XVIIe législature
Session ordinaire de 2025-2026

Séance du mardi 14 octobre 2025

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Séance du mardi 14 octobre 2025
Avertissement: version provisoire établie à 08:10

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Cessez-le-feu à Gaza

    Mme la présidente

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    En ouverture de cette séance, je tiens à saluer la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza, au terme d’importants efforts de médiation internationaux, dont ceux de notre pays. Cet accord a d’ores et déjà permis la libération tant espérée de vingt otages détenus par le Hamas à Gaza. Il doit désormais permettre l’intensification massive des opérations humanitaires au profit de la population palestinienne cruellement éprouvée par deux ans de guerre. Ces derniers développements positifs ravivent, sans aucun doute, une lueur d’espoir dans la région, l’espoir que cessent les souffrances, qu’advienne enfin une paix juste et durable à travers une solution à deux États garantissant la sécurité et la dignité de tous. (Les députés et les membres du gouvernement se lèvent et applaudissent.)

    2. Prix Nobel 2025

    Mme la présidente

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    En votre nom à tous, je tiens à adresser les félicitations de la représentation nationale à nos deux compatriotes, M. Michel Devoret, lauréat du prix Nobel de physique 2025, et M. Philippe Aghion, lauréat du prix Nobel d’économie 2025. (Les députés des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR, LIOT et GDR ainsi que les membres du gouvernement se lèvent et applaudissent. –⁠ Les députés des groupes RN et UDR applaudissent également.)

    3. Élection de deux députés

    Mme la présidente

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    J’ai reçu, le 13 octobre 2025, une communication du ministre de l’intérieur m’informant que le 12 octobre ont été élus M. Pierre-Henri Carbonnel, député de la première circonscription de Tarn-et-Garonne (Les députés des groupes RN et UDR se lèvent et applaudissent.) et Mme Nathalie Coggia, députée de la cinquième circonscription des Français établis hors de France. (Les députés du groupe EPR se lèvent et applaudissent. –⁠ Plusieurs députés du groupe Dem applaudissent également.) Je suis heureuse, en votre nom à tous, de leur souhaiter la bienvenue à l’Assemblée nationale.

    4. Dépôt de motions de censure

    Mme la présidente

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    J’ai pris acte, lundi 13 octobre 2025, du dépôt de deux motions de censure en application de l’article 49 alinéa 2 de la Constitution. L’une a été déposée à huit heures treize par Mme Mathilde Panot et quatre-vingt-six députés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) L’autre a été déposée à neuf heures cinquante par Mme Marine Le Pen, M. Éric Ciotti et cinquante-six députés. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
    La conférence des présidents a décidé ce matin que la discussion des deux motions de censure aurait lieu ce jeudi à neuf heures.

    Un député du groupe RN

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    C’est bientôt la fin !

    5. Déclaration du gouvernement et débat

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la déclaration du gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
    La parole est à M. le premier ministre.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Il faut savoir tirer les bienfaits d’une crise. J’ai accepté la mission que m’a confiée le président de la République, parce que la France doit avoir un budget, parce qu’il y a des mesures d’urgence à prendre, sans attendre. C’est un devoir. Je l’accomplirai, sous certaines conditions, qui découlent, d’évidence, de la composition de cette assemblée.
    Certains aimeraient voir cette crise parlementaire virer à la crise de régime.

    Quelques députés du groupe EcoS

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    C’est déjà le cas !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Cela n’aura pas lieu, grâce aux institutions de la Ve République et à ses soutiens. Mais cette crise a des racines. D’autres crises sont palpables, profondes, entremêlées : crises sociale, économique, financière, écologique, climatique, culturelle, internationale.
    Aux crises habituelles s’ajoutent les crises imprévisibles, comme celles du covid ou de l’énergie, sans oublier les guerres. En s’ajoutant à certaines dépenses qui augmentent de manière automatique, elles expliquent pour l’essentiel la situation financière dans laquelle nous sommes. Là non plus, il ne faut rien oublier.

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est totalement faux !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    En vérité, plus qu’une crise, je crois que nous changeons de monde, créant des fractures tout aussi locales que mondiales et des bouleversements géopolitiques majeurs.
    Une révolution de même ampleur que la révolution industrielle remet tout en cause. Cette révolution digitale, sociétale, bouleverse notre façon de vivre : elle choque, elle effraie. Il y a le monde d’avant, il y a ce monde de demain. L’irruption de ce nouveau monde provoque mille conflits, mille raidissements. Nous vivons –⁠ et nous vivrons – dans une époque de crises. Soit on les subit, soit les utilise. Soit on change, soit on sera changé. Le dégagisme, c’est cela.

    M. Hadrien Clouet

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    Là, on change !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Ceux qui ne changent pas, ceux qui s’agrippent aux vieux réflexes et aux postures, disparaîtront. (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et LFI-NFP.)

    M. Aurélien Le Coq

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    Ceux qui s’accrochent, c’est vous !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    En politique, comme en tout. En France, comme ailleurs. Le basculement du monde ne s’arrêtera pas.
    Au fond, c’est la place de la France et des Français dans ce nouvel environnement qui est en jeu. Restera-t-elle parmi les pays dont la voix compte ? Restera-t-elle indépendante ? Le déclin n’est pas certain, le progrès non plus. Tout dépend de notre capacité à innover, en matière politique comme en matière sociale, économique ou scientifique.
    Innover, c’est vrai pour le gouvernement. J’ai pris acte de cet impératif. Innover, c’est assumer des ruptures. Le monde n’attend pas. Dans la vraie vie, nos concitoyens –⁠ pas les statistiques – travaillent, s’inquiètent, attendent des solutions. J’ai proposé un gouvernement de mission, d’objectifs. Il n’agira qu’avec l’Assemblée nationale et le Sénat. À nous, au-delà des divergences, des écoles de pensée,  des confrontations, de valoriser ce qu’il est possible de faire ensemble.
    La défiance de nos concitoyens n’épargne personne. Ou bien la politique sert à quelque chose et les politiques trouvent des terrains d’entente ; ou bien ils ne les trouvent pas et la déception se répand autant que l’impuissance. Je vous propose d’avancer.
    L’Assemblée, dans sa diversité et ses divisions, ressemble aux Français. Elle est le fruit du choix des Français. Elle traduit les doutes, peurs et espérances de millions de nos compatriotes. En un mot, cette assemblée n’a jamais été aussi représentative des Français. Il faut en tirer toutes les conséquences : jusqu’ici, on en a tiré essentiellement des conséquences négatives. On peut aussi en tirer des conséquences positives –⁠  il serait temps.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Très bien !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Pour avancer, la première condition, élémentaire, est de pouvoir compter sur le soutien des députés qui défendent le besoin de stabilité. Je remercie toutes celles et ceux qui ont annoncé leur soutien.
    ,ai proposé au président de la République un gouvernement pour donner un budget sérieux et fiable pour la France, utile et bon pour les Français, dans les trois mois. Ce gouvernement incarne le renouvellement, avec l’entrée d’experts parmi les plus compétents de notre pays. (Rires, exclamations et applaudissements ironiques sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP, EcoS et UDR.)
    Chacun apporte une expérience incontestable. Je les en remercie : ils quittent des fonctions stables pour se frotter à une vie politique qui n’a pas toujours montré sa meilleure face ces derniers jours. Ils serviront le pays avec une nouvelle génération de parlementaires qui partagent l’envie d’avancer. Toutes et tous ont une feuille de route, tous ont conscience des difficultés.
    Pour réussir à faire avancer notre pays avec une Assemblée nationale divisée, la seconde condition –⁠ que j’avais sans doute insuffisamment mesurée, je le reconnais devant vous – est de tenir le gouvernement le plus éloigné possible des divergences légitimes qui s’expriment à travers les partis politiques. Il est logique que chacun affirme ses convictions. Chacun pose ses lignes rouges, avec d’autant plus de force que des élections se profilent. C’est tout naturel.
    Le gouvernement de la République assure la continuité de l’action de l’État et porte ses propres convictions, dans le respect de la diversité de ses membres, mais il doit incarner l’ouverture au débat et aux compromis. Qui recherche les points d’accord et d’action, plutôt que de cultiver les différences ? Parce que dans la situation du monde, marquée par une instabilité financière, militaire, économique, commerciale, migratoire et climatique, mieux vaut montrer une France unie qu’une France divisée.
    C’est une évidence, qui est tellement évidente qu’elle disparaît, tant on se complaît dans des querelles intérieures. Ce que je vous propose, c’est de trouver un chemin commun, malgré les divergences. Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. Là encore, c’est une rupture. (Rires, exclamations et applaudissements ironiques sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.)
    La troisième condition, pour réussir cette mission, est de redonner du sens à la politique. Pas par des mots, mais par des actes, par une nouvelle pratique du pouvoir, qui doit amener plus de progrès pour nos concitoyennes et nos concitoyens.
    Partager le pouvoir avec le Parlement, voici incontestablement une rupture. Dans une assemblée divisée, un gouvernement, même en s’appuyant sur la majorité la plus relative, ne peut agir dans la durée sans tenir compte des oppositions. Ce n’est pas possible, ce n’est plus possible et, surtout, ce n’est pas souhaitable.
    J’ai renoncé à utiliser l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. C’est la garantie pour l’Assemblée nationale que le débat –⁠ notamment budgétaire, mais pas seulement –, dans tous les domaines, vivra et ira jusqu’au bout, jusqu’au vote. Cette décision est forte de changements radicaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem ainsi que sur quelques bancs des groupes DR et HOR.)

    M. Sébastien Chenu

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    C’est du pipeau !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    « La légitimité démocratique, c’est une démocratie où le Parlement a un rôle politique » expliquait Michel Debré, père de notre Constitution, le Parlement et le gouvernement ayant « chacun une semblable importance dans la marche de l’État et assurant les moyens de résoudre les conflits qui sont, dans tout système démocratique, la rançon de la liberté ».

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Très bien !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    La rançon de la liberté, pour reprendre ce terme, c’est la responsabilité. Le gouvernement présente le budget qu’il estime souhaitable. Le Parlement l’examine, le discute, le modifie. C’est sa liberté. Et sans 49.3, sans majorité absolue, le Parlement aura le dernier mot. (Mme Dieynaba Diop, M. Olivier Faure et M. Emmanuel Grégoire applaudissent.) C’est sa responsabilité, et nous devons lui faire confiance. Nous ne devons pas en avoir peur ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe DR.)

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Cela paraît de bon sens, c’est pourtant presque une révolution. À vous de saisir ce pouvoir qui est une chance, un bel exercice de responsabilité pour montrer à toutes celles, à tous ceux qui en doutent que la démocratie représentative n’est pas morte, que l’Assemblée nationale et le Sénat restent l’endroit du pouvoir de décision, du pouvoir d’agir. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem.) Quel parlementaire dira à ses concitoyens qu’il ne veut pas discuter le budget de l’État, le budget social de la nation ? N’est-ce pas le cœur même de la fonction parlementaire ? En renonçant au 49.3 il n’y a plus de prétexte pour une censure préalable. N’est-ce pas, d’ailleurs, ce que réclamait une grande partie de cette assemblée ? Je ne reprendrai pas ici les déclarations des uns et des autres.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Vous le demandiez : c’est fait. J’avais promis une rupture, cela en est une. Les débats sur la fiscalité, sur le niveau des dépenses publiques, sur le déficit public : chaque parlementaire se prononcera. Les débats sur les moyens à allouer pour l’écologie, la sécurité, l’éducation, le logement, les collectivités locales, la culture, l’agriculture, nos services publics, chaque parlementaire s’en saisira. (Mme Christine Arrighi s’exclame.) Cette fois, son vote dictera la copie finale. On verra la position de chacun sur la dette, les impôts, les dépenses, les économies. Chaque vote sera un acte.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Le budget sera donc au cœur du débat. Que contient ce budget initial ? Une maîtrise des comptes publics qui réduira le déficit : dans la copie proposée par le gouvernement, celui-ci est réduit à 4,7 % du PIB, contre 4,6 % après retrait de la suppression de deux jours fériés. Je l’ai déjà annoncé, dans tous les cas de figure, à la fin de la discussion budgétaire, ce déficit devra être à moins de 5 % du PIB, car cet impératif de souveraineté s’impose à nous tous. Nous ne pouvons placer notre pays dans la dépendance durable de prêteurs étrangers et je ne serai pas le premier ministre d’un dérapage des comptes publics. Aussi, dès 2025, nous aurons respecté les 5,4 % de déficit prévus par mon prédécesseur.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Le gouvernement proposera un projet qui, par essence, est perfectible. Il est urgent de continuer à dépenser moins. L’État a engagé une revue de ses dépenses. Des économies seront faites ; il faudra désormais qu’elles s’inscrivent dans un cadre pluriannuel en s’appuyant sur une véritable réforme de l’État –⁠ j’y reviendrai dès demain devant le Sénat et devant vous dans les jours qui viennent. Concernant les dépenses de l’État, on peut faire beaucoup à la condition de repenser en profondeur l’action de celui-ci, de réussir sa transformation numérique, de moderniser ses interventions et d’alléger considérablement certaines procédures qui ne sont plus explicables. Tout le monde prône la simplification, nombre d’acteurs dans le pays la réclament : une majorité d’idées dans les deux chambres est possible à ce sujet.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    D’autres économies seront engagées en luttant plus rigoureusement contre les fraudes, qu’elles soient sociales ou fiscales. Là encore, c’est une question de justice. Trop d’argent public est gaspillé parce qu’on ne contrôle pas assez à quoi il sert. Un projet de loi contre les fraudes a été déposé ce matin, en même temps que le budget de l’État et celui de la sécurité sociale. C’est la première fois. Vous pouvez vous en emparer. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) Il y aura par ailleurs des baisses d’impôts pour les petites et moyennes entreprises, il y aura des hausses d’impôts ciblées et exceptionnelles pour certaines très grandes entreprises. Baisse d’impôts d’un côté, hausse de l’autre, afin de mieux répartir les efforts au sein des contribuables et garder une maîtrise de nos prélèvements obligatoires (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN), qui sont déjà très élevés, pour financer notre modèle de redistribution au profit des plus modestes.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    La fiscalité des très grandes fortunes, parmi nos compatriotes, a pu interpeller un certain nombre d’entre vous. Là aussi, il faut reconnaître qu’il peut y avoir des anomalies. Nous croyons que réussir par son travail est une bonne chose, nous voulons une société où il est bon de travailler, de réussir et d’innover. Nous voulons aussi être vigilants au consentement à l’impôt. Encadrer l’optimisation fiscale –⁠ en particulier celle qui passe par les holdings – est une première réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.)

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Nous demanderons à créer une contribution exceptionnelle des grandes fortunes que nous proposons d’affecter au financement des investissements du futur qui touchent à notre souveraineté, pour les infrastructures, la transition écologique ou la défense. Là encore, le débat parlementaire aura lieu. Il permettra à chacun de faire valoir ses arguments, en ne perdant jamais de vue que derrière la fiscalité se pose la question du consentement à l’impôt, de la confiance et de la justice. Le débat fiscal doit être aussi un débat sur l’emploi et la croissance, raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ce que le patrimoine professionnel soit touché. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ « Ben voyons ! » sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Je ne détaillerai pas maintenant les mesures fiscales. J’ai ouvert le débat, sans tabou. Je vous exposerai moi-même, avec les ministres, les propositions que j’ai faites, les modifications que je soutiendrai et celles que je combattrai. Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. Sans utilisation du 49.3, le gouvernement devra changer de méthode : il faudra des discussions préalables, des compromis, le souci du détail et ne jamais refuser la technicité, l’âpreté du débat. La loi se fera ici, pas à Bercy. (Rires sur quelques bancs du groupe RN.) Je montrerai l’exemple en portant ici même, dans les tout prochains jours, la discussion générale du budget de l’État et du budget de la sécurité sociale. Une fois de plus, le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR ainsi que sur quelques bancs des groupes DR, Dem et HOR.)

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Mesdames et messieurs les parlementaires, je veux maintenant vous parler d’un sujet majeur qui a traversé notre pays, qui l’a parfois fracturé : le mérite, la dignité et le courage des travailleurs, la légitimité d’une bonne retraite.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    La fierté d’être travailleur, c’est la fierté de nos entreprises, qui ne sont pas seulement l’affaire des patrons mais aussi celle de tous les salariés. C’est celle de notre industrie, de toutes nos industries, et de leurs filières : électronique, automobile, nucléaire, chimique, métallurgique, aéronautique, militaire, etc.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Il n’en reste pas grand-chose !

    Une députée du groupe EcoS

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    Et les aides-soignantes ? Les AESH ?

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Cette fierté, c’est celle du goût de l’effort partout et pour tous. L’effort mérite reconnaissance et récompense.

    M. Sylvain Maillard

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    Il a raison !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Le gouvernement sera du côté des travailleurs et de celles et ceux qui veulent travailler. Le travail est la condition indispensable de la croissance comme du financement de notre modèle social. Il nous faut nous attaquer à deux problèmes majeurs. Les Français, quand ils travaillent, sont productifs ; en revanche, ils accèdent trop tard au travail et en sortent parfois trop tôt. Le deuxième problème est qualitatif : nous avons en proportion trop d’emplois de service moins rémunérés et pas assez d’emplois industriels qualifiés.

    M. Hervé de Lépinau

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    Il n’y a plus d’industrie !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    C’est la raison pour laquelle il est urgent d’accélérer la réindustrialisation de notre pays par l’investissement et l’innovation (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR), mais aussi par notre politique énergétique.

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Nous croyons à la promotion interne, à l’ascenseur social. Je demanderai au ministre du travail et des solidarités d’engager dès cet automne des négociations par branche…

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ça fait trois ans !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    …pour développer des parcours permettant aux salariés en bas de l’échelle de devenir agents de maîtrise et cadres. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) Le travail, le mérite, la volonté de progresser doivent être encouragés et récompensés. Comme le disait Gabriel Attal (Exclamations sur les bancs du groupe RN –⁠ Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR) à cette tribune, on ne peut pas rester des années au smic sans perspective de progression.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Des nouveaux ministres sont arrivés avec de nouvelles idées. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils sont là.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ce n’est pas la bonne raison !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Le gouvernement présente un budget pour l’emploi, pour produire, pour que le travail paye. Nous soutiendrons la rémunération, le logement, la santé des travailleurs. Ce sera aussi un budget pour préserver l’outil de production, avec la reprise de la baisse de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), impôt qui pèse sur la production de nos petites et moyennes entreprises. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et HOR.) Des propositions ont émergé de plusieurs groupes parlementaires, ici même, pour le pouvoir d’achat des travailleurs ;…

    Une députée du groupe EcoS

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    Et les travailleuses ?

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    …là aussi, toutes seront examinées. Toutes seront débattues et font actuellement l’objet d’un travail technique préalable des ministres compétents. Une fois encore, le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Être auprès des travailleuses (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe EcoS), des travailleurs, c’est aussi être auprès de celles et ceux qui ont travaillé toute leur vie et sont à la retraite. Nous respectons les travailleurs, donc nous respectons les retraités. Je vis avec quelques convictions simples : qu’il faut garantir l’équilibre de notre système, qu’il faut le financer pour les générations futures, qu’il faut pour chacun une retraite digne et pérenne. Il y a moins de cotisants qu’avant et plus de retraités. Cela s’impose à nous, comme dans plusieurs pays européens ; plus personne ne peut le nier. Mais je ressens aussi ce que la dernière réforme, pourtant nécessaire, a provoqué : des tensions, des inquiétudes, de la lassitude, parfois un sentiment d’injustice ou d’incompréhension, y compris –⁠ à tort ou à raison – dans sa dimension démocratique.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Le gouvernement est-il prêt à un nouveau débat sur l’avenir de notre système de retraite ? La réponse est oui. Une réforme sociale, aussi nécessaire soit-elle, ne peut tenir que si elle est comprise et équitable. Cet enjeu reste un enjeu d’avenir. J’ai toujours indiqué que l’avenir de nos retraites serait au cœur de la prochaine campagne présidentielle. Mais nous devons entendre que ce débat est demandé dès maintenant par des forces politiques et syndicales légitimes. Paradoxalement, cette période de quelques mois d’ici à l’élection présidentielle peut être une chance pour avancer, y compris sur ce sujet difficile des retraites.

    M. Erwan Balanant

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    Tout à fait !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    J’ajoute que la plus grande richesse, pour notre pays, c’est la stabilité et la capacité à recréer la confiance entre les acteurs, notamment chez les partenaires sociaux. La maîtrise des comptes publics, la croissance, l’emploi, le renforcement de notre défense, la perspective de réformes utiles votées d’ici à 2027 reposent sur notre capacité collective à traduire en actes cette stabilité politique. La plus grande richesse du pays, c’est sa capacité collective à aller de l’avant. C’est pourquoi je proposerai au Parlement, dès cet automne, que nous suspendions jusqu’à l’élection présidentielle la réforme de 2023 sur les retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. –⁠ M. Yannick Monnet applaudit également.) Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028, comme l’avait précisément demandé la CFDT. En complément, la durée d’assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Violette Spillebout applaudit aussi.) Je le dis très directement : suspendre pour suspendre n’a aucun sens.

    M. Erwan Balanant

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    Aucun !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    La suspension en préalable de rien serait irresponsable. Cette suspension doit installer la confiance nécessaire pour bâtir de nouvelles solutions. La suspension pour faire mieux est la solution, si chaque acteur sait en tirer quelque chose. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ M. Jérôme Guedj applaudit également.)

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Mesdames et messieurs les parlementaires, résumons. L’Assemblée voulait que je n’utilise pas le 49.3 : je m’y suis engagé. L’Assemblée voulait débattre à nouveau des retraites : elle en débattra, et chaque parlementaire défendra ses opinions. L’Assemblée voulait que le gouvernement suspende la réforme en attendant un débat, une solution, un vote. Je le fais, ce qui permettra d’éclairer le débat lors de la future élection présidentielle. En revanche, je veux être très clair : je n’endosserai pas n’importe quoi.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Mais si ! C’est trop tard !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Le coût de la suspension pour notre système de retraite est de 400 millions d’euros en 2026 et 1,8 milliard en 2027. Cette suspension profitera, à terme, à 3,5 millions de Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Elle devra donc être compensée financièrement, y compris par des mesures d’économie. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ M. Jérôme Guedj applaudit également.) Elle ne pourra se faire au prix d’un déficit accru. J’ai pris des engagements, ceux que les oppositions demandaient. J’en prends un supplémentaire et il doit être entendu par chacun, y compris par nos prêteurs sur les marchés financiers : je n’endosserai pas un résultat qui mettrait en danger la crédibilité de notre pays,…

    M. Éric Ciotti

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    C’est ce que vous faites !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    …encore moins notre système de retraite tout entier. Je fais des pas en avant, à chacun, aussi, d’en faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Suspendre doit être une opportunité. Débattre de la question des retraites n’est pas seulement une équation financière. Cette question fait partie intégrante de notre contrat social et ce contrat a besoin, lui aussi, d’une refondation, d’innovations, de ruptures. (Mme Justine Gruet et M. Erwan Balanant applaudissent.) Ce gouvernement est prêt à renforcer le paritarisme, à faire confiance à la démocratie sociale. Une fois encore, suspendre la réforme n’a de sens que si c’est pour aller plus loin. Je propose, dans les prochaines semaines, d’organiser une conférence sur les retraites et le travail, en accord avec les partenaires sociaux. (Exclamations sur divers bancs.)

    M. Sébastien Chenu

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    Un conclave !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Grâce à la suspension, cette conférence aura le temps de se prononcer avant l’élection présidentielle. Elle se posera la question de l’ensemble de la gestion de notre système de retraite. Certains veulent des systèmes par points, d’autres par capitalisation (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR), d’autres veulent abandonner toute référence à l’âge. Ces propositions ne valent que si l’on sait qui est responsable. Aux partenaires sociaux de s’emparer ou non de cette responsabilité de gérer le régime. Ce serait revenir aux sources historiques de notre modèle de retraite, c’est d’ailleurs ce que font toujours nos voisins européens. Le gouvernement y est prêt.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    J’ai confiance dans la démocratie sociale, confiance dans la démocratie parlementaire. (Rires sur les bancs du groupe RN.) Si la conférence se conclut par un accord, le gouvernement le transposera dans la loi et le Parlement décidera. Sinon, il appartiendra aux candidats à l’élection présidentielle de faire leurs propositions et aux Français de les trancher. La conférence pourra rendre ses premières conclusions au printemps prochain.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Mais il y a aussi des urgences : comme s’y était engagé mon prédécesseur, j’ai inscrit dans le budget de la sécurité sociale une amélioration concernant les retraites des femmes. Là aussi, il s’agit d’un sujet consensuel. Inutile d’attendre ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    La conférence devra aborder d’autres sujets cruciaux, comme l’attractivité de certains métiers indispensables, le travail pénible, l’usure au travail et les carrières longues. Voilà une discussion qui était bloquée depuis vingt-trois ans. (Mêmes mouvements.) Paradoxalement, la rupture, c’est de conclure. Là encore, le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Je le dis sans détour : suspendre, ce n’est pas renoncer, ce n’est pas reculer, si nous savons utiliser ce temps avec intelligence et avec la volonté d’avancer. La cohésion sociale, l’unité du pays et donc sa stabilité sont une force. La division, elle, a un coût. Chacun doit l’assumer.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Mesdames et messieurs les parlementaires, il faut un partage du pouvoir entre le gouvernement et l’Assemblée, un partage du pouvoir entre le gouvernement et les partenaires sociaux, un partage du pouvoir aussi avec les collectivités locales –⁠ pas pour faire plaisir aux élus locaux, j’en suis un, mais pour être efficace, au service des Français. On le dit souvent, on le fait rarement.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Pour commencer, nous avons une urgence sensible : la réforme institutionnelle concernant la Nouvelle-Calédonie. La fin de l’accord de Nouméa a laissé un vide institutionnel qu’il faut combler pour permettre la paix sur le Caillou. L’accord de Bougival permet une réconciliation. Il doit être transcrit dans la Constitution. Le gouvernement proposera ce texte avant la fin de l’année afin que les Calédoniens puissent être consultés au printemps 2026. C’est une urgence.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Mais ce serait une erreur de croire que la Nouvelle-Calédonie est un cas à part. La question des outre-mer se pose aussi avec la même urgence. Un projet de loi concernant la vie chère est prêt. Il ne faut pas attendre. Certains territoires, aux Antilles et en Guyane notamment, réfléchissent par ailleurs à leur avenir institutionnel. Nous devons les accompagner. Un projet de loi constitutionnelle concernant la Corse, fruit de deux années de discussion, est également prêt. Rien ne serait pire pour l’État que de renier sa parole. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LIOT.) Là encore, l’Assemblée nationale et le Sénat débattront et trancheront.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Nos concitoyens veulent que le pouvoir soit proche d’eux, adapté aux réalités de terrain. Je proposerai donc en décembre un projet de loi pour renforcer le pouvoir local : seul ce nouvel acte de décentralisation permettra de réformer l’État de manière globale et d’améliorer le fonctionnement de tous nos services publics.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Qu’attend-on de l’État ? C’est la question centrale. La police, la justice, la sécurité, la défense, les relations internationales : dans ces domaines, les budgets ont augmenté depuis 2017 et continueront d’augmenter. L’État s’est renforcé parce que ce sont des missions que lui seul peut exercer. Pour le reste, quel doit être le niveau de décision local ? Qui est responsable de quoi ? Je proposerai un principe simple, celui de l’identification d’un seul responsable par politique publique. Il s’agira soit d’un ministre, soit d’un préfet, soit d’un élu. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, DR et Dem.) Il ne faut pas décentraliser des compétences, mais décentraliser des responsabilités, avec des moyens budgétaires et fiscaux et des libertés, y compris normatives. C’est aussi une formidable occasion de repenser complètement notre planification écologique et énergétique. Nous ferons des propositions précises sur le sujet.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Le gouvernement peut-il engager cette réforme dans les trois mois ? Vous vous dites que cela prendra du temps ? C’est précisément parce que cela prendra du temps qu’il faut engager cette réforme tout de suite. Sinon, elle sera reportée une fois de plus, et jusqu’à quand ? Au plus tôt dans deux ans, après l’élection présidentielle. Nous n’attendrons pas. Des majorités sur ce texte sont possibles dans les deux chambres. Le gouvernement proposera, nous débattrons, vous voterez.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Mesdames et messieurs les députés, nous ne pouvons pas attendre, il y a urgence : urgence de tenir le calendrier d’adoption du budget et de voter le meilleur budget possible ; urgence de renforcer le dialogue social ; urgence, avant les élections municipales, de mieux répartir les compétences et de réformer l’État. Si les débats de cette assemblée débutent cette semaine, les discussions budgétaires permettront de répondre aux urgences pour la santé et l’accès aux soins avec France Santé, de défendre l’environnement et la sécurité, grâce à la loi de programmation militaire.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Il y a des urgences et des projets de loi qui sont prêts : pour les polices municipales et la sécurité du quotidien, pour le statut de l’élu. Des discussions sensibles doivent se poursuivre, notamment sur la fin de vie. Des combats doivent sans cesse être menés, contre le racisme, l’homophobie et l’antisémitisme, pour l’égalité entre les femmes et les hommes. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, SOC et Dem. –⁠ Mme Justine Gruet applaudit également.)

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    La soif absolue de nos compatriotes pour leur sécurité, pour la justice et le respect de la loi doit être entendue sur chaque banc de cette assemblée. Les enjeux migratoires à venir, liés tant à la démographie, au réchauffement climatique qu’au terrorisme, sont un défi imminent qui ne peut être nié –⁠ j’y reviendrai, les ministres y reviendront.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    À condition d’oser discuter, d’agir et d’avancer, tout cela nous pouvons le faire ensemble dans les mois qui viennent si nous mettons fin à cette crise. Désormais, cela dépend de vous.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Je sais, je n’ai pas obéi à l’exercice de style habituel d’une déclaration de politique générale en recensant chaque domaine d’intervention de l’État, en citant chacune des préoccupations de nos concitoyens dans leur travail, pour leur famille, leur village ou leur ville. Que personne ne se sente oublié : je pense sinon à tout, je n’en ai pas la prétention, en tout cas à toutes et à tous.

    M. Aurélien Le Coq

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    Et le vote de confiance ?

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Cela est facile : il me suffit de me sentir utile à mon pays. Et je vous le dis avec toute ma conviction, avec tout ce que j’ai appris aussi au ministère des armées, les seuls qui se réjouiraient d’une crise, d’une panne budgétaire en France, ne sont pas les amis de la France. (Applaudissements nourris sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem, HOR et LIOT. –⁠ Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.) Qui, parmi les Français, se sentira mieux si la France se divise plus encore,…

    M. Emeric Salmon

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    C’est vous qui la divisez !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    …si elle est plus faible, si elle repousse les questions de fond et les questions d’urgence à plus tard ? (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.)

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Je ne vous ai pas fait un discours de politique général convenu. Je reviendrai ici pour expliquer la politique que le gouvernement entend mener sur les sujets fondamentaux. Je me suis engagé à revenir pour expliquer le budget, parce qu’il traduit une politique pour la France, mais je reviendrai aussi pour aborder les questions de sécurité, d’immigration, d’énergie, de transition écologique, d’éducation et du numérique (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP)  : sur tout cela, nous ferons des propositions, nous débattrons et à la fin vous voterez. (Mme Mathilde Panot s’exclame.)

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Je ne vous ai pas non plus présenté un programme de long terme, car ce gouvernement est un gouvernement de mission. L’urgence est de redonner son sens à la politique, de redonner confiance en la politique, de respecter les engagements de chacun, y compris ceux des oppositions. La vraie démocratie permet à celles et à ceux qui ne sont pas d’accord de travailler ensemble sans rien renier de leurs convictions. (Vives exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP suscitant des protestations sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR et HOR.) C’est ce qui se passe dans toutes les démocraties du monde et même dans tous les conseils municipaux de France. Osons : il suffit de faire un pas ; c’est comme cela que l’on avance pour la France et pour les Français ! (Les députés des groupes EPR, Dem et HOR ainsi que quelques députés des groupes LIOT et DR se lèvent et applaudissent. –⁠ Mmes Océane Godard, Céline Hervieu et Claudia Rouaux applaudissent aussi.)

    M. Hervé de Lépinau

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    Alors les socialistes, vous allez être reconnaissants ?

    Mme la présidente

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    Nous allons entendre les orateurs des groupes. La parole est à M. Laurent Wauquiez.

    M. Laurent Wauquiez (DR)

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    Monsieur le premier ministre, vous prononcez votre discours de politique générale dans un moment de crise inédite sous la Ve République. Au cours des dix derniers jours, la politique française a donné le pire des spectacles, une image terrible… (Rires et applaudissements ironiques sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP, SOC, EcoS, GDR et UDR.)

    M. Laurent Wauquiez

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    Mesdames et messieurs, ayez au moins l’élémentaire lucidité de vous dire que vous avez tous contribué à cette situation lamentable (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. –⁠ Nouveaux rires et exclamations sur les bancs des groupes RN, SOC et UDR) dans laquelle la politique française s’est abîmée. Vous êtes ceux qui avez joué avec la censure et vous avez visiblement du mal à fait votre autocritique, ceux qui avez la volonté de tout faire tomber parce que vous y voyez votre intérêt (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR), ceux qui voulez que rien ne change alors que les Français aspirent à des ruptures. Vos rires sarcastiques sont l’illustration de votre incapacité à vous poser les bonnes questions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ Exclamations continues sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Emeric Salmon

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    Il est où, Retailleau ?

    M. Laurent Wauquiez

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    Les Français regardent cela avec un mélange d’éc?urement, de colère et d’inquiétude profonde –⁠ vous feriez bien de le comprendre, vous qui traitez la situation avec tant de légèreté… Ne vous y trompez pas : ils jugent avec sévérité ceux qui jouent avec leur inquiétude. (Exclamations sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP, SOC et GDR.) Car nous sommes dans l’une des pires périodes d’instabilité qu’ait connues notre histoire, une période qui renvoie à ce moment de la IIIe République, à la fin du XIXe siècle, où les gouvernements duraient à peine quelques semaines –⁠ mais certains ici semblent s’en réjouir (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP) –, à ce moment aussi de la guerre d’Algérie où les gouvernements n’étaient pas capables de tenir tellement plus longtemps qu’aujourd’hui –⁠ certains ici ne devraient pas se réjouir d’un tel chaos.

    M. Laurent Wauquiez

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    Vous qui semblez si imperméables à l’inquiétude des Français, sachez qu’à l’époque la France pouvait au moins compter sur une économie solide et prospère, qui protégeait nos compatriotes. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.) Aujourd’hui, notre nation fait face à une triple crise : une crise politique –⁠ certains ici la nourrissent –, une crise économique –⁠ certains ici n’y semblent pas sensibles – et une crise géopolitique –⁠ notre nation danse au-dessus du volcan. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.) Aucun d’entre nous, je l’espère, ne peut sincèrement s’en réjouir. Et chacun d’entre nous, j’en suis sûr, quelles que soient nos différences politiques, aspire à ce que notre pays retrouve les chemins de l’intérêt général.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    De l’élection !

    M. Laurent Wauquiez

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    Il est urgent…

    M. Antoine Villedieu

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    De ne pas s’accrocher à son siège !

    M. Laurent Wauquiez

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    …de tourner cette page catastrophique pour la politique française, ce qui suppose un effort de chacun. De fortes différences politiques existent-elles entre nous ?

    M. Emeric Salmon

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    Entre Retailleau et vous, oui !

    M. Laurent Wauquiez

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    C’est une évidence. Sommes-nous tous convaincus que, dans nos institutions, l’élection présidentielle est la seule qui soit fondatrice ? Évidemment. Ce moment de confrontation entre les différentes visions politiques va-t-il venir ? Tout le monde le sait. Entre-temps, une question nous est posée : voulons-nous tout détruire ou sommes-nous capables de faire des efforts les uns envers les autres ? (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ce sont les Français qui paient !

    M. Laurent Wauquiez

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    Un an, juste un an, avant la campagne présidentielle, avant ce débat décisif sur les causes de notre impuissance et les moyens d’en sortir ! D’ici là, nous devons juste faire cet effort minimal qui consiste à trouver des compromis plutôt que de nous écharper, à discuter plutôt que de parier sur une énième élection par défaut. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Fasse que chacun soit capable de ce petit effort, d’agir pour le moindre mal, dans cette période où le pire est possible et où nous devrions tous le redouter ! (Mêmes mouvements.)

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Cent milliards d’impôts !

    M. Laurent Wauquiez

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    Chers collègues, les Français attendent de nous cette lucidité. Ils nous disent : « Entendez-vous ! »

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ils te disent de partir !

    M. Laurent Wauquiez

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    Ils nous disent : « Discutez, trouvez des solutions ! » J’en suis convaincu, ils jugent avec sévérité ceux qui nourrissent le chaos. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.)

    M. Laurent Wauquiez

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    Ceux qui nous écoutent ne l’entendent pas mais, au moment où je parle, des personnes hurlent aux deux bouts de cet hémicycle, des personnes qui sont incapables d’écouter et de se respecter (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur plusieurs bancs du groupe EPR), et qui continuent de nourrir une image lamentable de la politique française. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Emeric Salmon

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    C’est toi qui es lamentable !

    M. Laurent Wauquiez

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    Monsieur le premier ministre, voilà la condition pour que votre gouvernement puisse agir. Certes, l’Assemblée nationale est divisée, mais cela n’empêche pas d’avancer. La France a réussi à le faire par le passé et bien des démocraties autour de nous y parviennent. Dans un climat de divisions politiques, il est possible de trouver des équilibres, sans prétendre tout faire et en se concentrant sur l’essentiel –⁠ vous l’avez rappelé dans votre discours.

    M. Laurent Wauquiez

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    Les gouvernements d’Antoine Pinay et de Pierre Mendès France y étaient parvenus, respectivement pour restaurer l’équilibre budgétaire et pour mettre fin aux guerres coloniales. À l’époque, le pays a su avancer en dépit de son instabilité politique. Nous, députés de la droite républicaine, sommes convaincus que c’est aujourd’hui notre responsabilité.

    M. Laurent Wauquiez

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    La position de notre groupe n’a pas changé depuis la dissolution de l’Assemblée nationale. Nous avons deux priorités.

    M. Laurent Wauquiez

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    D’abord, refuser que le gouvernement soit sous la coupe de la France insoumise et de la folie de l’extrême gauche, qui constitue le principal danger politique pour l’avenir de notre République. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ Protestations sur les bancs du groupe EcoS.) Je l’assume, et quand je les écoute dans cet hémicycle, ma détermination n’en est que renforcée.

    M. Laurent Wauquiez

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    Ensuite, faire en sorte que la France ne soit pas bloquée.

    Mme Dieynaba Diop

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    Et lutter contre l’extrême droite, ce n’est pas une priorité ?

    M. Laurent Wauquiez

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    Nous nous engageons, conscients des compromis nécessaires pour que des lois indispensables soient adoptées. Nous avons défini notre position collectivement, avec nos députés et nos sénateurs. Nous ne censurerons pas un gouvernement a priori, et nous ne ferons pas partie de ceux qui font tomber les premiers ministres. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Laurent Wauquiez

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    La France a besoin d’un minimum de stabilité. La France a besoin d’un gouvernement. La France a besoin d’un budget. Pour ceux qui, ici, ne comprennent rien… (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Laurent Wauquiez

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    …, notre priorité pour les semaines à venir sera simple : donner un budget à la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Laurent Wauquiez

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    Si nous continuons ainsi, il n’y aura pas de budget pour protéger les Français. Il faut dire les choses. Priver la France de budget, c’est aggraver notre déficit public, déjà le plus élevé de la zone euro. Priver la France de budget, c’est nous mettre dans la main des créanciers. Priver la France de budget, c’est le poison de l’incertitude. (Protestations sur les bancs du groupe RN. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Laurent Wauquiez

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    Les Français ne consomment plus, parce qu’ils sont inquiets. Les entreprises n’investissent plus, parce qu’elles sont inquiètes. Vous feriez bien d’écouter les commerçants et les artisans de ce pays ; ils nous disent tous que la situation n’a jamais été aussi difficile à cause de l’instabilité politique que certains cultivent ici. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.)

    M. Emeric Salmon

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    Ils nous disent que c’est à cause de vous !

    M. Laurent Wauquiez

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    Priver la France de budget, c’est geler les moyens dédiés à l’hôpital, à la santé, et même à nos armées, dans un contexte géopolitique encore plus menaçant que celui de la guerre froide.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Vous baissez les crédits de l’armée ! Il ment ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe DR.) Vous êtes des menteurs ! (Mêmes mouvements. –⁠ Exclamations sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)

    M. Laurent Wauquiez

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    Il y a un peu de tension dans l’hémicycle parce que certains se comportent n’importe comment. C’est regrettable.

    M. Laurent Wauquiez

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    Monsieur le premier ministre, je me permets de rappeler ici quelques évidences. Il ne s’agit pas d’augmenter les impôts dans un pays qui détient le record du monde du niveau de fiscalité ; il s’agit de les baisser.

    M. Hervé de Lépinau

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    20 milliards d’euros en plus !

    M. Laurent Wauquiez

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    Il ne s’agit pas d’augmenter les dépenses publiques dans un pays qui détient le record du monde du niveau de dépense ; il s’agit de les baisser.

    M. Laurent Wauquiez

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    Soyons clairs : ce n’est pas à la France qui travaille et qui a travaillé toute sa vie de faire des efforts, mais à l’État, notamment en luttant contre la bureaucratie administrative. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Laurent Wauquiez

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    Vous avez envoyé de premiers signaux symboliques ; il faudra aller plus loin.

    M. Laurent Wauquiez

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    Vous connaissez nos convictions. Il faut supprimer toutes les agences qui coûtent tant mais ne servent à rien. Il faut mettre un terme à la politique des chèques gouvernementaux. Il faut rétablir la bonne gestion de nos services publics en faisant confiance aux acteurs de terrain au lieu de tout complexifier.

    M. Laurent Wauquiez

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    Croyez-moi, c’est possible : en Auvergne Rhône-Alpes, nous avons baissé de 15 % les dépenses de fonctionnement sans augmenter ni la dette, ni la moindre taxe. (Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.)

    M. Laurent Wauquiez

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    Le combat de la droite républicaine dans ce débat budgétaire sera de baisser le niveau de dépense publique. Nous ne laisserons pas la gauche et la France insoumise imposer un budget contraire aux intérêts du pays. Nous investirons le débat budgétaire pour faire valoir nos convictions et nos propositions.

    M. Hervé de Lépinau

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    C’est un budget socialiste !

    M. Laurent Wauquiez

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    Les aspirations des Français sont beaucoup plus simples que ne le sont les fractures politiques dans cet hémicycle : revaloriser le travail, rétablir l’ordre, arrêter l’immigration incontrôlée.

    M. Laurent Wauquiez

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    Je souhaite insister sur un sujet fondamental pour les députés de la droite républicaine : arrêter l’assistanat et revaloriser le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Laurent Wauquiez

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    La plus grande injustice en France est que le travail ne paye pas. Si un employeur veut augmenter de 100 euros le salaire d’un employé rémunéré au smic, il doit mettre 500 euros sur la table.

    M. Laurent Wauquiez

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    Pour rémunérer un employé dont le salaire brut s’élève à 3 000 euros, l’employeur devra payer 4 000 euros, alors que le salarié ne touchera que 2 200 euros après déduction des taxes et des charges. Dans le même temps, et on ne le rappelle pas suffisamment, un couple avec trois enfants touche 2 300 euros d’aides sociales exemptées d’impôts et de charges. Ce n’est pas juste. Aucune société ne peut tenir sans la récompense du travail, de l’effort et du mérite, ciment de justice élémentaire. Garder le social, arrêter l’assistanat, revaloriser le travail : cela a toujours été notre combat.

    M. Laurent Wauquiez

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    Nous porterons plusieurs combats dans ce débat budgétaire, et il est fondamental que la droite républicaine soit écoutée. D’abord, nous demandons l’instauration d’une allocation sociale unique permettant de plafonner les aides sociales à 70 % du smic, pour qu’on ne gagne pas plus d’argent en restant chez soi qu’en allant travailler. C’est une mesure de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    M. Laurent Wauquiez

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    Ensuite, nous demandons la défiscalisation des heures supplémentaires, sans impôt ni charge. Il s’agit d’un véritable signal envoyé à la France qui travaille, permettant de sortir d’une situation décourageante pour ceux qui se donnent du mal à travailler et qui finissent pourtant par payer plus et perdre des aides. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    M. Laurent Wauquiez

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    Enfin, il faut évidemment s’attaquer à l’ultraviolence et à l’immigration hors de contrôle. Cela suppose de réarmer notre droit et d’établir une sanction pour chaque infraction. Il faut rétablir l’autorité de la loi, de la frontière et de notre mode de vie. Cette politique, engagée aussi bien par les sociaux-démocrates danois que par la droite italienne, est attendue par les Français. Vous nous trouverez à vos côtés pour mener ces combats prioritaires.

    M. Laurent Wauquiez

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    Ensuite, viendra le débat présidentiel.

    Un député du groupe RN

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    Ce sera sans toi !

    M. Laurent Wauquiez

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    Il permettra enfin d’enclencher la profonde reconstruction de notre pays. Nous sommes convaincus que la France a besoin d’un redressement de droite, avec un objectif : sortir du régime de l’impuissance de la Ve République, aujourd’hui dénaturée, dont il faut retrouver l’esprit et l’efficacité des origines. Ce qui menace notre pays, c’est de glisser toujours plus vite sur la pente de la décadence.

    M. Laurent Wauquiez

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    Pour surmonter une crise de régime, notre pays n’a toujours suivi que deux chemins. Un premier chemin consiste à tout renverser. Nous l’avons parfois suivi dans notre histoire, et nous savons à quels tourments la passion de la destruction a souvent condamné l’avenir de la France. Un autre chemin, emprunté par le général de Gaulle en 1958, consiste à considérer que la volonté de tout détruire est surtout un aveu de résignation. Le général de Gaulle avait compris que le courage réside dans le fait de tout rebâtir et non pas de tout détruire ; que le pire des dangers est le désordre –⁠ ce qu’il appelait la chienlit – dans un pays où la guerre civile est toujours une menace. Comme le résumait Georges Pompidou, il faut rebâtir en sachant ce qu’on veut rebâtir et ce qui en vaut la peine ; changer ce qu’il faut pour préserver ce qui vaut. C’est ce changement qu’il faudra préparer, avec tous ceux qui auront alors à cœur le sursaut français. (Les députés du groupe DR se lèvent et applaudissent. –⁠ Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cyrielle Chatelain.

    Mme Cyrielle Chatelain (EcoS)

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    Monsieur le premier ministre, vous avez déjà réussi une chose, puisque vous avez prononcé la déclaration de politique générale la plus attendue depuis 2022. Vous avez dit avoir fait un discours inhabituel ; ma réponse le sera tout autant, puisque je ne m’en tiendrai pas à mon discours écrit mais vous répondrai directement.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Vous avez parlé d’innovation démocratique pour désigner le fait de laisser le Parlement débattre et voter. C’est dire à quel point nous sommes habitués à voir notre démocratie malmenée, pour que le simple respect du processus parlementaire soit qualifié d’innovation démocratique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Jusqu’à présent, vous avez toujours souhaité que nos échanges portent sur le contenu des politiques publiques. C’est donc par cela que je commencerai. Dans votre discours, vous avez fait le choix de ne pas évoquer tous les sujets. Je le comprends. Mais en tant qu’écologiste, je ne peux qu’être inquiète de voir que l’environnement et la biodiversité ne sont pas au cœur des priorités. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR. –⁠ Mme Fatiha Keloua Hachi applaudit aussi.)

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Les vagues de chaleur ou encore les inondations affectent nos concitoyens au quotidien. Ne pas agir fermement contre le réchauffement climatique, c’est laisser prospérer ces calamités environnementales. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. –⁠ M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Au-delà de vos mots, il y a tout ce que vous n’avez pas dit pour ne pas froisser certains de vos partenaires peu fiables. Lorsque j’entends Laurent Wauquiez à cette tribune utiliser des mots durs, inacceptables sur les questions d’immigration, je me demande où ces partenaires vont vous mener. Céderez-vous comme vos prédécesseurs sur les questions d’immigration ? Dans un contexte où l’extrême droite progresse, je suis profondément inquiète à l’idée de voir le gouvernement s’allier avec un parti dont le chef dit que la différence entre la droite et l’extrême droite est la même qu’entre une pensée et une arrière-pensée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Monsieur le premier ministre, allez-vous vous laisser entraîner sur ces questions d’État de droit par vos partenaires ?

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Vous l’avez dit, l’Assemblée nationale demandait plusieurs choses. Nous, les Écologistes, demandions des garanties sur les sujets environnementaux ; nous n’en avons pas obtenu.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Nous avions également des exigences en matière de justice sociale. Sur ce point, je commencerai par la question, tant attendue, des retraites. Rappelons ce dont il s’agit : nous parlons d’une réforme imposée par 49.3, que Michel Barnier, alors premier ministre, a maintenue coûte que coûte et que vos soutiens, par leur obstruction parlementaire, ont refusé d’abroger. Cette réforme –⁠ et le conclave sur les retraites – a aussi servi d’alibi pour maintenir le gouvernement de François Bayrou. Aujourd’hui, elle devient un élément de marchandage pour maintenir votre gouvernement. La réforme des retraites est une faute originelle ; elle est désormais, je l’avoue avec étonnement, l’assurance-vie des macronistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Si notre assemblée peut voter, nous voterons la suspension de la réforme des retraites, car il est préférable de l’empêcher de produire ses effets pendant un an et demi que de la voir perdurer. Ce vote est donc une première étape. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme Cyrielle Chatelain

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    La suite se jouera au moment de l’élection présidentielle. Si nous ne voulons pas que cette réforme entre de nouveau en vigueur à compter du 1er janvier 2028 et si nous souhaitons son abrogation définitive, il nous faudra alors élire un président de la République de gauche et écologiste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)

    Mme Cyrielle Chatelain

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    La réforme des retraites a déjà commencé à produire une partie de ses méfaits. Depuis quinze jours, l’âge de départ a été porté à soixante-deux ans et neuf mois, et la durée de cotisation à 170 trimestres. Le vote à venir ne suspendra cette réforme que pour un an et demi ; en l’absence d’un nouveau vote après l’élection présidentielle, cette réforme reprendra son cours extrêmement néfaste. Vous proposez certes une suspension, mais il ne s’agit justement que d’une suspension, alors même que cette réforme n’a aucun socle politique : ce n’est pas suffisant. (Exclamations sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Ensuite, le projet de budget est bien faible sur la question des ultrariches. Nous avons entendu vos partenaires parler de justice. Or où est la justice quand des dynasties, à l’instar des familles Arnault, Hermès, Wertheimer, Bettencourt ou encore Saadé, font des profits outrageux qu’ils soustraient à l’impôt ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Leur patrimoine boursier a progressé de 400 % en six ans ; les voilà qui s’engraissent tandis que les gens n’arrivent plus à vivre de leur salaire.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Oui, cela me prend aux tripes !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Monsieur le premier ministre, vous avez dit respecter cette assemblée. Or la taxe Zucman y a été votée, grâce à mes collègues Clémentine Autain et Eva Sas (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR. –⁠ M. Carlos Martens Bilongo applaudit également.) Cette taxe, qui pouvait rapporter 20 milliards d’euros, rétablir un peu de justice et d’équilibre, faire à nouveau contribuer les ultrariches au pot commun, ne figure pas dans le projet de loi de finances. À la place, celui-ci prévoit une taxe sur les holdings financières pleine de trous, qui épargne 95 % du patrimoine des ultrariches.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Vous continuerez sans aucun doute la politique de l’offre. Cette politique coûteuse –⁠ 10 milliards ont été distribués aux entreprises sans aucune contrepartie – accroît les profits et non les emplois. Cette politique, menée en particulier depuis 2017 et défendue coûte que coûte par le président de la République, a dilapidé de l’argent sans rien apporter. Prenons deux exemples : Sanofi, qui a touché 1 milliard d’euros de crédit d’impôt recherche (CIR) en dix ans, a supprimé 3 500 emplois dans la recherche. Carrefour a bénéficié d’un allègement de cotisations de 1,5 milliard ; dans le même temps, ses effectifs en France sont passés de 112 000 à 75 000 salariés. Voilà beaucoup d’argent dépensé et bien peu d’emplois créés ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS. –⁠ M. Marcellin Nadeau applaudit également.) Vous continuerez cette politique, qui a creusé les déficits, et ce sont les Français qui vont payer.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Dans votre discours de politique générale, vous n’avez pas mentionné plusieurs mesures qui figurent dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale que vous avez présentés : le gel des prestations sociales, notamment des pensions de retraite,…

    M. Pierre Cordier

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    Et les jours fériés, on en parle ?

    Mme Cyrielle Chatelain

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    ….la sous-indexation des retraites de 0,4 point par rapport à l’inflation jusqu’en 2030 –⁠ bien après la suspension de la réforme des retraites –, la limitation de la durée du premier arrêt maladie prescrit, l’augmentation des franchises médicales. Ce que vous ne dites pas, monsieur le premier ministre, c’est que si vous êtes prêt à discuter de tout, vous avez quand même réaffirmé une trajectoire très claire, celle de l’austérité, que vous cachez derrière la maîtrise des dépenses publiques et le refus d’augmenter les impôts pour les plus riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) La fameuse réforme de l’État, que vous avez évoquée, signifie une nouvelle réduction du nombre de professeurs et de médecins. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Voilà la réalité derrière votre novlangue macroniste.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Monsieur le premier ministre, il y a les questions de fond et il y a les questions démocratiques. Nous avons eu des débats au sein du groupe Écologiste et social. S’agissant de la censure, notre vote n’était pas évident. Vous l’avez vu, nous sommes profondément opposés aux orientations de votre gouvernement, mais comme vous l’avez dit, dans une assemblée, nous devons savoir travailler ensemble tout en étant opposés.

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Pourtant, le groupe Écologiste et social votera la censure, non seulement parce que nous sommes opposés à votre politique, mais aussi parce que nous refusons d’assister sans réagir à l’accaparement du pouvoir par Emmanuel Macron. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. –⁠ M. Marcellin Nadeau applaudit également.) Monsieur le premier ministre, vous devez le reconnaître. Regardez autour de vous : il est loin le temps où les soutiens du président de la République occupaient 361 sièges ; aujourd’hui, deux groupes parlementaires, affaiblis en nombre, le soutiennent. Le groupe Horizons & indépendants fait certes partie votre majorité, mais demande une présidentielle anticipée –⁠ le départ d’un président détesté. Les Républicains vous ont forcé, par un tweet de leur chef, à démissionner. Pouvez-vous vraiment compter sur eux ? (Exclamations sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Votre socle parlementaire est fragile, en décomposition, affaibli et minoritaire.

    M. Erwan Balanant

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    Vous n’êtes pas majoritaires non plus !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Vous avez réussi une seule chose : nommer à votre gouvernement des visages jusqu’alors inconnus, laissant l’espoir, vous l’avez dit, qu’ils seraient détachés des partis.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Détachés des électeurs !

    Mme Cyrielle Chatelain

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    C’est non pas un gouvernement détaché des partis que vous avez constitué, mais un gouvernement subordonné à Emmanuel Macron. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Derrière la façade, celui-ci comprend des ex-conseillers présidentiels, des proches de Jean-Michel Blanquer, un ancien secrétaire d’État auprès de Christophe Castaner et de nombreux fidèles du président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe DR.)

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Nous refusons cette mascarade qui consiste à dire qu’on a tout changé pour ne rien changer, d’autant que le prix en est élevé : c’est l’affaiblissement du fondement le plus précieux de notre République, à savoir la confiance des citoyens envers celles et ceux qui les ont élus pour les représenter. Cette confiance, vous le sentez, s’affaiblit. À force, elle est presque en train de disparaître, parce qu’il y a les mots et il y a les actes. Faute de temps, je ne reviens pas sur les précédents –⁠ certes, vous n’étiez pas alors premier ministre.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Vous êtes gaulliste et vous avez cité le discours de Bayeux. Je suis donc allée lire ce discours, dans lequel figure cette phrase du général de Gaulle : « le trouble dans l’État a pour conséquence inéluctable la désaffection des citoyens à l’égard des institutions. Il suffit alors d’une occasion pour faire apparaître la menace de la dictature. »

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Nous n’en sommes pas là, mais aujourd’hui, le trouble de l’État, c’est vous. C’est le refus d’Emmanuel Macron de lâcher les rênes d’un pouvoir. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe EcoS, dont plusieurs députés se lèvent, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.) C’est l’imposition de la volonté d’une minorité à la majorité du peuple français. Au moment où nous faisons face à une internationale réactionnaire, nous ne pouvons pas accepter, même sous des formes mondaines, même avec un discours bien posé, un accaparement du pouvoir. La décision du peuple doit toujours primer. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS, dont les députés se lèvent, ainsi que sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs du groupe SOC et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Marc Fesneau.

    M. Marc Fesneau (Dem)

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    Nous sommes ici par la seule volonté des Français. Ils ont voté, il y a seulement un an, et cette assemblée nationale est issue de leur vote, souverain. Ils ne l’ont pas fait contre leur gré ou à la légère. Ils l’ont fait en pleine conscience, comme en témoigne le taux de participation inégalé depuis des décennies. Ils l’ont fait pour envoyer deux messages, que cela plaise ou non à certains ici. Ils ont d’abord dit : « Nous ne voulons pas de l’extrême droite au pouvoir. » (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Ils ont dit aussi : « Vous avez tous échoué à nous convaincre –⁠ ceux qui sont en place depuis 2017 comme ceux qui aspirent à gouverner. » Ils nous ont donc dit : « Entendez-vous pour faire mieux. » (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Marc Fesneau

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    Cela ne satisfait personne mais cela s’impose à nous tous. Or j’entends ceux qui réclament à longueur de tribune de faire revoter les Français, espérant à chaque fois que ce vote leur sera favorable –⁠ et qui, s’il leur déplaît, continueront de le remettre en cause. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

    M. Marc Fesneau

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    Voici qu’à leur tour, les députés du Rassemblement national joignent leurs voix à celles de La France insoumise, dans une forme de réflexe pavlovien, sautant sur leurs fauteuils tels des cabris, répétant « censure, censure, censure », comme seule réponse aux maux du pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem ainsi que sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Abandonnant la stratégie de la cravate pour celle de la cravache, ils dévoilent ainsi leur vrai visage et deviennent les mêmes agents d’instabilité que leurs collègues Insoumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. Marc Fesneau

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    Mais le vote n’est pas une loterie ; on ne continue pas à jouer jusqu’à espérer gagner, car ce n’est pas un jeu. Respecter le vote, cela porte un nom, que nous sommes, je le sais, nombreux et majoritaires à chérir : la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR. –⁠ M. Michel Barnier applaudit également.) Si l’on veut que notre assemblée soit respectée des Français, il faut les respecter dans leur vote (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jean-François Coulomme

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    Vous avez perdu !

    M. Marc Fesneau

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    Nous sommes condamnés à nous entendre plutôt qu’à nous opposer. Il y a pire condamnation tout de même que celle d’avoir à chercher des compromis ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Marc Fesneau

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    N’en déplaise à ceux qui veulent le chaos et le conflit, c’est la manière dont fonctionnent toutes les grandes démocraties. J’ai été heureux d’entendre des voix à gauche et à droite plaider désormais pour le compromis et abandonner leurs lignes rouges, comme nous le demandions depuis des années.

    M. Matthias Tavel

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    Vous entendez des voix !

    M. Marc Fesneau

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    On n’a donc jamais tort d’avoir raison trop tôt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    C’est gonflé, ça !

    M. Marc Fesneau

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    Et ce n’est pas parce que les Français ont constitué cette assemblée fragmentée qu’ils nous invitent à nous fracturer plus encore par nos attitudes et nos décisions.

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Vous êtes minoritaires !

    M. Marc Fesneau

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    Je crois au contraire qu’ils nous demandent de trouver un point d’équilibre et une forme de stabilité. (M. Laurent Wauquiez applaudit.)

    M. Marc Fesneau

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    Une assemblée qui se respecte et qui est respectée, c’est aussi une assemblée qui respecte le pluralisme. Nous l’avons toujours défendu : il n’y a pas de député de seconde zone ou de seconde classe. C’est donc l’égalité des droits qui prévaut, mais aussi l’égalité des devoirs : quand on est dans l’opposition, on n’est pas condamné à l’irresponsabilité pathologique. Dans la série des devoirs, il y a aussi, quand on fait la loi, celui de respecter la Constitution, et singulièrement, au moment où nous ouvrons le débat budgétaire, de respecter l’article 40 –⁠ à moins de vouloir s’exposer à une censure quasi automatique, pour venir se répandre ensuite sur la prétendue « République des juges ».

    M. Marc Fesneau

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    On ne teste pas la Constitution ; on la respecte. On ne la choisit pas à la découpe ; on l’accepte –⁠ s’agissant des lois qui traitent de la sécurité ou des libertés publiques comme des lois de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.) C’est dans ce cadre, celui du budget, que le premier ministre a indiqué faire le choix de ne pas recourir à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

    Mme Marie Mesmeur

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    Et les ordonnances, alors ?

    M. Marc Fesneau

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    C’était une demande de plusieurs groupes parlementaires, notamment à gauche. Pour notre part, nous n’y étions pas favorables s’agissant du budget. Mais, par esprit de compromis, monsieur le premier ministre, nous n’en n’avons pas fait une ligne rouge.

    M. Marc Fesneau

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    Sans l’article 49, alinéa 3, la liberté des parlementaires est immense, vous l’avez rappelé, mais leur responsabilité doit l’être tout autant. Je mets en garde sur l’exercice d’une liberté qui ne s’accompagnerait pas d’un esprit de responsabilité. Jusqu’alors, on s’accommodait assez facilement du 49.3 –⁠ reconnaissons-le – tant il permettait de dire n’importe quoi, de faire n’importe quoi, de ne rien assumer et de se parer de la vertu de certaines victoires obtenues au moyen d’amendements démagogues, en sachant que le gouvernement assumerait, lui, de ne pas les garder. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. –⁠ M. Nicolas Ray et Mme Stella Dupont applaudissent également.)

    M. Marc Fesneau

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    Sans 49.3, personne ne pourra se défausser ; tout le monde devra assumer. Les démagogues et populistes de cette assemblée vont s’en donner à cœur joie, je vous le promets.  Nous, Démocrates, vous nous trouverez sur le chemin de la responsabilité –⁠ j’espère que nous serons nombreux sur ce chemin.

    M. Louis Boyard

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    Pour défendre les riches !

    M. Marc Fesneau

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    Vous l’avez rappelé, monsieur le premier ministre, votre gouvernement et vous aurez une responsabilité particulière, car vous aurez pour mission de permettre l’émergence de compromis et de les faire respecter dans la navette parlementaire.

    M. Marc Fesneau

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    Il faudra, dans cet hémicycle, une majorité de députés –⁠ de gauche, de droite et du centre – pour ne pas laisser libre cours à une folie budgétaire qui rendrait in fine le budget invotable et nous livrerait pieds et poings liés aux marchés. Souvenez-vous de Liz Truss au Royaume-Uni : ce sont les marchés qui lui ont dicté sa politique. Je ne souhaite pas cette humiliation pour mon pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Christophe Blanchet

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    Très bien !

    M. Marc Fesneau

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    Sans sursaut de notre part pour adopter un budget avant le 31 décembre, c’est l’impuissance généralisée qui nous guette. Cette assemblée veut défendre les services publics ? Nous aussi. Alors, nous avons la responsabilité de nous entendre et de leur trouver un financement et un budget pour éviter de les paralyser comme l’an dernier. Cette assemblée considère que les entreprises sont vitales pour l’emploi et que les associations le sont pour la cohésion sociale ? Alors, nous avons la responsabilité de leur donner de la visibilité sur le cadre dans lequel elles vont évoluer. Cette assemblée veut défendre les collectivités locales ? Alors, nous avons la responsabilité, là aussi, de nous entendre et de leur donner des assurances pour qu’elles puissent, dans les prochaines semaines, voter leur budget et investir. Cette assemblée veut améliorer le pouvoir d’achat des Français ? Alors, nous avons la responsabilité de nous entendre pour réduire les incertitudes, faire baisser les taux d’intérêt et réduire le poids des contributions sociales sur le seul travail.

    M. Louis Boyard

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    Augmenter les salaires, peut-être ?

    M. Marc Fesneau

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    Depuis plus d’un an, l’instabilité a des conséquences directes. Sur les Français d’abord : des familles ne peuvent pas concrétiser l’achat d’une maison, des entrepreneurs ne peuvent pas investir et créer des emplois. Sans parler des doutes dans les esprits de nos partenaires européens et mondiaux, et des appétits prédateurs de ceux qui pensent pouvoir en tirer profit et qui jouent la déstabilisation et l’ingérence –⁠ vous l’avez rappelé, monsieur le premier ministre. (M. Christophe Blanchet applaudit.) Cette instabilité sert les ennemis de la France, lesquels ont manifestement des complices jusque dans cet hémicycle ! (« Absolument ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. Louis Boyard

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    Mais ça va pas ?

    M. Marc Fesneau

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    Cette instabilité et notre incapacité à nous entendre ont un coût. À elle seule, la hausse du taux d’intérêt depuis un an représentera une facture de 8 milliards d’euros au bout de deux ans, de 20 milliards la cinquième année, soit –⁠ rendez-vous compte – les budgets des ministères de l’agriculture et de la justice réunis ! En aggravant la situation budgétaire, chacun de ces épisodes nous contraint à faire des choix chaque fois plus difficiles, nourrissant à leur tour le populisme et l’instabilité politique.

    M. Marc Fesneau

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    Des élections anticipées, qu’elles soient législatives ou présidentielles, loin de mettre un terme à ce cercle vicieux, ne feraient que le renforcer. Nous devons dès maintenant –⁠ pas dans six mois, pas dans dix-huit – donner une perspective à la France. Je crois, monsieur le premier ministre, que nous en avons les moyens. Le groupe Les Démocrates estime que c’est le moment du ressaisissement.

    M. Marc Fesneau

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    Il fut un temps où l’on disait : « À l’ouest, rien de nouveau. » Or, à l’est et à l’ouest, tout est nouveau. Le monde avance ; nos compétiteurs ne nous attendent pas. Eux, ils se réforment ; eux, ils cherchent du consensus ; eux, ils se préparent, y compris au pire.

    ------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Madame la présidente Panot, votre énergie est bien connue en ses murs. Si, pour reprendre les mots de Michel Barnier, j’ai du respect pour vous, je ne peux vraiment pas accepter de vous entendre dire que la France a participé à un génocide à Gaza. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

    M. Louis Boyard

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    C’est pourtant la vérité !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Aucune arme française n’a été livrée à Tsahal. Alors que je ne cesse de le répéter depuis trois ans, vous maintenez ce mensonge. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Vous ne faites jamais état des distributions de vivres, de denrées alimentaires et de médicaments réalisées par les forces armées françaises au bénéfice des populations de Gaza ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.) Vous n’évoquez jamais ce que l’armée française a fait à Al-Arich avec le navire-hôpital Dixmude  ! Vous ne parlez jamais de l’engagement de nos forces armées à la frontière, au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), alors que des soldats ont été blessés ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Arrêtez de caricaturer et de mentir sur la position de la France à propos d’un sujet aussi grave et aussi sensible ! ( Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ M. Yannick Favennec-Bécot applaudit également.) Arrêtez de monter les Françaises et les Français les uns contre les autres ! Si vous avez le droit de vous opposer et d’être brutale, vous n’avez pas celui de mentir sur un sujet aussi grave. C’est une question de dignité –⁠ et c’est pour la République ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR, dont plusieurs députés se lèvent, ainsi que sur certains bancs du groupe RN.)

    Un député du groupe DR

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    Vive l’armée française !

    M. Sébastien Delogu

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    Et Eurolinks ? C’est vous qui mentez !

    Mme la présidente

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    Monsieur Delogu, s’il vous plaît !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    En conclusion, je me tiendrai à la disposition du Parlement autant qu’il le faudra, avec l’ensemble des ministres. Si je souhaite que le débat soit le plus franc possible et que la démocratie fonctionne, cela doit s’opérer dans le respect, notamment envers les membres du gouvernement.

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Un bon chef doit défendre les membres de son équipe. Monsieur le président Chenu, les ministres ne sont ni des marionnettes ni des ventriloques ! Lorsqu’un ancien président de la SNCF accepte d’entrer au gouvernement pour servir son pays, il ne s’agit pas d’un alibi. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.) Si le préfet de police de Paris, grand préfet de la République, accepte de devenir ministre de l’intérieur, ce n’est pas parce qu’il est une marionnette. Entendre un vice-président de l’Assemblée nationale parler à la tribune de Mme Touraine comme si elle était dans la tombe me semble tout à fait inapproprié. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, SOC et Dem.)

    M. Erwan Balanant et M. Antoine Vermorel-Marques

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    Oui, c’est honteux !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    Je le dis d’autant plus facilement que je refuse d’entendre ce type de propos à l’encontre de Mme Le Pen.

    M. Erwan Balanant

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    Ils ne respectent rien !

    M. Sébastien Lecornu, premier ministre

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    La question du respect des personnes est fondamentale dans notre démocratie. Le débat peut avoir lieu ici –⁠ nous l’attendons –, mais il doit se tenir dans la dignité. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem, ainsi que sur quelques bancs du groupe DR. –⁠ Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Le débat est clos.

    6. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, demain, à quatorze heures :
    Questions au gouvernement.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-huit heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra