Raphael GERARD salue le dépôt de la proposition de loi n°2587 visant à protéger les victimes de violences conjugales, qui témoigne du souci porté par le législateur quant à l’amélioration du cadre législatif existant afin de mieux prévenir et mieux sanctionner les violences au sein des couples.

            Pour autant, considérant que la proposition de loi se présente comme le résultat législatif des travaux de concertation engagés dans le cadre du Grenelle des Violences Conjugales, il regrette que celle-ci associe, dans son exposé sommaire, les violences commises au sein des couples à la seule réalité des violences faites aux femmes. Sans remettre en question les statistiques du ministère de l’intérieur - près de 81% des morts violentes au sein du couple concernent des femmes - qui attestent de la nécessité de mieux combattre les féminicides dans la sphère intrafamiliale, il convient de rappeler que 375 000 personnes subissent des violences physiques ou sexuelles au sein du ménage, indépendamment de leur sexe ou de leur orientation sexuelle, d’après l’enquête de victimation « Cadre de vie et Sécurité » publiée chaque année par l’Observatoire de la délinquance et de la réponse pénale

            Les réunions publiques organisées en région, dans le cadre du Grenelle, ont permis d’identifier des défaillances de la part de l’Etat dans la prise en charge des hommes victimes de violences ou des victimes au sein des couples de même sexe. Ce constat est documenté par les études sociologiques de François Bonnet qui montrent comment la théorisation des violences conjugales comme « violences contre les femmes », aussi bien dans la littérature scientifique que dans la statistique publique et dans les politiques publiques en France contribue à freiner la prise en charge adéquate de ces victimes.

            Dans ce contexte, il eût été opportun que le législateur se saisisse du véhicule à sa disposition pour traduire dans le corps de la proposition de loi des recommandations formulées par les groupes de travail du Grenelle des Violences conjugales visant, d’une part, à « sensibiliser l’ensemble des acteurs et identifier des réponses adaptées à la situation des hommes victimes de violences au sein du couple » ou d’autre part, à « mettre en œuvre une formation adaptée des forces de l’ordre pour permettre un accueil bienveillant des victimes et des associations d’aide aux victimes afin de les sensibiliser sur les spécificités dont les personnes LGBT sont victimes ».

            Si les dispositions relatives à la formation de chacune des professions concernées relèvent en grande partie de la compétence du pouvoir réglementaire, l’obligation de formation des professionnels concernés aux violences conjugales relève de la loi. Aussi, il eût été pertinent de garantir la neutralité et l’inclusivité de la loi en réintroduisant à l’article 21 de la n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants la notion de « violences commises au sein des couples » afin de sensibiliser l’ensemble des professions concernées à la pluricontextualité des violences au sein du couple qui ne se superposent toujours aux enjeux de lutte contre les violences faites aux femmes.

 Une demande de rapport, dans une logique d’évaluation des politiques publiques, aurait pu ouvrir un espace de dialogue et de concertation pour que les services de l’Etat et l’ensemble des acteurs impliqués dans la prise en charge des victimes de violences conjugales s’interrogent sur la manière de mettre une œuvre une politique publique plus inclusive de l’ensemble des réalités des violences commises au sein des couples.

    Enfin, la proposition de loi aurait également pu permettre de poser les bases légales à des expérimentations permettant d’adapter les dispositifs d’accompagnement et de prise en charge des victimes qui échappent aujourd’hui à l’imaginaire social sexué autour des violences conjugales.

            En conclusion, Raphael GERARD affirme que la protection de toutes les victimes de violences conjugales passe, en premier lieu, par une libération de l’écoute des institutions.