XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Première séance du lundi 16 juin 2025

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Première séance du lundi 16 juin 2025
Avertissement: version provisoire établie à 09:06

Présidence de M. Roland Lescure
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à seize heures.)

    1. Programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035

    Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035 (nos 463, 1522).
    La conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, fixant à quarante heures le temps de parole global attribué aux groupes. J’aurai l’occasion de rappeler les règles relatives à cette procédure au cours de nos débats.

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Je veux d’abord saluer l’initiative du groupe Les Républicains au Sénat et le travail déjà mené sur cette proposition de loi. Ce débat est bienvenu ; mieux : il est indispensable, car l’énergie n’est pas un sujet sectoriel, c’est le nerf de notre économie, le cœur battant de notre souveraineté. Et parfois, soyons clairs, elle peut devenir un talon d’Achille.
    Ce débat est lourd d’enjeux. Nous devons prendre dès aujourd’hui des décisions qui s’inscrivent dans le temps long et qui engagent notre système énergétique sur des décennies, voire sur le siècle à venir. Il nous faut collectivement les peser, avec toutes les incertitudes qui entourent l’avenir.
    Mais surtout, ce débat reflète une méthode que j’assume : celle du dialogue, de l’écoute et de la construction commune. Nous avons ouvert ce chantier au Sénat, en octobre 2024. Je remercie le travail réalisé par ma prédécesseure, Olga Givernet, désormais députée. Nous l’avons poursuivi ici même, dès le mois d’avril, et nous continuons avec la même boussole : les faits, rien que les faits. Nous avançons ensemble, au-delà du dogme et de la posture : sur l’énergie, on ne peut pas se payer de mots.
    Au-delà d’un sujet indéniablement technique, nous parlons en effet d’un bien commun, d’un levier stratégique, d’un socle industriel et social. L’énergie est un enjeu existentiel, c’est ce qui alimente les usines, ce qui éclaire les foyers et ce qui forge notre place dans le monde. Elle irrigue tout : la facture de nos concitoyens, la compétitivité de nos entreprises, notre diplomatie et notre sécurité. Je me dois de le répéter, car c’est ma conviction profonde, celle sur laquelle il ne faut rien lâcher : l’énergie est au cœur de notre souveraineté, de notre cohésion et de notre prospérité. L’énergie n’est pas un luxe.
    C’est pourquoi je veux rappeler les ambitions du gouvernement qui tiennent en deux axes, qui sont aussi deux convictions.
    Première conviction : il faut sortir de la dépendance aux énergies fossiles importées –⁠ celles que l’on importe cher et qui nous rendent vulnérables. Décarboner, diversifier, maîtriser : voilà notre ligne. En ce qui concerne l’électricité, il faut rappeler –⁠ et plus encore, convaincre – que nucléaire et renouvelables ne s’opposent pas. Ces énergies se complètent et nous protègent.
    Deuxième conviction : il faut mettre l’énergie au service de la France, de ses citoyens, de ses entreprises et de ses territoires. Cela suppose une énergie compétitive, prévisible et décarbonée ; une énergie qui renforce, pas qui freine. Voilà notre cohérence et notre cap, que je viens défendre ici avec détermination.
    Nos choix énergétiques sont des choix de long terme, des choix d’avenir. Ils engagent notre pays sur plusieurs décennies et répondent à quatre impératifs : souveraineté, résilience, décarbonation, compétitivité. Le constat est sans appel : notre dépendance aux énergies fossiles nous coûte cher. Ce sont 70 milliards d’euros qui pèsent négativement dans notre balance commerciale en 2023. C’est encore bien davantage en période de crise, lorsqu’un acteur comme la Russie décide d’instrumentaliser le gaz ou lorsque l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) décide de réduire sa production pour faire monter les cours.
    Cette vulnérabilité stratégique, exploitée sans hésitation par des puissances concurrentes, nous ne souhaitons plus la subir. Désormais, le gouvernement la combat par des actions concrètes et structurées en deux axes : d’une part, décarboner massivement nos usages et les électrifier dès que possible ; d’autre part, s’appuyer sur un mix énergétique souverain, combinant nucléaire et énergies renouvelables. Pourquoi ? Parce que l’énergie nucléaire est un atout historique de la France et un pilier de notre souveraineté, et parce que les énergies renouvelables sont des leviers de diversification et d’implantation locale. Nous avons besoin des deux pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.
    Les objectifs de décarbonation fixées par le gouvernement sont ambitieux : nous visons 58 % d’énergie décarbonée en 2050. Pour y parvenir, nous agissons sur tous les leviers. Dans l’industrie, par exemple, France 2030 consacre des moyens massifs à la décarbonation de nos sites stratégiques –⁠ 1,6 milliard d’euros ont été ajoutés en loi de finances en 2025. Nous soutenons aussi les industriels électro-intensifs avec des dispositifs ciblés. Nous leur appliquons des taux réduits d’accise et leur proposons des mécanismes d’aide à la décarbonation.
    Dans le domaine de la mobilité, le bonus automobile et le leasing social sont des soutiens à la demande de véhicules électriques. La loi de finances pour 2025 a permis d’aller plus loin, avec le verdissement des flottes professionnelles qui représentent un véhicule neuf sur deux. Le déploiement accéléré des 2,5 millions de bornes de recharge, dont 160 000 librement accessibles, y contribue également.
    Dans le domaine du logement, nous finançons la rénovation : pompes à chaleur, biogaz, chaleur renouvelable –⁠ aucun levier n’est oublié. La planification écologique passe aussi par là. Nous continuerons à financer la rénovation thermique, filière par filière, territoire par territoire.
    Décarboner, électrifier : encore faut-il produire une énergie compétitive, abondante et souveraine. Pour cela, il faut dépasser le clivage apparent entre nucléaire et renouvelables : ce n’est pas une opposition, c’est une complémentarité. Les renouvelables ne concernent pas la seule électricité : ce sont aussi la chaleur, les gaz verts ou les carburants du futur. Ce sont surtout des énergies produites ici, sur notre sol, au service de nos territoires. C’est pourquoi nous soutenons l’approche de votre rapporteur : il faut parler d’énergies décarbonées, sans les opposer, mais en les additionnant.
    Vous l’aurez compris –⁠ mais je souhaite insister sur ce point : l’équilibre que nous recherchons, au carrefour de nos objectifs de souveraineté, de décarbonation, de résilience et de compétitivité, se trouve dans ce bouquet énergétique.
    Commençons par notre force historique. Le nucléaire, c’est la France : une énergie bas-carbone, stable, compétitive ; un atout stratégique ; un pilier de notre souveraineté. Il est au cœur de la stratégie du gouvernement –⁠ une stratégie qui vise à retrouver les standards de production historiques et à prolonger le fonctionnement du parc au-delà de cinquante ans, voire de soixante ans.
    Cette stratégie –⁠ je souhaite le mentionner – s’inscrit dans le sens de l’histoire, qui rattrape aujourd’hui les dogmes d’hier. L’histoire redonne au nucléaire la place qu’il mérite et ce n’est pas la France seule qui le dit : je veux saluer le signal fort que constitue le partenariat inédit entre la Banque mondiale et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). C’est un tournant car, quand le monde s’électrifie, le nucléaire redevient un bien commun.
    Pour revenir en France, nous investissons également dans de nouveaux réacteurs. Le programme EPR 2 est lancé : six réacteurs sont confirmés et une seconde tranche de huit réacteurs supplémentaires est envisagée, pour une décision en 2026. Conformément aux décisions prises en Conseil de politique nucléaire, nous avons engagé les échanges avec la Commission européenne sur les modalités de soutien au nouveau nucléaire. Le schéma de financement des réacteurs de type EPR 2 est en cours de validation : il prévoit notamment un prêt pour au moins la moitié du devis. Sur ce sujet comme sur tous les autres, nous avançons avec méthode et détermination pour sécuriser l’avenir du nucléaire. Nous ne lâcherons rien.
    Nous investissons aussi dans l’avenir : nous soutenons le développement des petits réacteurs modulaires (SMR) et voulons avancer sur la fermeture du cycle avec la perspective des réacteurs à neutrons rapides. Une feuille de route sera présentée d’ici à la fin de l’année. Le message du gouvernement est clair : nous croyons à l’innovation nucléaire française. Il est important que la loi reprenne cette ambition. Celle-ci figurait dans l’article 3 de cette proposition de loi, qui a été supprimé lors de son examen en commission. Nous ferons une proposition de rétablissement de cet article, en prenant en compte également les amendements adoptés sur le sujet.
    La relance nucléaire suppose une filière mobilisée et un cadre clair. Nous avons pu le constater lors de la signature du contrat de filière, la semaine dernière, avec le ministre Éric Lombard. Pour réussir, il faut une filière solide, pas un monopole. C’est pourquoi nous nous opposons à l’article 1er A de la proposition de loi du sénateur Gremillet, qui réinstaure un monopole d’EDF, y compris sur les SMR. En effet, la filière nucléaire doit rester un écosystème –⁠ j’y reviendrai dans quelques instants.
    Pourtant, le nucléaire seul n’est pas suffisant pour sortir de notre dépendance aux importations d’hydrocarbure. Nous investissons également dans les énergies renouvelables, avec force et discernement. Conformément aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), nous avons réduit la part carbonée de notre électricité de 9 % à 5 % en cinq ans. Le gouvernement se tient aux objectifs qu’il s’est fixés.
    Les renouvelables remplacent les fossiles, pas le nucléaire. C’est pourquoi nous avons fait un choix clair pour 2050 : un mix équilibré entre nucléaire et énergies renouvelables. C’est cet équilibre qui garantit notre sécurité, notre compétitivité et notre indépendance.
    Nous fixons aussi des ambitions claires pour la chaleur, le biogaz, les carburants, ainsi que pour l’éolien, l’hydroélectricité, l’hydrogène vert. Ces objectifs ont été inscrits aux articles 5, 6 et 7 de la proposition de loi. Nous agissons avec pédagogie pour favoriser l’acceptabilité locale, au plus près des territoires. Chaque projet doit être anticipé, discuté et compris. Les retombées locales, industrielles et fiscales doivent être mises en valeur auprès des élus comme des riverains. La transition ne se décrète pas, elle se construit.
    Le décret de la PPE, attendu dans les prochaines semaines, viendra décliner ce cap et donnera la visibilité souhaitée par les filières, les élus, les citoyens et les territoires. Il doit permettre aux industriels d’investir, aux collectivités de planifier et aux citoyens de comprendre. En effet, la transition énergétique n’est pas une question technique ; c’est une bataille collective, pour la souveraineté, la prospérité et l’avenir.
    Il est important de garder de la flexibilité dans les objectifs par filière, pour nous adapter aux dynamiques liées à la consommation et à la production, avec une seule boussole : assurer la sécurité d’approvisionnement. C’est pourquoi nous ne souhaitons pas que la loi fige des objectifs filière par filière. C’est l’orientation qu’a donnée le rapporteur et que nous soutenons.
    La seconde ambition du gouvernement est simple : mettre l’énergie au service des Français et de l’industrie –⁠ une énergie plus propre, aux prix plus stables, moins chère ; une énergie qui libère, pas qui contraint.
    Pour les particuliers, nous avons trois priorités : protéger, clarifier, stabiliser. Protéger les consommateurs des à-coups du marché ; clarifier les règles du jeu pour que chacun comprenne enfin sa facture ; stabiliser un cadre qui donne confiance. Pour cela, nous avons besoin d’une EDF solide, capable d’investir, de maintenir et d’innover. Nous avons besoin de fournisseurs d’énergie responsables, qui répondent aux besoins de leurs clients.
    Plusieurs textes réglementaires sont attendus dans les prochains mois, afin d’appliquer le dispositif, adopté en loi de finances, qui s’appliquera après la fin de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh). Je peux vous assurer de mon engagement et de celui de mes services à faire de ce dispositif un outil de clarté et de certitude au profit des ménages et de tous les citoyens français.
    Pour l’industrie, je mène chaque jour le combat de la compétitivité et de l’électricité moins chère, grâce à notre parc nucléaire. Vous connaissez ma conviction profonde : l’énergie doit être un outil au service de notre industrie et de sa compétitivité. En 2022, nos entreprises ont payé leur électricité 35 % de moins que la moyenne européenne. Notre énergie nucléaire est une arme industrielle ; comme toute arme, elle doit être entretenue, affûtée et protégée.
    Nous devons faire de l’énergie une force au service de la réindustrialisation. C’est « la mère des batailles », comme l’a récemment déclaré le président de la République. C’est tout l’objet de l’accord passé entre l’État et EDF en novembre 2023. À cet égard, je veux saluer le travail engagé par Bernard Fontana et ses équipes d’EDF pour relancer les négociations des contrats de long terme avec les industries électro-intensives. Il s’agit d’un enjeu concret et stratégique. L’énergie n’est pas qu’une ligne comptable. Nos choix énergétiques ne sont pas abstraits, ils façonnent des existences. C’est pourquoi nous avons une responsabilité immense : faire de l’énergie un levier de puissance industrielle et de justice sociale.
    Enfin, je tiens à rappeler que l’énergie n’est pas seulement un levier de production, mais une filière industrielle à part entière qui comporte des emplois, des savoir-faire, des chaînes de valeur. C’est un pilier de notre réindustrialisation ainsi qu’un gisement d’avenir. Le nucléaire, ce sont 200 000 emplois qualifiés. Les renouvelables, ce sont des milliers d’emplois territorialisés, non délocalisables. Ensemble, ils forment une filière stratégique à haute valeur ajoutée, une filière qui a besoin de bras, de têtes, de formations, de perspectives.
    C’est pourquoi j’ai signé deux contrats de filière contenant des engagements clairs. Le premier, conclu en février, concerne les nouveaux systèmes énergétiques, un secteur qui représente plus de 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 250 000 emplois. Ce contrat, qui formalise les engagements réciproques de l’État, des industriels et des syndicats, a pour ligne directrice l’ambition réaffirmée de faire de la transition énergétique une occasion de réindustrialiser la France. Ce n’est pas une charge, mais une chance.
    Le second contrat, signé la semaine dernière aux côtés du ministre Éric Lombard, concerne le nucléaire. Il exprime le soutien clair du gouvernement à l’ensemble des acteurs de la filière, sans aucune exclusivité ni aucun monopole. (M. Matthias Tavel rit.) Oui, EDF est un atout national ; non, le monopole n’est pas la condition de l’excellence. C’est pourquoi le gouvernement est opposé à l’article 1er A de la proposition de loi. Une filière ne progresse que lorsqu’elle respire, qu’elle innove, qu’elle coopère.
    La filière nucléaire doit recruter 100 000 personnes dans les dix prochaines années ; c’est un défi, mais aussi une chance pour toute une génération qui, je peux en témoigner, n’attend que cela. Je l’ai rencontrée au lycée Léon-Blum du Creusot. Elle est faite de jeunes passionnés, engagés, qui veulent être utiles à leur pays. Donnons-leur un cap clair, une vision, une promesse ; formons-les ; valorisons-les ; reconnaissons-les. C’est cela, une politique industrielle digne de ce nom. C’est ce que cette proposition de loi, puis la programmation pluriannuelle de l’énergie, doivent impulser.
    Nous vivons un moment charnière, une décennie où se joue bien plus que notre trajectoire énergétique : il s’agit de souveraineté, de cohésion, de prospérité. Dans ce moment, les Français n’attendent pas de nous des demi-mesures. Ils attendent de la clarté, du courage, un cap.
    Produire une énergie abondante, décarbonée, compétitive, souveraine, ce n’est pas un slogan, c’est un engagement envers les citoyens, envers les entreprises, envers les territoires, envers notre avenir commun. Cela suppose de planifier, de simplifier, de co-construire, mais surtout d’oser : oser regarder loin, oser sortir des blocages. Notre boussole, c’est la réindustrialisation. Notre carburant, c’est l’énergie. Notre mission, c’est de garantir à chaque Français une énergie propre, souveraine, abordable. À nous de prouver que, sur ce sujet crucial, nous pouvons faire nation. Je compte sur vos débats et sur votre engagement ; les Français aussi. (M. Jean-Luc Fugit applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Armand, rapporteur de la commission des affaires économiques.

    M. Antoine Armand, rapporteur de la commission des affaires économiques

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    Merci, monsieur le président ; je suis heureux de vous retrouver pour parler d’un sujet que vous connaissez bien. Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi du sénateur Daniel Gremillet ; je salue son travail ainsi que celui de MM. Cadec et Chauvet, rapporteurs au Sénat. Comme je l’ai dit en commission –⁠ je le répète en séance à l’intention de M. le ministre –, ce débat comble une carence de l’exécutif.
    Celui-ci avait en effet la responsabilité –⁠ ni morale ni abstraite, mais légale – de présenter un texte. La loi « énergie-climat » de 2019 dispose : « Avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique. » L’instauration de cette loi quinquennale de programmation est censée garantir au Parlement la possibilité de se prononcer à échéance régulière sur les grands objectifs de politique énergétique.
    Le dépôt d’un projet de loi aurait permis de disposer d’une étude d’impact approfondie, du croisement de différentes études scientifiques et techniques et, bien sûr, des consultations propres à éclairer de telles dispositions. Nous touchions au but : sous le ministère de M. Lescure ou sous celui de Mme Pannier-Runacher ont été réalisés des travaux préparatoires qui ne demandaient qu’à être convertis en projet de loi. Malheureusement, ils n’ont été repris par aucun gouvernement depuis. C’est donc l’initiative parlementaire qui se charge de combler ce manque. Un premier texte en ce sens a d’ailleurs été inscrit à l’ordre du jour au printemps 2024, à l’initiative de notre collègue Julie Laernoes. (M. Matthias Tavel s’exclame.)
    Je remercie cependant le gouvernement d’avoir inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Je regrette qu’il n’ait pas engagé la procédure accélérée qui aurait permis d’aboutir plus rapidement, alors même que le premier ministre a annoncé son souhait de publier la programmation pluriannuelle de l’énergie d’ici la fin de l’été. Je profite de cette occasion pour vous demander, monsieur le ministre, des précisions quant aux propos que vous avez tenus hier. Vous avez dit que le gouvernement ne souhaitait pas attendre la fin de la navette parlementaire pour prendre le décret relatif à la PPE. Je crois pourtant comprendre qu’il souhaite donner l’occasion au Sénat d’examiner le texte en deuxième lecture, dans la version qui résultera des débats de l’Assemblée nationale.

    M. Matthias Tavel

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    Il n’y aura pas de vote conforme !

    M. Antoine Armand, rapporteur

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    Je reconnais volontiers que, dans le cas où les deux versions seraient très différentes et où une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, qui pourrait ne pas avoir lieu avant la fin de l’année, serait nécessaire, l’urgence commanderait de prendre un décret avant la fin de la navette. Nous ne pouvons pour autant évacuer la possibilité que les deux versions présentent des points de convergence. Imaginons que nous adoptions un texte qui ressemble à grands traits à celui qu’a voté le Sénat : pourquoi le gouvernement, pour fonder sa programmation sur cinq ans, se priverait-il d’une assise aussi solide que celle de la loi et du cadre qui l’accompagne ?

    M. Philippe Brun

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    Il a raison ! C’est le Parlement qui doit décider !

    M. Antoine Armand, rapporteur

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    Cette proposition de loi nous offre une occasion unique. Jamais aucun texte n’a permis au Parlement de matérialiser aussi clairement son attachement au parc industriel français –⁠ nucléaire, mais pas seulement –, ni acté une telle relance du nucléaire, tant industriel que de recherche ; je pense à l’énergie nucléaire de quatrième génération. Le texte a ses défauts, mais, dans un contexte de fragmentation politique extrême, il nous donne à tous, y compris au gouvernement, la possibilité de définir démocratiquement un cadre général en matière de politique énergétique.
    Qu’on soit pour ou contre le nucléaire, on peut considérer que des investissements aussi lourds et des décisions aussi importantes nécessitent l’aval de la représentation nationale. En toute honnêteté, je ne crois pas qu’il soit sage de remettre à plus tard la décision démocratique et de prendre un décret alors que le Parlement débat encore. Cette position serait certes compréhensible si les divergences entre l’Assemblée nationale et le Sénat se révélaient massives, mais peut-être pourriez-vous préciser, monsieur le ministre, qu’en cas de convergences entre les deux chambres, le gouvernement pourrait surseoir quelques semaines encore à la prise d’un décret ?
    Le contexte a changé depuis l’adoption de la dernière PPE. Je ne me couvrirai pas de ridicule en faisant un exposé géopolitique de tous les changements drastiques survenus en quelques mois au Moyen-Orient, en Ukraine ou encore aux États-Unis. Même les scénarios dans lesquels RTE, le gestionnaire du Réseau de transport d’électricité, prévoyait une « mondialisation contrariée », et qui faisaient figure d’épouvantail il y a quelques années, passent désormais pour des hypothèses optimistes. On les estimait autrefois peu probables, même en cas de crise géopolitique ; ils sont désormais dépassés. Les représentants de RTE, lors des auditions menées en commission, nous ont confirmé qu’ils envisageaient la publication d’un scénario reposant sur des conditions encore plus dégradées.
    À mon sens, ces évolutions fondamentales devraient amener le gouvernement à s’interroger sur certaines des hypothèses qui fondent la PPE. Les réflexions du groupe de travail dont le premier ministre m’a confié la direction, ainsi qu’au sénateur Gremillet, et auquel certains collègues ont eu l’amabilité de participer, conduisent à penser que certaines de ces hypothèses pourraient être revues.
    S’il est absolument nécessaire d’avoir ce débat et d’adopter un texte de loi, c’est aussi parce que la PPE en vigueur est obsolète. Il y est question de fermer quatorze réacteurs nucléaires à l’horizon 2035, ce qui, fort heureusement, n’est plus d’actualité.
    Il est entendu que nous avons besoin d’un nouveau cadre légal. Est-ce pour autant le rôle de notre assemblée que d’inscrire dans la loi, à la décimale ou au centième près, les objectifs de déploiement des énergies renouvelables, qu’elles soient électriques ou thermiques ? Nos débats en commission sont souvent tombés dans ce travers. Est-ce à nous de décider si l’éolien terrestre doit produire chaque année 1,2 gigawatt à partir de 2034 ou 1,3 gigawatt à partir de 2036 ? N’est-ce pas plutôt le rôle d’un décret, pris après consultation des organes concernés, travaillé avec les spécialistes et avec les institutions ?
    Les débats en commission au sujet de l’article 5 relatif aux énergies renouvelables le montrent bien : ils ont abouti à une sorte de foire à tout. Certains amendements ont été rejetés par principe ; d’autres adoptés parce que nous avons tous, en circonscription, un interlocuteur qui nous a alertés quant à l’emprise foncière du photovoltaïque ; d’autres encore ont été adoptés car nous trouvions sympathique de soutenir les emplois dans le secteur de l’éolien en mer, comme s’il n’y en avait pas dans celui de l’éolien terrestre.

    M. Matthias Tavel

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    Ne méprisez pas le travail de la commission !

    M. Antoine Armand, rapporteur

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    Ne vous énervez pas, cher collègue : vous êtes d’accord avec ce que je dis !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    C’est mauvais signe !

    M. Antoine Armand, rapporteur

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    C’est lui qui est d’accord avec moi, pas l’inverse. (Sourires.) En matière d’énergies renouvelables, la meilleure garantie que nous puissions donner aux industriels et aux créateurs d’emplois consiste à passer par un décret pour définir des objectifs par filière et à s’en tenir, au niveau législatif, à des objectifs de déploiement d’énergie décarbonée. Car malgré nos divergences parfois profondes, il me semble que nous partageons tous la volonté de décarboner l’énergie et de sortir des énergies fossiles, lesquelles représentent deux tiers du mix énergétique actuel ; cela passe d’ailleurs par l’électrification des usages.
    Il est logique, dans le cadre d’une loi de programmation, de s’en tenir à des objectifs industriels, énergétiques et économiques. Néanmoins, une grande partie des projections réalisées à partir du scénario de RTE se fondent sur l’électrification des usages, sur la décarbonation et sur l’hypothèse que nous ferons des économies d’énergie. Il faudra donc adosser à ce texte une loi de financement contenant les mesures que l’exécutif est prêt à mettre en œuvre pour, par exemple, financer de manière stable et pérenne la rénovation des bâtiments,…

    M. Matthias Tavel

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    Au hasard !

    M. Antoine Armand, rapporteur

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    …ou pour aider les secteurs qui peinent à se décarboner à réaliser des économies d’énergie.
    Enfin, malgré nos très nombreux désaccords en matière énergétique, nous avons réussi à resserrer le texte en supprimant les articles non programmatiques, à fixer dans l’article 5 un objectif mesuré en volume d’énergie décarbonée, sans distinction de source, ou encore à maintenir la suppression d’un objectif exprimé en pourcentage d’énergie renouvelable. Bref, nous avons avancé.
    Cependant, la commission a décidé de rejeter l’article 3. Des intérêts de boutique ou des arrangements de couloir ont prévalu, à l’abri des regards, moins concentrés sur les travaux des commissions que sur la séance publique. J’espère que les amendements de rétablissement que nous défendrons, enrichis et modifiés par l’intégration des différents amendements adoptés en commission, permettront de clarifier la position de chaque groupe et qu’au moment de voter ce qui pourrait être la plus grande relance nucléaire de l’histoire de notre pays, personne ne se cachera derrière son petit doigt, prétextant l’absence de telle ou telle précision pour refuser de soutenir une industrie souveraine, décarbonée et pourvoyeuse d’emplois.
    C’est dans cet esprit, sans préjuger du résultat du vote et en comptant sur l’esprit de responsabilité de notre assemblée, que je vous propose d’examiner cette proposition de loi. (M. Joël Bruneau applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à laquelle la commission des affaires économiques a délégué l’examen des articles 11, 16  bis, 22  ter, 22  quater et 22  quinquies.

    M. Jean-Marie Fiévet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

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    Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi, adoptée par le Sénat le 16 octobre 2024, portant programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035. J’ai été désigné rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire pour les cinq articles qui lui ont été délégués au fond.
    Le texte vise à satisfaire à l’obligation qui incombe au Parlement de définir les orientations énergétiques nationales. En effet, depuis 2023, date butoir fixée par le code de l’énergie pour adopter la première loi quinquennale de programmation de l’énergie, aucun cap n’a été solennellement fixé. Privés de cette boussole, les porteurs de projet, qu’il s’agisse des collectivités ou encore des entreprises des différentes filières, réclament de la visibilité ; cela est indispensable lorsqu’il est question d’investissements à hauteur de plusieurs centaines de milliards d’euros.
    Le Sénat a donc pris l’initiative et nous transmet une proposition de loi de programmation assortie d’un volet de simplification. Avec le rapporteur de la commission des affaires économiques, Antoine Armand, nous nous sommes attachés en commission à élaborer une proposition de loi solide, équilibrée et ambitieuse, qui déterminera le contenu des programmations pluriannuelles de l’énergie et de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC).
    La commission des affaires économiques a délégué l’examen de cinq articles à la commission du développement durable. L’article 11 de la proposition de loi constitue la pierre angulaire de notre politique climatique. Cet article, qui relève à 50 % l’objectif de réduction des émissions brutes de gaz à effet de serre d’ici à 2030, traduit les efforts encore nécessaires pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Lors de la COP21, en 2015, 196 pays se sont engagés à atteindre la neutralité carbone pour limiter l’augmentation de la température planétaire à 2 degrés Celsius, en consentant tous les efforts nécessaires pour ne pas dépasser 1,5 degré. L’article 11 n’est finalement rien d’autre que la réalisation de nos engagements internationaux.
    Pourtant, tel qu’issu du Sénat, l’article affaiblissait le droit en vigueur, en préférant une formulation plus souple, « tendre vers une réduction », à l’affirmation d’un objectif clair et contraignant. Cette formulation est insuffisante étant donné l’importance des enjeux : nous devons avoir un objectif clair pour construire les feuilles de route de décarbonation, secteur par secteur, et poursuivre les efforts de planification écologique entrepris au cours des dernières années. Une formulation allégée nuirait à la crédibilité internationale de la France. C’est pourquoi la commission a adopté plusieurs amendements identiques pour conserver une formulation ambitieuse : l’objectif n’est plus de « tendre vers une réduction des émissions », mais bel et bien de les « réduire ». C’est une avancée positive et je m’attacherai à obtenir qu’elle soit conservée en séance.
    La commission a ensuite créé un article 11  bis, inscrivant parmi les priorités énergétiques l’objectif de réduire notre empreinte carbone. C’est un indicateur utile, qui prend non seulement en compte les émissions émises sur le territoire national mais aussi les émissions importées. Cet objectif est cohérent avec les recommandations du Haut Conseil pour le climat ainsi qu’avec la future stratégie nationale bas-carbone, qui comportera un budget carbone indicatif portant sur l’empreinte carbone.
    L’article 16  bis, tel qu’issu du Sénat, créait une catégorie de « stock stratégique » pour les matières radioactives dont les perspectives de valorisation ne sont pas encore opérationnelles. Il visait à affirmer l’importance de l’uranium appauvri, qui pourra être utilisé au sein des futurs réacteurs à neutrons rapides. Je suis bien entendu favorable à la relance du parc nucléaire français et à la valorisation des matières radioactives. Cependant, il est essentiel que la politique nucléaire soit conciliée avec la gestion sûre et durable des substances radioactives.
    La France compte actuellement plus de 340 000 tonnes d’uranium appauvri ; cette quantité, en augmentation constante, pourrait atteindre 569 000 tonnes en 2040. L’augmentation prévisible du stock d’uranium appauvri invite à se concentrer en premier lieu sur les solutions sûres et durables pour entreposer ces matières ainsi que sur la structuration des filières industrielles capables à terme de le valoriser. De plus, le cadre juridique actuel permet d’ores et déjà d’apprécier des perspectives de valorisation de l’uranium appauvri, même si elles ne sont pas opérationnelles à court terme. Aussi la commission a-t-elle estimé qu’il n’était pas opportun de créer une nouvelle catégorie de « stock stratégique » et supprimé cette disposition.
    En matière de foncier, l’article 22  ter issu de la commission étend au solaire thermique l’exemption d’artificialisation des sols dont bénéficie déjà le photovoltaïque. Cette exemption dite ZAN, pour zéro artificialisation nette, accordée au photovoltaïque a déjà démontré son utilité. L’étendre au solaire thermique est cohérent, car l’implantation de ces centrales est techniquement similaire. En revanche, je partage l’avis de la commission des affaires économiques sur la nécessité de restreindre le périmètre de la proposition de loi en le recentrant, ce qui peut faire l’objet d’un consensus, sur les seules mesures de programmation énergétique. C’est la raison pour laquelle je présenterai au cours des débats un amendement de suppression de cet article.
    Enfin, les articles 22  quater et 22  quinquies issus du Sénat tendaient à compléter l’effort de simplification. Le premier prévoyait de limiter à douze mois l’instruction des nouveaux projets d’énergies renouvelables situés dans les zones d’accélération issues de la loi Aper. Le second visait à appliquer le même principe d’encadrement des délais d’instruction aux opérations de rééquipement des installations d’énergies renouvelables existantes. Si ces propositions paraissaient séduisantes et si elles sont réclamées par certains acteurs, je me félicite cependant que la commission du développement durable ait acté leur suppression. Ces deux propositions demeuraient en effet en retrait de la procédure issue de la loi « industrie verte », qui fixe déjà un plafond théorique de six à neuf mois pour toutes les autorisations environnementales.
    Mes chers collègues, la relance de l’énergie nucléaire et le développement des énergies renouvelables répondent en premier lieu à l’urgence climatique. C’est grâce à un mix énergétique décarboné que nous atteindrons la neutralité carbone.
    Nous devons à présent définir le cap. En le faisant, le Parlement est à sa juste place. Je formule donc le vœu que nos débats soient aussi constructifs que ceux que nous avons tenus en commission.

    M. le président

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Enfin, notre assemblée légifère sur les priorités énergétiques pour le pays de manière cohérente, pas seulement dans des débats généraux ou à travers des propositions de loi éparses ! Je remercie les rapporteurs MM. Armand et Fiévet pour leur travail. Je souscris aux propos du rapporteur Antoine Armand lorsqu’il soutient que les parlementaires pallient une carence du gouvernement –⁠ une carence que je qualifierai de grave.
    Le gouvernement n’a en effet pas voulu nous soumettre un projet de loi global, alors même que la loi « énergie-climat » du 8 novembre 2019 fixe le principe d’une loi quinquennale sur l’énergie. Il s’en remet à une proposition de loi, donc à un texte sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État, alors que l’une et l’autre peuvent être considérés comme indispensables pour une question aussi stratégique que l’énergie.
    Comme il ne s’agit pas d’un texte du gouvernement, il y a dans cette proposition de loi beaucoup d’angles morts. De nombreux amendements ont été déclarés irrecevables alors que, dans le cadre d’une loi de trajectoire énergétique, ils auraient été discutés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Malheureusement, nous sommes bien loin d’une loi de planification énergétique, d’autant que le gouvernement vient de prendre des décisions à rebours d’objectifs qui figurent dans le texte, telle la diminution de la consommation d’énergie : avec le gel du dispositif MaPrimeRénov’ et de son financement, la rénovation thermique des logements est mise en pause. (Mêmes mouvements.)
    La commission des affaires économiques a examiné cette proposition de loi issue du Sénat la semaine dernière. Ayant délégué cinq articles à la commission du développement durable, elle a entériné les amendements que celle-ci a adoptés.
    Notre commission a choisi à la majorité de se concentrer sur la programmation énergétique nationale. Sur proposition du rapporteur Antoine Armand, elle a supprimé des dispositions éparses de modification de normes et ramené le texte à quatorze articles. Le gouvernement a tant tardé, malgré le calendrier fixé par la loi, qu’il semblait urgent d’en venir à l’essentiel, en déterminant quelles productions d’énergie nous voulions dans les dix prochaines années, en définissant la part du nucléaire, celle des énergies renouvelables, et les moyens d’y arriver.
    Alors que le gouvernement envisageait de fixer par simple décret, donc sans débat ni vote des parlementaires, la programmation pluriannuelle de l’énergie, nous entamons fort heureusement un débat. Le décret, je l’affirme, devra tenir compte du cap fixé par le législateur. Je suis d’ailleurs fort étonnée, monsieur le ministre, que vous ayez affirmé quelques heures seulement avant le début de l’examen en séance que le décret serait publié sans attendre le vote de cette proposition de loi, un texte sur lequel les parlementaires auront planché des dizaines d’heures. Je trouve cela fort peu respectueux de notre travail et même, de la démocratie parlementaire ! (Mêmes mouvements.) C’est d’ailleurs contraire à l’engagement que le gouvernement a pris en conférence des présidents.
    Ne pas prendre en considération les élus de la nation, leur travail et leur vote serait irresponsable, compte tenu de l’importance de ces questions pour nos concitoyens, notamment pour leur pouvoir d’achat, et pour les entreprises ; ce serait irresponsable étant donné la crise écologique et le dérèglement climatique.
    Enfin, ce serait irresponsable eu égard aux immenses montants en jeu. La décision de construire six nouveaux EPR est un choix à 80 milliards d’euros –⁠ sans compter les coûts induits. Une solution qui n’a pas encore démontré sa fiabilité technique et qui ne réglera rien au problème avant 2038, au mieux. Il faut que le débat ait lieu avec les élus de la nation.
    Parmi les amendements importants adoptés lors des débats en commission, je citerai celui qui vise, à l’article 1er, à redonner à EDF le statut d’établissement public industriel et commercial (Epic) d’EDF –⁠ c’est à dire à renationaliser le groupe (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Philippe Brun applaudit également) – et celui qui a pour objet de rétablir les tarifs réglementés de vente du gaz. Tous deux montrent combien les parlementaires souhaitent restaurer une forte régulation publique des marchés de l’énergie, de la soustraire aux cahots du marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    A l’article 5 ont été votés la mise en service de 18 gigawatts de capacité éolienne en mer à l’horizon 2035, celle de 250 mégawatts pour les hydroliennes à la même échéance, le développement de la biomasse et de la géothermie profonde, etc. Nous avons aussi voté pour une planification et une répartition territoriale des éoliennes terrestres ainsi que pour une plus forte régulation des capacités photovoltaïques.
    Chers collègues, la planification énergétique, c’est sérieux ; cela ne relève pas du « peut-être », encore moins de l’opinion. En effet, nous devons viser les besoins humains ; nos choix doivent être adossés aux limites des écosystèmes, aux études scientifiques et à des capacités techniques réalistes. J’espère que nous prendrons cette exigence au sérieux cette semaine. J’espère, monsieur le ministre, que vous prendrez au sérieux les débats et les votes des parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Julien Brugerolles.

    M. Julien Brugerolles

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    Les défis que pose le changement climatique à notre société sont connus. Le premier est celui de tenir nos engagements internationaux en sortant des énergies fossiles et en atteignant la neutralité carbone d’ici 2050. Nous le savons, ces engagements requièrent des transformations économiques, sociales, territoriales et culturelles majeures, qui doivent être réalisées dans un laps de temps si court qu’elles nécessitent selon nous une planification rigoureuse qui doit mobiliser des moyens publics et privés considérables.
    Or le débat que nous entamons sur ce texte est marqué du manque de volonté et de courage politiques d’un gouvernement qui s’est refusé à présenter sa feuille de route et sa stratégie énergétique pour la décennie à venir. Au lieu de cela, l’exécutif nous propose une forme de voiture-balai législative avec une proposition de loi d’origine sénatoriale, dont on nous dit aussi, « en même temps », qu’il n’en sera pas tenu compte dans la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie, dont le décret devrait paraître avant la fin de la navette parlementaire. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre qu’il y a de moins en moins de cohérence dans la politique énergétique de notre pays.
    La loi relative à l’énergie et au climat de 2019 avait pourtant prévu expressément qu’avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, le Parlement devrait voter une loi de programmation quinquennale pour déterminer les grands objectifs de notre politique énergétique. Mais aucun des derniers gouvernements n’a présenté un tel texte.
    À la place, nous avons eu droit à la juxtaposition de consultations publiques, en 2022, en 2023, en 2024, avant que le premier ministre ne confirme qu’il n’y aurait finalement pas de texte gouvernemental. En guise de lot de consolation, nous avons eu le privilège d’un débat sans vote, ici même, avant que ne soit confirmée la décision d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée cette proposition de loi.
    Une telle façon de procéder et d’appréhender les grands choix stratégiques en matière énergétique et les conséquences qu’ils impliquent pour l’avenir du pays n’est pas à la hauteur. Nous en observons les effets dans les conditions d’examen de ce texte, son contenu et ses équilibres. Tout bouge –⁠ cela a été le cas en commission –, sans que personne n’ait pu préalablement se positionner, faute d’étude d’impact et de travaux préparatoires à la hauteur sur les grandes trajectoires et prospectives énergétiques et climatiques, qui ne cessent d’évoluer –⁠ vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur.
    Son examen ne viendra donc pas combler l’impression de navigation à vue que laisse la politique énergétique conduite ces dernières années par le président de la République. En 2022 et en 2023, nous avons examiné un projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, puis un projet de loi d’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires, sans que le gouvernement adapte ou révise la trajectoire énergie-climat fixée en 2019.
    Qui dit nouvelle trajectoire de référence dit anticipation, mesure des risques, marges de manœuvre à conserver, estimation du niveau des soutiens publics et budgétaires nécessaires. Or aucune garantie budgétaire n’est donnée pour cette programmation. Pire, la brutalité des arbitrages en cours et l’obsession de la baisse des dépenses publiques ont conduit à revenir sur les mesures les plus efficaces pour faire face à la précarité énergétique et faire baisser nos consommations.
    Suspension de ma MaPrimeRénov’, gel du leasing pour les véhicules électriques, hausse des taxes sur l’électricité : alors que nous sommes engagés dans une course de vitesse pour faire baisser nos émissions de gaz à effet de serre et accélérer l’électrification des usages, ces décisions ne font que ralentir encore les transitions nécessaires.
    Il résulte de tous ces contresens une France surcapacitaire, qui produit bien plus d’électricité qu’elle n’en consomme et se retrouve à exporter des quantités records, alors même que les deux tiers de son mix énergétique sont issus d’énergies fossiles –⁠ 37 % de pétrole et 21 % de gaz naturel.
    Monsieur le ministre, des signaux d’alerte vous ont pourtant été envoyés par les autorités indépendantes qui ont eu à donner leur avis sur cette politique erratique. Il y a quelques semaines, le Haut Conseil pour le climat s’alarmait du « manque de clarté » du projet de PPE, qui ne constitue pas une « planification robuste détaillant des mesures quantifiées, déclinées temporellement, pilotées et évaluées en termes de potentiel et d’efficacité ». Le HCC s’inquiétait aussi de l’insuffisante prise en compte de l’accompagnement nécessaire des ménages modestes.
    Nous le répétons : il n’y aura pas de transition juste et efficace sans un soutien massif à ceux qui n’ont pas d’autre choix que de vivre dans des passoires énergétiques et de prendre leur véhicule thermique pour aller au travail ou se déplacer au quotidien. Plutôt que de raboter ou de supprimer à la va-vite les aides à la rénovation des logements ou à l’électrification des véhicules, nous devons faire le choix de les soutenir massivement, tout comme l’ensemble des transports publics et collectifs. Monsieur le ministre, le budget 2026 ne doit pas renforcer les inégalités sociales et territoriales, mais il doit marquer un tournant en faveur des classes populaires, de ces millions de ménages modestes condamnés à la précarité, que cela concerne leur consommation d’énergie ou leurs moyens de mobilité.
    Le haut-commissariat à l’énergie atomique, autre autorité indépendante qui a eu à donner son avis, insiste, lui aussi, sur le besoin urgent de planifier les investissements et de reprendre la main sur la recherche nucléaire. Il s’agit notamment de ne pas laisser à d’autres le déploiement industriel des réacteurs de quatrième génération et des petits réacteurs modulaires.
    Le haut-commissariat nous alerte surtout sur le fait que la complémentarité entre énergies renouvelables et nucléaire, qui caractérise la stratégie de l’offre énergétique, repose sur un équilibre pour le moins précaire. Cela risque de se solder par un sous-emploi du nucléaire et par des surcoûts pour les consommateurs et les industriels.
    Bien sûr, la situation vient de ce que la volte-face stratégique, après la fermeture de la centrale de Fessenheim et l’arrêt calamiteux du programme de recherche Astrid, s’est produite trop tardivement. Mais il n’est pas trop tard pour agir. Et si ce texte peut être utile, c’est de retrouver une ambition dans ce domaine.
    La même absence de vision affecte malheureusement le développement des filières industrielles. Nous nous interrogeons toujours sur l’absence de véritables plans de filière et de formation pour produire sur notre sol les panneaux solaires, les éoliennes, les pompes à chaleur, les batteries et les infrastructures électriques dont nous aurons tant besoin dans les années à venir.
    À quoi bon sortir de notre dépendance aux importations de combustibles fossiles si nous continuons à importer massivement de Chine, des États-Unis ou d’Europe du Nord les productions essentielles à la transition ?
    Au-delà de ces critiques de fond sur la politique conduite par le gouvernement, nous nous réjouissons que le texte ait permis, notamment grâce aux travaux en commission, d’enregistrer des évolutions majeures.
    Je pense, d’abord, à l’affirmation du monopole public d’EDF sur la construction et l’exploitation des réacteurs électronucléaires, y compris sur les petits réacteurs modulaires, qui ne doivent pas être confiés à des acteurs privés.
    Je pense aussi à la révision du mode de calcul des tarifs réglementés de vente d’électricité, afin qu’ils reflètent les coûts de production, à l’introduction du principe de la transformation d’EDF en Epic, qui est pour nous une avancée majeure, ainsi qu’au rétablissement des tarifs réglementés du gaz. Nous défendrons bien sûr ces avancées, qui doivent être conservées.
    Par ailleurs, le texte redonne la main au Parlement pour fixer les objectifs de politique énergétique liés aux réseaux électriques et à l’hydrogène ainsi qu’au développement des capacités d’énergie éolienne, hydrolienne et photovoltaïque, avec toutes les limites que ces chiffrages impliquent. En effet, ils dépendent prioritairement de notre capacité à électrifier massivement les usages, d’une part, et à anticiper les besoins en énergie liés à la nécessaire réindustrialisation du territoire et à la réduction des émissions importées, d’autre part.
    À ce stade de l’examen du texte, nous avons cependant plusieurs regrets. Le premier tient à la suppression de l’article 3, qui visait à définir les objectifs de politique énergétique liés à l’énergie nucléaire. La réponse aux besoins d’énergie décarbonée au-delà de 2050 nécessitera de maintenir des capacités nucléaires importantes et d’éviter tout effet falaise dans la capacité de production. Nous devons donc réintroduire nos grandes ambitions dans ce domaine.
    En outre, parce qu’ils répondent en partie au problème d’épuisement des ressources auquel devra faire face l’humanité dans les prochaines décennies et qu’ils permettent le traitement des combustibles usés actuels, nous devons renforcer, comme le proposait cet article, l’effort de recherche et d’innovation publiques sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération.
    Nous soutiendrons l’inscription, dès à présent, d’une perspective de déploiement industriel des réacteurs à neutrons rapides. Ne laissons pas à d’autres –⁠ Américains, Chinois ou Russes – la capacité de concevoir et de nous vendre ces réacteurs dans les prochaines décennies.
    Nous proposerons donc le rétablissement de l’article 3, convaincus que nous ne pouvons risquer une perte de souveraineté énergétique et industrielle dans ce secteur clef pour notre avenir, comme nous le sommes de la nécessité de construire de véritables filières dans les énergies renouvelables.
    Notre second regret porte sur l’insuffisante prise en compte des enjeux liés à la réduction de notre empreinte carbone. Vous avez évoqué ce problème, monsieur le rapporteur Fiévet.
    Selon un rapport conjoint de Carbone 4 et du Stockholm Environment Institute, entre 1995 et 2022, l’empreinte carbone totale de la France a diminué de 7 %, mais cette baisse relative cache deux tendances totalement opposées : d’une part, une réduction de 33 % des émissions émises sur le territoire et, d’autre part, une augmentation de 32 % des émissions importées.
    Environ la moitié de l’empreinte carbone de la France est ainsi liée aux importations. La Chine est la plus grande source d’émissions importées, suivie de l’Allemagne, des États-Unis et de l’Italie.
    Ce constat impose une politique volontariste de réduction des émissions importées. Elle passe, en particulier, par la réindustrialisation de notre pays, en ciblant les secteurs clés et les technologies les moins émettrices.  Elle suppose d’anticiper les besoins en énergie et doit être articulée à une politique de planification industrielle rigoureuse. Seulement, celle-ci fait cruellement défaut, ce qui nous interdit de connaître avec précision les besoins énergétiques de notre pays à l’horizon 2050. J’espère que nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet.
    Nous défendrons également par amendement la définition d’une stratégie nationale équilibrée de mobilisation de la biomasse. Comme le soulignait le HCC dans son dernier avis, une hiérarchisation stricte des usages de la biomasse est indispensable. Il va falloir arbitrer entre les usages agricoles en faveur du maintien de la fertilité des sols et de leur teneur en carbone, la production de chaleur et de biocarburant, et la production résiduelle d’électricité. Sans stratégie nationale, nous naviguons à vue, sans pouvoir prendre en compte les réalités scientifiques et la dégradation de nos puits de carbone forestiers et agricoles. Ce n’est pas tenable.
    Si nous abordons cette discussion sans illusions excessives sur les effets concrets des mesures et leur traduction finale dans la PPE, nous chercherons quand même à améliorer ce texte, afin de définir l’équilibre et l’ambition qui lui manquent.
    Espérons que, dans l’attente d’un projet plus construit et assorti de moyens budgétaires clairement identifiés, cette proposition de loi permettra au Parlement de donner plus de corps à la programmation tant attendue de notre politique énergétique.

    M. le président

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    La parole est à M. Vincent Trébuchet.

    M. Vincent Trébuchet

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    « Le plan ou l’anti-hasard » : cette formule de Pierre Massé, commissaire au plan sous le général de Gaulle, incarnait la vision claire d’un État capable de penser l’avenir, d’organiser l’effort national et de rendre l’économie prévisible, au service du bien commun.
    En 2025, que nous reste-t-il de cette vision ? Nous sommes passés d’une planification stratégique à une gestion fragmentée, d’un cap à une succession d’arbitrages flous et idéologiques. Cela se voit –⁠ cela se paye.
    C’est dans ce contexte que nous examinons enfin, grâce à la ténacité de Marine Le Pen, la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie.
    Ce texte est essentiel. En effet, depuis la loi énergie-climat de 2019, le code de l’énergie impose de voter une loi de programmation tous les cinq ans. Cette loi doit fixer nos grandes priorités énergétiques et, surtout, servir de base à des textes réglementaires tels que la programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas-carbone.
    Or cette loi, censée être adoptée avant le 1er juillet 2023, n’a jamais été présentée par le gouvernement ! C’est donc une proposition de loi venue du Sénat, laquelle n’entrerait en vigueur qu’après la publication du décret gouvernemental, qu’on nous propose d’examiner aujourd’hui. Non seulement l’État ne planifie plus, mais il se met lui-même hors-la-loi en esquivant le débat parlementaire.
    Cette incurie révèle des désaccords plus profonds sur la trajectoire énergétique à suivre. Puisqu’apparemment, le décret gouvernemental est déjà prêt à être publié, je vous propose de commencer par examiner ce qu’il contient et ce que cela impliquerait pour notre souveraineté énergétique.
    Premier constat : le texte fixe un objectif d’expansion massive des parcs éoliens. Le parc terrestre doit être doublé et l’éolien en mer atteindre 45 gigawatts, soit l’équivalent de quinze fois Fessenheim en puissance installée.
    Pour quel coût ? Le prix de 200 euros le mégawattheure est garanti aux développeurs, soit environ dix fois le prix du marché actuel. Le citoyen se retrouve donc deux fois contributeur : d’abord au titre de l’imposition, puis au titre de la consommation.
    La punition est du même ordre dans le secteur solaire, avec un objectif de surface d’occupation multipliée par cinq, ce qui conduira immanquablement à des conflits d’usage en zones agricoles, à des tensions foncières et à une hausse des importations de matériaux en provenance d’Asie.
    Le décret prévoit aussi une réduction de la consommation d’énergie finale de l’ordre de 30 % d’ici à 2035. Or, depuis dix ans, cette consommation a déjà reculé de 11 %, du fait de la désindustrialisation. Réduire encore la demande, et donc faire le choix délibéré de ne pas réindustrialiser, revient tout simplement à planifier notre décroissance. Ce n’est plus une politique énergétique, c’est un programme d’appauvrissement économique.
    De Dominique Voynet à Nicolas Hulot, puis à Élisabeth Borne… sous les mandats de Nicolas Sarkozy, de François Hollande et d’Emmanuel Macron, tous les gouvernements, depuis vingt-cinq ans, ont organisé la destruction de notre souveraineté énergétique en encourageant des énergies intermittentes au détriment du parc nucléaire.
    L’arrêt d’Astrid et de la filière des neutrons rapides, c’était vous, chers collègues macronistes ! L’arrêt de Fessenheim, c’était encore vous ! Le décret de fermeture a été paraphé en février 2020 par la ministre de la transition écologique Élisabeth Borne et le premier ministre Édouard Philippe, qui laisse désormais le soin aux Français de payer le prix de ses mensonges.
    Toutes ces décisions ont eu pour unique objectif de freiner le développement de notre premier atout économique : le nucléaire. Celui-ci est bien le premier ennemi des décroissants, car il garantit une énergie pilotable, abondante, 100 % décarbonée et à bas coût.
    Le « en même temps » nous a menés droit dans le mur, qu’il s’agisse de la stratégie industrielle ou des consommateurs, qui ont vu leur facture d’électricité bondir de près de 60 % entre 2018 et 2024. Disons-le clairement aux Français qui peinent à payer leurs factures : si nous avions poursuivi le plan Messmer de 1974, nous disposerions d’une électricité quasi gratuite, et l’énergie serait pour la France, comme elle l’est pour la Norvège, une source presque inépuisable de revenus. Là-bas, les producteurs rémunèrent les citoyens ; ici, l’État et les citoyens surpayent les producteurs.
    Selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), les prix négatifs dans l’éolien en mer ont représenté pour l’État une perte de près de 30 millions d’euros en 2024. Par ailleurs, selon André Merlin, l’ancien président de RTE, les subventions pour les nouveaux parcs représenteront 18 milliards à l’horizon 2050.
    Ce système en dit long sur le modèle que nous subissons depuis des années. Nous subventionnons massivement les énergies intermittentes et en finançons les infrastructures, alors que les impôts de nos parents et de nos grands-parents ont déjà financé les infrastructures du parc nucléaire actuel. D’un autre côté, nous garantissons les prix aux producteurs d’énergies intermittentes, mais quand les profits explosent, rien ne nous revient. Les promoteurs éoliens encaissent, pendant que l’État continue de subventionner. C’est un modèle où le risque est pris par la puissance publique, mais où les bénéfices reviennent aux promoteurs étrangers.
    Les panneaux solaires, les batteries, les composants électroniques, les éoliennes demeurent majoritairement fabriqués en Chine et il nous faudrait des années avant de développer une filière 100 % européenne. Ce décret, en misant sur des énergies intermittentes importées, en plus d’appauvrir les Français, creusera encore davantage le déficit extérieur sans créer d’emplois en France. Vous allez me dire que c’est pour une meilleure transition écologique ? Mais nous sommes déjà l’un des pays qui produisent l’électricité la plus décarbonée au monde, grâce au nucléaire !
    Le fameux principe de non-régression environnementale suppose, dans les faits, une énergie disponible, pilotable et décarbonée. Sans un nucléaire puissant, la transition restera incantatoire. Il nous faut donc sortir d’un modèle idéologique pour revenir à une électricité bon marché, décarbonée, facteur de compétitivité, de réindustrialisation et de puissance.
    Pour cela, planifions dès aujourd’hui le nucléaire pour 2050, à un prix acceptable pour le consommateur. Surtout, ne cédons pas aux sirènes de la décroissance relayées par les partis de gauche qui n’ont rien trouvé de mieux pour combattre le nucléaire que de le renvoyer à plus tard.
    Cessons ensuite de subventionner indéfiniment des marchés prétendument immatures. S’ils ont besoin de subventions après quinze ans, c’est qu’ils ne sont pas compétitifs. Prenons au sérieux les signaux d’alerte, comme le blackout ibérique. Cessons de répéter que le nucléaire et les énergies intermittents sont complémentaires alors que, dans les faits, c’est le nucléaire qui s’efface pour laisser place à l’intermittence, au risque d’abîmer durablement nos centrales.
    Enfin, soyons ambitieux et faisons de l’énergie un revenu pour les Français. Pour que demain les investisseurs choisissent la France pour son électricité abondante et abordable. Pour que demain nous puissions vendre notre électricité décarbonée à nos voisins, plutôt que de subir leurs pics intermittents lorsqu’il y a du vent ou du soleil.
    Le groupe UDR rappelle que la mission première de l’État n’est pas de gérer la pénurie mais de créer les conditions de l’abondance. C’est à cette exigence que nous subordonnerons notre vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. le président

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    La parole est à M. Maxime Amblard.

    M. Maxime Amblard

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    J’aimerais, à cette tribune, pouvoir me réjouir.
    Me réjouir d’abord d’une prise de conscience, même tardive. Après des années d’errance, de renoncements, d’inconstance, de revirements empreints d’idéologie, d’électoralisme, voire de lâcheté, voilà enfin que l’on s’accorde à reconnaître que l’énergie n’est pas un sujet périphérique mais l’ossature même de notre souveraineté !
    Me réjouir ensuite d’un tournant –⁠ du moins en apparence –, car trois ans après la prétendue relance du nucléaire, nous sommes contraints de constater qu’au-delà des discours, rien n’avance vraiment. Pouvait-il en être autrement de la part de ceux qui, deux ans auparavant, fermaient Fessenheim, l’une des centrales les plus sûres du pays, pour satisfaire à une idéologie hors-sol ?
    Me réjouir enfin d’une victoire : celle d’avoir obtenu, grâce à Marine Le Pen et au poids politique du Rassemblement national, l’ouverture de ce débat indispensable. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Indispensable, car il n’y a pas de nation puissante sans un approvisionnement énergétique abondant, décarboné, durable et abordable.
    J’aimerais pouvoir me réjouir de tout cela mais, hélas, les dogmes ont la peau dure. Les croyances absurdes, les raisonnements paresseux, les slogans creux : tous flottent encore dans cet hémicycle comme les vestiges d’une époque où l’on croyait que l’énergie pouvait se gouverner à coups de vœux pieux.
    Au centre, la majorité devenue minoritaire, incapable de choisir, gère notre avenir énergétique comme un gestionnaire de portefeuille boursier : un peu de tout, sans hiérarchie ni cohérence, comme si toutes les sources d’énergie se valaient. De l’EPR, du SMR, du solaire, de l’éolien, de l’hydrogène, du biogaz et même de l’hydrolien... La Macronie saupoudre un argent essentiel et gaspille un temps précieux.
    À gauche, au moins, on a le mérite de choisir. Choisir la décroissance, où le confort moderne devient presque un péché, où l’on rêve d’un monde 100 % renouvelable, comme s’il s’agissait d’un retour vertueux à un âge d’or pastoral. Soyez assurés, chers collègues de gauche, qu’en plus de partager votre objectif louable, la réduction de notre empreinte carbone, j’aimerais pouvoir partager votre vision. Le problème, c’est qu’elle fait l’impasse sur un point essentiel : l’appauvrissement de la France et des Français. Pour vous, cela semble un détail. Pour nous, au Rassemblement national, c’est inacceptable.
    Alors que vous vous enfermez dans une écologie du renoncement, punitive, déconnectée du réel, fascinée par l’idée d’un monde sans industrie, sans machine, sans confort, sans ambition, qui ressemble plus à la résignation et à l’abandon qu’au progrès et à la prospérité, au Rassemblement national, nous décidons d’emprunter un autre chemin. Celui d’un approvisionnement énergétique abondant, décarboné, durable et abordable. Celui qui redonnera à la France sa pleine souveraineté énergétique. Celui qui permettra de réindustrialiser le pays, de réduire une empreinte carbone aujourd’hui massivement exportée, de vivre confortablement dans une société moderne et de donner à notre nation les moyens de dépolluer, reboiser, recycler, préserver notre environnement. En somme, de prospérer, au lieu de régresser.
    C’est pour cela qu’au Rassemblement national, nous ne rejetons aucune solution par principe. Mais ne pas exclure ne signifie pas tout accepter et la lucidité doit être accompagnée de discernement. Non, toutes les sources d’énergie décarbonées ne se valent pas, ne vous en déplaise. Quoi de mieux que d’en revenir à la physique pour nous éclairer sur un sujet éminemment scientifique ?

    M. Matthias Tavel

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    Ah, la physique !

    M. Maxime Amblard

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    La physique, elle, ne ment pas : les énergies pilotables et concentrées sont et seront toujours bien plus efficaces et bien plus facilement exploitables que les énergies diffuses et intermittentes.
    Eh oui, mes chers collègues, il faut vingt fois plus de matériaux pour produire un kilowattheure d’électricité éolienne ou photovoltaïque que pour produire un kilowattheure nucléaire ou hydraulique. C’est comme ça, c’est un fait. Certains peuvent bien trafiquer les chiffres, déformer les analyses et adapter les hypothèses à leur idéologie, mais la réalité est implacable.

    M. Matthias Tavel

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    Vous, ce sont les comptes de campagne que vous trafiquez !

    M. Maxime Amblard

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    C’est pourquoi, au Rassemblement national, nous assumons pleinement de faire un choix : celui de donner la priorité aux sources décarbonées, pilotables et concentrées. Nucléaire, hydraulique, biomasse, géothermie, aérothermie et biogaz : c’est cela qui rendra possible la prospérité sans culpabilité, la décarbonation sans punition.
    Alors que la science nous éclaire, la bêtise humaine, pendant des années, a produit de l’obscurité. (Sourires sur les bancs du groupe RN. –⁠ M. Thierry Tesson applaudit.) Freins administratifs, normes absurdes, étouffement financier, stratégies de désoptimisation volontaire ont transformé une énergie nucléaire et un mix électrique français, pourtant physiquement optimal et exemplaire, en victime expiatoire d’un sabotage organisé. Résultat : une filière freinée, des délais allongés, des coûts gonflés, avec comme conséquences une hausse des prix pour les Français, une décarbonation plus lente pour le pays et une souveraineté énergétique plus compromise que jamais.
    Cette hausse des prix, il est désormais impératif de l’enrayer. C’est pourquoi nous nous opposerons fermement à toute mesure qui pèserait encore davantage sur la facture des Français (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.) Qu il s’agisse de nouvelles taxes, d’un prix du nucléaire artificiellement gonflé –⁠ comme vous l’appréciez tant ! –, de délais interminables pour déployer des capacités pilotables ou du gaspillage dogmatique de milliards dans des sources intermittentes et diffuses comme l’éolien ou le photovoltaïque : tout cela serait tout simplement inacceptable.
    Mes chers collègues, il est temps, avec le débat qui s’ouvre, d’en finir avec trente années de politiques énergétiques absurdes et de se doter enfin d’une programmation énergétique à la hauteur des enjeux.
    Il nous faut une énergie abondante pour produire, une énergie décarbonée pour préserver, une énergie durable pour stabiliser, une énergie abordable pour soulager. Parce que la France ne mérite pas moins, parce que les Français n’en attendent pas moins et parce qu’au Rassemblement national, nous n’accepterons pas moins. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Luc Fugit.

    M. Jean-Luc Fugit

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    À l’occasion du débat du 28 avril sur la souveraineté énergétique de la France, voulu par le premier ministre, il est apparu que nous étions globalement d’accord sur l’idée que nous devions sortir de notre trop forte dépendance aux énergies fossiles.
    C’est un défi majeur qui dépasse les clivages politiques et que nous devons collectivement réussir à relever. C’est une nécessité écologique et c’est notre responsabilité vis-à-vis des générations futures. C’est aussi un impératif économique et de souveraineté, tant l’importation d’énergies fossiles affaiblit la balance commerciale –⁠ de 180 millions d’euros par jour ! N’oublions pas que notre consommation énergétique globale actuelle reste dominée à 60 % par les énergies fossiles.
    Face à ce constat, nous nous sommes dotés d’une stratégie française pour l’énergie et le climat (Sfec), que notre groupe soutient et qui est basée sur quatre briques complémentaires : la sobriété et l’efficacité énergétiques, le renforcement du nucléaire et le développement des énergies renouvelables. Cette stratégie porte ses fruits, puisque la baisse de nos émissions de CO2 s’est accélérée ces dernières années. Cette baisse doit se poursuivre et même s’intensifier. C’est l’urgence qui doit nous guider.
    Dans ce contexte, la France dispose d’un atout majeur ; un mix électrique décarboné à 95 % reposant, d’après les chiffres de RTE pour 2024, pour plus des deux tiers sur le nucléaire et pour près d’un tiers sur les énergies renouvelables. Afin d’accélérer la sortie progressive des énergies fossiles, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer à la fois sur l’énergie nucléaire et sur les énergies renouvelables électriques et thermiques. Il importe de créer un mix pluriel en ne négligeant aucune opportunité, aucune technologie, aucune énergie susceptible de concourir à notre résilience. Notre groupe estime que nous n’avons ni le luxe ni le temps d’opposer le nucléaire aux énergies renouvelables, car il n’y a pas de solution unique pour remplacer progressivement les énergies fossiles. Le développement de ce mix est d’ailleurs largement soutenu par les Français, comme l’indique une étude de l’Ifop publiée au mois de mai.
    La diversification et la relocalisation sur le territoire français de notre production énergétique s’imposent donc comme une évidence. C’est le sens du projet de programmation pluriannuelle de l’énergie, que nous avons élaboré collectivement à la suite d’une large concertation lancée il y a quatre ans. Cette PPE devrait selon nous être publiée le plus rapidement possible, afin de donner aux filières la visibilité nécessaire à leurs investissements. Les acteurs l’attendent : ils nous le disent régulièrement depuis plusieurs mois. Nous savons, monsieur le ministre, que vous êtes conscient de la situation mais je tenais à vous rappeler qu’il est urgent d’agir.
    Dans le même esprit, nous pensons que la publication de la PPE devrait aussi être accompagnée d’une stratégie pluriannuelle de financement, alignée sur les grands objectifs de chaque filière. Dans ce contexte, le groupe EPR estime que l’examen de cette proposition de loi sénatoriale doit être un moyen de préciser notre stratégie énergétique. Nous y sommes en partie parvenus en commission des affaires économiques –⁠ mais en partie seulement. Nous avons notamment suivi la proposition du rapporteur de conserver dans le texte principalement les articles faisant référence à la programmation énergétique avec une ligne claire : le développement des énergies renouvelables doit être poursuivi et massifié, en complément d’une énergie nucléaire appelée, elle aussi, à être fortement soutenue.
    Nous approuvons la volonté de simplification affichée par le rapporteur, mais nous tenons à préciser que nous ne sommes pas opposés aux mesures de renforcement de la protection des consommateurs ou d’extension du champ des compétences de la CRE, initialement inscrites dans la proposition de loi ; nous avions d’ailleurs déposé des amendements pour enrichir le texte sur ces points. Nous pensons, monsieur le ministre, que ces sujets méritent un débat à part entière et nous appelons le gouvernement à s’en saisir à travers un futur projet de loi.
    Ce débat serait aussi l’occasion de travailler ensemble sur la transformation des modes de consommation énergétiques, car nous avons une responsabilité à l’égard de nos concitoyens : celle de leur garantir une énergie accessible et décarbonée, quels que soient le territoire où ils vivent et leur niveau de vie. Ce sont les conditions d’une transition socialement juste et cela dépasse le débat budgétaire, que je n’ouvrirai pas ici même s’il y aurait beaucoup à dire sur MaPrimeRénov’, le leasing social et d’autres mesures d’accompagnement nécessaires.
    J’en viens maintenant à nos travaux en commission concernant le volet programmatique. Dans l’esprit qui est le nôtre –⁠ développer la complémentarité entre nucléaire et énergies renouvelables –, nous y avons fait inscrire des objectifs touchant le développement des énergies renouvelables : traduction du pacte éolien en mer, signé par l’État en 2022 ; valorisation de l’énergie hydrolienne et de l’hydrogène ; production de chaleur renouvelable.
    En revanche, nous avons eu la mauvaise surprise de voir supprimer l’article 3, qui visait à acter nos engagements en matière de développement de l’énergie nucléaire. Ce n’est pas sérieux ! Il y a là un mauvais signal, à la fois pour les industriels et pour nos concitoyens : on ne peut parler sérieusement, je le répète, de stratégie énergétique sans s’appuyer sur le nucléaire. Encore une fois, l’opposition entre nucléaire et renouvelables ne saurait entraîner qu’un débat stérile ; les enjeux, notamment celui de défossiliser progressivement l’économie, sont bien plus importants !
    Nous avons besoin d’un texte programmatique de raison, qui permette de trouver un équilibre. Notre groupe soutiendra la réintroduction de l’article 3. Par ailleurs, nous présenterons des amendements tendant à supprimer certaines mesures adoptées en commission. En effet, le rétablissement des tarifs de vente réglementés du gaz exposerait inévitablement l’État à la censure des juridictions nationales ou européennes (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) et engendrerait pour les consommateurs une insécurité juridique. Quant à la la restauration du statut d’Epic d’EDF, elle déclencherait une procédure d’infraction de la Commission européenne.

    M. Matthias Tavel

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    C’est le Parlement français, ici !

    M. Jean-Luc Fugit

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    Nous soutiendrons aussi certaines propositions en faveur du froid renouvelable ou de la production de chaleur issue de combustibles solides de récupération ; ce sont peut-être là des sujets techniques, mais non de petits sujets !
    Enfin, afin d’enrichir l’objectif d’optimisation du réseau électrique, nous défendrons un amendement inspiré des travaux parlementaires, plus précisément de la note scientifique de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) « Adaptation des réseaux électriques : enjeux technologiques et scientifiques », que j’ai récemment coprésentée avec le sénateur Daniel Salmon.
    Le débat que nous allons consacrer à la stratégie énergétique ne doit pas nous faire oublier la nécessité d’une réflexion plus large concernant la planification, le financement de notre modèle. L’accélération de l’électrification des usages, notamment dans l’industrie ou la mobilité, conduira à une forte augmentation des besoins en matière de raccordement ; ces évolutions impliquent des changements structurels touchant le développement des réseaux, le stockage, la flexibilité.
    Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur un écosystème de recherche particulièrement performant et innovant, qui –⁠ j’insiste sur ce point – doit voir ses moyens d’agir préservés.
    Face à ces enjeux, à la sortie de notre dépendance des énergies fossiles, à l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050, nous devons rester à la fois pragmatiques et déterminés, garder en tête un principe de réalité physique, économique, qui donne tout son sens à la mise en œuvre progressive de la politique énergétique que nous souhaitons. C’est à ces conditions que notre pays pourra faire face à un triple impératif : affirmer sa souveraineté énergétique, renforcer la compétitivité de son industrie, accélérer la lutte contre le changement climatique.

    Mme Clémence Guetté

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    Côté applaudissements, c’est la Macronie en délire !

    M. le président

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    La parole est à M. Matthias Tavel.

    M. Matthias Tavel

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    La France respectera-t-elle l’accord de Paris sur le climat, ou bien engagerez-vous notre pays dans la voie du trumpisme énergétique ?

    Mme Clémence Guetté

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    Voilà !

    M. Matthias Tavel

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    Dans cinq ou dix ans, la France produira-t-elle assez d’électricité ? Les Français pourront-ils encore payer leur facture d’électricité ou de gaz, nos entreprises auront-elle accès à une électricité à prix stable et compétitif ? Voilà les grandes questions dont nous allons décider (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) –⁠ enfin !, serait-on tenté de dire, car nous aurions dû avoir ce débat en 2023 au plus tard.
    Le gouvernement macroniste a préféré se mettre hors la loi en ne déposant pas le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) qu’il aurait dû nous présenter. Il faut dire qu’il était assez ridicule d’entendre tout à l’heure un ancien ministre se plaindre de l’attitude du ministre actuel, sous la présidence d’un autre ancien ministre,…

    M. Marc Ferracci, ministre

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    Respectez le président Lescure ! (Sourires sur les bancs des commissions.)

    M. Matthias Tavel

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    …sachant que compte tenu de leurs fonctions passées, présentes et peut-être futures, la responsabilité des trois est à tout le moins engagée !   (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) À la place du projet de LPEC, nous aurons donc un ersatz, une proposition de loi issue de la droite sénatoriale et constituant une base inacceptable tant par la méthode que sur le fond.
    Nous avons commencé à remédier à cela en transformant le texte en commission, mais nous n’y sommes toujours pas : nous n’avons pas d’étude d’impact, pas de discussion ayant trait aux enjeux financiers, budgétaires –⁠ et la semaine dernière, sans attendre le vote de notre assemblée, le gouvernement s’est empressé de signer un contrat avec la filière nucléaire au sujet d’un programme de nouveaux réacteurs pourtant supprimé par la commission il y a quinze jours. Avec la Macronie, c’est toujours la même méthode, le passage en force ! (Mêmes mouvements.)

    M. Maxime Laisney

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    Scandaleux !

    M. Matthias Tavel

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    Reste qu’en matière d’énergie, comme de retraites, le passage en force est la marque des faibles. Le bilan de vos choix, c’est que la France est en retard sur sa trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre ; en retard sur la sortie des énergies fossiles ; en retard sur le développement des énergies renouvelables. Votre bilan, ce sont des factures d’énergie qui font du yoyo et atteignent des sommets ; plus de 1 million de coupures, l’an dernier, pour les Français ; toute une économie, des boulangers à la sidérurgie, dépendante du coût de l’énergie, qui souffre du manque de visibilité, de planification, de régulation.
    Monsieur le ministre, alors que votre inaction coûte terriblement cher à la France, aux Français, vous voulez poursuivre dans cette impasse. Ça suffit ! Il y a urgence à faire tout autrement, urgence à prendre le chemin de l’intérêt général, de la bifurcation énergétique, de la reconquête de la maîtrise publique de l’énergie –⁠ bien commun indispensable à tous et non marchandise comme les autres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    L’intérêt général humain est clair : il faut sortir des énergies fossiles pour tenir nos engagements climatiques. L’intérêt national va dans le même sens. Pétrole et gaz représentent encore les deux tiers de notre consommation d’énergie, et plus de 60 ou 70 milliards d’euros de déficit commercial chaque année. Il faut sortir de ces dépendances géopolitiques et énergétiques climaticides ! Cela passe par une vraie planification écologique, articulée autour d’un triptyque clair : sobriété, efficacité énergétique obtenue notamment par l’électrification, développement des énergies renouvelables afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement. (Mêmes mouvements.)
    Le gouvernement fait tout le contraire : au lieu de sobriété, vous suspendez les aides à la rénovation énergétique ; au lieu d’efficacité, d’électrification, vous mettez sur courant alternatif le leasing social ; au lieu de développer les renouvelables, vous préférez une loi centrée sur le nucléaire, nucléaire dont elles seraient la variable d’ajustement.

    M. Matthias Tavel

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    Jusqu’ici, heureusement, nous avons mis votre plan en échec ; par nos victoires en commission, nous avons montré qu’une autre politique énergétique était possible, qu’une autre majorité était trouvable sur ce texte si nous continuions dans cette voie.
    Nous avons rétabli le principe d’un objectif ferme de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La lutte contre le changement climatique ne constitue pas une option, une opinion parmi d’autres.   (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Nous avons supprimé le programme du nouveau nucléaire. Nous avons préservé l’article consacré aux énergies renouvelables électriques. Pour une politique énergétique véritablement souveraine et juste, qui protège le pouvoir d’achat des Français, nous avons fait adopter plusieurs amendements visant à tirer les leçons de l’échec du marché de l’énergie : retour d’EDF au statut d’établissement public (Mêmes mouvements) ; rétablissement des tarifs réglementés du gaz ; renforcement des tarifs réglementés de l’électricité.
    Mais vous vous entêtez et voulez revenir à un texte qui signifierait, en somme : tout pour le nucléaire, rien pour les renouvelables ; tout pour le marché, rien pour le service public –⁠ on en vient à se demander, monsieur le ministre, si certains de vos amendements n’ont pas été rédigés par le Rassemblement national… Vous êtes otage de la droite sénatoriale et de ses relais au sein du gouvernement ; vous voulez sacrifier l’intérêt du pays, sa politique énergétique, à de petits calculs politiciens à courte vue !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Alors que vous…

    M. Matthias Tavel

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    Que je sache, ni Mme Le Pen ni M. Retailleau ne sont encore premier ministre ou ministre de l’énergie !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Hélas !

    M. Matthias Tavel

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    Si nos collègues macronistes étaient présents, je leur dirais que c’est l’heure des choix, qu’ils ne sont pas obligés de courir derrière la droite sénatoriale et le Rassemblement national. Ont-ils l’intention de chercher une majorité auprès de ce parti qui prétend construire en vingt ans quarante EPR 2 –⁠ on n’est pas sûr qu’EDF puisse en construire six –, exploiter le gaz de schiste, noyer des vallées entières sous des barrages par dizaines, comme il l’a assumé sans honte en commission ? Feront-ils le choix du trumpisme énergétique en mendiant les voix des climatosceptiques qui siègent à l’extrême droite de cet hémicycle ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Ou le choix de la raison, de la décarbonation, de l’accord de Paris, en rejoignant les positions que nous défendons : sobriété, efficacité, énergies renouvelables ? (Mêmes mouvements.)
    Quelle que soit notre opinion sur le nucléaire, le programme de nouveaux réacteurs n’a rien à faire au sein d’un texte de programmation à l’horizon 2035 ; c’est un fait. Notre opinion est connue : nous estimons ce nouveau nucléaire trop lointain, trop cher, trop hasardeux d’un point de vue industriel et technologique, trop lourd de conséquences durables en matière d’approvisionnement en uranium et de gestion des déchets, pour constituer une solution pertinente à l’urgence climatique et au besoin d’une électricité à prix accessible. Même si vous ne partagez pas ce jugement, vous devez bien admettre que le premier EPR 2 ne sera pas prêt en 2035. Ce ne sont pas La France insoumise, les écologistes ou Greenpeace qui le disent,…

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Si !

    M. Matthias Tavel

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    …mais le Conseil de politique nucléaire, présidé par M. Macron lui-même.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    C’est pareil !

    M. Matthias Tavel

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    Selon ce Conseil des ministres restreint, le premier réacteur sera, si tout se passe bien, disponible au mieux en 2038, les suivants encore plus tard, sans doute pas avant 2045, voire 2050 pour les six premiers ; ne vous en déplaise, tout cela se situe après 2035, donc hors du champ d’application de cette loi. (« Bien vu ! Il a raison ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Vos amendements à ce sujet auraient presque dû être déclarés irrecevables pour cause de lien insuffisant avec le texte ! Quant à figer cette semaine un engagement concernant ce programme d’EPR 2, c’est irresponsable : EDF ne communiquera que dans plusieurs mois ses coûts et calendriers. Dans son rapport « La filière EPR : une dynamique nouvelle, des risques persistants », la Cour des comptes elle-même signale : « L’accumulation de risques et de contraintes pourrait conduire à un échec du programme EPR 2. »
    Être responsable aujourd’hui, c’est ne pas faire à l’aveuglette des choix qui risquent fort de se transformer en fiasco industriel, boulet budgétaire ou machine à produire une électricité à plus de 100 euros le mégawattheure, comme l’EPR de Flamanville 3. Ne lançons pas un programme qui a toutes les allures d’un Flamanville 4 ! (M. Maxime Laisney applaudit.) Être responsable aujourd’hui, c’est au contraire préférer des choix sûrs, efficaces, rapides, reposant sur des technologies maîtrisées ; choisir la sobriété, engager d’urgence un plan massif de rénovation du bâti, au lieu de suspendre MaPrimeRénov’ comme vient de le décider le gouvernement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Vous prétendez qu’il n’y a pas d’argent pour cela, mais cela tient à votre refus de mettre à contribution les ultrariches ; vous êtes les derniers dogmatiques, à moins que vous ne refusiez pas seulement cette justice fiscale par idéologie, mais aussi par intérêt personnel. Sachant que les deux tiers des ministres actuels sont millionnaires, nous vous le disons : si vous voulez de l’argent pour la transition énergétique, commencez par examiner vos déclarations de patrimoine ! (Mêmes mouvements.)
    Être responsable aujourd’hui, cela consiste à faire le choix de l’efficacité énergétique, en particulier du soutien massif à l’électrification de nos usages, du petit véhicule de tous les jours jusqu’au haut fourneau. Nous devons à la fois maîtriser ces usages pour réduire notre consommation globale d’énergie et augmenter notre recours à l’électricité renouvelable afin de remplacer le pétrole, le charbon, le gaz et leurs émissions de gaz à effet de serre. Là encore, disons-le clairement : le problème de la France n’est pas de produire aujourd’hui trop d’électricité, il tient à son retard sur la hausse de la consommation d’électricité dont le pays et le climat ont besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le problème de la France, c’est qu’elle n’est pas sûre de produire assez d’électricité demain, car elle dépend d’un parc nucléaire qui vieillit, qui a vocation à fermer, même brutalement si l’Autorité de sûreté nucléaire n’en autorise pas la prolongation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Être responsable aujourd’hui, c’est opter de façon nette pour les énergies renouvelables, électriques et thermiques, afin de remplacer rapidement les énergies fossiles. Le premier ministre affirmait ici même, le 28 avril, que l’énergie française doit être « abondante, compétitive, décarbonée et souveraine ». Chiche ! Dans ce cas, le bon choix, ce sont les énergies renouvelables. Les renouvelables sont compétitives : le nouveau nucléaire coûtera beaucoup plus cher. Elles sont abondantes : c’est elles dont la croissance potentielle est la plus rapide dans les années qui viennent. Elles sont décarbonées et ne produisent pas de déchets radioactifs persistant des milliers d’années. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) Elles seront la garantie de notre souveraineté si le gouvernement veut bien leur donner de la visibilité et de les protéger de la concurrence déloyale : planification énergétique et politique industrielle doivent enfin aller de pair. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) L’absence de planification et le retard de la publication de la troisième PPE menacent des filières industrielles entières, comme l’éolien en mer, où General Electric a déjà supprimé 800 emplois en Loire-Atlantique, mon département : je me réjouis que nous ayons adopté de façon transpartisane un amendement visant à confirmer l’objectif de 18 gigawatts d’éolien en mer d’ici à 2035.
    Nous vous proposerons également de fixer des objectifs pour le photovoltaïque et l’éolien terrestre. Je vous invite aussi à confirmer le soutien voté en commission aux autres énergies de la mer et notamment au démarrage industriel de l’hydrolien.
    Refuser les énergies renouvelables, comme le font le Rassemblement national ou la droite, c’est condamner la France à une double impasse : ne pas sortir des énergies fossiles, ou manquer d’électricité.
    Refuser les énergies renouvelables, c’est un crime contre l’intérêt du pays. C’est avoir, demain, des coupures d’électricité signées Marine Le Pen.

    M. Sébastien Humbert

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    C’est l’inverse !

    M. Matthias Tavel

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    Quoi qu’on en pense, le nouveau nucléaire que vous voulez imposer arrivera trop tard, car nous aurons besoin de produire davantage d’électricité dès 2030 ou 2035.
    Tous les scénarios envisagés par le Réseau de transport d’électricité (RTE) à l’horizon 2050, sans exception, prévoient un développement massif des énergies renouvelables, y compris les scénarios incluant un grand volume d’énergie nucléaire –⁠ ne vous en déplaise. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Pour autant, l’électrification ne pourra se faire que si le prix de l’électricité est abordable et maîtrisé. Pour cela, il convient de sortir l’électricité du marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Le marché est incapable de planifier la transition écologique. Il est incapable d’orienter les investissements vers le long terme.
    Depuis la libéralisation du marché de l’électricité, les factures ont été multipliées par deux. Depuis que l’électricité est une marchandise comme les autres et non plus un service public, c’est simple : ça coûte plus cher et ça marche moins bien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Les directives européennes, la loi portant nouvelle organisation marché de l’électricité (Nome), la privatisation de Gaz de France ou la transformation d’EDF en société anonyme n’ont fait qu’organiser l’impuissance publique en matière énergétique, jusqu’à risquer la privatisation de nos barrages. Nous proposons de faire de cette loi la première étape du retour de la puissance publique dans le domaine de l’énergie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
    La France a tous les atouts pour relever ces défis. Elle a les ingénieurs, les techniciens, les ouvriers, les hommes et les femmes attachés à l’intérêt général et au service public. Même s’il s’amoindrit, elle a encore un savoir-faire énergétique et industriel qui ne demande qu’à se déployer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Elle dispose de sites pouvant devenir des pointes avancées de la bifurcation énergétique –⁠ c’est le cas de la centrale électrique de Cordemais, qui ne demande qu’à devenir un site pilote avec des projets axés sur les énergies renouvelables. Il est temps que le gouvernement et EDF renoncent à sa fermeture,… (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    …fassent respecter la parole du président de la République et ordonnent la conversion du site plutôt que son abandon.
    Le défi climatique et énergétique peut être mortel pour la France si elle reste engluée dans les énergies et les logiques du XXe siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il peut aussi être un formidable accélérateur de progrès écologique, industriel et social si nous le décidons. Alors, en avant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Nous voilà enfin appelés à débattre d’un texte proposant une programmation énergétique pour notre pays, attendue depuis près de trois ans. Cette proposition de loi est cependant bien éloignée du souhait que nous avions collectivement exprimé. Pendant plus de deux ans, nous avons réclamé un projet de loi portant sur l’énergie et le climat ; cette demande a été sans cesse refusée. M. le rapporteur l’a lui-même souligné. Cette carence du gouvernement est dommageable pour le pays et nous avons perdu beaucoup de temps.
    Nous allons discuter d’un texte construit par les sénateurs du groupe Les Républicains. Sans nier le travail du rapporteur Gremillet, ce texte n’est donc ni l’expression de la position du gouvernement, ni de celle de la majorité qui le soutient. Il intervient en parallèle d’un groupe de travail souhaité par le premier ministre et piloté par Antoine Armand et M. Gremillet.
    Ce texte est en décalage avec la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie et, par nature, ne comporte ni évaluation préalable, ni étude d’impact. Convenez donc que c’est une bien mauvaise base de travail ; il s’agit d’un chantier, pour reprendre les mots de M. le rapporteur. La structuration de son titre 1er autour d’articles thématiques n’a pas facilité les débats en commission. Malgré tous ces défauts, c’est bien le cadre que le gouvernement nous a imposé.
    Le groupe Socialistes et apparentés a fait le choix, comme il l’avait fait en 2022 dans le cadre de l’examen de la loi Aper, de prendre toute sa part dans la définition de cette programmation énergétique tant attendue et de se placer dans une logique constructive en se recentrant sur les articles programmatiques.
    Nous avions anticipé ce débat en initiant, dès la fin de l’année 2023, un groupe de travail interne alliant parlementaires et experts de haut niveau dans le domaine de l’énergie. Nous avons mené de nombreuses auditions dans ce cadre. Cela a donné lieu à la présentation de la stratégie énergétique socialiste intervenue le 4 juin dernier. Elle a servi de fil conducteur à nos propositions sur ce texte, constituées autour de trois piliers programmatiques : la souveraineté, la décarbonation et la compétitivité.
    La souveraineté d’abord, pour tenir compte des leçons de la guerre en Ukraine et pour faire face à la nouvelle guerre froide économique menée par la Chine, la Russie et désormais les États-Unis.
    La décarbonation ensuite, puisque la sortie des énergies fossiles nous libérera de la dépendance envers ces États concurrents, réduira notre exposition à la volatilité des prix de ces énergies et permettra de concilier nos objectifs économiques et climatiques dans le respect de nos engagements internationaux.
    La compétitivité enfin, car il n’y aura de souveraineté économique et de réindustrialisation que si nous parvenons à construire un mix énergétique, notamment électrique, offrant les prix les plus compétitifs à nos entreprises et permettant de préserver le pouvoir d’achat des ménages.
    La réduction de nos besoins en énergies fossiles passe d’abord par le développement d’une politique de sobriété et d’efficacité énergétique ambitieuse permettant l’électrification des usages. Cela nécessite un effort public constant dans le temps et une visibilité donnée aux bénéficiaires comme aux acteurs économiques. Or le stop-and-go en matière de financement et les changements constants de critères et de niveaux de prise en charge des dispositifs comme MaPrimeRénov’, la prime à la conversion ou le leasing social donnent l’impression que Bercy œuvre délibérément au sabotage de la transition énergétique. Cette dernière est pourtant une condition de notre souveraineté économique et industrielle.
    De ce point de vue, il est apparu pour le moins absurde de débattre des objectifs de rénovation thermique des bâtiments en commission alors que la suspension du guichet MaPrimeRénov’ était annoncée à peine deux heures après.
    Les conséquences ne sont pas neutres : le retard accumulé dans l’électrification des usages risque de créer un décalage croissant entre la demande et l’offre d’électricité, qui est déjà ponctuellement perceptible aujourd’hui. Il est donc urgent que le gouvernement déploie des moyens concrets pour l’électrification des usages afin que nos débats sur la production électrique ne soient pas, sans mauvais jeu de mots, déconnectés de la réalité.
    J’en viens à notre débat actuel qui concerne le bien commun qu’est l’énergie. Elle est au cœur de notre souveraineté.
    À l’issue de nos travaux, nous considérons que les énergies renouvelables constituent la réponse la plus adéquate aux trois piliers précités. En effet, elles sont moins coûteuses que les infrastructures nucléaires nouvelles, elles peuvent être déployées plus aisément et plus rapidement, elles assurent une indépendance énergétique en matière de combustibles et elles disposent d’une faible empreinte carbone.
    La France doit ainsi rechercher à atteindre un mix énergétique intégrant la plus grande part possible d’énergies renouvelables dans la limite des possibilités techniques existantes, répondant ainsi à nos engagements européens.
    Cependant, compte tenu des sources énergétiques variables qu’elles exploitent, les énergies renouvelables ne sont pas aussi pilotables et agiles que le nucléaire historique, à l’exception notable de l’hydroélectricité –⁠ ce sujet, vous le savez, me tient beaucoup à cœur. Cette diversité permet d’équilibrer notre réseau électrique à tout moment et de garantir notre sécurité d’approvisionnement.
    Dès lors, l’atteinte d’un mix intégralement ou très majoritairement composé d’énergies renouvelables nécessite non seulement une diversification de ces énergies, permettant ainsi d’atténuer les facteurs de variabilité, mais également un développement massif des capacités de stockage d’énergie et des technologies de pilotage du réseau.
    En 2024, 65 % de l’électricité produite provenait de nos centrales nucléaires. Cependant, trente-deux des cinquante-sept réacteurs constituant ce parc nucléaire dépasseront ou auront dépassé les quarante années d’exploitation commerciale en 2025, soit la durée maximale d’exploitation initialement prévue. Outre la question de leur nécessaire prolongation au-delà de cette durée de vie, la question de leur éventuel remplacement se pose.
    EDF estime pouvoir prolonger leur durée d’exploitation jusqu’à soixante années ; cela fait l’objet d’une procédure d’évaluation par l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). Toutefois, d’importantes incertitudes persistent quant à une durée d’exploitation supérieure.
    De plus, les difficultés récentes affectant le parc nucléaire historique, à l’instar de la corrosion sous contrainte, soulignent le risque de découvrir des défaillances critiques sur un ou plusieurs réacteurs d’une même génération. Cela pourrait remettre en cause la poursuite d’exploitation avant même cette échéance. Les anomalies détectées sur la centrale de Civaux la semaine dernière démontrent que ce risque ne doit pas être écarté.
    Dès lors, une question fondamentale se pose : en 2040, date à laquelle pourrait débuter la sortie d’exploitation de ces trente-deux réacteurs, les énergies renouvelables auront-elles été suffisamment développées pour prendre le relais du parc historique ? Les technologies de pilotage du réseau et de stockage auront-elles atteint une maturité suffisante pour garantir notre sécurité d’approvisionnement ?
    À ce jour, nous sommes au regret de constater que les conditions ne sont pas réunies. Dans un domaine aussi essentiel et stratégique pour notre pays, nous ne pouvons pas fonder nos choix de long terme sur un pari technologique par nature incertain.
    Dès lors, le lancement d’un nouveau programme électronucléaire apparaît nécessaire. Il permettrait de prévenir la survenue de l’effet falaise lié au calendrier de sortie d’exploitation des réacteurs du parc nucléaire historique, tout en maintenant des capacités de production pilotables et robustes aptes à assurer la sécurité d’approvisionnement et la stabilité du réseau.
    En cohérence avec le pilier précité lié à la compétitivité, le calibrage de ce nouveau programme électronucléaire doit impérativement être crédible sur le plan industriel et financier, et pertinent sur le plan économique. Ceux qui promettent jusqu’à vingt nouveaux réacteurs électronucléaires ne sont aujourd’hui pas dans le registre de l’ambition, mais dans celui de l’imagination.
    Le rapport de Jean-Martin Folz paru en 2019 le rappelait : les changements de pied en matière de nucléaire intervenus au cours des quinze dernières années ont entraîné une perte de compétences et de savoir-faire qui sera longue à reconstituer. Sur le plan humain, la filière devra recruter 10 % de l’ensemble des ingénieurs formés en France d’ici à l’année 2035 pour alimenter le seul projet de construction de six EPR 2.
    En outre, EDF aborde ce défi alors que l’entreprise est placée dans une situation de dépendance financière, disposant d’une dette importante alors même que les taux d’intérêt sont élevés et qu’elle doit consentir à d’importants investissements sur le parc existant.
    Dans un rapport de janvier 2025, la Cour des comptes estimait à 79,9 milliards d’euros le coût de réalisation des trois premières paires d’EPR 2 annoncées par le président de la République. Il n’y a donc aucune crédibilité industrielle et financière à une telle proposition. L’élaboration d’un programme prévoyant la réalisation de quatorze réacteurs pose d’importantes interrogations. En effet, ce nouveau programme doit être économiquement viable. Il doit contribuer à un prix de sortie de l’électricité qui soit le plus bas possible pour nos industriels, nos collectivités comme nos concitoyens. Or, d’après ce même rapport de la Cour des comptes, le prix moyen du mégawatt produit par un EPR 2 est près de 50 % supérieur à celui produit par les sources renouvelables. Il est deux fois plus important que celui du nucléaire historique, largement amorti, et ce même en tenant compte du différentiel des coûts de réseau.
    Dès lors, le format pertinent pour un nouveau programme électronucléaire est celui qui intègre le plus petit nombre de nouveaux réacteurs permettant d’apporter les avantages du nucléaire à notre mix –⁠ stabilité, prévisibilité et pilotabilité – tout en laissant les énergies renouvelables constituer la majeure partie du prix final de l’électricité. C’est le format que nous proposons.
    Ce calibrage présente l’avantage de ne pas nécessiter le développement de capacités supplémentaires en matière d’entreposage et de stockage de déchets radioactifs.
    Ce calibrage, cohérent avec le scénario dit « N1 » de RTE, comporte huit nouveaux réacteurs, incluant les six déjà annoncés.
    Certes, cette position ne répond pas à l’intégralité de nos interrogations sur le nucléaire. Pour autant, elle apparaît comme une proposition pragmatique et réaliste pour un mix équilibré, diversifié, résiliant et compétitif.
    Elle s’accompagne naturellement d’une accélération importante du déploiement des énergies renouvelables, en particulier de l’énergie solaire et de l’éolien en mer, et de leur diversification. C’est la position que nous avons défendue en commission.

    ------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------

    M. le président

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    La parole est à M. Henri Alfandari.

    M. Henri Alfandari

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    Nous devons saisir la chance, offerte par cette proposition de loi, de donner un cadre plus lisible et plus cohérent à notre trajectoire énergétique. À l’heure où l’histoire semble s’accélérer, où la guerre est sur le continent européen, où le Proche-Orient s’embrase et où les routes de l’approvisionnement se tendent, les équilibres énergétiques mondiaux vacillent. Plus que jamais, notre souveraineté énergétique apparaît comme un enjeu de sécurité nationale et même comme la racine de ce que devrait être notre stratégie d’indépendance.
    Cette initiative parlementaire intervient à la suite des interrogations légitimes que suscite la rédaction actuelle de la PPE 3. Après l’attente d’une LPEC qui n’est jamais venue et des débats nourris sur l’orientation, après des concertations à répétition, des reports, des nominations et des appels d’offres publiés ou bloqués, chacun d’entre nous peut mesurer à quel point l’ambition de régler à court terme ce qui se déploie dans le temps long mène à une impasse, tout comme la volonté de passer par la loi pour un sujet qui devrait relever du pouvoir réglementaire.
    Nous devrions aborder ce texte en gardant à l’esprit la gravité de la situation internationale, mais aussi toutes les lourdeurs et les difficultés financières de notre pays.
    Depuis trop longtemps, nos trajectoires sont ajustées au gré du vent, sans vision d’ensemble ou d’approche systémique, ce qui a pour conséquence un manque flagrant de stabilité, de lisibilité et de continuité dans nos politiques. Il est temps de marquer une étape importante vers la construction d’une stratégie énergétique cohérente, structurée et surtout durable.
    L’énergie ne se gère pas au rythme de l’agenda politique. Nous ne rejetons pas les efforts entrepris ces dernières années –⁠ beaucoup a été fait –, mais il nous faut aller encore plus loin, plus haut, plus longtemps et surtout de manière structurée, en hiérarchisant et en assumant enfin nos choix. Il convient de s’inscrire dans le temps long, dans le respect des cycles industriels et avec l’impérieuse conscience de ce que nous devons aux générations futures.
    En matière d’action sur le temps long, le nucléaire constitue un pilier. Décarboné, pilotable, maîtrisé, il est l’un de nos derniers grands atouts technologiques et industriels. Nous devons l’assumer avec fierté tout en investissant massivement dans l’innovation, la sûreté, le recyclage des déchets et la montée en compétence de nos filières.
    Les énergies renouvelables représentent évidemment un pilier complémentaire. Cependant, elles nécessitent une planification rigoureuse, qui prenne en considération leur intermittence, les injections dans les réseaux et leur articulation avec l’énergie nucléaire centralisée.
    Le nucléaire et les renouvelables : telles sont les énergies décarbonées que nous devons produire pour nous sevrer de nos dépendances fossiles. Nous ne devons pas chercher à les mettre en concurrence, mais tirer le meilleur de leurs avantages pour les intégrer dans un système énergétique équilibré qui garantit la transparence stratégique de nos choix, une concurrence saine des mécanismes de régulation, la compétitivité de l’économie française et la protection des consommateurs.
    L’indépendance énergétique est un enjeu d’attractivité, donc de prix. Trop de nos entreprises subissent des écarts de prix insoutenables par rapport à leurs concurrentes. Trop de nos concitoyens voient leurs factures exploser sans comprendre pourquoi.
    Nous avons besoin d’un modèle énergétique qui protège et stabilise, qui redonne de la puissance à notre économie et de la justice à nos ménages et qui nous permette de respecter nos engagements climatiques.
    C’est pour cette raison qu’avec le groupe Horizons & indépendants, je vous proposerai d’adopter quatre amendements pour définir un véritable cap énergétique national à long terme. Au passage, je regrette que notre amendement principal ait été découpé en quatre amendements placés à différents endroits du texte, ce qui ne contribuera pas à la clarté des débats. Je me permettrai donc, lors de la discussion des articles, de prendre le temps de vous expliquer clairement notre point de vue sur la stratégie énergétique de notre pays.
    Nous souhaitons définir un cap cohérent, aligné sur nos engagements climatiques, nos impératifs économiques et notre exigence d’indépendance. Avec ce cap, fixé ici même, nous déterminons un objectif de production d’énergie décarbonée qui nous permettra de nous passer définitivement des importations d’énergie fossile. Ce cap engage, par la loi, un État qui se voit confirmé dans son rôle en matière réglementaire et dans sa capacité à mener une action puissante pour réaliser des objectifs qui conditionnent notre indépendance. Le respect de ce cap et cette action seront contrôlés tous les ans par les commissions compétentes de nos assemblées et par l’Opecst afin de confirmer ce qui fonctionne et de corriger, avant qu’il ne soit trop tard, ce qui ne marche pas.
    La France n’est pas une île. Le monde autour de nous est en mouvement –⁠ il bouge même terriblement. Notre pays ne peut se permettre de perdre deux ans. Avec cette proposition de loi, nous avons la chance de pouvoir agir de façon décisive pour notre pays et nos concitoyens. Saisissons-la !
    Le groupe Horizons & indépendants s’est beaucoup investi lors du travail sur ce texte, avec la conviction que notre pays peut être à la fois une puissance énergétique, une nation industrielle et un acteur majeur de la transition climatique.

    Mme Clémence Guetté

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    Ça se voit !

    M. Henri Alfandari

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    Nous sommes déterminés à vous rallier à notre vision. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Joël Bruneau.

    M. Joël Bruneau

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    Enfin ! Le code de l’énergie prévoit qu’une loi de programmation dans le secteur de l’énergie doit intervenir « à compter du 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans » : cette proposition de loi était donc attendue. Jusqu’à présent, le gouvernement avait renoncé à présenter un texte, mais il a travaillé sur une programmation pluriannuelle de l’énergie fixée par décret. Il a ainsi empêché la représentation nationale d’avoir son mot à dire sur le futur du mix énergétique français, un sujet ô combien déterminant, d’autant plus que nous sortons enfin d’une longue période d’atermoiements concernant l’avenir de notre filière nucléaire.
    Lorsqu’on parle d’énergie, on parle bien sûr de développement économique et de compétitivité des entreprises, mais aussi de pouvoir d’achat des ménages, ainsi que d’environnement, à l’heure où la décarbonation de nos sociétés est l’enjeu du siècle et où, en France, 60 % de l’énergie consommée est toujours d’origine fossile. C’est dire à quel point la stratégie énergétique de la nation doit s’inscrire dans le long terme et sur une base solide. Aussi mérite-t-elle incontestablement beaucoup mieux qu’un simple décret.
    On ne dira jamais assez à quel point les différentes filières énergétiques ont besoin d’orientations claires et d’une stratégie stable sur le long terme –⁠ conditions indispensables pour mobiliser les investissements nécessaires. Une telle stratégie ne doit pas reposer sur des dogmes mais sur des réalités techniques et budgétaires. Cela vaut à la fois pour la filière nucléaire, essentielle à la souveraineté énergétique nationale, mais aussi pour les filières renouvelables, qui peuvent compléter le mix énergétique national.
    La programmation de l’énergie, très stratégique, est un art difficile en l’absence d’éléments clés. En effet, si le gouvernement, sous les pressions politiques, a enfin inscrit à l’ordre du jour un texte sur le sujet –⁠ ce qui est heureux –, il a en réalité repris une initiative sénatoriale, ce qui nous prive d’une étude d’impact et de l’avis du Conseil d’État. En outre, le gouvernement n’a pas été présent en commission alors qu’il est a priori le mieux à même de répondre à certaines questions.
    Par ailleurs, plusieurs points ne sont toujours pas réellement éclaircis, par exemple les modalités de financement de la relance du nucléaire. Celles-ci dépendent en grande partie des négociations menées par la France avec la Commission européenne au sujet de ce qui peut s’apparenter à des aides de l’État.
    D’autres questions aussi cruciales se posent s’agissant de la juste quantité d’électricité à produire. Le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie a été critiqué par de nombreux acteurs –⁠ et non des moindres : le Haut Conseil à l’énergie atomique et l’Académie des sciences, par exemple, qui redoutent qu’une hypothèse de consommation trop élevée soit envisagée.
    En arrière-plan se pose donc la question de la part de la production des énergies renouvelables dans notre mix énergétique, ces dernières devant être couplées à des productions pilotables. N’oublions pas que  nous ne disposons pas, à ce jour, des capacités de stockage ni de la flexibilité nécessaires pour faire face à leur intermittence.
    Une certaine prudence me semble légitime afin d’éviter un excès de production énergétique. Nous sommes bien conscients des limites et des difficultés d’une planification énergétique. Nous ne pouvons pas nous permettre un excès de production, qui serait coûteux pour nos finances publiques et risqué pour la stabilité du réseau. À l’inverse, une production insuffisante d’électricité compromettrait notre capacité à soutenir l’électrification des usages et à atteindre nos objectifs en matière de décarbonation.
    La hausse de la production doit donc être graduelle pour éviter un décalage massif avec celle de la consommation –⁠ celle-ci stagne depuis plusieurs années et ne devrait pas augmenter à l’avenir en raison du développement de certaines technologies.
    Nous ne devons pas pour autant renoncer à tabler sur des perspectives de croissance. C’est pourquoi il faut, premièrement, acter le programme de relance des six nouveaux EPR tout en travaillant à l’allongement de la durée de vie des centrales existantes. Ensuite, il faut préparer la création des huit réacteurs supplémentaires en poursuivant les recherches technologiques qui permettront, nous l’espérons, d’en réduire les coûts de construction. Enfin, il faut veiller à bien adapter la croissance des énergies renouvelables –⁠ dont le prix de rachat est garanti par la facture du consommateur – à la réalité des besoins afin d’éviter l’apparition, lors des pics de production, de prix négatifs, facteur de déstabilisation.
    Nous souhaitons recentrer la proposition de loi sur les mesures programmatiques. Cela nous permettra de consacrer les débats uniquement à l’objectif premier du texte, en l’occurrence doter la France de perspectives en matière de mix énergétique, mais aussi d’augmenter nos chances de voir ce texte adopté en limitant les sujets de friction, voire d’accélérer les débats –⁠ même s’il s’agit là peut-être d’un vœu pieux.
    L’examen en commission des affaires économiques a permis des avancées notables en ce sens, notamment grâce à la suppression de la quasi-intégralité du titre II.
    Sur d’autres points, en revanche, la proposition de loi issue de la commission nous laisse perplexes. En effet, l’article visant à fixer des objectifs en matière de production nucléaire, un des piliers essentiels –⁠ si ce n’est le seul – du texte, a été purement et simplement supprimé. Nous proposerons évidemment de le rétablir, avec toutefois une nuance concernant les dispositions relatives aux SMR, une technologie qui ne nous semble pas suffisamment mûre à l’horizon 2030.
    Par ailleurs, conférer à Électricité de France le statut d’Epic, comme l’a proposé LFI, aurait des conséquences économiques et juridiques préjudiciables. Cela contreviendrait en effet aux règles de concurrence de l’Union européenne. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Eh oui, chers collègues, nous ne sommes pas seuls dans ce monde ! Nous serions alors exposés à des sanctions et fragilisés à l’heure où la France doit négocier les modalités de son aide à l’entreprise EDF pour la relance du nucléaire.
    De même, nous considérons que le rétablissement des tarifs réglementés de vente du gaz entre en contradiction avec le droit européen. En outre, est-il bien légitime de procéder de façon contraignante à une augmentation du prix du fossile ?
    Telles sont les idées que nous défendrons au cours de la discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Clémence Guetté.

    Mme Clémence Guetté

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    Nous voilà de nouveau réunis pour participer à la tragédie orchestrée par Macron et qui consiste à envoyer notre pays droit dans le mur tout en piétinant l’Assemblée nationale.
    Voici votre nouvelle méthode : en un mois, à coups de 49.3 déguisés, vous avez réintroduit les pesticides, supprimé MaPrimeRénov’, outrepassé la décision de justice sur l’A69 et coupé à la tronçonneuse dans les agences permettant de surveiller le changement climatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Erwan Balanant

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    Vous avez supprimé les ZFE !

    Mme Clémence Guetté

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    La Macronie organise ainsi le détricotage autoritaire et généralisé du droit environnemental –⁠ du peu qui reste encore pour préparer notre pays face à la crise existentielle qui s’annonce.
    Cette proposition de loi constitue l’étape suivante. Depuis que vous avez perdu les élections en juillet dernier, depuis que vous êtes minoritaires au sein de l’Assemblée, vous êtes devenus experts en magouilles parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Ça, c’est vrai !

    Mme Clémence Guetté

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    Vous laissez le gouvernement aller chercher sa majorité à droite, avec les sénateurs et contre les représentants du peuple que nous sommes. La Macronie en fin de règne fait pitié : elle abaisse notre fonction, laisse l’État agir en hors-la-loi en faisant fi des délais imposés s’agissant du vote de la loi de programmation énergétique, et ses députés sont absents de l’hémicycle pour un débat absolument majeur.
    Vous nous invitez aujourd’hui à examiner une proposition de loi qui arrive en catimini du Sénat et qui doit nous servir de base de travail pour déterminer la planification et le mix énergétique de notre pays. Les gens qui nous écoutent doivent bien comprendre que, pour vous, cette discussion est une farce que vous conclurez en rejetant votre propre texte si des amendements contraires à votre agenda climatosceptique et à vos aspirations fantasmagoriques au tout-nucléaire sont adoptés. Quoique… Peut-être n’aurez-vous même pas besoin de le faire puisque le ministre Ferracci a annoncé hier dans la presse qu’il n’attendrait pas la fin de l’examen du texte pour publier la programmation énergétique par décret !
    Cela ne nous empêchera pas de mener cette bataille parlementaire, comme nous l’avons fait pour les autres textes, et d’engranger des victoires contre votre dogmatisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) À vous entendre, vous savez tout mieux que tout le monde. La semaine dernière, Emmanuel Macron affirmait à la télévision qu’il n’avait aucune leçon à recevoir en matière d’écologie.

    M. Erwan Balanant

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    Certainement pas de la part de ceux qui ont supprimé les ZFE !

    Mme Clémence Guetté

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    Il faut reconnaître que c’est une déclaration très audacieuse dans la bouche d’un président qui empêche méthodiquement, depuis huit ans, notre pays de s’engager dans la bifurcation écologique dont nous avons besoin.

    M. Jimmy Pahun

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    Nous n’avons pas voté pour la suppression des ZFE !

    Mme Sophia Chikirou

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    C’est injuste, les ZFE ! Pourquoi faire payer les pauvres ?

    Mme Clémence Guetté

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    Malheureusement, cette mauvaise farce est criminelle. Le mois de mai 2025 a été le deuxième le plus chaud jamais enregistré. Résultat : la glace au Groenland a fondu dix-sept fois plus vite qu’en moyenne –⁠ le président de la République l’aura constaté hier lors de son déplacement. En France, il devrait faire 40 degrés Celsius dans le Nord en fin de semaine !
    Ce sont encore et toujours les plus pauvres, contraints de vivre dans des passoires thermiques que vous refusez de rénover à un rythme décent, qui sont les premières victimes de votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Voilà !

    M. Erwan Balanant

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    On en a rénové combien, depuis 2017, des passoires thermiques ?

    Mme Clémence Guetté

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    Chaque année, 10 000 personnes meurent de la précarité énergétique et de ses conséquences ! Très concrètement, donc, votre sabotage en bande organisée tue.
    Ce texte s’inscrit dans la parfaite continuité de la politique de l’autruche que vous dictent les idéologues de la croissance verte et de la toute-puissance du marché. Ce n’est pas sérieux ; c’est même irresponsable ! Nous légiférons aujourd’hui sans étude d’impact. Nous ne nous disposerons d’aucun avis d’expert ni d’aucune projection du coût des dispositions envisagées pour éclairer nos choix relatifs au mix énergétique (M. Erwan Balanant s’exclame), au prolongement des centrales nucléaires vieillissantes et au calendrier qu’il faudra respecter pour réduire drastiquement nos émissions carbone.
    Les partisans de l’austérité généralisée oublient miraculeusement, à cette occasion, qu’un nouveau réacteur nucléaire coûte 10 à 20 milliards, que vous voulez en construire quatorze et que le premier, au mieux, ne serait prêt qu’en 2038. On ne trouve rien non plus dans ce texte au sujet de la formation des travailleurs essentiels à cette bifurcation. Nous n’avons plus le temps pour vos approximations et votre incompétence, plus le temps de faire des paris sur l’avenir climatique de notre pays !
    En commission, nous avons montré, malgré votre passage en force, qu’une autre politique énergétique était possible en rétablissant les tarifs réglementés du gaz, en reprenant la main sur EDF, en empêchant la relance du nouveau nucléaire et en accélérant le développement des énergies renouvelables. Nous y sommes parvenus sans ceux qui se complaisent dans le rôle de roue de secours d’un gouvernement illégitime –⁠ ils se reconnaîtront !
    Notre politique énergétique mérite mieux que vous, qui faites la courte échelle permanente à l’extrême droite de cet hémicycle, cette force qui se dit sérieuse, mais qui en est toujours à vouloir démanteler les éoliennes ! Vous n’avez aucune ambition pour mener à bien la bifurcation énergétique de notre pays vers les renouvelables et voulez imposer le nouveau nucléaire de façon autocratique. Ni écologie, ni démocratie, donc !
    Aucun scénario sérieux ne fait le pari de la sortie des fossiles par un mix majoritairement nucléaire. Un horizon d’avenir nous montre le chemin : le 100 % énergies renouvelables et la sobriété. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Bref, il est urgent que vous vous en alliez ! Les gens aspirent à une vie plus douce, loin de vos politiques de malheur, une vie où on ne leur imposera pas de choisir entre se chauffer et se nourrir et où on leur permettra de s’éclairer et de se déplacer sans penser aux factures impayées. Bientôt, nous ferons mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. le président

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    La parole est à M. Lionel Vuibert, le dernier orateur. En tant que député non inscrit, il sera le seul, dans le cadre du temps législatif programmé, à disposer d’un temps de parole contraint, qui ne pourra dépasser cinq minutes.

    M. Lionel Vuibert

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    La question énergétique est au cœur de toutes les urgences : urgence climatique, urgence économique, urgence sociale. Elle n’est pas l’affaire d’experts à Paris, mais une réalité vécue dans chaque foyer, chaque entreprise, chaque territoire. L’énergie est devenue une condition de base de la vie moderne. Chacun doit pouvoir se chauffer, se déplacer, produire et consommer sans craindre l’explosion de sa facture ni dépendre des aléas d’un marché mondial erratique.
    Or force est de constater que le coût de l’énergie est devenu un facteur de stress généralisé. Il met sous pression le budget des PME, des agriculteurs et des familles et constitue un frein à la relocalisation des industries stratégiques.
    La France dispose d’un atout que beaucoup nous envient : un parc nucléaire puissant, un potentiel renouvelable diversifié, un réseau structuré. Nous ne partons pas de zéro, mais encore faut-il investir, planifier et fixer un nouveau cap clair. C’est là que cette proposition de loi, malgré ses limites, joue un rôle utile. Elle fixe une trajectoire, affirme des principes forts : le maintien des tarifs réglementés, la stabilité des prix, la diversification du mix ou encore le contrôle public d’EDF.
    Toutefois, nous devons aller plus loin. Garantir des prix abordables, ce n’est pas une question technique, mais une exigence sociale. Cela suppose des investissements massifs dans la production pilotable, dans la modernisation des réseaux, mais aussi dans l’isolation des logements. Je pense à MaPrimeRénov’, qui ne doit être ni affaiblie, ni mise entre parenthèses.
    La décision du gouvernement de suspendre les nouvelles demandes pendant l’été marque le coup d’arrêt d’une politique pourtant essentielle. Cette pause, présentée comme nécessaire, crée de l’incertitude au sein des ménages comme des entreprises du bâtiment. Elle doit désormais constituer l’occasion de remettre à plat ce qui doit l’être : les délais de traitement, le ciblage des aides, la qualité des contrôles tant des entreprises que des bénéficiaires.
    Le rendez-vous annoncé du 15 septembre devra avoir lieu. C’est à cette condition que nous pourrons redonner confiance aux acteurs, amplifier la dynamique de rénovation et faire de cette politique un levier puissant de transition énergétique. Je le dis clairement : nous avons trop souffert de l’imprévisibilité. Les règles du marché européen en mutation, les allers-retours s’agissant de la fiscalité : tout cela crée une instabilité que paient nos usines, que subissent nos collectivités locales, que redoutent nos concitoyens.
    Nous devons également défendre notre souveraineté énergétique. Depuis la guerre en Ukraine, tout le monde a compris à quel point la dépendance est dangereuse. Mais attention : la souveraineté n’est pas l’autarcie ! C’est la capacité à choisir, à produire, à sécuriser nos approvisionnements. Pour jouir de cette capacité, il faut relancer une filière nucléaire maîtrisée à 100 % en France, soutenir les énergies renouvelables de manière pragmatique et anticiper les tensions dans les territoires.
    Cette souveraineté passe aussi par la recherche et l’innovation. Nous devons croire dans l’hydrogène décarboné, dans les petits réacteurs nucléaires modulaires, dans les systèmes de stockage et dans les carburants alternatifs. Nous devons investir dans la formation, dans l’ingénierie et dans les compétences. C’est aussi un levier d’emploi, de développement territorial, de reconquête industrielle.
    Un mot sur l’électrification des usages : nous savons tous ici que, dans les années à venir, la consommation d’électricité va bondir, malgré une sobriété énergétique déjà engagée. Voitures électriques, pompes à chaleur, data centers, industrie verte : tout converge vers l’électricité. Il faut donc augmenter la production, moderniser les réseaux, renforcer la résilience et penser le système dans son ensemble.
    Enfin, je soulignerai que, comme d’autres sur ces bancs, je regrette que la version du texte issue des travaux de la commission ait perdu en ambition sur plusieurs points. Il en va ainsi de la suppression des dispositions relatives à la simplification normative, des objectifs intermédiaires de la relance du nucléaire ou encore de la programmation quinquennale. Tout cela affaiblit l’efficacité du texte et reflète la difficulté politique de construire des majorités sur ces sujets pourtant structurants.
    Malgré cela, nous devons avancer ! Il est temps de sortir des postures et des logiques de camp. Il s’agit de garantir l’indépendance du pays, la justice sociale et la compétitivité économique. Il s’agit de faire en sorte que l’énergie ne soit plus une source d’angoisse, mais un outil d’émancipation. Cela, mes chers collègues, c’est notre responsabilité collective !

    ------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------