Première séance du mercredi 18 juin 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Abandon d’animaux de compagnie
- Inclusion dans les quartiers prioritaires
- Projet d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure
- Conclave sur les retraites
- Lutte contre la pédocriminalité en ligne
- Effets du glyphosate
- Situation en Ukraine
- Agriculture biologique
- Gens du voyage
- Réforme des retraites
- Stand israélien au Salon du Bourget
- 2. Programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035
- Discussion des articles (suite)
- Article 3 (suite)
- Amendements nos 518, 587, 588, 165, 503, 562, 667, 642, 423, 395, 422
- Sous-amendements nos, 734, 824, 813, 734, 817, 776, 701, 736, 821, 822, 702, 738, , 814, 703, 739, 708 et 818, 819, 820
- Amendement no 423
- Sous-amendements nos 782 et 783, 784, 785, 786
- Amendement no 395
- Sous-amendements nos 787, 788, 789, 790 et 791
- Amendement no 422
- Sous-amendements nos 792, 793, 794, 795, 796 et 848, 847, 849
- M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
- M. Antoine Armand, rapporteur de la commission des affaires économiques
- Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
- Article 3 (suite)
- Explications de vote personnelles
- Discussion des articles (suite)
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Abandon d’animaux de compagnie
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Blairy.
M. Emmanuel Blairy
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’agriculture.
Ils concourent à la souveraineté alimentaire, ils sauvent des vies, ils sont les auxiliaires de nos services publics – de la police, par exemple –, ils guident les aveugles et accompagnent les personnes les plus vulnérables : je veux parler des animaux domestiques.
Chaque année, en France, plus de 100 000 chiens et chats sont abandonnés, dont près de 60 000 en été : triste record européen. Ces animaux, livrés à eux-mêmes sur la voie publique, sont conduits en fourrière par l’administration. Ils courent ensuite le risque d’être euthanasiés, faute de places dans les structures associatives qui, elles, gèrent leur adoption.
En mai 2024, votre ministère a annoncé, en grande pompe, un plan national pour améliorer le bien-être des animaux de compagnie, plan qui devait être le pivot de la lutte contre l’abandon. Force est de constater, un an plus tard, que rien n’a été fait – comme d’habitude avec votre gouvernement : pas de décret, pas de circulaire, pas de ligne budgétaire, aucun outil réglementaire ou financier à destination de nos élus locaux ou du monde associatif.
« On reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux », disait Gandhi.
M. Emmanuel Duplessy
Mais lui était végétarien !
M. Emmanuel Blairy
L’été sera là dans trois jours : faudra-t-il, une fois de plus, attendre d’insoutenables images d’animaux abandonnés sur la voie publique pour que vous réagissiez enfin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
La journée de lutte contre l’abandon des animaux de compagnie arrive la semaine prochaine. C’est un enjeu majeur, surtout avant l’été, et une question chère aux Français dont vous vous faites ici, à juste titre, le porte-parole.
En réponse à cette légitime attente, le gouvernement s’est engagé avec détermination – et depuis plusieurs années – en faveur du bien-être animal. Il condamne fermement toute forme de maltraitance, qu’elle touche les animaux d’élevage, l’abattage, ou qu’elle touche les animaux de compagnie.
Le plan France relance a permis, depuis 2020, de mobiliser 36 millions d’euros pour soutenir les associations de protection animale ainsi que la médecine vétérinaire solidaire dont j’ai pu rencontrer des représentants à l’occasion du Salon de l’agriculture. La loi du 30 novembre 2021 contre la maltraitance animale, elle, a rendu possibles de réelles avancées.
Au sujet du plan national pour améliorer le bien-être des animaux de compagnie, que vous avez évoqué dans votre question, permettez-moi de faire plusieurs remarques.
Tout d’abord, sous l’impulsion de l’État français, une évolution de la législation européenne est en cours, avec la proposition de la Commission relative au bien-être et à la traçabilité des chiens et des chats mis sur le marché européen. Nous participons activement aux discussions sur ce projet de règlement.
Le Sénat, ensuite, a diligenté sur ce sujet une mission flash dont les conclusions m’ont été transmises le 12 juin. Je compte évidemment y donner suite, par un plan d’action que j’annoncerai prochainement et qui vise à rendre plus protectrice la réglementation actuelle – je vous rejoins dans cette exigence.
Je peux vous annoncer, enfin, que je lancerai, dans les semaines à venir, une grande campagne estivale de lutte contre l’abandon des animaux de compagnie.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Blairy.
M. Emmanuel Blairy
J’ai entendu vos propositions : rendez-vous est donc pris, car si l’animal est le meilleur ami de l’homme, je crois que l’homme doit en être le plus fidèle protecteur. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Inclusion dans les quartiers prioritaires
Mme la présidente
La parole est à M. Stéphane Travert.
M. Stéphane Travert
Madame la ministre déléguée en charge de la politique de la ville, vous avez été à l’origine de plusieurs initiatives fortes visant à promouvoir l’inclusion économique et sociale dans les quartiers prioritaires.
M. Laurent Jacobelli
On a vu que ça marchait bien !
M. Stéphane Travert
Je sais votre attachement – au-delà même de vos fonctions actuelles – à la construction d’une politique de la ville qui promeut l’égalité des chances et combat les assignations à résidence qui touchent encore de trop nombreux jeunes de nos quartiers.
Pouvez-vous nous rappeler à quelles actions votre ministère s’est effectivement engagé, notamment en matière d’inclusion, de formation et d’autonomie professionnelle de la jeunesse des quartiers prioritaires ? Je pense, en particulier, au déploiement des « bus de l’entrepreneuriat » ou encore aux CitésLab – deux dispositifs dont vous avez récemment inauguré le déploiement dans la ville de Tours.
J’appelle également votre attention sur les quartiers prioritaires des villes moyennes et rurales, parfois moins visibles dans le débat public – c’est par exemple le cas du quartier Claires-Fontaines à Coutances, dans ma circonscription de la Manche. Ce quartier, aujourd’hui encore classé quartier prioritaire de la politique de la ville, concentre des fragilités sociales importantes, avec un taux de pauvreté supérieur à 40 %. Il compte également une proportion élevée de familles monoparentales.
Quels leviers entendez-vous actionner en faveur des jeunes de ces territoires, où l’accès à la formation et à l’emploi peut être plus difficile que dans les grandes agglomérations et dans les métropoles ? Comment envisagez-vous d’accompagner les dispositifs de médiation pour assurer l’émancipation de la jeunesse et lutter contre les inégalités de destin ?
M. Laurent Jacobelli
Mais c’est un orateur du Parti socialiste !
M. Stéphane Travert
Comment comptez-vous renforcer ces dispositifs et quels partenariats prévoyez-vous de développer à cette fin ?
Comment, enfin, les dispositifs dédiés à l’enfance et à la jeunesse dans les quartiers populaires s’inscrivent-ils dans cette démarche globale d’inclusion et de formation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Mme Stella Dupont applaudit également.)
M. Julien Odoul
C’est du gaspillage !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
M. Laurent Jacobelli
Ainsi que du gaspillage et des jeunesses socialistes !
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la ville
Votre question, monsieur le député, est d’autant plus pertinente que, dans ceux de la Manche comme dans tous les 1 609 quartiers prioritaires de la politique de la ville dont nous nous occupons, le taux d’emploi des jeunes est inférieur à la moyenne nationale et que le taux de chômage, lui, y est 2,3 fois supérieur à celui des territoires environnants.
M. Julien Odoul
Et le trafic de drogue y est supérieur aussi, non ?
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée
La population de ces quartiers est extrêmement jeune : raison pour laquelle le comité interministériel des villes, présidé par le premier ministre, et qui s’est tenu à Montpellier le 6 juin, a tenu à mettre d’abord l’accent sur l’investissement dans l’enfance et la jeunesse. Vous avez raison de dire que ces jeunes, souvent issus de familles monoparentales, vivent – hélas !– dans des situations de précarité sociale et familiale inédites.
Nous avons donc décidé, lors de ce dernier CIV, de faire des quartiers des centres de ressources économiques légales : il y existe en effet – on ne le dit pas assez – un dynamisme inédit. Des entreprises s’y créent chaque jour, et plus qu’ailleurs.
Nous œuvrons dans trois directions. Nous allons tout d’abord créer plus d’entreprises dans les quartiers, au moyen du lancement d’un fonds public d’investissement de 60 millions d’euros, dans le cadre du programme « Entrepreneuriat Quartiers 2030 ».
M. Laurent Jacobelli
Et allez !
M. Julien Odoul
Avec nos impôts !
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée
Ce programme est essentiel : par un effet de levier considérable, 1 euro d’argent public génère 9 euros d’argent privé.
Nous avons également réussi à attirer des investissements privés grâce, notamment, à un dispositif d’exonération d’impôt sur les bénéfices, qui permettra d’attirer des entreprises désireuses d’investir dans le commerce et l’artisanat.
M. Julien Odoul
Revenez dans le monde réel !
Mme Juliette Méadel, ministre déléguée
Nous allons, bien entendu, améliorer l’accès à la formation et à l’emploi, avec un objectif de 80 000 apprentis originaires des quartiers.
Enfin, j’ai signé avec la Caisse des dépôts une convention inédite de 350 millions d’euros qui nous permettra, jusqu’en 2027, d’attirer encore davantage d’activité économique dans les quartiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Mme Stella Dupont applaudit également.)
Projet d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bex.
M. Christophe Bex
Je vais vous parler d’un petit bout de territoire où, depuis plus de vingt-cinq ans, se trouve un laboratoire inconnu du grand public – étonnant, tant les enjeux sont considérables pour notre industrie, et pour l’industrie nucléaire en particulier. On y a prévu le projet le plus insensé du millénaire : creuser, pendant plus de 150 ans, 300 kilomètres de galeries – une fois et demie la longueur du métro parisien –, stocker, à 500 mètres sous terre, des déchets concentrant, à eux seuls, 99,9 % de la radioactivité des déchets, dont la durée de vie moyenne est de 200 000 ans, issus des réacteurs nucléaires français.
Bure, train d’atterrissage de l’industrie nucléaire ; Bure et ses environs, colonisés avant d’être irradiés (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Marie-Noëlle Battistel et M. Nicolas Thierry applaudissent également) ; Bure, où les vies comptent moins qu’ailleurs, où l’on exproprie les terres et les consciences, où les élus locaux ont cru à la carotte financière.
Bure n’est pas seulement le laboratoire des déchets radioactifs mais aussi celui de la répression. Le 5 juin, toutefois, la justice a ordonné la relaxe générale pour les trois derniers prévenus, désavouant ainsi les politiques répressives qui ont pesé, pendant huit ans, sur des dizaines de personnes et des familles entières. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.) Cette relaxe est la défaite du talon de fer écrasant la démocratie, instrumentalisant les procédures judiciaires et réprimant violemment toutes les contestations – à Bure comme à Sainte-Soline, autour de l’A69 ou contre les Soulèvements de la Terre. (Mêmes mouvements.)
Quelles réparations envisagez-vous pour ces personnes injustement poursuivies, pour ces vies empêchées et cette lutte entravée ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
M. Julien Odoul
Pour ces terroristes, oui !
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Vous soulevez une question importante : celle de l’enfouissement des déchets nucléaires et, au-delà, celle de la responsabilité qui est la nôtre vis-à-vis de l’environnement et des personnes, eu égard à ce choix historique de l’énergie nucléaire – c’est le choix de la France, un choix que nous assumons pleinement.
La gestion des déchets est un sujet difficile : 99,9 % de la radioactivité est contenue dans 2,5 % des déchets – ces déchets de moyenne et de haute activité qui font l’objet du projet Cigéo à Bure.
Le stockage géologique profond est une solution pérenne : ceci a été reconnu par la loi française, mais aussi par les textes européens. Ce projet est donc pleinement légitime.
Mme Mathilde Panot
Vous n’avez pas même envisagé d’alternative !
M. Marc Ferracci, ministre
En 1998, les départements de la Meuse et de la Haute-Marne se sont portés volontaires pour accueillir ce laboratoire de recherche. Il faut également que nous écoutions la voix des élus,…
Mme Mathilde Panot
Écoutez celle des scientifiques !
M. Marc Ferracci, ministre
…quand ils voient les potentialités, pour leurs territoires, d’un projet industriel de cette ampleur. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il faut se réjouir de l’avancement du projet Cigéo, dont l’autorisation est envisagée pour 2028.
D’ici là, nous devons poursuivre le dialogue avec les élus autour de ce projet de territoire. J’ai eu l’occasion, il y a quelques semaines, d’échanger avec les élus de Haute-Marne lors de la visite d’un site industriel : ils sont demandeurs d’une fiscalité équitablement répartie, afin que les bénéfices de ce projet industriel échoient à tout le territoire. L’État y est prêt et le dialogue se poursuit. Nous allons continuer, en toute responsabilité, à miser sur le nucléaire.
Mme Mathilde Panot
Nous ne sommes pas des poubelles nucléaires !
Mme Anne Stambach-Terrenoir
Vous n’avez pas répondu à la question !
Mme la présidente
La parole est à M. Christophe Bex.
M. Christophe Bex
Pour ne pas connaître un StocaMine à la puissance 1 000, il est temps de siffler la fin de ce projet lors de la « manifestation du futur », qui aura lieu, à Bure, le 20 septembre 2025. Soyons nombreux à nous y retrouver ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent pour applaudir. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
M. Laurent Jacobelli
Mais quel cirque ! Ce sont des clowns !
Conclave sur les retraites
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Christophle.
M. Paul Christophle
Cette nuit, le conclave sur les retraites s’est achevé par un échec. Un rendez-vous de la dernière chance est organisé le 23 juin, mais les partenaires sociaux hésitent à s’y rendre. Et nous les comprenons !
Monsieur le premier ministre, vous vous étiez engagé à ce que les discussions se déroulent « sans totem, ni tabou », y compris celles portant sur l’âge légal de départ à la retraite.
M. Pierrick Courbon
Eh oui !
M. Paul Christophle
Mais, alors que la négociation sociale était en cours, vous avez écarté à plusieurs reprises la possibilité de revenir sur cette mesure d’âge, ce qui a d’ailleurs conduit une partie des organisations syndicales à quitter la table des discussions.
Cette semaine encore, dans le seul espoir de gagner du temps, vous êtes allé jusqu’à formuler une proposition pour maintenir les seniors dans l’emploi, à rebours du mandat donné aux partenaires sociaux. Depuis six mois, vous n’avez eu de cesse de fragiliser une négociation dont vous auriez dû être le premier et principal garant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
En janvier, vous vous étiez engagé par écrit, à ce que « le Parlement [ait], en tout état de cause, le dernier mot » sur cette réforme – vous avez bien écrit « en tout état de cause ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Julien Odoul
Et vous l’avez cru ?
Un député du groupe SOC
C’était écrit noir sur blanc !
M. Paul Christophle
Mais hier, en réponse au président Vallaud, vous êtes revenu sur cet engagement, trahissant ainsi votre parole : en l’absence d’accord, aucun texte ne sera soumis au Parlement.
M. Thibault Bazin
Mais sur quel texte voulez-vous vous prononcer en l’absence d’accord ?
M. Paul Christophle
Pourtant, vous le savez, il existe une majorité pour abroger cette réforme injuste. Il y a moins de quinze jours, l’Assemblée nationale a adopté à une très large majorité une résolution exigeant son abrogation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.)
Après avoir entravé la démocratie sociale, comptez-vous également bafouer la démocratie parlementaire ? (Exclamations sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.) Après tant de renoncements, tiendrez-vous finalement les engagements pris devant nous ?
Mme Mathilde Panot
Vive la censure !
M. Paul Christophle
Permettrez-vous enfin à la représentation nationale de s’exprimer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR.)
M. Thibault Bazin
Vous comptez reconstituer le NFP ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Vous avez fait allusion aux discussions qui se sont tenues jusqu’à une heure avancée entre les partenaires sociaux. Le mandat qui leur a été donné par le premier ministre consistait à discuter sans tabou pour améliorer notre système de retraite.
Ces discussions portent sur différents sujets, par exemple l’usure professionnelle et la compensation de cette usure, ou encore le travail des femmes – elles ont plus de difficultés à percevoir des retraites complètes, même en ayant été actives professionnellement. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. Thibault Bazin
Elle a raison !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Hier soir, les débats n’ont pas été pleinement conclusifs. C’est la raison pour laquelle les partenaires sociaux ont décidé de se donner quelques jours supplémentaires pour travailler et de se retrouver lundi 23 juin. À ce stade, rien n’est terminé. Voilà pour l’aspect calendaire.
Le premier ministre a demandé aux partenaires sociaux de travailler sans tabou en s’engageant à respecter l’équilibre structurel – c’est le mandat qu’il leur a confié. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
M. Thibault Bazin
Si, il l’a dit depuis le début, c’est vous qui ne voulez pas l’entendre !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Dans la lettre de M. le premier ministre à laquelle vous avez fait allusion, ce dernier s’est engagé à revenir devant le Parlement, mais à des conditions claires dans le reste du courrier : il faut un accord politique, accord qui doit respecter l’équilibre financier. (MM. David Amiel et Philippe Vigier applaudissent.)
Mme Fatiha Keloua Hachi
Non, non, non !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Toutes les conditions ne sont donc pas remplies.
Nous sommes mercredi 18 juin, il est quatorze heures vingt et rien n’est terminé. Il reste aux uns et aux autres presque une semaine pour continuer à discuter. Les Français ont des attentes : je ne doute pas qu’une issue sera trouvée. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Christophle.
M. Paul Christophle
Débattons-en à l’Assemblée nationale ! Si vous ne donnez pas le dernier mot au Parlement, il vous l’imposera et vous partirez ! (Les députés du groupe SOC se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. – Exclamations sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)
M. Julien Odoul
Ils tremblent !
Lutte contre la pédocriminalité en ligne
Mme la présidente
La parole est à Mme Alexandra Martin.
Mme Alexandra Martin
La pédocriminalité en ligne est une réalité de plus en plus préoccupante. Le développement du numérique et de l’intelligence artificielle générative, certes vecteurs de savoirs et de possibilités, a ouvert la voie à des formes inédites d’atteintes graves aux mineurs : manipulation psychologique, harcèlement, chantage sexuel au moyen de photos ou de vidéos trafiquées, viols simulés dans des univers immersifs.
Ces actes, bien que virtuels dans leur forme, ont des conséquences psychologiques profondes et bien réelles. Ces pratiques en constante évolution se diffusent à grande échelle. Les atteintes numériques à l’encontre des enfants ont augmenté de 45 % en 2024.
J’ai pu travailler aux côtés d’associations remarquables qui œuvrent pour sensibiliser, prévenir, détecter et signaler, comme, entre autres, Caméléon, Point de Contact et la Fondation pour l’enfance. Je veux aussi saluer le travail effectué par les agents de la plateforme de signalement Pharos, de l’Office mineurs, et plus largement de la gendarmerie et de la police. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)
Ces échanges, l’ampleur et la gravité du phénomène m’ont convaincue de la nécessité d’adapter le droit à ces nouvelles pratiques malveillantes, délictuelles ou criminelles. J’ai donc déposé une proposition de loi visant à mieux lutter contre la pédocriminalité en ligne.
Ce texte insiste sur la nécessité de responsabiliser les plateformes – certaines agissent plus que d’autres contre ce phénomène –, d’adapter notre droit aux usages malveillants numériques et de renforcer la prévention auprès des familles, des enfants et des professionnels.
Ce combat ne sera évidemment pas gagné par un seul acteur. Il exige l’engagement de tous.
Monsieur le ministre de la justice, quelles actions concrètes votre ministère entend-il mener pour accompagner ces efforts et renforcer les outils juridiques existants, afin que la justice dispose de toutes les armes pour lutter contre ces nouvelles menaces envers nos enfants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice
Je salue votre engagement en faveur de la protection des mineurs, de nos enfants.
M. Patrick Hetzel
Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre d’État
La cybercriminalité engendre des drames, en particulier la pédocriminalité en ligne. Ce phénomène peut toucher toutes les familles – chacun d’entre nous peut être victime de logiciels spécifiques –, y compris des familles qui vivent bien au-delà de nos frontières, persuadées à force d’échanges de fournir des photos ou des vidéos d’actes incestueux – agressions sexuelles ou viols.
Mon cabinet vous a reçue et votre proposition de loi a été signée par quarante-trois de vos collègues, issus de différents groupes politiques, ce qui témoigne du soutien dont vous bénéficiez. J’apporterai aussi mon soutien à votre proposition de loi si elle venait à être discutée dans cet hémicycle.
À la fin du mois de janvier, j’ai adressé aux procureurs de la République une circulaire de politique pénale qui aborde notamment la protection des mineurs. J’ai fixé plusieurs objectifs, parmi lesquels la poursuite systématique de tout fait signalé au parquet commis au préjudice des enfants.
Nous pouvons aussi nous appuyer sur la loi Sren du 21 mai 2024 pour lutter contre certaines infractions commises en ligne. Au ministère de l’intérieur, MM. Buffet et Retailleau poursuivent sur la voie que j’ai tracée – je pense notamment à la création de l’Office des mineurs, qui lutte aux côtés de la justice contre les crimes dont sont victimes les mineurs sur tout le territoire national.
Avec le ministre de l’intérieur, nous donnons et continuerons à donner les moyens aux services d’enquête de lutter contre la pédocriminalité en ligne – salles Mélanie, moyens techniques –, notamment contre l’incitation au viol dans le cadre familial.
Votre proposition de loi est bienvenue, j’y serai favorable et travaillerai le cas échéant avec l’ensemble de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. – Mme Nathalie Colin-Oesterlé et M. Éric Woerth applaudissent également.)
Effets du glyphosate
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Thierry.
M. Nicolas Thierry
Une étude scientifique internationale d’une ampleur inédite, la plus vaste à ce jour, vient d’être publiée sur les effets du glyphosate. Menée par une équipe internationale, elle s’appuie sur une observation de longue durée, porte sur un large échantillon et a suivi un protocole d’une rigueur rarement atteinte.
Les résultats sont sans appel : même à des doses faibles et conformes à la norme européenne en vigueur, l’exposition prolongée au glyphosate provoque des leucémies précoces et de multiples tumeurs.
L’autorisation du glyphosate a pourtant été renouvelée jusqu’en 2033 : dix ans de plus d’exposition pour nos agriculteurs, dix ans de résidus de glyphosate dans nos aliments, dix ans de perdus contre les cancers.
Monsieur le ministre de la santé, je ne peux imaginer que vous soyez sourd aux immenses préoccupations de la population sur les substances toxiques qui empoisonnent nos vies. Je veux d’ailleurs ici relayer l’appel à une mobilisation massive le 29 juin contre la loi Duplomb, dont les mesures inquiètent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
Je ne peux pas non plus vous imaginer insensible à cette nouvelle étude sur le glyphosate car je vous sais engagé dans la lutte contre le cancer. Or cette étude d’ampleur démontre que le glyphosate provoque des cancers à des doses jugées aujourd’hui sûres par l’Union européenne. Ces nouveaux résultats changent donc la donne ; le statu quo n’est plus tenable.
Je vous pose donc deux questions très précises : à la lumière des résultats de cette étude inédite, la France compte-t-elle interpeller la Commission européenne pour demander la révision de la réautorisation du glyphosate ? Si la Commission reste sourde, interdirez-vous cette substance sur notre sol en vertu du principe de précaution ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI- NFP et SOC. – M. Nicolas Sansu applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Nous avons tous pris connaissance de cette étude dont Le Monde s’est fait écho. Elle ne porte cependant pas sur les humains,…
M. Thibault Bazin
Mais sur des rats !
M. Yannick Neuder, ministre
…mais sur des rats. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Par ailleurs, il est important de mesurer l’effet d’imprégnation du glyphosate dans la population française. C’est à ce titre que nous avons diligenté une nouvelle étude, l’enquête Albane, qui a été lancée début juin par Santé publique France et l’Anses. Les résultats sont attendus pour 2027.
Il faut signaler que l’exposition des populations – professionnels et population générale – reste inférieure à la valeur sanitaire de référence.
Les conclusions sur la cancérogénicité du glyphosate divergent : le Centre international de recherche sur le cancer et l’Agence européenne des produits chimiques ne s’accordent pas sur le potentiel cancérogène de la substance. Le Circ a classé le glyphosate dans la catégorie 2A – cancérogène probable –, alors que l’AEPC a conclu en mai 2022 que les conditions pour la classification du glyphosate comme cancérogène n’étaient pas réunies. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
L’avis de l’Anses sera publié fin juin. La direction générale de la santé a en effet saisi l’Agence le 15 février 2023, lui demandant notamment de se prononcer sur certains pesticides et leurs métabolites. Le 5 mai, pour la quatrième fois, l’Anses a publié le résultat de ses analyses sur ce sujet. Il appartiendra donc à l’Agence européenne des produits chimiques de revoir ou non sa doctrine en matière de glyphosate. La France se soumettra aux décisions prises par l’Union européenne. (Exclamations sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)
Mme Christine Arrighi
La France doit la devancer ! On va vous en mettre à la buvette.
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Thierry.
M. Nicolas Thierry
Au regard de la situation que vous décrivez, le principe de précaution devrait prévaloir.
Plusieurs députés du groupe EcoS
Évidemment !
M. Nicolas Thierry
Un faisceau de preuves – les conclusions du Circ, cette nouvelle étude – montre que le glyphosate a des effets sur la population. Si vous êtes responsables, c’est bien le principe de précaution qui doit prévaloir pour protéger les Françaises et les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC. – M. Nicolas Sansu applaudit également.)
Situation en Ukraine
Mme la présidente
La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit
Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, la violence du Kremlin est de plus en plus débridée. Ces dernières semaines, et en particulier ces dernières vingt-quatre heures, Kyïv, Tchernihiv et plusieurs autres villes d’Ukraine ont subi les bombardements les plus massifs depuis 2022. Les bombes ont éventré des immeubles d’habitation, des infrastructures civiles, des maternités, tuant des enfants et des adultes – quinze personnes sont mortes dans leur sommeil.
J’ai une pensée pour mes amis de Tchernihiv, en particulier pour Yulia, présidente de Business Women pour l’Ukraine, dont les enfants ont dormi dans le fracas des bombes, pour nos collègues de la Rada, en particulier pour son président, que notre Assemblée accueille aujourd’hui, pour les écoliers, notamment ceux de l’école française de Kyïv, qui travaillent dans l’abri souterrain et pour nos ressortissants, entrepreneurs et agents qui habitent en Ukraine.
Le président américain, qui promettait de mettre fin à la guerre, n’a pas fait reculer d’un iota Vladimir Poutine. Pire, il semble même lui avoir donné un permis de tuer. Moscou observe avec délectation la nouvelle administration américaine reprendre ses éléments de langage et son récit.
Face à l’impasse des négociations, à la pusillanimité de l’administration Trump et à la posture de plus en plus agressive et criminelle du Kremlin, l’Europe et la France doivent intensifier leur soutien à l’Ukraine.
Je salue la livraison et l’efficacité des Mirage donnés à l’Ukraine,…
Mme Christine Arrighi
C’est toujours mieux que livrer des armes à Israël !
M. Frédéric Petit
…que sa défense aérienne a pu utiliser. Mais ce n’est pas suffisant.
Monsieur le ministre des armées, que faisons-nous pour protéger les civils ukrainiens ? Combien de temps supporterons-nous les pratiques odieuses du Kremlin déjà observées il y a vingt ans à Grozny en Tchétchénie et il y a dix ans à Alep en Syrie : je rase, je bombarde, je tue les civils, je sidère et je garde la main.
Combien de temps supporterons-nous de nous réveiller chaque matin pour découvrir les deuils, les bâtiments effondrés, le désespoir, les destins personnels brisés et les bombes à retardement psychologiques que cette barbarie nous promet ? Comptez-vous remettre sur la table des échanges avec nos partenaires européens la question de la protection du ciel ukrainien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Valérie Rossi applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Mme Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants
Je vous prie de bien vouloir excuser le ministre des armées, retenu par des engagements au Bourget. Chaque victime ukrainienne est un drame que je déplore, et je tiens à assurer le peuple ukrainien de notre soutien.
Face à ces tragédies, le ministère des armées agit depuis février 2022 en donnant à l’Ukraine les moyens nécessaires pour assurer sa défense. La principale menace à laquelle les victimes ukrainiennes sont confrontées vient des airs.
Avec ses partenaires, la France est attachée à fournir à l’Ukraine les moyens les plus performants pour se défendre contre les attaques aériennes russes. Vous avez cité les avions de chasse Mirage 2000-5, qui font un travail remarquable en Ukraine. Nous avons non seulement fourni ces avions et leur armement à l’Ukraine, mais également formé en France ceux qui les utilisent.
Nous avons également livré différents systèmes pour renforcer la défense antiaérienne de l’Ukraine : des radars de surveillance aérienne pour détecter les menaces, préalable à toute action contre les drones et missiles russes ; des missiles de défense sol-air à très courte portée Mistral, à la pointe de la technologie ; un système de défense sol-air de moyenne portée terrestre (Samp-T), qui représente ce qui se fait de mieux dans cette catégorie. Pour chacune de ces livraisons, nous avons formé les Ukrainiens et fourni les pièces, ainsi que la maintenance nécessaire.
N’oublions pas les équipements de pointe que sont les missiles de croisière Scalp et les canons Caesar, qui renforcent les capacités de l’armée ukrainienne et lui permettent de se défendre sur son territoire, attaqué. Nous sommes donc pleinement engagés dans le soutien à l’Ukraine, et déterminés à poursuivre dans cette voie. (M. Thomas Cazenave applaudit.)
Mme la présidente
Cet après-midi, nous aurons le plaisir de recevoir M. Rouslan Stefantchouk, président de la Rada, et une délégation ukrainienne.
Agriculture biologique
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac
L’agriculture biologique a besoin de soutien. C’est un enjeu crucial pour notre agriculture, la qualité de notre alimentation, la préservation de nos sols et celle de notre eau. Madame la ministre de l’agriculture, certaines de vos récentes annonces ont suscité des interrogations. Il y a quelques semaines, vous avez décidé de réduire de 15 millions d’euros le budget de l’Agence bio. Ce sont autant de moyens en moins pour les campagnes de communication à destination des consommateurs et pour l’aide à la structuration des filières bio.
L’État dispose déjà d’un reliquat de 250 millions d’euros non consommés dans le budget de la PAC, au titre des aides à la conversion en bio. Pourtant, lors d’un déplacement dans le Gers, département de mon collègue David Taupiac, vous avez annoncé votre volonté de prélever 50 millions sur ce fonds afin de soutenir l’installation des jeunes agriculteurs. Je partage votre objectif de favoriser l’installation des nouveaux exploitants, mais reconnaissons que les fonds initialement prévus pour l’agriculture bio serviront en grande partie à l’agriculture conventionnelle.
La conjoncture demeure préoccupante et la chambre d’agriculture de Bretagne a récemment demandé un renforcement des aides à destination du bio – nous pensons évidemment aux aides au maintien. Pouvez-vous nous garantir que les budgets prévus pour l’agriculture biologique, ainsi que ce reliquat – désormais ramené à 200 millions d’euros –, seront bien attribués à l’agriculture biologique et à ses agriculteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS. M. Éric Bothorel applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
L’agriculture biologique constitue un pilier de notre politique agricole, qui vise à concilier souveraineté alimentaire et transition écologique. Le gouvernement n’a jamais cessé de soutenir les agriculteurs bio.
Vous évoquez les 15 millions d’euros destinés à l’Agence bio : 10 millions relevaient d’une subvention à caractère exceptionnel, et vous n’ignorez pas le contexte budgétaire dans lequel nous nous trouvons. Avec le tarissement du plan de relance, puis celui de la planification écologique, cette conséquence était inévitable, et je la déplore à vos côtés. Mais, en tant que parlementaires responsables, je le répète, vous connaissez la situation que nous vivons.
Par ailleurs, les 5 millions d’euros alloués à la communication sont bel et bien engagés cette année : la campagne a commencé et elle aura bien lieu en 2025. J’ai indiqué à la filière bio que nous essaierions d’obtenir des crédits européens pour prolonger cette campagne en 2026.
Concernant le reliquat d’aides à la conversion en bio de 257 millions d’euros pour la campagne 2023-2024, j’ai réservé cette annonce au congrès des Jeunes Agriculteurs : effectivement, je consacrerai une partie de ce reliquat à soutenir les revenus des jeunes agriculteurs.
Un député du groupe EPR
Bien !
Mme Annie Genevard, ministre
Nous faisons face à un mur lié au renouvellement des générations agricoles. Il faut encourager les jeunes à se tourner vers ces métiers et cela passe par un soutien au revenu en début de carrière. (Protestations sur les bancs du groupe EcoS.) En outre, parmi ces jeunes agriculteurs, certains sont engagés dans l’agriculture biologique – il est important de le souligner.
Enfin, l’écorégime sera revalorisé. Il est également très probable qu’un programme opérationnel soit lancé pour soutenir le lait bio. Vous le savez, près d’1 euro sur 2 versés par l’Union européenne est conditionné à des critères agroécologiques. C’est une politique que je compte poursuivre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac
Il faut rester très attentif à la filière bio, qui a beaucoup souffert au cours des deux dernières années. La situation s’améliore légèrement, mais il est essentiel de poursuivre nos efforts. Il faut aussi inciter les collectivités locales à appliquer la loi Egalim. Celle-ci impose 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques dans la restauration collective. Pourtant, l’État, notamment ses hôpitaux, sont à la peine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Gens du voyage
Mme la présidente
La parole est à M. Xavier Albertini.
M. Xavier Albertini
Monsieur le ministre de l’intérieur, la semaine dernière, place Beauvau, s’est tenu un premier point d’étape du groupe de travail relatif aux installations illicites des gens du voyage, en présence de parlementaires, de représentants d’associations d’élus, de vous-même et du ministre délégué, François-Noël Buffet. Vous avez souhaité associer les élus travaillant sur ce sujet et, naturellement, ma collègue Nathalie Colin-Oesterlé et moi-même avons participé à cette initiative.
Les premières préconisations et orientations qui nous ont été présentées soulageront les élus de tous les territoires – je choisis ce mot avec soin. Élu à Reims et longtemps chargé d’une délégation à la sécurité, je sais à quel point ces installations sauvages sont d’abord une hantise, puis un véritable cauchemar lorsqu’elles deviennent réalité.
Ces installations illégales ne portent pas seulement atteinte aux droits de propriété des communes ou des personnes privées concernées, elles provoquent des problèmes de salubrité, de sécurité, des dégradations, des dommages matériels et environnementaux. Nombre de gens du voyage respectent leurs obligations, malheureusement d’autres s’en affranchissent, ce qui fait porter un regard injustement négatif sur l’ensemble de cette communauté.
Nos concitoyens victimes de ces installations illicites ne comprennent pas ce qu’ils perçoivent comme une impunité pénale, réelle ou supposée, des contrevenants.
M. Jean Moulliere
Il a raison !
M. Xavier Albertini
Naît ainsi un sentiment d’inégalité dans l’application et le respect des lois, pourtant garants de notre vie commune.
Enfin, de nombreux maires et élus locaux se retrouvent démunis lorsqu’il s’agit de remettre en état des équipements publics détériorés, la charge financière pesant alors lourdement sur les budgets communaux.
L’une des deux propositions de loi dont je suis l’auteur sur ce sujet a été inscrite à l’ordre du jour de la niche Horizons, le 3 avril dernier. Elle n’a pu être examinée en séance, faute de temps. Je me réjouis toutefois que nombre des dispositifs contenus dans mes propositions de loi se retrouvent dans vos préconisations ; cela va dans le bon sens.
Quelles suites envisagez-vous de leur donner et surtout dans quel délai ? Beaucoup de nos concitoyens, de maires, de présidents d’intercommunalités et, disons-le, aussi, nos forces de l’ordre l’attendent. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je vous remercie pour votre participation active au groupe de travail que nous avons créé il y a quelques mois et qui s’est réuni la semaine dernière pour examiner plus d’une vingtaine de propositions, en discuter et en apprécier la pertinence. Il est vrai qu’une partie de celles qui ont été retenues a été puisée dans le texte que vous aviez déposé.
En 2024, nous avons recensé 1 326 grands passages dans 78 départements, dont 569 étaient illicites. Cela signifie que plus d’une installation sur trois s’effectue de manière sauvage sur des terrains publics ou privés.
Les grandes orientations retenues s’articulent autour de plusieurs axes : renforcer l’efficacité des sanctions et leur application ; accroître les pouvoirs des préfets en matière d’évacuation des terrains occupés illégalement ; renforcer les obligations liées à l’utilisation des aires d’accueil ; inciter à la création de nouvelles aires ; mieux anticiper les grands passages.
Une nouvelle réunion – avec vous – est prévue le 7 juillet prochain, au cours de laquelle nous procéderons aux derniers arbitrages. D’ici là, nous finalisons les ultimes ajustements entre législatif et réglementaire. À l’issue de cette réunion, nous préparerons le texte, et j’espère qu’il sera prêt d’ici fin juillet, pour suivre ensuite un parcours parlementaire habituel.
Voilà où nous en sommes ; nous avançons rapidement et ce groupe, coordonné par le préfet Alloncle, a bien fonctionné. Les mesures que nous comptons déployer devraient être efficaces. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes HOR et DR.)
Réforme des retraites
Mme la présidente
La parole est à M. Julien Brugerolles.
M. Julien Brugerolles
La réforme des retraites de 2023 constitue un affront sans précédent envers les travailleurs de notre pays. Depuis deux ans, vos prédécesseurs et vous-même avez choisi l’évitement et le contournement de la représentation nationale, dans l’espoir de faire oublier la profonde injustice de cette réforme. Mais cette stratégie ne change rien : plus des deux tiers des Français continuent de réclamer son abrogation.
Dès le lancement du conclave, vous avez corseté toute discussion sur le rétablissement de l’âge légal de départ à 62 ans.
M. Romain Daubié
C’est faux !
M. Julien Brugerolles
Cette position, totalement aberrante au regard des règles élémentaires de la négociation sociale qui s’ouvrait, a entraîné le retrait de la CGT et de Force ouvrière. Elle contribue à l’enlisement du processus, que vous entretenez pour gagner du temps.
Hier encore, vous avez déclaré ici même que, faute d’accord, la réforme de 2023 continuerait de s’appliquer comme si de rien n’était. Le Medef n’en demandait pas tant, monsieur le premier ministre. Quel que soit le résultat d’un conclave dont l’issue est chaque jour plus incertaine, il ne répondra en rien à cette exigence claire des Français : ils refusent le recul de l’âge légal à 64 ans.
Le 5 juin dernier, les députés communistes et des territoires dits d’outre-mer de notre groupe ont fait adopter dans cet hémicycle, à une très large majorité, une proposition de résolution exigeant l’abrogation de la réforme de 2023 et de ses mesures rétrogrades.
Ce vote, jusqu’alors confisqué à notre assemblée, vous oblige à faire un choix. Une seule alternative s’offre à vous : abroger la réforme ou recourir au référendum. C’est l’unique voie pour sortir de la crise que vous alimentez, pour réparer l’offense faite au peuple. Alors, monsieur le premier ministre, allez-vous enfin procéder à l’abrogation de cette réforme des retraites ? Ou organiserez-vous un référendum ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique.
M. Julien Odoul
Ça va partir en rafale !
M. François Bayrou, premier ministre, chargé de la planification écologique et énergétique
Il y a quelque chose au-dessus des sondages : c’est la vérité, la réalité de la situation. Il y a quelques jours à peine, nous avons reçu le rapport du Conseil d’orientation des retraites (Mme Marie Mesmeur s’exclame), adopté par l’ensemble des organisations membres de ce conseil.
M. Jean-Paul Mattei
Eh oui !
M. François Bayrou, premier ministre
Il affirme, de manière limpide, une chose que nous ne devrions pas remettre en cause dans cette enceinte : l’équilibre financier de notre système de retraite est extrêmement précaire.
M. Stéphane Peu
Nous avons plein de propositions !
M. François Bayrou, premier ministre
Face à cette réalité, une seule solution s’impose : parvenir à un accord entre les organisations syndicales et les entreprises, pour définir les conditions permettant de garantir l’équilibre de nos régimes, notamment en ce qui concerne l’âge légal de départ, compte tenu de la réalité démographique de notre pays.
Autrement, nous perpétuons un mécanisme que beaucoup ici connaissent trop bien : faire peser sur les générations futures la charge des pensions que nous devrions financer. Cette logique du report a été acceptée, parfois encouragée, par des gouvernements successifs.
Mme Marie-Christine Dalloz
Des irresponsables !
M. Patrick Hetzel
Eh oui !
M. Jean-Claude Raux
Il y a d’autres leviers !
M. François Bayrou, premier ministre
C’est pourquoi, contrairement à ce que vous affirmez, j’ai clairement indiqué dès mon discours de politique générale, et dans la lettre adressée aux organisations participant au conclave, que si un accord, même partiel, intervient, il sera soumis à la représentation nationale ; s’il n’y en a pas, la réforme de 2023 continuera de s’appliquer.
M. Inaki Echaniz
Non, non, non !
M. François Bayrou, premier ministre
Cela a toujours été d’une clarté biblique.
Tant que cette assemblée siégera, chacun exprimera bien sûr sa position. (Mme Marie Mesmeur s’exclame.) Celle du gouvernement est claire : c’est la seule qui défend l’équilibre financier, au bénéfice de l’ensemble des Français, en particulier des plus jeunes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, Dem, et DR.)
Stand israélien au Salon du Bourget
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux
La décision du gouvernement d’interdire les entreprises israéliennes au Salon du Bourget est une faute lourde. C’est non seulement une faute morale, mais c’est aussi une faute stratégique majeure.
Mme Marie Mesmeur
C’est vous, la faute morale !
M. Éric Michoux
Une faute stratégique car Israël constitue un rempart pour la sécurité du monde, un rempart contre l’État terroriste iranien et son programme nucléaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Une faute morale indigne car vous interdisez les stands israéliens, dissimulés derrière des panneaux noirs. En d’autres temps, sous d’autres gouvernements – plus précisément sous un autre gouvernement –, ces panneaux auraient été jaunes. Oui : jaunes. (Murmures sur quelques bancs du groupe EPR.) Mais quelle indignité ! Vos explications sur les armes offensives ne tiennent pas. La faute, j’y insiste, est lourde et sans appel.
Pendant cette interdiction, la dictature islamique bombarde Israël et menace le monde. Pourquoi refusez-vous clairement de soutenir Israël contre l’Iran qui menace la paix mondiale ? Pourquoi tergiverser face à un État terroriste qui fait peser le risque d’une guerre nucléaire ? En s’attaquant aux entreprises israéliennes, la France favorise le régime iranien – une dictature islamique qui emprisonne son peuple et nous menace de destruction.
M. Julien Brugerolles
Oh là là !
M. Éric Michoux
Allez-vous clarifier votre position et réaffirmer votre soutien à Israël ? Considérez-vous que l’Iran est notre problème et notre ennemi ? Considérez-vous qu’Israël est notre ami ? Pouvez-vous assurer aux Français que notre place aux côtés d’Israël est sans ambiguïté ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Je ne reviendrai pas sur les comparaisons douteuses sinon honteuses…
M. Éric Ciotti
C’est vous qui êtes honteux !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…que vous avez faites concernant la présence des entreprises israéliennes au Salon du Bourget, comparaisons qui renvoient aux périodes les plus sombres de notre histoire. (MM. Benoît Biteau et Éric Bothorel applaudissent.)
En ce qui concerne ce qui s’est passé au Salon du Bourget, les choses sont assez simples : toutes les entreprises de tous les pays étaient soumises à des conditions d’exposition. La très grande majorité des entreprises – y compris israéliennes – les ont respectées ; d’autres non et l’organisation en a tiré les conséquences sur instruction du préfet. C’est aussi simple que cela et ne change bien entendu rien à la position de la France vis-à-vis d’Israël, qu’il s’agisse de son soutien permanent au droit de ce pays à se défendre ou de la situation avec l’Iran.
M. Kévin Pfeffer
Ce n’est pas la question !
M. Sébastien Chenu
Quelles sont les conditions dont vous parlez ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Avec l’ensemble des postes diplomatiques et des consulats, notre priorité est d’assurer la sécurité de nos ressortissants, processus en cours et qui s’effectue dans un dialogue permanent – une réunion autour du président de la République se tiendra sur cette question précise à 16 heures afin de déterminer les meilleurs moyens de revenir en France, pour ceux qui le souhaitent, par voie terrestre, notamment pour les quelque 200 000 ressortissants français qui se trouvent en Israël.
Le refus de la France que l’Iran se dote d’une arme nucléaire n’est pas nouveau. Cette position a permis pendant des années, en particulier il y a dix ans, par la négociation, par la voie diplomatique, d’éviter cela. Nous maintenons cette position avec constance : non au fait que l’Iran puisse se doter d’une arme nucléaire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Michoux.
M. Éric Michoux
Vous n’avez pas réellement répondu à la question. Finalement, qui défendez-vous : l’Iran ou Israël ? (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Emmanuel Grégoire
Honteux !
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
Mme. la présidente
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland Lescure.)
Présidence de M. Roland Lescure
vice-président
M. le président
La séance est reprise.
2. Programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035
Suite de la discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi portant programmation nationale énergie et climat pour les années 2025 à 2035 (nos 463, 1522).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant, au cours d’une longue discussion commune, à l’amendement no 642, qui fait l’objet de nombreux sous-amendements, à l’article 3.
Article 3 (suite)
M. le président
Je suis saisi d’une série amendements, nos 518, 587, 588, 165, 503, 562, 667, 642, 423, 395 et 422, pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 503, 562 et 667 sont identiques.
L’amendement no 503 et ses sous-amendements nos 714, 723, 724, 715, 772, 746, 725, 749, 825, 779, 726, 716, 717, 727, 740, 804, 761, 759, 805, 747, 769, 809, 741, 745, 773, 770, 728, 748, 828, 771, 808, 780, 729, 730, 829, 718, 719, 720, 731, 750, 721, 753, 799, 781, 774, 800, 801, 803, 806 et 807 ont été défendus.
L’amendement no 642 et ses sous-amendements nos 823, 696, 697, 704, 815, 827, 777, 699, 707, 698, 735, 812, 775, 700, 732, 798, 830 et 797, ont également été défendus.
Des scrutins publics ont déjà été annoncés sur l’ensemble des amendements depuis l’amendement no 518 jusqu’au no 503 et identiques, sur l’ensemble des sous-amendements déposés sur l’amendement no 503 depuis le no 714 jusqu’au no 807, ainsi que sur l’amendement no 642 et les sous-amendements no 823, 815, 698 et identique, 812, 700 et identique, et 830 à l’amendement no 642.
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public : sur les sous-amendements nos 733, 813, 734, 817, 701, 821, 822 par groupe Rassemblement national, sur le sous-amendement no 702 par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire, sur le sous-amendement no 814 par le groupe Rassemblement national, sur le sous-amendement no 703 par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire, sur les amendements nos 818, 819 et 820 par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir le sous-amendement no 733 à l’amendement no 642.
M. Matthias Tavel
Nous reprenons donc cette discussion commune sur le nouveau nucléaire. Ce matin, une brève de presse a laissé entendre que les macronistes, selon une habitude désormais bien établie…
Mme Marie Mesmeur
Ils sont où d’ailleurs ?
M. Matthias Tavel
… pourraient rejeter ce texte à l’issue de nos débats, s’il ne leur convenait pas.
Au moment de rouvrir cette discussion commune, je veux redire que nous nous opposerons fortement à toute dérive de trumpisme énergétique menée au prix d’une alliance avec le Rassemblement national, surtout si elle intègre des objectifs délirants de nouveau nucléaire, qui menace l’approvisionnement électrique de la France à court, moyen et long terme.
C’est par les victoires que nous avons remportées en commission, notamment sur les énergies renouvelables, que peut se dégager une majorité conforme à l’intérêt général du pays et à l’accord de Paris.
Je forme le vœu, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, monsieur le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, que vous reveniez à la raison et que, plutôt que ces amendements qui accompagnent une fuite en avant vers un nouveau nucléaire aussi imprécis que coûteux, nous nous en tenions tous au vote du premier amendement défendu par Mme Laernoes, qui permet de poser que, d’ici à 2035, il n’y aura pas de nouveau nucléaire et que le nucléaire existant sera toujours là. Nous pourrions ensuite cheminer vers un texte, conforme à l’accord de Paris, basé sur la sobriété et les énergies renouvelables. Ce serait une voie plus sérieuse pour le pays. Je ne désespère pas que vous reveniez à la raison. Comptez sur nous pour vous y rappeler aussi souvent et aussi longtemps que nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Vous conviendrez avec moi, puisque c’est ainsi que vous avez commencé la défense de votre sous-amendement, que ne pas voter un texte qui ne leur convient pas, c’est tout de même le boulot des députés.
M. Matthias Tavel
Si vous voulez participer à la discussion, vous êtes le bienvenu.
M. le président
Non, non, je ne me permettrai pas. Je parle de l’organisation des débats, mais surtout pas du fond, monsieur Tavel.
Mme Marie Mesmeur
Il n’y a pas beaucoup de macronistes d’ailleurs. Si seulement ils étaient là pour travailler !
M. le président
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir les sous-amendements no 824 et 813, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.
M. Maxime Amblard
Je tiens d’abord à souligner que l’amendement du gouvernement est moins ambitieux que celui du rapporteur. Je m’attacherai donc à remettre un peu d’ambition dans la relance du nucléaire, dont le gouvernement ne veut pas, mais il n’aura pas de compte à rendre, puisqu’il ne sera plus là quand la relance sera effectuée.
Le sous-amendement no 824 fixe l’objectif ambitieux de 32 gigawatts de nouveau nucléaire, objectif prévu par le gouvernement en 2022, après la crise des prix de l’énergie.
Le sous-amendement de repli no 813 vise à remettre en cohérence l’amendement du gouvernement avec celui du rapporteur, en visant un objectif de 27 gigawatts.
M. le président
La parole est à M. Maxime Laisney, pour soutenir le sous-amendement no 734.
M. Maxime Laisney
Par le présent sous-amendement, nous proposons de supprimer les 13 gigawatts de capacités supplémentaires apportées par le nouveau nucléaire.
Comme nous l’avons dit hier, il faut dire la vérité aux Françaises et aux Français sur les coûts et sur le modèle choisi. En ce qui concerne les coûts, nous avons évoqué le rapport de la Cour des comptes de janvier dernier. Si certains doutent de la pertinence ou de la probité des rapporteurs de la Cour des comptes, ils peuvent visionner le documentaire de la journaliste Laure Noualhat qui travaille pour le média Reporterre intitulé « Nucléaire, comment il va ruiner la France ». Il dure 50 minutes, est en accès libre sur Youtube et comporte déjà beaucoup d’information.
Le rapport de la Cour des comptes ne formule que deux recommandations. D’abord, elle préconise l’arrêt des aventures d’EDF à l’étranger, en détaillant notamment le cas de la centrale nucléaire d’Hinkley Point C, dont le budget a été déjà été multiplié par 2,5 alors que sa construction n’est pas encore terminée. On avait promis que l’on pourrait cuire la dinde en décembre 2025 avec l’électricité de cette centrale, mais la fin du chantier n’est finalement pas attendue avant 2030.
Ensuite, elle recommande décaler la décision finale d’investissement à la fin de l’année 2026. D’ici là, je crains que l’on ait choisi de changer de modèle. Je pense évidemment aux députés du Rassemblement national dont certains ont déjà dit qu’ils préféraient des modèles sud-coréens. Dans les interventions du rapporteur mais aussi dans le texte tel qu’il est écrit, on parle à chaque fois de nouveaux réacteurs de puissance, mais on ne prend jamais le risque de s’engager sur le choix des réacteurs de type EPR2.
J’y vois un aveu que l’EPR2 ne fonctionnera pas, mais aussi une trahison des ingénieurs d’EDF qui ont mis beaucoup d’énergie, et consacré plusieurs milliers d’heures à l’ingénierie du basic design, puis à celle du design détaillé en cours. Mais rappelons que tous les réacteurs actuels tournent sur un modèle américain, alors proposé par la société Westinghouse, parce que le PDG d’EDF de l’époque, Marcel Boiteux, avait vu garder celui du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) coûtait 20 % plus cher que d’adopter la technologie américaine.
Nous sommes dans la même situation. Dans quel modèle s’inscrit ce nouveau nucléaire ? Peut-être que le remerciement de l’ancien PDG d’EDF, et son remplacement par un nouveau, apporte-t-il un élément d’explication.
Nous aimerions que vous nous disiez si vous allez trahir les ingénieurs d’EDF et adopter un modèle qui ne sera pas français.
M. Matthias Tavel
Très bien !
M. le président
Le sous-amendement no 817 de M. Maxime Amblard est défendu.
La parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir le sous-amendement no 776.
M. Jérôme Nury
Nous avons redéposé ce sous-amendement qui l’avait déjà été sur l’amendement du rapporteur. Il s’agit d’établir une trajectoire claire pour le nucléaire dans notre mix électrique, avec des objectifs précis de 70 % à l’horizon 2030 et de 80 % à l’horizon 2050.
Mme Dominique Voynet
Ça ne fait pas beaucoup !
M. Matthias Tavel
Et pourquoi pas 100 % ? Vous n’avez pas confiance dans le nucléaire ?
M. le président
Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 701 et 738.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir le sous-amendement no 701.
Mme Julie Laernoes
Ce sous-amendement tend à supprimer l’alinéa 8 qui prévoit la prolongation automatique des installations de retraitement et de valorisation de combustibles usés au-delà de 2040. Cette prolongation sans limite illustre l’impasse dans laquelle nous enferme le nucléaire : on prolonge les centrales, les réacteurs et maintenant les infrastructures de retraitement, sans jamais interroger la soutenabilité du système.
Le retraitement, contrairement à ce que prétend la filière, ne règle pas le problème les déchets, mais le déplace et le complexifie, tout en générant des substances extrêmement radioactives contre lesquelles aucune solution pérenne n’existe à ce jour. La Hague est l’exemple même de cette impasse : c’est une usine vieillissante, saturée, coûteuse, qui accumule les matières sans débouchés, et dont l’empreinte environnementale est phénoménale.
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir le sous-amendement no 736.
M. Matthias Tavel
Monsieur le président, vous auriez pu participer à nos débats. Je suis certain que votre expérience aurait été précieuse et utile pour motiver les collègues du groupe EPR – le bien nommé – à participer à nos travaux.
Je vais insister sur un point, qui peut faire l’objet d’un accord assez large dans cette assemblée : c’est la portée de notre vote sur l’entreprise EDF. Nous sommes tous attachés à EDF, surtout nous, qui avons défendu son retour au statut d’établissement public. (Mme Marie Mesmeur applaudit.)
Cette entreprise est étouffée par une dette abyssale, engagée dans des projets, notamment au Royaume-Uni, qui sont dangereux pour elle et fragilisent beaucoup son modèle économique. Nous ne voudrions pas que l’adoption de ce texte mène à un Hinkley Point à la française, créant les conditions d’une déroute financière, d’une faillite d’EDF, du fait de l’engagement dans un programme de nouveau nucléaire mal ficelé, mal budgété et qui l’exposerait dramatiquement d’un point de vue financier.
Le gouvernement nous dit que pour financer ce nouveau nucléaire, il y aura un prêt garanti de l’État pour environ la moitié de la somme, sans que l’on sache combien de milliards d’euros cela représente, mais vous n’êtes manifestement pas à quelques milliards près. Et il y aura un CFD (contrat pour différence) si le nouveau nucléaire devait coûter autour de 100 euros, pour garantir cette rémunération à l’électricien.
En somme, ou bien EDF boira le bouillon et aura des difficultés financières terribles, ou bien le contribuable devra mettre la main à la poche. Nous pensons que l’argent d’EDF et des contribuables pourrait être bien mieux investi que dans ce projet où vous voulez dilapider l’argent public, celui de cette entreprise à laquelle les Français sont si attachés. Il serait plus sage de renoncer à un projet qui risque de tuer EDF. (Mme Mesmeur applaudit.)
M. le président
Les sous-amendements nos 821 et 822 de Amblard sont défendus.
Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 702 et 738.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir le sous-amendement no 702.
Mme Julie Laernoes
Ce sous-amendement vise l’hypothétique fermeture du cycle du combustible nucléaire sur le long terme.
Je dirais qu’il y a deux, voire trois ennemis majeurs au nucléaire.
M. Julien Odoul
Allez quatre, cinq !
Mme Julie Laernoes
Le premier est le dérèglement climatique parce que le nucléaire n’est pas résilient à la surchauffe, que l’on va construire les centrales dans des zones inondables et qu’il a besoin de beaucoup d’eau. On préférera donc refroidir les centrales plutôt que de distribuer de l’eau potable.
Vous aimez les agriculteurs, mais vous les priverez d’eau pour continuer à cultiver lorsqu’il faudra refroidir les réacteurs.
M. Philippe Schreck
C’est faux !
Mme Julie Laernoes
Le deuxième, c’est la calculette, que l’on utilise partout en période de disette financière, mais qui n’existe pas pour le nucléaire, puisqu’on va de surcoût en surcoût.
La troisième, ce sont les déchets. On préfère ne pas parler de La Hague et de ce que l’on va réellement faire de ces déchets. Cigéo est inopérant : toute personne ayant visité ses installations a pu voir que c’est un mythe supplémentaire qui représente un danger majeur pour les Françaises et les Français, mais aussi pour les générations futures, puisqu’on ne sait pas signaler les lieux de stockage, et qu’il n’est pas réversible, contrairement à ce qui a été affirmé.
Le sous-amendement vise à supprimer l’alinéa 9 de l’amendement no 642, car sous couvert de « tendre vers la fermeture du cycle », on envisage de continuer à injecter des moyens publics dans le mythe du nucléaire. Ces fonds seront perdus, car cela fait cinquante ans que l’on nous promet une incroyable fermeture de cycle, parce que l’on n’aura plus besoin d’uranium et que l’on ne sera donc plus dépendant de la Russie. Or aujourd’hui, on est pieds et poings liés à la Russie.
M. Julien Odoul
Vous préférez dépendre de la Chine !
Mme Julie Laernoes
La fermeture du cycle est un mythe ! Aucun ingénieur, nulle part, n’a réussi à le créer. Sinon, ça se saurait et vous vous en vanteriez. Vous revenez à de vieilles recettes. Vous êtes nostalgiques du passé.
Il arrive qu’on fasse des erreurs – considérer à un moment T que le nucléaire était la bonne solution –,…
M. Laurent Jacobelli
Vous savez de quoi vous parlez !
Mme Julie Laernoes
…mais quand on constate que les risques liés au nucléaire sont aggravés par la situation actuelle, il est de notre devoir d’éviter, en matière énergétique, de foncer dans le mur. Nous rencontrons déjà des problèmes majeurs : la sécurité de l’approvisionnement électrique du pays est en danger et vous l’aggravez en investissant de l’argent public pour entretenir un mythe qui n’est vrai que dans vos fantasmes les plus fous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)
M. le président
Qui défendra le sous-amendement no 738 ? Tic ou Toc ? M. Tavel ou M. Laisney ?
M. Matthias Tavel
Je m’en charge,…
M. le président
Je vous donne donc la parole pour soutenir le sous-amendement no 738.
M. Matthias Tavel
…mais ne soyez pas taquin, monsieur le président,…
M. le président
Vous savez ce qu’on dit de l’hôpital et de la charité ?
M. Matthias Tavel
…sinon on risque de vous confondre avec l’actuel ministre et l’ancien ministre qui siègent au banc.
M. le président
Nous n’avons pas la même coupe de cheveux !
M. Matthias Tavel
Certes, mais c’est bien la seule chose qui vous distingue. On aurait pu avoir un débat sérieux, sauf que vous avez tous les trois refusé de déposer un vrai projet de loi de programmation énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS. – M. Philippe Brun applaudit également.) Vous pourriez donc au moins nous épargner ces amendements et l’alliance avec le RN qui vous est indispensable pour les faire adopter. (« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR.)
M. Matthieu Marchio
Bouh ! Ça fait peur !
M. Matthias Tavel
Pour notre part, nous continuerons à vous alerter sur les dangers du programme du nouveau nucléaire. Je le redis : quand on connaît la situation budgétaire d’EDF ou du pays, quand on connaît le coût que peut représenter pour la nation un investissement de cette nature,…
M. Julien Odoul
Vous ne connaissez rien !
M. Matthias Tavel
…la moindre des choses serait d’attendre la fin de l’année pour qu’EDF nous dise combien cela coûtera. Alors seulement on pourra décider si le pays, au-delà de ses besoins énergétiques, a les moyens de se payer le luxe d’un programme nucléaire aussi délirant dans ses proportions, aussi inabouti technologiquement et doté d’un calendrier aussi hasardeux.
M. le président
Le sous-amendement no 814 de M. Maxime Amblard est défendu.
Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 703 et 739.
Le sous-amendement no 703 de Mme Julie Laernoes est défendu.
La parole est à M. Maxime Laisney, pour soutenir le sous-amendement no 739.
M. Maxime Laisney
Jusqu’à présent, nous n’avons pas parlé des risques d’accident. Plusieurs présidents de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) – avant qu’elle ne change de nom et de périmètre, si ce n’est d’objectif – n’excluaient pas un accident nucléaire en France. Prétendre le contraire serait irresponsable.
Certains affirment que Fukushima c’est zéro mort, comme avait titré un journal de droite il y a quelques années. Mais non ! Fukushima c’est 2 300 morts. J’ai eu la chance de rencontrer M. Tamiyoshi Tachibana – un proche de M. Naoto Kan, premier ministre japonais au moment du début de l’accident. Je parle de début d’accident, parce que Fukushima n’est pas fini, tout comme Tchernobyl n’est pas terminé, alors que la catastrophe a eu lieu quand j’avais cinq ans. M. Tachibana m’a confirmé que le gouvernement japonais recense officiellement 2 300 morts causés par l’accident nucléaire – et non le tsunami.
Les collègues qui ont participé à la commission d’enquête sur la perte de souveraineté énergétique de la France se souviennent que Mme Nathalie Kosciusko-Morizet nous a dit lors de son audition que si le risque de tsunami en France est faible, un événement qui coupe la source froide des réacteurs reste possible. L’accident nucléaire est donc une possibilité.
Or si un accident survient, la France est particulièrement mal armée en matière de plan particulier d’intervention. La dernière campagne de distribution de pilules d’iode a été catastrophique : seulement 25 % des personnes qui pouvaient y prétendre en ont reçu. Par ailleurs, s’il fallait évacuer la population de territoires entiers en cas d’accident majeur, on ne saurait pas le faire. C’est notamment le cas dans la métropole lyonnaise.
Le nucléaire comporte des risques. Le nouveau nucléaire encore plus, parce qu’il ne résistera pas au changement climatique. Il fallait que ce soit dit au moins une fois dans notre débat.
M. le président
Le sous-amendement no 708 de Mme Dominique Voynet est défendu.
Les sous-amendements nos 818, 819 et 820 de M. Maxime Amblard sont défendus.
La parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir l’amendement no 423, qui tend à rétablir l’article 3 et qui fait l’objet des sous-amendements nos 782, 783, 784, 785 et 786.
M. Jérôme Nury
Nous sommes le 18 juin, mais cet amendement est un amendement non d’appel, mais de repli. Il vise à rétablir l’article 3, supprimé par la commission des affaires économiques, parce qu’il est probablement l’article le plus important. En maintenant la part d’électricité produite par du nucléaire à 60 % d’ici 2030, il fixe un cap clair et ambitieux.
Il empêche que l’on ferme par dogmatisme des centrales nucléaires comme celle de Fessenheim, et il fixe comme objectif de décarboner d’ici 2030 notre mix électrique à plus de 90 % et notre mix énergétique à plus de 50 %.
L’article 3 est attendu par les professionnels, car il leur donne de la visibilité et qu’il réitère le choix de la France de la production nucléaire d’électricité. Ne nous moquons pas des Français. Nous n’arriverons pas à réorienter la consommation d’énergies fossiles vers l’électrique, si nous ne nous donnons pas les moyens de notre ambition nucléaire. Ce n’est pas en persistant vers toujours plus d’intermittence que l’industrie opérera ce changement. Il prend du temps, envoyons donc dès à présent les bons signaux.
M. Guillaume Lepers
Bravo !
M. le président
La parole est à M. Maxime Laisney, pour soutenir le sous-amendement no 782.
M. Maxime Laisney
Les sous-traitants du nucléaire sont les éternels oubliés. Rappelons que leurs travailleurs réalisent 80 % des tâches et reçoivent par conséquent 80 % des doses d’exposition. C’est un problème, parce que l’enquête épidémiologique INWORKS, qui étudie les effets des faibles doses d’exposition sur les travailleurs du nucléaire, a mis en évidence, par une recherche sur plusieurs décennies portant sur plus de 350 000 travailleurs sous statut du nucléaire – au Royaume-Uni, aux États-Unis et en France – qu’il n’existe pas de seuil en dessous duquel l’exposition répétée à de faibles doses n’entraînerait pas de pathologie, que ce soit des leucémies ou des cancers solides.
Il faut changer le statut des travailleurs employés par les sous-traitants, qui font tourner l’industrie nucléaire, pour que, cessant d’être corvéables à merci, ils soient moins exposés. (M. Matthias Tavel applaudit.)
M. le président
Les sous-amendements nos 783 de M. Maxime Laisney, 784 de Mme Anne Stambach-Terrenoir, 785 de Mme Clémence Guetté et 786 de Mme Anne Stambach-Terrenoir sont défendus.
L’amendement no 395 de M. Julien Brugerolles, qui tend à rétablir l’article 3, est défendu. Il fait l’objet des sous-amendements nos 787, 788, 789, 790 et 791.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir le sous-amendement no 787.
M. Matthias Tavel
Nous avons avancé des arguments techniques, économiques, budgétaires et de calendrier ; nous avons rappelé l’importance des travailleurs du nucléaire, notamment les sous-traitants, et la confiance que nous leur accordons ; mais on ne peut pas évoquer le nucléaire et sa relance en faisant abstraction du contexte géopolitique actuel et des risques, notamment militaires, qu’il fait peser sur notre pays. Vous qui n’avez à la bouche que l’économie de guerre, vous qui prétendez accélérer le réarmement de notre pays, vous devez mesurer la vulnérabilité actuelle et future que représente pour un pays comme le nôtre, doté d’un territoire relativement petit, la présence d’autant de réacteurs nucléaires, surtout s’ils sont localisés à proximité d’industries à risque. C’est le cas dans la vallée du Rhône, où ils sont au contact d’industries chimiques et pétrolières.
Si nous voulons que notre pays soit souverain dans sa production d’électricité, si nous voulons qu’il soit résilient en cas de crise, si nous voulons éviter d’offrir à de potentiels ennemis des cibles par lesquelles ils pourraient nous frapper très durement, alors il vaut mieux viser la réduction du nombre d’installations nucléaires dans notre pays, afin de les protéger au mieux et de ne pas multiplier les cibles. Cet argument de défense nationale devrait nous conduire à la plus grande prudence quand il s’agit de créer de nouvelles installations nucléaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Le sous-amendement no 788 de M. Maxime Laisney est défendu.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir le sous-amendement no 789.
M. Matthias Tavel
Le défendre me permettra de rappeler la perspective de notre groupe et de répéter un propos que nous avons déjà tenu hier et sur lequel je suis sûr que vous nous répondrez, monsieur le ministre, une fois la discussion commune terminée.
Vous nous présentez un texte dans lequel figurent des objectifs de puissance installée et de capacités de production d’électricité d’origine nucléaire, mais en même temps vous présentez des amendements qui visent à supprimer des objectifs équivalents pour les énergies renouvelables. Ce « deux poids, deux mesures » est insupportable.
Vous ne pouvez pas, tout en plaidant pour les énergies décarbonées ou la neutralité technologique, nous expliquer que le nucléaire aurait besoin d’un traitement de faveur et d’une visibilité législative que vous refusez aux filières des énergies renouvelables – éolien sur terre et en mer, photovoltaïque, solaire thermique, hydrolien. Pour ces deux derniers, nous avions obtenu en commission de faire figurer des objectifs chiffrés dans le texte, mais vous avez décidé de les supprimer.
Il faut au moins faire l’effort de la cohérence et respecter celles et ceux qui ont engagé notre pays dans les énergies renouvelables et qui ont besoin de visibilité. Je pense à l’éolien en mer, pour lequel la France est un leader européen, avec des productions industrielles absolument remarquables, y compris à l’export.
Ou il n’y a d’objectif chiffré pour personne dans ce texte, ou si vous voulez en mettre pour le nucléaire – ce à quoi nous sommes prêts à consentir pour le parc existant –, il en faut pour les énergies renouvelables. Sinon, ce serait non une loi de programmation sur l’énergie, mais une loi qui pour accélérer la production de nucléaire refuserait tout aux énergies renouvelables, ce qui ne serait pas acceptable. (Mme Marie Mesmeur applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Maxime Laisney, pour soutenir le sous-amendement no 790.
M. Maxime Laisney
Le gouvernement envisage de lancer la construction de six réacteurs électronucléaires de grande puissance d’ici 2026. Je rappelle que la Cour des comptes, visiblement confirmée par EDF, préconise que la décision finale d’investissement soit prise fin 2026.
Sur les bancs d’en face, on aime souvent nous rappeler que la loi ne peut pas tout, eu égard à la physique ou à la vie économique. Or je ne vois pas comment on pourrait lancer la construction de six réacteurs électronucléaires de grande puissance avant la fin 2026 si la décision finale d’EDF n’est même pas tombée.
Quel modèle voulez-vous suivre ? Peut-être avons-nous une réponse, parce que le design détaillé de l’EPR2 ne sera jamais achevé pour la fin de l’année 2026. Peut-être essayez-vous de tordre le bras des ingénieurs d’EDF et de partir sur un autre modèle. Lequel, parce qu’entre le modèle américain et le modèle sud-coréen, il y a des différences de design, de durée de construction, de puissance ?
Enfin, je rappelle qu’avec le dispositif post-Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) que vous avez imposé par 49.3 dans le dernier budget, tous les Français, quel que soit leur profil, assumeront dans leurs factures les nouveaux investissements décidés par EDF.
La moindre des choses serait donc de présenter aux Français ces nouveaux réacteurs.
M. le président
Le sous-amendement no 791 de Mme Anne Stambach-Terrenoir est défendu.
L’amendement no 422 de M. Jérôme Nury, qui fait l’objet des sous-amendements nos 792, 793, 794, 795, 796, 848, 847 et 849, est défendu.
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir le sous-amendement no 792.
M. Matthias Tavel
On ne comprend pas trop ce qui pousse le gouvernement à déposer des sous-amendements sur des amendements discutés après celui qu’il a lui-même déposé. Envisagerait-il déjà le rejet de son amendement ? (Sourires sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Compte tenu du peu de succès qu’il a rencontré depuis le début de la semaine, il a certainement raison d’agir de la sorte d’autant que, pour peu qu’ils lui prêtent l’attention nécessaire, les collègues réserveront certainement un sort défavorable à l’amendement no 642.
Nous évoquons un sujet très sérieux, l’approvisionnement électrique et énergétique de notre pays pour les dix ans à venir, voire au-delà. Pourtant, on ne voit pas où vous voulez aller et avec quelle technologie. Des réacteurs de type EPR 2 ? Des réacteurs fabriqués en Corée ? Et si oui, en Corée du Sud ou en Corée du Nord, car on est en droit de se demander si le RN, ami de M. Poutine, ne souhaite pas installer en France des réacteurs nord-coréens.
M. Julien Odoul
Que dire de vos proximités idéologiques ?
M. Matthias Tavel
Il faudrait aussi qu’on connaisse la trajectoire financière que vous souhaitez pour EDF. M. Rémont a d’ailleurs payé le fait d’avoir signalé des risques financiers : vous l’avez débarqué et assez grossièrement, puisque vous lui avez reproché d’avoir défendu les intérêts de son entreprise, ce qu’il était pourtant censé faire en tant que mandataire d’une société anonyme.
Nous ne connaissons pas plus le calendrier de vos projets. Vous annoncez l’augmentation de 27 gigawatts de la capacité nucléaire, mais on sait que le premier EPR 2 ne sera pas disponible avant 2038. À quel horizon temporel envisagez-vous atteindre votre objectif ? Vous parlez de 2050, mais qui peut croire qu’EDF sera capable de construire treize EPR en une dizaine d’années, alors qu’il fallu autant de temps et même plus pour en construire ne serait-ce qu’un seul ?
Votre projet est le fruit d’un bricolage budgétaire, technique, calendaire et politique – c’est la raison pour laquelle le gouvernement essaie d’accrocher ses amendements à tout ce qui passe et s’efforce ainsi d’éviter la déroute qu’il a subie en commission et que nous lui infligerons de nouveau bientôt, du moins je l’espère. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le sous-amendement no 793.
Mme Mathilde Panot
Permettez-moi d’aborder un sujet sur lequel le gouvernement ne s’est jamais prononcé, alors qu’il avait été mis en lumière par la commission d’enquête de 2018 sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, dont Barbara Pompili était la rapporteure : l’émergence d’une filière nucléaire low cost.
Depuis lors, ce phénomène s’est encore aggravé. Aujourd’hui, 80 % de la maintenance des installations nucléaires est assurée par des sous-traitants, dont les employés reçoivent 80 % de la dose radioactive. Tout le monde comprend le danger que courent ces personnels, qui ne jouissent pas des protections prévues à l’article 4 du statut des industries électriques et gazières (IEG). Tout le monde comprend aussi que, parce qu’ils travaillent à des cadences plus élevées et qu’ils sont moins protégés, ils mettent en danger, outre leur santé, celle de leur environnement, ce qui pose un problème de sécurité.
À cet instant, je veux rendre hommage à Gilles Reynaud, défunt président de l’association Ma Zone contrôlée. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Mort récemment, cet Insoumis défendait les droits des travailleurs. Il aurait aimé pouvoir vous présenter ici les conséquences certaines d’une politique de relance du nucléaire menée alors que nous ne disposons plus des savoir-faire qui permettraient son succès.
J’insiste sur cette question sociale, dont l’enjeu est aussi la sécurité du nucléaire. Monsieur le ministre, vous devriez tirer les leçons de la chute du générateur de vapeur de Paluel ! Elle résultait d’une cascade de défaillances dans la chaîne de sous-traitance, qui aurait pu conduire à un accident nucléaire très grave.
Dès lors que la sous-traitance dans l’industrie du nucléaire fait naître une filière low cost, nous devions planifier la sortie du nucléaire, au lieu de persister dans cette folie d’un autre temps.
M. Julien Odoul
Vous êtes une politique low cost, vous la supportrice du Hamas !
M. le président
La parole est à M. Maxime Laisney, pour soutenir le sous-amendement no 794.
M. Maxime Laisney
Au sujet des sous-traitants du nucléaire, nous avons été alertés par d’autres travailleurs, ceux du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Cet organisme exploite des installations de base et emploie des salariés qui disposent d’un statut spécifique. Ils sont armés et leur rôle est de dissuader toute agression contre un site hébergeant des activités nucléaires, civiles ou militaires.
Or le CEA envisage de remplacer les travailleurs sous statut par des sous-traitants. Travailleurs sous statut et travailleurs sous-traitants n’ont pas le même niveau de formation et, contrairement aux premiers, les seconds n’ont pas le droit d’être armés. Il leur sera donc plus difficile de dissuader d’attaquer une installation nucléaire de base.
Le nucléaire n’est pas seulement affaire d’idéologie ou de sciences physiques, c’est toute une industrie, avec ses filières en amont et en aval, ses déchets, ses travailleurs… Nous, nous tenons à ce que ceux-ci soient bien traités, mais nous constatons qu’ils sont plutôt sous-traités et maltraités. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le sous-amendement no 795.
Mme Mathilde Panot
Il est notable que ce qui reste de la minorité présidentielle ait choisi de nommer son groupe « EPR » – Ensemble pour la République –, alors que l’EPR est le plus grand fiasco industriel jamais connu par notre pays.
M. Thierry Tesson
Pas mal !
Mme Mathilde Panot
Que s’est-il passé avec l’EPR de Flamanville ? Le coût du chantier a été multiplié par sept et sa durée a été multipliée par quatre. L’EPR ne fonctionne toujours pas à plein régime et a dû rester à l’arrêt soixante-seize jours durant ses cent premiers jours d’exploitation. On y a constaté, tenez-vous bien, des fissures dans la fondation, un manque d’indépendance des systèmes de contrôle et de commande, des piliers de béton percés, un mur de la piscine endommagé, des pièces électriques défectueuses, un problème sur la cuve et le couvercle et des soudures défaillantes. En outre, les plans confidentiels de l’EPR, qui contenaient des informations très précises en matière de sécurité, se sont évaporés dans la nature et le gouvernement n’a jamais réagi à ce sujet. L’opérateur Bouygues a été condamné pour travail dissimulé lors de la construction du réacteur. Une panne a touché deux des quatre détecteurs permettant de vérifier la pression et un déséquilibre hydraulique de la cuve a été repéré.
Le tout, alors que la Cour des comptes prévoit que cette installation aura une rentabilité médiocre. Voilà ce qu’on peut attendre du programme EPR 2, censé faire advenir la nouvelle génération de réacteurs nucléaires.
Ce sera un fiasco total et un gouffre financier. Il est impossible de continuer dans cette direction, alors que l’EPR de Flamanville a démontré l’échec de cette politique d’un autre temps. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir le sous-amendement no 796.
M. Matthias Tavel
La présidente de mon groupe vient de parler de l’EPR de Flamanville. Vous lui objecterez certainement que l’EPR 2 sera lancé après qu’on aura tiré les leçons de ce fiasco industriel. Mais sur l’EPR 2 de Penly, le seul qui ait été mis en chantier et qui en est encore aux travaux préparatoires – renforcement de la digue et coulage du béton –, on constate déjà que la granulométrie du béton n’est pas conforme aux exigences fixées lors de la commande du chantier, au point que la résistance du béton censé protéger le nouveau réacteur de l’érosion côtière est compromise.
En somme, aucune leçon n’a été tirée de l’expérience. L’explosion des coûts et l’allongement des délais du chantier de l’EPR 2 – d’autant plus vraisemblable que le président d’EDF annonce d’ores et déjà qu’il privilégiera le respect des délais – provoqueront la révision à la baisse, tout au long du chantier, des exigences de sécurité et de conformité.
Cette situation, que nous avions déjà constatée lors du chantier de l’EPR de Flamanville 3, exposerait les nouvelles centrales à des risques, si des réacteurs étaient construits.
Les problèmes du béton de l’EPR 2 de Penly, c’est-à-dire les anomalies qui touchent un chantier à sa toute première étape, confortent toutes nos craintes : outre qu’il est un fiasco budgétaire et énergétique, le programme EPR 2 sera un fiasco du point de vue de la sécurité des Français.
M. le président
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie, pour soutenir les sous-amendements nos 848, 847 et 849, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Le sous-amendement no 848 tend à supprimer les mots « en faisant du retraitement et du recyclage des combustibles usés leur principal mode de gestion, » à l’alinéa 10, car la disposition visée est déjà satisfaite : il est prévu, à cet alinéa, que la France se dote d’installations de recyclage et de fabrication de mox, tandis que le code de l’environnement prévoit déjà que le retraitement doit être favorisé. De surcroît, cette phrase présente une ambiguïté : il est donc préférable de la supprimer.
Le sous-amendement no 847 est le miroir du sous-amendement no 829 à l’amendement no 503 de M. le rapporteur : il tend à remplacer la référence à l’utilisation des déchets radioactifs par une référence à une fermeture du cycle, afin d’ouvrir plus d’options technologiques.
Enfin, le sous-amendement no 849 vise à supprimer les mots « refroidis au sodium » dans l’alinéa 12 de l’article 3. Le gouvernement a engagé des travaux avec les industriels de la filière nucléaire, pour dégager une feuille de route portant sur la fermeture du cycle du combustible nucléaire. Cette feuille de route envisage plusieurs options technologiques et le choix de la technologie de réacteur doit être pleinement éclairé par ces travaux. Il est prématuré de réserver notre soutien aux seuls réacteurs refroidis au sodium.
M. le président
La parole est à M. Antoine Armand, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission sur cette longue liste d’amendements soumis à une discussion commune.
M. Antoine Armand, rapporteur de la commission des affaires économiques
Merci de me donner la parole après ces quelques dizaines de minutes de présentation des amendements.
Mme Mathilde Panot
Parler longuement ne fera pas revenir les macronistes ! Ils ne sont pas là !
M. Antoine Armand, rapporteur
Madame Panot, c’était très intéressant de vous écouter, mais il serait préférable de revenir au fond, comme l’ont fait vos collègues.
M. Matthias Tavel
Elle l’a fait aussi !
M. Antoine Armand, rapporteur
Pour éclairer les débats, il me paraît d’abord important de démonter deux ou trois des mensonges les plus scandaleux que les groupes La France insoumise et Écologiste et social ont répandus, en particulier aujourd’hui – nos débats d’hier soir étaient corrects et décents.
Deux ou trois choses dites aujourd’hui ont donc contribué à inquiéter nos citoyens pour rien et je me dois de rétablir la vérité.
Je dénonce d’abord le mensonge éculé, selon lequel il n’y aurait pas de dose minimale de radioactivité pour être contaminé. Vous savez tous, et depuis longtemps, que la radioactivité est une donnée physique qui existe à des degrés divers dans tout notre environnement, y compris, pour prendre un exemple célèbre, dans les bananes que vous mangez parfois à la buvette et qui – pour autant que je sache – n’ont pas produit de conséquences sur vous, en tout cas pas d’effets notables.
M. Maxime Laisney
Ce n’est pas au niveau !
M. Antoine Armand, rapporteur
Deuxième point très important, s’agissant de la sûreté : en invoquant des avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) dans la présentation de vos sous-amendements, vous avez sous-entendu que la relance du nucléaire que nous promouvons s’effectuerait sans l’avis de l’ASNR. C’est totalement faux et vous le savez : chaque minute de fonctionnement d’une centrale nucléaire française est soumise à l’examen de l’ASNR, qui peut faire arrêter un réacteur à n’importe quel moment, à moins que l’exploitant ne le fasse lui-même par précaution, comme ce fut le cas dans les situations de corrosion sous contrainte.
Par pitié, partageons au moins une base de débat rationnel, qui vous éviterait de soutenir que les mesures de relance du nucléaire défendues par le rapporteur, le gouvernement et vos collègues – dont certains siègent dans des groupes alliés au vôtre – ne seraient pas soumises à un avis de l’ASNR. Exiger le rétablissement d’un tel avis relève de la redondance, ne laissons pas passer une telle contrevérité !
Le mensonge colporté le plus évocateur est peut-être celui de notre collègue Tavel qui vient à l’instant, avec une force de précision extraordinaire, de nous parler de la granulométrie du béton. Il s’agit en réalité des blocs cubiques rainurés – les BCR. À l’entendre, on est impressionné par sa compétence extrêmement poussée en matière de granulométrie du béton des îlots nucléaires. Alors, l’inquiétude nous gagne : on compulse nos notes et on craint d’avoir laissé passer la non-conformité d’un bloc cubique rainuré. L’accident nucléaire serait-il proche, puisque M. Tavel nous le dit ? En fait, monsieur Tavel, vous colportez une rumeur de deux journaux…
M. Matthias Tavel
Ça a été confirmé !
M. Antoine Armand, rapporteur
…démentie fermement par l’ASNR dans une lettre du 7 mars 2025 qui souligne l’absence de tout problème lié aux BCR et qui rappelle en outre que les BCR, contrairement à ce que vous affirmez, ne sont pas situés dans l’îlot nucléaire. Vous le savez, parce que vous travaillez vos dossiers : alors, pourquoi affirmez-vous le contraire ? Pour colporter des inquiétudes et diffuser une ambiance de peur et d’angoisse,…
M. Matthias Tavel
Pas du tout, vous le faites très bien tout seul !
M. Antoine Armand, rapporteur
…dans le but de créer de la défiance envers notre système nucléaire. C’est dommage.
Je reviendrai peut-être, en rebond à d’éventuelles interventions, sur la question de l’industrie en général. En tant que pronucléaire, je n’ai aucune difficulté, tout comme nos collègues, notamment la présidente Panot, à regarder en face la question du chantier de l’EPR de Flamanville. La commission d’enquête à laquelle certains d’entre nous ont participé a auditionné plusieurs responsables de chantier et a constaté que ce chantier n’avait été une franche réussite ni financière ni industrielle.
Toutefois, nous avons aussi tiré collectivement les leçons de cet échec. Parmi celles-ci figure la nécessité de concevoir un design plus simple, de créer non un réacteur unique mais une paire pour commencer, puis six, voire plus encore, justement pour produire un effet industriel. Vous ne pouvez pas mettre ces enseignements de côté.
Avant de donner mes avis, je rappelle que nous parlons ici de la relance du nucléaire ; à l’article 4, nous examinerons les réseaux et à l’article 5, les énergies renouvelables électriques et thermiques. Même s’il s’agit d’une proposition de loi, non d’un projet de loi, nous essayons de ne pas traiter de toutes ces questions à l’aveugle mais de les inscrire dans un scénario énergétique cohérent.
Celui que vous défendez pour le système électrique est le scénario 100 % énergies renouvelables. Or il a fait l’objet de longs développements de la part de RTE, notamment dans son rapport spécifique de 2021 selon lequel il est impossible de prouver sa soutenabilité technique, économique et scientifique.
M. Matthias Tavel
Il est mis en débat !
M. Antoine Armand, rapporteur
Je vous renvoie à ce rapport, qui a donné lieu à de longs débats. Quand vous promouvez ce scénario, de deux choses l’une : ou bien vous favorisez le gaz naturel, qui pollue et que vous conspuez par ailleurs ; ou bien vous favorisez et vous soutenez – ce qui constitue d’ailleurs une partie de votre programme – la décroissance économique et industrielle.
M. Matthias Tavel
C’est vous qui faites de la décroissance industrielle partout !
M. Antoine Armand, rapporteur
Vous comprendrez donc que je sois en désaccord avec votre scénario que je me dois d’éclairer. Vous n’êtes pas obligé de crier, monsieur Tavel. Quand vous parlez, je ne crie pas ; je vous écoute, je prends des notes et j’essaie de vous répondre. Même quand vous dites des choses fausses, je me tais. Peut-être pourriez-vous agir de même si vous n’êtes pas d’accord ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN, EPR, DR et UDR.)
M. le président
M. le rapporteur vous a écoutés quasi religieusement pendant une bonne dizaine d’heures : c’est son travail.
Mme Julie Laernoes
Pas dix heures, monsieur le président, il ne faut pas exagérer ! Une heure hier, une demi-heure aujourd’hui.
M. le président
Un paquet d’heures, en tout cas. C’est d’ailleurs votre droit, en temps législatif programmé. J’aimerais simplement que s’agissant d’un sujet important, sur lequel chacun a ses propres convictions et peut s’exprimer, on puisse débattre sans s’interrompre. C’est tout ce que je demande, monsieur Tavel.
M. Matthias Tavel
Et qu’il n’y ait pas de mises en cause personnelles ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Vous aurez l’occasion de répondre aux propos de M. le rapporteur si vous le souhaitez.
Mme Mathilde Panot
Ça s’appelle le respect du débat parlementaire !
M. le président
J’aimerais qu’on écoute M. le rapporteur exprimer ses avis. À mise en cause personnelle, mise en cause personnelle et demie, puisque vous avez indirectement mis en cause la présidence en évoquant ses fonctions passées.
M. Jean-Yves Bony
Eh oui !
M. le président
Restons-en là. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole et vous seul.
M. Antoine Armand, rapporteur
Je n’ai mis en cause personne. La seule mise en cause a été celle des bétons cubiques rainurés par M. Tavel et je me suis permis de les défendre parce que vos propos sont radicalement faux, ce qui a été prouvé. Chacun pourra le vérifier, les informations sont publiques. Je rebondirai un peu plus tard aux différentes prises de position et je vais exprimer mes avis.
L’amendement no 503 que j’ai déposé vise à inscrire dans la loi – ce serait la première fois dans l’histoire de la Ve République – notre attachement au parc nucléaire existant, la relance du nucléaire avec six réacteurs de type EPR 2, plus huit à l’étude, et le lancement inédit d’un travail de recherche de quatrième génération, dans le but d’obtenir un démonstrateur de réacteur à neutrons rapides et de progresser sur la question de la surgénération. En effet, on peut être pour le nucléaire et poser un regard lucide sur la question du combustible comme sur celle des déchets que vous avez soulevée.
Je serai donc logiquement défavorable aux amendements nos 518, 587, 588 et 165.
En ce qui concerne les sous-amendements à mon amendement no 503, j’exprime un avis de sagesse sur le sous-amendement no 714 qui vise à inclure le démantèlement dans l’information relative aux coûts du système de production électrique : on peut être pronucléaire et n’avoir aucune difficulté à favoriser la transparence de l’ensemble des coûts, y compris ceux du démantèlement.
Je suis favorable au sous-amendement no 779 de M. Bruneau qui propose de remplacer l’objectif d’augmentation de la disponibilité des réacteurs nucléaires par l’objectif d’augmentation de leur utilisation. Il apporte de la précision.
Je donne un avis de sagesse sur le sous-amendement rédactionnel no 825 de M. Amblard qui propose de remplacer « augmenter » par « maximiser ». Je ne suis pas convaincu de sa portée mais je ne m’y oppose pas.
Je suis favorable au sous-amendement no 828 du gouvernement, qui privilégie le terme de maintien de la disponibilité des installations de retraitement à celui de maintien en fonctionnement.
Même avis favorable au sous-amendement no 829 du gouvernement à propos de la fermeture du cycle du combustible nucléaire sur le long terme.
Avis défavorable à tous les autres sous-amendements à l’amendement no 503.
Sur les amendements suivants, demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
M. le président
Je précise que le sous-amendement no 804 de M. Maxime Amblard a été retiré.
(Le sous-amendement no 804 est retiré.)
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement sur les amendements et sous-amendements en discussion commune ?
M. Marc Ferracci, ministre
Tout comme M. le rapporteur, je me livre à quelques explications avant de formuler mes avis. Sur le premier sujet abordé par M. le rapporteur, celui de la sûreté, je me suis exprimé hier soir pour décrire le cadre dans lequel était opéré le contrôle de la sûreté des réacteurs nucléaires, en particulier le cadre juridique. Je n’y reviendrai pas.
Un enjeu important et commun à de nombreux amendements déposés est celui de la production nucléaire et de sa maximisation. Le premier enjeu concerne l’augmentation de la disponibilité des réacteurs. À cet égard, le gouvernement est favorable à toutes les dispositions susceptibles d’augmenter la production nucléaire par l’opérateur EDF grâce à l’augmentation de la disponibilité des réacteurs. Le parc nucléaire existant produit 360 térawattheures, chiffre qui pourrait être porté à 400 térawattheures, sous réserve que l’organisation interne à EDF le permette. Cette perspective est cohérente avec nos échanges.
Un second enjeu, différent de celui de la disponibilité des réacteurs, touche à l’augmentation de la puissance individuelle des réacteurs. J’informe la représentation nationale qu’EDF mène une étude pour déterminer les conditions et les modalités qui rendraient possible une telle augmentation. Dès lors, il apparaît prématuré de soutenir des d’amendements qui postulent déjà cette évolution.
J’en viens à l’augmentation de la production par l’introduction de capacités nouvelles. J’ai eu l’occasion de le dire hier à propos de l’amendement no 503 de M. le rapporteur : nous avons des visions divergentes de l’équilibre à établir entre ce que j’appellerais – pour reprendre les mots de Gramsci – l’optimisme de la volonté et le pessimisme de la raison qui doit le tempérer.
Je m’explique : certains amendements, en particulier ceux des membres du groupe Rassemblement national, fixent des objectifs d’installation de capacités supplémentaires qui me paraissent extrêmement ambitieux et – j’ose le dire – déraisonnables.
Ils sont déraisonnables au vu des potentialités de la filière industrielle qu’est la filière nucléaire. Avec le ministre Éric Lombard, nous avons signé il y a quelques jours un contrat de filière qui met tous les acteurs en mouvement, qui fixe des objectifs relatifs à la performance industrielle, aux compétences et au recrutement, et qui donne une perspective à l’ensemble des parties prenantes.
Néanmoins, il faut avoir conscience des contraintes associées à la filière industrielle. J’en donne simplement un exemple et une illustration. La nouvelle filière nucléaire française, selon une analyse réalisée notamment par l’université des métiers du nucléaire, devrait pouvoir recruter 100 000 personnes dans les dix prochaines années. Si on a l’ambition de doubler, voire de tripler l’installation de capacités supplémentaires dans le parc nucléaire, les besoins de recrutement vont augmenter dans les mêmes proportions. Certes on peut, là encore, faire confiance à l’optimisme de la volonté, mais soyons lucides quant à notre capacité d’organiser la montée en charge de l’ensemble de la filière nucléaire.
Je veux attirer votre attention sur ce point : si nous pouvons partager des ambitions avec M. le rapporteur, en particulier celle d’inscrire dans ce texte le principe de la création de huit réacteurs supplémentaires et de l’installation de 13 gigawatts de puissance supplémentaire, il faut néanmoins avoir conscience des contraintes associées.
Des études sont menées par EDF pour identifier les sites susceptibles d’accueillir les huit réacteurs supplémentaires. Douze sites sont préidentifiés ; EDF a d’ores et déjà fourni au gouvernement des éléments d’appréciation relatifs à cinq d’entre eux, pour mesurer leur capacité à recevoir ces nouveaux réacteurs. Les critères pris en compte sont le raccordement électrique, l’acceptabilité sociale et la question, soulevée sur les bancs de la gauche, de la gestion des ressources en eau. Cette analyse doit se poursuivre et aller à son terme avant toute prise de décision définitive. Néanmoins, je réserve mon avis sur l’amendement no 503 ; je le donnerai dans un instant.
Enfin, j’ai entendu ce qui s’est dit sur l’ensemble des bancs à propos de la question cruciale des coûts du nucléaire. Comme M. le rapporteur, je m’en remettrai à la sagesse de l’Assemblée sur l’amendement de Mme Voynet qui souhaite intégrer la phase de démantèlement des réacteurs dans l’ensemble des coûts dont il s’agit de favoriser la transparence. En effet, il faut mettre toutes les données sur la table.
Néanmoins, s’agissant de la transparence des coûts, rien n’est caché. Il suffit de se plonger dans les rapports de la Cour des comptes ou de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Il suffit de se reporter aux déclarations du gouvernement, en particulier de votre serviteur, sur les coûts du programme du nouveau nucléaire français. Je veux le redire, après l’avoir indiqué lors du débat organisé au titre de l’article 50-1 de la Constitution : l’objectif de coûts que nous fixons pour le nouveau nucléaire français est de 67 milliards d’euros.
Il n’y a rien d’obscur, rien de caché, rien de flou. Notre approche consiste à mieux organiser la filière de telle sorte que les relations entre les donneurs d’ordre et les fournisseurs permettent de maîtriser les coûts. La transparence sur ces coûts sera toujours totale, notamment à l’égard de la représentation nationale. Voilà ce que je voulais dire avant d’en venir aux avis.
M. Sylvain Maillard
Allez ! On se compte !
M. Marc Ferracci, ministre
Sur l’amendement du rapporteur, compte tenu des réserves que j’ai émises à propos de la distinction entre six et huit réacteurs, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée, sous réserve de l’adoption des amendements nos 828 et 829 auxquels le rapporteur a donné un avis favorable. Je serai également favorable au sous-amendement no 779 de M. Bruneau. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée sur l’amendement no 714 de Mme Voynet. Je fais de même sur l’amendement no 15, sous réserve de l’adoption des sous-amendements du gouvernement nos 847, 848 et 849. Enfin, je suis défavorable à l’ensemble des autres amendements et sous-amendements. Est-ce clair, monsieur le président ?
M. le président
Parfaitement clair !
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Je prendrai quelques minutes pour m’exprimer sur l’article 3 (« Oh non ! » sur quelques bancs du groupe RN), n’ayant pas encore eu l’occasion de le faire. La suppression de cet article en commission des affaires économiques n’est pas le fruit d’une maladresse ni d’une erreur, comme cela a pu être dit, mais de visions différentes qui se confrontent : en commission, aucune majorité ne s’est dégagée en faveur d’un scénario en particulier.
Ces différentes visions ne sont pas des hallucinations : elles correspondent aux six scénarios établis par Réseau de transport d’électricité (RTE) à l’horizon 2050, depuis les trois scénarios ne comportant aucune nouvelle installation nucléaire jusqu’au scénario le plus nucléarisé, qui est celui défendu peu ou prou par le gouvernement et le rapporteur. Quant à la proposition de loi issue du Sénat, elle est encore plus nucléarisée que le plus nucléarisé des scénarios de RTE.
Nous sommes confrontés à deux problèmes. D’abord, monsieur le ministre, nous ne disposons pas d’un projet de loi dans lequel le gouvernement présenterait une vision globale de l’énergie pour les décennies à venir. Nous débattons de la production d’énergie nucléaire sans avoir déterminé la baisse de consommation d’énergie que nous visons dans dix ans ; or RTE souligne bien que cette baisse est nécessaire dans tous les scénarios. Nous n’examinons pas cette baisse de la consommation, ni comment l’atteindre, alors qu’elle constitue un des piliers des scénarios de RTE.
Ensuite, pour satisfaire cette consommation, il faudrait savoir quelle production d’énergie totale nous visons et, en son sein, quelle production d’électricité nous prévoyons, pour enfin déterminer le mix entre production nucléaire et production par énergies renouvelables. Nous nous apprêtons à fixer, pour des dizaines d’années, un niveau de production d’énergie nucléaire sans même débattre du scénario d’ensemble. Une telle façon de légiférer pose problème.
D’autant que tout cela conditionne des engagements financiers considérables. La Cour des comptes précise qu’un EPR 2 coûte environ 12 milliards d’euros ; quatorze EPR 2 coûteront donc près de 170 milliards d’euros. Quant aux soixante EPR 2 réclamés par certains, ils coûteront plus de 700 milliards d’euros, soit un montant supérieur au budget annuel de l’État. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
À cela s’ajoute un troisième problème, que le rapporteur a reconnu : le manque crucial de transparence des données. Vous prétendez, monsieur le ministre, que la Cour des comptes dispose de toutes les informations nécessaires. Or cette dernière souligne au contraire, dans son rapport de janvier 2025, que « le programme EPR 2 demeure caractérisé à ce jour par l’absence de devis abouti et d’un plan de financement ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Julie Laernoes applaudit également.)
Ce rapport précise aussi que, compte tenu des données disponibles concernant l’EPR de Flamanville, le prix de l’électricité ainsi produite n’est pas rentable : un prix de 122 euros par mégawattheure serait nécessaire pour atteindre un taux de rentabilité interne (TRI) de 4 %. Nous devons bien avoir en tête que, si nous faisons le choix du nouveau nucléaire, cela coûtera au contribuable. Il y a quelques semaines, nous avons contrôlé à Bercy, avec le rapporteur général du budget, les documents relatifs à Hinkley Point C : ils montrent que EDF est déjà lourdement endetté par le choix du nouveau nucléaire fait par certains de nos voisins.
M. Sylvain Maillard
C’est un prototype !
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Il est quand même problématique de légiférer sans débattre d’un scénario d’ensemble ni disposer de données solides, qu’elles soient techniques ou financières, alors que nos choix engageront nos concitoyens pour des dizaines d’années. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sandrine Rousseau applaudit également.)
M. le président
Avant d’en venir aux explications de vote personnelles, y a-t-il des retraits d’amendements ou de sous-amendements ? (Plusieurs députés du groupe EPR ouvrent leur boîtier de vote.) Rangez vos boîtiers : pour ceux qui ont raté les premiers épisodes, je rappelle que la procédure du temps législatif programmé s’applique, il faut donc faire preuve de patience.
Mme Mathilde Panot
Ils ne viennent pas souvent, il ne faut pas leur en vouloir !
Explications de vote personnelles
M. le président
La parole est à M. Maxime Amblard.
M. Maxime Amblard
À l’issue de cette très longue discussion commune, permettez-moi de vous faire part de mon ressenti : je suis profondément attristé. Attristé de ce que j’ai pu entendre jusqu’à présent, ces longues minutes de monologues vides et dénués de logique qui ont émané des bancs d’en face.
Mme Dominique Voynet
On vous renvoie le compliment !
M. Maxime Amblard
Attristé de voir que, même sur un sujet si essentiel, sur un problème si crucial, sur une proposition de loi si lourde de conséquences pour la France, nos collègues écologistes et d’extrême gauche…
Mme Mathilde Panot
Nous ne sommes pas d’extrême gauche !
M. Maxime Amblard
…s’enfoncent toujours plus dans leur idéologie antinucléariste hors sol, déconnectée de la réalité.
Pourtant, il y avait un espoir. J’ignore, mes chers collègues, si vous l’avez aussi remarqué, mais à ma grande stupeur et à mon grand soulagement, pas une seule fois l’extrême gauche n’a prononcé le mot « dangereux » pour caractériser le nucléaire. Incroyable, mais vrai !
Mme Mathilde Panot
Vous avez mal écouté !
Mme Julie Laernoes
Vous étiez réveillé ou pas ?
M. Maxime Amblard
Serait-il possible qu’après dix, vingt, quarante ans de mensonges, de manipulation de l’opinion, de déformation de la réalité et d’antiscience, les antinucléaires que vous êtes aient enfin compris que le nucléaire n’est pas dangereux ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Maxime Laisney
Le nucléaire n’est pas dangereux ?
M. Maxime Amblard
Il vous aura fallu du temps, mais vous démontrez ainsi que les miracles existent. (Mme Clémence Guetté s’exclame.)
À présent, vous prétendez que le nucléaire serait trop cher et trop long à construire, que la quatrième génération de réacteurs serait un mirage lointain et utopique.
M. Matthias Tavel
Eh oui !
M. Maxime Amblard
Mais qui a mis un coup d’arrêt au programme nucléaire français ?
Mme Julie Laernoes
C’est la filière qui s’est autodétruite ! Vous la connaissez, n’est-ce pas ?
M. Maxime Amblard
Qui a fragilisé notre fleuron national pour se plier aux idioties de Bruxelles ? Qui a saboté notre industrie nucléaire ? Qui a tout fait pour que le nucléaire s’arrête dans ce pays ? Qui a mis à l’arrêt le réacteur Superphénix, alors que nous avions vingt ans d’avance sur la quatrième génération ? Qui a trahi les intérêts de la France ? C’est vous ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – M. Philippe Brun s’exclame.)
C’est vous qui adaptez votre argumentaire en fonction de l’opinion publique ! C’est vous qui reprochez au nucléaire les maux que vous lui avez vous-mêmes provoqués depuis trente ans ! C’est vous qui essayez de nous faire croire que ce que la France a réussi à faire avec le plan Messmer, il serait impossible de le refaire ! C’est vous qui mentez continuellement, qui niez les faits, qui reniez l’histoire dans le seul but cynique et hypocrite de servir vos dogmes et d’enfumer les Français !
Mais soyez assurés d’une chose : là où vous avez saboté et trahi, là où les macronistes ont renoncé puis échoué, là vous avez failli, le Rassemblement national ne manquera ni de volonté, ni d’ambition, ni de courage pour réussir ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR. – M. François-Xavier Ceccoli applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Maxime Laisney.
M. Maxime Laisney
À l’issue de cette discussion commune, je voudrais faire part de notre impression à la suite des réponses apportées par le rapporteur et le ministre.
Monsieur le rapporteur Armand, franchement, vous valez mieux que ça : nous sortir la radioactivité dans les bananes ! Pardon, mais les amanites phalloïdes sont naturelles et, pourtant, je ne crois pas qu’on en serve à la buvette ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Ce n’est pas parce que la radioactivité est naturelle qu’elle n’est pas dangereuse et qu’elle ne provoque pas de maladies. L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a montré que le gaz appelé radon, produit naturellement par la désintégration du radium, causerait 3 000 morts du cancer du poumon chaque année. Je ne crois pas que nous puissions nous en réjouir ni nous en laver les mains.
Quant à l’enquête Inworks que j’ai citée tout à l’heure, à laquelle l’IRSN a contribué, et qui mesure l’effet de l’exposition chronique des travailleurs du nucléaire à de faibles doses de rayonnements, elle montre qu’il n’existe pas de seuil au-dessous duquel l’exposition aux radiations n’entraîne aucune maladie. Ce fait nous a été confirmé lors de la commission d’enquête relative aux essais nucléaires en Polynésie ; elle fait l’objet d’un consensus scientifique.
Par ailleurs, alors que nous avons mentionné le risque d’accident nucléaire, vous donnez l’impression que, chez vous, Fukushima et Tchernobyl n’existent pas – les victimes apprécieront. Nous avons également évoqué les plans particuliers d’intervention en cas d’accident, sans recevoir de réponse. Mon collègue Tavel a dit que disposer d’installations nucléaires, même civiles, lorsqu’on est en conflit armé, comme c’est malheureusement de plus en plus le cas autour de nous, est extrêmement dangereux : là encore, aucune réponse !
S’agissant plus précisément de l’objet des amendements et sous-amendements en discussion, nous n’avons reçu aucune réponse sur le modèle de relance du nucléaire que vous souhaitez construire. À vrai dire, on a pu observer sur ce point un hiatus entre le rapporteur et le ministre : l’un semble s’engager en faveur des EPR 2, quand l’autre n’ose pas dire ce qu’il veut faire. Nous aimerions bien savoir ce qu’il y a dans les tuyaux !
Nous n’avons reçu aucune réponse sur le coût, à part pour reprendre un vieux chiffre déjà contesté et mis à jour par la Cour des comptes. On ne sait donc toujours pas ce qu’il se passera sur les factures de l’ensemble des consommateurs, particuliers, entreprises ou collectivités locales. Nous voyons bien que cela mettra en péril la réindustrialisation et la décarbonation du pays. J’en profite pour dire que votre mauvais accord post-Arenh – qui doit succéder à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique – est également mauvais pour EDF.
Nous n’avons eu aucune réponse sur les délais de construction des différents réacteurs. Nous voyons bien que nous ne serons pas du tout armés pour lutter contre le changement climatique. En vérité, ce que vous nous promettez, en pariant tout sur le nouveau nucléaire et rien sur la sobriété, ni sur l’efficacité, ni sur les énergies renouvelables, c’est le retour à la bougie !
Enfin, s’agissant des scénarios de RTE cités par le rapporteur Armand…
M. Antoine Armand, rapporteur
Et par la présidente Trouvé !
M. Maxime Laisney
…et, effectivement, par la présidente de la commission : RTE doit remettre son ouvrage sur le métier et actualiser ces scénarios, pour en présenter une nouvelle version en octobre 2026. Dans la version de 2021, six scénarios sont présentés et la relance du nucléaire figure seulement dans trois d’entre eux. Dans trois autres scénarios, aucune nouvelle installation nucléaire n’est prévue. Un scénario vise même 100 % d’énergie renouvelable en 2050. En revanche, tous ces scénarios prévoient une augmentation du recours aux énergies renouvelables. Il faut dire la vérité, toute la vérité : il est urgent de planifier la sortie du nucléaire, ce qui ne signifie pas fermer bêtement toutes les centrales du jour au lendemain et ne rien construire de nouveau. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme Mathilde Panot
Au moment où nous devons nous prononcer sur l’ensemble de ces amendements, je souhaite que nous réalisions le choix de civilisation que nous nous apprêtons à faire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RN, EPR et DR.)
J’utilise ce terme à dessein. Si vous vouliez être un peu plus intelligents (Nouvelles exclamations sur les bancs des groupes RN, EPR et DR), vous iriez lire la bande dessinée d’Étienne Davodeau, Le Droit du sol. L’auteur y raconte son périple depuis la grotte de Pech Merle jusqu’au site Cigeo, à Bure, dans lequel doit se faire l’enfouissement des déchets nucléaires pour au moins 100 000 ans. Il faut imaginer qu’il y a moins de temps entre notre génération humaine – celle qui vit actuellement sur Terre – et celle qui nous a légué, il y a 20 000 ans, les chevaux et les mammouths des peintures rupestres, qu’entre notre génération et celle qui sera là dans 100 000 ans, lorsque les déchets nucléaires auront cessé d’être radioactifs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Telle est l’ampleur du choix que l’on s’apprête à faire !
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’ai pour vous une question très simple : comment allez-vous prévenir les générations futures que des déchets nucléaires sont enfouis à cet endroit ? Sur quelle matière ? Dans quelle langue ? (Mêmes mouvements.) Je vous donne un exemple : en 2018, nous avons retrouvé à proximité de Verdun une usine de destruction d’obus, qui polluait les sols avec du plomb, du zinc et de l’arsenic – c’est comme cela qu’elle a été découverte. Cette usine avait détruit, dans les années 1920, 1,5 million d’obus chimiques et 30 000 obus explosifs.
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------
M. le président
La parole est à M. Joël Bruneau.
M. Joël Bruneau
Les députés du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires voteront pour le rétablissement de l’article 3. Nous sommes bien conscients que nous avons besoin de la filière nucléaire pour assurer l’alimentation en énergie et la souveraineté énergétique du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes RN et Dem.) Le choix du tout renouvelable nous imposerait, pour disposer d’une énergie pilotable et compenser l’intermittence, de recourir aux énergies fossiles – ce contre quoi nous voulons justement nous prémunir.
D’une part, comme nous l’avons souligné par l’un de nos amendements, nous devons optimiser l’existant – ces équipements peuvent rendre encore bien des services. D’autre part, nous devons poursuivre les efforts d’industrialisation des EPR 2. Les coûts ont été beaucoup évoqués. Je ne sais pas si les 67 milliards estimés pour la relance de la filière nucléaire seront suffisants – je ne serais pas aussi affirmatif. Pour donner un ordre de grandeur, je citerai un autre chiffre qui a été repris récemment dans un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), dont l’un des auteurs est notre excellent collègue Jean-Luc Fugit : les investissements en matière de réseau, supportés par Enedis et RTE, représenteront à eux seuls près de 200 milliards.
M. Antoine Armand, rapporteur
Il a raison !
M. Joël Bruneau
Le raccordement de l’éolien offshore représente à lui seul 40 milliards d’investissement pour RTE. Nous n’y sommes pas pour autant opposés. (Sourires sur les bancs du groupe RN.) Simplement, ayons l’honnêteté de dire à nos concitoyens que la décarbonation de l’économie française entraînera de toute façon une énergie plus chère que les énergies fossiles. Même si le terme « civilisation », qui a été utilisé, me paraît excessif, mais c’est évolution notable, dont nous devons tenir compte – nous avons profité pendant plusieurs décennies d’une énergie fossile bon marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – M. Romain Daubié applaudit également.)
M. le président
La parole est à Mme Dominique Voynet. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Je donne à la parole à tous ceux qui la demandent.
M. Julien Odoul
Oraison funèbre !
M. Kévin Pfeffer
La messe !
M. le président
Un peu de silence, s’il vous plaît.
Mme Dominique Voynet
Muni des oripeaux de l’expertise, M. Amblard nous donne depuis des heures des leçons sur un ton professoral. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Mais il doit être conscient d’une chose : il n’est pas expert en nucléaire. Il travaille dans le secteur – il est ingénieur ; il n’est pas plus expert qu’un professeur d’histoire en collège n’est historien.
Plusieurs députés du groupe RN
Pas plus que vous !
Mme Dominique Voynet
Il n’est pas plus expert en matière de santé publique qu’un infirmier ou un médecin. Il donne son avis, il a raison de le faire, tout comme nous.
M. Laurent Jacobelli
Vous voulez que je vous rappelle votre bilan ? Vous avez tué le nucléaire ! Votre politique a coûté une fortune !
Mme Dominique Voynet
Nous sommes pour l’essentiel des amateurs éclairés qui lisent, qui travaillent et qui s’intéressent à un sujet vital pour l’avenir de notre pays. Qu’on soit pour ou contre le nucléaire,…
M. Laurent Jacobelli
Nous sommes pour !
M. Pierre Pribetich
On avait compris !
Mme Dominique Voynet
…on doit s’intéresser à des questions techniques. On doit agir avec responsabilité…
M. Laurent Jacobelli
Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?
Mme Dominique Voynet
…pour prendre en compte les enjeux de sûreté, de sécurité et de radioprotection ainsi que les risques géostratégiques et financiers. On doit s’intéresser avec lucidité au calendrier : on nous dit que nous devrions y arriver à marche forcée, que nous allons pousser les feux et que nous serons prêts, peut-être en 2025, peut-être en 2026, à lancer un certain nombre de tranches. Mais même avec beaucoup de volontarisme, même dans l’hypothèse où tout se passerait bien, que fera-t-on entre 2025 et 2040 ? Et puis bien sûr, il y a la question des coûts, que certains ici évacuent d’un revers de main, alors que sur tous les autres sujets – les retraites, la santé, les dépenses de l’État –, il semblerait pourtant que ce soit leur préoccupation première.
Je suis préoccupée. (« Oh » sur les bancs du groupe RN.) Je suis inquiète des coûts – ils sont politiques. À l’Opecst, quand nous avons posé la question des coûts de Cigéo, on nous a répondu que les estimations qui avaient été avancées l’avaient été parce qu’il fallait donner un chiffre et qu’il pourrait aussi bien s’agir de 50 milliards que de 25 milliards.
M. Laurent Jacobelli
Il y a encore combien de pages ?
Mme Dominique Voynet
Monsieur Amblard, vous y étiez. C’est la même chose pour le réacteur thermonucléaire expérimental international (Iter). Le projet a été estimé à 25 milliards, mais on sait déjà que le montant va doubler dans les huit années à venir. Ajoutons à cela la construction de six EPR 2 et l’étude de la construction de huit EPR 2 supplémentaires, le grand carénage, les piscines à La Hague et l’extension de l’usine d’enrichissement d’uranium Georges Besse II à Tricastin. On n’en finit pas d’additionner les milliards, les dizaines de milliards, et peut-être demain, les centaines de milliards.
Soyons raisonnables et arrêtons de faire l’autruche :…
M. Laurent Jacobelli
C’est un animal protégé !
Mme Dominique Voynet
…nous sommes dans une situation difficile, nous devons faire preuve de lucidité. Monsieur le rapporteur, j’aurais aimé que vous reconnaissiez que pour beaucoup d’entre nous, le fait d’admettre que les centrales existantes vont continuer à fonctionner le temps que nous nous dotions des équipements alternatifs permettant de s’en passer, constituait une évolution importante. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Évidemment, on peut toujours revenir en arrière dans l’histoire.
M. Laurent Jacobelli
C’est un modèle pour vous, la préhistoire ?
Mme Dominique Voynet
Que s’est-il passé dans l’histoire ? Il y a vingt-cinq ans – vingt-cinq ans –, nous avions soixante tranches nucléaires, il en reste cinquante-sept.
M. Laurent Jacobelli
Une chandelle, une peau de bête, allez hop ! (Sourires sur les bancs du groupe RN.)
Mme Dominique Voynet
Au cours de ces vingt-cinq années, les gouvernements qui se sont succédé n’ont pas voulu, pu ou su développer des solutions alternatives en matière de nucléaire. Pendant ce temps-là, de nombreux pays, en Europe et dans le monde, ont développé des techniques beaucoup plus économes, beaucoup plus rapides à développer, et pas si intermittentes et non pilotables que cela, dans le domaine des renouvelables.
M. Sylvain Maillard
Nous n’avons pas de chance ! Nous faisons toujours les mauvais choix, nous !
Mme Dominique Voynet
Nous vous attendons sur une politique de responsabilité, de lucidité et de maîtrise des coûts. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à M. Jérôme Nury.
M. Jérôme Nury
L’intérêt du texte dans son ensemble résidant principalement dans l’article 3, sa suppression, volontaire ou par maladresse, en commission des affaires économiques, était dramatique. Comment imaginer un texte sur l’énergie sans la base de notre électricité, le nucléaire, qui représente 70 % de notre production ? Nous aurions été totalement irresponsables de l’accepter et nous ne pouvons que nous réjouir de la réintroduction en séance de cet article par plusieurs amendements, dont celui du rapporteur, qui donne un vrai signal positif à toute la filière, et, surtout, qui inverse totalement les délires écolo-gauchistes qui ont prévalu depuis 2012.
Enfin, nous devons convenir que le nucléaire est la seule énergie qui coche toutes les cases d’une énergie d’avenir. Elle devrait faire consensus sur tous les bancs : elle est verte car totalement décarbonée, ce qui devrait vous plaire ; elle est pilotable – on peut moduler la production selon la demande pour s’adapter au marché – et souveraine– la France dispose d’un savoir-faire unique au monde depuis cinquante ans –, ce qui plaît sur ces bancs ; enfin, elle est économique, puisqu’elle a permis durant des décennies d’assurer aux Français des factures d’électricité raisonnables, jusqu’à ce que la folie dépensière des soi-disant renouvelables gagne notre pays.
Sur les bancs de la Droite républicaine, nous y sommes favorables, car nous défendons le pouvoir d’achat des Français. Il était donc essentiel à nos yeux de disposer d’une vision claire, ambitieuse et chiffrée de la relance du nucléaire ; nous voterons avec entrain pour la réintroduction de l’article 3. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
M. le président
Il y a deux prises de parole supplémentaires. Je rappelle que dans le cadre du temps législatif programmé, la parole est libre jusqu’à ce que le temps de parole du groupe soit écoulé. Comme vous êtes nombreux en séance publique, il serait souhaitable que nous puissions passer au vote en présence de l’ensemble des personnes qui ont envie de se prononcer.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Monsieur le rapporteur, je ne sais pas si je dois parler d’étonnement ou de déception. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
M. Julien Odoul
Ne parlez pas !
Mme Marie-Noëlle Battistel
Vous nous avez fait part de votre volonté de travailler avec nous en vue de rechercher un consensus, ou tout du moins une ligne que nous puissions partager. Nous avons donc eu des échanges, nous avons clairement exprimé notre position et nous vous avons tendu la main. Je l’ai fait en discussion générale, je me permets de le refaire sur la base de quelques éléments, en particulier de notre vision d’une stratégie énergétique équilibrée pour la France, fondée sur trois piliers programmatiques : souveraineté, décarbonation et compétitivité.
Nous considérons que les sources d’énergie aujourd’hui variables ne sont pas aussi pilotables que le nucléaire – sauf l’hydroélectricité bien sûr –, et ne permettent donc pas d’équilibrer à tout moment le réseau électrique et de garantir notre sécurité d’approvisionnement. Toutefois, nous devons mettre un coup d’accélérateur violent au développement des énergies renouvelables – nous en parlerons à l’article 5, j’espère que vous serez plus ouvert. Je rappelle qu’à ce stade, nous sommes bien loin d’atteindre les objectifs européens.
Aujourd’hui, 65 % de l’électricité est produite à partir de centrales nucléaires. Trente-deux des cinquante-sept réacteurs dépasseront les quarante années d’exploitation. Nous soutenons évidemment la prolongation des centrales, sous réserve des autorisations de l’ASNR, mais les incertitudes demeurent. Je n’évoquerai pas ici la corrosion sous contrainte, qui fait également peser des incertitudes.
Tout cela pour dire que la seule question qu’on doit se poser est : à l’horizon 2040, les énergies renouvelables auront-elles été suffisamment développées pour prendre le relais du parc historique ? Malheureusement, la réponse est non, ce qui rend nécessaire le lancement du nouveau programme nucléaire pour prévenir « l’effet falaise » de la sortie des centrales les plus anciennes.
C’est ce qui nous a conduits à une position d’équilibre, monsieur le rapporteur : nous acceptons de lancer un programme de huit réacteurs en prévoyant une clause de revoyure lors de la prochaine PPE, soit en 2030, conformément au calendrier d’examen des PPE – le programme actuel des six EPR ne sera pas encore lancé. Cette clause de revoyure nous semble tout à fait compréhensible. Monsieur le rapporteur, vous avez balayé notre proposition d’un revers de main. Vous choisissez donc la majorité de confort avec l’extrême droite sur un mauvais mix (Exclamations sur les bancs du groupe RN), au lieu d’une majorité exigeante avec nous, sur un mix équilibré, qui répond aux attentes des Français et des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Sylvain Maillard
Mise en cause personnelle du rapporteur ! C’est honteux !
M. Charles Sitzenstuhl
L’article 1er, vous l’avez voté avec qui ?
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
La présidente Panot a dit que choisir le nucléaire, c’était faire un choix de civilisation. Elle a raison, c’est pour cela que j’ai souhaité lui répondre. Quel est le choix de civilisation derrière le nucléaire ? Il fut un temps à gauche où l’on disait : « d’où parles-tu, camarades ? ».
Mme Marie Mesmeur
On ne vous le dit pas à vous !
M. Jean-Philippe Tanguy
D’où vient le programme nucléaire ? On peut s’étonner de votre reniement de tout ce que la gauche a incarné, en France et ailleurs.
M. Arnaud Le Gall
Arrête ton cirque !
M. Jean-Philippe Tanguy
Quand le général de Gaulle crée le Commissariat à l’énergie atomique, il choisit une femme extraordinaire, Irène Joliot-Curie, qui, alors que les femmes n’avaient même pas le droit de vote, a été pendant quelques années ministre de la République. Que voulait cette femme qui croyait tellement dans son idéal qu’elle en est morte par le fruit de ses recherches ? Elle croyait que le nucléaire était une promesse considérable, monumentale, révolutionnaire, pour le progrès humain. Dans ce combat, elle rejoignait les forces gaullistes, qui étaient animées par un seul désir : ne pas subir – ne jamais subir. En effet, choisir la force nucléaire, la puissance nucléaire et la recherche nucléaire, c’est ne pas vouloir subir ; c’est croire que la France peut être une grande nation grâce à la science, que les êtres humains ne sont pas voués à subir les malheurs de la nature,…
M. Alexis Corbière
Quel est le rapport ?
M. Jean-Philippe Tanguy
…du temps, du marché et de l’injustice sociale, et qu’ils peuvent reprendre le contrôle de leur vie.
Mme Mathilde Panot
Vous n’avez rien compris !
M. Jean-Philippe Tanguy
Il est déplorable que la gauche soit dévorée par la peur de la civilisation au point de vouloir contaminer toute la société française et occidentale par la peur. Vous avez peur, vous êtes des fanatiques de la peur, et comme tous les fanatiques, vous voulez que la société entière ait peur. (Exclamations sur les bancs du groupe EcoS. – Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur plusieurs bancs du groupe UDR.)
Mme Sandra Regol
C’est drôle, venant de vous !
M. Jean-Philippe Tanguy
Eh bien, nous, au Rassemblement national, nous n’avons pas peur – nous n’avons pas peur (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme Dominique Voynet
Vous devriez !
M. Jean-Philippe Tanguy
Nous croyons dans le progrès humain et dans l’intelligence humaine, nous croyons dans l’État capable de porter la recherche nucléaire à un niveau de sûreté qui lui permet de garantir un atout économique et un atout pour les salariés. Qu’allez-vous dire à vos électeurs ? Leur direz-vous que la facture va encore doubler ou tripler ?
Mme Mathilde Panot
Avec le nucléaire, c’est exactement ça !
M. Jean-Philippe Tanguy
C’est la promesse que vous pouvez garantir à vos électeurs. Nous, nous promettons aux Françaises et aux Français, quel que soit leur statut social, que leur facture sera divisée par deux.
Mme Julie Laernoes
C’est faux !
M. Jean-Philippe Tanguy
En vérité, vous êtes jaloux de nos promesses. Vous nous les enviez car vous n’êtes plus capable de garantir un seul acquis humain – un seul progrès humain. Vous partagez avec la Macronie le choix de la pénurie, la gestion de la pénurie, la pénurie par l’injustice sociale, la pénurie par la pénitence.
Mme Clémence Guetté
Et vous, avec le budget !
M. Jean-Philippe Tanguy
Vous croyez que l’être humain doit s’excuser d’exister et que la France doit disparaître pour s’excuser d’avoir éclairé le monde.
Mme Clémence Guetté
Baisse le son !
M. Arnaud Le Gall
Mollo !
M. Jean-Philippe Tanguy
Eh bien, nous, nous croyons que la civilisation française a une chose à apporter au monde : le progrès humain libérera les hommes. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe RN, dont certains députés se lèvent.)
M. le président
Je rappelle à ceux qui viennent de nous rejoindre qu’au titre de la procédure du temps législatif programmé, le temps de parole de l’orateur n’est pas limité, sinon par le temps de parole global dont dispose son groupe.
La parole est à M. Matthias Tavel. (Protestations. – Brouhaha.)
Un député du groupe RN
Ça va être dur de passer derrière M. Tanguy !
M. Matthias Tavel
Nos votes engageront le pays pour des décennies et entraîneront des dépenses se comptant en centaines de milliards d’euros. Je sais que la Macronie et les comptes publics ne font pas bon ménage,…
M. Hervé Berville
Si !
M. Matthias Tavel
…mais permettez que nous leur accordions beaucoup d’importance et que nous prenions le temps d’exposer des arguments contre votre plan. Nous ne souhaitons pas précipiter la faillite financière d’EDF, des contribuables et de l’État !
Vous prétendez que le nouveau nucléaire est indispensable pour la France. Je constate pourtant que vos présidents de groupe sont absents ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Ni M. Attal, ni M. Fesneau, ni M. Christophe, ni M. Wauquiez ne sont présents !
M. Vincent Descoeur
Nous n’avons pas besoin d’être cheffés, nous !
M. Hervé Berville
Cela ne nous empêche pas de réfléchir !
M. Matthias Tavel
Seule Mme Le Pen fait acte de présence intermittente (Applaudissements et sourires sur les bancs des groupes RN et UDR. – Mme Marine Le Pen exécute une révérence), à l’image de ses positions intermittentes sur le nucléaire. Cette situation démontre tout simplement que vous vous apprêtez à vous rallier à sa position ! Voilà ce que vous allez faire dans quelques minutes : vous allez voter avec le Rassemblement national pour imposer le nouveau nucléaire (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR), sur lequel les Français n’ont jamais voté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous auriez pu au moins leur demander leur avis.
Monsieur Tanguy, je vous confirme que vous n’avez pas peur, surtout pas du ridicule ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Sourires sur plusieurs bancs du groupe RN.) Il y a quelques mois, vous prétendiez que le dispositif censé remplacer l’Arenh était pour votre groupe un motif de censure. Vous n’êtes jamais passé à l’acte ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – M. Julien Odoul fait signe à l’orateur de se taire.) Si le dispositif post-Arenh est appliqué et fait flamber les factures, ce sera à cause de vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Au demeurant, monsieur Tanguy, vous, votre parti et ceux qui l’ont fondé (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN), vous êtes – pour citer Marie Curie – disqualifiés ! D’ailleurs si cette dernière se présentait devant vous aujourd’hui, vous la soumettriez à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN. – Brouhaha.) Vous lui interdiriez de se marier…
M. Emeric Salmon
Vous confondez avec Irène Joliot-Curie, vous êtes ridicule ! Zéro en histoire, retourne à tes études !
M. Matthias Tavel
…parce que vous êtes toujours animés par la même haine ! Nous croyons quant à nous à la science et aux scientifiques, d’où qu’ils viennent ! (M. Julien Odoul baisse le pouce.)
M. Emeric Salmon
Ça va, Georges Marchais ? Il est ridicule, ce type !
M. Matthias Tavel
Mesdames et messieurs de la Macronie, vous allez faire la joie du Rassemblement national en vous alignant sur les positions de Marine Le Pen. Vous avez été incapables de tendre la main à ceux qui veulent respecter l’accord de Paris… (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Vous préférez faire alliance avec les climatosceptiques et les trumpistes plutôt qu’avec ceux qui veulent lutter contre le changement climatique, voilà ce que vous êtes en train de faire ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
M. le président
La parole est à Mme Cyrielle Chatelain puis, a priori, nous passerons au vote.
Mme Cyrielle Chatelain
On sait que le Rassemblement national… (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe RN.)
M. Emeric Salmon
Que feriez-vous sans nous ?
Mme Cyrielle Chatelain
…a donné le nom de Marie Curie à son plan…
M. Julien Odoul
Merci pour la promo !
Mme Cyrielle Chatelain
…afin d’en donner une image belle et forte, alors qu’il est dépourvu de toute base scientifique solide. L’évocation de Marie Curie, née à Varsovie, nationalisée française, nous rappelle que si le RN était au pouvoir, elle aurait été renvoyée dans son pays en charter ! (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Associé à Bruno Retailleau, le RN l’aurait traquée dans les gares pour la renvoyer chez elle ! (Le vacarme recouvre la voix de l’oratrice. – Plusieurs députés du groupe RN brassent du vent et miment quelqu’un qui patauge.)
Un député du groupe RN
Vous dites n’importe quoi !
Mme Cyrielle Chatelain
Le nom de Marie Curie nous rappelle surtout que l’excellence scientifique française est liée à la culture française de l’accueil, laquelle est complètement incompatible avec le Rassemblement national.
M. Hervé Berville
Eh oui, elle a raison !
Mme Cyrielle Chatelain
Par ailleurs, autre différence fondamentale avec vous : Marie Curie croyait d’abord à la science. !
M. Matthias Renault
Précisément !
Mme Cyrielle Chatelain
Ses recherches sur les rayons X étaient d’abord destinées à soigner des patients : il s’agissait d’abord de convaincre que des vies pourraient être sauvées grâce à la radiologie. Bref, elle était très loin de nos débats du jour.
Elle nous dirait ensuite qu’il convient de toujours se fier à la science…
M. Patrick Hetzel
Ce n’est pourtant pas ce que font les écologistes !
Mme Cyrielle Chatelain
Elle aurait été atterrée d’entendre Jean-Marie Le Pen qualifier le réchauffement climatique d’arnaque ou Thomas Ménagé remettre en cause les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Elle aurait pleuré en lisant votre programme, où l’on ne trouve aucun élément scientifique pour justifier les durées de prolongation de l’activité des centrales nucléaires, aucun argument au soutien des vos projets de construction en trois, quatre ou cinq ans ! Votre science washing ne trompe personne : la science est absente de votre programme ! (Mme Manon Meunier applaudit.) La science, la raison, la modération sont du côté de la gauche (Sourires sur les bancs du groupe RN), qui veut absolument disposer d’une programmation énergétique qui puisse nous protéger du blackout.
M. Laurent Jacobelli
Entendre les écolos parler de modération et de science, c’est drôle !
Mme Cyrielle Chatelain
Vous vous illusionnez, vous poursuivez une chimère inaccessible. Après nous avoir menés au-devant d’un mur budgétaire, le gouvernement nous conduira d’ici à quelques années dans un mur énergétique ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. le président
Nous allons maintenant passer aux votes. (« Ah ! » sur plusieurs bancs.) Concentrez-vous, nous tâcherons d’aller vite.
Je mets aux voix l’amendement no 518.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 251
Nombre de suffrages exprimés 251
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 63
Contre 188
(L’amendement no 518 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 587.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 251
Nombre de suffrages exprimés 250
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 26
Contre 224
(L’amendement no 587 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 588.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 251
Nombre de suffrages exprimés 250
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 26
Contre 224
(L’amendement no 588 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 165.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 253
Nombre de suffrages exprimés 226
Majorité absolue 114
Pour l’adoption 7
Contre 219
(L’amendement no 165 n’est pas adopté.)
M. le président
Nous en venons aux votes sur les sous-amendements à l’amendement no 503 de M. le rapporteur.
Je mets aux voix le sous-amendement no 714.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 250
Nombre de suffrages exprimés 246
Majorité absolue 124
Pour l’adoption 117
Contre 129
(Le sous-amendement no 714 n’est pas adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 723.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 253
Nombre de suffrages exprimés 253
Majorité absolue 127
Pour l’adoption 63
Contre 190
(Le sous-amendement no 723 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 724.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 251
Nombre de suffrages exprimés 251
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 62
Contre 189
(Le sous-amendement no 724 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 715.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 211
Nombre de suffrages exprimés 211
Majorité absolue 106
Pour l’adoption 20
Contre 191
(Le sous-amendement no 715 n’est pas adopté.)
(M. Marc de Fleurian applaudit.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 772.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 253
Nombre de suffrages exprimés 246
Majorité absolue 124
Pour l’adoption 100
Contre 146
(Le sous-amendement no 772 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 746.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 251
Nombre de suffrages exprimés 251
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 26
Contre 225
(Le sous-amendement no 746 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 725 et 749.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 254
Nombre de suffrages exprimés 254
Majorité absolue 128
Pour l’adoption 64
Contre 190
(Les sous-amendements identiques nos 725 et 749 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 825.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 250
Nombre de suffrages exprimés 248
Majorité absolue 125
Pour l’adoption 117
Contre 131
(Le sous-amendement no 825 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 779.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 251
Nombre de suffrages exprimés 250
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 161
Contre 89
(Le sous-amendement no 779 est adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 726.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 254
Nombre de suffrages exprimés 254
Majorité absolue 128
Pour l’adoption 92
Contre 162
(Le sous-amendement no 726 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 716.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 254
Nombre de suffrages exprimés 227
Majorité absolue 114
Pour l’adoption 64
Contre 163
(Le sous-amendement no 716 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 717.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 255
Nombre de suffrages exprimés 255
Majorité absolue 128
Pour l’adoption 64
Contre 191
(Le sous-amendement no 717 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 727 et 740.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 255
Nombre de suffrages exprimés 255
Majorité absolue 128
Pour l’adoption 64
Contre 191
(Les sous-amendements identiques nos 727 et 740 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 761.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 253
Nombre de suffrages exprimés 253
Majorité absolue 127
Pour l’adoption 27
Contre 226
(Le sous-amendement no 761 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 759.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 250
Nombre de suffrages exprimés 250
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 25
Contre 225
(Le sous-amendement no 759 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 805.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 254
Nombre de suffrages exprimés 245
Majorité absolue 123
Pour l’adoption 93
Contre 152
(Le sous-amendement no 805 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 747.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 254
Nombre de suffrages exprimés 254
Majorité absolue 128
Pour l’adoption 89
Contre 165
(Le sous-amendement no 747 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 769.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 253
Nombre de suffrages exprimés 253
Majorité absolue 127
Pour l’adoption 115
Contre 138
(Le sous-amendement no 769 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 809.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 252
Nombre de suffrages exprimés 250
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 100
Contre 150
(Le sous-amendement no 809 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 741.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 254
Nombre de suffrages exprimés 228
Majorité absolue 115
Pour l’adoption 63
Contre 165
(Le sous-amendement no 741 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 745.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 254
Nombre de suffrages exprimés 254
Majorité absolue 128
Pour l’adoption 89
Contre 165
(Le sous-amendement no 745 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 773.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 255
Nombre de suffrages exprimés 254
Majorité absolue 128
Pour l’adoption 44
Contre 210
(Le sous-amendement no 773 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 770.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 252
Nombre de suffrages exprimés 162
Majorité absolue 82
Pour l’adoption 16
Contre 146
(Le sous-amendement no 770 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 728 et 748.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 252
Nombre de suffrages exprimés 252
Majorité absolue 127
Pour l’adoption 63
Contre 189
(Les sous-amendements identiques nos 728 et 748 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 828.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 254
Nombre de suffrages exprimés 225
Majorité absolue 113
Pour l’adoption 58
Contre 167
(Le sous-amendement no 828 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 771.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 252
Nombre de suffrages exprimés 251
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 68
Contre 183
(Le sous-amendement no 771 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 808.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 251
Nombre de suffrages exprimés 246
Majorité absolue 124
Pour l’adoption 109
Contre 137
(Le sous-amendement no 808 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 780.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 252
Nombre de suffrages exprimés 249
Majorité absolue 125
Pour l’adoption 110
Contre 139
(Le sous-amendement no 780 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 729.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 252
Nombre de suffrages exprimés 252
Majorité absolue 127
Pour l’adoption 62
Contre 190
(Le sous-amendement no 729 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 730.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 253
Nombre de suffrages exprimés 253
Majorité absolue 127
Pour l’adoption 62
Contre 191
(Le sous-amendement no 730 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 829.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 253
Nombre de suffrages exprimés 253
Majorité absolue 127
Pour l’adoption 57
Contre 196
(Le sous-amendement no 829 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 718.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 252
Nombre de suffrages exprimés 227
Majorité absolue 114
Pour l’adoption 63
Contre 164
(Le sous-amendement no 718 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 719.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 252
Nombre de suffrages exprimés 252
Majorité absolue 127
Pour l’adoption 62
Contre 190
(Le sous-amendement no 719 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 720.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 250
Nombre de suffrages exprimés 250
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 85
Contre 165
(Le sous-amendement no 720 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 731 et 750.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 252
Nombre de suffrages exprimés 252
Majorité absolue 127
Pour l’adoption 88
Contre 164
(Les sous-amendements identiques nos 731 et 750 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 721.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 252
Nombre de suffrages exprimés 252
Majorité absolue 127
Pour l’adoption 8
Contre 244
(Le sous-amendement no 721 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 753.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 250
Nombre de suffrages exprimés 250
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 116
Contre 134
(Le sous-amendement no 753 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 799.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 250
Nombre de suffrages exprimés 248
Majorité absolue 125
Pour l’adoption 115
Contre 133
(Le sous-amendement no 799 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 781.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 251
Nombre de suffrages exprimés 226
Majorité absolue 114
Pour l’adoption 102
Contre 124
(Le sous-amendement no 781 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 774.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 216
Nombre de suffrages exprimés 120
Majorité absolue 61
Pour l’adoption 11
Contre 109
(Le sous-amendement no 774 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 800.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 250
Nombre de suffrages exprimés 248
Majorité absolue 125
Pour l’adoption 183
Contre 65
(Le sous-amendement no 800 est adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 801.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 251
Nombre de suffrages exprimés 251
Majorité absolue 126
Pour l’adoption 93
Contre 158
(Le sous-amendement no 801 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 803.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 254
Nombre de suffrages exprimés 249
Majorité absolue 125
Pour l’adoption 108
Contre 141
(Le sous-amendement no 803 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 806.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 253
Nombre de suffrages exprimés 247
Majorité absolue 124
Pour l’adoption 107
Contre 140
(Le sous-amendement no 806 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix le sous-amendement no 807.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 254
Nombre de suffrages exprimés 252
Majorité absolue 127
Pour l’adoption 109
Contre 143
(Le sous-amendement no 807 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 503, 562 et 667, sous-amendés.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 254
Nombre de suffrages exprimés 253
Majorité absolue 127
Pour l’adoption 163
Contre 90
(Les amendements identiques nos 503, 562 et 667, sous-amendés, sont adoptés ; en conséquence, l’article est ainsi rétabli et les amendements suivants tombent.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN, DR et UDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe EPR. – M. Philippe Vigier applaudit également.)
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt.)
M. le président
La séance est reprise.
Après l’article 3
M. le président
Sur les amendements nos 6, 437, 591, 590, 108, 143, 146, 110, 111, 114, 446 et 507, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir l’amendement no 6.
M. Jean-Philippe Tanguy
Après ce vote historique dont le Rassemblement national ne peut que se féliciter pour l’avenir, venons-en au karma, monsieur le rapporteur. Je fais référence à la fermeture injustifiée de Fessenheim. Je sais que certaines personnes ici, même en Macronie, reconnaissent que vous n’auriez jamais dû fermer cette centrale. Nous proposons donc, vous le savez, de la rouvrir après les travaux nécessaires, évidemment.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
La centrale n’est pas seulement arrêtée mais en cours de démantèlement. Il y a d’autres projets, je crois – des députés élus dans ce territoire pourront en parler.
Je demande donc le retrait de l’amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
La centrale est effectivement en cours de démantèlement, cependant celui-ci est très lent, si bien que lorsque nous interrogeons EDF et d’autres instances, nous ne parvenons pas vraiment à savoir où il en est. Monsieur le ministre, êtes-vous capable de nous dire où en est le démantèlement de Fessenheim ? Cela fait cinq ans qu’on nous dit qu’on débranche la salle des machines. On nous a aussi expliqué qu’on avait lessivé le sol. Je sais que parfois les travaux nucléaires sont lents, mais il ne faut pas exagérer. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Parallèlement, les Allemands ont réussi à envisager de relancer des centrales et les Belges l’ont fait. Mais enfin ce n’est pas grave, avançons !
M. le président
Le retirez-vous ?
M. Jean-Philippe Tanguy
Ah non ! (Sourires sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 6.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 102
Majorité absolue 52
Pour l’adoption 55
Contre 47
(L’amendement no 6 est adopté.)
(Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent.)
M. Éric Coquerel
Où sont les macronistes ?
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir les amendements nos 437 rectifié et 591, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Dominique Potier
Ils visent à prendre en considération le stockage des déchets pour les installations nucléaires anciennes et nouvelles. Il faut rechercher des solutions éthiques pour une très longue durée. Ces deux amendements ont le même objet et leurs rédactions sont très proches. Je reprends une question que j’avais posée il y a quelques années et qui n’a jamais reçu de réponse, au sujet du stockage de très longue durée et des risques qu’il comporte. J’interrogeais Mme la ministre de la transition écologique sur le stockage des déchets radioactifs de moyenne activité à vie longue et de haute activité à vie longue produits par l’industrie électronucléaire.
Ces déchets ultimes, principalement issus du retraitement du combustible nucléaire usé, doivent faire l’objet d’un stockage particulier en raison de leur dangerosité.
La loi du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, prévoit, à l’article 3, que « les recherches et études relatives à ces déchets sont poursuivies selon les trois axes complémentaires suivants : 1° La séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue. [...] 2° Le stockage réversible en couche géologique profonde. [...] 3° L’entreposage. Les études et les recherches correspondantes sont conduites en vue, au plus tard en 2015, de créer de nouvelles installations d’entreposage ou de modifier des installations existantes, pour répondre aux besoins, notamment en matière de capacité et de durée [...] ».
Or, en contradiction apparente avec la loi, il n’y a pas à ce jour de projet pilote pour l’entreposage à faible profondeur, dit subsurfacique, des déchets à vie longue. Cette piste semble avoir été complètement délaissée au profit de celle du stockage des déchets nucléaires en couche géologique profonde, notamment sur le site Cigeo de Bure. Les déchets doivent ici être entreposés à 500 mètres de profondeur pour cent mille ans. Pourtant cette temporalité soulève bien des questions. Cent mille ans séparent l’époque actuelle du paléolithique moyen, époque où diverses espèces humaines se côtoyaient ; il ne reste de cette ère révolue que des os, des silex et de rares objets d’art. Nous ne pouvons savoir ce qu’il adviendra de l’humanité d’ici dix mille ans, a fortiori d’ici cent mille ans. À une telle échelle, l’histoire échappe aussi bien à la prévision qu’à la mémoire.
Pourquoi, plutôt que d’endosser une véritable responsabilité, l’État n’a-t-il à ce jour pas véritablement exploré la solution d’un stockage en subsurface des déchets nucléaires à faible profondeur, comme le prévoit la loi ? Ce problème de sémiotique nucléaire connaît depuis des décennies des réponses insatisfaisantes. Comment avertir les futures générations du danger que représentent ces sites d’enfouissement nucléaire ? Le stockage en subsurface, aisément réversible, s’accompagnerait de recherche en matière de transmutation des éléments radioactifs à vie longue, comme l’a souhaité en 2006 le législateur. Il est en effet tout à fait plausible que, d’ici un siècle, de nouvelles sources de neutrons rapides, dont la fusion deutérium-tritium, soient maîtrisées, permettant une transmutation efficace des actinides et diminuant leur période d’activité. J’avais alors demandé quelles étaient les recherches en la matière.
Or en 2025, dix ans après la date prévue par la loi de 2006, il n’y a toujours pas de recherche engagée pour l’enfouissement subsurfacique, alors que c’est indispensable d’un point de vue éthique pour trancher cette question en conscience et éviter la transmission pour les cent mille prochaines années de déchets sur lesquels nous serions incapables de communiquer afin de prévenir des dangers les générations futures.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Je demande le retrait de ces amendements, sans quoi j’émettrai un avis défavorable. Ce sont des questions extraordinairement complexes. Je me permets de souligner que, contrairement à ce qui a été dit, l’Autorité de sûreté nucléaire et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, à l’époque, se sont prononcés tous les deux en défaveur du subsurfacique et en faveur du stockage en couche géologique profonde. Vous avez raison de parler d’éthique, mais vous auriez pu aussi aborder la sûreté et la sécurité. En l’état, le stockage en couche géologique profonde apparaît, y compris après des comparaisons internationales effectuées par l’IRSN, comme la solution la plus adaptée et définitive pour le stockage des déchets radioactifs de moyenne activité à vie longue et de haute activité à vie longue.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Dominique Potier.
M. Dominique Potier
Je ne méconnais pas les données présentées par l’IRSN et les différentes autorités. Néanmoins, il me semble que la question demeure légitime. En 2006, le législateur avait été prudent : il avait disposé que non seulement une expertise scientifique de l’IRSN et d’autres autorités était nécessaire pour la prospective, mais aussi qu’une expérimentation, comme celle du Cigeo de Bure, devait être conduite en subsurfacique. Je ne méconnais pas les questions de sécurité posées par ce stockage à faible profondeur. Toutefois, sur le temps long, la question reste vertigineuse, et un pilote aurait au moins dû être installé, comme pour l’enfouissement profond à Bure, afin que les générations futures puissent bénéficier d’une recherche qui aurait pu développer une solution définitive de transmutation.
Je maintiens les deux amendements. Je précise que j’ai déposé l’amendement no 437 rectifié à titre personnel, pour avoir travaillé sur ce sujet ; il n’engage que moi et les deux cosignataires. L’amendement no 591, en revanche, a été déposé par le groupe Socialistes et apparentés. Il vise de façon plus générale à aborder ces questions de façon systémique et plus ouverte que la seule question de l’enfouissement subsurfacique.
M. le président
La parole est à M. Maxime Laisney.
M. Maxime Laisney
Revenons sur la nature du projet Cigeo et sur la manière dont il a été déployé. Les citoyens et même les élus que nous sommes sont systématiquement mis devant le fait accompli. Il a fallu la mobilisation des citoyens et des experts indépendants pour obtenir une phase pilote. Pour l’instant, nous explique-t-on, il y a un laboratoire, c’est-à-dire qu’on a fait un trou et des galeries. J’y suis descendu il y a un an avec un collègue, à 500 mètres sous terre. Nous avons regardé, et ce qu’on appelle un laboratoire, pour l’instant, ce sont les galeries. Pendant la phase pilote, on commencera à descendre des combustibles usés et on regardera comment ça se passe. En fait, nous ne savons pas si une décision législative sera nécessaire pour qu’à l’issue de cette phase pilote la poursuite de l’enfouissement soit décidée. Je rappelle en outre que l’enfouissement aura lieu en même temps que le creusement des galeries sera poursuivi. Il y a plein de choses qui ne vont pas dans cette histoire. Pendant ce temps, des habitants, des riverains, des agriculteurs dont les terres sont en surface du projet Cigeo de poubelle nucléaire pour la fin des temps sont en train d’être expropriés. Les autres options qui étaient sur la table n’ont en vérité pas été étudiées.
C’est la raison pour laquelle nous voterons les deux amendements défendus par M. Potier. (M. Christophe Bex applaudit.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 437 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 129
Nombre de suffrages exprimés 112
Majorité absolue 57
Pour l’adoption 20
Contre 92
(L’amendement no 437 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 591.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 127
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l’adoption 31
Contre 92
(L’amendement no 591 n’est pas adopté.)
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 507.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 155
Nombre de suffrages exprimés 152
Majorité absolue 77
Pour l’adoption 88
Contre 64
(L’amendement no 507 est adopté.)
Article 4
M. le président
Sur les amendements nos 695, 67, 199 et identique, 467, 480 et 68, je suis saisi d’une demande de scrutin public par le groupe Rassemblement national.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. le président
Je suis saisi de l’amendement no 695 de M. Maxime Amblard.
(L’amendement no 695 est retiré.)
M. le président
L’amendement no 106 de M. Vincent Descoeur est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Avis défavorable. Cet amendement propose d’ajouter le mot « rationnellement » après le mot « développé » ; j’ose espérer que l’esprit du législateur implique de fait ce caractère rationnel.
M. le président
Nous le prouvons tous les jours, monsieur le rapporteur !
(L’amendement no 106, repoussé par la commission, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Maxime Amblard, pour soutenir l’amendement no 67.
M. Maxime Amblard
Cet amendement précise que le développement des réseaux électriques doit viser l’optimisation des coûts économiques en privilégiant une structure en arborescence, associée à une production centralisée et pilotable. Cette structure en arborescence assure une consommation diffuse et fatale : c’est l’organisation la plus optimisée, raison pour laquelle le réseau a été ainsi conçu à l’origine.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Nous avons amorcé ce débat en commission. Je comprends bien l’idée qui guide cet amendement, mais j’ai du mal à saisir sa traduction opérationnelle dans la loi. Nous souhaitons tous conserver un gestionnaire de réseau d’électricité unique ainsi qu’une structure de réseau en arborescence et, de ce point de vue, je ne vois pas ce que cette précision apporterait par rapport à l’existant. Ce sera donc une demande de retrait.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Maxime Amblard.
M. Maxime Amblard
Cet amendement ne concerne pas l’opérateur, mais la structure matérielle du réseau électrique. L’intégration des énergies renouvelables, qui sont intermittentes et dispersées, oblige à densifier le réseau pour intégrer ces sources de faible puissance, éparpillées sur le territoire. Cette situation complexifie le réseau et nécessite davantage de matière et de gestion. Au contraire, le fonctionnement en arborescence, partant d’une base concentrée et pilotable vers une consommation diffuse et fatale, reste le modèle optimal à l’heure actuelle.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 67.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 147
Nombre de suffrages exprimés 147
Majorité absolue 74
Pour l’adoption 80
Contre 67
(L’amendement no 67 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 199, 519, 467 et 480 tombent.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 365 et 506.
La parole est à Mme Marina Ferrari, pour soutenir l’amendement no 365.
Mme Marina Ferrari
Cet amendement propose de supprimer l’alinéa 4, dans la mesure où l’alinéa 11 insère déjà un objectif de flexibilité. Un amendement de réécriture partielle de cet alinéa 11 interviendra plus tard pour le compléter et rendre la description plus exhaustive.
M. le président
L’amendement no 506 de M. le rapporteur est défendu.
(Les amendements identiques nos 365 et 506, acceptés par le gouvernement, sont adoptés ; en conséquence, l’amendement no 68 tombe.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 596 et 520, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement no 596 de Mme Marie-Noëlle Battistel est défendu.
La parole est à Mme Julie Laernoes, pour soutenir l’amendement no 520.
Mme Julie Laernoes
Cet amendement vise à rétablir le 9o quater de l’article 4, supprimé en commission, qui encourageait l’autoconsommation individuelle ou collective d’électricité et de gaz renouvelable.
L’autoconsommation est un pilier essentiel de la transition énergétique. Elle permet de produire et de consommer localement une énergie propre, de réduire les pertes en ligne, de soulager les réseaux et, surtout, de redonner du pouvoir aux citoyens, aux collectivités, aux bailleurs sociaux et aux entreprises.
En 2024, plus de 677 000 foyers sont déjà engagés dans des projets d’autoconsommation électrique – un chiffre trois fois plus élevé qu’en 2022.
La puissance installée en autoconsommation individuelle a bondi de 82 % en un an.
S’agissant de l’autoconsommation collective, les projets solaires se multiplient également : près de 2 600 consommateurs sont déjà engagés dans des démarches mutualisées, avec des taux d’autoconsommation dépassant 50 % de l’énergie produite.
Pourtant, la France, comme souvent, reste en retard. Seuls 3 à 4 % des foyers sont équipés, contre 15 % en Allemagne et 30 % aux Pays-Bas.
L’autoconsommation allège les factures, permettant de réaliser jusqu’à 20 % d’économies.
Elle permet également de renforcer la résilience énergétique dans un contexte de crise climatique et de volatilité des prix. Supprimer cette disposition, c’est tourner le dos à une solution concrète, déjà adoptée ailleurs et plébiscitée sur le terrain. Dès lors, nous demandons avec force le rétablissement de cette disposition afin de défendre une transition énergétique locale, sobre, démocratique et à la hauteur de nos ambitions.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Je partage l’esprit de l’amendement. Pour autant, ces dispositions ont été rétablies quasiment en l’état par le biais de l’amendement de M. Alfandari relatif à l’autoconsommation qui a été adopté lundi soir.
Mme Julie Laernoes
Non !
M. Antoine Armand, rapporteur
Par ailleurs, il appréhende la notion d’autoconsommation de manière plus globale. Vous mentionnez vous-même la question des reports de coûts à éviter.
Par conséquent, c’est une demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis.
(Les amendements nos 596 et 520, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public :
Sur l’amendement no 610, par les groupes Rassemblement national et UDR ; sur les amendements no 56, 99, 98, 201, 439, 386, 460 et identique, 461, 367, 325 et 170 par le groupe Rassemblement national ; sur l’amendement no 387, par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Michoux, pour soutenir l’amendement no 610.
M. Éric Michoux
Cet amendement vise à inscrire clairement dans le code de l’énergie la disposition selon laquelle la production d’électricité d’origine nucléaire est un des fondements stratégiques de la politique énergétique nationale. Elle est effectivement indispensable à la décarbonation, à notre souveraineté – on l’aura entendu – et à la stabilité des réseaux électriques. Elle est la seule source d’énergie pilotable, elle constitue la colonne vertébrale de notre mix énergétique et elle représente la seule source d’énergie nous permettant d’atteindre les objectifs de décarbonation.
Nous proposons d’inscrire explicitement cet élément dans le code de l’énergie afin d’affirmer notre orientation vers le nucléaire pour les dizaines d’années à venir.
J’ai été – et je suis toujours – chef d’entreprise. J’ai développé des activités dans le nucléaire autour de Framatome et d’EDF dans le cadre du pôle nucléaire de Bourgogne aux côtés de plusieurs entreprises il y a une vingtaine d’années. C’était l’époque où le nucléaire allait se développer ; EDF nous présentait des prévisions de croissance absolument incroyables. Un véritable espoir naissait alors pour les entreprises. Or il ne s’est rien passé ; après Fukushima, cet espoir s’est effondré. Les entreprises ont donc dû se restructurer et investir d’autres marchés.
Depuis, le nucléaire a légèrement redémarré, mais la centrale de Fessenheim a tout de même été fermée ; la stratégie nationale vis-à-vis du nucléaire demeure complètement instable et floue. Tour à tour, on se lance dans l’éolien, dans les centrales à biomasse, dans les panneaux photovoltaïques… Il convient de clarifier notre stratégie énergétique et d’affirmer que le nucléaire constitue notre axe principal.
C’est d’autant plus important que les cycles de décision des acteurs en question se situent sur des horizons temporels très différents. EDF et Framatome planifient sur le long terme : à dix ans pour le court terme, à vingt ans pour le moyen terme, à cinquante, voire cent ans pour le long terme. À l’inverse, les PME qui gravitent autour de ce secteur ont des cycles décisionnels bien plus courts ; leur court terme s’étend sur trois à six mois et leur long terme sur un à deux ans. Au sein du bassin d’emploi de Chalon-sur-Saône, 80 % de l’industrie locale fonctionne grâce au nucléaire. Les entrepreneurs ont donc besoin de visibilité. Il faut leur confirmer notre volonté d’ancrer durablement le nucléaire dans notre stratégie énergétique, afin qu’ils puissent investir en toute confiance dans ce secteur. Cela n’a pas été fait, et les connaissances et savoir-faire en la matière se sont perdues, notamment s’agissant des soudeurs.
Il est donc nécessaire d’inscrire le nucléaire comme fondement stratégique de la politique énergétique nationale dans le code de l’énergie, afin de donner de la lisibilité sur cette orientation sur le temps long. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Je comprends l’esprit de cet amendement. Je partage l’idée selon laquelle la relance du nucléaire doit se faire sur le long terme, et j’entends la nécessité de donner de la visibilité à nos industriels.
Vous l’avez dit : un certain nombre d’industries sont concernées, dans plusieurs régions. Des dizaines, voire des centaines de milliers d’emplois directs ou indirects sont impliquées. Le ministre parlait hier du contrat stratégique de filière et du nombre d’entreprises concernées. Sur ce point, je vous rejoins.
Néanmoins, deux éléments me conduisent à vous demander le retrait de cet amendement – à défaut, mon avis sera défavorable.
D’une part, vous proposez d’inscrire dans la loi le fait que le nucléaire est un fondement de notre politique énergétique. La portée normative de cette affirmation me semble assez faible. J’ai bien noté que cet argument n’avait pas convaincu la représentation nationale au vu des votes précédents ; je ne sais pas ce qu’il en sera des votes futurs, amis je note que vous continuez à l’invoquer.
D’autre part, le nucléaire n’épuise pas la politique énergétique du pays, tout comme l’électricité n’épuise pas la politique énergétique du pays. Nous y reviendrons plus tard, notamment lors de l’examen de l’article 5 portant sur les énergies renouvelables. Aujourd’hui, l’électricité représente environ un tiers de notre mix énergétique. Certes, il convient de poursuivre l’électrification des usages – un des amendements précédents l’a montré. En revanche, aucun scénario ne prévoit une totale électrification des usages actuellement carbonés, qu’il s’agisse des transports, des bâtiments résidentiels, industriels ou tertiaires ou d’autres usages industriels.
Nous visons la décarbonation totale du mix énergétique. Je ne voudrais pas que l’on laisse entendre le contraire ou que l’on oublie de souligner l’importance de la décarbonation des autres secteurs. Cela ne pourra se faire qu’avec la conjonction de la sobriété, de l’efficacité et de la production d’une énergie décarbonée, qu’elle soit d’origine nucléaire ou renouvelable.
C’est donc une demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Avis défavorable.
M. le président
Est-il maintenu ?
M. Éric Michoux
Oui, je le maintiens pour les petites entreprises.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 610.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 137
Nombre de suffrages exprimés 137
Majorité absolue 69
Pour l’adoption 75
Contre 62
(L’amendement no 610 est adopté.)
M. le président
Les amendements nos 56, 99 et 98 de M. Maxime Amblard sont défendus.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements similaires ?
M. Antoine Armand, rapporteur
J’en demande le retrait – avis défavorable, sinon, à chacun.
Permettez-moi simplement d’insister sur le premier d’entre eux, qui fixe un objectif de 100 % d’hydrogène bas-carbone dans la consommation totale d’hydrogène à l’horizon 2035. Dans la mesure où, actuellement, l’hydrogène provient à 95 % d’énergies fossiles, une telle ambition me paraît particulièrement irréaliste.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Même avis sur ces trois amendements.
M. le président
La parole est à M. Maxime Laisney.
M. Maxime Laisney
C’est le moment de vous alerter sur les ambitions folles qui existent autour de l’hydrogène en général, et de l’hydrogène bas-carbone en particulier.
Il y a quelques mois, l’Académie des sciences a présenté à l’Opecst – Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – un rapport assez complet sur les perspectives offertes par l’hydrogène dans le cadre de la transition énergétique : si ce rapport ne recommande pas d’abandonner tout à fait cette voie, il reste néanmoins circonspect sur la maturité technique des électrolyseurs et sur le rendement ainsi que sur la rentabilité de ces installations – or on sait que si cette technologie n’est pas rentable, elle ne sera pas développée.
Sur l’hydrogène comme sur le nucléaire, il ne faut pas avoir les yeux plus gros que le ventre. L’hydrogène bas-carbone, souvent mentionné, sera produit par des électrolyseurs alimentés par des centrales nucléaires : il est facile de voir que, derrière ces discours, se cache un prétexte au développement de nouvelles centrales.
Les capacités de production d’électricité doivent être mises en regard de la demande d’électricité ; et cela fait malheureusement plusieurs années que cette demande stagne en France – malheureusement, car nous devrions plutôt électrifier nos usages quotidiens et décarboner les processus de production. Les États-Unis sont le seul pays au monde où la demande augmente, mais parce qu’ils développent frénétiquement les data centers.
Nous n’avons donc pas besoin de nouvelles centrales nucléaires pour répondre aux besoins des Françaises et des Français, et l’hydrogène bas-carbone ne doit pas en être le prétexte.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 56.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 140
Nombre de suffrages exprimés 140
Majorité absolue 71
Pour l’adoption 76
Contre 64
(L’amendement no 56 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 99, 98, 201, 439 et 386 tombent.)
M. le président
La parole est à M. Jean-Luc Fugit, pour soutenir l’amendement no 460 rectifié.
M. Jean-Luc Fugit
Cet amendement, qui porte sur l’hydrogène renouvelable et bas-carbone, fera peut-être plaisir à M. Laisney : l’électrolyse, cher collègue, peut se faire avec des électrons d’origine renouvelable – pas nécessairement avec des électrons issus du nucléaire. Vous avez l’air de douter de l’importance de l’hydrogène, qui est pourtant un vecteur énergétique très intéressant. Comme le rappelle la stratégie nationale hydrogène,…
M. Hervé Berville
Excellent !
M. Jean-Luc Fugit
…ce vecteur permet de décarboner l’industrie – on ne pourra pas tout décarboner avec la seule électricité –, tout en permettant de répondre à des problématiques de mobilité. Il est incontournable pour la décarbonation des transports aériens et maritimes comme pour celle du transport routier lourd, intensif et de longue distance, qui est très énergivore.
RTE – Réseau de transport d’électricité –, qui a modélisé le développement de ces usages de l’hydrogène dans son bilan prévisionnel pour 2035, estime qu’il correspondra, à cet horizon, à environ 4,5 % de la consommation énergétique finale des transports.
Cet amendement vise à inscrire un tel objectif dans la programmation énergétique, afin notamment de servir de base au cadrage, pour 2035, du mécanisme incitant à la réduction de l’intensité carbone des carburants – l’IRICC, appelée à remplacer la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports (Tiruert), que vous connaissez bien et sur laquelle nous avons eu l’occasion de travailler régulièrement lors de l’examen des derniers projets de loi de finances. Nous avions notamment défendu avec succès, au sujet des biogaz et de l’hydrogène, un certain nombre d’amendements.
Un tel développement des usages de l’hydrogène et de ses dérivés, en particulier dans les transports, est indispensable si nous voulons atteindre l’objectif de déploiement de 8 gigawatts de capacité d’électrolyse en France, objectif fixé par la nouvelle stratégie nationale hydrogène présentée le 16 avril par le ministre Ferracci.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Antoine Armand, rapporteur
Je suis partagé car je vous avais proposé, lors de l’examen du texte en commission, que nous ne multipliions pas les amendements, énergie par énergie, avec, à chaque fois, des cibles chiffrées. Comme l’adoption du précédent amendement sur l’hydrogène me semble indiquer que c’est pourtant bien le chemin que nous nous apprêtons à prendre, et comme je trouve du sens à cet amendement-ci, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée – même si je préférerais que la loi n’entre pas autant dans les détails.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
M. Marc Ferracci, ministre
Vous me mettez dans la difficulté, monsieur Fugit ! Vous aurez deviné que je partage l’esprit de cet amendement, puisque vous faites référence à la révision de la stratégie nationale hydrogène qui, très récemment, a fixé de nouveaux objectifs en termes d’installation de capacités d’hydrolyse en les ciblant sur des usages dont le modèle économique est plus éprouvé.
Vous avez également mentionné que l’IRICC, qui fait encore l’objet de consultations, sera sans doute un outil en mesure de donner à tous les acteurs des incitations efficaces à la décarbonation des mobilités, sans tout miser sur une technologie plutôt qu’une autre. C’est la philosophie qui est la nôtre : l’IRICC mérite qu’on lui donne sa chance. Quand les consultations auront pris fin, nous aurons à le laisser se déployer pour avoir un retour d’expérience.
Je suis donc moi-même un peu partagé sur cet amendement, auquel je donne également un avis de sagesse.
M. Jean-Luc Fugit
Sagesse bienveillante !
M. le président
La parole est à M. Matthias Tavel.
M. Matthias Tavel
Ne nous faites pas, collègue Fugit, le mauvais procès de ne pas vouloir de l’hydrogène, quand nous sommes, au contraire, de ceux qui considèrent que la France n’a pas, aujourd’hui, un problème de surproduction électrique.
M. Jean-Luc Fugit
Prouvez-le !
M. Matthias Tavel
Bien au contraire, nous nous opposons à une forme de malthusianisme électrique qui entendrait réduire nos capacités de production – tout au moins les limiter dans leur développement –, alors que nous avons besoin d’aller plus vite et plus fort dans l’électrification de nos usages. C’est pour cela que nous défendons un déploiement rapide des énergies renouvelables, seules à même de répondre à ce besoin d’électrification rapide.
Nous avons également besoin, en complément du développement de ces énergies et pour leur permettre d’atteindre leur plein potentiel, de produire à partir d’elles de l’hydrogène – non pas bas-carbone, mais vert. Nous pouvons, à ce titre, nous féliciter du développement de certains projets, notamment de ceux qui lient le développement du parc éolien en mer avec la production d’hydrogène vert. La société Lhyfe, au large des côtes de la Loire-Atlantique, en fait une démonstration remarquable : je ne la cite pas pour lui faire de la publicité, mais pour montrer que notre pays est à la pointe de la recherche et du développement, et qu’il est capable de porter, en cette matière, des projets industriels.
M. Jean-Luc Fugit
Tout à fait !
M. Matthias Tavel
Nous sommes donc très favorables au développement de l’hydrogène vert, qui nous permettra de tirer tous les bénéfices des énergies renouvelables. Nous ne sommes pas, collègue Fugit, responsables de la révision à la baisse de la stratégie hydrogène – c’est le gouvernement que vous soutenez qui l’est. Ne nous faites donc pas de mauvais procès !
Nous ne devons cependant pas nous dissimuler que nous ne pourrons pas disposer de ressources illimitées en hydrogène et que nous ne pourrons donc pas les utiliser à tort et à travers, pour tout et n’importe quoi. Il faut ainsi définir des usages prioritaires, en visant ceux pour lesquels il n’existe pas d’alternative à l’électrification. Je pense, en particulier, à certains engins de transport très lourds qui doivent revenir régulièrement au dépôt afin de ne pas avoir de besoins trop importants en autonomie, ou à la décarbonation de certains sites industriels. Nous pourrons, peut-être, nous retrouver sur certaines de ces priorités. Nous souhaitons que cet effort pèse sur l’hydrogène vert, porteur pour notre pays la plus grande perspective écologique.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
La Cour des comptes indique que l’hydrogène dit bas-carbone, dont nous sommes encore bien éloignés, doit d’abord être affecté aux transports collectifs – je rejoins en cela le collègue Fugit –, et surtout à l’industrie lourde.
Elle souligne également que nous sommes en train de vouer l’hydrogène aux logiques de marché, ce qui pourrait avoir de lourdes conséquences, et que les aides publiques en la matière sont disséminées, éparpillées entre de multiples activités, sans aucun ciblage. Le risque de bulles spéculatives existe – je pense à l’hydrogène pour les SUV des particuliers –, comme existe le risque que l’argent public ne soit pas alloué là où une incitation est nécessaire, comme dans les secteurs de l’acier et de la chimie.
Et puisque vous êtes là, monsieur le ministre, j’en viens à la question d’ArcelorMittal – sujet d’actualité qui touche justement à la décarbonation et à l’hydrogène. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Dans exactement douze jours, le contrat de décarbonation entre l’État et ArcelorMittal peut tomber. J’ai pour vous une question très simple : savez-vous si un avenant au contrat sera signé par l’entreprise et s’il sera honoré, pour que le site de Dunkerque soit enfin décarboné ? (M. Matthias Tavel applaudit.) Le PDG d’ArcelorMittal l’a annoncé : si la décarbonation ne commence pas dans les prochains mois, il ne sera plus rentable, d’ici quatre ans, de produire en France. Il faut donc qu’elle commence maintenant, sans quoi toute la sidérurgie française se trouvera menacée.
M. Laurent Jacobelli
C’est la décarbonation qui menace l’industrie !
M. le président
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Ferracci, ministre
Des projets de décarbonation existent. Certains d’entre eux sont fondés, avec beaucoup d’ambition – et le soutien potentiel de l’État – sur l’introduction d’un dispositif de réduction (DRI – Direct Reduced Iron ). ArcelorMittal, de son côté, a annoncé investir dans un four électrique : cet investissement offre déjà des garanties relativement au maintien de l’activité et de l’emploi. Ces investissements ne dépendent pas que du soutien de l’État, mais aussi de ce qui se décide au niveau européen en matière de protection commerciale de la filière sidérurgique : nous y travaillons.
M. le président
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques
Avec 15 000 emplois directs concernés – et près de 100 000 emplois en prenant en compte toutes les retombées –, ce n’est pas un petit dossier ! Tout va pourtant se jouer, vous le savez, dans les prochaines semaines. Toute la sidérurgie française est en jeu – raison pour laquelle des élus de tous bords, très inquiets, interpellent le gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Dominique Voynet applaudit également.)
Permettez-moi donc d’insister encore un peu. Comme vous le savez, nous sommes allés, avec M. de Courson, rapporteur général du budget, saisir à Bercy les documents relatifs à ce contrat de décarbonation. Il en ressort que le contrat tombe si ce ne sont pas deux fours électriques et une unité de réduction de fer qui sont commandés. Or le PDG du groupe a très clairement fait savoir, en commission d’enquête, qu’il ne s’engage, au mieux – et sous conditions –, que pour un seul four électrique. Le contrat ne serait donc pas honoré. Comment l’État peut-il assurer la poursuite des activités d’ArcelorMittal si le contrat de décarbonation en vient à tomber, comme ce sera manifestement le cas ? L’urgence de la décarbonation se compte en semaines, en mois tout au plus !
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------