Ce projet de loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 était très attendu par les acteurs du monde de la recherche et de l’enseignement supérieur. D’abord annoncé aux prémices de 2019, le projet sera repoussé à plusieurs reprises jusqu’à septembre 2020.
 
 Ce projet de loi avait pour objectif de replacer la France comme un pays leader en matière de recherche en s’alignant sur l’objectif de Lisbonne, c’est-à-dire d’allouer 3% de notre PIB à la recherche. À ce jour, nous étions bien en deçà de la moyenne européenne avec environ 2,1% de notre PIB seulement.
 
Or ce manque d’investissement se ressent fortement depuis quelques années et la capacité d’innovation de la France et de nos entreprises est à l’arrêt, constamment en retard sur nos pays voisins, les États-Unis et la Chine. Si ces retards impactent directement notre souveraineté sur des sujets pourtant majeurs comme le numérique, l’économie notamment verte, les énergies de demain, la mobilité, cela se traduit aussi par des sous-investissements dans les carrières scientifiques, sur les salaires de nos chercheurs qui préfèrent aller travailler à l’étranger.
 
Face à cette fuite en avant de nos cerveaux, mais aussi à des carrières scientifiques qui attirent de moins en moins les étudiants il était important qu’une loi forte vienne corriger le tir.
 
Néanmoins, ce texte n’est pas suffisamment à la hauteur du retard accumulé. Cela est d’autant plus surprenant au sortir de la crise de la Covid-19 dont les leçons semblent ne pas avoir été suffisamment tirées. Notre incapacité à répondre seul en matière de recherche interroge sur notre capacité souveraine en cas de crise, ce d’autant que l’Europe n’était pas supposée avoir un mandat sanitaire. C’était, jusqu’à ce jour, une prérogative de chaque État.
 
Concrètement, la hausse d’une enveloppe de 5 milliards sur 10 ans n’est pas assez ambitieuse. D’autant que la plupart de l’enveloppe sera créditée sur les dernières années ce qui pourrait donc ne jamais avoir lieu selon les conjonctures politiques futures. De plus, la concentration de 1 milliard d’euros de cette enveloppe à l’Agence nationale de recherche (ANR) pour financer des appels à projet interroge sur la place laissée par l’État à la recherche ambitieuse et autonome, celle qui souvent permet les plus grandes avancées. La recherche orientée a largement montré ses limites au cours de la crise Covid.
 
Nous noterons néanmoins avec satisfaction l’ajout de 3 milliards supplémentaires pour la recherche dans le plan de relance, en appelant de mes vœux que ces fonds supplémentaires ne viennent pas amputer l’objectif de 5 milliards et permettent au contraire d’arriver à 8 milliards.
 
Ensuite, ce projet propose la création des « chairs » de professeur junior, chemin de titularisation alternatif. Or nous le constatons partout à l’étranger, cela précarise le chercheur pendant ses premières années, sans certitude d’être reconnu et titularisé après par ses pairs. Une telle mesure risque d’accentuer la fuite en avant de nos jeunes chercheurs. La possibilité d’effectuer 20% des recrutements de cette manière dès la mise en place de la loi semble excessive. Initialement prévu à 25%, nos nombreux amendements ont permis de réduire ce pourcentage. Pour autant, une évaluation après les premières années apparait comme nécessaire pour évaluer tout le bien fondé de cette mesure.
 
Au regard des nouveaux contrats, des mesures de sécurisation et d’équilibre avec les titulaires seraient aussi de bonnes mesures. Le référent, c’est l’égalité dans la recherche et celui-ci est actuellement majoritairement représenté par le Conseil National des Universités. Sans cela, les chercheurs perdront pour beaucoup leur autonomie, déjà grandement affaiblie, ainsi que leur indépendance. Nous devons faire confiance comme ce le fut lors de chacun des grandes avancées, pour que nos chercheurs choisissent les objets et les orientations qui selon eux façonneront le monde de demain.
 
Par ailleurs, des dispositions dans la loi entérinant les revalorisations salariales sembleraient utile. La revalorisation à hauteur de 30 % pour les nouveaux contrats doctoraux est certes actée, mais qu’en est-il des anciens ?
 
Enfin, il n’est fait aucune mention dans la loi du sort des enseignants vacataires, alors que leur situation est alarmante. Une vive amélioration de leurs conditions, notamment salariales est urgente.