XVIIe législature
Session ordinaire de 2024-2025

Première séance du lundi 02 décembre 2024

Sommaire détaillé
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Première séance du lundi 02 décembre 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    M. Hadrien Clouet

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    Pas pour longtemps !

    Mme la présidente

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    Vous imaginez toute sorte de choses quand je préside une séance dans ce genre de contexte ! (Sourires.)

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Démission d’un député

    Mme la présidente

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    J’ai reçu de M. Stéphane Séjourné, député de la neuvième circonscription des Hauts-de-Seine, une lettre m’informant qu’il se démettait de son mandat de député. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Louis Boyard

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    Bonne nouvelle !

    Un député du groupe LFI-NFP

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    Vous devriez en faire autant !

    Mme la présidente

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    Acte est pris de sa démission au Journal officiel du dimanche 1er décembre 2024.

    2. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025

    Commission mixte paritaire

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (no 638).
    La parole est à M. Yannick Neuder, rapporteur de la commission mixte paritaire.

    M. Hadrien Clouet

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    Le rapporteur de la censure !

    M. Jérôme Guedj

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    Tout cela n’aura servi à rien, monsieur le rapporteur !

    M. Yannick Neuder, rapporteur de la commission mixte paritaire

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    Nous sommes à la croisée des chemins. Nous parvenons à la fin de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui s’est frayé une voie parlementaire malgré un contexte difficile.
    Notre système social était menacé de délitement. Je me réjouis donc que les travaux de la commission mixte paritaire (CMP) qui s’est réunie il y a quelques jours aient donné lieu à un accord ; ce n’était pas arrivé depuis 2010. C’est la conséquence de l’esprit de responsabilité et de la volonté constante de dialogue qui ont caractérisé nos débats. Le Parlement a mené jusqu’à leur terme les discussions nécessaires pour construire ce texte.
    Nous avons rectifié un budget qui, au départ, était sans doute déséquilibré et rigide de manière à en faire un budget de consensus, plus protecteur. Le texte n’est pas optimal –⁠ il l’était encore moins avant nos débats. La voie du compromis a permis d’obtenir des garanties et des équilibres justes pour les Français.
    Mais une alliance des extrêmes, à l’idéologie faite de bric et de broc (« Ah ! sur les bancs du groupe RN), s’est constituée pour faire voler en éclat l’édifice du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.) C’est cette même alliance qui a fait adopter des dizaines de milliards d’impôts et de taxes supplémentaires il y a quelques jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Il faut dire la vérité aux Français sur le projet de chaos et de discorde du Rassemblement national, poussé par les Insoumis. (Mêmes mouvements.) Priver les Français d’un budget de la sécurité sociale, c’est ne laisser à l’Urssaf que quelques semaines de trésorerie pour payer les retraites, rembourser les soins et financer les hôpitaux. Qui veut que les cartes Vitale cessent de fonctionner en mars ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et Dem. –⁠ Très vives protestations sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    Je vous en prie, un peu de silence !

    Un député du groupe RN

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    Mais c’est Pinocchio !

    M. Yannick Neuder, rapporteur

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    Priver les Français d’un budget de la sécurité sociale, c’est ne faire que reporter le problème. (Exclamations continues sur les bancs des groupes RN et UDR.) Rien ne serait pire que l’instabilité politique –⁠ un chaos synonyme de statu quo, alors que les déficits du pays se creusent. (Mêmes mouvements.)

    M. Laurent Jacobelli et M. Emeric Salmon

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    Mais si : avec vous, c’est déjà pire !

    Mme la présidente

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    Je vous en prie, écoutons le rapporteur de la commission mixte paritaire ; vous aurez le temps de vous exprimer par la suite.

    M. Yannick Neuder, rapporteur

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    Priver les Français d’un budget de la sécurité sociale, c’est les priver de mesures pour lutter contre la désertification médicale, de mesures en faveur des agriculteurs et des personnes en situation de handicap. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR, Dem et HOR.)

    M. Thibault Bazin

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    Il a raison !

    M. Jérôme Guedj

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    Non, il n’y a rien pour lutter contre les déserts médicaux !

    M. Yannick Neuder, rapporteur

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    Priver les Français d’un budget de la sécurité sociale, c’est revenir sur les retraites des Français.

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Mais non !

    M. Hadrien Clouet

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    N’importe quoi !

    M. Yannick Neuder, rapporteur

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    Nous avons modifié le PLFSS pour que toutes les pensions soient revalorisées non pas en juillet mais dès janvier. Un bouclier anti-inflation permettra de revaloriser davantage les pensions les plus faibles en juillet. Il n’y a donc aucun perdant. (Vives protestations sur les bancs du groupe RN.)

    M. Jérôme Guedj

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Emeric Salmon

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    Il ment ! Ramenez vite Barnier !

    M. Yannick Neuder, rapporteur

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    Priver les Français d’un budget de la sécurité sociale, c’est revenir sur les mesures de protection des agriculteurs, notamment sur le calcul plus favorable des retraites agricoles.
    C’est aussi oublier que nous avons considérablement réduit la pression sur les entreprises en trouvant un point d’équilibre s’agissant de la réduction des allégements généraux de cotisations. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Je me réjouis d’avoir défendu la préservation de certains aménagements, comme ceux prévus par la loi de 2009 pour le développement économique des outre-mer (Lodeom), chers à nos territoires d’outre-mer.
    Priver les Français d’un budget de la sécurité sociale, c’est revenir sur les mesures de lutte contre la désertification médicale,…

    M. Jérôme Guedj

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    Mais il n’y a rien contre les déserts médicaux !

    M. Yannick Neuder, rapporteur

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    …qui favorisent le cumul emploi-retraite des médecins et le retour à l’exercice de nombreux praticiens sur nos territoires.
    C’est aussi faire fi de la généralisation du dispositif Handigynéco, qui améliore le suivi gynécologique des femmes en situation de handicap (Protestations sur les bancs du groupe RN), mais également des campagnes de vaccination contre le méningocoque et le papillomavirus et de l’accès direct aux séances de suivi psychologique.

    M. Jérôme Guedj

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    C’était déjà dans le PLFSS de l’année dernière !

    M. Yannick Neuder, rapporteur

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    Priver les Français d’un budget de la sécurité sociale, c’est mettre à la poubelle l’enveloppe exceptionnelle de soutien aux établissements médicaux et aux Ehpad –⁠ 100 millions d’euros.

    M. Jérôme Guedj

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    C’est insuffisant, il en faudrait 500 !

    M. Yannick Neuder, rapporteur

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    C’est enfin revenir sur les mesures de lutte contre la fraude : la fraude sociale engendre un manque à gagner de 13 milliards. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.) Pas moins de 2,1 milliards de fraudes sont constatés, mais seuls 600 millions sont recouvrés. On peut donc oublier le déploiement de la carte Vitale sécurisée et dématérialisée, mais aussi le contrôle des retraites versées à l’étranger, un dispositif défendu depuis longtemps par notre collègue Pierre Cordier.
    Priver les Français d’un budget de la sécurité sociale, c’est donc institutionnaliser le chaos. C’est avoir une vision à court terme alors que la France plonge dans les déficits. (Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
    En tant que rapporteur général, je sais que ce PLFSS manque de vision et de moyens pour les acteurs du soin, de la dépendance et du handicap, mais aussi que le Parlement doit prendre ses responsabilités pour donner un budget à la sécurité sociale de notre pays, en dépit des vents contraires.

    M. Emeric Salmon

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    Oui, nous les prendrons, n’ayez crainte !

    M. Yannick Neuder, rapporteur

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    J’en appelle donc à la responsabilité du Parlement, en particulier à celle de la coalition entre LFI et le RN. Cette alliance contre-nature est en réalité une alliance contre les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR ainsi que sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Valletoux, président de la commission mixte paritaire.

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission mixte paritaire

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    Je tiens à remercier les commissaires, issus tant de l’Assemblée que du Sénat, d’autant qu’après sept heures et demie de débat nous sommes parvenus à un accord : c’est la première fois depuis quatorze ans qu’une CMP examinant un projet de loi de financement de la sécurité sociale est conclusive.
    Nous devons en grande partie ce succès à l’implication des rapporteurs généraux du budget de la sécurité sociale, à commencer par le nôtre, Yannick Neuder. Ils ont affronté la masse des 130 articles qui restaient en discussion avec une grande détermination, un sens élevé du dialogue et un souci constant de pédagogie. Le résultat de cette CMP conclusive est aussi dû à l’excellent climat qui a prévalu tout au long des travaux qui se sont déroulés mercredi dernier à l’Assemblée. J’en suis reconnaissant à tous les commissaires, titulaires comme suppléants : cela montre que, loin des caméras, le Parlement sait travailler non seulement de manière courtoise, mais aussi efficacement et utilement –⁠ c’est un message important et encourageant dans la période que nous traversons.
    Alors que l’Assemblée est la plus fracturée de la Ve République,…

    M. Sébastien Peytavie

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    La faute à Macron !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission mixte paritaire

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    …nous sommes parvenus à trouver un accord sur ce texte avec les sénateurs. On est bien loin des images caricaturales que certains se plaisent à diffuser, faisant du chaos leur fonds de commerce.
    Des désaccords ont été exprimés, cela va de soi –⁠ c’est même souhaitable. Chose tout aussi souhaitable, des compromis ont été trouvés. Certes, personne n’a gagné sur tous les plans, mais personne n’a pas tout perdu non plus.

    M. Emeric Salmon

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    Donc tout le monde a perdu, puisque deux négations s’annulent !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission mixte paritaire

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    Nous sommes donc fiers de vous présenter le texte dont sont à présent saisies les deux assemblées. Ne vous y trompez pas : comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, le texte en question n’est pas parfait. J’ai cependant conscience des délais restreints qu’a dû respecter le gouvernement lors de la rédaction de ce projet de loi.
    Le texte proposé initialement avait pour ambition de freiner les dépenses. Étant donné l’état de nos finances publiques et de la sécurité sociale, c’était déjà une grande vertu. La logique du rabot a naturellement créé des insatisfactions, d’autant que les deux mois de discussions parlementaires n’ont pas permis de le compléter par des mesures structurelles, dont notre système de santé et de protection sociale a pourtant besoin. La méthode de construction du texte avec les parlementaires doit être améliorée.

    M. Jérôme Guedj

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    C’est le moins que l’on puisse dire !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission mixte paritaire

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    Une collaboration plus étroite, dès les premiers jours de nos travaux, aurait permis d’éviter certains blocages –⁠ je pense à l’article 6, relatif aux allégements de cotisations sociales patronales, très tardivement ajusté, mais aussi à l’article 23, portant sur le report d’indexation des retraites. Les députés de plusieurs groupes ont très vite alerté en vain le gouvernement sur ces deux sujets majeurs. Ils ont eu le sentiment de n’être ni écoutés, ni entendus, et ce pendant de nombreuses semaines. Je ne peux que déplorer cette situation.
    Les discussions à l’Assemblée nationale ont néanmoins permis plusieurs vraies avancées, qui ont été reprises dans le texte soumis à notre vote : la taxe sur les boissons sucrées, la pérennisation de l’autorisation faite aux infirmiers de délivrer des certificats de décès, l’accès direct aux psychologues, notamment dans le cadre du dispositif Mon soutien psy, ou encore l’obligation de mener une réflexion sur la pertinence des dépenses de santé. Ce sont autant de victoires issues de nos rangs.
    Pour autant, chacun des groupes qui composent notre hémicycle est-il pleinement satisfait ?

    M. Sébastien Peytavie

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    Absolument pas !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission mixte paritaire

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    Bien sûr que non. Mais ce texte a au moins le mérite d’exister et d’offrir une réponse satisfaisante à des questions importantes pour nos compatriotes et notre pays. Permet-il de continuer à assurer aux Français un niveau élevé de protection sociale ?

    M. Antoine Léaument

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    Non !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission mixte paritaire

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    La réponse est incontestablement positive. Constitue-t-il une première étape de la trajectoire de diminution des déficits sociaux, voie qu’il nous faut impérativement emprunter ? C’est également le cas.
    Je sais la tentation pour le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national de s’unir, de mêler leurs voix pour adopter une motion de censure et renverser le gouvernement.

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Ah !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission mixte paritaire

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    Pour les extrêmes de droite et de gauche,…

    M. Sébastien Peytavie

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    Et pour l’extrême centre !

    M. Frédéric Valletoux, président de la commission mixte paritaire

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    …l’heure est à la distraction et à la complaisance –⁠ nous l’avons bien compris. Mais la démocratie exige des compromis et le mandat qui est le vôtre impose un texte de responsabilité. C’est le service de la protection sociale, qui protège tous les Français, qui est en jeu.
    J’ai aussi bien conscience des enjeux de politique calendaire qui sont les vôtres. Mais, avant de penser à 2027 et à la prochaine élection présidentielle (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP), il faut penser au présent en assurant la stabilité fiscale, économique et institutionnelle de notre pays, et en garantissant aux Français le niveau de protection sociale qui leur est dû. Aussi, je vous invite à adopter les conclusions de la CMP sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ Mme Constance de Pélichy applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre du budget et des comptes publics.

    M. Hadrien Clouet

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    C’est son dernier discours !

    M. Damien Maudet

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    Où est la ministre de la santé ?

    M. Hadrien Clouet

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    Libérez Darrieussecq !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics

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    Nous vivons un moment singulier par sa rareté : il est peu courant que les représentants des deux chambres du Parlement réunis en commission mixte paritaire tombent d’accord sur un texte financier. C’est en général le signe de circonstances exceptionnelles, qui exigent d’agir dans l’urgence, et qui en appellent à la responsabilité de chacune et de chacun.
    La dernière fois qu’une CMP aboutissait à un tel résultat pour un texte financier, j’en faisais partie en tant que rapporteur général du budget. C’était en 2020, face à la crise sanitaire. Faisant preuve de responsabilité, députés et sénateurs de tous bords s’étaient, à l’époque, entendus pour faire adopter au plus vite les budgets d’urgence qui nous ont permis de protéger efficacement nos concitoyens, notre économie et nos emplois. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, Dem et DR.)
    Les circonstances qui nous réunissent aujourd’hui ne sont pas moins graves ; elles appellent des réponses qui ne sont pas moins urgentes, et qui ne sauraient être moins courageuses. La crise à laquelle nous sommes confrontés n’est pas sanitaire. La crise que nous devons éviter est financière. Vous connaissez la gravité de la situation de nos finances publiques. La semaine dernière, le taux d’intérêt des emprunts français a ponctuellement dépassé celui de la Grèce. Notre dette dépasse les 3 230 milliards d’euros (« C’est de votre faute ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), et nous nous apprêtons à consacrer l’an prochain près de 55 milliards d’euros à la seule charge de la dette. Si les taux d’intérêt augmentaient ne serait-ce que de 1 %, il faudrait y ajouter 20 milliards de plus d’ici à cinq ans.
    Sans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous examinons aujourd’hui, le déficit des comptes sociaux attendrait près de 30 milliards d’euros l’an prochain !

    Mme Bénédicte Auzanot

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    La faute à qui ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Ce n’est pas un simple enjeu comptable. C’est notre capacité à garantir les droits acquis et à en ouvrir de nouveaux qui est en question. C’est la pérennité de l’ensemble de notre modèle de protection sociale qui est en jeu. Ce défi, députés et sénateurs l’ont relevé la semaine dernière en trouvant un accord sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
    Le moment est singulier par sa rareté, je l’ai dit. Il l’est également par sa portée. Cela signifie concrètement que, oui, contrairement à ce que certains voudraient faire croire, il y a une majorité au Parlement pour faire le choix de la responsabilité. Il faut que ce soit dit, il faut que ce soit su.

    M. Damien Maudet

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    C’est pour cela qu’il y aura un 49.3 ?

    Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

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    Allez donc jusqu’au vote !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Il y a une majorité au Parlement pour faire le choix de rééquilibrer les comptes et de redresser nos finances.
    Il y a une majorité au Parlement pour restaurer les marges de manœuvre qui nous permettront de continuer à investir, de continuer à financer nos services publics, de continuer à protéger les Français.
    Il y a une majorité au Parlement pour faire, aujourd’hui, les choix courageux qui nous épargneront des décisions encore plus douloureuses demain.

    M. Hadrien Clouet

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    Ce n’est pas un ministre, c’est un numéro vert !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Le Premier ministre a assumé d’entrée de jeu que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 était perfectible, pourvu que le cadre de responsabilité soit respecté. Ce cadre, vous le connaissez ; nous en avons longuement débattu, comme nous en avons débattu avec vos collègues du Sénat. Le gouvernement n’a qu’un seul objectif : contenir le déficit autour 5 % du PIB dès l’an prochain, afin d’être en mesure de le ramener sous la barre des 3 % à l’horizon 2029. C’est tout simplement le niveau qui nous permettra de stabiliser, puis de réduire notre endettement.

    M. Hadrien Clouet

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    Ça va, Angela Merkel !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Le gouvernement a proposé un effort inédit de 60 milliards d’euros, mais c’est un effort équilibré, qui porte aux deux tiers sur la baisse des dépenses, et c’est un effort partagé, équitablement réparti entre toutes les administrations publiques, à commencer par l’État.
    Tout au long des débats, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, je n’ai jamais dévié de ce cap. Je n’ai jamais dévié non plus des engagements que j’ai pris devant vous dès la présentation du texte. J’ai toujours veillé au respect de vos prérogatives. Je vous ai toujours transmis sans délai les informations nouvelles susceptibles d’éclairer nos échanges dès lors qu’elles étaient portées à ma connaissance.
    Surtout, le gouvernement n’a jamais refusé le débat. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe SOC.) Il a toujours considéré toutes les propositions, issues de tous les bancs, sans distinction, dès lors que nous étions d’accord, à la fin, pour rééquilibrer progressivement les comptes. Nous avons été à l’écoute de vos alertes, de vos remontées, de vos observations.
    Du fait de l’application des délais constitutionnels, les débats, en première lecture, n’ont pas pu aller à leur terme à l’Assemblée nationale. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils n’ont pas été pris en compte. Comme vous l’aurez remarqué, le gouvernement a fait le choix de ne pas repartir de la version initiale du texte lors de son examen au Sénat, ainsi que l’y autorise pourtant la Constitution, mais de reprendre plus d’une trentaine d’amendements issus de toutes les sensibilités politiques.
    Le texte qui vous est soumis aujourd’hui est donc un texte complété, amélioré, enrichi par les compromis trouvés en commission mixte paritaire. Le gouvernement a entendu les parlementaires de tous les groupes, qui ont appelé à modérer l’effort demandé aux entreprises, au titre de la réforme des allégements généraux de cotisation : la cible d’économies, qui était fixée à 4 milliards d’euros dans le texte initial, est ramenée à 1,6 milliard. En outre, le dispositif d’exonération spécifique aux outre-mer sera préservé.
    Nous protégeons le pouvoir d’achat des retraités. Toutes les retraites seront bien revalorisées dès le 1er janvier, et nous ferons un effort complémentaire à l’été pour les petites retraites, dont le niveau sera bel et bien indexé sur l’inflation.
    Nous préservons l’apprentissage, en limitant aux seuls nouveaux contrats l’assujettissement partiel des apprentis à la contribution sociale généralisée (CSG), sans rétroactivité.
    Nous modérons l’effort demandé aux employeurs territoriaux et hospitaliers au titre du relèvement du taux de cotisation à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL. Le rehaussement de 12 points du taux de cotisation sera étalé sur quatre ans, au lieu des trois initialement prévus, sans baisse de l’Ondam, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, à due concurrence. Nous avons entendu les observations que les élus locaux et leurs représentants nous ont adressées sur ce point.
    Nous améliorons par ailleurs la situation financière des hôpitaux et des établissements médico-sociaux, avec un effort complémentaire de 700 millions d’euros. Cet effort est financé par les marges de manœuvre que nous dégageons, dans le cadre des mesures relatives à la CNRACL et à la lutte contre l’absentéisme.
    Comme l’a annoncé le premier ministre, nous rehaussons à hauteur de 200 millions d’euros les moyens nouveaux affectés aux départements par la branche autonomie, tout en simplifiant considérablement l’architecture de ces concours. Au total, les financements de la branche autonomie aux départements et aux maisons départementales des personnes handicapées auront ainsi pratiquement doublé par rapport à 2019 ; ils atteindront, à périmètre constant, près de 6 milliards d’euros en 2025. Les départements jouent un rôle essentiel dans la prise en charge de nos aînés ; l’État sera plus que jamais à leurs côtés.
    Enfin, le gouvernement a annoncé ce matin son engagement d’abandonner le déremboursement des médicaments par voie réglementaire.
    À l’issue de l’examen parlementaire, le déficit des régimes obligatoires de base et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) s’établirait à 18,3 milliards d’euros en 2025, contre 16 milliards dans la copie initiale du gouvernement et 15 milliards à l’issue de l’examen au Sénat –⁠ nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la présentation des amendements à l’article d’équilibre. C’est un bon compromis, un compromis responsable, qui représente un effort de freinage réel de la dépense sociale, mais un effort de freinage proportionné, qui préserve notre capacité à protéger les Français.
    Au total, et par rapport au texte initial du gouvernement, les dépenses des régimes obligatoires de base et du FSV progresseront de 2,7 %, contre 2,8 %. Cela représente un freinage de 0,6 milliard d’euros supplémentaires, reflétant principalement l’effort demandé par la CMP sur l’Ondam et la gestion des caisses de sécurité sociale.
    Ainsi, les dépenses de la branche maladie progresseront de 2,2 %. Celles de la branche vieillesse et de la branche autonomie seront plus dynamiques. Les dépenses des branches famille et accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) maintiendront, comme dans le texte initial, une progression de 3,1 % et de 6,3 % en 2025.
    Les recettes de la sécurité sociale s’établiront, quant à elles, 2,8 milliards en deçà de l’équilibre du texte initial et progresseront, elles aussi, de 2,7 % en 2025. Ces moindres recettes résultent en partie de la moindre dynamique des remises sur les médicaments, à hauteur de 1,2 milliard d’euros, en partie contrebalancée par les recettes attendues au titre de la clause de sauvegarde sur les dispositifs médicaux.
    Les travaux parlementaires ont, en contrepartie, permis de dégager 1,1 milliard de recettes supplémentaires, grâce au relèvement du taux de contribution sur les attributions gratuites d’actions, aux mesures de fiscalité comportementale portant sur les sodas et les jeux d’argent, mais aussi grâce aux économies supplémentaires introduites par la CMP sur les niches sociales.
    Le texte issu de la CMP est un texte de compromis qui permet des avancées significatives, au bénéfice de l’ensemble des Français, et que je veux ici rappeler.
    Il s’agit des mesures en faveur des agriculteurs auxquelles le gouvernement s’est engagé à la suite de la crise de l’an dernier. Avec ce PLFSS, nous renforçons et nous pérennisons les dispositifs d’exonération de cotisations sociales dont bénéficient les agriculteurs, en particulier au titre de l’emploi de travailleurs saisonniers. Nous avançons également au 1er janvier 2026 l’entrée en vigueur du nouveau mode de calcul des retraites agricoles. C’est un gain pour l’ensemble du monde agricole et, à ce titre, nous avons besoin de ce texte.
    Il s’agit de la revalorisation des personnels soignants : 1,6 milliard d’euros seront ainsi consacrés aux revalorisations conventionnelles en ville en 2025, dont 1 milliard pour les médecins.

    M. Sébastien Peytavie

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    Ce n’est pas assez !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    Pour permettre ces avancées, nous avons besoin de ce texte.
    Il s’agit du fonctionnement de nos hôpitaux, qui recevront, au sein de l’Ondam, plus de 3 milliards de financements supplémentaires en 2025 mais, pour cela, nous avons besoin de ce texte.
    Il s’agit des hausses d’effectifs dans les Ehpad et des mesures en faveur de la prise en charge de l’autonomie. Au total, les dépenses de la branche autonomie progresseront de 2,7 milliards en 2025,…

    M. Jérôme Guedj

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    C’est faux !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …soit une hausse de près de 6,8 %,…

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Mais combien faudrait-il ?

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …mais seulement si le texte est voté. Ces moyens vont permettre, très concrètement, d’accélérer les recrutements en Ehpad –⁠ plus de 6 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires chaque année –, de continuer à déployer la stratégie des « 50 000 solutions » dans le champ du handicap, de soutenir davantage les départements dans le virage domiciliaire ou encore de solvabiliser la progression des dépenses au titre de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH).
    Il s’agit des mesures de lutte contre la fraude sociale et les abus, véritable fléau qu’il nous faut éliminer. Le débat parlementaire a permis l’adoption d’amendements portant sur l’extension du droit de communication, sur les échanges de données entre assurance maladie obligatoire et complémentaires ou encore sur la réforme de l’organisation du service du contrôle médical de l’assurance maladie.
    Il s’agit de l’amélioration de l’indemnisation des victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle.
    Il s’agit de lutter contre les déserts médicaux, notamment en facilitant dès 2025 le cumul emploi-retraite des médecins grâce à une exonération des cotisations vieillesse dans les zones sous-denses, puis, à terme, par la consolidation du régime simplifié des professions médicales, dont le seuil d’éligibilité devrait être rehaussé.
    Mesdames et messieurs les députés, voilà ce que prévoit ce texte. Ce sont autant de droits, pour certains nouveaux, dont les Français seraient privés si ce texte n’était pas adopté. Nous avons préparé le projet de loi dans des circonstances exceptionnelles. Nous avons travaillé dans l’urgence, mais nous avons travaillé avec sérieux. Nous avons refusé, avec vous, le matraquage, nous avons refusé la casse sociale.
    Nous avons eu des débats approfondis, constructifs, qui nous ont permis de proposer une copie équilibrée,…

    Mme Marie Pochon

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Laurent Saint-Martin, ministre

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    …de tracer un chemin de crête entre l’ouverture de droits nouveaux et le nécessaire rééquilibrage progressif des comptes sociaux. Sans l’adoption de ce texte, tout cela serait réduit à néant. (Les députés des groupes EPR, DR, Dem et HOR se lèvent et applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.

    Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement

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    Madame la présidente, je souhaiterais une suspension de dix minutes. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente-cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le premier ministre. (Les députés des groupes EPR, DR, Dem et HOR ainsi que plusieurs députés du groupe LIOT se lèvent et applaudissent longuement.)

    M. Sébastien Peytavie

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    Madame Le Pen, vous avez oublié de vous lever !

    M. Hadrien Clouet

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    Profitez-en, monsieur le premier ministre, c’est votre dernier discours ! Pesez vos mots !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    Dans ma déclaration de politique générale, il y a tout juste deux mois, je vous ai exposé ma méthode,…

    M. Sébastien Peytavie

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    Elle est efficace !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    …faite d’écoute, de respect et de dialogue,…

    Mme Ayda Hadizadeh

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    Avec qui ?

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    …en premier lieu vis-à-vis du Parlement et de tous les groupes politiques qui le constituent.

    M. Alexis Corbière

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    À d’autres !

    M. Sébastien Peytavie

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    On ne se sent pas très respecté, à gauche !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    Je vous ai également répété que je tiendrais un langage de vérité sur les très nombreuses contraintes qui pèsent sur notre pays et sur les efforts qu’elles nous imposent.
    Nous sommes là aujourd’hui parce qu’il est nécessaire que la France se dote d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale et d’un budget pour 2025 –⁠ M. le ministre des comptes publics vous l’a rappelé à l’instant. Pour cela, j’ai été au bout du dialogue avec l’ensemble des groupes politiques, en restant toujours ouvert et à l’écoute.

    Mme Ayda Hadizadeh, M. Inaki Echaniz et M. Olivier Faure

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    Vous avez uniquement parlé à l’extrême droite !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    Depuis le premier jour de mon engagement politique, je respecte profondément le débat et la culture du compromis ;…

    Mme Florence Herouin-Léautey

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    De la compromission !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    …je les crois indispensables.
    Le projet de loi de financement de la sécurité sociale en a d’ailleurs prouvé l’utilité. Les très nombreuses heures de travail parlementaire ont permis d’enrichir le texte du gouvernement…

    M. Sébastien Peytavie

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    Vous avez pourtant refusé d’aller au bout du débat !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    …et ont conduit à un accord en CMP, pour la première fois depuis quatorze ans.

    M. Olivier Faure

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    Un accord entre vous !

    M. Jérôme Guedj

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    Au sein du socle commun !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    Permettez-moi d’en remercier les membres, en particulier Frédéric Valletoux, son président, et Yannick Neuder, son rapporteur pour l’Assemblée nationale, ainsi que les sénateurs Philippe Mouiller, son vice-président, et Élisabeth Doineau, sa rapporteure pour le Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ Mme Stella Dupont applaudit également.)
    Ce texte a fait l’objet de multiples évolutions.

    M. Boris Vallaud

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    À la demande de Mme Le Pen !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    Ce matin encore, nous précisions la portée exacte de la trajectoire financière prévue en indiquant l’engagement du gouvernement à ce qu’il n’y ait pas de déremboursement des médicaments en 2025.

    M. Hadrien Clouet

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    Ce n’est pas du ressort du PLFSS !

    M. Antoine Léaument

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    Comme vous !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    Ce texte enrichi, que nous défendons avec conviction, n’est pas anecdotique : il est une réponse importante aux attentes des Français.
    Il permet d’améliorer l’accès à la santé des patients de l’Hexagone et d’outre-mer, de mieux financer l’autonomie, de rendre plus attractifs les métiers de l’hôpital, d’améliorer les retraites des agriculteurs et de renforcer les dispositifs d’exonération des cotisations sociales dont ils bénéficient, de mieux prévenir les comportements à risque et de lutter contre la fraude, ainsi que de protéger la sécurité sociale en évitant un accroissement de son déficit.
    Ce texte est là et il est maintenant temps d’agir pour l’appliquer. Je crois que nous sommes parvenus à un moment de vérité, (« Ah oui ! » sur quelques bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR) qui met chacun face à ses responsabilités.

    M. Loïc Prud’homme

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    Cinq pour cent !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    C’est maintenant à vous de décider si notre pays se dote de textes financiers responsables, indispensables et utiles à nos concitoyens, ou si nous entrons en territoire inconnu.

    Mme Sophia Chikirou

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    Nous n’avons pas le choix, vous avez décidé pour nous !

    Mme Florence Herouin-Léautey

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    Front républicain !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    Je m’adresse à vous avec respect, mais aussi avec une certitude : les Français ne nous pardonneraient pas de préférer les intérêts particuliers à l’avenir de la nation. Je le pense sincèrement. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Vincent Rolland

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    Très juste !

    M. Nicolas Sansu

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    Regardez ce que vous avez fait !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    Vous l’entendez dans chacune de vos circonscriptions (« Non ! sur les bancs des groupes LFI-NFP et SOC) : les Français attendent de la stabilité et de la visibilité, pour leur vie quotidienne et les entreprises, alors que notre pays a tant à faire pour défendre ses intérêts et son influence en Europe et dans le monde. Je sais de quoi je parle.

    Mme Danièle Obono

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    Non, ils attendent le départ de Macron !

    Mme Nathalie Oziol

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    Vous allez partir, et Emmanuel Macron aussi !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    C’est pourquoi, sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, j’engage la responsabilité de mon gouvernement (De nombreux députés du groupe LFI-NFP ainsi que M. Paul Molac se lèvent et quittent progressivement l’hémicycle)

    M. Sylvain Berrios

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    Quel irrespect !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    …sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, dans sa version résultant des travaux de la commission mixte paritaire et modifié par les amendements rédactionnels et de coordination déposés.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Au revoir, LFI ! Ce sont les rats qui quittent le navire ! Casseurs de la République !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    Je le fais en appelant à la responsabilité de chacun des représentants de la nation que vous êtes –⁠ quand bien même certains d’entre vous quittent l’hémicycle –,…

    M. Alexis Corbière

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    Vous le méprisez, l’Hémicycle !

    M. Michel Barnier, premier ministre

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    …persuadé que notre mission commune, au-delà de nos divergences, est de servir la France et les Français.
    Désormais, chacun doit prendre ses responsabilités. J’ai pris les miennes. (Les députés des groupes EPR, DR, Dem et HOR ainsi que plusieurs députés du groupe LIOT se lèvent et applaudissent longuement.)

    Mme la présidente

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    L’Assemblée nationale prend acte de l’engagement de la responsabilité du gouvernement, conformément aux dispositions de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Le texte sur lequel le premier ministre engage la responsabilité du gouvernement sera inséré en annexe au compte rendu de la présente séance.
    En application de l’article 155, alinéa 1er, du règlement, le débat sur ce texte est immédiatement suspendu. Le texte sera considéré comme adopté, sauf si une motion de censure déposée avant demain, quinze heures quarante-deux, est votée dans les conditions prévues à l’article 49 de la Constitution.
    Dans l’hypothèse où une motion de censure serait déposée,…

    M. Sébastien Peytavie

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    Elle arrive !

    M. Alexis Corbière et Mme Sabrina Sebaihi

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    Ce sera le cas !

    Mme la présidente

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    …la conférence des présidents fixera la date et les modalités de sa discussion.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à quinze heures quarante-trois, est reprise à quinze heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Nadège Abomangoli.)

    Présidence de Mme Nadège Abomangoli
    vice-présidente

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    3. Améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés (no 380, 637).

    Présentation

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Luc Fugit, rapporteur de la commission des affaires économiques.

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur de la commission des affaires économiques

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    La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inspire de celle que nous avions défendue lors de la précédente législature, avec l’ancien député de la Gironde Pascal Lavergne. Celui-ci est présent en tribune et je le salue.
    En outre, cette proposition de loi, qui aurait dû être examinée en juin dernier, est le fruit de plusieurs années de travail et d’écoute du monde agricole, en métropole et dans les territoires ultramarins. En 2018, un amendement à la loi Egalim a permis l’expérimentation, sur les cultures en forte pente et pendant trois ans, de l’épandage par drone de produits phytopharmaceutiques autorisés en agriculture biologique ou ayant reçu la certification du plus haut niveau d’exigence environnementale.
    Cette mesure avait été préparée avec les agriculteurs et les viticulteurs des départements du Rhône et de l’Ardèche, dont vous connaissez les conditions de travail difficiles sur les coteaux.
    La proposition de loi que je vous présente vise à offrir aux agriculteurs et aux salariés agricoles la possibilité de recourir à une technologie qui permettra, tout en préservant leur santé et en améliorant leur sécurité au travail, de protéger leurs cultures plus efficacement, à l’aide des produits phytopharmaceutiques les moins risqués.
    Elle tend donc à fixer les conditions d’autorisation de programmes d’application de certains produits phytopharmaceutiques par aéronef circulant sans personne à bord, c’est-à-dire les drones.
    Avant toute chose, il me semble indispensable de décrire le cadre juridique dans lequel s’inscrit cette proposition. Actuellement, le droit français interdit l’épandage par drone de manière quasi absolue, alors que le droit européen offre des marges de manœuvre. Nous sommes donc dans une situation de surtransposition, mais involontaire en quelque sorte : lorsque le législateur français s’est prononcé en faveur d’une interdiction stricte de l’épandage aérien, celui réalisé par drone n’aurait pas pu être envisagé.
    L’interdiction actuelle est regrettable : elle prive l’agriculture, les agriculteurs et les salariés agricoles d’un outil vertueux. Comment en est-on arrivé là ? La directive européenne 2009/128/CE, dite directive SUD (usage durable des pesticides), interdit par principe la pulvérisation aérienne de produits pharmaceutiques, dans le double souci d’éviter les risques, pour la santé humaine et l’environnement, pouvant résulter de leur dérive et de réduire globalement l’application de tels traitements.
    L’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, que la présente proposition de loi tend à modifier, transpose cette interdiction de principe dans le droit français, depuis 2011. Or l’interdiction posée par la directive de 2009 concernait l’épandage aérien par avion ou par hélicoptère, qui induit une forte dérive des produits utilisés, et connaissait deux régimes dérogatoires : l’un applicable en l’absence de toute autre solution viable, l’autre applicable si la pulvérisation aérienne présente des avantages manifestes, du point de vue des incidences sur la santé humaine et l’environnement. Ces deux conditions sont alternatives.
    En 2011, ces deux dérogations ont été reprises par le droit français, mais en 2015, le gouvernement en place a fait adopter un amendement à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte supprimant la possibilité d’autoriser la pulvérisation aérienne lorsque ce type d’épandage se révèle plus avantageux pour la santé et l’environnement qu’une application terrestre.
    L’objectif affiché était de mettre un terme à l’épandage aérien de produits phytopharmaceutiques et, naturellement, l’épandage par drone n’avait alors pas été discuté.
    Depuis, cette technologie s’est développée et certains de nos voisins –⁠ les Allemands, les Autrichiens –, dont le droit national avait conservé les dérogations offertes par le droit européen, s’en sont saisis pour autoriser l’utilisation de drones d’épandage. Celle-ci n’est toujours pas possible en France, conséquence d’une forme de surtransposition du droit européen.
    Le législateur français n’est toutefois pas resté inactif depuis 2015. J’ai proposé en 2018 d’introduire dans la loi Egalim une expérimentation de trois ans visant à déterminer les bénéfices liés à l’utilisation de drones pour le traitement phytosanitaire des parcelles agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 %. Forts de cette expérimentation et des retours des acteurs des différentes filières qui perçoivent les potentialités offertes par cet outil, il nous revient aujourd’hui d’offrir une solution pérenne et équilibrée, s’agissant de l’utilisation des drones pour l’épandage de produits phytopharmaceutiques.
    Deux dispositifs articulés entre eux sont donc proposés dans le texte que je vous présente : définir un régime d’autorisation de programmes d’épandage par drone pour les parcelles agricoles comportant des pentes égales ou supérieures à 20 %, pour les bananeraies et pour les vignes mères de porte-greffes conduites au sol ; définir un régime d’essai de l’épandage par drone pour d’autres cultures ou d’autres contextes parcellaires, qui pourrait déboucher, après une évaluation scientifique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail –⁠ Anses – et sous le regard de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques –⁠ Opecst –, donc du Parlement, sur l’application du régime d’autorisation de programmes d’épandage par drone. Pour ces deux dispositifs, seule pourra être autorisée la pulvérisation de produits relevant de l’une des catégories suivantes : les produits de biocontrôle, les produits autorisés en agriculture biologique et les produits à faible risque au sens du droit européen.
    Nous entrerons dans le détail de la proposition de loi à l’occasion de l’examen des articles, mais je veux d’ores et déjà vous en démontrer le caractère équilibré. Il faut d’abord être conscient des limites de l’utilisation des drones pour l’épandage de produits. L’étude de l’Anses montre que le drone n’est pas l’outil le plus adapté dans certains contextes, par exemple lorsqu’il faut atteindre des zones sous un couvert végétal déjà dense. Il faut prêter une attention particulière à la question de la dérive des produits : sur ce point, l’Anses montre que la concentration en produit peut être plus importante à proximité immédiate des parcelles traitées –⁠ dans un rayon de dix mètres – mais pas au-delà, notamment près des habitations. Il existe toutefois en la matière des possibilités d’optimisation.
    La proposition de loi prend en compte ces limites en prévoyant des usages pour des cultures ou des contextes dans lesquels il est avéré que le drone présente un intérêt en termes d’efficacité et en limitant les produits utilisés aux produits les moins risqués. Si les risques sont très limités dans le cadre envisagé par la proposition de loi, les avantages du recours à l’épandage par drone de produits phytopharmaceutiques sont, quant à eux, nombreux et manifestes.
    Le drone permettra une utilisation plus efficace dans certaines hypothèses, lorsque les maladies sont peu installées, lorsque le volume foliaire est encore limité ou lorsqu’il est nécessaire d’atteindre le dessus d’un couvert végétal dense. Par exemple, pour lutter contre la cercosporiose noire, qui fait des ravages dans les bananeraies de nos territoires ultramarins, l’utilisation de drones pour réaliser un traitement efficace de la partie supérieure des feuilles s’avère indispensable et permettra d’éviter l’utilisation de canons de pulvérisation, dont l’efficacité est limitée et pour lesquels la dérive est forte et met aussi en danger la santé des applicateurs et des riverains.
    L’utilisation de drones garantira une meilleure réactivité et un meilleur ciblage des traitements pour agir de manière plus préventive et limiter, au bout du compte, la quantité de produit utilisée. Elle permettra aussi d’éviter le tassement des sols provoqué par le passage des engins agricoles. L’utilisation de drones à la place des systèmes d’application traditionnels offrira par ailleurs une solution très concrète pour défossiliser nos exploitations agricoles dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone. Cela fait déjà beaucoup d’avantages manifestes. Je ne reviens pas sur la liste des produits pour lesquels l’épandage par drone serait autorisé et qui représenterait pour les filières concernées une véritable incitation à utiliser des produits à faible risque, voire à se convertir progressivement en agriculture biologique, comme me l’ont indiqué par exemple plusieurs viticulteurs.
    Mais surtout, l’utilisation du drone présente un avantage incontestable et inestimable : c’est un moyen de réduire la pénibilité du travail de nos agriculteurs et de nos salariés agricoles,…

    Un député du groupe LFI-NFP

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    Ah !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    …de limiter les risques d’accidents du travail sur les fortes pentes et de réduire très substantiellement leur exposition aux produits. L’étude de l’Anses met en évidence un rapport de 1 à 200 sur ce dernier point.
    Nous avons adopté en commission, parfois de manière consensuelle, certains amendements qui améliorent la rédaction du texte. Mais la commission a également adopté, contre mon avis, trois amendements problématiques sur lesquels il nous faudra revenir.
    Gardons à l’esprit, lors des débats qui vont suivre, que la proposition de loi veut mettre à disposition des agriculteurs et des salariés agricoles un outil qui diminuera la dangerosité et la pénibilité de leur travail. Elle offre en outre une solution concrète pour contribuer à la transition agroécologique des exploitations agricoles et à l’usage raisonné des produits phytopharmaceutiques, et elle sera tout particulièrement utile pour l’agriculture biologique.
    Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter cette proposition de loi, qui est attendue par le monde agricole. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe EPR.)

    M. Paul Midy

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    Vous avez raison !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Un vrai député de terrain !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.

    Mme Annie Genevard, ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

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    Avant de détailler la position du gouvernement sur la proposition de loi qui vous est soumise, je tiens à en remercier l’auteur et rapporteur, M. Jean-Luc Fugit, non seulement pour son travail de grande qualité, mais aussi pour l’occasion qu’il nous donne de remettre un peu de raison au milieu d’un débat trop souvent miné par les passions. J’ai la conviction que, pour relever les défis de l’agriculture de demain, il faut toujours se placer du côté du progrès, de la science et des solutions concrètes, plutôt que du côté de la décroissance et des interdictions sans solution.
    La position du gouvernement en matière de protection des plantes contre les ravageurs et les maladies végétales est claire : c’est la réduction des risques et la réduction des usages. Et je sais qu’elle est partagée par tous les agriculteurs de notre pays. La nature est leur outil de travail, ils n’ont aucun intérêt à l’abîmer, et ils sont préoccupés de leur santé et de celle des autres.
    Par ailleurs, les produits phytopharmaceutiques sont une charge financière importante. Il faut donc en finir avec le procès en irresponsabilité des agriculteurs, bien souvent diligenté par des personnes qui n’ont jamais enfilé de bottes.

    M. Antoine Léaument

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    Si !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Il est clair que l’on ne reviendra pas en arrière : la trajectoire est d’aller vers moins de phytos, en portant une attention particulière aux filières qui sont en danger parce qu’elles ont des difficultés à protéger leurs cultures.
    Cette position est claire, parce qu’elle propose une méthode, qui est guidée par le principe de réalité, et lui seul. Vous ne me verrez jamais m’opposer au retrait européen de produits phytosanitaires en cas d’urgence pour la santé et l’environnement. (Mme Justine Gruet applaudit.) Le principe de réalité veut aussi, et je le regrette, qu’en l’absence de solutions alternatives suffisamment efficaces, l’interdiction brutale des produits phytosanitaires mette en péril nombre de productions et de filières, au détriment de notre souveraineté alimentaire.
    Pour sortir de cette difficulté, il faut établir une méthode et un calendrier. Le mien se décline en trois temps.
    Le premier temps, c’est celui de la réponse aux situations d’urgence, avec des itinéraires techniques adaptés et, le cas échéant, des dérogations de 120 jours qui peuvent être accordées pour aider à passer une campagne, le temps de sécuriser des réponses plus pérennes. C’est essentiel, car les exploitations qui disparaîtront demain ne se relèveront pas lorsque, dans plusieurs mois, nous aurons trouvé des alternatives. C’est ce que j’ai fait pour nos producteurs d’endives : il y va de la protection de nos petites filières.
    Le deuxième temps, c’est celui de la lutte contre les distorsions de concurrence au sein de l’Europe, car je suis absolument convaincue que cette politique doit être menée au niveau européen. Il est impératif que nos producteurs aient, autant que possible, accès aux produits dont disposent nos voisins européens. Cela suppose de recenser les écarts constatés par les différentes filières entre les produits autorisés en France et ceux autorisés dans d’autres États membres pour le même usage. Il faut lever les obstacles qui empêchent que ce qui a été autorisé par des agences sanitaires européennes ne le soit pas en France. C’est tout l’objet des travaux du comité des solutions, lancé par Agnès Pannier-Runacher au sein du précédent gouvernement et relancé dès mon arrivée.
    Ce conseil a très bien fonctionné ces derniers mois et je propose qu’il soit consacré dans nos textes, afin qu’il puisse assister les ministres concernés dans leur mission. Il s’agit de prioriser l’instruction, par l’Anses, des demandes d’autorisation des intrants en fonction des situations d’urgence constatées sur le terrain. Cela a déjà été le cas ces derniers mois et cela ne remet nullement en cause l’indépendance et l’expertise de l’Anses, qui agit dans un cadre européen strictement défini. C’est une mesure de bon sens : agissons rapidement pour des filières qui sont menacées d’effondrement, en regardant ce qui est autorisé par des agences voisines chargées de faire respecter le même règlement européen.
    Le troisième temps, c’est celui de la recherche et de l’innovation qui, à moyen et long terme, doit permettre de faire émerger des alternatives, face à la réduction de l’arsenal chimique disponible. L’objectif est de mobiliser tous les leviers –⁠ et pas seulement les leviers chimiques – en misant sur l’innovation dans les pratiques culturales, l’évolution des systèmes de production, les avancées en matière d’agroéquipements, les progrès génétiques des semences et l’intégration de technologies telles que l’agriculture de précision et l’intelligence artificielle.
    Dès lors, la règle que je me fixe est simple : je veux l’application immédiate de toutes les solutions possibles. Et c’est exactement ce que permet cette proposition de loi. Grâce à elle, s’agissant de certaines productions, dans toute surface en pente et dans laquelle il est pénible ou dangereux d’intervenir, nous pulvériserons mieux et nous pulvériserons moins.
    C’est en effet le constat scientifique que dresse l’Anses à l’issue d’une expérimentation de trois ans sur laquelle s’appuie votre proposition de loi. Cette expérimentation, conduite entre 2019 et 2021 dans le cadre de la loi Egalim, dans des exploitations présentant une pente égale ou supérieure à 30 %, a en effet conduit l’Anses, dans son avis technique final, à énoncer que « le recours à des drones de pulvérisation est envisagé comme une alternative pouvant présenter de multiples avantages ». Ces avantages, mesdames et messieurs les députés, sont de trois ordres.
    En premier lieu, l’épandage par drone permet de diminuer les risques d’accident du travail. Pensez en effet à ce qu’implique de traiter des vignes en forte pente, avec par exemple le risque de retournement des machines. L’utilisation de drones permettra demain de répondre à cette problématique. Le premier objet de cette loi, c’est de protéger nos producteurs.
    En second lieu, l’épandage par drone, s’il est bien encadré, permet de minimiser les risques sur la santé humaine, d’abord parce que cette technique éloigne naturellement la personne chargée de la pulvérisation de la zone d’épandage, ensuite parce qu’elle permet une pulvérisation de plus en plus précise, ce qui réduit le nombre d’applications, donc le volume d’utilisation de produits phytopharmaceutiques. L’Anses estime ainsi que le facteur de réduction des risques pour l’utilisateur est de 200 sur un terrain en pente, entre l’utilisation d’un drone et celle d’un chenillard.
    En troisième lieu, l’épandage par drone, bien encadré, permet de minimiser les risques sur l’environnement : parce qu’il permet un épandage de plus en plus précis, il réduit le recours aux produits pulvérisés et donc leur volume.
    Par ailleurs, cette technique a démontré scientifiquement son efficacité. L’Anses, pour ne citer qu’elle, énonce dans son avis technique final que « le recours à des traitements par drone apparaît comme une solution intéressante pour protéger les cultures des bioagresseurs problématiques dans certaines conditions biologiques, végétatives, climatiques ou topographiques ». Dans ces conditions, cette technique remplace avantageusement un pulvérisateur terrestre. Ces drones, je le répète, sont également utiles quand le sol, détrempé, n’offre plus une portance suffisante, parce qu’ils permettent de ne pas attendre que le sol en question soit suffisamment praticable pour lui appliquer des traitements urgents.
    Bref, nous disposons d’une solution concrète permettant de réduire les quantités épandues et les risques induits, tant pour l’opérateur que pour l’environnement : il faut donc y aller ! Aussi m’apparaît-il impératif de pérenniser l’utilisation des drones au bénéfice de nos agriculteurs, et d’encadrer de façon bien définie le recours à ces engins afin d’éviter tout débordement.
    D’abord, leur champ d’application est strictement délimité, puisque la technique d’épandage sera autorisée dans les parcelles se trouvant sur des terrains à forte pente, dans les bananeraies et les vignes mères de porte-greffes conduites au sol.

    M. Jean-François Coulomme

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    Ce sont encore les outre-mer qui vont trinquer !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Les drones ne survoleront donc pas toutes les exploitations de France. Si ce périmètre doit être étendu, il fera l’objet d’une expérimentation préalable et d’une évaluation par l’Anses. Ainsi, toutes les précautions sont prises.
    Ensuite, seuls les produits à faible risque, les produits autorisés en agriculture biologique et les produits de biocontrôle pourront être pulvérisés : parce qu’il privilégie des substances aux caractéristiques toxicologiques ou écotoxicologiques plus favorables, ce dispositif est de nature à rassurer nos concitoyens, ce qui nous incite à en favoriser largement l’utilisation.
    Enfin, les autorisations de mise sur le marché ou, le cas échéant, les prescriptions réglementaires, devront assortir aux conditions strictes d’utilisation des mesures particulières de gestion des risques destinées à garantir la sécurité des personnes et la préservation de l’environnement : seront notamment établies des distances de sécurité vis-à-vis des zones sensibles –⁠ les points d’eau, les habitations et les lieux accueillant des personnes vulnérables.

    M. Loïc Prud’homme

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    Cinquante centimètres !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    La proposition de loi conçoit une méthode d’avenir, robuste et fondée sur la science, pour autoriser l’épandage par drone, créant les conditions d’un développement progressif du recours à celui-ci. Elle rend possibles des expérimentations à durée limitée sur d’autres types de parcelles ou de cultures, visant à démontrer les bénéfices pour la santé humaine ou l’environnement de la pulvérisation par aéronef par rapport à l’épandage terrestre. À chaque fois que l’Anses aura évalué et validé ces bénéfices, il sera possible d’autoriser de manière pérenne, par arrêté, le recours aux drones. Cette méthode est la bonne, j’en ai la conviction. Elle répond exactement à la vision que je défends, consistant à accompagner la réduction des traitements phytosanitaires par la science et l’innovation. Elle permet en outre de dépassionner les débats en offrant une assise scientifique aux décisions qui seront prises en la matière.
    Parce qu’elle se fonde sur un constat scientifique, parce qu’elle permet de réduire les dommages que l’épandage par voie terrestre peut causer à l’environnement et à la santé humaine, et parce qu’elle est strictement encadrée, la présente proposition de loi est, fondamentalement, un progrès. Elle s’inscrit résolument dans une vision d’avenir de l’agriculture et encourage la réduction de l’emploi de produits phytosanitaires, chaque fois que cela est utile. Aussi le gouvernement lui apporte-t-il son plein soutien, en espérant que la représentation nationale fera de même. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, DR, Dem et HOR.)

    Discussion générale

    Mme la présidente

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    Nous abordons la discussion générale.
    La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot.

    M. Alexandre Allegret-Pilot

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    Les controverses soulevées par cette proposition de loi ont leur origine dans l’opposition, chère aux romantiques, entre le mythe du bon sauvage et la réalité cent fois millénaire de la relation qu’entretiennent l’homme et la nature, a fortiori depuis l’invention de l’agriculture il y a maintenant 10 000 ans.
    D’aucuns voudraient nous faire croire que la symbiose de l’être humain avec la nature ne se réalise que dans une forme d’indigence, propre aux chasseurs-cueilleurs des temps modernes –⁠ désormais réduits à la seule activité de cueillette – et tributaire des bonnes grâces d’une nature par ailleurs divinisée. (Sourires sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Comme toujours, les instigateurs de cette mythologie sans fondement sont ceux qui, comme le rappelait Olivier de Kersauson, ne savent pas discerner une feuille de chêne d’une feuille de hêtre,…

    M. Antoine Léaument

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    Organisons un concours ! On verra bien.

    M. Alexandre Allegret-Pilot

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    …ceux-là mêmes qui bénéficient de millénaires de progrès technique, de sélection et de modification des espèces, des races et des variétés ; ceux-là mêmes qui jouissent quotidiennement de l’âpre et éternelle lutte à laquelle se livrent l’homme et la nature. Du haut de leur confort civilisationnel et intermédié, ils donnent des leçons de retour aux sources primitives, rustiques et imaginaires, forçant le trait de l’image d’Épinal de l’agriculture vivrière dans un pays où il ne reste que 2 % de paysans et d’agriculteurs.
    Chers amis, rien, absolument rien de ce qui se trouve dans votre assiette ou dans votre jardin n’est « naturel », si vous entendez par là ce qui n’aurait jamais subi d’intervention humaine déterminante. L’homme est partout. Chers réactionnaires verts, vous n’avez pas le monopole de la nature. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Sourires.)
    En réalité, nature et culture sont inextricables, et le mythe du bon sauvage ne peut occulter les bénéfices des progrès réalisés ces soixante-dix dernières années, en France et dans le monde entier, dont témoigne…

    M. Jean-François Coulomme

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    La dérive des pesticides !

    M. Alexandre Allegret-Pilot

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    …l’amélioration généralisée du niveau de vie, avec –⁠ je vous l’accorde – son lot de dérives graves, contre lesquelles il faut lutter. Faut-il cependant rappeler les famines, les disettes, les ravages de cultures sous l’effet des parasites et du changement climatique, qui mettaient en danger jusqu’à la survie même de la population française aux siècles précédents ? En 1947, se déroulaient encore des émeutes de la faim dans le pays.

    M. Loïc Prud’homme

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    C’est une discussion générale, pas un Scrabble !

    M. Alexandre Allegret-Pilot

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    Non, chers amis, vous ne pouvez vous prétendre les thuriféraires du progrès social et refuser en même temps le progrès technique. En cinquante ans, la part de l’alimentaire dans les dépenses des Français a diminué de 43 %, et ce n’est pas grâce à des techniques d’ensemencement chamanique au clair de lune. Le prétendu droit à la paresse que vous réclamez si souvent repose en réalité sur un mécanisme de croissance et de progrès technique assumé, faute de quoi nos très chers acquis sociaux ne seront pas financés.
    Il y va de notre souveraineté. Le progrès technique, qui ne saurait, certes, être sans borne, demeure la condition de la compétitivité, du progrès social et du temps libre, surtout dans une économie mondialisée où nous nous sommes jetés à corps perdu afin d’augmenter le pouvoir d’achat des consommateurs, souvent au détriment du contribuable ou du travailleur.
    Dans la relation entre la culture et la nature, tout est affaire d’équilibre. Par cette proposition de loi, vous souhaitez diminuer la pénibilité du travail des agriculteurs, mais sans ajouter d’autres substances actives que celles déjà autorisées, et selon une démarche scientifique extrêmement encadrée.
    Vous avez beau jeu d’évoquer la pénibilité lors des débats sur les retraites alors que vous refusez les outils permettant de la réduire.

    M. Loïc Prud’homme

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    Avec des drones chinois !

    M. Alexandre Allegret-Pilot

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    La meilleure des pénibilités n’est pas celle qu’on indemnise, c’est celle que l’on évite. Vous avez également beau jeu de vous plaindre de la baisse des revenus des agriculteurs et de leur détresse, de l’accroissement des importations et de la dégradation de la qualité des produits alimentaires des Français, alors que vous refusez à nos agriculteurs les outils dont jouissent leurs concurrents. Vous avez enfin beau jeu de dénoncer l’accord avec le Mercosur alors que vous encouragez l’inégalité des armes productives entre agriculteurs au sein du marché commun européen.

    M. Jean-François Coulomme

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    Ce sont les salaires qui font la différence !

    M. Alexandre Allegret-Pilot

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    Il y a un an sortait en salle La Ferme des Bertrand, documentaire retraçant la vie d’une exploitation agricole sur trois générations. Outre l’engagement passionné des agriculteurs et l’importance de la transmission du fruit de leur travail, je n’en retiens, pour seule ligne directrice, que l’importance du progrès technique qui libère l’homme de la pénibilité d’un travail physique dans des configurations territoriales difficiles, comme sur les pentes des montagnes haut-savoyardes.

    M. Jean-François Coulomme

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    Laissez la Savoie tranquille !

    M. Alexandre Allegret-Pilot

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    Parce que les hôtes de la ferme des Bertrand, partout en France, nous le demandent, et parce que nous leur devons, le groupe UDR votera dans son intégralité, et avec conviction, en faveur de ce texte. Nous irons même plus loin, puisque nous avons déposé un amendement visant à permettre l’utilisation des drones d’épandage sur les cultures en terrasses. Cela permettrait à la fois de réduire la charge de travail des agriculteurs et de préserver ces magnifiques paysages que sont, par exemple, les faïsses cévenoles, donc de valoriser la nature qui nous est chère. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)

    Mme Hanane Mansouri

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    Bravo !

    M. Maxime Laisney

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    Ce sera sympa, les paysages, avec des drones partout !

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, pas d’invectives entre vous !
    La parole est à M. David Magnier.

    M. David Magnier

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    Chaque jour, nos agriculteurs voient leur horizon s’assombrir sous le poids des normes, des interdictions et de l’indifférence. Pourtant, ce sont eux qui nourrissent la France, préservent nos paysages et incarnent notre souveraineté alimentaire. Que faisons-nous pour eux ?
    Cette proposition de loi prolonge les expérimentations de la loi Egalim de 2018 qui vise notamment à réduire l’usage des pesticides, tout en prévoyant des dérogations pour tester des outils innovants comme les drones.
    Je salue le travail rigoureux de mon excellent collègue Hervé de Lépinau, qui a su mettre en lumière les enjeux essentiels de ce texte en commission.
    Soyons honnêtes : au lieu de marquer un tournant, ce texte s’apparente davantage à timide un coup de pédale dans une montée abrupte. Pendant ce temps, nos voisins avancent à grandes enjambées. Tandis que nous en sommes encore à débattre des pentes admissibles et des produits autorisés, l’Allemagne et l’Espagne utilisent déjà des drones pour pulvériser leurs vignobles et leurs oliveraies. Limiter l’épandage par drone aux seules pentes supérieures à 30 % revient à exclure des milliers de parcelles, notamment dans les Cévennes ou le Massif central, et donc à refuser aux agriculteurs une technologie qui pourrait les soulager. Ces restrictions, au fond, traduisent une méfiance injustifiée à leur égard. Ces hommes et ces femmes ne sont pas irresponsables ; ce sont des experts de leurs terres.
    Pourquoi refuser aux agriculteurs une technologie qui protège leur santé et limite les conséquences néfastes sur l’environnement ? Pourquoi restreindre l’autorisation aux seuls produits autorisés en agriculture ou aux produits à faible risque, alors que Bruxelles en valide d’autres, tout aussi sûrs et efficaces ? L’Union européenne impose des règles mais montre son incapacité chronique à soutenir concrètement l’agriculture française. En théorie, elle prétend ouvrir des voies d’innovation, en pratique, elle étouffe nos exploitants avec des normes kafkaïennes.
    L’épandage par drone n’est pas une utopie futuriste mais une solution bien réelle et éprouvée. Savez-vous qu’en Martinique, les drones ont démontré leur capacité à atteindre les feuilles les plus hautes des bananeraies, avec une précision inégalée ? Qu’ils permettent de réduire jusqu’à 200 fois l’exposition des opérateurs aux produits phytosanitaires et qu’ils limitent les pertes par dérive, réduisant ainsi les conséquences sur l’environnement tout en augmentant l’efficacité des traitements ?
    Pendant que nous tergiversons, la concurrence avance, et pas seulement en Europe : le Mercosur nous rappelle chaque jour l’hypocrisie de nos politiques commerciales. Nous imposons à nos agriculteurs des normes draconiennes, tout en acceptant sur nos marchés des produits sud-américains cultivés sans respect pour ces dernières : des produits subventionnés, qui seront importés à bas coût et écraseront nos filières locales. C’est un sabordage de notre souveraineté alimentaire et une insulte à ceux qui travaillent nos terres. Pourquoi imposer à nos agriculteurs des règles que l’Union européenne elle-même ne nous demande pas d’appliquer ? Champion de la surenchère réglementaire, l’État français ajoute des contraintes là où il devrait libérer l’innovation.
    Que dire du rôle de l’Anses dans cette équation ? Désormais arbitre de l’avenir de notre agriculture, cette agence est allée jusqu’à interdire des produits pourtant validés par Bruxelles, fragilisant les agriculteurs français face à leurs concurrents européens, puisque ceux-ci peuvent continuer à les utiliser. C’est un déséquilibre inacceptable !

    M. Loïc Prud’homme

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    Supprimons tout !

    M. David Magnier

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    La gestion des autorisations phytosanitaires doit revenir au ministère de l’agriculture, qui saura mieux défendre les intérêts de nos territoires. Le Rassemblement national soutient cette proposition de loi parce qu’elle va dans la bonne direction, mais notre groupe exige plus d’audace. Nous sommes la seule force politique à défendre fermement ceux qui nourrissent la France et à exiger la fin de cette double peine : des normes étouffantes et une concurrence internationale déloyale. Ce texte doit être un bouclier et une arme pour nos agriculteurs, pas un canon sans poudre qui les laisse abandonnés sur le champ de bataille.
    Nos agriculteurs ne demandent pas des miracles, ils demandent qu’on cesse de leur mettre des bâtons dans les roues. Ils demandent des outils modernes, comme les drones, pour répondre aux défis du quotidien. Ils demandent simplement qu’on leur permette de travailler, d’innover et de nourrir la France. Nous avons l’occasion de leur montrer que nous les soutenons, que nous croyons en eux.
    Dans sa version actuelle, ce texte reste toutefois insuffisant : étendons l’usage des drones à toutes les parcelles agricoles, autorisons l’utilisation de tous les produits validés par l’Union européenne, et simplifions enfin les démarches administratives qui paralysent les exploitants. Arrêtons de freiner ceux qui travaillent la terre, soutenons leur travail, leur engagement. L’agriculture française mérite mieux qu’un texte timide, elle mérite un véritable élan, une véritable ambition. Défendons nos terres et nos agriculteurs avant qu’il ne soit trop tard. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sandra Marsaud.

    Mme Sandra Marsaud

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    Cette proposition de loi de Jean-Luc Fugit, que nous examinons après un passage remarqué en commission, avait été défendue sous la précédente législature par un agriculteur passionné, Pascal Lavergne, présent en tribune et que je salue. La démarche qui l’inspire est décisive pour l’avenir de l’agriculture, puisqu’il s’agit d’allier innovation, protection de l’environnement et amélioration des conditions de travail des agriculteurs. Au vu des débats animés en commission, cela n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît !
    Ce texte vise à élargir et à encadrer l’utilisation de drones pour pulvériser des produits biologiques et de biocontrôle. Il prolonge et amplifie la dynamique lancée par la loi Egalim du 30 octobre 2018 –⁠ une autre avancée législative dont nous sommes fiers –, qui a autorisé l’expérimentation, durant trois ans à partir de 2019, de la pulvérisation par drone dans les zones agricoles particulièrement contraignantes telles que les vignobles à forte pente, les bananeraies ou encore les vergers difficiles d’accès. Les conclusions du rapport de l’Anses publié en 2022 sont claires : cette méthode présente, dans des contextes bien spécifiques, des avantages concrets et mesurables.
    En effet, les drones permettent d’appliquer les produits phytosanitaires de façon plus précise et maîtrisée, ce qui limite leur dispersion sur les sols et les écosystèmes environnants. Sur le plan environnemental, ils favorisent donc une agriculture plus respectueuse et durable. Les drones fournissent également une solution aux problèmes majeurs auxquels sont confrontés les agriculteurs. D’abord, ils réduisent l’exposition aux produits phytosanitaires –⁠ jusqu’à 200 fois par rapport aux méthodes traditionnelles –, ce qui constitue un progrès considérable pour la santé des travailleurs agricoles ; ensuite, ils améliorent les conditions de travail, en supprimant des tâches physiques éprouvantes ; enfin, ils permettent d’éviter des accidents graves ou mortels.
    Ces avancées, auxquelles s’ajoute un gain de temps important, font des drones un moyen inédit pour moderniser et sécuriser le travail agricole. Comme cela a été évoqué en commission, un drone peut traiter un hectare de vignoble en forte pente et difficile d’accès en seulement quarante-cinq minutes, quand dix heures éprouvantes sont nécessaires à un opérateur à pied. Il ne s’agit pas d’un simple progrès technique, mais d’un outil qui renforce la compétitivité et la dignité du travail agricole. D’autre part, des études récentes, comme celle conduite en 2020 par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) sur les bananeraies martiniquaises, ont confirmé la performance supérieure des drones pulvérisateurs dans la lutte contre des maladies comme la cercosporiose noire. Ces données justifient d’étendre l’emploi des drones à d’autres contextes spécifiques, tout en maintenant leur encadrement rigoureux afin d’éviter les dérives.
    À cet égard, la proposition de loi apporte une réponse équilibrée et ambitieuse : elle vise à pérenniser l’utilisation de drones dans des situations ciblées, tout en ouvrant la voie à l’expérimentation sur d’autres types de cultures. Il s’agit d’une démarche pragmatique, fondée sur des résultats scientifiques et des retours de terrain concrets. Pour le groupe EPR, ce texte incarne une agriculture tournée vers l’avenir, qui protège l’environnement en limitant les quantités d’intrants et en réduisant leur impact sur les écosystèmes, qui améliore les conditions de vie et de travail de celles et de ceux qui nous nourrissent, et qui encourage l’innovation et les technologies de pointe pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain.
    Nous voterons donc avec conviction en faveur de ce texte, comme nous l’avons fait en commission des affaires économiques la semaine passée. Nous défendrons également des amendements visant à supprimer des dispositions introduites en commission contre l’avis du rapporteur, notamment celle tendant à interdire l’utilisation de drones près des zones habitées. En soutenant cette proposition de loi, nous affirmons une fois de plus que l’innovation agricole ne constitue pas une menace, mais une chance, pour les agriculteurs, l’environnement et l’avenir des territoires agricoles, que nous aimons passionnément. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme.

    M. Loïc Prud’homme

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    Revoilà les promoteurs de l’épandage aérien par drone, cinq ans après les amendements qu’ils avaient introduits dans la loi Egalim et qu’ils avaient copiés-collés –⁠ à la faute d’orthographe près ! – sur l’agrochimie. Vous voici donc visant le même objectif, en vous cachant cette fois derrière la santé des agriculteurs et des ouvriers agricoles, dont vous semblez découvrir –⁠ ô miracle ! – la pénibilité du travail. Quel dommage que la lumière ne vous ait pas frappés jeudi dernier, quand vous leur imposiez deux ans de travail supplémentaires ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Dominique Voynet applaudit également.) Pourtant, nombreux sont les ouvriers et les ouvrières agricoles parmi les 15 000 travailleurs qui passent de vie à trépas entre 62 et 64 ans.

    M. Maxime Laisney

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    Exactement !

    M. Loïc Prud’homme

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    Votre soudaine conversion à la réduction de la pénibilité des travaux agricoles ne berne personne. J’ai moi aussi, monsieur le rapporteur, rencontré il y a quelques mois un vigneron de Savoie. Établi en agriculture biologique, son souci n’est pas de savoir comment remplacer, dans ses parcelles, la présence humaine qualifiée par des drones ; son souci majeur, c’est le réchauffement climatique, qui le contraint à s’adapter à des cycles biologiques inédits ; c’est la dérive des pesticides interdits en agriculture biologique, qui atterrissent sur les bordures des parcelles mitoyennes avec celles de ses collègues en agriculture conventionnelle –⁠ phénomène de dérive que ce texte ne fera qu’aggraver.
    Je discute aussi avec les viticulteurs et les ouvriers viticoles de ma région, la Gironde, où l’on arrache des milliers d’hectares de vigne faute de débouchés commerciaux et de revenus. Ces ouvriers qualifiés se fichent bien des drones –⁠ chinois ! –, eux qui demeurent attachés à un métier qui souvent les passionne, malgré sa pénibilité et les maladies professionnelles qui en découlent –⁠ cancers, lymphomes et troubles musculo-squelettiques. Ils se trouvent aussi prisonniers de l’endroit où ils vivent et dépendants d’un travail avec lequel ils survivent, si bien que ce n’est pas un drône qu’ils réclament, qui viendrait les remplacer par paquets de dix, mais de meilleures conditions de travail, davantage de respect, moins de pesticides et des salaires enfin à la hauteur de leur tâche. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP et sur plusieurs bancs des groupes EcoS et GDR.)
    Toute honte bue, vous défendez cette proposition de loi en vous prévalant également de la science. Position cocasse, alors que vous ignorez depuis sept ans les rapports successifs de l’Inserm –⁠ Institut national de la santé et de la recherche médicale –, de l’Inrae et de l’Ifremer –⁠ Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer –, (Applaudissements, sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP) qui documentent tous le lien délétère entre l’usage des pesticides et la santé des hommes et des femmes qui s’y trouvent exposés –⁠ agriculteurs, riverains. Ces rapports soulignent également l’impact direct des pesticides sur les écosystèmes et la biodiversité, dans un pays qui demeure le champion d’Europe, tant en quantité de pesticides épandus qu’en nombre de molécules autorisées ! Cocasse encore, puisque depuis sept ans vous n’avez jamais levé le petit doigt pour infléchir cette trajectoire désastreuse (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP), sauf une fois, lorsque vous avez levé l’index pour voter la réautorisation des néonicotinoïdes, ces pesticides dévastateurs, en particulier pour les abeilles !

    M. Jean-François Coulomme

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    Quelle indignité !

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    Honteux.

    M. Loïc Prud’homme

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    La ficelle est donc un peu grosse quand vous utilisez les conclusions de l’Anses dans le sens contraire de ce qu’elles décrivent ! Cette agence sanitaire, pourtant connue pour ses avis mesurés –⁠ pour ne pas dire timides – tire la sonnette d’alarme, en précisant qu’on ne peut garantir l’innocuité de cette pratique et que la dérive des produits est importante. En clair, vous jouez à pile ou face avec la santé des citoyens, en cherchant à autoriser des épandages incontrôlés qui pourraient contaminer l’air, les sols, les nappes phréatiques et, bien sûr, menacer la biodiversité. Pour ma part, je ne suis pas joueur.
    Monsieur le rapporteur, vous qui vous gargarisez de science et de raison, où étiez-vous quand l’Inrae et l’Anses ont été prises pour cibles par la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et les Jeunes Agriculteurs (JA) la semaine passée ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, EcoS et GDR.) Contre ces attaques d’une violence symbolique rare, désignant à la vindicte des scientifiques, je n’ai trouvé aucune prise de parole de votre part, qui viendrait soutenir la recherche française…

    Mme Delphine Batho

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    Au contraire !

    M. Loïc Prud’homme

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    …face à cette dérive obscurantiste à la Trump ou, devrais-je traduire en bon français, à la Kasbarian. (Mêmes mouvements.)
    La Macronie, lorsqu’elle se pose dans ce texte en défenseure de la science et des salariés, joue une farce. Monsieur le rapporteur, madame la ministre, à moins que vous n’espériez demeurer dans les petits papiers de la FNSEA, renoncez à ce texte, renoncez à perpétuer un modèle agrochimique qui détruit l’environnement et la biodiversité, et empoisonne les agriculteurs et les agricultrices. (Les députés du groupe LFI-NFP ainsi que M. Benoît Biteau se lèvent et applaudissent. –⁠ Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mélanie Thomin.

    Mme Mélanie Thomin

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    Cette proposition de loi, déposée sous la XVIe législature, aurait dû être examinée la semaine suivant les élections européennes, si le président de la République n’avait pas décidé de dissoudre l’Assemblée nationale. Alors que le monde agricole s’est mobilisé et que le projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole, particulièrement décevant, ne réglera aucun des problèmes que les agriculteurs rencontrent face à la concurrence déloyale et à l’insuffisance des revenus, nous voici de nouveau devant un texte gadget, loin de pouvoir rassurer ces derniers.
    En 2018, dans le cadre de l’examen du texte qui allait devenir la loi Egalim, un amendement de la majorité défendu par Thierry Benoit et Antoine Herth avait autorisé à titre expérimental –⁠ pour une durée maximale de trois ans – l’usage de drones pour pulvériser des produits phytopharmaceutiques sur des vignes présentant une pente supérieure ou égale à 30 %. Cette expérimentation a fait l’objet d’une évaluation par l’Anses –⁠ que je salue à mon tour – en juillet 2022, afin de déterminer ses bénéfices éventuels pour la santé et l’environnement. Or cette évaluation ne conclut pas, c’est le moins que l’on puisse dire, à une efficacité systématique de l’usage de drones pour répandre certains produits phytopharmaceutiques.
    Le comité d’experts spécialisés (CES) qui l’a réalisée dresse plusieurs constats. Tout d’abord, s’agissant de l’efficacité, le CES juge les performances des drones de pulvérisation limitées, que ce soit pour traiter des stades végétatifs avancés ou des feuillages peu étalés. Concernant les arbres, le traitement fongicide par drone ne couvre que faiblement les faces inférieures des feuilles, ce qui rend leur efficacité douteuse face à certains agents pathogènes qui, comme le mildiou, colonisent les faces foliaires abaxiales. Dans l’ensemble, le CES estime que l’application demeure moins performante et plus variable par drone qu’avec un matériel terrestre. Pour un même programme de traitements, les applications par drone se révèlent globalement moins efficaces que celles par pulvérisateur classique –⁠ pulvérisateur à dos, voûte pneumatique ou canon fixe –, notamment en cas de forte présence de mildiou ou d’oïdium. Pour les applications sur les pommiers, les valeurs de dérive aérienne par drone, équipé de buses à granulométrie forte, sont trois à quatre fois plus faibles que celles mesurées avec le matériel de référence, équipé de buses à granulométrie fine, sauf aux hauteurs inférieures à 1,5 mètre.
    Certes, le CES note que l’exposition de l’opérateur recourant à un drone est environ 200 fois plus faible que celle d’un opérateur utilisant un chenillard. Cependant, lors de la phase de chargement, la contamination est plus élevée dans le cas d’un drone, qui nécessite d’être rempli plusieurs fois –⁠ onze opérations de chargement, contre trois pour un chenillard, à quantité pulvérisée quasiment identique.

    Mme Delphine Batho

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    C’est précis !

    Mme Mélanie Thomin

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    Toute la prudence de l’Anses se mesure dans ses conclusions : « Au regard de l’interdiction des applications de produits phytopharmaceutiques par hélicoptère et des limites associées au passage de pulvérisateurs terrestres dans les parcelles à fortes pentes […], le recours à des drones de pulvérisation est envisagé comme une alternative pouvant présenter de multiples avantages. » Il s’agit notamment, pour les travailleurs agricoles, de se libérer d’un équipement particulièrement lourd pour traiter des cultures de vigne sur des terrains accidentés. Néanmoins, « plusieurs études montrent que les dépôts sur les cultures présentent une variabilité supérieure après utilisation de drones en comparaison avec les matériels d’application classiques. Ainsi, la question de l’impact de la quantité des dépôts sur les cultures sur l’exposition des travailleurs se pose. » Enfin, l’Anses conclut qu’« une généralisation de l’impact des drones […] reste assez difficile à quantifier avec précision dans la mesure où les études montrent des résultats pouvant présenter une forte variabilité et reposent sur un nombre de répétitions limitées. Les conditions d’utilisation ont un impact très important sur le niveau de la dérive. »
    Comme socialistes, nous considérons que deux principes doivent guider la prise de décision concernant les évolutions technologiques dans l’agriculture : d’abord, elles doivent améliorer les conditions de travail des agriculteurs ; ensuite, la meilleure efficacité des traitements ne doit pas porter atteinte à la santé humaine et environnementale.
    Si les conditions semblent réunies pour l’utilisation de drones sur les parcelles accidentées ou difficiles d’accès, aucune garantie ni aucune certitude scientifique ne permettent de généraliser les essais sur tous les types de cultures.
    Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition en l’état. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. –⁠ MM. André Chassaigne et Jean-François Coulomme applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Nury.

    M. Jérôme Nury

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    L’agriculture française est soumise, depuis plusieurs mois, à des pressions grandissantes. Elles se manifestent, dans nos campagnes, par des opérations coup de poing et des rassemblements devant les administrations ou sur les ronds-points. Avec l’augmentation des charges, du coût de l’énergie, des matériels et des engrais, nos agriculteurs ne peuvent plus supporter les hausses des coûts de production, qu’ils sont dans l’impossibilité de répercuter sur les prix de vente. Ils n’en peuvent plus non plus d’être montrés du doigt par certains donneurs de leçons, des talibans de l’écologie extrême ou des associations aux financements nébuleux, qui les stigmatisent et les insultent.
    À tout cela s’ajoute une avalanche permanente de normes et de contraintes administratives, souvent venues de Bruxelles et retranscrites –⁠ ou plutôt surtranscrites – avec zèle et entrain.
    Dans ce contexte, la proposition de loi que nous examinons ne peut qu’améliorer la situation des agriculteurs, car l’utilisation de drones, possible hier et devenue impossible aujourd’hui, ne peut qu’offrir aux agriculteurs, si nous la permettons à nouveau, un outil moderne et efficace.
    Ce progrès technologique répond à des problèmes concrets et bien identifiés. Soit les vignobles escarpés de la vallée du Rhône, de l’Ardèche ou du mont de Cerisy : le traitement de ces parcelles est un défi majeur, tant la sécurisation de ces chantiers particulièrement dangereux coûte d’efforts. Chaque année, des vignerons perdent tragiquement la vie à cause du retournement d’engins agricoles.
    Sur le plan environnemental, les études menées par l’Anses et l’Inrae montrent que la pulvérisation par drone réduit les risques et améliore la précision des traitements, tout en diminuant l’utilisation des produits et les rejets : cette méthode est ainsi plus sûre et plus durable.
    Cette technologie offre également d’autres avantages. Contrairement aux engins traditionnels qui, du fait du tassement qu’ils occasionnent, peuvent fragiliser la structure et la fertilité des sols, elle préserve la terre. Or il est essentiel, afin de conserver une terre généreuse et nourricière, de préserver ce que, dans son livre Humus, l’Ornais Gaspard Koenig appelle « l’infiniment petit des sols ».
    Il est donc incompréhensible que la gauche, lors de l’examen du texte en commission, ait restreint l’usage des drones : il y va de la sécurité des agriculteurs et de leurs salariés, comme de la pénibilité de leurs tâches ; il y va de la préservation de l’environnement, comme de la santé des Français.
    Le cadre que vise à instaurer cette proposition de loi n’est en rien révolutionnaire. Il ne s’agit que de pérenniser une expérimentation qui aurait déjà dû l’être depuis la loi Egalim de 2018, comme nous l’avions demandé à l’époque. Que de temps perdu pour les agriculteurs, les vignerons et, aujourd’hui, pour le législateur, parce que le Parlement s’est montré frileux et a campé sur le « en même temps » !
    Oublions les erreurs du passé et entérinons définitivement cette utilisation, en allant plus loin, et en revenant sur certaines contraintes imposées par la gauche lors de l’examen du texte en commission.
    Nous avons, à ce titre, déposé plusieurs amendements.
    Nous souhaitons, premièrement, supprimer l’interdiction de se servir d’un drone à une distance de moins de 250 mètres des zones habitées. Une telle mesure pénaliserait les petites exploitations et n’a pas de sens : la précision des pulvérisations élimine le risque de propagation.

    Mme Delphine Batho

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    C’est faux !

    M. Jérôme Nury

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    Nous souhaitons, deuxièmement, élargir la possibilité d’utiliser les drones à d’autres types de parcelles agricoles, comme aux rizières, dont la surface a diminué de 25 % en trois ans, en raison des difficultés à gérer les plantes adventices.
    Autant d’avantages permettant de préserver les surfaces cultivées : pour toutes ces raisons, le groupe de la Droite républicaine votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR. –⁠ M. Henri Alfandari applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    C’est ce qui s’appelle avoir le sens des priorités !
    Dans la situation actuelle de la France et du monde, marquée par tant d’événements et de bouleversements historiques de premier plan, que doit nous inspirer le fait que le principal groupe soutenant le gouvernement inscrive, comme premier texte à l’ordre du jour de sa première journée d’initiative parlementaire de la législature, l’autorisation de l’épandage aérien de pesticides par drone ?
    Citoyennes, citoyens, vous croyez peut-être que le groupe lié au président de la République s’occupe avec gravité du budget de la sécurité sociale et de l’État ou de la crise politique, après qu’il a choisi de tourner le dos au barrage républicain contre l’extrême droite, vous croyez peut-être qu’il se soucie de ce que Trump vient d’être élu aux États-Unis, de ce que la Corée du Nord s’engage auprès de la Russie dans la guerre en Ukraine et de ce que Poutine agite la menace nucléaire. Vous croyez peut-être qu’il se préoccupe d’agir pour la paix au Proche-Orient ou qu’il tâche de répondre aux urgences du quotidien –⁠ contre la vie chère, contre les plans de licenciement, contre les déserts médicaux, pour le revenu des agricultrices et des agriculteurs. Non : la priorité du groupe présidé par Gabriel Attal, c’est le backlash contre la nature, la beauté de la France et la santé de ses habitants. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, GDR et sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
    Vous êtes devenus les grands spécialistes du démantèlement des lois de protection de l’environnement. Il en va aujourd’hui de celle qui interdisait l’épandage aérien des pesticides, issue, en 2007, du Grenelle de l’environnement, avant d’être renforcée en 2015 : vous voulez la défaire comme vous en avez défait tant d’autres, texte après texte, étape par étape.
    Cette proposition de loi est le symbole de l’effondrement politique, intellectuel, et même moral, de ceux qui se prétendaient « en marche » et auxquels il ne reste plus que la servilité à l’égard des intérêts économiques –⁠ ceux qui veulent toujours plus de pesticides, plus d’empoisonnement de l’eau et de l’alimentation, plus de destruction de la nature, plus de lâcheté face au chantage d’une poignée d’industriels. (Mêmes mouvements).
    Quelle semaine ! Le lundi –⁠ après le déclenchement du 49.3 –, fin de l’interdiction de l’épandage aérien des pesticides ; le mercredi, à l’ordre du jour du Sénat, fin de l’interdiction de tous les néonicotinoïdes. Madame la ministre, vous nous avez dit, lors du débat sur le projet d’accord avec le Mercosur, que la France devait fièrement faire prévaloir une exception agricole dans les échanges mondiaux et qu’elle devait « défendre son modèle agricole, vertueux et respectueux de l’environnement et des consommateurs ». Tout se passe comme si elle devait, au contraire, liquider son modèle, se standardiser, s’aligner sur le productivisme le plus vil.

    Mme Marie Pochon

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    Eh oui !

    Mme Delphine Batho

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    Comme si l’urgence, dans la situation du pays, était de détruire la beauté de ses paysages de plaines, de bocages, de montagnes, de vallées, que survoleront désormais des drones, d’empoisonner toujours plus, en aggravant l’exposition aux produits chimiques qui tuent, causent des cancers et tant d’autres maladies, qui brisent des vies. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)
    Comme si l’urgence était d’aggraver l’effondrement de la biodiversité, la destruction des populations d’insectes, d’oiseaux, de vers de terre, sans lesquels il n’y a pourtant ni souveraineté ni sécurité alimentaire.
    Vous racontez une fable aux agriculteurs et aux agricultrices : la fable d’une France où les travailleuses et les travailleurs de la terre pourraient être remplacés par des machines.

    Mme Sandra Regol

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    Eh oui !

    Mme Delphine Batho

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    Loin de répondre à la colère du monde agricole, cette vision techniciste est une nouvelle étape de la destruction du monde paysan.
    Il faut dire un mot de l’hypocrisie qui caractérise cette proposition de loi. Lorsque vous prétendez nous rassurer en affirmant que les drones n’épandront que certains produits biologiques ou de biocontrôle, et sur certaines cultures seulement,…

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    C’est pourtant vrai !

    Mme Delphine Batho

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    …personne n’est dupe. C’est la tactique de la fable de La Fontaine : montrer patte blanche, pour ouvrir grand la porte à la fin de l’interdiction de l’épandage aérien. (Mêmes mouvements).
    La logique de généralisation de l’épandage par drone à toutes les cultures est inscrite dans l’ADN de ce texte. Pour le justifier, vous cédez aux sirènes de la post-vérité, en faisant dire à une agence de l’État, l’Anses, tout l’inverse de ce à quoi elle conclut dans son rapport sur les quelques expérimentations –⁠ non probantes – qui ont été conduites. L’Anses vous dérange tant qu’on a appris, ce week-end, la création d’une sorte de Politburo, avec les firmes de l’agrochimie, auquel l’expertise scientifique devra rendre des comptes.

    Mme Marie-Charlotte Garin

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    La honte !

    Mme Delphine Batho

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    En cette période, le pays est saisi par la peur de son déclin. En vous plaçant à l’avant-garde du sabordage des lois de protection de la santé et de l’environnement, en offrant à l’extrême droite, pour répondre à la pression qu’elle exerce sur vous, le scalpel de l’épandage par drone, vous faites le pire de choix. Vous n’en tirerez aucun bénéfice : il y aura toujours plus violemment antiécologique que vous. L’extrême droite ne se satisfera d’aucun compromis ou d’aucune concession. Le groupe écologiste votera résolument contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. –⁠ Mme Anne Stambach-Terrenoir applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hubert Ott.

    M. Hubert Ott

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    Je salue tout d’abord le travail remarquable de Pascal Lavergne, à l’origine de ce texte, poursuivi avec rigueur par le rapporteur Jean-Luc Fugit : ils ont toute notre reconnaissance.
    Face à la nécessité de mieux combattre les dérèglements climatiques comme face à celle de mieux protéger le vivant et son environnement –⁠ une de mes priorités – il peut s’avérer utile de recourir à l’innovation, plus encore quand elle peut aider le travail des agriculteurs et faciliter ainsi le maintien en culture de paysages exceptionnels.
    Depuis l’interdiction de la pulvérisation aérienne, en 2015, les agriculteurs confrontés à des terrains difficiles, comme les vignobles escarpés d’Alsace, sont souvent démunis. Ces pentes abruptes, atteignant parfois les 60 %, rendent trop dangereuses les solutions terrestres. J’ai pu le constater dans ma circonscription : pour le grand cru Kitterlé du domaine Schlumberger, à Guebwiller, par exemple, l’absence de solutions techniques adaptées menace d’abandon l’identité paysagère de l’entrée de la vallée du Florival. On pourrait également citer, parmi bien d’autres, le Sommerberg à Niedermorschwihr, le Brand à Turckheim, le Schlossberg à Kientzheim.
    Ne nous trompons pas de débat. Il ne s’agit pas de ramener la discussion à cette question récurrente : l’innovation technologique est-elle compatible avec l’écologie ? Il m’arrive, à titre personnel, d’admettre qu’il puisse y avoir entre elles une incompatibilité. Mais l’innovation proposée aujourd’hui peut être sincèrement considérée comme une nouvelle solution sécurisée pour des agriculteurs pionniers en matière de durabilité.

    M. Éric Martineau

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    Eh oui !

    M. Hubert Ott

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    En Alsace, pas moins de 35 % des surfaces viticoles sont exploitées en agriculture biologique, un record national qui témoigne d’un authentique engagement pour le respect de l’environnement. Les viticulteurs alsaciens, par leur approche sensible du milieu naturel, montrent la voie essentielle : celle de la résilience. Ils méritent les outils adaptés aux défis quotidiens de leur pratique.

    M. Éric Martineau

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    Tout à fait !

    M. Hubert Ott

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    Dans nos vignobles et nos cultures en terrain accidenté, les drones ne seront pas un gadget. Leur capacité à survoler les pentes au ras des cultures et à cibler avec précision les zones à traiter en font l’outil le mieux adapté. Le drone sera un allié utile lorsqu’il faudra sauver ces cultures touchées par la multiplication des intempéries.
    Ce texte n’a rien d’un recul écologique. Il garantit, au contraire, un usage sécurisé et contrôlé de certains produits à faible risque et de ceux autorisés en agriculture biologique. En réduisant les quantités de produits épandus, ils réduiront d’autant leur impact sur les écosystèmes.
    L’autre sujet essentiel est la sécurité. Les équipements terrestres –⁠ tracteurs à chenilles ou pulvérisateurs à main –, dans des conditions aussi exigeantes que celles des vignobles à forte pente, font courir aux agriculteurs des risques inacceptables : chute, effort physique démesuré, exposition accrue aux produits. Le constat est sans appel, nous ne pouvons pas demander aux viticulteurs et aux agriculteurs de sacrifier leur santé pour répondre à des contraintes réglementaires.
    Ce texte repose sur des expérimentations encadrées, et des études ont confirmé les avantages de cette méthode.

    Mme Marie Pochon

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    C’est faux !

    M. Hubert Ott

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    Le rapport de l’Anses a également souligné que cette méthode permettait de réduire efficacement le tassement des sols. Drone ou pas, le sol cultivé est un enjeu écologique fondamental. Les viticulteurs et les cultivateurs, en agriculture biologique ou conventionnelle, abordent le sol comme une composante essentielle de leur travail. Le sol cultivé, en restant vivant et aéré, nourrit les plantes et maintient mieux l’humidité vitale à leur système racinaire. En évitant, grâce aux drones, les ravinements et l’écrasement du sol cultivé sous le poids des engins, ils feront un bond en avant pour en préserver la vitalité.
    Cette technologie n’est pas un saut dans l’inconnu, et s’inscrit dans une dynamique européenne : l’Allemagne, la Suisse, la Belgique et le Luxembourg ont déjà, avec des résultats probants, intégré cette méthode.
    Ce débat ne doit pas nous diviser. Nous parlons de la sécurité des agriculteurs, de leur capacité à protéger leurs cultures, et de la nécessité de préserver nos paysages culturaux emblématiques. En votant en faveur de cette proposition de loi, nous envoyons un signal fort : celui d’une agriculture résiliente. Nous affirmons qu’innovation et écologie ne sont pas toujours incompatibles : les drones et l’innovation nous offrent la réponse aux défis climatiques et environnementaux d’aujourd’hui.
    Le Groupe Les Démocrates votera ce texte avec conviction car, plus que jamais, il faut soutenir nos agriculteurs dans leur engagement quotidien pour allier sécurité, productivité et respect de la nature. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. –⁠ M. Stéphane Travert applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Henri Alfandari.

    M. Henri Alfandari

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    Ce texte vise à pérenniser l’expérimentation, votée en 2018, qui autorise l’épandage par drone de produits de biocontrôle, lorsque cette pulvérisation présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications terrestres.
    La mesure est circonscrite puisqu’elle ne vise que l’épandage de certains produits à faible risque ou autorisés en agriculture biologique. Son champ d’application est également limité puisque, dans un premier temps, seules les surfaces agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 % sont visées, ce qui concerne essentiellement des vignobles d’Alsace ou de la vallée du Rhône, des bananeraies et certains vergers, accueillant principalement des pommiers.
    Dans un second temps, la mesure pourrait concerner d’autres types de parcelles et de cultures : d’abord dans le cadre d’essais d’une durée maximale de trois ans puis, après évaluation des résultats de ces essais par l’Anses, de manière permanente si c’est pertinent.
    Le groupe Horizons & indépendants considère qu’il ne faut pas interdire, par principe, un épandage aérien des produits phytopharmaceutiques et de biocontrôle. Au vu de la précision de certains drones, équipés de buses limitant la dérive des pulvérisations, cette technologie innovante peut être une piste intéressante pour la décarbonation de l’agriculture française.
    Elle pourrait faciliter le travail agricole, mais également limiter l’exposition des opérateurs aux produits.
    Pour assurer de meilleures conditions d’utilisation de cette technologie et maximiser ainsi les gains en termes d’efficacité des traitements –⁠ notamment en réduisant et en maîtrisant les quantités de produits utilisés –, il faudra établir une méthodologie et un guide des bonnes pratiques.
    C’est la position que défendra le groupe Horizons & indépendants, qui votera en faveur de ce texte.

    Mme Marie Pochon

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    Pas d’applaudissement, aucun soutien : il a plié le débat !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. David Taupiac.

    M. David Taupiac

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    Faut-il autoriser à tout jamais l’épandage de pesticides par drone ? Telle est la question que nous devons trancher. Certains répondront qu’ils sont favorables par principe à l’épandage de pesticides par drone –⁠ parce que leur croyance dans l’agriculture intensive ne souffre aucune réserve. D’autres, par principe également, y sont radicalement opposés car il s’agit d’intrants.
    Mais éloignons-nous des principes et adoptons une approche scientifique : sans se priver de l’innovation technologique, il faut examiner avec prudence les incidences de cette nouvelle technologie d’épandage sur l’environnement et, tout particulièrement, son impact sur les ressources hydriques.
    Les études scientifiques sur l’impact des pesticides sur la santé et l’environnement –⁠ et notamment sur la qualité de l’eau – continuent de s’accumuler. Dans un rapport demeuré confidentiel et dévoilé le 15 novembre, trois inspections générales constatent « l’échec global de la préservation de la qualité des ressources en eau pour ce qui concerne les pesticides ».
    Les bases scientifiques solides, sur lesquelles nous devrions nous appuyer avant de prendre une décision, font défaut. En effet, à l’issue de l’expérimentation d’épandage de pesticides par voie aérienne autorisée en 2018 par la loi Egalim pour certaines cultures faisant face à des contraintes d’accès, l’Anses a dressé un bilan. Elle conclut que les données sont insuffisantes pour trancher si l’expérimentation était, ou non, bien fondée.
    En scientifique, je plaide donc pour une prolongation de l’expérimentation, le temps de récolter de nouvelles données, qui –⁠ qui sait ? – permettraient peut-être de la pérenniser.
    Comment pourrions-nous dédaigner les conclusions de l’Anses et autoriser sans limite une méthode d’épandage potentiellement risquée pour notre santé et pour notre environnement ? Car les risques existent. Les premières conclusions de l’Anses les ont d’ailleurs pointés : avec ces nouvelles techniques, les niveaux d’exposition à la dérive de pulvérisation sont supérieurs pour les riverains. Quant aux performances agrologiques –⁠ efficacité des traitements et impact environnemental –, elles apparaissent inférieures à celles de pulvérisateurs terrestres.
    Bref, rien n’atteste qu’il s’agit d’une solution miracle, et sans risque. Au contraire, tout laisse à penser qu’il faut limiter l’épandage aérien aux cas où il est strictement nécessaire, et qu’il doit répondre à des protocoles stricts.
    C’est pourquoi nous plaidons pour une prolongation de l’expérimentation. Dans l’hypothèse où nous ne ferions pas ce choix, nous défendons une limitation du champ d’application de la loi.
    L’examen en commission a permis de faire un premier pas en ce sens, grâce à l’adoption de certains de nos amendements. Nous avons restreint le champ d’application de la proposition de loi, en conformité avec l’expérimentation prévue par la loi Egalim. Les épandages de ce type ne concerneront plus que les cultures situées sur des pentes égales ou supérieures à 30 %, et non plus à 20 % comme initialement prévu.
    Autre avancée, nous avons pris en compte la santé humaine de manière générale, et non plus exclusivement celle des travailleurs traitant les parcelles. Cela permettra de tenir compte des externalités négatives pour les riverains et les personnes travaillant dans les parcelles après traitement.
    Le texte ouvrant la possibilité d’élargir la pratique à d’autres cultures et à d’autres parcelles après une phase d’essai, nous avons précisé que les programmes ne seront autorisés que pour trois ans.
    Il reste désormais à limiter la liste des cultures pouvant y prétendre. Nous proposerons que seules celles présentant des difficultés d’accès par voie terrestre soient concernées.
    Le 10 mars 2024, le conseil scientifique de l’Anses a préconisé la plus grande rigueur dans la protection de la santé publique et des écosystèmes. Vous l’aurez compris, le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires partage son analyse. Nous appelons à prolonger l’expérimentation afin de consolider l’expertise scientifique. La décision politique ne devrait intervenir que plus tard, en fonction des résultats.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Alors que le monde agricole traverse une crise sans précédent, faute d’une politique agricole garantissant à nos paysans la juste rémunération de leur travail, nos collègues de la majorité minoritaire ne trouvent rien de mieux à nous proposer qu’un texte visant à autoriser l’usage des drones en agriculture.

    Mme Marie Pochon

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    Eh oui !

    M. André Chassaigne

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    Vous ne voulez pas vous battre pour mettre en place des prix rémunérateurs garantis pour nos paysans, pour protéger notre agriculture de la concurrence mortifère des pays champions du dumping social et environnemental. Vous nous proposez donc d’organiser la fuite en avant dans l’usage des pesticides.
    Ce texte et ceux qui suivront défendent tous de fausses solutions : autoriser l’épandage par drone, assouplir les conditions d’utilisation des pesticides, affaiblir le champ de compétence de l’Anses, autoriser l’utilisation de pesticides à base de substances néonicotinoïdes, permettre à nouveau des remises commerciales sur la vente de pesticides.
    Ces propositions de loi ne nous privent pas seulement d’études d’impact et d’avis du Conseil d’État, elles se substituent au débat que nous devions avoir sur la stratégie Écophyto 2030 dans le cadre d’un projet de loi sur les phytosanitaires ! Ce texte devait être présenté début juillet : les élections en ont décidé autrement, mais nous l’attendons toujours !

    Mme Mélanie Thomin

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    Très bien !

    M. André Chassaigne

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    Venons-en au fond : que nous proposez-vous ? D’autoriser les programmes d’application par drone de certains produits phytopharmaceutiques sur les parcelles agricoles en pente, les bananeraies et les vignes mères de porte-greffes conduites au sol. Certes, vous vous limitez à autoriser les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle et les produits autorisés en agriculture biologique, mais ce n’est qu’un cheval de Troie –⁠ d’autres l’ont souligné en commission. L’important pour vous est d’enterrer définitivement le principe d’interdiction des pulvérisations aériennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    Mme Delphine Batho

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    Exactement !

    M. André Chassaigne

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    Vous nous proposez ensuite d’autoriser, à titre d’essai, la pulvérisation par drone de ces mêmes produits sur d’autres types de parcelles et de cultures –⁠ des essais qui donneront lieu, le cas échéant, à des décisions réglementaires d’autorisation, sans passer par le Parlement !

    M. Gérald Darmanin

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    Pas de caricature !

    M. André Chassaigne

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    Nous nous opposons fermement à ces évolutions qui passent outre les recommandations formulées par l’Anses. Dans son rapport publié en juillet 2022, au terme de l’expérimentation de trois ans prévue par la loi Egalim, l’Anses s’est montrée très prudente. Si elle juge que l’expérimentation a ouvert des perspectives concernant le recours aux drones pour améliorer la protection des opérateurs dans certaines circonstances, elle note que « les dépôts sur les cultures présentent une variabilité supérieure après utilisation de drones en comparaison avec les matériels d’application classiques » et que « la question de l’impact de la quantité des dépôts sur les cultures sur l’exposition des travailleurs » reste ouverte.
    L’étude de l’Anses souligne également que « les niveaux de contamination des mannequins placés à 3, 5 et 10 mètres de la parcelle sont plus élevés ([…] 4 et 6 fois […]) après application par drones […] que pour l’atomiseur à dos », ce qui soulève la question des dérives aériennes occasionnées par l’utilisation de ces engins !

    Mme Dominique Voynet

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    Bien sûr !

    M. André Chassaigne

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    Enfin, l’Anses souligne la nécessité d’acquérir des données supplémentaires. En conséquence, lors de l’examen d’une proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, en 2023, le Sénat a proposé de lancer pour cinq ans une nouvelle expérimentation d’épandage par drone sur les surfaces agricoles présentant une pente supérieure à 30 %, ou dans le cadre d’une agriculture de précision sur des surfaces restreintes.
    C’était une décision conforme à la science, une science que vous décidez d’attaquer en passant outre les recommandations de l’Anses au prétexte d’améliorer les conditions de travail des opérateurs !
    Nous ne sommes pas hostiles au développement de l’agriculture de précision, avec un appui fort des nouvelles technologies. Cela n’est pas nécessairement contradictoire avec l’objectif d’une transformation en profondeur des systèmes de production agricole.
    Cependant, dans votre esprit, l’usage des drones participe d’une logique radicalement différente : il s’agit de lever peu à peu les obstacles à des usages renouvelés des pesticides, là où l’effort doit porter sur la recherche et le déploiement de solutions alternatives.
    Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ne partage évidemment pas votre approche. Nous voterons bien évidemment contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La discussion générale est close.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Je veux d’abord rendre compte de nos débats en commission sur cette proposition de loi défendue par mon collègue, Jean-Luc Fugit, et me faire l’écho de discussions très vives.
    Certains commissaires ont avancé des arguments en faveur du texte : limitation de la pénibilité du travail des agriculteurs sur les terrains les plus difficiles d’accès ; liste des produits restreinte aux produits phytopharmaceutiques de biocontrôle, aux produits autorisés en agriculture biologique et à ceux à faible risque selon le droit européen.
    D’autres ont montré que ce texte remettait en cause un engagement du Grenelle de l’environnement –⁠ un fait dont nous pourrons débattre, mais que personne ne peut nier.
    Quelles sont les principales critiques avancées en commission ? D’abord, risque de dérive des produits phytosanitaires, qui contamineraient ainsi les cultures environnantes, les habitats et les écosystèmes –⁠ motif, d’ailleurs, de l’interdiction de l’épandage aérien. Insuffisance, ensuite, des données scientifiques concernant les impacts de cette pratique pour la santé humaine et l’environnement ; l’évaluation de l’expérimentation et la note de l’Anses ne sont pas concluantes. On peut même parler d’une controverse scientifique, qui pourrait amener à s’interroger sur l’application du principe de précaution.
    Permettez-moi, maintenant, d’exprimer un point de vue plus personnel. J’estime que les modifications que la commission a apportées au texte sont salutaires. Elle a encadré beaucoup plus strictement l’usage des drones, en rehaussant de 20 à 30 % le seuil d’inclinaison requis, en interdisant l’épandage à moins de 250 mètres des habitations, en fixant à trois ans la durée maximale des essais menés sur les nouvelles cultures et en rendant obligatoire la consultation de l’Anses pour définir les conditions d’autorisation des programmes d’épandage. J’en profite d’ailleurs pour saluer le travail scientifique exigeant de l’Anses, dont nous avons bien besoin. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
    Un problème, dont il a été débattu en commission mais qui n’a été que peu évoqué en séance, reste entier, malgré les amendements adoptés. Il s’agit de la dépendance technologique et des coûts qu’elle entraîne pour les exploitations agricoles. L’achat et la réparation des drones représenteront des coûts supplémentaires et un risque encore supérieur d’endettement, notamment pour les petites et moyennes exploitations. Les exploitations seront potentiellement dépendantes des grandes entreprises de l’agrofourniture, qui, profitant d’une situation d’oligopole, seront en mesure d’imposer les prix et les contrats qu’elles souhaiteront. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Matthias Tavel

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    C’est vrai !

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Par ailleurs, comme vous l’avez sans doute déjà observé, les grandes entreprises en pole position dans ce domaine, qui n’attendent que l’ouverture de ce marché, sont chinoises. Cela soulèvera évidemment la question de la souveraineté nationale s’agissant de l’approvisionnement des agriculteurs en machines agricoles.
    Pour conclure, la commission des affaires économiques a eu un débat très riche et plein de controverses. Pour ma part, je considère que les conditions ne sont pas réunies pour la normalisation de l’épandage aérien, quelles que soient les bonnes intentions qui ont motivé le dépôt du texte. Ses défenseurs font valoir que la liste des produits concernés serait encadrée, mais je rappelle que la liste des produits définis comme à faible risque par le droit européen est évolutive et pourrait changer en fonction du lobbying et des décisions politiques à venir. Comme cela a été dit plusieurs fois en commission, la proposition de loi pourrait être la brèche menant à la généralisation de l’épandage aérien. Or, je le répète, il existe une lourde controverse scientifique quant aux dégâts que provoque cette pratique sur la santé humaine et l’environnement ; en outre, elle est coûteuse pour les exploitations agricoles. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Madame Trouvé, votre propos aurait été parfaitement complet si vous aviez rappelé que la commission, en fin de compte, a adopté la proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem.)
    Comme vous l’avez souligné, la question de l’épandage aérien a été débattue dans le cadre du Grenelle de l’environnement. À l’époque, les drones n’étant pas utilisés en agriculture, les dispositions adoptées portaient sur les hélicoptères et les avions. Le texte ne vise nullement à revenir dessus. Il s’agit simplement de repartir du droit français de 2015 et de l’ouvrir pour permettre l’utilisation des drones. Ne laissons pas croire que nous nous apprêtons à réautoriser l’épandage aérien ; à entendre certains orateurs, on pourrait penser que c’est le cas.
    Je ne répondrai pas en détail sur tous les points évoqués, car l’examen des amendements nous permettra d’en parler. S’agissant de l’Anses, les propos qui ont été tenus se caractérisent, pour ainsi dire, par une certaine biodiversité.

    M. Antoine Léaument

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    Bien vu !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Madame la présidente de la commission, vous vous souvenez sans doute que, rapporteur de la mission budgétaire Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales pour 2025, j’ai fait adopter un amendement visant à renforcer les moyens de l’agence. Il est donc difficile de me soupçonner de ne pas vouloir m’appuyer sur les travaux de l’Anses.
    Le droit actuel repose sur la fameuse directive européenne du 21 octobre 2009 relative aux pesticides, transcrite en droit français en 2011, puis en 2015. Cette directive prévoit deux dérogations à l’interdiction de l’épandage par avion ou par hélicoptère –⁠ interdiction sur laquelle la proposition de loi ne revient pas –⁠ : pour que cette pratique soit autorisée, « il ne doit pas y avoir d’autre solution viable, ou la pulvérisation aérienne doit présenter des avantages manifestes, du point de vue des incidences sur la santé humaine et l’environnement, par rapport à l’application terrestre des pesticides ». Cette seconde disposition a été supprimée par la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ; c’est la surtransposition que j’ai évoquée tout à l’heure et qui interdit chez nous l’utilisation de l’épandage aérien dans des cas où nos voisins européens peuvent l’utiliser. Cette mesure pouvait avoir du sens il y a dix ans, car les drones n’étaient pas encore utilisés en agriculture, mais elle handicape désormais les agriculteurs français. En effet, l’Autriche, l’Allemagne et les autres pays européens s’appuient sur la clause permettant de déroger à l’interdiction lorsque la pulvérisation aérienne présente des avantages manifestes. Le texte vise simplement à ouvrir ce droit aussi en France.
    C’est dans cet esprit que nous avons voté l’expérimentation de la mesure dans le cadre de la loi Egalim. Elle a donné lieu à des conclusions intéressantes qui nous conduisent à en proposer la pérennisation. Certains, comme M. Nury, estiment que nous n’en avons pas fait assez à l’époque ; d’autres, que nous en avons fait beaucoup trop. Ainsi, M. Prud’homme a affirmé avec une certaine véhémence que je ne connaissais ni ne comprenais rien à la science, ce que je conteste. D’ailleurs, il a laissé entendre que nous avions adopté en 2018 un amendement comportant une faute d’orthographe ; or l’amendement que j’ai fait adopter à l’époque est tout à fait distinct. J’invite M. Prud’homme à revoir ses sources et à débattre avec plus de rigueur.
    Comme je le disais, certains trouvent que l’expérimentation votée en 2018 va trop loin, d’autres qu’elle ne va pas assez loin. (M. Ugo Bernalicis s’exclame.) Ce que nous proposons, c’est de la pérenniser et d’ouvrir la possibilité de réaliser des essais scientifiquement encadrés. Évalués par l’Anses, ils feront l’objet de rapports transmis au Parlement, en l’espèce à l’Opecst. Si le Parlement juge que les essais vont trop loin, une proposition de loi pourra être déposée pour refermer la possibilité que nous aurons ouverte. C’est aussi simple que cela. L’Anses produira les rapports d’évaluation, mais la décision politique appartiendra au ministre, à l’État, au gouvernement, non à l’Anses.
    Je réagirai enfin à certains propos qui ont été tenus. Il me paraît un peu excessif de nous traiter d’hypocrites, comme si on ne pouvait se fier aux dispositions du texte, alors qu’il est explicitement question de « produits de biocontrôle […], de produits autorisés en agriculture biologique et de produits à faible risque » inscrits sur une liste de quarante et une substances.
    Monsieur Chassaigne, je crois que votre groupe comporte plusieurs parlementaires élus dans les territoires ultramarins. Savez-vous qu’il existe quatre fongicides capables de traiter la cercosporiose noire, qui ravage les bananeraies de ces territoires, et que le droit actuel empêche l’épandage aérien de ces produits de biocontrôle ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.) En conséquence, ils sont répandus par la voie terrestre, au moyen de canons de pulvérisation, dans des conditions de température et d’humidité nocives pour la santé des personnes qui les appliquent. Ces opérateurs prennent les produits en plein visage, en voient leur corps recouvert, les respirent. Nous proposons d’appliquer ces quatre fongicides –⁠ des produits de biocontrôle, d’origine naturelle, qui ont prouvé leur efficacité, soulignée par le rapport de l’Inrae – grâce aux drones. Parlez-en avec les députés ultramarins de votre groupe, et vous verrez qu’en leur for intérieur, ils sont d’accord avec cette proposition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR et quelques bancs des groupes DR et Dem.)

    M. Gabriel Attal

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    Très bien !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Monsieur Allegret-Pilot, vous avez souligné que le texte visait à libérer les agriculteurs. C’est un point important. Je regrette que les interventions de la gauche n’aient pas suffisamment souligné l’avancée que constitue l’usage des drones pour la qualité de travail des agriculteurs qui pulvérisent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Monsieur Magnier, vous avez exprimé votre hostilité envers deux dispositions qui seront largement débattues lors de l’examen des amendements. Premièrement, vous êtes opposés au principe d’une pente minimale, que le seuil soit fixé à 20 % ou à 30 % ; deuxièmement, vous demandez que l’autorisation d’épandage par drone soit ouverte à tous les produits phytosanitaires. Je vous propose d’en débattre à l’occasion des amendements.
    Monsieur Prud’homme, madame Batho, madame Trouvé, vous avez tous les trois avancé l’argument selon lequel le texte serait inspiré par le lobby phytopharmaceutique.

    M. Jean-François Coulomme

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    C’est exact.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    À vous entendre, des forces obscures seraient à l’œuvre pour convaincre l’État d’autoriser l’usage des drones, pour faire valoir des intérêts économiques. Je regrette que vous ayez cette vision outrancière. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Sylvain Maillard

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    Elle a raison !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    De quoi s’agit-il, en réalité ? D’améliorer la sécurité des agriculteurs, de réserver l’usage des drones à des produits de biocontrôle, à des produits autorisés dans l’agriculture biologique et à des produits à faible risque. Où est l’industrie qui veut ouvrir les vannes de l’usage des produits phytosanitaires ?

    M. Loïc Prud’homme

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    Elle est derrière !

    M. Jean-François Coulomme

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    Ne nous prenez pas pour des imbéciles.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Madame Thomin, vous avez parlé de « texte gadget ». Les agriculteurs disent tout le contraire. Ils sont en attente de cette technologie qui améliorera réellement leurs conditions de travail. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe EcoS.) Je pense que vous ne devriez pas rayer d’un trait de plume une mesure qui leur sera utile. Par ailleurs, vous évoquez l’avis du CES, mais pas celui de l’Anses, qui le contredit.
    Monsieur Nury, je ne reviendrai pas sur les arguments que vous avez développés en faveur de l’usage des drones : la sécurité des agriculteurs, la protection des Français et celle de l’environnement. Vous avez évoqué à juste titre le retard pris dans l’adoption du texte, car depuis 2021, il ne se passe plus rien en la matière, alors que le monde agricole est dans l’attente de cette mesure. Vous avez mentionné la culture du riz ; les acteurs de cette petite filière attendent impatiemment cette autorisation, sans laquelle elle sera condamnée à dépérir.
    Madame Batho, c’est sans doute vous qui avez attaqué le plus frontalement la technologie des drones. Vous avez ironisé sur le sens des priorités des députés du groupe Ensemble pour la République ; pour ma part, je ne porte pas de jugement sur le choix de proposer ce texte.

    Mme Delphine Batho

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    Moi, si !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Il est singulier de vous entendre ironiser sur l’étrangeté qu’il y a à se préoccuper des drones en pleine urgence budgétaire, alors que vous-même vous apprêtez à faire fi de l’urgence budgétaire en votant la censure du gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et DR.) Excusez-moi, mais il me semble qu’il y a là une contradiction.

    M. Antoine Léaument

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    Vous êtes de droite !

    M. Jean-Luc Bourgeaux

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    Et fiers de l’être !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Madame la députée, vous n’avez pas une vision décroissante, mais une vision de fin du monde. Adopter l’usage des drones, c’est pour vous la fin du monde absolue. Revenons à la raison. De quoi s’agit-il ? D’utiliser une technologie de pointe dans des circonstances et des conditions bien particulières, très encadrées, après une longue période d’expérimentation visant à la généraliser sur certains territoires, pour certains produits. Arrêtez d’alarmer l’opinion publique comme si c’était la fin du monde ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Pierre-Yves Cadalen

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    Avez-vous entendu parler du changement climatique ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Cela dessert votre argumentation, alors que vous êtes une fine connaisseuse des questions agricoles.

    Mme Dominique Voynet

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    Justement, elle sait de quoi elle parle !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Monsieur Ott, merci pour votre intervention et pour votre insistance sur la filière viticole. Vous avez opportunément rappelé que vous êtes favorable à l’usage des drones, alors que vous venez d’une région dont 30 % des vignes sont cultivées en agriculture biologique. Cette technologie n’entre nullement en contradiction avec l’agriculture biologique, au contraire ! Nous le démontrerons dans le débat.
    Monsieur Taupiac, j’ai bien compris que vous étiez favorable à la prolongation de l’expérimentation. Cependant, elle a déjà été déployée pendant trois ans et a permis de conclure qu’il s’agissait d’une solution intéressante.

    M. Loïc Prud’homme

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    Mensonge !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Croyez-vous sincèrement qu’il faut prolonger une expérimentation qui a fait ses preuves ?
    Monsieur Chassaigne, vous déplorez l’absence d’étude d’impact ; cependant, dans le prolongement de ma réponse à M. Taupiac, une expérimentation de trois ans et l’avis de l’Anses donnent matière à réfléchir. Dans cet hémicycle que je connais bien, que de textes et d’amendements ont été adoptés sans étude d’impact sérieuse ! Ce n’est pas le cas pour cette proposition de loi.
    Madame la présidente de la commission des affaires économiques, vous avez eu la volonté de rendre compte des débats en commission. Néanmoins, il faut être un peu sérieux en présentant ses arguments : vous soutenez que cette proposition de loi constitue une entorse grave à l’interdiction d’épandage aérien et remet en cause le Grenelle de l’environnement, alors que la technologie des drones n’était pas alors connue ; or elle offre certaines garanties.
    Enfin, je voudrais répondre à Mme Batho qui a parlé de Politburo à propos du comité des solutions auquel participe l’Anses.

    Mme Delphine Batho

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    Oui !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Il ne faut pas exagérer : le comité des solutions instauré par Mme Agnès Pannier-Runacher est une disposition intéressante, que je reprends à mon compte, présidée par le ministre de l’agriculture, qui comprend des professionnels de l’agriculture, des représentants du monde syndical, des chercheurs de l’Inrae, des représentants de l’Anses et, effectivement, des représentants des laboratoires (« Ah ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP), qui sont ceux qui demandent des autorisations de mises sur le marché.

    M. René Pilato

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    Et les gens qui subissent l’épandage, madame la ministre ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Que toutes ces personnes discutent me paraît tout à fait normal. Je reprends donc exactement cette configuration. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Il y a cependant une différence, si vous voulez bien l’écouter, c’est que je demande à l’Anses de mener en priorité ses travaux sur les filières en désespoir qui, faute de traitement disponible, risquent de s’éteindre. Qu’y a-t-il de choquant à demander d’établir une telle priorité pour examiner la situation de filières en très grande souffrance et qui ne disposent pas de traitement ? Il faut revenir à un peu de raison.
    Enfin, madame la présidente de la commission, vous parlez d’une liste des produits évolutive. Cette proposition de loi consiste à expérimenter l’épandage par drone, puis à généraliser le dispositif expérimenté, en l’étendant à d’autres territoires et à d’autres produits, en fonction des besoins. Ces besoins ne sont pas dictés par l’industrie agrochimique. (« Si ! » sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Ils sont dictés par les nécessités du terrain. Cela ne vous dérange pas que la France importe 50 % des fruits et légumes qu’elle consomme, ce qui représente une perte de la moitié de sa souveraineté alimentaire ? (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Jean-François Coulomme

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    C’est vous qui en êtes responsables !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Cela ne vous dérange pas que nous importions 70 % des fruits que nous consommons, que nous ayons perdu à ce point notre souveraineté alimentaire ? Je pense, moi, que c’est profondément dérangeant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR. –⁠ Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Loïc Prud’homme

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    Vos pesticides, partez avec !

    Discussion des articles

    Mme la présidente

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Benoît Biteau.

    M. Benoît Biteau

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    Cette proposition de loi accentue la fuite en avant : elle repousse le moment de trouver les bonnes solutions, tandis qu’on cherche de nouvelles méthodes pour répandre des pesticides. Madame la ministre, vous avez évoqué les difficultés économiques ; parlons-en ! Créer de nouvelles dépendances à des technologies pour les substituer à la dépendance aux pesticides annonce de nouvelles difficultés économiques pour les agriculteurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
    Vous avez évoqué la souveraineté alimentaire, mais sachez qu’elle est menacée par l’effondrement de la biodiversité et par le dérèglement climatique. L’utilisation des pesticides, que vous voulez épandre grâce à des drones, accélère ces phénomènes, et par conséquent met à mal notre souveraineté alimentaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)
    Vous avez évoqué la santé publique, le jour même où vous nous privez de débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Eh bien, épandre des pesticides sur des produits destinés à l’alimentation, est-ce le bon moyen de préserver la santé de la population, celle des riverains, celle des consommateurs qui ingéreront des résidus de pesticides ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
    Il est donc grand temps de revenir aux fondamentaux. Plutôt que de chercher de nouvelles méthodes pour épandre les pesticides, convoquez enfin l’agronomie ! Nous retrouverons les vertus des équilibres naturels en nous éloignant toujours plus des pesticides, en préservant la fertilité des sols et nous apporterons ainsi de vraies réponses économiques, écologiques et climatiques aux agriculteurs. (Mêmes mouvements.) Au vu des éclairages scientifiques apportés par l’Anses, je vous demande de toute urgence d’en appeler au principe de précaution. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Françoise Buffet.

    Mme Françoise Buffet

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    Je voudrais dire à mon cher collègue M. Biteau que l’agriculture ne cesse d’évoluer grâce à des avancées techniques. Comme cela a été dit, l’utilisation de drones est parfaitement adaptée à des contextes particuliers d’accès difficile aux parcelles, et permettrait aussi de limiter les accidents liés aux chutes de tracteur. Madame la ministre a parlé à juste titre d’une amélioration de la qualité des conditions de travail.
    Ce texte constitue aussi une avancée dans la mesure où l’utilisation des drones, comme l’Anses l’a indiqué, permettrait de réduire jusqu’à 200 fois l’exposition aux produits phytosanitaires. Les pesticides ne sont certes pas totalement supprimés, mais c’est un progrès pour les agriculteurs qui ne peuvent pas prendre le risque de voir leur culture totalement anéantie par des maladies qui y font des ravages –⁠ Hubert Ott l’a rappelé : en Alsace, 35 % de la viticulture est bio. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Manon Meunier.

    Mme Manon Meunier

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    Madame la ministre de l’agriculture, nous examinons aujourd’hui le premier texte de loi relevant de votre ministère, et certainement le dernier. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Pour ce premier texte, vous auriez pu encadrer les marges de la grande distribution ou, puisque vous nous parlez de souveraineté alimentaire, mettre fin à l’Accord économique et commercial global, le Ceta, dont vous laissez l’application se poursuivre, alors qu’il favorise l’exercice d’une concurrence déloyale sur les agriculteurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Un député du groupe EPR

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    C’est faux !

    Mme Manon Meunier

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    Au lieu de cela, vous faites le choix d’augmenter la liberté d’épandage des pesticides par drone. Cela fait vraiment partie des premières demandes des agriculteurs dans la crise qu’ils traversent. (Sourires.)
    Cette décision pourrait paraître loufoque, mais elle n’est pas anodine : elle révèle votre choix de modèle agricole.
    Vous soutenez que ce dispositif vise à améliorer les conditions de travail des salariés agricoles. En réalité, il n’y aura plus de travail pour eux, car ils seront remplacés par des drones. (Mêmes mouvements.) Vous affirmez ensuite qu’il est favorable à l’environnement, mais l’Anses conclut que les expérimentations menées jusqu’à présent sont insuffisantes pour tirer une telle conclusion, et que, d’après celles-ci, l’épandage fait davantage de dégâts car il va plus loin sur les cultures et en dehors des cultures.
    Vous encouragez toujours le même modèle agro-industriel, madame la ministre. (Mêmes mouvements.) C’est dans la continuité de ce que votre groupe a proposé lors de l’examen du projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture, lorsqu’il voulait permettre aux banques et aux assureurs privés de spéculer sur les terres agricoles. Vous refusez de revenir en arrière sur le libre-échange ou de fixer des marges pour les agriculteurs face à la grande distribution. Selon vous, ce n’est pas grave –⁠ l’agro-industrie prendra la main. Plus besoin d’emplois, d’agriculteurs, toujours plus de pesticides et de drones. C’est votre politique de la terre brûlée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Hendrik Davi applaudit également.)

    M. Antoine Léaument

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    Heureusement que la ministre s’en va après-demain !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hubert Ott.

    M. Hubert Ott

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    Monsieur Biteau, madame Meunier, je suis comme vous très sensible aux sujets environnementaux, à la préservation de la biodiversité. Je vous demande simplement de ne pas réduire ce débat, de ne pas le caricaturer même, car il n’oppose pas, d’un côté, des drones épandant des pesticides toxiques, de l’autre, des pesticides qui ne le seraient pas ou des traitements inoffensifs sans drones. Cette assemblée doit mener un débat digne, respectueux de nos concitoyens et à la hauteur des attentes légitimes des agriculteurs. Je défends en premier lieu tous les agriculteurs, notamment dans nos vignobles, qui se battent pour leur survie, pour leur avenir, en respectant autant que possible un environnement qu’ils veulent préserver, comme vous et nous !
    Il faut être à l’écoute. Les drones n’accentuent pas la dangerosité des pesticides ; il s’agit d’un moyen nouveau pour simplifier ce travail de traitement. Vous ne trouverez jamais un agriculteur bio qui ne traite pas ses cultures. Bien au contraire, les agriculteurs bio sont obligés de recourir sans cesse au traitement lorsque la météo, aggravée par le changement climatique, met en danger leur récolte.
    Nous devons être à la hauteur de la situation. Le progrès technique est là pour aider l’avenir. Ne mentons ni aux agriculteurs ni à nos concitoyens. Battons-nous pour l’environnement ; faisons-le ensemble ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

    Mme Aurélie Trouvé, présidente de la commission des affaires économiques

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    Madame la ministre, comme vous l’avez entendu, j’ai souhaité rendre compte des débats en commission et donner mon avis personnel. J’ai bien fait la distinction entre les deux.
    Monsieur le rapporteur, dès lors que j’ai parlé des modifications apportées en commission, il ne me semblait pas nécessaire de préciser que la proposition de loi avait été adoptée. Je ne doute pas que nous débattrons de l’intérêt de ces amendements, que je juge pour ma part positifs. Par ailleurs, je sais le soutien que vous avez apporté à l’Anses dans votre avis sur la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales du projet de loi de finances.
    Permettez-moi de préciser, madame la ministre, que j’ai évoqué les lobbys non dans le cadre que vous citez mais en mentionnant la liste des produits –⁠ produits d’agriculture biologique, produits de biocontrôle et les fameux produits à faible risque – autorisés par l’Union européenne. Tout le monde sait, et c’est officiel, que cette liste établie à Bruxelles est évolutive et que cela dépend notamment du jeu des lobbys. C’est un fait. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Je n’ai pas parlé d’une grave entorse au Grenelle de l’environnement. Là encore, permettez-moi d’être précise : j’ai dit que ce texte remettait en cause l’un des engagements du Grenelle de l’environnement –⁠ pour de bonnes ou de mauvaises raisons, ce sera l’objet du débat. C’est un fait que le Grenelle de l’environnement a acté l’interdiction de l’épandage aérien de produits phytosanitaires.
    Enfin, j’ose espérer que tout le monde, dans cet hémicycle, déplore l’effondrement de la production de fruits et légumes ou de la viande bovine. Ne faisons pas aux uns ou aux autres le procès de le souhaiter ou de s’en réjouir. Le problème, c’est d’en déterminer la cause principale. S’il y a un chantier que nous devrions mener à l’Assemblée nationale pour éviter cet effondrement, c’est bien la lutte contre la concurrence déloyale et pour la protection commerciale des agriculteurs, qui comprend la lutte contre les accords de libre-échange. Mais là encore, c’est un autre débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 1 et 21, qui tendent à supprimer l’article 1er.
    La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 1.

    M. Hendrik Davi

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    Permettez-moi d’être solennel : il n’est pas raisonnable d’autoriser l’épandage de produits phytosanitaires par drone.
    Certes, le texte vise les produits de biocontrôle, mais nous savons bien qu’il s’agit là d’un cheval de Troie. Je vous invite à lire Le Printemps silencieux, de Rachel Carson. Paru dans les années 1960, il a ouvert les yeux de nombreux citoyens américain et permis d’interdire le DDT. Vous aussi, ouvrez les yeux ! Dans les années 2000, les scientifiques ont démontré que, dans les champs européens, le nombre d’insectes a baissé de presque 80 %, tandis que la population d’oiseaux a été réduite de près de 25 %. Tous disent que les pesticides sont la cause principale de ces disparitions. Bien sûr, on peut faire de l’agriculture raisonnée, on peut utiliser des drones pour réduire les doses. Mais ce n’est pas le sens de l’histoire ! (Exclamations sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe EPR.) Le sens de l’histoire, c’est une agriculture 100 % biologique.
    C’est aussi pour des raisons liées au changement climatique que nous devons renoncer à l’épandage par drone. Comme toutes les technologies que vous prônez, les drones augmentent l’effet de serre.
    Enfin, les drones coûtent cher. Plus vous introduisez d’outils technologiques, plus vous augmentez l’endettement des agriculteurs. Trouvons donc d’autres solutions ! Si 35 % de l’agriculture d’un territoire est passée en bio, il faut continuer le travail pour parvenir à du 100 %, sans drones. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Ce n’est pas réaliste !

    Mme la présidente

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    Sur les amendements n° 1 et identique, je suis saisie par les groupes Ensemble pour la République et La France insoumise-Nouveau Front populaire de demandes de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 21.

    M. Loïc Prud’homme

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    Madame la ministre, mesdames et messieurs les députés de la Macronie, vous nous reprochez de ne pas soutenir la souveraineté alimentaire et d’être les chantres de la décroissance –⁠ ou de la fin du monde –, mais c’est vous, au pouvoir depuis au moins sept ans, qui défendez bec et ongles ce modèle agricole ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Ce dernier a produit un croisement significatif entre deux courbes : baisse continue du nombre d’agriculteurs et de leurs revenus, que vous n’avez pas su enrayer ; hausse du volume de pesticides épandus et du nombre de molécules autorisées dans notre pays –⁠ nous sommes champions d’Europe en la matière. Cessez de nous faire croire que c’est en continuant d’augmenter les volumes que vous inverserez la courbe du revenu des paysans –⁠ voire que vous vous occuperez de leurs conditions de vie et de travail !
    C’est tout le contraire qu’il faut faire : la seule solution possible passe par la sortie du modèle productiviste et l’adoption d’un protectionnisme environnemental et social qui rétablira une production respectueuse des agriculteurs, de l’environnement et de la biodiversité. Ainsi, nous échapperons à la catastrophe vers laquelle vous nous menez depuis si longtemps. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Justine Gruet

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    Donneur de leçons !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Le débat sur ces amendements de suppression étant d’une importance capitale pour la suite, permettez-moi de rappeler les arguments de mon propos liminaire. Il n’est pas question de revenir sur l’interdiction de l’épandage aérien par avion ou hélicoptère. En revanche, le texte propose d’autoriser, par dérogation, l’usage de la nouvelle technologie des drones, afin d’épandre des produits de biocontrôle, des produits autorisés en agriculture biologique et des produits à faible risque, définis dans le cadre européen. D’ailleurs, vous devriez défendre, au même titre que l’Anses, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) en Europe. C’est elle qui établit la liste des produits à faible risque.

    Mme Delphine Batho

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    Des substances, pas des produits !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    En effet, il s’agit de quarante et une substances qui servent de base aux produits d’application, avec l’ajout d’adjuvants.

    M. Loïc Prud’homme

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    L’autorisation de mise sur le marché, c’est l’Anses !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Monsieur Biteau, je ne voudrais pas que ceux qui nous écoutent croient que l’épandage au moyen de drones de produits de type CMR –⁠ cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction – sera autorisé. Vous savez bien que ce n’est pas le cas.

    Mme Ségolène Amiot

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    C’est un pied dans la porte !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Quand je vous entends critiquer une technique aussi utile à la transition des cultures, je m’interroge sur votre soutien à l’agriculture biologique. Des viticulteurs en agriculture conventionnelle m’ont raconté la pénibilité de leur travail, dans des coteaux particulièrement difficiles d’accès. Entre l’épandage par drone de produits de biocontrôle ou en agriculture biologique et l’usage d’un atomiseur à dos, sur des pentes pouvant aller jusqu’à 70 %, ils choisiraient la première option, qui rendrait leur travail moins délicat et assurerait la transition agroécologique des vignobles.

    M. Jean-Pierre Taite

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    Allez sur le terrain !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Enfin, pensez à nos territoires d’outre-mer, à ceux qui travaillent dans les bananeraies et à la difficulté de leurs métiers.

    Mme Dominique Voynet

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    Et au chlordécone !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Il n’est pas question de chlordécone, mais de produits de biocontrôle en agriculture biologique : voilà de quoi vous voulez priver nos concitoyens.
    Madame Meunier, je suis fils d’agriculteur –⁠ mon père est décédé depuis longtemps – et j’ai grandi dans une ferme modeste, spécialisée dans la production laitière, au fin fond de l’Aveyron. Nous utilisions des machines à traire, aujourd’hui perfectionnées. Ces machines sont-elles utiles ?

    M. Sylvain Maillard

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    Bien sûr !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Ou faut-il revenir à l’époque où elles n’existaient pas ? À vous entendre, on croirait que oui. Vous refusez le progrès technique, qui réduit la pénibilité du travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs du groupe DR. –⁠ Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    M. Loïc Prud’homme

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    C’est bien la première fois que la pénibilité vous préoccupe.

    M. Matthias Tavel

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    Uniquement quand cela vous arrange…

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Ce texte n’apporte que des plus-values. D’abord, il réduira la pénibilité du travail, notamment dans les terrains pentus et en outre-mer. Ensuite, il améliorera la sécurité au travail, en permettant d’éviter des accidents –⁠ au printemps, les risques augmentent, les fortes pluies rendant les sols glissants. Enfin, il diminuera les quantités de produits utilisées. Des producteurs de bananes d’outre-mer et de métropole m’ont confié que les drones permettront d’épandre moins de produits et de le faire de façon préventive et ciblée, selon la saison ou la météo. Il sera possible d’agir plus vite, d’appliquer les traitements à plus ou moins forte dose, et même s’il a beaucoup plu. Vous refusez de mettre le progrès au service de la transition agroécologique.

    M. Sylvain Maillard

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    Vous n’aimez pas le progrès !

    Une députée du groupe EcoS

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    Nous n’aimons pas les cancers !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Voilà pourquoi je suis défavorable à ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes DR et Dem.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Je souscris en tout point à l’excellente argumentation du rapporteur. M. Prud’homme n’a pas défendu son amendement.

    M. Loïc Prud’homme

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    Si !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Non, vous vous êtes borné à donner des arguments généraux contre les drones.

    Quelques députés du groupe EPR

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    Des poncifs, des arguments fallacieux !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Vous souhaitez supprimer la proposition de loi…

    Plusieurs députés du groupe LFI-NFP

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    Oui !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    …qui prévoit l’autorisation, dans des conditions parfaitement encadrées, de certains traitements de produits phytopharmaceutiques. À l’inverse, je considère que les conditions sont réunies pour une telle autorisation, par étape, sous contrôle scientifique. Il est important de tirer parti de ces nouvelles technologiques, contre lesquelles vous vous insurgez de façon déraisonnable.

    Une députée du groupe EcoS

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    Vous voulez rendre les gens malades !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Les récents progrès ont beaucoup à nous apporter, en termes de réduction de la pénibilité du métier et de l’exposition aux risques. Ce n’est donc pas le lobby agromachiniste qui est à l’œuvre. Si on vous écoutait parler d’endettement des exploitants, le machinisme agricole n’aurait pas sa place dans nos fermes. (M. Antoine Léaument s’exclame.)
    Mesdames et messieurs les députés du Nouveau Front populaire, je ne comprends pas votre hostilité aux produits de biocontrôle, d’origine naturelle et à faible risque.

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Que voulez-vous de plus ? Refusez-vous tout traitement, même ceux qui sont utilisés en agriculture biologique ?

    M. Sylvain Maillard

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    Ils veulent plus de produits importés !

    M. Jean Terlier

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    Et revenir à la charrue et aux bœufs !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Cette position est indéfendable. L’autorisation est donnée depuis plusieurs années en Allemagne et en Suisse, sans que ses dangers aient été démontrés.

    M. Loïc Prud’homme

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    Ils cultivent des bananes, en Allemagne ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Avis défavorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Midy.

    M. Paul Midy

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    Des députés souhaitent interdire les nouvelles technologies, en particulier les drones. Permettez-moi quelques rappels historiques sur l’apport des nouvelles technologies à l’agriculture.
    Le tracteur a été inventé en 1881. Si vous aviez été députés à cette époque, auriez-vous voté contre son autorisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR et sur quelques bancs des groupes DR et Dem. –⁠ Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
    Le premier soc en acier date de 1837. Si vous aviez été députés à cette époque, auriez-vous voté contre son autorisation ? (Mêmes mouvements.)
    La charrue a été inventée en 200 avant notre ère. Si vous aviez été députés à cette époque, auriez-vous voté contre son autorisation ? (Mêmes mouvements.)
    Quant au soc de pierre, il remonte à 3 500 avant notre ère. Si vous aviez été députés à cette époque, je suis sûr que vous auriez voté contre son autorisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
    J’espère qu’en 2024, vous voterez pour l’autorisation des drones. Je vous invite à rejeter ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Un point pour l’humour !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Manon Meunier.

    Mme Manon Meunier

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    En 2008, M. Barnier s’est rendu à Limoges en tant que ministre de l’agriculture ; vendredi, il y est revenu, en tant que premier ministre, pour la même raison : une crise agricole. Cela ne vous met-il pas la puce à l’oreille ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)

    M. Sylvain Maillard

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    Quel est le rapport avec les drones ?

    Mme Manon Meunier

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    Depuis 2008, votre politique agricole unique, fondée sur le seul principe de la compétitivité internationale et de l’alignement sur le moins-disant international ne fonctionne pas.

    M. Éric Bothorel

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    Il y a eu François Hollande, entre-temps !

    Mme Manon Meunier

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    Dans le Limousin, en dix ans, sous l’effet de la politique Macron, nous avons perdu une ferme par jour !

    Un député du groupe EPR

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    Bien sûr, c’est lié !

    Mme Manon Meunier

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    Ce ne sont pas vos drones qui protégeront l’agriculture !

    M. Jean Terlier

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    On rend le travail moins dur !

    Mme Manon Meunier

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    Si vous poursuivez dans la voie du libre-échange, si vous refusez d’encadrer les marges de l’industrie agroalimentaire, ils ne sauveront pas les agriculteurs : ils les remplaceront. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.) Ils renforceront l’agro-industrie, à laquelle vous donnez la main pour endetter les exploitants et lui permettre d’accaparer leurs terres, comme vous avez tenté de le faire avec le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole.

    M. Jean Terlier

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    Ça n’a rien à voir avec l’amendement, madame la présidente !

    Mme Manon Meunier

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    Cessez cette hypocrisie, mesdames et messieurs les députés. Ministre de l’agriculture, Michel Barnier était incompétent ; premier ministre, il l’est toujours ! (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent. –⁠ Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Vous devriez réfléchir à deux fois avant d’utiliser certains arguments. Entendre ceux qui ont supprimé la reconnaissance du port de charges lourdes et de l’exposition à des agents chimiques dangereux invoquer la pénibilité du travail, cela ne manque pas de sel ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)
    Ensuite, je note votre soudain amour pour les produits utilisés dans l’agriculture biologique ou en biocontrôle ; je rappelle que chez moi, des exploitants bio n’ont toujours pas touché leurs aides au titre de la PAC –⁠ politique agricole commune. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Sandra Regol

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    Eh oui !

    Mme Delphine Batho

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    Que ne rendez-vous obligatoire l’usage de ces produits, dans les vignes dont vous avez parlé ? Et pourquoi n’imposez-vous pas que les aires de captage d’eau potable soient toutes cultivées selon les règles de l’agriculture biologique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et GDR.)
    Enfin, le drone ne saurait être comparé au tracteur ou à la machine à traire, parce qu’il pose un problème : celui de la dérive des produits. C’est d’ailleurs à cause de la dérive qu’une loi française et une directive européenne ont interdit l’épandage aérien de pesticides. (Mêmes mouvements.)

    M. Jean Terlier

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    C’est quand même incroyable !

    Mme Delphine Batho

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    Or il ressort de la note de l’Anses que « les valeurs de dérive aérienne mesurées pour les pulvérisations par drone » peuvent atteindre quatre à dix fois celles « mesurées pour les applications avec le chenillard de référence ». (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et LFI-NFP, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.)
    Il existe un principe au sein de cette assemblée : les expérimentations sont évaluées, et nous prenons notre décision en fonction de leurs résultats. En la matière, ces derniers se sont révélés piteux, nullement probants. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    Merci de conclure, madame la députée.

    Mme Delphine Batho

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    Ils ne justifient donc en rien la généralisation de la pulvérisation par drone, le gouvernement n’ayant d’ailleurs recouru à une proposition de loi qu’en vue d’échapper à l’avis du Conseil d’État sur cette mesure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Émeline K/Bidi.

    Mme Émeline K/Bidi

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    J’avoue n’avoir pas été convaincue par vos arguments concernant l’outre-mer. Mon grand-père, agriculteur, a succombé à la maladie de Parkinson après avoir manipulé –⁠ au sens strict, c’est-à-dire à la main, comme on le faisait à l’époque – divers produits. Si un dispositif miraculeux permettait de protéger ceux qui exercent ce métier, je voterais pour la proposition de loi ! Je le ferais également si nous nous limitions au raisonnement simpliste en vertu duquel les terres escarpées seraient plus facilement accessibles par drone, mais le modèle que vous proposez n’est pas adapté aux territoires ultramarins.
    Nous manquons d’études d’impact concernant la biodiversité, la topographie, la taille de nos parcelles, souvent toutes petites et jouxtant des habitations ou des zones naturelles protégées –⁠ remparts, lagons, rivières. À La Réunion, les données sont quasiment inexistantes, très peu d’agriculteurs utilisant des drones, car cette pratique suppose les moyens de s’équiper et la maîtrise d’outils de modélisation ; elle ne profite donc qu’aux exploitations importantes, aux grands groupes, qui justement peinent à trouver de la main-d’œuvre –⁠ peut-être est-ce pour cela qu’ils vous demandent une telle loi ?
    À votre projet de remplacer les ouvriers agricoles par des drones, nous préférons l’humain dans toutes ses spécificités, ses composantes ! Collectons et étudions les données, nous verrons ensuite s’il convient de poursuivre cette expérimentation. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jordan Guitton.

    M. Jordan Guitton

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    Étant globalement favorables à ce texte, comme l’a indiqué David Magnier lors de la discussion générale, nous voterons contre les amendements de suppression. Lorsqu’il s’agit d’améliorer le quotidien des agriculteurs, en particulier des viticulteurs, grâce à de nouvelles technologies, la gauche est toujours là pour s’y opposer. (Mme Sandra Regol s’exclame.)
    C’est dommage, car si on les écoute –⁠ vous feriez bien, chers collègues de gauche, d’aller de temps en temps à leur rencontre –, ils vous expliquent que l’intelligence artificielle dont sont pourvus les drones leur permet de mieux traiter, notamment les zones d’accès difficile, mais aussi de mieux repérer les maladies qui frappent leurs cultures. L’utilisation de ces engins se révèle d’autant plus pertinente qu’elle sera autorisée dans d’autres pays au sein du marché unique européen : alors que nous souffrons d’une concurrence parfois déloyale, en raison de l’inégalité des moyens, voudriez-vous retirer à nos agriculteurs, à nos viticulteurs, un avantage compétitif ? Soyez cohérents ! Nous, au RN, sommes partisans de la croissance économique, entre autres agricole ; vous soutenez, vous, la décroissance. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Elie Califer.

    M. Elie Califer

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    Le rapporteur vient de se livrer à une belle démonstration ; nous, nous sommes pour la modernité, la croissance, mais aussi pour la santé. Or, en tant qu’ultramarins, nous avons payé et continuons de payer un lourd tribut (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR) à des produits censément bénéfiques. Ils ont pollué nos sols et miné notre biodiversité, au point que les abeilles, dont le rôle est vital, ont disparu.
    Certes, nous devons aider les agriculteurs ; pour autant, je ne pense pas, monsieur le rapporteur, que vous ayez jamais consulté l’exploitant d’une bananeraie guadeloupéenne, car celui-ci n’aurait pas été favorable à votre idée ! Des zones lacustres, des rivières sont polluées : écoutons l’Anses et ajournons ce projet sine die, en tout cas outre-mer. Peut-être les drones ne gênent-ils personne dans les vignes, mais dans les bananeraies, je le répète, il conviendrait d’y regarder à deux fois –⁠ et nous sommes modernes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur quelques bancs des groupes EcoS et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hubert Ott.

    M. Hubert Ott

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    Avec tout le respect que j’ai pour vous, madame Batho, vous tentez d’introduire dans ce débat une confusion qu’il importe de ne pas laisser s’instaurer : l’amalgame entre les drones et les moyens aériens dont disposaient les agriculteurs. Dans ma circonscription, la ville de Guebwiller est flanquée d’un coteau viticole dont les pentes peuvent atteindre 60 % d’inclinaison. Jusque dans les années 1990, il était traité par hélicoptère, c’est-à-dire à 20 mètres du sol : les gens retrouvaient un produit bleu sur le pare-brise de leur voiture et les baies vitrées de leur maison.
    Cette pratique ayant heureusement été interdite, nous avons expérimenté les drones : ils volent à 2 mètres de haut, voire à 50 centimètres, d’où des gains considérables en matière de volume épandu et de précision. Assimiler la dérive aérienne entraînée par l’usage du drone à celle de l’hélicoptère, en les confondant sous l’appellation commune d’engins aériens, n’est tout simplement pas honnête, et ce n’est pas un problème de sémantique qui doit faire dévier un débat essentiel à l’avenir de notre agriculture ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Puisque vous souhaitez vous appuyer sur la science, chers collègues ultramarins, je vous invite à lire le rapport de l’Inrae, qu’a repris l’Anses dans la note déjà évoquée : un essai d’utilisation de drones en bananeraie réalisé en 2020 a mis en évidence que le drone possède une meilleure capacité à respecter les doses et le plan de traitement, et permet d’appliquer une dose plus faible que l’atomiseur à dos.
    Monsieur Califer, vous connaissez bien mieux que moi les bananeraies : elles posent un problème de densité. Après le dessous des feuilles, pour traiter la cercosporiose noire, il s’agit d’atteindre le dessus. L’atomiseur à dos n’y parvient pas ; il faut employer des canons, donc subir les retombées. La dérive des produits épandus par drone, déjà bien moindre qu’avec l’atomiseur, n’a rien de comparable à la quantité que le canon laisse en suspension : c’est de la logique expérimentale, non de la politique !
    Outre cette question d’efficacité, ce sont des produits de biocontrôle qui sont employés dans les bananeraies –⁠ par conséquent, à faible risque : nous ne parlons pas de CMR –⁠ : treize insecticides, sept acaricides, quatre fongicides. Regardez, je le répète, le rapport de l’Inrae : pulvérisés par des drones, ces fongicides pourraient servir à traiter avec précision, à faible distance, le dessus des feuilles, afin de lutter contre la cercosporiose noire. C’est tout ce que nous souhaitons : proposer de telles solutions aux employés agricoles, dont les conditions de travail sont très délicates, car ils reçoivent ces produits sur eux. Cela n’irait pas plus loin et serait très encadré, très contrôlé.
    Madame Batho, vous avez cité la note de l’Anses. Lisez-la jusqu’au bout : jusqu’à 10 mètres, toutes choses égales par ailleurs, la concentration de la dérive est plus importante avec un drone qu’avec un atomiseur à dos. En revanche, au-delà de cette distance, c’est-à-dire lorsqu’on se rapproche des habitations, l’impact de la pulvérisation par drone est le plus faible. Nous pouvons convoquer dans cet hémicycle la science comme les croyances, mais convoquons la science dans son intégralité ! S’y ajoute le fait que l’usage des drones favorise un traitement préventif, mieux ciblé, au moment opportun, donc le recours à des produits autorisés en biocontrôle ou dans l’agriculture biologique à une concentration moindre –⁠ d’où une dérive plus faible. Cela s’appelle le gradient de concentration ; encore une fois, c’est de la science, non de la politique.

    M. André Chassaigne

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    Si, c’est de la politique !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Le choix politique vient ensuite, monsieur le président Chassaigne, si je puis me permettre. Je reprends : la concentration initiale du produit étant plus faible qu’avec un atomiseur à dos, la dérive en sera forcément diminuée.
    Par conséquent, les drones pulvériseront des produits dont l’impact est plus faible et qui seront utilisés en quantité restreinte ; en outre, ils permettront de réduire l’effet de dérive et d’amenuiser la pénibilité du travail. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)

    M. Sylvain Maillard

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    Bravo ! CQFD !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Se priver d’une telle technologie n’aurait aucun sens. C’est pourquoi je vous invite à repousser massivement les amendements de suppression de l’article.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements de suppression nos 1 et 21.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        245
            Nombre de suffrages exprimés                239
            Majorité absolue                        120
                    Pour l’adoption                77
                    Contre                162

    (Les amendements identiques nos 1 et 21 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Les collègues apprécieraient une suspension de séance de quelques minutes.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.
    Je suis saisie de trois amendements, nos 72, 43 et 8, visant à réécrire l’article.
    La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 72.

    M. André Chassaigne

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    Dans cette assemblée, monsieur le rapporteur, nous avons vu passer des scientifiques, de grands scientifiques même, qui étaient entrés en politique et portaient des paroles fortes. Cependant, ils n’ont jamais utilisé leurs connaissances scientifiques pour nous donner des leçons ! Par nature, un scientifique, habitué à une démarche scientifique, fait preuve d’humilité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP et EcoS. –⁠ Mme Mélanie Thomin applaudit également.) Pour étayer ses propos, sa parole politique –⁠ que je respecte –, il ne va pas découper des rapports en morceaux en n’y prenant que ce qui l’arrange, comme vous le faites ! Ce n’est pas une bonne méthode. De même, vous remettez en cause un peu trop facilement nos positions, en utilisant de grandes formules, comme si nous étions, en quelque sorte, des petits enfants qui devraient comprendre la vérité suprême du sachant que vous êtes !
    L’amendement no 72 vise à reprendre une proposition du Sénat qui, s’appuyant précisément sur les recommandations de l’Anses que vous dévoyez, suggérait de lancer une nouvelle expérimentation pour une durée, à l’époque, de cinq ans. Je propose donc une période maximale de cinq ans, sachant que mon amendement pourrait être sous-amendé pour la fixer à trois ans. Cette expérimentation s’appliquerait à des parcelles qui présentent une pente supérieure à 30 % ou dont la superficie est très limitée. Or vous n’en voulez pas ! Vous déformez mes propos, comme ceux de bien d’autres, considérant que nous sommes hostiles à tout progrès et à toute évolution de l’agriculture. Je vous le dis franchement : j’en ai marre d’écouter ce type de propos qui dévalorisent la parole politique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    Mme la présidente

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    Je vous informe que sur l’amendement no 8, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. David Taupiac, pour soutenir l’amendement no 43.

    M. David Taupiac

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    L’article 82 de la loi Egalim du 30 octobre 2018 prévoyait une expérimentation de l’épandage par drone, désormais arrivée à son terme. L’Anses estime qu’elle ne dispose pas de données suffisantes pour conclure que la pulvérisation aérienne est sécurisée sur le plan de la santé humaine et respectueuse de l’environnement. C’est pourquoi il semble nécessaire de poursuivre l’expérimentation pour une durée de trois ans, afin de consolider les données et de discuter politiquement ensuite, en fonction des conclusions, d’une éventuelle extension du dispositif.
    Je précise à M. le rapporteur qu’à la suite de nos débats en commission et des griefs qu’il avait émis sur mon amendement, j’en ai modifié la rédaction : il s’attache désormais aux produits autorisés plutôt qu’au type d’exploitation et ne fait plus mention des exploitations labellisées Haute Valeur environnementale (HVE).
    La loi Egalim avait défini une méthodologie scientifique : il est désormais nécessaire de s’y conformer et de poursuivre l’expérimentation, de manière à rester scientifiquement cohérents.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mélanie Thomin, pour soutenir l’amendement no 8.

    Mme Mélanie Thomin

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    L’article 1er de la proposition de loi recèle un piège : si, dans une première phase, il prévoit de poursuivre l’expérimentation de la pulvérisation aérienne dans les bananeraies ou dans les vignes, suivant un cadre strict, il comporte également une deuxième phase, selon laquelle il conviendrait d’étendre les essais à tous types de parcelles et de cultures. Autant je suis relativement d’accord avec la poursuite de l’expérimentation, parce que je suis partisane du progrès technologique et de la modernité, autant je ne voudrais pas laisser croire que la technologie permettra de tout résoudre en matière agricole. (M. Dominique Potier applaudit.) Il ne faudrait pas que la recherche de progrès économiques permanents vienne menacer la santé humaine et la qualité des sols.
    Or les études de l’Anses sont formelles : si l’expérimentation est, certes, intéressante, l’Agence ne dispose pas de données suffisantes pour affirmer que tous les voyants sont au vert s’agissant de la pulvérisation aérienne. Par conséquent, l’étendre à tous types de parcelles et de cultures constituerait un dérapage qui ne répond pas à l’intérêt général. Nous avons besoin de davantage de recul et il serait plus sage de mieux définir ce qui nous protège, dans le respect des conditions de travail des agriculteurs et de la santé humaine et environnementale.
    Il s’agit donc, par cet amendement, de s’en tenir strictement à la première partie de l’article 1er.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Rappelons d’abord le principe de ce texte : d’une part, en prévoyant un régime d’autorisation, il pérennise les dérogations ; d’autre part, il instaure un régime d’essai, qui fera l’objet d’une évaluation par l’Anses. En fonction des conclusions, le gouvernement pourra décider ou non d’étendre le champ des autorisations à d’autres types de parcelles. En autorisant une nouvelle technologie, la proposition de loi offre un outil supplémentaire aux agriculteurs ; elle ne le leur impose pas, elle le met à leur disposition.
    J’ai plusieurs points de désaccord avec les amendements –⁠ s’agissant bien du contenu, monsieur Chassaigne. Votre amendement et celui de Mme Thomin tendent à restreindre le périmètre des expérimentations aux surfaces agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 %. Ainsi, les agriculteurs des territoires ultramarins, où les pentes sont bien inférieures, ne bénéficieraient pas des expérimentations, alors que les bananeraies sont en difficulté ; cela me pose un problème. D’autre part, les expérimentations déjà conduites ont abouti à des résultats et il convient de les pérenniser. Voilà pourquoi je souhaite aller plus loin et plus vite.
    Monsieur Chassaigne, ne le prenez pas mal, mais votre amendement pose un autre problème : tel qu’il est écrit, il autoriserait l’épandage de produits CMR dans le cadre des expérimentations. Ce n’est évidemment pas ce que vous envisagez –⁠ ni ce que je souhaite.

    M. André Chassaigne

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    Ça s’intègre dans la loi !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Seuls sont concernés les produits de biocontrôle, les produits autorisés en agriculture biologique et les produits à faible risque au sens du droit européen.
    Monsieur Taupiac, j’ai bien compris que vous aviez opéré un recentrage par rapport aux travaux en commission, mais il s’agit toujours d’expérimentation. Or le temps de l’expérimentation « sèche » est passé ; nous devons avancer. Tout à l’heure, dans son intervention à la tribune, M. Nury sous-entendait que nous aurions pu pérenniser le dispositif dès 2018.

    M. Jérôme Nury

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    Je l’ai dit, je ne l’ai pas sous-entendu.

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Je ne suis pas tout à fait d’accord : l’expérimentation conduite en 2019, 2020 et 2021, y compris dans les territoires ultramarins, était intéressante, nécessaire et utile. En revanche, maintenant, nous devons pérenniser là où nous disposons de résultats probants et maintenir un régime d’essai dans les autres situations. Tel est l’esprit du texte.
    Voilà pourquoi je suis défavorable aux trois amendements. Ils retardent les avancées. Nous avons déjà expérimenté, avançons dans ce domaine et poursuivons les expérimentations pour ce qui concerne le second volet, comme le propose l’article 1er à partir de l’alinéa 6.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Par ces amendements, vous proposez de relancer les expérimentations, sans tirer les conséquences de la première série d’expérimentations issue de la loi Egalim –⁠ on repartirait de là où l’on s’est arrêté, comme si rien n’avait eu lieu. Or il est déjà possible de tirer des conclusions de ces premières expérimentations. (Mme Delphine Batho fait un signe de dénégation.) J’en veux pour preuve l’avis de l’Anses, qui souligne dans son bilan les bénéfices de cette technologie pour la santé des opérateurs : elle réduit significativement leur exposition aux produits phytopharmaceutiques ainsi que le risque de retournement des machines agricoles, à l’origine d’accidents graves, parfois mortels. Je souscris donc tout à fait à la proposition de M. le rapporteur de pérenniser la méthode à laquelle vous vous opposez.
    Pour d’autres cultures, il faut encore conduire des expérimentations –⁠ je vous rejoins sur ce point –, mais une fois que l’expérimentation a été menée, que nous en avons tiré les conclusions et qu’elle présente des éléments intéressants et favorables, il faut passer à la généralisation : c’est le propre d’une expérimentation.

    M. Ugo Bernalicis

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    Des fois, on expérimente, ça ne marche pas et on généralise quand même ! J’ai des exemples !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Sinon, on est toujours en attente de décision –⁠ ce n’est pas possible.
    L’approche progressive, qui vise à passer systématiquement de l’expérimentation à son évaluation et à sa pérennisation, est une bonne méthode. C’est tout le contraire du dérapage, c’est une approche prudente. C’est la raison pour laquelle, dans ce contexte, je suis défavorable aux amendements.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Dominique Voynet.

    Mme Dominique Voynet

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    Nous avons des divergences d’appréciation sur les travaux de l’Anses –⁠ c’est l’un des points qui a été le plus discuté ici.
    L’hypothèse a été émise que certains d’entre nous refuseraient toute perspective de progrès technique. M. Chassaigne l’a souligné : ce n’est le cas de personne ici –⁠ aucun ne souhaite vivre habillé de peaux de bêtes dans une caverne et utiliser des silex pour faire du feu.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est bon de l’entendre ! Ça me rassure !

    Mme Dominique Voynet

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    Néanmoins, nous souhaitons appuyer nos choix sur des résultats scientifiques incontestables. Or je ne suis pas rassurée quand j’entends M. Fugit dire qu’il veut aller plus vite et plus loin. Aller vite et loin a parfois conduit à des situations infernales. Nos collègues qui ont évoqué la question du chlordécone aux Antilles ont bien montré sur quoi pouvait déboucher une avancée scientifique non fondée sur des faits. Ce que nous refusons, monsieur Fugit, ce sont les cancers, la maladie d’Alzheimer et celle de Parkinson.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Et la peste… et le choléra…

    Mme Dominique Voynet

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    Nous refusons des dispositions qui seraient des chevaux de Troie pour des pratiques beaucoup moins contrôlées que celles que vous nous proposez aujourd’hui, dont l’allure est anodine, mais dont la généralisation demain pourrait nous exposer à des problèmes majeurs. Je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que les difficultés du monde agricole seraient liées au fait qu’on n’irait ni assez vite ni assez loin dans la généralisation de nouvelles pratiques hasardeuses. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)

    M. Dominique Potier

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    Bravo !

    (L’amendement no 72 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 43 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 8.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        144
            Nombre de suffrages exprimés                141
            Majorité absolue                        71
                    Pour l’adoption                42
                    Contre                99

    (L’amendement no 8 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 3, 22 et 27, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 3 et 22 sont identiques.
    La parole est à Mme Dominique Voynet, pour soutenir l’amendement no 3.

    Mme Dominique Voynet

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    Cet amendement vise à réaffirmer le caractère intangible de notre refus partagé de procéder à l’épandage aérien de produits phytosanitaires, quelle qu’en soit la nature.
    Mme la ministre a dit qu’elle aurait aimé que nous soyons davantage préoccupés par la perte de souveraineté de notre agriculture dans le secteur des fruits et légumes. Nous devrions plutôt, à l’instar d’Hendrik Davi, nous interroger sur l’échec d’un modèle agricole productiviste, intensif, gourmand en eau et en intrants. Nous devrions nous interroger sérieusement sur cette fuite en avant et sur l’échec des plans Écophyto I et II. Alors que nous devons changer de modèle, les dispositions de ce texte sont au contraire de nature à nous enferrer dans une voie sans issue sur le moyen et le long terme.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 22.

    M. Loïc Prud’homme

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    J’en profiterai pour répondre à Mme la ministre, qui nous a prêté certaines intentions. Elle a affirmé que nous étions contre les produits de biocontrôle, ce qui revient à nous faire dire l’inverse de ce que nous affirmons. Il est bien évident que nous sommes pour le biocontrôle et pour l’agriculture biologique, mais nous ne sommes pas dupes : nous savons que ce texte est le premier acte d’une tragi-comédie qui en comportera d’autres et qui aboutira, comme évoqué par nos collègues, à l’extension de l’utilisation des drones à d’autres surfaces, puis à d’autres molécules, donc à leur généralisation. C’est contre cela que nous nous élevons.
    Les caricatures telles que le soc de pierre, c’est drôle deux minutes, mais ce n’est pas sérieux. La modernité, ce n’est pas non plus d’en arriver à la disparition des insectes et des oiseaux de nos campagnes. Arrêtez de nous faire passer pour des Amish opposés à toute modernité.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Un peu quand même !

    M. Loïc Prud’homme

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    Nous savons quel est le sens de l’histoire et ce vers quoi il faut tendre pour garantir que, demain, notre modèle agricole permette aux agriculteurs de survivre tout en restaurant la biodiversité.
    Vous avez évoqué la souveraineté agricole : quelle blague ! Les sociétés qui promeuvent ces drones sont à plus de 50 % des sociétés chinoises. Quant aux autres, ce sont des sociétés américaines, qui font de la collective massive de données. Si c’est entre leurs mains que vous voulez placer notre souveraineté alimentaire, madame la ministre, je ne suis pas du tout d’accord. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 27.

    Mme Delphine Batho

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    Nous proposons une autre rédaction de l’article 1er, qui serait conforme à la directive européenne interdisant l’épandage aérien de pesticides.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Les amendements identiques nos 3 et 22 visent à supprimer toute dérogation à l’interdiction de l’épandage aérien, y compris en cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens. Récapitulons : en 2011, lors de la transposition de la directive européenne SUD de 2009, le droit français a repris les deux exceptions permettant d’autoriser l’épandage aérien, à savoir les cas de crise sanitaire grave et ceux où la pulvérisation aérienne présente des avantages manifestes pour la santé et l’environnement. En 2015, la seconde dérogation a été supprimée. L’adoption de ces amendements conduirait à supprimer l’alinéa 3 de l’article 1er, qui concerne le premier cas de dérogation, ce qui signifie que le recours à un épandage aérien ne serait plus autorisé en cas de crise sanitaire majeure.
    Je le répète, en 2015, la possibilité d’utiliser un épandage aérien lorsque la pulvérisation aérienne présentait des avantages manifestes pour la santé et l’environnement a été supprimée. Je souhaite réintroduire cette dérogation prévue par le droit européen, ce qui placerait nos agriculteurs sur un pied d’égalité avec leurs homologues des autres pays de l’Union européenne. Il semble assez logique de les autoriser à utiliser, non pas les hélicoptères ou les avions, j’y insiste, mais des drones –⁠ cette option n’était pas disponible il y a dix ans. Ces amendements vont encore plus loin que le premier amendement que nous avons examiné, qui visait à supprimer l’article 1er –⁠ donc la pérennisation des dérogations et la poursuite des expérimentations. Vous voulez aller encore plus loin qu’en 2015. Évidemment, j’y suis totalement opposé. Avis très défavorable.
    Comme l’a très bien résumé Mme Batho, l’amendement no 27 vise à supprimer, non pas l’alinéa 3 mais les alinéas 4 et suivants, donc la démarche en deux temps proposée par le texte, qui comprend le régime d’autorisation, fondé sur les expérimentations déjà menées, et le régime d’essai. J’y suis évidemment opposé. Comme l’a reconnu avec honnêteté Mme Batho, l’amendement aurait le même effet que les amendements de suppression de l’article 1er précédemment examinés. S’il était adopté, il ne serait plus possible d’utiliser des drones. Je sais que vous vous y opposez, mais permettez-moi de souligner à l’attention de nos collègues que ces trois amendements ne doivent surtout pas être adoptés. S’ils l’étaient, ils feraient tomber l’ensemble du dispositif.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Madame Voynet, vous plaidez pour le retour à la directive européenne, mais celle-ci prévoit des dérogations, notamment lorsque la pulvérisation aérienne présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement.

    M. Loïc Prud’homme

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    Ce n’est pas le cas !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Cette possibilité a été supprimée en 2015, ce qui a constitué une forme de surtransposition, à laquelle nous mettons fin en revenant à l’esprit de la directive européenne –⁠ ni plus ni moins. Avec cette série d’amendements, vous proposez en réalité de supprimer les effets de cette proposition de loi. C’est pourquoi l’avis du gouvernement est totalement défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Stéphanie Galzy.

    Mme Stéphanie Galzy

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    Le traitement par drone permet une meilleure qualité du dépôt, ce que démontrent quarante-quatre essais réalisés entre 2019 et 2021. L’Anses considère que cette solution présente de nombreux avantages ; elle améliore les conditions de travail, notamment en forte pente ; la Mutualité sociale agricole (MSA) a relevé que les résidus de produits phytopharmaceutiques étaient 300 fois supérieurs sur les équipements de protection individuelle des salariés agricoles traitant à dos, par rapport à ceux d’un télépilote de drone. La Suisse elle-même utilise cette méthode avec un retour d’expérience très satisfaisant.
    Cette méthode est donc bénéfique pour l’environnement, pour la santé et pour les conditions de travail, mais encore une fois, par sectarisme politique –⁠ j’ai envie de dire par fanatisme politique (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS) –, vous vous y opposez. Pensez d’abord aux Français qui travaillent la terre et la vigne, avant de penser à votre clientèle électorale des métropoles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RN et sur quelques bancs du groupe UDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hubert Ott.

    M. Hubert Ott

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    Madame Voynet, sur les terres à fortes pentes, entre 40 % et 60 %, nous avons encore recours à des canons qui propulsent le produit du bas du terrain vers le haut ; la dérive est alors significative et la fixation du produit sur la plante est très inférieure à celle que permet l’outil de précision que nous défendons aujourd’hui.

    M. Loïc Prud’homme

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    Ah ? Il faudrait donc interdire les canons !

    M. Hubert Ott

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    Si l’on utilise des chenillards, dont le pulvérisateur répand le produit au moyen de six à huit buses de chaque côté –⁠ soit une quinzaine de buses au total –, la direction de la propulsion est elle aussi ascendante, suivant une légère courbe de bas en haut. Dans certaines conditions météorologiques, se crée alors naturellement une brumisation, c’est-à-dire la suspension dans l’air des molécules du produit propulsé. À l’inverse, l’utilisation du drone permet une directivité du produit descendante, ce qui réduit la dérive et supprime presque totalement la sustentation du produit dans l’air que nous respirons. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et EPR.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Belle démonstration !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Cela ne manque pas de sel de voir le groupe Rassemblement national faire semblant de s’appuyer sur l’Anses, dont il demande par ailleurs la suppression ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et SOC.)

    M. Dominique Potier

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    Excellent !

    Mme Delphine Batho

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    Notre débat semble se dérouler à l’ère de la post-vérité, dans laquelle on fait comme si les éléments factuels étaient des opinions et non plus des données. À partir des données, on peut débattre et échanger –⁠ chacun pouvant avoir son point de vue. En revanche, il n’est pas normal qu’une ministre de la République fasse dire à un rapport de l’Anses l’exact inverse de sa conclusion (Mêmes mouvements),…

    M. Loïc Prud’homme

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    Exactement !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Je l’ai cité !

    Mme Delphine Batho

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    …selon laquelle « l’analyse des données ne permet pas, à ce stade, de dégager des conclusions générales robustes compte tenu des incertitudes observées ». Quant aux essais auxquels vous faites allusion, le tableau no 1 du rapport, qui traite de leur validité, contient les mentions suivantes : « manque d’informations sur le protocole », « pas de notation réalisée », « essais non exploitables », « pas de comparaison possible », « une seule modalité testée » –⁠ j’arrête là l’énumération. Voilà la conclusion du rapport de l’Anses !
    Vous demandez aux parlementaires de faire comme s’ils ne savaient pas lire ni étudier les rapports d’évaluation d’une expérimentation. Nous ne sommes pas d’accord avec cette méthode. Respecter l’avis des scientifiques, c’est d’abord ne pas travestir leurs travaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP, SOC et GDR.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Je vais reprendre des éléments de l’avis de l’Anses.

    Mme Delphine Batho

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    « Des » éléments : c’est bien le problème !

    M. Loïc Prud’homme

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    Nous, nous parlons des conclusions !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    « D’après les données soumises, le recours à des traitements par drone apparaît donc comme une solution intéressante pour protéger les cultures des bioagresseurs problématiques dans certaines conditions biologiques (faibles pressions en maladies), végétatives (volume foliaire limité et/ou port ouvert), climatiques (sols instables) et/ou topographiques (très fortes pentes). » C’est aussi l’avis de l’Anses, madame la députée ! (M. Jean-René Cazeneuve applaudit.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Eh oui !

    (Les amendements identiques nos 3 et 22 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 27 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 30.

    M. Hendrik Davi

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    Je suis choqué par certains commentaires. Nous ne cherchons pas à plaire à une clientèle, nous vivons la sixième extinction des espèces sur notre planète ! Vous devriez écouter les scientifiques qui en parlent, de même que vous devriez écouter ceux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) : les espèces d’oiseaux et les espèces d’insectes disparaissent à cause des pesticides –⁠ nous le savons ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme Anne Stambach-Terrenoir

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    Eh oui : 30 % d’oiseaux en moins !

    Mme Stéphanie Galzy

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    Et les éoliennes ?

    M. Hendrik Davi

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    C’est sérieux, madame Galzy !
    Par cet amendement de repli, nous nous opposons à la généralisation de l’autorisation de l’épandage aérien, qui n’est pas anodin. En effet, l’Anses reconnaît qu’à ce stade, l’ensemble des expérimentations ne permet pas de conclure à l’efficacité de cette pratique. En outre, dans certaines situations, notamment quand l’indice foliaire est élevé, en présence de cultures très denses, l’épandage aérien que vous préconisez ne va même pas atteindre la culture –⁠ c’est d’ailleurs ce que dit l’Anses dans l’extrait que vous venez de citer, madame la ministre.
    Vous prenez vraiment le problème par le petit bout de la lorgnette. Nous devrions plutôt débattre des raisons pour lesquelles nos cultures sont vulnérables aux pathogènes ou aux ravageurs. Nous pourrions alors proposer des réponses, s’agissant notamment des variétés utilisées. N’importe quel agronome vous dira qu’on a sélectionné nos variétés pour qu’elles soient plus productives, mais que ces variétés plus productives sont aussi beaucoup plus sensibles aux pathogènes, aux champignons et aux insectes. Il conviendrait de favoriser la diversité des variétés et d’agir pour les prédateurs des insectes –⁠ avec les haies, ce sont les oiseaux qui disparaissent.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    C’est hors sujet !

    M. Hendrik Davi

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    Ce dont nous avons besoin, c’est une grande loi de transformation de l’agriculture, qui favorise la transition vers l’agriculture biologique. Les agriculteurs y sont favorables. Les enjeux sont tels que traiter le problème de la vulnérabilité des cultures par l’épandage de pesticides au moyen des drones, ce n’est pas sérieux, madame la ministre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 4, je suis saisie par le groupe Écologiste et social d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Si vous avez été surpris par certains commentaires, je l’ai été également quand j’ai été traité d’hypocrite lors de la discussion générale. Je rejoins les propos de M. Chassaigne ; chacun doit veiller au ton et aux mots qu’il utilise, quelles que soient les personnes auxquelles il s’adresse.

    M. André Chassaigne

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    Jamais je n’ai dit cela !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Je dis que comme vous, j’ai été touché par l’utilisation à mon endroit de certains mots, comme celui d’hypocrite, voire de termes encore plus durs. Cela marche dans les deux sens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.) Disant cela, bien entendu, je ne vous vise pas, monsieur Chassaigne,…

    M. Emmanuel Mandon

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    Non, on connaît sa sagesse légendaire !

    M. Laurent Wauquiez

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    Laissez-le tranquille !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    …je vise d’autres collègues, qui se reconnaîtront –⁠ il suffit de consulter la vidéo.

    Mme Delphine Batho

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    Personne n’a traité qui que ce soit de quoi que ce soit !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    En supprimant les alinéas 6 à 13, cet amendement vise simplement à supprimer le dispositif d’essais, alors même que le texte prévoit un programme d’essais qui allie la rigueur et l’évaluation scientifiques à l’efficacité, afin d’évaluer l’intérêt de l’utilisation des drones pour traiter certains types de maladie sur d’autres types de parcelles ou de cultures. Je vais prendre un exemple qui me traverse l’esprit, sans que personne ne me l’ait soufflé : celui d’une surface de 10 hectares de blé qui subit de fortes pluies lors du printemps –⁠ au sud de mon département du Rhône, le 28 avril dernier, 150 millimètres sont tombés en une journée, alors que les cultures étaient en pleine expansion. Dans ce cas, aucun outil ni aucun engin n’est capable de traiter l’apparition d’éventuelles maladies, à cause de la faible portance du sol détrempé et du phénomène de tassement. Un drone pourrait alors être utilisé pour détecter l’apparition de maladies et prévenir leur extension sur un diamètre de 50 à 100 mètres, voire un peu plus. À cette seule fin, des essais me semblent utiles. C’est exactement ce que propose le texte. Le principe reste le même : d’abord, l’Anses évalue, ensuite le gouvernement décide d’accorder ou non l’autorisation.
    J’ajoute que, même si cela a fait sourire certains, je propose que les évaluations de l’Anses soient présentées au Parlement, notamment à l’Opecst, qui est composé de dix-huit sénateurs et dix-huit députés qui représentent la diversité politique des deux assemblées. Si les parlementaires éclairés considèrent que les évaluations de l’Anses nous amènent sur un terrain dangereux, ils pourront déposer des propositions de loi en vue de restreindre le champ du présent texte. En attendant, faisons de la place à l’expérimentation et à la science.
    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Même avis.
    Il est dommageable de supprimer la possibilité de conduire des expérimentations et de ne pas permettre à la recherche de se développer. L’exemple des zones submergées qu’a cité M. le rapporteur est éclairant. Certaines rizières ne peuvent pas être traitées car elles sont tout à fait inaccessibles aux moyens mécaniques traditionnels. Or ces petites filières performantes doivent être soutenues. Pourquoi n’utiliserions-nous pas des drones pour leur fournir le traitement dont elles ont besoin ?

    M. Loïc Prud’homme

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    Ah oui ! Quelle bonne idée de répandre des pesticides sur des zones submergées !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Vous qui êtes sensibles à la préservation des sols, vous savez très bien que l’utilisation d’un drone évitera le tassement des sols et permettra de préserver leur qualité –⁠ donc celle des productions.

    Mme Danielle Brulebois

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    Exactement !

    Mme Marie Pochon

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    Et les oiseaux ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Vous êtes hostiles par principe.
    Cet amendement constitue d’ailleurs une forme de repli. Vous admettez que l’on conserve les deux types de cultures avec trois types de produits mais vous empêchez, dans la mesure où le caractère positif du dispositif est avéré, qu’il puisse bénéficier à d’autres filières. Ce n’est pas compréhensible sur le plan même de la cohérence intellectuelle. S’il est positif, pourquoi ne pas étendre son application, toujours selon la même méthodologie –⁠ on expérimente, on évalue sous l’autorité de l’Anses et éventuellement on généralise ? Toutes les précautions sont prises !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Mme la ministre a donné lecture d’un extrait de la page 28 du rapport de l’Anses, en supprimant la dernière phrase du paragraphe :…

    M. Loïc Prud’homme

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    C’est malhonnête !

    Mme Delphine Batho

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    …« Toutefois, en conditions plus limitantes, les performances des drones de pulvérisation apparaissent inférieures à celles de pulvérisateurs terrestres classiques. » (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)

    M. Loïc Prud’homme

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    Et voilà !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Oui : « en conditions plus limitantes » !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hubert Ott.

    M. Hubert Ott

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    Cher collègue Davi, je vous ai écouté avec attention et je partage votre inquiétude quant à l’extinction en cours, qui touche notamment les insectes et les oiseaux. Néanmoins, associer comme vous le faites l’usage des drones et le problème des pesticides qui menacent la biodiversité ne me semble pas pertinent.
    Le rapporteur a évoqué les taches de contagion qui touchent parfois les grandes cultures. Ces maladies fongiques se propagent à partir d’un foyer, la contagion est progressive et dessine une auréole. On peut utiliser les drones non pour traiter les cultures, mais pour prendre des photos aériennes afin de cartographier l’état des cultures. Seule la tache de contagion est alors traitée, par voie terrestre –⁠ on ne traite plus le reste de la parcelle. Cela permet un recours parcimonieux à des produits dont l’usage est à éviter quand c’est possible. On procède d’ores et déjà ainsi dans les cultures de céréales.
    Ces économies substantielles sont permises par les drones d’observation. Il ne faut donc pas systématiquement associer les drones à un recours accru aux pesticides –⁠ cette association est fondamentalement inexacte. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Le rapporteur a insisté sur la nécessité de faire des essais de pulvérisation en cas de situation difficile. Le problème, avec l’exemple donné, c’est que la démarche scientifique n’est pas respectée. J’ai été formé par les méthodes de l’éducation populaire, de la pédagogie active : quand on suit une démarche scientifique, on formule plusieurs hypothèses, que l’on ne valide pas a priori. Or vous écrivez à l’alinéa 8 que « les essais visent à déterminer, pour un type de parcelles ou de cultures, les avantages de la pulvérisation par aéronef ». Une approche scientifique consisterait à mentionner non seulement les bénéfices mais aussi les risques –⁠ sinon ce n’est pas un essai acceptable du point de vue scientifique. Vous justifiez que l’on s’oppose à cette proposition de loi, car elle contredit fondamentalement la démarche scientifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Taché de la Pagerie.

    M. Emmanuel Taché de la Pagerie

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    La volonté de promouvoir, voire d’étendre les essais me semble tout à fait normale.
    Monsieur Davi, étant député de Camargue, je suis extrêmement sensible à la cause animale, en particulier à celle des insectes. (Exclamations et rires sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)

    M. Jean-François Coulomme

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    Aux piqûres d’insectes ?

    M. Emmanuel Taché de la Pagerie

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    Je souhaiterais cependant vous parler de l’extinction de notre agriculture, car c’est la cause qui doit primer. En tant que politiques, nous devons délibérer et légiférer pour renforcer la compétitivité de notre agriculture. Nous ne pouvons pas aller contre le sens de l’histoire.
    Je vous ai parlé de la Camargue : si vous sortiez de vos territoires urbains,…

    Mme Marie Pochon

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    Arrêtez !

    M. Emmanuel Taché de la Pagerie

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    …vous apprendriez que nos terres sont souvent submergées et que seuls les drones nous permettraient de détecter les maladies et de les traiter homéopathiquement.

    Mme Marie Pochon

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Loïc Prud’homme

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    Et comment fait-on aujourd’hui ? Ce n’est pas nouveau !

    M. Emmanuel Taché de la Pagerie

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    Entendez la vérité : aucune machine agricole ne peut passer sur les terrains submergés de la Camargue ou de la plaine de la Crau. Vous êtes simplement confrontés à un principe de réalité. Vous nous demandez de nous plier à des avis d’agences d’État, quand je vous demande de prendre une décision en tant que politiques, pour nos agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)

    M. Jean-François Coulomme

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    Vous êtes rizible ! (Sourires.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Brulebois.

    Mme Danielle Brulebois

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    Nous aussi, nous savons lire les rapports de l’Anses et ils contiennent une précision très importante pour notre discussion : « L’exposition de l’opérateur utilisant un drone est environ 200 fois plus faible que pour un opérateur utilisant un chenillard. »
    Mme la ministre a raison lorsqu’elle évoque le tassement des sols, qui entraîne une dégradation de la qualité structurelle des sols et du système racinaire, et a aussi un impact sur d’autres acteurs biologiques, en particulier sur la faune lombri… les vers de terre. (Rires sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.) Eux aussi sont en voie de disparition.

    M. Loïc Prud’homme

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    Ce ne seraient pas les pesticides qui tuent les vers de terre, par hasard ?

    Mme Danielle Brulebois

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    Voilà deux bénéfices, que nous tenons à souligner, des drones.

    (L’amendement no 30 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement no 4.

    Mme Delphine Batho

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    À écouter certains collègues, on en viendrait à se demander s’il y aurait encore une agriculture en France si l’on interdisait l’épandage aérien par drone.

    M. Laurent Wauquiez

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    Il n’y aura bientôt plus d’agriculture à cause de toutes les mesures que vous avez prises !

    Mme Delphine Batho

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    J’étais en train de vérifier depuis combien de siècles on cultivait le riz en Camargue –⁠ mais fermons la parenthèse.
    L’amendement no 4 porte sur les circonstances exceptionnelles justifiant une dérogation à l’interdiction de l’épandage aérien des pesticides, dérogation déjà prévue par le code rural, en conformité avec la directive européenne, dans le cas où un danger sanitaire grave ne peut être maîtrisé par d’autres moyens. Nous proposons d’obliger les ministres de l’environnement, de l’agriculture et de la santé à solliciter l’avis de l’Anses avant d’autoriser l’épandage aérien dans ces circonstances exceptionnelles. Cela nous semble indispensable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Cet amendement ne porte pas directement sur le champ de la proposition de loi puisqu’il tend à modifier l’alinéa 3, qui présente le cadre général, notamment les dérogations en vigueur dans le droit français. Le régime de pérennisation que nous proposons de créer ne débute qu’à l’alinéa 4.
    Vous proposez de rendre obligatoire l’avis de l’Anses avant tout traitement dérogatoire en cas de danger sanitaire grave et qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens –⁠ donc en cas d’urgence. Les dérogations ont été introduites dans le droit français en 2011, puis restreintes en 2015. Depuis lors, on n’a recouru que très rarement à cette possibilité.
    Surtout, introduire une telle obligation alourdirait la procédure : l’Anses ne pourra rendre un avis circonstancié qu’après une étude, alors que le dispositif n’est déployé qu’en cas d’urgence. Votre proposition risque donc d’être inopérante. C’est pourquoi j’y suis défavorable –⁠ je n’ose vous proposer de retirer l’amendement, mais sait-on jamais ?

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Vous proposez de solliciter l’avis de l’Anses préalablement à toute dérogation en cas de danger grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens ; nous parlons donc d’une situation d’urgence, qui appelle une réaction rapide, en quelques jours. Comme l’a dit M. le rapporteur, ce dispositif n’a été activé qu’à quelques reprises depuis 2015, après des intempéries qui empêchaient les interventions terrestres. La dérogation s’est révélée utile, notamment pour lutter contre le mildiou.
    Les conditions d’octroi de ces dérogations sont parfaitement encadrées par la directive 2009/128/CE, qui assure la sécurité de l’emploi des pesticides. Il ne s’agit donc pas d’une pratique spontanée. Les circonstances dans lesquelles l’emploi encadré de la pulvérisation par aéronef est autorisé sont caractérisées par l’urgence.

    M. Benoît Biteau

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    Mais alors, qui décide ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à votre amendement. Le temps de l’Anses est un temps long, celui de la recherche ; il n’est pas compatible avec des circonstances exceptionnelles marquées par l’urgence.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Ce que vous dites est inexact. Dans de très nombreux domaines, compte tenu de ses prérogatives en matière de protection de la santé publique, quand des décisions urgentes doivent être prises, l’Anses est consultée par les ministres et rend un avis.
    Face à certains fléaux, dans les circonstances visées à l’alinéa 3, il est indispensable de savoir quels sont les moyens de lutte disponibles et quel est l’outil le plus efficace et affectant le moins la santé humaine et l’environnement. L’Anses est capable de fournir des réponses. C’est pourquoi nous maintenons l’amendement.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 4.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        165
            Nombre de suffrages exprimés                160
            Majorité absolue                        81
                    Pour l’adoption                56
                    Contre                104

    (L’amendement no 4 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Benoît Biteau, pour soutenir les amendements nos 19 et 31, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Benoît Biteau

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    Ces amendements visent à ce que nous respections les directives européennes qui encadrent les décisions à l’échelle européenne et assurent leur homogénéité.
    Je souhaiterais réagir à quelques interventions. Des collègues ont évoqué les taches de maladie qu’il faudrait traiter. Encore une fois, on ne s’attaque qu’aux conséquences, en partant du postulat qu’il existe toujours une solution chimique. Travaillons sur les causes ! Je suis moi-même paysan ; pour éviter les taches de maladie, nous travaillons avec des variétés dites populations. Ces variétés ressemblent un peu à cette assemblée : tous les individus sont différents –⁠ Dieu merci, car je ne voudrais pas ressembler à certains ! (Mme Andrée Taurinya applaudit. –⁠ Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR.) C’est précisément grâce à ces différences qu’on parvient à juguler l’extension des maladies. Attaquons-nous aux causes au lieu de partir du postulat qu’il existera toujours une solution pour traiter les conséquences.
    D’autre part, je suis sidéré par les interventions de députés qui siègent plutôt sur les bancs opposés et qui proposent d’utiliser des traitements sur des plans d’eau. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS.) Quand on parle de rizières, on parle bien de plans d’eau ! Alors qu’un peu partout, en France et en Europe, on s’alarme de pollutions insolites de l’eau que l’on boit quotidiennement, on voudrait utiliser des pesticides pour traiter des plans d’eau ? Il existe pourtant d’autres solutions : des riziculteurs utilisent par exemple des canards ou des poissons pour juguler les parasites dans les rizières. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Les amendements nos 19 et 31 portent sur l’alinéa 3 ; ils sortent donc du champ de ce que nous proposons, même s’il convient naturellement de les discuter.
    Vous souhaitez qu’il soit fait mention de l’article 9 de la directive SUD de 2009. Le régime dérogatoire français a été créé à la suite de l’adoption de cette directive.
    Notre proposition de loi ne touche pas à l’état du droit sur ce point, qui me semble relativement clair et assez robuste. Il n’est pas nécessaire d’inscrire dans la loi qu’un arrêté devra être conforme à une directive puisque l’ordre juridique l’impose déjà.
    C’est pourquoi je suggère à leurs auteurs de retirer ces amendements déjà satisfaits par le droit actuel, sans que cela ait jamais posé problème, sachant que la Commission européenne n’a jamais soulevé non plus de difficulté. En outre, l’alinéa 3 découlant de la directive, votre proposition rendrait la loi trop bavarde.
    À défaut de retrait, l’avis serait défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Comme l’a dit M. le rapporteur, il est évident que nous parlons d’une obligation déjà satisfaite au titre de la transposition de la directive, qui est applicable dans notre droit –⁠ et respectée. On ne peut méconnaître le droit européen, et les arrêtés interministériels qui ont autorisé ces applications respectaient naturellement les conditions de la directive.
    Je vous propose donc de retirer ces amendements puisqu’ils sont déjà satisfaits ; à défaut, l’avis serait défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Madame la ministre, monsieur le rapporteur, ce que vous affirmez est faux…

    M. Antoine Léaument

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    Encore ?

    Mme Delphine Batho

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    …puisque plusieurs décisions du Conseil d’État ont invalidé des formulations qui figuraient dans des arrêtés ministériels sur le sujet. Si nous défendons l’amendement no 31, c’est parce qu’il est nécessaire que les ministres qui prennent des arrêtés pour autoriser l’épandage aérien –⁠ et je précise que nous parlons à cet alinéa de tous les produits phyto, produits chimiques de synthèse, donc dangereux – respectent la directive européenne. Cela n’a pas toujours été le cas par le passé puisque certains arrêtés ont été partiellement censurés par le Conseil d’État. Nous demandons donc que la référence explicite à la directive européenne figure à cet alinéa. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)

    (Les amendements nos 19 et 31, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    M. Jean-François Coulomme

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    Bande d’inconséquents !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mélanie Thomin, pour soutenir l’amendement no 10.

    Mme Mélanie Thomin

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    Monsieur le rapporteur, votre proposition de loi me semble un peu hâtive. Nous avons entendu tout à l’heure que son but était de basculer de l’expérimentation à la généralisation, tandis que vous mettiez en exergue des filières très spécifiques comme celles des bananeraies, de la vigne ou de certaines plantations arboricoles en grande difficulté. Or voici qu’il est question, dans cet article 1er, de basculer assez rapidement vers un usage destiné à tout type de culture ou tout type de parcelle. C’est bien là la difficulté de ce texte : il mélange tout.

    M. Jean-François Coulomme

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    Eh oui !

    Mme Mélanie Thomin

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    Au travers de mon amendement, je pose très pragmatiquement la question de la conformité du matériel. Alors qu’on s’apprête à généraliser l’usage des drones, à les utiliser sur tout type de parcelle, tout type de culture, quel matériel allons-nous utiliser ? S’agira-t-il d’un matériel conforme, homologué ? Permettra-t-il un traitement optimal ? Sera-t-il possible de survoler des zones –⁠ comme il y en a chez moi – dont le survol aérien est aujourd’hui interdit ? C’est un point juridique que votre proposition de loi n’aborde pas.
    L’Anses indique que, dans l’épandage aérien, la dérive des produits pulvérisés dépend des buses et des conditions d’utilisation. C’est pourquoi nous proposons de conditionner l’usage des drones à la mise en place de ces buses dites antidérive car il est indispensable de limiter les risques de pollution diffuse.
    En 2023, la commission d’enquête sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire avait facilement démontré que la pulvérisation par voie aérienne constituait la technique la plus dangereuse et la plus propre à diffuser les pesticides dans nos sols et dans notre environnement. L’homologation du matériel est donc une vraie question, et votre loi hâtive ne dit pas grand-chose sur ce point. (M. Emmanuel Grégoire applaudit.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Peut-être la manière dont la proposition de loi aborde les choses ne vous convient-elle pas mais elle procède d’une démarche à la fois scientifique et politique –⁠ c’est en tout cas ma conviction. Il ne faut pas non plus déformer mes propos : je n’ai jamais dit qu’il fallait faire tout et n’importe quoi ; j’ai dit qu’il s’agissait de pérenniser les pratiques là où elles avaient été testées avec l’Anses et qu’il n’était pas question de décider a priori que certaines cultures devaient être exclues des essais. C’est conforme à ce qu’indiquait tout à l’heure le président Chassaigne au sujet de la méthode scientifique. Nous ne refusons pas de voir ; en revanche, il faut évaluer. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir, avec notre collègue David Taupiac, sur les protocoles d’essais, et il se peut que, concernant leur élaboration, nous puissions trouver un terrain d’entente.
    C’est seulement après la mise en place de ces protocoles, les essais et l’évaluation par l’Anses que l’État prendra ses décisions, en fonction des résultats. J’ajoute, au risque de me répéter, que le Parlement aura aussi un droit de regard à travers l’Opecst –⁠ dont nombre d’entre vous consultent sans doute les publications pour être éclairés sur les sujets desquels se saisissent les sénateurs et les députés qui le composent.

    M. Loïc Prud’homme

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    Ils n’y connaissent rien !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Pour en revenir plus précisément à l’amendement, vous proposez de préciser que les drones doivent être équipés de buses antidérive. Cela est déjà satisfait par l’alinéa 5, qui indique que les autorisations devront être délivrées « dans les conditions prévues à l’article 9 de la directive 2009/128/CE », lequel article 9 mentionne que « l’aéronef est équipé d’accessoires qui constituent la meilleure technologie disponible pour réduire la dérive de la pulvérisation ».

    M. Loïc Prud’homme

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    C’est quoi la définition juridique de « la meilleure technologie possible » ?

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    La directive prévoit donc bien l’emploi du matériel antidérive que vous préconisez.
    D’ailleurs, l’expérience des pays de l’Union européenne, comme l’Autriche ou l’Allemagne, ou hors Union, comme la Suisse, qui utilisent cette technologie montre que le matériel ne cesse de s’améliorer. Pour notre part, nous avons un double intérêt à utiliser un matériel performant : outre qu’il minimise l’impact des produits sur l’environnement, il permet également –⁠ et je l’assume même si certains pensent le contraire – de réduire les quantités de produit utilisées. Nous voulons donner aux agriculteurs un outil grâce auquel ils pourront utiliser moins de produit mais l’utiliser mieux, de manière préventive ou de manière ciblée, dans des zones inaccessibles par voie de terre. Cela n’a rien d’obligatoire mais ils auront à leur disposition de quoi s’engager dans la transition, en réduisant –⁠ je n’ose dire « en même temps » – l’impact environnemental et la pénibilité de leur travail.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Cet amendement est un cas d’espèce parce que c’est un exemple de sous-transposition ! L’article 9 de la directive du Parlement européen parle de « la meilleure technologie disponible » ; et vous, alors que cette formulation est très englobante et pose le niveau d’excellence de l’équipement, vous réduisez cette exigence aux buses antidérive, ce qui est bien moins exigeant.
    On fustige souvent la surtransposition, mais la sous-transposition n’est pas davantage acceptable.
    Avis défavorable.

    (L’amendement no 10 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mélanie Thomin, pour soutenir l’amendement no 9.

    Mme Mélanie Thomin

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    Monsieur le rapporteur, au cours des débats en commission des affaires économiques, vous avez dit que cette proposition de loi était un outil au service de la transition agroécologique. Or, à l’alinéa 4, vous indiquez qu’est autorisé dans les programmes d’application des drones l’usage des produits phytopharmaceutiques, c’est-à-dire de substances dangereuses pour la santé humaine, animale, environnementale. Cet amendement vise par conséquent à limiter les programmes d’application aux seuls produits autorisés en agriculture biologique.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    L’amendement me pose un problème car, en ne retenant que les produits utilisés en agriculture biologique, il empêche d’utiliser ceux servant au biocontrôle. Or, en agriculture biologique, on utilise par exemple des produits à base de cuivre, qui ne sont pas des produits de biocontrôle –⁠ d’ailleurs, peut-être faudra-t-il s’interroger un jour sur la quantité de cuivre dans nos sols et engager une démarche scientifique, comme dirait le président Chassaigne, pour examiner la question.

    Mme Delphine Batho et Mme Dominique Voynet

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    Tout à fait !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Si l’on adopte votre amendement, on pourra donc pratiquer l’épandage de produits à base de cuivre mais pas celui de produits de biocontrôle, ce qui serait fort dommage car certains d’entre eux sont très intéressants.
    Quant à l’article 47 du règlement européen concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, il dresse la liste de quarante et une substances de biocontrôle, et s’en priver ainsi ne serait pas responsable, d’autant que cette liste a été établie de manière scientifique par l’EFSA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, en liaison avec les différentes agences nationales des pays membres –⁠ l’Anses pour la France. Je ne vois pas comment on peut d’un côté vouloir s’appuyer sur cette dernière et, de l’autre, ne pas faire confiance à l’EFSA.
    Qu’il s’agisse de la pérennisation ou du régime d’essai, notre proposition de loi limite l’application aux produits de biocontrôle et aux produits autorisés en agriculture biologique ; il serait dommage d’en réduire encore le champ. Voilà pourquoi je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Manon Meunier.

    Mme Manon Meunier

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    Je voudrais dénoncer une hypocrisie : je crois n’avoir jamais autant entendu les macronistes défendre le bio que depuis tout à l’heure ; c’est vraiment quand ça vous arrange ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Christine Arrighi applaudit également.) Voilà un texte avec une première ouverture vers les produits utilisés en agriculture biologique, sur laquelle nous vous alertons depuis sept ans parce qu’elle est en train de se casser la figure. Tandis qu’un rapport de FranceAgriMer sort précisément aujourd’hui et montre que la grande distribution se fait des marges de folie sur le bio, vous, pour aider le bio, vous proposez encore des drones ! Nous, nous proposons une rémunération correcte ! (Mêmes mouvements.)

    M. Loïc Prud’homme

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    Hypocrites !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mélanie Thomin.

    Mme Mélanie Thomin

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    Monsieur le rapporteur, le fait même que vous fassiez référence au panel de produits autorisés pour les traitements par épandage aérien montre bien que votre texte n’a plus rien d’un outil au service de la transition agroécologique. Compte tenu de l’ampleur de ce panel, nous n’y sommes pas du tout ! Cette proposition de loi est un texte d’affichage : sous couvert d’aider les petites filières en difficulté sur des terrains pentus, avec des produits qui étaient censés être spécifiques, vous décidez d’autorisations bien plus larges et votre but, à terme, est tout simplement de généraliser l’usage des drones sur toutes les parcelles, pour toutes les cultures, ainsi que nous l’avions bien compris tout à l’heure.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Au préalable, je tiens à rappeler que nos politiques publiques ont toujours soutenu l’agriculture biologique (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS), les budgets en témoignent.

    M. Loïc Prud’homme

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    Ce n’est pas vrai !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Les difficultés qu’elle rencontre sont avant tout liées au marché et au pouvoir d’achat. (Mêmes mouvements.)
    Les trois types de produits concernés –⁠ de biocontrôle, utilisables en agriculture biologique et à faible risque au sens de l’article 47 du règlement européen concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques – sont traités ensemble dans toutes les dispositions du code rural, qu’il s’agisse de leur utilisation dans des lieux ouverts au public ou par des amateurs ou de leur vente dans des circuits non-professionnels. La proposition de loi n’ajoute rien de nouveau à l’état actuel du droit.

    (L’amendement no 9 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hendrik Davi, pour soutenir l’amendement no 18.

    M. Hendrik Davi

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    Il est dommage que l’amendement no 66 n’ait pas été défendu, car il visait à autoriser l’utilisation de drones pour l’épandage de produits autres que de biocontrôle, utilisables en agriculture biologique ou à faible risque. Comme quoi, certains dans la majorité envisageaient cette option –⁠ quelle coïncidence !
    Le présent amendement, de repli, tend à autoriser l’usage de drones à la seule condition qu’il n’y ait pas d’autre solution viable.
    J’aimerais réagir à deux points. Notre collègue Ott prétend que nous serions contre l’usage des drones, donc contre la science. Or nous sommes contre non pas l’usage des drones en général –⁠ ils peuvent servir notamment à la télédétection –, mais l’épandage des produits phytosanitaires par des drones, parce que l’épandage aérien pose un problème. C’est pourtant facile à comprendre !
    Monsieur Taché de la Pagerie, que vient-il de se passer en Camargue ? Du riz bio vient d’être retiré de la vente, parce qu’il présentait des traces d’arsenic charrié par le Rhône. (« Quel rapport ? » sur les bancs du groupe RN.) Ce n’est pas directement lié à notre sujet, mais cela préoccupe davantage les agriculteurs en Camargue que de savoir quels produits ils pourront épandre à l’aide de drones qu’ils n’auront sûrement pas les moyens d’acheter ! (Mme Mélanie Thomin applaudit.)

    M. Jordan Guitton

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    Cela n’a rien à voir !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Pour être transparent, si l’amendement no 66 avait été défendu, j’aurais émis un avis défavorable (« Ah ! » sur les bancs des groupes SOC et EcoS), en vous expliquant pourquoi.

    M. Pouria Amirshahi

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    Alors, expliquez-nous !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    J’émets également un avis défavorable s’agissant de l’amendement no 18, parce que, pour autoriser l’épandage par drone, il entend faire de l’absence de solution viable une condition qui s’ajouterait à celle de l’avantage manifeste pour la santé et l’environnement.
    Le droit européen autorise l’épandage aérien s’il n’y a pas d’autre solution viable –⁠ comme dans certains cas d’intempéries qu’évoquait Mme la ministre – ou s’il présente des avantages manifestes pour la santé et l’environnement. Vous voulez transformer le « ou » en « et », ce qui revient à une surtransposition. Pour rester dans l’esprit du droit européen, j’émets un avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emmanuel Taché de la Pagerie.

    M. Emmanuel Taché de la Pagerie

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    Votre amendement est très clair, alors pourquoi jouez-vous sur les mots pour faire passer vos sornettes ? Je ne comprends pas la posture du NFP.
    Monsieur le député de Marseille, vous me parlez d’un territoire que je connais par cœur. L’arsenic est présent dans tous les sols de France, de Navarre et de nos DOM-TOM.

    M. Hendrik Davi

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    Dans ce cas, pourquoi a-t-on retiré le riz de la vente ?

    M. Emmanuel Taché de la Pagerie

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    En vérité, vous êtes dans une posture. Vous ne connaissez absolument rien à nos terroirs et vous voulez nous priver de compétitivité, voire d’excellence, par rapport à nos voisins européens. Je vous attends en Camargue pour mesurer le taux d’arsenic –⁠ qui, je le répète, est présent naturellement dans tous les sols de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hendrik Davi.

    M. Hendrik Davi

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    Cher collègue, l’arsenic est certes naturel, mais il est dangereux –⁠ je vous l’assure, faites attention. (Sourires.)

    Mme Christine Arrighi

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    Il n’écoute pas !

    M. Hendrik Davi

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    En réalité, l’arsenic se concentre dans le Rhône à cause des pollutions chimiques. Il s’y trouve dès lors en excès.

    M. Jean Terlier

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    C’est la quatrième prise de parole pour le NFP ! Normalement, c’est un pour, un contre !

    M. Hendrik Davi

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    Le riz étant irrigué, on y trouve de l’arsenic en trop forte dose. Ce n’est pas votre faute, mais comprenez que si vous voulez sauver l’agriculture, y compris la riziculture en Camargue, l’écologie et la gestion des pollutions sont essentielles.
    Ce n’est pas totalement déconnecté de ce dont nous discutons, car si l’on épand massivement différents produits par la voie aérienne, nous ferons face à ce type de problèmes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    (L’amendement no 18 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Benoît Biteau, pour soutenir l’amendement no 32.

    M. Benoît Biteau

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    Certains justifient le recours au drone par la réduction des doses de produits qu’il entraînerait, mais nous ne sommes plus au XVIe siècle, lorsque Paracelse affirmait que c’est la dose qui fait le poison. Aujourd’hui, en raison même de la multiplicité des molécules qui sont proposées aux agriculteurs et qui affectent nos parcelles, notre nourriture et la biodiversité, nous sommes exposés à un « effet cocktail ». La science nous dit que ce qui fait le poison, ce n’est plus la dose, mais l’exposition, quelle que soit la dose !
    L’amendement répond à l’appel d’André Chassaigne à davantage de rigueur scientifique. On ne peut pas à la fois demander l’avis de l’Anses et écrire, avant même que celle-ci se soit exprimée, que les essais visent à déterminer les avantages de la pulvérisation par aéronef ! L’Anses doit être consultée, mais la formulation retenue ne doit pas orienter les conclusions de l’organe scientifique.
    Ne retenons pas une solution qui consisterait à s’appuyer de nouveau sur l’utilisation de pesticides, à continuer d’exposer la population à ces cocktails, à mettre en danger notre santé, la biodiversité et le climat. La bonne réponse serait de nous en séparer et de nous en débarrasser. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EcoS.)

    Mme la présidente

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    Sur l’amendement no 57, je suis saisie par le groupe Ensemble pour la République d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 32 ?

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Cet amendement, qui concerne l’alinéa 4 de l’article 1er, porte sur le régime d’autorisation qui se fonde sur l’étude globale préalablement réalisée. Certes, il y a une évaluation, mais c’est bien l’autorité administrative –⁠ l’État, à savoir la ministre, les préfets et les départements – qui prend la décision et qui, s’appuyant sur l’évaluation de l’Anses, définit le cadre d’application. Les préfets pourront notamment s’appuyer sur l’arrêté mentionné à l’alinéa 5.
    Votre amendement ne semble pas opérant, car, à bien le lire, on comprend que chaque demande d’épandage donnerait lieu à un essai préalable. Alors qu’il y a déjà eu une phase d’essais, suivie d’une évaluation, fondant la décision d’autorisation, la procédure deviendrait inutilement lourde.
    Le régime d’autorisation, tel qu’il est prévu et sur la base de ce qui est déjà expérimenté, me semble suffisant à ce stade.
    Monsieur Biteau, je respecte l’énergie que vous mettez dans votre présentation, mais on a le sentiment que vous amalgamez les produits de biocontrôle et utilisables en agriculture biologique, dont il est question, avec les pesticides et les substances CMR. Soyons rigoureux jusqu’au bout.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    C’est la suite logique !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Peut-être est-ce ce que vous souhaitez pour le futur, mais ce n’est pas mon cas, comme en aurait témoigné l’avis défavorable que j’aurais émis s’agissant de l’amendement no 66. Je voudrais que l’on cesse de me pointer du doigt et que l’on m’accuse d’être favorable à quelque chose que je ne soutiens pas.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Vous allez pourtant ouvrir la voie…

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Monsieur Biteau, vous avez amplement critiqué les pesticides.

    M. Benoît Biteau

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    Tout à fait !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Sachez que nous ne reviendrons pas en arrière sur le chemin qu’emprunte notre pays dans la réduction des produits phytosanitaires et des pesticides,…

    Mme Dominique Voynet

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    C’est raté !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    …car les agriculteurs, qui ne sont pas par principe favorables à un usage incontrôlé des pesticides,…

    M. Jean Terlier

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    Bien sûr ! D’autant plus que cela leur coûte cher !

    Mme Annie Genevard, ministre

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    …sont parfaitement conscients de la nécessité d’en réduire l’usage et qu’il y a une attente sociétale sur cette question.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est vrai.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Il n’y aura donc pas de retour en arrière, mais ce n’est pas le sujet du jour.
    L’amendement vise à solliciter l’avis de l’Anses avant d’autoriser les programmes. Je considère pour ma part que la proposition de loi est parfaitement équilibrée : l’Anses évalue la phase d’essais et la puissance publique décide, sur la base de cette évaluation. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Vous déformez l’amendement. Que dit la proposition de loi ? Que les programmes d’application par drone peuvent être autorisés « lorsqu’ils présentent des avantages manifestes pour la santé humaine et pour l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre ». Selon qui ? Qui décrète l’existence de l’avantage manifeste ?
    Notre amendement vise à ce que ce soit l’Anses qui établisse l’avantage manifeste, et le non le gouvernement.

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Nous ne disons pas le contraire !

    Mme Delphine Batho

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    Ce n’est d’ailleurs pas non plus à la représentation nationale de décider laquelle de l’application terrestre ou de l’application par drone présente un avantage manifeste pour la santé humaine et pour l’environnement.
    Vous devriez donc, monsieur le rapporteur, madame la ministre, émettre un avis favorable sur l’amendement,…

    M. Emeric Salmon

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    Ils font bien ce qu’ils veulent !

    Mme Delphine Batho

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    …à moins que vous ne considériez qu’une décision politique doive se substituer à l’évaluation des bénéfices et des risques par une agence spécialisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Évaluer et décider, ce n’est pas le même métier. Des évaluations sont prévues sous l’autorité de l’Anses, en liaison avec d’autres instituts –⁠ tels que l’Inrae, dont j’ai rappelé l’étude en Martinique.

    Mme Delphine Batho

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    Ce n’est écrit nulle part.

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Ce sera ensuite au pouvoir politique de décider.
    Cela me semble correspondre à ce qu’évoquait André Chassaigne : la science aux scientifiques, la décision politique aux politiques.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup !

    (L’amendement no 32 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hubert Ott, pour soutenir l’amendement no 57.

    M. Hubert Ott

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    Cet amendement vise à ce que le dispositif d’autorisation s’applique aux parcelles comportant une pente non pas supérieure ou égale à 30 %, comme le prévoit le texte issu de la commission, mais supérieure ou égale à 20 %.
    Discuter de la déclivité à retenir est important. En effet, une pente de 20 % correspond au seuil de déclivité présentant des risques graves et sérieux pour l’utilisation d’engins agricoles terrestres –⁠ tracteurs étroits ou chenillards couplés à des pulvérisateurs terrestres.

    M. Loïc Prud’homme

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    Qui a décrété cela ?

    M. Hubert Ott

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    À quoi correspond-elle ? Puisqu’on nous demande un éclairage scientifique, commençons par une observation de terrain. Les pentes de l’escalier qui permet d’accéder à la tribune et de celui qui mène au fauteuil présidentiel sont légèrement inférieures. Il est évident que l’évolution sur une pente de 20 % ou plus est dangereuse. Lorsque la pente dépasse 30 %, il est nécessaire d’abandonner le chenillard ou le tracteur et d’utiliser un pulvérisateur manuel.
    Je propose donc d’adapter la proposition de loi afin de mieux garantir la sécurité des travailleurs agricoles. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et EPR.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    M. Ott sait très bien que je suis d’accord avec lui, puisque son amendement tend à rétablir la rédaction initiale de la proposition de loi, dont le texte a été amendé en commission. Démonstration a été faite que nous devons légiférer en fonction du danger, ainsi qu’en fonction de la simplicité d’application du texte dans des territoires où, entre 20 % et 30 %, il sera complexe de déterminer avec précision la déclivité des coteaux. En discutant avec les agriculteurs, nous avons compris que retenir un seuil de 20 % de pente permettrait d’appliquer le dispositif à des surfaces plus importantes, sans pour autant dénaturer les évaluations réalisées.
    Avis favorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du gouvernement ?

    Mme Annie Genevard, ministre

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    Sur le terrain, la pente est parfois difficile à mesurer, car elle est rarement uniforme, j’en conviens. Cependant, le gouvernement souhaite n’autoriser l’épandage par drone que dans des situations précisément évaluées pendant l’expérimentation.
    Mon avis est donc défavorable, mais je vous propose de pérenniser l’épandage par drone là où il a été expérimenté et de l’expérimenter sur des terrains inclinés de 20 %. Une telle mesure pourrait satisfaire tout le monde, étant entendu qu’après cette seconde expérimentation, nous pourrons étudier l’avis de l’Anses et éventuellement étendre l’autorisation. Le problème est qu’en l’état, la mesure que vous demandez n’a pas été expérimentée.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Intervention contre l’amendement.
    En commission, nous avions fait valoir, comme vient de le dire la ministre, que l’expérimentation de l’épandage par drone sur des terrains inclinés de 20 % à 30 % n’avait jamais eu lieu. En plus de faire dire à l’expérimentation réalisée ce qu’elle ne dit pas, vous souhaitez autoriser quelque chose qui n’a pas fait l’objet d’essais !
    De surcroît, l’amendement no 57 vise les parcelles non plus « présentant », mais « comportant » une certaine pente. De ce fait, une parcelle inclinée de 3 % mais comportant un talus de 20 % entrerait comme par magie dans le champ de l’autorisation. C’est un motif supplémentaire de s’opposer à l’amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS. –⁠ Mme Ségolène Amiot applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Je soutiendrai cet amendement.

    Mme Ségolène Amiot

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    Ça alors ! On ne s’en serait pas douté !

    M. Jean-René Cazeneuve

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    Collègues écologistes, n’ayez pas peur des nouvelles technologies ! C’est insupportable ! L’évolution des tracteurs et le guidage par GPS ont permis de limiter l’utilisation d’intrants, de réduire la consommation d’eau et de gagner en précision dans le travail des parcelles. Voilà ce qu’apportent les nouvelles technologies !
    En l’occurrence, le texte est très protecteur, car il est très précis quand il décrit les produits autorisés ou les parcelles et les cultures pour lesquelles l’épandage par drone est autorisé. Je ne comprends pas votre position –⁠ mais peut-être vos amendements révèlent-ils seulement que vous êtes contre l’agriculture, contre les produits phytosanitaires et contre les nouvelles technologies ?

    Mme Dominique Voynet

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    Quelle subtilité !

    M. Loïc Prud’homme

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    Bref : nous sommes des Amish !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Théo Bernhardt.

    M. Théo Bernhardt

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    M. Ott et moi avons un point commun : la route des vins d’Alsace traverse notre circonscription. Certaines parcelles de vignes sont difficiles d’accès et les pentes, qui excèdent parfois 20 %, peuvent rendre dangereux leur traitement par un agriculteur –⁠ c’est aussi le cas dans d’autres régions françaises. Nous soutiendrons donc cet amendement de bon sens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. Benoît Biteau

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    Ces gens-là parlent de bon sens ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme.

    M. Loïc Prud’homme

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    Monsieur Ott, votre amendement s’appuie sur des études de l’IDM, l’Institut du doigt mouillé ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    Notre collègue Batho l’a dit : substituer « comportant » à « présentant » ouvre le champ de la proposition de loi à d’autres types de surfaces. D’autre part, avez-vous calculé, sur la base des travaux scientifiques de l’IDM –⁠ et sans même prendre en considération ce changement sémantique –, ce que représenterait, en surface, l’extension du dispositif aux parcelles présentant une pente comprise entre 20 % et 30 % ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ M. Hendrik Davi applaudit également.)
    Madame la ministre, puisque vous vantez l’indépassable rigueur scientifique de votre démarche, vous devriez nous éclairer à ce sujet et aller un peu plus dans le détail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. –⁠ Mme Christine Arrighi applaudit également.)

    M. Antoine Léaument

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    Mme la ministre s’y connaît surtout en partis à 6 % !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mélanie Thomin.

    Mme Mélanie Thomin

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    Comme l’orateur précédent, je reviendrai sur le cadre que vous affirmez avoir choisi, celui d’une démarche scientifique rigoureuse.
    Vous avez indiqué votre intérêt pour l’Anses. Celle-ci n’ayant effectué des études que sur les terrains inclinés de 30 %, considérez-vous que ce que vous proposez maintenant s’inscrit toujours dans le cadre scientifique dont vous vous réclamez à chaque fois que vous prenez la parole ? La vision extensive que vous promouvez à travers cet amendement est d’autant plus étonnante que, dans d’autres circonstances, on vous sent moins ouverts…
    Comme mes collègues, je m’interroge sur le nombre d’hectares supplémentaires qui seraient concernés par l’épandage par drone par suite de ce changement de seuil. Vu que l’on sort du cadre de l’expérimentation, nous n’avons pas d’études à notre disposition. Cela montre une fois de plus que ce texte est sans doute trop ambitieux, trop pressé et même trop bavard. Soyons vigilants et restons dans le cadre que nous nous sommes fixé.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Hubert Ott.

    M. Hubert Ott

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    Madame la ministre, je me permets d’insister. Si l’expérimentation prévue par la loi Egalim, que vous avez évoquée, ne portait que sur les parcelles dont la pente est supérieure ou égale à 30 %, ses conclusions quant à l’efficacité du drone et à la moindre exposition des applicateurs demeurent valables lorsque la pente n’est que de 20 %, puisque la déclivité n’est pas un paramètre déterminant de l’étude. Pour cette raison, je maintiens mon amendement.
    Un peu d’œnotourisme dans les vignobles alsaciens permettrait à notre collègue Prud’homme de comprendre pourquoi j’insiste. En effet, le parcellaire y est organisé de telle sorte qu’on y compte des petites surfaces, voire des microsurfaces. Pourquoi ne serait-il pas possible d’utiliser le drone pour traiter un terrain de 3 ou 4 ares avec une déclivité de 25 %, alors qu’on pourra le faire sur des terrains voisins plus grands mais comportant une pente de 30 % ? C’est une aberration ! Sur le terrain, mon amendement prend tout son sens.
    Quant aux surfaces concernées, je rappelle que le vignoble alsacien s’étend sur 15 000 hectares, dont 3 000 ou 4 000 sont véritablement en pente. Seule la moitié de ces parcelles inclinées pourrait être concernée par un éventuel épandage au drone.

    M. Loïc Prud’homme

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    Et voilà ! Encore une estimation au doigt mouillé !

    M. Hubert Ott

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    Tout cela se fera de manière méticuleuse et ne concernera pas, comme vous semblez l’imaginer, des surfaces massives.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Je ne reviendrai pas sur les arguments scientifiques développés par mon collègue Ott, mais j’ajoute que la proposition de loi est également motivée par la pénibilité et la difficulté du métier.

    M. Loïc Prud’homme

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    Non ? C’est une blague ?

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Les accidents sont nombreux et, du fait des pluies printanières de plus en plus fortes, les agriculteurs attendent d’autres solutions pour traiter les parcelles sur coteaux, parce que le travail y devient particulièrement dangereux. C’est pourquoi, dès lors qu’il n’est pas scientifiquement prouvé qu’il existe un risque plus important de dérive, nous souhaitons abaisser le seuil de déclivité à 20 % afin de réduire la pénibilité et la dangerosité du travail.

    Mme Ségolène Amiot

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    Il est cocasse de vous entendre parler de pénibilité !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Nous pensons beaucoup aux employés agricoles et aux agriculteurs ; certains syndicats d’employés agricoles soutiennent d’ailleurs notre démarche.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Annie Genevard, ministre

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    La question de la pente et de l’extension des surfaces susceptibles d’être traitées par drone est une des plus discutées dans ce débat. Une démarche scientifique a posé le cadre d’une expérimentation dans des parcelles de 30 % de pente. Nous pouvons respecter ce cadre, certes, mais nous ne pouvons pas non plus rester indifférents aux situations décrites par M. le rapporteur et par M. le député Ott. Nous ne pouvons pas échapper au principe de réalité. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
    C’est pourquoi je propose une solution intermédiaire : le respect du cadre de l’expérimentation pour les dispositions de la proposition de loi, associé à l’ouverture immédiate d’une nouvelle expérimentation dans les terrains dont la pente est d’au moins 20 %. Nous pourrons ainsi concilier rigueur scientifique et réponse aux attentes légitimes des viticulteurs.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 57.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        142
            Nombre de suffrages exprimés                140
            Majorité absolue                        71
                    Pour l’adoption                81
                    Contre                59

    (L’amendement no 57 est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sylvie Bonnet, pour soutenir l’amendement no 74.

    Mme Sylvie Bonnet

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    Cet amendement, déposé à l’initiative de notre collègue Julien Dive, vise à étendre l’expérimentation de la pulvérisation par drone au cas particulier des rizières. En effet, les spécificités de ces milieux y rendent impossible l’utilisation de l’habituel pulvérisateur avec tracteur.
    L’utilisation de drones pour l’application de traitements phytosanitaires dans ces milieux présenterait des avantages pour la sécurité et la santé des agriculteurs, ainsi que pour l’environnement, car elle permettrait d’utiliser une moindre quantité de produits.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Vous proposez une expérimentation, cependant votre amendement porte sur l’alinéa 4, qui concerne l’autorisation.
    Je ne suis pas insensible aux problèmes qui peuvent se poser dans la riziculture, mais il me paraît important de ne pas nous éloigner de l’esprit de la proposition de loi. Dans la mesure où la riziculture n’a fait l’objet d’aucune expérimentation, je ne souhaite pas qu’elle soit introduite dans le système pérenne. Il me semble que votre amendement aurait davantage sa place dans le deuxième étage de la proposition de loi, où il s’agira de lancer des essais.

    M. Loïc Prud’homme

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    Et voilà ! On va généraliser !

    M. Jean-Luc Fugit, rapporteur

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    Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable. Mme la ministre a évoqué tout à l’heure la possibilité de lancer rapidement de nouvelles expérimentations ; la riziculture pourrait en faire partie, à condition, évidemment, que soient utilisés des produits de biocontrôle ou autorisés en agriculture biologique.

    (L’amendement no 74, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
    Suite de la discussion de la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés ;
    Discussion de la proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents ;
    Discussion de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra