëlle Battistel
On en a déjà discuté vingt fois !
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Ce n’est pas parce qu’on évoque des choses qu’elles existent : je ne vois pas de flottement !
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Merci !
M. Yannick Monnet
Cher collègue Juvin, vous soulevez un problème qui ne se pose pas. L’alinéa prévoit qu’il y a un report si la personne le demande ; donc, si elle ne le demande pas, il n’y aura pas de report. C’est aussi simple que ça. (M. Gérard Leseul applaudit.)
M. Philippe Juvin
Il y a une pression intrinsèque à la procédure !
M. Yannick Monnet
Il n’y a pas de pression. La rédaction de cet alinéa est très claire.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
M. Charles Sitzenstuhl
Ah !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Monsieur Sitzenstuhl, je m’en tiendrai strictement aux faits : la précision que vise à apporter l’amendement de Mme Vidal soulignera la nécessité de se montrer très vigilant au consentement du patient. C’est précisément ce que nous souhaitons à cette étape de la procédure.
De nombreux parlementaires présents ont demandé que nous fassions preuve d’écoute à l’égard de leurs propositions et que nous acceptions leurs amendements : cela fait partie du débat. Vous-même avez déposé des amendements et êtes heureux quand l’un d’entre eux est adopté. En l’espèce, il s’agit d’un amendement de Mme Vidal, qui correspond à une idée précise des parlementaires qui souhaitent le voter. Il est bon qu’il conserve le nom de Mme Vidal. Pendant la navette, au Sénat ou en deuxième lecture, nous aurons largement le temps de réécrire cette disposition si cela s’avère nécessaire.
M. Charles Sitzenstuhl
Très bien. C’est dit, madame la ministre, merci !
M. le président
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès Firmin Le Bodo
Je voterai en faveur de l’amendement de Mme Vidal. Cependant, je comprends qu’il y aura, dans l’alinéa amendé, un problème de syntaxe. C’est bien le professionnel de santé qui suspend la procédure et convient d’une nouvelle date. Mais plutôt que de préciser qu’il convient de cette date « à la demande du patient », il faudrait peut-être écrire qu’il le fait « avec l’accord du patient ». Cette formulation paraît plus adaptée et plus consensuelle.
Mme Élise Leboucher, rapporteure
Oui, c’est une bonne idée !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 556.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 143
Nombre de suffrages exprimés 134
Majorité absolue 68
Pour l’adoption 89
Contre 45
(L’amendement no 556 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1669.
M. Thibault Bazin
Comme l’a souligné Charles Sitzenstuhl, la formule « et convient d’une nouvelle date » est problématique. D’ailleurs, Cyrille Isaac-Sibille pose depuis plusieurs jours cette question : qui demande et qui décide ?
Tel que l’alinéa 6 est rédigé, si le patient demande un report, le professionnel de santé suspend la procédure. Attention, chers collègues : le médecin ou l’infirmier présent pour administrer la substance létale n’est pas nécessairement celui qui a évalué la situation du patient, vérifié s’il remplissait les critères et donné l’accord à sa demande.
Dès lors, plusieurs questions se posent : comment interpréter la demande de report ? Est-ce un changement de la demande ? Cela remet-il en question le consentement libre et éclairé du patient ? On peut penser qu’elle signifie : je ne le demande plus, ou en tout cas pas aujourd’hui, mais peut-être demain ou après-demain. Cependant, qui est capable de le dire ?
Je le répète, le professionnel de santé présent n’est pas celui qui a instruit la demande. C’est pourquoi cet amendement tend à préciser que « si la personne le souhaite, [le professionnel de santé] réexamine sa demande initiale ». En effet, la demande de report n’est pas anodine.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Monsieur Bazin, vous demandez que le professionnel de santé réexamine la demande initiale du patient avec un psychologue ou un neurologue. Or, hier, vous avez voté contre l’amendement du gouvernement qui prévoyait, au début de la procédure, une consultation supplémentaire, celle d’un psychiatre ou d’un neurologue.
M. Thibault Bazin
Parce que nous voulions que cette consultation soit systématique !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Ne me demandez donc pas, à ce stade, de prévoir l’intervention d’un psychologue ou d’un neurologue ! (Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Ayda Hadizadeh et M. Philippe Vigier applaudissent.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Madame la ministre, nous souhaitions, vous le savez très bien, que l’intervention d’un psychiatre soit obligatoire. Et vous l’avez refusé. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1669.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 142
Nombre de suffrages exprimés 140
Majorité absolue 71
Pour l’adoption 55
Contre 85
(L’amendement no 1669 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 1668, 520 et 555, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 520 et 555 sont identiques.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1668.
M. Thibault Bazin
L’alinéa 6 est crucial. Vous avez vous-mêmes insisté sur la nécessité que la volonté du patient soit réitérée et que son consentement soit libre et éclairé. Cela doit l’être jusqu’au dernier instant, y compris au moment où l’on s’apprête à administrer la substance en vue de donner intentionnellement la mort. Si, à ce moment-là, la personne dit « non, pas maintenant, pas aujourd’hui », il ne me paraît pas souhaitable de prévoir de façon aussi ferme que l’on convient d’une nouvelle date, même si c’est à la demande du patient. Cela donnerait un caractère entraînant à la procédure, qui deviendrait comme un tuyau duquel on ne peut plus s’extraire.
Pour y remédier, l’amendement tend à remplacer « convient » par « peut convenir »et à compléter l’alinéa par les mots « si la personne le demande expressément ». Certes, nous avons adopté le très bon amendement no 556 de Mme Vidal, mais cela ne suffit pas.
L’acte en question n’a rien d’anodin ; il concerne la personne dans son ensemble et, parce qu’il se situe à la frontière entre la vie et la mort, ne saurait être réduit à un geste technique. L’amendement de M. Pilato que l’Assemblée a adopté hier, malgré notre opposition, n’a fait que renforcer mon inquiétude : la personne qui n’aurait plus les moyens d’exprimer sa volonté oralement pourrait le faire par d’autres moyens, et le silence vaudrait consentement. Jusqu’où va-t-on ? Je ne suis pas sûr que le texte réunisse toutes les conditions pour assurer, jusqu’au terme de la procédure, le respect tant vanté du caractère libre de la volonté du patient. Quant au professionnel de santé présent, il doit pouvoir réagir de manière adaptée en cas de demande de report, sachant qu’il n’a pas évalué la situation du patient ni instruit la demande.
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 520.
M. Philippe Juvin
Dans l’Oregon, où le suicide assisté a été légalisé, les gens se rendent à la pharmacie pour acheter la pilule qui leur permettra de mourir, puis ils rentrent chez eux pour l’avaler. Or, dans 40 % des cas, ils décident finalement de ne pas ingérer cette pilule, parce que le fait d’avoir accès à une telle procédure les a rassurés ou parce qu’ils ont hésité au dernier moment.
On peut imaginer que, de la même manière, au terme de la procédure que nous élaborons, des personnes renonceront. Je me suis abstenu sur l’amendement no 556 de Mme Vidal. En revanche, les trois amendements que Mme Vidal, M. Bazin et moi présentons ici ont un intérêt : ils tendent à diminuer la pression d’une procédure qui, telle qu’elle est actuellement prévue, pousse le patient à fixer une autre date, comme s’il était dans un entonnoir.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Ce n’est pas du tout ce que prévoit le texte !
M. Philippe Juvin
Je ne comprends pas ce que vous perdez à écrire « peut convenir » au lieu de « convient » !
M. le président
La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l’amendement no 555.
Mme Annie Vidal
Cet amendement est complémentaire de mon amendement no 556 adopté précédemment. S’il était adopté à son tour, l’alinéa 6 serait rédigé comme suit : « Si la personne qui a confirmé sa volonté demande un report de l’administration de la substance létale, le professionnel de santé suspend la procédure et, à la demande du patient, peut convenir d’une nouvelle date […] ».
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable.
M. Laurent Jacobelli
Pourquoi ?
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Modifié par l’amendement no 556 de Mme Vidal, que je trouve particulièrement pertinent, l’alinéa 6 est clair et bien écrit. Même s’il est vrai qu’il est difficile d’imaginer exactement comment les choses se passeront, nul besoin d’en rajouter : cela ne ferait que complexifier et alourdir le texte. D’autant que la formule « peut convenir » me paraît plus contraignante que la rédaction actuelle.
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Mme Vidal a déposé les amendements no 556 et no 555 ; de toute évidence, elle souhaitait combiner les deux !
Ceux-là mêmes qui appellent à prendre en compte le patient et affirment que sa volonté doit primer refusent nos amendements qui vont précisément dans ce sens ; c’est assez troublant. Certains aiment pointer des contradictions dans ce que nous défendons ; en l’espèce, force est de constater que les contradictions sont du côté de ceux qui s’opposent à ces amendements.
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Ces amendements produiront l’effet inverse de celui escompté par leurs auteurs.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Exactement !
M. Yannick Monnet
Nous avons adopté l’amendement no 556 de Mme Vidal. Or, si l’on adopte l’un de ces amendements, le professionnel de santé pourra faire ce qu’il veut, quelle que soit la demande du patient. Autrement dit, le patient disparaîtra de l’alinéa, alors que l’amendement no 556 lui avait fait une place.
M. Philippe Vigier
Eh oui !
M. Yannick Monnet
Lisez la phrase que l’on obtiendrait : « à la demande du patient, peut convenir d’une nouvelle date ». Donc, si le patient le demande, le professionnel de santé n’est pas tenu d’accepter !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Eh oui !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1668.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 142
Nombre de suffrages exprimés 109
Majorité absolue 55
Pour l’adoption 24
Contre 85
(L’amendement no 1668 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 520 et 555.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 141
Nombre de suffrages exprimés 124
Majorité absolue 63
Pour l’adoption 37
Contre 87
(Les amendements identiques nos 520 et 555 ne sont pas adoptés.)
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------