L’Assemblée nationale est appelée, dans quelques jours, à se prononcer sur le projet de loi n°4631, présenté il y a peu en Conseil des Ministres, « portant reconnaissance de la Nation et réparation des préjudices subis par les harkis, par les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et par leurs familles du fait des conditions de leur accueil sur le territoire français ».

Historiquement, les harkis sont les personnes qui ont servi la France, ou du moins l’Algérie française durant la guerre d’Algérie. La France s’était alors engagée à accueillir tous les harkis et leur famille rapprochée après ce conflit. Les accords d’Evian du 18 mars 1962, ont permis l’accueil de seulement 42 500 harkis qui ont trouvé refuge dans notre pays, dans des conditions parfois déplorables et subissant des violences.

Si à première vue, ce texte gouvernemental, déposé à la hâte dans un calendrier législatif particulièrement dense, doit permettre de reconnaître la « dette de la nation à l’égard des harkis et assimilés » (pour reprendre les termes de l’exposé de ce projet de loi), il ne semble pas avoir emporté l’assentiment de tous les harkis, familles de harkis et associations représentatives.

Certes, des points positifs peuvent être soulevés. Ce projet de loi permet par exemple une véritable reconnaissance du statut de victime pour les harkis. Sur ce thème, évoqué dans l’article 1er du présent projet de loi, les associations représentatives considèrent que c’est une véritable clarification de la parole de la France sur la situation de l’époque. Même si elle peut être considérée comme un effet d’annonce, comme cela fut auparavant déjà le cas.

C’est le cas aussi pour l’article 7 du projet de loi qui satisfait certaines demandes historiques des veuves de harkis. Cet article lève les forclusions sur l’allocation viagère et étend le bénéfice de cette allocation aux veuves dont le conjoint avait fixé son domicile dans un autre État membre de l’Union Européenne.

Ce projet de loi intervient globalement après plusieurs avancées (revalorisation des allocations pour les harkis, aides pour les enfants de harkis…), mais certaines dispositions ne sont pas à la hauteur des promesses qui ont été faites au préalable de l’examen de ce texte. D’ailleurs, lors de la récente audition à l’Assemblée nationale ou en visioconférence d’une centaine d’associations, toutes étaient finalement opposées à ce texte.

Dans les faits, et cela est reproché par des représentants rencontrés le 10 novembre dernier dans les Vosges, ce projet de loi exclut un nombre incommensurable de victimes. Ainsi, toutes les personnes qui ont été chassées d’Algérie ne sont pas concernées, ni tous celles qui ont été mises dans des casernes. Cette exclusion est une douleur supplémentaire à laquelle elles doivent faire face.

La deuxième génération de Harkis est elle aussi inconsidérée dans ce texte, cette « communauté silencieuse » qui doit être également reconnue.

Pour toutes ces raisons, les différentes personnes auditionnées restent en désaccord le plus total avec les articles 2, 5 et 6 du projet de loi.

En outre, c’est le titre même de ce projet de loi qui ne correspond pas à la demande initiale. L’indemnisation est indifférente de l’épisode historique qui a été connu en Algérie. C’est une nouvelle douche froide.

Une fois pour toutes, l’attente de l’indemnisation unique et satisfactoire se fait ressentir. Et les associations ont le sentiment, une nouvelle fois, que ce texte passe totalement au travers des enjeux et de la réalité de l’histoire.

Enfin, sur les articles 3 et 4, des questions subsistent. L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) est bien sûr le meilleur organisme pour étudier les dossiers, c’est un de ses rôles historiques. Or, depuis quelques années, les moyens en ressources humaines de l’ONACVG sont en baisse. Dès lors, il convient d’augmenter à nouveau ces moyens à destination de l’ONACVG pour qu’il ait la capacité à assumer cette nouvelle mission.

Dans une période de pré-campagne électorale, ce texte s’avère finalement être une commande politique regrettable, alors que le sort des harkis et leur reconnaissance aurait mérité un travail parlementaire constructif. En tout état de cause, pour régler la « question » des harkis, il conviendrait au préalable de régler les difficultés que rencontre la France avec l’Algérie. Et ce ne sont pas les différentes maladresses récentes du Président de la République qui le permettront.