Première séance du mardi 10 juin 2025
- Présidence de Mme Nadège Abomangoli
- 1. Questions orales sans débat
- Programme Aval du futur
- Centre des finances publiques de l’Argonne à Paris
- Électrification de l’industrie automobile
- Chambres d’hôtes
- Filière de l’imprimerie
- Projet de zone de mouillage et d’équipements légers de Porquerolles
- Marnières en Normandie
- Plateforme Inspira
- Parc de loisirs en Provence
- Pêche professionnelle en eau douce
- Islamisme politique
- Sécurité dans le Puy-de-Dôme
- Usurpation d’identité
- Maison d’arrêt de Carcassonne
- Tribunal pour enfants d’Évreux
- Prime en faveur des agents des établissements pénitentiaires de haute sécurité
- Coopération judiciaire entre la France et l’Espagne
- Fonctionnaires originaires des collectivités d’outre-mer
- Prise en charge de la dépendance dans le Cher
- Gynécologie médicale
- Accès au très haut débit à La Treille
- Aérodrome de la Salmagne
- Transports frigorifiques le week-end
- RER E
- Titre de transport unique
- Attribution des logements sociaux
- Enseignement de l’allemand
- Enseignement en milieu rural
- Enseignement privé à but lucratif
- Instituts médico-éducatifs
- Hôpital pédiatrique universitaire Lenval de Nice
- Covid long
- Allocation de rentrée scolaire pour les pupilles de l’État
- Prédation du loup
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1. Questions orales sans débat
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions orales sans débat.
Programme Aval du futur
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Travert, pour exposer sa question, no 353, relative au programme Aval du futur.
M. Stéphane Travert
Je souhaite appeler votre attention sur le programme Aval du futur et sur son impact pour le territoire de la Manche. Il y a un peu plus d’un an, à La Hague, dans le département de la Manche, le gouvernement annonçait, par l’intermédiaire du ministre de l’économie, le lancement du programme Aval du futur par le groupe Orano.
Ce chantier d’ampleur, à l’échelle tant nationale qu’européenne, vise à moderniser les installations de traitement et de recyclage des combustibles nucléaires usés en France d’ici 2040-2050. Ce projet s’inscrit dans le cadre de la relance de la filière nucléaire française, aux côtés des nouveaux réacteurs de type EPR 2, et constitue une réponse stratégique pour notre souveraineté énergétique nationale, dans un contexte de tensions internationales – guerre en Ukraine et dépendance aux énergies fossiles.
Pour le territoire de la Manche et en particulier pour le Cotentin, ce programme engendrera de nombreuses transformations : la création d’une nouvelle usine de traitement des combustibles usés, la construction d’une usine de fabrication de mox dès les années 2040 ainsi que de nouvelles infrastructures de stockage et de traitement, dont un bâtiment de 6 700 mètres carrés à Cherbourg. Le programme constitue donc une vraie chance pour la Manche et le Cotentin, mais il va aussi confronter ce territoire à plusieurs défis, à commencer par celui de la formation et du recrutement. En effet, la nécessité de créer des formations adaptées pour préparer la main-d’œuvre locale et attirer les talents requis devient un enjeu majeur.
La création de près de 10 000 nouveaux emplois pose également un défi en matière de logement. L’arrivée de ces nouveaux travailleurs va accentuer la demande de logements dans les zones proches des sites de production, notamment dans le Cotentin – à Valognes, La Hague ou Cherbourg. Il est donc essentiel de garantir une offre de logements suffisante pour accueillir ces salariés dans un secteur qui est déjà sous pression.
Enfin, la question de la mobilité – y compris les mobilités douces – reste cruciale, notamment en ce qui concerne l’accès aux sites industriels. L’expérience des chantiers d’EDF à Flamanville pourrait être utile.
Ainsi, quelles mesures concrètes le gouvernement entend-il prendre pour accompagner les collectivités de la Manche face à ces défis essentiels, afin d’assurer le succès de ce programme et de renforcer la compétitivité de notre territoire ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Je vous remercie de m’interroger sur un élément essentiel de notre souveraineté énergétique, le grand programme Aval du futur, qui va notamment se déployer à La Hague. Annoncé par le gouvernement début 2024, il porte sur l’aval du cycle du combustible ; vous l’avez dit, c’est un projet particulièrement structurant de notre politique énergétique. Il vise à pérenniser les infrastructures actuelles mais aussi à construire de nouvelles piscines d’entreposage et les installations de traitement associées, ainsi qu’un nouvel atelier pour la fabrication de combustible mox.
À ce stade de la planification du projet, il est anticipé que, dès l’année 2026, soit l’année prochaine, environ 1 000 travailleurs seront spécifiquement mobilisés pour la préparation des terrains visés par ces opérations sur le site de l’usine de La Hague, afin de procéder au déplacement et au démantèlement d’installations qui y sont situées. S’ensuivra une montée en charge progressive : 2 000 personnes environ travailleront sur le chantier entre 2030 et 2035, et le pic d’activité, estimé à 10 000 travailleurs, se situera entre 2037 et 2040.
Comme vous l’indiquez, les enjeux de ce programme sont significatifs pour le territoire. Il faut mobiliser des terrains, recruter et former, améliorer les infrastructures de mobilité et aussi loger les travailleurs venus d’ailleurs, tout cela en garantissant l’acceptabilité sociale du projet.
Le gouvernement a donc demandé au préfet, en lien avec les collectivités, de réaliser un diagnostic des besoins en infrastructures, en aménagements, en foncier et en compétences suscités par ce projet déterminant. Ce diagnostic doit également identifier ce à quoi le territoire peut déjà répondre afin de clarifier les enjeux liés à la préparation territoriale des prochaines années, avant même que soit coulé le premier béton de la nouvelle usine.
À partir de ce diagnostic attendu dans les prochains mois, nous serons en mesure d’élaborer, avec les collectivités, un programme d’actions concertées et adaptées, qui permettra de mener à bien les investissements et les aménagements nécessaires, qu’il s’agisse d’infrastructures, de services ou de logements. Vous le voyez, nous voulons que ce projet réussisse et qu’il soit bénéfique au territoire concerné.
Centre des finances publiques de l’Argonne à Paris
Mme la présidente
La parole est à Mme Sarah Legrain, pour exposer sa question, no 365, relative au centre des finances publiques de l’Argonne à Paris.
Mme Sarah Legrain
Je suis élue dans le 19e arrondissement de Paris, le plus populaire de la capitale. Il est à cette heure doté d’un seul centre des finances publiques, celui de la place de l’Argonne. Ses agentes et agents sont actuellement mobilisés en intersyndicale pour refuser la fermeture annoncée de ce centre, sacrifié comme tant d’autres sur l’autel du bien mal nommé « nouveau réseau de proximité » des finances publiques.
Cette réforme n’a de proximité que son intitulé puisque, depuis son lancement, tout ce que l’on constate, ce sont des fermetures. Sur les vingt-cinq centres existants dans tout Paris en 2021, il ne devrait en rester que douze en 2028, soit même pas un par arrondissement. Le 19e arrondissement compte plus de 180 000 habitants, soit plus que Reims, Le Havre ou Dijon ; imagineriez-vous priver ces villes de centres des finances publiques ?
Quelle est la justification de ces fermetures ? Il fallait « désintoxiquer les usagers de l’accueil », selon les mots d’un ancien directeur régional des finances publiques. Depuis 2010, les effectifs parisiens de la DGFIP – direction générale des finances publiques – ont été réduits de près de 40 %. Les postes supprimés sont principalement ceux de fonctionnaires des catégories C et B, c’est-à-dire celles et ceux qui sont en contact direct avec le public.
Or ce public du nord-est parisien est précisément celui qui a le plus besoin de services publics. En effet, le centre de l’Argonne n’est pas fréquenté par les gens qui paient des fiscalistes ou des comptables pour s’occuper de leurs affaires ! Il l’est par une population fragile, par des personnes qui ont besoin d’un accompagnement personnel parce que le système fiscal leur est étranger ou complexe, parce que les documents ne sont pas rédigés dans leur langue natale, parce qu’elles ne maîtrisent pas bien l’informatique et subissent cette fameuse « fracture numérique » dont parle la Défenseure des droits, ou parce que leurs questions et leur situation ne rentrent pas dans les cases toutes faites d’un formulaire en ligne.
C’est cette population que vous voulez priver d’un accueil de proximité pourtant essentiel. Cette fermeture est l’aboutissement d’une politique de réduction des horaires d’ouverture et de dématérialisation, qui mène à une maltraitance double : non seulement l’accueil correct du public est rendu impossible, mais s’ensuit aussi une perte de sens pour les agents engagés au quotidien, au service de la population et du recouvrement de l’impôt, indispensable au bon fonctionnement des politiques publiques.
Plus largement, la fermeture du centre de l’Argonne met en lumière un démantèlement des services publics qui va à rebours des besoins et des aspirations de la population, à rebours de ce qui avait été décidé ici même, dans l’hémicycle, en novembre 2023, avec l’adoption de la proposition de loi de ma collègue Danièle Obono, tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics.
Le 13 mai dernier, j’ai adressé un courrier cosigné par tous les députés Insoumis de Paris au ministre de l’économie et des finances, mais il est resté sans réponse à ce jour. Je vous le demande donc solennellement : comptez-vous mettre un terme à la dégradation de l’accueil du public et des conditions de travail des agents en renonçant aux fermetures annoncées, afin de garantir un accès effectif aux services publics aux habitants du 19e arrondissement et du nord-est de Paris ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Vous abordez un sujet essentiel : l’accessibilité, pour nos concitoyens, d’un service public que l’on peut même considérer comme régalien, celui des impôts. Vous l’avez dit, depuis 2019, la DGFIP a mené un important travail pour repenser ses missions, en procédant à des regroupements et en faisant œuvre de simplification afin d’être plus accessible – et pas seulement physiquement, car beaucoup de Français appellent de leurs vœux une plus grande réactivité par téléphone et par courriel.
Grâce à cette réforme et à la coopération avec le réseau France Services, le nombre de communes disposant d’un accueil de la DGFIP a augmenté de plus de 50 % par rapport à 2019, ce qui signifie que le maillage territorial est désormais beaucoup plus adapté. Notre promesse est la suivante : tous les Français auront à moins de vingt minutes de chez eux un lieu où ils pourront être accompagnés. À Paris, nous sommes en train de densifier les occupations immobilières de la DGFIP, dans un contexte de sous-occupation des locaux, ce qui permettra aussi de limiter notre empreinte carbone en évitant de chauffer des mètres carrés sous-occupés partout dans Paris.
Dans ce cadre, le site de l’Argonne fera effectivement l’objet d’une transformation : ses services seront redéployés en 2027 et 2028 vers d’autres sites, dont l’occupation sera optimisée, dans des bâtiments d’ailleurs beaucoup plus efficaces sur le plan énergétique. Le site en question est vieillissant et ne permet pas d’accueillir le public dans des conditions satisfaisantes ; la caisse régionale d’assurance maladie, qui l’occupe également, le quittera d’ailleurs elle aussi en 2027.
Le service des impôts des particuliers du 19e arrondissement sera installé à partir de 2028 sur le site de Notre-Dame-des-Victoires, dans le 2e arrondissement. Convenez que nous avons à Paris des bus, des métros et un réseau de transport en commun très dense, qui permettra d’y accéder ! Surtout, la ville dispose de treize espaces France Services qui sont implantés principalement dans les quartiers du nord et de l’est et constituent un réseau de très grande proximité.
Nous continuons par ailleurs de proposer aux mairies d’arrondissement des actions complémentaires, en particulier lors de la campagne de déclaration des revenus, qui dure deux mois et pendant laquelle nous pouvons tout à fait déployer des équipes là où les gens vivent – c’est ainsi que nous procédons dans les zones denses de nombreuses villes. Trois sites de la DRFIP – direction régionale des finances publiques – seront maintenus dans le nord de Paris : boulevard de Reims dans le 17e arrondissement, rue Eugène-Carrière dans le 18e et rue Paganini dans le 20e.
Enfin, les gens qui se rendent dans les centres des finances publiques le font souvent pour payer leurs impôts. Or tous les buralistes français sont agréés au dispositif du paiement de proximité : 471 buralistes parisiens peuvent donc accepter le paiement en numéraire ou par carte bancaire des différents impôts, amendes et factures des services publics locaux.
Je veux enfin vous dire, parce que vous m’en donnez l’occasion, que je me suis rendue à Rouen dans un service des impôts qui accueille le même type de public – parfois même plus fragile – que celui dont vous parlez, c’est-à-dire les personnes qui ont le plus besoin d’être accompagnées. J’y ai observé que la réactivité et l’adaptabilité de notre réseau sont des éléments clés pour que nous puissions apporter un service à tous les Français.
Électrification de l’industrie automobile
Mme la présidente
La parole est à M. Jérôme Nury, pour exposer sa question, no 349, relative à l’électrification de l’industrie automobile.
M. Jérôme Nury
Je souhaite alerter le gouvernement sur l’avenir du site de Forvia, situé à Messei, dans l’Orne, dans ma circonscription. Ce site, spécialisé dans la fabrication de pots d’échappement, voit son avenir compromis non pour des questions de performance industrielle ou de délocalisation, mais tout simplement à cause de la baisse voire de la disparition du marché.
Il s’agit d’une disparition programmée par des décisions abruptes et précipitées, fixées sans concertation avec les professionnels du secteur de l’automobile. L’électrification à marche forcée de toute notre flotte, imposée par l’Europe à l’horizon 2035 – c’est-à-dire demain –, a des conséquences directes sur toute la filière automobile, qui était la dernière grande industrie française présente sur nos territoires.
Nous ouvrons grand nos portes et le marché français à des constructeurs chinois qui maîtrisent mieux que nous ces nouvelles technologies et qui concurrencent directement nos constructeurs français et européens avec des modèles performants à bas coût ; mais, en plus, nous démolissons méthodiquement toute la sous-traitance automobile, qui représente de nombreux emplois et détermine les dynamiques économiques locales de nombreux bassins industriels, comme celui du bocage ornais.
Conséquence directe de ces décisions ahurissantes, la fermeture du site Forvia de Messei, annoncée par la direction il y a quelques semaines, a provoqué l’incompréhension, la colère et l’inquiétude des 109 salariés concernés et de leurs familles. Ces femmes et ces hommes qualifiés, qui ont consacré leur vie à une activité industrielle structurante pour tout le territoire, font donc les frais d’une décision idéologique, prise sans étude d’impact et relayée avec zèle par nos gouvernants, qui se sont peu préoccupés jusqu’ici de ses conséquences sur l’emploi et sur la filière automobile française.
Je me tourne donc vers le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, pour que l’État soit présent à nos côtés, à Messei, aux côtés des personnels de Forvia et des élus locaux, pour donner des perspectives non seulement à ce site industriel mais aussi à chacune et chacun des salariés qui vont subir cette fermeture.
Nous avons besoin que le gouvernement fasse preuve de persuasion auprès du groupe Forvia, afin que le plan de sauvegarde de l’emploi négocié entre la direction et les représentants du personnel permette un reclassement réel des salariés, qu’il leur permette aussi de rebondir grâce à des formations adaptées et à des prises en charge dans la durée, qui tiennent compte des situations de chacun – je pense notamment aux salariés proches de la retraite, qui ont eu des carrières longues.
Nous avons également besoin de l’État pour qu’il nous aide à donner une deuxième vie à ce site industriel d’une superficie de près de 11 hectares, où 40 000 mètres carrés de bâtiments ont accueilli jusqu’à plus de 2 000 salariés dans les années 1970. Certes, tout sera fait par Forvia pour trouver des repreneurs, jurisprudence Florange oblige, mais il va certainement falloir reconfigurer les lieux, dépolluer, démolir et réhabiliter afin d’éviter que le site ne devienne une friche industrielle.
L’accompagnement de l’État sera donc essentiel pour mobiliser l’ensemble des acteurs publics et privés. Il pourrait se concrétiser par une convention de revitalisation ambitieuse ou par l’intégration du site dans des dispositifs d’aide nationaux comme l’appel à projets « Sites clés en main France 2030 », que l’ANCT – Agence nationale de la cohésion des territoires – compte lancer dans quelques jours. Pouvons-nous compter sur le gouvernement pour ce site de Messei et pour ses salariés ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Vous appelez l’attention de mon collègue Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, sur l’accompagnement non seulement de ce site, mais, plus largement, de toute la filière des sous-traitants automobiles, dans le cadre de la transition vers le véhicule électrique.
Depuis octobre 2023, nous mettons en œuvre un plan dédié à ces sous-traitants. Il s’agit d’investir dans la filière, de favoriser sa compétitivité et sa diversification. Depuis 2020, les aides au secteur représentent un engagement de plus de 2 milliards d’euros, pour 6 milliards d’investissements consentis, Ces aides ont permis de réduire de trois à quatre ans l’âge moyen du parc de machines, qu’il convenait de moderniser, pour le rendre plus efficace et compétitif. Nous avons en outre encouragé la recherche et développement dans l’utilisation de matériaux biosourcés et la création de filières de recyclage. Plus largement, l’objectif est que la fabrication se fasse en France, des vélos électriques aux poids lourds en passant par le matériel agricole.
Par ailleurs, nous avons obtenu – c’est une très grande victoire – une révision rapide du règlement européen qui pénalisait les sous-traitants. Les flexibilités ainsi obtenues éviteront des difficultés en cascade chez les équipementiers, qui représentent la majorité des emplois de la filière.
Vous le savez, les sous-traitants ont besoin de temps : ils sont pris en tenaille entre des efforts de diversification hors de l’automobile qui n’ont pas encore complètement porté leurs fruits, des volumes de voitures électriques encore insuffisants et des commandes historiques de voitures thermiques en baisse. Résultat : les constructeurs se fournissent malheureusement de plus en plus en Chine, pour réduire les prix sans baisser leurs marges.
Nous travaillons sur cette question au niveau européen avec Stéphane Séjourné, commissaire européen à la prospérité et à la stratégie industrielle. Nous tenons à ce que les véhicules commercialisés en Europe aient un contenu local, de sorte qu’ils n’y soient pas seulement vendus, mais aussi, de plus en plus, produits. Outre l’assemblage final, la fabrication des composants doit aussi se faire en Europe, au bénéfice des sous-traitants.
Cette transition n’est pas fluide, ni parfaitement linéaire. Il peut arriver qu’il n’y ait pas d’autre solution que la restructuration. L’État est alors présent pour accompagner cette opération ainsi que la formation des salariés, tout en assurant un dialogue social de qualité. Par exemple, nous avons mobilisé des fonds importants pour la reprise de la Fonderie de Bretagne.
Dans le cas que vous évoquez, nous serons très vigilants non seulement sur l’accompagnement des salariés et de leurs familles, de sorte qu’ils puissent rebondir sur le territoire, mais aussi sur l’avenir du site, qui ne doit pas devenir une friche. Nous avons tenu il y a quelques semaines à Versailles l’édition 2025 de la réunion Choose France. L’État accompagne la transformation de tels sites industriels en sites dits clés en main. Ainsi, chaque fois qu’un industriel s’intéresse à la France, nous pouvons lui indiquer les endroits où il peut déployer rapidement son activité : ayant connu une activité industrielle comparable, ces sites sont déjà équipés et les autorisations environnementales ont déjà été accordées.
Le site que vous mentionnez pourrait tout à fait être ajouté à la liste des sites pris en mains pour les prochains investisseurs ou repreneurs, français ou étrangers, qui souhaitent étendre leur activité. J’y veillerai en lien avec le cabinet de Marc Ferracci.
Chambres d’hôtes
Mme la présidente
La parole est à M. Hubert Ott, pour exposer sa question, no 346, relative aux chambres d’hôtes.
M. Hubert Ott
Je souhaite appeler l’attention de Mme la ministre déléguée chargée du tourisme sur les difficultés croissantes rencontrées par les propriétaires de chambres d’hôtes en raison du cumul de plusieurs réformes récentes : la loi dite Le Meur du 19 novembre 2024, la baisse du seuil d’exonération de TVA et l’application de la taxe d’habitation aux résidences secondaires. L’addition de ces mesures pèse lourdement sur un secteur pourtant essentiel à l’économie touristique, en particulier dans les territoires ruraux.
La loi no 2024-1039 du 19 novembre 2024 a notamment introduit un seuil de chiffre d’affaires différencié de 77 700 euros, contre 188 700 euros auparavant, tout en réduisant l’abattement de 70 % à 50 %. Ces dispositions s’ajoutent à d’autres contraintes fiscales, administratives et sociales déjà lourdes pour les exploitants de chambres d’hôtes. En effet, ces professionnels doivent assumer seuls des charges importantes – entretien, énergie, matériel, fiscalité, cotisations sociales en constante augmentation – sans bénéficier des protections sociales accordées à d’autres professions – arrêts maladie, congés et RTT, entre autres.
Bien que les chambres d’hôtes soit souvent situées dans leur résidence principale, beaucoup de ces exploitants sont désormais redevables de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, ce qui représente dans certains cas l’équivalent d’un mois de revenus.
Selon les acteurs du secteur, près de 10 500 chambres d’hôtes risquent de disparaître dans les années à venir. Or ces établissements jouent un rôle majeur dans l’attractivité touristique, la valorisation des productions locales, le maintien du commerce de proximité et la promotion d’un accueil authentique – souvent très apprécié des visiteurs étrangers. Ils ne peuvent être comparés aux meublés de tourisme, tant leur modèle repose sur la convivialité, le service personnalisé et le lien au territoire. Le manque d’accompagnement, notamment en matière comptable et administrative, ainsi que la complexité croissante des démarches renforcent le sentiment d’injustice exprimé par les professionnels. Ceux-ci soulignent qu’à l’occasion des prochaines réformes, une concertation renforcée et une prise en compte plus fine des spécificités économiques de leurs petites structures seraient souhaitables.
Dans ce contexte, quelles mesures le gouvernement envisage-t-il afin de préserver ce secteur fragile mais stratégique ? En particulier, une révision des seuils fiscaux et de l’assiette de la taxe d’habitation est-elle envisageable ? Une concertation avec les représentants du secteur est-elle prévue pour évaluer les conséquences concrètes des réformes en cours ? J’appelle à un ajustement pragmatique de la réglementation afin de garantir la pérennité de ces établissements, essentiels au dynamisme touristique et à la vitalité de nos territoires ruraux.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Vous interrogez ma collègue Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme, sur les incidences de la loi du 19 novembre 2024 sur les chambres d’hôtes et les gîtes ruraux. Par cette loi toute récente, je le rappelle, les législateurs que vous êtes ont entendu renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale, tout en permettant aux propriétaires de continuer à valoriser leur bien grâce à des services et équipements spécifiques proposés à la clientèle. Cela passe notamment par une incitation au classement et par la reconnaissance du caractère particulier des activités de chambres d’hôtes.
Du point de vue fiscal, les chambres d’hôtes relèvent de l’article 50-0 du code général des impôts et bénéficient donc du régime dit micro-BIC, dans la limite de 77 500 euros de chiffre d’affaires, avec un abattement de 50 %. Les gîtes ruraux, quant à eux, ne sont pas définis en droit. Dès lors, ils sont considérés comme des meublés de tourisme. Néanmoins, lorsqu’ils sont classés, ils bénéficient du même régime que les chambres d’hôtes. Rappelons que, pour les meublés de tourisme non classés, l’abattement a été ramené à 30 %, dans une limite de 15 000 euros de chiffre d’affaires.
Tel est le compromis auquel avait abouti la commission mixte paritaire et que le gouvernement a soutenu. En effet, le maintien d’un abattement différencié permet précisément d’inciter au classement et favorise de ce fait le déploiement d’une offre d’hébergement de qualité. Le seuil de 77 700 euros est apparu suffisamment élevé pour tenir compte de la situation des petits propriétaires de chambres d’hôtes ou de gîtes qui recherchent un revenu d’appoint.
Enfin, les propriétaires de chambres d’hôtes ou de gîtes ruraux qui s’engagent dans l’accueil de personnes en situation de handicap – ce que l’on appelle la parahôtellerie – et supportent dès lors des charges d’un montant supérieur peuvent bénéficier d’un abattement majoré en optant pour le régime réel. Ce régime leur permet de déduire non pas un montant forfaitaire, mais le montant réel des frais engagés.
Nous sommes très soucieux de renforcer l’offre touristique, notamment dans les zones rurales. La ministre Nathalie Delattre a lancé un groupe de travail sur ce sujet. Ces travaux s’inséreront dans une réflexion plus large sur le développement de l’agritourisme, question sur laquelle une mission parlementaire devrait être lancée.
J’y insiste, c’est bien le classement que nous voulons encourager, car c’est la meilleure protection des personnes qui s’engagent dans l’accueil de touristes, français ou étrangers, et qui en font, vous l’avez dit, un projet personnel. Il s’agit de reconnaître cette démarche de qualité et de faire émerger une concurrence plus loyale – certains ayant une approche plus commerciale et proposant un accueil moins authentique. S’il faut évaluer les seuils d’abattement, nous le ferons. Toutefois, la loi en question ayant été promulguée le 19 novembre dernier, nous avons besoin de davantage de recul avant de nous lancer dans une éventuelle révision de ses dispositions.
Filière de l’imprimerie
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Favennec-Bécot, pour exposer sa question, no 367, relative à la filière de l’imprimerie.
M. Yannick Favennec-Bécot
La filière de l’imprimerie française traverse une crise profonde et silencieuse, qui fragilise ce secteur essentiel à notre souveraineté industrielle et à la vitalité de nos territoires. Dans mon département, la Mayenne, cette crise est devenue palpable.
Les entreprises du secteur, souvent des PME indépendantes, font face à une accumulation de difficultés : allongement des délais de paiement, qui asphyxie leur trésorerie ; baisse structurelle de la demande, liée à la dématérialisation ; explosion du coût des matières premières, notamment du papier et de l’énergie ; concurrence déloyale venue de l’étranger. À cela s’ajoute une menace croissante : la délocalisation insidieuse de la production imprimée vers d’autres pays européens à bas coût. Allons-nous attendre que le prix Goncourt soit imprimé à l’étranger – non par choix culturel, mais pas résignation économique – pour réagir ? Ce serait un aveu d’échec.
Pourtant, ces entreprises sont des piliers dans nos territoires. En Mayenne, plus de 130 imprimeries sont implantées, parfois depuis plusieurs générations. L’imprimerie Floch, par exemple, imprime régulièrement des prix littéraires. Elle incarne un savoir-faire reconnu et une capacité industrielle de premier plan. Mais l’excellence de ces établissements ne suffit plus à garantir leur pérennité. L’imprimerie Corlet Roto, autre acteur historique de mon territoire, cessera ses activités à la fin du mois de juin, faute d’avoir pu résister à la pression économique.
Ces entreprises représentent des centaines d’emplois directs, une compétence technique précieuse et un tissu économique vivant. Mais aujourd’hui, elles peinent à investir, à se moderniser, à faire leur transition énergétique. Elles se battent seules.
Avec les professionnels et les élus locaux de mon territoire, nous vous demandons l’ouverture d’un dialogue structuré entre les éditeurs et les imprimeurs, sous l’égide du Médiateur des entreprises, afin de mieux réguler les relations commerciales. Nous vous demandons aussi l’instauration de dispositifs ciblés de soutien à l’investissement, assortis d’un accompagnement à la hauteur des enjeux. Le gouvernement va-t-il laisser la filière française de l’imprimerie et des industries graphiques s’éteindre à petit feu ? Quelles mesures concrètes entend-il prendre pour soutenir ce secteur, en particulier dans les départements industriels ruraux tels que la Mayenne ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Je fais le lien entre votre question relative à l’imprimerie et une annonce intervenue ce week-end concernant le secteur amont : l’État va entrer au capital, pour 27 millions d’euros, de l’usine de pâte à papier Chapelle Darblay. Cela montre bien qu’il s’engage en faveur de l’ensemble de la filière.
L’imprimerie est une filière essentielle pour la culture de notre pays. Vous avez évoqué les prix littéraires, en particulier le prix Goncourt. Vous insistez sur la nécessité d’accompagner l’investissement des imprimeries sur le territoire national, pour qu’elles puissent moderniser leurs moyens de production, se décarboner et maintenir leur compétitivité, donc leurs emplois.
Sachez que le gouvernement est pleinement engagé dans le soutien à une industrie française forte, résiliente, compétitive et durable. Il a ainsi engagé 54 milliards d’euros dans le cadre du plan France 2030 pour soutenir les filières industrielles. Les imprimeries sont tout à fait éligibles aux appels à projets lancés en ce sens, notamment à ceux qui portent sur la décarbonation. Nous vous invitons donc à les relayer auprès de ces entreprises, à qui ils pourraient se révéler bénéfiques.
De nombreux industriels français de la production de papier ont bénéficié de soutiens massifs. Surtout, les récents progrès dans les négociations entre EDF et les industriels sur les contrats d’approvisionnement en électricité devraient profiter à la filière et, par suite, aux imprimeurs qui en sont les clients et consomment, eux aussi, beaucoup d’électricité.
Vous soulignez en outre l’intérêt d’une saisine du Médiateur des entreprises, compte tenu des difficultés dans les relations commerciales entre éditeurs et imprimeurs. Je vous confirme que le recours au Médiateur peut être utile lorsque les relations commerciales deviennent source de tensions. Dans le cas présent, vos préoccupations concernent les pratiques contractuelles, notamment en matière de délais de paiement et de pression tarifaire. Elles sont légitimes, car des difficultés de cette nature risquent d’affecter la stabilité économique des entreprises en question.
Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l’économie sociale et solidaire, et son cabinet se tiennent à votre disposition et à celle des acteurs afin d’apprécier dans quelles conditions le Médiateur pourrait être saisi. Une telle initiative, si elle était retenue, est susceptible de rétablir un dialogue constructif entre les acteurs concernés et permettrait aussi d’aborder la difficulté d’accès des imprimeurs au secteur bancaire, dont vous avez fait état.
Vous l’avez compris, le gouvernement veillera à créer les conditions nécessaires pour que l’activité des imprimeurs mayennais se poursuive. Comme vous, j’estime regrettable que certains se résignent à ce que nos grandes œuvres littéraires soient imprimées à l’étranger. Il y va de l’avenir de toute la filière du livre, de la production de papier – j’ai évoqué la papeterie Chapelle Darblay – aux librairies – elles ont bénéficié, elles aussi, d’un large soutien depuis la crise du covid-19. Elle doit demeurer une filière d’excellence et de rayonnement.
Projet de zone de mouillage et d’équipements légers de Porquerolles
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Rambaud, pour exposer sa question, no 371, relative au projet de zone de mouillage et d’équipements légers de Porquerolles.
M. Stéphane Rambaud
Même si je ne suis pas chauvin, la côte méditerranéenne est le plus beau littoral du monde, vous en conviendrez !
Ce littoral est malheureusement en danger : le projet de création pour 2026 d’une zone de mouillage et d’équipements légers (ZMEL) au large de l’île de Porquerolles, piloté par le parc national de Port-Cros, en est la manifestation la plus évidente. L’immense majorité des plaisanciers est opposée à cette artificialisation des plages par l’implantation en pleine eau de marinas dotées de 354 bouées d’amarrage installées au droit des six principales plages de Porquerolles, au-dessus des zones d’herbiers de posidonie. La multiplication exponentielle de ces projets de ZMEL tout au long de la côte provençale risque de transformer ses plus jolies baies et ses meilleurs abris en une succession de parkings à bateaux.
La navigation côtière, synonyme de liberté, de responsabilité et de bonheur d’être en mer, serait totalement pervertie par un système de réservation de nuitées d’hôtellerie en plein air et sur l’eau, une procédure complexe et inadaptée aux conditions météorologiques, souvent imprévisibles.
En outre, réserver l’accès à Porquerolles à ceux qui ont les moyens de louer des bouées à un tarif exorbitant, en l’absence de tout service associé, serait une discrimination insupportable pour les petits plaisanciers aux revenus modestes. Ce nouveau péage pénaliserait aussi fortement les plaisanciers de la rade d’Hyères dont Porquerolles est le jardin ; ils s’y rendent tout au long de l’année depuis des générations.
L’Union pour la préservation d’une navigation côtière responsable (UPNCR) est composée d’une quarantaine d’associations qui représentent désormais plus de 4 000 plaisanciers du Var et des Bouches-du-Rhône, soit environ 12 000 personnes si l’on prend en compte les familles et les équipiers. En l’absence d’une véritable concertation en amont et en réponse au projet démesuré de création de six ZMEL à Porquerolles, elle revendique la liberté et la gratuité d’ancrage sur le sable, sans exceptions ni réserves. Elle soutient aussi l’installation à titre expérimental de seulement quelques bouées au-dessus de zones d’herbier de posidonie, afin d’observer durant une à deux années si cette installation a un impact positif sur la biodiversité.
C’est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir m’indiquer la position du gouvernement sur ce projet de création de ZMEL à Porquerolles. Souhaite-t-il faire droit aux opposants à cette création, afin que le projet ne puisse aboutir ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Je suis d’accord avec vous : le littoral varois, notamment près de l’île de Porquerolles, est l’un des plus extraordinaires de notre pays. J’en garde moi-même beaucoup de souvenirs émerveillés.
Vous m’interrogez sur le déploiement de zones de mouillage et d’équipements légers. En période de pic, près de 1 000 bateaux font escale à Porquerolles. Ces mouillages forains contribuent à la dégradation de la biodiversité marine – c’est tout le problème. Ainsi, chaque année, près de cent kilomètres de chaînes raclent les herbiers de posidonie. Or cette espèce protégée joue un rôle important car elle stocke le carbone et protège les plages de l’érosion. En outre, elle permet à la biodiversité marine de se développer.
Le projet de ZMEL prévoit d’organiser le mouillage d’environ 650 bateaux afin de réduire la pression sur les petits fonds côtiers. Dans le détail, il est prévu d’installer 350 bouées au-dessus des zones d’herbiers de posidonie et dans les zones de mouillages libres sur le sable. Ces bouées seront fixes, ce qui permettra à l’écosystème marin de se développer autour d’elles sans que les herbiers soient sans cesse arrachés par les ancres et les chaînes.
Six de ces bouées sont prévues pour des bateaux de 30 mètres afin de permettre à ces grands plaisanciers de trouver une solution de mouillage écologique.
L’instruction du dossier est en cours ; l’ouverture est envisagée à l’été 2027, avec une montée en charge progressive au fil de la saison. L’organisation des mouillages prendra évidemment en compte les aspects paysagers. Le mouillage sera libre et gratuit en journée, y compris autour des bouées. Comme vous l’avez souligné, ces dernières seront payantes pour les nuitées, le mouillage sur sable demeurant autorisé et gratuit.
Ce projet a fait l’objet de trois ans de concertation, y compris avec les plaisanciers. Une phase d’enquête publique est en cours ; elle devrait permettre d’améliorer le projet.
Vous pouvez bien évidemment compter sur la vigilance des services de l’État et du gouvernement pour trouver le meilleur équilibre dans ce dossier entre protection de l’environnement, préservation des paysages et protection de la biodiversité, qui fait la richesse de ce lieu que beaucoup de Français connaissent et chérissent.
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Rambaud.
M. Stéphane Rambaud
La concertation n’a pas eu lieu. Alors que les usagers avaient demandé moult réunions, une seule a été organisée, au cours de laquelle la présidente du parc a simplement exposé le projet. On ne peut pas parler de discussions ou de négociations !
Marnières en Normandie
Mme la présidente
La parole est à M. Robert Le Bourgeois, pour exposer sa question, no 372, relative aux marnières en Normandie.
M. Robert Le Bourgeois
Depuis décembre dernier, Le Catelier, petit village de ma circonscription qui compte moins de 300 habitants, vit le pire cauchemar d’une commune normande : la suspicion de marnières. Comme leur emplacement précis n’a pu être identifié, c’est le principe de précaution qui s’applique. Concrètement, cela signifie qu’un périmètre de 60 mètres est établi autour de chaque zone prétendument à risque, ce qui classe de facto 80 % du territoire communal en zone de suspicion de marnières. Les conséquences sont simples, mais catastrophiques pour les habitants – permis de construire bloqués, ventes suspendues et même axes routiers fermés.
Cette règle des 60 mètres prévaut dans la Seine-Maritime et l’Orne, mais si l’on va dans l’Eure, la doctrine est différente : le périmètre de sécurité y est proportionnel à la taille estimée de la marnière. Dans le Calvados et la Manche, le périmètre est encore différent. Il faut aussi prendre en compte les multiples exigences des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), qui varient selon les situations. En Seine-Maritime, si les propriétaires privés peuvent se contenter d’un décapage pour lever une suspicion, les agriculteurs doivent procéder en outre à un forage, ce qui revient beaucoup plus cher. Je pense à ce couple d’agriculteurs qui avait obtenu un permis de construire pour bâtir une extension : ce permis est désormais bloqué car ils ne peuvent pas financer un forage.
Cette disparité doctrinale est source de complexité, mais aussi d’inégalité. Il existe pourtant un risque sérieux de paralysie générale pour la Normandie, puisqu’on estime n’avoir identifié que 20 % des marnières existantes. Il pourrait y en avoir quatorze par kilomètre carré – je suis bien conscient que ce chiffre est incertain.
En mai 2019, le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) a publié un rapport qui affirmait : « Il est […] impératif de ne pas accroître l’exposition au risque par la réalisation de nouvelles constructions sur des zones qui pourraient receler des marnières. » Mais, à en croire les estimations, c’est presque dans toute la Seine-maritime, et dans une grande partie de la région Normandie, que les constructions devraient être stoppées – l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) n’a qu’à bien se tenir !
Certaines préconisations du rapport ont été appliquées, ce qui est heureux : il faut le saluer. Mais il reste beaucoup à faire : harmonisation des doctrines, amélioration des techniques de détection, respect du devoir de transparence, clarification des responsabilités de chacun. Comment l’État entend-il accompagner les élus et les personnes concernées par une suspicion ou une présence avérée de marnières ? Comment garantirez-vous à ces territoires – communes, particuliers, entreprises, agriculteurs – que tous leurs projets ne seront pas bloqués en raison de ce risque ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Vous évoquez une situation de risque : il s’agit de protéger les biens et les investissements. Le recul du trait de côte est un phénomène comparable, qui touche beaucoup de constructions qui ont été bâties au plus près du littoral. Nous sommes aujourd’hui contraints d’indemniser les propriétaires car le risque n’avait pas été suffisamment pris en compte au moment de la construction. Ces maisons représentent l’investissement d’une vie. Les collectivités se retrouvent également en très grande difficulté.
S’agissant de la situation que vous évoquez, j’aborderai plusieurs points – je m’exprime au nom de ma collègue Mme Agnès Pannier-Runacher.
À la suite du rapport que vous avez cité, les services de l’État ont conduit des travaux pour harmoniser, à l’échelle nationale, la caractérisation du phénomène d’effondrement. Il s’agit d’en savoir plus sur la réalité du risque.
Pour améliorer la connaissance et l’évolution des marnières sur le long terme, un observatoire local a été créé au sein de la marnière de Fauville-en-Caux. Des instruments permettent d’y tester de nouvelles méthodes et de recueillir des données pour comprendre l’évolution du terrain. La détection à grand rendement des marnières progresse également, en particulier les méthodes non invasives. Elle fait l’objet d’expérimentations notamment dans votre département, afin de cartographier le phénomène.
Les opérations de décapage restent aujourd’hui nécessaires pour détecter les puits d’accès, mais ne suffisent pas à certifier l’absence de galeries. C’est pourquoi des sondages très localisés sont réalisés. L’État accompagne les maîtres d’ouvrage qui doivent procéder à ces opérations de reconnaissance des marnières lorsqu’elles constituent un danger imminent pour les personnes et les biens par l’intermédiaire du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier. Dans le cadre de la loi de finances 2025, ce fonds a vu sa dotation budgétaire fortement progresser, atteignant 300 millions d’euros en autorisation d’engagements (AE). Cet abondement permettra de mieux répondre aux enjeux de protection des populations.
Pour améliorer l’information des élus et de la population, un inventaire des cavités souterraines est mis à jour en continu à partir d’études locales, une attention particulière étant portée à la Normandie. De plus, en Seine-Maritime et dans l’Eure, les services de l’État mettent à disposition une carte portant spécifiquement sur les marnières. Enfin, des informations sont mises en ligne sur le site georisques.gouv.fr.
Nous pourrions certes mettre la tête dans le sable et considérer que cette situation existe depuis des siècles, et que nous pouvons continuer à faire comme avant. Au contraire, on pourrait estimer qu’il est temps d’établir un diagnostic clair pour mieux comprendre les risques et procéder à des ajustements. J’ai prêté une attention particulière à la partie de votre intervention qui portait sur l’harmonisation entre départements. Vous auriez pu me tenir le discours inverse : il faut tenir compte de la géologie et adapter les critères à chaque département. Une règle pertinente dans une zone ne l’est pas nécessairement dans une autre. Nous devons nous fonder sur la science et les connaissances, faire preuve de pragmatisme et, surtout, assurer la protection des Français. Je ne souhaite pas que nous mettions l’actif, le patrimoine, l’épargne des Français en danger, en laissant construire des bâtiments susceptibles de s’effondrer.
Plateforme Inspira
Mme la présidente
La parole est à Mme Sylvie Dezarnaud, pour exposer sa question, no 348, relative à la plateforme Inspira.
Mme Sylvie Dezarnaud
Ma circonscription, la septième circonscription de l’Isère, accueille un projet économique stratégique – la plateforme Inspira, implantée dans la commune de Salaise-sur-Sanne. Grâce à son accès direct au Rhône et à ses connexions rail-route, ce parc industriel de 340 hectares est susceptible de créer 2 000 emplois directs, en attirant des entreprises innovantes qui travaillent en synergie avec celles déjà implantées.
En tant que présidente de la communauté de communes Entre Bièvre et Rhône ainsi que conseillère régionale jusqu’en février 2025, j’ai soutenu ce projet avec détermination. À l’heure où la France doit se réindustrialiser et affirmer sa souveraineté, nous n’avons pas le droit de le laisser stagner.
Validé le 26 avril 2024 dans le cadre du plan France 2030, le projet Inspira a pourtant été freiné par des années de combats juridiques, qui ont conduit, en 2018, à l’annulation de permis pour des raisons environnementales – consommation d’eau, artificialisation des terres. Ces problématiques ont été traitées dans un PTGE, un plan de territoire pour la gestion de l’eau.
Mais le vrai problème, c’est la bureaucratie, notamment celle de la mission régionale d’autorité environnementale d’Auvergne-Rhône-Alpes (MRAE). Son fonctionnement technocratique, ses procédures lentes et ses exigences mal calibrées empêchent un accompagnement rapide et efficace.
Le projet Inspira, soutenu par la région Auvergne-Rhône-Alpes et la communauté de communes Entre Bièvre et Rhône, est crucial pour notre territoire, sur lequel l’implantation de cinq sites France 2030 est prévue. Il est temps d’agir et de débloquer cette chance pour l’Isère.
Ma question est claire : que compte faire le gouvernement pour que les acteurs environnementaux accompagnent davantage les projets qui, comme Inspira à Salaise-sur-Sanne, sont respectueux de l’environnement, et qu’ils cessent de les ralentir par des contraintes administratives trop lourdes ? Il y va de la réindustrialisation, de la souveraineté et de la création d’emplois.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Les projets – notamment industriels – d’aménagement font l’objet – vous l’avez dit, madame la députée – d’une évaluation environnementale. Celle-ci est légitime et importante pour que les maîtres d’ouvrage conçoivent des programmes utiles économiquement dont l’impact environnemental soit le plus maîtrisé possible.
Les autorités environnementales rendent un avis sur la qualité de l’étude d’impact réalisée par le porteur de projet et sur la prise en compte de l’environnement, avis qui éclaire ensuite les autorités administratives pour délivrer les autorisations requises. Les projets les plus complexes – par exemple composés de plusieurs sous-opérations – peuvent bénéficier d’un cadrage des autorités environnementales pour appréhender au mieux les attendus de cette évaluation.
Le projet d’aménagement Inspira, dans la zone industrialo-portuaire de Salaise Sablons, vise – vous l’avez indiqué – à étendre sur 336 hectares une zone d’activité iséroise. En raison de ses impacts environnementaux, ce projet a donné lieu à plusieurs recours contentieux. Pour qu’il puisse se déployer avec la meilleure maîtrise possible, il fait l’objet d’un accompagnement très proactif de l’État. Compte tenu de l’ampleur de son ambition, le projet relève de l’autorité environnementale nationale, de sorte que la MRAE d’Auvergne Rhône-Alpes, mentionnée dans votre question, n’a pas été impliquée.
À la suite de l’annulation de l’autorisation environnementale, les promoteurs de cette zone d’activité ont fait évoluer leur plan. Ces modifications incluent des opérations de renaturation accélérée, une meilleure gestion des crues et une réduction de la consommation d’eau par les entreprises. Notre autorité environnementale a ainsi noté des améliorations tout à fait significatives.
Malgré ces efforts et la diligence des services de l’État pour réduire les délais de délivrance des autorisations, une nouvelle requête a été déposée contre l’arrêté du 27 février 2025 portant autorisation environnementale pour le secteur nord de cette zone d’activité. Les services de l’État défendront l’arrêté attaqué, délivré au regard de la qualité du dossier et des améliorations apportées.
Plus généralement, le gouvernement est pleinement engagé pour accélérer les projets industriels, tout en veillant à prendre en compte la préservation de l’environnement. En un mot : nous sommes exigeants mais, lorsque nos exigences sont écoutées et prises en considération, nous accompagnons les projets pour favoriser leur succès.
Parc de loisirs en Provence
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour exposer sa question, no 351, relative à un parc de loisirs en Provence.
Mme Sophie Taillé-Polian
L’installation du parc d’attractions « Rocher Mistral » au château de La Barben dans les Bouches-du-Rhône dans l’irrespect total des réglementations environnementales et patrimoniales en vigueur dans ce site classé, est un véritable scandale. Depuis son ouverture en 2021, plusieurs aménagements ont été réalisés sans autorisation, notamment un parking de 450 places en plein espace naturel protégé, entraînant d’importants dommages pour la biodiversité.
Grâce à la mobilisation des associations locales de défense de l’environnement et des habitants, un jugement condamnant la SAS Rocher Mistral ainsi que son président, M. d’Alançon a été rendu en février 2024. Si le tribunal a exigé une remise en état du site du château et de son environnement, le procès en appel a été retardé au mois de novembre. Pendant ce temps, les atteintes à l’environnement persistent, les nuisances s’accumulent et une nouvelle saison touristique va se dérouler, au mépris de l’environnement et du cadre de vie des habitants.
Je m’interroge sur la bienveillance constante de l’État à l’égard du projet, le préfet n’ayant pas hésité à soutenir l’exploitation illégale du parking, contre l’avis des élus locaux. Deux notes internes datées de janvier 2025, révélées par la presse quotidienne régionale, attestent que l’État reconnaît des manquements aux codes de l’urbanisme, de l’environnement et du patrimoine mais aussi que les services de l’État proposent de mettre en place un plan de régularisation du contrevenant, alors même qu’on attend encore le jugement en appel.
Cette politique du fait accompli et de son accompagnement par l’État sont scandaleux. Pourquoi de telles faveurs sont-elles octroyées à la SAS Rocher Mistral ? Quand allez-vous faire respecter avec fermeté la réglementation destinée à protéger l’environnement et notre patrimoine national ?
Lorsqu’en mars 2022, l’un de mes prédécesseurs, M. François-Michel Lambert, avait interrogé le gouvernement sur ce sujet, votre prédécesseur avait répondu que tout serait organisé pour sauvegarder l’environnement. Pourtant, il n’en a rien été ; bien au contraire !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Je tiens à vous rassurer quant à la mobilisation des services de l’État sur ce dossier. Si un projet de développement touristique est tout à fait possible dans son principe et peut participer à la valorisation et au rayonnement touristique de la région, l’État ne transigera pas – je viens de répondre à une question en ce sens. Nous sommes exigeants : sur ce site exceptionnel, comme sur tous ceux qui existent en France, tout projet doit s’inscrire dans une approche prenant en compte la valeur environnementale, paysagère, historique et patrimoniale du lieu.
Vous l’avez dit : de nombreux travaux ont été conduits sans autorisation. C’est ainsi que les services de la direction régionale des affaires culturelles (Drac) ont été amenés à dresser plusieurs procès-verbaux d’infraction entre 2021 et 2024.
S’agissant du volet urbanisme et protection du patrimoine, à la suite de l’appel interjeté par Rocher Mistral à l’encontre du jugement rendu le 13 février 2024 par le tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence, une procédure juridictionnelle est en cours. La condamnation prononcée, notamment liée à l’exécution de travaux non autorisés, n’est pas exécutoire à ce stade.
La Drac cherche à maintenir le dialogue avec le porteur de projet et l’accompagne dans ses différentes initiatives. Accompagner ne signifie pas régulariser les travaux effectués sans autorisation mais s’intéresser à la manière dont nous pouvons protéger le site et, notamment, nous prémunir contre d’autres interventions susceptibles de porter atteinte aux abords et au monument. Pour bâtir un projet équilibré, le recours à une équipe pluridisciplinaire comprenant, outre l’architecte du patrimoine mandaté sur le monument, un paysagiste, est essentiel selon nous.
Pour ce qui est du volet environnemental relatif à l’évaluation et à la protection des espèces, des échanges réguliers sont menés avec le porteur de projet afin d’améliorer la qualité de son dossier et de réduire l’impact environnemental. L’État défend des exigences ambitieuses visant à protéger au mieux une biodiversité locale riche.
Je vous confirme qu’à ce stade le dossier n’est pas encore satisfaisant et que des compléments sont attendus de Rocher Mistral. La direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) recommande que le porteur de projet mette à jour l’étude d’impact pour tenir compte des modifications qu’il lui a apportées. Cette mise à jour inclura notamment une évaluation des incidences Natura 2000.
Madame la députée, je tiens à vous le dire ici très solennellement : il n’y a pas de bienveillance persistante de l’État ! Comme partout en France, il y a une exigence, celle de respecter la loi et de trouver le bon équilibre entre le développement économique – en l’occurrence touristique – et la protection de notre environnement. En effet, c’est bien l’environnement qui donne une chance d’intérêt et d’attrait touristique à ce lieu ; il doit donc être protégé.
Mme la présidente
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian
Si j’entends vos mots, qui sont forts, j’espère qu’ils seront suivis d’effets sur le terrain.
Laisser une nouvelle saison touristique se dérouler alors même que les dégâts sont avérés suscite néanmoins des interrogations. Ce projet de divertissement, qui défend une vision biaisée de l’histoire, s’inscrit dans la croisade culturelle menée par l’extrême droite pour promouvoir dans notre pays un récit national aux antipodes des valeurs de la République. Nous ne devons pas laisser les promoteurs d’un prétendu « âge d’or de l’ancien régime » mettre en péril un espace protégé, sur un site où les risques naturels sont majeurs. Nous devons veiller au bien-être des habitants et habitantes ainsi qu’à celui des élus locaux qui s’élèvent contre ce projet.
Pêche professionnelle en eau douce
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland, pour exposer sa question, no 360, relative à la pêche professionnelle en eau douce.
Mme Anne-Cécile Violland
Je souhaitais appeler l’attention de la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche sur les difficultés auxquelles sont actuellement confrontés les pêcheurs professionnels en eau douce. J’ai déjà relayé quelques problématiques récurrentes telles que la question des autorisations d’occupation temporaire (AOT), l’importance de l’affichage de la provenance des poissons locaux sur les cartes de restaurant ou encore les écueils nés de la différence de statut entre les pêcheurs professionnels en mer – rattachés au ministère de la transition écologique – et les pêcheurs en eau douce – qui dépendent du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et restent souvent les grands oubliés des politiques publiques.
Depuis plusieurs mois, les difficultés de nos pêcheurs professionnels en eau douce s’accroissent au point de menacer leur exercice et de mettre en péril la pérennité de cette profession déjà lourdement touchée. En effet, de nombreuses espèces de poissons sont en danger ou ont vu leurs populations diminuer – souvent à cause de la surexploitation –, ce qui rend la pêche plus difficile et moins rentable.
Les pêcheurs sont confrontés aux conséquences de la pollution des eaux – notamment par les produits chimiques, les plastiques et les métaux lourds – qui affecte la qualité de l’eau, la santé des écosystèmes aquatiques et celle des poissons, dont la contamination a des effets économiques et sanitaires.
Les variations de température, les sécheresses et les inondations perturbent les habitats aquatiques et les cycles biologiques des poissons. Ces changements affectent les périodes de reproduction et les zones de pêche traditionnelles.
Les réglementations sur les quotas et les périodes de pêche sont de plus en plus sévères pour protéger les stocks de poissons, ce qui limite l’activité et, partant, les revenus des pêcheurs.
L’urbanisation, l’agriculture intensive et les travaux d’aménagement des cours d’eau – barrages, digues, etc.– dégradent les habitats naturels des poissons, réduisant la diversité et la productivité des écosystèmes aquatiques.
Certes ces problématiques appellent une gestion durable des ressources et une adaptation continue des pratiques de pêche pour assurer la viabilité économique et écologique de l’activité. Nos pêcheurs, particulièrement concernés par la faune et la flore aquatiques, sont d’ailleurs les premiers ambassadeurs de leur préservation. Néanmoins, les arrêtés de suspension de pêche réduisent leur activité.
Si certaines administrations déconcentrées tentent d’apporter des réponses temporaires pour soutenir cette économie par des réductions ou exonérations de licences, il s’agit de mesures momentanées qui ne sont pas égales sur l’ensemble du territoire. Elles ne répondent pas aux difficultés croissantes, lesquelles appellent la mise en place d’un appui plus complet auprès de cette profession.
J’y insiste, les pêcheurs en eau douce sont les ambassadeurs d’un savoir-faire et d’une économie qui sont en train de disparaître ; déjà, les vocations font défaut compte tenu de la rudesse du métier et de ses difficultés. Aussi, je souhaiterais connaître les actions que le gouvernement entend mener pour les soutenir et pour aider cette économie locale et ce savoir-faire trop souvent oubliés.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Je réponds à votre question sur la situation des pêcheurs professionnels en eau douce au nom de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, qui se trouve auprès des pêcheurs en eau marine puisqu’elle est à la Conférence des Nations unies pour les océans (Unoc), qui s’est ouverte à Nice ce week-end.
Il y a en France 300 pêcheurs professionnels en eau douce alors qu’ils étaient 600 en 2006. Cette profession fait face à de sérieuses difficultés dans l’exercice de son activité. Certaines ressources halieutiques étant trop fragiles pour être exploitées de manière continue – je pense notamment aux grands migrateurs tels que l’anguille, le saumon, les aloses ou les lamproies –, il n’y a d’autre choix pour préserver ces espèces que d’être pragmatiques et de réduire fortement les capacités de pêche.
Mise en place il y a quelques années en eau marine, cette politique y a aujourd’hui porté ses fruits même si elle fut initialement accueillie avec beaucoup de scepticisme par les pêcheurs. Tel est l’objet du plan de sortie de flotte que la ministre de la pêche a demandé à ses services de concevoir, en concertation avec les représentants des pêcheurs professionnels en mer et en eau douce puisque les espèces précitées voyagent entre les océans et les rivières. Face aux interdictions de pêcher des espèces amphihalines, la profession doit pouvoir être accompagnée financièrement.
Je tiens à souligner l’action résolue du gouvernement contre les facteurs qui aggravent la situation des pêcheurs et son engagement en faveur de la préservation des milieux aquatiques, de la lutte contre les pollutions et la restauration des continuités écologiques. Agnès Pannier-Runacher souhaite que les opérations de prélèvement de silures soient menées à grande échelle pour réduire la prédation qu’exerce cette espèce sur les poissons migrateurs, notamment dans la Garonne et dans la Dordogne.
Enfin, les pêcheurs doivent pouvoir pêcher et valoriser les espèces envahissantes : nous nous y attachons s’agissant des écrevisses de Louisiane.
Dès lors que, fort heureusement, certains poissons d’eau douce, tels que les carpes et les sandres se portent plutôt bien, le pragmatisme doit nous conduire à recentrer l’activité de nos pêcheurs professionnels – notamment ceux de la nouvelle génération – sur ces espèces. Aux nouvelles générations de pêcheurs appelés à prendre le relais des anciens, nous devons de la visibilité : celle-ci passe par la protection des milieux naturels puisque ce sont eux qui leur permettent d’avoir une activité et des revenus.
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Cécile Violland.
Mme Anne-Cécile Violland
J’entends tous vos arguments et je vous en remercie. Je sais la France investie sur les sujets, notamment de préservation des eaux. S’il est vrai que le monde regarde la France grâce à l’Unoc, ouverte à Nice – où j’étais présente ce week-end pour lancer la coalition parlementaire –, je tiens à insister sur la spécificité de l’eau douce et des lacs. Les lacs sont trop souvent oubliés et peut-être pourrais-je suggérer à Mme la ministre de la transition de les ajouter…
Mme la présidente
Merci madame la députée.
Mme Anne-Cécile Violland
Je terminerai par un petit clin d’œil à M. Jean-Noël Buffet, qui vient d’arriver et connaît très bien le lac Léman et les poissons.
Islamisme politique
Mme la présidente
La parole est à Mme Constance Le Grip, pour exposer sa question, no 357, relative à l’islamisme politique.
Mme Constance Le Grip
Ma question porte sur le rapport relatif à la mouvance des Frères musulmans et à l’islamisme politique, rendu public il y a quelques jours. Issu d’une commande passée lors d’un conseil de défense et de sécurité nationale en janvier 2024 par Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur, et Sébastien Lecornu, ministre des armées, et rédigé par plusieurs hauts fonctionnaires, il met en avant une menace grave, devenue malheureusement une réalité : l’entrisme de la mouvance des Frères musulmans.
Cette stratégie se caractérise, entre autres, par la dissimulation et le double discours – autrement dit, on avance souvent masqué – avec, pour objectif, de faire basculer notre société, notre pays en les soumettant aux règles coraniques, en rupture avec nos valeurs et nos institutions républicaines, notamment la laïcité, l’un des fondements de notre pacte républicain.
Cette mouvance a entamé de façon méthodique une démarche qui vise à introduire d’autres allégeances que le respect des lois de la République française. En France, c’est l’organisation Musulmans de France – anciennement UOIF, Union des organisations islamiques de France – qui en constitue la branche principale. Elle est en quelque sorte sa vitrine, avec 139 lieux de culte, plus de 280 associations satellites et trois établissements scolaires de référence.
L’entrisme de l’islamisme politique, qui ne saurait se résumer aux Frères musulmans, repose, selon le rapport, sur un triptyque bien identifié : prédication, éducation et action associative, caritative, sportive ou culturelle.
Le 21 mai dernier, un Conseil de défense et de sécurité nationale, présidé par Emmanuel Macron, a été convoqué pour analyser le rapport et étudier les suites à donner à celui-ci. Le 26 mai, le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau, a participé, dans les Hauts-de-Seine – dont j’ai l’honneur d’être une élue – à une réunion de la cellule départementale de lutte contre l’islamisme politique et le repli communautaire (Clir). J’en profite au passage pour saluer l’engagement fort du préfet des Hauts-de-Seine, Alexandre Brugère, sur ces questions.
Quels sont les axes de combat et les pistes d’action et de travail précises envisagés par le gouvernement – durcissement des entraves administratives, renforcement de mesures contenues dans la loi « séparatisme », création d’un délit d’entrisme, ou encore nouvelle étape législative avec peut-être une loi « séparatisme » 2 ? Quelles réponses allons-nous apporter ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
La menace que représentent en France les Frères musulmans et l’entrisme de l’islam radical a été documentée dans le rapport que vous avez cité, et qui a été rédigé à l’initiative du ministre de l’intérieur et du président de la République. Chacun a pu en prendre connaissance.
En braquant les projecteurs sur ceux qui veulent rester dans l’ombre, le premier objectif du gouvernement était d’agir contre ceux qui tentent, à bas bruit, d’imposer des valeurs qui vont à l’encontre de celles qui fondent notre démocratie. Le rapport permet de nous renseigner sur les territoires où ils agissent et sur la menace que font courir à la République ceux qui, souvent par intérêt électoral, pactisent avec ces personnes.
Le constat, accablant, dévoile le projet, les méthodes et surtout la progression de la stratégie des Frères musulmans. Lors du dernier Conseil de défense et de sécurité nationale, le président de la République a d’ailleurs encouragé le gouvernement à aller encore plus loin dans les propositions de solutions – celles-ci seront présentées lors d’un prochain Conseil.
Sans attendre, le ministère de l’intérieur a d’ores et déjà annoncé de premières mesures visant à ce que chacun prenne conscience de la menace et se rende compte de cette stratégie insidieuse qui joue sur nos principes démocratiques et détourne notre confiance. C’est important.
Il faut donc former les fonctionnaires, c’est pourquoi un séminaire sera organisé dans les prochains jours pour les préfets, tandis que des modules sur le sujet seront introduits dans la formation des hauts fonctionnaires. Il convient également de sensibiliser les élus qui ne maîtrisent pas toujours ces enjeux alors qu’ils sont en première ligne. Nous devons aussi assurer une meilleure information de tous nos concitoyens – la publication de ce rapport y contribue.
Vous l’avez dit, il faut aussi entraver ceux qui constituent cette menace avec tous les moyens à notre disposition. Les dissolutions sont déjà possibles mais n’ont pas toujours les effets escomptés, les organisations arrivant à transférer leur trésor de guerre à l’étranger. Le ministre de l’intérieur souhaite donc se concentrer sur leur financement en cassant les écosystèmes financiers pour taper au portefeuille – ce qui est également important.
De même, les motifs de dissolution manquent parfois face à des groupes passés maîtres dans l’art de la dissimulation – la fameuse taqiya. Il est donc nécessaire de trouver des moyens adaptés à leur stratégie afin de rendre possibles les dissolutions.
Par ailleurs, il faut mieux organiser l’action de l’État et de ses différents services, sur le modèle de ce qui se fait dans les Clir, avec un état-major permanent dédié à cette mission, ce qui facilitera le partage d’information entre les administrations fiscale, judiciaire, scolaire mais aussi sportive et donc l’identification des associations délictueuses.
Enfin il faut soutenir certaines dispositions législatives, comme l’interdiction des signes religieux lors des compétitions sportives officielles ou celle des listes communautaires, particulièrement à l’approche des élections municipales. J’ajoute que la proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire que « nul ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour se soustraire à la règle commune » a été déposée, une nouvelle fois, au Sénat en février. Nous souhaitons bien sûr que ce texte poursuive son parcours législatif.
Grâce à tous les moyens que j’ai évoqués, nous devons être implacables car le phénomène que vous évoquez est de nature à déstabiliser notre pays.
Sécurité dans le Puy-de-Dôme
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Lingemann, pour exposer sa question, no 347, relative à la sécurité dans le Puy-de-Dôme.
Mme Delphine Lingemann
Je veux vous alerter sur la situation sécuritaire dans le Puy-de-Dôme, en particulier à Clermont-Ferrand. Ma circonscription reflète la diversité des territoires français : quartiers urbains populaires, zones périurbaines dynamiques et communes rurales.
Partout, l’insécurité progresse. Partout, les habitants expriment les mêmes attentes : plus de présence et plus de protection.
À Clermont-Ferrand, dans le quartier de Saint-Jacques, que j’ai l’honneur de représenter, les forces de l’ordre mènent une action déterminée. Toutefois, face à une délinquance structurée, alimentée par les trafics de stupéfiants, leur présence visible reste trop faible, faute d’effectifs suffisants. Habitants et commerçants sont confrontés au quotidien à un climat de violence et se sentent abandonnés.
Dans les zones périurbaines, les cambriolages se multiplient et, dans les campagnes, ce sont les vols de câbles qui paralysent les réseaux et nourrissent l’inquiétude – sans parler, partout, de la montée des violences intrafamiliales.
Pourtant, l’État est là. Des moyens sont mobilisés. L’arrivée de deux brigades de gendarmerie mobile a été annoncée, des casernes sont en construction à Issoire et à Romagnat. Je salue ces efforts mais ils ne suffisent plus. Il faut aller plus loin, plus vite, plus fort.
Je vous demande donc de renforcer durablement les effectifs de la police nationale dans le Puy-de-Dôme, de réinvestir le quartier de Saint-Jacques avec des patrouilles régulières, de renforcer la présence des forces de sécurité dans les zones rurales et périurbaines, de rendre opérationnelles sans délai les deux brigades de gendarmerie mobile que j’ai évoquées et surtout d’inscrire Clermont-Ferrand dans la liste des villes de sécurité renforcée.
J’insiste sur ce dernier point car il s’agirait d’un signal fort envoyé à ses habitants : l’État ne laisse personne aux bords du territoire et propose des financements supplémentaires et des effectifs renforcés. Un tel dispositif est en outre un outil reconnu et éprouvé dans les métropoles au profil comparable.
La sécurité, vous le savez, est une exigence républicaine. Elle ne saurait dépendre du lieu de résidence. Nos concitoyens attendent des actes. Je compte sur votre action.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Avant tout, je vous remercie d’avoir salué le travail des policiers et des gendarmes. La direction interdépartementale de la police nationale du Puy-de-Dôme dispose de 690 agents, un effectif stable au cours des dernières années. Il convient d’y ajouter près de 60 réservistes opérationnels. S’agissant des policiers adjoints, leur nombre devrait passer de 31 à 40 d’ici à la fin septembre et de nouveaux recrutements sont prévus à l’automne.
J’en viens à la situation du quartier Saint-Jacques de Clermont-Ferrand, expressément cité dans le plan d’action départemental de restauration de la sécurité du quotidien, présenté en février dernier par le préfet et le procureur de la République.
La police nationale est fortement présente et très active dans ce secteur. Des opérations de voie publique quotidiennes sont réalisées, en lien avec les acteurs locaux du continuum de sécurité – police municipale et régie des transports en commun notamment. Des liens étroits sont également entretenus par la police nationale avec les associations de riverains, les comités de quartier ou encore les associations de commerçants. Ils rendent possibles des actions de sensibilisation et de prévention et permettent surtout d’entendre les besoins et les attentes que vous relayez ce matin.
Un travail quotidien d’enquête est mené pour lutter contre le trafic de stupéfiants, les consommateurs étant particulièrement ciblés. Des opérations judiciaires d’envergure ont ainsi permis cette année de mettre hors d’état de fonctionnement le point de deal de Saint-Jacques pendant plusieurs semaines. Tout est fait pour enrayer une reprise durable du trafic.
Comme la police nationale, la gendarmerie est particulièrement engagée dans la lutte contre les cambriolages et vols de métaux – vous y avez fait référence – dans le but de toujours mieux protéger la population.
Dans la zone de compétence de la gendarmerie, le nombre de vols de cuivre constatés a connu une nette baisse – plus de 33 % en 2024 au niveau national. En revanche, les cambriolages ont augmenté sur tout le territoire et, malheureusement le Puy-de-Dôme n’a pas échappé à cette tendance – ils sont en hausse de 10 % en 2024, il faut regarder la réalité en face.
Pour poursuivre la lutte contre ces phénomènes, la gendarmerie met en œuvre, d’une part, une approche qui repose sur la prévention auprès des entreprises privées et de la population. D’autre part, elle poursuit des actions de démantèlement des groupes relevant de la criminalité organisée – nous savons qu’ils sont très actifs.
La gendarmerie garantit également à nos concitoyens du Puy-de-Dôme une présence visible de ses effectifs, dissuasive auprès de tous les habitants, sur la voie publique. Elle a augmenté de près de 15 % en 2024.
C’est ainsi toute la chaîne judiciaire de la gendarmerie qui se consacre à la lutte contre les atteintes aux biens, depuis les brigades de proximité jusqu’à l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante. L’Unité nationale de police judiciaire de la gendarmerie nationale en cours de création renforcera également l’efficacité de la lutte et la conduite des investigations – c’est un point important.
La gendarmerie est en ordre de bataille face à la délinquance. Le groupement du Puy-de-Dôme a d’ailleurs été renforcé de cinquante-trois effectifs entre 2020 et 2024. L’action de la gendarmerie, qui s’inscrit dans la lutte contre la criminalité organisée, est marquée par une densification du maillage territorial. Les nouvelles unités mèneront des actions de contact et de prévention.
Vous avez raison, la sécurité constitue la priorité des Français. C’est aussi celle du gouvernement, chacun le sait. Il faut agir sur le haut du spectre et jusqu’au niveau le plus bas. Tel est l’objectif du continuum de sécurité, qui inclut l’action des polices municipales, comme le précisera un texte qui vous sera soumis prochainement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Delphine Lingemann.
Mme Delphine Lingemann
Je vous remercie pour ces mots. Cependant, au-delà des paroles, il faut des actes. J’aimerais donc que nous poursuivions ultérieurement nos échanges à propos de deux points sur lesquels je vous ai interrogé et qui me semblent essentiels pour notre territoire : l’arrivée de deux brigades de gendarmerie dans le Puy-de-Dôme et l’inscription de Clermont-Ferrand sur la liste des villes de sécurité renforcée.
Usurpation d’identité
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, pour exposer sa question, no 361, relative à l’usurpation d’identité.
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
Permettez-moi d’appeler votre attention sur la très forte préoccupation des trop nombreuses victimes d’usurpation d’identité.
Nous entendons régulièrement à ce sujet des témoignages plus invraisemblables les uns que les autres. Certaines personnes se trouvent confrontées à des emprunts qu’elles n’ont pas contractés, d’autres à des amendes liées à des trajets en transport non effectués, d’autres encore à la réception, dans leur boîte aux lettres, de plusieurs contraventions par jour liées à des véhicules immatriculés à leur nom.
Dans ma circonscription de Fécamp-Bolbec, plusieurs victimes m’ont exposé leur situation. L’une reçoit depuis plusieurs mois cinq courriers par jour en moyenne, lui réclamant entre autres le paiement d’un excès de vitesse, des informations complémentaires dans un accident de la circulation ou encore des remboursements pour une vente frauduleuse. À ce jour, des escrocs ont acheté plus de 3 000 véhicules en utilisant son nom.
Les victimes doivent consacrer d’innombrables heures à la résolution de la fraude, entre les différentes plaintes à déposer auprès des services de la gendarmerie ou de la police et les réponses aux nombreuses institutions répercutant amendes et poursuites.
Au-delà des conséquences directes de l’escroquerie financière, l’inquiétude et l’angoisse deviennent le quotidien des victimes qui ne savent pas comment mettre fin à la fraude malgré, parfois, l’aide apportée par leur avocat.
La résolution de ces cas d’usurpation d’identité est souvent très longue car très complexe et demande beaucoup d’énergie aux personnes concernées pour défendre leurs intérêts et démontrer leur innocence en faisant reconnaître la fraude dont ils sont victimes auprès des organismes bancaires, de l’officier du ministère public ou de toute autre institution.
Il devient alors difficile pour les victimes d’avancer dans leur vie quotidienne et tout simplement de faire valoir leurs droits, comme parfois simplement celui de contracter un prêt.
Face à cette terrible situation, je souhaite connaître les mesures prises et celles qui pourraient être envisagées afin de renforcer la lutte contre l’usurpation d’identité et d’améliorer la coopération entre les différents acteurs concernés. La centralisation des informations est indispensable pour éviter aux victimes de multiplier à l’infini les démarches administratives longues et complexes qui restent parfois, malheureusement, vaines. Les victimes écouteront avec attention votre réponse.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Nous partageons votre préoccupation : l’usurpation d’identité peut avoir des conséquences importantes, voire très graves, pour les victimes. Je tiens d’abord à rappeler qu’elle constitue un délit, prévu par l’article 264-4-1 du code pénal et matérialisé lorsqu’il est fait usage de l’identité d’un tiers en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération.
On peut effectuer plusieurs démarches en cas d’usurpation d’identité, au premier rang desquelles le dépôt de plainte, qui déclenche les enquêtes judiciaires et les investigations nécessaires pour faire cesser l’usurpation et identifier les auteurs. L’attestation de dépôt de plainte permet ensuite à la victime de faire valoir ses droits et de bénéficier de mesures d’urgence.
Il faut relever que, sur le plan bancaire, la victime dispose également d’outils. Elle peut consulter librement le fichier central des chèques (FCC), le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) ainsi que le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) pour vérifier si des opérations frauduleuses ont été commises en son nom. Une fois les éléments rassemblés, la victime d’usurpation d’identité peut déposer, en main propre ou en ligne, un dossier pour usurpation d’identité directement auprès de la Banque de France, charge à cette dernière de contacter les établissements bancaires pour apposer la mention particulière d’usurpation d’identité, ce qui contribue à limiter le préjudice que pourraient causer les fraudeurs, pour l’obtention de moyens de paiement ou l’octroi de crédits, par exemple.
Vous soulignez à raison les terribles difficultés que peuvent rencontrer les victimes d’usurpation d’identité. En plus des moyens disponibles pour faciliter leurs démarches, que je viens d’évoquer, il est également nécessaire d’intervenir en amont, le plus tôt possible, pour prévenir ces faits. Combattre l’usurpation d’identité passe donc par une lutte résolue contre la cybercriminalité, qui a pris une ampleur considérable ces dernières années.
Le ministère de l’intérieur joue un rôle central dans ce combat. Le commandement du ministère de l’intérieur dans le cyberespace, ou Comcyber-MI, est le garant de la cohérence des actions de prévention, de l’anticipation et de la stratégie de lutte contre la cybercriminalité. Un très important travail de fond est mené et les stratégies du ministère à cet égard ont été dévoilées il y a quelques semaines. Il faut rappeler l’existence, hélas peu connue, de la plateforme 17Cyber – que je sais formidable pour avoir assisté à une démonstration des capacités – : depuis fin 2024, elle propose un service public d’assistance en ligne destiné aux particuliers, entreprises, associations et collectivités victimes de cybermalveillance. Il faut vraiment utiliser cette plateforme, très efficace et très rapide, qui porte immédiatement à la connaissance des victimes les bons gestes et les bonnes démarches à accomplir.
Voilà ce que je pouvais dire. Vous avez raison de souligner la gravité de ce problème. La prévention est importante et le mieux à faire est d’adopter une attitude de prudence. C’est en tout cas le conseil qu’il faut donner à nos compatriotes.
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback.
Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback
Je remercie M. le ministre. Je transmettrai ses conseils et les coordonnées de la plateforme qu’il évoque. On est désemparé face à des victimes qui reçoivent cinq, six voire dix courriers par jour, tous les jours. J’espère que la prévention suffira.
Maison d’arrêt de Carcassonne
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Barthès, pour exposer sa question, no 373, relative à la maison d’arrêt de Carcassonne.
M. Christophe Barthès
Ma question s’adresse au ministre de la justice. Le 23 avril dernier, trois agents pénitentiaires de la maison d’arrêt de Carcassonne ont été victimes d’intimidation lors d’un transfert de détenu. Cette honteuse agression aurait pu être bien plus grave car les agents ne sont pas formés à de tels transferts et ne possèdent pas le matériel nécessaire pour se défendre.
Cette situation résume les difficultés rencontrées par nos agents, notamment à Carcassonne, prison dans laquelle je me suis rendu à trois reprises. J’ai interrogé plusieurs fois le prédécesseur du ministre à ce sujet mais la situation ne change pas. Cette maison d’arrêt prévoyait à l’origine d’accueillir une soixantaine de détenus, mais il s’y trouvait fin mai plus de 150 détenus, ce qui représente une surpopulation carcérale avoisinant les 250 %.
Ce n’est pas tenable. Certes, les détenus doivent exécuter durement leur peine mais, parce qu’ils sont entassés dans leurs cellules, certains pètent les plombs et attaquent les agents pénitentiaires, qui sont à bout. Ces derniers exercent leur métier dans des conditions difficiles, comme l’ont démontré les récentes agressions à leur encontre, et ils ne sont pas assez nombreux pour faire face à la surpopulation carcérale que nous connaissons.
Celle-ci touche de plein fouet la maison d’arrêt de la préfecture audoise, avec des cellules triplées et de nombreux matelas au sol, des matelas dont le nombre dépasse le millier, rien que pour la direction interrégionale des services pénitentiaires de Toulouse.
Face à cela, il est nécessaire de mener une véritable politique de désengorgement de nos prisons, en autorisant la délocalisation de détenus dans d’autres régions où des places sont disponibles, ce qui n’est pas possible actuellement, selon le personnel.
La profession a du mal à recruter et cette situation va s’aggraver dans les mois à venir, car de nombreux agents vont partir à la retraite après l’été 2025 et en 2026. On ne pourra recruter d’agents sans leur accorder la reconnaissance qu’ils méritent, donc sans rendre la profession plus attractive. C’est une nécessité.
Les contrôles menés lors des concours doivent également être accrus car, comme me l’ont expliqué les syndicats, des taupes infiltrent l’administration pour renseigner les trafiquants, et ce phénomène est de plus en plus courant.
J’ai aussi été informé que les agents vont bientôt devoir effectuer une prestation de serment mais cette dernière est bien loin de leurs revendications, qui ont trait à l’amélioration de leur quotidien au travail. Cette assermentation n’est, de leur point de vue, qu’un moyen supplémentaire de renforcer les sanctions disciplinaires à leur égard.
Au-delà de toutes ces difficultés, comme c’est le cas de nombreuses maisons d’arrêt, la vétusté de celle de Carcassonne est importante. Construite en 1899, elle accueille des détenus depuis 1906. C’est l’une des dernières maisons d’arrêt de France situées en centre-ville. Des travaux doivent être engagés pour rénover la totalité des chemins de ronde, refaire la porte d’entrée, les filets antiprojection, et réaliser de nombreux autres travaux, mais les financements manquent.
Comment le ministre compte-t-il améliorer les conditions de travail des agents pénitentiaires de la maison d’arrêt de Carcassonne, rendre la profession plus attractive et recruter davantage ? Attribuera-t-il des fonds supplémentaires à la rénovation de cette maison d’arrêt ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je vous prie de bien vouloir excuser le ministre d’État, garde des sceaux, Gérald Darmanin, qui m’a demandé de vous faire la réponse suivante.
Je vous remercie pour cette question qui me permet de rendre hommage une nouvelle fois au travail accompli par le personnel pénitentiaire – vous avez relevé son importance et je partage votre point de vue à titre personnel – pour assurer la sécurité de l’ensemble de nos concitoyens. Le soutien du gouvernement au personnel est indéfectible, et sa volonté d’améliorer leurs conditions de travail est déterminée.
Depuis 2024, des réformes d’ampleur ont permis d’améliorer malgré tout l’attractivité des métiers de la pénitentiaire, comme le passage en catégorie B du corps d’encadrement et d’application – il s’agissait d’une attente forte. Celui-ci présente des résultats positifs puisque les statistiques des concours 2024 et 2025 laissent percevoir une hausse du nombre des inscriptions et du niveau des candidats.
Par ailleurs, nous agissons largement afin de faire connaître et de valoriser le travail des agents pénitentiaires par une présence forte dans les forums et les salons pour l’emploi ; dans le cadre des partenariats interministériels et associatifs pour comparer et améliorer nos modes de recrutement ; en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale pour la présentation des métiers auprès des élèves et des équipes pédagogiques de la filière métiers de la sécurité ; en valorisant les présences événementielles, notamment lors du 14 juillet. Ce n’est pas seulement symbolique : c’est aussi la reconnaissance par la nation de leur travail qui est en jeu.
Dans le même sens, l’assermentation que vous évoquez n’est pas un outil de sanction. Au contraire, il s’agit d’un symbole fort, d’une reconnaissance de l’importance et du caractère sécuritaire des missions exercées par ces personnels, qui constituent la troisième force de sécurité intérieure française. Cet engagement solennel s’inscrit dans le respect des obligations déontologiques auxquelles ils répondent déjà et ajoute à la nature de leur engagement une dimension supplémentaire.
La prévention du risque corruptif est par ailleurs inscrite au cœur de ce code de déontologie. Nous savons que la corruption existe, il ne faut pas le nier. Au regard de la sensibilité des fonctions qu’ils exercent, ces agents sont soumis à des enquêtes administratives de sécurité lors de leur recrutement. Le garde des sceaux a annoncé, le 23 janvier dernier, la création d’une inspection générale de l’administration pénitentiaire. Elle renforcera la lutte contre la corruption.
Enfin, s’agissant de la maison d’arrêt de Carcassonne, si le taux de couverture en surveillants s’élève à 77,42 %, celui en brigadiers-chefs et majors s’élève, quant à lui, à 166,67 %. Pour les officiers, il est de 100 %. L’ouverture de quatre postes de surveillant à la mobilité d’automne 2024 permettra d’améliorer ce taux dès le 1er juillet, lors de leur prise de fonction. Par ailleurs, des travaux de réaménagement des cellules sont prévus à l’horizon 2026, pour un montant de 1,5 million d’euros. Je pense que ces travaux satisferont les demandes que vous formulez.
Tribunal pour enfants d’Évreux
Mme la présidente
La parole est à Mme Katiana Levavasseur, pour exposer sa question, no 370, relative au tribunal pour enfants d’Évreux.
Mme Katiana Levavasseur
Ma question s’adresse au garde des sceaux. La justice des enfants, pourtant au cœur de nos engagements républicains, est grandement fragilisée. Le cas du tribunal pour enfants d’Évreux, dans l’Eure, en est un exemple particulièrement préoccupant.
En raison d’une hausse alarmante des dossiers d’assistance éducative – passés de 1 746 en 2023 à 2 064 en 2024 –, les magistrats ont dû appliquer des mesures dites de gestion dégradée. Concrètement, cela signifie des audiences supprimées, des décisions rendues sans entendre les familles et un net recul du contradictoire.
Les associations de protection de l’enfance du territoire tirent aussi la sonnette d’alarme. Elles alertent notamment sur les limites d’une justice rendue sur dossier, sans débat, ainsi que sur la charge émotionnelle injustement transférée vers les équipes éducatives, déjà fortement sollicitées et désormais contraintes d’annoncer seules des décisions judiciaires prises sans audience. Cette absence d’audience prive par ailleurs les familles d’un moment essentiel de reconnaissance institutionnelle, affaiblit la portée symbolique des décisions et expose davantage les enfants à un risque de rupture dans leur parcours de protection.
Le cas du tribunal pour enfants d’Évreux n’est pas isolé. Cette situation locale est le symptôme d’un malaise plus large. À l’échelle nationale, les chiffres sont tout aussi accablants : 522 juges pour enfants doivent suivre plus de 260 000 enfants en danger. Nombre d’entre eux gèrent plus de 450 situations, certains jusqu’à 800. Pire : près de 80 % de ces juges ont déjà renoncé à placer un enfant en danger, faute de solution d’accueil disponible. Comment accepter qu’en France, en 2025, la justice des enfants soit contrainte de renoncer à ce point à son action, à sa mission de protection des mineurs vulnérables ?
Si les magistrats sont indépendants, l’organisation de la justice relève, elle, pleinement de la responsabilité de l’État. Ce sont bien les choix budgétaires et politiques du gouvernement qui déterminent le niveau de justice qu’un enfant en danger peut espérer recevoir. Je demande donc à M. le ministre quelles mesures il compte engager pour rétablir des conditions de fonctionnement dignes au tribunal pour enfants d’Évreux, et quels moyens humains et budgétaires il entend mobiliser afin de garantir à chaque enfant vulnérable le droit d’être réellement entendu.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je renouvelle les excuses du garde des sceaux, qui ne peut être présent ce matin. Il propose la réponse suivante. Dans le cadre de la loi du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, 10 000 emplois supplémentaires seront créés d’ici à 2027 au sein du ministère de la justice – principalement des postes de magistrat mais aussi de greffier –, soit une hausse de 11 % en cinq ans. Les services judiciaires bénéficieront ainsi en particulier de la création de 1 500 postes de magistrats entre 2022 et 2027.
La prochaine promotion de l’École nationale de la magistrature (ENM) sera aussi importante que l’année précédente avec, à nouveau, un chiffre historique de 470 postes offerts aux auditeurs de justice et 100 postes au concours complémentaire.
Concernant la justice des mineurs, au service de laquelle le ministère de la justice est particulièrement mobilisé, d’ici à 2027, ce sont 56 postes de juge des enfants qui doivent être créés, ce qui devrait renforcer significativement les tribunaux pour enfants. En outre, il convient d’ajouter à ces chiffres la création de 50 postes supplémentaires fléchés vers la justice des mineurs, au titre de la réserve de 150 postes qui doit être instaurée d’ici à 2027.
S’agissant de la situation du tribunal pour enfants d’Évreux, au 1er septembre 2025, sous réserve de l’avis du Conseil supérieur de la magistrature à la suite des propositions de nomination faites à l’occasion de la prochaine transparence intermédiaire, à paraître le 13 juin, il ne connaîtra aucune vacance s’agissant des quatre postes localisés. En outre, la première présidente de la cour d’appel de Rouen a sollicité la création d’un cinquième poste de juge des enfants au sein de la cible 2027, conformément à la volonté de donner la priorité à la justice des mineurs au niveau national. Il en sera évidemment tenu compte.
Soyez assurée que les services du ministère de la justice sont pleinement mobilisés et continueront de prêter une attention particulière à la situation du tribunal judiciaire d’Évreux, notamment lors des prochaines mobilités, avec pour objectif premier de résorber la vacance, dans la limite des possibilités offertes par les candidatures exprimées et la nécessaire péréquation à laquelle doit se conformer la répartition des moyens à l’échelle nationale.
Prime en faveur des agents des établissements pénitentiaires de haute sécurité
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour exposer sa question, no 375, relative à la prime en faveur des agents des établissements pénitentiaires de haute sécurité.
Mme Chantal Jourdan
Ma question s’adresse au ministre de la justice. Dans ma circonscription se trouve le centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, l’un des deux premiers établissements à être désignés prison de haute sécurité. À compter du 15 octobre prochain, il accueillera les quartiers de lutte contre la criminalité organisée, destinés à héberger les cent plus gros narcotrafiquants, afin de les empêcher de poursuivre leurs activités criminelles depuis leurs cellules.
Dans ce contexte, a été annoncée la création d’une prime à destination des personnels exposés à des risques quotidiens. En l’état, elle ne concernerait que les agents directement en contact avec les narcotrafiquants.
Cette annonce suscite des questions. Le personnel soignant intervenant auprès des détenus ne semble pas être éligible à cette prime.
Pourtant, les risques encourus concernent l’ensemble des personnels intervenant au sein du centre pénitentiaire, qu’ils soient en contact direct ou indirect – les personnels administratif et soignant – avec les détenus. Les organisations professionnelles nous alertent sur le fait que les narcotrafiquants sont susceptibles d’ordonner des actions en dehors de la prison, sans distinction entre les agents exposés physiquement et les autres.
Dès lors, mes questions sont les suivantes : la prime sera-t-elle étendue – en plus de leur indemnité forfaitaire de risques – aux soignants détachés de l’hôpital public et appelés à intervenir au sein de ces établissements de haute sécurité ? Pouvez-vous nous confirmer que cette prime sera versée à l’ensemble des agents du centre pénitentiaire et nous préciser quels seront son montant et sa date d’entrée en vigueur ? Pouvez-vous détailler les moyens qui seront mis en œuvre par le ministère de la justice pour assurer ces financements hautement indispensables ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Voici ce que le garde des sceaux, que je remplace ce matin, aurait aimé vous répondre.
Votre question vient en complément de la question précédente en ce qu’elle porte sur les risques encourus par le personnel pénitentiaire. Comme vous le savez, le 29 avril dernier, la proposition de loi visant à sortir notre pays du piège du narcotrafic a été définitivement adoptée par votre assemblée, qu’il remercie pour l’avoir menée à bien. Dans le cadre de l’ouverture des quartiers de lutte contre la criminalité organisée, il s’agit maintenant de soutenir les personnels qui seront amenés à y exercer leurs missions. Ils sont un rempart entre le monde du narcotrafic et notre société. Les centres pénitentiaires de Vendin-le-Vieil et de Condé-sur-Sarthe seront les premiers établissements de lutte contre la criminalité organisée, mis en service respectivement au 31 juillet et à l’automne 2025. Dans le cadre du dialogue social mené auprès des personnels de ces établissements, un complément indemnitaire sera mis en place. L’ensemble des agents affectés seront concernés par l’attribution de cette prime. À ce jour, tous corps et grades confondus, cela représente 640 agents.
Plusieurs scénarios sont envisagés quant à la mise en œuvre de cette revalorisation indemnitaire, qui pourrait être mensuelle ou annuelle, nette ou brute, proportionnelle ou non. Ils seront soumis à l’avis du contrôleur budgétaire et du comptable ministériel, ainsi qu’au guichet unique interministériel. Au regard de la situation financière de l’administration pénitentiaire et des autres projets de revalorisation indemnitaire préalablement engagés, le soutien de l’ensemble des parlementaires lors du vote de la prochaine loi de finances sera évidemment essentiel.
Enfin, s’agissant des personnels soignants, dernier point de votre intervention, il faut rappeler que la loi du 18 janvier 1994 a confié au service public hospitalier la prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice. À cet égard, la gestion des ressources humaines concerne donc le ministère de la santé et de l’accès aux soins, et non le ministère de la justice. Ce n’est pas de la part du ministre une façon de se défausser, mais c’est pour vous dire qu’il a sollicité le ministère de la santé sur ce point particulier, afin que le personnel soignant ne soit pas en dehors de la réforme engagée.
Mme la présidente
La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour l’ensemble de ces réponses. La situation du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe nécessite bien entendu une amélioration car le recrutement y est difficile : il faut absolument prévoir les indemnités que j’ai évoquées, d’autant plus qu’il sera demandé aux personnels concernés beaucoup de professionnalisme du fait de leur exposition au risque.
Concernant les soignants, j’ai été alertée par les personnels de l’hôpital qui seront amenés à intervenir. Il sera vraiment nécessaire de bien déterminer qui prend en charge leurs indemnités, de façon que les personnels ne souffrent pas du fait qu’un ministère se défausserait sur un autre. Il faut que ce point soit absolument éclairci.
Coopération judiciaire entre la France et l’Espagne
Mme la présidente
La parole est à M. Peio Dufau, pour exposer sa question, no 376, relative à la coopération judiciaire entre la France et l’Espagne.
M. Peio Dufau
Je souhaite interpeller le garde des sceaux sur des faits de tortures et mauvais traitements dans le cadre du conflit basque et sur leur implication en matière de coopération judiciaire. Vous savez que la France est signataire de la Convention de 1987 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et qu’elle est également partie à la Convention européenne des droits de l’homme, laquelle interdit explicitement la torture et engage les États à mener des enquêtes efficaces sur les allégations crédibles de mauvais traitements.
À ce jour, la Cour européenne des droits de l’homme – CEDH – a condamné l’Espagne à douze reprises pour avoir manqué à cette obligation. Et dans l’affaire Portu et Sarasola, elle a même constaté l’existence de traitements inhumains et dégradants. Plus récemment, l’Audience nationale espagnole a reconnu la réalité des faits de mauvais traitements dans une autre affaire. J’ajoute que des éléments concernant une ancienne dirigeante de l’ETA – Euskadi ta Askatasuna – ont été versés au débat dans le cadre des procédures de mandat d’arrêt européen instruites sur le territoire français.
La coopération judiciaire entre la France et l’Espagne repose sur la confiance mutuelle : l’usage de déclarations extorquées sous la torture ou autres mauvais traitements ne saurait être compatible avec l’État de droit ni avec les engagements internationaux de la France en matière de droits humains. La reconnaissance de ces pratiques ne peut se limiter à des affaires individuelles. Ainsi, au Pays basque, 5 657 cas de torture ont été comptabilisés en 2021 par la fondation Euskal Memoria. Un tel chiffre, croisé avec les nombreuses expertises indépendantes et décisions de justice en la matière, révèle une dimension systémique des mauvais traitements dans le cadre du conflit basque. Cette réalité ne peut être ignorée. Faire toute la lumière sur ce qui s’est passé est une condition nécessaire pour construire une paix fondée sur la vérité, sur la reconnaissance et sur la responsabilité.
Première question : dans un contexte où la torture a été reconnue par la justice européenne, documentée par des experts indépendants et désormais prise en compte par certaines juridictions espagnoles, quelles suites le gouvernement entend-il donner à cette situation, notamment en matière de coopération judiciaire avec l’Espagne et de réévaluation des mandats d’arrêt européens concernés ?
Seconde question : au regard des révélations concordantes sur le caractère systémique des violences commises, quels engagements le gouvernement est-il prêt à prendre et quelles suites entend-il donner à cette réalité dans le cadre de la résolution du conflit basque ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
En vous priant d’excuser le garde des sceaux, je tiens tout d’abord à rappeler qu’il ne lui appartient pas de donner quelque instruction que ce soit dans le cadre de dossiers individuels ni d’interférer dans les procédures judiciaires, et ce en raison des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d’indépendance de l’autorité judiciaire que nous connaissons tous.
La coopération judiciaire entre la France et l’Espagne est régie par les instruments de l’Union européenne que sont principalement le mandat d’arrêt européen aux fins de remise de personnes et la décision d’enquête européenne aux fins d’obtenir des éléments de preuve dans le cadre d’enquêtes en cours. L’application de la décision-cadre du Conseil datée du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres « ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 du Traité sur l’Union européenne », comme d’ailleurs l’interdiction de subir des traitements inhumains ou dégradants, a fortiori des actes de torture. Elle ne saurait non plus évidemment contrevenir aux engagements de la France au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de la Convention internationale contre la torture et autres peines et traitements inhumains et dégradants, ou encore du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Aux termes des articles 695-29 à 695-36 du code de procédure pénale, la procédure applicable devant la chambre de l’instruction, lorsqu’une autorité judiciaire française est saisie par une autorité judiciaire de l’Union européenne en vertu d’un mandat d’arrêt européen, permet à la personne recherchée de bénéficier des droits de la défense et, à ce titre, de faire état d’éventuels risques et de l’existence d’une violation de ses droits fondamentaux, afin de faire obstacle à sa remise. L’autorité judiciaire est ensuite souveraine dans son appréciation, ce qui lui permet à titre exceptionnel d’émettre un avis défavorable à la remise de la personne. C’est ainsi que, saisie de l’un des titres sollicitant la remise d’Iratxe Sorzabal Diaz, la chambre d’instruction près de la cour d’appel de Paris a émis, le 16 décembre 2020, un avis défavorable, considérant que les garanties produites par les autorités espagnoles étaient insuffisantes.
S’agissant de la coopération pénale entre la France et l’Espagne, il convient de souligner qu’elle est ancienne, riche et empreinte d’une grande confiance mutuelle. La permanence du dialogue entre les ministres, nos services et nos autorités judiciaires respectives a favorisé la mise en œuvre d’une réponse commune, ferme et efficace, notamment contre les agissements meurtriers de l’ETA, organisation terroriste que nous connaissons bien.
Parfaite illustration de cette coopération, le groupe de travail franco-espagnol de lutte contre le terrorisme a été instauré conjointement par les chefs d’État français et espagnol au sommet de Perpignan en 2001 ; il réunit juges, procureurs et policiers spécialisés des deux pays. Sur la période 2018-2023, vingt-quatre mandats d’arrêt européen concernant six membres de l’ETA ont été adressés à la France par les autorités espagnoles, dont trois ont abouti à la remise temporaire de l’intéressé, quatorze donné lieu à une décision de remise différée – deux ayant depuis été exécutées –, quatre étant devenus sans objet en raison du retrait de la demande par l’Espagne ou de leur remplacement par de nouveaux mandats d’arrêt européen et trois ayant donné lieu à un refus de remise – dont un seul sur le fondement du respect des droits fondamentaux.
Fonctionnaires originaires des collectivités d’outre-mer
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Sanquer, pour exposer sa question, no 366, relative aux fonctionnaires originaires des collectivités d’outre-mer.
Mme Nicole Sanquer
Ma question porte sur la situation des fonctionnaires originaires des collectivités d’outre-mer exerçant dans l’Hexagone. Ils subissent une inégalité de traitement par rapport aux fonctionnaires originaires des départements d’outre-mer. Ces injustices, largement reconnues, nourrissent un sentiment de relégation chez ces agents publics, pourtant pleinement engagés dans leurs missions. Ils sont aujourd’hui plus d’une centaine chaque année à réussir les concours nationaux dans tous les secteurs – police, gendarmerie, finances, secteur pénitentiaire, douane, éducation, etc. ; ils quittent leur famille, leur île, sans garantie d’un possible retour pour exercer leurs fonctions sur leur territoire d’origine ; ils s’engagent pour la France mais aussi pour leur avenir, et deviennent ainsi des fonctionnaires d’État à part entière.
L’article 1er du décret no 2001-1225 du 20 décembre 2001 instaure une prime spécifique d’installation pour les agents de l’État et les magistrats, titulaires ou stagiaires, ultramarins, dès lors qu’ils sont affectés dans l’Hexagone pour une durée minimale de quatre ans, suite à une mutation, à une promotion ou à la réussite d’un concours national.
Cette prime salvatrice compense en partie les coûts de déplacement et d’installation. Or les fonctionnaires originaires de Polynésie française, de Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna et de Saint-Pierre-et-Miquelon en sont exclus. C’est une discrimination envers des fonctionnaires, discrimination fondée sur leur territoire d’origine. Les lauréats polynésiens, par exemple, démarrent en majorité leur carrière en France hexagonale, et sans aucun soutien financier de l’État contrairement aux stagiaires issus des Drom, les départements et régions d’outre-mer. Il en va de même pour les agents titulaires ayant réussi un examen professionnel qui engendre une affectation hors de leur territoire.
Les militaires engagés du Pacifique ont subi cette injustice pendant plus de cinquante ans, mais le ministère des armées a corrigé cette discrimination par un décret d’avril 2022.
Aussi, quand le ministre de la fonction publique va-t-il établir l’égalité de traitement en étendant la prime d’installation aux fonctionnaires originaires des collectivités du Pacifique ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Tout d’abord, je vous prie d’excuser Laurent Marcangeli, ministre de la fonction publique. Ne pouvant être présent ce matin, il m’a demandé de vous transmettre la réponse suivante. Au préalable, je tiens à témoigner en ma qualité d’ancien ministre des outre-mer –fût-ce brièvement – de la pleine solidarité du gouvernement avec nos compatriotes établis dans nos outre-mer ou qui en sont originaires. Pour eux, la question de la continuité territoriale et du lien avec leur territoire d’origine est fondamentale.
Votre question porte sur l’opportunité d’étendre l’éligibilité de la prime spécifique d’installation, la PSI, aux fonctionnaires originaires des collectivités d’outre-mer du Pacifique – la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna. Instituée en 2001, la PSI vise à soutenir financièrement les fonctionnaires préalablement affectés dans un département d’outre-mer ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin ou Saint-Barthélemy lors de leur première affectation en métropole. Elle a été créée, dans un contexte particulier, pour encourager l’affectation en métropole des fonctionnaires de l’État originaires de ces territoires.
Ce dispositif, qui requiert un engagement de quatre années de service continu en métropole, traduit la volonté de l’État d’accompagner concrètement les parcours professionnels des fonctionnaires ultramarins. En 2024, il a bénéficié à plus de 2 450 d’entre eux, pour un montant total avoisinant un peu moins de 20 millions d’euros, soit une moyenne de près de 8 000 euros par bénéficiaire. Les fonctionnaires de Polynésie, de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna n’ont pas été intégrés dans le dispositif en raison des spécificités propres à ces territoires. En effet, ceux-ci bénéficient, en vertu des dispositions de l’article 74 de la Constitution, d’une large autonomie et d’une organisation administrative qui leur est propre, et gèrent des intérêts spécifiques. Les modalités de recrutement, de gestion des carrières et d’affectation des agents sont donc régies par un cadre réglementaire spécifique.
Il est vrai que les militaires engagés du Pacifique bénéficient, depuis 2022, d’une indemnité d’installation lors de leur première affectation en métropole. Néanmoins, cette mesure relève d’un cadre statutaire spécifique, différent de celui des fonctionnaires civils, qui ne leur est pas applicable.
Dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, et au regard de ces spécificités, le gouvernement n’envisage pas, pour l’instant, d’étendre la PSI aux fonctionnaires des collectivités du Pacifique. Il reste néanmoins mobilisé pour améliorer l’attractivité des métiers de l’action publique en prenant en compte les besoins spécifiques des territoires ultramarins.
Mme la présidente
La parole est à Mme Nicole Sanquer.
Mme Nicole Sanquer
Votre réponse confirme une discrimination envers des fonctionnaires fondée sur leur territoire d’origine. Je ne la comprends pas, s’agissant de fonctionnaires engagés par la France qui ont réussi un concours national. Je peux même parler d’une double discrimination, puisque les agents de l’État mutés ou affectés dans les collectivités d’outre-mer bénéficient d’une prime d’installation qui peut atteindre vingt mois de salaire pour quatre ans d’engagement. Il est urgent de régler cette injustice, comme le ministère des armées l’a fait pour les militaires.
Prise en charge de la dépendance dans le Cher
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour exposer sa question, no 359, relative à la prise en charge de la dépendance dans le Cher.
M. Nicolas Sansu
Les professionnels du secteur et leurs représentants alertent avec vigueur sur la situation financière des Ehpad et des associations de maintien à domicile. Malgré toutes les belles annonces, la prise en charge de la dépendance est non seulement insuffisante, mais parfois même indécente au regard de la dignité que l’on doit à nos anciens. Elle s’est dégradée ces dernières années et la loi « bien vieillir », dont seuls dix décrets sur trente-sept ont été publiés, s’apparente à une succession de vœux pieux sans réelles modalités de financement. Il est urgent de passer des promesses au programme, car des structures entières sont en péril.
Dans le Cher, plus de 80 % des Ehpad sont en déficit ; celui-ci gonfle chaque année par le biais des reports. C’est le cas des établissements Constance-de-Durbois à Graçay et Ambroise-Croizat à Vierzon, comme des Résidences de Bellevue à Bourges, autant d’institutions publiques ou associatives à but non lucratif qui ne peuvent plus être à l’équilibre. Dans le même temps, les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) sont à la peine. Dans le Cher, le placement en redressement judiciaire de deux d’entre eux, Facilavie et Atout’âge, a diminué les capacités départementales de prise en charge à domicile.
Les causes de ces difficultés ne peuvent être imputées aux Ehpad ou aux Saad et sont connues : flambée des coûts de l’énergie, des denrées alimentaires et des produits d’hygiène, recours à l’intérim pour pallier les difficultés de recrutement et, surtout, faiblesse des financements par la solidarité nationale. Nous sommes au bord de l’implosion de nombre de ces structures, d’autant que le report de l’âge du départ à la retraite vient déstabiliser encore plus les établissements et leurs salariés qui, bien que passionnés, sont souvent épuisés par leur travail exigeant aux environs de 60 ans.
Le gouvernement ne pourra pas passer longtemps entre les gouttes. Les départements vieillissants et pauvres en ressources, comme le Cher, ne pourront pallier les insuffisances de l’État. Plus de deux tiers des résidents ou bénéficiaires ont des ressources mensuelles inférieures au coût du service. Il est temps de repenser globalement le financement du grand âge en intégrant des dispositions d’attractivité pour les personnels et des mesures de respect de la dignité des personnes âgées.
J’ai donc quatre questions précises. Allez-vous prévoir dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 un fonds de soutien digne de ce nom qui permette la remise à flot des Ehpad et des Saad en péril, en commençant par ceux des secteurs public ou non lucratif ? Ensuite, quel financement pérenne prévoyez-vous ? Un prélèvement à hauteur de 2 % du patrimoine des milliardaires – la fameuse taxe Zucman – permettrait de dégager 13 à 14 milliards d’euros en faveur des politiques sociales. Par ailleurs, via la Caisse des dépôts, la puissance publique a injecté plus de 500 millions d’euros pour sauver Orpéa, un opérateur privé à but lucratif qui s’était comporté de façon indigne. N’est-il pas temps de mobiliser la Caisse des dépôts en faveur du secteur public ? Enfin, allez-vous appliquer l’avenant no 66 de la convention collective de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile afin d’améliorer la rémunération des salariés et de rendre plus attractifs les métiers d’un secteur aussi stratégique ?
Il y a urgence. C’est aux soins qu’elle prodigue à ses enfants et à ses anciens que l’on mesure l’humanité d’une société. Monsieur le ministre, ne trahissez pas les valeurs de solidarité et d’humanisme de notre pays !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je vous prie tout d’abord d’excuser l’absence de ma collègue Charlotte Parmentier-Lecocq, actuellement à l’ONU pour une conférence des États membres sur la convention des droits des personnes en situation de handicap. Voici la réponse qu’elle m’a demandé de vous transmettre.
Face aux difficultés financières rencontrées par les Ehpad sur la section dépendance tarifée par les conseils départementaux, un premier niveau de réponse a été apporté pour 2024 avec l’expérimentation du regroupement de cette section avec celle des soins. En les fusionnant, les établissements pourraient mieux adapter leurs moyens aux besoins des résidents et optimiser leurs dépenses, tout en maintenant le niveau de qualité de leur prise en charge. Il faut noter que le département du Cher ne s’est pas porté volontaire pour cette expérimentation.
M. Nicolas Sansu
Ce sont vos amis politiques qui le dirigent !
M. François-Noël Buffet, ministre
Peut-être, mais je ne cherche qu’à vous apporter une réponse la plus claire possible et non à polémiquer.
M. Nicolas Sansu
Un peu quand même !
M. François-Noël Buffet, ministre
Pour 2025, le gouvernement a dégagé 250 millions de crédits destinés à soutenir ceux des établissements hébergeant des personnes âgées qui sont en difficulté. Cette enveloppe a été mise à disposition des agences régionales de santé (ARS) et sera répartie d’ici à la fin de l’été, après examen par les commissions départementales. Les Ehpad du Cher en difficulté financière entreront dans ce cadre.
S’agissant des Saad, la réforme des services autonomie à domicile offre des leviers concrets pour améliorer leur situation financière. En instaurant un tarif plancher national, une contractualisation pluriannuelle et un financement renforcé des fonctions support, elle vise à garantir aux structures une plus grande visibilité budgétaire et une stabilité. Elle favorise également l’amélioration des conditions de travail et la professionnalisation des personnels.
Ces évolutions nécessitent un accompagnement de l’État et des collectivités territoriales, à travers un soutien à la transition vers les nouveaux modèles économiques proposés incluant des aides à la trésorerie et à la restructuration ainsi qu’un appui à la mise en œuvre des réformes sur le terrain. Ces mesures combinées visent à restaurer la viabilité des structures d’accompagnement des personnes âgées, en garantissant à la fois la qualité du service rendu et la soutenabilité financière à long terme.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Je suis un peu déçu par les réponses apportées à mes questions, car aucun moyen supplémentaire n’est déployé. Si rien n’est fait dans le PLFSS pour 2026 pour la dépendance et le grand âge, nous aurons des drames sur le terrain – en tant qu’élu local, vous le savez comme moi. Le gouvernement ferait bien de mettre enfin en œuvre de vraies solutions de financement.
Gynécologie médicale
Mme la présidente
La parole est à Mme Anne-Sophie Ronceret, pour exposer sa question, no 354, relative à la gynécologie médicale.
Mme Anne-Sophie Ronceret
Depuis plusieurs années, la gynécologie médicale retrouve peu à peu sa place dans notre système de santé, après avoir été longtemps écartée. Il s’agit d’une spécialité indispensable dédiée à la santé des femmes dans toutes ses dimensions, de la puberté à la ménopause. Toutefois, une alerte sérieuse nous est adressée.
Pour la première fois depuis le rétablissement du diplôme universitaire de gynécologie médicale, en 2003, le nombre de postes d’internes a diminué, passant de quatre-vingt-onze en 2024 à soixante-dix-neuf cette année. Dans un contexte où les besoins sont immenses, cette baisse alerte. Dans de nombreux territoires, l’accès à un gynécologue médical devient presque impossible. Cela signifie des retards de diagnostic, notamment pour les cancers, des difficultés dans le suivi des infections et des insuffisances dans l’accompagnement de la contraception ou de la ménopause. Les patientes et les professionnels s’inquiètent.
Quelles mesures entendez-vous prendre pour garantir à toutes les femmes, où qu’elles vivent, un accès effectif et régulier à cette spécialité médicale, qui joue un rôle clé dans leur santé, aussi bien en matière de suivi que de prévention ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je vous prie d’excuser l’absence du ministre de la santé, qui m’a transmis des éléments de réponse.
La réduction du nombre de postes ouverts à l’internat en 2024 est le résultat d’un phénomène purement conjoncturel : la baisse du nombre d’étudiants inscrits en sixième année de médecine, liée notamment à l’introduction d’un nouveau mode d’évaluation, les examens cliniques objectifs et structurés (Ecos), qui a pu en décourager certains. Beaucoup d’étudiants ont préféré reporter le passage de ces examens, qui visent à mieux évaluer leur capacité à agir en milieu professionnel.
Cette situation est toutefois transitoire et je réaffirme notre engagement à former davantage de médecins. C’est l’objectif du pacte de lutte contre les déserts médicaux présenté le 25 avril. Cette politique globale concerne toutes les spécialités, y compris la gynécologie médicale. Nous n’oublions pas que celle-ci revient de très loin, après avoir été presque abandonnée, et qu’elle reste malheureusement fragile.
Les Ecos qui viennent de se tenir début juin permettront de connaître bientôt le nombre d’internes à la rentrée prochaine et leur répartition par spécialité. Ces évaluations nouvelles ont pour but de garantir non seulement le niveau de connaissances, mais aussi les compétences pratiques des futurs médecins. Il s’agit d’une exigence de qualité et non d’un recul.
Dans le même temps, nous travaillons aussi à renforcer la prise en charge de la santé des femmes dans les soins primaires. La nouvelle maquette de formation en médecine générale prévoit plus d’enseignements sur la contraception, le suivi gynécologique, l’IVG et la ménopause. Comme vous l’avez indiqué, l’accès à un gynécologue est difficile dans de nombreux territoires et il faut que la médecine de ville puisse prendre le relais là où c’est nécessaire.
L’objectif fixé par le ministre de la santé est simple : former plus de médecins, les former mieux et en former partout. Cela vaut pour la médecine générale comme pour la gynécologie médicale. Il s’agit de garantir à toutes les femmes, où qu’elles vivent, un accès rapide, digne et de qualité au suivi de leur santé.
Accès au très haut débit à La Treille
Mme la présidente
La parole est à Mme Monique Griseti, pour exposer sa question, no 368, relative à l’accès au très haut débit à La Treille.
Mme Monique Griseti
Depuis de nombreuses années, l’État s’est engagé dans une transition numérique profonde, et peut-être même parfois excessive. Les démarches administratives sont désormais presque entièrement dématérialisées et les services publics sont principalement accessibles en ligne. La relation entre l’administration et l’usager a radicalement changé. Avoir une connexion internet de qualité est une nécessité fondamentale pour nos concitoyens. Cela leur permet de travailler, de télétravailler, de communiquer et d’exercer leur liberté d’expression. Ce mouvement concerne toutes les générations et nos aînés, souvent moins à l’aise face aux procédures en ligne, doivent pouvoir accéder facilement aux services numériques. Depuis la crise du covid, nous devons garantir à tous nos concitoyens, en particulier dans les grandes villes, les moyens techniques nécessaires pour télétravailler correctement.
À Marseille, deuxième ville de France et cœur de la Provence, des inégalités entre citoyens persistent. L’accès fiable et rapide à internet doit devenir une réalité dans les noyaux villageois historiques de la commune. Dans ma circonscription, ce n’est par exemple pas le cas à La Treille, le village de Marcel Pagnol, situé à seulement 14 kilomètres du Vieux-Port. Ce problème concerne d’autres noyaux villageois, comme ceux d’Éoures, des Camoins ou des Accates. Les opérateurs de réseaux internet doivent déployer la fibre dans les zones désignées comme prioritaires avant 2030. S’ils ne le font pas, ils devront s’acquitter d’une amende.
Ce dispositif est pertinent et encourageant mais l’installation de la fibre optique dans les quartiers périphériques de Marseille rencontre des obstacles du fait de la préservation du patrimoine immobilier, végétal et culturel, nécessaire pour leur conserver leur identité provençale. Plusieurs plans ont été lancés pour connecter correctement le territoire que je représente et y faciliter l’accès aux activités électroniques d’ici à la fin de l’année 2025. Comme d’autres, le noyau villageois de La Treille vit une fracture numérique. L’exercice des libertés de ses habitants est mis à mal par ce manque de connexion. En conséquence, je vous demande quels moyens l’État peut mettre en œuvre pour accélérer l’installation des réseaux plus que nécessaires au quotidien des Marseillais isolés tout en préservant le patrimoine des magnifiques noyaux villageois où ils vivent.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
L’enjeu du respect du patrimoine architectural des villages est essentiel dans la généralisation de la fibre optique. Alors que ce chantier a bien avancé au cours des dernières années, notamment dans les territoires ruraux, les opérateurs ont dû trouver des solutions pour que le déploiement, souterrain ou aérien, ne dégrade pas le charme des communes concernées.
Le taux de déploiement de la fibre dans les zones rurales a presque rattrapé celui des zones urbaines, avec respectivement 88 % et 93 % à la fin 2024, contre 30 % et 80 % à la fin 2020. Un tel niveau de couverture nécessite un pilotage et une attention particuliers, surtout dans les zones protégées. Le Marais poitevin est un exemple de déploiement réussi de la fibre tout en préservant l’environnement et en respectant les contraintes techniques et paysagères. De même, le déploiement en cours autour du canal du Midi, près des châteaux cathares, dans les villages alsaciens ou bourguignons ou dans des zones protégées fait l’objet d’un traitement spécifique afin que la couverture du territoire par la fibre s’effectue dans le respect des contraintes patrimoniales et naturelles. Les architectes des bâtiments de France jouent un rôle important dans cette opération, notamment lorsqu’il s’agit de telles zones, où des adaptations techniques ou esthétiques sont nécessaires.
Si les autres technologies disponibles, comme le satellite ou la 5G, représentent des options intéressantes dans l’attente du déploiement de la fibre ou dans des situations spécifiques, leur performance n’est pas comparable. Il convient en outre de noter que l’installation d’antennes paraboliques n’est pas sans impact sur l’espace public. C’est pourquoi, dans un contexte de développement continu des usages numériques et conformément aux objectifs européens, le gouvernement a fixé pour objectif la généralisation du déploiement de la fibre optique.
Le magnifique village de La Treille, que vous avez évoqué, est situé en zone très dense, où les opérateurs privés ont la responsabilité d’assurer le déploiement du réseau en fibre optique jusqu’aux abonnés. Il revient à l’Arcep, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, de contrôler ce bon déploiement et d’identifier les éventuels manquements.
La situation que vous décrivez symbolise parfaitement les objectifs et l’action du gouvernement – que je rappellerai au nom de François Rebsamen : concilier le respect du patrimoine en zone protégée avec l’activité économique et l’accès à des services de qualité pour tous nos concitoyens.
Mme la présidente
La parole est à Mme Monique Griseti.
Mme Monique Griseti
J’espère que les personnes vraiment isolées pourront avoir accès au numérique de la même façon que les autres. Beaucoup se sont installées dans ce secteur et en ont impérativement besoin pour leur travail et pour les démarches administratives. Je compte sur vous, monsieur le ministre.
Aérodrome de la Salmagne
Mme la présidente
La parole est à M. Michaël Taverne, pour exposer sa question, no 369, relative à l’aérodrome de la Salmagne.
M. Michaël Taverne
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation.
Dans le département du Nord, notamment dans l’agglomération de Maubeuge, les habitants et de nombreux élus s’inquiètent que disparaisse purement et simplement un symbole de notre territoire : l’aérodrome de la Salmagne.
Cet aérodrome est un élément clé du tissu économique local : il abrite vingt-cinq emplois à temps plein, une multitude d’associations, un aéroclub, une école de pilotage, un atelier mécanique, un restaurant. Quelque 15 000 sauts en parachute y sont réalisés chaque année. Cerise sur le gâteau, en 2008, il a accueilli les championnats mondiaux de parachutisme, avec un invité de marque : Zinédine Zidane. La piste de l’aérodrome peut en outre servir de piste de secours pour les hélicoptères en provenance du centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille et permet l’acheminement aérien de pièces urgentes en cas d’arrêt de la chaîne industrielle Ampère ElectriCity Maubeuge.
Des projets de développement sont en cours, notamment la création d’une filière aéronautique, celle d’une école de pilotage de drones ou le développement d’une piste de BMX, comme on en trouve aux abords de l’aérodrome de Lille-Marcq-en-Barœul. Malgré l’absence d’une redevance d’atterrissage – alors qu’il en existe une dans tous les aérodromes de la région –, les projets ne manquent pas.
Pourtant, l’aérodrome est en sursis en raison de l’implantation hypothétique d’une entreprise.
Il y a cinq ans, on nous annonçait l’installation d’une usine de textile – pure démagogie. Ensuite, il fut question d’une gigafactory, avec 3 000 emplois à la clé – mais oui, bien sûr… Aujourd’hui, on est en plein dans l’air du temps : c’est un data center qui s’implanterait, pour la création de… quarante-cinq emplois au maximum. Il ne manquait plus que ça ! Des élus d’extrême gauche, notamment le président de la communauté d’agglomération Maubeuge-Val de Sambre, sont prêts à raconter n’importe quoi pour voir disparaître ce joyau ; ils vont jusqu’à imposer la confidentialité aux élus quant à la faisabilité du projet. Drôle de démocratie !
Le niveau de la nappe phréatique est bien trop bas pour un tel projet, et l’infrastructure routière insuffisante. D’après les dernières informations, le site devrait faire l’objet d’une dépollution importante. Notre territoire dispose de nombreuses friches industrielles qui pourraient accueillir un data center. Pourquoi imposer la fermeture de la Salmagne ? C’est pure idéologie.
Une consultation citoyenne a eu lieu dans la commune voisine de Marpent. Le résultat est sans appel : 93 % des habitants sont contre la fermeture. Le 11 mai, une journée portes ouvertes a réuni plus de 3 000 personnes.
Monsieur le ministre, quel avenir pour l’aérodrome de la Salmagne ? Oserez-vous aller contre la volonté des habitants, qui veulent conserver ce joyau qui fait la fierté de notre territoire ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Monsieur le député, vous avez exprimé avec beaucoup de force et de conviction votre attachement à l’aérodrome de la Salmagne. J’avais néanmoins eu l’occasion de répondre lors de la séance du 29 avril à une question de votre collègue, Mme Delannoy, sur le même sujet.
La France s’appuie sur un héritage aéronautique de premier ordre, qui comprend un réseau dense et diversifié d’infrastructures aéroportuaires. L’État veille à la pérennité de ce maillage territorial et au maintien de ces équipements dans l’ensemble du territoire national.
Gardons toutefois à l’esprit que la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a organisé la décentralisation de nombreuses infrastructures. Dans cette logique, l’aérodrome de Maubeuge a été cédé par l’État à la communauté d’agglomération de Maubeuge-Val de Sambre selon les termes de la convention du 26 décembre 2006. Cette décentralisation confère à la collectivité la pleine maîtrise des décisions concernant l’avenir de l’équipement, dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales. L’État conserve un rôle de contrôle de l’application des dispositions conventionnelles, en particulier concernant les mesures de réorientation des utilisateurs actuels vers d’autres sites en cas de fermeture.
S’agissant des missions d’urgence médicale, la situation du territoire s’est nettement améliorée avec l’ouverture en 2021 d’une hélistation au nouveau centre hospitalier de Maubeuge. Cette installation, opérationnelle 24 heures sur 24, répond parfaitement aux exigences des évacuations sanitaires d’urgence.
Concernant les activités de transport d’affaires ou de fret express, l’aéroport de Valenciennes-Denain, distant de 40 kilomètres et accessible par voie rapide, constitue une solution de qualité supérieure. Ses caractéristiques techniques sont remarquables : piste de 1 700 mètres équipée d’un éclairage nocturne, services de secours spécialisés, système d’approche aux instruments autorisant les opérations y compris dans des conditions de visibilité limitée. Ses performances dépassent nettement celles de l’aérodrome de Maubeuge, contraint par la longueur réduite de sa piste et dont l’utilisation est limitée aux seules opérations diurnes.
Quoi qu’il en soit, je répète, monsieur le député, que, même si vous ne croyez pas à la crédibilité des projets concernant l’aérodrome, les décisions relatives à son avenir sont entre les mains de la collectivité.
Mme la présidente
La parole est à M. Michaël Taverne.
M. Michaël Taverne
Merci pour cette réponse plutôt explicite, monsieur le ministre. Si l’aérodrome de Prouvy est en effet beaucoup plus développé, je rappelle que les investisseurs voulaient initialement investir à la Salmagne, qui est plus proche de la Belgique et dispose d’une situation stratégique. Tout cela est une affaire d’idéologie. Le projet ne verra pas le jour, les informations dont nous disposons nous l’assurent : le site – un ancien site militaire – est pollué. Il faut que l’État soutienne les initiatives locales.
Transports frigorifiques le week-end
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Michoux, pour exposer sa question, no 378, relative aux transports frigorifiques le week-end.
M. Éric Michoux
Monsieur le ministre chargé des transports, je me fais le messager de nos concitoyens, des élus locaux et des professionnels du transport : ils disent non aux transports frigorifiques le week-end. Ce type de transport bénéficie d’une dérogation spéciale pour les denrées alimentaires. Pourtant, les professionnels dénoncent plusieurs problèmes : des camions qui roulent à vide le week-end ; des chauffeurs qui ne peuvent profiter ni de leur famille ni de leurs proches ; une pollution supplémentaire du fait des émissions de gaz carbonique, des microparticules de caoutchouc dues à l’usure des pneumatiques, et de l’usure des routes ; la surcharge des réseaux routiers, qui est une menace pour la sécurité des usagers ; surtout, l’utilisation détournée des camions pour des trafics de drogue, d’armes, voire d’êtres humains. Tout cela est bien évidemment amplifié par la présence réduite des forces publiques le week-end.
Ce qui s’est passé à Bordeaux il y a quelques mois en est une bonne illustration. Un camion frigorifique a eu un accident grave – mortel. Ce camion transportait des pièces mécaniques, mais pas de denrées alimentaires.
Sur l’A39, l’aire du Poulet de Bresse, dans ma circonscription, est le lieu de divers trafics le week-end. C’est quelque chose que l’on connaît un peu partout.
Les camions frigorifiques étant fermés, insonorisés et thermiquement isolés, les marchandises sont transportées en toute discrétion. Des trafiquants en tout genre en profitent.
Il serait bon, dans le cadre de notre guerre contre le narcotrafic, de réviser la dérogation actuelle en la limitant aux seules urgences sanitaires.
Monsieur le ministre, qu’avez-vous à répondre à nos concitoyens, aux élus, aux chauffeurs, aux chefs d’entreprise sur ce point ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
L’interdiction de la circulation des poids lourds de plus de 7,5 tonnes les veilles des dimanches et jours fériés à partir de 22 heures et au cours de ces journées jusqu’à 22 heures répond à des objectifs de sécurité routière, de protection des conducteurs routiers et de limitation des nuisances pour les autres usagers et pour les riverains des routes. Cette mesure d’intérêt général doit cependant être compatible avec certains enjeux sociaux, sécuritaires ou économiques, s’agissant de transports essentiels à la vie du pays. La réglementation prévoit de ce fait des dérogations très limitées pour le transport de certaines marchandises, telles que les produits périssables, notamment dans des camions frigorifiques lorsque leur nature l’exige, à condition que leur quantité occupe au moins la moitié du chargement, les circulations à vide étant strictement encadrées.
Cette disposition répond à la nécessité d’assurer la continuité de la chaîne logistique pour ces produits de manière à assurer le bon approvisionnement de la population partout en France, en limitant les pertes de marchandises. Le gouvernement considère que ce cadre réglementaire est équilibré et n’envisage pas de le modifier. Des contrôles sont régulièrement effectués et tout manquement constaté est puni d’une amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe, pouvant être complétée par l’immobilisation du véhicule. En 2023, plus de 2 300 camions ont ainsi été verbalisés par les forces en tenue et par les contrôleurs des transports terrestres. Vous pouvez compter sur la mobilisation des forces de sécurité intérieure, des douanes et des contrôleurs des transports terrestres pour poursuivre ces actions, notamment contre les organisations frauduleuses.
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux
Les 2 300 infractions que vous venez de citer représentent une part très faible des millions de camions qui circulent le week-end. Or, en pratique, dans ces camions frigorifiques, on ne transporte pas que des denrées alimentaires : on y trouve aussi des pièces mécaniques, des machines à laver, des migrants – lesquels voyagent dans des conditions qui, il faut le reconnaître, ne sont pas très correctes –, de la drogue, des armes. Il faut être réaliste !
Je reviendrai sur cette question et nous aurons l’occasion de nous revoir à ce propos, monsieur le ministre. Chez nous, c’est devenu un réel problème. Allez voir ce qui se passe sur l’A39 !
RER E
Mme la présidente
La parole est à Mme Fatiha Keloua Hachi, pour exposer sa question, no 374, relative au RER E.
Mme Fatiha Keloua Hachi
Monsieur le ministre chargé des transports, je profite de cette question orale pour vous alerter sur la colère exprimée par les habitants de ma circonscription. Les habitants de Gagny, de Rosny-sous-Bois et de Villemomble, usagers du RER E, font face à de graves difficultés depuis plusieurs mois.
Ces difficultés se concentrent sur les lignes de Paris à Chelles-Gournay et de Paris à Tournan : fermetures en soirée, interruptions le week-end, trains annulés à la dernière minute, etc. Ces dysfonctionnements ont des répercussions concrètes sur la vie personnelle et professionnelle des usagers – retards au travail, stress, fatigue supplémentaire, difficulté à faire garder ses enfants. S’y ajoute un sentiment d’abandon devant un service public qui n’est pas à la hauteur.
La direction de la ligne avance que ces difficultés sont liées aux travaux en cours et à une nouvelle exploitation. Mais soyons honnêtes, monsieur le ministre : l’offre de bus de substitution n’est pas du tout à la hauteur. Ce n’est pas acceptable quand les habitants continuent à payer le prix qu’ils payaient pour un abonnement à un service fonctionnel.
De plus, certaines gares de la ligne E du RER ne sont pas encore complètement accessibles aux personnes en situation de handicap, alors même que la France s’est donné pour objectif, il y a plus de vingt ans, de leur rendre accessible l’ensemble de son réseau de transport.
Quelles mesures le gouvernement entend-il prendre afin de garantir la fiabilité de cette ligne de RER – à Rosny-sous-Bois, à Gagny, à Villemomble – et d’assurer l’accessibilité de l’ensemble de ses gares ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Permettez-moi tout d’abord de rappeler que l’organisation des transports publics en Île-de-France relève de la compétence de l’autorité organisatrice Île-de-France Mobilités (IDFM). Eu égard au principe de libre administration des collectivités territoriales, l’État n’intervient pas dans les choix opérés par les exploitants des lignes quant aux plages de travaux, au niveau d’offre et aux moyens de substitution.
La qualité du service du RER E, exploité par SNCF Transilien, fait l’objet de dispositions et d’engagements précis, encadrés par le contrat entre IDFM et SNCF Voyageurs pour la période 2020-2025. L’État est attaché à la qualité du service des transports du quotidien et y contribue par la modernisation et le développement des infrastructures, via les contrats de plan État-région. Après avoir investi plus de 800 millions d’euros pour le prolongement du RER E vers l’ouest entre 2015 et 2022, l’État a déjà investi 364 millions pour ce même prolongement dans la nouvelle contractualisation 2023-2027. Il a également investi près de 6 millions pour le projet d’amélioration de l’offre entre Villiers-sur-Marne et Roissy-en-Brie.
Sur les 209 gares prioritaires ciblées par le schéma directeur d’accessibilité des gares d’Île-de-France, 181 étaient déclarées accessibles à la fin de l’année 2024 – dont la quasi-totalité des gares du RER E à l’est. La mise en accessibilité des gares restantes de cette section – Rosny-Bois-Perrier et Le Raincy-Villemomble-Montfermeil – est programmée pour 2026 pour la première et 2030 pour la seconde, du fait de la complexité de la configuration des lieux.
Ces réponses ne vous satisferont peut-être pas pleinement. Je ne manquerai pas de signaler à l’autorité de transport et à l’opérateur les réelles difficultés rencontrées sur la ligne E du RER. La qualité de service de cette ligne doit être améliorée pour les personnes qui l’utilisent quotidiennement.
Mme la présidente
La parole est à Mme Fatiha Keloua Hachi.
Mme Fatiha Keloua Hachi
La qualité du transport ne dépend pas que des investissements. L’État a largement investi dans le prolongement de la ligne E – la ligne Eole – et les habitants de ma circonscription souffrent précisément depuis ce prolongement. Leur vie quotidienne est compliquée par les difficultés liées au rodage de la ligne. On aurait pu espérer que celui-ci soit rapide, mais les difficultés durent maintenant depuis plus d’un an.
En voici un exemple, pour vous montrer que le mot de « pénibilité » n’est pas employé en vain. Aux heures de pointe, le RER E passe toutes les dix-sept minutes ; mais quand, sur le quai, on voit le 8 h 17 disparaître des tableaux d’affichage, on appréhende déjà des wagons bien remplis, appréhension à laquelle s’ajoute le stress d’une arrivée au travail avec dix-sept minutes de retard. Aux heures de pointe, il arrive que deux trains soient supprimés ; ce sont alors trente ou quarante minutes de retard au travail.
Pour les personnes qui travaillent en horaires décalés, c’est un train toutes les trente minutes – et donc un train par heure si l’un d’entre eux vient à être supprimé. Nous avons besoin de transports fiables en Île-de-France.
Titre de transport unique
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier, pour exposer sa question, no 352, relative au titre de transport unique.
M. Charles Fournier
C’est avec une certaine fierté que je vous pose cette question, préparée et écrite avec le parlement de circonscription que j’ai créé il y a trois ans. Quatre-vingt de ses habitants participent ainsi à mes travaux parlementaires. Certains d’entre eux sont présents dans les tribunes. Pour venir ici, ils ont dû prendre un train, y embarquer un vélo, acheter un ticket de tramway, etc. Autant de tarifications différentes, quand la France compte plus de 200 systèmes billettiques.
Alors que le secteur des transports demeure le premier émetteur de gaz à effet de serre, la dernière SNBC – stratégie nationale bas-carbone – fait du report modal un levier essentiel de réduction de ces émissions. On ne pourra le favoriser sans lever de nombreux freins, parmi lesquels la complexité tarifaire et la dispersion des dispositifs d’aide. En 2020, la Convention citoyenne pour le climat avait proposé de développer des cartes de transport uniques, multimodales, ainsi que de créer un service numérique sous la tutelle de l’État.
Les travaux du parlement de circonscription ont confirmé l’intérêt de nombreux citoyens pour un tel outil, à condition qu’il réponde à plusieurs exigences : le recensement des offres de transport, publiques comme privées, sur une plateforme unique qui proposerait les meilleurs itinéraires en fonction du prix, de l’empreinte carbone et du profil des utilisateurs ; une tarification en pré et en post-paiement avantageuse pour ceux qui se déplacent beaucoup, y compris sur différents réseaux de transport ; un titre de transport, physique aussi bien que dématérialisé, couvrant tous les types de trajets intermodaux ; une centralisation des données personnelles au regard des aides et des dispositifs proposés, afin d’éviter aux usagers d’avoir à recourir, auprès de chaque opérateur, à de multiples démarches administratives.
À l’issue du forum de l’Agence de l’innovation pour les transports, qui s’est tenu en février 2023, M. Beaune, alors ministre chargé des transports, avait annoncé la création dans les deux ans d’un billet unique pour tous les transports publics de France – idée reprise par la dernière stratégie de développement de la mobilité propre publiée en mars dernier par le gouvernement.
Le Pass Rail, dont l’abandon est un non-sens eu égard aux enjeux actuels, a été le bel exemple d’une possible coopération entre l’État et les régions dans la perspective d’une réflexion, à l’échelle nationale, sur de nouveaux modes billettiques et de financement des mobilités.
En mai 2024, la métropole de Tours – ma circonscription, qui réunit vingt-deux communes – a été désignée comme l’un des territoires pilotes de l’expérimentation, sur la ligne Tours-Le Mans-Caen, d’un titre de transport unique. À l’échelle locale, le Syndicat des mobilités de Touraine, premier signataire de la convention d’expérimentation, a fait preuve d’une forte volonté. Avec la métropole de Tours et la région Centre-Val de Loire, il conduit également un travail essentiel sur une unité tarifaire dans le cadre du futur service express régional métropolitain (SERM) de Touraine.
Deux ans après les annonces de M. le ministre et un an après le lancement de l’expérimentation, les acteurs locaux sont prêts à s’asseoir autour de la table. Chaque région développe aujourd’hui, dans la perspective des SERM, son propre système d’interopérabilité, voire d’unification tarifaire. Il doit s’agir d’un premier pas vers une interopérabilité beaucoup plus large, dans laquelle l’État a un rôle primordial à jouer.
Ce dispositif, dont les bénéfices économiques, sociaux et écologiques – prometteurs – ont déjà été éprouvés ailleurs qu’en France, semble toutefois au point mort. Avec le retrait partiel de la région Pays de la Loire et le changement du chef de projet, la poursuite de l’expérimentation soulève des interrogations. Quelles conclusions tirez-vous de cet échec ? Vous engagez-vous à poursuivre cette démarche en lançant une deuxième expérimentation, par exemple sur la ligne Limoges-Tours-Orléans, souvent évoquée à ce titre ? La loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 avait posé de solides fondations pour organiser l’interopérabilité. Quels leviers législatifs, et surtout financiers, le gouvernement est-il prêt à mobiliser aujourd’hui ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé des transports – pour seulement trois minutes.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Monsieur le député, je ne vous reprocherai que d’avoir amputé d’une minute mon temps de parole, car mon constat est très proche du vôtre. Je salue l’implication active du groupe de travail, qui témoigne de votre engagement en faveur de mobilités plus fluides et plus décarbonées. L’objectif du projet n’a pas changé : développer des outils numériques communs pour simplifier – je dis bien simplifier – le parcours de l’usager et favoriser le report modal.
L’expérimentation du projet de titre unique se poursuit. L’évolution de son périmètre initial, marquée, entre autres, par le retrait partiel de certaines régions partenaires, a constitué une étape clé, permettant de consolider les fondements d’une coopération renforcée entre l’État et les autorités organisatrices de la mobilité. Ces temps de travail commun ont été mis à profit pour redéfinir les priorités du projet et, par conséquent, le périmètre de l’expérimentation entamée sur le territoire urbain de Tours, comme vous l’avez mentionné. L’offre post-paiement sera testée auprès d’un panel d’usagers à la fin de l’été 2025.
De nouvelles étapes de cette expérimentation sont déjà prévues dans d’autres territoires – en Normandie, par exemple, d’ici la fin de l’année, dans le périmètre du syndicat mixte Atoumod. Un cadre contractuel, sous la forme d’une convention d’expérimentation, est proposé aux territoires souhaitant s’engager dans cette démarche.
L’interopérabilité billettique reste une priorité nationale, notamment dans le contexte de l’ouverture à la concurrence. La loi d’orientation des mobilités, vous l’avez dit, constitue un socle juridique robuste. Nous sommes pleinement mobilisés pour assurer la pérennité de ce projet. Je partage totalement votre vision : il faut faciliter l’interopérabilité pour nos usagers des transports qui, sur ce point comme sur d’autres, rencontrent d’importantes difficultés.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Fournier.
M. Charles Fournier
Merci, monsieur le ministre, pour les quinze secondes que vous me laissez. (Sourires.) Cette question est posée par les citoyens : il est important de les entendre et d’aller vite. Tout atermoiement serait une erreur qui risquerait de freiner les dispositions dont nous parlons. L’interopérabilité doit enfin être généralisée.
Attribution des logements sociaux
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour exposer sa question, no 355, relative à l’attribution des logements sociaux.
M. Sébastien Huyghe
Ma question était initialement adressée à Mme la ministre chargée du logement, mais je ne doute pas que M. le ministre chargé des transports saura y répondre.
La crise du logement qui frappe notre pays depuis 2022 s’aggrave, notamment dans les zones tendues. Pour un nombre grandissant de nos concitoyens, il est impossible d’accéder à un logement abordable à proximité de son lieu de travail. Ils sont nombreux à se tourner vers le logement social, quand d’autres y renoncent, découragés par la longueur des délais et le manque de perspectives.
Certaines communes – comme, dans la 5e circonscription du Nord, celle de Bauvin, dont le maire m’a récemment alerté – engagent des investissements lourds pour construire des logements sociaux. Le rôle des maires dans leur attribution reste pourtant limité : s’ils siègent de droit dans les commissions d’attribution des logements – les CAL –, leur voix pèse peu face à celles des représentants des organismes HLM, qui y sont majoritaires. Les répartitions entre les réservataires privent donc souvent les habitants de ces communes de l’accès aux logements sociaux : un résident de longue date ou bien une personne y travaillant peuvent se voir refuser un logement au profit d’un candidat venu d’ailleurs.
Cette situation alimente l’incompréhension et fait monter la colère. Elle fragilise le lien social et menace le vivre-ensemble, à l’heure où celui-ci est plus que jamais nécessaire. Il faut donc mieux aligner, dans ces commissions, les responsabilités des maires avec leur pouvoir réel. Ils devraient se voir reconnaître des pouvoirs spécifiques en matière de primo-attribution des logements sociaux, primo-attribution qui façonne durablement l’équilibre d’un quartier et la réussite d’un programme. Le maire, qui connaît son territoire, est souvent le mieux placé pour en évaluer les enjeux.
De telles mesures figuraient dans la proposition de loi sur l’attribution des logements sociaux et dans le projet de loi sur le développement de l’offre de logements abordables – textes qui n’ont malheureusement pu aller au bout de leur parcours législatif.
Le gouvernement prévoit-il de rouvrir ce chantier essentiel, dans un esprit de confiance envers les élus locaux, afin que nous puissions collectivement répondre aux défis du logement ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé des transports.
M. Philippe Tabarot, ministre chargé des transports
Je vous remercie pour ces propositions, que je ne manquerai pas de transmettre à ma collègue Valérie Létard. De futurs vecteurs législatifs nous permettront peut-être d’avancer sur ces sujets.
Je rappelle que le maire dispose de différents moyens d’action dans le cadre légal en vigueur. Vous le savez, c’est l’échelon intercommunal qui tient le rôle principal dans la politique du logement depuis la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi Alur.
Pour autant, le maire reste un acteur essentiel dans la politique d’attribution des logements sociaux. Certains l’oublient, mais le code de la construction et de l’habitation prévoit plusieurs leviers afin d’associer pleinement les maires au processus de décision en matière d’attribution, que ce soit grâce aux documents de planification stratégique ou lors des instances décisionnelles attribuant les logements.
Ainsi, les maires participent aux conférences intercommunales du logement comme à l’élaboration des conventions intercommunales d’attribution et du plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d’information des demandeurs, qui sont du ressort des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
En outre, le maire donne son avis lors des différentes étapes liées aux attributions, ce qui est bien normal, que ce soit au sein des commissions de coordination des accords collectifs intercommunaux, où son avis en opportunité est attendu, ou dans les commissions d’attribution, où il dispose d’une voix prépondérante.
Enfin, lorsqu’il s’agit de quartiers prioritaires de la politique de la ville, où les enjeux d’équilibre de peuplement sont prégnants, il peut proposer la mise en place de commissions de coordination avec les acteurs réservataires afin de peser sur ces équilibres.
Le maire influence donc significativement les objectifs d’attribution et de mixité sociale de son territoire. Il est important qu’il se saisisse pleinement des outils à sa disposition. Le gouvernement est naturellement ouvert à des réflexions sur ces enjeux, comme je l’ai expliqué au début de ma réponse.
Mme la présidente
La parole est à M. Sébastien Huyghe.
M. Sébastien Huyghe
Force est cependant de constater que les maires n’ont la main que sur 20 % des attributions. Même s’ils sont consultés et peuvent donner leur avis sur les autres, 20 %, c’est peu.
Dans certaines zones très tendues, des habitants de longue date, profondément attachés à leur commune, souhaitent y rester. Ils y ont construit leur vie, leurs enfants vont à l’école, et leur travail est souvent situé à proximité. Pourtant, si vous me permettez l’expression, beaucoup voient les logements sociaux leur passer sous le nez, au profit de personnes venant de plus loin.
Cela résulte parfois du fait que les communes d’origine de ces nouveaux arrivants ne respectent pas leurs obligations en matière de logements sociaux.
Pour garantir un meilleur équilibre, il faudrait que les maires puissent bénéficier de bien plus que les 20 % actuels à la fin du processus, après que d’autres organismes prioritaires ont imposé des attributaires venant parfois d’autres territoires.
Enseignement de l’allemand
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour exposer sa question, no 356, relative à l’enseignement de l’allemand.
M. Charles Sitzenstuhl
Ma question s’adressait à la ministre d’État, Mme Élisabeth Borne, et je remercie son ministre délégué de bien vouloir y répondre.
Elle concerne l’enseignement et l’apprentissage de la langue allemande en France, en grande difficulté depuis plusieurs années. Les élèves qui apprennent cette langue sont de moins en moins nombreux. Plus inquiétant encore, il devient difficile de pourvoir les postes d’enseignant puisqu’il semblerait qu’environ la moitié des postes de professeur d’allemand ne soient pas pourvus à l’issue des concours, ce qui place l’enseignement de cette langue dans une situation critique.
Cela fait maintenant plusieurs années que parlementaires, élus et associations alertent le gouvernement et souhaitent savoir quelles mesures l’État compte prendre pour y remédier.
L’allemand n’est pas une langue comme les autres dans notre pays, que ce soit pour des raisons historiques, géographiques, économiques – l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse représentent des marchés importants pour nos entreprises – ou culturelles, la langue allemande permettant d’accéder à un espace culturel fondamental dans la construction de la pensée européenne et, par extension, de notre propre pensée nationale.
Il est donc essentiel qu’un nombre conséquent de nos concitoyens soient capables de maîtriser, comprendre et connaître cette langue. Il faut aussi garantir le maintien d’enseignants qualifiés, qui seront pour certains les traducteurs de demain.
Lorsqu’il était ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal – appelé par la suite à d’autres fonctions – avait évoqué le sujet à Bonn, en Allemagne, lors de la réunion de l’Assemblée parlementaire franco-allemande. Il avait alors annoncé que le ministère travaillait à l’élaboration d’un plan.
Où en est ce plan ? L’objectif est clair : faire progresser la connaissance et l’apprentissage de l’allemand en France, tout en veillant à la formation d’un plus grand nombre d’enseignants.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
Le 30 novembre 2023, le ministre de l’éducation nationale a adressé aux recteurs un courrier les invitant à mener une stratégie offensive de relance de l’enseignement de l’allemand. Cette stratégie vise à garantir une offre d’allemand sur l’ensemble du territoire, en augmentant le nombre d’élèves germanistes grâce à une consolidation des ressources humaines et à des programmes de mobilité.
Depuis fin 2023, un comité de suivi, piloté par la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), assure la mise en œuvre de la stratégie autour de trois axes : une offre et des parcours ; la formation et les ressources humaines ; la mobilité.
Malgré ces efforts, on observe une baisse du nombre d’élèves à la rentrée 2024, avec 13 % d’élèves germanistes dans le second degré, contre un peu plus de 14 % en 2022.
Néanmoins, pour la première fois depuis huit ans, la session 2025 de la certification en allemand a connu un regain du nombre de candidats. Par ailleurs, la stratégie nationale met un accent particulier sur l’enseignement de l’allemand dès le premier degré, grâce à deux réseaux qui garantissent les effectifs de germanistes dans les années à venir. C’est donc un investissement de moyen et long termes.
Les écoles maternelles du réseau Élysée 2020, qui favorisent une sensibilisation précoce à l’allemand, connaissent un bel essor. Elles étaient 329 en 2024, et onze nouvelles créations sont prévues à la rentrée prochaine.
Les écoles bilingues, quant à elles, offrent un parcours renforcé de trois heures minimum, pouvant atteindre la moitié de l’horaire scolaire total. La majorité des élèves suivant ces formations sont scolarisés dans l’académie de Strasbourg, où huit écoliers sur dix bénéficient de trois heures hebdomadaires d’allemand.
À la rentrée 2024, 171 000 élèves suivaient au moins trois heures hebdomadaires d’allemand dans vingt et une académies à travers la France.
Il est donc clair que nous ne laissons pas disparaître la langue de Goethe, de Thomas Mann ou de Jünger des bancs de notre école.
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cette réponse, d’autant que vous avez cité Thomas Mann, ce qui me fait toujours plaisir car c’est un magnifique et immense auteur !
Cependant, nous sommes face à une situation d’urgence. Il est impératif que vos services prennent pleinement la mesure de la situation critique dans laquelle se trouvent l’apprentissage et l’enseignement de l’allemand en France. Il faut inventer des solutions nouvelles sans tarder.
En outre, n’oublions pas nos engagements internationaux. Sous l’impulsion du président de la République, nous avons signé le traité d’Aix-la-Chapelle ; je ne suis pas certain que nous respections toutes ses dispositions.
Enseignement en milieu rural
Mme la présidente
La parole est à Mme Mathilde Feld, pour exposer sa question, no 364, relative à l’enseignement en milieu rural.
Mme Mathilde Feld
À mon grand regret, Mme Borne n’est pas présente pour répondre à ma question. Mais je vous la transmets, monsieur le ministre.
Je tiens à vous alerter une nouvelle fois sur les 106 fermetures de classes programmées à la rentrée 2025 en Gironde, qui représentent un lourd tribut pour ce territoire. C’est beaucoup trop pour les parents d’élèves, les professeurs et les élus locaux, mobilisés depuis des mois. Je me fais aujourd’hui leur porte-parole.
Les enfants qui habitent en ruralité ne doivent pas subir une logique purement comptable, comme la référence systématique de vos services aux moyennes départementales qui ne tiennent aucun compte du contexte socio-économique, du casse-tête des mobilités à la campagne, où les transports en commun sont quasi inexistants, de la disparition progressive des services publics dans ces territoires, ni du cumul de toutes ces inégalités qui se renforcent mutuellement.
Dans les communes rurales, les écoles jouent un rôle essentiel dans la cohésion sociale. Elles sont un point de ralliement au sein d’un habitat dispersé, et parfois le dernier lieu d’échange entre les habitants. Or les fluctuations incessantes de la carte scolaire désorganisent ce fragile équilibre et finissent par anéantir les efforts des maires, qui disposent de peu de leviers pour améliorer l’attractivité et le développement de leur commune.
Vos décisions ont un impact sur le mode et le temps de transport des enfants, leur sommeil et donc leur santé, ainsi que sur la vie des familles et de toute la communauté éducative.
Dans la douzième circonscription de la Gironde, ces fermetures entraînent une détérioration des conditions d’enseignement, avec une augmentation du nombre de niveaux et des effectifs dans les classes restantes, et la désorganisation de certains regroupements pédagogiques intercommunaux.
Là où vous voyez une opportunité d’économie à court terme, nous voyons des élèves et des familles en souffrance ainsi que de lourdes dépenses à long terme.
La communauté éducative vous demande de considérer la baisse des effectifs plutôt comme une chance permettant d’assurer un meilleur accompagnement pédagogique et de meilleures conditions d’apprentissage pour les élèves et les enseignants. Pourquoi refusez-vous d’écouter les citoyens que vous êtes censés servir ?
(À dix heures cinquante-cinq, M. Roland Lescure remplace Mme Nadège Abomangoli au fauteuil de la présidence.)
Présidence de M. Roland Lescure
vice-président
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
La ministre d’État, comme vous le savez, est à Nogent où un jeune a violemment agressé une assistante d’éducation. C’est pourquoi elle ne peut être là ce matin.
Pour la rentrée 2025, les dépenses du ministère de l’éducation nationale ont été fortement réévaluées, malgré un contexte budgétaire rendu plus difficile par la censure que vous avez votée. Ainsi, le gouvernement prévoit le maintien global des emplois d’enseignants, choix fort dans un contexte de chute démographique qui se traduit par une diminution de près de 100 000 élèves à la rentrée prochaine.
Notre choix va donc se traduire par une hausse du taux d’encadrement. (Mme Mathilde Feld fait un signe de dénégation.)
Mais si, madame Feld : une division, c’est assez facile à faire.
Mme Mathilde Feld
Justement, il ne faut pas faire de division !
M. Philippe Baptiste, ministre
Le nombre d’élèves par classe atteindra un niveau historiquement bas, à moins de 21,1 élèves par classe à la rentrée scolaire 2025 – c’était 23,2 en 2017.
Pour ce qui est de votre département, la Gironde, un groupe de travail a été créé dans le cadre de l’élaboration de la carte scolaire pour analyser la situation de chaque école du département. À l’issue d’une première phase, le conseil départemental de l’éducation nationale a validé 92 créations pour 105 fermetures.
À l’échelle du département, 105 suppressions de classes sont donc envisagées, pour une baisse de 1 707 élèves dans le seul premier degré. En Gironde, comme ailleurs, nous portons une attention particulière aux écoles rurales, grâce aux travaux des observatoires des dynamiques rurales. Le taux d’encadrement dans ces établissements a augmenté ; il s’établit à 21,6 élèves par classe, contre 22,06 en moyenne départementale.
Dans votre circonscription, dix fermetures de classe et une ouverture sont prévues, mais aucune fermeture d’école ou de site n’est envisagée.
Enfin, dans votre question écrite, vous faisiez mention de la vétusté du bâti. Je vous rappelle que le bâti scolaire est de la compétence des collectivités. Malgré cela, le gouvernement prévoit la rénovation de 40 000 écoles d’ici 2034, avec l’appui du fonds Vert et de la Banque des territoires.
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Feld.
Mme Mathilde Feld
Vous évoquez toujours les moyennes départementales. Il ne s’agit pas de cela, mais des cas particuliers des villages.
S’agissant des bâtiments scolaires, même si je sais qu’ils ne sont pas dans votre champ de compétence, vous conviendrez qu’ils influent grandement sur la qualité de l’enseignement.
C’est vous qui avez imposé un cadre austéritaire avec votre projet de loi de finances – et non la censure –, et les collectivités locales ont de plus en plus de mal à investir. Cette difficulté pèse lourdement sur le bâti scolaire, qui tombe en ruine un peu partout.
C’est le cas dans ma circonscription, avec des locaux sous-dimensionnés, d’énormes lacunes en matière d’isolation thermique, des cours de récréation bitumées et bétonnées, des collèges équipés pour accueillir 600 élèves qui en accueillent plus de 1 000, et des salles de classe dans lesquelles il pleut.
Aussi les conditions d’enseignement sont-elles indignes. Combien de temps supporteriez-vous qu’il pleuve dans l’Hôtel de Rochechouart, siège de votre ministère ? Comment comptez-vous permettre aux collectivités de réhabiliter, de rénover, d’isoler ou de construire de nouveaux bâtiments pour garantir une offre scolaire de qualité à nos enfants, à la hauteur des enjeux et des attentes des familles ?
Enseignement privé à but lucratif
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire, pour exposer sa question, no 377, relative à l’enseignement privé à but lucratif.
M. Emmanuel Grégoire
Depuis plusieurs années, le secteur de l’enseignement supérieur privé lucratif échappe quasiment à tout contrôle. Le succès de la politique de l’apprentissage lancée en 2018 s’est malheureusement accompagné d’une vitalité nouvelle des établissements privés lucratifs, qui ont su profiter presque seuls de cette opportunité.
Selon les données du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), le secteur privé lucratif représenterait 15 % de la population étudiante totale. Près de 400 000 jeunes sont exposés à des pratiques commerciales abusives. Derrière ces chiffres, ce sont des milliers de jeunes qui voient leur avenir compromis, piégés par des promesses trompeuses, endettés pour passer des diplômes non reconnus, livrés à eux-mêmes, sans soutien ni solution.
Alors que le phénomène explose, notre arsenal législatif reste à la traîne. Et, chaque mois qui passe, de nouveaux jeunes tombent dans ces pièges sans que l’État réagisse à la hauteur des enjeux.
Le 18 février 2025, j’ai déposé une proposition de loi visant à un meilleur encadrement du secteur. Fruit d’un travail transpartisan et cosigné par plus de 100 députés provenant de huit groupes politiques différents, ce texte avait pour objectif principal de mieux protéger les étudiants face à ces dérives. Utile et nécessaire, cette proposition de loi n’a malheureusement pas été acceptée en conférence des présidents ; elle n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée.
Face à l’urgence, je souhaite donc connaître les intentions du gouvernement pour assurer une véritable régulation du secteur. Monsieur le ministre, je sais que nous avons en partage une conviction : il faut mieux protéger les étudiants de tous ces phénomènes. Vous avez déjà mentionné plusieurs mesures à venir. Ma question sera donc simple : pouvez-vous nous préciser les détails de ces dispositifs, et à quel véhicule législatif le gouvernement va-t-il donner la priorité pour assurer une entrée en vigueur dans les plus brefs délais ? J’aime beaucoup ma proposition de loi, j’aimerais bien plus que la législation soit améliorée.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
Je vous remercie pour cette question qui me permet de rappeler l’engagement constant des différents gouvernements sur la régulation de l’enseignement supérieur privé – nous agissons en la matière de manière déterminée et progressive depuis 2022.
Sylvie Retailleau, qui m’a précédé dans mes fonctions, avait ainsi lancé un groupe de travail pour créer un label de qualité pour les formations privées. Je rappelle également l’engagement de Patrick Hetzel, qui avait lancé des travaux avec le ministère du travail pour une meilleure régulation de l’apprentissage.
La ministre d’État Élisabeth Borne et moi-même avons signé un décret permettant le déréférencement sur Parcoursup des formations qui ne respectent pas les exigences de la charte de la plateforme. J’ai annoncé dans la foulée notre engagement, avec la ministre du travail, pour faire évoluer la certification Qualiopi. Nous présenterons prochainement les résultats de ce travail conjoint. C’est une avancée majeure, qui permettra d’intégrer la qualité des formations parmi les conditions de financement de l’apprentissage. Je l’ai dit, je le répète, pas un seul euro d’argent public ne doit aller à des formations de médiocre qualité.
Je souhaite aller plus loin. Vous avez raison de souligner que 400 000 jeunes sont concernés par le privé lucratif, soit 15 % de la population étudiante. Face aux 12 000 formations en apprentissage sur Parcoursup, les familles expriment une demande de lisibilité que nous devons satisfaire.
Le 13 mai dernier, j’ai réuni l’ensemble des acteurs concernés pour faire une série d’annonces touchant à une réforme structurante fondée sur un principe de reconnaissance à deux niveaux : un premier qui concernera tous les établissements qui participent au service public de l’enseignement supérieur ; un second consistant en la création d’un dispositif d’agrément délivré par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. À terme, après quelques années de transition, cet agrément sera obligatoire pour apparaître sur Parcoursup – qui devient donc, de fait, le label de qualité pour les familles. Enfin, le HCERES, en tant qu’autorité indépendante, procédera à une évaluation. Cette réforme doit faire l’objet d’un projet de loi qui sera présenté, je l’espère, à l’été 2025.
Je salue votre mobilisation et celle de vos collègues, qui montre que la représentation nationale, de manière assez transpartisane, souhaite s’emparer de ce sujet. La régulation que nous mettons en place sera exigeante et progressive : plus de libertés pour les établissements reconnus, plus d’obligations pour ceux qui demandent cette reconnaissance.
Je me tiendrai à votre disposition pour vous présenter l’évolution des travaux annoncés.
M. le président
La parole est à M. Emmanuel Grégoire.
M. Emmanuel Grégoire
Je me réjouis de l’annonce d’un projet de loi – un véhicule législatif s’impose – et suis très heureux que le gouvernement se saisisse ainsi directement de la question. Nous examinerons et enrichirons le texte, mais je soutiendrai évidemment cette initiative.
Instituts médico-éducatifs
M. le président
La parole est à Mme Ersilia Soudais, pour exposer sa question, no 362, relative aux instituts médico-éducatifs.
Mme Ersilia Soudais
Je souhaite interroger le gouvernement sur le manque criant de places dans les instituts médico-éducatifs (IME), qui prive des milliers d’enfants du droit fondamental à l’éducation. La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 garantit en effet le principe d’égalité des droits et des chances, de la participation et de la citoyenneté des personnes handicapées. Sur le plan scolaire, cette loi pose comme principe que tout enfant ou adolescent en situation de handicap doit pouvoir être scolarisé dans un établissement scolaire adapté.
En 2022, la France compte environ 400 000 enfants en situation de handicap scolarisés. Parmi eux, environ 70 000 bénéficient d’un accompagnement en IME. Ce n’est pas assez. Il manque des places pour des milliers d’enfants dont les troubles relèvent pourtant clairement de ces établissements. Unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis) sans encadrement suffisant, classe ordinaire sans accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH) ou avec des personnels non formés : ces orientations par défaut ne permettent pas de répondre aux besoins médicaux et éducatifs de ces enfants. Pire, elles les exposent à l’échec scolaire, à la déscolarisation, à la souffrance mentale et à l’isolement social.
Ma circonscription fait face à de multiples défaillances en matière de services publics ; elle est particulièrement touchée par le manque de places en IME. Pas une semaine ne passe sans que des parents à court de solutions ne viennent me solliciter dans l’espoir d’obtenir une place en institut pour leur enfant. Il y a un mois encore, une mère élevant seule son jeune garçon porteur d’un trouble autistique demandait mon appui auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) car aucune solution adaptée ne lui avait été proposée. L’enfant est déscolarisé et sa mère contrainte de réduire son temps de travail à 80 % pour pouvoir s’en occuper, ce qui condamne la famille à la précarité. Ce cas, malheureusement trop répandu, reflète de véritables défaillances de notre système de prise en charge et met en évidence les conséquences désastreuses de ce manque de places sur l’avenir des enfants concernés et sur la vie de leurs familles.
En 2018, déjà, on estimait à 30 000 le nombre de places manquantes en IME. Les témoignages d’associations comme Tout pour l’inclusion, de la ville de Mitry-Mory, indiquent une aggravation de la situation.
Face à ces constats, quelles mesures concrètes le gouvernement envisage-t-il pour ouvrir de nouvelles places en IME, en particulier dans les territoires les plus touchés, et garantir un accès à l’éducation pour toutes et tous ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
Je vous prie d’abord de bien vouloir excuser l’absence de la ministre Charlotte Parmentier-Lecocq, actuellement à l’ONU pour la dix-huitième conférence des États membres de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Je vous livre les éléments de réponse qu’elle m’a chargé de vous apporter.
Lors de la Conférence nationale du handicap (CNH) du 26 avril 2023, le président de la République a annoncé la création de 50 000 nouvelles solutions à destination des personnes en situation de handicap à l’horizon 2030. Doté d’un financement de 1,5 milliard d’euros, ce plan vise à proposer à chaque personne en situation de handicap une réponse adaptée à sa situation, considérant ses besoins et ses attentes.
Fort de cet engagement, le gouvernement, dans une logique d’équité, a décliné cette mesure avec une attention toute particulière pour les territoires les moins dotés en solutions. La région Île-de-France bénéficie d’autorisations d’engagement à hauteur de 311 millions d’euros pour déployer le plan des 50 000 solutions.
Conformément à la circulaire du 7 décembre 2023 relative à l’application du plan de création de 50 000 nouvelles solutions et de transformation de l’offre médico-sociale à destination des personnes en situation de handicap 2024-2030, les agences régionales de santé (ARS) ont réalisé des programmations pluriannuelles en veillant à la fois au développement de leur offre en établissement médico-social comme en milieu ordinaire, et à la fluidification des parcours. L’ARS d’Île-de-France a financé ou cofinancé en 2024 plus de 3 000 nouvelles solutions concrètes d’accompagnement pour les personnes en situation de handicap. Quelque 65 % de l’offre créée concerne les enfants. Ainsi, les IME, tout comme les services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), bénéficient de créations de places visant à réduire les listes d’attente des enfants en situation de handicap. IME et Sessad bénéficient également d’une évolution de leur mode de fonctionnement impulsée par le décret du 5 juillet 2024, afin de faciliter les parcours des enfants entre les différentes modalités d’accompagnement, en limitant les recours à la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) et en permettant une meilleure adaptation à leurs besoins.
En ce qui concerne la scolarisation, différentes mesures ont également été annoncées dans le cadre de la dernière CNH pour renforcer l’école inclusive, en particulier la coopération entre l’école et le secteur médico-social, dont la création des pôles d’appui à la scolarisation et le déploiement de 100 projets pilotes pour permettre l’intégration d’établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) pour enfants dans les murs de l’école d’ici à 2027.
M. le président
La parole est à Mme Ersilia Soudais.
Mme Ersilia Soudais
J’entends bien que vous voulez créer un certain nombre de places mais je souhaite disposer d’informations plus précises puisqu’il manque, je l’ai dit, 30 000 places si l’on s’en tient aux données de 2018. Il reste par ailleurs beaucoup à faire pour les personnes handicapées, tant les retards se sont accumulés. Vous comprendrez mon inquiétude sur la capacité du gouvernement à répondre à cette urgence au vu du peu d’avancées obtenues ces dernières années.
L’école inclusive que vous évoquez est pour moi, enseignante, une vaste farce. Une telle école n’existe pas dans la réalité : on essaie de faire croire à ce mythe mais les professeurs ne sont absolument pas formés de façon que l’école soit réellement inclusive. J’ai moi-même reçu une formation, en tant que professeur, pour accueillir des enfants en situation d’autisme – une formation qui n’a duré que deux heures et à la fin de laquelle nous sommes repartis avec la définition du dictionnaire.
Hôpital pédiatrique universitaire Lenval de Nice
M. le président
La parole est à M. Éric Ciotti, pour exposer sa question, no 379, relative à l’hôpital pédiatrique universitaire Lenval de Nice.
M. Éric Ciotti
Ma question, à laquelle j’associe les deux autres députés de Nice, Bernard Chaix et Christelle D’Intorni, concerne un sujet de grande préoccupation : la réponse sanitaire en matière de soins pédiatriques à Nice. En 2013, il a été décidé la création d’un centre mère-enfant associant la Fondation Lenval, qui peut se prévaloir d’une expertise majeure en matière de pédiatrie. L’hôpital Lenval, situé sur la promenade des Anglais et qui a accueilli le premier les victimes de l’attentat du 14 juillet 2016, est depuis plus d’un siècle l’établissement de référence pour tout le Sud-Est pour les enfants ayant besoin de soins pédiatriques urgents ou courants. Compte tenu de la très grande qualité de cet hôpital, qui constitue une référence et dont les soignants sont exemplaires, il a été décidé en 2013 d’y regrouper tous les soins pédiatriques, notamment ceux jusque-là dispensés par le centre hospitalier universitaire (CHU).
Or cet accord n’a pas été respecté, non à cause des médecins – auxquels je rends hommage – mais du fait de la présidence et de la direction – notamment celle en place – du CHU. La Fondation Lenval s’est dès lors trouvée en grande difficulté, notamment financière. Aussi nous trouvons-nous dans une situation de crise qui peut avoir des conséquences sanitaires. J’appelle donc l’attention du gouvernement sur la nécessité de faire respecter l’accord de 2013, cela pour le bénéfice des enfants – dont la santé est notre seule préoccupation. Nous devons donc veiller à la pérennité d’une institution qui, depuis des décennies, réalise un travail remarquable.
Comment compte agir le gouvernement pour renouer le dialogue, pour faire en sorte que la sécurité des patients soit assurée, l’accord de 2013 respecté, et pour que l’on puisse enfin porter un regard optimiste sur la pédiatrie ?
C’est un projet d’avenir important : il faut reconstituer ce centre mère-enfant sur le site de Lenval, qui doit rester là où il est. Certains ont sans doute des ambitions – y compris immobilières – pour faire partir la Fondation Lenval, mais ce serait un scandale absolu.
Nous, les trois députés de Nice, voulons exprimer notre soutien à l’institution et à la Fondation Lenval, et souhaitons que l’accord équilibré passé avec le CHU soit garanti et sauvegardé.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
Vous interrogez le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins sur la situation de l’hôpital pédiatrique Lenval, et nous vous remercions pour votre vigilance sur ce dossier sensible.
À Nice, la filière de pédiatrie repose sur une organisation unique en France : elle est partagée entre deux opérateurs. D’un côté, le CHU de Nice prend en charge uniquement la réanimation et l’oncologie pédiatriques ; de l’autre, la Fondation Lenval, établissement de santé privé d’intérêt collectif, assume l’ensemble des autres activités, dont les urgences. Cette fondation, pilier historique du territoire, est engagée depuis cent quarante ans au service des enfants.
La coopération entre les deux établissements, historiquement complexe, a déjà fait l’objet d’interventions de l’État pour tenter de trouver des solutions. Elle est organisée par un groupement de coopération sanitaire (GCS) qui ne fonctionne pas.
Plusieurs alertes ont été remontées depuis quelques mois à l’agence régionale de santé (ARS) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), qui s’est emparée du sujet afin de pousser les acteurs concernés à trouver des issues.
En 2023-2024, une mission de médiation externe a ainsi permis de formuler des objectifs précis, communiqués aux deux directions.
En janvier 2025, l’ARS a réuni les deux gouvernances pour établir un schéma cible de répartition des activités entre les sites. Quelques avancées concrètes, mais timides, ont été constatées, notamment autour du système d’information.
Cependant, depuis le début de l’année, les relations entre les deux établissements se sont considérablement dégradées, au point d’être judiciarisées et de mettre fin au fonctionnement du GCS.
En avril 2025, l’ARS a reçu les praticiens des deux établissements, qui ont fait part de leur souffrance au travail dans le cadre de leurs activités à Lenval.
Dans ce contexte, le ministre Yannick Neuder a reçu en mai des alertes de différentes sources, y compris d’institutions nationales comme le Collège national des pédiatres universitaires (CNPU) et la Société Française de Pédiatrie (SFP). Elles dénoncent la dégradation des conditions d’exercice à Lenval, les risques psychosociaux associés et les risques possibles pour la prise en charge des enfants. (Le temps de parole étant écoulé, M. le président coupe le micro du ministre.)
M. Éric Ciotti
On n’a pas eu la réponse !
Covid long
M. le président
La parole est à Mme Nadège Abomangoli, pour exposer sa question, no 363, relative au covid long.
Mme Nadège Abomangoli
Selon Santé publique France, en 2022, près de 2 millions de citoyens vivaient avec le covid long. Pour 700 000 d’entre eux, le covid long prend une forme sévère, avec un impact grave sur leur santé, mais aussi sur leur vie privée et sociale. En effet, le covid long, maladie sévère, est aussi le nom d’une mise au ban sociale.
Nous parlons de personnes qui, sans reconnaissance ni accompagnement, ne perçoivent plus d’indemnités et se retrouvent souvent sans emploi ou à temps partiel. Nous parlons de personnes qui, à l’université, sont radiées de leurs études car aucun aménagement n’est réalisé pour prendre en compte leur maladie. Nous parlons de personnes qui, en l’absence d’un grand plan de purification de l’air et faute de prévention, sont en danger dans n’importe quel espace public. Nous parlons de personnes qui doivent renoncer à certains loisirs, et donc s’isoler de leurs familles et de leurs amis.
Une loi créant une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid-19 a été promulguée le 24 janvier 2022, mais ses décrets d’application n’ont toujours pas été publiés.
Pire, votre gouvernement a transformé l’accès aux tests PCR en parcours du combattant. Dès lors, les malades du covid long ne savent souvent pas qu’ils le sont ; ils se retrouvent soignés avec un traitement pour chaque symptôme, et non pour le covid long.
Alors que de nombreux pays voisins procèdent à des essais cliniques, la France est à la traîne, administrant exclusivement des questionnaires portant sur les symptômes au lieu de mener une véritable politique publique de recherche.
Il faut que cesse cette invisibilisation des malades. Faute de mesures appropriées, des millions d’entre eux sont plongés dans une errance médicale et une profonde détresse.
C’est contre cette invisibilisation que j’organise demain à l’Assemblée nationale une série de tables rondes avec les associations de malades et des professionnels de santé. Le gouvernement est bien sûr invité.
Quand cesserez-vous d’ignorer le covid long ? Quand allez-vous permettre un recensement des malades ? Quand allez-vous enfin garantir un accompagnement de qualité pour les malades du covid long, qui sont très nombreux et très isolés ?
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
Le covid long est en effet une réalité médicale, sociale et humaine lourde pour les milliers de nos concitoyens qui en souffrent.
C’est pourquoi le gouvernement a élaboré, dès mars 2022, une feuille de route dédiée afin de mieux structurer la prise en charge, d’améliorer l’information des patients et de renforcer la recherche.
La prise en charge repose sur trois niveaux : le médecin généraliste, au cœur du dispositif, les spécialistes en deuxième recours et, pour les cas les plus complexes, les services de soins médicaux et de réadaptation.
À ce jour, 130 cellules de coordination ont été déployées sur le territoire. Elles permettent d’orienter les patients, d’accompagner les soignants et d’éviter les situations d’isolement et d’errance.
Par ailleurs, vous mentionnez, à juste titre, la loi du 24 janvier 2022 prévoyant la création d’une plateforme de référencement et de prise en charge des malades.
Un espace d’information dédié au covid long a été lancé en mars 2024 sur le site internet santé.fr. Il regroupe des contenus sur les symptômes, les parcours de soins, la recherche, et inclut un outil d’orientation vers les ressources de proximité. Il a été conçu avec les associations de patients et les professionnels de santé, et rencontre un taux de satisfaction proche de 90 %.
Sur le plan de la recherche, 16 millions d’euros ont été mobilisés par l’État, dont plus de 10 millions via un appel à projets dédié, piloté par l’agence nationale chargée de la recherche sur les maladies infectieuses émergentes.
Cinquante projets ont ainsi été soutenus, et une journée scientifique nationale s’est tenue en octobre dernier.
Sur le plan de la formation et de l’outillage des professionnels, pour éviter au maximum les situations d’errance médicale, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié en mai un parcours de soins structuré pour les adultes présentant des symptômes prolongés.
Parallèlement, une priorité spécifique a été intégrée au programme triennal 2023-2025 de l’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) pour former les soignants à la prise en charge du covid long.
La reconnaissance du covid long comme affection de longue durée est possible à titre individuel, sur critères médicaux.
S’agissant du remboursement des tests PCR, le gouvernement a en effet recentré les investissements sur la prise en charge de ces tests sur prescription médicale.
Nous avançons, étape par étape, avec constance ; mais nous n’ignorons ni la souffrance ni les attentes des patients. La mobilisation du gouvernement reste totale.
M. le président
La parole est à Mme Nadège Abomangoli.
Mme Nadège Abomangoli
Je tiens à saluer vos propos qui reconnaissent les difficultés subies par les malades, parce qu’ils sont totalement absents du débat public français.
Vous avez parlé d’une feuille de route : nous allons en tirer le bilan avec les associations.
Quant aux initiatives de mai, elles sont trop récentes pour que l’on puisse les commenter.
Vous parlez de prise en charge par les médecins généralistes, mais ceux-ci sont souvent mal informés, mal formés. Nous sommes en outre confrontés au problème des déserts médicaux, et compte tenu de la complexité des symptômes que subissent les malades, ils sont souvent contraints d’interrompre leur parcours de soins.
Quant au taux de satisfaction de près de 90 % pour les différents protocoles adoptés par le gouvernement, j’ignore comment vous pouvez obtenir ce chiffre, puisque même le recensement des malades est compliqué.
Je note une volonté de votre part. J’imagine donc que les préconisations qui seront tirées des tables rondes de demain seront entendues par le gouvernement.
Allocation de rentrée scolaire pour les pupilles de l’État
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet, pour exposer sa question, no 358, relative à l’allocation de rentrée scolaire pour les pupilles de l’État.
M. Yannick Monnet
Ma question concerne deux problématiques touchant à la situation des enfants orphelins dans notre pays.
La première est relative à l’allocation de rentrée scolaire pour les enfants pupilles de l’État.
Pour les enfants qui sont confiés au service de l’aide sociale à l’enfance (ASE), l’allocation de rentrée scolaire est versée sur un compte géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Ce compte est bloqué jusqu’à la majorité du jeune concerné, qui peut alors récupérer ce petit pécule, à l’âge de 18 ans, afin de l’aider à démarrer dans sa vie adulte.
En revanche, de manière surprenante, les enfants pupilles de l’État ne sont pas attributaires de l’allocation de rentrée scolaire, les pouvoirs publics considérant qu’ils n’ont pas de parents allocataires et que c’est le conseil départemental qui prend en charge l’ensemble de leurs frais d’éducation.
De ce fait, les pupilles de l’État ne peuvent constituer ce petit pécule à l’instar des autres mineurs accueillis au titre de la protection de l’enfance, alors qu’ils en auraient réellement besoin.
Je vous alerte donc sur cette situation, qui est vécue comme une injustice par les jeunes concernés ainsi que par les services de l’aide à l’enfance. Envisagez-vous de faire évoluer la loi sur cette question ?
J’en profite pour vous signaler que le versement du pécule n’est pas automatique à l’âge de 18 ans pour les enfants placés à l’ASE : ils doivent en faire la demande, en ligne ou par courrier, auprès de la CDC. De ce fait, un certain nombre d’entre eux semblent passer à côté par méconnaissance du dispositif.
Il serait donc utile que des mesures soient prises afin de s’assurer que les enfants placés récupèrent bien ce pécule le jour de leurs 18 ans.
La deuxième problématique est relative aux pensions des orphelins.
Depuis le 1er septembre 2023, les enfants qui ont perdu leurs parents et dont au moins l’un des deux était salarié peuvent percevoir une fraction de la pension de retraite du défunt jusqu’à leurs 25 ans.
Ce dispositif constitue une avancée positive, mais sa mise en œuvre prend beaucoup de retard. Il semble que presque deux ans après son entrée en vigueur, le formulaire de demande ne soit toujours pas disponible auprès de l’assurance retraite et de la Mutualité sociale agricole (MSA), si bien que les pensions ne sont toujours pas versées.
Il est urgent de débloquer la situation afin que les demandes de pension des orphelins puissent être instruites sans délai, et bien évidemment avec effet rétroactif.
(À douze heures dix, Mme Nadège Abomangoli remplace M. Roland Lescure au fauteuil de la présidence.)
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Philippe Baptiste, ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche
Pour les enfants suivis par l’ASE, la loi prévoit que l’allocation de rentrée scolaire est versée sur un compte bloqué jusqu’à la majorité du mineur protégé, afin de lui constituer un pécule. Ce pécule est versé à la majorité afin d’aider ces jeunes dans leur parcours d’insertion et d’autonomie.
En 2022, 4 500 enfants n’ayant pas de parents en mesure d’assurer leur éducation et leur bien-être ont bénéficié du statut de pupille de l’État. Ceux-ci ne sont pas attributaires de l’allocation de rentrée scolaire car leurs frais sont déjà pris en charge par le conseil départemental.
Ils ne peuvent donc pas constituer de pécule à l’instar des autres mineurs suivis par l’ASE. Cela ne signifie pas que l’État les abandonne. La loi Taquet du 7 février 2022 a rendu obligatoire, en particulier, l’accompagnement des jeunes majeurs.
La semaine dernière, Mme la ministre Catherine Vautrin a annoncé que le gouvernement allait déposer à l’automne un projet de loi relatif à l’enfance.
Dans ce cadre, la question de l’allocation de rentrée scolaire pour les pupilles pourra être examinée. Ce projet de loi permettra plus globalement de faciliter et d’améliorer la qualité de prise en charge des enfants suivis par l’ASE.
Pour en venir à la question de l’absence temporaire de formulaire de demande, les demandes se font actuellement par le biais d’un courrier libre. Elles sont supervisées, analysées et suivies. Une fiche consigne a été diffusée dès janvier 2024 pour accompagner les Carsat – caisses d’assurance retraite et de santé au travail – dans leur traitement dans l’attente de la mise à disposition du formulaire de demande.
Les travaux d’élaboration de ce dernier sont en cours d’achèvement et le document sera disponible à la rentrée.
La Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) travaille à la mise en place, à la rentrée également, d’un circuit de traitement spécifique de ces demandes.
Prédation du loup
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Rolland, pour exposer sa question, no 350, relative à la prédation du loup.
M. Vincent Rolland
Dans nos montagnes, une colère sourde mais tenace monte chaque jour un peu plus. Elle est réelle, profonde et insupportable.
C’est la colère de nos éleveurs, de ces femmes et de ces hommes qui travaillent sans relâche pour nourrir le pays, entretenir les paysages et faire vivre des territoires que d’autres ne regardent qu’en carte postale.
Cette colère est légitime. Pendant que les attaques de loups se multiplient, que des troupeaux entiers sont massacrés malgré les clôtures, les chiens de protection et la présence humaine, l’argent public – oui, l’argent des Français – continue d’être versé pour protéger le loup !
C’est une absurdité doublée d’un mépris pour ceux qui subissent, une forme de lâcheté collective qui abandonne nos éleveurs face à une prédation devenue hors de contrôle.
Les chiffres ne mentent pas : les attaques explosent. Avec 65 000 têtes de bétail tuées chaque année en Europe, les dispositifs de protection ne suffisent plus. Les indemnisations sont lentes, complexes, parfois humiliantes. Pendant ce temps, on finance des programmes comme celui du Conservatoire d’espaces naturels, qui pose des colliers GPS sur les loups dans certains parcs pour étudier leur comportement face aux tirs et savoir s’ils en ont peur.
Mais où est le bon sens ? Où est la décence, quand des exploitations entières voient leurs bêtes massacrées ? Madame la ministre, je connais votre engagement en faveur du pastoralisme. Maintenant que le statut de protection du loup vient d’être abaissé de « strictement protégé » à « protégé », allez-vous augmenter significativement les prélèvements autorisés et simplifier les tirs de défense ? Quelles solutions envisagez-vous pour gérer la cohabitation difficile entre les chiens de protection et les randonneurs, qui se font régulièrement agresser ? Quels dispositifs pouvez-vous mettre en place concernant la protection spécifique des bovins et des équins ?
La reconquête pastorale et le soutien au monde agricole face au loup doivent être une priorité absolue. Si nous continuons à laisser mourir nos éleveurs, ce sont nos montagnes vivantes que nous condamnons à moyen terme.
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Vous le savez et je vous remercie de l’avoir rappelé, je me suis toujours intéressée au dossier du loup, un enjeu majeur pour le maintien de nos activités d’élevage, notamment en montagne. Mais la présence du loup est désormais tellement répandue qu’elle ne concerne plus les seuls territoires de montagne et ne menace plus seulement le pastoralisme : elle est devenue un enjeu national.
L’an dernier, plus de 4 000 attaques pour 11 000 bêtes tuées ou blessées ont été recensées. En conséquence, le préjudice économique et moral que subissent les éleveurs devient insupportable. L’État engage 52 millions d’euros par an dans le soutien aux éleveurs victimes de ces attaques ; croyez bien que je préférerai que cet argent soutienne directement l’élevage.
Je redis mon total soutien aux éleveurs, notamment de Savoie, un département particulièrement touché, comme ma détermination à poursuivre et à accélérer les travaux engagés depuis trois ans pour permettre aux éleveurs de mieux se défendre et défendre leurs troupeaux.
Pour ce faire, il fallait d’abord obtenir le déclassement du statut de protection du loup au sein de la directive européenne « Habitats ». C’est enfin le cas : le Parlement européen l’a adopté à une large majorité le 8 mai et le Conseil européen s’est prononcé en sa faveur jeudi dernier. C’est un combat que l’Association nationale des élus de la montagne (Anem), que nous connaissons bien tous deux, mène depuis des années ; il a été initié par mon prédécesseur Marc Fesneau, qui a défendu au nom de la France le déclassement du statut de protection du loup. C’est une avancée qui donnera aux États une plus grande flexibilité dans la gestion des populations lupines. J’espère qu’ils en feront usage, sinon à quoi servirait-elle ?
Par ailleurs, un projet d’arrêté pris en application de l’article 47 de la loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (LOA) permettra de délivrer des autorisations de tir pour la protection des troupeaux – bovins, équins et asins –, y compris en l’absence d’attaque et de mesures de protection. La consultation publique dont il a fait l’objet a pris fin aujourd’hui. Il sera publié rapidement.
En ce qui concerne la race Patou de chiens de protection des troupeaux, l’article 47 prévoit la création d’un régime de responsabilité spécifique qui permettra de mieux protéger les éleveurs contre des recours abusifs. Il faudra aussi, en concertation avec les élus locaux, organiser une meilleure information des randonneurs.
Dans un contexte réglementaire très contraint au regard du droit européen, soyez assuré que nous avançons au maximum, pas à pas, étape après étape. J’ai présenté l’arrêté autorisant les tirs de protection en l’absence d’attaque, mais le déclassement du statut de protection du loup nous oblige à revoir notre doctrine nationale. Nous risquons sinon de nous retrouver à nouveau en situation de surtransposition. C’est l’objet de travaux à venir, auxquels j’attache une attention toute particulière.
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions orales sans débat.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au gouvernement ;
Discussion du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2024 ;
Discussion du projet de loi portant approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2024 ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi sur la profession d’infirmier.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures vingt.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra