XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Première séance du mardi 30 avril 2024

Sommaire détaillé
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Première séance du mardi 30 avril 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Questions au Gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Convocation de Mathilde Panot devant la justice

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Manuel Bompard.

    M. Manuel Bompard

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    Monsieur le Premier ministre, dans un pays que vous connaissez bien, on condamne un syndicaliste à un an de prison pour un tract de soutien au peuple palestinien, mais on laisse se multiplier les discours racistes à la télévision. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Véronique Louwagie

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    Ce n’est pas possible d’entendre cela !

    M. Manuel Bompard

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    Est-ce dans l’Italie de Giorgia Meloni ? Non, c’est dans la France d’Emmanuel Macron.

    M. Pierre Cordier

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    Il pose toujours la même question !

    M. Manuel Bompard

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    Dans un pays que vous connaissez bien, on empêche des candidats à une élection de tenir une conférence dans une université, mais le Président de la République peut, lui, y dérouler un discours de campagne électorale. (Mêmes mouvements.) Est-ce dans la Hongrie de Viktor Orbán ? Non, c’est dans la France d’Emmanuel Macron.
    Dans un pays que vous connaissez bien, on convoque la présidente d’un groupe parlementaire d’opposition devant la police antiterroriste pour un communiqué de presse. On menace et on réprime des étudiants qui s’indignent d’un massacre terrifiant. On tente de dissoudre un collectif de jeunes qui se mobilisent face à l’urgence climatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Est-ce dans la Russie de Vladimir Poutine ? Non, c’est dans la France d’Emmanuel Macron.
    Monsieur le Premier ministre, il ne vous aura pas suffi de multiplier les 49.3 pour piétiner l’Assemblée nationale et imposer une réforme des retraites contre la volonté du peuple. Désormais, votre autoritarisme se déplace sur le terrain des idées. Il y a les opinions autorisées : les vôtres et celles de vos nouveaux amis d’extrême droite. Et il y a les autres : celles qui conduisent devant les tribunaux ou dans les commissariats de police. (Mme Anne-Laurence Petel s’exclame.)
    Amnesty International alerte sur la situation préoccupante des droits humains en France. La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) dénonce une circulaire du garde des sceaux qui dévoie l’antiterrorisme pour museler les voix de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Les alertes se succèdent. Avez-vous l’intention de saper un à un les fondamentaux de notre État de droit ? Quand cesserez-vous de défigurer la France ? (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent. – MM. Pierre Dharréville et Nicolas Sansu applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Mme Sophia Chikirou s’exclame.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    La justice, vous l’aimez collée contre le mur par la violence de Mélenchon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Parlons clairement : après le 7 octobre et l’attaque terroriste du Hamas, que vous soutenez (« Menteur ! » et vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES),…

    Mme Andrée Taurinya

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    C’est faux !

    M. Nicolas Sansu

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    Honteux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …j’ai pris une circulaire pour que la justice puisse réprimer les propos antisémites qui se développaient. J’ai eu raison de le faire. Des personnes ont estimé qu’elles en étaient victimes et déposé plainte. La justice a été saisie et dira ce qu’elle à dire en toute indépendance !

    M. Ugo Bernalicis

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    La relaxe, c’est l’indépendance ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Il y a des jours où l’on préférerait être sourd plutôt que d’entendre ce que l’on entend. (Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous parlez d’instrumentalisation de la justice, mais c’est votre groupe qui a déposé contre moi une plainte scandaleuse concernant un acte administratif. C’est vous qui avez demandé au procureur général de former un pourvoi en cassation. C’est vous qui, tous les soirs, avez tweeté pour que je sois condamné.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est moi, plus précisément !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vos amis à vous, ce sont les mollahs. Vous devriez avoir honte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Danielle Simonnet

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    C’est de la diffamation !

    M. Éric Coquerel

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    Ce que vous dites est un scandale !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Manuel Bompard.

    M. Manuel Bompard

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    Je vous parle de la France des Lumières et des droits de l’homme, et vous me parlez de vous ! Le 10 octobre dernier, vous avez publié une circulaire dont nous voyons aujourd’hui le résultat. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Pierre Cordier

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    C’est l’heure ! C’est l’heure !

    M. Manuel Bompard

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    Vous voulez nous faire taire… (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES. – Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)

    M. René Pilato

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    Institution judiciaire capitalo-fasciste !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous êtes injurieux à l’encontre de tous les magistrats de ce pays, monsieur Bompard ! (Vives protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Laissez la justice faire son travail en toute indépendance. Elle dira s’il s’agit, oui ou non, d’une infraction. Personne n’est au-dessus des lois, pas plus Mme Panot qu’une autre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.)

    Accord sur les fins de carrière à la SNCF

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Vincendet.

    M. Alexandre Vincendet

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    Monsieur le ministre délégué chargé des transports, la direction de la SNCF a annoncé la semaine dernière avoir conclu, avec quatre organisations syndicales représentatives de l’entreprise, un accord sur les fins de carrière. Cet accord, qui entrera en vigueur en 2025, permettra aux employés qui le souhaitent de partir à la retraite plus tôt que prévu en conservant une rémunération égale à 75 % de leur salaire.
    En apprenant par voie de presse la signature de cet accord, plusieurs d’entre nous ont été choqués. Nous avons été choqués, tout d’abord, qu’une entreprise publique contourne de cette façon la réforme des retraites adoptée l’année dernière par le Parlement. L’accord conclu entre la direction et les syndicats permet en effet de revenir sur les effets de la réforme. De quel droit une entreprise publique permet-elle à ses employés de s’exonérer d’une réforme qui s’applique à tous les Français ?
    Nous avons été choqués aussi qu’une entreprise publique financée largement par les impôts des Français accorde de tels avantages à ses employés avec l’argent du contribuable. Alors que l’État a repris à son compte la dette de la SNCF à hauteur de 35 milliards d’euros entre 2020 et 2021, alors qu’il verse chaque année plusieurs milliards pour financer le régime de retraite de la SNCF, cet accord sonne comme un camouflet terrible pour tous les Français qui financent l’entreprise. Au moment où le rétablissement de nos finances publiques est plus impératif que jamais, cet accord est au mieux anachronique, au pire déraisonnable. (M. Didier Le Gac applaudit.)

    M. Patrick Hetzel

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    Il est membre de la majorité ?

    M. Alexandre Vincendet

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    Nous avons été choqués, enfin, que la pression exercée par quelques représentants syndicaux faisant planer la menace de grèves paralysantes à quelques semaines des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) fasse plier la direction. Ce choix de la facilité, financé par l’argent des Français, envoie un mauvais signal à tous nos compatriotes qui travaillent dur (M. Stéphane Peu s’exclame) et se plient aux règles communes pour financer notre modèle social.
    Quel est le coût pour les finances publiques d’un tel accord ? L’approuvez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. Didier Le Gac applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

    M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports

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    Le régime spécial des retraites de la SNCF a-t-il été supprimé ? La réponse est oui, et c’est cette majorité qui l’a fait. La réforme des retraites s’applique-t-elle à la SNCF ? La réponse est également oui : les cheminots travailleront plus longtemps, comme dans toutes les entreprises de France. Mais, comme toutes les entreprises françaises, la SNCF a droit de passer des accords d’entreprise, ou plutôt, comme c’est le cas ici, de renégocier un accord qui datait de 2008, relatif à la gestion des fins de carrière des métiers pénibles.
    La seule question qui vaille, que vous avez mentionnée, est de savoir qui va payer. Or, vous le savez, le statut de la SNCF a changé puisqu’elle a été transformée en société anonyme à capitaux publics en 2020 et joue désormais le jeu de la concurrence, à l’exception de la gestion de l’infrastructure.

    Mme Clémence Guetté

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    À cause de vous ! La réforme des retraites, c’est vous !

    M. Patrice Vergriete, ministre délégué

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    Soyez donc assuré que le contribuable ne versera pas un centime pour financer cet accord. Il n’y a plus de monopole pour payer les factures d’une quelconque irresponsabilité.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est le carnaval de Dunkerque !

    M. Patrice Vergriete, ministre délégué

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    Il n’y a plus d’excuse au déficit depuis que l’État a repris, une fois pour toutes, la dette de la SNCF. Le client est lui aussi protégé par le jeu de la concurrence. Prenons l’exemple des régions : elles peuvent choisir un autre opérateur si la SNCF n’est pas compétitive. C’est déjà le cas, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), pour la ligne Marseille-Nice.

    M. Pierre Dharréville

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    Il n’y a pas de quoi s’en féliciter !

    M. Patrice Vergriete, ministre délégué

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    C’est donc en interne, grâce à des gains de productivité, que la SNCF devra financer l’accord. L’objectif visé par la réforme de l’entreprise était d’ailleurs celui-là. Dorénavant, elle prend ses décisions en responsabilité, en fonction de son intérêt. Nous y sommes ! (M. Thomas Rudigoz applaudit.)

    2. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

    Mme la présidente

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    Chers collègues, je suis heureuse de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de la Chambre des députés du grand-duché de Luxembourg, conduite par son président, M. Claude Wiseler. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

    3. Questions au Gouvernement (suite)

    Situation dans les universités

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Roger Chudeau.

    M. Roger Chudeau

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    Avec votre autorisation, madame la présidente, avant de poser ma question, je souhaite rendre hommage à nos forces armées, et tout particulièrement à la légion étrangère, qui fête aujourd’hui le 161e anniversaire du combat de Camerone. (Les députés du groupe RN se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
    Monsieur le Premier ministre, depuis plus d’une semaine, l’islamo-gauchisme (« Ah ! » et rires sur les bancs du groupe LFI-NUPES), avec l’appui sans faille des pyromanes LFIstes de la République, montre son vrai visage : celui, hideux, abject, de l’antisémitisme. Michel Onfray a raison quand il affirme que l’islamo-gauchisme est un fascisme.

    M. Jean-François Coulomme

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    Islamo-fasciste !

    M. René Pilato

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    Capitalo-fasciste !

    M. Roger Chudeau

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    L’antisémitisme est profondément ancré, depuis de nombreuses années, dans nos universités. Ainsi, 91 % des étudiants juifs déclarent avoir subi des agressions antisémites dans les locaux universitaires. Ce scandale, cette honte, les représentants de l’université française le nient, l’euphémisent, parlant d’un « ressenti », comme l’ont montré les auditions de France universités à l’Assemblée nationale et au Sénat.

    Mme Nathalie Oziol

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    Balayez devant votre porte !

    M. Roger Chudeau

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    Alors qu’elle était ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Mme Vidal avait annoncé, en février 2021, la création d’une commission d’enquête sur l’islamo-gauchisme à l’université, qui n’a jamais vu le jour. Quant à vous, vous avez récemment usé de formules martiales en parlant de sursaut d’autorité : « La République contre-attaque », disiez-vous.
    Devant le lamentable spectacle qu’offrent nombre de nos campus, notamment celui de Sciences Po Paris,…

    M. René Pilato

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    Ils réfléchissent, eux !

    M. Roger Chudeau

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    …où la direction va à Canossa et se couche devant cinquante islamo-fascistes, où est le sursaut d’autorité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.) Demanderez-vous à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche de lancer une enquête administrative sur le phénomène islamo-gauchiste ? Exigerez-vous des sanctions disciplinaires à l’encontre des fauteurs de troubles de Sciences Po Paris ? Interdirez-vous le prétendu débat que l’établissement veut organiser sur le boycott d’Israël ? Enfin, engagerez-vous une procédure de dissolution des groupes politiques qui appellent à la destruction d’Israël ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

    Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

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    Le débat et la liberté d’expression sont au cœur de la vocation des universités dans le monde entier.

    Mme Clémence Guetté

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    Répondez à la question ! Ils demandent notre dissolution !

    Mme Sylvie Retailleau, ministre

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    Toutefois, ils n’autorisent pas tout. Les blocages et les intimidations sont inacceptables,…

    M. Pierre Cordier

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    C’est ce qu’il fallait dire il y a deux jours !

    Mme Sylvie Retailleau, ministre

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    …encore moins l’incitation à la haine, l’appel à l’insurrection ou l’antisémitisme, qui fait l’objet d’une tolérance zéro.

    Mme Clémence Guetté

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    Ils veulent dissoudre notre mouvement politique ! (Protestations sur les bancs du groupe RE.)

    Mme Sylvie Retailleau, ministre

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    Nous sommes donc très vigilants et nous resterons fermes. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Michel Herbillon

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    Vous avez été silencieuse !

    Mme Sylvie Retailleau, ministre

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    La décision de recourir à la force publique pour rétablir l’ordre relève des chefs d’établissement. (M. Pierre-Henri Dumont s’exclame.) Nous n’y sommes jamais défavorables lorsque la situation l’exige. À Sciences Po Paris, aucune sanction n’est suspendue concernant des faits graves comme les propos et les actes antisémites signalés lors des événements du 12 mars, qui font l’objet d’une enquête administrative.

    M. Michel Herbillon

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    Vous avez tardé à agir !

    Mme Sylvie Retailleau, ministre

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    Il n’est pas non plus question de suspendre les partenariats scientifiques ou académiques. (Mme Anne-Laurence Petel applaudit.) On ne peut parler de manque d’autorité, alors que les chefs d’établissement prennent leurs responsabilités.

    M. Michel Herbillon

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    Et vous ?

    Mme Sylvie Retailleau, ministre

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    Ils réquisitionnent les forces de l’ordre pour mettre fin aux blocages, comme hier à la Sorbonne, mercredi dernier sur le campus Saint-Thomas de Sciences Po Paris ou aujourd’hui à Saint-Étienne.
    Ils annulent des conférences, lorsqu’elles présentent un risque de trouble à l’ordre public.

    M. Michel Herbillon

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    Vous avez eu un silence coupable !

    Mme Sylvie Retailleau, ministre

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    Certains sont même comparés, pour cette raison, à des criminels nazis ; c’est odieux…

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Inacceptable !

    Mme Sylvie Retailleau, ministre

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    …et j’ai porté plainte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Honte à ceux qui instrumentalisent le conflit et qui utilisent les étudiants ! Les universités doivent demeurer des lieux d’étude ; leur mission est trop importante et trop précieuse pour qu’on piétine leur image et qu’on empêche leur bon fonctionnement, particulièrement en tentant d’importer une mobilisation américaine. (Mme Clémence Guetté s’exclame.) Je le répète : le débat, oui ; le blocage, non ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Revenus indécents des PDG du CAC40

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Fabien Roussel.

    M. Fabien Roussel

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    Les PDG du CAC40 défrayent la chronique en se versant des revenus indécents ; parmi eux, le PDG de Stellantis a perçu 36,5 millions d’euros en un an. Pourtant, ce PDG fait peser de lourdes menaces sur la production de voitures et de véhicules utilitaires en France – en particulier à Aulnay-sous-Bois, ou chez moi, dans le Nord, avec le site Sevelnord –, ou encore sur des sous-traitants comme MA France ou Eurostyle. À lui seul, il représente une élite décadente qui vole une part de la richesse des salariés.

    M. Nicolas Sansu

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    Exact !

    M. Fabien Roussel

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    Les voleurs de richesses sont aussi ceux qui captent l’essentiel des aides publiques, versent des dividendes, tout en supprimant des emplois. J’étais ce matin auprès des salariés de Sanofi, qui subissent un énième plan de suppression d’emplois : 330 dans la recherche, quand Sanofi abandonne la lutte contre le cancer. C’est une honte ! Allez-vous placer ce groupe sous contrôle, quand on sait que l’État lui a versé plus d’1 milliard d’euros d’aides publiques en dix ans ?
    La suppression de 677 emplois a également été annoncée chez Exxon Mobil, en Seine-Maritime, alors que ce géant pétrolier a versé plus de 55 milliards d’euros de dividendes en 2022. La production d’acier à Fos-sur-Mer, celle de méthionine dans l’Allier, ou celle des fameux verres Duralex dans le Loiret se trouvent également menacées, avec des milliers de salariés angoissés.
    Des entreprises stratégiques comme Atos sont aussi concernées ; cette dernière doit être totalement nationalisée, afin d’éviter qu’elle ne tombe dans des mains étrangères. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.) Monsieur le ministre, la barre symbolique des 60 000 défaillances d’entreprises en douze mois vient d’être dépassée ! Combien de vies brisées, de familles endettées, de suicides allons-nous pleurer ? Pourtant, l’industrie, c’est la vie ! Elle est essentielle pour restaurer notre souveraineté, pour répondre aux besoins des Français, pour faire vivre des familles, et pour mettre en œuvre la transition écologique.
    Il faut mettre fin à la décadence, à l’impunité de ces grands groupes qui profitent des aides de l’État. Il faut reprendre en main l’économie du pays, pour la mettre au service de la nation, de l’écologie, de l’être humain et des salariés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie

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    La décadence est terminée, depuis maintenant sept ans, pendant lesquels nous avons entamé la réindustrialisation de la France. Vous parlez des entreprises qui vont mal, je vais y revenir. Il y a aussi, en France, des entreprises qui vont bien. (M. Jean-François Coulomme s’exclame.)

    M. Sébastien Jumel

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    Ce n’est pas la question, répondez à celles qui vont mal !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Il y a deux semaines, j’étais dans la Sarthe pour inaugurer une entreprise qui produira 1 milliard de gants chirurgicaux ; cela faisait vingt-cinq ans qu’on n’en produisait plus en Europe. La semaine dernière, j’étais chez Technip Energies, une entreprise qui investit en France, contribuant à redresser notre activité industrielle et à nous orienter vers la transition écologique. En France, des entreprises industrielles qui gagnent, il y en a !

    M. Sébastien Jumel

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    Et Atos ?

    M. Stéphane Peu

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    Stellantis souffre !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Nous accompagnons aussi les entreprises qui souffrent. Mais je tiens à rappeler que l’année dernière, dans notre pays, nous avons créé 200 usines de plus que nous n’en avons fermé. L’année précédente, nous avions créé 180 usines de plus que nous n’en avions fermé. La réindustrialisation de la France est en cours.

    M. Sébastien Jumel

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    Et Atos ?

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Nous devons accompagner les entreprises qui souffrent, et nous le faisons, comme vous le savez. Nous avançons avec Carelide ; nous avons sauvé l’entreprise Valdunes, située non loin de votre circonscription ; nous continuons à accompagner des entreprises comme Duralex, pour trouver des repreneurs.

    M. Stéphane Peu

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    Et Stellantis ?

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Nous adoptons, chaque fois, la même stratégie, qui n’est pas la vôtre : nous ne montrons pas du doigt des entrepreneurs et des investisseurs, nous travaillons avec eux, à la condition qu’ils souhaitent investir dans les entreprises.

    M. Fabien Roussel

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    Carlos Tavares est un voleur !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Nous travaillons avec les chefs d’entreprise qui s’investissent dans leur entreprise. Pour celles et ceux qui sont rémunérés de manière très importante, comme celui que vous venez de mentionner, je veux leur délivrer ce message : une grosse rémunération entraîne de grandes responsabilités. Or, aujourd’hui, ces responsabilités ne sont pas assumées…

    M. Sébastien Jumel

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    Ils tremblent ! Ils ont vachement peur !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …s’agissant de la gestion des filières et des sous-traitants, qui ne travaillent pas suffisamment pour les grands groupes français. Reconnaissons que Stellantis est une entreprise en redressement ; ce redressement est bienvenu, et doit concerner l’ensemble de la filière. Nous y travaillons.

    M. Sébastien Jumel

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    Et Exxon ? Il n’y a pas de réponse à nos questions, madame la présidente !

    Traité sur le plastique

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Bolo.

    M. Philippe Bolo

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    Le temps nous est compté : la production de polymères plastiques a doublé en vingt ans et sera multipliée par trois d’ici à 2050. Le temps nous est compté, car cette production galopante se traduit par une pollution alarmante et insoutenable, partout sur la planète. Le temps nous est compté : la communauté scientifique ne cesse d’alerter sur les effets incontrôlables d’une pollution visible et invisible, et sur son impact sur le climat, la biodiversité et la santé de l’humanité. Enfin, le temps nous est compté car le processus de négociations internationales en vue d’un traité mettant fin à la pollution plastique entre dans sa dernière ligne droite.
    En effet, la quatrième session de négociations vient de se terminer, cette nuit, à Ottawa, et l’ultime session se profile déjà, en novembre prochain, à Busan. Au terme d’une intense semaine de travaux, le bilan est partagé entre acquis et déceptions. La réduction de la production de polymères primaires constitue un important point de clivage entre les délégations. Le Pérou et le Rwanda ont, en responsabilité, proposé une réduction de 40 % de la production en 2040, malheureusement sans emporter de consensus.
    La coalition des pays favorables à un traité ambitieux doit convaincre les pays dont l’économie est fortement liée au pétrole et à ses débouchés plastiques. Les intérêts décomplexés de la pétrochimie sèment le doute ; en contestant certaines conclusions scientifiques, elle cherche à minimiser l’importance d’un traité contraignant, ambitieux et dépassant le seul cadre de la gestion des déchets.
    Consciente de ce bilan mitigé, du parcours accompli et des avancées qui restent à obtenir, comment la France agira-t-elle, avec ses partenaires, pour dépasser les clivages et aboutir à un traité évitant à l’humanité de s’enfermer dans l’impasse de la pollution plastique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le secrétaire d’Etat chargé de la mer et de la biodiversité.

    M. Maxime Minot

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    Et des bulots !

    M. Erwan Balanant

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    Très limite, ça, monsieur Minot !

    M. Hervé Berville, secrétaire d’État chargé de la mer et de la biodiversité

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    Vous l’avez dit, le temps est compté, parce que la pollution plastique se situe au cœur de la triple crise environnementale que nous connaissons – crise du climat, crise de la biodiversité et crise des pollutions. Chaque année, partout sur la planète, en mer comme en montagne, 400 millions de tonnes de plastiques sont rejetées. Toutes les quinze minutes, plus de 40 tonnes de plastiques sont déversées dans les océans. Seulement 9 % des plastiques sont recyclés dans le monde.
    Face à cela, la France a défendu – et vous étiez à nos côtés – trois priorités : la réduction de la production, la réduction de la production et la réduction de la production de plastiques. En effet, pour gagner la bataille et obtenir un traité efficace, qui protège nos écosystèmes et la biodiversité, il faut réduire la production de plastiques. Nous avons placé au cœur des négociations qui ont eu lieu à Ottawa, comme nous le ferons dans les négociations à venir cette année, la question du pic de production, afin de sortir d’un modèle insoutenable. Nous ne pouvons pas sérieusement, à l’égard des générations futures, continuer à produire autant de plastiques.
    Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de réunir de nombreuses coalitions. Je tiens à vous remercier, monsieur le député, d’avoir instauré une coalition de parlementaires, qui permettra de convaincre, dans tous les pays, de la nécessité de réduire la production plastique afin d’atteindre les objectifs climatiques. Par ailleurs, avec une coalition rassemblant plus de 165 États, nous continuerons à défendre, lors des négociations, l’ambition d’éliminer les plastiques les plus dangereux, et d’agir en faveur de la gestion des déchets.
    Le temps est compté, et la France continuera à défendre l’ambition de la réduction de la production de plastiques, afin que les mers, les océans et les animaux soient protégés des pollutions que cette production engendre. (M. Didier Parakian applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Bolo.

    M. Philippe Bolo

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    Je vous remercie pour votre réponse. Sachez que, du Japon au Canada, en passant par le Royaume-Uni, l’Égypte, le Bénin, le Gabon, l’Argentine ou encore la Colombie, la coalition parlementaire que j’ai réunie est mobilisée en faveur d’un traité ambitieux et pour permettre sa ratification. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Dem.)

    Projet de loi sur la fin de vie

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Lenormand.

    M. Stéphane Lenormand

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    Dans deux semaines, nous entamerons l’examen du projet de loi sur la fin de vie. Ce texte de loi est attendu. Cependant, il ne me paraît pas tout à fait prêt à être examiné et amendé par les parlementaires, surtout s’agissant des territoires d’outre-mer, et plus particulièrement Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, l’article 21 prévoit, sans doute par manque du temps nécessaire pour bien faire, d’habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances, compte tenu de la complexité du système de santé dans ces deux territoires.
    À ce stade, je formulerai quatre remarques. Tout d’abord, nous sommes plusieurs députés ultramarins – y compris au sein du groupe LIOT – à réclamer un réflexe outre-mer en amont de tout texte de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. Philippe Gosselin

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    Eh oui, cela fait longtemps qu’on le demande !

    M. Stéphane Lenormand

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    Ce n’est – encore une fois – pas le cas, et nous devrons attendre douze mois et une ordonnance. Je souhaite aussi vous rappeler que les parlementaires sont de légitimes représentants de leur territoire et de ses habitants, et sont en mesure d’apporter par amendement, comme le prévoit notre régime démocratique, tous les ajustements nécessaires prenant en compte les spécificités insulaires.
    Ensuite, le projet de loi évoqué concerne également les soins palliatifs. Là encore, les territoires d’outre-mer ne sont pas forcément les mieux structurés et équipés dans ce domaine. Enfin, s’agissant d’un texte touchant à une question de société aussi importante – la fin de vie et les soins palliatifs –, qui suscitera dans cet hémicycle des débats nourris et complexes, j’estime que nous devons prendre le temps législatif nécessaire afin que ce texte s’applique à l’ensemble de nos concitoyens, où qu’ils soient. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – MM. Jean-Victor Castor et Marcellin Nadeau applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

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    Vous avez raison, il s’agit d’un texte important, qui réclame du temps, et c’est pourquoi la conférence des présidents a décidé de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour deux semaines. Ce texte ne fera pas non plus l’objet d’une procédure accélérée, et il donnera donc lieu à quatre lectures.
    S’agissant du point particulier que vous avez soulevé – celui de l’extension et de l’adaptation des dispositions du projet de loi aux territoires ultramarins, et notamment à Saint-Pierre-et-Miquelon –, il est vrai que ces précisions auraient pu être intégrées directement au texte. Pour autant, l’article 21 du projet de loi déposé prévoit un délai d’habilitation de douze mois, qui nous a semblé nécessaire à la pleine association des collectivités concernées, en conformité avec les objectifs affichés par le Gouvernement lors du dernier comité interministériel des outre-mer.
    La complexité du sujet – que vous avez vous-même relevée –, ainsi que la délimitation des compétences respectives de l’État et des collectivités, ont incité le Gouvernement à prendre ce délai supplémentaire.

    M. Jean-Victor Castor

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    C’est systématique, madame !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    L’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances est prévue par l’article 38 de la Constitution. Nous y voyons l’occasion d’associer pleinement votre collectivité aux travaux, et d’encadrer ces derniers dans des délais précis, pour ne pas créer de différence de traitement.
    Enfin, nous intégrerons bien évidemment la question des outre-mer au plan relatif aux soins palliatifs.

    M. Patrick Hetzel

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    Vous ne répondez pas à la question de M. Lenormand !

    Mme Catherine Vautrin, ministre

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    L’équipement du pays, qui constitue le premier pilier de ce texte, doit être réalisé partout, dans l’Hexagone comme dans les outre-mer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Lenormand.

    M. Stéphane Lenormand

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    Je vous entends, madame la ministre, et veux bien vous accorder crédit, mais par expérience, tout ce qui se fait par ordonnance donne rarement un résultat terrible…

    M. Patrick Hetzel

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    Il a raison !

    M. Stéphane Lenormand

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    …et j’estime que sur ce sujet-là en particulier, nous ne pouvons pas avoir une loi à deux vitesses. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. – MM. Jean-Victor Castor et Marcellin Nadeau applaudissent également.)

    Protection de la nappe phréatique d’Alsace

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Vous dites souvent vouloir protéger la ressource en eau, essentielle à notre survie. Dès lors, pourquoi condamnez-vous, en ce moment même, la plus grande nappe phréatique potable de France, et l’une des plus grandes d’Europe ? Je ne le comprends pas.
    Vous la condamnez puisque, depuis plusieurs années, 42 000 tonnes de déchets hautement toxiques s’entassent sous la nappe phréatique d’Alsace. Ces déchets comprennent de l’arsenic, de l’amiante, et encore un peu de mercure – malgré les opérations conduites pour le retirer. Toutes les études concordent : un jour, la nappe sera sacrifiée. Vous affirmez que cela surviendra dans longtemps. Or il s’agit d’une zone sismique, et un incendie colossal a déjà eu lieu en 2002, simplement parce que quelques fûts s’étaient mélangés.
    Les jeunes vous appellent à agir dès maintenant, en prévention. Ils vous le disent avec force, mais avec pacifisme. Depuis trente ans, tous ceux qui se sont mobilisés – les mineurs, les habitants, ou les écologistes – ont agi avec pacifisme. Tout cela pour quoi ? Pour n’avoir d’abord aucune réponse, puis pour essuyer un refus, puisque vous avez affirmé vouloir enfermer définitivement les déchets situés sous la nappe phréatique, en les scellant dans le béton.
    Le déconfinement est possible, techniquement et administrativement : alors pourquoi continuez-vous à vouloir nous condamner ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la mer et de la biodiversité.

    M. Julien Odoul

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    Quel succès !

    M. Hervé Berville, secrétaire d’État chargé de la mer et de la biodiversité

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    Christophe Béchu a déjà eu l’occasion de le dire ici : notre priorité est la préservation de la ressource en eau, ainsi que celle de la santé de nos concitoyens. C’est une course contre la montre, vous le savez : 134 études, menées par 124 experts, ont toutes conclu à la nécessité de confiner ce site. Du fait de la convergence des terrains, si nous n’entreprenons pas de couler le béton le plus rapidement possible, nous ne pourrons pas sécuriser à temps les dizaines de milliers de tonnes que vous avez évoquées.
    Nous avons donc, de manière très transparente, établi nos priorités, issues des études scientifiques et de la concertation locale. Il s’agit, tout d’abord, d’engager les travaux afin de confiner le site le plus rapidement possible : après 2027, il sera trop tard. Ensuite, et contrairement à ce que vous avez dit, nous avons largement ouvert la porte à la réversibilité. L’observatoire de la réversibilité que nous avons mis en place nous permettra de développer, comme cela se fait dans d’autre pays, des techniques nous permettant, à terme, d’extraire les déchets. Tout cela, enfin, s’appuie sur des études scientifiques et des travaux d’experts faisant consensus et qui nous ont donné une marche à suivre que nous suivons scrupuleusement, en engageant les moyens financiers nécessaires : des centaines de millions seront dédiés à la réversibilité. Cela se fait avec les élus locaux qui convergent tous vers un même impératif : confiner ce site.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Regol.

    Mme Sandra Regol

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    Deux suspensions des travaux par le tribunal administratif, deux recours – qui ont abouti – devant le Conseil constitutionnel,…

    M. Erwan Balanant

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    Le Conseil constitutionnel ?

    Mme Sandra Regol

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    …ce n’est pas vraiment ce que j’appellerais un consensus en faveur de l’enfouissement. La loi vous dit qu’il ne faut pas enfouir, puisque deux recours sont encore en cours. M. le garde des sceaux ne disait-il pas, il y a quelques minutes, qu’il faut toujours écouter la justice ? Mais, au lieu de l’écouter, vous harcelez les militants qui se mobilisent…

    Mme la présidente

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    Merci beaucoup, madame la députée.

    Mme Sandra Regol

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    …et, quand on se mobilise pacifiquement, il ne se passe rien : vous cherchez le désordre !

    Blocage des universités

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Violette Spillebout.

    Mme Violette Spillebout

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    Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. À Lille, le président de l’université a courageusement annulé une pseudo-conférence de La France insoumise – en réalité un meeting déguisé, destiné à propager la haine et l’antisémitisme. (Vives protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Jean-François Coulomme

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    Menteuse !

    Mme Violette Spillebout

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    Accusé de censure, il a été comparé, de façon abjecte, à un collaborateur nazi : nous lui apportons, ici, tout notre soutien. (Des députés des groupes RE et Dem se lèvent et applaudissent.) Merci, madame la ministre, d’avoir porté plainte.
    À Sciences Po Paris ce sont, depuis plusieurs semaines, des insultes antisémites contre une étudiante, une salle rebaptisée « Gaza »,…

    Mme Sarah Legrain

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    C’est le principe de la liberté d’expression !

    Mme Violette Spillebout

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    …le blocage des cours, les pressions sur la liberté académique et, enfin, les mains rouges. Notre jeunesse se mobilise, et nous aussi : nous pensons à toutes les victimes palestiniennes, comme aux otages israéliens.

    Mme Farida Amrani

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    C’est faux !

    M. Jean-François Coulomme

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    Menteuse !

    Mme Violette Spillebout

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    Mais ce n’est pas une raison pour accepter l’importation du conflit dans nos universités. Nous nous élevons contre les blocages menés par quelques extrêmes radicalisés qui empêchent les universités de fonctionner. Ils sont manipulés par certains de nos collègues du groupe LFI, ici présents, qui se croient tout permis, et qui attisent les braises. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Ne les laissons pas infiltrer les universités, pousser au soulèvement et instrumentaliser la situation à des fins électoralistes.

    M. Arnaud Le Gall

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    Bla bla bla…

    Mme Violette Spillebout

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    La liberté d’expression, le débat pluraliste et la sérénité au sein des universités sont bel et bien menacés. Nous voulons que celles-ci restent des lieux de savoir et qu’elles ne deviennent pas le terrain des luttes politiques ou de la terreur intellectuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Confirmez-vous, madame la ministre, que les sanctions pour antisémitisme n’ont pas été annulées par la direction de Sciences Po Paris ? Quelles mesures prenez-vous pour aider les chefs d’établissement à protéger, dans les universités, nos étudiants, nos enseignants et nos chercheurs ? (Des députés des groupes RE et Dem se lèvent et applaudissent.)

    Mme Andrée Taurinya

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    Vous écrasez la démocratie. La terreur politique, c’est vous !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

    Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

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    Je réaffirme la position, simple et claire, qui est la nôtre : le débat, c’est oui ; le blocage, ce sera toujours non. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) J’ai, comme vous, deux priorités. Tout d’abord, que nos étudiants puissent, dans les enceintes sacrées de nos universités, étudier dans de bonnes conditions. Que le cadre démocratique et républicain, ensuite, soit respecté.

    Mme Sophia Chikirou

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    Donnez-en-leur déjà les moyens !

    M. Philippe Gosselin

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    Incantations !

    Mme Sylvie Retailleau, ministre

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    C’est pourquoi, lorsqu’elles présentent des risques de trouble à l’ordre public, des conférences sont annulées, comme c’était le cas à Lille.

    Mme Andrée Taurinya

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    C’est vous le trouble à l’ordre public !

    Mme Sylvie Retailleau, ministre

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    Des campus ont ainsi été évacués par les forces de l’ordre, à la demande des chefs d’établissement.

    Mme Andrée Taurinya

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    Et vous, vous êtes complice !

    Mme Sylvie Retailleau, ministre

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    Comme vous l’avez dit, certains irresponsables soufflent sur les braises.

    M. Laurent Jacobelli

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    Ils sont ici !

    Mme Sylvie Retailleau, ministre

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    Ils instrumentalisent le conflit et manipulent nos étudiants en les appelant au soulèvement.

    M. Sébastien Rome

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    Ils sont libres ! Ce sont des grands garçons et des grandes filles !

    Mme Sylvie Retailleau, ministre

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    La surenchère et l’outrance ne font pas de bien à notre démocratie : cela suffit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Un président d’université a été comparé à un criminel nazi, et j’ai donc porté plainte pour injure publique à un agent public. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.) Des étudiants reprennent le symbole des mains rouges : nous devons condamner fermement ce geste (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES), même si je garde espoir qu’une partie de ces étudiants n’a peut-être pas mesuré sa portée et regrettera de l’avoir commis.

    M. Philippe Gosselin

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    Vous les prenez pour des gamins ?

    Mme Sylvie Retailleau, ministre

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    Mais les étudiants de Sciences Po sont de jeunes adultes instruits, qui ne peuvent pas se dissimuler derrière l’ignorance. Je confirme que les procédures disciplinaires concernant des faits antisémites, des faits graves, ne seront abandonnées, ni à Sciences Po Paris ni ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Situation de l’entreprise Biogaran

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Thierry Frappé.

    M. Thierry Frappé

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et de l’industrie. Biogaran, un fleuron de l’industrie pharmaceutique qui, à lui seul, représente 32 % de la production de médicaments génériques sur le marché français, est à vendre. Cette entreprise n’a cessé de contribuer à la souveraineté française dans ce domaine, en produisant en priorité sur le territoire national et européen.
    Ce sont près de 8 000 emplois qui sont menacés, sans compter la chaîne des sous-traitants qui, rien qu’en France, compte près de quarante usines. Voilà des mois que notre groupe tire la sonnette d’alarme. Nous avons rencontré à de nombreuses reprises, depuis dix-huit mois, l’équipe dirigeante de Biogaran. Nous avons le devoir de conserver à cette entreprise, patriote et responsable, sa marge de viabilité, en l’exonérant de dispositions qui ne peuvent s’appliquer à un laboratoire génériqueur.
    Notre groupe a fait des propositions lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais, à coups de 49.3, vous avez balayé l’avenir d’une société qui fait la fierté de notre pays. Vous avez été sourds au bien commun, sourds à l’intérêt de notre industrie et de notre pays – pire encore, sourds à l’intérêt des Français.
    La semaine dernière, les pharmaciens de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine ont appelé à la grève, en raison, pour partie, de leurs difficultés à s’approvisionner en médicaments. C’est une ineptie que de faire des économies sur les génériques : ce sont eux qui, par rapport aux médicaments princeps, sont une économie.
    Ma question est donc simple : pouvez-vous garantir, devant la représentation nationale, que la solution trouvée préservera les emplois directs et indirects créés par Biogaran ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie

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    La presse fait en effet état de la volonté des laboratoires Servier de vendre Biogaran, sa filiale de génériques. Je le regrette d’autant plus que, depuis quelques mois, voire quelques années, un grand nombre de groupes pharmaceutiques internationaux choisissent de s’installer en France. Sur ces seuls derniers dix-huit mois, Pfeizer, GSK, Novo Nordisk, Kiesel, Lilly France et tant d’autres encore ont choisi d’investir en France. Et si vous étiez au pouvoir, monsieur le député, aucun de ces investissements n’aurait lieu. (Protestations sur les bancs du groupe RN.)
    Ce sont aussi des entreprises françaises, comme Sequens, Skyepharma ou Pierre Fabre, qui choisissent d’investir en France, grâce à notre politique de relocalisation des médicaments critiques. Je les en remercie et le répète : si vous étiez au pouvoir, elles n’investiraient sans doute pas, elles non plus.

    Mme Valérie Rabault

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    Répondez donc sur Biogaran !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Cela étant, je tiens à redire qu’il est hors de question que l’éventuelle vente de Biogaran se traduise par un risque sur l’approvisionnement ou sur l’empreinte industrielle. Nous avons les moyens de poser des conditions drastiques afin d’empêcher que cela ne se produise, et cela grâce à des lois votées par cette majorité, comme la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte ; vous étiez moins nombreux sur les bancs, mais aucun de vos députés ne l’avait alors votée. Vous parlez, nous agissons. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Suppressions d’emplois dans l’industrie

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nadège Abomangoli.

    Mme Nadège Abomangoli

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    Monsieur le ministre délégué chargé de l’industrie, quand allez-vous sanctionner les patrons qui détruisent le travail et les travailleurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.) C’est la question que se posent les salariés de l’usine MA France d’Aulnay-sous-Bois, sous-traitante pour le groupe automobile Stellantis. Quatre cents travailleurs en grève vivent dans l’angoisse, car le donneur d’ordre a décidé de mettre fin aux commandes et de délocaliser. Stellantis exerce un droit de vie et de mort sur l’emploi. Nous soutenons les salariés de MA France, que j’ai rencontrés encore ce midi, et qui ne lâcheront pas. Sans eux, il n’y aurait pas dans notre pays de création de richesses, pas de gros salaires ni de dividendes, pas d’expertise industrielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Chez Sanofi, on exploite également les travailleurs. Tandis que les dividendes explosent – et que l’entreprise touche des crédits impôt recherche –, les licenciements se succèdent à Vitry-sur-Seine et à Gentilly.
    Il faut donc nationaliser les entreprises pharmaceutiques comme le proposait ce matin mon collègue Hadrien Clouet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.) La recherche sur le cancer ou le diabète ne doit pas être soumise à des impératifs de rentabilité.
    Vous n’êtes pas la France du travail, et encore moins celle de la réindustrialisation : vous êtes la France des patrons et des spéculateurs oisifs gavés de dividendes. (Mêmes mouvements.) Ce système est dévastateur pour les salariés, pour notre souveraineté sanitaire et industrielle. Aujourd’hui, Carlos Tavares, le patron de Stellantis, aura touché 100 000 euros. Le député Insoumis Matthias Tavel propose d’encadrer ces salaires de l’indécence. (Mêmes mouvements.) Mais vous vous cachez : en 2020, nous vous proposions déjà un texte de loi obligeant les donneurs d’ordre à assumer les conséquences sociales et financières de leur désengagement. Vous esquivez, mais les MA France d’Aulnay vous regardent.
    Sanofi, MA France, Stellantis : quand allez-vous interdire les licenciements dans ces entreprises du secteur stratégique, qui distribuent des dividendes ? Quand allez-vous protéger les salariés de ce pays contre celles et ceux qui détruisent le travail ? (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Où étiez-vous, madame la députée, quand nous avons voté toutes les mesures qui, depuis sept ans et pour la première fois en France depuis trente-cinq ans, ont créé de l’emploi industriel ? Nulle part. (Vives protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous vous êtes opposés à tout ce qui a été voté par cette majorité pour relocaliser, réindustrialiser, continuer à créer de la richesse en France.
    Nous agissons aussi pour aider les entreprises à relever les défis qu’elles rencontrent, nous cherchons des repreneurs pour celles qui sont en difficulté, nous investissons à leurs côtés et nous accompagnons les salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Et qu’est-ce que vous proposez ? Le duo magique : taxer et nationaliser. Ce n’est pas sérieux ! Nationaliser l’industrie pharmaceutique en France – et, pourquoi pas, l’automobile –, ce serait revenir cinquante ans en arrière, détruire de la valeur, faire en sorte que les salariés, d’Aulnay et d’ailleurs, n’aient plus d’emploi. Vous voulez appauvrir la France, vous voulez, par les nationalisations, en faire votre État, et pas celui des Françaises et des Français. Réveillez-vous ! Regardez la réalité du monde dans lequel nous vivons : ce monde est difficile, mais ce n’est pas avec des recettes magiques venues de nulle part que nous allons le sauver !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Nadège Abomangoli.

    Mme Nadège Abomangoli

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    Réveillez-vous, réveillons-nous, rendez-vous demain, 1er mai, dans la rue. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Fixation du prix de la canne à sucre

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christian Baptiste.

    M. Christian Baptiste

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    Ma question s’adresse à la ministre déléguée chargée des outre-mer. En Guadeloupe, le décret du 1er avril 1964 a révisé les modalités de paiement de la canne à sucre livrée en usine, passant d’un paiement au poids à un paiement basé sur la concentration en sucre cristallisable extractible. Le décret prévoit que le prix de la canne est composé d’une somme pour le sucre cristallisé et d’une autre calculée sur la base des recettes de ses coproduits.
    Ce décret est encore valide, mais son application est arbitraire. Si le prix tient bien compte du taux de sucre extractible, les recettes de la mélasse, du rhum, de la bagasse et des autres coproduits ne sont pas reversées aux producteurs. Cette situation a conduit à la paupérisation des petits producteurs de canne depuis 1964. Au vu de la valeur des coproduits de la canne, il faudrait que le manque à gagner pour l’économie de la Guadeloupe soit évalué par une commission d’enquête.
    De mars à avril 2024, un puissant mouvement de revendications a mis en cause le mode de fixation du prix de la canne et le partage de la valeur de ses coproduits. Ce mouvement a posé la question du devenir de cette culture, avec un mot d’ordre : ne plus livrer les cannes, mais les vendre. Il a permis aux producteurs d’exprimer leurs besoins : un prix de la tonne de canne qui prenne en compte la valeur de l’ensemble de ses coproduits ; une réorganisation de la filière canne-sucre-rhum, intégrant l’énergie issue de la bagasse (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC) ; un plan de relance pluriannuel ; le contrôle de l’outil industriel.
    Madame la ministre déléguée, quel plan de relance proposez-vous aux producteurs de canne pour faire face aux défis climatiques, à la fin des quotas sucriers, au monopole mortifère et arrogant de l’usine Gardel et de celle de Marie-Galante, afin que la canne devienne le pilier de la transition écologique de la Guadeloupe, et de sa subsistance alimentaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des outre-mer.

    Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des outre-mer

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    Je vous remercie de nous permettre d’évoquer la situation que connaissent les planteurs de canne, en particulier ceux de votre territoire, la Guadeloupe.
    Je me suis déjà rendue deux fois en Guadeloupe et, à cette occasion, j’ai rencontré les planteurs de canne. Le blocage a duré six semaines, au cours desquelles la campagne sucrière n’a pas pu être lancée, menaçant les producteurs de canne d’une année blanche.
    Depuis vendredi, un accord a été trouvé. C’est un travail collectif, dont je remercie le préfet de région, le président du conseil régional, M. Ary Chalus, et celui du conseil départemental, M. Guy Losbar.
    Pour faire face au faible taux de sucrosité de la canne, cet accord prévoit le versement aux planteurs de 1 million d’euros par l’État, 500 000 euros par la région et 250 000 par le département, sous forme de contribution exceptionnelle.
    En outre, l’usinier participera à l’intéressement des planteurs au résultat à hauteur de 500 000 euros, avant fin juin 2024 – nous y veillerons.
    Au-delà de la situation actuelle, vous m’interrogez sur l’avenir. Je l’ai dit aux planteurs lors de mon dernier déplacement en Guadeloupe, il faut encore mieux structurer la filière qu’elle ne l’est, en améliorant le rendement, en diversifiant les activités agricoles et, surtout, en réfléchissant à une nouvelle formule de calcul du prix de la tonne de canne. Sachez que le Gouvernement s’y engage et veille particulièrement à ce dossier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christian Baptiste.

    M. Christian Baptiste

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    Je vous remercie, madame la ministre déléguée. Nous voulons que les producteurs de canne de Guadeloupe ne soient plus des exploités agricoles, mais des exploitants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Violences chez les jeunes et sursaut d’autorité

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Laure Miller.

    Mme Laure Miller

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    Il y a quelques jours, à Viry-Châtillon, le Premier ministre prononçait un discours fondamental sur le sursaut d’autorité.

    M. Ian Boucard

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    Historique !

    Mme Laure Miller

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    Ce discours déclinait des objectifs largement partagés par les Français : restaurer l’autorité à tous les niveaux ; faire évoluer les peines et les sanctions pour qu’aucun acte ne soit jamais laissé sans réponse ; affirmer nos valeurs républicaines ; renforcer notre stratégie contre la drogue, terreau de toutes les délinquances.
    Dans la foulée, les consultations ont débuté et, en parallèle, de part et d’autre de l’hémicycle, les vieilles rengaines ont repris. Il y a ceux qui dénoncent de purs fantasmes, qui continuent à assumer la culture de l’excuse, tout en jouant les pompiers pyromanes, en distillant la violence dans chacune de leurs prises de position, appelant même au soulèvement.
    Et il y a ceux qui dépeignent la France comme un enfer sur terre. Chers députés d’extrême droite, quelles solutions proposez-vous hormis des mirages, des propositions de lois mal rédigées et qui piétinent notre Constitution ? (Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Grégoire de Fournas

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    Attendez le 9 juin !

    Mme Laure Miller

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    Loin des populismes de tous bords qui font croire aux Français que les solutions sont simples, la gravité de la situation, comme l’attente forte de nos concitoyens, nous imposent de répondre avec mesure et efficacité.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Et la fraude électorale, vous approuvez ?

    Mme Laure Miller

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    Répondre avec mesure, c’est décrire la réalité, toute la réalité, mais rien que la réalité. Répondre avec efficacité, c’est prendre le temps de la concertation pour étudier les solutions sur la base d’un travail scientifique et technique.
    La majorité prouve que la volonté politique et la fermeté sont de retour. Je salue la circulaire pénale diffusée dès hier soir dans nos juridictions, qui garantit le respect effectif et total de la laïcité, répliquant ainsi avec force à l’offensive islamiste qui sévit dans nos quartiers et dans certaines de nos écoles.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Cela fait cinquante ans que ça dure !

    Mme Laure Miller

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    Monsieur le garde des sceaux, le sujet le plus difficile est sans doute celui de la responsabilité parentale. Oui, il faut davantage accompagner les parents dépassés. Mais la responsabilité des parents défaillants doit aussi être plus fortement engagée. Quelles pistes envisagez-vous pour remettre les parents au cœur de l’éducation ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    Un député du groupe LFI-NUPES

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    Le racisme, c’est vendeur !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Je serais tenté de vous répondre que tout est dans le discours du Premier ministre prononcé à Viry-Châtillon, que vous avez qualifié de fondamental.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Excellent !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Quelle courtisanerie !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr, nous ne partons pas de rien. N’oublions pas le code de la justice pénale des mineurs. Certains l’ont honteux aujourd’hui, mais le Rassemblement national l’a voté. Je le répète, il l’a voté, à l’unanimité.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Et alors ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Nous réfléchissons en outre à des mesures nouvelles parce qu’il ne faut rien s’interdire. Huit semaines de concertation ont commencé dès ce matin à Matignon, et dès demain au ministère de la justice. Je recevrai les magistrats, les organisations syndicales et les parlementaires qui souhaitent faire des propositions, afin que nous en discutions.
    Enfin, nous avons déjà mis en œuvre des mesures concrètes. Ainsi, à Nice, les internats éducatifs sont là pour aider les mamans seules. Elles nous remercient de prendre en charge ces gamins, ce que la loi ne permettait pas, du fait de leur âge et parce qu’ils n’avaient pas commis d’infraction.
    Vous avez évoqué une première circulaire ; une autre va intervenir très prochainement pour décliner le principe « tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Erwan Balanant

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    Il a appris par cœur la formule du Premier ministre !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Cette fois, oui, j’ai appris la formule par cœur. (Sourires.)

    M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Excellent !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Toutes les pistes sont les bienvenues car il s’agit de sujets transpartisans, qu’il convient de ne pas instrumentaliser à des fins politiciennes – le papa du petit Matisse l’a rappelé. Je rends hommage à la mémoire de ce dernier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Julien Odoul

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    Quelle honte !

    Mineurs délinquants

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Alexandra Martin (Alpes-Maritimes).

    Mme Alexandra Martin (Alpes-Maritimes)

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    Que de temps perdu, que de drames qui auraient pu être évités ! Matisse, Shamseddine, Samara, Philippe, nos pensées les plus émues et les plus attristées vont vers ces victimes trop nombreuses et leurs proches.
    Il est temps, monsieur le Premier ministre, d’en finir avec l’impunité des mineurs délinquants – aujourd’hui criminels – et de mettre un terme à l’impuissance publique.
    Il y a deux ans, je déposais une proposition de loi, corédigée avec David Lisnard, déclinée par la suite en amendements au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
    Je me souviens de l’avis très négatif rendu par le garde des sceaux, notamment sur la levée de l’excuse de minorité et sur la responsabilité pénale des parents. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent !

    Mme Alexandra Martin (Alpes-Maritimes)

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    Désormais, vous vous emparez de ces sujets en proposant des mesures qui s’apparentent à des pansements, sans réponses pénales fermes. Elles seront donc inefficaces. Ainsi, proposer à des jeunes à la dérive un placement en internats ordinaires, dans lesquels des jeunes en recherche de réussite sont également présents, accueillir tous les jours les élèves de huit heures à dix-huit heures dans leur établissement, alors qu’ils sont pour la plupart déscolarisés, tout cela est en décalage complet avec la situation que notre pays connaît et la dégradation de la sécurité publique. C’est notamment le cas dans les quartiers livrés au communautarisme, à une immigration incontrôlée qui a ses propres lois et sa propre culture : leur emprise sur les mineurs légitime la violence. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Un député du groupe LR

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    Bravo !

    Mme Alexandra Martin (Alpes-Maritimes)

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    Il y a quelques jours, j’ai proposé un nouvel acte à ma proposition de loi : mise en place de courtes et très courtes peines, création d’internats disciplinaires fermés et possibilité de poursuivre des adultes utilisant des mineurs pour effectuer des actes répréhensibles. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Emmanuelle Ménard applaudit également.)
    Il s’agirait d’un changement radical, et de réponses pénales, mais il faut aussi réagir urgemment face à la politique migratoire, comme nous le proposons. Pensez-vous vraiment qu’un énième Beauvau apportera des solutions inédites alors que nous connaissons déjà les causes et les réponses à apporter ? (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Madame Martin, vous le savez parce que vous êtes nuancée, la justice n’est pas la version endimanchée de la vengeance – ce serait trop facile. Il y aurait alors belle lurette que nous aurions réglé les problèmes ! J’entends ce que vous dites, et vos propositions. Nous en débattrons. Il ne s’agit pas d’un énième Beauvau, mais de la volonté de considérer que ces sujets sont transpartisans.
    Ainsi, l’internat éducatif niçois a reçu le soutien des députés Ciotti et Pradal, et du président du conseil départemental – qui est issu de votre famille politique. Il est utile parce qu’aucun dispositif n’existait, et non parce qu’il vient en remplacer un.
    Nous ne nous interdisons aucune réflexion sur l’excuse de minorité, mais n’oublions pas notre boussole constitutionnelle – le Conseil constitutionnel a déjà rendu des décisions, qui distinguent selon les âges et les infractions – et avançons avec circonspection, avec la circonspection que l’on doit à notre loi suprême.
    Ce n’est pas en quatre minutes que nous pourrons analyser ces propositions. Je vous invite à venir me voir pour discuter de celles que vous soutenez.

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous les avez balayées !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est tout l’intérêt de la discussion dans l’arc républicain. Vous n’êtes pas de ceux qui ont le code de justice pénale des mineurs honteux. (L’orateur fait un mouvement de balai avec sa main en direction des bancs à droite de l’hémicycle.) Après l’avoir voté, ils font semblant de pas s’en souvenir.
    En conclusion, oui à la coconstruction, mais non au nihilisme ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Projet d’autonomie de la Corse

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Gilles Le Gendre.

    M. Fabien Di Filippo

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    Cela faisait longtemps !

    M. Gilles Le Gendre

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    Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur et des outre-mer. Peu de temps avant la suspension de nos travaux, l’Assemblée de Corse a approuvé l’accord ouvrant la voie à la reconnaissance d’un statut d’autonomie de la Corse dans la République.
    Le futur statut, de nature constitutionnelle, tiendra compte des intérêts propres de la Corse, liés à son insularité et à sa communauté historique, linguistique et culturelle. En outre, une loi organique organisera le pouvoir d’adaptation des normes législatives et réglementaires de la collectivité de Corse.
    Monsieur le ministre, je salue votre engagement sans relâche, combinant ouverture et fermeté, au cours de ces longs mois de négociations.

    M. Fabien Di Filippo

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    M. Le Gendre organise son parachutage !

    M. Gilles Le Gendre

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    Je salue aussi l’esprit de responsabilité des élus de l’île, en particulier du président du conseil exécutif, M. Gilles Simeoni,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Il a déjà l’accent corse ! (Sourires.)

    M. Gilles Le Gendre

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    …qui a obtenu un très large consensus sur un texte de compromis ne pouvant, par nature, satisfaire l’intégralité de leurs revendications.
    S’ouvre désormais la phase parlementaire – essentielle – permettant de transposer cet accord dans notre droit. En quoi la réussite de ce projet est-elle cruciale, non seulement pour lever les obstacles au développement et instaurer définitivement la paix civile en Corse, mais aussi pour conforter l’unité de notre République, dont l’île est et demeurera partie intégrante ?
    Quel chemin parlementaire le Gouvernement a-t-il prévu pour l’adoption de ces deux textes ? Le seront-ils ensemble ou séparément, et selon quel calendrier ?
    Il est prévu que les citoyens corses se prononcent sur les termes de l’accord. À quel moment et sous quelle forme interviendra cette consultation ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

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    La Corse entretient de longue date une relation particulière et passionnée – parfois tumultueuse, mais toujours respectueuse – avec la République. Les Corses sont de grands Français : ils l’ont montré hier, le montrent aujourd’hui et le montreront demain. Cette île magnifique doit être respectée dans sa singularité : elle est le porte-avions de la France en Méditerranée et l’avant-poste de la Méditerranée en France.
    Cher Gilles Le Gendre, je salue votre implication dans le dossier corse, ainsi que celle du président Marcangeli et de tous les élus. Vous avez souligné le rôle joué par le président Gilles Simeoni, que je salue également.
    Après le drame qu’a été l’assassinat d’Yvan Colonna et les violences considérables qui s’ensuivirent il y a deux ans, nous avons engagé un processus historique qui nous oblige. Nous avons fait émerger un large consensus – certes imparfait – parmi les forces politiques de l’île et au sein de son assemblée territoriale. La majeure partie des dispositions novatrices, historiques et constitutionnelles, y ont été acceptées.
    Le Président de la République avait fixé deux lignes directrices : l’appartenance de la Corse à la République et le refus de créer deux catégories de citoyens. Nous allons engager la réforme constitutionnelle. Une mission est en cours de création au Sénat ; l’Assemblée devrait aussi se saisir de ce sujet pour qu’il y ait un vote sur les lois constitutionnelle et organique le plus rapidement possible, lorsque le Président de la République le décidera, en accord avec les présidents des assemblées.
    Le Gouvernement a fait sa part, tout comme les élus de Corse. Il appartient au Parlement de faire la sienne, pour répondre à cette simple question : doit-on reconnaître la singularité de la Corse au sein de la République ? Notre réponse est oui et nous attendons celle du Parlement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem. – MM. Paul-André Colombani et Paul Molac applaudissent également.)

    Accès aux écrans

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Vermorel-Marques.

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Je viens vous parler des deux jeunesses de la France – de la nôtre, monsieur le Premier ministre, mais aussi de celle qui vient après nous – et vous parler de nos rapports aux écrans.
    Pour vous et moi, le premier téléphone portable, c’était le Nokia au forfait limité.

    M. Maxime Minot

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    Le 3310 !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Pour les jeunes d’aujourd’hui, c’est l’iPhone et le harcèlement sans limite sur Snapchat. Pour vous et moi, la pornographie, c’était le dernier étage dans le kiosque à journaux. Pour les jeunes d’aujourd’hui, c’est le téléphone d’un copain et les viols à portée de clic. Pour vous et moi, les jeux vidéo, c’étaient Mario Kart et la Game Boy.

    M. Maxime Minot

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    Et Tetris !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Pour les jeunes d’aujourd’hui, ce sont les émeutes et les meurtres filmés en direct sur TikTok. Pour notre génération, l’écran était une révolution, alors que pour celle qui vient, c’est une soumission.
    Les autres pays l’ont bien compris. La Corée du Sud, pays leader des jeux vidéo, les interdit désormais de minuit à six heures du matin à ses enfants. La Suède, après avoir été la première à donner des ordinateurs à tous ses élèves, a sonné le retour des manuels scolaires.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Évidemment !

    M. Antoine Vermorel-Marques

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    Pire encore, ceux qui ont inventé les écrans les interdisent à leurs enfants. Je pense à Bill Gates mais aussi à l’ancien vice-président de Facebook.
    Le temps presse car le temps des écrans n’est pas celui du Gouvernement. Depuis 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) interdit les écrans aux moins de 3 ans. Avec Annie Genevard, nous avons proposé d’appliquer cette recommandation en France. C’est une mesure urgente : pour les bébés nés aujourd’hui, si on attend trois ans, il sera déjà trop tard. Légiférons dès maintenant car le numérique peut être un instrument formidable si nous le régulons.
    Devant la marchandisation de nos enfants et de nos petits-enfants, êtes-vous prêt à reprendre le contrôle de nos écrans en passant de la sensibilisation à l’interdiction ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    L’addiction aux écrans chez les jeunes et les enfants est une catastrophe sanitaire et éducative en puissance. On en constate déjà les effets : les professionnels de l’enfance et de l’éducation évoquent des enfants qui développent des troubles de l’attention de plus en plus tôt, des troubles du sommeil qui se répercutent sur leur concentration à l’école, et d’autres problèmes de santé.
    Vous avez évoqué les émeutes et les concours qui poussent à commettre les violences les plus brutales possibles pour les diffuser sur les réseaux sociaux. Cet enjeu est fondamental. Les pays qui ont réglementé le temps passé devant les réseaux sociaux ou les écrans ont certainement pris de l’avance pour éviter l’abrutissement généralisé d’une génération. Il nous faut agir.
    Nous avons déjà pris des décisions fortes. La France, lors du quinquennat précédent, a été l’un des premiers pays à interdire l’usage du téléphone portable au collège. Nous avons adopté la proposition de loi de Laurent Marcangeli fixant la majorité numérique à 15 ans. Il faut maintenant la faire appliquer, notamment au niveau européen – ce que souhaite le Président de la République.
    Nous devons aller plus loin. Je suis favorable à ce que la proposition de loi que vous avez déposée avec Annie Genevard pour interdire les écrans dans les crèches et chez les assistantes maternelles puisse être reprise et adoptée. Il faut aussi aller plus loin s’agissant de la place des écrans dans la vie des enfants de moins de 6 ans, qui est un véritable fléau. Une étude récente indique que, durant une année, un enfant de moins de 6 ans passe autant d’heures devant un écran qu’à l’école – entre 830 et 860 heures, avec l’impact qu’on imagine.
    Mais tout le monde doit balayer devant sa porte,…

    Mme Sandra Regol

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    Ça, c’est sûr !

    M. Gabriel Attal, Premier ministre

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    …y compris l’État, l’éducation nationale et les collectivités locales impliquées dans l’éducation nationale. Il est vrai que dans certains établissements, les manuels ont été remplacés par des écrans. Je ne suis pas technophobe, je ne considère pas que l’écran est à proscrire : il peut avoir une visée et un intérêt pédagogiques. Des logiciels se fondent par exemple sur l’intelligence artificielle pour faciliter la remédiation scolaire et l’accès au savoir d’élèves à besoins particuliers. Mais l’écran pour l’écran n’a aucun intérêt et peut se révéler dangereux : il faudra repenser certaines politiques actuellement menées par nos services publics, notamment, j’y insiste, dans le domaine de l’éducation.
    Le Président de la République a confié une mission à une commission d’experts du sujet. Pendant plusieurs mois, ils ont auditionné 250 acteurs des organisations de jeunesse. Ils remettront cet après-midi leurs propositions au Président de la République, lequel choisira celles qui seront reprises. Nous agirons avec fermeté et résolution non pas contre notre jeunesse, mais pour la sauver de l’addiction aux écrans, avec toutes celles et tous ceux qui veulent s’engager, au-delà des clivages. Je cherche continuellement les sujets qui peuvent rassembler les Français et la représentation nationale. Cet enjeu est un enjeu de société et de civilisation : il nous rassemblera très largement – en tout cas, j’y suis prêt. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Violences chez les jeunes

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    J’ai écouté avec effroi le discours de Viry-Châtillon sur la jeunesse de Gabriel Bardella. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.) En trois quarts d’heure, vous n’avez pas été fichu de verbaliser clairement le principe de la justice des enfants – la primauté de l’éducatif sur le répressif. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Et pour cause : après la loi sur l’immigration, c’est un nouveau copier-coller du programme du Rassemblement national – culpabilisation des parents, répression accentuée des enfants, couvre-feux à tout va, uniforme, internat, et j’en passe !
    Les drames récents de Viry-Châtillon et de Châteauroux ont bouleversé tout le pays. Je suis sûr que la représentation nationale tout entière apporte sa solidarité aux victimes et à leurs proches. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) C’est parce que l’émotion est vive que nous avons la responsabilité d’examiner le problème tel qu’il est, et non tel que vous le fantasmez pour atteindre vos objectifs bassement démagogiques et électoralistes. Non, on ne doit pas faire la guerre aux enfants en conflit avec la loi, comme vous le prétendez.
    Dans votre discours, monsieur Gabriel Bardella (Exclamations sur les bancs des groupes RE et Dem),…

    Mme Maud Petit

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    Oh ça va, c’est nul !

    M. Laurent Jacobelli

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    En plus, Gabriel Attal est dix points derrière Jordan Bardella dans les sondages !

    M. Ugo Bernalicis

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    …vous déplorez une situation désastreuse, mais cette situation, c’est d’abord le résultat de l’échec de votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Je vous rappelle que vous êtes au pouvoir depuis sept ans.
    Soutenir que les jeunes seraient de plus en plus violents est un postulat démenti par toutes les études scientifiques et par les chiffres de vos ministères.
    En revanche, vous passez sous silence une augmentation alarmante des actes de violence subis par les mineurs.

    Mme Andrée Taurinya

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    Eh oui !

    M. Ugo Bernalicis

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    Les jeunes vont mal, leur santé mentale se dégrade. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Votre gouvernement, doté de moyens historiques, n’a jamais mis l’accent sur la prévention primaire. Les moyens de la protection maternelle et infantile (PMI) et des clubs de prévention sont tous en baisse. Au sein de l’éducation nationale, vous avez supprimé 1 100 postes d’assistants d’éducation ! La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) du 93 a alerté la semaine dernière sur le manque de moyens.
    Où est le ministre de la justice qui, face à Mme Le Pen, disait ici même (L’orateur imite la voix du garde des sceaux) : « Le répressif, avec les gamins, ça ne marche pas » ? Désormais, ce serait donc pour Gabriel Vador « la République contre-attaque » ?

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Zéro ! C’est nul !

    M. Ugo Bernalicis

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    Une société qui condamne l’avenir de ses enfants en conflit avec la loi condamne son propre avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Zéro !

    Mme la présidente

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    Monsieur Bernalicis, quand vous posez une question et que vous évoquez le Premier ministre, je vous remercie de respecter sa fonction et sa personne. C’est la moindre des choses dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Un peu de respect pour Jordan Bardella !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

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    Ce n’est pas possible !

    M. Ugo Bernalicis

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    On n’est plus les amis des mollahs, alors ? Menteur ! Oui, oui : menteur !

    M. Manuel Bompard

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    Madame la présidente, ne laissez pas dire des mensonges dans l’hémicycle !

    M. Ian Boucard

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    Vous n’avez pas honte ?

    Mme la présidente

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    Vous n’auriez pas souvent la parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Monsieur le député Ugo Bernalicis,…

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est bien moi !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …ma réponse sera la plus brève possible. Savez-vous de combien les effectifs de la PJJ ont été augmentés depuis 2017 ?

    Mme Nadège Abomangoli

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    Et en Seine-Saint-Denis ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    De 681 emplois ! Savez-vous, monsieur Bernalicis, de combien le budget de la protection judiciaire de la jeunesse a augmenté depuis 2017 ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Avant ou après les décrets d’annulation ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    De 88 % ! Vous ne connaissez pas ces chiffres, savez-vous pourquoi ? Vous n’avez jamais voté ces moyens supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    M. Ugo Bernalicis

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    À cause des 49.3 !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Quatre budgets de la mission Justice ont été votés sans aucune voix de votre part ! Il en est allé de même pour la loi de programmation et pour le code de justice pénal des mineurs.

    M. Ugo Bernalicis

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    Exactement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce dernier prévoit une césure très utile entre la condamnation et la définition du quantum de la peine, avec de l’éducatif entre les deux, pour que le jeune soit suivi et qu’il indemnise les victimes.

    M. Ugo Bernalicis

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    Pourquoi vous en faites autant si c’est si bien ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous donnez toujours dans un nihilisme absolu, monsieur Ugo Bernalicis. Et moi, les mesures du Premier ministre Gabriel Attal, je les approuve. (Mêmes mouvements.)

    Mme Élise Leboucher

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    Et sur la prévention ?

    TotalEnergies

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Sabatou.

    M. Fabien Di Filippo

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    Le chef du Gouvernement ne devrait pas quitter l’hémicycle, comme il est en train de le faire, avant la fin des questions au Gouvernement ! C’est ça, aussi, le respect !

    M. Alexandre Sabatou

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    Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a récemment indiqué dans la presse américaine qu’il envisageait de délocaliser la cotation boursière de l’entreprise de Paris à New York. Il dit en effet constater, depuis une dizaine d’années, une augmentation de la part de l’actionnariat nord-américain au détriment de l’actionnariat européen.
    De nombreux investisseurs européens retirent en effet de leur portefeuille leurs actions Total afin de répondre aux contraintes des fonds d’investissement socialement responsables. Comble du paradoxe, la Banque de France elle-même a décidé de se retirer du capital de l’entreprise, alors que Total représente la quatrième cotation boursière du CAC40 !
    Pendant que les États-Unis investissent massivement dans les énergies fossiles, qui restent le moteur de l’économie mondiale, en France, Total est pris en étau entre les critiques incessantes de l’extrême gauche et un gouvernement qui anticipe une disparition rapide des industries dépendant des énergies fossiles.
    Ces critiques, bien que fondées sur des préoccupations environnementales légitimes, ne prennent pas en compte la complexité, pour une entreprise de cette envergure, d’aller vers des énergies plus propres dans un environnement concurrentiel mondial.
    Cette menace de délocalisation boursière est donc à prendre au sérieux car qui nous dit que Total ne déménagera pas demain son siège social aux Pays-Bas ou au Luxembourg pour des raisons fiscales ?
    Total a été créé après la première guerre mondiale par le Gouvernement pour assurer et garantir notre souveraineté énergétique ; c’est justement pour défendre cette souveraineté qu’il est intolérable que l’entreprise ne soit plus détenue par des actionnaires français.
    Quels sont les plans du Gouvernement pour contrer cette menace ? Laisserons-nous le contrôle de nos joyaux nationaux passer entre des mains étrangères, faute d’avoir su organiser l’épargne des Français et maintenir nos entreprises cotées en Bourse sous pavillon national ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie.

    M. Laurent Jacobelli

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    Il n’a plus son Premier ministre…

    M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie et de l’énergie

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    Total, c’est plus de cent ans d’existence – la Compagnie française des pétroles, devenue depuis TotalEnergies, a été créée bien avant la guerre, en 1924.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Donc, comme on l’a dit, après la première guerre mondiale !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Elle est aujourd’hui très présente en France, en Europe et à l’international. C’est une entreprise française qui rayonne à l’extérieur de la France.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    C’est une raison débile !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Elle compte environ deux fois plus d’employés, d’activités de raffinage et de production d’électricité hors de France qu’à l’intérieur du pays.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ah ? Il n’y a pas de puits de pétrole en France ? On en apprend des trucs !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Ce joyau français a son siège social en France, est coté en France et rayonne à l’international ; il ne serait sans doute plus basé en France si vous et vos amis, monsieur Tanguy, étiez au pouvoir. (Protestations sur les bancs du groupe RN. – M. Rémy Rebeyrotte applaudit.)

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Il n’a rien à dire !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Vous êtes d’un prévisible, monsieur Tanguy !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    C’est une plaisanterie ! C’est zéro !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Il y a douze ans, 33 % des actionnaires de Total étaient américains et 45 % provenaient de l’Union européenne. C’est aujourd’hui l’inverse : environ 47 % des actionnaires sont américains, alors que 34 % viennent de l’Union européenne ;…

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    On sait lire !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …je le regrette. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe RN.) Cela démontre néanmoins que des actionnaires internationaux s’intéressent, encore et toujours, à la France.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    C’est ça votre réponse ?

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Vous l’aurez noté, mes réponses sont constantes : si nous n’avions pas voté toutes les mesures que nous avons votées, les actionnaires internationaux, quel que soit le parti au pouvoir, auraient quitté la France depuis longtemps.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Mais ils sont en train de la quitter !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    Pour aller plus loin et attirer davantage d’actionnaires européens dans le capital de TotalEnergies,…

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Il faut des actionnaires français !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …il faut faire l’union des capitaux (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem) – que vous détestez ; il faut renforcer la capacité de l’Europe à investir dans les entreprises françaises et internationales ;…

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Zéro !

    M. Roland Lescure, ministre délégué

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    …il faut faire en sorte que l’Europe soit une grande puissance, notamment dans le secteur des énergies renouvelables, celles que vous détestez et dans lesquelles TotalEnergies investit beaucoup. Vive TotalEnergies et vive la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    En dessous de zéro !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexandre Sabatou.

    M. Alexandre Sabatou

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    Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à une question pourtant simple ! Nous avons perdu Technip et Alcatel, entre autres grandes entreprises, et vous êtes incapable de nous répondre sur le fond. Vous avez évoqué une épargne française considérable : utilisez-la à bon escient pour sauvegarder notre souveraineté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Financement de l’apprentissage

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Dominique Da Silva.

    M. Dominique Da Silva

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    Madame la ministre du travail, de la santé et des solidarités, depuis plusieurs semaines, l’apprentissage est au cœur de l’actualité. Son développement significatif, sans précédent – plus d’un million de jeunes sont en alternance –, est une réussite de la politique volontariste voulue par le Président de la République et conduite par notre majorité depuis la fameuse loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018.
    Cette réussite française est reconnue par tous les acteurs de la formation ; nous pouvons en être fiers. Ce succès incontestable doit désormais aller de pair avec un financement pérenne, juste et lisible. En février, dans son plan d’économie de 10 milliards d’euros pour 2024, le Gouvernement prévoyait 200 millions d’euros d’annulation de crédits concernant l’apprentissage, en ciblant les niveaux de prise en charge des formations.
    Cette révision des coûts contrats, dont on sait qu’elle visera les niveaux supérieurs 6 et 7 à partir du niveau bac + 3, est une mesure juste et de bon sens : ce secteur de l’apprentissage se porte bien, on y observe les marges les plus profitables pour les centres de formation d’apprentis (CFA).
    Mais dans ce nécessaire plan d’économies, une mesure inattendue suscite l’inquiétude, y compris dans les rangs de la majorité, et soulève des questions légitimes : il s’agit de l’annulation de l’aide à l’embauche de 6 000 euros concernant le contrat de professionnalisation. Cette annonce, dont on ignore la portée budgétaire, crée une grave confusion dans le secteur de la formation en alternance.

    M. Fabien Di Filippo

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    La majorité tangue !

    M. Dominique Da Silva

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    Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur l’objectif visé par cette mesure ? Quelles sont les aides à l’embauche encore existantes pour les contrats de professionnalisation ?

    M. Fabien Di Filippo

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    Il est vrai que c’est flou !

    M. Dominique Da Silva

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    Comment soutenir à l’avenir les jeunes qui préfèrent des formations courtes, sans passer par l’apprentissage ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Qui sera encore considéré comme étant en formation initiale ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

    Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités

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    Je partage votre constat, monsieur Da Silva : l’apprentissage est un succès depuis 2017. En 2023, nous avons dénombré 857 000 entrées en apprentissage, contre 317 000 en 2018 – les chiffres sont éloquents.
    Je le dis clairement : nous ne toucherons pas aux aides concernant l’apprentissage. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem.) Maintenir cette ambition nécessite d’assurer la soutenabilité du financement de l’alternance, ce qui m’amène à la deuxième partie de votre question.
    Nous avons retenu deux mesures. La première reprend les recommandations de France Compétences : nous procéderons à l’ajustement des niveaux de prise en charge des contrats ciblant les seules formations des niveaux 6 et 7.
    Nous avons décidé de supprimer le dispositif applicable aux contrats de professionnalisation pour les jeunes de moins de 30 ans. Ce dispositif n’existait pas avant la crise sanitaire ; il s’agit de revenir à la situation précédente, les motifs ayant prévalu à sa création après le premier confinement n’étant plus d’actualité. Cette mesure de normalisation dégagera une économie de 250 millions d’euros.
    Les contrats de professionnalisation resteront attractifs pour les entreprises qui bénéficient d’un soutien public : une exonération des cotisations patronales et le financement de la formation par les opérateurs de compétences (Opco). Les sommes correspondantes seront versées par France Travail pour les demandeurs d’emploi de plus de 26 ans et de plus de 44 ans. Pour répondre à une autre de vos questions, il existe encore des aides pour des cibles plus réduites. En tout état de cause, nous recadrons ces deux éléments tout en maintenant l’apprentissage. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge.)

    Présidence de Mme Élodie Jacquier-Laforge
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    4. Confidentialité des consultations des juristes d’entreprise

    Discussion d’une proposition de loi

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean Terlier et plusieurs de ses collègues relative à la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise (nos 2469, 2033).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Jean Terlier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Nous avions déjà voté les dispositions que prévoit la proposition de loi dont nous entamons l’examen, en adoptant la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, dite loi justice, mais le Conseil constitutionnel, les considérant comme des cavaliers législatifs, les a malheureusement censurées.
    Le Sénat les a reprises, en y apportant quelques modifications, mais, par respect pour le travail accompli à l’Assemblée en première lecture de la loi « justice » et pour sécuriser le dispositif, j’ai déposé la présente proposition de loi afin que nous nous prononcions en tant que première assemblée saisie.
    Le dispositif protégeant la confidentialité des consultations rédigées par les juristes d’entreprise représente l’aboutissement de nombreux rapports et initiatives législatives, mais je n’en citerai que deux. Alors qu’il était député, Raphaël Gauvain a, en 2019, fait valoir dans un rapport que l’absence de confidentialité des avis rendus par les juristes d’entreprise accentuait la vulnérabilité des entreprises françaises, ainsi laissées à la merci de leurs concurrents et d’investigations de portée extraterritoriale conduites par des autorités étrangères, notamment américaines.
    Il y va également de l’attractivité de la France dont la plupart des partenaires économiques se sont déjà dotés d’un dispositif garantissant la confidentialité de ces consultations. Le risque que les entreprises délocalisent leur direction juridique est ainsi réel et certains juristes anglo-saxons vont jusqu’à recommander d’éviter de porter des litiges devant des juridictions françaises, en raison de l’absence d’une protection équivalente à celle garantie par le legal privilege qu’ils connaissent.
    Au rapport très éclairant de M. Gauvain s’ajoute celui rendu par le groupe de travail sur la justice économique et sociale, constitué dans le cadre des états généraux de la justice. Le groupe soulignait lui aussi les enjeux d’attractivité et pointait le risque que les juristes d’entreprise, par peur de l’auto-incrimination, ne donnent plus l’alerte au sein de leurs propres sociétés.
    Alors qu’en matière de conformité, nous faisons peser des obligations toujours plus nombreuses sur les entreprises, il est paradoxal de ne pas leur donner les moyens de remédier à leurs faiblesses internes. Au cours des auditions puis lors de la discussion du texte en commission, j’ai entendu les inquiétudes exprimées par diverses parties, notamment les avocats et les autorités administratives indépendantes (AAI). Je tenterai donc de les lever.
    En premier lieu, je tiens ici à réaffirmer ma conviction que cette proposition de loi n’est pas un cheval de Troie ou la première étape vers la création d’une nouvelle profession réglementée, celle de juriste d’entreprise. En effet, le parallèle établi avec le secret professionnel de l’avocat ne résiste pas à l’examen des conditions posées par l’article 1er de la proposition de loi, puisque la confidentialité n’est pas attachée à la personne, mais aux consultations rédigées par le juriste à l’attention de son employeur.
    En deuxième lieu, cette proposition de loi n’est pas, comme je l’ai entendu, contraire au droit européen.

    M. Ugo Bernalicis

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    Mais si !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Dans son arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals Ltd et Akcros Chemical Ltd contre Commission européenne, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) n’interdit pas aux États membres de prévoir dans leur droit interne la confidentialité des consultations rédigées par les avocats internes et les juristes d’entreprise. Cet arrêt exclut simplement la confidentialité lorsque les autorités de contrôle de l’Union européenne font usage de leur pouvoir. De surcroît, ses rédacteurs constatent que plusieurs États membres ont fait le choix de la confidentialité, sans s’en émouvoir particulièrement.
    Enfin, cette proposition de loi ne crée pas, comme certains le prétendent, une boîte noire ou un coffre-fort juridique au sein des entreprises. Au contraire, elle encadre la confidentialité des consultations de plusieurs garanties. D’après la première, les juristes d’entreprise devront avoir suivi une formation spécifique aux règles éthiques pour pouvoir rendre leurs consultations confidentielles. L’article 1er prévoit également que le rédacteur de chaque consultation devra être identifié et que les consultations confidentielles devront faire l’objet d’un classement particulier.
    Surtout – et j’y insiste –, la confidentialité des consultations n’aura pas de caractère absolu. Elle ne pourra être opposable dans le cadre d’une procédure pénale ou fiscale, ce qui signifie qu’une entreprise sera obligée de produire l’intégralité des consultations demandées par l’administration ou la justice dans le cadre d’une procédure fiscale ou pénale : c’est un premier garde-fou.
    Le second, c’est la procédure de levée de la confidentialité des consultations, prévue au IV de l’article 58-1 que l’article 1er du texte vise à insérer après l’article 58 de la loi portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Que ce soit dans le cadre d’un litige civil ou commercial ou dans le cadre d’une procédure menée par une autorité administrative indépendante, la levée de la confidentialité pourra être demandée au juge. Selon la procédure en cours, c’est le président de la juridiction saisie ou le juge des libertés et de la détention (JLD) qui se prononcera, après avoir examiné les consultations visées. Ce même article donne également aux entreprises elles-mêmes la possibilité de renoncer à la confidentialité de leurs consultations juridiques internes.
    En commission, nous nous sommes efforcés d’améliorer le dispositif. La notion de déontologie, qui évoque trop les professions réglementées, a été remplacée par celle de règles éthiques, qui nous paraît plus opportune.

    Mme Cécile Untermaier

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    La procédure de levée de confidentialité a été complétée pour prévoir l’intervention d’un commissaire de justice, qui garantit que les consultations ne seront pas altérées ou détruites dans l’attente de la décision du juge sur leur confidentialité.
    La commission a également adopté, sur proposition de notre excellente collègue Caroline Yadan, une disposition transitoire pour les juristes d’entreprise déjà en poste et qui ont obtenu leur diplôme avant la réforme licence-master-doctorat – LMD.
    À l’inverse, ayant entendu les inquiétudes exprimées par les avocats, j’ai été défavorable à ce que la formation des juristes d’entreprise soit assurée par les centres régionaux de formation professionnelle d’avocats (CRFPA). Un amendement allant dans ce sens a été déposé en séance : par souci de cohérence, j’y serai de nouveau défavorable.
    Je présenterai plusieurs amendements qui tirent les conséquences de nos discussions en commission. L’amendement no 64 vise à prévoir la confidentialité des consultations qui « consistent en une prestation intellectuelle personnalisée tendant à la fourniture d’un avis ou d’un conseil fondé sur l’application d’une règle de droit ». J’appelle votre attention : seule la consultation serait confidentielle ; les pièces de l’ensemble du dossier ne le seraient pas. Les contestations, que nous avons entendues en commission, concernant la conservation de la preuve et l’accès à la preuve ne sont pas pertinentes.
    Soucieux de répondre aux interrogations de nos collègues sur la responsabilité de l’employeur qui apposerait ou ferait apposer frauduleusement la mention « confidentiel » – Ugo Bernalicis l’avait évoqué en commission –, j’ai déposé l’amendement no 72 qui tend à prévoir une sanction pénale spécifique de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ça ne change pas le problème !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    J’espère vous avoir convaincus du bien-fondé de cette proposition de loi. Elle répond à la demande impérieuse des entreprises françaises qui souhaitent voir leur sécurité renforcée, notamment la sécurité juridique de leurs échanges. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Je ne peux que me réjouir de votre volonté d’introduire dans notre droit un legal privilege à la française.
    Vous connaissez – parce que j’ai déjà eu l’occasion de vous en faire part – ma conviction : nous devons renforcer la fonction juridique au sein de l’entreprise. L’engagement de faire évoluer notre droit est aussi le vôtre, monsieur le député Terlier ; je vous en remercie très chaleureusement.
    Nous avons débattu de cette question il y a quelques mois, lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. Monsieur le rapporteur, avec le président Marleix, que je salue, vous aviez permis l’amélioration de ce dispositif au terme d’échanges riches et consensuels.
    La censure du dispositif par le Conseil constitutionnel, pour des motifs de pure procédure qui ne le remettent pas lui-même en cause, nous amène à en débattre de nouveau.
    L’examen de ce texte m’offre l’occasion de réaffirmer ma volonté ferme de renforcer la fonction juridique au sein de l’entreprise. Je l’ai également exprimée le 14 février lorsque le Sénat a adopté, en première lecture, la proposition de loi du sénateur Louis Vogel, que je salue. Ces deux initiatives répondent à un objectif commun : l’élaboration d’un dispositif permettant de rendre confidentielles certaines consultations des juristes d’entreprise.
    Certains se demandent peut-être pourquoi nous devrions accorder une protection supplémentaire à ces consultations juridiques. Vous le savez : afin de renforcer la transparence de la conduite des affaires, de plus en plus d’obligations de conformité pèsent sur les entreprises. Elles sont relatives notamment à la protection des données, à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, mais aussi contre la corruption. À l’évidence, c’est une bonne chose pour nos économies, française et européennes.
    Le rôle des juristes d’entreprise est d’alerter les cadres dirigeants de l’intégralité des risques juridiques. Ce faisant, ils ne peuvent pas pour autant risquer d’auto-incriminer leur entreprise. Leurs analyses écrites sont donc souvent amputées au profit d’alertes orales des dirigeants.

    M. Ugo Bernalicis

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    Oh ! Ce n’est pas sérieux de la part de ces juristes, hein !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ces ponctuations par onomatopées sont vraiment de la meilleure facture…

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous êtes un connaisseur !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    L’intérêt principal du dispositif, c’est d’assurer la confidentialité de leurs analyses comme gage de transparence et de sécurisation du travail des juristes d’entreprise.
    Mais ce n’est pas là son seul avantage. En raison de l’intérêt évident suscité par la confidentialité des consultations des juristes, de nombreuses directions juridiques choisissent de s’établir dans des pays qui la prévoient – c’est la réalité. Si, j’en conviens, l’absence de confidentialité n’est pas toujours l’unique cause de ces choix, il est évident qu’elle y contribue.

    M. Christophe Blanchet

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    Absolument !

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce n’est pas tout. Un juge américain peut saisir des consultations de juristes d’entreprise en France car le droit français le lui permet, alors même qu’il ne pourrait pas le faire sur son propre territoire. Je le dis avec fermeté : cette situation ne peut plus perdurer.

    M. Guillaume Vuilletet

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    En effet !

    M. Ugo Bernalicis

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    Une infraction existe !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Madame la présidente, pourriez-vous demander à M. Bernalicis de ne pas m’interrompre en permanence ? J’essaierai pour ma part de ne pas l’interrompre lorsqu’il prendra la parole.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est ça, vous « essaierez »…

    Mme Andrée Taurinya

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    On n’interrompt pas, on commente !

    Mme la présidente

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    Je vous remercie, monsieur Bernalicis. Je vous donnerai la parole plus tard.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Notre objectif est évident : faire en sorte que les entreprises françaises disposent d’outils efficaces et similaires à ceux dont bénéficient depuis longtemps de nombreux autres pays.
    La confidentialité des avis des juristes d’entreprise n’est donc pas seulement un outil efficace au service de la santé juridique et économique de nos entreprises : elle est aussi un levier efficace pour favoriser l’attractivité de notre territoire et de notre droit.
    Votre proposition de loi reprend les caractéristiques principales du dispositif déjà voté par le Parlement, que prévoyait la loi de programmation dont vous étiez le rapporteur général. C’est le signe qu’un consensus sur le principe s’est déjà dégagé au cours de ces derniers mois…

    M. Philippe Gosselin

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    Eh oui !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et nous pouvons, collectivement, nous en féliciter.

    M. Philippe Gosselin

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    Et nous en souvenir !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Et nous en souvenir. Venons-en au dispositif soumis à vos suffrages. Il s’inspire logiquement des systèmes juridiques de nos pays voisins, dans lesquels le principe de confidentialité, le legal privilege, a fait ses preuves. Il n’en constitue toutefois pas une simple réplique, le dispositif étant adapté à nos exigences propres.
    Le principe de confidentialité est ici attaché à un document et non à la personne qui l’a rédigé. C’est la consultation juridique elle-même, délivrée par un juriste d’entreprise à son employeur, qui est couverte par cette confidentialité. Cette distinction est importante. Elle démontre qu’il ne s’agit pas de créer une nouvelle profession réglementée qui bénéficierait d’un secret professionnel attaché à son statut, à l’instar des avocats ou des médecins.
    La commission des lois y a été particulièrement attentive. Elle a judicieusement supprimé la référence à la formation en déontologie – marque des professions réglementées – pour la remplacer par une formation aux règles éthiques, plus conforme à l’esprit du texte. Les inquiétudes qui ont été exprimées à cet égard peuvent totalement disparaître.
    Le dispositif que vous proposez prévoit des critères précis permettant de circonscrire les documents bénéficiant de cette confidentialité. La confidentialité ne sera acquise que lorsque la consultation juridique remplira tous les critères requis par la loi. Trois critères cumulatifs doivent être réunis : le rédacteur de la consultation doit justifier de la qualification et de la formation requises, afin de s’assurer de son niveau de compétence et de son éthique ; le destinataire de la consultation ne peut être que le représentant de l’entreprise, son organe de direction, d’administration ou de surveillance ; une mention obligatoire doit être apposée sur le document concerné, le document doit être classé dans les dossiers numériques de l’entreprise, et le rédacteur de la consultation doit être identifié. Grâce à ces critères objectifs, aucun autre document de l’entreprise ne sera protégé par cette confidentialité. À cet égard, le risque de dévoiement du dispositif est neutralisé. Ce dispositif ne servira pas de boîte noire à des entreprises peu scrupuleuses.
    Vous avez trouvé un juste équilibre entre la nécessité de protéger effectivement les documents bénéficiant de cette confidentialité et la nécessité de garantir l’accès à ces documents dans le cadre des procédures pénales ou fiscales. Comme vous l’avez déjà voté lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (LOPJ), la confidentialité des documents ne pourra être opposée dans ce cadre. En revanche, elle s’appliquera aux procédures civile, commerciale et administrative.
    Si nous ne voulons pas vider le dispositif de sa substance, il est nécessaire de conserver cet équilibre – comme le Sénat l’a fait au mois de février –, le même qui avait été trouvé dans le cadre de l’examen de la LOPJ.
    Cet équilibre est également assuré par d’autres garanties : le juge peut obtenir la levée de la confidentialité dans certains cas, l’intégrité et la confidentialité des documents appréhendés étant préservée dans l’attente de sa décision. Il est ainsi prévu que la confidentialité peut être levée par le juge dans deux cas : lorsque les conditions légales permettant de qualifier un document de consultation juridique ne sont pas réunies ou lorsque la consultation saisie incite ou facilite la commission de manquements de nature administrative.
    Le sort des documents entre leur appréhension et la décision du juge devait en effet être sécurisé. C’est chose faite. Il est en effet prévu que lorsque la confidentialité d’une consultation juridique est alléguée, à l’occasion d’une mesure d’instruction civile ou commerciale, ou à l’occasion d’une opération de visite administrative, celle-ci est appréhendée, en présence des parties, par un officier public ministériel – le commissaire de justice –, qui le place sous scellé. Le choix de faire intervenir un commissaire de justice permet de garantir tout à la fois l’intégrité du document et sa confidentialité.
    Ce mécanisme permet donc de satisfaire, d’une part, les demandeurs à la mesure d’instruction et les autorités administratives ayant conduit une opération de visite, parce qu’ils auront la certitude que l’intégrité des documents sera assurée jusqu’à ce que le juge tranche la contestation ; d’autre part les entreprises, parce qu’elles auront l’assurance que la confidentialité du document est préservée. En effet, dans l’attente du jugement sur la contestation, nul ne pourra y avoir accès.
    Contrairement à ce que certains craignent, il n’est pas question de permettre aux entreprises de constituer une boîte noire puisque le dispositif prévoit précisément une procédure contradictoire et équilibrée de levée de la confidentialité. Elle permet ainsi de garantir que le dispositif lié au caractère confidentiel des consultations juridiques ne sera pas utilisé à mauvais escient.
    Ce dispositif, qui renforcera la filière juridique dans son ensemble sans porter atteinte aux intérêts en présence, est vertueux. Les activités juridiques doivent être considérées comme un vecteur de croissance économique. Il est certain que la sécurisation du travail des juristes d’entreprise rejaillira sur les partenariats existants entre les entreprises et les avocats.
    J’ai la conviction, au regard des modèles étrangers, que les avocats en sortiront renforcés. J’ai eu l’occasion de le dire il y a quelques semaines : les juristes d’entreprises qui conseillent au quotidien leurs employeurs, notamment dans les nombreuses matières d’obligations de conformité, doivent pouvoir faire leur travail sans s’autocensurer. Nous cherchons à enclencher un processus vertueux. En conseillant utilement et sans frein leur entreprise, les juristes feront progresser le droit en leur sein, ce qui contribuera évidemment, à l’instar de ce que l’on observe dans d’autres États, au rayonnement juridique de la France, tout comme à son activité économique. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR. – M. Philippe Gosselin applaudit également.)

    Motion de rejet préalable

    Mme la présidente

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    J’ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
    La parole est à M. Jean-François Coulomme.

    M. Jean-François Coulomme

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    Nous discutons aujourd’hui du legal privilege à la française, ou privilège de confidentialité. La proposition de loi gagnerait en sincérité sous la dénomination de « loi du secret des affaires 2.0 ». Ce texte vise en effet l’instauration d’un mécanisme juridique dérogeant au droit commun, par l’attribution d’un superprivilège, au profit des plus grandes entreprises, qui leur permettra de se soustraire à l’action des autorités et de la justice françaises.
    En couvrant du sceau de la confidentialité les correspondances, avis et consultations juridiques produites par les juristes d’entreprise au profit de leur direction, ce legal privilege consiste en la création d’un secret professionnel qui ne dit pas son nom, sans aucune garantie – déontologique ou d’indépendance. Le travail des rédacteurs étant, par définition, réalisé au bénéfice de leurs employeurs, il est donc subordonné à la préservation et à la défense des intérêts privés des entreprises qui les emploient.
    Derrière ce legal privilège se cachent de graves atteintes aux principes fondamentaux de la justice, à son bon fonctionnement, ainsi qu’aux droits des justiciables. Le groupe LFI-NUPES s’oppose donc fermement à ce texte dangereux pour l’intérêt général autant que pour l’exercice de la puissance publique, et qui n’a fait l’objet d’aucun avis du Conseil d’État. Le Gouvernement l’a inscrit à l’ordre du jour par le biais de sa minorité parlementaire afin, notamment, de s’affranchir d’une étude d’impact. Par le biais de cette motion de rejet, nous proposons de refuser ce texte incongru.
    La proposition de loi ne bénéficie qu’à une minorité d’entreprises. Pour qu’une entreprise jouisse du privilège de la confidentialité de ses consultations juridiques, il faut, par définition, qu’elle dispose de juristes d’entreprise, donc d’une direction juridique. Nous nous accorderons tous sur ce point : les entreprises qui disposent d’un service juridique sont une minorité car en disposer suppose des moyens financiers que la majorité d’entre elles n’ont pas. Vous admettrez donc que le texte a été rédigé au profit des grands groupes, qu’il vise à créer un privilège réservé à une catégorie d’entreprises, non applicable aux autres, les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), comme aux entreprises de taille intermédiaire (ETI).
    Il semble nécessaire de rappeler que nous avons été élus pour représenter tous les citoyens et non les intérêts privés de quelques grosses entreprises.

    M. Ugo Bernalicis

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    Exactement !

    M. Jean-François Coulomme

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    Pour prendre la mesure de l’imposture, laissons les chiffres parler d’eux-mêmes : en 2023, la France comptait 15 millions d’entreprises, dont 98 % de TPE et PMI dépourvues de direction juridique ; seulement 2 % d’entre elles – les grands groupes – en sont pourvus. Vous voulez discuter de la création d’un avantage exorbitant au bénéfice des plus grosses entreprises qui, non contentes d’être déjà les plus riches et les plus puissantes, disposeraient ainsi de l’ultime privilège de la confidentialité, au détriment de toutes les autres. Pas de doute, ce texte vient bien des bancs de la Macronie : il s’agit de donner toujours plus aux plus puissants et de déséquilibrer davantage le marché des affaires à leur profit.
    Il y a quelques mois, le Conseil constitutionnel a censuré le même dispositif prévu par la LOPJ. Vous passez outre cette censure, outre les avis de la majorité des professionnels, des autorités administratives et des instances judiciaires et, plus globalement, outre toutes les alertes signalant les dérives de la réforme, tout cela pour 2 % des entreprises qui sont déjà parmi les plus favorisées, soit parce qu’elles sont, pour la plupart, en position monopolistique, soit parce qu’elles profitent de transferts d’argent public qui ne servent qu’à conforter les dividendes de leurs gros actionnaires.
    Par quoi une telle obsession de créer ce superprivilège est-elle animée, sinon le désir de soustraire les grosses entreprises à l’action de la justice française, sachant que cela ne renforcerait pas pour autant ce que vous adorez appeler la « compétitivité à l’international », puisque la confidentialité – alors même qu’il s’agit d’un argument central dans vos explications – ne sera opposable ni aux instances européennes ni à celles des États-Unis ?
    Vous justifiez la proposition de loi en prétextant l’attractivité et la compétitivité à l’international des entreprises françaises. Votre texte prétend s’aligner sur une pratique courante au-delà de nos frontières. Arrêtons-nous un instant sur cet argument fallacieux.
    Un tel prétexte n’est pas recevable car la France se classe, pour la quatrième année consécutive, à la première place des pays les plus attractifs d’Europe en matière d’investissements étrangers. L’argument périmé de la potentielle délocalisation des directions juridiques, si cette réforme n’était pas adoptée, est, quant à lui, faux : toutes les directions juridiques des grosses entreprises françaises sont implantées en France, ce que vous savez parfaitement puisque l’audition des membres de l’Autorité de la concurrence l’a démontré. Surtout, cet argument ne tient pas juridiquement car une direction juridique est requise pour chaque entité nationale, cette direction devant nécessairement se situer dans le pays concerné. L’argument s’apparente donc à une tromperie.
    De plus, la France ne fait pas exception au sein de l’Union européenne. C’est une idée reçue. Un grand nombre d’États ne reconnaissent pas ce legal privilege et quand elles en reconnaissent un, il est incomparable à celui que prévoit cette réforme puisqu’il est le corollaire d’une profession indépendante : soit un juriste qui relève d’une profession réglementée, soit un avocat inscrit dans un barreau. Si un tel privilège de confidentialité venait couronner les efforts du Medef pour le faire adopter par la représentation nationale, la France serait, au contraire, une exception au sein de l’Europe.
    L’instauration du legal privilege à la française ne sera pas opposable aux autorités européennes, qui refusent de reconnaître une confidentialité aux documents émanant de juristes ou d’avocats d’entreprise. Je vous renvoie à cet égard à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne – dans son arrêt Akzo Nobel Chemicals Ltd et Akcros Chemicals Ltd contre Union européenne, rendu le 14 septembre 2010 –, que vous n’êtes pas sans connaître.
    La confidentialité ne sera pas davantage opposable aux autorités américaines car elle est incompatible avec les droits américains en la matière, dont certains ont une portée extraterritoriale.
    Ce superprivilège ne sera finalement opposable qu’aux autorités françaises, et bien entendu à tout plaignant, personnes morales ou physiques. Se loge ici le réel moteur de cette réforme : soustraire les grosses entreprises à l’action de la justice française.
    Cette proposition de loi constitue une entrave à l’action de la justice. L’introduction d’un tel privilège offrira aux entreprises un argument légal pour refuser que soient produits les documents qui pourraient leur nuire dans toutes les procédures – aux seules exceptions des procédures pénales et fiscales –, au mépris du droit à la preuve pourtant garanti, comme l’a récemment rappelé l’assemblée plénière de la Cour de cassation, par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH).
    Quoique bienvenue, l’exclusion des matières pénale et fiscale de ce superprivilège est insuffisante et hypocrite. Un grand nombre de contentieux ne sont en effet jugés pénalement, devant le parquet national financier (PNF), qu’à l’issue d’une enquête administrative diligentée par l’une des autorités administratives indépendantes qui assurent un suivi permanent des marchés grâce aux systèmes d’alertes automatisées dont elles disposent. Alors qu’elles ouvrent actuellement un grand nombre d’enquêtes, transmises ensuite au PNF, les AAI pourront désormais se voir opposer la confidentialité. Une telle loi aurait ainsi pour conséquence d’empêcher de nombreux contentieux d’être identifiés puis transmis au PNF. Vous avez beau exclure le domaine pénal de la confidentialité, la réforme dégraderait donc drastiquement le traitement des contentieux pénaux, ce qui prouve le caractère totalement artificiel de la séparation entre, d’un côté, les activités pénale et fiscale et, de l’autre, les domaines civil, administratif, commercial ou prud’homal.
    La réforme entraverait les pouvoirs d’enquête, de contrôle et de sanction des autorités administratives indépendantes, alors que leur pouvoir de régulation est nécessaire pour garantir que l’économie soit tournée vers l’intérêt général, dans le respect de l’ordre juridique dans lequel elles interviennent. À ce titre, il est fondamental que ces autorités de régulation continuent de disposer d’un libre accès à tous les documents internes des entreprises.
    En outre, la capacité de saisir des pièces des juridictions civile, prud’homale, commerciale et administrative est indispensable pour garantir le bon fonctionnement de la justice française, autant qu’elle est nécessaire pour assurer l’égalité des citoyennes et des citoyens devant la loi. En n’excluant pas ces matières de la confidentialité, on entraverait la capacité des juges à mener leurs investigations, donc on porterait atteinte à l’État de droit. L’accès à la preuve est fondamental dans toutes les procédures, pas seulement dans les procédures pénales et fiscales. L’ensemble des contentieux risqueraient ainsi de subir une « pénalisation » dans le seul but, légitime, d’obtenir un accès à la preuve, avec pour conséquence l’engorgement des juridictions pénales. Les matières exclues de ce superprivilège sont donc en nombre insuffisant, ce qui donne un avantage certain aux entreprises vis-à-vis des juridictions et porte atteinte au droit à un procès équitable.
    La possibilité de lever la confidentialité ne rend pas le texte plus satisfaisant ni acceptable. Une telle garantie est insuffisante – de la poudre aux yeux – eu égard aux enjeux économiques et politiques de la réforme. La confidentialité prive en effet la partie adverse d’informations clés et engendre une rupture d’égalité – renforcée par la restriction du délai de recours. Le délai de quinze jours est en effet insuffisant et déconnecté de la réalité des délais de traitement en juridiction. Il revient à réduire presque intégralement la possibilité d’une telle levée de confidentialité.
    Tout cela en dit long sur l’esprit de ce texte qui sacralise une confidentialité dont la levée est illusoire et permet à la quasi-intégralité des consultations juridiques d’échapper aux autorités françaises, selon le bon vouloir des entreprises. Il s’agit bien, une nouvelle fois, de garantir le secret des affaires au profit des grandes et grosses entreprises.
    À toutes ces alertes et critiques s’ajoute le problème central du statut des juristes d’entreprise, à propos duquel le vice-président de l’Institut des juristes d’entreprise de Belgique a émis de vives critiques lors de son audition par la commission des lois. Un juriste d’entreprise est par définition un salarié soumis à son employeur par un lien de subordination. Son indépendance est tout simplement illusoire car qui paye l’orchestre choisit la musique. Sans indépendance, quelle déontologie pouvons-nous attendre ? Pour que la déontologie existe, il faut que quelqu’un puisse la contrôler et sanctionner les manquements, sinon elle n’est qu’un leurre – ce que sont exactement les « règles éthiques » mentionnées par cette proposition de loi. Qui établit ces règles ? Quelle instance les fait respecter ? Sur quel fondement ? Qui sanctionne les infractions ? Aucune réponse n’est donnée. C’est plus que flou. Cet aspect ne vous préoccupe guère, et pour cause : seul l’intérêt des grandes entreprises vous importe, non l’intérêt général et le respect des principes fondamentaux.
    Pour les avocats, qui sont indépendants, le secret professionnel est un droit impératif qui garantit le respect de la vie privée et le bon déroulement de la justice. Le secret professionnel du juriste d’entreprise, quant à lui, serait un droit au profit de l’entreprise, de la direction et des actionnaires, ce qui est par nature incompatible avec une quelconque indépendance. Là est toute la différence avec la profession d’avocat.
    Enfin, toute entreprise pourra, à son gré, lever la confidentialité, si cela permet aux dirigeants de se dédouaner sur les juristes d’entreprise qui auront fourni les documents jusqu’ici confidentiels. Le texte ne protège en rien le salarié juriste, au contraire.
    Pour toutes ces raisons, qui ne traduisent pas les fantasmes des Insoumis mais correspondent aux alertes concrètes exprimées par une majorité de professionnels, nous nous opposons au texte au moyen de la présente motion de rejet préalable. Nous espérons que votre sens de la justice et votre attachement aux principes fondamentaux qui la constituent, vous pousseront, chers collègues, à faire preuve de bon sens, en votant cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Vous évoquez un mécanisme dérogeant au droit commun. Pardonnez-moi, cher collègue, mais le legal privilege des consultations de juristes d’entreprise existe partout dans le monde, dans tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à l’exception de deux d’entre eux : l’Italie et le Luxembourg – vous avez omis de le préciser. Une telle prérogative n’est pas contraire au droit commun. L’exception, à l’heure actuelle, est française et nous cherchons à la supprimer.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Vous procédez ensuite à un amalgame en confondant la confidentialité des juristes d’entreprise et le secret professionnel des avocats.
    Or il s’agit d’une confidentialité in rem, attachée à la consultation elle-même, et non in personam, attachée, comme le secret professionnel des avocats, à la personne du juriste d’entreprise. Par ailleurs, elle s’applique uniquement à la relation de ce dernier avec le chef d’entreprise. J’ajoute qu’à la différence du secret professionnel des avocats, qui est absolu, la confidentialité pourra, grâce au dispositif proposé, être levée par l’entreprise elle-même. Enfin, son périmètre est restreint puisqu’il comprend uniquement les matières civile, commerciale et administrative et exclut les matières sensibles, à savoir les procédures fiscales et pénales.
    Le dispositif est donc très éloigné du secret professionnel des avocats, dont il n’est nullement fait mention dans la proposition de loi. Nous avons précisément veillé à ce que la confidentialité des consultations n’implique pas la création d’une nouvelle profession réglementée. Nous avons ainsi banni tous les éléments que pouvaient redouter les avocats – je pense aux références à la notion de déontologie ou aux formations assurées par le centre régional de formation professionnelle des avocats.
    N’affirmez donc pas que la confidentialité des consultations de juristes d’entreprise s’apparente, de près ou de loin, au secret professionnel des avocats : ce n’est pas le cas.
    En fait, vous opposez – mais La France insoumise est coutumière du fait – les grosses entreprises aux petites. Puisque les premières disposent, à la différence des secondes, d’un service juridique, nous favoriserions le grand capital.

    M. Ugo Bernalicis

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    Exactement. Vous avez tout compris ! Enfin il voit clair !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Votre raisonnement juridique est un véritable nivellement par le bas. En instaurant la confidentialité des consultations de juristes d’entreprise, nous souhaitons protéger les entreprises dans le cadre des obligations de conformité auxquelles elles sont soumises. La confidentialité leur offre une respiration juridique s’agissant des risques auxquels elles peuvent être exposées dans le cadre, par exemple, de la responsabilité sociale des entreprises (RSE). De fait, cela ne concerne que celles dont la taille est relativement importante, mais les TPE et les PME comptent parfois, parmi leurs salariés, des directeurs des ressources humaines, qui sont des juristes d’entreprise et qui, grâce à la proposition de loi, pourront bénéficier, demain, de la confidentialité de leurs consultations. Ce que vous avez affirmé à ce propos est donc également inexact.
    Vous contestez le fait que l’attractivité et la souveraineté de notre pays puissent être un enjeu de la proposition de loi. Or vous savez, pour avoir assisté à presque toutes les auditions, notamment à celle des associations de juristes d’entreprise, que les directions juridiques françaises sont considérées comme des pestiférées : lorsque survient un contentieux international, elles sont mises de côté, en raison précisément du défaut de confidentialité de leurs correspondances ou de leurs consultations.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est dans l’étude d’impact, ça ? Ah, non ! C’est vrai qu’il n’y en a pas !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Au-delà du risque de délocalisation des services juridiques, qui a été évoqué,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Mais elles délocalisent déjà !

    Mme la présidente

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    Monsieur Bernalicis, s’il vous plaît !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    …cette situation conduit parfois des entreprises françaises à choisir d’embaucher des juristes étrangers plutôt que des juristes français, lesquels ne bénéficient pas de la protection proposée. Affirmer le contraire à cette tribune est une contrevérité.
    Enfin, vous avez évoqué la question de l’accès à la preuve. Nous créerions, prétendez-vous, un coffre-fort, une boîte noire juridique, de sorte que plus aucune pièce ne pourra être saisie par les autorités de contrôle. C’est, là encore, une contrevérité absolue puisque la confidentialité porte sur la seule consultation juridique : elle ne concerne pas les pièces. En outre, il sera possible de lever la confidentialité et un dispositif pénal permettra de sanctionner les juristes ou les chefs d’entreprise qui contreviendraient à ces obligations.
    Nous avons donc un dispositif abouti. C’est pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à voter contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisie par les groupes Renaissance, La France insoumise-Nouvelle Union pouplaire, écologique et sociale, Gauche démocrate et républicaine-NUPES et Écologiste-NUPES d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Nous en venons aux explications de vote.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES)

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    Il me sera difficile, dans les deux minutes qui me sont imparties, de répondre à l’ensemble des faux arguments utilisés par le rapporteur ; je n’en relèverai donc que quelques-uns.
    Tout d’abord, il s’agit bien d’une confidentialité in rem, comme vous dites, monsieur le rapporteur : elle porte sur le document. Mais c’est bien le juriste d’entreprise, in personam, qui encourra la sanction pénale que vous créez s’il appose malencontreusement, de manière malveillante ou dans des conditions qui ne sont pas prévues dans le texte, le sceau de la confidentialité sur un document. Charge à lui de prouver, le cas échéant, que le chef d’entreprise l’y a contraint. Car n’oublions pas qu’entre l’un et l’autre, le rapport de subordination est évident. Pis, c’est l’entreprise qui pourra lever la confidentialité, et non le juriste lui-même, qui pourrait souhaiter le faire si on lui a passé une commande douteuse, par exemple, et qu’il souhaite lancer une alerte.
    Tout cela est donc, à l’évidence, conçu au profit des dirigeants : il s’agit d’éviter qu’ils puissent s’auto-incriminer, comme l’a dit le garde des sceaux. Comme si on devait donner un document interne qui pourrait conduire à une relaxe du dirigeant, par exemple – il y a, me semble-t-il, des connaisseurs de ce domaine, dans l’hémicycle. En fait, la confidentialité transforme les juristes d’entreprise en fusibles.
    Enfin, qu’avez-vous contre les autorités administratives indépendantes ? Que vous ont fait l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou l’Autorité de la concurrence pour que vous considériez que l’entreprise peut a priori leur cacher des documents ? Il ne s’agit pas d’une ingérence étrangère : il s’agit de nos autorités de contrôle ! L’objectif est bien de leur masquer des documents a priori. Du reste, vous avez vendu la mèche : il s’agit, dites-vous, d’éviter une auto-incrimination de l’entreprise. Ne s’agit-il pas plutôt d’éviter que l’on se rende compte qu’elle commet des infractions ? Eh bien, nous ne sommes pas d’accord ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin (LR)

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    Nous voterons, bien entendu, contre la motion de rejet préalable. Les propos de notre collègue me rappellent les tirades d’Arlette Laguiller sur le grand capital : « On vous ment ! »
    On cherche à opposer artificiellement les petites entreprises aux grandes entreprises, lesquelles ont non seulement des juristes d’entreprise, bien sûr, mais aussi des avocats, en général très bons, du reste – je ne le leur reproche pas car elles ont tout intérêt à s’entourer des meilleurs conseillers juridiques. Or c’est faire offense à nos PME – je ne pense pas nécessairement aux entreprises artisanales, qui n’ont pas les mêmes besoins, mais à celles qui comptent 250 ou 400 salariés – qui commencent à se structurer et ont besoin, pour sécuriser leur activité, de recourir à des juristes d’entreprise.
    On semble découvrir cette profession, qui existe pourtant depuis de nombreuses années et a été reconnue par la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Il ne s’agit pas de créer une profession qui relèverait d’un statut particulier puisque la confidentialité n’est ni générale ni attachée à une personne : elle porte sur un acte.
    Les arguments présentés à l’appui de la motion de rejet sont non seulement polémiques mais aussi, et surtout, faux.

    M. Ian Boucard

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    Il a raison !

    M. Ugo Bernalicis

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    Écoutez donc les bâtonniers !

    M. Philippe Gosselin

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    C’est pourquoi nous voterons contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Desjonquères.

    Mme Mathilde Desjonquères (Dem)

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    Cette proposition de loi permet de renforcer la souveraineté de la France et de protéger nos entreprises des lois et mesures qui ont une portée extraterritoriale. La différence, en matière de protection et de confidentialité, entre les juristes d’entreprise français et leurs homologues étrangers place les structures françaises dans une situation défavorable où elles sont davantage exposées à des poursuites judiciaires.
    Elle est également un frein à l’attractivité de la place de Paris. En effet, l’absence de confidentialité des consultations juridiques tend, compte tenu de l’émergence des principes de conformité auxquels les entreprises doivent se soumettre, à crisper les investisseurs, français ou étrangers. Loin d’être anecdotique ou purement technique, la question de la confidentialité des avis des juristes d’entreprise concerne plus de 5 000 sociétés en France et plus de 20 000 juristes d’entreprise. Il s’agit de la deuxième profession juridique de notre pays, après celle des avocats. C’est un sujet essentiel, discuté depuis plus de trente ans en raison des enjeux économiques et politiques qu’il recouvre.
    S’il est important de parler du fond, il convient d’évoquer également la forme. Comment s’étonner de cette nouvelle motion de rejet préalable défendue par le groupe LFI ? On sait qu’il préfère systématiquement le rejet au débat, contrairement à nous, Démocrates, qui adorons débattre avec vous, chers collègues !

    M. Rodrigo Arenas

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    On la garde pour plus tard, celle-là ! (Sourires.)

    Mme Mathilde Desjonquères

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    Parce que ce texte mérite d’être examiné, nous voterons contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Pradal.

    M. Philippe Pradal (HOR)

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    Le groupe Horizons et apparentés votera contre la motion de rejet préalable, pour différentes raisons.
    Tout d’abord, comme le groupe Démocrates, nous aimons le débat et nous souhaitons examiner cette proposition de loi.
    Ensuite, des réponses ont été apportées par M. le rapporteur – en commission et, à l’instant, en réponse à M. Coulomme – à la plupart des arguments utilisés pour étayer la motion de rejet préalable.
    Il a été dit que le texte introduirait une distorsion de concurrence entre les grandes entreprises françaises, qui disposent d’un service juridique, et celles qui sont de taille plus modeste. C’est négliger le fait que les grandes entreprises françaises sont principalement en concurrence avec de grandes entreprises internationales qui bénéficient de dispositifs semblables à celui qui nous est proposé. Il importe donc que les unes et les autres soient sur un pied d’égalité.
    Enfin, les propos qui ont été tenus sur la subordination des juristes d’entreprise…

    M. Jean-François Coulomme

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    Oui, de subordination !

    M. Philippe Pradal

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    …procèdent d’une confusion entre subordination et asservissement, et font peu de cas de la conscience professionnelle des juristes d’entreprise,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Quelle naïveté confondante !

    M. Philippe Pradal

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    …qui sont tout à fait capables de refuser de signer ou de faire certains actes qu’ils estiment choquants.
    Pour ces différentes raisons, le groupe Horizons votera contre la motion de rejet préalable. (Mme Caroline Abadie applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier (SOC)

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    Le groupe Socialistes et apparentés est opposé à ce texte, opposé depuis des années à ce type de dispositif. Ainsi, en 2015, lors de l’examen de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, présentée par Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, nous avions écarté, ensemble, le principe de l’avocat d’entreprise, qui – ne nous leurrons pas – nous revient à présent sous une autre forme.
    Nous sommes d’autant moins convaincus par les propos tenus dans le cadre de la présentation du texte qu’ils ne sont étayés par aucune d’étude d’impact. L’absence d’une telle étude est un élément déterminant, qui suffit, en définitive, à motiver notre rejet d’un texte insuffisamment préparé. Contrairement à ce qui a pu être dit par la majorité, le dispositif est en effet inabouti. Il vise à édicter certaines règles et à en supprimer d’autres afin de poser le principe du secret – pour dire les choses – mais fait peu de cas de l’œuvre de justice, qui a besoin de transparence et de régulation pour contribuer à la lutte contre la corruption.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi.

    Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES)

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    Je reviendrai dans la discussion générale sur les raisons pour lesquelles nous nous opposons à cette proposition de loi. Sans surprise, nous voterons donc la motion de rejet préalable. En effet, nous ne sommes pas convaincus par les motifs pour lesquels vous instaurez la confidentialité des consultations de juristes d’entreprise et nous sommes profondément inquiets du secret qu’elle instaure et de son impact sur les enquêtes.
    Par ailleurs, nous sommes sensibles aux arguments du Conseil national des barreaux (CNB), qui exprime des craintes quant à la profession d’avocat. Le texte n’aura pas de conséquences pour celle-ci, dites-vous, mais vous savez, même en l’absence d’une étude d’impact, que l’on ne peut pas décorréler son avenir, ses obligations, du dispositif que vous souhaitez créer, celui d’une espèce d’avocat d’entreprise qui ne dit pas son nom. Il ne sera soumis à aucune réglementation ni à aucune déontologie, mais bénéficiera de la confidentialité dont seuls les avocats bénéficient actuellement.
    C’est pourquoi nous voterons la motion de rejet préalable. (M. Édouard Bénard applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac (LIOT)

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    Pour nous, cette proposition de loi pose plusieurs problèmes. D’abord, comme d’autres l’ont déjà souligné, elle donne aux conseillers juridiques d’entreprise des droits similaires à ceux des avocats, sans les soumettre à la même déontologie.

    M. Erwan Balanant

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    Mais non ! Relisez le texte !

    M. Paul Molac

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    Ensuite, je n’ai reçu aucune demande d’entreprise souhaitant voir adopter une telle mesure.

    Mme Caroline Abadie

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    Moi si !

    M. Paul Molac

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    J’en ai pourtant reçu beaucoup, portant sur de nombreux domaines comme le logement ou encore la formation, mais jamais sur le sujet qui nous occupe.
    De plus, la proposition de loi augmenterait l’opacité des pratiques des entreprises, dont certaines pourraient relever du droit civil.
    D’ailleurs, je constate que tous les bâtonniers de France, à la seule exception de celui de Paris, y sont opposés. (M. Jean-François Coulomme applaudit.) Comment pouvez-vous mener une réforme dont toute une profession vous signale qu’elle est mal ciblée ? Cette proposition de loi n’est pas la bonne.
    Je pense que la loi doit être utile, doit servir à nos concitoyens. En l’occurrence, j’ai l’impression que le texte servira à quelques cabinets d’avocats qui ont pignon sur rue, plutôt qu’à l’ensemble de la profession. Cela pose un problème.

    Mme Farida Amrani

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    Eh oui ! La majorité veut servir les intérêts de ses amis !

    M. Paul Molac

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    Enfin, du point de vue déontologique, il me paraît préférable de favoriser la transparence et de fuir l’opacité. Cette proposition de loi n’est donc pas bienvenue.
    Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES)

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    Nous voterons également pour cette motion de rejet. Le texte qui nous est présenté ne s’appuie sur aucune étude d’impact, ce qui est très problématique. Il ouvre la porte à des dérives qui profiteront surtout, il faut le reconnaître, aux très grandes entreprises. Il prive surtout les autorités publiques des moyens d’enquête qui leur sont confiés.

    M. Erwan Balanant

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    Mais non !

    M. Jérémie Iordanoff

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    Il faut écouter les autorités administratives indépendantes qui nous alertent à ce sujet. On le sait bien, cette mesure serait appliquée au détriment de la protection des droits de nos concitoyens.
    Alors qu’il conviendrait plutôt de rehausser notre niveau d’exigence en matière de publicité et de transparence, nous nous apprêtons à débattre d’un texte qui prive l’État de moyens d’enquête sur de potentiels scandales sanitaires, sociaux ou environnementaux. Pour nous, c’est là que réside le problème : il est contradictoire d’instaurer des normes protectrices – oui, une norme peut être positive et protectrice – tout en retirant aux organes de contrôle les moyens de faire appliquer ces normes.
    Bien sûr, certains secrets doivent être protégés, même en démocratie, mais il ne s’agit pas ici de tels secrets. Le texte servira non à sauvegarder des intérêts légitimes – comme le fait le secret professionnel du médecin ou de l’avocat – mais à aider illégitimement les entreprises à se dispenser de respecter le droit. Elle n’a qu’un seul objectif réel : entraver l’exercice de la justice. Nous voterons donc la motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Yadan.

    Mme Caroline Yadan (RE)

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    « Nous, juristes d’entreprise, sommes confrontés au dilemme suivant : j’écris, auquel cas je fais courir un risque à mon entreprise, ou je n’écris pas, auquel cas je ne fais pas mon métier. » C’est en ces termes très simples que les juristes d’entreprise que nous avons auditionnés nous ont décrit le problème auquel ils font face quotidiennement. Or le texte permet précisément d’y répondre.
    Vous pouvez tenter d’obstruer les débats,…

    M. Jean-François Coulomme

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    Cela s’appelle débattre !

    Mme Caroline Yadan

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    …mais nous souhaitons les tenir de manière démocratique. Débattons de nos désaccords !

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous l’avons fait en commission !

    Mme Caroline Yadan

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    Par cette motion de rejet, vous refusez de débattre ; nous voterons contre, parce que le texte préserve la filière des juristes d’entreprise, parce qu’il renforce l’attractivité de la France et favorise l’égalité entre les États membres de l’OCDE, parce qu’il nous protège de l’application extraterritoriale par certaines autorités étrangères de leur droit national, parce qu’il empêche l’auto-incrimination d’une entreprise dans le cas d’une procédure judiciaire administrative, parce qu’il protège, au fond, la parole du droit en entreprise. Contrairement à ce que vous affirmez, il ne crée ni une nouvelle profession réglementée ni un statut d’avocat en entreprise, et ne porte pas atteinte à l’efficacité des enquêtes administratives.
    Nous voterons contre votre motion de rejet, qui, en définitive, est privative de liberté car elle empêcherait les juristes d’entreprise d’élaborer sans crainte des avis juridiques. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – M. le rapporteur applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Catherine Jaouen.

    Mme Catherine Jaouen (RN)

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    Les 163 barreaux français s’élèvent contre le texte, et pour cause : il porte fondamentalement atteinte à la profession d’avocat. M. le garde des sceaux doit avoir oublié qu’il a été avocat.

    M. Jean-François Coulomme

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    Il n’a en tout cas pas oublié qu’il était l’avocat de Macron !

    Mme Catherine Jaouen

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    Il est inutile de rendre confidentielles les consultations de juristes d’entreprise puisque le recours à un avocat suffit à garantir la confidentialité.
    Le texte est inabouti et vous l’avez écrit dans l’urgence, comme le prouvent les nombreux amendements de réécriture que vous avez déposés. Surtout, vous avez ajouté deux articles qui n’ont pas été débattus en commission. S’il fallait une preuve que vous touchez à la profession d’avocat, elle se trouve dans l’article 2, qui permettra aux juristes d’entreprise d’obtenir un bac + 5 en droit.

    M. Erwan Balanant

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    Mais non !

    Mme Catherine Jaouen

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    En effet, il est normalement nécessaire de faire cinq années d’études pour devenir avocat, mais les juristes d’entreprise pourront accéder directement à cette profession après huit ans d’exercice.
    En outre, vous n’apportez aucune garantie. Le texte est inabouti car le dispositif que vous prévoyez pour lever le secret des prétendues consultations – ou plutôt des ordres que les juristes salariés auront reçus de leur employeur – tient de l’usine à gaz. Cela sera bien sûr préjudiciable au justiciable lambda, tant devant les prud’hommes qu’au tribunal judiciaire en droit des contrats. Nous voterons donc contre la proposition de loi.

    M. Philippe Gosselin

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    Et pour la motion ?

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        146
            Nombre de suffrages exprimés                146
            Majorité absolue                        74
                    Pour l’adoption                64
                    Contre                82

    (La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Puisqu’il s’agit d’une proposition de loi, le texte n’a pas donné lieu à une étude d’impact ni à un avis du Conseil d’État. Cela a son importance, certes, et peut-être encore davantage ici car toutes les raisons qu’a avancées le rapporteur pour défendre le texte se résument à des arguments d’autorité jamais étayés. Par exemple, M. le rapporteur a affirmé que la proposition de loi permettrait de combattre les ingérences étrangères et de lutter contre l’application extraterritoriale du droit américain, mais il n’en a pas fait la démonstration. Citez-nous donc des cas d’espèce dans lesquels le texte aurait fait une différence ! Il n’y en a pas, et pour cause : la principale arme d’ingérence dont disposent les États-Unis d’Amérique sont le dollar et la régulation de l’accès à leur marché, et elle ne saurait être combattue par aucune disposition relative à la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise.
    Vous dites aussi vouloir améliorer la compétitivité des juristes d’entreprise français, affaiblie par l’absence de confidentialité. Dans le même temps, vous vantez le dynamisme de cette profession et rappelez que la France compte plus de 20 000 juristes d’entreprise ; tout de même, ce n’est pas mal pour une profession peu compétitive ! On se demande à quoi s’occupent ces 20 000 juristes, s’ils ne sont pas compétitifs et si les entreprises ne font pas appel à eux lorsqu’elles en ont besoin. Encore une fois, il s’agit d’un argument d’autorité qui ne s’appuie sur aucune démonstration.
    Vous expliquez ensuite vouloir éviter que les entreprises s’auto-incriminent. Si je comprends bien, vous considérez qu’une entreprise commettant des infractions ne doit pas en être informée car cela pourrait la conduire à admettre qu’elle en a commis. Où est le problème, selon vous : est-ce le fait que les entreprises commettent des infractions ou le fait qu’elles pourraient être amenées à le reconnaître ? On voit transparaître ici l’intention qui anime le texte.
    Je souhaite à présent souligner un point crucial : si votre proposition est adoptée, le juriste d’entreprise servira de fusible. En effet, s’il rédige un document dans lequel il estime que son entreprise est en faute, il ne sera pas libre de lever la confidentialité ; ce privilège reviendra au chef d’entreprise, qui pourra se décharger de sa responsabilité sur le juriste. D’ailleurs, l’infraction que vous créez n’est pas attachée au document mais à la personne du juriste. Quant au dirigeant, il n’est jamais concerné ; il ne risque aucune sanction, même s’il a demandé au juriste de garder confidentiel un document qui n’aurait pas dû le rester. Cela montre à nouveau quelle intention vous anime.
    Quant à l’auto-incrimination, je crois que le garde des sceaux est bien placé pour savoir qu’un document peut donner la preuve du caractère intentionnel d’une infraction. Au fond, le cas du chef d’entreprise consultant son juriste ressemble un peu à celui d’un ministre demandant à sa directrice de cabinet s’il devrait ouvrir une enquête administrative, pour ensuite se décharger sur elle de toute responsabilité : « Ce n’est pas moi, on m’a dit de le faire, je n’avais pas conscience que j’étais en train de commettre une infraction. » (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) En la circonstance, la directrice de cabinet a servi de fusible, comme un modeste juriste d’entreprise. J’estime donc souhaitable de ne pas reproduire ce cas de figure très problématique.
    Enfin, Mme Yadan aura beau nous accuser de ne pas aimer le débat – qu’avons-nous fait en commission pendant plusieurs heures, sinon débattre ? –, nous avons bien vu que la Macronie refusait de voter des amendements visant à empêcher que la confidentialité soit opposée aux autorités administratives bien françaises que sont l’ACPR, l’AMF et l’Autorité de la concurrence. Les entreprises pourront donc l’opposer à nos autorités de contrôle. Si vous avez refusé de voter ces amendements en commission – et vous vous apprêtez à recommencer lors de l’examen en séance –, c’est bien que vous ne voulez pas que ces autorités aient accès aux documents en question ! C’est une signature politique et une nouvelle manifestation de l’intention qui se cache derrière le texte. Ne tournons pas autour du pot !
    Vous objectez que la confidentialité ne pourra pas être opposée en matière pénale ni en matière financière – encore heureux ! Sauf que l’ouverture d’une enquête pénale fait parfois suite à un contrôle par les autorités administratives, qui saisissent la justice sur le fondement des documents qu’elles ont pu consulter. Par cette mesure, vous compliquez donc la tâche de la répression des infractions fiscales et financières, et cela quelques semaines à peine avant l’ouverture, décidée par le Premier ministre – je crois qu’il s’appelle Gabriel Attal –, d’un grand colloque sur la lutte contre la délinquance économique et financière et contre l’évasion fiscale. On se pince, on croit rêver !

    Mme Blandine Brocard

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    Nous aussi, en vous écoutant !

    M. Ugo Bernalicis

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    Pour toutes ces raisons, et pour d’autres que nous égrènerons au cours du débat, il convient de rejeter le texte. D’ailleurs, puisque la décision du Conseil constitutionnel fait controverse, je rappelle qu’il a censuré cette disposition non sur le fond mais sur la forme. Il s’est abstenu de s’exprimer sur le fond ; eh bien, si le texte est voté, il aura à s’exprimer sur le fond, et j’espère qu’il le censurera, tenant compte de tous les arguments que nous aurons présentés en séance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Jérémie Iordanoff applaudit également.)

    M. Philippe Gosselin

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    Nous verrons le moment venu !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Après une première tentative infructueuse, que le groupe Les Républicains et moi-même avions soutenue dans le cadre du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, la question du legal privilege, c’est-à-dire de la confidentialité des consultations juridiques d’entreprise, nous revient, et avec un certain écho, car elle suscite un vif débat. Elle a été âprement débattue en commission des lois, à grand renfort de plaidoiries d’un côté, de réquisitoires de l’autre. Nous avons tout entendu dire de cette mesure, accusée, pêle-mêle, de faire obstacle à l’œuvre de la justice, de favoriser le blanchiment de fonds et les fraudes, de permettre la dissimulation de preuves, et même de créer une boîte noire. Nous venons encore, il y a quelques minutes, d’entendre à peu près la même chose dans la bouche de M. Coulomme. Replantons donc le décor : revenons un peu en arrière.
    Après l’échec de la tentative de 2023, que j’ai évoquée, le Sénat a réagi. Louis Vogel, sénateur du groupe LR, a déposé une proposition de loi sur le sujet. Adoptée le 14 février dernier au Sénat, elle a pour objectif d’introduire la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise, sans pour autant – j’y insiste – créer une nouvelle profession réglementée du droit.
    Une proposition de loi identique a été déposée en décembre 2023 à l’Assemblée nationale à l’initiative de Jean Terlier. Elle a été examinée par la commission des lois le 10 avril et a fait l’objet d’un débat assez vif.
    J’ai bien entendu les oppositions, en particulier celle des avocats, ou du moins celle de la Conférence des bâtonniers et du Conseil national des barreaux. La position du barreau de Paris – faut-il le rappeler ? – est très différente : il est favorable à cette proposition de loi. Je prends ces dissensions très au sérieux, considérant qu’il faut y répondre point par point.
    Non, je le répète, la profession de juriste d’entreprise n’est pas une nouvelle profession et la proposition de loi ne la crée pas. Cette profession est reconnue par la loi du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
    Actuellement, les juristes d’entreprise sont enfermés dans une situation paradoxale, qui est pour eux une difficulté majeure et même existentielle. En effet, ils ont pour mission d’alerter les cadres dirigeants de leur entreprise sur les risques juridiques tout en évitant l’auto-incrimination. Non seulement ce n’est pas simple, mais c’est même la quadrature du cercle. D’ailleurs, les états généraux de la justice avaient amplement souligné cette difficulté et ce paradoxe.
    En refusant toute confidentialité aux avis des juristes d’entreprise, la France se met à l’écart d’une grande partie des pays membres de l’Union européenne et de l’OCDE, comme le rapporteur l’a rappelé. Une telle position est curieuse, alors même que reconnaître la confidentialité satisferait pleinement au droit communautaire, en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, comme cela a été rappelé dans l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 septembre 2010.
    On constate, particulièrement ces dernières années, que des directions juridiques – et pas des moindres – s’exilent dans des pays où elles bénéficient de cette protection, par exemple chez nos voisins belges. En outre, les sociétés qui décident de rester en France font parfois le choix de ne pas recruter de juristes français, préférant se tourner vers des avocats anglo-saxons. Cela ne renforce pas l’attractivité du droit continental auquel nous sommes pourtant nombreux à être attachés. S’il est vrai que cela ne nuit pas à l’attractivité globale de la France, qui reste un pays accueillant pour les investisseurs étrangers, c’est néanmoins une question importante.
    Je reconnais cependant la nécessité d’éviter la création d’une nouvelle profession réglementée. C’est la raison pour laquelle, en signe de bonne volonté et pour éviter tout flou, la commission des lois du Sénat, lors de l’examen de la proposition de loi de Louis Vogel, avait supprimé la notion de déontologie. Je pense toutefois que ce point peut être revu. Nous avons avancé en formulant non plus des exigences déontologiques mais des « règles éthiques » ; la différence me paraît ténue. Il me paraît possible de formuler des règles de déontologie car celles-ci ne sont pas par essence les prémices de la création d’une profession réglementée.
    Par ailleurs, il ne s’agit nullement d’un cheval de Troie pour introduire l’avocat salarié en entreprise contre lequel, de façon constante et légitime, la profession a toujours manifesté sa ferme opposition – que je partage.

    M. Ian Boucard

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    Très bien !

    M. Philippe Gosselin

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    La confidentialité des avis des juristes d’entreprise ne saurait en aucun cas être confondue avec le secret professionnel des avocats. La confidentialité n’est pas ici in personam, liée au statut du salarié, mais in rem : il s’agit d’une protection accordée à un document particulier. Aucune comparaison n’est donc possible avec le statut de l’avocat.

    M. Ian Boucard

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    C’est ça l’essentiel !

    M. Philippe Gosselin

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    J’ajoute que les procédures pénales et fiscales demeurent exclues.
    Brochant sur le tout, est évoquée la décision du Conseil constitutionnel du 26 octobre 2023 considérant que la création de ce legal privilege ne serait pas conforme à la Constitution. Je rappelle à nos chers collègues du groupe LFI que le rejet du Conseil constitutionnel était motivé par le fait qu’il s’agissait d’un cavalier législatif dans le projet de loi d’orientation et de programmation de la justice 2023-2027, et nullement pour des raisons de fond.

    M. Ian Boucard

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    C’est important de le rappeler !

    M. Philippe Gosselin

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    En conclusion, l’évolution proposée me paraît raisonnable.

    Mme la présidente

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    Merci de conclure.

    M. Philippe Gosselin

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    En effet, elle va dans le bon sens et est modérée. Elle permettra à notre pays d’avancer et d’accroître sa compétitivité, ce qui s’impose aussi bien sur le plan national que sur le plan international.
    Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi et la défendra avec vigueur. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. le rapporteur et Mme Blandine Brocard applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Desjonquères.

    Mme Mathilde Desjonquères

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    La France, par l’absence de toute confidentialité des avis des juristes d’entreprise, se distingue des autres pays de l’OCDE et de l’Union européenne. Pourtant, l’opportunité de l’octroi d’une confidentialité aux avis des juristes d’entreprise est débattue depuis le début des années 1990 sans que la question du statut du juriste d’entreprise ait jamais trouvé de conclusion définitive.
    Loin d’être anecdotique ou purement technique, la question de la confidentialité des avis des juristes d’entreprise concerne plus de 5 000 sociétés en France et plus de 20 000 juristes d’entreprise. Il s’agit de la deuxième profession juridique dans notre pays, après celle des avocats. Ce sujet est essentiel en raison de ses enjeux économiques et politiques.
    Le rapport remis par Raphaël Gauvain en 2019 a clairement établi les enjeux de souveraineté attachés à la confidentialité des avis juridiques rédigés par les juristes d’entreprise. En l’absence d’une telle confidentialité, les entreprises françaises sont vulnérables face aux procédures administratives et judiciaires extraterritoriales, que celles-ci soient engagées par des autorités administratives ou par des entreprises étrangères.
    Il est temps de clore ce débat en attribuant, sous de strictes conditions, le bénéfice de la confidentialité aux consultations juridiques rédigées par des juristes d’entreprise. Je tiens à rappeler que la reconnaissance de cette confidentialité serait attachée au respect de certaines conditions matérielles liées à l’acte in rem et non à la personne du juriste d’entreprise ; il ne s’agit donc pas d’une reconnaissance in personam. La proposition de loi prévoit également des conditions liées au diplôme et à la formation de l’auteur, à la qualité ou à la fonction du destinataire, ainsi qu’à l’apposition d’une mention distinguant explicitement la consultation juridique concernée comme confidentielle. Il est à noter que l’apposition frauduleuse de cette mention serait punissable des peines prévues pour faux. Cette confidentialité s’attacherait également aux documents préparatoires à une consultation juridique. L’insaisissabilité et l’inopposabilité des documents concernés dans le cadre de procédures ou de litiges en matière civile, commerciale ou administrative, découleraient de cette confidentialité, mais elle serait privée d’effet dans le cadre d’une procédure pénale et fiscale.
    Cette proposition de loi permet donc de renforcer la souveraineté de la France et de protéger nos entreprises de lois et de mesures à portée extraterritoriale. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, « la différence de protection de la confidentialité entre les juristes d’entreprises françaises et leurs homologues étrangers place les structures françaises dans une situation défavorable et davantage sujette aux poursuites judiciaires ».
    Enfin, l’absence de protection de la confidentialité de ces consultations juridiques face à l’émergence du principe de conformité auquel les entreprises doivent se soumettre tend à crisper les investisseurs, qu’ils soient français ou étrangers, ce qui constitue de fait un véritable frein à l’investissement.
    Le groupe Démocrate a bien conscience que cette proposition de loi inquiète une large partie des avocats. Ils ont exprimé des inquiétudes légitimes auxquelles, monsieur le rapporteur, vous avez répondu au cours des différentes auditions que vous avez menées et lors de l’examen du texte en commission.
    Je tiens à souligner les améliorations apportées par la commission des lois. Ainsi, la confidentialité ne sera pas opposable aux autorités de l’Union européenne dans l’exercice de leur pouvoir de contrôle. En outre, pour éviter toute altération des consultations, la procédure de levée de la confidentialité sera appréhendée par un commissaire de justice dans l’attente de la décision du juge du fond.
    Enfin, l’ajout de l’article 2 vise à éviter aux juristes d’entreprise déjà diplômés d’être pénalisés par la condition de qualification. Il est en effet primordial de s’assurer que l’adoption de la proposition de loi n’entraînera pas une rupture d’égalité.
    En conclusion, la confidentialité française n’est pas en contradiction avec les textes européens puisqu’elle s’appuie sur le principe d’autonomie procédurale des États membres et ne s’oppose donc pas au principe de primauté du droit européen en cas d’enquête.
    Cette proposition de loi marque une avancée pour notre pays, pour notre droit et pour nos entreprises.
    Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe Démocrate soutiendra donc cette mesure, comme il l’avait fait lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice. Il défendra par ailleurs les évolutions qui permettraient de la parfaire. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – M. le rapporteur applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Pradal.

    M. Philippe Pradal

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    La proposition de loi vise à instituer une confidentialité de certains avis juridiques rédigés par certains juristes d’entreprise. Je tiens à le dire clairement à la tribune, elle ne vise en aucun cas à créer un statut d’avocat en entreprise, à accorder une confidentialité générale et in personam aux juristes d’entreprise sur le modèle de celle des avocats ou encore à concurrencer la profession d’avocat. Si cela avait été le cas, nous aurions exprimé des réserves sur ce texte.
    L’objectif de la proposition de loi est simple : instaurer un legal privilege au bénéfice d’actes remplissant des conditions strictes attachées tant à l’auteur du document qu’à son destinataire et à la nature de l’acte. Le rédacteur de la consultation devra remplir des exigences précises de qualification et de formation. Le destinataire de cette consultation ne pourra être que le représentant de l’entreprise, son organe de direction, d’administration ou de surveillance, ou ceux de ses filiales. Une mention obligatoire devra être expressément apposée sur le document concerné. Le rédacteur devra être identifié et le document fera l’objet d’un archivage spécifique dans les dossiers numériques de l’entreprise. Une procédure claire de levée de la confidentialité est prévue et, pour celle-ci – il faut le dire –, l’assistance d’un avocat sera obligatoire.
    Cette disposition est indispensable aux entreprises françaises car elle contribue à la protection de notre souveraineté. Nous le savons, les entreprises évoluent dans un monde économique international dans lequel elles ont besoin d’un nombre croissant d’avis juridiques pour les opérations qu’elles réalisent quotidiennement, dans un contexte marqué notamment par l’accroissement du nombre d’obligations de conformité.
    Cela pose la question de la confidentialité des avis juridiques et de leur protection vis-à-vis des tiers, des concurrents comme des autorités. Rappelons que la France est l’un des seuls pays européens au sein duquel les avis des juristes d’entreprise, qu’ils soient anciens avocats ou diplômés en droit, ne sont pas protégés. Cette absence de protection place donc la France dans une situation de grande vulnérabilité face aux demandes d’informations ou de pièces provenant de parties étrangères ou d’autorités étrangères qui appliqueraient des lois à portée extraterritoriale, notamment états-uniennes.
    Protéger les avis juridiques des juristes d’entreprise, c’est protéger les entreprises françaises qui sont actuellement dans une situation concurrentielle particulièrement inégale et défavorable, laquelle les rend vulnérables à des manœuvres d’entreprises étrangères à la recherche d’informations confidentielles sur leurs concurrents français.
    Par ailleurs, cette protection contribuerait à renforcer l’attractivité économique du territoire français à l’heure où cette absence conduit les entreprises françaises à recruter des directeurs juridiques non français, notamment des avocats anglo-saxons, ou encore à délocaliser à l’étranger tout ou partie de leurs directions juridiques, afin de faire bénéficier leurs services juridiques de la protection des avis juridiques qui n’existe pas encore en France.
    En outre, d’après les auditions menées, la reconnaissance en droit français de la confidentialité des avis des juristes d’entreprise ne semble en rien contraire à nos engagements européens. Bien que la Cour de justice de l’Union européenne ait jugé que la confidentialité des communications entre une entreprise et ses avocats internes ou juristes d’entreprise n’est pas protégée, il n’en résulte aucune interdiction formelle faite aux États membres de reconnaître une telle confidentialité dans les procédures internes. Par ailleurs, et afin de s’assurer de la pleine compatibilité de ces dispositions avec les normes européennes, l’opposabilité de la confidentialité ne sera possible que « sous réserve du pouvoir de contrôle des autorités de l’Union européenne », selon la formule ajoutée opportunément lors de l’examen en commission des lois.
    Je rappelle ces éléments avec aisance car ils ont été établis par de nombreux rapports, parlementaires ou d’experts, depuis plus de vingt ans. Je tiens à saluer le travail mené par l’excellent Jean Terlier à l’Assemblée et par le sénateur Louis Vogel sur ce sujet essentiel qui avait déjà abouti à l’adoption d’une telle disposition dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice. Je connais leur engagement et leur attachement aux principes fondamentaux du système judiciaire français, notamment au secret professionnel des avocats qui en constitue l’un des piliers. Je le partage.
    C’est d’ailleurs dans cette dynamique que nous avons soutenu l’adoption de plusieurs amendements en commission des lois, en particulier la suppression de toute référence à la notion de « déontologie », source de confusion avec les spécificités de la profession d’avocat. En effet, nous sommes convaincus qu’il faut lui préférer l’obligation de suivi d’une formation aux règles éthiques.
    Vous l’aurez compris, parce que le texte préserve une distinction nette entre la profession d’avocat et celle de juriste d’entreprise, et parce qu’il apporte de nombreuses avancées, le groupe Horizons et apparentés le votera. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    J’ai très souvent travaillé de manière positive avec vous, monsieur le rapporteur, cependant cette fois-ci vous devrez m’excuser : je n’arrive pas à être d’accord avec la majorité. Dieu sait pourtant que j’essaye de bâtir un compromis en cherchant une voie médiane.
    Le dispositif dont nous débattons est un véritable serpent de mer. Il était apparu en 2015 lors de l’examen du projet loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron. Nous avions alors voté contre, comme le ministre de l’économie d’alors, Emmanuel Macron lui-même. Pour ma part, je suis restée sur cette position.
    Il nous a de nouveau été présenté sous la forme d’un amendement sénatorial au moment de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice. Adopté, le dispositif a été censuré par le Conseil constitutionnel. Reste que, motivée par le seul fait qu’il s’agissait d’un cavalier législatif, cette censure ne préjuge en rien de la nature d’une éventuelle décision du Conseil sur le fond.
    Enfin, la mesure nous est cette fois-ci présentée sous la forme d’une proposition de loi de notre collègue Terlier, dans une version identique à celle prévue par la proposition de loi du sénateur Vogel, votée récemment par la Haute Assemblée.
    Sur la forme, le présent texte implique de nombreuses conséquences, qui interrogent l’application du droit. Nous redoutons qu’il serve l’objectif de s’y soustraire.
    Il ne s’accompagne d’aucune étude d’impact, ce qui aurait été pourtant fort utile pour appuyer les arguments des uns et des autres, et trancher.
    L’argument servi est celui de la compétitivité juridique de la France. Or nous ne disposons d’aucune étude documentée sur les besoins réels des entreprises – qui, d’ailleurs, n’ont jamais exprimé une telle demande, que ce soit les PME, les ETI ou les grands groupes ; lorsque je les rencontre sur le terrain, ils me parlent de tout, sauf du juriste d’entreprise et du besoin de confidentialité. Lors de son audition, le Medef lui-même ne m’a pas semblé convaincu – en tout cas, il n’était pas convaincant.
    Un amendement de la majorité, adopté en commission des lois, prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur les conséquences du dispositif, dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi. Quelle disposition formidable ! En général, les demandes de ce genre sont rejetées, parce que jugées inutiles, l’Assemblée pouvant pour toute loi demander un rapport d’évaluation. C’est dire l’opacité dans laquelle nous nous engageons. Le législateur a toujours préféré l’étude d’impact au rapport a posteriori.
    Sans chercher la polémique, je dirais que je m’attendais à voir un tel texte défendu par le ministre de l’économie et des finances, plutôt que par le ministre de la justice, qui est l’allié naturel des auxiliaires de justice.
    Sur le fond, notre opposition à la proposition de loi s’exprimera en séance publique aussi, et cela malgré les aménagements que le rapporteur tentera d’apporter par voie d’amendement et le travail de persuasion effectué par Caroline Yadan.
    Alors que le Gouvernement évoque sans cesse, et à juste raison, la nécessité de renforcer l’efficacité de l’État pour lutter contre les atteintes à la loi, ce texte amoindrit les capacités des autorités administratives à enquêter. Il présenterait même, selon l’Union syndicale des magistrats, un risque d’inconstitutionnalité. Allez comprendre !
    Les régulateurs sont des acteurs puissants, qui participent à l’œuvre de justice. Ils sont tous opposés à cette proposition, qui s’inscrit à rebours de l’action que nous devons mener en matière de lutte contre la corruption.
    Un amendement visant à interdire d’opposer la confidentialité aux autorités de l’Union européenne a été adopté en commission des lois. Pourquoi, à tout le moins, ne pas faire de même s’agissant des autorités administratives indépendantes françaises ? Elles savent mieux que quiconque ce qui est important pour pouvoir enquêter efficacement, dans l’intérêt général ! Dans l’état où la justice se trouve, est-il raisonnable de la priver de ces bras indispensables aux enquêtes que sont les régulateurs ?
    Le texte complexifie le droit, alors même que nous nous apprêtons à améliorer la lisibilité du code de procédure pénale. J’approuve ce dernier chantier, et ne comprends pas que l’on ajoute de la complexité au moment même où nous cherchons à simplifier l’accès au droit.
    Enfin, le juge des libertés et de la détention, qui est le recours pour tous les dossiers, devra également s’occuper de ce dossier et de la levée de la confidentialité.
    Que dire encore de ce texte ? Monsieur le ministre, toutes les garanties que vous rappelez démontrent que ce dispositif régressif se trouve sur une ligne de crête dangereuse. Ce n’est pas parce que les entreprises nous demandent des garanties de confidentialité que nous devons les entendre : l’intérêt général doit dominer dans nos décisions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Jérémie Iordanoff applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Nous examinons une proposition de loi qui vise à assurer la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise. Déjà présentée par le Gouvernement dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, cette disposition avait été retoquée par le Conseil constitutionnel, au motif qu’elle était un cavalier législatif.

    M. Philippe Gosselin

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    Et juste pour cela !

    Mme Emeline K/Bidi

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    De fait, elle ne sert en rien la justice. Les juristes d’entreprise ne sont pas des auxiliaires de justice. Contrairement aux avocats, ils ne sont soumis à aucune réglementation spécifique, ni à aucune déontologie. En conséquence, ils ne bénéficient pas de la confidentialité des consultations.
    La proposition de loi vise à changer cela. Monsieur le rapporteur, vous justifiez cette réforme par un prétendu manque de compétitivité de notre droit. Selon vous, elle facilitera l’installation sur notre sol de directions d’entreprises – celles de grands groupes, j’imagine ; elle évitera en outre tout risque d’auto-incrimination d’une entreprise, en cas d’avis négatif ou critique de son juriste.
    En premier lieu, je soulignerai, comme d’autres orateurs avant moi, que ces arguments ne sont étayés par aucune étude d’impact. En effet, le véhicule législatif que vous avez choisi est une proposition de loi, au lieu d’un projet de loi. Une telle étude aurait pourtant été bien utile, en particulier pour documenter l’impact du texte sur la profession d’avocat, que le nouveau statut du juriste d’entreprise semble venir concurrencer.
    Vous dites que la proposition de loi est nécessaire parce que les juristes ne sont pas libres d’alerter les entreprises par écrit, faute de confidentialité. En réalité, les juristes ne sont pas libres, point. Ils sont liés à leur employeur par un lien de subordination. Ils ne bénéficient donc pas de la garantie d’indépendance propre aux avocats, qui bénéficient, en contrepartie des règles auxquelles ils se soumettent, de la confidentialité de leurs consultations.
    Dans un arrêt du 14 septembre 2010, la Cour de justice de l’Union européenne a ainsi jugé que « l’exigence d’indépendance implique l’absence de tout rapport d’emploi entre l’avocat et son client, si bien que la protection au titre du principe de confidentialité ne s’étend pas aux échanges au sein d’une entreprise ». Un lien direct est donc établi entre indépendance et confidentialité : ce sont l’avers et le revers d’une même médaille. Ce lien n’existe que chez les avocats. Les juristes d’entreprise n’étant pas indépendants, ils ne peuvent pas bénéficier de la confidentialité de leurs consultations : c’est aussi simple que cela.
    En réalité, ce sont non pas les juristes mais les entreprises qui les emploient qui bénéficieront de la confidentialité. À cet égard, l’article 1er est éclairant : il précise que les consultations couvertes par la confidentialité sont exclusivement destinées à l’entreprise. En cas de procédure civile, commerciale ou administrative, elles ne pourront ni faire l’objet d’une saisie ou d’une obligation de remise à un tiers, y compris par une autorité administrative – ce qui, les orateurs précédents l’ont dit, est fort critiquable –, ni être opposées à l’entreprise ou aux entreprises du groupe.
    Cette proposition de loi est un danger pour la profession d’avocat. Le barreau de Paris ne représente pas l’intégralité des avocats de France et le CNB s’est prononcé à une large majorité contre ce texte. Nous avons l’impression que vous nous resservez l’avocat d’entreprise, dont la création avait été rejetée par l’Assemblée.
    Au-delà, les risques d’abus et de dissimulation de preuve qui pourraient découler d’une telle mesure sont inquiétants. Dans le cadre d’un litige judiciaire ou d’une procédure engagée par une autorité de contrôle, cette confidentialité entraverait un travail d’enquête déjà difficile.
    Le Conseil national des barreaux nous a informés qu’il s’opposait fermement aux mesures contenues dans cette proposition de loi. Il considère qu’elles sont porteuses d’incertitudes juridiques de nature à nuire aux intérêts des entreprises et à complexifier le droit. Il estime que le texte est porteur d’inégalités entre les entreprises, qui n’ont pas toutes les moyens d’employer un juriste d’entreprise ; qu’il entravera l’accès des justiciables à la preuve, lequel est consubstantiel au droit au procès équitable ; enfin, qu’il remet en cause la protection des lanceurs d’alerte et le droit à l’information des citoyens.
    Pour toutes ces raisons, notre groupe partage la position du CNB et votera contre ce texte. (M. Jérémie Iordanoff applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    Si j’en juge par les nombreuses sollicitations que j’ai reçues – et je ne suis certainement pas le seul –, en provenance des deux parties impliquées par le texte, entre le débat en commission et celui en séance, je crois que je peux réitérer ce que nous disions il y a vingt jours : cette proposition de loi n’est en rien anodine. Après son adoption en commission, elle soulève toujours nombre d’interrogations dans les différentes sphères du droit des affaires et du monde de l’entreprise. Certains trouveront ces interrogations légitimes, d’autres moins.
    Néanmoins, le texte traite d’une vraie question. Nous en convenons tous, les entreprises sont soumises, souvent à juste titre, à bien des obligations dans divers domaines : protection des données, respect de la réglementation environnementale, lutte contre le blanchiment, droits des salariés, prévention des risques… Si nous pouvons être sensibles aux arguments, qui peuvent tout à fait être entendus, des juristes d’entreprise, avec lesquels j’ai pris le temps d’échanger – leurs missions au quotidien peuvent être troublées –, la réforme proposée, défendue avec opiniâtreté et talent par le rapporteur, comporte selon nous trop de risques, en particulier pour la profession d’avocat.
    Nous avons encore pu lire ces derniers temps des tribunes et des articles opposés, sans aucune ambiguïté, au texte. C’est pourquoi, après en avoir rediscuté ce matin, notre groupe émet plusieurs réserves – elles ont déjà été présentées en commission mais je les rappelle.
    Sur la forme, cela a été dit, la proposition de loi reprend in extenso le dispositif de l’amendement gouvernemental au projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, qui avait censuré comme cavalier législatif. Pourtant, en février dernier, le Sénat a adopté un texte sur la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise. La logique aurait voulu que l’on poursuive la navette parlementaire.
    Nous nous interrogeons donc sur le véhicule législatif choisi. Dans la mesure où le sujet était d’initiative gouvernementale, n’aurait-il pas été préférable que le Gouvernement dépose un projet de loi, afin qu’une étude d’impact soit réalisée ? Cela aurait au moins permis d’étayer la thèse avancée, à savoir que l’introduction du legal privilege permettra de gagner en compétitivité. Existe-t-il des exemples de délocalisation ? À ce stade, nous n’avons pas de réponse. N’aurait-il pas aussi été utile de connaître l’avis du Conseil d’État ?
    Au-delà de la forme, je réaffirme l’idée qu’en France, c’est la stricte séparation entre avocats et juristes d’entreprise qui justifie l’absence de privilège de confidentialité pour les consultations des juristes. La France, certes, fait figure d’exception au sein de l’OCDE en la matière, mais il n’existe pas dans notre pays de profession d’avocat d’entreprise. Notre groupe reste attaché à cette séparation et ne souhaite pas la remettre en cause. Les tentatives de rapprochement entre les deux professions se sont soldées par des échecs, notamment en 2014.
    D’autre part, les alertes lancées par plusieurs professionnels du droit concernant les risques d’abus et de dissimulation de preuves sont à notre sens justifiées. Nous souscrivons au choix qui a été fait d’exclure les matières pénale et fiscale du champ du dispositif, afin de préserver l’ordre public. Toutefois, le droit de la concurrence soulève également des questions, tout comme la matière administrative. Il existe un risque que des consultations visant à faciliter la commission d’un manquement soient engagées.
    Quoique la confidentialité soit attachée au document, nous craignons qu’à terme, on n’ouvre la porte à la confidentialité de la personne du juriste. En instaurant une déontologie, ainsi qu’une formation initiale et continue, on jette les bases d’une future profession réglementée.
    Cela a été rappelé : l’indépendance de l’avocat par rapport à son client est essentielle, alors que le juriste d’entreprise se trouve dans un lien de subordination salariale à son entreprise et à son employeur.
    Pour toutes ces raisons, le groupe LIOT, dans sa grande majorité, votera contre le texte.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Nous sommes invités à nous prononcer sur un texte d’apparence technique, mais qui n’a rien d’anodin. Le débat qu’il engage est ancien. Il y a un an, il a été relancé de manière quelque peu cavalière, lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice. Le Conseil constitutionnel n’a pas manqué de censurer la disposition adoptée.
    Ce débat refait surface aujourd’hui, avec cette proposition de loi qui consacre la confidentialité des consultations que les juristes d’entreprise adressent à leur direction. L’intitulé du texte ne dit évidemment rien de ses enjeux.
    En matière de secret, il faut toujours se poser la question du pourquoi. Qu’est-ce qui justifie la consécration du secret ? Il existe des secrets légitimes, même en démocratie. J’en prendrai trois exemples : le secret médical, le secret des sources pour les journalistes, le secret professionnel pour les avocats. Le premier garantit la vie privée des patients, le second, le droit à l’information, le troisième, les droits de la défense. Tout cela peut être entendu. Certes, ces secrets, protégés par la loi, entrent en conflit avec l’exigence de transparence, mais c’est pour une cause strictement nécessaire.
    Peut-on en dire autant de la proposition qui nous est faite ici ? Assurément, non, puisque ce texte est proposé sans cause réelle et sérieuse. Loin de sauvegarder des intérêts légitimes, comme c’est le cas dans les exemples que je viens de citer, le secret qu’elle protège est, au contraire, mis au service d’un but illégitime, qui consiste, pour les entreprises, à s’affranchir du respect du droit. D’habitude, le secret n’entre en conflit avec l’exigence de justice que de manière indirecte, par ricochet : le secret des affaires, par exemple, arme les entreprises contre l’espionnage économique, et s’il peut provoquer des interférences avec le fonctionnement de la justice, son objet même n’est pas d’entraver l’exercice de cette mission régalienne. D’ailleurs – et c’est important de le souligner –, il n’est opposable ni aux pouvoirs publics ni aux lanceurs d’alerte ; c’est ce qui le rend, d’une certaine manière, acceptable.
    Le texte qui nous est soumis relève d’une tout autre logique, dans la mesure où son objet est précisément de réduire l’étendue des pouvoirs d’enquête dont sont investies les autorités publiques, et qui sont essentiels à la protection des droits de nos concitoyens. En effet, la sécurité au travail, la santé publique et l’environnement sont protégés par des normes auxquelles les entreprises sont assujetties, et des pouvoirs d’investigation et de contrôle ont été créés afin de s’assurer qu’elles sont respectées – je pense, par exemple, à l’action des inspecteurs du travail, des agents de l’Office français de la biodiversité et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ainsi qu’à celle d’une myriade d’autorités de régulation de la vie économique, qui remplissent des missions aussi essentielles que les luttes contre le blanchiment, contre le financement du terrorisme ou encore contre la corruption et les pratiques anticoncurrentielles.
    La proposition de loi prive ces acteurs de moyens efficaces d’assurer le respect du droit. Les autorités administratives indépendantes nous ont alertés sur les risques associés à cette réforme, qui crée une zone de non-droit où elles ne seront plus autorisées à enquêter, excepté en matière pénale et fiscale. Le texte autorise légalement les entreprises à camoufler des alertes sur des situations de non-conformité, donc à dissimuler la preuve qu’elles ont connaissance de leurs méfaits – bref, qu’elles savaient et qu’elles n’ont rien fait. La confidentialité des consultations juridiques est une forme de liquidation de la responsabilité.
    Certains se laisseront peut-être séduire par l’argument du cercle vertueux, selon lequel si nous voulons inciter les juristes d’entreprise à avertir leur direction d’éventuels problèmes de conformité, alors il faut rendre leurs avis confidentiels, afin de les prémunir contre tout risque d’auto-incrimination. Comment ne pas voir que cela revient à déléguer aux acteurs privés le soin de faire leur propre police ? Dans un monde idéal, cela pourrait s’entendre, mais ne soyons pas naïfs : nous avons besoin d’un contrôle extérieur, car une entreprise défend un intérêt particulier, non l’intérêt général.
    Avec le système de transparence instauré depuis quelques années, nous étions dans une voie prometteuse ; là, nous faisons clairement marche arrière. Le groupe Écologiste votera contre ce texte qui, objectivement, va à l’encontre de la transparence nécessaire au respect des droits fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Yadan.

    Mme Caroline Yadan

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    « Au métier qu’il connaît, que chacun se consacre », disait Cicéron. Tel est l’objet de la proposition de loi défendue par notre cher collègue Jean Terlier, dont je salue l’exceptionnelle qualité du travail.
    Les juristes d’entreprise et leurs représentants, que nous avons pu auditionner, ont tous exprimé la même préoccupation : ils veulent pouvoir pratiquer efficacement leur métier et préserver la manière de l’exercer. L’importance des juristes d’entreprise est, plus que jamais, indéniable. Alors que de plus en plus d’entreprises françaises doivent répondre à des exigences de conformité dans de nombreux domaines, comme la gouvernance, la protection des données, la responsabilité sociétale des entreprises et la lutte contre le blanchiment de capitaux, la France, contrairement à la quasi-totalité des pays membres de l’OCDE, ne prévoit pas la confidentialité des avis des juristes d’entreprise. Elle fait ainsi figure d’exception.
    L’article 1er de la proposition de loi vise à conférer un caractère confidentiel aux consultations des juristes d’entreprise, sans créer de nouvelle profession réglementée. Cette confidentialité sera très encadrée – le juriste d’entreprise devra justifier d’un diplôme en droit de niveau master ou un équivalent et avoir suivi une formation aux règles éthiques, le champ d’application exclura de facto les procédures pénales et fiscales et la confidentialité ne sera pas opposable aux autorités de l’Union européenne dans l’exercice de leur pouvoir de contrôle – et les conditions de sa levée sont strictement définies. Une sanction pénale est prévue en cas de mention frauduleuse de la confidentialité du document et, en cas de contestation de la confidentialité, le recours à un avocat sera obligatoire.
    L’article 2, introduit en commission des lois, prévoit une disposition transitoire permettant aux juristes d’entreprise comptant au moins huit années de pratique professionnelle de bénéficier du régime de confidentialité.
    Enfin, l’article 3 tend à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant les évolutions du métier de juriste d’entreprise et les conséquences de la confidentialité des avis juridiques, dans un délai de trois ans à compter de la promulgation du texte.
    Je tiens donc à rassurer mes collègues qui pourraient s’en inquiéter : non, la proposition de loi ne permettra pas de créer une nouvelle profession du droit réglementée, ni de créer un statut d’avocat en entreprise ; et non, la confidentialité ne constitue pas un nouveau secret professionnel attaché à la personne du juriste d’entreprise.
    La reconnaissance du caractère confidentiel des consultations des juristes d’entreprise entend répondre à trois objectifs majeurs.
    D’abord, ce dispositif permettra de renforcer la filière des juristes d’entreprise et l’attractivité de la France. En effet, en l’absence de confidentialité en France, de nombreuses directions juridiques choisissent de s’établir en dehors de nos frontières ou de se tourner vers des juristes étrangers, bien souvent anglo-saxons.
    Ensuite, ce dispositif nous protégera de l’application extraterritoriale, par certaines autorités étrangères – notamment américaines – de leur droit national. À cet égard, Raphaël Gauvain estimait, en 2019, que « cette lacune fragilise nos entreprises et contribue à faire de la France une cible de choix et un terrain de chasse privilégié pour les autorités judiciaires étrangères » – un aspect que cette proposition de loi entend corriger.
    Enfin, l’émergence de la culture de la conformité et la multiplication des règles auxquelles les entreprises doivent se conformer ont fait évoluer leur cadre juridique, engendrant, pour le juriste d’entreprise, un risque d’auto-incrimination de sa propre entreprise que le texte vient amoindrir.
    En définitive, ce texte propose une nécessaire évolution de notre droit afin non seulement de faciliter les conditions de travail de nos juristes d’entreprise, mais également de protéger leur exercice face à la concurrence internationale. Le groupe Renaissance défendra un amendement visant à assurer la prise en charge de la formation par l’entreprise et votera naturellement en faveur de la proposition de loi. N’ayons pas peur, faisons avancer le droit ! (M. le rapporteur applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Catherine Jaouen.

    Mme Catherine Jaouen

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    Il plaisait à Émile Garçon de rappeler qu’il importe à l’ordre social que la confidentialité qui caractérise, entre autres, les professions de médecin ou d’avocat, nécessaires confidents des hommes, leur soit imposée sans condition ni réserve, et que ce secret est donc absolu et d’ordre public. Il exprimait ainsi le caractère fondamental, pour une société démocratique, du secret professionnel – un secret garanti par la loi du 31 décembre 1971, qui établit les conditions d’accès à la profession d’avocat et de son exercice.
    La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui vise à permettre aux juristes d’entreprise d’user du secret professionnel, qui n’appartient qu’aux avocats, calquant ainsi notre droit sur le droit anglo-saxon, fondé sur le legal privilege. Ce droit, qui use de la procédure accusatoire, est inapplicable en France, où la procédure inquisitoire érige en principe la force du contradictoire, tant dans le procès que dans l’applicabilité quotidienne des rapports des professionnels du droit.
    L’objectif peu clair de ce texte nébuleux serait de rendre la France attractive : afin d’éviter que des entreprises s’établissent dans d’autres États présentant une législation plus favorable sur ce point, ou aient recours à des lawyers, des avocats anglo-saxons, le texte vise à instituer un régime de confidentialité des consultations rédigées par un juriste d’entreprise. Les effets attachés à la confidentialité seraient l’insaisissabilité, la non-communicabilité et l’inopposabilité de cette consultation dans le cadre de procédures ou de litiges en matière civile, commerciale ou administrative, à l’exclusion des procédures ou litiges en matières pénale et fiscale.
    Cette proposition de loi n’a été favorablement accueillie que par les représentants des juristes d’entreprise et par le barreau de Paris, les 163 autres barreaux français, la Conférence des bâtonniers et le Conseil national des barreaux dénonçant à l’unisson la création d’une nouvelle profession réglementée et l’affaiblissement du secret professionnel de l’avocat au préjudice des PME et des particuliers. L’Autorité de la concurrence, l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution s’y sont également montrés défavorables, estimant que leurs pouvoirs de contrôle et d’enquête en seraient amoindris.
    La profession de juriste d’entreprise n’est pas une profession réglementée, dont l’exercice est soumis à des obligations déontologiques contrôlées par des juridictions ordinales. Ces juristes n’ont d’ailleurs aucune indépendance dans l’exercice de leur profession, puisqu’ils sont soumis au pouvoir de direction de leur employeur. Cette activité n’est donc pas entourée de garanties propres destinées à prévenir d’éventuels abus.
    Ce texte ne vise qu’à libéraliser l’économie au détriment de la sécurité des citoyens et des entreprises, et à affaiblir les professions réglementées. Pourquoi ces entreprises auraient-elles besoin d’un juriste et n’utilisent-elles pas les services d’un avocat ? C’est d’ailleurs déjà le cas, si j’en crois les orateurs précédents qui envisagent de voter en faveur du texte.
    Cette confidentialité et les dispositifs de sa levée sont le vecteur d’incertitudes juridiques susceptibles de nuire aux intérêts des petites et moyennes entreprises en complexifiant leurs droits, et d’entraver l’accès des justiciables au régime de la preuve, comme c’est prévu au nom du droit à un procès équitable, car certaines entreprises pourront refuser de produire en justice les documents qui pourraient leur nuire, que ce soit en matière civile, commerciale ou administrative. Ce texte tend à métamorphoser fondamentalement le droit français et créera une rupture d’égalité entre les justiciables, ce qui est proprement inadmissible dans notre pays, garant des libertés fondamentales.
    Enfin, en introduisant une validation des acquis professionnels qui permet aux titulaires de diplôme bac + 4 en droit d’obtenir une équivalence avec un titre universitaire en droit d’un niveau bac + 5, désormais nécessaire pour accéder à la profession d’avocat, les articles 2 et 3, ajoutés en commission des lois – et qui n’y ont pas été discutés –, laissent planer un doute sur la réelle motivation de cette proposition de loi. Il y a bien une volonté de créer un nouveau métier, et surtout d’exempter les juristes d’entreprise de tout concours d’accès à la profession d’avocat – on peut d’ailleurs s’interroger sur la mention, dans l’article 2, « ou de l’un des titres ou diplômes reconnus comme équivalents ». Au-delà du seul secret professionnel, ce texte touche aussi aux études universitaires. Ces ajouts de dernière minute illustrent parfaitement le caractère inabouti et vicié du texte, qui tend à modifier l’accès à la profession d’avocat, dévalorisant par là les études universitaires nécessaires pour l’exercer.
    Vous n’avez consulté aucune des parties directement concernées par cette proposition de loi, vous tentez d’imposer et de passer en force : dans une démocratie qui se respecte, ce n’est certainement pas admissible. Nous voterons donc contre ce texte inique, inabouti et rédigé à la va-vite. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    La confidentialité des avis des juristes d’entreprise est un véritable serpent de mer de notre système juridique. Depuis les années 1990, pas moins de douze rapports d’experts ou de parlementaires ont été publiés sur le sujet ! Il serait grand temps de régler le problème, et ce pour une raison toute simple : il importe d’assurer notre souveraineté. En effet, la France est l’un des derniers États membres de l’OCDE à ne pas reconnaître la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise, ce qui nuit très objectivement à notre attractivité et crée un déséquilibre concurrentiel pour nos entreprises.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Absolument !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Alors que nous clamons si souvent notre attachement à la souveraineté, est-il opportun de laisser des directions juridiques s’établir dans d’autres pays, parce qu’ils offrent cette protection ? Est-il judicieux que nos entreprises recrutent des lawyers anglo-saxons plutôt que des juristes d’entreprise français ? Derrière ces questions qui peuvent paraître anecdotiques, ce sont des emplois, l’attractivité de la France, sa croissance économique et, je le répète, sa souveraineté qui sont en jeu.
    Du côté des détracteurs du texte, on trouve certains avocats, qui craignent qu’un changement de règles n’entraîne des incertitudes juridiques de nature à nuire aux intérêts des entreprises. À ceux qui redoutent encore – et on peut les comprendre – que le secret professionnel attaché à leur profession ne se démonétise, rappelons que les entreprises ont parfois de tels besoins juridiques que ceux-ci ne peuvent pas tous être assurés par un avocat extérieur, d’autant que ce dernier ne peut pas exercer au sein de l’entreprise, sous peine de perdre son fameux secret professionnel.
    Le champ d’activité des juristes d’entreprise n’est évidemment pas le même que celui des avocats. Par définition, le juriste d’entreprise est lié à cette dernière et ne peut prodiguer des consultations externes, tout comme il ne peut outrepasser ses attributions en renseignant, par exemple, un salarié sur des questions privées. Enfin, s’il fallait encore rassurer, il semble assez clair que les directions juridiques des entreprises ne sont pas prêtes à se passer des avocats, non pour le seul principe du secret professionnel – bien qu’il soit attaché à leur personne et absolu, contrairement à ce qui est prévu pour les juristes d’entreprise –, mais tout simplement pour leur expertise.
    Répétons-le, la protection proposée dans ce texte est attachée aux documents et non à un statut, et elle l’est dans des conditions fixées par la loi.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bien sûr !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il ne s’agit pas de créer une nouvelle profession réglementée du droit ni un nouveau secret professionnel.
    Au rang des inquiétudes persiste une possible atteinte au principe du droit de la preuve. Si cette crainte semble assez légitime sur le papier, elle apparaît en réalité peu fondée puisque la confidentialité dont il est question dans le texte ne concerne que les consultations juridiques et ne couvre aucun autre document. Cette confidentialité est donc très encadrée.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Bien sûr !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Elle n’entravera pas davantage les enquêtes des autorités françaises puisqu’elle ne s’appliquera ni en matière pénale ni en matière fiscale. Ce point devrait être rassurant.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bah oui !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Rappelons, en revanche, que lors de procès internationaux, les entreprises françaises, dépourvues de toute protection, sont contraintes de fournir toutes leurs données, dont les consultations juridiques internes, qui peuvent dès lors être utilisées contre elles, alors que la partie adverse n’a pas à le faire : on marche sur la tête !

    M. Christophe Blanchet

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    Eh oui !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Nous avons évoqué également en commission la formation aux règles de déontologie des juristes d’entreprise qui devra accompagner cette réforme. Le terme « déontologie » a d’ailleurs été remplacé par « règles éthiques », en gage de bonne volonté et pour rassurer, une fois encore, la profession d’avocat. Il me semble important de préciser à cet égard – et j’ai déposé quelques amendements en ce sens – que la formation ne doit pas être supportée financièrement par le salarié, puisqu’elle bénéficie in fine à l’entreprise, ni relever de son compte personnel de formation. La majorité a repris cette proposition à son compte, dans un amendement de réécriture globale des alinéas 5 et 6. Je suis heureuse de constater que mes arguments ont fini par vous convaincre !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Exactement, madame Ménard !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    En conclusion, même si la présente proposition de loi suscite encore quelques craintes et ne fait pas l’unanimité, nous ne pouvons pas rester les bras ballants face aux distorsions de concurrence que crée notre système ; tout comme nous serions fautifs de rester aveugles face au risque d’espionnage légal qui conduirait à un désarmement de nos entreprises par le droit.

    M. Christophe Blanchet

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    Eh oui !

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Nous ne pouvons plus reculer.

    M. Christophe Blanchet

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante-cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous avons découvert que la loi du 26 juillet 1968, modifiée en 1980, relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères interdit la transmission de documents ou de renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont la communication est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l’ordre public – qui est une notion large, de nos jours.
    On pourrait penser qu’il s’agit d’une vieille loi tombée en désuétude, mais tel n’est pas le cas. Le décret du 18 février 2022 – sous la présidence d’Emmanuel Macron, donc – relatif à la communication de tels documents et renseignements a créé, au sein du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (Sisse). Les entreprises qui estiment être la cible d’une ingérence étrangère à travers une procédure extraterritoriale peuvent le solliciter afin de bénéficier de l’accompagnement des services de l’État.
    Ce décret a produit des résultats, j’imagine – le service doit fonctionner et les entreprises le solliciter. Cela signifie que même si les actes juridiques réalisés par les juristes d’entreprises ne sont pas confidentiels, des mesures ont été prévues. Monsieur le garde des sceaux, puisque vous avez vos services à votre disposition, pourriez-vous en dresser le bilan ? En l’absence d’étude d’impact, nous aimerions savoir pourquoi la loi du 26 juillet 1968 serait inopérante, alors qu’elle répond précisément à votre argument d’autorité– si les problèmes d’extraterritorialité sont réels, vous ne démontrez pas que la confidentialité des actes des juristes d’entreprise permettrait d’éviter de telles ingérences. Pourriez-vous apporter des explications sur cette loi et sur ce décret afin d’éclairer la représentation nationale ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard

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    J’apporterai mon soutien à l’article 1er et, plus largement, à ce texte qui répond à un enjeu de souveraineté. Il comblera un retard historique de la France par rapport aux pays qui apportent déjà une telle protection à leurs juristes d’entreprise. Je tiens à rappeler que, contrairement à ce qui a été affirmé notamment lors de l’examen de la motion de rejet préalable, ce texte est équilibré : en excluant les domaines fiscal et pénal du périmètre de la confidentialité, il préserve les prérogatives régaliennes ; en attachant la confidentialité aux documents et non à la personne des juristes d’entreprise, il respecte les avocats ; en permettant aux entreprises de jouer à armes égales avec leurs concurrentes étrangères, il respecte la souveraineté économique – nous ne pouvons pas affirmer en permanence que nous voulons protéger les entreprises françaises et refuser de les doter des mêmes armes que leurs adversaires.

    Mme Cécile Untermaier

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    Comparaison n’est pas raison !

    M. Ian Boucard

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    Je suis donc favorable à l’article 1er et au texte dans sa globalité. Il est, je le rappelle, issu d’un amendement que mon collègue Philippe Gosselin avait fait adopter lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Cet amendement était un cavalier, rappelons-le !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Desjonquères.

    Mme Mathilde Desjonquères

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    L’article 1er prévoit, sous certaines conditions, la confidentialité des consultations juridiques rédigées par les juristes d’entreprise. Cette confidentialité, qui est indispensable à l’équilibre du métier – nous l’avons souligné à plusieurs reprises –, est débattue depuis les années 1990. Il est donc capital d’adopter cet article.
    Cependant, dans sa rédaction actuelle, il ne prend pas en considération les avis juridiques rendus par les ingénieurs des entreprises qualifiées devant l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). Cette différence de traitement est susceptible de mettre en danger les brevets des entreprises françaises, dont nous devons protéger les activités de recherche et de développement.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il faut donc adopter cet article pour le capital ! (Sourires.)

    Mme Mathilde Desjonquères

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    Par souci de cohérence et d’égalité, il convient d’étendre le champ de la proposition de loi aux avis juridiques rendus par les ingénieurs qualifiés devant l’Inpi. C’est pourquoi mon collègue Christophe Blanchet et moi-même proposons un amendement qui vise à protéger les avis juridiques des personnes qualifiées en propriété industrielle au même titre que ceux des juristes d’entreprise. Nous faisons ici référence aux personnes qualifiées qui sont salariées des entreprises – et non des cabinets externes – et qui suivent tout le process de la recherche et du développement lors de la fabrication d’un nouveau produit. Leurs écrits doivent être confidentiels, sous peine de les voir divulgués à des concurrents étrangers par manque de protection.

    M. Christophe Blanchet

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 1, 4, 32, 33, 41, 61 et 89, tendant à supprimer l’article 1er.
    Sur ces amendements, je suis saisie par le groupe LaFrance insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l’amendement no 1.

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    Nous regrettons, je le répète, l’absence d’avis du Conseil d’État et d’étude d’impact alors que cette mesure est susceptible de créer des entraves à l’accès des justiciables à la preuve. Compte tenu des incertitudes juridiques qui pèsent sur le périmètre de la confidentialité et de l’inégalité qui existe entre les entreprises en fonction de leur capacité à recourir ou non à des juristes d’entreprise, nous proposons de supprimer cet article qui tend à octroyer un legal privilege – privilège de confidentialité – aux consultations des juristes d’entreprise.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 4.

    M. Jean-François Coulomme

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    Nous sommes arc-boutés sur cet amendement de suppression.

    M. Philippe Gosselin

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    « Arc-boutés » : c’est le bon terme !

    M. Jean-François Coulomme

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    Pourquoi ? Parce que vos allégations selon lesquelles ce texte serait nécessaire pour nous préserver des prédations de l’étranger sont complètement erronées. Celles et ceux qui nous écoutent doivent réaliser à quel point cet argument ne tient pas : les entreprises dépendant de la common law ne reconnaissent pas ce legal privilege que d’autres pays, y compris européens, mettent en avant. Nous ne pourrons pas non plus l’opposer au droit américain, du fait de son extraterritorialité, ni même à l’Union européenne – elle ne le reconnaît pas à l’intérieur de ses frontières.
    Je vous le demande de nouveau : qui voulez-vous protéger grâce à cette proposition de loi ? À quel lobby avez-vous répondu favorablement pour pondre un texte pareil ? Tel est le fond moral de ce débat. Si le lobbying n’est le fait ni des avocats, ni du syndicat de la magistrature, ni des autorités administratives indépendantes, de qui est-il le fait ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Du Medef !

    M. Jean-François Coulomme

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    Nous avons auditionné les juristes d’entreprise : en tant que salariés, ils sont en adéquation avec la demande de leurs employeurs – comme le marché du travail le leur impose. Il n’y a que le Medef que ce texte puisse intéresser, et encore : lors de leur audition, ses représentants n’étaient pas si convaincus que cela – les personnes qui étaient présentes l’ont constaté. Bref : à la question « à quel lobby répondons-nous ? », la réponse semble être : au Medef, tout au plus.
    L’argument de la délocalisation est complètement erroné, on l’a vu. La confidentialité des consultations juridiques ne permettra pas de relocaliser des juristes qui se seraient installés dans d’autres pays. Je le répète : il s’agit de salariés, qui sont soumis au droit de l’entreprise pour laquelle ils travaillent.
    Nous avons peu évoqué l’actionnariat. Or même le petit actionnariat n’est pas protégé par votre legal privilege. En effet, les entreprises conseillées par des juristes d’entreprise pourront dissimuler leurs manœuvres boursières aux petits actionnaires, qui seront floués.
    Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article. (M. Ugo Bernalicis applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérémie Iordanoff, pour soutenir l’amendement no 32.

    M. Jérémie Iordanoff

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    Beaucoup d’arguments ont déjà été avancés, mais c’est un peu un dialogue de sourds. Comme nous n’obtenons pas de réponses à nos questions, nous ne pouvons pas avancer dans nos réflexions et chacun campe sur ses positions.
    En ce qui concerne la déontologie, par exemple, nous n’avons obtenu aucune réponse. Vous nous avez dit qu’il ne fallait pas mettre en cause les juristes d’entreprise – mais, de fait, des salariés n’ont pas la même indépendance qu’un avocat qui travaille pour un cabinet indépendant.
    Alors que la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise pourrait mettre en péril les avancées obtenues dans le contrôle des entreprises par les autorités administratives, en matières sociale et environnementale notamment, nous n’avons obtenu aucune réponse non plus sur ce point. Je suis désolé : nous ne pouvons pas avancer dans notre réflexion si vous ne nous apportez pas de réponses sur le contrôle des autorités administratives. Pourquoi est-il inclus dans le champ de la disposition ?
    Enfin, je reviendrai sur un argument qui avait été soulevé en commission par notre collègue Bernalicis et qui n’a pas été encore débattu. Il a trait au volume des avis juridiques qui seront dévoilés, sur lequel l’entreprise aura la main. La justice pourra être obstruée par des quantités phénoménales d’avis, l’entreprise pouvant lever le secret sur un document qui lui sera favorable, mais pas sur un autre qui lui sera défavorable. Comment le juge mènera-t-il son enquête ?
    De nombreuses questions restent donc sans réponse. Vous répondez souvent à côté. Vous répétez que le texte ne crée pas une nouvelle profession réglementée – cela, nous l’avons compris. En revanche, pour ce qui concerne les sujets essentiels, en particulier les raisons pour lesquelles il est nécessaire de rendre secrets ces avis juridiques, nous n’avons toujours aucune réponse. C’est pourquoi nous proposons cet amendement de suppression. (M. Ugo Bernalicis applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 33.

    Mme Cécile Untermaier

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    Aux arguments élégamment développés par mon prédécesseur, j’ajouterai celui-ci.
    Vous dites que la confidentialité permettrait aux juristes d’entreprise d’apporter de manière plus pertinente tous les éléments utiles à satisfaire aux obligations de conformité définies par la loi. On croit rêver – ou, plutôt, c’est un cauchemar ! Comme si le dialogue au sein de l’entreprise ne pouvait pas trouver de voie plus transparente que l’opacité de la confidentialité attachée à une profession, qui, sans être une profession réglementée, obéit à des règles spéciales – vous devrez tout de même nous expliquer ce que cela signifie – et qui n’a pas de déontologie – les avocats n’en veulent pas parce que cela reviendrait à créer une profession réglementée. Où va-t-on ? La confidentialité et les règles que nous instaurons constituent la première pierre de la création d’une profession réglementée d’avocat en entreprise.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 41.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Nous choisirons évidemment la voie de la cohérence. Nous avons voté pour la motion de rejet préalable et lors de la discussion générale, nous avons fait part de notre opposition à ce texte et de ce qui la motive. C’est donc très naturellement que nous proposons un amendement de suppression de l’article 1er.
    Mes collègues ont développé les arguments en faveur de cette suppression – nous aurons l’occasion d’y revenir. Aucun motif valable ne justifie la confidentialité que vous souhaitez nous imposer. Nous avons l’impression que personne n’en veut, hormis les grands groupes, qui y voient un intérêt très particulier : ils pourront disposer en leur sein de professionnels dotés de toutes les prérogatives d’un avocat – il leur manquera la robe et le droit d’aller plaider – et contourner certains dispositifs en arguant de la confidentialité qui leur fait actuellement défaut.
    Vous avez invoqué, en autres raisons, le risque d’auto-incrimination pour ces juristes. S’ils ne veulent pas s’auto-incriminer ou auto-incriminer leur entreprise, ils n’ont qu’à saisir un avocat, dont c’est le métier – son professionnalisme et sa déontologie lui permettent de bien conseiller, en toute confidentialité, grâce au secret professionnel. Nul besoin de créer une autre profession qui aurait tous les avantages sans les inconvénients. (Mme Sandra Regol applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 61.

    M. Xavier Breton

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    Ce texte suscite bien des interrogations et des inquiétudes, dans cet hémicycle et, plus largement, parmi les acteurs sociaux et économiques. Nous regrettons surtout la démarche qui a été choisie. Sur un sujet sensible comme celui-ci, on aurait dû rechercher le dialogue et prendre le temps de trouver des terrains d’entente plutôt que de contourner les procédures. Le recours à une proposition de loi permet de se passer d’un avis du Conseil d’État – qui aurait été utile pour bénéficier d’un éclairage juridique – et, surtout, d’une étude d’impact.
    Les arguments avancés pour défendre le texte ne sont pas étayés. Rien ne montre que ce dispositif améliorera la compétitivité de nos entreprises. Nous visitons tous des entreprises et, dans mon département de l’Ain, particulièrement industrialisé, jamais un chef d’entreprise ne m’a posé de questions au sujet des juristes d’entreprise : il a souvent bien d’autres préoccupations.
    Face aux mécontentements qui ont pu être exprimés, le rapporteur a tenté d’arrondir les angles en commission en procédant à des réaménagements. Toutefois, cela ne fait que renforcer nos soupçons : n’est-ce pas une première étape vers la création d’une nouvelle profession réglementée ?

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour soutenir l’amendement no 89.

    Mme Béatrice Roullaud

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    Comme vient de le souligner la conférence régionale des barreaux d’Île-de-France dans sa lettre ouverte aux parlementaires, ce texte présente des inconvénients, que nous avions déjà dénoncés en commission.
    Il est dangereux pour plusieurs raisons. D’abord, la confidentialité des avis des juristes d’entreprise empêche la manifestation de la vérité dans le cadre d’une procédure. La confidentialité in rem d’une pièce ou d’un document instaure une inégalité entre les justiciables, certains ne pouvant pas apporter la preuve de leurs allégations. Elle crée en outre une inégalité entre les entreprises, celles ayant recours à des juristes d’entreprise et celles n’en ayant pas.
    Ensuite, il heurte de plein fouet plusieurs principes fondamentaux de notre droit : le principe du contradictoire, garantissant aux citoyens les moyens de se défendre ; le principe du procès équitable, figurant à l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme, qui implique que chaque partie à un procès puisse apporter la preuve de ses prétentions.
    Enfin, il établira des entraves aux actions des lanceurs d’alerte qui risquent d’être criminalisées en cas d’atteinte à ce nouveau secret interne aux entreprises.
    En outre, ce texte est inutile car il n’est pas prouvé que la France risque d’être moins attractive. Rappelons qu’en 2022, notre pays a été pour la quatrième année consécutive l’un des pays les plus attractifs d’Europe. L’argument se rapportant à la souveraineté est donc inopérant.
    Soulignons pour finir que le legal privilege à la française vient protéger des intérêts purement privés alors que le secret professionnel de l’avocat comme celui du médecin sert l’intérêt général.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Défavorable. Ces amendements sont fondés sur des motivations très diverses,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Complémentaires !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    …sur lesquelles nous avons déjà longuement débattu en commission, mais je vais m’efforcer de répondre à chacun de leurs auteurs.
    M. Acquaviva déplore que cette proposition de loi n’ait pas fait l’objet d’une étude d’impact et n’ait pas donné lieu à une saisine du Conseil d’État. J’aurais envie de lui dire que si l’on exigeait que les propositions de loi soient précédées d’une étude d’impact ou d’une saisine du Conseil d’État, beaucoup d’entre elles seraient disqualifiées. Le Parlement a le droit, en s’appuyant notamment sur les auditions menées en commission, de former son propre avis sur la pertinence du dispositif juridique des textes dont il est à l’origine. Les études d’impact ne sont pas toujours nécessaires. Le sujet qui nous occupe fait l’objet de débats depuis fort longtemps – je faisais référence au rapport de notre ancien collègue Raphaël Gauvain mais d’autres avant lui se sont penchés sur cette question.
    Il apparaît nécessaire de protéger les consultations juridiques et nos entreprises. L’ancienne ministre des affaires européennes, Noëlle Lenoir, aujourd’hui avocate spécialisée dans ce type de procédures, a, lors de son audition, appelé notre attention sur la procédure de discovery – collecte de preuves –, déclenchée à la demande des autorités américaines ou d’entreprises. C’est ainsi qu’Airbus a dû transmettre 30 millions de documents. Cela implique bien sûr un filtrage des informations, qui renvoie aux dispositions des lois de blocage et à la confidentialité des affaires mais aussi au legal privilege, qui permet d’empêcher la communication de certains fichiers.
    Les entreprises françaises ont besoin d’être protégées à ce titre, Philippe Gosselin l’a très bien dit. Nous voulons simplement qu’elles puissent se battre à armes égales avec les entreprises étrangères, comme l’a souligné Ian Boucard.
    Monsieur Acquaviva, vous avez également évoqué les problèmes de dissimulation des preuves ou d’entrave à l’accès à la preuve. Il n’y a pas de risques, cher collègue. La confidentialité que nous appelons de nos vœux permettra de protéger uniquement la consultation juridique, autrement dit l’avis ou le conseil donné sur l’application d’une règle de droit. En outre, elle ne s’appliquera qu’en matière commerciale, civile ou administrative et, même dans ce cadre restrictif, elle ne sera pas absolue car les autorités administratives indépendantes auront la possibilité de la lever. Il n’y a donc ni entrave à l’accès à la preuve ni dissimulation de preuves.

    M. Ugo Bernalicis

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    Mais si, soyez honnête et reconnaissez-le !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Je m’inscris en faux contre ces arguments.
    Mme Untermaier a déploré que les juristes d’entreprise ne soient pas soumis à des règles de déontologie. Nous avons inscrit une référence aux règles éthiques auxquelles les juristes d’entreprise soumis à la confidentialité seront obligés de se former. Vous savez très bien pourquoi nous avons remplacé le terme de « déontologie » : nous voulions éviter qu’il nous soit reproché de créer une profession réglementée. Contrairement à ce que certains prétendent encore, ce n’est pas le cas. Je le répète, ces juristes devront s’astreindre à suivre des formations en ce domaine et seront sanctionnés pénalement s’ils apposent frauduleusement la mention « confidentiel » sur un document.
    Certains au groupe LFI-NUPES posent à nouveau la question de savoir pourquoi nous aurions besoin de cette protection. Nous en avons largement débattu mais je le redis. Cela s’explique d’abord par l’extraterritorialité de l’application du droit de certains pays. Vous ne voulez pas l’entendre. Dont acte.

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous voulons une démonstration !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Mme Ménard l’a très bien dit dans son intervention à la tribune : les entreprises françaises préfèrent embaucher des juristes étrangers bénéficiant de cette protection plutôt que des professionnels français.
    Une autre motivation réside dans les risques d’auto-incrimination. Lors des auditions, les juristes d’entreprise ont insisté sur la schizophrénie qui caractérise leur démarche : soit ils donnent d’utiles conseils aux entreprises et ils les exposent au risque de devoir s’auto-incriminer ; soit ils ne disent rien pour éviter tout problème. Ce n’est à l’évidence pas satisfaisant.
    Vous voyez bien qu’on vous répond, monsieur Iordanoff. Vous n’êtes pas d’accord avec nous, mais nous répondons à vos questions !

    M. Jérémie Iordanoff

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    Pas à toutes !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Enfin, madame K/Bidi, vous voulez réserver la confidentialité aux avocats, parce qu’ils seraient indépendants. Je suis désolé de vous dire, ma chère collègue – j’allais dire « ma chère consœur » –,…

    M. Philippe Gosselin

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    Attention au conflit d’intérêts !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    …que le dispositif du legal privilege existe partout dans le monde, sauf en Italie et au Luxembourg. Dans ce cadre, l’apposition de confidentialité est ouverte non seulement aux avocats mais aussi aux juristes d’entreprise. Un professionnel belge que nous avons auditionné nous a dit qu’il avait la possibilité de sécuriser ses consultations, alors qu’il n’est que juriste d’entreprise, si j’ose dire. Il serait dommage que nous fassions partie des derniers pays au monde à ne pas assurer cette protection que nous devons à nos entreprises. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements de suppression ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Sans surprise, le Gouvernement y est totalement opposé.
    Monsieur Breton, vous dites que cette proposition de loi ne répond pas à des faits objectifs. Il se trouve que si : de nombreuses grandes entreprises, voire très grandes entreprises, ont choisi d’établir leur siège hors de nos frontières pour les raisons que nous avons évoquées. D’autre part, nous sommes l’un des rares pays au sein de l’OCDE à ne pas appliquer ce dispositif de protection des consultations des juristes d’entreprise.
    Au-delà des aspects purement juridiques, ce texte renvoie à plusieurs enjeux : l’attractivité de la France, le rayonnement du droit français, les emplois et même la francophonie – je reviens d’un déplacement à l’étranger. Cela n’a rien d’anecdotique pour la représentation nationale.
    Je rappellerai rapidement quelques points. Premièrement, la confidentialité ne porte que sur les consultations juridiques. Les autres documents, permettant de caractériser d’éventuels manquements, demeurent saisissables. Deuxièmement, ces consultations font l’objet d’une traçabilité particulière dans les dossiers de l’entreprise : le juriste de l’entreprise et ses dirigeants ne pourront s’opposer à la saisie de la totalité d’une boîte mail ou d’un autre document au motif que la confidentialité s’appliquerait. Seuls les documents préalablement identifiés seront couverts. Troisièmement, le dispositif prévoit une procédure de levée de la confidentialité, en cas de contestation. Quatrièmement, une incrimination spécifique est prévue à l’encontre de ceux qui tenteraient de détourner le dispositif. Enfin, dernier élément, le plus important, celui qui devrait mettre fin aux fantasmes dont nous avons déjà entendu l’expression, le champ fiscal et le champ pénal sont exclus du périmètre de ces dispositions : nul ne pourra exciper d’une quelconque confidentialité en ces domaines. Les choses sont claires.
    Il faut arrêter de dire que les avocats sont opposés dans leur ensemble à ce texte. Il y a des divergences au sein des barreaux.

    M. Xavier Breton

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    Seul le barreau de Paris y est favorable !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’entends bien, mais ce n’est pas n’importe lequel : il regroupe la moitié des avocats de France !
    Je ne suis le relais de personne,…

    M. Ugo Bernalicis

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    Même pas du Medef ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …je me contente de constater que les barreaux sont divisés sur cette question…

    M. Ugo Bernalicis

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    Le CNB est contre le texte !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et de réaffirmer qu’il ne s’agit pas de créer une nouvelle profession réglementée. Je le répète, les avocats sont divisés sur ce texte, comme vous l’êtes vous-mêmes au sein de votre groupe. Tout cela se discute et requiert du travail. Nous avons pris toutes les précautions nécessaires pour éviter les écueils que vous avez pu, les uns et les autres, signaler. Dans ces conditions, je souhaite que nous avancions et que ces amendements soient rejetés.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Le rapporteur et le ministre sont déjà revenus sur de nombreux arguments ; je serai donc bref.
    Ce texte, madame Untermaier, n’est pas un cheval de Troie destiné à faire entrer en France l’avocat salarié d’entreprise ! Nous savons très bien que les barreaux de notre pays n’en veulent pas. Ce n’est pas dans la tradition juridique française. Ce n’est pas non plus nécessairement compatible avec le statut de l’avocat, qui suppose l’indépendance.
    Le juriste d’entreprise n’est pas non plus un avocat au rabais, chère collègue K/Bidi. Les règles de confidentialité sont très précises : il s’agit d’une confidentialité in rem qui s’applique à des documents, et encore pas tous, seule la consultation étant concernée. Nous sommes très loin d’une confidentialité in personam qui couvrirait la totalité des documents, confidentialité attachée à la personne propre de l’avocat, qui reste un auxiliaire de justice.
    De toute façon, le juriste d’entreprise ne sera jamais un avocat salarié – le texte ne le prévoit pas et il n’y a pas de plan caché ni de plan B. Il faut favoriser, avec conviction, le droit continental, qui est en concurrence forte avec le droit anglo-saxon – ne soyons pas naïfs. Je ne dis pas que c’est la seule condition à la compétitivité, parce qu’il y a beaucoup d’autres pierres à apporter à l’édifice. Je ne dis pas non plus que la confidentialité résoudra tous les problèmes liés à l’extraterritorialité du droit américain – un vrai scandale – mais, sans être parfait, il peut les limiter ou permettre de contourner l’obstacle.
    Enfin, évitons les fantasmes : le périmètre de la confidentialité se limite aux matières civile, commerciale et administrative et exclut le champ régalien, à savoir la procédure pénale ou fiscale. Le cadre demeure donc étroit. Nous sommes bien loin d’une prétendue généralisation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    Je voudrais souligner un problème lié au dispositif, à la lumière d’une note de l’AMF, selon laquelle « la recherche de ces infractions est étroitement articulée par la loi avec les procédures pénales. Dès lors, la confidentialité pourrait se trouver opposable à l’AMF, mais non pas à l’autorité pénale, sans aucune justification. Le PNF a du reste matière à partager ces inquiétudes, s’agissant des abus de marché donnant lieu à des poursuites pénales à la suite d’enquêtes de l’AMF – soit 80 % de ces dossiers traités par le PNF – car le risque existe alors que le PNF doive refaire l’enquête diligentée par l’AMF, afin de récupérer les documents qui auraient été refusés à celle-ci, motif pris de leur confidentialité. » Je crois que ces arguments avancés par l’AMF devaient être connus par l’Assemblée nationale avant qu’elle ne se prononce sur les amendements de suppression.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 4, 32, 33, 41, 61 et 89.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        93
            Nombre de suffrages exprimés                93
            Majorité absolue                        47
                    Pour l’adoption                43
                    Contre                50

    (Les amendements identiques nos 1, 4, 32, 33, 41, 61 et 89 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 64.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Cet amendement vise à introduire une condition de fond supplémentaire pour qu’une consultation juridique bénéficie de la confidentialité, qui s’ajouterait ainsi aux autres conditions de la confidentialité des consultations, notamment le niveau de diplôme des juristes d’entreprise et leur formation aux règles éthiques.
    Nous avons entendu en commission les arguments de notre collègue Ugo Bernalicis, selon lequel la proposition de loi ferait courir le risque que des juristes d’entreprise ou des chefs d’entreprise placent sous le régime de la confidentialité bien d’autres choses que la consultation juridique. C’est pourquoi cet amendement tend à préciser ce qu’est une consultation juridique, à savoir la fourniture d’un avis ou d’un conseil fondé sur l’application d’une règle de droit. Cette précision permettra de bien circonscrire le périmètre de la confidentialité et de rassurer quant au caractère opérationnel du dispositif, dont le seul objet est d’empêcher de contrevenir à la confidentialité des consultations.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’ai en l’occurrence une petite divergence avec M. le rapporteur – cela arrive rarement.
    Je comprends parfaitement l’objectif de son amendement mais je crains que donner une définition légale à la consultation juridique n’excède le simple objet de la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise. En outre, je pense que cette définition est fournie par la jurisprudence qui offre d’ores et déjà les contours de ce qu’est une consultation. Inscrire dans la loi une définition de la consultation juridique rédigée par un juriste d’entreprise me semble un exercice périlleux, qui pourrait même s’avérer contre-productif à l’heure des évolutions technologiques, toujours plus rapides que celles de la législation. À mon avis, la souplesse et l’adaptabilité d’une définition jurisprudentielle sont préférables.
    Je suis donc au regret de vous dire, monsieur le rapporteur, que l’avis du Gouvernement est défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton

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    L’amendement que défend le rapporteur est très proche de celui que notre collègue Habert-Dassault avait déposé : il souhaitait lui aussi que la loi définisse précisément la notion de consultation juridique. Il ne peut malheureusement pas être présent pour le soutenir mais je le dis pour que ce soit inscrit au compte rendu.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous prétendez que cet amendement devrait nous rassurer, alors qu’il est tautologique. Il affirme qu’une consultation juridique doit s’appuyer sur une règle de droit. On s’en douterait : heureusement qu’on ne transmet pas des coloriages sous le sceau de la confidentialité !
    En revanche, cela peut entraîner d’autres difficultés : dès lors que l’on crée un cadre très précis, la profession de juriste d’entreprise devient une profession réglementée qu’il faut contrôler. Or vous ne voulez pas créer de profession réglementée !
    Quoi qu’il en soit, ce n’est pas le problème central et principal, qui est que l’on va cacher des informations aux autorités de contrôle et rendre les armes inégales, dans le cadre d’un procès, entre les entreprises qui n’auront pas de juriste d’entreprise et celles qui en disposeront et pourront ainsi utiliser la confidentialité.
    Le garde des sceaux souhaite moins de contrainte et plus de souplesse, en laissant au juge le soin de définir la consultation juridique à l’occasion des contentieux. Pour ma part, je suis plutôt défavorable à cet amendement parce qu’il crée une réglementation qui va dans le sens d’une profession réglementée puis de l’avocat d’entreprise. Bien sûr que vous allez mettre le pied dedans : on vous connaît ! Vous voulez qu’on vous rappelle le scénario du covid ? Vous disiez que jamais il n’y aurait de passe sanitaire, et deux semaines après, il y avait un passe !

    M. Philippe Gosselin

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    Ça n’a rien à voir !

    M. Ugo Bernalicis

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    On vous connaît suffisamment – nous vous pratiquons depuis maintenant sept ans – pour savoir ce que sera le coup d’après. Même si vous ne le faites pas tout de suite, d’autres le feront après vous ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Si je comprends les propos de M. le garde des sceaux selon lesquels la définition de la consultation juridique est déjà fixée par la jurisprudence, en revanche, je ne comprends pas l’argumentaire avancé par le groupe La France insoumise. Cher collègue Bernalicis, en commission, vous n’avez cessé de nous alerter sur le fait que l’on pourrait mettre tout et n’importe quoi derrière la notion de consultation juridique, ce qui permettrait à des chefs d’entreprise et à des juristes d’entreprise de dissimuler des preuves. C’est au fond ce que nous a dit notre collègue Acquaviva.

    M. Ugo Bernalicis

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    Votre amendement n’y change rien !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Au contraire, cher collègue ! À partir du moment où l’on définit très précisément ce qu’est une consultation juridique, on circonscrit encore un peu plus le périmètre de la confidentialité des consultations.

    M. Ugo Bernalicis

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    Celui qui veut dissimuler dissimulera !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Vous ne pouvez pas nous dire, le matin, que nous allons inclure n’importe quoi dans le périmètre des consultations, et, l’après-midi, qu’il ne faut pas définir de manière restrictive la notion…

    M. Ugo Bernalicis

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    Restrictive, c’est vite dit !

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    …parce que cela risque de créer une profession réglementée ! Tout cela manque vraiment de bon sens.
    Je vous demande, chers collègues, d’en faire preuve en votant pour l’amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    (L’amendement no 64 est adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 62 rectifié de M. le rapporteur est rédactionnel.

    (L’amendement no 62 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement n° 75, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Christophe Blanchet, pour soutenir l’amendement no 31.

    M. Christophe Blanchet

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    Avec cet amendement, je veux évoquer le sujet – qui n’a pas encore été abordé – de la contrefaçon. Nous proposons que les personnes qualifiées en propriété intellectuelle et salariées d’une entreprise puissent défendre leurs travaux au moyen de la confidentialité, au même titre que les juristes. En l’état de la rédaction, la proposition de loi protège en effet la marque, le design et l’esthétique, mais pas l’innovation technologique, autrement dit le contenu du brevet. Comme les juristes, les personnes qualifiées en propriété intellectuelle de l’entreprise réalisent des consultations juridiques mais seulement sur les brevets d’invention : on touche là au cœur de la recherche et développement. C’est pourquoi ces personnes sont des ingénieurs qui ont suivi une solide formation en droit, notamment au Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle (Ceipi), à Strasbourg.
    Prenons un petit exemple d’extraterritorialité : une entreprise américaine dépose un brevet de machine à café qui ressemble à une machine française. Elle ne parvient pas à résoudre un problème technique : supposons que la machine dispose du bouton pour faire le café court, mais pas de celui pour le café long. Au prétexte d’être victime d’une contrefaçon, l’entreprise américaine peut saisir la justice française pour défendre ses brevets et venir consulter toutes les informations scientifiques analysées dans la consultation juridique de la personne qualifiée, salariée de l’entreprise française. Cette consultation contient toute la recherche et développement du produit, notamment la résolution des problèmes techniques. La procédure permettra de prouver aux Américains qu’ils n’ont pas subi de contrefaçon, mais elle leur offrira en même temps sur un plateau tous les moyens de copier le produit français.
    Voilà comment, en ne permettant pas à nos ingénieurs qualifiés reconnus officiellement par l’Inpi de protéger leurs travaux par la confidentialité, on fait courir à nos entreprises le risque de se faire piller. Comme les juristes, les personnes qualifiées en propriété intellectuelle, salariées d’une entreprise, ne peuvent pas protéger leurs travaux par la confidentialité. Chaque jour, des juristes comme des personnes qualifiées s’autocensurent quand ils rédigent des consultations juridiques car s’ils en écrivent trop, ils risquent d’auto-incriminer leur entreprise ou de dévoiler ses secrets de fabrication. C’est pourquoi la proposition de loi, indispensable, est incomplète en l’état. Cet amendement vise à la compléter, en protégeant autant les personnes qualifiées que les juristes d’entreprise, autant la marque et le design que la recherche et développement.

    M. Romain Daubié

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    C’est brillant !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Nous avons déjà débattu de cet amendement. J’en partage l’objectif. Des entreprises françaises se font piller leurs brevets et leurs documents.

    M. Ugo Bernalicis

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    Comme Alstom par General Electric, avec un certain M. Macron à la manœuvre ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    C’est pourquoi vous souhaitez étendre la confidentialité aux avis des personnes qualifiées en propriété industrielle, salariées d’une entreprise – en l’occurrence des ingénieurs qui ont passé une certification en propriété intellectuelle et dont les travaux sont protégés. Cette proposition de loi va aider les entreprises que vous évoquez, car leur service juridique bénéficiera demain de consultations juridiques, avis ou conseils donnés sur l’application d’une règle de droit relative à la propriété intellectuelle. Le texte apporte donc une partie de la réponse à votre préoccupation.
    En revanche, je ne souhaite pas qu’on ouvre la boîte de Pandore en ouvrant le dispositif à des ingénieurs ; par la suite, des ingénieurs agronomes pourraient très bien se targuer de compétences leur permettant d’offrir une consultation de ce type et de bénéficier ainsi de la confidentialité. La proposition de loi doit être circonscrite à son objectif initial, qui est de permettre à des juristes d’entreprise dotés d’une qualification déterminée et qui ont suivi une formation aux règles éthiques d’obtenir la confidentialité de leurs travaux. Étendre le périmètre du texte serait malvenu, même si je comprends les enjeux que vous soulevez. Ceux-ci peuvent d’ailleurs être traités par d’autres leviers : le legal privilege n’est pas l’alpha et l’omega de la protection de nos entreprises à l’égard des ingérences étrangères – il existe aussi, entre autres, le secret des affaires. La présente proposition de loi traite strictement de la confidentialité de la consultation juridique en matières commerciale, civile ou administrative.
    Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Un mot seulement, M. le rapporteur ayant été très complet.
    Monsieur Blanchet, vous souhaitez étendre la confidentialité aux avis rendus par les ingénieurs. Or la proposition de loi prévoit que la confidentialité sera attachée aux documents, et non aux personnes. Dès lors, par souci de cohérence, vous comprendrez que je ne puis être que défavorable à cet amendement ; j’en comprends évidemment le sens, mais il dénaturerait à nos yeux le texte que nous souhaitons voir aboutir.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Blanchet.

    M. Christophe Blanchet

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    Monsieur le rapporteur, j’apprécie la qualité des échanges que nous avons eus, durant lesquels j’ai pu vous exposer mon point de vue et l’analyse différente que je fais de ce texte. Je rappellerai simplement que la France est le deuxième pays le plus contrefait au monde, et ce sont nos brevets qui sont pillés.
    J’entends parfaitement ce que vous dites, monsieur le ministre, notamment la distinction que vous dressez entre les documents et les personnes. Cependant, les juristes qualifiés traiteront des documents relatifs aux marques et aux modèles, et non de ceux concernant les brevets, qui font l’objet de l’amendement. Je le maintiens donc.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme.

    M. Jean-François Coulomme

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    Répétons-le : la loi du 26 juillet 1968 permet déjà de protéger les données des entreprises. S’y ajoute la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, que vous avez fait adopter au cours de la précédente législature – loi selon nous assez infâme, puisqu’elle a pour mission de dissuader les lanceurs d’alerte.
    La France insoumise est opposée à l’élargissement du champ de la disposition. On constate déjà les effets de bord de la proposition de loi : toutes les professions à l’intérieur de l’entreprise vont pouvoir se prévaloir de la confidentialité. En effet, pourquoi la limiter aux juristes d’entreprise, et ne pas l’étendre par exemple à la propriété industrielle ?
    Toutefois, celle-ci est déjà protégée par les dépôts de brevet. Peut-être faudrait-il renforcer la protection à l’échelon européen : de toute évidence, elle n’est pas suffisante. Mais la vérité est que la plupart de nos brevets sont pillés d’une autre manière que par l’espionnage ou par les investigations judiciaires : il suffit qu’un fonds de pension rachète une entreprise en difficulté, la dépouille et conserve les brevets…

    M. Philippe Gosselin

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    Ce n’est pas de la contrefaçon !

    M. Jean-François Coulomme

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    …ainsi que certains actifs, jetant tout le reste, y compris les salariés. C’est contre cela qu’on aurait aimé voir un gouvernement se battre, plutôt que de faire des jeux d’ombre avec les juristes d’entreprise !

    (L’amendement no 31 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Béatrice Roullaud, pour soutenir l’amendement no 75.

    Mme Béatrice Roullaud

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    Il vise à supprimer les mots « membre de son équipe » à l’alinéa 2 et à l’alinéa 4 de l’article 1er, afin de circonscrire la confidentialité des consultations juridiques – si elle est votée – au seul juriste d’entreprise. En effet, on ignore si les membres de son équipe sont suffisamment qualifiés et s’ils font preuve de probité.
    Tel qu’il est rédigé, l’article 1er demeure très vague : il mentionne un « diplôme équivalent », englobant bien des profils, de bon comme de moins bon niveau. Si les privilèges liés à la confidentialité étaient étendus non seulement au juriste d’entreprise, mais encore à tout membre de son équipe, nous irions vers une dérive dangereuse.
    Il a été souligné tout à l’heure que la confidentialité n’était liée qu’aux documents ; or c’est justement là que réside le problème, dans cette confidentialité in rem. Un avocat est soumis au secret professionnel, mais son client ne l’est pas. Dès lors, ce dernier peut prendre n’importe quelle pièce de la consultation juridique, et la produire en justice. Le problème, c’est qu’ici, la confidentialité est attachée à la chose, au document, à la consultation écrite. De ce fait, il ne faut absolument pas que la confidentialité soit étendue aux membres de l’équipe du juriste d’entreprise. Pour le coup, vous ouvririez la boîte de Pandore !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Nous avons déjà eu le débat en commission. On exige du juriste d’entreprise un certain niveau de formation ; il en est de même pour les membres de son équipe, qui sont eux aussi des juristes d’entreprise, placés sous l’autorité du directeur juridique. C’est pourquoi nous ne voulons pas limiter la confidentialité au seul juriste d’entreprise – en d’autres termes, au directeur juridique. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne peux que faire miens les propos tenus par M. le rapporteur : ils sont clairs et limpides. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ian Boucard.

    M. Ian Boucard

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    Je suis très défavorable à l’amendement no 75. En réalité, je suis gêné par plusieurs propos tenus depuis le début de cette discussion. Je comprends très bien qu’on veuille défendre la profession d’avocat ; j’entends aussi des avocats qui défendent leur profession, ce qui est bien naturel. Cependant, depuis tout à l’heure, j’ai l’impression que les juristes d’entreprise constituent, dans notre pays, une infamie. Certains semblent considérer que des juristes qui auraient une équipe placée sous leur responsabilité seraient nécessairement entourés de gens incompétents. On parle d’un « diplôme équivalent » en sous-entendant qu’il est moins bon ; or soit un diplôme est équivalent, soit il ne l’est pas !
    Les avocats ont souvent des juristes placés sous leur responsabilité, cela ne les dédouane pas de cette dernière. À l’hôpital, quand bien même vous êtes soigné par un interne, la responsabilité du soin incombe au médecin-chef. Dans de nombreuses professions de notre pays, ceux qui encadrent une équipe prennent leurs responsabilités. Le présent texte prévoit qu’il en ira de même pour le juriste d’entreprise. D’où vient cette suspicion étonnante ? (Mme Béatrice Roullaud s’exclame.)
    Vous n’êtes pas la seule visée, collègue Roullaud ; cette suspicion, je la perçois depuis le début du débat. On peut tout à fait être opposé à ce texte ; je le comprends très bien. Mme Untermaier a ainsi expliqué qu’elle était contre et j’entends ses arguments, même si je ne les partage pas. Mais plusieurs autres intervenants font peser une suspicion sur les juristes d’entreprise, comme s’ils étaient nécessairement corrompus au profit de leur entreprise.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Non : ils sont subordonnés !

    M. Ian Boucard

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    Je trouve cela infamant à l’égard des juristes d’entreprise, et je le dis avec d’autant plus de facilité que ce n’est pas mon métier. Il me semble possible d’exposer ses arguments et de défendre la profession d’avocat sans s’abaisser à cela. Élevons le débat !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Ils sont contre les entreprises !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je rappellerai un bon vieux principe, que l’on oublie et que j’aime beaucoup, même s’il peut sembler obsolète par les temps qui courent, qui sont à la radicalisation de tout : la mauvaise foi ne se présume pas. Vous avez évoqué, monsieur Boucard, la suspicion à l’encontre des juristes d’entreprise, mais il y a aussi, de l’autre côté de l’hémicycle, une suspicion à l’encontre des entreprises elles-mêmes !

    M. Philippe Gosselin

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    C’est une marque de fabrique pour eux, c’est différent !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Vous avez raison, monsieur Gosselin, c’est tautologique !
    Personne ne veut porter atteinte aux avocats, c’est clair ; ils ont des dissensions sur ce texte, c’est une réalité. Les juristes d’entreprise ne sont pas non plus quantité négligeable. Et le patronat, qui fait tourner notre économie,…

    M. Jean-François Coulomme

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    Ce ne sont pas plutôt les salariés qui font tourner l’économie ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …cela n’est pas rien non plus. Je suis un peu désespéré de voir certains grands patrons de grandes boîtes partir à l’étranger, parce qu’on n’a pas su s’adapter et qu’on a – à mon avis – quelques années de retard. Voilà pourquoi je défends ce texte bec et ongles.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Nous n’avons pas à nous accuser les uns les autres, et je ne veux pas entrer dans cette logique. Il est vrai que je ne connais pas de juriste d’entreprise, mais je ne suis pas avocate non plus. Ce n’est pas parce que je défends l’œuvre de justice, et l’engagement de certains professionnels dans cette tâche difficile, que je suis contre l’entreprise et contre les juristes d’entreprise ! C’est très respectable d’être un juriste d’entreprise, mais c’est très important aussi d’être un avocat et de faire œuvre de justice avec sérénité, sans risque de voir le secret professionnel débordé par la confidentialité. Il s’agit d’un sujet de fond, non d’une polémique inutile et dégradante pour les parlementaires.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Ce n’est pas vous qui étiez visée, madame la députée.

    M. Ian Boucard

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    Et c’est bien ce que j’ai dit !

    Mme la présidente

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    Donc tout le monde est d’accord et tout va très bien !
    Je mets aux voix l’amendement no 75.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Avec bienveillance ! (Sourires.)

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        57
            Nombre de suffrages exprimés                56
            Majorité absolue                        29
                    Pour l’adoption                12
                    Contre                44

    (L’amendement no 75 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Emeline K/Bidi, pour soutenir l’amendement no 42.

    Mme Emeline K/Bidi

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    Il s’agit d’un amendement de repli.
    Nous souhaitons appeler l’attention de l’Assemblée sur les conditions exigées pour devenir juriste d’entreprise et bénéficier de la fameuse confidentialité. On parle de diplôme équivalent, mais ce qui nous inquiète véritablement, c’est la façon dont vous définissez le juriste d’entreprise : il ressemble à un avocat, il en a le goût, il en a l’odeur, mais vous dites que ce n’en est pas un. Il n’aura pas de déontologie, mais il aura des règles éthiques ; ce ne sera pas une profession réglementée, mais il sera soumis à des obligations ; il aura exactement le même parcours et la même formation, il sera soumis à la même obligation de formation, mais rassurons-nous, ce n’est pas un avocat. J’ai quand même l’impression que cela va en devenir un ! C’est effectivement l’avocat d’entreprise que vous souhaitez, timidement, commencer à instaurer ; puis, une fois le pied mis dans la porte, on y viendra, doucement, mais sûrement.
    Nous nous y opposons, parce que cela porte atteinte, non seulement à la profession d’avocat, mais à tout ce qui sous-tend cette profession, à tout ce qu’elle protège, représente et incarne au regard des principes de justice, auxquels nous sommes attachés.

    M. Bruno Millienne

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    C’est beau, le corporatisme !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Nous avons déjà eu ce débat. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Nous avons débattu tout à l’heure du niveau de diplôme équivalent ; cette fois, on considère que ce niveau serait inférieur. Bref : tout est bon pour dénigrer les juristes d’entreprise.
    Je le répète : il ne s’agit pas d’en faire l’équivalent des avocats. Il n’y a pas de cheval de Troie ! Ce ne sont pas des avocats au rabais. Leur statut est clair ; ils ne seront jamais – cela a été dit, il n’y a pas de porte entrouverte – des auxiliaires de la justice. Nous voulons seulement faciliter les choses, et il convient de ne pas fantasmer sur ce que ces juristes pourraient être. Cette façon de laisser de côté le niveau master, par exemple, n’est pas très audible. (Mme Béatrice Roullaud s’exclame.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme.

    M. Jean-François Coulomme

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    En membre discipliné de la commission des lois, j’assiste aux auditions, j’écoute le Medef, j’écoute l’Association française des juristes en entreprise ; dans la même journée, ces deux structures assurent que la profession de juriste d’entreprise est composée de gens qui ont des parcours tout à fait singuliers, n’ayant aucune similarité entre eux. C’est un argument qui invite à ne pas réglementer cette profession, à l’inverse de ce que fait ce texte, qui en précise la durée d’études, ainsi que les conditions éthiques et morales, avec une surveillance extérieure. Quoi que vous en disiez, il s’agit bien d’une réglementation.
    Les employeurs de ces salariés – car ce sont des salariés – affirment recruter des profils parfois atypiques, qui peuvent être des gens n’ayant fait aucune étude de droit, mais qui ont des connaissances techniques dans tel ou tel domaine. Par conséquent, de l’avis même de ceux qui défendent cette profession, elle n’est pas susceptible d’être réglementée.

    (L’amendement no 42 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 63 et 85, qui font l’objet de trois sous-amendements nos 94, 95 et 96.
    La parole est à M. Jean Terlier, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 63.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Cet amendement résulte des débats que nous avons eus en commission. Il vise, d’une part, à clarifier le rôle de la commission, d’autre part, à préciser que les frais de formation doivent être pris en charge par l’employeur. Le juriste ne sera ainsi pas contraint d’utiliser son compte personnel de formation : c’était une demande formulée par plusieurs commissaires aux lois.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Yadan, pour soutenir l’amendement no 85.

    Mme Caroline Yadan

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    L’entreprise doit impérativement prendre en charge les frais de formation afin de ne pas créer d’inégalité entre les salariés. L’amendement vient également compléter les conditions dans lesquelles les règles éthiques doivent être précisées.

    Mme la présidente

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    Les sous-amendements nos 94, 95 et 96 de M. Philippe Schreck sont défendus.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces sous-amendements ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques et les sous-amendements ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Défavorable sur les sous-amendements, favorable sur les amendements.

    (Les sous-amendements nos 94, 95 et 96, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (Les amendements identiques nos 63 et 85 sont adoptés ; en conséquence, les amendements nos 37 à 29 tombent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement no 26.

    M. Ugo Bernalicis

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    Par cet amendement d’appel déposé à l’initiative de notre collègue Raquel Garrido, nous souhaitons vous tester, afin de savoir jusqu’à quel niveau de réglementation vous voulez aller.

    M. Philippe Gosselin

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    Vous testez facilement…

    M. Ugo Bernalicis

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    Si l’on fixe des normes et que l’on encadre plus précisément l’activité du juriste d’entreprise, il faut un contrôle. L’activité de consultation juridique, exercée par quelqu’un qui est à son compte, est réglementée par les ordres, tandis que, pour l’heure, la profession de juriste d’entreprise ne l’est pas du tout. Voulez-vous donc que le Conseil national des barreaux édicte les normes auxquelles le juriste d’entreprise sera soumis ? J’attends avec curiosité et gourmandise votre avis sur cet amendement.
    Nous vous avons interrogés à plusieurs reprises à propos d’une loi visant à lutter contre les ingérences. Même si nous passons à d’autres amendements, il serait bon que vous nous répondiez. Tout le monde a envie de savoir si cette loi, qui est censée nous protéger contre les ingérences à travers la communication de documents, fonctionne, si le décret de 2022 fonctionne et si le service créé au sein du ministère de l’économie fonctionne. Est-il sollicité par les entreprises ? Comme nous n’avons pas l’étude d’impact, vous pourriez au moins, monsieur le ministre, nous renseigner à ce sujet.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Avis défavorable. L’employeur n’a pas à suivre de formation aux règles éthiques ; c’est au juriste d’entreprise, qui va apposer la mention « confidentiel », de le faire. Je ne suis pas non plus favorable à ce que l’on ne sanctionne pas pénalement le juriste qui aurait apposé frauduleusement cette mention. Je proposerai dans un amendement ultérieur d’instituer une sanction à double degré, qui viserait à la fois le juriste qui aurait fraudé et le chef d’entreprise s’il s’avérait qu’il a incité à la fraude. Votre amendement sera ainsi satisfait, tout du moins pour sa deuxième partie.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Yadan.

    Mme Caroline Yadan

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    On dit que la rédaction actuelle serait grave et dangereuse, parce qu’elle reviendrait à créer, de fait, une profession réglementée ; mais il n’en est rien. La profession réglementée a des caractéristiques qu’on ne retrouve pas dans ce texte : le titre, l’activité réservée, l’obligation d’avoir une assurance, les formations requises, un ordre, des règles déontologiques…

    Mme Emeline K/Bidi

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    Et des règles éthiques.

    Mme Caroline Yadan

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    Le texte ne porte que sur la confidentialité, pour des documents spécifiques. Sa rédaction ne comporte aucun caractère grave ou dangereux.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Il commence tout de même par y avoir un petit faisceau d’indices sur la naissance d’une profession réglementée…
    Vous créez un privilège particulier, donc vous envisagez, pour que ce ne soit pas n’importe quoi, d’instaurer des règles – mais pas trop, pour éviter de créer une profession réglementée, ce qui mécontenterait les avocats, y compris peut-être le barreau de Paris. On se trouve ainsi dans un entre-deux qui ne convient sans doute à personne.
    Vous avez bien vu, monsieur le rapporteur, que nous soulevions la question de la responsabilité du dirigeant d’entreprise, ce dernier ne pouvant se défausser sur le juriste. Vous semblez, et c’est assez fascinant, nier ce qu’est un salarié, qui se trouve dans un rapport de subordination.

    M. Jean-François Coulomme

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    Ils n’en ont pas vu beaucoup !

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce n’est pas que j’aie un problème, en la circonstance, avec le patronat… (Exclamations sur les bancs des groupes RE, LR et Dem.)

    M. Bruno Millienne

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    Un peu quand même !

    M. Ugo Bernalicis

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    Par principe, oui, mais en la circonstance, non. Parler de rapport de subordination, c’est simplement rappeler le code du travail. Que vous ne le compreniez pas signale peut-être l’intention politique du texte.

    (L’amendement no 26 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 65 de M. le rapporteur est rédactionnel.

    (L’amendement no 65, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 66.

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Il s’agit d’étendre le dispositif à l’ensemble des versions successives d’une consultation qui serait couverte par la confidentialité.

    (L’amendement no 66, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 25.

    M. Jean-François Coulomme

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    Nous ne sommes pas dupes du fait qu’il s’agit de créer là une nouvelle profession réglementée. Tant qu’à faire, allons-y gaiement ! Nous proposons de supprimer le lien de subordination ; l’ensemble du statut doit découler du privilège de confidentialité et être assimilé à celui d’un avocat, même si vous ne voulez pas l’appeler ainsi – bien que, si cette loi venait à être adoptée, on puisse imaginer que, dans quelques mois ou quelques années, un petit artifice serait utilisé pour transformer le nom de « juriste d’entreprise » en celui d’« avocat d’entreprise », et le tour sera joué. Nous sommes ainsi partisans de faire de cette profession une profession indépendante, et légitime, dès lors, à se prévaloir d’une confidentialité.
    Nous proposons également que le juriste d’entreprise, n’étant plus subordonné à l’autorité d’une entreprise, puisse s’installer librement pour exercer son métier.
    Je voudrais enfin dire à nos amis juristes d’entreprise que, s’ils pensent que cette loi va les protéger, ils se trompent : quand, dans une procédure pénale, fiscale ou autre, les choses commenceront à sentir le roussi, la fameuse confidentialité in rem sautera complètement. On dévoilera les documents produits par le salarié et on lui fera porter la responsabilité des mauvais choix que la direction aurait faits en suivant ses conseils juridiques.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean Terlier, rapporteur

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    Je suis très surpris : ce que vous souhaitez, avec cet amendement, c’est créer la profession d’avocat salarié en entreprise. Je le répète : j’y suis très défavorable.
    Vous ne pouvez pas prétendre défendre les avocats et répercuter leurs souhaits, tout en proposant ce qu’ils ne souhaitent absolument pas, à savoir la création d’un statut d’avocat salarié en entreprise. Encore une fois, c’est incohérent !
    Avis défavorable.

    M. Jean-François Coulomme

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    C’est vous qui le proposez, pas nous.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Caroline Yadan.

    Mme Caroline Yadan

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    Vous n’avez pas l’impression d’être un peu incohérents ?

    M. Laurent Croizier

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    Un peu beaucoup !

    Mme Caroline Yadan

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    Vous n’arrêtez pas de nous bassiner en disant : « Il ne faut absolument pas créer une profession réglementée, absolument pas créer une profession d’avocat salarié en entreprise » et, pourtant, votre amendement vise à créer exactement ce que vous contestez dans le texte.
    Vous ne cessez également de répéter que les avocats sont opposés à la proposition de loi, mais certains ne le sont pas. La preuve : je suis avocate et je n’y suis pas opposée.

    M. Ugo Bernalicis

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    Moi, je ne suis pas avocat et j’y suis opposé.

    Mme Caroline Yadan

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    Le barreau de Paris, autrement dit la moitié des avocats de France, y est favorable.

    M. Ugo Bernalicis

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    La majorité du barreau de Paris, pas l’unanimité. Revoyez vos calculs !

    Mme Caroline Yadan

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    Pourquoi ? M. le bâtonnier du barreau de Paris l’a dit : « Nous sommes favorables à tout ce qui peut permettre de rendre nos entreprises plus compétitives ». Ils ont compris que ce texte, non seulement ne portait pas atteinte à leur profession, mais qu’il répondait à un besoin d’intérêt général.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est que, pour connaître le fond de votre position, nous aimons à vous pousser dans les recoins. Vous vous êtes prévalus tout à l’heure de ce que les juristes d’entreprise auront une éthique. Alors qu’ils devaient se taire devant leur patron quand une infraction était commise dans l’entreprise, sans oser la mettre par écrit, grâce à votre texte, ils pourraient désormais le dire. Pourtant, ils seront toujours dans le même lien de subordination avec l’entreprise : vous ne touchez pas à cela. Vous faites croire qu’ils auront une pseudo-indépendance éthique mais pas du tout, ils resteront dans un lien de subordination. C’est pour ne pas casser ce lien que vous n’allez pas jusqu’à créer une profession réglementée, qui menacerait celle d’avocat.
    Vous restez donc dans un no man’s land, vous fabriquez une machine à contentieux qui ne fera que ralentir les procédures des autorités administratives françaises. C’est tout ! (M. Jean-François Coulomme applaudit.) Nous en avons là une nouvelle démonstration. Nous avons bien eu raison de déposer cet amendement, ainsi que ceux qui viendront ensuite. Cela nous permet de bien vous cerner.
    Quant au barreau de Paris, s’il est plutôt favorable à ce texte, il ne l’est pas unanimement.

    Mme Caroline Yadan

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    Idem pour le CNB !

    M. Ugo Bernalicis

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    Fort bien – mais c’est aussi, disons-le très directement, que certains cabinets d’avocats d’affaires aimeraient bien exercer une partie de leur activité comme juristes d’entreprise, avec une certaine stabilité, tout en continuant de faire quelques affaires à la demande. Chacun cherche sa tranquillité ! Toutefois, cette confidentialité des actes des juristes d’entreprise contribue-t-elle – j’en reviens aux propos de Jérémie Iordanoff – à l’intérêt général ? Non, elle ne satisfait que des intérêts particuliers. Cela n’a rien à faire dans la loi.
    Si quelqu’un veut une consultation juridique qui soit secrète, il fait appel à un avocat, qui, lui, a une déontologie et doit rendre des comptes devant un ordre. C’est très bien comme ça, et c’est ainsi que les choses doivent se passer dans une démocratie et un État de droit.

    (L’amendement no 25 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    5. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion de la proposition de loi relative à la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise ;
    Discussion de la proposition de loi visant à accélérer et à contrôler le verdissement des flottes automobiles.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra