XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Première séance du mercredi 06 novembre 2024

Sommaire détaillé
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Première séance du mercredi 06 novembre 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quatorze heures.)

    1. Questions au Gouvernement

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Indemnisation des incorporés de force en Alsace

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Louise Morel.

    Mme Louise Morel

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    Monsieur le ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants, ce n’est pas sans émotion que je prends la parole, tant le sujet que je souhaite évoquer parle au cœur de chaque famille d’Alsace et de Moselle. Depuis des décennies, les interpellations se succèdent sur la considération que la France a témoignée aux incorporés de force des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, mais les réponses n’ont pas apporté l’apaisement.
    Pour celles et ceux qui l’ignorent encore, les incorporés de force, ce sont 130 000 hommes qui ont été contraints de revêtir l’uniforme allemand pendant la seconde guerre mondiale et de se battre contre leur patrie. Trente mille d’entre eux sont morts, 30 000 sont revenus blessés de guerre ou invalides et 10 000 ont été portés disparus.
    Le sort que notre république leur a réservé après la guerre n’est pas digne. Nous avons voulu oublier qu’ils ont été des victimes de l’histoire nationale, oublier qu’ils n’avaient pas le choix ; oublier leur héroïsme –⁠ ils ont été nombreux à recevoir la médaille de la Résistance intérieure ; oublier les drames que cela a entraînés dans chaque famille, et je pense avec émotion à leurs veuves et à leurs orphelins.
    Dans quelques jours, nous commémorerons le 11 Novembre et célébrerons le 80e anniversaire de la libération de l’Alsace.
    Aurons-nous enfin le courage de reconnaître que l’incorporation de force est un crime ? Elle l’est, car l’Alsace et la Moselle ont été annexées de fait, non de droit.
    Le Gouvernement acceptera-t-il enfin d’enseigner cette histoire de manière permanente dans les manuels scolaires de notre pays ?

    M. Pierre Cordier

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    Surtout que la seconde guerre mondiale est déjà presque effacée dans les mémoires !

    Mme Louise Morel

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    L’histoire de l’Alsace et de la Moselle, ce n’est pas de l’histoire locale, c’est la grande histoire de la France !
    Enfin, quelles actions concrètes comptez-vous mener pour indemniser les orphelins de cette tragédie ?
    Les témoins courageux de cette histoire sont de moins en moins nombreux. Près de quatre-vingts ans après la fin de la guerre, ils méritent des réponses claires. (Applaudissements sur de nombreux bancs de tous les groupes.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants.

    M. Jean-Louis Thiériot, ministre délégué auprès du ministre des armées et des anciens combattants

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    Je vous remercie d’avoir évoqué ce sujet, qui est une plaie douloureuse dans notre histoire nationale. Nous savons quel enfer ce fut pour les Alsaciens et les Mosellans, incorporés de force dans la Wehrmacht, d’avoir été obligés, sans avoir le choix, de porter les armes de l’Allemagne contre leur pays et contre leur patrie.
    Évidemment, c’est une tragédie absolue. Notre pays –⁠ la « France de l’intérieur » comme on dit en Alsace – en est conscient.
    En termes symboliques, des efforts sont faits. L’État soutient ainsi le projet de construction à Schirmeck d’un mur portant les noms des disparus et des morts. Il faut des réparations symboliques, mémorielles. Je ne peux être que favorable à ce que cette histoire, qui fait partie de l’histoire de la seconde guerre mondiale, soit enseignée dans les manuels.
    Pour ce qui est de l’indemnisation, on a évidemment envie d’apporter un soulagement à ces personnes. Cependant, un traité a déjà été signé avec l’Allemagne à ce sujet, en 1981. L’incorporation a été reconnue comme une faute allemande : la France n’est pas responsable de ce qui est arrivé aux « malgré-nous ».
    S’agissant des orphelins, les enfants des 110 000 soldats tombés pendant la campagne de France n’ont jamais été indemnisés. Je ne vois pas comment je pourrais justifier que l’on indemnise uniquement les orphelins des incorporés de force. On ne peut pas réparer une injustice de l’histoire par une autre injustice. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    Politique de l’emploi

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Viry.

    M. Stéphane Viry

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    Alors que des pertes d’emplois ainsi que des fermetures de sites et de magasins sont annoncées, le taux de chômage ne baisse plus –⁠ les prévisions laissent même à penser que, hélas, il va augmenter.
    Depuis des mois, partout en France, des entreprises peinent à recruter, quels que soient leur secteur d’activité ou leur taille. Alors que nous connaissons une pénurie de main-d’œuvre, des offres d’emploi ne sont pas pourvues. L’exaspération des dirigeants d’entreprise croît.
    Cela, vous le savez, est préjudiciable à nos entreprises, à notre économie, à ces hommes et à ces femmes qui sont durablement au chômage et qui aspirent à trouver leur place dans la société par le travail.
    Ce paradoxe, qui dure, nous amène à nous interroger.
    Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre s’est dit convaincu que les partenaires sociaux étaient capables d’engager des négociations décisives sur l’emploi des seniors et sur l’assurance chômage.
    Qu’en est-il aujourd’hui ? Quelles sont les attentes du Gouvernement envers ces négociations ? Le plein emploi fait-il encore partie des priorités d’action du Gouvernement ? Où en est la volonté de faire la France du travail pour tous ?
    Si descendre sous le plafond de 7 % de chômage paraît difficile, lutter contre le chômage de masse et de longue durée doit être un objectif prioritaire. Entendez-vous modifier les paramètres de l’assurance chômage ? Si oui, lesquels et selon quelles modalités ? Le Gouvernement considère-t-il l’assurance chômage comme étant au service de la politique de l’emploi ?
    Enfin, quelle est son ambition pour celles et ceux qui sont durablement éloignés du marché de l’emploi ? Quelles politiques d’insertion compte-t-il mener pour leur redonner une place dans la société, par le travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre du travail et de l’emploi.

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du travail et de l’emploi

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    Vous énoncez un triple paradoxe, qu’il nous faut traiter. Notre taux de chômage, de 7,3 %, reste bas par rapport à ce que nous avons pu connaître,…

    M. Pierre Cordier

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    À mon avis, il va évoluer dans les prochaines semaines !

    Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre

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    …mais il est supérieur à la moyenne de l’Union européenne, alors que 500 000 emplois ne sont pas pourvus.
    Notre taux de chômage est élevé car le taux d’activité des jeunes et des seniors est particulièrement bas. Je sais que cette question vous est chère.
    Avec le Premier ministre, nous avons relancé la question de l’assurance chômage et celle de l’emploi des seniors par le dialogue social. Je n’entends pas préempter les négociations qui se déroulent actuellement, et qui doivent trouver un aboutissement mi-novembre. Elles concernent notamment les bornes d’âge, les entretiens de mi-carrière, les formations, le recrutement pour les seniors, les retraites progressives. Nous en reparlerons.
    Pour ce qui concerne les offres d’emploi non pourvues, nous disposons d’un dispositif de formation professionnelle très riche mais complexe, qui devrait gagner en lisibilité. Il serait bon que les financements publics de ces dispositifs soient fléchés vers les besoins en main d’œuvre des entreprises et vers les métiers en tension.
    Enfin, concernant les politiques d’insertion des personnes éloignées de l’emploi, je sais que vous êtes attentif à la quarantaine d’expérimentations menées pour mieux accompagner les bénéficiaires du RSA. Les résultats sont encourageants : plus de 40 % des allocataires ont trouvé un emploi dans les six mois. C’est ce que nous voulons généraliser.
    Je serai heureuse de discuter plus avant avec vous des négociations sur les seniors et l’assurance chômage mi-novembre, lorsqu’elles seront finalisées.

    Régulation des réseaux sociaux

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Vincent Thiébaut.

    M. Vincent Thiébaut

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    « TikTok m’a encouragée à mettre fin à mes jours, en donnant des astuces pour acheter des médicaments ou des produits à utiliser pour se faire du mal » : ces mots sont ceux d’une jeune adolescente de 17 ans, qui a tenté de mettre fin à ses jours en raison du harcèlement scolaire, largement accentué par des contenus qui, sur TikTok, font la promotion du suicide, de l’automutilation ou des troubles alimentaires.
    Cette jeune fille n’est pas la seule. Récemment, deux adolescentes de 15 ans ont mis fin à leurs jours après avoir fait part de leur mal-être sur TikTok. Ces contenus en ont appelé d’autres. Pris au piège de l’enfermement algorithmique, ces jeunes sont tombés dans une spirale infernale.
    Lundi 4 novembre, ces passages à l’acte ont poussé les familles des deux adolescentes ainsi que cinq autres familles à assigner le réseau social TikTok devant la justice. Leur objectif est de faire reconnaître sa responsabilité dans la dégradation de la santé mentale et physique de leurs enfants.
    Nous connaissons, par diverses études, le poids de l’enfermement algorithmique chez les jeunes et les conséquences dramatiques auxquelles il peut mener.
    Ces dernières années, plusieurs lois, dont celle que l’on doit au président Marcangeli, ont permis d’avancer pour protéger notre jeunesse des dangers du numérique.
    À l’heure où la santé mentale est la grande cause nationale, où de nombreux jeunes et moins jeunes sont victimes des contenus néfastes des réseaux sociaux, pourriez-vous nous indiquer les actions à mener ? Que comptez-vous faire pour obliger les plateformes à revoir leurs systèmes de modération et de recommandation ?
    C’est une question de santé mentale et de protection de notre jeunesse. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, DR et UDR ainsi que sur quelques bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative.

    M. Gil Avérous, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative

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    Vous l’avez souligné, les réseaux sociaux peuvent présenter des dangers réels pour notre jeunesse, en particulier pour les plus jeunes, qui s’y connectent massivement.

    M. Pierre Cordier

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    Même Donald Trump va sur TikTok !

    M. Gil Avérous, ministre

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    Selon une étude de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, menée en 2021, les jeunes fréquentent les réseaux dès 8 ans et demi, et on peut craindre qu’ils ne s’y connectent encore plus tôt aujourd’hui.
    La représentation nationale a pris des mesures pour faire face à ces dangers. Je pense notamment à l’instauration d’une majorité numérique à 15 ans ainsi qu’aux dispositions pour mieux prévenir et poursuivre les délits en ligne, tels que le cyberharcèlement. Je veux rappeler aussi le numéro unique pour les jeunes victimes de harcèlement et de violences numériques, le 3018.
    Il importe que ces mesures, que vous avez votées, soient appliquées avec force et que, si elles ne le sont pas, des sanctions soient prises, y compris contre les réseaux sociaux les plus puissants.
    Touchant ce sujet de société, il faut que tout le monde agisse et que nous ayons une vue d’ensemble. Tout d’abord, nous devons, pour être efficaces face aux plateformes, nous faire entendre au niveau européen : j’aborderai ce point lors du Conseil éducation, jeunesse, culture et sport qui se tiendra les 25 et 26 novembre. Ensuite, il s’agit du quotidien de nos jeunesses, dans leur diversité : chaque minute passée au sein d’une équipe de sport, d’une association, entre jeunes ou de manière intergénérationnelle, est une minute gagnée pour faire nation ensemble. Il convient donc d’encourager les pratiques collectives.
    Enfin, ce phénomène met en cause notre capacité à comprendre les aspirations des jeunes, à dialoguer avec eux, à leur donner des perspectives ; c’est pourquoi j’ai nommé Hugo Huet président du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse, en lui demandant de faire de ces échanges, y compris dans les territoires ruraux et ultramarins, une priorité. Je tiens à vous assurer que nous serons particulièrement attentifs, à la fois au titre de la grande cause nationale pour 2025 qu’est la santé mentale et à celui du plan d’action pour la jeunesse qu’élaboreront mes services, en relation avec la représentation nationale, dans les prochains mois.

    Suppression de 4 000 postes d’enseignants

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    En l’absence de la ministre de l’éducation nationale, j’adresserai ma question au Premier ministre. Si un jour, comme je l’espère et l’y invite, il se rend dans ma ville de Saint-Denis, il pourra lire au fronton d’une école cette phrase gravée dans la pierre : « De l’instruction naît la grandeur des nations. »

    M. Pierre Cordier

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    De qui est-ce ?

    M. Stéphane Peu

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    Que s’est-il passé pour que la France se retrouve le mauvais élève de l’OCDE, avec les effectifs par classe les plus élevés et les professeurs les moins bien payés ? Comment comprendre, au vu de ce terrible constat, que le budget prévoie la suppression de 4 000 postes d’enseignants, dont plus de 3 000 dans le premier degré, le niveau le plus déterminant pour l’avenir des élèves et où, par rapport aux autres pays, nous accusons le plus grand retard ? La baisse démographique invoquée par le ministère de l’éducation nationale devrait au contraire nous fournir l’occasion de nous remettre à niveau (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS), de sortir l’école de la crise dans laquelle elle s’enfonce, afin de combattre l’assignation sociale et de donner à nos enfants, d’où qu’ils viennent, où qu’ils vivent, les mêmes chances de s’émanciper, de devenir des citoyens à part entière. Cette ambition républicaine ne représente pas une charge mais un investissement pour l’avenir.
    Ma question sera simple : la semaine dernière les députés ont voté le rétablissement des 4 000 postes que vous comptiez supprimer. Vous engagez-vous devant la représentation nationale à respecter ce vote et à renoncer à ces suppressions jusqu’au terme du parcours législatif du projet de loi de finances ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel.

    M. Alexandre Portier, ministre délégué chargé de la réussite scolaire et de l’enseignement professionnel

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    Je n’ignore pas votre engagement : nous faisions encore partie, il y a quelques semaines, de la même commission et nous connaissons mutuellement nos valeurs s’agissant de l’école. Je vous remercie d’autant plus de votre question qu’elle nous permettra de réaffirmer des éléments importants.
    Le Premier ministre l’a dit, l’école, au sein de notre action, constituera une priorité ; c’est pourquoi nous vous proposons de lui accorder un budget de 63 milliards d’euros, le plus élevé de son histoire. Tout n’est pas parfait, tout reste même perfectible, mais en ce moment où les contraintes budgétaires sont lourdes et où la démographie scolaire baisse, vous l’avez rappelé, il s’agit d’un choix budgétaire fort pour soutenir cette école à laquelle nous croyons tous. Nous pourrons ainsi accomplir davantage, notamment diminuer les effectifs moyens par classe, agir en faveur du handicap –⁠ 2 500 emplois, dont 500 postes d’enseignants, seront créés dans ce but – et des lycées professionnels, auxquels vous connaissez mon attachement.
    Dans les jours à venir, le débat budgétaire donnera à chacun l’occasion d’exprimer ce qu’il souhaite pour notre école : les parlementaires pourront proposer des évolutions, manifester leur volonté par leurs votes, et j’ai hâte que nous puissions en parler tous ensemble.

    M. Pierre Cordier

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    Je vous mettrais dix-huit sur vingt, monsieur le ministre !

    M. André Chassaigne

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    Ne nous prenez pas pour des perdreaux de l’année !

    Souveraineté alimentaire

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophie Vaginay.

    Mme Sophie Vaginay

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    Madame la ministre de l’agriculture, votre arrivée à ce poste avait fait espérer des actions décisives en vue d’enrayer l’agonie de notre agriculture, mais les prêts de court terme que vous proposez ne font qu’ajouter un nouveau sparadrap sur une plaie béante. Un monde s’effondre : la surtransposition des normes européennes en vertu d’un zèle réglementaire bien français finit par rendre l’exercice de l’agriculture tout simplement invivable. Alors qu’ils luttaient déjà pour survivre, nos exploitants, asphyxiés par des réglementations qui vont bien au-delà de celles imposées au niveau européen, affrontent les mains liées une concurrence déloyale.
    Les prix s’effondrent, notamment avec l’afflux massif de blé ukrainien ; nos produits doivent rivaliser avec des importations affranchies des normes sanitaires, sociales, environnementales. Il ne s’agit plus de concurrence, mais d’un massacre ! Comme si cela ne suffisait pas, le spectre du Mercosur plane : un projet d’accord de libre-échange remontant à près de trente ans menace de sacrifier définitivement notre souveraineté alimentaire sur l’autel des grands marchés mondialisés. Pendant ce temps, nos éleveurs, déjà étranglés par des revenus dérisoires, voient l’ours et le loup se répandre partout dans les campagnes ; mais ils redoutent moins ces prédateurs que l’Office français de la biodiversité, devenu pour eux un cauchemar administratif. L’OFB doit disparaître (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR ainsi que sur quelques bancs du groupe RN) : l’agriculture française n’a pas besoin d’un flicage constant, mais d’une confiance retrouvée.

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas faux !

    Mme Sophie Vaginay

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    Il est grand temps que la France se fasse entendre. Nous devons dire non au Mercosur, protéger nos fermes, défendre notre souveraineté alimentaire.

    Mme la présidente

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    Merci, chère collègue.

    Mme Sophie Vaginay

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    Oserez-vous enfin prendre position ? (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. –⁠ Les députés du groupe UDR ainsi que plusieurs députés du groupe RN applaudissent cette dernière.)

    Mme la présidente

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    Je suis désolée mais les orateurs doivent respecter le temps imparti.
    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

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    Vous abordez de nombreux sujets ; je vais tenter de vous répondre le mieux possible en deux minutes.
    Je ne reviendrai pas sur les multiples aspects –⁠ crise sanitaire, crise de rendement – de la crise que vous avez évoquée. La question des normes est soulignée par tous nos agriculteurs : trop de normes…

    M. Pierre Cordier

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    Surtransposées, surtout !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    …qu’ils ne comprennent plus, qui entravent leur travail et jettent un soupçon permanent sur leur activité professionnelle. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR, HOR et UDR.) Il n’est plus possible de continuer ainsi : c’est pourquoi, sous l’égide de M. le Premier ministre, nous avons pris une mesure de simplification très attendue par le monde agricole, consistant en un contrôle administratif unique –⁠ pas plus d’un contrôle administratif par exploitation et par an. (Mêmes mouvements.) Cela devrait, je le répète, répondre aux attentes des exploitants. Par ailleurs, j’ai conscience que règne entre ces derniers et l’OFB une énorme incompréhension…

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Ah, oui !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    …à laquelle j’entends remédier dans les semaines qui viennent. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR et Dem.) La concurrence déloyale est un autre problème majeur : l’agriculture n’échappe pas à la globalisation. S’agissant du Mercosur, nous avons eu l’occasion, à de multiples reprises, de le dire très clairement : pour nous, c’est non. (Mme Mathilde Panot s’exclame.)

    M. Pierre Cordier

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    Tu ne connais rien à l’agriculture, Mathilde Panot !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Si le traité était signé, les importations en provenance des États du Mercosur feraient à nos denrées une concurrence directe ; en outre, elles sont produites grâce à des substances néfastes pour la santé et dont l’usage, à juste titre, nous est interdit. Nous devons impérativement faire valoir ces arguments auprès des pays européens susceptibles de rejoindre la position de la France…

    Mme la présidente

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    Merci, madame la ministre.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    …et j’espère que le Parlement français pourra se prononcer clairement à ce sujet. Enfin, concernant la prédation,…

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est très clair !

    Fermeture de bureaux de poste

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Catherine Rimbert.

    Mme Catherine Rimbert

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
    La Poste, pilier de notre service public, reçoit chaque année près de 600 millions d’euros pour assurer des missions essentielles : aménagement du territoire, distribution de la presse, service postal universel. Or en dépit de cette enveloppe, elle s’effondre sous nos yeux ! Les chiffres sont accablants : depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, plus de 1 000 bureaux de poste ont fermé, laissant de nombreux territoires ruraux et périurbains, comme dans ma circonscription du Vaucluse, sans accès à ce service vital.
    Malgré la mobilisation des agents, des postiers, en vue d’améliorer le service au public, leur présence décline, faute de vision stratégique de l’État face à la concurrence de multinationales telles que les Gafam. Les Français voient bien que leur Poste, à laquelle, comme à d’autres services publics de proximité, ils restent très attachés, est en perdition. Que faites-vous ? Vous tentez de réduire de 50 millions le soutien de l’État, avant que le Premier ministre ne rétropédale sous la pression des petites communes. Au lieu d’assumer vos échecs, vous préférez diffamer le Rassemblement national : au mois de juin, en pleine campagne électorale, l’actuelle ministre déléguée Marina Ferrari soutenait que le RN voulait « liquider La Poste », tentant ainsi d’instrumentaliser un service public à des fins politiques (M. Jean-François Coulomme s’exclame) tout en le laissant sombrer sous le poids de votre inefficacité.
    Notre parti propose des solutions concrètes afin de sauver La Poste ; vous voulez la démanteler petit à petit, en faisant payer la facture aux Français, aux territoires ruraux. Sous ce gouvernement, les services publics de proximité disparaîtront encore un peu plus de nos campagnes. Pouvez-vous donc nous dire quelles mesures vous comptez prendre pour que La Poste retrouve ses missions au service de tous ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

    M. Pierre Cordier

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    Et de La Poste !

    M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

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    En entendant le début de votre question, j’ai cru que vous alliez m’interroger au sujet de l’avenir de La Poste (« C’est bien la question ! » sur plusieurs bancs du groupe RN), la manière dont la transformer pour que ce service public reste présent en zone rurale, en montagne, dans le Vaucluse, où vous avez été élue, en Haute-Savoie, où je l’ai été ; en somme le déploiement du réseau France Services, créé par cette majorité et soutenu par le Premier ministre.
    En réalité, cette question portait sur un point au sujet duquel j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer devant votre assemblée. Je le dis de concert avec Laurent Saint-Martin : le budget pour 2025 ne prévoit pas de modifier d’un centime la compensation que l’État verse à La Poste au titre de ses missions de distribution postale et d’aménagement du territoire. Pour beaucoup de nos compatriotes, vous l’avez souligné à juste titre, il s’agit là du service public le plus immédiatement accessible : 97 % de la population française réside à moins de 5 kilomètres d’un bureau de poste. Soyez assurée qu’en complément de France Services, qui sera soutenu et développé, le Gouvernement est profondément attaché à ces milliers de points postaux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et DR.)

    Un député du groupe RN

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    Aucune réponse !

    Inquiétudes des entreprises

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Brulebois.

    Mme Danielle Brulebois

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    Ma question s’adresse également au ministre chargé de la souveraineté industrielle : alors que nous avions réussi à instaurer un climat économique porteur et dynamique, à faire reculer le chômage jusqu’à 5 % dans mon département, le Jura, je souhaite l’alerter de la dégradation qu’y subissent la trésorerie et le moral des artisans, commerçants, patrons de TPE, PME ou entreprises de taille intermédiaire. Les difficultés évoquées sont nombreuses : coût de l’énergie et de la décarbonation, taxe carbone, lourdeur des charges, concurrence des pays asiatiques, protectionnisme des grandes puissances, dénigrement de la plasturgie et de la chimie. L’industrie de transformation, très importante dans le Jura comme partout en France, consomme beaucoup d’électricité : avec la fin, prévue en 2025, de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, elle aurait besoin au plus vite de visibilité et de stabilité concernant le prix de cette énergie.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Très bien !

    Mme Danielle Brulebois

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    Certains signaux doivent nous alerter : la construction, par exemple, est en chute libre. La Fédération française du bâtiment, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la Confédération des petites et moyennes entreprises, les chambres consulaires tirent la sonnette d’alarme au sujet du ralentissement de l’activité et de la baisse des commandes.

    M. Pierre Cordier

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    La sonnette d’alarme, cela fait deux ans que nous la tirons aussi !

    Mme Danielle Brulebois

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    Quand le bâtiment va, tout va, dit la sagesse populaire ; quand il ne va plus, c’est inquiétant.

    M. Pierre Cordier

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    Fallait en parler à Bruno Le Maire !

    Mme Danielle Brulebois

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    Au cœur des préoccupations actuelles figurent certaines mesures du projet de loi de finances pour 2025 : hausse des taxes et de la fiscalité, réduction des allègements de charges dont font l’objet l’apprentissage et les bas salaires. Signalons toutefois une bonne nouvelle : si longtemps promis et attendu, le projet de loi de simplification de la vie économique, visant, comme l’indique son intitulé, à simplifier de manière drastique les charges et normes administratives, figure désormais à notre ordre du jour. La commission spéciale chargée de l’examiner, dont je fais partie, entamera ses travaux demain.
    Nous avons donné un cap à la réindustrialisation de notre pays et permis de créer 2 millions d’emplois. L’urgence est de garder cette boussole et de rétablir la confiance des acteurs du monde économique. Qu’entendez-vous leur dire afin de les rassurer ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

    M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

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    Je vous remercie de votre question. Nous avons siégé ensemble sur les bancs de la commission des affaires économiques et je connais votre engagement, également en tant que membre titulaire du Conseil national de l’industrie sous la précédente législature, pour soutenir l’emploi industriel, les TPE, les PME et l’ensemble des entreprises françaises.
    Nous sommes face à une situation conjoncturelle mondiale particulièrement délicate et les récents résultats électoraux aux États-Unis nous appellent, comme l’a souligné le Premier ministre, à travailler davantage ensemble, en Européens, pour soutenir la croissance et la compétitivité européennes. Nous devons le faire sans naïveté aucune. C’est pourquoi la France a inspiré l’évolution des droits de douane sur les véhicules asiatiques, afin de préserver les entreprises qui font face à une concurrence très agressive et hostile.
    Ces dernières années, la majorité à laquelle nous appartenons –⁠ même si c’est sous une autre forme désormais – a soutenu des réformes indispensables pour le pays et pour les entreprises, qui ont créé des emplois. Cette politique de l’offre doit se poursuivre car elle est la seule à même de favoriser la création d’emplois, l’activité et la croissance en France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    M. Pierre Cazeneuve

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    Eh oui !

    M. Antoine Armand, ministre

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    S’agissant des allégements de charges que nous proposons, et pour reprendre les propos du Premier ministre, nous le faisons surtout parce qu’augmenter de 100 euros une personne payée au Smic coûte en définitive 450 euros.

    M. Fabien Di Filippo

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    Quatre cent trente-cinq !

    M. Antoine Armand, ministre

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    Clairement, cela n’incite pas à augmenter les salaires, alors que nous en avons pourtant besoin pour accroître le pouvoir d’achat. Nous le faisons aussi dans un contexte financier délicat : nous avons bien conscience de l’impact de cette mesure d’allégement sur les finances publiques c’est pourquoi, comme l’a rappelé le Premier ministre, nous sommes prêts à ce qu’elle évolue –⁠ nous y travaillons à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    Situation assurantielle dans les outre-mer

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

    M. Jean-Philippe Nilor

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    Depuis des années, des décennies, des siècles,…

    M. Pierre Cordier

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    Des millénaires !

    M. Jean-Philippe Nilor

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    …les propositions des députés dits d’outre-mer ne cessent de s’évaporer dans cet hémicycle. Même lorsqu’ils sont adoptés, nos amendements sont régulièrement balayés par de violents 49.3 ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Nous avions pourtant prévenu et mis en garde contre les risques d’explosion et de déflagration sociales. Ces alertes ayant été, comme d’habitude, ignorées avec condescendance, le résultat est là ! La Kanaky…

    M. Pierre Cordier

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    C’est un nouveau pays que je ne connais pas !

    M. Fabien Di Filippo

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    M. Nilor n’a pas la République au cœur !

    M. Jean-Philippe Nilor

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    …et la Martinique sont secouées par des mobilisations puissantes, émaillées de dégradations, de pillages et de saccages. Au bout du compte, ce sont non pas les grosses entreprises détenues par les faiseurs de vie chère qui ont été touchées mais, paradoxalement, les TPE et les PME.
    Lourdement frappées par ces sinistres, elles pourraient subir une double peine, en raison de la posture des assureurs. En effet, face à des montants d’indemnisation jugés prohibitifs, ces derniers ont décidé d’exclure des nouveaux contrats les dommages dus aux émeutes et aux mobilisations populaires. Dans la foulée, des entreprises martiniquaises ont été inondées de notifications de résiliation à l’échéance de leurs contrats d’assurance, soit le 31 décembre 2024.
    Dans un contexte de vie déjà très chère, toute nouvelle souscription sera non seulement moins avantageuse mais aussi plus coûteuse. Ainsi, privées de protection, les entreprises verraient leur capacité d’emprunt et d’investissement définitivement condamnée. Plus grave encore, des assureurs menacent de déserter les outre-mer si l’État ne trouve pas de solutions, ainsi que l’affirmait le 7 octobre dernier le président de Generali.
    L’instauration d’un fonds de garantie « émeutes » relevant de votre responsabilité, quelles mesures concrètes envisagez-vous face au risque de voir nos territoires se transformer en déserts assurantiels, ce qui aurait des conséquences dramatiques sur les entreprises, les collectivités et les personnes ? (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. –⁠ Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, EcoS et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

    M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie

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    Vous avez rappelé les conditions exceptionnelles que vivent l’ensemble des territoires ultramarins et l’addition de difficultés sociales, d’ordre public ou liées aux catastrophes naturelles, autant de sujets qui posent la question de l’assurance. Vous avez cité certaines déclarations et je peux vous assurer qu’en tant que ministre de l’économie et des finances, je suis ce dossier avec la plus grande attention. Je le dis clairement ici, sous l’autorité du Premier ministre et en lien avec mon collègue des outre-mer : les compagnies d’assurances resteront présentes dans l’ensemble de nos territoires, parce que la France est partout là où elle doit être et qu’elle sera au rendez-vous en la matière. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Dans un premier temps, je souhaite qu’une déclaration commune de l’État et des assureurs soit publiée en ce sens, dans les plus brefs délais, afin que le dialogue reprenne et que des solutions structurelles soient instaurées.
    Bien sûr, le maintien de l’ordre est un préalable, la question de l’assurance se posant en second lieu. Ce sujet devra faire l’objet d’un débat plus large, car il n’est pas possible d’assurer, simplement et immédiatement, les conséquences des émeutes –⁠ cela n’existe pas dans le modèle assurantiel public et nous devrons y travailler.
    Ensuite, il y a les catastrophes naturelles : sous l’autorité du Premier ministre, nous renforcerons non seulement le volet préventif –⁠ que vous connaissez sous le nom de fonds Barnier et qui passera de 225 millions à 300 millions l’année prochaine –, mais également le volet dit curatif, grâce au plan national d’adaptation au changement climatique qui a été présenté.
    Enfin, si vous me permettez un dernier mot sur la vie chère, je voudrais rappeler l’engagement du Gouvernement et de l’État en faveur de l’ensemble des collectivités et des acteurs, qu’il s’agisse de l’octroi de mer, de la TVA à taux nul sur soixante-neuf familles de produits ou de l’assurance donnée par les acteurs privés en matière de marges arrière notamment. L’État et moi-même restons à votre disposition.

    M. Pierre Cazeneuve

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    C’est très clair !

    Lutte contre le narcotrafic

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mickaël Bouloux.

    M. Mickaël Bouloux

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    Mexicanisation, narcoracaille, opérations Place nette : les propos sont forts, le verbe se veut haut. Pourtant, la répression ne peut être la seule réponse, même si elle est nécessaire. Le narcotrafic s’étend désormais, dans le sang, à tout le territoire national, des pays des océans à nos villes, à nos territoires ruraux.
    Face à une violence de plus en plus décomplexée, la lutte contre le narcotrafic doit devenir une cause nationale qui peut nous unir. Il faut s’intéresser aux racines du trafic de drogue, qui repose notamment sur l’exploitation des mineurs et implique des jeunes de plus en plus jeunes. Il faut s’intéresser également à l’argent généré. Le Gouvernement doit prendre sa part.
    Or le manque de moyens nécessaires à la police, à la justice, aux douanes, aux services d’enquêtes spécialisées pour toucher réellement les narcotrafiquants au portefeuille est criant ! Et ce n’est pas tout. Il faut aussi réinvestir la politique de la ville, lutter contre la pauvreté, terreau privilégié du narcotrafic (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC), soutenir les services de santé afin d’aider les consommateurs de drogue à en sortir et redonner, enfin, des moyens à l’éducation nationale pour nos enfants ! (Nouveaux applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. –⁠ Mme Sabrina Sebaihi applaudit également.)
    Hier, lors de la séance des questions au Gouvernement, vous avez précisé que des annonces gouvernementales seront faites ce vendredi. Ces annonces devront être systémiques ! La lutte ne doit pas se limiter à des opérations Place nette, certes nécessaires, mais de court terme ! Toutes les politiques publiques sont concernées.
    Ces annonces ne devront pas, non plus, se substituer à un examen législatif. Les travaux transpartisans menés au Sénat par nos collègues Jérôme Durain et Étienne Blanc sont salués de toute part. Une proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic est déjà sur la table. Qu’attend le Gouvernement pour inscrire ce texte à l’ordre du jour ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations.

    M. Othman Nasrou, secrétaire d’État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations

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    Vous avez évoqué, dans des termes que je partage, un phénomène qui se répand dans notre pays et que le ministre de l’intérieur a qualifié, à juste titre, de narcotrafic, ainsi que la nécessité de lutter contre le narcobanditisme. Vous avez raison, nous avons besoin de la mobilisation générale de l’ensemble de la société pour venir à bout de ce fléau, qui se répand avec une forme d’ultraviolence dans tous les territoires, les centres-villes, les quartiers et même les campagnes. Un fléau qui frappe des jeunes, de plus en plus jeunes, et qui entraîne une délinquance également de plus en plus jeune. Cet extrême rajeunissement de la délinquance liée au narcotrafic doit tous nous interpeller et tous nous mobiliser ; nous ne laisserons pas, impuissants, une génération être sacrifiée, avec d’un côté des enfants victimes et de l’autre des enfants soldats.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Quelles sont les solutions, alors ?

    M. Othman Nasrou, secrétaire d’État

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    Je le dis parce que les trafiquants de drogue arment désormais des enfants pour se faire la guerre entre eux et servir leurs intérêts pécuniaires et financiers.

    M. Raphaël Arnault

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    Ce sont des capitalistes !

    M. Othman Nasrou, secrétaire d’État

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    Permettez-moi d’ajouter que, sous l’autorité du Premier ministre, un travail est engagé en ce moment même…

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Le travail a déjà été fait !

    M. Othman Nasrou, secrétaire d’État

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    …et, dès demain, une nouvelle réunion de travail regroupera le Premier ministre, ainsi que les ministres de l’intérieur et de la justice, pour avancer sur ce sujet. Des annonces seront faites, à l’occasion d’un déplacement commun du garde des sceaux et du ministre de l’intérieur, à Marseille, ce vendredi.

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    M. Othman Nasrou, secrétaire d’État

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    Notre mobilisation doit être sans faille ; ce n’est un sujet ni partisan ni idéologique. Les victimes, les vies brisées, les drames humains n’ont pas d’étiquette politique ni de parti pris. Nous devons tous être mobilisés : nous le devons à nos concitoyens et à nos enfants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mickaël Bouloux.

    M. Mickaël Bouloux

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    Nous devons vraiment examiner la proposition de loi du Sénat contre le narcotrafic. L’implication des socialistes, élus nationaux comme locaux, sera entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Prévention des inondations

    Mme la présidente

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    La parole est à M. François-Xavier Ceccoli.

    M. François-Xavier Ceccoli

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    Les événements météorologiques extrêmes qui ont meurtri la région de Valence, en Espagne, il y a quelques jours à peine, ont rappelé que la prévention du risque inondation devrait constituer une priorité pour les pouvoirs publics, afin d’éviter de nouvelles catastrophes et de préserver des vies humaines. Je n’oublie pas que le territoire national a également été durement touché, notamment l’Ardèche et la Côte d’Azur, dans une moindre mesure heureusement.
    Si la valeur d’une seule vie humaine reste inestimable, nous ne pouvons détourner le regard des populations sinistrées qui ont vu leurs habitations détruites ; des exploitations agricoles aux récoltes ruinées, lorsqu’elles n’ont pas tout perdu, y compris leur bétail ; des entreprises qui ont vu leur outil de travail dévasté.
    La main de l’homme a parfois sa part de responsabilité dans ces catastrophes, en raison d’une imperméabilisation irraisonnée des sols, voire de constructions en zones inondables.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Comme quoi le ZAN est utile !

    M. Pierre Cordier

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    Madame habite en ville, sans doute ?

    M. François-Xavier Ceccoli

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    Il n’en demeure pas moins que tant les collectivités locales que les particuliers ont le devoir de procéder à un entretien régulier et efficace des cours d’eau, afin d’éviter des épisodes destructeurs et de protéger les populations.
    Dans ce domaine comme dans bien d’autres, l’excès de normes, ainsi que la lourdeur de certaines dispositions réglementaires découragent, voire empêchent la réalisation de travaux pourtant essentiels.

    Mme Justine Gruet

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    Eh oui !

    M. François-Xavier Ceccoli

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    Je pense notamment à l’ensemble des actions d’entretien du lit mineur et plus particulièrement à la prévention de la formation d’embâcles et de tout barrage naturel susceptible de dévier l’écoulement des eaux.
    La hausse des températures, notamment sur le pourtour méditerranéen, donc la multiplication de phénomènes tels que la goutte froide ou l’épisode cévenol nous obligent à réagir, sous peine de subir la réplique d’événements dramatiques tels que ceux vécus dernièrement par l’Espagne, dont les images insoutenables nous ont tous profondément bouleversés.
    Ma question est donc la suivante : pouvez-vous nous confirmer que le Gouvernement entend ce constat, et qu’il envisage de revoir et d’assouplir la réglementation en la matière pour y remédier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques

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    Vous avez raison de souligner le caractère répétitif des aléas climatiques auxquels nous faisons face. Vous y voyez la main de l’homme. C’est vrai, ces aléas climatiques sont non seulement dus au dérèglement climatique lié aux activités humaines –⁠ ce qui nous impose de baisser très rapidement nos émissions de gaz à effet de serre –, mais ils sont aussi accentués par des aménagements humains qui ont imperméabilisé les sols, densifié les centres urbains et qui entraînent, de ce fait, des dégâts plus importants encore.
    Face à cela, il faut agir, c’est-à-dire anticiper, élever notre niveau de gestion du risque –⁠ c’est tout l’enjeu du plan national d’adaptation au changement climatique –, prévoir, agir pendant la crise et réparer ensuite. Cela veut dire aussi travailler spécifiquement sur les cours d’eau. Je l’ai constaté en tant qu’élue du Pas-de-Calais et en tant que ministre chargée de ces sujets depuis un an. Dans le Pas-de-Calais, nous avons mené 600 travaux d’urgence visant à faciliter la circulation de l’eau. Les zones humides sont des zones de captage en cas d’inondations ; le fait de prévoir des zones d’expansion ou encore la plantation de haies permettent de freiner ces phénomènes.
    Nous avons simplifié les procédures. Dans 90 % des cas, les travaux structurants ne se heurtent pas à des problèmes de procédure ; dans le Pas-de-Calais, il est difficile de trouver des entreprises pour les exécuter. Nous devons parvenir à un équilibre entre la protection de la nature et le développement urbain afin de concilier les deux. Vous pouvez compter sur nous pour simplifier lorsque cela a une utilité, mais surtout pour avancer et protéger les Français.

    Lutte contre le narcotrafic

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Christine Arrighi.

    Mme Christine Arrighi

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, qui est absent. Je vous fais part du désarroi des habitants du quartier de Bagatelle à Toulouse, qui m’ont écrit le 11 octobre. Je tiens leur courrier à la disposition du Gouvernement. « La fusillade meurtrière du 8 septembre 2024 à la place de la Loire dans le quartier de Bagatelle, faisant trois victimes, a créé un effet domino, poussant les trafiquants à étendre leur emprise sur de nouveaux territoires, aggravant ainsi la sécurité dans notre rue Jules-Amilhau. Nous ne pouvons plus tolérer cette insécurité grandissante qui menace notre santé, notre bien-être et notre qualité de vie. Nous demandons instamment que des mesures fortes et rapides soient prises pour éradiquer ce fléau et rétablir la paix dans notre quartier. Une présence policière renforcée, des opérations de démantèlement régulières des points de deal et des actions de prévention à long terme sont indispensables. »
    Monsieur le ministre chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations, plutôt que votre réponse de tout à l’heure, quand comptez-vous élaborer un grand plan national et européen de lutte contre le trafic de drogue, axé sur la traçabilité des revenus criminels et la coordination communautaire ? Quand rendrez-vous systématiques les enquêtes patrimoniales pour aller plus loin dans le gel et la saisie des avoirs des trafiquants ? Quand consacrerez-vous de vrais moyens à la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée, avant de lancer l’idée d’un énième dispositif ? Quand cesserez-vous de mettre à genoux la police judiciaire par vos réformes inconséquentes ? Quand réimplanterez-vous une véritable police nationale de proximité ? Quand définirez-vous une stratégie de réduction de la demande par la prévention et les politiques de santé publique ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations.

    M. Othman Nasrou, secrétaire d’État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations

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    Je vous prie d’excuser l’absence du ministre de l’intérieur, qui sera au Sénat pour faire le même exercice dans quelques instants. Je m’exprimerai en son nom. Il a eu l’occasion de parler de ce sujet et malheureusement de se déplacer dans plusieurs territoires où le narcotrafic a fait des ravages, apportant son lot de drames et de victimes. Je l’ai dit au Sénat, la proposition de loi de M. Étienne Blanc et de M. Jérôme Durain visant à sortir la France du piège du narcotrafic, évoquée tout à l’heure, constitue une base de travail très sérieuse et solide pour avancer sous l’autorité du Premier ministre –⁠ le ministre de l’intérieur et le ministre de la justice y travaillent main dans la main.
    Ce travail aboutira prochainement : des annonces relatives au plan d’action contre le narcotrafic sont attendues d’ici à quarante-huit heures. Je vous demande un peu de patience sur ce sujet qui nécessite, je le répète, une mobilisation générale. Nous devons sortir d’une grande hypocrisie collective. Il existe un lien direct entre la consommation de drogue et les drames, les violences et les tragédies que vous évoquez. Acheter de la drogue dans notre pays, c’est armer les trafiquants. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe LIOT.) Nous avons besoin de cette mobilisation générale mais aussi de responsabiliser les consommateurs de drogue.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Les addictions, ça se soigne !

    M. Othman Nasrou, secrétaire d’État

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    Ce sujet n’est ni de droite ni de gauche : c’est un sujet de vie ou de mort. Nous devons tous être mobilisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme Justine Gruet

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    Excellent !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Christine Arrighi.

    Mme Christine Arrighi

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    Ce que les habitants du quartier de Bagatelle et de nombreux autres quartiers de villes de France demandent, ce n’est pas de la communication, ce ne sont pas des opérations Place nette XXL, ce ne sont pas des propos caricaturaux et mensongers tels que ceux tenus à Poitiers ce week-end pour masquer votre inaction ; ce sont des actes concrets pour restaurer leur sécurité et un cadre de vie apaisé pour leurs enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    M. Pierre Cordier

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    Vous voulez légaliser ?

    Mme la présidente

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    2. Report du renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi organique adoptée par le Sénat

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (nos 483, 525).
    La parole est à M. le ministre des outre-mer.

    M. François-Noël Buffet, ministre des outre-mer

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    Au mois de mars dernier, après un avis du Conseil d’État rendu le 25 janvier 2024, la commission des lois du Sénat, que je présidais, a adopté un premier projet de loi organique reportant les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, dans la perspective de modifier le corps électoral prévu par l’accord de Nouméa. Après l’adoption dans les mêmes termes par les deux assemblées et la validation du Conseil constitutionnel, ce projet de loi organique a permis de reporter au plus tard au 15 décembre prochain les élections provinciales. Dans les semaines qui ont suivi, le projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour ces mêmes élections a certes été adopté en des termes identiques par les deux assemblées, mais a déclenché une crise d’une gravité exceptionnelle sur le sol calédonien –⁠ chacun se rappelle les événements du 13 mai et leurs conséquences.
    Je salue l’engagement et le professionnalisme des forces de l’ordre et des services publics en Nouvelle-Calédonie, comme l’ensemble des Calédoniens, dans ce moment particulièrement difficile. Dans ce contexte, la volonté du Gouvernement a été clairement exprimée par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale : une nouvelle période doit maintenant s’ouvrir, consacrée à la reconstruction économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie et à la recherche d’un consensus politique concernant son avenir institutionnel, en posant comme préalable le report des élections des assemblées de province et du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Plutôt que faire un décompte des erreurs passées, il me semble indispensable de nous tourner vers l’avenir : nous le devons à tous les Calédoniens comme à l’ensemble de nos concitoyens.
    Une sortie de crise durable et prospère doit, à l’évidence, être dessinée avec beaucoup de respect et d’humilité. Outre les enjeux économiques et sociaux, devront alors être abordés l’organisation et les compétences des pouvoirs locaux, la composition du corps électoral et son élargissement pour les prochaines élections provinciales, ainsi que différents autres sujets de nature institutionnelle. La voie est à l’évidence étroite, plus encore qu’elle ne l’était ces dernières années, et ne pourra s’élargir que si la volonté de vivre ensemble et la recherche sincère des modalités de ce vivre-ensemble l’emportent sur les autres considérations. C’est pourquoi, dans un souci de responsabilité et afin de traduire les engagements pris, le Gouvernement a fait le choix d’inscrire à son ordre du jour une proposition de loi déposée par le groupe Socialiste, écologiste et républicain du Sénat et d’engager la procédure accélérée sur ce texte. Le Gouvernement se félicite de l’engagement des parlementaires issus de tous les bancs au sujet de la Nouvelle-Calédonie, à commencer par les présidents des deux chambres qui ont accepté de se rendre très prochainement en Nouvelle-Calédonie pour œuvrer à la reprise du dialogue entre tous les Calédoniens.
    L’objet du texte qui nous réunit cet après-midi est simple : il prévoit le report des élections provinciales de Nouvelle-Calédonie à une date non fixée, mais ne pouvant aller au-delà du 30 novembre 2025 –⁠ limite fixée par le Conseil d’État. Si le Parlement ne votait pas ce report, les élections devraient se dérouler avant le 15 décembre prochain et selon le corps électoral actuellement en vigueur. Le Congrès de Nouvelle-Calédonie a émis à une très large majorité –⁠ quarante-sept voix pour, une contre, deux abstentions – un avis favorable à ce report. En d’autres termes, nos compatriotes tant indépendantistes que non indépendantistes ont voté pour les dispositions figurant dans la proposition de loi. De même, ce texte a été adopté à l’unanimité au Sénat le mercredi 23 octobre dernier –⁠ signe de la volonté collective des parlementaires de construire avec le Gouvernement des solutions consensuelles et si possible transpartisanes pour la Nouvelle-Calédonie.
    Le Conseil d’État a considéré que le report des élections était justifié par un motif d’intérêt général, qu’il présentait un caractère exceptionnel et transitoire et que le délai de report était raisonnable : le cadre juridique est donc parfaitement respecté. Pour toutes ces raisons et grâce au travail des rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat –⁠ ces derniers ont sécurisé juridiquement le texte en mentionnant le fait que les mandats des élus de Nouvelle-Calédonie devaient être eux aussi prolongés –, le Gouvernement est favorable à l’adoption de la proposition de loi organique qui vous est soumise.
    Le territoire de Nouvelle-Calédonie est engagé depuis les accords de Matignon signés en 1988 et l’accord de Nouméa en 1998 dans un processus institutionnel exceptionnel, fait de réussites mais aussi de difficultés, parfois très grandes. Comme je l’ai déclaré à plusieurs reprises, la Nouvelle-Calédonie vit un moment crucial : serons-nous capables de lui apporter le soutien qu’elle mérite sur le plan économique pour relancer l’activité, l’emploi et éviter les crises sociales ? Elle devra aussi se mobiliser pour réfléchir à son avenir institutionnel et elle mérite toute notre attention. Le fait de reporter les élections provinciales et du Congrès contribuera à apaiser la situation et à permettre que s’ouvre –⁠ c’est en tout cas l’espoir du Gouvernement – un nouvel espace constructif de discussion et de débat. (M. Nicolas Metzdorf applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Florent Boudié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    La proposition de loi organique que nous examinons vise à reporter le renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie, au plus tard le 30 novembre 2025. Elle a été déposée sur le bureau du Sénat par plusieurs membres du groupe Socialiste, écologiste et républicain, adoptée en première lecture par la Haute Assemblée, puis par la commission des lois de l’Assemblée nationale la semaine dernière. Nous avons choisi, comme au Sénat, d’adopter une démarche pluraliste, avec la nomination de deux rapporteurs, Arthur Delaporte et moi-même. C’est avec ce même état d’esprit pluraliste que nous devrons aborder la période qui s’ouvrira après l’adoption du texte, afin de dégager ensemble les solutions politiques nécessaires.
    Le report proposé des élections est bien sûr lié à la grave crise économique, budgétaire et sociale que connaît la Nouvelle-Calédonie depuis le mois de mai 2024. Les troubles insurrectionnels ont débuté avec l’examen, puis le vote par notre assemblée, les 13 et 14 mai, du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province. Les émeutes ont atteint une intensité maximale au cours des deux semaines qui ont suivi. Le bilan humain est d’une gravité exceptionnelle : treize morts –⁠ dont deux gendarmes – et des centaines de blessés, sans compter les personnes décédées faute d’avoir pu accéder à des soins adaptés. L’économie calédonienne est profondément atteinte : 750 entreprises et 6 000 emplois directs ont été détruits, ainsi que de très nombreux bâtiments publics et privés.
    Six mois plus tard, la situation sécuritaire s’est améliorée et une forme de désescalade s’est engagée, mais la crise n’est pas pour autant résolue, loin de là. Le premier obstacle à l’organisation des élections dès décembre prochain tient à l’urgence économique et sociale. L’ensemble des acteurs locaux auditionnés par vos rapporteurs, toutes sensibilités confondues, partagent le constat du caractère dramatique de la situation locale, allant jusqu’à craindre des émeutes de la faim dans les prochaines semaines si rien n’était réglé. Un consensus semble exister sur le fait que la crise sociale –⁠ pas les élections – est au cœur des préoccupations de la population et que le temps doit être donné au dialogue entre l’État et les acteurs calédoniens pour rechercher des solutions sociales, économiques, politiques et institutionnelles.
    Le deuxième obstacle à l’organisation des élections le mois prochain tient à l’impossibilité de tenir des élections à cette date dans de bonnes conditions matérielles. La circulation routière, par exemple, n’est pas garantie sur l’ensemble des axes, notamment sur la route du sud ou route du Mont-Dore, ce qui ne favorise pas l’organisation de réunions ou de débats démocratiques. En outre, le couvre-feu vient à peine d’être assoupli.
    Le troisième obstacle est celui du périmètre du corps électoral, pour lequel le consensus reste la seule issue possible. L’organisation des élections d’ici au 15 décembre 2024 serait incompatible avec la nécessité de rouvrir rapidement le dialogue entre Calédoniens sur ce sujet crucial, qui touche aussi à la question de la citoyenneté.

    M. Florent Boudié, rapporteur

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    Enfin, la plupart des acteurs locaux estiment que l’organisation d’une campagne électorale pourrait raviver les clivages entre Calédoniens, alors que le territoire a par-dessus tout besoin d’écoute, de dialogue et d’unité d’action.
    Au-delà de l’urgence, la proposition de loi organique soumise à notre examen s’inscrit pleinement dans le cadre posé par le Conseil constitutionnel s’agissant des modifications de la durée des mandats. Le Conseil y pose en effet trois conditions. Premièrement, ces modifications doivent permettre aux électeurs d’exercer leur droit de suffrage selon une périodicité raisonnable. Deuxièmement, elles doivent revêtir un caractère exceptionnel et transitoire, ce qui est le cas. Troisièmement, elles doivent correspondre à un but d’intérêt général, ce qui est évidemment le cas eu égard à la situation en Nouvelle-Calédonie.
    Nos collègues sénateurs ont adopté trois amendements. Deux reprennent les recommandations formulées par le Conseil d’État et le troisième répond à une demande unanime des membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie concernant le renouvellement de ses instances internes.
    C’est dans ce contexte que la commission des lois de notre assemblée a choisi d’adopter sans modification le texte transmis par le Sénat. Le rapporteur Arthur Delaporte et moi-même vous proposons de faire le même choix en séance.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Est arrivé ce qui est arrivé : la folie, la passion, le chaos, nous a-t-on dit, et demain peut-être les émeutes de la faim. Un pays dégradé, à vif, où la fiscalité ne rentre plus, au bord de l’asphyxie, telle est la Nouvelle-Calédonie depuis le 13 mai. En notre nom à tous, je pense à ces vies bouleversées, à ces privés d’emploi qui tentent de survivre, à celles et ceux qui ont perdu la vie ou ont été blessés et à leur famille, aux enfants qui ne vont plus à l’école, à celles et ceux qui subissent des violences intrafamiliales –⁠ redoublées dans ce contexte – ou qui connaissent l’extrême pauvreté.
    La proposition de loi organique et le contexte terrible dans lequel elle s’inscrit ayant été présentés, je dirai quelques mots des perspectives ouvertes par ce texte. Ce report, s’il est voté, constituera pour la Nouvelle-Calédonie une étape importante, mais pas une fin en soi. Dans les mois à venir, les Calédoniens devront écrire la suite de l’accord de Nouméa, qu’il s’agisse de la relation avec la France, de l’organisation interne du territoire, du corps électoral ou encore des futures modalités d’exercice du droit à l’autodétermination et donc de la poursuite du processus de décolonisation. Toutes les réponses restent à trouver. Comme l’écrivait Isabelle Merle, « La Nouvelle-Calédonie s’inscrit dans ces zones d’ombre de l’histoire française : un passé colonial longtemps mal assumé et souvent refoulé. » C’est ce qui nous occupe aujourd’hui.
    Les attentes envers l’État sont très fortes. Nous avons entendu des mots sévères sur sa responsabilité profonde dans le déclenchement de la crise, que M. le ministre a lui-même évoquée. Sont en cause l’obstination à dégeler le corps électoral malgré l’absence de consensus, l’abandon du dossier par Matignon ou encore l’envoi tardif des renforts de sécurité sur place. Toutefois, il faut noter que la méthode employée par le nouveau gouvernement a le mérite de trancher avec les errements qui ont conduit au 13 mai. L’annonce du retrait de la réforme constitutionnelle par Michel Barnier et le soutien à cette proposition de loi organique, déposée par les sénateurs socialistes, visant le report des élections provinciales et du renouvellement du Congrès –⁠ position que, soit dit en passant, les socialistes défendaient déjà au printemps –, sont de bon augure. Serait-ce un retour à la méthode inaugurée par Michel Rocard, faite de concertation, de consensus et de respect mutuel ?
    Dans ce contexte, l’État peut et doit redevenir un tiers de confiance impartial, garant auprès des partenaires locaux de la continuité du processus de reconstruction socio-économique et du processus politique, comme il l’a été lors des accords de Matignon en 1988, puis de Nouméa en 1998. Toutefois, c’est aux Calédoniens qu’il revient de construire un projet d’avenir partagé et c’est dans l’archipel que doivent se poursuivre les discussions. Bien sûr, rien n’est fait, mais les échanges que nous avons eus lors des auditions nous donnent un espoir raisonnable. La volonté d’accord semble partagée.
    Le 22 octobre, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a rendu un avis favorable sur la présente proposition de loi avec quarante-sept voix pour, une seule voix contre et deux abstentions. Les auditions que nous avons menées et qui impliquaient des acteurs politiques de tous bords confirment cet avis. Pour les élus indépendantistes comme Jean-Pierre Djaïwé, président du groupe Union nationale pour l’indépendance (UNI) au Congrès, ce report offre « une nouvelle opportunité de [se] retrouver autour de la table pour pouvoir discuter ». Les non-indépendantistes nous ont également rappelé qu’avant le 13 mai, des discussions entre les parties prenantes calédoniennes avaient déjà permis de clarifier les positions, voire de trouver des terrains d’entente sur un grand nombre de sujets.
    Ce souhait quasi unanime de profiter du report des élections pour discuter de l’avenir est cependant fragile. Il faut notamment mentionner les réserves des élus de l’Éveil océanien, plus circonspects sur la capacité des élus actuels à trouver un accord. Je demeure néanmoins convaincu que cet accord est possible.
    Pour finir, permettez-moi de dire quelques mots du rôle de notre assemblée dans ce processus. Les deux présidents de chambre se rendront en Nouvelle-Calédonie du 9 au 14 novembre. Ce déplacement au format inédit revêt une force symbolique évidente en raison de l’autorité personnelle et morale des deux présidents, mais il doit aussi contribuer à « dresser la table », c’est-à-dire à rétablir le dialogue tripartite et à faire en sorte que chacune des sensibilités calédoniennes se sente écoutée –⁠ dresser la table, mais pas établir le menu ni rédiger les conclusions ; de cela, les Calédoniens seront maîtres.
    Au cours des semaines et des mois à venir, la représentation nationale devra rester mobilisée, avec humilité et dans l’écoute. Je vous invite donc à adopter à l’identique cette proposition de loi. La période qui s’ouvre sera déterminante pour « refonder le contrat social entre toutes les communautés », selon les mots de Lionel Jospin évoquant l’accord de Nouméa. Gageons que les discussions d’aujourd’hui y participeront. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et EcoS. –⁠ M. Florent Boudié, rapporteur, applaudit également.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Il existe un célèbre proverbe kanak qui dit : « Avant de cueillir une feuille, il faut demander la permission à l’arbre. » Aujourd’hui, je souhaite vous raconter l’histoire d’un gouvernement impatient qui n’a pas su écouter l’arbre, qui s’est précipité pour arracher la feuille, quand il aurait suffi d’attendre la conclusion d’un accord pour la cueillir sans dégâts. Cette histoire, c’est celle d’un gouvernement qui a cherché à faire passer en force un projet de loi constitutionnelle visant à réformer le corps électoral de la Nouvelle-Calédonie-Kanaky, au sujet duquel nous l’avions pourtant alerté pendant des mois. Depuis le mois de mai, treize personnes ont trouvé la mort et le coût des violences s’élève à 2,5 milliards d’euros. Voilà le glorieux bilan du précédent gouvernement.
    Je souhaite évoquer aussi un autre proverbe, légèrement remanié, qui fut prononcé à cette même tribune : « tu casses, tu répares ; tu salis, tu nettoies ; tu [sapes la solidarité], on t’apprend à la respecter ». Le gouvernement précédent a cassé : il a brisé trente-six années de réconciliation et d’accord mutuel ouvertes par les accords de Matignon puis de Nouméa. Il est temps de réparer et d’emprunter le chemin de l’écoute et du dialogue. Le gouvernement précédent a sali : il n’a laissé sur le chemin de son projet de loi constitutionnelle que violence et incompréhension. Il est temps de nettoyer et de reconstruire un territoire mis à feu et à sang pendant plusieurs mois. À force de réclamer l’autorité, d’imposer des projets de manière verticale, on sape la solidarité, on sape le dialogue et surtout on ne construit rien. Le précédent gouvernement porte une lourde responsabilité dans les violences survenues au cours des derniers mois.
    Les récents événements nous rappellent que ce n’est pas le nombre de gendarmes déployés qui redonnera sécurité et tranquillité aux habitants, mais bien une solution politique passant par un consensus sur le dégel du corps électoral. Or comment parvenir à une situation apaisée alors que des militants kanak sont encore incarcérés dans l’Hexagone, à 17 000 kilomètres de chez eux ? Monsieur le ministre, puisque le juge doit à nouveau se prononcer sur le cas de deux d’entre eux, il est urgent d’envisager leur rapatriement en Nouvelle-Calédonie, car vous faites ici usage de méthodes coloniales d’un autre temps qui font honte au pays des droits de l’homme.
    Après neuf mois d’âpres débats sur la Nouvelle-Calédonie-Kanaky, le nouveau gouvernement semble chercher à emprunter le chemin de la responsabilité, de l’écoute et du dialogue. La rhétorique du précédent gouvernement consistait à dire : « Si vous ne trouvez pas d’accord, nous voterons un dégel que nous avons décidé unilatéralement. » Aucune négociation n’était possible dans cette configuration qui laissait aux loyalistes tout loisir de ne pas chercher de consensus, se sachant assurés du dégel au bout du compte. Le groupe Écologiste et social votera pour le report des élections, mais ne fera preuve d’aucune naïveté quant à la fragilité de la situation, qui met en danger la perspective d’un compromis. Nous devons nous assurer que les parties prenantes puissent aboutir à un accord commun sur l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie. Cette fois-ci, pas de passage en force, pas de brutalité.
    Nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie-Kanaky expriment également une forte inquiétude quant aux suites données au pacte nickel. Le sujet est de la plus haute importance, mais dans l’Hexagone, il peine à franchir le mur du son médiatique. Le pacte nickel proposé par l’ancien ministre de l’économie a été refusé par les autorités calédoniennes en avril car il autorisait l’exportation de nickel brut, alors que sa transformation sur place est essentielle pour l’indépendance économique du territoire. L’enjeu est considérable : le secteur représente 25 % de l’emploi local et le nickel constitue un des métaux stratégiques de l’Union européenne. Ne soyons pas dupes, l’autonomie et l’avenir politique de la Nouvelle-Calédonie ne peuvent advenir sans la garantie d’une indépendance économique effective. C’est pour cette raison que la doctrine nickel constituait déjà le deuxième pilier de l’accord de Nouméa. Le devenir de la filière du nickel doit donc faire l’objet de négociations transparentes entre les parties, au même titre que le corps électoral.
    Les compromis politiques demandent du temps, parfois beaucoup de temps. Le report des élections n’est pas une solution miracle et ne permettra pas de résoudre, comme par magie, tous les problèmes. J’insiste sur la nécessité d’associer aux discussions toutes les parties prenantes et de parvenir à un accord unanime, sans passage en force. Les derniers mois nous ont plus que jamais rappelé qu’on ne joue pas aux apprentis sorciers avec les institutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Martineau.

    M. Éric Martineau

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    Depuis près de six mois, la Nouvelle-Calédonie est en proie à des tensions politiques, sociales et économiques inédites. Les émeutes qui s’y déroulent prennent leur source dans des problématiques plurifactorielles.

    M. Bastien Lachaud

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    La colonisation ?

    M. Éric Martineau

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    Face à ces enjeux, la recherche d’un processus d’apaisement est une urgence ; la reconstruction d’un avenir institutionnel stabilisé est une urgence ; la recherche d’un destin commun est un impératif. En effet, les dégâts subis par les infrastructures publiques et privées s’élèvent à plus de 2 milliards d’euros, et treize décès en lien direct avec les émeutes sont à déplorer. Le taux de chômage atteint des records et l’usine de la province Nord, qui exploitait le nickel, a fermé. Les violences sur le territoire ont conduit à l’instauration de l’état d’urgence dès le 16 mai et au renforcement des forces de sécurité sur place.
    Le groupe Les Démocrates tient à exprimer son soutien aux familles ainsi qu’aux forces de l’ordre mobilisées en permanence, qui ont su répondre avec professionnalisme à l’urgence de la situation.
    Nous le savons, le contexte de l’archipel reste encore très instable, comme l’illustre le maintien du couvre-feu depuis les émeutes de mai. Face à cette crise, nous devons être prudents et humbles, car même si nous mesurons la gravité de la situation, nous ne la vivons pas au quotidien. Nous ne prétendons pas pouvoir la résoudre en quelques semaines, loin de nous cette idée.
    C’est pourquoi nous appelons de nos vœux le report des élections provinciales de la Nouvelle-Calédonie au 30 novembre 2025. Il serait irresponsable d’envisager la tenue des élections dans le contexte actuel. Leur report est dans l’intérêt des Calédoniens. Il permettra de se consacrer à la reconstruction économique et sociale de l’archipel et à la recherche d’un consensus politique concernant l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
    À cette fin, le déplacement de Yaël Braun-Pivet et de Gérard Larcher dans le cadre d’une mission de concertation doit permettre d’instaurer un dialogue politique sincère entre les différentes parties prenantes, en vue d’un accord politique pérenne. Nous sommes persuadés que les présidents des deux chambres sauront engager les discussions permettant de sortir de cette impasse et de proposer aux Calédoniens une solution trouvée en concertation avec les élus locaux.
    La proposition de loi organique a été largement votée par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie fin octobre, estimant qu’elle offrait une possibilité de sortie de crise. Cela constitue un signe d’espoir.
    Examiné en commission des lois la semaine dernière, le texte a été adopté par la quasi-totalité des groupes politiques. Pour le groupe Les Démocrates, le report des élections provinciales est une première étape sur le chemin de l’apaisement. Nous considérons que les conditions sont réunies pour adopter ce nouveau report au 30 novembre 2025 au plus tard.
    Le motif d’intérêt général est patent, et la durée totale de prorogation des mandats, qui est de dix-huit mois au maximum à compter du 12 mai 2024, ne sera pas dépassée.
    Vous l’aurez compris, la disposition soumise à notre vote donnera davantage de temps aux parties prenantes pour arriver à une solution politique basée sur le dialogue et le respect. Au regard du climat économique et social encore très tendu, le groupe Les Démocrates, constatant que le dispositif proposé satisfait aux exigences constitutionnelles, votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. –⁠ M. Nicolas Metzdorf applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jiovanny William.

    M. Jiovanny William

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    S’administrer de manière efficace sur le plan local, rechercher avec constance les conditions nécessaires à l’émancipation politique afin d’assurer et de renforcer la liberté d’autrui, ces préoccupations résonnent profondément en moi. Ces enjeux devraient évidemment nous interpeller et nous concerner en toutes circonstances.
    Initialement programmées le 12 mai 2024, les élections pour renouveler l’ensemble des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie ont été reportées au 15 décembre 2024. Cependant, la précipitation pour organiser les élections n’a fait qu’aggraver une situation déjà délicate, exacerbant l’incompréhension d’un peuple face à des institutions prématurément ébranlées au cours des dernières années. L’incompréhension, souvent associée à une volonté manifeste de ne pas appréhender les réalités des peuples géographiquement éloignés et historiquement différents, constitue un problème, hélas persistant, dans notre approche.
    Paul Valéry écrivait que l’histoire est le fardeau de l’avenir. Il est impératif que la France prenne enfin les mesures nécessaires pour remédier au poids de ce fardeau et enraye cette discrimination structurelle. Écouter les populations, éviter de les stigmatiser et les traiter avec tout le respect qui leur est dû constituent des obligations morales. Plutôt que de les entraver, nous devons les accompagner ; plutôt que de recourir à la violence, il convient d’opter pour l’écoute et le respect au sein de l’État de droit.
    Il est donc proposé, à travers ce projet de loi organique, de reporter la date des élections des membres du Congrès et des assemblées de province en Nouvelle-Calédonie au 30 novembre 2025 au plus tard. Ce délai d’un an offre une occasion précieuse de favoriser l’apaisement, de renouer le dialogue, d’engager des négociations constructives, et d’adopter des mesures préparatoires dans le respect des intérêts de chacune des parties prenantes. Cette approche ayant pour objectif de garantir la légalité du processus, conformément à l’avis du Conseil d’État, est en adéquation avec la volonté du peuple calédonien –⁠ c’est d’une importance capitale.
    Nous reconnaissons la nécessité d’instaurer des garde-fous aux reports successifs tout en préservant un cadre de négociation serein. Néanmoins, il convient d’être plus que jamais vigilants et de considérer prioritairement les intérêts de la population, qui a connu trop de pertes en vies humaines, de destructions et de temps perdu. La France ne saurait se permettre de manquer ce tournant historique.
    En conséquence, le groupe Socialistes et apparentés votera la proposition de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC ainsi que sur plusieurs bancs du groupe GDR. –⁠ Mme Sabrina Sebaihi applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean Moulliere.

    M. Jean Moulliere

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    Le groupe Horizons & indépendants tient à rappeler son attachement à la Nouvelle-Calédonie et la nécessité de trouver un consensus sur son avenir institutionnel. Ce territoire unique par la richesse de son histoire et par sa place dans la République française nous exhorte à rétablir un dialogue apaisé et respectueux de toutes les parties prenantes. La crise qui a commencé en mai 2024 n’a que trop duré. Selon l’Institut de la statistique et des études économiques (ISEE) de la Nouvelle-Calédonie, 10 000 emplois ont déjà été perdus dans le secteur privé depuis mars 2024, soit un salarié sur six. Par ailleurs, les prix alimentaires ont encore augmenté de 6 % entre 2023 et 2024, ce qui contribue à aggraver les problèmes de pouvoir d’achat de nos concitoyens de Nouvelle-Calédonie. Pour ces différentes raisons et pour les motifs que je développerai par la suite, la proposition de loi organique nous paraît aller dans le bon sens.
    Atteindre un consensus est en effet nécessaire pour pérenniser la paix civile fondée il y a plus de trente ans. Les mots des accords de Matignon-Oudinot, plus que jamais d’actualité, devront constituer la ligne directrice de nos travaux : « Pour que la paix civile soit établie de manière durable, la vie publique doit être fondée sur le respect mutuel et organisée selon les principes nouveaux. »
    La construction de ce nouveau chemin impose de l’apaisement. Le groupe Horizons & indépendants souhaite à cet égard saluer l’action des forces de sécurité…

    M. Bastien Lachaud

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    Et des milices aussi ?

    M. Jean Moulliere

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    …qui contribuent au maintien de l’ordre public en Nouvelle-Calédonie et permettent aux habitants de retrouver le calme dans leur quartier. Nous relevons par ailleurs avec satisfaction que la situation se stabilise et que le couvre-feu a pu être allégé du fait de l’amélioration progressive des conditions de sécurité depuis plusieurs semaines sur l’ensemble du territoire.
    Toutefois, renouer durablement avec l’ordre public requiert avant tout de rétablir la cohésion du peuple calédonien. Comme en 1998, l’État doit être prêt à accompagner la Nouvelle-Calédonie dans cette voie, celle d’un accord global tenant compte de l’irréversibilité des accords de Matignon ainsi que de la volonté du peuple calédonien de rester au sein de la République française.
    Enfin, le rétablissement de cette cohésion nécessite l’implication de l’ensemble des acteurs. Dans la continuité du déplacement du ministre chargé des outre-mer, la prochaine mission de la présidente Braun-Pivet et du président Larcher en Nouvelle-Calédonie va, à nos yeux, dans le bon sens. Elle contribuera en effet à la recherche d’une solution politique sur place, avec la proximité et l’engagement nécessaires à l’établissement d’une solution concertée.
    Dans ce contexte, il apparaît au groupe Horizons & indépendants que cette proposition de loi organique, en prévoyant le report du renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, représente un cadre favorable pour avancer ensemble sur le chemin du consensus. En effet, ce report, soutenu par la majorité des acteurs politiques locaux, offrira le temps nécessaire à la création d’un consensus. Tous les Calédoniens ont besoin que la démocratie se déploie dans un climat apaisé et constructif.
    La question du dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie demeure un enjeu démocratique essentiel qui, dans le respect de toutes les sensibilités, devra être abordé à travers le dialogue et la concertation nécessaires. Il faut reconnaître que les évolutions démographiques sur l’île sont telles que, si les personnes exclues de cette liste représentaient près de 7,5 % des électeurs en 1999, cette proportion s’élève désormais à 19,3 %, soit près d’un cinquième des électeurs. Dans l’avis du 7 décembre 2023, le Conseil d’État a rappelé qu’il était nécessaire de revenir à un corps électoral provincial glissant, les dispositions actuelles comportant « des dérogations aux principes d’universalité et d’égalité du suffrage » qu’il convient de modifier « afin d’en corriger le caractère excessif résultant de l’écoulement du temps ».
    Le groupe Horizons & indépendants votera donc en faveur de cette proposition de loi organique. Il appelle de ses vœux la construction d’un accord respectueux de chacun et des principes de liberté, d’égalité et de fraternité. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    Nous sommes amenés à discuter d’une proposition de loi organique venant du Sénat et visant à reporter une nouvelle fois les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie. En premier lieu, je tiens à rappeler quelques éléments de contexte : ces élections devaient initialement se dérouler au printemps dernier. À l’initiative du ministre de l’intérieur de l’époque, un premier report de ces élections provinciales a été voté par la loi organique du 15 avril dans le but de tenir compte de la révision constitutionnelle en cours d’examen visant au dégel du corps électoral, dont le vote final au Congrès devait initialement avoir lieu à la fin du mois de juin.
    Nous connaissons malheureusement la suite. Lors du vote au sein de cette assemblée du projet de loi constitutionnel en faveur du dégel électoral, des émeutes, des dégradations, des blessures et treize morts –⁠ deux dans les forces de l’ordre et onze dans la population – se sont produites en Nouvelle-Calédonie. J’ai ici une pensée émue pour les victimes et leurs proches ainsi que pour tous ceux qui ont vécu des dégradations. J’exprime mon soutien aux peuples –⁠ au pluriel – qui composent le territoire de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie. À ces drames s’ajoute une crise économique et sociale, avec la perte de plus de 6 000 emplois, ainsi que des dégâts et des destructions qui ont touché des services publics essentiels.
    Le groupe LIOT tient à souligner la responsabilité de l’ancien gouvernement dans la situation actuelle. Nous l’avions alerté sur les risques qu’entraînerait le fait de lier le dégel constitutionnel du corps électoral et le report des élections. Nous avions rappelé la nécessité d’attendre un accord global avant d’agir. Toute réforme en Nouvelle-Calédonie doit se faire par le consensus. Il s’agit certes d’une voie difficile et étroite, toutefois c’est la seule qui puisse préserver la paix et la concorde. L’unilatéralisme n’est jamais la bonne méthode ; nous voyons bien qu’ici cela ne fonctionne vraiment pas, car c’est justement la méthode consistant à avancer à marche forcée, soutenue par une partie seulement de la population, qui a conduit à la crise actuelle.
    Je tiens à rappeler quelques éléments que l’on oublie parfois. Colonie française depuis 1853, la Nouvelle-Calédonie ne devient un territoire d’outre-mer qu’en 1946. Après des affrontements entre indépendantistes et loyalistes ayant mené à des drames humains, les accords de Matignon en 1988 rétablissent la paix civile et définissent une organisation institutionnelle. Ce compromis prévoyait sur dix ans des moyens de développement et à terme un référendum sur l’autodétermination. Face à cette échéance, l’accord de Nouméa de 1998 a repoussé l’organisation de trois référendums au-delà de 2014. L’accord reconnaît la colonisation et la légitimité du peuple kanak et accorde une autonomie très forte à la Nouvelle-Calédonie.
    Lors des trois référendums sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, le non l’a emporté, avec 56 % des voix en 2018, 53 % en 2020 et 96 % en 2021. Ce dernier résultat est lié au boycott des indépendantistes qui ont, en vain, demandé un report de cette élection car la campagne électorale ne pouvait se tenir durant la période de deuil liée à la crise sanitaire. Ces derniers ne reconnaissent évidemment pas le dernier référendum. Force est de constater que, depuis 2021, l’État français s’est comporté comme juge et partie et a abandonné sa neutralité. Tout s’est passé en fait comme si l’État retrouvait sa vision coloniale d’antan, faisait fi du droit international, des recommandations de l’ONU qui, je le rappelle, classe l’archipel comme territoire à décoloniser, et bien sûr du principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. (M. Bastien Lachaud applaudit.)
    Désormais, il est temps pour l’État d’assumer la responsabilité de ses choix. Notre groupe s’inquiète de voir que le budget 2025 ne prévoit aucun crédit pour l’organisation de ces nouvelles élections. Nous appelons également l’exécutif à prendre en compte les demandes d’aide du Congrès calédonien, ainsi que le plan de reconstruction transpartisan voté par ce dernier.
    Nous accueillons avec bienveillance l’initiative parlementaire d’une mission de concertation menée par la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, qui doivent se rendre dans l’archipel ce week-end. Espérons que toutes ces bonnes volontés trouveront le chemin de l’apaisement et de la concorde entre les deux peuples qui composent la Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Prenons garde, cependant, à la cacophonie qui pourrait nous mener au chaos.
    Pour conclure, notre groupe se rallie pleinement aux constats du Sénat : il n’est pas possible de tenir un scrutin, car le temps du vote n’est pas encore venu. Laissons à l’archipel le temps de se reconstruire, afin que les responsables locaux reprennent les négociations en vue d’un accord. Le Congrès calédonien a donné un avis favorable à cette proposition de loi organique. Face à l’urgence de la situation, notre groupe votera pour ce texte adopté à l’unanimité au Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT. –⁠ M. Éric Martineau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Tjibaou.

    M. Emmanuel Tjibaou

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    Nous sommes appelés à nous prononcer sur le report des élections provinciales en Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Ce scrutin, attendu depuis la mi-année, a déjà été reporté, afin de laisser libre cours aux négociations pour la sortie institutionnelle de l’accord de Nouméa. À la suite du passage en force du projet de loi constitutionnelle, les événements du 13 mai ont meurtri dans notre chair l’héritage de l’accord de Nouméa : trente ans de paix sociale ont cramé avec les carcasses des voitures.

    M. Nicolas Sansu

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    C’est exact !

    M. Emmanuel Tjibaou

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    En tant que parlementaires, nous sommes tous comptables de cette situation qui nous a rappelé les heures les plus sombres de l’histoire du Caillou. Nous sommes aussi responsables, parce que nous avons foi en la capacité de chacun d’entre nous d’être acteur de la reconstruction économique, qui nécessite de la visibilité, et de la reprise du dialogue, comme la représentation nationale l’a fait en 1988 et en 1998, au moment des accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa. Les parlementaires ont accompagné le processus en autorisant la ratification des accords dans cette enceinte.
    En Kanaky-Nouvelle-Calédonie, le temps est une valeur essentielle. Donnez-nous du temps pour apaiser la situation, reprendre le dialogue et faire aboutir le processus de décolonisation, comme prévu dans l’accord de Nouméa.
    Avant moi, mes collègues ont porté cette revendication de justice, d’équité et d’impartialité de l’État dans le règlement définitif de la question coloniale en Kanaky. Je les en remercie, de même que je remercie tous ceux d’entre vous qui ont émis des alertes avant la crise.
    À l’aube de cette nouvelle page de l’histoire décoloniale de la France, prenons en compte la réalité de la manière dont nos peuples sont considérés. Nous souhaitons être respectés et écoutés. La restriction du corps électoral témoigne des équilibres sur lesquels les accords de paix ont été forgés. Ces équilibres, permis par les accords de Matignon-Oudinot et confortés par les accords de Nouméa, sont aujourd’hui fragilisés. Au nom des élus du Congrès qui ont voté à la quasi-unanimité le report de ces élections, je vous demande d’agir avec nous, pas sans nous, pour la Kanaky-Nouvelle-Calédonie, mais aussi pour l’ensemble des outre-mer.
    Il est temps de refermer la parenthèse coloniale dans notre pays. En tant que peuple colonisé depuis cent soixante-dix ans, nous sommes fatigués de répéter que nous n’aspirons qu’à une seule chose : recouvrer la liberté, aux côtés des Calédoniens qui continuent de croire à la conjugaison du nous, dans le cadre du projet de citoyenneté que nous avons porté ensemble.
    Nous avons ouvert à nos compatriotes le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et le droit à l’autodétermination. Nous assumons ce droit et le revendiquons dans cette enceinte, afin d’écrire une nouvelle page. Si un accord est signé, le Parlement devra approuver sa ratification. Nous sommes en train de vivre cette première étape. Ne décidez pas à notre place ; agissez avec nous. Le groupe GDR est favorable à cette proposition de loi organique. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP, SOC, EcoS et LIOT. –⁠ M. Éric Martineau et M. Philippe Vigier applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophie Vaginay.

    Mme Sophie Vaginay

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    Le groupe UDR soutient cette demande de report des élections en Nouvelle-Calédonie. Ce report n’est pas souhaitable en soi, car dans un État de droit –⁠ à Nouméa comme à Paris –, les élections doivent se tenir aux dates et dans les modalités prévues, conformément aux résultats des consultations menées auprès de la population de Nouvelle-Calédonie.
    Il ne peut y avoir de doute sur l’égalité entre les citoyens au sein de la République française : tous les Néo-Calédoniens doivent pouvoir voter selon les mêmes règles de résidence et de nationalité. Il faudra assurer le dégel effectif du corps électoral, car le principe d’égalité ne peut pas être à géométrie variable. C’est le sens des décisions des Néo-Calédoniens, consultés à trois reprises dans le cadre des accords de Nouméa.
    Aujourd’hui, il n’y a d’autre choix que ce report, tant la politique erratique et brutale du Président de la République vis-à-vis de la Nouvelle-Calédonie a conduit ce territoire dans une impasse de violence. La Nouvelle-Calédonie a été le théâtre de scènes insurrectionnelles : émeutes, incendies –⁠ 290 maisons ont été brûlées –, pillages et agressions ont conduit à la déclaration de l’état d’urgence dès le 16 mai et au déploiement d’importants effectifs de forces de l’ordre.
    Ces émeutes ont fait au moins treize morts et de très nombreux blessés chez nos forces de l’ordre. Les gendarmes, en particulier, ont payé un lourd tribut face à la violence aveugle –⁠ je tiens à les saluer et les assurer de notre entier soutien et de notre admiration. Elles ont également provoqué une crise économique profonde. Le haut-commissariat a évalué le coût des dégâts à 2,3 milliards d’euros : 750 entreprises ont été entièrement détruites, la perte de PIB est estimée à 30 %, et le chômage, déjà très élevé, explose –⁠ près d’un tiers des effectifs salariés du pays sont désormais sans emploi. Les conséquences sociales sont dramatiques : début octobre, on recensait 50 % d’impayés dans le parc des logements sociaux.
    De nombreux équipements publics ont aussi été détruits : écoles, hôpitaux, dispensaires médicaux et autres bâtiments administratifs. Les acteurs de terrain, notamment les membres du comité interinstitutionnel reçus par le président Ciotti à l’Assemblée nationale le 2 octobre dernier, disent craindre de véritables émeutes de la faim, si rien n’est fait.
    Le temps est donc à l’urgence : il faut dire halte au feu et tout faire pour apaiser la situation dans ce territoire de la République française. Le Congrès de Nouvelle-Calédonie s’est prononcé très majoritairement pour ce report. J’espère que notre assemblée, pour une fois, se montrera unanime pour soutenir les Néo-Calédoniens.
    Le temps de la refondation doit venir rapidement. Celle-ci doit être profonde, afin de créer les conditions de la confiance, sans laquelle aucun territoire ne peut se reconstruire et se développer. Gardons-nous de reproduire les erreurs du passé, l’éloignement et le mépris ; soyons à l’écoute, rendons-nous sur place, en vue d’une coconstruction avec les acteurs locaux. C’est là un message d’espoir. Sachons nous hisser à la hauteur des enjeux en poursuivant ce travail transpartisan au service des Néo-Calédoniens qui, comme tous les Français, méritent notre engagement plein et entier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Rambaud.

    M. Stéphane Rambaud

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    Cette proposition de loi organique vise à reporter les élections des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie au 30 novembre 2025 au plus tard, alors que l’archipel est marqué par de graves émeutes et une dégradation profonde de la situation économique et sociale, elles-mêmes directement provoquées par une réforme constitutionnelle menée à la hâte et sans consensus par le précédent gouvernement.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Vous avez voté pour !

    M. Stéphane Rambaud

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    La Nouvelle-Calédonie a traversé des périodes de blocage et d’incertitude, exacerbées par les trois référendums successifs sur la question de l’indépendance. En 2018, 2020 et 2021, la majorité des Néo-Calédoniens ont choisi de rester au sein de la République française, signifiant clairement leur attachement à la France. Au lieu de respecter cette volonté et de travailler avec les élus locaux afin de construire un avenir commun, le Gouvernement a préféré s’engager dans des décisions précipitées. Cette précipitation et l’absence de concertation ont provoqué une explosion de tensions : de violentes émeutes –⁠ treize vies fauchées –, des milliers de familles touchées et une économie locale à genoux. (M. Davy Rimane s’exclame.) L’état d’urgence a dû être déclaré le 16 mai 2024, afin de rétablir un semblant de calme. À cela se sont ajoutées des ingérences de puissances étrangères qui, en réponse à des positions prises par la France, ont cherché à exploiter cette crise et à attiser un climat insurrectionnel.
    La situation actuelle, marquée par la méfiance et l’instabilité, est la conséquence directe de cette gestion arrogante et déconnectée des réalités locales. Une fois de plus, le gouvernement s’est pris les pieds dans le tapis en croyant pouvoir imposer sa vision depuis Paris, sans tenir compte de la complexité de la situation sur le terrain. Cette crise n’est pas le fruit du hasard ; elle est la conséquence d’un entêtement à vouloir tout décider en haut lieu, sans écouter ceux qui, chaque jour, œuvrent pour la cohésion sur l’archipel. Ces décisions prises à l’emporte-pièce participent à la fragmentation de la République et affaiblissent davantage le lien de confiance entre l’État et ses territoires.
    Face à cette situation, la proposition de loi organique vise à reporter au 30 novembre 2025 l’élection des membres des assemblées provinciales et du Congrès. Ce report n’est pas un aveu de faiblesse, mais une garantie que les élections se tiendront dans un climat apaisé et propice à l’expression démocratique. En effet, comment envisager un scrutin serein alors que les blessures des récentes émeutes sont encore vives et que la confiance dans les institutions est ébranlée ? Ce report doit être également l’occasion de renouer le dialogue, de reconstruire la confiance et de permettre aux différents acteurs politiques de la Nouvelle-Calédonie de se rassembler autour d’un projet commun.
    Comme l’a justement souligné Marine Le Pen (Exclamations sur les bancs des groupes Dem et EcoS), la solution à long terme passe par l’organisation d’un référendum dans quarante ans. Cette perspective offrirait un horizon clair et stable à l’archipel, tout en réaffirmant son intégration dans la République et son lien indéfectible avec la nation.
    C’est dans ce contexte que le Marine Le Pen a reçu une délégation interinstitutionnelle et transpartisane…

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Comme tous les groupes !

    M. Florent Boudié, rapporteur

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    Tout le monde l’a fait !

    M. Stéphane Rambaud

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    …de Nouvelle-Calédonie, le 3 octobre. Lors de cette rencontre, elle a notamment insisté sur la nécessité, vu l’augmentation de la contribution française au budget de l’Union européenne, de mobiliser également des fonds européens…

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Vous en avez voté la suppression !

    M. Stéphane Rambaud

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    …pour soutenir la reconstruction de l’archipel et accompagner la transition énergétique, indispensable à sa filière nickel.
    Notre présidente de groupe a réaffirmé sa détermination à œuvrer en faveur d’une solution institutionnelle stable et durable. Le Rassemblement national est pleinement engagé à promouvoir des solutions concrètes, tant économiques que sociales, au service de l’intérêt de tous les Calédoniens et d’une Nouvelle-Calédonie rassemblée et pacifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Metzdorf.

    M. Nicolas Metzdorf

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    Je ne peux utiliser ce pupitre que des menuisiers de l’Assemblée nationale viennent de modifier –⁠ je les ai vus l’incliner dans un reportage consacré à notre institution – sans remercier toutes les petites mains qui favorisent notre travail au quotidien et leur rendre hommage. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
    Je dois aussi faire un petit rappel juridique et politique à certains collègues qui se sont exprimés avant moi : quand on se prévaut de l’accord de Nouméa, donc de la Constitution puisque cet accord est constitutionnalisé, on le respecte à la lettre. Or l’accord précise que les signes identitaires, dont le nom de la Nouvelle-Calédonie, sont choisis par une majorité des trois cinquièmes du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Jusqu’à nouvel ordre, officiellement, le nom de la Nouvelle-Calédonie, c’est Nouvelle-Calédonie ; ce n’est ni Kanaky, ni Kanaky-Nouvelle-Calédonie, pas plus que Nouvelle-Calédonie-Kanaky.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Eh oui !

    Mme Danièle Obono

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    Nous, on y ajoute le mot « Kanaky » !

    Mme Marie Mesmeur

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    C’est comme ça, que ça vous plaise ou non !

    M. Jean-François Coulomme

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    Ça suffit, la cancel culture !

    M. Nicolas Metzdorf

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    Il faut respecter le choix des Calédoniens et la Constitution de la République ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, RN, DR et UDR.)
    La proposition de loi du groupe sénatorial socialiste arrive au bon moment puisque nous ne sommes pas aujourd’hui en état d’organiser des élections dans de bonnes conditions en Nouvelle-Calédonie. Celles dans lesquelles se sont tenues les dernières élections législatives, marquées par des suspicions de fraudes dans plusieurs bureaux de vote, étaient très mauvaises.
    Il n’est par ailleurs nul besoin d’aviver les tensions localement ; il nous faut, au contraire, tenter à nouveau de négocier sur l’extension du corps électoral comme sur tous les sujets concernant l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
    Je voudrais témoigner du plein engagement du camp non indépendantiste, qui s’exprime à travers moi bien que je parle au nom du groupe Ensemble pour la République, dans la recherche d’un accord politique global. Depuis 2021, jamais les non-indépendantistes n’ont boycotté les négociations ; jamais, ils n’ont quitté la table des discussions ; jamais, ils n’ont contesté le résultat d’un vote démocratique ; ils ont toujours été présents pour faire des propositions afin de trouver des solutions avec les indépendantistes et avec l’État.
    Je dois aussi rappeler que si le projet de loi constitutionnelle dont tout le monde semble considérer qu’il est responsable des émeutes…

    Mme Sabrina Sebaihi

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    C’est parce que le Gouvernement est passé en force !

    M. Nicolas Metzdorf

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    …est arrivé au Sénat et à l’Assemblée nationale, c’est parce qu’entre 2021 et 2023, aucun accord n’avait été trouvé entre les partenaires. Pour trouver un accord, il faut être deux à la table des négociations. Trop souvent, l’un des partenaires historiques de l’accord de Nouméa a été absent lors des négociations,…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il y a peut-être des raisons à cela !

    M. Nicolas Metzdorf

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    …nous empêchant de trouver un accord politique. Nous sommes évidemment partisans du dialogue et de la discussion, mais chacun doit faire sa part du chemin.
    Je voudrais aussi m’adresser à l’État, au ministre : j’entends souvent dire que l’État se doit d’être impartial. Il devait l’être, en effet, avant la tenue des trois référendums puisqu’il ne devait soutenir ni le oui, ni le non, s’agissant d’un choix souverain du peuple calédonien.

    M. Bastien Lachaud

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    Ce n’est pas ce qu’il a fait !

    M. Nicolas Metzdorf

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    Mais l’État ne peut plus être impartial quand il s’agit de faire respecter le résultat d’un vote démocratique ; il ne peut plus être impartial entre tenants de la France et de l’indépendance puisque les Calédoniens ont choisi, par trois fois, la France…

    M. Jean-Victor Castor

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    C’est faux !

    M. Nicolas Metzdorf

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    …et que les résultats ne sont contestés par aucune instance internationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    M. Jean-Victor Castor

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    C’est faux !

    M. Nicolas Metzdorf

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    L’État ne peut être impartial, ajouterai-je, non pas entre indépendantistes et non-indépendantistes, mais entre les démocrates et ceux qui veulent le chaos –⁠ car parmi les indépendantistes, il y a des démocrates. Vous ne pouvez être impartial, monsieur le ministre, entre ceux qui cassent et ceux qui construisent.

    Mme Danièle Obono

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    Et les milices ?

    Mme Émilie Bonnivard

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    Respectez l’orateur !

    M. Nicolas Metzdorf

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    Vous ne pouvez l’être entre ceux qui veulent le dialogue…

    M. Raphaël Arnault

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    Les milices armées qui tirent sur les gens ?

    M. Nicolas Metzdorf

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    …et ceux qui ne le veulent pas.

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît !

    M. Nicolas Metzdorf

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    Ce n’est pas seulement le maintien de la Nouvelle-Calédonie française qui se joue, mais le respect de la démocratie et de l’État de droit en Nouvelle-Calédonie.

    M. Raphaël Arnault

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    À la matraque !

    M. Nicolas Metzdorf

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    Votre responsabilité est grande, monsieur le ministre : aux yeux des Calédoniens, vous n’êtes pas seulement un ministre, vous ne représentez pas seulement le Gouvernement, ni même l’État ; vous êtes le visage de la France, pour laquelle ils se sont tant battus et dont ils espèrent encore que les valeurs seront respectées, même à 22 000 kilomètres de Paris. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, RN, DR, Dem, HOR et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Pendant des millénaires, l’archipel de Kanaky-Nouvelle-Calédonie a été habité par une population mélanésienne, organisée de façon coutumière : les Kanaks. Le peuple premier, à qui revient le premier des droits sur cette terre. En 1774, James Cook lui donne son nom colonial. La colonisation européenne entraîne le déclin démographique des Kanaks. La Nouvelle-Calédonie devient officiellement une colonie française en 1853 quand Napoléon III en ordonne la prise de possession.
    Pensée dès l’origine comme colonie de peuplement, elle sera d’abord utilisée comme colonie pénitentiaire : y seront déportés notamment les communards et les insurgés kabyles contre la colonisation de l’Algérie. S’y installent aussi des colons français libres, attirés par des promesses de terres, puis des travailleurs asiatiques incités à venir participer à l’exploitation minière –⁠ des « victimes de l’histoire » pour reprendre l’expression employée par les indépendantistes kanaks à Nainville-les-Roches.
    Dans l’histoire des colonisations, celle de Kanaky-Nouvelle-Calédonie est particulièrement violente : les autorités y procèdent à des spoliations foncières massives au détriment des chefferies kanak ; l’ignoble code de l’indigénat y est appliqué ; un groupe de Kanaks est présenté dans un zoo humain à l’exposition coloniale de 1931. Aucune indignité ne sera épargnée à ce peuple.
    Les insurrections kanak contre la colonisation, dont celle de 1878, sont sauvagement réprimées. La tête du chef Ataï a même été envoyée à Paris, et ne sera restituée à ses descendants qu’en 2014.
    En 1946, la Nouvelle-Calédonie devient un territoire d’outre-mer. L’abolition de l’indigénat ne met pas fin au système colonial : il faut attendre 1957 pour que le droit de vote universel y soit appliqué. En 1972 encore, Pierre Messmer, Premier ministre, ordonne à son secrétaire d’État aux DOM-TOM d’organiser je cite « l’immigration massive de citoyens français métropolitains » pour éviter le danger indépendantiste « en améliorant le rapport numérique des communautés ». La colonie de peuplement perdure, encore et toujours. Ce fait est reconnu par l’ONU.
    Les accords de paix de Matignon-Oudinot, puis, après la guerre civile des années 1980, ceux de décolonisation de Nouméa avaient, enfin, permis de dessiner un destin commun et de trouver une voie pour l’émancipation des Calédoniens.
    Le système colonial n’est, en effet, pas un passé lointain et révolu : il se matérialise ici et maintenant dans des inégalités économiques, sociales et politiques qui ne doivent rien au hasard.

    Mme Danièle Obono

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    Exactement !

    M. Bastien Lachaud

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    Les principales victimes ? Jeunes, sans qualification et kanak. Fracture sociale et fracture ethnique se recoupent : sept chômeurs sur dix sont kanak, comme le sont 71 % des pauvres, 69 % des jeunes sans emploi ni formation et 90 % des détenus de la prison de Nouméa, alors que les Kanaks ne représentent que 40 % de la population calédonienne.
    Ainsi, quand Emmanuel Macron veut dégeler, unilatéralement et de force, le corps électoral, c’est cette terrible histoire coloniale qu’il réactive. Il est le seul et unique responsable de la crise politique, économique et sociale qui nous ramène quarante ans en arrière. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Le pays est au bord du gouffre. On craint des émeutes de la faim.
    Il faut maintenant retrouver la voie de la paix, ce qui nécessite des gestes politiques forts de la part du Gouvernement : le respect de l’accord de Nouméa, le retour à l’impartialité de l’État, l’assurance que le projet de dégel unilatéral est définitivement abandonné et la libération des prisonniers politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Marc Pena applaudit également.)
    La question des prisonniers politiques ne peut pas être éludée en renvoyant à une procédure judiciaire. Quand a-t-on pu imaginer incarcérer à l’autre bout du monde des responsables politiques, autrement que dans le cadre d’une justice coloniale ?

    Mme Sophia Chikirou

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    Exactement !

    M. Bastien Lachaud

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    Le président du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), Christian Tein, est en prison à Mulhouse sous des chefs d’accusation grotesques et au mépris de tous ses droits, ce que la Cour de cassation vient d’ailleurs de reconnaître. Acteur incontournable de futures négociations, il doit, comme les autres prisonniers politiques kanak, sortir de prison et pouvoir rentrer chez lui. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Max Mathiasin applaudit également.)
    Le texte que nous examinons vise à reporter les élections provinciales. Puisque le Congrès calédonien s’est massivement prononcé pour ce report, nous ne pouvons que suivre son avis : le groupe de La France insoumise ne s’opposera pas au report des élections.

    M. Philippe Gosselin

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    Quand même !

    M. Bastien Lachaud

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    Reste que la méthode du passage en force est totalement désavouée. Il faut ouvrir une nouvelle séquence politique. Les discussions entre les acteurs calédoniens doivent permettre d’aboutir à un accord global. C’est seulement dans le cadre d’un tel accord, consensuel, que la définition d’un nouveau corps électoral serait envisageable pour les élections provinciales dans la perspective de l’émancipation pleine et entière de ce territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Merci, madame la présidente, de présider cette séance. Je sais l’intérêt que vous portez à la Nouvelle-Calédonie, territoire où vous vous rendrez en compagnie du président du Sénat d’ici quelques jours, témoignant de l’intérêt de toute la nation pour tous ses territoires, qu’ils soient proches ou lointains, hexagonaux ou ultramarins.
    Je ne me lancerai pas dans un réquisitoire tel que celui que nous venons d’entendre. Je reprendrai avec plus de modération quelques éléments qui caractérisent la situation de la Nouvelle-Calédonie depuis plusieurs décennies : avec ses ombres, mais aussi ses lumières, le bilan est bien plus contrasté que l’image que certains veulent en donner ici. (M. Nicolas Metzdorf applaudit. –⁠ Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
    Oui, le choix d’un destin commun a bien été réaffirmé ; non, l’opposition n’est ni permanente, ni aussi caricaturale que l’image que certains veulent bien en donner. (Nouvelles exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) J’en veux pour preuve l’expression « victimes de l’histoire », qui signifie qu’un peuple n’est pas seul reconnu victime –⁠ si victime il devait y avoir – mais qu’existent des éléments intrinsèquement mêlés en un terreau devenu, pour une part, commun.
    Outre ces traits historiques, le contexte actuel est celui d’une forte tension : les émeutes et les manifestations qui ont débuté à partir du 13 mai ont mis le pays à feu et à sang. Il y a eu des morts –⁠ treize, dont deux victimes chez les forces de l’ordre – et plus de 750 militaires, policiers et gendarmes blessés. C’est aussi une économie exsangue, un corps social qui se cherche, un nickel en décrépitude : l’usine du Nord de Koniambo fermée, une autre démantelée par ses propres salariés, par ceux-là mêmes à qui elle aurait pu bénéficier en quelque sorte, une troisième dont le sort est en suspens. Demain, se produiront, peut-être, des émeutes de la faim –⁠ je n’en conteste pas la possibilité.
    Il s’agit d’une crise sociale, économique, et peut-être plus grave encore, d’une crise de confiance. La confiance dans l’avenir constitue l’élément psychologique le plus à même d’apaiser les passions et de permettre de construire ensemble.
    Dans un tel cadre, la présente proposition va de soi. Compte tenu du caractère instable et précaire de la situation, les élections provinciales ne peuvent être organisées dans l’immédiat. Je rappelle que ce sont les élections les plus importantes pour ce territoire : elles déterminent la composition du Congrès et, par extension, du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Il apparaît donc sage de les reporter d’un an, en espérant que d’ici là, les conditions de leur tenue, sinon de leur succès, seront réunies.
    Cela dit, le texte que nous examinons s’insère dans un cadre bien plus large. La confiance, je le disais, doit être restaurée, et un accord global reste à construire –⁠ j’ai l’impression, de ce point de vue, que nous avons dégringolé plusieurs marches par rapport au palier que nous pensions avoir atteint, faute d’être arrivés à destination !
    Plusieurs sujets devront être à nouveau abordés. Les aspects économiques et sociaux sont essentiels, bien sûr, et il faudra intégrer le nickel dans nos réflexions. Mais le sujet qui devra être traité en priorité, c’est celui, certes compliqué, du corps électoral : on ne peut pas envisager un statu quo en la matière. C’était déjà vrai lorsque les accords de Matignon puis de Nouméa ont été signés : on ne peut pas indéfiniment bloquer ce qui correspond aujourd’hui à presque 20 % des habitants de l’archipel inscrits sur la liste électorale générale. C’est du reste ce qu’a écrit le Conseil d’État dans ses avis du 7 décembre 2023 et du 25 janvier 2024.
    Toutes les exigences constitutionnelles sont satisfaites pour que ces élections aient lieu. Le Congrès lui-même s’est prononcé en leur faveur par quarante-sept voix sur cinquante-quatre, et une seule contre ; nous nous devons de le suivre et surtout d’assurer tous nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie, quels qu’ils soient, de notre soutien, en réaffirmant notre confiance, malgré tout, dans l’avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes DR, EPR et HOR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte, rapporteur.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Je veux revenir rapidement sur quelques interrogations soulevées par les différents orateurs. Je commence par la fin : la question du nickel, que M. Gosselin et nombre d’entre vous ont évoquée. Monsieur le ministre, puisque vous êtes là, j’en profite pour vous dire que les attentes quant à l’avenir de la filière, relayées par nos collègues, sont immenses. C’est l’un des piliers de l’emploi en Nouvelle-Calédonie, responsable de 25 à 30 % du PIB du territoire.
    Plusieurs milliers de salariés du secteur sont au chômage partiel ; ils représentent une proportion importante des personnes concernées par ce dispositif. L’État doit prendre des engagements car –⁠ je le dis aux collègues qui n’auraient pas lu le rapport – le chômage partiel s’arrête à la fin de l’année et il faut de la visibilité, sachant qu’en Nouvelle-Calédonie, le chômage n’est indemnisé que pour une durée maximale de neuf mois. Je sais qu’une telle règle est un rêve pour certains d’entre vous mais cela risque en l’occurrence de produire une situation gravissime, d’autant qu’il n’existe aucun filet de sécurité supplémentaire –⁠ il n’y a pas de RSA en Nouvelle-Calédonie.
    L’État doit être au rendez-vous sur cette question mais aussi en matière budgétaire. Nous avons entendu les collectivités, monsieur le ministre –⁠ et vous aussi, j’imagine, lors de votre déplacement : elles sont financièrement exsangues. Les annonces que vous avez faites hier en évoquant des avances remboursables ne constituent pas –⁠ je parle ici à titre personnel – une solution soutenable. J’en profite pour répondre à Nicolas Metzdorf : certes, les facteurs qui ont conduit à la situation présente sont multiples, mais on ne peut nier que c’est au moment de l’examen par notre assemblée du projet de loi constitutionnelle visant à modifier le corps électoral que la crise a éclaté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Parce qu’il n’a pas voulu voir ce qui arrivait, l’État porte une responsabilité évidente !
    Ce système d’avances remboursables, donc, contribue à endetter les Calédoniens et donc à leur faire payer le poids d’une responsabilité qui est éminemment partagée car l’État, évidemment, a fauté. Ce ne peut donc être la réponse principale. Les 70 millions d’euros de subventions que vous avez annoncées ne seront pas suffisants : il faudra ouvrir des perspectives supplémentaires.
    Je veux enfin donner deux derniers éléments de réponse. Monsieur Molac, vous avez dit –⁠ mais peut-être était-ce un abus de langage – qu’il y avait « deux peuples » en Nouvelle-Calédonie.

    M. Paul Molac

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    Ce n’était pas un abus de langage !

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Mais non ! Il n’y a pas « deux peuples » en Nouvelle-Calédonie. Il y a une citoyenneté calédonienne, à laquelle la liste électorale donne accès. Dans les années 1980 et notamment lors de la table ronde de Nainville-les-Roches, on reconnaissait déjà qu’en Nouvelle-Calédonie, les victimes de l’histoire se trouvent de tous les côtés. Les déportés du bagne nous le rappellent : l’histoire de l’archipel ne se résume pas à une image schématique. Finalement, les victimes sont partout,…

    M. Nicolas Metzdorf

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    C’est bien !

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    …même s’il existe –⁠ je vous réponds, monsieur Metzdorf – un héritage colonial évident…

    M. Nicolas Metzdorf

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    Nous l’avons reconnu !

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    …qu’il faut regarder en face. Non, la décolonisation n’est pas finie ; oui, il y a du racisme ;…

    M. Nicolas Metzdorf

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    Il y a aussi du racisme antiblanc !

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    …et oui, comme l’a rappelé M. Lachaud, il y a une situation d’inégalité profonde que subissent encore largement les populations kanak.
    Notre objectif, ce n’est pas de faire monter la mayonnaise autour de ces tensions : ce que nous voulons –⁠ je pense l’avoir entendu sur tous les bancs –, c’est retrouver le chemin de la paix. M. Tjibaou l’a dit avec beaucoup de force tout à l’heure et je crois que nous sommes tous d’accord là-dessus, comme l’ensemble des acteurs que nous avons auditionnés : il faut cesser de se servir de ces débats pour alimenter les tensions. Notre rôle, c’est de participer à l’apaisement et je compte sur notre responsabilité collective pour avancer sur ce point.

    M. Philippe Gosselin

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    Oui, il ne faut pas en faire un psychodrame national !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Florent Boudié, rapporteur.

    M. Florent Boudié, rapporteur

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    Je veux d’abord dire que je partage tout ce qu’a dit, y compris à titre personnel, Arthur Delaporte. En commission des lois, j’avais eu l’occasion de dire qu’il fallait aborder la question calédonienne avec gravité et beaucoup d’humilité. Avec mon collègue corapporteur, nous avons, au cours des dernières semaines, documenté la situation économique et sociale ; nous avons réuni des éléments statistiques et des données précises sur ce que vivent les Calédoniens sur l’archipel. Mais ce n’est pas une réalité que nous vivons directement. Nos députés calédoniens –⁠ pardonnez-moi cette expression –, eux, peuvent en parler avec les habitants sur place. Nous devons donc faire preuve de beaucoup d’humilité.
    Au fond, il en est aujourd’hui, en novembre 2024, comme il en était lorsqu’à cette tribune, le 29 juin 1988, dans sa déclaration de politique générale, Michel Rocard avait appelé chacune et chacun à « rétablir la paix des cœurs […] et des âmes ». Ce n’est pas une formule politique, c’est vrai, mais la politique doit parfois puiser sa force dans des réflexions bien plus profondes qu’elle ne l’est elle-même. C’est encore avec humilité que j’évoque ainsi Michel Rocard.
    Madame la présidente, la mission que vous allez conduire avec le président Larcher, dans trois jours, sur l’archipel, est très attendue –⁠ je sais que vous en êtes parfaitement consciente. C’est une chance que nous devons saisir, en tant que membres de la représentation nationale : en cette occasion, vous ne représenterez pas l’État –⁠ pardon, monsieur le ministre – et c’est une liberté essentielle aux yeux de tous les Calédoniens. Votre rôle sera de « dresser la table » du dialogue, pour reprendre l’expression utilisée par Jean-Pierre Djaïwé, président de l’Union nationale pour l’indépendance (UNI), et Virginie Ruffenach, vice-présidente du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, avant d’être reprise par Arthur Delaporte. Il s’agira de mettre autour de la table toutes les parties prenantes, y compris l’État !
    Faut-il refaire le passé ou regarder dans le rétroviseur ? Je ne le sais pas. Ce que je sais, c’est que nous devons, dans les semaines et les mois qui viennent, appuyer toutes les initiatives qui donneront –⁠ qui rendront – à l’État sa totale impartialité, sa capacité à garantir pleinement le dialogue qui doit être renoué pour permettre la reconstruction. Voilà l’urgence, et je prends notes des éléments complémentaires que vous avez avancés, monsieur le ministre, concernant le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Le dialogue ne partira pas de rien ! Dans le chemin qui se trouve devant nous, il y a la question centrale de l’autodétermination. Les mots « colonisation » et « décolonisation » figurent dans l’accord de Nouméa,…

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Bien sûr !

    M. Florent Boudié, rapporteur

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    …et nous devons l’assumer ! Ce ne sont pas des gros mots : c’est l’histoire. Ce sont des sujets qui concernent les Calédoniens et dont il faut parler. J’ai bien entendu ceux qui disent : « ne décidez pas à notre place ».
    Cette question de l’autodétermination renvoie à celle du corps électoral et donc de la citoyenneté : peut-être l’élaboration d’un code de la citoyenneté sera-t-elle nécessaire ! La question des réformes internes à la Nouvelle-Calédonie est également primordiale, tout comme celle de la relation à la France, qui sera au cœur des discussions.
    Sur tous ces points, des discussions avaient été engagées avant le début des émeutes, le 13 mai. Je ne sais pas si elles doivent reprendre sur ce fondement mais ce qui est certain, c’est que le report des élections au plus tard au 30 novembre 2025 ouvre un chemin d’espoir et de dialogue. Voilà ce qui nous attend. (M. Arthur Delaporte, rapporteur, et M. Philippe Gosselin applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Au terme des interventions de chacun des groupes, je veux faire quelques observations. Je salue l’unanimité à venir sur le vote de ce texte qui n’est pas une fin mais un nouveau départ pour la Nouvelle-Calédonie. Il faut vraiment en avoir conscience ! Je ne vais pas reprendre tout ce qui a été dit mais beaucoup de choses absolument justes ont été parfaitement exprimées.
    Vous évoquiez, monsieur le rapporteur Delaporte, la question économique ; elle est fondamentale et urgente. La question du nickel est indissociable de l’avenir du territoire.

    M. Philippe Gosselin

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    Totalement !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    L’usine du Nord est fermée, tout comme celle de Thio, et la SLN –⁠ Société Le Nickel – ne fonctionne pas à plein. L’avenir de la Nouvelle-Calédonie ne pourra s’écrire sans une action très forte en faveur de la filière nickel,…

    Mme Danielle Brulebois

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    Exactement !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    …qui doit être relancée dès à présent. Sans trahir de secret, je peux dire que des contacts sont établis avec certains groupes qui s’y intéressent ; les choses pourraient vite évoluer et nous devons être proactifs.

    M. Philippe Gosselin

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    Pas des groupes chinois, monsieur le ministre !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Non ! Par ailleurs, je rappelle qu’en 2024, 400 millions d’euros avaient déjà été mobilisés par le précédent gouvernement ; à l’occasion de notre récente visite, nous avons à nouveau mobilisé les fonds publics en octroyant de nouvelles aides représentant 230 millions supplémentaires au titre de l’année 2024.

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Ce sont des avances remboursables !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Non, c’est du cash ! Une somme de 230 millions, donc, a été débloquée ; nous voulons la flécher pour qu’elle aille directement dans les caisses des provinces et des communes, afin qu’elles puissent payer leurs fournisseurs.
    Je rappelle que le dispositif de chômage partiel devait en principe s’arrêter à la fin du mois d’octobre 2024 et que nous l’avons prolongé jusqu’à la fin du mois de décembre, pour couvrir l’ensemble de l’année 2024. Nous nous sommes aussi engagés auprès des collectivités à prendre en charge à 100 % la reconstruction des écoles, et à 70 % celle du reste des bâtiments publics. Toutes ces mesures, annoncées il y a un peu plus d’un mois, seront effectives en 2024.
    Quant à 2025, l’avance de 500 millions d’euros a été portée hier à 770 millions ; 80 millions supplémentaires seront destinés à aider les communes à financer leurs travaux de reconstruction, et d’autres aides seront débloquées. D’ailleurs, le débat parlementaire continue !

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Si possible !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Nous verrons ce qu’il en est, mais il me semble qu’il continue. Même si nous avons des désaccords qui peuvent être profonds, le sujet de fond –⁠ vous l’avez tous dit –, c’est l’avenir de tous les Calédoniens et de toutes les Calédoniennes.
    Incontestablement, il faut engager une démarche de reconstruction économique et sociale pour bâtir l’avenir, étant entendu que l’avenir institutionnel devra vraisemblablement être inventé.
    Conformément à la volonté du Premier ministre et du Président de la République, une mission spécifique a été confiée à M. Emmanuel Moulin.

    M. Gabriel Attal

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    Emmanuel Moulin est remarquable !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Celui-ci se rendra à Nouméa à la fin de ce mois de novembre. Il devra préfigurer une équipe et définir une méthode pour la reconstruction économique de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi organique.

    Article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pouria Amirshahi.

    M. Pouria Amirshahi

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    Nous n’allons pas nous substituer aux différentes parties prenantes qui vont engager le dialogue d’ici aux prochaines élections. Mais ici, à l’Assemblée nationale, où une salle illustre porte les noms de Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, on ne peut pas euphémiser comme j’ai entendu des orateurs le faire. La situation en Kanaky-Nouvelle-Calédonie est bel et bien une question coloniale. Elle l’est depuis l’origine, du fait de l’accaparement des terres par Napoléon III et de la stratégie de peuplement qui l’a suivi. Elle l’est aujourd’hui encore, en raison des inégalités bien réelles qui existent entre les Kanaks, les Caldoches et les autres –⁠ les chiffres ont été rappelés tout à l’heure.
    Si je dis que la question coloniale est toujours présente, ce n’est pas par positionnement ou par atavisme militant, et ce n’est pas non plus une vue de l’esprit : dans l’accord de Nouméa signé en 1988 sous l’égide de Michel Rocard, toutes les parties prenantes, y compris les vôtres (L’orateur se tourne vers M. Nicolas Metzdorf), ont reconnu que la question de la décolonisation était posée. (M. Nicolas Metzdorf s’exclame.) D’ailleurs, la question de la décolonisation vaut dans les deux cas de figure : que la Kanaky-Nouvelle-Calédonie retrouve demain son indépendance ou bien qu’il s’agisse de développement économique pour atteindre la pleine égalité.
    Si vous voulez tourner le dos à deux siècles d’inégalités construites dans la violence de la colonisation et que vous ne souhaitez pas l’indépendance –⁠ vous avez le droit de ne pas la souhaiter –, alors il faut faire la démonstration que la République est partout chez elle, en tous les points du territoire. Or tel n’est pas le cas.
    La question posée à l’occasion de ce débat sur le report des élections est précisément celle de la souveraineté de peuples que l’on a privés du droit de décider par eux-mêmes de leur avenir et qui vivent directement –⁠ je regrette d’avoir à le répéter aujourd’hui encore – les conséquences d’une administration coloniale.
    D’ailleurs –⁠ je m’excuse de le dire en présence de Gabriel Attal –, le fait de détenir dans l’Hexagone des prisonniers politiques est, symboliquement et au-delà du symbole, une honte. Nous n’aurions jamais dû faire cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)

    M. Gabriel Attal

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    Quels prisonniers politiques ?

    Mme Émilie Bonnivard

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    Ce ne sont pas des prisonniers politiques ! Arrêtez de dire n’importe quoi ! Les mots ont un sens !

    M. Jean Terlier

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    C’est la justice qui a statué !

    M. Pouria Amirshahi

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    Il n’y a pas à penser à la place de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie ; il n’y a pas autre chose à souhaiter que ce que souhaitent les parties prenantes elles-mêmes, y compris à propos de l’intégration du territoire dans son environnement régional. Tout ne se décide pas à Paris. C’est depuis l’archipel qu’il faut se poser la question de son développement.

    M. Gabriel Attal

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    Personne ne vous applaudit !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Estelle Youssouffa.

    Mme Estelle Youssouffa

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    Je tiens à exprimer ma solidarité à l’égard du Caillou, et je profite de cette discussion sur la Nouvelle-Calédonie pour interpeller l’ensemble des collègues présents.
    Dans les outre-mer, nous vivons une période historique qui ne dit pas son nom. Soixante ans après les décolonisations, nous constatons que les crises se multiplient, et nous sommes tous assez affligés de l’indifférence de l’Hexagone et de nos compatriotes. Soixante ans après les décolonisations, nous constatons des inégalités systémiques, impossibles à justifier dans la République. Ce sont des inégalités de traitement, des inégalités de développement, qui ne sont plus tenables.
    Nous devons avoir une discussion sur un passif colonial douloureux et complexe. Les positions partisanes et les déclarations à l’emporte-pièce ont des conséquences catastrophiques dans nos territoires. À un moment, nous devrons nous interroger ici collectivement, et il faudra que l’exécutif ait enfin une politique et une ligne claires…

    M. Thibault Bazin

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    M. le ministre est très clair !

    Mme Estelle Youssouffa

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    …quant à l’avenir de nos territoires, avec nous et pour nous. Sans nous, ce n’est pas possible. Je tiens à l’affirmer ici, l’Hexagone n’est rien sans les territoires ultramarins, sans nos populations. (MM. Thibault Bazin et Philippe Gosselin applaudissent.)
    À un moment, il faudra agir. Dans tous nos territoires –⁠ la Nouvelle-Calédonie, la Martinique, la Guyane, Mayotte, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, les territoires du Pacifique, notamment Tahiti… –, il y a des crises graves. Je pense notamment au manque d’accès à l’eau, à des droits que vous avez ici dans l’Hexagone mais que nous n’avons pas dans les outre-mer alors que nous sommes des citoyens français et des contribuables. À un moment, il faudra se poser cette question.
    Nous suivons avec gravité et inquiétude la situation en Nouvelle-Calédonie, et je vous le demande : faut-il que le sang coule pour que Paris réagisse ? Faut-il que nos frères et nos sœurs meurent pour que vous finissiez par vous dire qu’il faut agir ? Que faut-il de plus pour que l’on reprenne enfin un dialogue politique dans les outre-mer et que l’on travaille pour l’intérêt général ? (Applaudissements sur quelques bancs.)

    M. Thibault Bazin

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    Avec le ministre, le dialogue a repris !

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux amendements à l’article 1er.
    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 1.

    M. Bastien Lachaud

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    En présentant cet amendement, monsieur le ministre, nous souhaitons obtenir de vous des éclaircissements
    Le Conseil d’État nous a mis, le Gouvernement et nous tous, dans une situation quasi insoluble : d’après lui, nous ne pouvons pas tenir les élections en conservant le corps électoral actuel et, dans le même temps, nous ne pouvons pas reporter les élections au-delà de novembre 2025. Or, le haut-commissaire l’a indiqué lors de son audition, il faut au moins six mois pour organiser les élections provinciales. Autrement dit, si aucun accord n’est intervenu entre les parties au mois de mars 2025, nous nous retrouvons dans une situation cocasse : il sera impossible de respecter les demandes du Conseil d’État.
    Pour notre part, nous demandons que les élections se tiennent plus tôt, afin de laisser ensuite beaucoup plus de temps aux Calédoniens pour travailler à un accord –⁠ je pense que nous appelons tous un tel accord de nos vœux. Monsieur le ministre, quel est votre objectif ? Voulez-vous obtenir un accord à tout prix pour pouvoir tenir les élections en novembre ? Ou bien êtes-vous prêt à tenir les élections dans la situation actuelle et à donner ensuite plus de temps aux Calédoniens pour trouver un accord ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Florent Boudié, rapporteur

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    Loin de demander des éclaircissements, vous entendez arrêter vous-mêmes, par votre amendement, le calendrier des élections en Nouvelle-Calédonie, en fixant l’échéance à la fin du mois de mai 2025.
    Dans l’exposé sommaire, qui porte bien son nom,…

    M. Philippe Gosselin

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    Oui, il est très sommaire !

    M. Florent Boudié, rapporteur

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    …vous dénoncez le passage en force des gouvernements précédents. Or c’est votre amendement qui constituerait un passage en force ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP) Vous refusez la possibilité du dialogue, vous refusez que les Néo-Calédoniens puissent prendre le temps de la discussion.
    Si nous demandons que l’État soit impartial et qu’il exerce un rôle de garant et de tiers de confiance, c’est parce que nous souhaitons donner aux Calédoniens la possibilité de choisir le chemin qui doit être le leur. Imposer la tenue des élections avant la fin du mois de mai, c’est en réalité écarter le dialogue et passer en force. Par conséquent, l’avis est défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Le Gouvernement vous demande de retirer votre amendement, sans quoi son avis sera défavorable.
    Votre propos est un peu contradictoire. Nous voulons donner de la liberté et laisser du temps à la discussion. Or, vous l’avez rappelé vous-même à juste titre, un délai de six mois est nécessaire pour organiser les élections, notamment pour mettre à jour les listes électorales. Dès lors, si l’on fixait d’ores et déjà, comme vous le souhaitez, la date des élections à mai 2025 au plus tard, il faudrait qu’un accord soit trouvé dans le mois qui vient ou les trois semaines qui viennent. Vous savez bien que ce n’est pas possible.
    Avec le report des élections dans le courant de l’année 2025, l’objectif est d’engager dès maintenant, sans attendre, les discussions et de faire tout le nécessaire pour que les choses se passent le mieux possible. Nous ferons un point au début du premier semestre 2025.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Dans deux avis importants, du 7 décembre 2023 et du 25 janvier 2024, le Conseil d’État a fixé une ligne de conduite : tenir les élections au plus tard à la fin de l’automne 2025, et il s’agit là d’une date ultime. Nous pouvons appliquer le principe « qui peut le plus, peut le moins », et il y a donc évidemment, M. le ministre vient de l’annoncer, une clause de revoyure. Il n’est pas question d’aborder le sujet de la Nouvelle-Calédonie sans que l’Assemblée nationale et le Sénat, dans les pas de leurs présidences respectives, aient à connaître, à un moment ou un autre, des débats.
    Je revendique d’être législateur à part entière mais, s’agissant de la Nouvelle-Calédonie, nous nous sommes efforcés jusqu’à présent d’être en quelque sorte les greffiers des accords conclus par les parties prenantes. Pour ma part, j’ai bien en tête que quarante-sept des cinquante-quatre membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, où toutes les forces sont représentées, se sont prononcés en faveur du texte que nous examinons –⁠ il n’y a eu qu’une seule voix contre. Dès lors, ne soyons pas plus royalistes que le roi, d’autant que nous sommes en République, et validons l’accord adopté par les parties elles-mêmes. Nous ne ferons pas mieux, je vous l’assure ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR.)

    M. Florent Boudié, rapporteur

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    Bravo !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. J’en déduis qu’au cours du premier semestre 2025, nous pourrons être amenés à reporter de nouveau les élections.

    M. Philippe Gosselin et Mme Eliane Kremer

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    Non ! Ce n’est pas ce qui a été dit !

    M. Bastien Lachaud

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    Contrairement à ce que M. Gosselin a indiqué en commission, l’accord de Nouméa n’est pas caduc, bien que les trois référendums se soient tenus. En effet, l’accord de Nouméa lui-même, mentionné expressément dans la Constitution, stipule qu’en cas de réponse négative à la troisième consultation, « les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée ».

    M. Philippe Gosselin

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    Cela montre bien qu’il est caduc !

    M. Bastien Lachaud

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    D’ailleurs, l’accord de Nouméa s’applique bel et bien, puisque nous parlons d’élections qui n’existent que dans le cadre de cet accord. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)
    En tout cas, monsieur le ministre, vous avez clairement fait état d’une clause de revoyure au premier semestre 2025. Nous en prenons acte et retirons notre amendement.

    M. Philippe Gosselin

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    Très bien !

    (L’amendement no 1 est retiré.)

    Mme la présidente

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    Sur les articles 1er et 2 je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 2.

    M. Bastien Lachaud

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    Il n’est ni possible ni sérieux de vouloir obtenir un accord consensuel en Kanaky-Nouvelle-Calédonie alors même que des responsables politiques de premier plan, notamment le président du FLNKS, sont emprisonnés dans l’Hexagone, à quelque 20 000 kilomètres de leur domicile, de leur famille et du lieu où ils exercent leurs responsabilités politiques. Je pense que l’ONU ne validerait pas une telle répression politique d’un mouvement indépendantiste. (Murmures.) Il n’est donc pas envisageable que des élections se tiennent tant que les prisonniers politiques kanak et indépendantistes présents sur le territoire hexagonal ne sont pas libérés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    Nous avons débattu de ce point en commission. Pour la bonne information de l’ensemble des collègues, je rappelle ce que j’ai indiqué alors. On peut en effet légitimement s’inquiéter du sort de certains détenus militants indépendantistes et de leurs conditions d’incarcération. Plusieurs d’entre eux ont été transférés de nuit, par avion spécialement affrété, pour être placés en détention provisoire. Leurs avocats ont dénoncé des conditions de transfèrement brutales, les prisonniers étant attachés pendant tout le trajet en avion,…

    Mme Sophia Chikirou

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    C’est une honte !

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    …alors qu’ils auraient difficilement pu s’échapper. L’emploi de cette méthode très spécifique à l’égard de certains prisonniers ne peut nous laisser indifférents et nous devons tous avoir conscience du sentiment de violence éprouvé par de nombreuses habitantes et habitants de la Nouvelle-Calédonie. Nous devons les écouter.
    Néanmoins, permettez-moi d’apporter quelques précisions factuelles tirées des données transmises par le Gouvernement. Onze personnes sont actuellement détenues en France hexagonale, dont le président désigné…

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Désigné mais pas élu !

    M. Arthur Delaporte, rapporteur

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    …du FLNKS, M. Christian Tein. Deux personnes incarcérées au Camp Est en Nouvelle-Calédonie ont été remises en liberté sous contrôle judiciaire. Par arrêt du 22 octobre 2024, la Cour de cassation a invalidé la décision de placement en détention de M. Christian Tein en demandant qu’elle soit réexaminée par une cour d’appel.
    Les détenus se trouvent à 17 000 kilomètres de leurs familles et de leurs proches, ce qui n’est pas anodin et peut distendre leurs liens. Cependant décider, comme vous le demandez avec cet amendement, que les élections ne peuvent se tenir tant qu’une décision judiciaire ordonnant leur libération n’a pas été rendue serait problématique au regard du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Afin de respecter l’indépendance du juge judiciaire, je demande donc le retrait de votre amendement.
    Par ailleurs, comme nous l’avions souligné en commission à propos de la composition du corps électoral, il est singulier de subordonner l’entrée en vigueur d’un texte à quelque chose qui n’est pas advenu. C’était peut-être la méthode du gouvernement Attal mais il faut aujourd’hui un texte clair sur le report des élections. À défaut de retrait de l’amendement, mon avis sera défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Le Gouvernement demande également le retrait de l’amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
    D’abord, si cet amendement était voté, le législatif se mêlerait du judiciaire, occasionnant un problème constitutionnel.

    Mme Sophia Chikirou

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    Si vous respectiez la séparation des pouvoirs, les détenus ne seraient pas en prison !

    M. Jean Terlier

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    Respectez la justice de votre pays !

    M. François-Noël Buffet, ministre

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    Ensuite, ainsi que l’a rappelé M. le rapporteur, une procédure judiciaire est en cours. À la suite de l’arrêt rendu par la Cour de cassation, une cour d’appel se prononcera sur la détention de M. Christian Tein. Le Gouvernement souhaite que ce processus se poursuive normalement, dans le respect des compétences de chacun.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Il n’y a pas de prisonniers politiques en France. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR et EPR. –⁠ Mme Sabrina Sebaihi proteste.) Les mots ont leur importance. Si la présence de personnes détenues dans l’Hexagone est susceptible de soulever des questions, la décision rendue par la Cour de cassation démontre que le droit prime dans notre pays. La justice suit normalement son cours, sans pression. S’il y avait eu des pressions ou si la justice était achetée, nous aurions un prisonnier politique ; mais ce n’est pas le cas. Il convient de le rappeler et de le marteler. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes DR et EPR.)
    Le principe de séparation des autorités judiciaires et politiques, auquel vous êtes habituellement très attachés, n’admet pas que ce que nous votons aujourd’hui dépende d’une décision judiciaire préalable –⁠ cela reviendrait à une sorte d’injonction inversée inacceptable. La situation est trop grave pour que nous importions nos querelles politiciennes nationalo-nationales dans les enjeux néo-calédoniens, alors que les élus du Congrès de Nouvelle-Calédonie ont voté en faveur du report des élections à la quasi-unanimité. Nos compatriotes néo-calédoniens méritent mieux que cela. Soyons responsables ! (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pouria Amirshahi.

    M. Pouria Amirshahi

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    Nous devons parler avec mesure et raison. Il n’est pas question pour le groupe Écologiste et social de soutenir la confusion des pouvoirs après avoir défendu le principe de leur indépendance réciproque.
    Nous tenons par ailleurs à inscrire nos pas dans ceux des parties prenantes et je me tourne généralement vers mon ami Emmanuel Tjibaou pour déterminer ce qu’il convient de faire en Nouvelle-Calédonie. Or je constate que du côté calédonien, ni la détermination d’une date précise ni la libération préalable des détenus ne constituent des conditions à la reprise du processus électoral. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.

    M. Philippe Gosselin

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    Très bien !

    M. Pouria Amirshahi

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    Je souligne cependant que nous réparons ici les dégâts provoqués par le Président de la République, parmi lesquels figure l’incarcération de militants politiques –⁠ je pense aux représentants du FLNKS – qui n’ont commis d’autre crime que de revendiquer leurs droits légitimes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac

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    Nous ne voterons pas l’amendement de Bastien Lachaud car nous pensons qu’il méconnaît le principe de séparation des pouvoirs.
    Cependant ce n’est pas parce que la justice ne reconnaît pas l’existence de prisonniers politiques qu’il n’y en a pas dans l’esprit populaire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Il est évident que, pour les Kanaks et les Néo-Calédoniens en général, l’incarcération des prisonniers en métropole, loin de leurs familles, semble disproportionnée. Le même problème se pose à propos des Corses détenus dans l’Hexagone –⁠ et l’on parle bien de prisonniers politiques corses.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    On sait ce que cela a donné !

    M. Paul Molac

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    Le droit peut bien nous expliquer que les prisonniers politiques n’existent pas, les peuples, eux, pensent le contraire ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ludovic Mendes.

    M. Ludovic Mendes

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    Sans volonté polémique, je rejoins mon collègue Philippe Gosselin : si nous comprenons la ligne défendue par nos collègues régionalistes ou indépendantistes, aucune personne n’est actuellement enfermée pour des motifs politiques. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les détenus le sont pour avoir méconnu le code pénal. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Il y a des victimes des deux côtés ! Pensons à toutes les victimes néo-calédoniennes.
    On ne peut pas parler de détenus politiques car nous vivons dans un État de droit. La séparation des pouvoirs judiciaire et législatif s’applique en Nouvelle-Calédonie comme ici. Si l’État français s’est trompé, un juge –⁠ la Cour de cassation, le Conseil d’État ou la Cour européenne des droits de l’homme – le censurera.
    Chers collègues, lorsque les élus du Rassemblement national nous expliquent qu’ils sont traduits en justice pour des raisons politiques, vous les décriez, mais aujourd’hui vous vous comportez comme eux. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Tjibaou.

    M. Emmanuel Tjibaou

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    Le débat sur la décolonisation…

    M. Fabien Di Filippo

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    Non, ce n’est pas le sujet !

    M. Emmanuel Tjibaou

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    …qui nous occupe aujourd’hui a déjà eu lieu dans cette enceinte en 1988 : on n’apprend décidément pas des erreurs de l’histoire. Nous devons décider si les élections provinciales doivent ou non être reportées. J’ai exprimé notre position à la tribune ; la décision appartient aux Néo-Calédoniens. (« Oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Les élus du Congrès de Nouvelle-Calédonie –⁠ organisme parlementaire au même titre que cette assemblée – ont statué. Que pouvons-nous dire de plus ? Dans le contexte actuel de crise, les parlementaires métropolitains ne sont pas moins discrédités que les élus néo-calédoniens. La sagesse et l’apaisement valent pour tous. Je n’ai pas l’intention de jouer avec la vie des prisonniers.
    Bastien Lachaud a mis en lumière la partialité de certaines décisions : le fantôme de ce qui s’est passé en 1988 réapparaît aujourd’hui. J’en appelle donc à la sagesse. Dans le passé, la politique a fait son œuvre. En 1990, les politiques ont décidé d’amnistier les crimes de sang commis en 1988 par les gendarmes et par les milices, l’amnistie était générale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Philippe Gosselin

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    Elle valait pour tous !

    M. Jean-Victor Castor

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    Elle n’est pas pour tous en ce moment !

    M. Emmanuel Tjibaou

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    Nous appelons à la mesure. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Metzdorf.

    M. Nicolas Metzdorf

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    Je vais abonder dans le sens de mon collègue Emmanuel Tjibaou. Les propos tenus ici sont écoutés avec grande attention par les Calédoniens, toutes ethnies confondues. Le sujet que vous abordez, monsieur Molac, est très délicat. Certains Calédoniens sont victimes des émeutes : ils ont perdu leur maison, leur emploi, des proches et, pour certains, ils ont même dû fuir leur pays dans la peur et l’effroi…

    Mme Sabrina Sebaihi

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    C’est vrai des deux côtés !

    M. Nicolas Metzdorf

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    …pour se retrouver sur d’autres terres, qu’ils ne connaissent pas. Ce sont des victimes. S’il vous plaît, laissez la justice faire son travail !
    Quand vous dites que la Nouvelle-Calédonie doit être décolonisée, cela signifie que l’État de droit doit s’y appliquer. Il faut alors respecter l’État de droit même en Nouvelle-Calédonie. Il n’y a pas de raison de débattre ici de prisonniers politiques à propos de la Nouvelle-Calédonie si l’on n’utilise jamais ce terme à propos d’autres prisonniers, dans d’autres territoires. Nous sommes français, nous respectons la Constitution et la séparation des pouvoirs.

    M. Philippe Gosselin

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    Très bien !

    M. Nicolas Metzdorf

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    Ce débat n’a pas sa place ici. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.)
    Monsieur Lachaud, vous ne pouvez vous plaindre de la défaite de Kamala Harris et remettre en cause l’État de droit au sein de la République française ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR. –⁠ Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Stéphane Rambaud.

    M. Stéphane Rambaud

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    Un collègue du groupe Écologiste et social déplore l’existence de prisonniers politiques. En réalité, la justice suit son cours. Il y a eu treize morts en Nouvelle-Calédonie. Le sang des Calédoniens a coulé treize fois, y compris parmi les forces de l’ordre.

    Mme Émilie Bonnivard

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    C’est un vrai sujet de préoccupation !

    M. Stéphane Rambaud

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    Treize familles sont en deuil. Il est vrai que, pour les écologistes, la vie humaine ne vaut pas grand-chose ! Vous préférez défendre les moustiques ou les surmulots… (Vives protestations sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP. –⁠ La présidente coupe le micro de l’orateur.)

    Mme Sabrina Sebaihi

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    C’est inacceptable !

    Mme la présidente

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    Mon cher collègue, ce n’est pas à la hauteur du débat. Il n’est pas possible de tenir ce type de propos dans cet hémicycle à l’égard d’un autre groupe politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, LIOT et GDR.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Cyrielle Chatelain, pour un rappel au règlement.

    Mme Cyrielle Chatelain

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    Je vous remercie d’avoir interrompu notre collègue. Les propos qu’il a tenus sont inadmissibles. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, EPR, LFI-NFP, SOC, DR, Dem, LIOT et GDR.) Ils le sont d’autant plus que le débat, qui a de grandes conséquences pour certains de nos compatriotes, se déroulait dans le calme.
    Ce dérapage, qui révèle la véritable pensée des élus du Rassemblement national (Protestations sur les bancs du groupe RN), est intolérable. Parce que nous nous préoccupons de la vie de chacun et de chacune de nos compatriotes, nous souhaitons poursuivre le débat dans la sérénité et nous espérons que notre collègue aura la décence de s’excuser. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, EPR, LFI-NFP, SOC, DR, Dem, LIOT et GDR.)

    Article 1er (suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Les nombreuses interventions qu’a suscitées cet amendement démontrent qu’il était important d’aborder ce sujet dans l’hémicycle, et –⁠ n’en déplaise au rapporteur Delaporte – la voie de l’amendement était la seule ouverte pour le faire.
    Les institutions européennes considèrent que la justice française n’est pas pleinement indépendante en raison du lien hiérarchique existant entre les procureurs et le ministre de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Philippe Gosselin

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    Vous faites vraiment feu de tout bois !

    M. Bastien Lachaud

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    Nous avons vu des procureurs dont la position sur la question calédonienne a varié après l’arrivée du nouveau garde des sceaux. Oui, il existe des prisonniers politiques dans ce pays. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Leur libération est indispensable pour que les choses avancent en Kanaky-Nouvelle-Calédonie. (Mêmes mouvements.)
    En 1988, quel fut le préalable aux accords de Matignon ? Une amnistie pleine et entière –⁠ sauf pour les assassinats – de tous les faits commis pendant la période de guerre civile. Pour nos amis calédoniens, il n’est pas envisageable de penser l’avenir, et un destin commun, si des prisonniers politiques demeurent enfermés à la suite des évènements qui ont débuté le 13 mai dernier. Je retire mon amendement, mais le Gouvernement doit agir pour la libération de ces prisonniers politiques.

    M. Philippe Gosselin

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    Il tient à avoir le dernier mot !

    M. Bastien Lachaud

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    C’est votre devoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) C’est ainsi que vous atteindrez votre objectif : un accord consensuel, un accord de paix pour l’émancipation pleine et entière de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)

    (L’amendement no 2 est retiré.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 1er.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        304
            Nombre de suffrages exprimés                304
            Majorité absolue                        153
                    Pour l’adoption                304
                    Contre                0

    (L’article 1er est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, LFI-NFP, SOC, DR, EcoS, Dem, HOR, LIOT et GDR.)

    Article 2

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 2.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        303
            Nombre de suffrages exprimés                303
            Majorité absolue                        152
                    Pour l’adoption                303
                    Contre                0

    (L’article 2 est adopté.)

    Article 3

    (L’article 3 est adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur l’ensemble de la proposition de loi organique, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Explications de vote

    Mme la présidente

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    Pour les explications de vote, la parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin (DR)

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    Je me réjouis du résultat des scrutins publics sur les articles de cette proposition de loi, que nous voterons, bien entendu. Au-delà des tensions parfois perceptibles, au-delà d’interrogations qui ne sont pas toujours partagées, l’adoption de l’article 1er, cœur du dispositif, est l’illustration de notre sagesse collective. Il ne s’agit pas d’un blanc-seing, ni d’une vision unanime et rassurante sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, mais d’un signal important.
    En l’espèce, au-delà de nos passions, nous remplissons le moins mal possible notre rôle de greffiers. Ce n’est qu’une étape et nous devrons nous retrouver dans quelques mois : cette nécessité a été évoquée par M. le ministre, mais aussi au sein de la délégation aux outre-mer, sous la présidence de Davy Rimane, et de la commission des lois, avec le président Boudié. Madame la présidente, monsieur le ministre, soyez assurés que les députés de la Droite républicaine seront présents pour vous accompagner dans cette démarche longue. Il faudra reconstruire la confiance ; cela demande de la patience, mais aussi de la volonté et de la détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi (EcoS)

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    La Kanaky-Nouvelle-Calédonie n’est ni un département, ni une région, ni une collectivité d’outre-mer. C’est un territoire à décoloniser. Ce n’est ni moi, ni vous, ni d’autres qui le disent ; c’est l’ONU. Mais sur ce dossier, comme avec d’autres conflits dans le monde, certains ici ont le droit international à géométrie variable. Visiblement, le temps des colonies n’est pas fini pour tout le monde puisqu’on nous parle encore des bienfaits de la colonisation.
    Au risque de me répéter, ni nous ni l’État, qui est partie prenante dans ce conflit, ne devons décider à la place des autres, à la place d’un peuple, à la place des colonisés. Après les morts et les émeutes en Kanaky-Nouvelle-Calédonie qui ont fait suite aux décisions prises à Paris, je nous invite à un peu d’humilité. Plusieurs d’entre nous vous avaient prévenus que ce passage en force aurait des conséquences. Nous voterons pour le report de ces élections, avec toutes les réserves que nous avons déjà exprimées, et à une condition : il faut un accord avec toutes les parties prenantes et, cette fois, l’État ne doit pas chercher à passer en force ; il doit rester totalement impartial.
    Ce n’est pas en enlevant le mot Kanaky de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie que vous ferez disparaître les Kanaks, peuple premier. Seul le respect de leur droit à l’autodétermination est une solution viable. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Martineau.

    M. Éric Martineau (Dem)

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    Le groupe Les Démocrates votera ce texte en faveur du report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie au 30 novembre 2025. Nous devons écouter les parties prenantes et prendre en compte la situation locale actuelle.
    Je remercie notre présidente et le président du Sénat de se rendre sur place. Nous devons sortir de cette impasse. Nous voulons tous la paix et l’apaisement. Accordons-nous du temps et, surtout, soyons humbles et respectueux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Naïma Moutchou.

    Mme Naïma Moutchou (HOR)

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    Le groupe Horizons & indépendants votera évidemment ce texte nécessaire pour passer à l’étape suivante qui doit permette aux quelque 270 000 Calédoniens du territoire de projeter le meilleur chemin possible.
    Il y a urgence. Les événements ont marqué les esprits et abîmé la confiance des populations à l’égard des acteurs politiques : près de 1 200 entreprises ont été détruites, plus de 20 000 Calédoniens mis au chômage ; et je ne parle pas des violences physiques ou des plus de 2 milliards d’euros de dégâts. Il faut donc créer un nouvel espace de dialogue.
    Bien sûr, nous n’écrirons pas les nouvelles pages ou le nouveau livre de la Nouvelle-Calédonie sans tenir compte du passé. Dans cet hémicycle, on parle beaucoup de décolonisation. C’est nécessaire, mais la façon dont vous abordez le sujet constitue une impasse : il n’en sortira rien de digne ou de bénéfique pour les Calédoniens. Sans renier le passé, l’identité kanak, les autres cultures ou la relation si particulière que le territoire entretient avec la France, nous préférons parler de jeunesse et d’avenir, d’emploi et de lutte contre les inégalités, guidés par les principes qui constituent le fil rouge du dossier calédonien –⁠ impartialité, continuité et « décider ensemble ».
    Enfin, je ne peux laisser dire que l’institution judiciaire serait partiale, politisée, aux ordres –⁠ de qui ? On ne le sait pas bien. (Mme Danièle Obono s’exclame.) De tels propos nous desservent. Ils affaiblissent l’État de droit auquel nous sommes très attachés et nous dressent les uns contre les autres. C’est exactement l’inverse de la méthode qui a toujours prévalu sur le dossier calédonien : éthique et responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)

    M. Philippe Gosselin

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    Tout à fait !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac (LIOT)

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    Je suis satisfait que nous en arrivions aux explications de vote sur ce texte, important pour la Nouvelle-Calédonie. C’est un pas vers l’avenir, vers autre chose. Nous comptons sur vous, madame la présidente, puisque vous allez jouer un rôle non négligeable.
    Monsieur Delaporte, je suis d’accord avec vous, il n’y a qu’une citoyenneté mais, en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, il y a deux peuples.

    M. Philippe Gosselin

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    Il n’y a pas deux peuples, c’est plus complexe que cela !

    M. Paul Molac

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    C’est toute la différence entre citoyenneté et nationalité. Nous pourrons sans doute en débattre à une autre occasion. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Davy Rimane.

    M. Davy Rimane (GDR)

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    Je remercie la représentation nationale d’avoir adopté les articles du texte que nous allons voter. Beaucoup d’entre vous ont évoqué l’importance de l’humilité ; mais c’est plutôt le manque d’humilité et de respect envers ce territoire qui avait caractérisé nos débats en mai dernier ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et LFI-NFP.)

    Un député du groupe GDR

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    Exactement !

    M. Davy Rimane

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    Les habitants de la Nouvelle-Calédonie avaient pourtant choisi de donner du temps au temps afin de valider l’accord. C’est d’ailleurs la façon dont on avait procédé à l’époque de Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur. Ce que nous avons fait en mai dernier s’apparente donc à une faute politique.
    Régulièrement, lorsque nous arrivons de nos territoires, nous vous expliquons nos réalités, nos difficultés, notre quotidien, différent de celui de l’Hexagone, et vous ne nous écoutez pas. La plupart du temps, cela vous passe par-dessus la tête ! Si notre vote d’aujourd’hui est placé sous le signe de l’humilité, de l’apaisement et de la réconciliation, j’espère surtout qu’il marquera un début de changement. Les postures politiques ne doivent pas prendre le pas sur nos réalités quotidiennes, différentes des vôtres. (M. Frédéric Maillot applaudit.)
    Je lance donc un appel : ne répétons pas les erreurs du passé, pensons à l’avenir et, lorsque des collègues font 8 000, 17 000 ou 20 000 kilomètres pour vous expliquer leur quotidien, prenez le temps de les écouter ! Ensuite, votez en votre âme et conscience. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yoann Gillet.

    M. Yoann Gillet (RN)

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    De l’apaisement et du respect, voilà ce dont ont besoin les Calédoniens –⁠ et certainement pas d’huile sur le feu, comme certains en jettent ! (Exclamations et rires sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)
    Le groupe Rassemblement national approuve le report du renouvellement général des membres du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. Cependant, pour que ce report soit bénéfique, nous exhortons le Gouvernement à respecter tous les Calédoniens, à travailler sérieusement et à dialoguer, enfin. Monsieur le ministre, le chaos vécu par nos compatriotes aurait pu être évité si les alertes répétées de Marine Le Pen avaient été entendues. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR.)

    Mme Sabrina Sebaihi et M. Jean-Victor Castor

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    Vous aviez voté le texte !

    M. Thibault Bazin

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    Elle est où, d’ailleurs ?

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Vous êtes des menteurs !

    M. Yoann Gillet

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    Par pitié, ne faites pas les mêmes erreurs que vos prédécesseurs : donnez à la Nouvelle-Calédonie, et donc à la France dans le Pacifique, l’avenir qu’elle mérite, et respectez tous les Calédoniens dans leur diversité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Antoine Léaument

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    Vous avez menti, monsieur Gillet !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Vincent Caure.

    M. Vincent Caure (EPR)

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    Nous voterons cette proposition de loi organique adoptée à l’unanimité au Sénat. Nous parlons de l’organisation d’élections sur un territoire de la République, et un tel sujet ne peut faire l’économie de l’unanimité dans notre assemblée.
    Dans quelles conditions le scrutin aurait-il été organisé s’il avait dû se tenir d’ici la fin de l’année ? Avec 6 000 emplois détruits et plus d’une dizaine de morts, dont deux gendarmes, sa tenue était impossible. En outre, ce report est conforme à l’esprit de Nouméa –⁠ il a été adopté par une instance délibérative néo-calédonienne – et conforme à l’état du droit. Cependant, si cette proposition de loi est une étape nécessaire, elle est aussi un préalable vers un chemin institutionnel qui passera par le dialogue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot (LFI-NFP)

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    Nous examinons en urgence un texte visant à reporter les élections provinciales. Le Congrès calédonien ayant massivement voté pour, mon groupe parlementaire ne s’y opposera pas, et votera la proposition de loi.
    Cependant j’alerte solennellement le ministre et le Gouvernement : le passage en force, c’est fini ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Laurent Croizier

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    Vous êtes bien placés !

    Mme Mathilde Panot

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    Les évènements en Nouvelle-Calédonie constituent un sévère désaveu. Et le Rassemblement national n’avait nullement prévenu ou alerté le gouvernement, contrairement à ce que vous avez affirmé, monsieur Gillet ! Vos députés avaient voté le projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral néo-calédonien. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Vous mentez donc en plein hémicycle !
    Nous, en revanche, nous avions voté contre et nous avions mis en garde contre le risque de mettre la Kanaky-Nouvelle-Calédonie à feu et à sang, et de déplorer un mort. Or ce n’est pas une, mais treize personnes qui sont mortes et le territoire connaît désormais une situation économique catastrophique –⁠ on parle d’un effondrement possible du pays ! (M. Sébastien Delogu applaudit.)
    Je vous alerte : il est urgent que le Gouvernement renoue avec l’esprit des accords de Matignon et de Nouméa, c’est-à-dire la recherche du consensus, le dialogue, l’abandon du passage en force que vous pratiquez depuis des années, puisque le président Emmanuel Macron est totalement responsable de ce qui est arrivé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Comme le disait mon collègue Bastien Lachaud, il ne saurait y avoir d’issue politique à la crise que connaît la Kanaky-Nouvelle-Calédonie sans libération des prisonniers politiques, notamment du président du FLNKS, toujours emprisonné à Mulhouse –⁠ à 17 000 kilomètres du territoire néo-calédonien. (Mêmes mouvements.)
    Il faut également apporter à cette crise des réponses économiques. Vous en avez parlé, monsieur le ministre. La mission transinstitutionnelle, qui par sa nature même permet de rassembler un large éventail de sensibilités, signale la crainte que surviennent des émeutes de la faim. Les réponses à la crise provoquée par le pouvoir en place doivent être à la hauteur de sa gravité.
    C’est à ces seules conditions que nous pourrons retrouver le sens des mots que prononçait naguère Jean-Marie Tjibaou : « Nous voulons que soit brûlée la haine, et que soit clair le chemin de notre avenir, et fraternel le cercle que nous ouvrons à tous les autres peuples, tel est le cri que je lance. » (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jiovanny William.

    M. Jiovanny William (SOC)

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    Je reprendrai les propos du président Rimane : on vous demande de l’humilité, chers collègues, de la considération et du respect pour nos territoires. Lorsque nous vous parlons, nous avons l’impression que nous sommes trop loin. Vous n’arrivez pas à nous comprendre. Peut-être n’en avez-vous même pas envie. Dans les temps électoraux, bien sûr, pas de souci ; mais quand vient l’heure des débats, on ne vous voit pas ! Lorsqu’on examine le PLF, on ne vous voit pas ; lorsqu’il s’agit de vous montrer solidaires avec nous, on ne voit pas grand monde.
    Nous voterons cette proposition sans difficulté. Mais prenez garde : ce qu’il s’est passé en Nouvelle-Calédonie est ce qu’il arrive en Martinique, ce qu’il peut arriver en Guadeloupe, en Guyane ou à La Réunion !
    En deux ans et demi, cinq ministres des outre-mer se sont succédé. Qu’allons-nous faire aujourd’hui ? Après le vote, nous passerons à un autre texte. Vous nous regardez sous nos cocotiers, sous notre soleil chaud ; ce que je vous demande, c’est de nous considérer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS.) Vous parlez de la France une et indivisible, mais la division est bien là ; la discrimination structurelle est malheureusement bien présente.
    De grâce, faites en sorte qu’aujourd’hui soit, comme je l’espère, un jour nouveau pour nous et pour nos territoires ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI-NFP, EcoS et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        297
            Nombre de suffrages exprimés                297
            Majorité absolue                        149
                    Pour l’adoption                297
                    Contre                0

    (La proposition de loi organique est adoptée.)
    (Applaudissements sur divers bancs.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Naïma Moutchou.)

    Présidence de Mme Naïma Moutchou
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    3. Projet de loi de finances pour 2025

    Première partie (suite)

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (nos 324, 468).
    Le samedi 26 octobre, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 2358 portant article additionnel après l’article 13.
    La parole est à M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Charles de Courson, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Avant d’aborder l’examen des derniers amendements à la première partie et à l’issue de nombreux débats en commission relatifs aux différentes missions, je voudrais faire le point au sujet des conséquences de nos décisions et votes lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF).
    Tout d’abord, en séance publique, lors de la discussion de la première partie relative aux recettes, nous avons examiné 1 178 amendements, sur un total de plus de 2 500, et adopté 201 d’entre eux.
    J’ai procédé à un premier chiffrage des mesures votées, qu’elles conduisent à une hausse ou à une baisse des recettes –⁠ je précise qu’il s’agit le plus souvent d’ordres de grandeur, du fait du manque de données ou des difficultés à évaluer les conséquences de certaines mesures. Le détail de ce chiffrage vous a été transmis la semaine dernière.
    Les amendements adoptés se traduisent par des recettes supplémentaires d’environ 30 milliards d’euros. Sur ce total, 23 milliards résulteraient toutefois de dispositions susceptibles de s’avérer contraires soit au droit européen, soit à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ou de ne pouvoir s’appliquer en l’état compte tenu de la rédaction retenue. On aboutirait donc à un gain net de l’ordre de 7 milliards.
    Quant aux pertes de recettes résultant des mesures adoptées, elles atteignent 20 milliards d’euros, dont 2,85 résulteraient de dispositifs également susceptibles d’être jugés contraires à la jurisprudence du Conseil constitutionnel ou au droit européen. Les pertes nettes encourues s’élèveraient donc à environ 17 milliards.
    Il résulterait ainsi de nos travaux une perte de recettes nette de 10 milliards.
    En outre, nous examinons depuis une semaine en commission la seconde partie du PLF, qui a trait aux dépenses de l’État. En commission, nous avons adopté 569 amendements –⁠ contre 286 l’année dernière – sur plus de 2 500 en discussion.
    Pour ce qui est du chiffrage des mesures votées, l’article 47 de la Lolf, la loi organique relative aux lois de finances, impose de compenser les ouvertures de crédits sur un programme par une annulation de crédits à due concurrence sur d’autres programmes de la même mission. Toutefois, si le montant total des crédits dévolus à une mission ne peut augmenter après notre vote, l’intention des auteurs des amendements est le plus souvent dépensière, comme le souligne la formule d’usage invitant le Gouvernement à « lever le gage », c’est-à-dire à compenser la réduction de crédits sur le programme minoré. Je me suis donc livré à un calcul pour vous donner une idée des dépenses supplémentaires que nous encourrions du fait de nos votes, si le Gouvernement compensait les minorations prévues par l’ensemble des amendements adoptés. Ces dépenses s’élèvent à ce jour à 44,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 44,2 milliards en crédits de paiement. Je rappelle que 352 milliards sont inscrits au PLF pour 2025. Les dépenses prévues s’accroîtraient donc d’environ 13 %.
    À titre d’exemples, je mentionnerai les 15,5 milliards d’euros de transferts votés pour la mission Écologie, développement et mobilité durables, les 12 milliards pour la mission Cohésion des territoires ou encore les 7,3 milliards pour la mission Enseignement scolaire. Plusieurs programmes ont ainsi été vidés de leurs crédits, comme le programme 345, Service public de l’énergie, le programme 135, Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat, ou le programme 183, Protection maladie.
    En matière d’économies, nous pouvons noter l’adoption de quatre amendements portant diminution nette de crédits, pour un total de 505 millions d’euros.
    Enfin, quatre missions ont fait l’objet d’un rejet : Économie, Engagements financiers de l’État, Investir pour la France de 2030 et Régimes sociaux et de retraite.
    J’espère que ces quelques informations éclaireront les débats qui nous animeront jusqu’à vendredi à minuit.

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mathieu Lefèvre, pour un rappel au règlement.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Je me fonde sur l’article 98-1 relatif à l’évaluation préalable des amendements.
    Le rapporteur général a fait circuler parmi les membres de la commission des finances une note très utile. Il serait bon que tous les parlementaires en disposent.
    Elle révèle une chose simple : nous sommes entrés dans l’ère du n’importe quoi fiscal. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Sur les 30 milliards d’euros de hausses d’impôts que nous avons adoptées, 23 milliards sont soit non conformes au droit européen, soit inconstitutionnelles, quand elles ne posent pas d’autres problèmes juridiques massifs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
    Il est important que chacune et chacun d’entre nous en prenne conscience et s’efforce de travailler d’une manière plus saine et respectueuse du droit.

    Première partie (suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

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    Je suis en tout cas d’accord avec vous sur un point, monsieur Lefèvre : que la note du rapporteur général soit envoyée à tous les députés, ce qui en évitera les caricatures et les simplifications alors qu’elle est extrêmement précise, et beaucoup plus factuelle que l’argumentation que vous venez d’utiliser. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP).

    M. Philippe Juvin

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    Très bien !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Je souhaite faire part aux collègues de la réponse que je vous ai envoyée, monsieur le rapporteur général.
    Au préalable, j’ai déjà la satisfaction d’être tombé sur une estimation des mesures déjà votées à ce stade de nos débats assez proche de la vôtre, bien que je n’aie pas mobilisé l’ensemble des services de la commission : votre estimation est même supérieure –⁠ ce qui est positif en soi – puisque vous évaluez les recettes à 30 milliards, mais sans prendre en compte l’amendement no 2277, évalué à 13 milliards, l’article 11 auquel il se rapporte n’ayant pas été adopté –⁠ j’espère qu’il le sera en seconde délibération. Mais même en incluant cet amendement, j’arrive à un chiffrage encore un peu inférieur au vôtre.
    S’agissant des dépenses, je suis arrivé à 13 milliards et vous à 20 milliards, mais vous expliquez que vous avez annulé les 8 milliards que les recettes inscrites à l’article 11 devaient financer. Je vous ferai juste remarquer qu’en ce cas, il fallait faire de même pour les dépenses initialement prévues au titre du prélèvement européen, puisque l’article 40 du PLF a été, lui aussi, rejeté, et que l’on pourrait alors estimer que la suppression de notre cotisation à l’Union européenne constitue autant de dépenses en moins –⁠ ce que je ne souhaite pas forcément, mais ce serait logique. En tout cas, mises à part les incidences liées à l’article 11, nous arrivons globalement à la même estimation.
    Pour le reste, s’agissant des sommes votées qui seraient invalidées selon vous, je relève que les raisons que vous invoquez ne sont pas toujours les mêmes. Ainsi, pour la moitié d’entre elles, il s’agirait d’un problème légistique et non d’anticonstitutionnalité ou de contradiction avec le droit européen : je pense à l’amendement Zucman, qui rapporterait 13 milliards de nouvelles recettes…

    M. Mathieu Lefèvre

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    Si nous en sommes à voter un amendement à 13 milliards d’euros !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Monsieur Lefèvre, adressez-vous aux auteurs de cet amendement. Je rappelle uniquement qu’il n’est ni anticonstitutionnel ni contraire au droit européen.

    M. Mathieu Lefèvre

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    Un amendement à 13 milliards est anticonstitutionnel !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Et je pense que ses auteurs pourront aisément, avec les conseils que vous leur avez donnés, monsieur le rapporteur général, rectifier ce problème d’écriture lors de la navette parlementaire –⁠ problème d’écriture qui n’infirme donc pas, sur le fond, l’effet de cette taxe, soit la moitié des sommes censées être invalidées.
    La plupart des autres sommes votées seraient, selon vous, contraires à une directive européenne, mais je pense que vos arguments prêtent à discussion. Et vous affirmez que deux amendements sont clairement anticonstitutionnels : un amendement sur la demi-part des veuves –⁠ qui, pour le coup, ne provenait pas du côté gauche de l’hémicycle –, et un autre amendement –⁠ relativement peu important au regard de son objet – de moins de 1 milliard sur les rachats d’actions.
    Je conclus en soulignant que je n’arrive pas aux mêmes conclusions que vous s’agissant de la position du Conseil constitutionnel sur nos amendements de recettes, sachant que c’est pour moi la question principale. Contrairement à vous, monsieur le rapporteur général, je ne pense pas que seulement 7 milliards des recettes votées seraient réellement applicables. Mais vous précisez vous-même dans votre note que les 13 milliards que j’ai mentionnés posent un problème légistique, et non un problème de fond. En réalité, nous ne sommes donc pas très éloignés dans nos analyses respectives.

    Après l’article 13 (suite)

    Mme la présidente

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    Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 13.
    Sur les amendements nos 2358 et 490, je suis saisie respectivement par le groupe du groupe Rassemblement national et par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 2358.

    M. Aurélien Le Coq

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    L’heure est venue qu’enfin, la France se fasse respecter par les multinationales. Un grand nombre d’entre elles ont des activités dans notre pays, y font des bénéfices, s’enrichissent en y vendant énormément et, pourtant, ne s’acquittent pas correctement de l’impôt qui nous est dû. Cet amendement propose donc que les bénéfices réalisés en France soient imposés en France (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP) et que notre pays cesse de ce fait d’accepter les stratégies d’évitement, d’accepter que les bénéfices des multinationales soient transférés à l’étranger.
    Il n’est pas normal que les petites entreprises, celles qui, évidemment, n’ont pas la possibilité d’aller domicilier leurs bénéfices de l’autre côté de la frontière, payent les impôts au maximum ! Elles contribuent largement, elles, à tout ce qui permet de faire fonctionner notre pays, que ce soit nos services publics, nos écoles ou nos hôpitaux, quand les grandes entreprises et les multinationales, elles, arrivent à s’esquiver. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    L’économiste Zucman estime que 40 % des profits des multinationales seraient transférés à l’étranger, soit au minimum 36 milliards d’euros qui manqueraient dans les caisses de l’État chaque année. On en entend certains dire avec une prétendue conviction qu’il faut pourchasser la fraude sociale : eh bien, il s’agirait enfin de se faire respecter, de faire payer ce qui nous est dû et de ne pas verser dans le laxisme fiscal ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Dominique Voynet applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Cet amendement a été adopté en commission, mais je vais vous expliquer pourquoi j’y suis personnellement défavorable. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    La première raison, c’est qu’il contrevient à l’ensemble des conventions fiscales conclues par la France, et je rappelle que les traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ou approuvés par le Parlement, comme c’est le cas de ces conventions, ont une valeur supérieure à la loi.
    Deuxième raison : le principe de territorialité de l’impôt sur les sociétés suppose de n’imposer que les bénéfices réalisés en France, les bénéfices réalisés à l’étranger étant imposés par les États où ils sont réalisés. De surcroît, il est tout à fait fréquent que les bénéfices d’un groupe multinational ne soient absolument pas proportionnels aux chiffres d’affaires réalisés pays par pays, car il n’y a pas de lien entre eux.
    Un exemple très intéressant est celui de TotalEnergies : son président nous a indiqué qu’il y a deux ans, son groupe avait gagné 22 milliards après impôts, et payé un montant important d’impôt sur les sociétés –⁠ l’IS –, non pas en France, où il était déficitaire les dix dernières années,…

    Mme Sophia Chikirou

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    Comme par hasard !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    …mais dans les pays de production pétrolière, où les taux sont très supérieurs, puisqu’ils vont de 50 % jusqu’à 75 %. Voilà pourquoi, bien que le chiffre d’affaires français du groupe s’élève à environ 20 % des 22 milliards que représente son chiffre d’affaires mondial, il serait impossible de le taxer sur quelque 4,4 milliards.

    Mme Ségolène Amiot

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    C’est du camouflage !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La troisième raison, c’est qu’on ne peut appréhender le phénomène que vous entendez réguler que dans un cadre international. On a d’ailleurs essayé de traiter ce problème depuis des années dans le cadre de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, en légiférant à plusieurs reprises pour améliorer la situation. Ainsi, le pilier 2 doit permettre de traiter la question des bénéfices sous-imposés de certaines grandes entreprises à l’étranger, et nous l’avons transposé l’an dernier. Cette transposition n’est pas parfaite, mais le dispositif est opérationnel.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des finances.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Pour ma part, je suis favorable à l’amendement. Je pense même que si un seul amendement devait être adopté à la fin de la discussion de la partie recettes, ce devrait être celui-ci (Mme Dominique Voynet applaudit), parce que c’est techniquement le plus sûr, mais aussi le plus vertueux eu égard aux dizaines de milliers d’entreprises qui sont, elles, obligées de payer la totalité de l’impôt qu’elles doivent, alors même que les multinationales peuvent, du fait des prix de transfert et de conseillers en optimisation, transférer une partie importante de leurs bénéfices réalisés en France dans des pays à fiscalité privilégiée. C’est une situation insupportable !
    Au troisième trimestre 2024, la croissance européenne était en moyenne de 0,4 %, alors qu’elle était de 2 % en Irlande ! Cela est dû uniquement à ces délocalisations de profits. Il est inexplicable que notre pays et nos entreprises paient collectivement à la fois le profit anormal des groupes qui bénéficient de ce système, mais également l’écart de croissance qui profite à des États à fiscalité avantageuse comme l’Irlande. Cette situation pose la question de l’harmonisation fiscale –⁠ j’aurai l’occasion d’y revenir une autre fois.
    La mesure proposée dans cet amendement ne contrevient à aucun accord international, ni européen ni bilatéral, puisqu’elle est unilatérale et que nous sommes libres de décider de ce que doivent payer les entreprises françaises, sachant qu’elles paieront bien sûr les impôts qu’elles doivent dans les pays concernés. Et cette mesure est techniquement irréprochable, parce qu’il ne s’agirait que d’un correctif entre le chiffre d’affaires réalisé en France et le bénéfice déclaré, cette imposition pouvant rapporter, selon Gabriel Zucman, jusqu’à 26 milliards, soit évidemment l’une des mesures fiscales que nous proposons les plus rentables.
    J’ajoute, s’agissant des piliers élaborés dans le cadre de l’OCDE, que l’adoption d’un taux minimum d’imposition de 15 % ne permet pas de régler la question, puisque l’IS est de 25 % en France. L’autre pilier, vous le savez, monsieur le rapporteur général, est très loin d’aboutir, puisque les États-Unis y sont opposés. Nous renvoyer au pilier 2 pour corriger le problème, c’est donc nous renvoyer aux calendes grecques. Or nous avons besoin de moyens financiers supplémentaires dès maintenant.
    Il serait juste que les multinationales compensent les bénéfices qu’elles tirent du mécanisme des prix de transfert. Dans le cadre de la mission d’information que j’ai conduite avec Jean-René Cazeneuve, on nous a bien expliqué que ce mécanisme était la principale cause des différentiels de fiscalité entre entreprises, et non leur taille : il s’agit de savoir si l’entreprise peut, oui ou non, disposer de prix de transfert et d’une activité internationale qui lui permet de délocaliser ses profits. Il est temps que cela s’arrête et que nous récupérions au moins une partie des dus. De nombreux amendements sont provisionnés à ce titre et c’est pourquoi j’invite tous les collègues à soutenir celui-ci. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics

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    Les arguments du rapporteur général sont tous très justes, nul besoin de les répéter. Cet amendement est une bonne illustration de ce qu’il a dit en préambule de la reprise de l’examen des amendements : voilà l’exemple typique d’un amendement à fort rendement apparent, mais à rendement nul en réalité, parce que totalement inopérant et contraire à nos traités et à nos conventions internationales.
    Il nous reste quelque 1 500 amendements à examiner : la question est de savoir si vous voulez légiférer sur ce qui existe dans la vraie vie ou voter des amendements dont on sait pertinemment qu’en l’état actuel des discussions à l’OCDE et du droit fiscal international, il n’y a strictement aucune chance qu’ils rapportent le moindre euro en matière de produit fiscal. Leur adoption ne ferait qu’alimenter l’image de la France comme épouvantail fiscal pour les grandes entreprises.

    M. Jean-François Coulomme

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    C’est faux !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Quand bien même l’intention initiale de cet amendement n’est pas absurde –⁠ le principe de la territorialité de l’impôt peut tout à fait être repensé –, une telle mesure doit absolument passer par des conventions internationales. Faute de quoi, il n’y a strictement aucune chance d’arriver au but recherché. Et je sais, monsieur le président de la commission des finances, qu’au fond, vous le savez pertinemment.
    Je prends donc cet amendement comme un amendement d’appel, car il ne peut en être autrement : il n’y a aucune chance que ce qu’il propose puisse être opérationnel ; ce serait contraire aux traités et aux 125 conventions fiscales signées par la France avec d’autres pays.
    Continuons de travailler de façon multilatérale à l’OCDE, tout en saluant les avancées déjà réalisées. Excusez-moi de vous le dire, mais les piliers 1 et 2, ce n’est pas rien ! Ils constituent des avancées extrêmement puissantes. Je rappelle que Bruno Le Maire lui-même a été à la manœuvre ces dernières années (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP) pour accroître fortement la capacité à aller vers une fiscalité harmonisée entre les pays. Voilà ce qu’il faut saluer. Ce sont des bonnes avancées. Vouloir aller plus loin, oui ; mais le faire seul, au travers d’un amendement qui n’a aucune espèce de vocation opérationnelle…

    M. Jean-François Coulomme

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    Menteur !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …pour l’année 2025, bien sûr que non. L’avis est donc défavorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    Chers collègues, il reste plus de 1 400 amendements à examiner d’ici à vendredi soir. À partir de maintenant, je donnerai donc la parole à un orateur pour et à un orateur contre, sauf sur certains sujets.
    La parole est à M. Daniel Labaronne.

    M. Daniel Labaronne

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    Compte tenu de l’activité, des emplois et de la croissance qu’elles créent dans notre pays, je crois que la France doit respecter les multinationales ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Mes chers collègues, essayons de débattre !

    M. René Pilato

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    Arrêtez de leur faire des cadeaux !

    M. Daniel Labaronne

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    En mettant de côté son caractère inopérant, imaginons que votre proposition entre en vigueur. Elle aurait trois conséquences principales. La première serait une délocalisation des sièges sociaux, entraînant une perte de recettes fiscales. Loin d’être celui que vous imaginez, le rendement de la mesure serait donc nul.
    La deuxième conséquence serait une réduction de l’activité des multinationales en France, mais aussi de celle de leurs sous-traitants, lesquels se trouvent pour la plupart dans les territoires ruraux. Je ne suis pas certain que ces entreprises apprécient votre amendement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    La troisième serait une situation de suradministration fiscale pour essayer de déterminer la part des bénéfices réalisée en France. Le fisc a beaucoup mieux à faire.
    Votre proposition serait de toute façon inopérante, car contraire au droit européen et aux conventions fiscales signées par la France. (M. David Amiel applaudit.)

    Mme la présidente

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    Je rappelle que, pour nous en tenir à ce qui a été décidé en conférence des présidents, les présentations d’amendements et les prises de parole ne doivent pas excéder une minute.
    La parole est à M. Nicolas Sansu.

    M. Nicolas Sansu

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    Je m’exprime sur l’amendement no 2358, mais je défends en même temps l’amendement no 490 de M. Maurel : j’ai donc droit à deux minutes !
    Il a été dit qu’il fallait que la France respecte les multinationales. Il faut aussi que les multinationales, dont Auchan et Michelin, respectent les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.) Les amendements nos 2358 et 490 sont importants car le pilier 2 évoqué plus tôt n’a pas les effets que vous pensez. Ses recettes se montent à 1,5 milliard d’euros, avec beaucoup de trous dans la raquette. Voilà son effet réel sur des multinationales qui ne jouent pas le jeu. La création d’une taxation unitaire, digne de son nom, de leurs bénéfices est donc urgente.
    L’érosion de la base fiscale à travers les prix de transfert assèche les ressources de l’État, ce qui a des conséquences sur les services publics dans les domaines de l’éducation, de la santé, de la sécurité et de la culture, entre autres. En quoi la pratique des prix de transfert pratique consiste-t-elle ? C’est, par exemple, une grande enseigne de restauration rapide, dont une holding basée au Luxembourg pompe tous les bénéfices réalisés en France en exigeant une rétribution disproportionnée pour l’utilisation de sa marque. Voilà comment les très grandes entreprises internationales échappent à l’impôt dans notre pays !
    Pour empêcher de telles pratiques, ces amendements, issus des travaux de Gabriel Zucman et de l’OCDE, visent à calculer les bénéfices taxables selon la répartition du chiffre d’affaires entre pays d’activité. Certes, comme l’a indiqué M. le ministre, mettre en œuvre ce dispositif nécessiterait de renégocier des conventions fiscales, mais il faut avancer. Nous devons montrer que nous souhaitons que les choses avancent plus vite. Alors, adoptons cette disposition novatrice et utile pour le pays ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Véronique Louwagie.

    Mme Véronique Louwagie

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    Chers collègues, je vous invite à lire une tribune de l’économiste Jean Peyrelevade, parue aujourd’hui dans Les Échos, qui s’intitule « L’impossible surtaxation des ultrariches ». (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Damien Maudet

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    Si c’est Les Échos, alors !

    Mme Véronique Louwagie

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    Vous refusez de voir qu’il existe une concurrence mondiale ! Me fiant à cette tribune, je vais citer des inquiétudes émises par Gabriel Zucman lui-même à la page 30 de son rapport. Il indique qu’il y a un risque de mobilité accrue des ultrariches surtaxés vers des lieux d’accueil plus favorables à leurs intérêts et il se demande comment ces milliardaires réagiraient si le taux de taxation de leur patrimoine augmentait brutalement. Vous refusez de voir qu’il existe une mobilité internationale, qu’il existe une concurrence. Vous n’aimez pas les riches ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Antoine Léaument

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    C’est vrai !

    Mme Véronique Louwagie

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    Vous voulez les pousser hors de France. Vous refusez de voir la mobilité des entreprises. Avec tous les dispositifs que vous proposez, vous allez les effrayer et encourager leur départ vers l’étranger.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Nous soutenons l’amendement du président Coquerel. J’invite à un peu d’humilité ceux qui nous dirigent depuis trop longtemps. Quand les espoirs placés dans la contribution sur les rentes inframarginales ont été massacrés par la réalité, on doit être un peu modeste et prudent. Quand plusieurs taxes ont été annulées par le Conseil constitutionnel –⁠ pendant le mandat de François Hollande, mais avec à peu près la même technocratie au pouvoir –, avec un coût parfois supérieur à 5 milliards d’euros, on doit être un peu modeste et prudent sur les capacités techniques que l’on prête aux uns ou aux autres.
    Par ailleurs, le Parlement a encore le droit d’exprimer une volonté politique. Oui, certains dispositifs techniques peuvent être imparfaits, mais ils expriment une volonté politique ! Il est temps que les parlements des démocraties affirment que, s’ils décident de l’impôt des plus modestes et des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), ils doivent pouvoir aussi décider souverainement de l’impôt des multinationales. C’est une évidence, ces dernières cherchent à duper et à tromper les États et elles utilisent tous les ressorts juridiques possibles pour ne jamais payer ce qu’elles doivent alors qu’elles sont de grandes consommatrices des infrastructures et des services publics, voire des pilleuses de biens publics. Si on refuse que les TPE et PME soient pillées, il faut que chacun paie sa juste part –⁠ ni plus, ni moins. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

    M. Jean-Paul Mattei

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    Dans la conclusion des propos de notre collègue Sansu, on voyait bien la limite de l’application de cet amendement. La France a signé des conventions internationales qui parlent d’« établissements stables », c’est-à-dire d’entités installées dans un pays étranger où elles payent leurs impôts. Vient ensuite le principe de non-double imposition : si vous payez un impôt dans un pays, vous ne devez pas le payer à nouveau dans un autre.
    On peut se faire plaisir avec des amendements qui donnent l’impression de faire bouger les lignes, mais pour arriver juridiquement à quelque chose, la réflexion doit être menée au moins au niveau européen. L’attractivité de l’Irlande a été évoquée, mais c’est un régime fragile, car basé sur des recettes fiscales venant de grandes entreprises qui peuvent se délocaliser.
    Nous ne sommes pas seuls sur la planète, nous faisons partie d’un concert international. Nous devons travailler à améliorer les choses, mais sans faire croire à nos concitoyens que nous pouvons agir seuls, car c’est impossible.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Brun.

    M. Philippe Brun

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    Il faut voir cet amendement avant tout comme un amendement d’appel. (« Ah ! » sur les bancs du groupe EPR.) Ni ses auteurs ni ceux qui s’apprêtent à le voter ne pensent qu’il va rapporter immédiatement 25 milliards puisque, à ce stade, il est contraire aux conventions fiscales bilatérales que la France a signées et auxquelles elle a consenti.
    L’adopter permettrait d’envoyer un signal au Gouvernement et aux sénateurs dans le cadre de la navette, et de rappeler qu’il est inacceptable qu’existent des mécanismes permettant aux multinationales une telle évasion fiscale. Cet amendement est complémentaire de la disposition, déjà adoptée, visant à encadrer les effets du régime mère-fille des sociétés et l’évasion fiscale que ce dernier tend à créer. Selon moi, cette disposition est conforme au droit européen et satisfait déjà en partie l’amendement en débat.
    Les yeux ouverts sur la réalité de sa portée, les socialistes voteront donc en faveur de cet amendement, en souhaitant que, lors de la navette parlementaire et avec le Gouvernement, nous travaillions à des mécanismes efficaces de lutte contre l’évasion fiscale.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 2358.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        231
            Nombre de suffrages exprimés                228
            Majorité absolue                        115
                    Pour l’adoption                170
                    Contre                58

    (L’amendement no 2358 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP, dont certains députés se lèvent.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 490 de M. Emmanuel Maurel a été défendu.

    (L’amendement no 490 est retiré.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l’amendement no 3249.

    Mme Christine Arrighi

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    Il vise à établir un malus écologique dans le but de renforcer la fiscalité environnementale applicable au secteur maritime, qui contribue de façon significative aux émissions mondiales de CO2. Il serait appliqué exclusivement aux navires les plus polluants, ceux des classes C à E de l’indicateur d’intensité carbone défini par l’Organisation maritime internationale (OMI). Cet indicateur permet d’évaluer l’efficacité énergétique des plus gros navires, ceux dont la jauge brute est supérieure ou égale à 5 000 tonnes et qui sont responsables de l’essentiel des émissions, en fonction de leur consommation de carburant annuelle.

    Mme la présidente

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    Sur les amendements nos 967 et 733, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 3249 ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission l’a rejeté pour trois raisons. La première tient à un problème de rédaction. L’amendement est en effet contraire à l’article 34 de la Constitution puisqu’il renvoie à des arrêtés la définition des redevables et la fixation du taux de la taxe. Deuxièmement, une telle proposition devrait être examinée dans un cadre européen pour éviter de pénaliser les armements français. Enfin, il existe déjà un dispositif de déduction exceptionnelle incitant à l’acquisition d’équipements permettant aux bateaux de marchandises ou de passagers d’utiliser des énergies propres.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Nous avons déjà eu un débat sur la taxe au tonnage, qui a le mérite d’être forfaitaire. À cette occasion, nous avons expliqué le caractère néfaste pour l’activité du fret maritime et des armateurs d’une modification de la fiscalité du secteur. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Cazeneuve.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Je rejoins l’avis de M. le ministre sur la taxe au tonnage. Je souhaite par ailleurs revenir en trois points sur ce qui vient de se passer.
    Monsieur Brun, nous sommes députés, nous rédigeons la loi, nous ne sommes pas des bagnoles qui envoient des signaux ou des appels de phares. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.) Vous donnez une piètre image de notre métier en considérant que voter un amendement à 25 milliards d’euros, qui a un impact significatif sur le budget de la France, constitue un appel.
    Ma deuxième remarque s’adresse au Rassemblement national, qui, après avoir cautionné avant-hier un projet de loi de financement de la sécurité sociale avec 16 milliards d’impôts et de cotisations supplémentaires, vient de voter 25 milliards de charges supplémentaires pour les entreprises. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Malgré vos beaux discours contre des impôts supplémentaires, vous prenez la responsabilité de voter de nouvelles taxes !
    Enfin, comme l’a clairement indiqué M. le rapporteur général, l’amendement qui vient d’être adopté n’est pas conforme à la législation européenne. Vous avez une piètre estime de notre métier,…

    M. Loïc Prud’homme

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    Ce n’est pas un métier, c’est un mandat !

    M. Pierre Cazeneuve

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    …de nos institutions et du respect de l’État de droit. Je rappelle que nous avons voté contre la contribution française à l’Union européenne : en l’état actuel des choses, cela signifie que nous n’appartenons plus à l’Union européenne ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ouais !

    M. Pierre Cazeneuve

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    Ces débats sont totalement irrespectueux. Chers collègues, revenez à la raison ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Christine Arrighi.

    Mme Christine Arrighi

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    Je remercie M. Cazeneuve d’avoir donné son avis sur le malus écologique du secteur maritime… Oui, monsieur le rapporteur général, il existe un fonds de soutien à la décarbonation de la filière maritime, qui incite la compagnie française la plus emblématique, CMA-CGM, à agir. Comme elle s’est engagée à décarboner au maximum ses navires, le malus ne la touchera pas si elle continue sur sa trajectoire. Je pense donc que ce malus écologique est parfaitement adapté à notre objectif d’avoir une marine décarbonée.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des finances.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Je trouve cet amendement excellent. Il ne remet pas en question la taxe au tonnage et présente l’avantage de récompenser ceux qui choisissent la propulsion la plus écologique.
    Monsieur Cazeneuve, je considère pour ma part que l’amendement no 2358 que nous venons d’adopter n’était pas d’appel. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Peut-être aurez-vous remarqué que j’en étais le premier signataire ? Il me semble qu’il s’agit d’une question de volonté et de décision politiques.
    Ensuite, je sais bien qu’on ne prête qu’aux riches, mais M. le rapporteur général n’a jamais déclaré que cet amendement était contraire au droit européen pour la simple et bonne raison qu’il ne le pense pas. Ce qu’il a dit, littéralement, c’est qu’il posait un problème pour les accords bilatéraux –⁠ analyse avec laquelle je suis en désaccord. Quoi qu’il en soit, l’amendement n’est absolument pas contraire au droit européen. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Loïc Prud’homme

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    Eh oui !

    (L’amendement no 3249 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Franck Allisio, pour soutenir l’amendement no 967.

    M. Franck Allisio

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    Un amendement similaire à celui-ci avait été adopté par la commission des finances du Sénat en 2018, avant que le gouvernement ne revienne dessus.
    La lutte contre l’évasion fiscale vers des paradis fiscaux reste un combat à mener. Le mécanisme dit de rapatriement des bénéfices est un outil précieux à cet égard. La disposition que nous souhaitons réintroduire prévoit de l’appliquer à toutes les sociétés établies dans des paradis fiscaux. Il s’agit là d’un gisement de recettes fiscales et, surtout, d’un moyen efficace de lutte contre l’évasion fiscale.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission des finances a adopté cet amendement, mais, à titre personnel, j’y suis défavorable.
    En effet, le régime des sociétés étrangères contrôlées permet déjà la taxation en France des bénéfices des entreprises établies dans un État ou territoire non coopératif (ETNC) lorsque le régime fiscal de ce dernier est considéré comme privilégié.
    La qualification d’ETNC est fondée sur l’absence de coopération administrative en matière d’échange d’informations tandis que celle de régime privilégié se fonde sur l’appréciation du niveau d’imposition qui peut s’appliquer aux filiales d’entreprises situées en France. Cette appréciation se fait au cas par cas. L’amendement pourrait ainsi avoir comme conséquence d’imposer en France des entreprises déjà imposées dans leur État de résidence sans considération du fait qu’elles sont ou non soumises à un régime fiscal privilégié.
    Enfin, de nombreuses mesures sont d’ores et déjà applicables s’agissant des ETNC ; elles se traduisent le plus souvent par de lourdes majorations, notamment des retenues à la source.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    J’entends les critiques du rapporteur général, mais je pense que cette mesure est importante. C’est d’ailleurs pourquoi le Sénat l’avait retenue et que notre commission avait adopté cet amendement, qui n’est pas partisan. J’espère que la séance publique la suivra.
    J’en profite pour répondre au collègue Cazeneuve. Il est temps que le Parlement ne se corsète plus, qu’il cesse d’abandonner son pouvoir à n’importe qui et à n’importe quoi. Vous faites des belles promesses aux électeurs pour vous faire élire et, à chaque fois, vous décevez les gens ! Cela a des conséquences extrêmement graves sur la démocratie. Vous avez volontairement abandonné des pouvoirs, et vous y avez renoncé jusque dans votre tête. On assiste aujourd’hui à une reconquête de l’électorat ; les électeurs des grandes démocraties occidentales veulent que les élus retrouvent du pouvoir, qu’ils appliquent la volonté du peuple et qu’il y ait à nouveau du volontarisme politique. C’est sans doute ce qui nous différencie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    M. Romain Eskenazi

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    N’importe quoi !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Amiel.

    M. David Amiel

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    Notre collègue Tanguy vient de tenir des propos très graves. Ce que les électeurs nous demandent, c’est de cesser de nous moquer d’eux. Or voter pour des dispositions que l’on sait inapplicables, c’est faire preuve du plus grand cynisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
    Il a été voté dans cet hémicycle pour plus de 25 milliards d’euros d’impôts supplémentaires, et les membres de plusieurs bancs allant de La France insoumise jusqu’au Rassemblement national (MM. Gabriel Attal et Pierre Cazeneuve désignent successivement les bancs situés aux extrémités gauche et droite de l’hémicycle) sont allés s’en féliciter à la télévision en clamant qu’ils ramenaient l’argent à la maison, alors qu’ils savent très bien que c’est faux –⁠ le rapporteur général l’a écrit dans sa note. Et l’on récidive dès le début de cette séance ? On déshonore le débat parlementaire ! C’est très grave. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des finances.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Vous nous avez imposé par 49.3 des budgets présentant des déficits lunaires et qui ont été contredits un mois après, alors ne nous donnez pas de leçons sur ce qui serait possible ou impossible ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Vous pouvez être d’accord ou pas avec l’amendement, c’est votre droit. En l’occurrence, vous pensez que, comme tous les amendements qui visent à taxer les profits des très grandes entreprises, il n’est pas réaliste. Nous pensons le contraire !
    Ce que nous jugeons pour notre part irréaliste, c’est de taxer tous les Français sur l’électricité (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR) ; de réduire les dépenses publiques en matière d’éducation ou d’écologie, vu les catastrophes climatiques que nous subissons. Parlons du point de vue politique mais, de grâce, ne nous jetons pas la figure ce qui serait réaliste ou non, sous peine que la subjectivité l’emporte. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 967.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        148
            Nombre de suffrages exprimés                132
            Majorité absolue                        67
                    Pour l’adoption                71
                    Contre                61

    (L’amendement no 967 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ Exclamations sur divers bancs.)

    M. Pierre Cazeneuve

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    Et maintenant, chers collègues du NFP, vous vous abstenez ! La honte ! (M. Gabriel Attal désigne de nouveau successivement les bancs situés aux extrémités gauche et droite de l’hémicycle.)

    M. Maxime Laisney

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    Et vous, que faites-vous ? Sur vos bancs, il n’y a personne !

    Mme la présidente

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    Chers collègues, s’il vous plaît !
    La parole est à M. Franck Allisio, pour soutenir l’amendement no 733.

    M. Franck Allisio

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    Dans la continuité de l’amendement précédent, il est proposé de modifier l’article 209 B du code général des impôts, qui est un article essentiel dans la lutte contre l’évasion fiscale des grands groupes. Depuis 2005, il exclut du dispositif de rapatriement des bénéfices des groupes français les filiales établies dans un État membre de la Communauté européenne. Cette disposition n’a pas lieu d’être. C’est pourquoi nous souhaitons revenir, sur ce point, au dispositif ayant existé avant 2005. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    L’amendement a été repoussé par la commission pour les raisons suivantes.
    D’une part, l’amendement a pour but l’extension du régime des sociétés étrangères contrôlées à l’ensemble des filiales établies dans un pays de l’Union européenne. Or le régime des sociétés étrangères contrôlées ne s’applique pas pour des filiales européennes si et seulement si l’exploitation de l’entreprise ne peut être regardée comme constitutive d’un montage artificiel.
    D’autre part, l’adoption de cet amendement conduirait à contrevenir au principe de liberté d’établissement et ouvrirait la voie à de nombreux contentieux devant la Cour de justice de l’Union européenne.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 733.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        151
            Nombre de suffrages exprimés                132
            Majorité absolue                        67
                    Pour l’adoption                68
                    Contre                64

    (L’amendement no 733 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. –⁠ Invectives.)

    Mme la présidente

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    Un peu de calme, chers collègues ! On ne se parle pas à distance !
    La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 2469.

    M. Aurélien Le Coq

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    Je rappelle à nos collègues macronistes qui poussent des cris d’orfraie à chaque fois qu’un amendement est adopté et que nous trouvons un peu d’argent à mettre dans les caisses de l’État, que ce sont eux qui nous ont mis dans cette situation. Si nous examinons ce projet de budget dans un tel chaos, avec un déficit atteignant 6 % du PIB, bien au-delà de ce que vous aviez prévu, c’est parce que vous avez tout désorganisé ! (M. Maxime Laisney applaudit.) Pardonnez-nous donc de chercher des recettes. Et nous ne le faisons pas en inventant des surtaxes qui vont confisquer de l’argent à tout le monde, mais en faisant en sorte que l’impôt qui nous est dû soit payé et que la fraude fiscale s’arrête. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Il convient que les bénéfices qui sont réalisés en France soient imposés. Voilà le sens de ces amendements.
    Le présent amendement répond à la même logique. Il s’agit de taxer correctement les géants du numérique, les Gafam, puisque là non plus vous n’y êtes pas arrivés : votre taxe a eu bien peu d’effet. Nous vous proposons de rectifier le tir, afin que les Gafam, qui sont aussi des champions de l’évitement fiscal, paient leur dû. (Mêmes mouvements.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Brulebois, pour un rappel au règlement.

    Mme Danielle Brulebois

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    Je voudrais dire à nos collègues de l’extrême gauche et de l’extrême droite que notre parti est un parti comme les autres. (« Rappel au règlement sur quel fondement ? » sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    Sur quel fondement faites-vous votre rappel au règlement, chère collègue ?

    Mme Danielle Brulebois

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    Sur le fondement de l’article 100 relatif à la bonne tenue de nos débats, madame la présidente.
    Ce parti a un nom : il s’appelle Ensemble pour la République. Quand vous parlez de nous, chers collègues, ayez la politesse de nous désigner autrement que par « macronistes ». Nous ne vous appelons pas « mélenchonistes » ou « lepénistes » ! (Vives exclamations et rires sur les bancs des groupes RN, LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. –⁠ Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Sébastien Peytavie

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    C’est la fin du macronisme !

    Mme la présidente

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    Cessez de hurler, chers collègues ! Je n’arrivais pas à entendre l’oratrice.

    Après l’article 13 (suite)

    Mme la présidente

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    Reprenons le cours de nos débats.
    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 2469 ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission a rejeté l’amendement.
    Il est en effet inopérant de vouloir consacrer l’établissement stable virtuel en droit national si l’on ne renégocie pas les conventions fiscales internationales avec nos partenaires –⁠ les conventions bilatérales.
    Le pilier 1 de l’OCDE en cours de négociation prévoit une solution plus opérationnelle, permettant de réattribuer des droits imposés selon les ventes des acteurs du numérique, à défaut de pouvoir calculer un bénéfice pays par pays. Le problème est que l’avenir de ces discussions dépend du résultat de l’élection américaine et que le nouveau président Trump semble hostile à une telle évolution.
    En attendant, nous pouvons relever le taux de la taxe sur les entreprises du numérique, la taxe « Gafa », dont le produit atteindra 756 millions d’euros en 2024.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Avis défavorable.
    Je crois que nous pouvons, de manière transpartisane, saluer le travail effectué par la France, notamment par la majorité précédente, en matière de taxe sur les services numériques –⁠ je ne pense pas qu’il soit clivant de déclarer cela. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) C’est la France qui en a pris l’initiative, qui a fait en sorte qu’un dialogue multilatéral s’engage, qui a obtenu un rendement fiscal justifié auprès de grandes entreprises du numérique qui auparavant ne payaient pas d’impôts et qui a permis à d’autres pays d’avancer en la matière. Il est donc possible de le faire, non pas en s’asseyant sur les conventions et les traités que l’on a signés avec plus de 125 pays, mais grâce à la concertation multilatérale –⁠ nonobstant, comme l’a souligné le rapporteur général, le contexte plus difficile du fait de la situation aux États-Unis. Il faut néanmoins continuer à dialoguer.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Éric Woerth.

    M. Éric Woerth

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    Un travail considérable a été accompli, notamment avec l’OCDE, en matière de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, et de mise à jour de la liste des paradis fiscaux. On peut toujours balayer cela d’un revers de la main, mais ce n’est pas rien. Ce travail a été mené par les gouvernements successifs et, récemment, par Bruno Le Maire.
    Certes, il est toujours possible de rêver, mais la plupart des mesures qui viennent d’être adoptées sont inapplicables.

    M. Aurélien Le Coq

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    Pourquoi cela vous fait-il peur, alors ?

    M. Éric Woerth

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    Quand bien même vous arriveriez demain au pouvoir, il ne se passerait rien.

    Mme Christine Arrighi

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    Bien sûr que si !

    M. Éric Woerth

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    Les réseaux de conventions fiscales sont nécessaires à la survie des pays –⁠ y compris du nôtre. Si vous voulez l’isolement, l’appauvrissement définitif ou la dégradation de la France,…

    M. Alexandre Sabatou

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    Ça, vous l’avez déjà fait !

    M. Éric Woerth

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    …adoptez des amendements de ce type ! Tout le monde évitera la France, personne n’y investira plus et les Gafam iront faire leur boulot ailleurs. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas essayer de faire quelque chose, mais il faut le faire avec ordre et en concertation avec les autres pays.
    Ramener de l’argent à la maison, c’est très bien, mais vous avez voté en commission des finances une augmentation colossale du niveau de la dépense publique : 50 milliards d’euros en plus ! (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Pierre Cazeneuve, pour un rappel au règlement.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Rappel au règlement sur le fondement de l’article 100, alinéa 5, du règlement.
    Chers collègues du NFP, j’ai une question à vous poser : vous êtes-vous mis d’accord en intergroupe avec le Rassemblement national pour vous abstenir sur les amendements qui visent à augmenter les taxes pour les Français et les entreprises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR. –⁠ Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP et GDR.)

    M. Nicolas Sansu

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    Quelle honte !

    M. Maxime Laisney

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    Ça suffit, la provocation, Cazeneuve !

    Mme la présidente

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    Il ne s’agit pas d’un rappel au règlement, cher collègue. Je vous ôte la parole.

    Après l’article 13 (suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Ne vous en déplaise, nous voterons l’amendement car nous proposons nos propres mesures pour récupérer l’argent des Français, que les Gafam détournent.
    Ce que vous appelez « réalisme », chers collègues du bloc petit-bourgeois, n’est que du cynisme, et ce que vous présentez comme votre compétence n’est que votre désarmement. Nous ne sommes pas vous et nous en sommes fiers !
    Visiblement, vous n’êtes plus fiers d’être vous-mêmes, puisque le macronisme devient une insulte. Après sept ans, quel beau bilan que de trouver insultant d’être vous-mêmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Sansu pour un rappel au règlement.

    M. Nicolas Sansu

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    Il se fonde sur l’article 100 de notre règlement. Je voudrais répondre à notre collègue Pierre Cazeneuve…

    Mme la présidente

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    Monsieur Sansu, ce n’est pas un rappel au règlement, vous le savez ! Tout à l’heure, j’ai coupé la parole à M. Pierre Cazeneuve pour la même raison.

    (L’amendement no 2469 est adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 2701, 2344, 491 et 2003, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 2701.

    Mme Eva Sas

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    L’amendement de mon collègue François Ruffin vise à lutter contre la sous-taxation des ultrariches.
    Comme vous le savez, les 378 ménages les plus riches de France ne paient que 2 % d’impôts sur leur revenu économique car ils placent leurs revenus dans des holdings financières qui bénéficient de niches fiscales très avantageuses, en particulier la niche Copé, qui exonère les plus-values de cessions des titres de sociétés détenues depuis plus de deux ans et le régime mère-fille, qui exonère d’impôts les dividendes versés par une filiale à sa holding.
    L’amendement vise à réduire, voire à éteindre, ces niches fiscales en relevant la quote-part pour frais et charges (QPFC) à 30 % sur les dividendes et à 100 % sur les plus-values, et ce pour rétablir, enfin, un peu de justice fiscale et mettre fin à la sécession des ultrariches, qui se mettent en dehors de la société en refusant de remplir leur devoir de contribution et de solidarité avec la nation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 2344 de Mme Marianne Maximi est défendu.
    La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 491.

    M. Nicolas Sansu

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    Je veux dire aux députés du bloc central qu’ils ont le droit d’être présents, dans l’hémicycle comme en commission ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
    Comme l’a dit ma collègue Eva Sas, le régime mère-fille facilite les remontées de dividendes. La niche représente 32 milliards, ce n’est pas rien !
    Un certain nombre de très grandes fortunes couplent le régime mère-fille avec le pacte Dutreil. Prenons l’exemple d’une personne, qui, au hasard, s’appellerait Bernard A. : celui-ci peut contracter avec ses enfants pour remonter des titres qui génèrent 100 millions de dividendes dans une holding familiale non transparente. L’abattement de 75 % le conduit à payer l’impôt sur seulement 25 millions, auquel on applique uniquement la quote-part pour frais et charges, de 5 %. Bernard A. n’acquitte alors que 1,25 million, très loin des 30 % de la flat tax.
    Mon amendement, fort modeste, ne prévoit que de doubler cette taxe. Il s’agit de mettre l’accent sur cet évitement de l’impôt, qui est insupportable, car il rompt le consentement à l’impôt. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 2003 de Mme Marianne Maximi est défendu.
    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission a rejeté ces amendements, qui ne sont pas conformes au droit européen. L’article 4 de la directive mère-fille interdit en effet qu’une quote-part de plus de 5 % soit prélevée sur les distributions opérées entre sociétés établies dans l’Union européenne. À moins de négocier une réforme de cette directive, nous ne pourrions pas appliquer les dispositions que vous proposez aux entreprises qui ont des filiales dans d’autres pays de l’Union européenne. Le Conseil constitutionnel finirait par annuler la mesure pour rupture d’égalité devant les charges publiques. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Même avis. Au risque de me répéter, comme le fait aussi le rapporteur général, je veux dire qu’à un moment, il faudra accepter que l’on prenne des mesures en conformité avec le droit européen ou tirer certaines conclusions, mais je ne crois pas que ce soient les vôtres.
    Ce n’est pas faire insulte à vos amendements que de les repousser pour non-conformité avec le droit européen. Ce n’est que de la responsabilité. Depuis que nous avons repris nos débats, aucun des amendements que vous avez présentés n’est applicable.

    M. Nicolas Sansu

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je ne dis pas que je ne suis pas d’accord sur le fond.

    M. Aurélien Le Coq

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    Vous êtes d’accord, alors ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je n’ai pas dit cela non plus. (Sourires.) Une chose est sûre : tous sont non conformes au droit, soit européen, soit international, du fait des conventions fiscales que nous avons conclues avec certains pays. Soyons responsables. Retirez ces amendements ; à défaut, je donnerai un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Olivier Becht.

    M. Olivier Becht

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    Ces amendements visent à créer une taxe nouvelle. Depuis un quart d’heure nous en avons déjà créé quatre, soit un rythme de seize nouvelles taxes par heure.
    Davantage de personnes nous regardent qu’on ne le croit. Je pense notamment aux 3 millions d’entreprises françaises et aux 1 700 entreprises étrangères qui, jusqu’à l’année dernière, investissaient en France. Que font-elles en ce moment ?

    Mme Christine Arrighi

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    Elles licencient !

    M. Olivier Becht

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    Non, la plupart d’entre elles bloquent leurs investissements, y compris dans vos circonscriptions. Rencontrez vos entrepreneurs, vous verrez qu’ils gèlent leurs investissements !

    Mme Christine Arrighi

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    N’importe quoi !

    M. Olivier Becht

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    Concrètement, cela signifie qu’il y aura bientôt plus de chômage, car moins d’investissements conduit à moins d’emplois, donc moins de revenus et de richesses. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Cela signifie que l’année prochaine, en dépit de toutes les taxes que vous êtes en train de voter, il y aura moins d’argent dans les caisses de l’État ! (Mêmes mouvements.)
    C’est un déficit que vous êtes en train de créer. Il serait peut-être temps d’en prendre conscience. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et HOR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

    M. Jean-Paul Mattei

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    On est dans le cas typique d’un amendement qui, s’il était dédoublé, pourrait être intéressant.
    La directive mère-fille est une règle européenne. On ne peut pas y déroger sans modifier le droit européen : la quote-part pour frais et charges ne doit pas dépasser 5 % en cas de remontée des dividendes. Cela pose une vraie question de fond. Il est légitime de s’interroger sur le fait que les sociétés qui remontent des dividendes ne sont taxées qu’à 1,25 %.
    Mon avis sur la disposition visant la niche Copé est différent car elle n’est pas contraire au droit européen.
    Les holdings sont utiles pour le développement de l’entreprise, quand elles réinvestissent. Il y a quelques années, nous avions défendu un amendement qui visait à augmenter le taux de la quote-part pour frais et charges afin de compenser la baisse de l’impôt sur les sociétés de 33,33 % à 25 %. Avec un taux de la quote-part de 12 %, l’imposition baissait de 4 % à 3 %.
    Nous devons mener une réflexion globale. Il serait bon d’avoir un débat apaisé sur l’ensemble de ces sujets, afin de ne pas créer d’enfer fiscal dans notre pays. Notre collègue Becht l’a dit, le risque d’une fuite des entreprises est avéré.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Guiraud.

    M. David Guiraud

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    Vous dites que les impôts que nous voulons créer pour taxer les multinationales qui échappent à l’imposition sont contraires au droit européen. Dans ce cas, nous aimerions savoir ce que vous avez fait, durant le premier quinquennat Macron, pour combattre le droit européen. Quelles actions avez-vous menées pour que le droit européen combatte l’évasion fiscale des multinationales ?

    M. Éric Woerth

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    Renseignez-vous !

    M. David Guiraud

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    L’immense masse des Français paie ses impôts honnêtement, régulièrement. Des contrôles existent. Il est même possible de vérifier le compte en banque des bénéficiaires du RSA pour s’assurer de l’absence de trop-perçus ou de dons –⁠ je ne suis pas sûr que vous aimeriez que l’on vérifie ainsi vos comptes. Les entreprises, l’Urssaf font l’objet de contrôles, et nos concitoyens ne peuvent échapper à certains impôts comme la TVA ou l’impôt sur le revenu à la source. Les Français acquittent donc honnêtement leurs impôts, mais vous êtes choqués que l’on veuille combattre les 25 milliards d’évasion fiscale… Si le droit européen ne le permet pas, nous ne voulons pas du droit européen. C’est une question de justice fiscale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    (Les amendements nos 2701, 2344, 491 et 2003, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour soutenir l’amendement no 1980.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Cet amendement, issu d’une recommandation de l’Inspection générale des finances (IGF), vise à réduire une autre niche fiscale, qui prévoit de déduire les investissements productifs réalisés dans les territoires d’outre-mer. Le dispositif n’a pas prouvé son efficacité.
    Je voudrais revenir un instant sur l’amendement qui a réuni la gauche radicale et la droite radicale (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) et qui doit rapporter 25 milliards.

    M. Philippe Brun

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    Vous ne défendez pas l’amendement !

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Il se fonde sur un raisonnement très français, selon lequel on est plus malin que les autres. Nous changeons nos règles mais nos voisins, eux, ne modifient pas les leurs. (Mêmes mouvements.) Évidemment, ce n’est pas un jeu à somme nulle. Ce que nous gagnerions sur notre territoire, les entreprises le perdraient à l’export.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    L’Inspection générale des finances n’a pas préconisé de supprimer le dispositif. Elle souligne seulement qu’il connaît une désaffectation croissante et qu’il est concurrencé par les crédits et réductions d’impôt pour l’investissement productif en outre-mer. Pourtant, un millier de personnes continuent de bénéficier de cette déduction, qui reste donc utile. Peut-être faudra-t-il des éléments complémentaires pour décider du sort du dispositif. La commission a rejeté l’amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    L’amendement va très loin : il supprime la procédure d’agrément pour l’ensemble des mécanismes de défiscalisation outre-mer. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

    (L’amendement no 1980 est retiré.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marianne Maximi, pour soutenir l’amendement no 2346.

    Mme Marianne Maximi

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    Il vise à instaurer un impôt sur les sociétés progressif, au même titre que l’impôt sur le revenu, en modulant le taux d’imposition marginal selon des tranches de bénéfices réalisés par les sociétés.
    Je veux demander aux macronistes pourquoi ils réagissent de la sorte si, vraiment, nos amendements sont si inefficaces et inutiles. S’ils ne servent à rien, ne paniquez pas, il n’y a pas de quoi avoir peur ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EPR.) En fait, vous racontez des mensonges : ces amendements sont efficaces, et permettront de collecter de nouvelles recettes. (« Ce sont des menteurs ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Chers collègues macronistes –⁠ je ne vois pas comment vous appeler autrement, vous n’avez rien d’un socle, puisque vous n’êtes pas là ; vous n’avez rien non plus de commun, puisque vous n’êtes pas d’accord entre vous –, nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous sur l’extrême droite ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Cela fait un mois que l’on ne vous voit pas, vous êtes absents en séance et en commission, un mois que l’extrême droite vient à votre rescousse pour sauver les ultrariches du pays et votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Ici, il n’y a pas d’extrême gauche. Il y a des groupes de gauche. En revanche, il y a l’extrême droite. (Mêmes mouvements.)

    M. Alexandre Dufosset

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    Un peu de respect, quand même !

    Mme la présidente

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    Revenons au débat sur les amendements –⁠ cette remarque ne concerne pas que vous, madame Maximi !
    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 2346 ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission a rejeté cet amendement. En effet, l’IS a deux taux : 15 % pour les petites entreprises, 25 % pour les autres. Calquer sa logique sur celle de l’impôt sur le revenu (IR), c’est-à-dire assimiler les entreprises aux ménages, serait tout à fait contestable : la richesse d’une entreprise ne se mesure pas seulement au montant des bénéfices qu’elle réalise, mais surtout à la rentabilité des capitaux investis et à la part qu’elle reverse à ses actionnaires.
    De manière paradoxale, votre proposition inciterait grandement les sociétés à filialiser leur activité afin de réduire le taux de leur IS. En outre, elle singulariserait la France au détriment de la compétitivité de ses entreprises, dont le taux marginal d’imposition deviendrait le plus élevé de l’OCDE, si bien que toutes celles qui atteignent une certaine taille auraient intérêt à délocaliser leur siège.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Même avis. Cette mesure aurait un effet contraire à celui que vous escomptez : elle susciterait davantage d’évitement que les taux fixes actuels. Olivier Becht a fait valoir tout à l’heure un point important : il n’y aurait pas pire pour l’attractivité de notre pays que d’accroître la complexité fiscale, alors qu’avec le taux de 25 % nous sommes parvenus à quelque chose de simple, intelligible, et à peu près au niveau de nos voisins européens –⁠ cela dépend des pays. Un barème progressif, par tranches, à la façon de l’IR constituerait probablement le meilleur moyen, premièrement, d’inciter les entreprises à piloter leur activité de façon à éviter l’impôt, deuxièmement, de rendre illisible la fiscalité de notre pays, faisant fuir les investisseurs.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Aurélien Le Coq.

    M. Aurélien Le Coq

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    Je veux bien entendre encore une fois que le système est parfait, qu’il fonctionne à merveille, qu’il ne faut surtout rien changer ;…

    M. Éric Woerth

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    Nous ne sommes pas obligés de voter n’importe quoi !

    M. Aurélien Le Coq

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    …nous, monsieur le ministre, nous voyons des problèmes au sein de la société, par exemple le fait que les petites entreprises, n’ayant aucun moyen d’évitement fiscal, acquittent 6 points d’IS de plus que les grandes. Vous nous avez souvent reproché de vouloir faire payer les entreprises, objectant que la France a le taux d’IS le plus élevé d’Europe : ce n’est pas le cas. Si notre IS se situe à 2,7 points de PIB, une fois déduits les cadeaux fiscaux, crédits d’impôt et autres exonérations, son taux tombe à 2 %, soit 0,4 point de moins que la moyenne de l’OCDE ! Les grandes entreprises ne paient pas assez, il faut les faire payer ; les petites galèrent, elles devraient payer moins. Tel est le sens de cet amendement, ainsi que des suivants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Je répondrai à notre collègue mélenchoniste (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP)

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, chers collègues !

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Vous n’allez pas avoir honte de Mélenchon ?

    Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

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    Incroyable !

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Je répondrai donc que nos 25 % de fiscalité des entreprises nous situent dans la moyenne européenne, plutôt même dans sa partie haute. Votre amendement vise à la porter à 40 % : toutes les sociétés françaises sortiraient du marché. N’en avez-vous pas marre ? Il y a une demi-heure, vous adoptiez pour 25 milliards d’impositions supplémentaires ;…

    M. Nicolas Sansu

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    Je croyais que ça ne devait pas marcher : il faudrait savoir !

    M. Jean-René Cazeneuve

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    …vous entendez maintenant rafler 40 % de ce qui reste. Vous n’aimez pas les entreprises, vous ne voulez pas voir d’entreprises, vous voulez tuer la poule aux œufs d’or ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Ce sont elles qui créent de la valeur, c’est grâce à elles que nous finançons nos politiques sociales ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    Chers collègues, s’il vous plaît !

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Cessez donc de leur taper dessus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    (L’amendement no 2346 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de trois amendements, nos 2347, 2349 et 949, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 2347 et 2349 de M. le président de la commission des finances sont défendus.
    La parole est à Mme Sophie Pantel, pour soutenir l’amendement no 949.

    Mme Sophie Pantel

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    Il vise à conserver à l’État un encaissement constant tout en modulant le prélèvement de façon différente : un taux majoré de 30 % d’IS serait instauré sur la part des bénéfices distribuée aux actionnaires, et le taux normal revu à la baisse.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission les a rejetés. Tout d’abord, le taux de 25 % est supérieur aux 21 % de moyenne de l’Union européenne ; certes, lorsque les assiettes diffèrent, comparer des taux n’est pas très probant. Ensuite, en France, le poids des prélèvements obligatoires sur les entreprises demeure l’un des plus élevés d’Europe : 12,6 % du PIB, contre 9,3 % en Allemagne. Si nous voulons éviter les délocalisations, il ne serait pas raisonnable, entre autres propositions contenues dans ces amendements, de revenir à 33,3 % d’IS –⁠ j’ai même connu une époque où ce taux s’élevait à 50 %, bien que personne ne s’en souvienne.

    M. Gérard Leseul

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    Nous ne l’avons pas oublié, nous !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Même avis. S’il y a bien une raison pour laquelle la France est incontestablement, depuis cinq ans, le pays le plus attractif d’Europe,…

    Un député du groupe RN

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    C’est faux !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …c’est la réduction de l’IS.

    M. Emmanuel Duplessy

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    Pour quel résultat ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Davantage de projets d’investissement, plus d’emplois et une baisse de 2 points du taux de chômage, ce à quoi personne, au cours des précédentes décennies, n’était parvenu. Restons-en aux faits ! Si nous souhaitons une fiscalité loin d’être paradisiaque, mais permettant de voir se concrétiser dans nos territoires, dans vos circonscriptions, des projets qui profiteraient sinon à nos voisins allemands, espagnols, italiens ou britanniques, il faut avant tout ne pas rétablir le taux antérieur de l’IS. La fiscalité des sociétés est le premier critère que considère n’importe quel investisseur international !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Carlos Martens Bilongo.

    M. Carlos Martens Bilongo

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    Dans nos circonscriptions, monsieur le ministre, nous voyons tous, depuis sept ans, des usines fermer.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Justement !

    M. Carlos Martens Bilongo

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    Le pays compte 12 millions de pauvres : il serait bien normal de revenir, même temporairement –⁠ c’est ce à quoi vise notre amendement suivant, le no 2351 –, au taux d’IS antérieur à 2018, soit 33,3 %. Ce n’est pas une telle mesure qui pousserait les entreprises à délocaliser ! Elles contribueraient seulement à la bonne cause, car on ne peut demander tous les efforts aux Français les plus en difficulté, imposer un budget austéritaire pour prodiguer l’argent sans contrepartie. De grands groupes s’apprêtent une nouvelle fois à quitter le territoire français : voilà le résultat de vos cadeaux aux plus riches ! Mettons donc un terme à la Macronie, d’ailleurs honteusement absente depuis le début de l’examen de ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Daniel Labaronne.

    M. Daniel Labaronne

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    En fin de compte, votre politique économique consiste uniquement à taxer : taxer les riches, qui sont déjà partis ou se disposent à le faire (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP) ;…

    M. Nicolas Sansu

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    S’ils sont déjà partis…

    M. Daniel Labaronne

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    …taxer les entreprises, qui se délocaliseront ; taxer le capital, qui, mobile, ira s’investir ailleurs. Les conséquences en sont prévisibles : moins de production et d’investissement, moins d’emplois, moins de recettes pour les budgets de l’État et de la sécurité sociale.

    Mme Sandra Regol

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    Les caisses de l’État sont vides !

    M. Daniel Labaronne

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    C’est tellement évident que je ne comprends pas pourquoi vous tentez de dissimuler votre objectif : mettre l’économie française à genoux ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, chers collègues, c’est moi qui distribue la parole !
    Laquelle parole est à M. le président de la commission des finances.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    J’ai pris pour règle, chaque fois que vous donnez de fausses informations, de les rectifier. En l’occurrence, depuis 2017, la part des entreprises dans l’investissement national a diminué ; il est désormais surtout le fait des pouvoirs publics et des collectivités territoriales. Cela fait trois fois que je vous le répète.

    M. Daniel Labaronne

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    Et trois fois que c’est faux !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Vous m’avez dit que vous corrigeriez ces chiffres : je l’attends toujours et vous pourrez longtemps en chercher d’autres, car les miens proviennent de l’Insee. Ils reflètent la stricte vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Vous soutenez avoir créé des emplois ; une telle assertion est mal venue alors que dans tous les grands secteurs industriels se succèdent des plans de licenciement massifs –⁠ je crains malheureusement que ce ne soit que le début. Comment peut-on les imputer à nos débats et non à l’instabilité politique dans laquelle vous avez plongé le pays, à la politique économique que vous avez menée ? (Mêmes mouvements.) Par ailleurs, sur 2 millions d’emplois créés, on compte 700 000 autoentrepreneurs et des centaines de milliers d’apprentis ; tout le reste de ce que vous affirmez est à l’avenant. Ce n’est pas la première fois que vous vous l’entendrez dire, mais je vous le répète : s’agissant des résultats économiques prétendument mirobolants de la France, ayez un peu d’humilité !
    Il y a cependant un point sur lequel je vous accorde que vous aviez vu juste : afin d’éviter que les riches s’établissent dans des pays privilégiés sous le rapport de la fiscalité, vous avez décidé de réduire tellement celle-ci qu’ils n’auraient plus envie de partir. Les dividendes ont bien doublé, de même que le patrimoine des ultrariches ; mais pour les Français, le bénéfice est de zéro ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    (Les amendements nos 2347, 2349 et 949, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Guiraud, pour soutenir l’amendement no 2351.

    M. David Guiraud

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    Collègue Labaronne, vous nous dites que notre programme se résume à des taxes. Nous sommes en train d’examiner la partie du budget consacrée aux recettes de l’État : de quoi parlerions-nous, si ce n’est de l’imposition ? Seulement, vous ne réagissez qu’aux mesures concernant les multinationales, les plus grands patrimoines ou les plus grandes fortunes ; je ne vous ai pas entendu une seule fois vous insurger contre celles qui portent sur les classes moyennes et populaires. La TVA, principale taxe de ce pays, rapportera la somme fantastique de 200 milliards : là, vous ne trouvez rien à redire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Carlos Martens Bilongo

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    Il a raison !

    Mme la présidente

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    Chers collègues, s’il vous plaît !

    M. David Guiraud

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    Une TVA à 0 % sur les produits de première nécessité, l’énergie, les premiers mètres cubes d’eau, ne vous tente pas ! Cessez donc de nous parler de notre prétendue folie en matière de taxes, alors que vous vous satisfaites de ce que la majeure partie des rentrées d’argent de l’État provient des classes moyennes et populaires. Cela, vous ne voulez surtout pas y toucher ! (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    Monsieur Guiraud, on ne saurait dire que vous avez soutenu l’amendement. Vous n’êtes certes pas le seul dans ce cas, mais je vous demanderai à tous de bien vouloir vous en tenir à l’examen des amendements, sans quoi les choses vont devenir compliquées à suivre.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Je vous dirais volontiers que cet amendement pourrait émaner du Gouvernement. Il vise en effet à rétablir temporairement le taux de l’IS à 33,3 % ; or l’article 11 du texte…

    M. Nicolas Sansu

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    Il a été rejeté !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    …prévoyait, deux années durant, un taux à peu près égal à celui que vous proposez pour les entreprises dont le chiffre d’affaires se situe entre 1 et 3 milliards, et 35 % pour celles qui dépassent ce plafond. Cela dit, je ne tenterai pas de faire preuve d’humour…

    M. René Pilato

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    Vous le tentez quand même !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    …et me bornerai à rappeler que la commission des finances a repoussé l’amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Véronique Louwagie.

    Mme Véronique Louwagie

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    Monsieur le président de la commission, vous avez mentionné d’une part les plans sociaux, d’autre part le fait que vous n’êtes pas d’accord avec nous au sujet de la proportion de l’investissement des entreprises comparée à celle de l’investissement public. Compte tenu de la compétition européenne et internationale, n’est-ce pas précisément le poids des impôts, charges et cotisations qui met nos entreprises en difficulté ?
    M. le ministre, je crois, a évoqué les taux d’imposition appliqués dans les autres pays. Le Portugal, où le taux de l’IS est actuellement de 21 %, réfléchit à l’abaisser à 17 % l’année prochaine, puis à 15 % en 2027. Or il s’agit d’un pays très proche du nôtre et il est très facile, pour les entreprises, de se déplacer. Je me demande comment nous pourrions vous convaincre que les entreprises sont capables de se déplacer et d’opérer des choix de gestion en bons pères de famille, en fonction des dispositions fiscales qui existent dans les autres pays.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Vous essayez, chers collègues mélenchonistes, de nous faire croire que la France est un paradis fiscal, alors que les chiffres sont têtus : nous avons le taux de prélèvements obligatoires –⁠ impôts et cotisations sociales – le plus élevé d’Europe. La pression fiscale globale est donc la plus élevée dans notre pays.
    Le paradoxe, c’est que ce budget met les entreprises à contribution, par le biais d’un impôt exceptionnel prévu pour deux ans –⁠ cela ne nous fait pas plaisir et nous le faisons à reculons !

    M. Nicolas Sansu

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    Cette mesure n’a pas été votée !

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Nous mettons également à contribution les personnes les plus riches, grâce à une imposition prévue pour deux ans également. Vous considérez que ce n’est pas suffisant : avec vous, ce n’est jamais assez ! Pour vous, l’impôt est une finalité et plus il y en a, plus vous êtes contents, plus vous applaudissez. Non ! Il y a aussi une limite !

    M. Gabriel Amard

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    Il y a aussi une limite à la réduction des services publics !

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Par conséquent, ne nous reprochez pas, alors que nous augmentons significativement la pression fiscale, de ne pas en faire assez. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP).

    M. Nicolas Sansu

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    Si vous étiez suffisamment nombreux, ce serait différent !

    (L’amendement no 2351 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 3210 et 2382, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Christine Arrighi, pour soutenir l’amendement no 3210.

    Mme Christine Arrighi

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    M. Cazeneuve sera ravi car il ne s’agit pas, pour une fois, d’une augmentation mais d’une diminution. Cet amendement vise à réaliser des économies, en supprimant des dépenses fiscales jugées inefficaces par l’IGF dans l’un de ses rapports. Elle estime, en effet, que le taux préférentiel de 10 % appliqué sur les revenus issus de la cession de brevets et d’inventions brevetables n’a pas produit ses effets et qu’un passage à un taux de 15 % –⁠ ce qui n’est pas complètement fou – permettrait de maintenir un régime fiscal incitatif pour la recherche et l’innovation, tout en renforçant la contribution des entreprises au financement des dépenses publiques.
    Par ailleurs, cet amendement prévoit de supprimer le tarif réduit appliqué aux carburants utilisés par les taxis, dans un objectif à la fois budgétaire et écologique. Les taxis n’étant pas soumis à la concurrence internationale, ils ne pourront pas se délocaliser. Ce tarif réduit ne poursuit donc pas un objectif de renforcement de la compétitivité du tissu économique français et constitue, en outre, une dépense fiscale brune.
    Nous proposons ainsi de réaliser une économie de 45 millions d’euros, à laquelle il convient d’ajouter les 200 millions générés par le relèvement du taux préférentiel évoqué précédemment, soit un total de 245 millions dès 2025. Nous en avons besoin, compte tenu des déficits et de la dette que vous nous laissez, à l’issue de votre politique du ruissellement.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 2382.

    M. Jean-François Coulomme

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    À voir la douleur insupportable qu’occasionne, dans les rangs macronistes, tout prélèvement sur les grosses entreprises et les superbénéfices, nous espérons que les sociétés du CAC40 vous ont équipés d’un mouchard de fonction, avant de venir sur ces bancs !
    Les entreprises du CAC40, qui réalisent des superbénéfices et que vous craignez de voir partir si nous les taxons, sont, pour la plupart, fondées sur des monopoles, comme Carrefour ou TotalEnergies. Il leur serait donc difficile de se carapater avec le butin, si jamais il était question de les taxer davantage.
    Enfin, si nous avions édicté une loi permettant de convertir toutes les aides que votre camp a octroyées aux entreprises pendant des années –⁠ les subventions, les allégements de charges, les bénéfices fiscaux – en parts d’entreprises, le peuple français serait actionnaire de la plupart des entreprises du CAC40 !
    Le présent amendement vise à pointer du doigt une pratique que nous avons observée dans de nombreux départements, selon laquelle des entreprises sont rachetées par des multinationales qui, ensuite, rejettent tous les actifs pour ne conserver que les brevets. C’est pourquoi nous voulons la taxer.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    L’amendement no 3210 comporte deux mesures : le relèvement de 10 % à 15 % du taux réduit applicable aux revenus issus de la cession ou de la concession des actifs incorporels, c’est-à-dire des brevets, d’une part, et la suppression de la détaxation dont bénéficient les taxis, d’autre part. Il est donc différent de l’amendement no 2382, qui ne propose que la première.
    La commission a émis un avis favorable au relèvement du taux de 10 % à 15 % ; à titre personnel, j’y suis également favorable. C’est pourquoi je vous invite, madame Arrighi, à vous rallier plutôt à l’amendement no 2382.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    J’ai du mal à comprendre, madame Arrighi, pourquoi vous avez entamé la défense de votre amendement en expliquant qu’il ne s’agissait pas d’une hausse d’impôt, alors que vous demandez un relèvement du taux.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Bien sûr !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Vous avez dit l’inverse. Il s’agit bien d’une hausse d’impôt, sur une thématique qui plus est importante pour l’attractivité de notre pays, à savoir l’innovation, la recherche et développement (R&D), et les brevets, que nous devons protéger plus que jamais. Vous le savez, la France n’est pas compétitive du fait de ses prix ; elle l’est plutôt hors coût, comme l’on dit, notamment grâce à l’innovation et à la recherche et développement. Je ne suis donc pas favorable à cette mesure.
    Par ailleurs, comme l’a évoqué le rapporteur général, l’amendement no 3210 est différent du no 2382 puisque, outre la patent box, il vise aussi les taxis. Ces deux objectifs, défendus simultanément, sont très différents. Avis défavorables sur ces deux amendements.

    Mme Christine Arrighi

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    Il s’agit pourtant d’une proposition de l’IGF. Ce ne sont pas des écoterroristes !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    J’écoute attentivement toutes les propositions que vous formulez. S’il existait un prix de l’innovation en matière de taxation, je suis sûre que vous le gagneriez ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Et pas seulement au niveau français –⁠ plutôt au niveau européen, voire mondial !
    Plus sérieusement, l’amendement no 2382 de M. Le Coq, présenté par M. Coulomme, traduit de sa part une méconnaissance totale du système économique.

    M. Pierre Cazeneuve

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    Bien sûr !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Vous avez cité de grands groupes français. Personnellement, j’en suis fière, ce qui n’est apparemment pas votre cas. Derrière ces grosses entreprises, il y a des emplois. Et vous semblez oublier une réalité évidente : même si ces entreprises maintiennent des infrastructures de production sur le territoire français, elles peuvent très bien délocaliser leur siège social ou créer des holdings pour transférer tous leurs bénéfices. Votre vision traduit donc une méconnaissance du système économique dans lequel nous vivons, celui de la concurrence internationale –⁠ Véronique Louwagie l’a rappelé. Votre folie de la taxation risque d’affoler tout le monde ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Christine Arrighi.

    Mme Christine Arrighi

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    J’ai lu attentivement le rapport de l’IGF, commandé par le précédent gouvernement, qui formule des propositions sur la base d’études, de calculs et d’auditions très précis, concernant l’utilité ou non de certains dispositifs. Or, s’agissant de la patent box, l’IGF –⁠ ce ne sont pas des écoterroristes ! – estime que ce dispositif n’a pas produit ses effets et préconise que le taux soit relevé de 10 % à 15 %. Maintenant, si vous remettez en cause les administrations qui sont au service du gouvernement auquel vous participez, nous avons quelques problèmes ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des finances.

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Permettez-moi de répondre à Mme Dalloz, qui évoque l’ingéniosité dont nous faisons preuve pour taxer. Il faut surtout beaucoup d’ingéniosité pour revenir sur le nombre de niches fiscales et d’exonérations que vous avez accordées depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.) Il y a 90 milliards à 100 milliards d’euros de niches fiscales en France, dont la plupart concernent les entreprises ; sans parler des 70 milliards à 80 milliards d’allégements de charges. La France est donc championne d’Europe des aides aux entreprises !

    M. Éric Woerth

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    Si on les taxait moins, il y aurait moins besoin d’aides !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Nous pourrions, alors que nous cherchons des pistes d’économies, remettre à plat l’ensemble des dispositifs existants et déterminer s’ils répondent ou non à l’objectif qui leur est assigné. En l’occurrence, ce qui est pointé, y compris par l’IGF, c’est le fait qu’il existe, en plus du crédit d’impôt recherche (CIR), des taxes qui permettent d’avantager les entreprises en matière d’innovation. Il est possible que certains dispositifs fassent doublon avec d’autres et nous devons y réfléchir. Je vois Mme Louwagie opiner du chef.

    Mme Véronique Louwagie

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    Non. Je vous écoute !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Laissez-moi vous expliquer pourquoi vous opinez du chef : vous avez été corapporteure d’une mission d’information sur la simplification, visant aussi à identifier les doublons. Il est tout de même curieux qu’une simplification ne soit jamais évoquée, celle qui concerne les cadeaux faits aux entreprises, en particulier aux plus grandes d’entre elles !
    Visiblement, selon des documents officiels, la patent box n’atteint pas la cible voulue. Il y a donc, peut-être, des pistes d’économies à suivre.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Si vous voulez moins de niches fiscales, baissez les impôts !

    M. Éric Coquerel, président de la commission des finances

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    Mais non !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Les niches fiscales sont des soupapes, qui permettent aux entreprises de ne pas considérer la France comme un enfer fiscal –⁠ ce fut le cas pendant très longtemps. La baisse de l’impôt sur les sociétés a permis à notre pays d’atteindre un niveau d’attractivité à peu près standard, par rapport à d’autres pays. Le PLF prévoit déjà une contribution exceptionnelle et temporaire, parce que nous en avons besoin pour redresser les finances publiques. Néanmoins, il n’est pas question d’opérer un virage à 180 degrés par rapport à ce qui a marché dans ce pays –⁠ j’y insiste.
    Vous soulignez, madame Arrighi, que votre amendement se fonde sur un rapport de l’IGF. Ses rapports sont excellents ; il n’y a pas de problème. Néanmoins, on ne peut pas vouloir d’un côté que le pouvoir politique –⁠ notamment le Parlement – soit renforcé et nous reprocher, de l’autre côté, de ne pas appliquer un rapport d’inspection stricto sensu !

    Mme Christine Arrighi

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    Je n’ai pas tout repris non plus du rapport de l’IGF !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je ne dis pas que le rapport de l’IGF est absurde ; j’explique simplement que ce n’est pas le choix du Gouvernement de suivre cette recommandation.

    (Les amendements nos 3210 et 2382, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Midy, pour soutenir l’amendement no 3313.

    M. Paul Midy

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    Il porte également sur la patent box, dont nous discutons depuis quelques amendements. Cette niche fiscale, qui part de bonnes intentions, coûte 900 millions par an. Je le considère donc comme un amendement de gage. Favoriser l’innovation est une bonne chose –⁠ et vous m’avez souvent entendu évoquer ce sujet dans l’hémicycle. Néanmoins, deux dispositifs sont menacés de suppression dans le projet de budget, à savoir le dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI) et celui du crédit d’impôt innovation (CII). Je suis certain que ces deux dispositifs sont plus efficaces que la patent box. C’est pourquoi, par cet amendement, je propose de plafonner cet avantage fiscal à 20 millions d’euros, ce qui permet, au contraire des amendements précédents qui en modifiaient le pourcentage, de focaliser l’effort sur une douzaine de grands groupes, plutôt que de toucher l’entièreté des entreprises innovantes. Cette disposition permettra de récupérer 300 millions d’euros et de financer des dispositifs qui soutiennent les jeunes entreprises innovantes.

    Mme Véronique Louwagie

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    Madame Arrighi, vous allez le voter, celui-là !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission des finances a adopté cet amendement. Néanmoins, elle n’avait pas examiné les amendements proposant de relever le taux réduit applicable aux cessions de brevets. Il faudrait faire soit l’un soit l’autre. Dans la mesure où les amendements précédents n’ont pas été adoptés, j’émets un avis favorable sur celui-ci.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je m’en tiens à un avis défavorable, même si je comprends votre objectif : vous voulez, avec cet amendement, compenser le coût de vos propositions en matière de JEI. Toutefois, il faut faire attention à maintenir l’effet positif en matière de compétitivité et d’attractivité de la patent box.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Eh oui !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Il faut s’assurer aussi que les dépenses sont bien effectuées en France. Néanmoins, je ne pense pas qu’il faille raboter ou plafonner ce dispositif. Nous aurons l’occasion d’en reparler dans les prochains jours, lorsque nous examinerons vos amendements relatifs au JEI. C’est pourquoi, à ce stade, j’émets un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Midy.

    M. Paul Midy

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    Si M. le ministre m’assure, en séance, que les dispositifs JEI et CII sont bien maintenus, je serai ravi, évidemment, de retirer cet amendement.

    M. Philippe Brun

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    Nous sommes prêts à le reprendre !

    Mme la présidente

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    L’amendement n’a pas été retiré !
    Je mets aux voix l’amendement no 3313.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        161
            Nombre de suffrages exprimés                153
            Majorité absolue                        77
                    Pour l’adoption                70
                    Contre                83

    (L’amendement no 3313 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 2334 de M. le président de la commission des finances est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission a voté contre cet amendement. Avis défavorable.

    (L’amendement no 2334, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei, pour soutenir l’amendement no 3607.

    M. Jean-Paul Mattei

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    Le groupe Les Démocrates défend cet amendement depuis longtemps. Nous avions obtenu que le taux d’IS à 15 % –⁠ le taux réduit pour les petites entreprises – s’applique jusqu’à un bénéfice imposable de 42 500 euros. L’amendement vise à relever ce plafond à 60 000 euros.
    La loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante incite les entrepreneurs individuels à se constituer en société et à organiser la participation. La baisse du plafond inciterait les petits entrepreneurs à se constituer en société ou à opter pour l’IS. Cette mesure remplit également un objectif de justice fiscale entre les petites et les grandes entreprises –⁠ on a souvent dit que les secondes étaient favorisées par rapport aux premières. Cette mesure a un coût, mais nous devons dépasser la logique de silo et tenir compte de ses effets sur les créations d’entreprises et le développement des entreprises.

    M. Christophe Blanchet

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    Très bien ! Bravo !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    M. Mattei a eu raison de le souligner, lorsque le taux normal de l’IS a été abaissé de 33,3 % à 25 %, le taux réduit de 15 % est demeuré inchangé. L’amendement ne joue pas sur le taux mais sur le plafond –⁠ il vise, je le rappelle, à le relever de 42 500 à 60 000 euros. D’après les chiffres qui nous ont été communiqués, le coût de cet amendement s’élève à 1 milliard, ce qui est élevé. La commission des finances l’a repoussé.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je comprends bien la logique de l’amendement. Au lendemain de la crise du covid, nous avions porté à 10 millions le montant du chiffre d’affaires rendant éligible au taux réduit d’IS de 15 %, ce qui avait mécaniquement modifié le montant de revenu imposable. Le rapporteur général l’a souligné, dans le contexte de resserrement de nos finances publiques, nous ne pouvons pas nous permettre d’abaisser le taux réduit d’IS. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Brun.

    M. Philippe Brun

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    Nous avons déposé un amendement similaire à celui de notre collègue Mattei, le no 2607, qui sera examiné par la suite et qui relève le plafond à 100 000 euros. C’est un vrai sujet. M. Jean-Paul Mattei et M. Charles de Courson l’ont rappelé, quand le taux d’IS a été abaissé de 33 % à 25 %, le taux réduit de 15 % pour les PME est resté inchangé. Depuis de nombreuses années, le groupe Socialistes et apparentés est favorable à un relèvement du plafond d’éligibilité de ce taux réduit afin d’aider nos PME –⁠ l’amendement no 2607 reprend un amendement de notre ancienne collègue Valérie Rabault. Il n’est pas normal que le taux facial d’imposition pour les grands groupes soit inférieur à celui qui s’applique aux PME. Augmenter le plafond comme tend à le faire l’amendement de M. Mattei va dans le bon sens. Nous voterons pour cet amendement et nous proposerons même d’aller plus loin avec l’amendement no 2607.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 3607.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        164
            Nombre de suffrages exprimés                164
            Majorité absolue                        83
                    Pour l’adoption                71
                    Contre                93

    (L’amendement no 3607 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir l’amendement no 2630.

    M. Philippe Brun

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    Il concerne la fameuse niche dite Copé qui permet aux holdings de bénéficier d’un taux préférentiel sur les plus-values à long terme tirées de cessions de titres de sociétés. L’amendement vise à créer deux tranches dans cette niche et à augmenter le taux pour la tranche supérieure. Nous proposons de maintenir le taux de la quote-part pour frais et charges financières devant être intégrée dans le résultat fiscal à 40 % du montant brut des plus-values de cession en deçà de 1 million d’euros, et de le fixer à 20 % au-delà de 1 million à compter de l’exercice 2025.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission a rejeté cet amendement qui vise à augmenter la quote-part pour frais et charges financières applicable en cas de cession de titres de participation détenus à long terme, connue sous le nom de niche Copé, pour les raisons suivantes. D’abord, malgré son nom, ce dispositif n’est pas à proprement parler une niche fiscale. Il permet simplement d’éviter la double imposition des fonds propres investis. Il est le pendant du régime mère-fille qui vise à éviter la double imposition des remontées de dividendes. Ensuite, augmenter le taux de la quote-part induirait un biais fiscal important en faveur des dividendes. Une société mère pourrait être tentée de distribuer les bénéfices de ses filiales en versant des dividendes plutôt qu’en réalisant une plus-value. Enfin, la majorité des pays de l’OCDE disposant d’un régime similaire, le supprimer ferait de nouveau de la France une exception dans un sens défavorable à nos entreprises. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Nous avons ce débat sur la niche Copé depuis de très nombreuses années. Les titres sont très mobiles. Nous le répétons chaque année, cette mesure aurait pour effet immédiat de vider les sociétés avant cession pour rendre le produit le plus faible possible. Une telle mesure serait très facile à contourner légalement dans le cadre du droit existant. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

    M. Jean-Paul Mattei

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    Nous avons abordé ce sujet à plusieurs reprises. Une société qui cède des titres de participation n’est taxée qu’à 3 % tandis qu’une société qui cède des actifs –⁠ que ce soit des actifs immobiliers ou des actifs incorporels – paie l’IS sur la plus-value qu’elle réalise. La niche Copé, je le rappelle, ne taxe que les plus-values réalisées.

    M. Aurélien Rousseau

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    Il a raison !

    M. Jean-Paul Mattei

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    Porter le taux d’imposition de 3 à 4 % ne me semble pas constituer un effort extraordinaire, mais nous manquons de vision globale –⁠ c’est toute la limite de procéder par le biais d’amendements qui manquent de cohérence, même les nôtres, j’en conviens. Pourrions-nous enfin nous poser les bonnes questions ? Les titres de participation ne s’amortissent pas. Je le répète, la niche Copé ne porte que sur la plus-value et non sur la valeur. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

    (L’amendement no 2630 est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Brun, pour soutenir l’amendement no 2607.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Il l’a déjà défendu !

    M. Philippe Brun

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    Il repose sur la même logique que l’amendement de Jean-Paul Mattei relatif aux PME. Je vous rappelle le principe : étendre le bénéfice du taux réduit d’IS pour les PME en portant à 100 000 euros le plafond qui est aujourd’hui de 42 500 euros, afin de réduire la charge fiscale pour les PME. Je le répète, elles sont beaucoup plus exposées à l’imposition sur les bénéfices que les grandes entreprises. Le taux d’impôt sur les sociétés effectivement payé par les entreprises s’établit à 39,5 % pour les PME contre 18,6 % pour les grandes entreprises. Augmenter le plafond d’éligibilité du taux réduit d’IS pour les PME aiderait ces entreprises à se développer et rétablirait la justice fiscale.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission a rejeté cet amendement, tout d’abord en raison de son coût –⁠ 2,8 milliards. Il fait plus que doubler le montant des bénéfices éligibles, il est donc très coûteux. Ensuite, vous citez un écart de taux implicite entre les PME et les grandes entreprises, mais ces chiffres datent de 2007. Le président de la commission et l’ancien rapporteur général les ont actualisés. L’écart s’est significativement réduit : ce taux s’élève à 19,9 % pour les PME et à 17,1 % pour les grandes entreprises. Quant au taux réduit d’IS pour les PME, il a été doublement assoupli récemment : la loi de finances pour 2021 a étendu le champ des PME éligibles à celles dont le chiffre d’affaires est inférieur à 10 millions, contre 7,6 millions auparavant, et la loi de finances pour 2023 a porté de 38 120 à 42 500 la limite des bénéfices imposés au taux réduit.

    (L’amendement no 2607, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Laurent Alexandre, pour soutenir les amendements nos 2015 et 2377, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Laurent Alexandre

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    Nous devons « désmicardiser » la France : ce sont les mots prononcés par le Premier ministre Gabriel Attal il y a quelques mois à la tribune de cette assemblée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) J’espère donc que cet amendement du groupe LFI-NFP, dont c’est précisément l’objet, fera l’objet d’un consensus. Il vise à inciter les très grandes entreprises à relever les petits salaires. Le taux normal de l’impôt sur les sociétés serait majoré de 10 % pour les entreprises pour lesquelles la rémunération des dirigeants est supérieure à vingt fois le salaire le plus faible versé dans l’entreprise. Dans notre pays, 17,3 % des salariés touchent le Smic et ce nombre augmente car les entreprises bénéficient de la baisse des cotisations sociales sur les bas salaires. Ainsi, alors qu’un assistant de vente chez TotalEnergies reste bloqué à environ 1 600 euros, Patrick Pouyanné a touché 7,3 millions d’euros en 2022, soit près de 450 Smic. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Une députée du groupe EPR

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    Cela avait bien commencé pourtant !

    M. Laurent Alexandre

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    Instaurer un écart maximal de rémunération dans l’entreprise est un premier pas utile. Inciter les entreprises qui touchent de l’argent public à augmenter les bas salaires enclencherait un cercle vertueux. Rehausser les bas salaires permettrait aux travailleurs de mieux vivre de leur travail et favoriserait la consommation populaire, l’activité économique et, in fine, les recettes fiscales. Les finances des Français et celles de l’État ne peuvent qu’y gagner. Adoptons cet amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission a rejeté ces amendements pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les rémunérations excessives sont déjà encadrées dans le droit fiscal grâce aux limites en matière de charges déductibles –⁠ au-delà d’un certain seuil, les charges ne le sont plus. Ensuite, cette mesure créerait une rupture d’égalité entre les entreprises sans rapport avec l’objet de l’impôt sur les sociétés, qui est de taxer les bénéfices. L’impôt ne peut pas être utilisé comme une sanction –⁠ il ne doit pas être confondu avec une amende. Enfin, il serait très facile pour les dirigeants de contourner une telle disposition si elle était adoptée : il leur suffirait de se faire rémunérer par les filiales de l’autre groupe ou sous d’autres formes que le salaire. Avis défavorable.

    (Les amendements nos 2015 et 2377, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Les amendements nos 2302 et 2386 de Mme Marianne Maximi et l’amendement no 1527 de M. Anthony Boulogne sont défendus.

    (Les amendements nos 2302, 2386 et 1527, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 3294, 3433 et 3582.
    Les amendements nos 3294 de M. Emmanuel Maurel et 3433 de Mme Sophie Taillé-Polian sont défendus.
    La parole est à M. Christophe Marion, pour soutenir l’amendement no 3582.

    M. Christophe Marion

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    Il s’agit de prolonger jusqu’au 31 décembre 2026 le crédit d’impôt de 10 % applicable aux dépenses liées à l’adaptation audiovisuelle de spectacles. En effet, l’article 220 sexies du code général des impôts prévoit l’extinction de ce crédit d’impôt spécifique au 31 décembre 2024. Il a pourtant montré toute son efficacité : créé en 2021, il a permis de relancer la production audiovisuelle de spectacle vivant, qui avait significativement diminué les années précédentes. Ainsi, le volume de production en 2023 s’élevait à 776 heures, contre seulement 693 en 2019. Cette augmentation de la production a de surcroît contribué à donner une résonance nationale, voire internationale, à de grands événements culturels français, notamment le Festival interceltique de Lorient, le Festival d’Avignon et le Hellfest de Clisson. Enfin, les productions audiovisuelles de spectacle vivant permettent aux habitants des communes rurales d’avoir accès à l’opéra ou aux ballets. Il me semble donc nécessaire de prolonger ce crédit d’impôt.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission a voté contre cet amendement car ce crédit d’impôt, né dans le contexte de la crise sanitaire, a vocation à être temporaire ; c’est pourquoi il s’éteint à la fin de cette année. De plus, d’autres dispositifs soutiennent déjà la production d’images de spectacle vivant. Pour les concerts, le crédit d’impôt en faveur de la production phonographique et le crédit d’impôt pour le spectacle vivant musical prennent en charge les dépenses de réalisation d’images ; pour le théâtre, le crédit d’impôt en faveur des représentations théâtrales d’œuvres dramatiques les couvre également.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Il faut savoir ne pas proroger une dépense fiscale destinée à la relance de l’activité.

    M. Aurélien Rousseau

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    Derrière chaque niche, il y a un chien !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    En outre, quand il existe des dispositifs qui aident directement une filière et ses acteurs –⁠ c’est le cas du secteur dont nous parlons, comme l’a rappelé le rapporteur général –, on peut plus facilement les piloter et la prorogation du crédit d’impôt ne se justifie pas. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 3294, 3433 et 3582.

    (Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        173
            Nombre de suffrages exprimés                172
            Majorité absolue                        87
                    Pour l’adoption                76
                    Contre                96

    (Les amendements identiques nos 3294, 3433 et 3582 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Steevy Gustave, pour soutenir l’amendement no 3030.

    M. Steevy Gustave

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    Il vise à porter à 40 %, au lieu de 20 %, le taux de crédit d’impôt pour les productions cinématographiques et audiovisuelles qui sont réalisées dans les outre-mer. D’après le rapport d’information sur la production audiovisuelle dans les outre-mer rédigé par les députés Stéphane Claireaux et Maina Sage en 2019, ces productions font face à des surcoûts de l’ordre de 20 % pour les territoires des océans Atlantique et Indien et de 30 % pour les collectivités du Pacifique. Il convient d’atténuer ces surcoûts.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission des finances a rejeté cet amendement pour deux raisons. Tout d’abord, il propose une hausse de 10, voire de 20 points du taux de crédit d’impôt pour les films réalisés en outre-mer. Le coût total du crédit d’impôt audiovisuel s’élève déjà à 140 millions, et son taux de 20 % est majoré à 25 %, voire 30 %, pour certaines offres. De plus, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) propose, en parallèle, des aides sélectives pour les œuvres qui présentent un intérêt culturel pour les départements d’outre-mer.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Des aides sont déjà consacrées aux territoires ultramarins dans ce secteur. Pour des raisons de finances publiques que vous comprendrez aisément, l’avis du Gouvernement sera défavorable chaque fois que vous proposerez d’augmenter le taux du crédit d’impôt ou de le proroger quand il existe des aides directes qui soutiennent la filière. Toutes mes réponses seront fondées sur ce principe. C’est donc un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Steevy Gustave.

    M. Steevy Gustave

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    Il est vrai que le CNC propose des aides sélectives pour les œuvres cinématographiques intéressant les cultures d’outre-mer, mais ni les œuvres destinées à une première diffusion télévisuelle, ni les œuvres non encore agréées ne sont éligibles. Cet amendement comblerait ce manque. Il serait temps d’agir pour l’outre-mer !

    (L’amendement no 3030 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement n° 3044, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Denis Masséglia, pour soutenir l’amendement no 1715.

    M. Denis Masséglia

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    La France est un grand pays d’animation, dont les écoles dans ce domaine comptent parmi les meilleures du monde. Toutefois, la réalisation des films d’animation en France n’est pas toujours attractive, parce que les dispositifs de soutien ne sont pas à la hauteur des moyens nécessaires pour réaliser des films à fort coût de production. Nous proposons donc d’aligner le plafond du crédit d’impôt audiovisuel pour les œuvres d’animation sur celui en vigueur pour les œuvres de fiction, c’est-à-dire de le passer de 3 000 à 10 000 euros par minute produite et livrée.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission a voté contre cet amendement. Il propose de tripler le plafond du crédit d’impôt pour les œuvres d’animation, en le portant à 10 000 euros par minute produite et livrée, ce qui est bien supérieur au montant qui s’applique à une partie des œuvres de fiction. Rappelons que le coût total de ce crédit d’impôt s’élève déjà à 140 millions. De plus, les aides versées par le CNC représentent plus de 400 millions d’euros, constitués aux trois quarts d’aides automatiques. La Cour des comptes recommande d’ailleurs, au vu de la dynamique de ces dépenses, de mener une évaluation du crédit d’impôt audiovisuel. Enfin, cette niche a été créée lorsque le taux d’IS s’élevait à 33,3 % ; il a depuis été ramené à 25 %.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Même avis, pour les mêmes raisons.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Denis Masséglia.

    M. Denis Masséglia

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    Monsieur le rapporteur général, le coût de 140 millions d’euros englobe-t-il la totalité du crédit d’impôt audiovisuel ou seulement les œuvres d’animation ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur général.

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Ce montant représente le coût total du crédit d’impôt. Je vous communiquerai plus tard le coût afférent aux seules œuvres d’animation.

    (L’amendement no 1715 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Buisson, pour soutenir l’amendement no 3044.

    M. Jérôme Buisson

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    Notre système fiscal est truffé de réductions et de crédits d’impôt en tous genres, de l’immobilier aux services à la personne en passant par les œuvres d’art ou la presse. Ces dispositifs peuvent être utiles, mais représentent un coût et concourent à la complexité d’un système que les Français ne comprennent plus.
    Cet amendement propose de supprimer le crédit d’impôt dont bénéficient les entreprises pour la mise à disposition d’une flotte de vélos à leurs employés. Si le coût du dispositif est modeste, son calibrage n’est pas satisfaisant, car il favorise les moyennes et grandes structures et exclut de facto les entreprises présentes dans la ruralité. Je vous propose donc de mettre la pédale douce (Sourires) sur les niches fiscales, en supprimant ce crédit d’impôt –⁠ mesure cohérente d’ailleurs avec la suppression des fonds alloués au plan Vélo pour la construction de pistes cyclables. Vous conviendrez qu’avec moins de pistes cyclables, nous avons besoin de moins de vélos ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN. –⁠ Exclamations sur divers bancs.)

    M. Maxime Laisney

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    Retour vers le futur !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission a voté contre cet amendement parce que ce crédit d’impôt est utilisé actuellement par un peu plus d’un millier d’entreprises et que rien ne permet d’affirmer que seules les plus grandes entreprises y ont recours. Nous l’avons prorogé l’an dernier jusqu’en 2027, selon notre règle des trois ans. Attendons de l’évaluer avant de juger de l’opportunité de le conserver ou de le supprimer.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 3044, sur lequel le Gouvernement a émis un avis défavorable.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        188
            Nombre de suffrages exprimés                187
            Majorité absolue                        94
                    Pour l’adoption                67
                    Contre                120

    (L’amendement no 3044 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l’amendement no 1368.

    M. Mickaël Bouloux

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    Cet amendement pro-vélo (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) vise à clarifier le dispositif de réduction fiscale pour les entreprises qui mettent à disposition de leurs salariés une flotte de vélos. Actuellement, les termes « mise à disposition gratuite » et « déplacements entre leur domicile et le lieu de travail » prêtent à confusion pour les employeurs. Le vélo pouvant être utilisé en dehors des trajets domicile-travail, sa mise à disposition constitue un avantage en nature, mais l’Urssaf a précisé qu’elle constituait une exception favorable aux entreprises en n’étant pas soumise à cotisations sociales.
    C’est pourquoi l’amendement précise aussi les montants défiscalisés par l’État, pour rassurer les employeurs face aux ambiguïtés juridiques actuelles et encourager l’utilisation du vélo, mode de transport décarboné répondant aux enjeux de santé publique, de pouvoir d’achat et de transition écologique –⁠ n’en déplaise à nos collègues là-bas ! (L’orateur désigne les bancs du groupe RN.) Cet amendement a pour unique but la clarification d’une mesure déjà existante, sans impact sur les dépenses de l’État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission des finances a voté contre cet amendement pour les mêmes raisons que celles que j’ai exposées au sujet de l’amendement précédent.

    (L’amendement no 1368, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Denis Masséglia, pour soutenir l’amendement no 3287.

    M. Denis Masséglia

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    Ce matin, dans le cadre de l’examen de la seconde partie du PLF, la commission des finances a abordé le sujet de l’accompagnement de l’industrie du jeu vidéo. Plusieurs amendements ont été déposés et j’ai évoqué celui que je soutiens en cet instant, lequel vise à proroger le crédit d’impôt jeux vidéo, borné à 2026, jusqu’en 2031. Ce dispositif bénéficie à toutes les entreprises du jeu vidéo, même les petits studios. L’amendement vise à envoyer un message fort : nous voulons préserver l’industrie du jeu vidéo en France et lui donner une visibilité à long terme pour que le secteur puisse investir et pérenniser des emplois sur le territoire. Voter en faveur de cet amendement, c’est assurer le secteur du jeu vidéo du soutien de la représentation nationale dans un moment difficile. (Mme Constance Le Grip applaudit.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Cet amendement vise à proroger jusqu’en 2031 le crédit d’impôt jeux vidéo. Dans la loi de finances pour 2024, nous l’avons borné à 2026 car il ne l’était pas jusqu’à présent. Un horizon aussi lointain que 2031 annulerait les effets du bornage et serait incohérent avec notre règle des trois ans. Le cas échéant, nous aurons le temps de proroger cette dépense d’ici à 2026. La commission a donc rejeté cet amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    L’industrie du jeu vidéo est un secteur d’activité qui dépend beaucoup de cette dépense fiscale. Contrairement à d’autres secteurs évoqués dans les amendements précédents, aucune aide directe d’État ne permet de suppléer à ce crédit d’impôt –⁠ pas à un niveau suffisant en tout cas. C’est pourquoi il convient de le sécuriser. Il est vrai que le bornage à 2026 a pris soin de sécuriser les investissements qui s’étalent au-delà de cette date et que l’année 2031 semble un horizon lointain s’agissant de la prorogation d’un crédit d’impôt. Cela dit, il s’agit d’un secteur d’activité d’excellence, qui a besoin d’investissements dans la durée. Si la prorogation permet de sécuriser ses investissements et de lui apporter des garanties durables, je donne à votre amendement un avis favorable.

    Mme Constance Le Grip

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Denis Masséglia.

    M. Denis Masséglia

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    Je remercie M. le ministre pour ses propos et son soutien à la filière française du jeu vidéo. Ma proposition fait suite au Printemps de l’évaluation 2024. Plusieurs études ont confirmé le bien-fondé et l’efficacité du crédit d’impôt jeux vidéo, qui n’est pas né sur un coin de table, mais constitue le résultat d’un travail de longue haleine, mené en collaboration avec l’ensemble des entreprises du secteur et des administrations qui accompagnent le jeu vidéo en France.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Le groupe Rassemblement national soutiendra l’amendement, car il nous semble que l’industrie du jeu vidéo, qui vit une période difficile, a besoin d’une vision de long terme. Je comprends l’argument du rapporteur général, mais je crains qu’en attendant l’an prochain, nous conduisions nombre de sociétés à désinvestir ou à renoncer à des projets de longue durée. Dans l’intérêt général, nous voterons donc l’amendement.

    (L’amendement no 3287, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Denis Masséglia, pour soutenir l’amendement no 1719.

    M. Denis Masséglia

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    J’ai retiré plusieurs amendements que j’avais déposés, car il nous faut accélérer pour terminer les débats cette semaine. Il ne me reste que celui-ci, qui vise à ce que les entreprises puissent inclure dans l’assiette du crédit d’impôt jeux vidéo les dépenses engagées en amont du dépôt de dossier auprès du CNC. Cela dit, je vais le retirer également, car nous devons avancer. Je suis très reconnaissant au Gouvernement et à l’Assemblée nationale d’avoir prorogé ce crédit d’impôt.

    (L’amendement no 1719 est retiré.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 1528 de M. Anthony Boulogne est défendu.

    (L’amendement no 1528, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. René Lioret, pour soutenir l’amendement no 1136.

    M. René Lioret

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    Il vise à supprimer le crédit d’impôt pour dépenses de production de spectacles vivants. Rassurez-vous, ce n’est pas une attaque contre la culture ! (Sourires.)

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Cela se saurait !

    M. René Lioret

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    Simplement, il est évident que l’État subventionne tout et n’importe quoi, y compris des spectacles qui peinent à trouver leur public. Ce crédit représente 30 à 40 millions d’euros par an. Puisque nous cherchons des économies, il me semble que nous pouvons voter cet amendement.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission des finances a repoussé cet amendement. Le crédit d’impôt pour dépenses de production de spectacles vivants concerne majoritairement des PME, dont 86 % réalisent moins de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires. Son bilan est globalement positif ; il soutient correctement la filière musicale.

    M. Aurélien Rousseau

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    Très bien !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Enfin, ses paramètres ont été ajustés en 2019 pour tenir compte de recommandations formulées par l’Inspection générale des finances.

    (L’amendement no 1136, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    L’amendement no 2699 de Mme Fatiha Keloua Hachi est défendu.

    (L’amendement no 2699, accepté par la commission, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de cinq amendements, nos 1753, 2551, 3374, 2428 et 3611, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 1753, 2551 et 3374 sont identiques.
    L’amendement no 1753 de M. Christian Baptiste est défendu.
    La parole est à M. Jean-François Coulomme, pour soutenir l’amendement no 2551.

    M. Jean-François Coulomme

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    Cet amendement commun à nos groupes, issu du programme du Nouveau Front populaire, pointe l’un des scandales fiscaux des récentes années : la manière dont l’argent du contribuable a été dépensé par brouettes entières dans le crédit d’impôt recherche. Nous ne sommes pas opposés au principe de ce dispositif, qui vise à inciter à la recherche, mais même en l’absence de rapport d’évaluation à ce sujet, nous observons qu’il a profité à de très grosses entreprises comme Sanofi, qui a touché 150 millions d’euros par an depuis dix ans –⁠ soit 1,5 milliard au total – au titre du CIR, pour de très faibles résultats. J’en veux pour exemple l’affaire de la Dépakine, dont il n’y a pas lieu d’être fier. Cinquante entreprises captent pratiquement la moitié des 7,5 milliards que l’État dépense chaque année en crédit d’impôt recherche.
    Nous ne cherchons pas à démonter complètement le dispositif, mais à en adapter le seuil d’éligibilité et le périmètre pour qu’il soit réellement efficace.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 3374.

    Mme Eva Sas

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    Il vise le crédit d’impôt recherche, c’est-à-dire la plus grosse niche fiscale du budget de la nation, qui a coûté à l’État 7,2 milliards d’euros en 2023 et devrait lui coûter 7,7 milliards en 2024. Le CIR est certes utile, mais son montant est bien trop élevé. De tels cadeaux fiscaux devraient nous alarmer étant donné l’état des finances publiques et l’effort qui nous est demandé à tous.
    Le CIR rejoint la longue liste des dispositifs qui déversent de l’argent public sur les entreprises et dont les critères d’éligibilité sont faibles ou peu contrôlés –⁠ moins de 5 % par an des bénéficiaires font l’objet de contrôles. Il présente également une défaillance : loin de soutenir le développement des PME et des TPE, il est accaparé par les plus grosses entreprises. Les cinquante plus gros consommateurs du CIR représentent 43 % du montant de cette niche fiscale, alors que 28 800 entreprises y ont recours. Les cinquante plus gros bénéficiaires ne représentent donc que 0,17 % des entreprises concernées.
    Enfin, le CIR est une aubaine fiscale pour les entreprises, car il accorde à ses bénéficiaires réguliers et bien dotés une baisse d’environ 20 % de leur taux implicite d’imposition. Nous souhaitons donc recentrer ce crédit d’impôt sur les TPE et PME en abaissant à 50 millions d’euros le plafond du taux à 30 %.

    Mme la présidente

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    L’amendement no 2428 de M. David Guiraud est défendu.
    La parole est à M. Christophe Blanchet, pour soutenir l’amendement no 3611.

    M. Christophe Blanchet

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    Il vise, d’une part, à recentrer l’avantage fiscal du CIR sur les PME et les entreprises à taille intermédiaire (ETI) et, d’autre part, à calculer son montant au niveau du groupe et non plus au niveau des filiales. Cette mesure permettrait à l’État d’économiser 500 millions d’euros.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission des finances a voté contre tous ces amendements. Ils soulèvent toutefois un vrai problème : où va le crédit d’impôt recherche ?
    Les trois amendements identiques visent à plafonner son montant à 50 millions d’euros par bénéficiaire et à calculer ce plafond au niveau du groupe. S’ils étaient votés, des filiales dépensant 20 millions en recherche se trouveraient éligibles dès lors qu’elles ne sont pas fiscalement intégrées à un groupe, alors qu’un groupe unique fiscalement intégré et consentant les mêmes dépenses serait exclu du CIR ou soumis au plafonnement. Cette différence est problématique.
    Les amendements nos 2428 et 3611 reprennent une vieille idée dont nous débattons régulièrement depuis des années : déplacer le calcul du seuil au niveau des comptes consolidés du groupe.

    M. Christophe Blanchet

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    Oui !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Il faut en mesurer les conséquences. Les ayant étudiées en commission, nous avons conclu qu’un tel changement pénaliserait les secteurs aéronautique, pharmaceutique et automobile, qui font partie des fleurons de l’industrie française. C’est pourquoi notre assemblée n’a jamais adopté cette mesure.
    Je pense qu’il serait plus prudent de travailler sur l’assiette du CIR, voire de créer un taux intermédiaire entre le taux de 30 % et celui de 5 %. Ces pistes pourraient être intéressantes.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Même avis. Je vous invite à la prudence s’agissant du crédit d’impôt recherche, car il constitue un facteur majeur d’attractivité pour les centres français de recherche et développement. Ce dispositif est connu, existe depuis longtemps et est employé à bon escient. Je rappelle que le CIR n’est jamais accordé pour rien, car ce crédit d’impôt fait toujours suite à une dépense réelle de R&D, notamment liée à la rémunération de personnel scientifique.
    Se pose ensuite la question de la taille des entreprises bénéficiaires. Faut-il concentrer les dépenses du CIR sur les TPE et PME, comme c’était le cas avant 2008, ou faut-il continuer à y inclure les grands comptes ? Je comprends que cela fasse débat, car les dépenses liées aux grands comptes sont beaucoup plus importantes, ce qui s’explique par les dépenses plus élevées des entreprises en question. J’appelle toutefois votre attention sur le risque non négligeable de délocalisation de nos centres de recherche et développement et sur les pertes d’emploi que subiraient alors les ingénieurs et chercheurs français travaillant dans les entreprises concernées.
    Mon avis est donc défavorable. Particulièrement dans cette période où nous avons besoin d’investir massivement dans la recherche et développement, nous devons pouvoir compter sur les grands groupes, notamment internationaux, qui choisissent d’implanter en France leurs centres de R&D. D’ailleurs, ces centres sont souvent situés à côté des clusters comprenant des universités françaises et des pôles de compétitivité.

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Bien sûr ! Le ministre a raison !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Nous avons besoin de conserver sur notre territoire ces centres de R&D appartenant aux entreprises. C’est un enjeu majeur de souveraineté. Je suis donc opposé à la refonte du plafonnement du CIR. En revanche, le rapporteur général a raison de dire que nous pourrions recentrer l’assiette du CIR. Il s’agit de savoir quel type de dépense doit y être éligible ; c’est tout simplement de la bonne gestion fiscale. Je serai donc favorable à l’amendement no 2774 de M. le rapporteur général, que nous examinerons plus tard. Il permettra d’écarter de l’assiette du CIR certaines dépenses qui n’apparaissent pas prioritaires, sans modifier l’essentiel du dispositif. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Midy.

    M. Paul Midy

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    Puisque nous attaquons la longue série d’amendements visant à détricoter le crédit d’impôt recherche, je tiens à dire que les députés du groupe Ensemble pour la République s’opposeront à chacun d’entre eux. Il ne vous aura pas échappé qu’il y a quelques heures, Donald Trump a été élu président des États-Unis avec l’aide d’Elon Musk, créateur de Tesla et de SpaceX. (Mme Sandra Regol s’exclame.)

    Mme Élisa Martin

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    C’est un copain de Macron ! Macron l’a félicité immédiatement !

    M. Paul Midy

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    Cela signifie que les États-Unis s’apprêtent à investir massivement dans l’innovation, encore plus qu’ils ne l’ont fait ces dernières années. Si nous ne faisons rien, l’écart entre les États-Unis ou la Chine d’une part, l’Europe et particulièrement la France d’autre part, se creusera davantage. Depuis ce matin, l’idée de détricoter un outil fonctionnel comme le CIR est devenue encore plus anachronique, inappropriée, voire –⁠ disons-le clairement – idiote. (M. Jean-François Coulomme s’exclame.)
    Nous nous opposerons donc à ces amendements. Nous vivons un moment qui exige de soutenir massivement l’ensemble de nos entreprises innovantes et productrices de nouvelles technologies. Nous devons reprendre notre destin en main, sauf si nous voulons manquer le coche, regarder l’histoire se dérouler sans nous, laisser les États-Unis et la Chine innover en passant notre tour. Ce n’est pas ce que nous voulons, et nous nous battrons pour sauvegarder l’innovation en France et en Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)

    M. Manuel Bompard

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    C’est n’importe quoi !

    M. Pierre Pribetich

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    C’est vraiment sympa pour le CNRS !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Christophe Blanchet.

    M. Christophe Blanchet

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    Le groupe Les Démocrates prend acte de l’avis du rapporteur général, qui a raison d’appeler au recentrage de l’assiette. C’est vers cela qu’il faut tendre pour accompagner le crédit d’impôt recherche, qui est vital pour notre pays. Nous retirons donc l’amendement no 3611 au profit de celui que présentera M. le rapporteur général.

    (L’amendement no 3611 est retiré.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Sansu.

    M. Nicolas Sansu

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    Je soutiens ces amendements en discussion commune. Force est de le constater, la niche fiscale du crédit d’impôt recherche s’emballe : son coût est passé de 3 milliards en 2013 à 7 milliards en 2024. Nous devons réfléchir à ce que devient ce dispositif.
    Pour soutenir la recherche, ce que nous voulons tous, nous pouvons user soit de la dépense fiscale, soit de la dépense directe. Soit nous finançons les doctorants par l’intermédiaire du crédit d’impôt, soit nous les finançons en dépense directe de l’université.
    L’amendement commun des groupes parlementaires du NFP plafonne le montant du CIR que peut recevoir un groupe, et non une entité. Il vise également à prévoir certaines conditions pour l’octroi du CIR. Nous savons, par exemple, que Michelin va licencier 1 200 personnes, alors que cette entreprise a touché 55 millions de crédit d’impôt recherche en 2024. Il est nécessaire d’établir des critères, notamment en matière d’emploi, pour que les grandes entreprises ne voient pas dans le CIR une aubaine. Nous ne pouvons pas accepter que cela continue ainsi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Christine Pirès Beaune.

    Mme Christine Pirès Beaune

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    Il est vrai que le CIR est très coûteux et qu’il s’est emballé, pour reprendre l’expression de M. Sansu : le coût pour l’État s’élève à plus de 7 millions…

    Mme Véronique Louwagie

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    7 milliards !

    Mme Christine Pirès Beaune

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    Surtout, aucun plafonnement n’est prévu ; j’ai rarement vu ça pour une niche fiscale. Devant la succession des rapports d’évaluation, j’ai envie de demander au ministre : à quoi servent le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), le Conseil d’analyse économique (CAE) et la Cour des comptes ? Tous les rapports sur le CIR publiés par ces institutions convergent : elles soutiennent que c’est un bon dispositif, mais qu’il faut le recentrer. Les PME perçoivent moins de 32 % du total des 7 milliards. Le CIR est un bon dispositif pour les TPE et les PME, mais nous devons nous interroger sur le fait que vingt et un groupes captent l’essentiel du crédit d’impôt recherche.
    Le CPO a publié des recommandations il y a quelques mois. Il propose de supprimer le taux de 5 % appliqué à la partie des dépenses supérieure à 100 millions et de baisser le plafond. Monsieur le ministre, quelles sont les recommandations de ces institutions qui vous semblent acceptables ? Dans le cadre des auditions que nous avons menées sous la précédente législature avec Francis Chouat pour rédiger notre étude sur le crédit d’impôt recherche, on nous a dit qu’il était un facteur très secondaire en matière d’attractivité pour les investissements de recherche et développement étrangers.

    Mme la présidente

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    Merci, madame la questeure !

    Mme Christine Pirès Beaune

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    Tout montre que la R&D n’est pas délocalisée pour une question de coût. Sinon elle partirait en Asie. Or elle part à San Francisco et à Boston. (M. Manuel Bompard applaudit.)

    (Les amendements identiques nos 1753, 2551 et 3374 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 2428 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement n° 934, je suis saisie par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    L’amendement no 934 de M. Jean-Philippe Tanguy est défendu.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Avis défavorable : cette mesure est contraire à l’accord signé dans le cadre de l’OCDE.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 934, qui a reçu un avis défavorable du Gouvernement.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        126
            Nombre de suffrages exprimés                123
            Majorité absolue                        62
                    Pour l’adoption                61
                    Contre                62

    (L’amendement no 934 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Les amendements nos 2372 de Mme Marianne Maximi et 2375 de M. le président de la commission des finances sont défendus.

    (Les amendements nos 2372 et 2375, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Sur les sous-amendements nos 3732 rectifié et 3733, je suis saisie par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Aurélien Le Coq, pour soutenir l’amendement no 2359, qui fait l’objet de trois sous-amendements, nos 3731, 3732 rectifié et 3733.

    M. Aurélien Le Coq

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    Le moins que l’on puisse dire, c’est que les Français souffrent et ont du mal à vivre. Il y a dans notre pays 11 millions de pauvres ; 8 millions de personnes dépendent de l’aide alimentaire ; une personne sur deux n’arrive pas à payer ses factures ; une personne sur deux saute des repas. La situation ne s’est pas améliorée avec la crise du covid, ni avec l’inflation et, désormais, on demande à ces Français de faire des efforts.
    Pourtant, ces dernières années, certains s’en sont mis plein les poches. Les grands groupes et les grandes entreprises ont profité de la crise ; ils ont fait des superprofits dans des proportions absolument déraisonnables. Le groupe TotalEnergies a battu son record en 2022 en réalisant 19,5 milliards de bénéfices, record qu’il a encore battu en 2023 en affichant 19,8 milliards de bénéfices. Dans le même temps, la CMA-CGM enregistre le plus grand bénéfice jamais réalisé par une société française, lequel s’élève à 24,9 milliards. Rappelons qu’en 2019, 2020 et 2021, TotalEnergies n’a payé aucun impôt sur les sociétés –⁠ tout cela pendant que les Français souffrent… Ce gain est parti en dividendes. On a battu là aussi des records. Il est temps de taxer les superprofits. Tel est l’objet de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de trois sous-amendements, nos 3731, 3732 rectifié et 3733, pouvant faire l’objet d’une présentation groupée.
    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy, pour soutenir le sous-amendement no 3731.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Nous sommes favorables à l’amendement no 2359 et au principe de la taxation des surprofits. Le gouvernement Barnier et sa majorité ont choisi de taxer toutes les grandes entreprises, ne faisant pas la différence entre celles qui n’ont pas fait de surprofits depuis la crise de l’hyperinflation et la crise malheureusement due à la guerre en Ukraine, et celles qui se sont mal, voire très mal, comportées en enregistrant des taux de profit qui n’ont rien à voir avec leur mérite propre, mais qui résultent de toute évidence d’un abus de position dominante ou d’une entente.
    Nous proposons trois sous-amendements pour préciser le dispositif proposé par l’amendement, qui est sensé, et lui éviter le reproche d’être abusif par rapport à la mesure déjà adoptée d’une contribution exceptionnelle de 8 milliards sur les bénéfices des grandes entreprises.
    Le sous-amendement no 3731 vise à fixer la qualification de surprofits à un tiers de profits supplémentaire par rapport à la période de référence.
    Le sous-amendement no 3732 rectifié vise à faire la différence entre l’impôt sur les surprofits qui serait payé en théorie et la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, dont le montant total escompté s’élève à 8 milliards. Les entreprises prises en flagrant délit, si je puis dire, de surprofits devront alors payer la différence, ce qui permettrait d’éviter qu’elles soient deux fois imposées sur les mêmes profits tout en sanctionnant les entreprises qui se sont mal comportées, en opérant une vraie distinction. Cette disposition me paraît relever du bon sens et s’inscrire dans la ligne de ce qui est proposé.
    Enfin, le sous-amendement no 3733 tend à éviter que les armateurs soient taxés deux fois en distinguant les profits légitimes des surprofits qui ne le sont pas.
    Ces trois sous-amendements, qui, à mon avis, ne sont pas idéologiques, permettent d’améliorer et de préciser le dispositif pour sanctionner efficacement les surprofits sans taxer pour taxer, comme on nous accuse trop souvent de vouloir le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    La commission des finances a adopté l’amendement no 2359. Je désire néanmoins appeler l’attention de l’Assemblée sur plusieurs problèmes. Historiquement, c’est la Commission européenne qui avait lancé l’idée de considérer les profits qui dépassent de 20 % la moyenne des trois années précédentes comme des surprofits. Entre nous, cette position est peu défendable économiquement : avec ce système, une entreprise affichant une faible rentabilité pourrait être taxée contrairement à une entreprise à la rentabilité plus élevée, qui aurait fait une mauvaise année sur la période triennale. Vous me suivez ?

    Mme Marie-Christine Dalloz et Mme Véronique Louwagie

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    Oui !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    C’est bien, vous vous accrochez ! (Sourires.) Il est très difficile de définir la notion de superprofits. Selon la rentabilité de l’entreprise, les profits réalisés n’ont pas le même sens.
    Les précédents gouvernements ont déjà essayé d’appréhender ces superprofits avec deux taxes. Monsieur le ministre, je n’aurai pas la cruauté de rappeler l’importance de la contribution sur la rente inframarginale. M. Tanguy l’a évoqué : on nous avait parlé de 12 ou 13 milliards, puis de 2 ou 3 milliards ; elle n’a rapporté que 600 millions ; puis il y a eu une bonne surprise, à savoir 1 milliard supplémentaire ; on a fini à 1,6 milliard. En tant que rapporteur général, je veux vous mettre en garde sur ce point.
    M. Tanguy, à travers les sous-amendements nos 3732 rectifié et 3733, soulève à raison un autre problème : celui de l’articulation du dispositif proposé par rapport à la contribution exceptionnelle sur les bénéfices.

    M. Nicolas Sansu

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    L’article 11 a été rejeté !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Ces sous-amendements rendent déductible la contribution exceptionnelle.

    M. Manuel Bompard

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    Elle n’existe plus !

    M. Charles de Courson, rapporteur général

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    Certes, mais j’exprime un avis sur les sous-amendements de M. Tanguy ! En tout état de cause, la commission des finances a voté en faveur de l’amendement no 2359, mais, à titre personnel, je vous mets en garde ; je n’y suis pas favorable personnellement, non plus qu’aux sous-amendements.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je me méfie également de la notion de superprofits ou de surprofits –⁠ le terme retenu importe peu. D’abord, le rapporteur général l’a très bien dit : d’un secteur à l’autre, d’un taux de marge moyen à un autre, définir ce qu’est un superprofit se révèle extrêmement complexe, tant les situations sont différentes. Il est vrai que dans une situation exceptionnelle comme la crise du covid ou la crise énergétique, certains secteurs d’activité ou certaines entreprises obtiennent des résultats exceptionnellement élevés, qui sont souvent d’autant plus importants que l’entreprise est grande.
    Même si cette disposition n’a effectivement pas été adoptée, je préfère largement la contribution exceptionnelle sur les bénéfices.

    M. Nicolas Sansu

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    Elle n’a pas été adoptée !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Je ne désespère pas que nous puissions y arriver ensemble, d’une manière ou d’une autre. Imposer une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, en particulier dans les secteurs d’activité qui ont eu des marges importantes au cours des dernières années, est en effet préférable.
    Depuis le début de l’examen de ce texte, je souligne que la situation de nos finances publiques n’est pas liée à une mauvaise gestion, mais au fait que nous avons protégé notre pays. Dès lors que, d’une certaine façon, nous avons surprotégé dans notre pays,…

    M. Sébastien Peytavie

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    Dans un monde alternatif !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …mais que certains secteurs d’activité ont fait des profits très importants, une forme de contradiction apparaît, qui amène le Gouvernement à demander à ces grandes entreprises une contribution exceptionnelle. D’autres secteurs contribueront différemment : c’est notamment le cas des armateurs ou d’EDF, puisque nous proposons dans le projet de loi de finances une contribution exceptionnelle d’EDF. Nous sommes d’accord pour dire que le pays a su protéger sa population et ses entreprises, et que certaines d’entre elles ont fait des profits importants pendant cette période.

    Mme Sandra Regol

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    On a compris !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    La philosophie du Gouvernement ne diffère donc pas de celle qui préside aux amendements que vous avez présentés. Mais imposer une contribution à travers des taux de taxation liés à des profits considérés comme anormaux se révèle complexe et souvent injuste pour les secteurs concernés. Vous voulez ancrer dans le dur des taux de fiscalité qui couperont l’investissement dans ces secteurs au lieu d’instaurer une contribution exceptionnelle qui n’entrave en rien leur avenir et l’emploi.
    L’avis du Gouvernement est donc défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.

    M. Nicolas Sansu

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    Ah ! Attention !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Vous ne savez même pas ce que je vais dire ! (Sourires.) Cette discussion est intéressante, car elle permet de clarifier le débat budgétaire que nous avons depuis un mois. Nous avons ce soir la confirmation que, pour dérouler le tapis rouge du matraquage fiscal des entreprises, la gauche pourra toujours compter sur le Rassemblement national. (Protestations sur les bancs des groupes RN et LFI-NFP.) Ce point a été clarifié à l’instant par M. Tanguy.
    Les amendements tels qu’ils sont rédigés présentent de nombreux inconvénients, rappelés par M. le rapporteur général. Monsieur Le Coq, les chiffres que vous avez avancés ne prennent pas en compte le lieu où ont été réalisés ces profits : nous ne savons même pas s’ils sont taxables en France. Je rejoins les propos de Charles de Courson, qui constate que les estimations sont très difficiles à calculer. Vous parlez de superprofits, mais c’est surtout de la superdémagogie ce que vous faites ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) À la fin, le résultat sera négatif pour l’économie française. Vous vous faites plaisir, mais cela fera fuir les investisseurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Véronique Louwagie.

    Mme Véronique Louwagie

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    Au lieu de débattre de la contribution exceptionnelle, ciblée et temporaire, prévue dans le projet de loi de finances, nous nous dirigeons vers une contribution pérenne additionnelle,…

    M. Manuel Bompard

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    Elle est exceptionnelle !

    Mme Véronique Louwagie

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    …fondée sur ce que vous qualifiez de bénéfices exceptionnels, de surprofits ou de superprofits. Posons-nous la question de la définition de ces résultats exceptionnels. S’ils étaient calculés à partir d’une moyenne, cela n’inciterait aucunement les entreprises à s’engager dans un accroissement d’activité et à réaliser des profits supérieurs : vous les pénaliseriez donc, alors que ces résultats exceptionnels pourraient les inciter à investir et à embaucher. Nous voterons contre l’amendement no 2359 et contre les sous-amendements.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Tanguy.

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    Chers collègues macronistes, avec vous, nous avons tout eu. Vous disiez ne pas savoir ce qu’étaient les surprofits, avant de changer de position en décrétant l’instauration de la contribution sur la rente inframarginale, puis d’échouer à récupérer ces surprofits, pourtant clairement identifiés par la Cour des comptes. Vous avez donc fait payer la facture aux Français –⁠ comme d’habitude.
    Au Rassemblement national, nous pensons qu’il est très facile d’identifier les surprofits et nous venons de proposer un dispositif à cet effet. Vos accusations ne nous font pas peur. Nous votons parfois avec les Insoumis, …

    Plusieurs députés du groupe EPR

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    Souvent !

    M. Jean-Philippe Tanguy

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    …parfois avec vous, parfois avec MM. Masséglia et Mattei. En vérité, cela n’intéresse pas les Français ! Tous les sondages le montrent ! Continuez donc à vous enferrer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    J’ai entendu les objections exprimées de l’autre côté de l’hémicycle : oui, vous avez raison, chers collègues, l’article 11 instaurant une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises n’a pas été adopté, mais ne faites pas comme les macronistes, faites de la vraie politique –⁠ les communistes sont les meilleurs dans ce domaine !

    M. Nicolas Sansu

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    Nous sommes de moins en moins ! (Sourires.)

    Un député du groupe RN

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    Il y a Fabien Roussel !

    M. Nicolas Sansu

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    Nos sous-amendements auraient dû tomber, je le reconnais, mais ils ont pour principal objet d’ouvrir le débat public. Comme vous, je fais de la politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

    M. Jean-Paul Mattei

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    Je ne soutiens pas ces sous-amendements, car je suis sceptique quant à la taxation du profit, qui appartient à l’entreprise, en tant que personnalité morale. Tant qu’il n’est pas distribué, le profit n’appartient pas aux actionnaires. S’il n’est pas mis en réserve, il est utilisé pour investir dans le développement. Je suis favorable au taux d’imposition à 25 %, car il permet la constitution de réserves, l’autofinancement et le développement. Quand le bénéfice sort de l’entreprise, je fais une différence entre le bénéfice utile et le bénéfice futile : il est utile quand il rémunère normalement les actionnaires, mais futile quand il les sur-rémunère.
    Nous faisons fausse route ici. En temps de crise, nous pouvons faire appel à la solidarité des grandes entreprises, comme à l’époque de la taxe « Gafa », mais prenons garde à ne pas fixer un taux trop élevé. Le rapporteur général l’a dit, la proposition de revenir à un taux d’IS de 35 % n’est pas raisonnable.

    (Le sous-amendement no 3731 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix le sous-amendement no 3732 rectifié.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        170
            Nombre de suffrages exprimés                167
            Majorité absolue                        84
                    Pour l’adoption                66
                    Contre                101

    (Le sous-amendement no 3732 rectifié n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix le sous-amendement no 3733.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        176
            Nombre de suffrages exprimés                171
            Majorité absolue                        86
                    Pour l’adoption                67
                    Contre                104

    (Le sous-amendement no 3733 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 2359 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP).

    Mme la présidente

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    La suite de l’examen du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2025.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra