Deuxième séance du mardi 22 octobre 2024
- Présidence de Mme Nadège Abomangoli
- 1. Projet de loi de finances pour 2025
- Première partie (suite)
- Article 3
- Amendement no 3070
- M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
- Amendements nos 3446, 1764, 3387, 465, 642, 1457, 1234 et 750
- M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
- Amendements nos 3052, 3522, 3643, 2948, 3317, 3318, 3495, 2091, 3455, 2090, 2092 et 1768
- Rappel au règlement
- Article 3 (suite)
- Article 3
- Première partie (suite)
- 2. Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de Mme Nadège Abomangoli
vice-présidente
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1. Projet de loi de finances pour 2025
Première partie (suite)
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (nos 324, 468).
Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 3070 à l’article 3.
Article 3
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 3070, tendant à supprimer l’article 3.
M. Gérault Verny
L’article 3 vise en réalité à faire les poches de ceux qui financent l’innovation, les entreprises, donc les emplois à venir. Vous voulez taxer les riches, mais le premier centile des ménages les plus aisés représente 30 % des recettes de l’impôt sur le revenu (IR). Cet article vise précisément le prélèvement forfaitaire unique (PFU), ou flat tax. Le taux global du PFU est de 30 %, c’est-à-dire que la taxation minimum sur les revenus du patrimoine, ou revenus financiers, est de 30 % et non de 2 % comme certains le prétendent. Le PFU se divise en une part de 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu, et une part de 17,2 % au titre de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Il est intéressant de nous y arrêter, car la CRDS est une taxe temporaire instaurée en 1996. Au lieu d’augmenter de nouveau une taxation déjà spoliatrice, je vous propose de vous intéresser à la baisse des dépenses.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
La contribution qui nous est proposée ne vise pas toutes les personnes aisées : elle ne concerne que les personnes qui usent ou parfois abusent des leviers fiscaux permettant de minimiser l’impôt payé, pour le contenir en dessous de 20 %.
Vous n’avez pas tort de dire que le dispositif proposé est très complexe. Pour l’instant, le Gouvernement nous propose plutôt, dirais-je, une passoire qu’un filet fiscal. Je vous invite à retirer l’amendement no 3070 et à voter l’amendement porté par la commission, qui va dans le sens d’une simplification.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics
L’avis du Gouvernement est également défavorable. Cependant, nous ne vous invitons pas à voter l’amendement de la commission.
Permettez-moi d’exposer la position du Gouvernement sur la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) en une prise de parole liminaire sur l’article 3. Cette contribution est d’abord une mesure de justice fiscale. Il s’agit de s’assurer que, sur une assiette déjà existante, celle de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), à savoir un revenu fiscal de référence (RFR) de 250 000 euros pour une personne seule ou de 500 000 euros pour un couple sans enfant, par exemple, le taux moyen d’imposition, sur l’ensemble des revenus disponibles, soit au minimum de 20 %. Chacun entendra sans doute que cette mesure est cohérente avec l’idée qu’il ne faut pas permettre d’optimiser de façon excessive. Nous voulons donc que ces ménages contribuent temporairement et exceptionnellement à la réduction du déficit public, de la façon la plus juste possible pour respecter le principe du consentement à l’impôt, qui a été mentionné dans la défense de nombreux amendements, ainsi que l’exigence de justice. Nous ne voulons pas simplement créer une nouvelle tranche marginale d’imposition, ajouter de l’impôt à l’impôt, mais créer ce qu’on pourrait appeler un filet ou un seuil fiscal. Cela éviterait d’avoir des taux moyens d’imposition trop bas pour ceux qui gagnent des revenus au-delà de 250 000 euros par an.
Je crois que nous pouvons convenir sur tous les bancs que c’est une mesure juste. L’assiette de la CEHR, et donc celle de la contribution différentielle sur les hauts revenus, concernera environ 0,3 % des foyers. Cette mesure est donc à la fois conforme au principe de la justice fiscale et à celui d’une contribution exceptionnelle, temporaire et ciblée que nous visons dans la première partie du projet de loi de finances (PLF).
Cependant, je tiens au caractère temporaire de cette mesure, précisément pour ne pas tomber dans le travers que vous avez dénoncé, monsieur Verny, qui consiste à créer un impôt temporaire et exceptionnel qui ne prend jamais fin. Je l’ai affirmé lors de la présentation du PLF : il est nécessaire de caractériser comme temporaires des impôts tels que cette contribution différentielle ou la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises pour que les effets des réformes structurelles puissent prendre leur relais. Sinon, nous risquons de tomber dans un travers que vous avez assez justement mentionné, qui est celui de s’habituer à la recette fiscale. Or nous sommes dans le pays où le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé d’Europe. Nous avons donc besoin de réformer structurellement l’action publique et différents pans de notre société pour faire mieux avec moins d’argent public. J’insiste donc sur la nécessité du caractère temporaire de la contribution différentielle instaurée à l’article 3.
Le Gouvernement émettra donc un avis défavorable sur les amendements qui visent à supprimer la contribution différentielle sur les hauts revenus ou à la rendre permanente.
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel.
M. David Amiel
En France, les taux nominaux des impôts sont élevés, mais nous rencontrons des difficultés du fait des possibilités offertes à certains des plus fortunés – non pas tous – de contourner l’impôt et donc de payer en pourcentage de leur revenu moins d’impôts que des contribuables moins aisés. Nous rencontrions le même genre de difficulté avec des multinationales qui payaient un taux d’impôt sur les sociétés (IS) très faible, ce qui nous a conduits à adopter un taux minimum d’impôt sur les sociétés. Instaurer un dispositif analogue pour les plus fortunés me semble aller dans le bon sens.
Cependant, il y a une ambiguïté dans ce dispositif. S’agit-il d’une mesure budgétaire, de rendement ? Dans ce cas, on comprend qu’elle soit temporaire. En revanche, s’il s’agit d’une mesure de justice, de lutte contre l’optimisation fiscale, il y aurait beaucoup de sens à avancer vers un dispositif plus permanent. On peut comprendre que le dispositif proposé par le Gouvernement dans une situation particulière soit une première étape, mais je pense qu’il est important que le Gouvernement explique s’il souhaite avancer, au-delà de 2025 et 2026, vers l’établissement permanent d’un filet fiscal, c’est-à-dire d’un taux minimum pour les plus fortunés, comme on a déjà un bouclier fiscal, qui est un taux maximum. Cette ambiguïté sur l’objectif mérite d’être levée au cours de nos débats.
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Monsieur Verny, l’amendement no 3070 tendant à supprimer l’article 3 est une honte – pour parler sincèrement, le mot est faible. Par cet amendement, vous refusez non pas de surtaxer les plus riches de ce pays, mais simplement de faire appliquer correctement le barème de l’impôt sur le revenu.
M. Gérault Verny
C’est faux !
M. Aurélien Le Coq
La mesure proposée est bien insuffisante. Elle est presque anecdotique par rapport à la réalité de la situation, à ce dont les finances publiques ont besoin et à la contribution que peuvent apporter les plus riches. Pourtant, même cette mesure anecdotique, vous souhaitez la supprimer. Nous l’avons dit précédemment : rendez-vous compte que les plus fortunés de ce pays ne paient en moyenne, pour les milliardaires, que 2 % d’impôt sur le revenu ! Cette disposition vise à s’assurer qu’ils paient au moins 20 %, alors que les tranches marginales supérieures de l’impôt sur le revenu sont de 41 % et de 45 %. On cherche ici à s’assurer qu’ils paient un minimum, une toute petite part, et vous savez pertinemment que cela ne concernera qu’une toute petite partie des contribuables. Sur ce point, le Gouvernement se moque de nous en faisant croire que c’est une mesure de justice fiscale et de rééquilibrage. Cette mesure devait concerner 65 000 foyers ; elle finira par n’en concerner que 24 300, c’est-à-dire 0,06 % des ménages.
Au contraire, il faudrait augmenter cette contribution. C’est le sens de plusieurs amendements que nous avons déposés : nous voterons donc contre l’amendement de suppression pour pouvoir en débattre.
En outre, cela doit être une mesure pérenne. Comment pouvez-vous prétendre que vous voulez rétablir les comptes publics en instaurant une mesure dont même le rapporteur général a reconnu qu’il n’était pas certain qu’elle rapporte 2 milliards et qui serait supprimée au bout d’un an ou deux ? Si vous agissez de la sorte, les déficits continueront d’augmenter. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Pardonnez-moi, monsieur Le Coq, mais vous faites preuve d’une inculture fiscale assez terrifiante. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Claire Lejeune
C’est vous qui dites ça ?
M. Gérault Verny
Comme je l’ai déjà dit, le centile supérieur des ménages les plus taxés représente 34 % des recettes fiscales ; entendez-le !
M. Aurélien Le Coq
Ça fait combien en pourcentage de leurs revenus ?
M. Gérault Verny
Monsieur le ministre, votre propos manque de sincérité : vous oubliez systématiquement la CSG et la CRDS qui représentent d’ores et déjà 17,2 % du PFU.
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Baumel.
M. Laurent Baumel
En tant que socialiste, j’ai toujours considéré qu’on devait entendre les arguments sur les risques que peut parfois faire peser la fiscalité sur la rentabilité des entreprises. Il y a effectivement des dosages à prendre en considération lorsqu’on conduit une politique économique et fiscale. Mais comment peut-on admettre et justifier dans cet hémicycle le chantage à l’exil fiscal auquel se livreraient des citoyens français au motif qu’ils pourraient être imposés à un taux normal de 20 %, alors que ce sont probablement les plus riches de nos compatriotes ? Je trouve cela moralement choquant.
M. Gérault Verny
Tu peux parler, mais ne fais pas la morale !
M. Laurent Baumel
C’est la preuve qu’à travers le débat fiscal et budgétaire, dans le fond, vous défendez une politique de classe.
M. Gérault Verny
Quand on fait la loi, on fait du droit !
M. Laurent Baumel
Je le maintiens : vous défendez une politique de classe. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et LFI-NFP.) C’est assez choquant à un moment où vous prétendez parler de l’effort que l’ensemble de la communauté nationale doit faire.
En vous écoutant, je me souviens qu’il y a un peu plus d’un siècle, dans cet hémicycle, se sont tenus les débats sur l’instauration de l’impôt sur le revenu. Quand on lit le compte rendu de ces débats, on voit que les arguments de ceux qui s’opposaient à l’instauration de l’impôt sur le revenu sont exactement les mêmes que ceux que vous utilisez. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LFI-NFP.)
(L’amendement no 3070 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 3446.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Il est rédactionnel.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cet amendement n’est pas rédactionnel, car son sens sous-jacent modifie considérablement la portée de l’article. (« Ah ! » sur les bancs du groupe DR.) Il y a une différence importante entre revenu disponible et revenu perçu. Par exemple, les comptes courants d’associés sont des revenus disponibles non perçus. De nombreux autres cas existent, comme les loyers disponibles non perçus. Ces revenus entrent dans l’assiette du revenu fiscal de référence, sans que, pour autant, vous les ayez perçus ou utilisés, mais ils n’en restent pas moins disponibles.
M. Nicolas Sansu
Des prêts, par exemple !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Chacun comprendra aisément que votre amendement réduirait l’assiette du RFR. Cela ne correspondrait pas à l’objectif de la CDHR, qui reprend la même assiette – je le redis pour la clarté des débats et la lisibilité de la CEHR. Avis défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Selon le texte, il s’agit d’une contribution différentielle applicable à certains contribuables « titulaires de hauts revenus ». Or on n’est pas titulaire de ses revenus, on les perçoit. Que signifie donc ce mot « titulaire » ?
M. Philippe Juvin
Émérite, parfois !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Oui, vous en faites d’ailleurs partie, monsieur Juvin…
M. Philippe Juvin
J’aimerais bien ! (Sourires.)
M. David Amiel
Il n’y a pas d’avis de la commission ?
M. Philippe Juvin
On nous cache des choses ! (Sourires.)
M. Laurent Jacobelli
Il y a un loup !
M. Charles de Courson, rapporteur général
La commission des finances a donné un avis favorable à cet amendement.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Mon avis n’était pas un jugement de valeur, mais un rappel de la doctrine fiscale. L’expression « titulaires de hauts revenus » désigne les revenus disponibles, qui sont différents des revenus perçus. C’est la doctrine fiscale qui est ainsi, je n’émets pas un avis politique contre la commission.
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Permettez-moi de soulever un point de procédure. Selon le rapporteur général, la commission a donné son avis, or ce n’est pas le cas : l’avis donné par le rapporteur est personnel. Je rappelle que le texte a été rejeté en commission des finances. Je souhaiterais donc que vous ne vous prévaliez pas d’un avis de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Mme Véronique Louwagie applaudit également.)
Mme la présidente
M. le rapporteur général est tout à fait fondé à dire que la commission a adopté l’amendement.
(L’amendement no 3446 est adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de plusieurs demandes de scrutin public : sur l’amendement n° 1764, par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire, et sur les amendements nos 465 et 642, par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de sept amendements, nos 1764, 3387, 465, 642, 1457, 1234 et 750, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Mathilde Feld, pour soutenir l’amendement no 1764.
Mme Mathilde Feld
L’article 3 du projet de loi de finances propose une contribution fiscale sur les plus hauts revenus, fondée sur deux piliers qui méconnaissent les mécanismes d’évitement de l’impôt. Comme l’a démontré l’économiste Gabriel Zucman, le revenu fiscal de référence est une donnée facilement manipulable, notamment par les contribuables les plus aisés – par exemple, par l’usage de holdings personnelles qui permettent de stocker les revenus. En rendant cette mesure temporaire, le Gouvernement tombe dans un autre écueil, puisqu’il suffirait à ces mêmes contribuables de réaliser de telles manipulations pendant seulement deux ans.
L’amendement propose la création d’un taux d’imposition minimum sur les revenus qui serait adossé sur le patrimoine, moins facilement manipulable, afin d’éviter les mécanismes d’optimisation fiscale agressive mis en œuvre par les plus fortunés et de s’assurer que les millionnaires et les milliardaires contribuent véritablement à l’effort de redressement des comptes publics.
À elle seule, une telle mesure permettrait d’accroître les recettes fiscales du pays de 15 milliards d’euros selon l’Observatoire européen de la fiscalité. Elle multiplierait donc par sept l’efficacité de la mesure proposée par le gouvernement Barnier, qui prévoit un rendement de 2 milliards.
Plutôt que de s’attaquer aux pensions des retraités, d’augmenter de façon inconsidérée les taxes sur l’énergie et de sacrifier le financement des services publics qui bénéficient à tous, ayons enfin le courage de demander aux 0,1 % des plus riches de contribuer à l’effort budgétaire. Je vous propose donc de voter cet amendement qui répond à l’exigence légitime de tous les Français, en vue d’une meilleure répartition des richesses. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement no 3387.
Mme Marietta Karamanli
Dans la continuité des propos de ma collègue, permettez-moi d’insister, au-delà de l’exposé des motifs, sur le fait que le rétablissement d’un impôt spécifique sur les très grandes fortunes s’inscrit dans un contexte très différent de celui qui prévalait il y a quelques années. Aujourd’hui, la taxation des super-riches est au premier plan de l’agenda international, notamment dans le cadre du G20. Cela résulte d’une prise de conscience, née des progrès considérables de l’échange de renseignements, offrant de nombreux outils contre l’évasion fiscale. Cette orientation s’appuie sur de nombreuses études portant sur l’accroissement des très hauts patrimoines.
Si le Gouvernement entend créer une nouvelle taxation temporaire exceptionnelle, celle-ci ne touche aucunement les millionnaires et les milliardaires. L’amendement vise donc à instaurer une plus grande justice fiscale, ce qui est nécessaire dans le contexte actuel. Il suit en cela l’exemple d’autres pays, y compris outre-Atlantique. Cela mérite d’être discuté et mis à exécution chez nous.
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Maurel, pour soutenir l’amendement no 465.
M. Emmanuel Maurel
Je suis sûr que cet amendement fait de la peine à M. Verny : il va hurler à la spoliation, mais on parle de gens qui reçoivent beaucoup d’argent. Pour reprendre l’expression d’un collègue de l’ex-majorité, il s’agit d’un amendement qui est à la fois de rendement et de justice. Un amendement de rendement, parce qu’il apporte des recettes supplémentaires ; et de justice, parce que vous savez très bien que les riches contribuent proportionnellement beaucoup moins que les moins aisés à l’imposition sur le revenu.
Notre proposition est différente du dispositif gouvernemental : plutôt que de prendre le revenu fiscal de référence – il a été très bien dit que les plus riches pouvaient le contourner par des holdings et payer beaucoup moins d’impôts –, nous nous fondons sur le patrimoine. Ainsi, nous fixons le plancher à 2 % du patrimoine net – et je doute, monsieur Verny, que cela entraîne des manifestations d’ultrariches dans la rue… Quel que soit le candidat pour lequel ils ont voté aux dernières élections, l’immense majorité des Français seront d’accord avec cet amendement de rendement et de justice. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 642.
M. Nicolas Sansu
Pour compléter les paroles de mon collègue Emmanuel Maurel, je dirai que s’il y a des manifestations de personnes ayant un patrimoine supérieur à 50 millions d’euros, cela ne fera pas beaucoup de monde dans la rue – que les chiffres viennent de la police ou de la CGT.
Environ 1 500 foyers ont un patrimoine supérieur à 50 millions d’euros : ce n’est pas énorme. Ces foyers représentent environ 2 000 milliards de patrimoine cumulé. Si l’on propose un calcul d’impôt sur le revenu appuyé sur le patrimoine, cela revient à 0,5 %, c’est-à-dire à ce que propose notre amendement de repli. Cela représente 10 milliards d’euros en différentiel : si les gens paient déjà leur impôt à hauteur de 2 % de leur patrimoine, il n’y aura pas d’impôt supplémentaire. C’est donc bien un différentiel, comme vous le proposez avec le taux plancher de 20 % sur le revenu.
Aujourd’hui, comme l’ont dit mes collègues Maurel, Feld et Karamanli, les ultrariches échappent à l’impôt par un revenu fiscal de référence très faible, en recourant à des mécanismes tels que les holdings, le pacte Dutreil et les démembrements : ils n’ont pas de revenus personnels, mais seulement des revenus économiques. Nous proposons ce dispositif assis sur la proposition de Gabriel Zucman, avec un plancher de 0,5 %, car le Conseil constitutionnel, dans un arrêt de 2011, indique qu’à ce taux, il n’y a ni spoliation ni contestation. Ce taux est donc admis par les constitutionnalistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
L’amendement no 1457 de Mme Stella Dupont est défendu.
Mme la présidente
La parole est à M. Laurent Croizier, pour soutenir l’amendement no 1234.
M. Laurent Croizier
Lors des élections législatives, le message envoyé par les Français était clair : ils souhaitent qu’on s’occupe de leur quotidien, des services publics, et plus particulièrement de l’hôpital et de l’école.
L’amendement vise à trouver de nouvelles recettes en abaissant la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à un revenu fiscal de référence de 125 000 euros pour les célibataires et 250 000 euros pour les couples.
Je suis déterminé à faire évoluer le projet de loi de finances sur les suppressions des postes d’enseignants. Pour nos enfants, je ne peux me résoudre à voter un budget qui supprimerait 4 000 postes de professeur, alors que nous ne parviendrons pas à mettre un enseignant devant chaque classe. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
M. Philippe Brun
Bravo !
M. Laurent Croizier
De la même façon, je ne peux me résoudre à l’irresponsabilité budgétaire et à l’accroissement des déficits.
Un député du groupe GDR
Nous non plus !
M. Laurent Croizier
Je crois à la responsabilité. Par cet amendement, je demande des efforts de solidarité aux plus hauts revenus, afin de financer l’ambition que nous devons affirmer à l’égard des nouvelles générations. (Mme Christine Pirès Beaune applaudit.)
M. Inaki Echaniz
Bravo, monsieur Croizier ! En croisade ! (Sourires.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir l’amendement no 750.
M. Philippe Brun
Il ne s’agit pas exactement du même amendement, car c’est un amendement de repli. Nous sommes parfois surpris par les députés Démocrates…
M. Inaki Echaniz
De plus en plus ! (Sourires.)
M. Philippe Brun
…car notre amendement est finalement plus généreux pour les hauts revenus que celui de leur groupe. Si l’amendement de notre collègue Croizier est adopté, c’est avec plaisir que nous verrons notre amendement tomber.
Celui-ci propose d’abaisser le seuil prévu pour cette contribution des hauts revenus au niveau de la dernière tranche d’impôt sur le revenu, soit 180 649 euros de revenu fiscal de référence – une somme à multiplier par deux pour un couple.
En effet, l’étude d’impact révèle que la contribution proposée ne toucherait que 25 000 foyers en France, ce qui, de notre point de vue, est trop peu. En abaissant le seuil à la dernière tranche d’impôt sur le revenu, c’est-à-dire à un niveau de revenu déjà très élevé – plus de 180 000 euros pour une personne seule et 360 000 pour un couple –, nous pensons avoir une contribution juste, qui permettrait de redresser nos finances publiques. Tel est l’amendement de repli que nous proposons, mais nous voterons avec grand plaisir l’amendement de notre collègue Croizier.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Ces amendements changent fondamentalement ce qui est proposé par le Gouvernement. En effet, celui-ci porte l’idée d’un impôt minimum à 20 % pour les très riches, touchant toutes les personnes qui, au-delà d’un certain niveau de revenus, ne paient pas au moins 20 % d’impôt sur leurs revenus. Vous essayez de le transformer en un impôt sur les « très très riches », soit les 1 000 personnes qui possèdent un patrimoine de plus de 50 millions.
M. Stéphane Peu
Oui !
M. Charles de Courson, rapporteur général
La position du Gouvernement, quant à elle, touche environ 24 000 personnes. La commission a donc donné un avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie
Heureusement ! C’est sage.
M. Charles de Courson, rapporteur général
C’est tout à fait logique. Si vous prenez quelqu’un qui possède une fortune essentiellement immobilière, l’impôt dont il est ici question s’ajoutera à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Quel est le taux marginal supérieur de l’IFI pour les 50 millions ? C’est 1,5 %. Si l’on additionne 2 % et 1,5 %, on en arrive à 3,5 % : avec les revenus de son patrimoine, l’intéressé n’arrivera pas à payer l’IFI, plus ce nouvel impôt, plus l’impôt sur le revenu. Ce n’est pas cohérent.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Les amendements sont assez différents les uns des autres. Les premiers visent à intégrer le patrimoine à l’assiette de la contribution quand notre dispositif tend à modifier celle-ci en changeant les seuils. Ce débat est intéressant, et le rapporteur général a raison de dire que cela reviendrait pour les contribuables à supporter deux fois la fiscalité du patrimoine.
M. Nicolas Sansu
C’est résiduel !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ah non, cela nécessiterait bien de supprimer l’IFI et d’intégrer le patrimoine dans une assiette globale ! Cela se conçoit, à la rigueur, si nous partons du principe que l’état du droit, par définition, est modifiable par vos soins.
Nous devons toutefois veiller à ce que ces contributions exceptionnelles ne percutent pas de plein fouet les réformes de la fiscalité du patrimoine menées au début du précédent quinquennat, en 2017 ou 2018, en grevant la mobilité des capitaux dans l’investissement que ces réformes étaient parvenues à accroître.
Je l’ai dit, un dosage précis est requis – je souscris au terme qu’a employé M. Baumel – afin que nos outils n’aient pas d’effets contraires à l’investissement, notamment pour nos concitoyens qui en ont les moyens. C’est pourquoi je donne un avis défavorable aux amendements.
Quant au seuil d’entrée dans le dispositif, il est plus simple et plus lisible de conserver les assiettes prévues pour la CEHR. Comme elles n’ont pas bougé depuis leur création en 2012, le seuil a de fait diminué, l’inflation ayant fait son chemin. Un plus grand nombre de contribuables est donc concerné qu’en 2012.
D’ailleurs, monsieur le rapporteur général, si on estime bien à 24 000 le nombre de foyers qui paieront la CDHR en 2025, on doit considérer que les foyers éligibles en termes de revenus sont plutôt au nombre de 63 000 – dont certains, déjà imposés à plus de 20 %, ne seront pas concernés par le nouveau dispositif.
Conserver ce taux plancher incite ceux qui le dépassent à maintenir leur imposition à ce niveau. Les 24 000 assujettis à la CDHR pourraient être plus nombreux si certains des 63 000 foyers venaient à passer en dessous du seuil.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je veux répondre aux auteurs des deux derniers amendements, de nature très différente, qui visent à diviser par deux le seuil d’éligibilité de la CEHR.
Restons sur la position du Gouvernement selon laquelle le produit d’une telle contribution sera de 2 milliards pour 24 000 foyers assujettis, soit 80 000 euros environ par foyer.
Abaisser le seuil d’éligibilité rapportera-t-il 500 millions ou 800 millions ? Je suis incapable de répondre à cette question et d’évaluer à quelle plus-value le dispositif que vous proposez conduirait.
M. Emmanuel Maurel
C’est suffisamment rare pour être noté !
Mme la présidente
La parole est à M. David Guiraud.
M. David Guiraud
Au bout de sept ans de politique macroniste, on progresse : on commence à comprendre que, quand on explique que les Français doivent faire des efforts, cela signifie que tous les Français doivent participer. C’est une avancée !
S’agissant des plus riches, pourquoi dit-on toujours qu’un « dosage » minimal minutieux est nécessaire ? Pour les parents d’élèves, vous n’avez pas opéré un tel dosage lorsque vous avez décidé de supprimer d’un trait de plume 4 000 postes d’enseignants.
Le débat a commencé ce soir avec des arguments curieux, allant de la Macronie à ses alliés du Rassemblement national. Il commence sur des bases fausses… (Protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Oui, vous pouvez rouspéter, mais je vais vous répondre.
Vous dites que les 1 % les plus riches sont déjà ceux qui paient le plus et sont les plus assujettis à l’impôt. Par là, vous résumez l’imposition et le système fiscal français à un seul impôt, l’impôt sur le revenu. Or il y en a d’autres !
M. Gérault Verny
Oui, la CSG et la CRDS, par exemple !
M. David Guiraud
Et l’impôt le plus important, c’est la TVA, avec ses 200 milliards d’euros, tandis que l’impôt sur le revenu, c’est 90 milliards. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
La manière dont vous entamez ce débat est donc mathématiquement fausse.
Les Français les plus pauvres, ceux des classes populaires et des classes moyennes, sont ceux qui supportent le plus la fiscalité de l’État, tandis que les Français les plus riches sont les plus épargnés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – «C’est faux ! » sur les bancs des groupes RN, EPR et UDR.)
Un chiffre vous fera peut-être réfléchir. En 2019, le taux de prélèvements obligatoires des 5 % des Français les plus riches était de 51 %, quand les 5 % des Français les plus pauvres étaient imposés à 58 %.
M. Éric Woerth
Hors redistribution !
M. David Guiraud
Il est temps de rééquilibrer la balance en demandant à tous les Français de contribuer et aux Français les plus riches de faire réellement des efforts, ce que vous n’avez pas fait jusqu’ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
M. Guiraud n’est pas à un paradoxe près. Aujourd’hui, il a proposé de rétablir la taxe d’habitation. Je l’invite donc à demander à ses concitoyens des classes populaires et modestes, à Roubaix, ce qu’ils pensent de la hausse d’impôt d’environ 750 euros par an qui va les frapper. Ils pourront en remercier M. Guiraud. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Celles et ceux qui, profitant de cette disposition de lutte contre l’optimisation fiscale, proposent ni plus ni moins que de recréer l’ISF – impôt de solidarité sur la fortune – et d’augmenter massivement les impôts des Français les plus fortunés envoient un message clair aux Français : « Surtout, ne réussissez pas ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.) Surtout, ne faites pas de plus-values, ne gagnez pas d’argent, ne créez pas d’emplois, ne revendez pas d’entreprises, n’ayez pas l’audace d’en créer une ! Surtout pas ! Vivons plutôt dans un pays entièrement régi par les dépenses publiques, où un bon emploi est un emploi public ! » (Mêmes mouvements.)
M. Inaki Echaniz
Un peu d’humilité !
Mme la présidente
Mes chers collègues, laissez l’orateur s’exprimer !
M. Mathieu Lefèvre
Voilà ce que vous proposez à longueur d’amendements.
Pour ce qui est de l’imposition sur le capital, combien de pays nous ont imités ? Aucun. Quand personne ne nous copie, c’est peut-être que nous n’avons pas très bien fait.
Vous le savez, ce n’est pas la droite qui a supprimé l’ISF, et ce n’est évidemment pas la gauche. C’est Emmanuel Macron ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
À toutes celles et tous ceux qui veulent la rétablir, je dis que la meilleure exit tax est la lutte contre le rétablissement de l’ISF. Cet impôt a fait fuir des Français, des talents, des gens fortunés. (« C’est faux ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
C’est documenté, rapport après rapport. Vous pouvez espérer un pays nivelé par le bas, sans création de richesses, où la spoliation fiscale règne en maître, mais ce n’est plus la France : c’est un pays ruiné ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
M. Inaki Echaniz
Tout va bien, votre bilan est magnifique !
M. Sylvain Maillard
Il m’a convaincu !
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Plus nous discutons de l’article 3, plus son approche apparaît logique, si l’on reste dans l’état d’esprit d’une imposition minimale sur certains revenus. À cet égard, l’article apporte une réponse que j’espère exceptionnelle à une situation elle-même exceptionnelle.
À propos de la gauche, je ne parlerai pas d’un concours Lépine, mais de course à l’échalote.
M. Emmanuel Maurel
Qui est l’échalote ?
Mme Véronique Louwagie
Vous profitez d’un article qui traite d’une contribution sur le revenu pour évoquer des contributions et un impôt sur la fortune ou le patrimoine. Or ce n’est pas la même chose, pas du tout le même état d’esprit.
Vous citez les ultrariches, les millionnaires et les milliardaires, mais il est surtout important de considérer le revenu.
Dans cette série d’amendements de nature différente, certains collègues ont évoqué le quotidien des Français et le besoin de services publics. Il y a là une confusion : les recettes supplémentaires dont il est question ne signifient pas automatiquement que l’on améliore la qualité des services publics. Ce sont deux sujets très différents, qu’il faut bien distinguer.
Il a par ailleurs été question d’un impôt minimum pour les Français qui atteignent un certain revenu. On pourrait aussi se demander si tous les Français ne devraient pas être assujettis à un impôt sur le revenu minimum – et je ne parle pas de la TVA. (Exclamations sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
C’est une vraie question, qui revient souvent et que l’on pourrait se poser.
Je veux aussi alerter le ministre sur le revenu fiscal de référence. Nous devons nous interroger sur les éléments qui le composent et sur ceux qui n’y figurent pas. Nous le savons, c’est un indicateur important, car il ouvre droit à certaines prestations. Il mériterait une analyse plus approfondie.
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire
Je veux revenir sur l’idée qu’en voulant imposer davantage les ultrariches, nous n’aimerions pas la réussite et nous irions à l’encontre des gens qui construisent leur richesse à partir de leurs valeurs. Elle est contestable si l’on se fonde sur les principes de la République. Dans notre devise, il y a les mots « liberté », « égalité » et « fraternité ».
M. Emmanuel Mandon
Il n’y a pas le mot « fric » !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Réduire des inégalités quand elles sont trop fortes fait partie du pacte républicain. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Si celles-ci explosent comme c’est le cas depuis sept ans, nous minons le pacte républicain.
Mme Véronique Louwagie
C’est vous qui ne le respectez pas !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Nous ne sommes pas d’accord. Vous l’entendez, mais il faut le comprendre. Jamais les inégalités n’ont été aussi fortes depuis des décennies !
M. Éric Woerth
Ce n’est pas vrai !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Quand on demande à nos concitoyens qui ont juste assez d’argent pour survivre ou vivre si leur situation est supportable, ils répondent que non. Regardez toutes les enquêtes d’opinion sérieuses !
Mathieu Lefèvre s’est interrogé sur le fait que nous soyons les seuls à instaurer un tel dispositif. Mais moi je ne suis pas décliniste, j’aime mon pays, et j’estime que la France n’a jamais été aussi grande que lorsqu’elle a ouvert la voie, que d’autres ont suivie, vers des choses qui sont justes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
La France n’a jamais été aussi grande que quand elle a décidé d’être une république, alors que tous les autres pays d’Europe étaient des monarchies d’Ancien Régime. Elle avait raison. (Mêmes mouvements.)
Je n’ai pas peur de le dire : si on trouve cela juste, la France doit donner l’exemple.
Mathieu Lefèvre a aussi parlé des efforts. Or la part de l’héritage pèse pour 60 % dans le patrimoine des plus riches, au lieu de 35 % il y a cinquante ans. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Un député du groupe DR
Et alors ?
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Et alors ? Laissez-moi dire que ce n’est pas parce que ces gens ont un talent spécial.
Mme Véronique Louwagie
Ce n’est pas grave !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Mais si, c’est contestable si vous croyez à l’égalité, parce que vous remplacez une noblesse de sang par une noblesse d’argent. Vous ne pouvez pas être d’accord avec ça ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)
M. Laurent Jacobelli
C’est la transmission !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Un problème de principe nous est donc posé – M. Tanguy semblait attendre cette question. Comme mon collègue du Modem l’a bien résumé, il y a des déficits à réduire, voire des investissements à réaliser en matière d’écologie.
Mme la présidente
Veuillez conclure, monsieur le président.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Il faut aller chercher de l’argent, surtout si l’on diminue les recettes d’un autre côté, par exemple en ne relevant pas la taxe sur l’électricité.
Certains de nos concitoyens ont gagné 1 000 milliards depuis vingt ans. Oui, dans ce pays, 500 personnes ont augmenté leur patrimoine de 1 000 milliards, et c’est à eux qu’il revient de faire l’effort le plus important… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Nous avons examiné trente-deux amendements en plus de trois heures et demie, soit un rythme d’à peine neuf amendements par heure ! Si nous n’accélérons pas, nous n’arriverons pas à examiner d’ici à vendredi minuit les 3 500 amendements déposés sur le texte. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Mathilde Panot
Allez, parlez, parlez !
M. Matthias Renault
Soyons attentifs à ne pas faire une fleur aux macronistes. Les groupes de la majorité ont déposé près de 1 500 amendements. Il faudra déjà plus que le temps imparti pour les examiner. Veillons à ce que les débats ne s’enlisent pas trop ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
Il s’agit là d’un article et d’amendements essentiels. Sur de tels amendements, il importe que chacun des groupes puisse s’exprimer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Pour ma part, je ne soutiendrai pas ces amendements. Monsieur Sansu, vous voulez en quelque sorte rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune ; or même l’assiette de son prédécesseur, l’impôt sur les grandes fortunes, excluait le patrimoine professionnel, contrairement à ce que vous proposez. Ce n’est donc pas la bonne piste : mieux vaudrait travailler sur le régime mère-fille des sociétés, à ceci près que ce dernier relève de l’échelon européen et qu’il convient, de toute manière, de rester mesuré. Nous n’y sommes pas encore, j’en suis conscient.
S’agissant du seuil de la contribution sur les hauts revenus, je rappellerai que le revenu consiste souvent en rémunérations, en un salaire. Il existe une différence entre la contribution au budget de l’État des revenus du capital et celle des revenus du travail, qui, de surcroît, supportent des charges sociales – à peu près 1,75 % de ce que vous aurez finalement dans votre poche. Je suis assez d’accord avec Véronique Louwagie :…
Mme Véronique Louwagie
Merci !
M. Jean-Paul Mattei
…il nous faudra réfléchir au RFR. L’article 3 est un texte élaboré que nous devons nous approprier pour le commenter ensuite ; mais il importe que tout soit clair, que nous sachions exactement quelles seraient les conséquences de chacune de ses dispositions. Si nous pouvions disposer de modélisations, monsieur le ministre, d’exemples de ce que telle ou telle disposition coûterait au contribuable, ce serait mieux pour tout le monde. Ainsi, que donnerait une flat tax majorée, appliquée aux très hauts revenus ou aux cessions d’entreprises ? Que rapporterait-elle de plus que la flat tax à 33 % ? Si l’on ajoute les 4 % de la CEHR et le différentiel avec les 20 % du taux d’imposition minimal, son taux marginal atteindra 37,2 % !
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Vallaud.
Un député du groupe SOC
Écoutez un peu, monsieur Lefèvre !
M. Boris Vallaud
Je souhaitais dire à M. Lefèvre que les effets de manche, l’enflure verbale, les formules alambiquées et prétendument savantes ne nous impressionnent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.) Nous sommes en train d’examiner un projet de budget de la nation qui se révèle absolument calamiteux.
M. Nicolas Sansu
Eh oui !
M. Boris Vallaud
Vous cassez, nous réparons ; vous salissez, nous nettoyons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.) Les efforts que vous réclamerez dans la seconde partie du texte, vous les demandez d’abord à ceux que, pendant le moment de grâce que fut l’épidémie de covid-19, nous applaudissions tous les soirs à vingt heures. La valeur avait changé de camp : nous prenions conscience de ce qui était important et de ce qui ne l’était pas, nous établissions une nouvelle hiérarchie des priorités, nous avions besoin des caissières, des aides-soignantes, des ouvrières de l’industrie agroalimentaire, et nous nous passions fort bien des publicitaires ou des cabinets de conseil, c’est-à-dire de ceux que vous souhaitez protéger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Nous demandons un effort aux passagers clandestins de la solidarité nationale. Le taux d’effort fiscal d’un milliardaire est inférieur à celui de la première tranche de l’impôt sur le revenu ; tandis que les multinationales consolident dans les paradis fiscaux 40 % de leurs résultats, les PME paient à leur place. À tous les pays de l’Union européenne, il manque 20 % du produit de l’impôt sur les sociétés ! Ce que les hyper-riches ne paient pas, je le répète, les PME, les classes moyennes l’acquittent pour eux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
Nous appelons à la solidarité nationale, au juste effort contributif de ceux qui peuvent en fournir un dans cette situation compliquée. La justice fiscale ne s’accommode pas de mesures exceptionnelles et temporaires : elle constitue le fondement des démocraties, des parlements modernes ! Depuis des années, vous remboursez les bookmakers de 2017. Ce n’est plus possible ! Il y a eu un président pour quelques-uns ; il faut une assemblée pour tous les autres ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Madame Louwagie, vous dites qu’il faudrait que chacun paie l’impôt. Il existe une étude de l’Institut des politiques publiques dont les conclusions sont claires : entre impôt sur le revenu, cotisations, TVA, taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et le reste, du premier décile jusqu’aux 0,1 % les plus aisés, tout le monde paie peu ou prou entre 45 % et 50 % de son revenu disponible. Pour ces 0,1 %, le taux passe à 27 %, en incluant les revenus professionnels.
Les ultrariches, les milliardaires, échappaient à l’ISF : ils faisaient en sorte de ne pas avoir à le payer. Avec cette contribution, ce sera la même chose ! Il suffira de convertir son revenu disponible en revenus économiques au sein d’une holding non transparente. C’est pourquoi l’amendement no 642 vise à taxer à 0,5 % les patrimoines de plus de 50 millions d’euros – je doute sincèrement qu’un patrimoine de cette ampleur puisse être uniquement immobilier –, afin que la justice fiscale s’applique enfin dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Je souhaite faire un rappel au règlement. J’ai été mis en cause par M. Vallaud : où était-il entre 2012 et 2017 ? Quelles mesures de justice fiscale avez-vous prises ? (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
Sur quel article se fonde votre rappel au règlement, monsieur Lefèvre ?
M. Mathieu Lefèvre
Sur l’article 72, alinéa 3 de notre règlement, madame la présidente. Monsieur Vallaud, avez-vous tenté d’infléchir les rémunérations supérieures à 1 million ? Pardon ! J’oubliais que cette mesure avait été déclarée anticonstitutionnelle…
Mme la présidente
Vous répondez sur le fond du débat, monsieur Lefèvre, il ne s’agit donc pas d’un rappel au règlement. (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, qui poursuit son intervention. – Les députés du groupe LFI-NFP applaudissent et font signe à l’orateur de s’en aller.)
M. Alexis Corbière
Il parle tout seul !
M. Boris Vallaud
Madame la présidente, je souhaite faire un rappel au règlement.
Mme la présidente
Sur quel fondement ? L’article indiqué par M. Lefèvre n’était de toute manière pas le bon !
M. Boris Vallaud
L’article 70, alinéa 3, qui prévoit le cas d’une mise en cause personnelle.
Mme la présidente
Vous avez la parole.
M. Boris Vallaud
Ma réponse sera rapide : rétablissement de la flat tax, de l’ISF (Vives exclamations sur les bancs des groupes RN, EPR, DR, Dem, HOR et UDR),…
Mme la présidente
Ce n’est pas un rappel au règlement, monsieur Vallaud ! (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur.)
Je mets aux voix l’amendement no 1764.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 234
Nombre de suffrages exprimés 230
Majorité absolue 116
Pour l’adoption 102
Contre 128
(L’amendement no 1764 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 3387.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 237
Nombre de suffrages exprimés 235
Majorité absolue 118
Pour l’adoption 105
Contre 130
(L’amendement no 3387 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 465.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 235
Nombre de suffrages exprimés 234
Majorité absolue 118
Pour l’adoption 104
Contre 130
(L’amendement no 465 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 642.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 233
Nombre de suffrages exprimés 232
Majorité absolue 117
Pour l’adoption 103
Contre 129
(L’amendement no 642 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 1457, 1234 et 750, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Alloncle, pour soutenir l’amendement no 3052.
M. Charles Alloncle
Il vise à déduire de l’assiette de la CEHR l’ensemble des versements en capital dans nos PME, sous certaines conditions d’éligibilité. Nous l’avons rappelé, la charge fiscale assumée par les hauts revenus est déjà pesante : 10 % des contribuables acquittent 75 % du produit de l’IR. En y regardant de plus près, n’en déplaise à la gauche, ce sont même 2 % des contribuables qui en fournissent 40 % !
Il est donc à craindre qu’un nouvel alourdissement fasse fuir nombre d’entre eux, privant notre économie de fonds dont elle a besoin ; car à force de parler contributions fiscales, nous oublions que les plus hauts revenus contribuent également au système économique, quant à lui bien réel. Qu’il me soit donc permis de préférer l’incitation à la contrainte : chaque euro investi dans des opérations en capital de nos PME permettrait alors de diminuer la CEHR des assujettis.
Le dispositif bénéficierait d’un encadrement solide, puisque les parts devraient être détenues cinq ans et les entreprises éligibles respecter les modalités fixées par les articles 199 terdecies-0 A et suivants du code général des impôts, lesquels ont trait au crédit IR-PME. Il s’agirait là d’une solution de bon sens, permettant d’orienter directement vers les PME l’épargne des plus aisés. J’espère que vous serez nombreux à en convenir : il y va de la vitalité de notre tissu productif et de la liberté d’entreprendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’amendement n’ayant pas été examiné en commission, j’émettrai à titre personnel un avis défavorable. Il est exact, cher collègue, que vous soulevez un problème : en intégrant l’IR lors du calcul destiné à ce que le taux moyen d’imposition ne soit pas inférieur à 20 %, on soustrait du RFR toute une série de crédits et réductions d’impôt. Selon le texte que nous propose le Gouvernement, la réduction au titre des investissements réalisés outre-mer, par exemple, sera ainsi exclue, mais non celle qui profite aux jeunes entreprises innovantes (JEI). Un amendement adopté en commission nous attendant un peu plus loin, ma position est la suivante : restons-en au RFR et n’entreprenons pas de le corriger par une succession de déductions, d’imputations, que sais-je ?
C’est pourquoi, je le répète, je suis défavorable à cet amendement par principe, compte tenu des dispositions adoptées à une très forte majorité par la commission et qui visent à retenir l’IR payé.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis, avec davantage d’ouverture. Il faut en effet prendre garde que la CDHR ne freine pas un certain nombre de dons, d’investissements et autres versements souhaitables : je serai donc favorable à quelques-uns des amendements à venir, notamment concernant les dons aux associations et l’attractivité de notre pays.
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
Concernant les amendements des députés du groupe d’Éric Ciotti, on a un peu de mal à y voir clair quant à la trajectoire fiscale et budgétaire qu’ils définissent. Alors qu’ils nous donnent de grandes leçons matin, midi et soir sur la tenue des comptes publics, juste avant la pause de vingt heures, ils ont déposé un amendement qui, s’il n’a pas été défendu, a tout de même été signé par une dizaine de collègues de M. Alloncle, qui proposait de grever de 40 milliards les recettes fiscales de la France par une modification du barème de l’impôt sur le revenu !
Là, nous avons affaire à un amendement de petit joueur, puisqu’il ne coûterait que 50 millions, au plus 100 millions peut-être. Mais comment prévoyez-vous de le financer ? Nous sommes en pleine folie fiscale, entre l’extrême gauche qui propose d’augmenter les impôts à hauteur de 60 milliards et votre groupe qui propose de les baisser d’autant ! Dans ces conditions, trouvez-vous cohérent de donner des leçons de fiscalité et de respect de nos comptes publics ?
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Pierre Cazeneuve
Je pose la question à M. Ciotti et à votre groupe : quel est votre projet pour la France, à part grever le déficit de 40 milliards de plus ?
M. Gérault Verny
Baisser les taxes et les dépenses !
M. Pierre Cazeneuve
Cela n’a aucune cohérence. C’est absolument lunaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
(L’amendement no 3052 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre (« Ah ! » sur divers bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR), pour soutenir l’amendement no 3522.
M. Mathieu Lefèvre
Nous allons essayer d’avoir un débat rationnel sur la fiscalité (Mêmes mouvements), même si je pense que ce n’est pas évident dans cette assemblée.
Dans la nouvelle contribution telle qu’elle est dessinée par le Gouvernement, celui-ci traite notamment – à juste titre – de la question des revenus exceptionnels pour en porter l’imposition minimale à 20 %, mais il laisse de côté, me semble-t-il, les abattements pour durée de détention. Comme l’a dit David Amiel, on peut craindre que cela ne pénalise cette contribution exceptionnelle, les revenus assujettis pouvant en être différés, ou au contraire que cela n’ait pour effet de bloquer toute forme de transaction et donc de paralyser quelque peu le tissu économique. Mon amendement vise en conséquence à réintégrer dans l’assiette de cette contribution les abattements pour durée de détention.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
M. Lefèvre a raison de soulever le problème, puisque dans le texte que nous propose le Gouvernement, le revenu fiscal de référence est diminué du montant des abattements sur la plus-value d’un entrepreneur qui vend sa PME, mais les abattements ne sont pas pris en compte dans le calcul du RFR si cet entrepreneur part à la retraite.
Mme Véronique Louwagie
C’est le principe du dispositif !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Vous avouerez que c’est un peu bizarre. Je rappelle d’ailleurs que la contribution exceptionnelle sur le revenu existante ne fait pas de distinction entre ces deux types de revenus. Je rappelle aussi la position prise par la commission à l’occasion d’un amendement qui va suivre, consistant à ne rien déduire du RFR, mais à exclure dans le temps une majoration des impôts payés. Je donnerai à titre personnel un avis défavorable, cet amendement n’ayant pas été examiné en commission.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il est tout à fait justifié de s’intéresser aux abattements pour durée de détention, a fortiori si la CDHR est elle-même temporaire. Il faut en effet pouvoir adapter l’assiette et faire l’ajustement en fonction du RFR car, à défaut, le dispositif pénaliserait les abattements pour durée de détention, ce qui n’est évidemment pas l’objectif. Je donnerai donc un avis favorable à votre amendement.
M. Sylvain Maillard
Très bien ! Bravo, monsieur le ministre !
Mme la présidente
La parole est à M. David Guiraud.
M. David Guiraud
Avant de répondre à M. Lefèvre, permettez-moi de faire une petite observation. Le soir du second tour des élections législatives, on nous a dit : « C’est terrible, la France est coupée en trois blocs. » Il se peut que mes lunettes soient très sales mais, s’agissant des questions de justice fiscale, je ne vois que deux blocs : un qui est pour le partage des richesses et un autre là-bas, RN-Macronie,…
M. Sylvain Maillard
Oh, ça va !
M. David Guiraud
…qui s’emploie à soulager les grandes fortunes. Évidemment, dans chaque alliance, si étrange soit-elle, on trouve des extrémistes. Ainsi, M. Lefèvre se fait le chantre des classes moyennes en parlant, par exemple, de la taxe d’habitation. Mais, mon cher collègue, la taxe d’habitation n’a pas vraiment disparu, puisqu’elle a été compensée et que, dès lors, l’argent qu’elle procure n’a lui-même pas disparu.
M. Sylvain Maillard
Ah bon ?
M. David Amiel
Merci de nous le dire !
M. David Guiraud
C’est un fait, l’argent rapporté par cette taxe n’a pas disparu : plus précisément, la majorité d’alors a compensé la suppression de la taxe, pesant jusqu’alors sur 20 % des contribuables les plus riches – qui payaient 50 % de son produit total – par une nouvelle affectation du produit de la TVA au profit des collectivités locales. Par conséquent, ce sont les classes populaires et les classes moyennes qui ont fait les frais de la suppression de la taxe d’habitation, monsieur Lefèvre ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et GDR.) Et puisque vous vous inquiétez des propriétaires à Roubaix, j’espère que vous les aiderez en votant des mesures de justice fiscale. Parce que là-bas, les gens n’ont pas beaucoup d’argent ; il n’y a que 33 % de propriétaires, contre 58 % au niveau national. Par conséquent, si vous voulez que les gens deviennent propriétaires à Roubaix – puisque c’est votre rêve –, faites de la justice fiscale en donnant un petit coup de pouce pour les classes populaires qui vivent à Roubaix et dans toutes les autres villes comparables en France. (Applaudissements plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Pierre Cazeneuve.
M. Pierre Cazeneuve
Je veux répondre à M. Guiraud sur deux points. Premièrement, je rappelle que la taxe d’habitation était un impôt profondément injuste parce que, d’une part, il touchait l’ensemble des contribuables et que, d’autre part, il pesait plus lourd sur les habitants des villes populaires (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe EPR), des villes comme Roubaix qui ont un grand besoin de services publics et dans lesquelles les taux étaient donc beaucoup plus élevés que dans les villes plus riches. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Deuxièmement, cette taxe a été compensée à l’euro près et aujourd’hui, dans cette ville où il y a effectivement peu de propriétaires, les Roubaisiens sont très contents d’avoir augmenté leur pouvoir d’achat en ne payant plus la taxe d’habitation – ce qui était l’objectif de la réforme : soulager les propriétaires des villes les plus populaires. Vos propos sont donc d’une absurdité absolue et complètement faux !
Quant à votre accusation de collusion entre la Macronie et le RN, laissez-nous rigoler : vous étiez en commission des finances et vous avez pu constater que 90 % des 200 amendements adoptés l’ont été par vous et par eux ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe EPR.) Alors on arrête la blague, on redescend un peu sur terre et on regarde avec qui on vote, monsieur Guiraud ! (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Pour ma part, je m’opposerai à cet amendement ainsi qu’à l’amendement no 3643 du Gouvernement, et je soutiendrai l’amendement no 2948 de Charles de Courson. Deux lectures de ce budget sont possibles : la première distingue ce qui est de l’ordre des recettes de ce qui relève des dépenses, mais on peut aussi se demander qui va payer le plus, notamment s’agissant des particuliers. Qu’on les juge nécessaires ou non, les dépenses publiques et sociales produisent l’essentiel de leurs effets sur les classes populaires et moyennes, celles qui souffriraient le plus d’une diminution des services publics ou du niveau de protection sociale. À elle seule, la taxe sur les énergies, qui s’applique à l’ensemble des Français, pèsera trois fois plus que celle proposée ici pour les ultrariches. En réalité, ce budget pèse donc principalement sur les classes populaires et les classes moyennes.
Comme l’a très bien expliqué M. Sansu, l’article 3 est le seul à viser les plus riches, ceux qui réussissent, grâce à un transfert d’une part de leurs revenus personnels vers leurs revenus professionnels, à payer moins d’impôt sur le revenu que le décile situé juste en dessous d’eux – c’est largement démontré par des chiffres officiels. Sachant que l’on est déjà passé de 65 000 personnes à 25 000 personnes, si l’on réduit encore l’assiette de la CDHR, il ne restera plus grand-chose des 2 milliards attendus. L’amendement de Charles de Courson nous garantira à peu près, lui, ces 2 milliards, ce qui justifie qu’il ait été largement adopté en commission.
C’est pourquoi je demande que l’on ne réduise pas l’assiette prévue par l’article 3, qui ne prendra que très peu – pas assez – aux ultrariches par rapport à l’effort global qui est demandé à la population.
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
L’alinéa 5 est intéressant en ce qu’il montre clairement l’approche du Gouvernement, qui a voulu corriger, en agissant sur les abattements, certains effets de l’article 3 sur le revenu fiscal de référence – M. Lefèvre a estimé que d’autres abattements devaient aussi être concernés et demeurer inclus dans le dispositif. Pour ma part, je trouve assez injuste de corriger de cette manière. D’un côté, certaines personnes vont profiter du dispositif deux fois, en bénéficiant d’abord de l’abattement au titre du calcul de l’impôt sur le revenu, puis de la neutralisation du mécanisme, visant à ce qu’elles ne soient pas concernées par la contribution exceptionnelle. De l’autre, les personnes qui ne bénéficient d’aucun abattement, d’aucun mécanisme fiscal favorable à leur situation, vont se trouver doublement pénalisées : j’ai, dans ma circonscription, un chef d’entreprise qui va vendre sa société en 2024 et se trouve dans ce cas.
Je ne suis donc pas favorable à l’amendement no 3522 ni à l’amendement du Gouvernement, qui proposent tous deux de corriger le revenu fiscal de référence pour des personnes qui bénéficient déjà d’un taux réduit, le premier au titre de la durée de détention et le second au titre notamment des brevets : cela aurait pour conséquence de les faire profiter doublement d’un dispositif favorable, contrairement à d’autres contribuables qui n’en bénéficieront pas du tout.
M. Philippe Brun
Elle a raison !
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Je partage complètement la position de Véronique Louwagie. Monsieur Lefèvre, vous faites référence à un dispositif ancien, mais offrant toujours la possibilité, si on détient les titres depuis un certain nombre d’années, de bénéficier d’un abattement de 85 %. S’il me semble légitime, compte tenu du seuil de 500 000 euros, que le Gouvernement ait retenu dans cet article le départ à la retraite – un mécanisme qui va être pérennisé, on le verra plus loin dans les débats –, la proposition consistant à créer des dispositifs dérogatoires, comme le font cet amendement et celui du Gouvernement, soulève des difficultés. En effet, si certaines personnes décident d’opter pour le système mis en place avant 2017 – c’est la fronde des entrepreneurs de 2012, dite mouvement des pigeons, qui avait conduit à ce système pour amortir l’effet de la plus-value sur les entrepreneurs concernés –, il y aura un effet d’aubaine posant un problème d’égalité devant l’impôt. (M. Philippe Brun applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
D’autres amendements permettront peut-être de lever les doutes qui viennent d’être exprimés, notamment sur les revenus exceptionnels, et il faut considérer dans sa globalité l’ajustement de l’assiette pour se prononcer sur les points particuliers que vous avez évoqués. En tout état de cause, je maintiens que l’amendement de M. Lefèvre est nécessaire, compte tenu des arguments que j’ai évoqués précédemment.
(L’amendement no 3522 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 3643.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il s’agit d’exclure les revenus tirés de la cession, concession ou sous-concession d’actifs de propriété industrielle, notamment les brevets qui sont imposés au taux de 10 %, ainsi que les produits perçus par les inventeurs personnes physiques, de l’assiette du RFR dans le cadre du dispositif de la contribution différentielle.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Pour les mêmes raisons que celles que j’ai avancées il y a quelques minutes, je serai, à titre personnel – puisque cet amendement n’a pas été examiné en commission –, défavorable à cet amendement. Aujourd’hui, quand vous cédez un actif de propriété industrielle, vous bénéficiez d’un taux de taxation extrêmement favorable de 10 %. Le Gouvernement nous demande de soustraire le montant de cette taxation des 20 % du RFR : comme l’a très bien dit Mme Louwagie, cela reviendrait à un double avantage. Pourquoi des gens très riches paient-ils bien moins que 20 % de leur revenu fiscal de référence ? C’est parce qu’ils utilisent massivement des avantages fiscaux non plafonnés. La solution proposée par le Gouvernement consiste à les soustraire du RFR pris en compte dans le dispositif tout en prenant en compte d’autres éléments intégrés dans l’impôt payé, mais c’est totalement incohérent !
M. Charles de Courson
C’est la raison pour laquelle la commission a adopté à une large majorité l’amendement suivant, le no 2948. (« Non ! » sur les bancs du groupe EPR.)
Bien sûr que si !
M. Mathieu Lefèvre
Elle n’a rien adopté, la commission !
M. Charles de Courson
Ne dites pas tout et son contraire, monsieur Lefèvre ! Cet amendement, que j’ai déposé, a été adopté ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
À titre personnel, avis défavorable sur l’amendement no 3643. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. Philippe Brun.
M. Philippe Brun
Il est tout de même surprenant que le Gouvernement, qui nous propose cet article parce qu’il y a trop de niches fiscales et qu’il faut garantir un taux minimal d’imposition à 20 %, en crée de nouvelles au sein du même article !
Le Gouvernement a d’abord dit que sa proposition concernerait 62 000 contribuables. Puis nous avons appris qu’il ne s’agirait finalement que de 24 000. Si nous avions adopté la proposition de M. Lefèvre et si nous votions les amendements successifs du Gouvernement, à combien arriverions-nous ? À 20 000 ? À 15 000 ? À 5 000 ? Ce dispositif, que nous soutenons, vise à éviter les niches fiscales et à fixer un taux minimal d’imposition quels que soient les abattements, les niches fiscales ou les réductions de base. Quel serait l’intérêt de créer de nouvelles exemptions qui iraient à l’encontre de cet objectif ? Nous voterons donc contre tous les amendements du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Monsieur Brun, un peu plus tard sera examiné un amendement similaire qui vise à exclure de l’assiette les déductions d’impôts au titre des dons aux associations caritatives.
M. Gérald Darmanin
Une niche fiscale !
Mme Christine Arrighi et M. Nicolas Sansu
Le montant en est plafonné !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Que faut-il faire ? Prenons garde aux conséquences que la création de la CDHR pourrait avoir sur certaines dépenses fiscales, comme les dons aux associations.
Actuellement, nous parlons d’entrepreneurs qui investissent, qui inventent, qui déposent des brevets.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Et qui ne paient pas les impôts qu’ils devraient payer…
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je crois que nous pouvons assumer ensemble la création de la CDHR et considérer intelligemment…
M. René Pilato
On peut ne pas être d’accord avec vous et être intelligent !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
…qu’il ne faut pas abîmer certaines dépenses fiscales utiles à la société, comme celles concernant la propriété industrielle ou les dons aux associations.
On peut – et l’on doit – débattre à propos de chacune d’entre elles mais la bonne politique fiscale consiste à définir ensemble l’assiette de l’impôt. Il ne faut pas casser les bonnes niches, comme la déduction dite Coluche. Un peu plus tard, je proposerai, dans un autre amendement, de la préserver de la CDHR. Ce serait un comble que vous ne l’adoptiez pas !
Examinons donc les niches une à une, plutôt que d’en faire une question de principe. Ici, il s’agit de préserver un avantage fiscal qui incite les entrepreneurs individuels éligibles à la CDHR à être actifs en matière de propriété industrielle et de brevets afin de ne pas casser la dynamique d’innovation et de création dans notre pays.
M. Sylvain Maillard
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Monsieur le ministre, ce que vous dites n’est pas cohérent. Nous parlons ici de gens qui, grâce à des niches fiscales, ne paient pas l’impôt que d’autres personnes un tout petit peu moins fortunées paient.
Je suis défavorable à ces niches fiscales car, quoiqu’elles soient légales, elles constituent un système qui permet à certains de défiscaliser une trop grande part de leurs revenus. Vous dites qu’il en existe de bonnes et de mauvaises. Or, pour moi, le problème est qu’elles permettent à des gens de ne pas payer l’impôt qu’ils devraient payer. Vous commencez à vouloir faire des exceptions alors qu’il faut considérer qu’il existe une inégalité de fait entre ceux qui, parce qu’ils ont des avocats et peuvent optimiser comme ils le souhaitent, dérogent à l’impôt et le contribuable moyen qui, même s’il gagne correctement sa vie, n’a pas ces moyens-là à sa disposition et paie cash l’impôt.
Vous êtes en train de recréer des exceptions qui contreviennent à la règle que vous avez établie et qui consiste à dire que, niches fiscales ou pas, il est normal qu’il y ait un taux minimal d’impôt. Votre amendement est contradictoire avec l’article que vous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz
Pour une fois, je partage l’avis du président de la commission des finances – c’est suffisamment rare pour que je le signale ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
La réalité est la suivante : si vous vendez votre entreprise et avez des revenus supérieurs à 250 000 euros, vous allez être taxé à taux plein. Si cet amendement était adopté, il en irait différemment pour les titulaires d’un brevet – il serait d’ailleurs intéressant de savoir si le contribuable a bénéficié du crédit d’impôt recherche ou d’autres dispositions ayant permis d’alléger préalablement les investissements réalisés. La vente d’un brevet, certes non réitérable, serait exclue du champ de l’article.
Notre politique doit inclure un peu de cohérence et de lisibilité. C’est soit tout le monde, soit personne ! Si le dispositif est créé, il doit concerner tous les revenus supérieurs à 250 000 euros, quand bien même ils proviendraient de la vente d’un brevet. Je suis désolée, mais ces ventes doivent être taxées comme les autres. Il n’y a pas de raisons de recréer une niche fiscale pour les brevets. Ce serait choquant. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
(L’amendement no 3643 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 2948, 3317 et 3318, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 2948.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Adopté en commission à une très forte majorité, cet amendement consiste à dire qu’on ne peut pas proposer un dispositif avec, au numérateur, 20 % d’un RFR diminué de quinze avantages fiscaux et, au dénominateur, l’impôt effectivement payé majoré de trente-cinq avantages fiscaux. Ce serait contre-nature puisque c’est grâce à l’utilisation de ces cinquante avantages fiscaux que les intéressés plongent sous le taux de 20 % d’imposition.
C’est simple et facile à comprendre ; et moi qui suis un garçon simple, j’ai proposé à la commission, qui a approuvé l’idée à une écrasante majorité, qu’au numérateur, on prenne 20 % du RFR et qu’on y soustraie uniquement l’impôt sur le revenu effectivement payé. On ne réintègre rien, contrairement à ce que proposent plusieurs de nos collègues. C’est simple, c’est clair.
Ainsi, monsieur le ministre, il y a une chance qu’on atteigne les 2 milliards d’euros de revenus promis avec cet article 3. Nous étions nombreux à être quelque peu dubitatifs sur ce chiffre en raison de la réintégration de cinquante avantages fiscaux non plafonnés. C’est ainsi qu’on permet à des contribuables aux revenus très élevés de payer un impôt sur le revenu extrêmement faible.
J’invite donc les députés à suivre la commission et à voter massivement en faveur de cet amendement.
Mme la présidente
Sur l’amendement n° 2948, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Paul Midy, pour soutenir les amendements nos 3317 et 3318, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Paul Midy
Ils visent à corriger le dispositif dans un cas très spécifique, qui ne concerne pas beaucoup de contribuables mais qui doit être traité : il s’agit des revenus exceptionnels tirés des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE).
Ces bons constituent un mécanisme très utile pour les entreprises innovantes parce qu’il permet d’attirer des talents et, surtout, d’associer les salariés au succès de la société en partageant mieux la valeur. Ces amendements touchent des salariés dont le salaire est inférieur à 250 000 euros par an pour des gains en BSPCE limités par rapport au salaire. Il s’agit d’éviter que des salariés qui ne sont pas la cible de la CDHR tombent sous le coup du dispositif.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements de M. Midy ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je comprends mal pourquoi ils sont en discussion commune avec l’amendement no 2948…
Sur le fond, il s’agit toujours du même problème. Puisque les BSPCE constituent un avantage salarial consenti sous la forme d’actions, il serait anormal, voire scandaleux, de les exclure de l’assiette de la CDHR. Cela signifierait qu’on encourage la pratique consistant à utiliser des BSPCE pour minorer son imposition. Et l’on ne parle pas de petits startupeurs ou de la majorité des employés de la Station F mais de personnes qui gagnent plus de 250 000 euros par an et par part fiscale !
Ces amendements n’ayant pas été examinés par la commission, j’émets un avis défavorable à titre personnel.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements en discussion commune ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Effectivement, monsieur le rapporteur général, ces amendements ont des objets différents.
Concernant le vôtre, je ne peux que saluer votre volonté de simplicité. Hélas, il faut prendre en considération la complexité liée à la composition des foyers et ne pas oublier qui l’on veut viser avec la CDHR. De même qu’à l’époque de la CEHR, on ne doit pas ignorer le caractère familial de la problématique de la CDHR – je pense que Mmes Louwagie et Dalloz seront d’accord avec moi sur ce point. La composition du foyer doit entrer dans le mécanisme de calcul. Ce ne serait pas le cas avec le mécanisme réduit à sa plus grande simplicité que propose le rapporteur général. Je pense donc qu’il ne faut pas retenir son amendement afin de tenir compte de la réalité de la composition des foyers.
D’autre part, quelle est la cible de l’article 3 ? Ce sont les ménages, non les entreprises. Des mesures de fiscalité exceptionnelle sont également prévues pour ces dernières ; un débat nourri nous attend un peu plus tard sur le sujet. Pour exclure les entreprises du champ de l’article 3 et ne toucher que les ménages, des retraitements, concernant notamment les entrepreneurs individuels, sont nécessaires ; ils ne peuvent se réduire à la simple soustraction proposée. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur l’amendement no 2948.
Je ferai une réponse assez similaire à propos des amendements de M. Midy sur les BSPCE. L’article 3 doit concerner les ménages avec une certaine globalité. Je vais pour le coup reprendre les arguments du président Coquerel, mais si l’on va trop loin dans le mitage de l’assiette de l’impôt, la mesure finira par perdre son sens originel. En revanche, comme je l’ai déjà indiqué, nous discuterons plus tard d’un amendement concernant les revenus exceptionnels. Dans certains cas, les BSPCE peuvent entrer dans cette catégorie. Je préconise donc le retrait de ces deux amendements au profit de celui sur les revenus exceptionnels ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Le fait de toucher à l’imposition des personnes les plus aisées ne doit pas nous conduire au n’importe quoi fiscal. M. le ministre a raison : il faut protéger le tissu entrepreneurial de la CDHR et de ses possibles effets délétères. M. de Courson a déposé un amendement qui tend à éliminer toute forme de familialisation de cet impôt. C’est à rebours de ce qu’il a défendu pendant des décennies puisque, à une époque, il proposait de rehausser le quotient familial.
On aurait ainsi une contribution différentielle qui serait individualisée. Il faut faire très attention : si, demain, cette contribution entraîne pour les investisseurs une impossibilité de se rémunérer, nous assisterons à la dévitalisation de notre économie.
Je rappelle que le CAC40 est aujourd’hui financé à plus de 50 % par des capitaux étrangers.
M. Sylvain Maillard
Il a raison !
M. Mathieu Lefèvre
Veut-on vraiment ne plus avoir de souveraineté dans notre pays et ne plus y avoir d’investisseurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Nous prenons là un grand risque. Il faut être très vigilant car, quand plus de 50 % des entreprises du CAC40 sont détenues par des fonds de pension étrangers, la souveraineté n’est pas qu’un grand mot. Faisons très attention à nos décisions et, surtout, n’adoptons pas cet amendement no 2948, digne d’un apprenti sorcier fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Exclamations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP)
Mme la présidente
La parole est à Mme Eva Sas.
Mme Eva Sas
Je soutiens l’amendement de Charles de Courson. En neutralisant les réductions et les crédits d’impôts et en supprimant les abattements liés à la situation familiale, il tend en effet à instaurer un véritable plancher, rendant ainsi son sens originel à la contribution différentielle sur les hauts revenus.
Charles de Courson l’a dit, nous doutons du rendement de la contribution différentielle telle qu’elle a été prévue par le Gouvernement. Avec l’amendement en discussion, qui simplifie les choses et crée un véritable plancher, nous atteindrons peut-être les 2 milliards espérés. Le budget qui nous est soumis est très déséquilibré ; puisqu’il s’agit là de la seule contribution demandée aux hauts revenus, il faut au minimum prévoir ce plancher. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Mme Sas a raison : le Gouvernement était en train d’inventer un filet qui attrape les sardines tout en laissant passer les baleines. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.) Il faut bien qu’on le corrige !
L’impôt sur le revenu comporte plusieurs tranches ; s’il s’appliquait normalement, quelqu’un bénéficiant de 250 000 euros de revenu par part devrait payer 30 % d’impôt, soit 70 000 à 75 000 euros. En le faisant payer 20 %, on lui fait une fleur ; mais il faut au moins imposer ce plancher et éliminer toute possibilité d’éviter l’impôt. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. Paul Midy.
M. Paul Midy
Monsieur le rapporteur général, ressaisissez-vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Quand vous traitez les bénéficiaires de l’amendement de petits startuppers de la Station F, vous insultez 1,3 million de Français qui travaillent dans nos jeunes entreprises innovantes. (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) Je vois que ce milieu vous est étranger, mais il y en a dans tous les territoires. Trois exemples pour vous initier au sujet : la start-up Pasqal, qui va fabriquer l’ordinateur quantique sur le plateau de Saclay, est peut-être l’Apple ou l’IBM de demain ; la start-up Commune fait de l’innovation sociale en développant le coliving des familles monoparentales ; la start-up Murfy, spécialisée dans le reconditionnement d’électroménager, participe à la transition écologique. Cessez donc d’insulter 1,3 million de Français par vos phrases à l’emporte-pièce ! (Mêmes mouvements.)
S’agissant de mes deux amendements, j’entends votre argumentation, monsieur le ministre, et je les retire, en espérant que nous pourrons travailler les amendements ultérieurs relatifs au traitement des revenus exceptionnels. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
(Les amendements nos 3317 et 3318 sont retirés.)
M. Pierre Cazeneuve
Élégant !
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
L’adoption de votre amendement, monsieur le rapporteur général, aurait des effets délétères, voire dévastateurs. (Rumeurs sur les bancs du groupe LFI-NFP.) En effet, elle remettrait en cause le principe simple de l’impôt minimum, évoqué à l’article 3. De plus, elle annihilerait l’ensemble des réductions et des crédits d’impôt, dont beaucoup correspondent à des dépenses réalisées dans les derniers mois de l’année, avant le 31 décembre ; certaines fondations s’en trouveraient fragilisées. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Oui, mes chers collègues, vous pouvez regretter les mécanismes de réduction et de crédit d’impôt, mais ils financent une série d’opérations. Il serait dangereux d’adopter un amendement de cette nature à quelques mois du 31 décembre.
Mme Marie-Christine Dalloz
France nature environnement va manquer de fonds !
Mme la présidente
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Monsieur le rapporteur général, votre amendement supprime l’essentiel des retraitements proposés dans l’article, mais il mélange plusieurs sujets. Nous sommes prêts à voter en faveur des dispositions relatives aux réductions et aux crédits d’impôt, mais nous tenons aux abattements liés à la situation familiale – c’était aussi l’argument de M. le ministre et de M. Lefèvre. Serait-il possible de sous-amender l’amendement pour ne garder que la partie relative aux exonérations ? Je n’ai pas réussi à déposer un sous-amendement en ce sens, mais ce serait une solution.
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je voudrais vous rassurer quant à l’aspect familial : mon amendement est conjugalisé. Il vise les deux abattements forfaitaires liés à la situation de couple et de famille, soit epsilon au regard des sommes en question. J’ajoute que j’ai aménagé le mécanisme de la décote car le texte gouvernemental créerait un effet de ressaut ; M. le ministre m’a d’ailleurs fait savoir qu’il était d’accord. Vous pouvez donc dormir tranquilles : l’amendement ne présente aucun problème du point de vue familial. Je suis un grand défenseur de la famille – comme tous les célibataires, c’est bien connu ! (Sourires.)
Madame Louwagie, vous avez utilisé un argument contraire à ce que vous avanciez tout à l’heure : si 26 000 personnes très fortunées ne paient que quelques pourcents de leur très haut revenu, c’est précisément parce qu’elles bénéficient d’une série d’avantages fiscaux. Si l’on réduit leur RFR et que l’on majore l’impôt payé par tous les autres contribuables, on va aboutir à une contraction. C’était votre argument de tout à l’heure, qui était plein de bon sens. Restez donc sur votre première intervention et oubliez la seconde !
Mme Véronique Louwagie
Ne vous inquiétez pas, je ferai comme bon me semble !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Comme toujours ! (Sourires.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Voilà un débat important, qu’il est nécessaire de mener : faut-il conserver le caractère familial de l’impôt ? C’est la question que vous soulevez, madame Sas. Aujourd’hui – et je suis favorable au maintien de ces dispositions –, l’impôt sur le revenu et la CEHR sont basés sur le quotient conjugal ou familial. Vous avez raison, monsieur le rapporteur général, de dire que c’est pris en compte pour l’entrée dans l’assiette – mais ce ne l’est pas pour le calcul de la CDHR. Il faut rester vigilants sur ce point. C’est pourquoi j’ai émis un avis défavorable sur l’amendement.
Mon avis est défavorable pour une autre raison encore : il ne faut pas confondre la contribution exceptionnelle des ménages et celle des entreprises, dont nous débattrons plus tard. Je me permets d’insister sur ce point : on ne parle pas de la CDHR pour entrepreneurs individuels. Je l’ai mentionné à propos des brevets : ne cassons pas, avec cet article 3, la dynamique de l’entrepreneuriat de notre pays !
M. Gérald Darmanin
Exactement !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il est important d’avoir cette idée à l’esprit au moment du vote.
Je suis très défavorable à l’amendement du rapporteur général.
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 2948.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 210
Nombre de suffrages exprimés 210
Majorité absolue 106
Pour l’adoption 155
Contre 55
(L’amendement no 2948 est adopté ; en conséquence, les amendements nos 3670, 2087 et 2089 tombent.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 3495.
M. Charles Sitzenstuhl
Comme vous le savez peut-être, notre pays dispose, depuis une vingtaine d’années, d’un régime spécial d’imposition : le régime d’impatriation, proposé aux personnes expatriées qui sont résidents fiscaux d’un autre pays et qui viennent travailler ou retravailler en France. L’amendement vise à préserver ce régime en reconnaissant le rôle des impatriés dans l’attractivité et l’activité économique de notre pays. L’article 3, tel qu’il est rédigé, mettrait en danger ce régime ancien qui a besoin de conserver sa stabilité. J’appelle l’ensemble de l’hémicycle à soutenir cet amendement important.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Notre collègue a raison de souligner le caractère exorbitant du régime d’impatriation. Vous savez tous ce qu’est un impatrié : c’est un Français parti à l’étranger puis revenu quelques années plus tard, et qui bénéficie pendant une période transitoire d’un régime fiscal très favorable par rapport à d’autres contribuables au revenu identique. En effet, un impatrié ayant des revenus salariaux de 300 000 euros aura un taux d’imposition moyen de 16 % ; le taux du PFU, de 30 %, sera également divisé par deux. Pour un impatrié célibataire ayant un salaire de 300 000 euros, la CDHR due ne sera donc que de 5 000 euros. Vous voyez bien que ce n’est pas acceptable. J’émets donc à titre personnel – l’amendement n’a pas été examiné en commission – un avis défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Ce sera, pour ma part, un avis favorable. Le régime des impatriés est important pour l’attractivité de la France. Il existe depuis longtemps et il a démontré sa force durant la période d’après-Brexit où nous avons réussi à attirer sur la place de Paris un certain nombre d’activités bancaires et financières, à un moment où la compétition se jouait entre Amsterdam et Francfort. À l’heure où l’attractivité doit demeurer une priorité pour notre pays et où la compétition avec nos voisins et d’autres pays du monde reste forte, ce régime mérite d’être protégé.
Mme la présidente
La parole est à M. Gérald Darmanin.
M. Gérald Darmanin
Monsieur le rapporteur général, je me permets de vous corriger : il me semble qu’un impatrié n’est pas forcément un Français qui revient, mais toute personne domiciliée fiscalement hors de France depuis cinq ans qui arrive dans notre pays pour y travailler. Il s’agit donc de tous ceux que la France attire et qui vont payer leurs impôts sur le territoire national – ce qui est positif –, et non uniquement de Français qui étaient soumis à un régime fiscal différent lorsque leur vie professionnelle les a amenés à partir à l’étranger.
M. le ministre l’a dit en termes choisis et M. le rapporteur général devrait en convenir : l’article 3 a écrasé le régime des impatriés et l’amendement de notre collègue vient le restaurer. Votre voix, monsieur le rapporteur général, est écoutée dans cet hémicycle ; en refusant cet amendement, vous allez mettre fin au régime des impatriés, ce qui, quoi qu’on pense de l’imposition des hauts revenus dans notre pays, se traduira par une baisse des recettes.
Je ne pense pas, monsieur le ministre – je vous l’ai déjà dit –, que cet article va apporter les recettes que vous attendez, car il induira des effets de comportement : une partie des contribuables concernés ne se paieront pas cette année ou l’année prochaine, ou ne vendront pas leur entreprise ; bref, ils différeront les gains – dont acte.
Mme Alma Dufour
Il a raison !
M. Gérald Darmanin
Cependant il apportera encore moins d’argent si l’amendement de M. Sitzenstuhl n’est pas adopté. Supprimer le régime d’impatriation serait préjudiciable à l’attractivité de la France et nous priverait de recettes fiscales. L’amendement vient réparer un article écrit à la hâte pour les raisons que l’on connaît. Vous devriez, monsieur le rapporteur général, reprendre la parole pour le soutenir, car votre avis négatif risque de nous coûter cher. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Qui peut bénéficier du régime d’impatriation ? Il y a deux cas de figure. Soit le salarié est appelé par une entreprise établie en France, qui a des liens de nature capitalistique, juridique ou autre avec l’entreprise d’origine établie à l’étranger – c’est ce qu’on appelle la mobilité intragroupe. Soit le salarié est directement appelé de l’étranger à occuper un emploi dans une entreprise en France – c’est ce qu’on appelle une embauche externe.
M. Gérald Darmanin
Moi aussi, j’ai le code général des impôts chez moi !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Tout le monde ne l’a pas sur sa table de nuit !
Que le salarié soit Français ou étranger, il n’y a pas de distinction en la matière.
M. Gérald Darmanin
C’est vous qui avez parlé d’« un Français » !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Non, j’ai pris l’exemple d’un Français – mais peu importe : vous voyez bien que le problème est que si vous acceptez de diminuer le RFR des revenus exonérés en vertu du régime des impatriés, comme le propose notre collègue dans son amendement, vous allez contre l’objectif des 20 % fixé par l’article gouvernemental. (M. Gérald Darmanin fait un signe de dénégation.) Bien sûr que si !
Vous élevez certes une critique de fond, que je partage : cette contribution présente le grave inconvénient d’être exceptionnelle, de sorte que les gens essaieront, comme toujours, de s’adapter. Une telle critique s’adresse au Gouvernement, l’article 3 émanant de lui, non de moi.
M. Aurélien Le Coq
Il suffit de la rendre permanente !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je maintiens donc mon avis – à titre personnel. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Gérald Darmanin.
M. Gérald Darmanin
Monsieur le rapporteur général, nous nous sommes mal compris. Il faut assumer ce que vous faites. (M. le rapporteur général fait un geste de la main.) Acceptez la critique ! J’ai été ministre des comptes publics pendant trois ans et je crois vous avoir répondu poliment à chaque fois que vous m’interrogiez. Ne m’envoyez donc pas balader ainsi, d’un revers de la main ! Vous occupez un poste à responsabilités : il va falloir vous habituer ! Dans cet hémicycle, nous avons le droit de débattre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Je connais le code général des impôts : j’ai la même édition que vous. Vous n’avez pas répondu à mon objection – d’ailleurs, M. le ministre opinait du chef en m’écoutant et il était intervenu dans le même sens auparavant. Nous sommes en train d’écrire la loi fiscale. Or la rédaction gouvernementale de l’article 3 écrase manifestement le régime des impatriés. C’est un fait – chacun peut faire des erreurs, ce n’est pas grave ; l’article a été écrit dans la précipitation, dans les conditions politiques que l’on sait. L’amendement de M. Sitzenstuhl vise à restaurer ce régime. Il ne s’agit pas de mettre en cause la fiscalité des hauts revenus ; il s’agit pour notre pays de faire payer sur notre sol des personnes qui ne seraient pas venues sans ce régime.
À moins que vous ne soyez contre le régime des impatriés, auquel cas nous comprendrions qu’un tel désaccord politique motive votre avis défavorable sur l’amendement de M. Sitzenstuhl,… (L’orateur prononce mal le patronyme, suscitant des exclamations et des rires sur plusieurs bancs.)
Notre camarade Charles ! S’il était né dans le Nord-Pas-de-Calais comme moi, nous n’aurions pas ce problème. (Sourires sur certains bancs, exclamations sur d’autres.) Excuse-moi, Charles !
Bref : je conjure M. le rapporteur général de considérer que si l’Assemblée suit son avis négatif, nous écraserons le régime des impatriés. Vous nous priveriez ainsi de dizaines de millions d’euros de recettes.
(L’amendement no 3495 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 2091.
M. Mathieu Lefèvre
Il convient de faire très attention au traitement des revenus exceptionnels. Quelle est en effet la grande différence entre l’imposition des revenus du capital et celle des revenus du travail ?
M. Laurent Jacobelli
Ah, une devinette !
M. Mathieu Lefèvre
C’est que les revenus du capital sont par définition exceptionnels. Ils doivent donc subir un traitement exceptionnel.
Dans le cas d’espèce, la contribution proposée présente une double condition, d’annualité et de montant. Je propose simplement d’assouplir cette double condition pour éviter que nous nous retrouvions dans une situation dans laquelle nous n’obtiendrions pas les recettes fiscales escomptées précisément parce que les entrepreneurs de ce pays différeraient leurs cessions.
M. Aurélien Le Coq
Rendre le dispositif pérenne suffirait à régler le problème !
M. Mathieu Lefèvre
Vous savez ce qui s’est passé en 2012, sous François Hollande : en voulant aligner la fiscalité du capital sur celle du travail, on a totalement bloqué l’économie française (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et EcoS) parce qu’en bridant les investissements, la capacité d’entreprendre et d’innover, on finit par pénaliser l’économie française dans son ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR.)
Mme Farida Amrani
Le déficit, c’est vous ! Vous l’avez oublié ?
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
M. Lefèvre a tout à fait raison de soulever le problème, mais, dans le texte gouvernemental, le régime de prise en compte des revenus exceptionnels permet d’étaler le montant de ces revenus sur quatre ans – dans le cadre de la CEHR, c’est sur trois ans. Un amendement gouvernemental traitant de cette question arrivera bientôt en discussion. Je vous demanderais donc de retirer le vôtre au profit de celui du Gouvernement ; à défaut, mon avis serait défavorable.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Monsieur Lefèvre, vous abordez un sujet important, celui des revenus exceptionnels. Je l’aborderai moi-même dans un amendement ultérieur. Je vous demanderai donc de retirer le vôtre au profit du mien, qui vise à prendre en considération tant la nature exceptionnelle que le montant de la contribution. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Permettez-moi de revenir sur l’amendement précédent, d’en appeler à la cohérence des votes et d’abonder dans le sens de M. Darmanin. Étant donné que des idées divergentes s’expriment, que la majorité est relative et que le NFP et le Rassemblement national votent régulièrement dans le même sens, je comprends que certains amendements puissent être adoptés. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Mme Danielle Simonnet
Pas vous ! Quelle honte !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Cela étant, la question de l’impatriation doit être traitée en fonction de notre volonté d’attirer et de conserver des emplois internationaux chez nous. C’est la seule considération qui aurait dû déterminer votre vote sur cette question. Je prends note qu’il a été défavorable : cela signifie donc qu’on ne veut plus attirer d’emplois internationaux en France.
M. Manuel Bompard
C’est ridicule : il y a des gens qui veulent bien venir et contribuer !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Je voulais juste clarifier ce point. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Aurélien Le Coq.
M. Aurélien Le Coq
Il est assez amusant d’entendre M. Lefèvre exprimer ses craintes que les plus riches puissent contourner votre supertaxe exceptionnelle. Si vous ne voulez pas qu’ils la contournent parce que vous la limitez dans le temps, vous disposez d’une solution très simple : votez pour les amendements qui tendent à la rendre pérenne ! Ainsi, ils n’auront pas le choix : elle tombera. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Puisque M. Darmanin se permet de donner des leçons en invitant à exclure tel ou tel du dispositif, je rappelle que si la représentation nationale cherche de l’argent aujourd’hui, c’est parce que les gouvernements auxquels il appartenait ont vidé les caisses pendant les sept dernières années. (Mêmes mouvements.)
Mme Farida Amrani
Eh oui !
M. Mathieu Lefèvre
C’est n’importe quoi !
M. Aurélien Le Coq
Depuis tout à l’heure, certains demandent en pleurant : et ceux-ci, et ceux-là, ne faudrait-il pas les retirer de l’assiette ? Doivent-ils vraiment payer ? Ne faudrait-il pas ajouter un petit abattement ? Nous parlons de gens qui gagnent 20 000 euros par mois pour une personne seule, 40 000 euros pour un ménage ! Imaginez les Françaises et les Français qui nous regardent : leur salaire médian est de 1 850 euros ; ils doivent trouver vos débats déconnectés de leurs vies. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre.
M. Mathieu Lefèvre
Monsieur Le Coq, je crois que vous êtes élu à Lille, où existe un très fort tissu industriel. Vous demanderez aux patrons lillois comment ils font pour développer leurs entreprises sans investissement personnel et comment ils le feraient si la fiscalité devenait celle que vous évoquez. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Manuel Bompard
Vous vous prenez pour qui ?
M. Sylvain Maillard
Ils iront en Belgique !
M. Mathieu Lefèvre
Suite aux explications du ministre, je retire l’amendement. Je ferai de même pour les amendements nos 2090 et 2092.
(L’amendement no 2091 est retiré.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 3455.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Il s’agit d’un amendement de précision : je propose de remplacer « recueillis » par « perçus ».
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Avis défavorable, comme tout à l’heure.
Je le répète : il existe une différence entre revenu disponible et revenu perçu. Selon la doctrine fiscale, le revenu fiscal de référence est le revenu disponible. Cela nous assure une assiette plus large que le revenu perçu.
Monsieur le rapporteur général, vous dites que vous ne souhaitez pas réduire l’assiette du RFR ; en optant pour le revenu perçu, c’est pourtant ce que vous faites. Il faut donc conserver l’expression « revenu disponible ».
(L’amendement no 3455 est retiré.)
Mme la présidente
M. Mathieu Lefèvre a retiré les amendements nos 2090 et 2092.
(Les amendements nos 2090 et 2092 sont retirés.)
Mme la présidente
Je suis saisie de trois amendements, nos 1768, 752 et 1770, pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur les amendements nos 1768 et 1770, je suis saisie par le groupe du groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire de demandes de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 1768.
M. Aurélien Le Coq
Comme nous vous l’avons déjà expliqué, la contribution exceptionnelle de 20 % est largement insuffisante, notamment pour la raison exposée tout à l’heure par mon collègue Sansu : les personnes en question devraient s’acquitter d’un impôt de 31 % en moyenne ; leur demander une garantie d’effort fiscal à hauteur de 20 % de leurs revenus est donc non seulement ridicule, mais honteux.
Par les amendements nos 1768 et 1770, nous proposons de faire passer cette garantie à respectivement 40 % ou 30 % des revenus, car il s’agit de ménages qui peuvent se le permettre.
Je le répète : nous parlons ici de 0,06 % des ménages français, soit 24 000 foyers fiscaux, de gens gagnant 250 000 euros par an. Alors que vous trouvez absolument normal de récupérer 3,6 milliards d’euros sur le dos des retraités, demander 2 milliards aux plus riches, ce serait déjà trop. Pourquoi les retraités seraient-ils en mesure de contribuer plus largement à l’effort que ne le font les ultrariches ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Rappel au règlement
Mme la présidente
La parole est à M. David Amiel, pour un rappel au règlement.
M. David Amiel
Rappel au règlement sur le fondement de l’article 100, alinéas 1, 2 et 3.
Je rappelle au rapporteur général qu’il n’y a pas eu d’amendements adoptés par la commission des finances puisqu’elle a rejeté la première partie du texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et DR.) Il est légitime que le rapporteur général donne son avis à titre personnel, mais non qu’il se prévale de l’avis de la commission des finances, qui a fini par rejeter le texte. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Charles de Courson, rapporteur général
Mon cher collègue, il faut faire attention aux arguments que l’on utilise. Tous ces amendements ont été examinés par la commission, qui les a adoptés. Peut-être n’étiez-vous pas très content qu’ils le soient, mais ils l’ont été. (« L’ensemble a été rejeté ! » sur les bancs du groupe EPR.) Respectez la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.) Si l’on suivait votre argument jusqu’au bout, nous pourrions tous nous lever et partir : il n’y aurait plus de Parlement. (Mêmes mouvements.)
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Je crois que personne ne doit avoir peur de la vérité. Pour la suite de nos débats, il serait nécessaire d’expliquer que certains amendements ont été adoptés par la commission avant que ces votes ne soient annulés par celui sur l’ensemble. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe EPR.) Si cette version vous convient, je propose de présenter les choses ainsi. Une telle information est nécessaire, car la commission a bien adopté des amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Article 3 (suite)
Mme la présidente
La parole est à M. Jacques Oberti, pour soutenir l’amendement no 752.
M. Jacques Oberti
Par cet amendement, le groupe Socialistes et apparentés souhaite porter le taux de 20 % à 35,67 %, qui est le taux moyen observé pour les revenus supérieurs à 250 000 euros par an, sachant qu’au-dessus de 1 million, ce taux s’élève à 42,67 %. Le taux de 20 % est donc vraiment trop faible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
Mme la présidente
L’amendement no 1770 de Mme Marianne Maximi est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Un taux de 40 % correspond à une moyenne. Pour aboutir à un tel taux, il faudrait des taux marginaux qui aillent au-delà de ce qu’accepte le Conseil constitutionnel. Pour cette seule raison, j’émets un avis défavorable.
J’ajoute qu’en l’espèce, un tel taux entraînerait des délocalisations.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Même avis, pour les mêmes raisons.
J’ajoute que le taux de 35,67 % que vous mentionnez, monsieur Oberti, est le taux moyen observé : ce n’est donc pas un plancher ! Le but de la mesure est de s’assurer que le taux réel d’impôt sur le revenu payé par certains ne soit pas trop bas. Ne confondons pas taux marginal et taux moyen.
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Avec un tel taux, si l’on ajoute les prélèvements sociaux – CSG, CRDS… –, à hauteur de 18 %, on entre dans le domaine du confiscatoire !
Je voudrais d’ailleurs demander à M. Le Coq ce qu’il entend par « ultrariches », afin de savoir si M. Mélenchon, avec ses 2,5 millions d’euros de patrimoine, appartient à cette catégorie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1768.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 165
Nombre de suffrages exprimés 164
Majorité absolue 83
Pour l’adoption 61
Contre 103
(L’amendement no 1768 n’est pas adopté.)
(L’amendement no 752 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’amendement no 1770.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 171
Nombre de suffrages exprimés 170
Majorité absolue 86
Pour l’adoption 67
Contre 103
(L’amendement no 1770 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 3640.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il s’agit de l’amendement portant sur les revenus exceptionnels. Nous proposons de partir de la définition retenue pour l’impôt sur le revenu et de ne les intégrer que pour le quart de leur montant dans l’assiette de la CDHR.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
L’amendement vise à mettre en cohérence la prise en compte des revenus exceptionnels dans le calcul de l’IR et dans celui de la CDHR. Nous en avons déjà débattu tout à l’heure à propos de l’amendement de M. Lefèvre. Avis favorable.
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Il me paraît essentiel de traiter de manière particulière les revenus exceptionnels mais pourriez-vous nous en fournir une liste, monsieur le ministre ? Toutes les plus-values réalisées sur des cessions d’actifs seront-elles concernées ? Quels sont les autres éléments qui seront éventuellement pris en compte ? J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus.
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Vous avez donné le bon exemple : les plus-values sur les cessions d’entreprises seront concernées, à hauteur d’un quart de leur montant. Dès lors qu’elles ne sont pas récurrentes, elles appartiennent, d’après la doctrine, à la catégorie des revenus exceptionnels. C’est un cas typique d’application de la mesure.
(L’amendement no 3640 n’est pas adopté.)
Mme la présidente
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl, pour soutenir l’amendement no 3499.
M. Charles Sitzenstuhl
Il est en lien avec l’amendement no 3495, que nous avons examiné tout à l’heure et dont je regrette vraiment qu’il n’ait pas été adopté.
Nous sommes passés trop vite sur le régime des impatriés, qui est essentiel. C’est certes un régime fiscal spécial, mais il est ancien et a résisté aux alternances. Quand la gauche a été aux responsabilités, elle n’est pas revenue dessus : François Hollande et les socialistes ne l’ont pas supprimé. C’est bien qu’il a une raison d’être ! Il répond au besoin d’attractivité de notre pays et concerne un public restreint mais qui évolue dans un environnement européen, voire mondial, caractérisé par une concurrence très forte.
Sur cette question de l’impatriation, certains de nos partenaires européens, comme l’Italie, essaient eux aussi de faire mieux ; peut-être sont-ils en passe de devenir plus attractifs que la France. J’appelle donc l’Assemblée à soutenir cet amendement. Ceux qui appartiennent à des partis de gouvernement, donc qui ont été aux responsabilités ces vingt dernières années, doivent bien comprendre qu’il y va de l’intérêt général : ce n’est pas une question d’opinion politique. Il y a un effet de bord, dans cet article 3, qui n’a pas été pris en considération et qu’il importe de corriger.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Notre collègue Sitzenstuhl a tout à fait raison. Son amendement n’a pas été examiné par la commission mais il est vrai que les revenus exonérés en application d’une convention fiscale ne sont pas traités de la même manière que les crédits d’impôts. À titre personnel, j’y suis favorable.
(L’amendement no 3499, accepté par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
Mme la présidente
Sur le vote des amendements no 1765 et identiques, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouveau Front populaire d’une demande de scrutin public.
Sur le vote de l’article 3, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une autre demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 755, 1765, 3245, 3586 et 2088, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 755, 1765, 3245 et 3586 sont identiques.
La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir l’amendement no 755.
M. Philippe Brun
Il vise à remédier au principal défaut de la mesure qui nous est ici proposée. J’entendais les arguments formulés tout à l’heure par nos collègues Darmanin, Lefèvre et Sitzenstuhl : puisque la mesure est temporaire, elle conduira nécessairement à une érosion de la base fiscale, du fait des comportements d’optimisation qui en découleront. En effet, les concernés seront amenés à ne pas décaisser certains revenus durant les années d’application de la présente taxe, afin d’échapper à cette imposition minimale. Pour éviter de tels effets de bord, une solution existe : il faut pérenniser la mesure – il sera toujours possible de la supprimer plus tard, si vous en avez l’envie ! Si M. Darmanin devient un jour président de la République, il aura tout loisir de le faire.
Mais si nous voulons éviter les effets de bord, il faut la rendre pérenne, pour que personne ne puisse imaginer pouvoir y échapper dans les années qui viennent. Pour ce faire, nous vous proposons de supprimer l’échéance de 2026 inscrite dans le texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Marianne Maximi, pour soutenir l’amendement no 1765.
Mme Marianne Maximi
Ces amendements identiques, nous les avions adoptés en commission, avant que l’ensemble du texte ne soit rejeté par l’alliance de l’arc bourgeois et réactionnaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS. – Exclamations sur les bancs des groupes EPR et RN.) Voilà sept ans que nous faisons face à une véritable politique de l’offre, sept ans qu’Emmanuel Macron a multiplié les cadeaux aux plus riches et aux plus grandes entreprises, sept ans qu’il nous manque des recettes !
Le présent article vise à faire entrer de nouvelles recettes dans les caisses de l’État. Ce n’est pour le moment pas à la hauteur, mais nous y reviendrons lors de l’examen d’amendements ultérieurs. Surtout, ces recettes ne sont prévues que de manière temporaire ; or il nous semble parfaitement injuste de ne cibler l’effort que sur une très courte période.
Quand il s’agit de s’en prendre aux droits des plus précaires ou de réformer la retraite, c’est pour toujours que vous le faites ! Vous ne prévoyez pas de revenir en arrière. Quand vous faites la réforme de l’assurance chômage, ce n’est pas limité dans le temps ! Quand vous faites des lois régressives pour les classes populaires et les classes moyennes, ce n’est jamais borné ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Ayda Hadizadeh applaudit également.) Nous demandons donc que les plus aisés de notre pays soient mis à contribution de manière permanente, afin de financer nos services publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Danielle Simonnet, pour soutenir l’amendement no 3245.
Mme Danielle Simonnet
Je vous invite à être raisonnables. Qu’est-ce que ça veut dire, raisonnable ?
M. Laurent Jacobelli
Ah ! Leçon de choses, par Mme Simonnet !
Mme Danielle Simonnet
Quand on a accumulé tant de cadeaux aux ultrariches, au point d’atteindre un découvert historique, une dette très impressionnante,…
Mme Prisca Thevenot
Vous n’avez pas honte ?
Mme Danielle Simonnet
…il est normal de mettre à contribution les très hauts revenus. Si j’ai bien suivi, cela ne concernerait que 24 300 foyers qui, au passage, auraient dû payer 45 % d’impôt mais qui, dans les faits, y échappaient, par différentes stratégies d’évitement. Vous décidez donc, exceptionnellement et pour deux ans seulement, qu’ils contribueront au moins à hauteur de 20 %. Par la suite, ils pourront de nouveau descendre en dessous de ce seuil et échapper encore plus à l’impôt.
Faites au moins en sorte que cette taxation des hauts revenus soit pérenne ! Quand vous décidez d’augmenter par exemple la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, ce qui va coûter 6 milliards à l’ensemble de nos concitoyens et peser surtout sur celles et ceux dont les revenus sont faibles, vous le prévoyez – hélas – de manière pérenne ! Heureusement, en commission, nous avons réussi à faire sauter cette mesure. C’est que nous, nous avons été raisonnables ! La commission a aussi adopté le présent amendement, qui rend pérenne la contribution sur les hauts revenus.
Alors vous aussi, votez pour cet amendement commun à différents groupes, afin que les hauts revenus participent à l’effort national pas simplement pour deux ans mais de manière récurrente, chaque année ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, SOC et GDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei, pour soutenir l’amendement no 3586.
M. Jean-Paul Mattei
Comme je l’ai dit en commission, je suis toujours gêné que l’on mette des dates dans les textes de loi. La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 2011 devait ne s’appliquer que sur une durée courte, mais elle est toujours en vigueur ; c’est aussi le cas de la CSG, qui est bien plus ancienne. La présente contribution ne s’appliquerait que pour l’imposition des revenus de 2024, 2025 et 2026 – donc jusqu’à la déclaration qui sera effectuée en 2027. Je rappelle qu’il y aura des élections – présidentielle et peut-être législatives – en 2027 ! Cette mesure pourra donc faire l’objet d’un débat au cours des campagnes en question.
Je vous ai demandé tout à l’heure, monsieur le ministre, quel serait le taux marginal de cette contribution. Comme je l’ai déjà dit, je trouverais pertinent, si prospérait l’idée – que j’ai soutenue – de la flat tax à 33 %, que l’article 3 évite les effets de bord pour les petits épargnants en ne s’appliquant qu’à ceux qui ont de hauts revenus – parfois grâce à leur talent. Un impôt minimal de 20 % me semble à peu près équilibré, même s’il faut faire attention, en tenant compte de toutes les mesures que nous avons votées, à d’autres effets de bord éventuels. Il faut que le texte soit transparent et qu’on sache exactement où l’on va, y compris pour les contribuables qui auront à payer cet impôt.
Mme la présidente
La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour soutenir l’amendement no 2088.
M. Mathieu Lefèvre
Il est en discussion commune avec ceux qui viennent d’être présentés, mais il ne va pas dans le même sens. Pour ma part, je pense que ce qui est exceptionnel doit le rester. Des contributions « exceptionnelles » qui durent, on en connaît ! La dernière, c’était la CEHR de 2011, sous le gouvernement de François Fillon : elle ne devait durer qu’un an ou deux mais elle est encore en vigueur. En France, on a le malheur de faire pousser beaucoup d’impôts et de récolter beaucoup de fleurs les années suivantes.
Pour ma part, je propose de limiter cette contribution à la seule année 2025. De deux choses l’une : s’il s’agit d’un mécanisme de lutte contre l’optimisation fiscale, alors M. Mattei et les auteurs des amendements précédents ont raison : il faut que le dispositif soit pérenne.
M. Manuel Bompard
Ah !
M. Mathieu Lefèvre
Mais cela relève de l’imposition minimale, donc des travaux de l’OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques : nous ne pouvons pas le faire seuls, avec nos petits bras métropolitains. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) D’autre part, l’assiette ne peut pas être celle qui est proposée.
En revanche, s’il s’agit d’une contribution de rendement, elle doit rester exceptionnelle.
Mme la présidente
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
M. Charles de Courson, rapporteur général
Je commencerai par les amendements Mattei et Lefèvre qui proposent de limiter l’application de la contribution, l’un aux années 2025 et 2026, l’autre à la seule année 2025. Cela ne me semble pas raisonnable.
M. Emeric Salmon
Non, l’amendement Mattei ne propose pas cela !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Mais si !
M. Emeric Salmon
Non ! L’amendement Mattei propose justement de supprimer la mention de 2026 pour rendre pérenne la contribution !
M. Charles de Courson, rapporteur général
Toujours est-il que la commission a voté pour la pérennisation du dispositif. J’observerai simplement, à titre personnel, que si l’on pérennise la contribution, il ne faudra plus la qualifier d’exceptionnelle mais de permanente et l’intégrer dans le calcul de l’impôt sur le revenu.
Mme Christine Arrighi
On le fera quand on sera au Gouvernement.
M. Charles de Courson, rapporteur général
C’est une simple question de méthode. Personnellement, j’aurais souhaité que l’on s’en tienne à la position du Gouvernement.
Mme la présidente
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Il me semble que les quatre premiers amendements visent à pérenniser le dispositif alors que celui de M. Mathieu Lefèvre tend à en réduire la durée.
Je suis défavorable à la pérennisation de cette contribution. L’impôt temporaire, cela existe, et il faut savoir en conserver le caractère. Les réformes structurelles, telles qu’elles ont été planifiées, devraient nous permettre de réduire durablement les déficits publics, contrairement aux impôts exceptionnels sur des impôts exceptionnels. Une CEHR existe déjà et nous proposons une CDHR.
Cela étant, c’est vrai, le dispositif vise aussi à lutter contre l’optimisation excessive et je comprends ceux qui se saisissent de cet argument pour justifier la pérennisation. Je vous suggère de faire de ces trois années une période d’évaluation et d’aviser à son terme s’il est nécessaire de le pérenniser ou non.
M. Jean-René Cazeneuve
Très bien !
Mme Danielle Simonnet
La taxe sur l’électricité, vous n’attendez pas trois ans pour la pérenniser !
M. Laurent Saint-Martin, ministre
En revanche, je ne voudrais pas que le débat autour de la CDHR sème la confusion entre le taux moyen et le taux marginal. Certains déplorent que des contribuables soient soumis à un taux d’imposition de 20 % plutôt que 45 %. Attention, cela n’a rien à voir ! Nous partons d’un taux plancher moyen. Cela ne signifie pas que les personnes assujetties à la CDHR ne sont pas soumises à des taux marginaux bien plus élevés. Il est bien évident, au contraire, qu’elles le sont. Simplement, selon la nature des revenus, du niveau de flat tax dont elles s’acquittent et des niches fiscales dont elles bénéficient, les taux moyens baissent parfois en deçà de 20 % : c’est ce que nous voulons éviter grâce à la CDHR.
J’en profite pour remercier Jean-Paul Mattei d’avoir retiré l’amendement qui tendait à augmenter la flat tax car il ne faut pas multiplier les augmentations. La contrepartie de la CDHR est de maintenir en l’état la flat tax. La fiscalité des revenus du capital doit rester stable. Rappelons d’ailleurs que l’élargissement de fait de l’assiette a permis d’augmenter les rentrées fiscales lorsque nous avons adopté une flat tax à 30 % lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018. Ce serait contradictoire de revenir sur cette mesure.
Avis défavorable sur les amendements qui tendent à la pérennisation de la contribution ainsi que sur celui de M. Lefèvre qui souhaite en réduire la durée d’application car une expérimentation de trois années me semble utile. (M. David Amiel applaudit.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme Véronique Louwagie
Le Premier ministre et vous-même, monsieur le ministre, avez présenté l’article 3 en insistant sur le caractère exceptionnel, temporaire et ciblé de cette contribution. C’étaient vos propres mots. La volonté manifeste de pérenniser cette contribution, telle qu’elle ressort des débats de ce soir, est un très mauvais message envoyé à nos concitoyens, lesquels redoutent tout particulièrement l’instabilité fiscale et l’absence de lisibilité. De surcroît, nous avions pour principe, en commission des finances, de limiter dans le temps, en général trois ans, les dispositifs que nous créons. Ce n’est pas une règle écrite mais elle était consensuelle.
Je comprends bien les arguments tirés de la lutte contre l’optimisation fiscale mais, dans ce cas, il faut supprimer tous les mécanismes qui la favorisent. Soumettre les contribuables en question à une nouvelle contribution pérenne n’est pas la bonne méthode. Les députés de la Droite républicaine voteront contre les amendements de pérennisation et contre l’article 3 si ces amendements devaient tout de même être adoptés, parce que nous ne pouvons admettre qu’une contribution exceptionnelle soit pérennisée.
Mme Danielle Simonnet
Vous voterez donc contre la hausse de la taxe sur l’électricité ?
Mme la présidente
La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric Woerth
Je suis d’accord avec Mme Louwagie. De toute évidence, il s’agit là d’une contribution exceptionnelle, donc limitée dans le temps par définition.
Il ne faudrait pas non plus que, parce que l’on cible certains contribuables, ceux-ci deviennent des cibles. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Or c’est précisément ce que vous faites : faire d’une partie de la population des cibles comme si ces personnes volaient leur argent ou étaient incapables de payer leurs impôts. C’est extrêmement dangereux. Ne rendez pas ce débat malsain et injuste. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Dieynaba Diop
Oh, les pauvres !
M. Éric Woerth
Les ultrariches, comme vous les appelez, ou bien les hyper-riches, les super-riches – on ne sait plus comment les qualifier – paient souvent de super-impôts. (« Non, justement ! » sur les bancs des groupes LFI-NFP et groupe EcoS.) Et personne ne protège personne ! Derrière ces gens se trouvent bien souvent des emplois, de la fiscalité et même des entreprises qu’ils ont eux-mêmes créées et développées, voire transformées en véritables empires. Incroyable, n’est-ce pas ?
M. Ugo Bernalicis
Des entreprises qu’ils ont même délocalisées. Incroyable, n’est-ce pas ?
M. Éric Woerth
Je ne vous empêche pas de faire la même chose. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) Essayez : vous verrez que ce n’est pas si simple.
Mme Dieynaba Diop
Quel mépris !
Mme Danielle Simonnet
Stop, monsieur le professeur !
M. Éric Woerth
Dans d’autres pays, on donne ces mêmes personnes en exemple car elles ont réussi à créer des entreprises qui portent haut les valeurs de leur pays. Et pourtant, de votre côté, vous n’y croyez pas, vous n’en voulez pas. Le succès de la France, vous le piétinez. (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
Il y a encore une chose que vous piétinez. La justice fiscale est aussi une justice entre les générations. Hélas, les déficits qui nous préoccupent aujourd’hui sont le moindre de vos soucis, ils ne sont pas votre problème. Vous avez bien tort, vous vous trompez de combat. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)
Mme Danielle Simonnet
Il n’est pas beaucoup applaudi !
Mme la présidente
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Avant que le projet de loi ne soit rejeté par la commission des finances, cet amendement de pérennisation avait été largement adopté, ce qui ne m’étonne pas car tout concourt à ce que cette mesure ne soit pas limitée dans le temps.
Mme Véronique Louwagie
Elle est exceptionnelle !
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
La première raison est que toutes les mesures fiscales que nous prenons ne sont pas bornées dans le temps. Pourquoi celle-ci le serait alors que les autres taxes ne le sont pas ? Pourquoi le recul de l’âge de la retraite à 64 ans ou l’indemnisation des chômeurs seraient des mesures pérennes et pas cette contribution ?
M. Sylvain Maillard
Cela n’a rien à voir.
M. Éric Coquerel, président de la commission des finances
Les Français ne tarderont pas à s’apercevoir que seules deux mesures, dans le projet de loi initial, sont temporaires et qu’elles ciblent, comme par hasard, les personnes les plus riches et les très grandes entreprises. Toutes les autres sont permanentes. Ce n’est pas acceptable pour les gens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et SOC.)
Vous demandez à tout le monde de faire des efforts durables mais les seuls auprès de qui vous vous voulez rassurants en leur promettant que leur contribution sera temporaire, ce sont ceux qui ont largement de quoi vivre. C’est insupportable.
La seconde raison découle de l’argument invoqué par le ministre lui-même : la lutte contre l’optimisation fiscale appellerait des mesures structurelles, plus adaptées et conformes à la législation européenne. Je suis bien d’accord mais qu’allons-nous faire, en attendant ? Annuler la seule disposition qui impose un effort supplémentaire à ceux à qui les mécanismes d’optimisation fiscale profitent, alors même que les déficits ne sont pas près d’être résorbés ? Vous comprenez bien que limiter dans le temps cette seule mesure irait à l’envers de toute logique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Puisque la loi peut défaire ce que la loi a fait, je vous propose qu’une fois pourvus d’une loi plus intelligente, conforme au droit européen et donnant satisfaction à tous points de vue, nous mettions fin à cette contribution, mais en attendant, pérennisons-la car il n’y a aucune raison de la déclarer temporaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
Je voudrais rectifier les propos du rapporteur général : je n’étais pas favorable, dès le départ, à ce qu’on limite cette mesure dans le temps.
Je voudrais également répondre aux arguments du ministre. Si l’on prend cette disposition, c’est parce que l’on a besoin de recettes aujourd’hui. Si la situation financière de notre pays venait à s’améliorer, rien ne nous empêcherait de revenir en arrière. C’est ce qui est prévu pour la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Le président de la commission des finances l’a très bien dit : ce que la loi a fait, la loi peut le défaire. Sans y mettre de la malice ou chercher l’optimisation fiscale, des entrepreneurs pourraient décider par exemple de ne pas vendre tout de suite leur affaire parce qu’ils comptent sur un changement de règle dans deux ou trois ans. Je ne suis donc pas certain que limiter dans le temps cette contribution soit incitatif.
Il me semblerait plus raisonnable de ne pas prévoir un quelconque délai que, de toute manière, nous ne serions pas capables de tenir. Si l’année prochaine, les conditions s’améliorent, nous en rediscuterons.
Mme la présidente
La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.
M. Jean-Philippe Tanguy
Les arguments développés par M. Mattei et sur les bancs de la gauche sont intéressants, en particulier ceux qui tiennent aux risques d’éviction ou d’optimisation, aussi proposerons-nous un compromis à l’assemblée, que le rapporteur général pourrait faire sien pour nous permettre de l’adopter : appliquer la contribution jusqu’en 2028 afin de permettre au nouveau gouvernement qui sera choisi par les Français – issu du Rassemblement national ou, hélas, du NFP – de tirer les conséquences de l’expérimentation, ou bien jusqu’à ce que le déficit repasse sous la barre des 4 %.
Nous vous faisons cette proposition parce qu’elle nous semble intéressante mais aussi pour ne pas tomber dans le piège béant que nous tendent les amis de M. Wauquiez et de M. Barnier, tout prêts à aller pleurnicher demain auprès des médias que nous avons rendu inacceptable un dispositif que beaucoup de gens avaient jugé raisonnable et qu’à force de surenchérir, nous allons droit dans le mur. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pérenniser un dispositif initialement prévu comme temporaire pourrait nourrir le contre-récit ridicule de la propagande de M. Barnier et de M. Wauquiez.
Mme Danièle Obono
C’est vous qui ne voulez pas les voir pleurnicher. Vous voulez les cajoler !
M. Jean-Philippe Tanguy
Il me semblerait donc plus raisonnable de retenir la date de 2028, qui présente le mérite de renvoyer le sujet aux électeurs. Ce serait faire preuve de modestie que de s’en remettre à eux, au-delà de l’intérêt pour nous tous de parvenir à un compromis qui respecte le choix des électeurs que nous représentons, unis dans un même objectif : faire payer les plus riches. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je ne comprends donc pas pourquoi vous aboyez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Mme la présidente
La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu
Monsieur le ministre, c’est une mesure de justice entre les riches : 65 000 foyers seraient concernés mais 40 000 paient plus de 20 %. On ne va tout de même pas laisser ces 40 000 se faire spolier par les 25 000 autres ! C’est une mesure de justice ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Saint-Martin, ministre
Monsieur le président Coquerel, il convient de distinguer trois sujets : celui des réformes structurelles, en particulier celle des retraites, que vous avez évoquée, celui de la suppression des boucliers, notamment le bouclier tarifaire, et celui de la contribution exceptionnelle, que l’on ne saurait comparer aux autres.
Les réformes structurelles ne sont pas dans le texte. En revanche y figure la suppression des boucliers qui avaient permis à nos concitoyens, grâce à des subventions ou à des baisses de fiscalité, de conserver leur pouvoir d’achat et aux entreprises de sauvegarder leur capacité d’investissement.
Ici, nous parlons d’une contribution qui concerne uniquement ceux qui peuvent la payer, c’est-à-dire les grandes entreprises et les ménages les plus fortunés. Il n’y a pas de comparaison à opérer avec les autres ménages. Pour ces derniers, l’enjeu est celui d’une fin de bouclier, la fin du « quoi qu’il en coûte ». Ce sont des enjeux totalement différents.
Pour les ménages les plus fortunés qui seront assujettis à la CDHR, il convient de faire attention et de ne pas suivre l’exemple de la CEHR, laquelle s’était pérennisée d’elle-même. En ne gageant pas dans le temps des mesures exceptionnelles destinées à redresser nos comptes publics, nous enverrions des signaux contradictoires.
Il est très important d’inscrire ces mesures dans une temporalité précise, offrant de la visibilité à nos concitoyens. Ils doivent savoir que ces mesures auront une fin dans le cadre du redressement des comptes publics évoqué par M. Tanguy et que cette contribution tout à fait exceptionnelle est assortie d’une sunset clause, une clause d’extinction.
Mme la présidente
Je mets aux voix les amendements identiques nos 755, 1765, 3245 et 3586.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 262
Nombre de suffrages exprimés 194
Majorité absolue 98
Pour l’adoption 138
Contre 56
(Les amendements identiques nos 755, 1765, 3245 et 3586 sont adoptés. En conséquence, l’amendement no 2088 tombe.)
(Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR, dont plusieurs membres se lèvent.)
Mme la présidente
Je mets aux voix l’article 3, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la présidente
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 258
Nombre de suffrages exprimés 226
Majorité absolue 114
Pour l’adoption 191
Contre 35
(L’article 3, amendé, est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
Mme la présidente
La suite de l’examen du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.
2. Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la présidente
Prochaine séance, demain après-midi, à quatorze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra