Première séance du mercredi 21 mai 2025
- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
- 1. Questions au gouvernement
- Vody
- Défense des entreprises industrielles
- Défense des entreprises industrielles
- Violences contre les policiers municipaux
- Comptes de la sécurité sociale
- Compétitivité du transport maritime français
- Eaux en bouteille du groupe Nestlé
- Politique de la ville
- Réserve opérationnelle de la gendarmerie
- Précarité alimentaire
- Choose France
- 2. Droit à l’aide à mourir
- Discussion des articles (suite)
- Article 5 (suite)
- Amendement no 1275
- M. Laurent Panifous, rapporteur de la commission des affaires sociales
- Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
- M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
- Amendements nos 2069, 1054, 1621 et 2031
- Rappel au règlement
- Article 5 (suite)
- Amendement no 295
- Suspension et reprise de la séance
- Article 5 (suite)
- Discussion des articles (suite)
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet
Mme la présidente
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quatorze heures.)
1. Questions au gouvernement
Mme la présidente
L’ordre du jour appelle les questions au gouvernement.
Vody
Mme la présidente
La parole est à M. Olivier Serva.
M. Olivier Serva
Quand vous conduisez sur les routes de Guadeloupe, vous avez trois fois plus de chances…
M. Pierre Cordier
De risques plutôt que de chances !
M. Olivier Serva
…de mourir d’un accident de la circulation que nulle part ailleurs sur le territoire hexagonal. On compte déjà vingt et un morts pour 2025. Ainsi, il y a quelques jours, cinq jeunes sont décédés dans un terrible accident – paix à leur âme. Cette situation est un véritable drame.
L’une des causes est le vody. Derrière les codes marketing d’un simple soda aux parfums tropicaux et aux couleurs flashy se cache un bien dangereux mélange de vodka, de caféine, de taurine et de sucre. Une canette de 25 centilitres de ce poison contient 22 degrés d’alcool, soit l’équivalent de quatre shots de vodka.
Ces derniers mois, l’engouement autour de cette boisson a franchi un nouveau cap chez les jeunes avec le « vody challenge » : un concours, sur les réseaux sociaux, qui consiste à boire le plus de canettes en un temps record. Résultat : comas éthyliques, tachycardie, crises de panique, hallucinations ou épisodes épileptiques.
Je constate que, dans nos territoires ultramarins, il y a à boire et à manger pour nous empoisonner : après les produits de dégagement trop gras, trop sucrés et trop salés, voici le vody du groupe Cody’s Drinks, tout droit venu d’Allemagne et majoritairement expédié aux Antilles et en Afrique. D’ailleurs, un Guadeloupéen sur trois souffre de comorbidité – hypertension, diabète ou obésité. Cela ne peut plus durer !
Les autorités ivoiriennes ont, elles, interdit cette boisson dès 2023 alors que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes françaises en est juste à se demander si l’étiquetage du produit est conforme. Monsieur le ministre, qu’attendez-vous pour interdire ce produit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT et sur quelques bancs des groupes SOC et Dem.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Monsieur le député, nous connaissons votre engagement en faveur de la santé des jeunes. Je veux m’associer à vos pensées pour les victimes de ces accidents de la route qui, dans les outre-mer, particulièrement en Guadeloupe, et dans l’ensemble du territoire national, frappent notre jeunesse.
Le vody, cette nouvelle boisson à base de vodka, de taurine et de caféine, cible notre jeunesse grâce à un marketing très agressif. Elle constitue un véritable fléau car elle a un impact sur la santé des jeunes, sur le plan aussi bien cardiovasculaire que neurologique.
Je pense comme vous qu’il faut agir vite. Nous allons lancer une campagne de prévention afin de sensibiliser notre jeunesse. La DGCCRF réfléchit à un dispositif en matière d’étiquetage car le taux d’alcool peut en effet atteindre 22 %.
Cependant il faut aller bien plus loin, agir sur tous les leviers possibles afin d’envisager l’interdiction de ces substances néfastes pour notre jeunesse, y compris en ayant recours à la réglementation européenne. Par ailleurs, je sais que la députée Karine Lebon a déposé une proposition de loi visant à interdire la promotion de l’alcool.
Nous devons faire preuve de la plus grande fermeté et appliquer une tolérance zéro envers le marketing lié à ces produits qui mettent en danger notre jeunesse en provoquant des conduites addictives et des accidents de la route. Je me tiens à votre disposition pour que nous travaillions ensemble à un renforcement de notre politique en la matière. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR, Dem et LIOT. – M. Olivier Marleix applaudit également.)
Défense des entreprises industrielles
Mme la présidente
La parole est à M. Vincent Thiébaut.
M. Vincent Thiébaut
Ce lundi 19 mai s’est tenu le huitième sommet Choose France, marqué par de belles annonces. Près de 40 milliards d’investissements sont ainsi prévus sur cinquante-trois sites. On peut se féliciter de ces chiffres qui prouvent que, pour la sixième année consécutive, la France est le pays le plus attractif d’Europe.
Si nous nous réjouissons de ces résultats, des problèmes peuvent néanmoins se poser en matière de souveraineté et d’emplois productifs et des inquiétudes subsistent. Dans mon territoire, des entreprises, qui créent des emplois productifs, sont en difficulté. BDR Thermea, du groupe De Dietrich, implantée en Alsace depuis des temps ancestraux, vient ainsi d’annoncer un plan de licenciement qui porte sur 320 emplois sur 800. Or elle est censée assurer la transition énergétique et écologique puisqu’elle produit des pompes à chaleur.
Je pense aussi à la société Sherpa Mobile Robotics dans ma circonscription. Cette filiale du groupe Norcan se trouve en difficulté parce qu’un crédit d’impôt recherche ne lui a pas été accordé contrairement à ce qui était prévu initialement. En l’absence de réponse, l’entreprise pourrait se retrouver en cessation de paiement à la fin du mois, avec quarante emplois menacés.
Certes, nous saluons les investissements annoncés mais que faisons-nous pour aider et sauver les entreprises qui jouent un rôle essentiel dans nos territoires et créent des emplois productifs et du tissu industriel ? Elles sont malheureusement en grande difficulté pour des raisons liées à la non-visibilité de ces enjeux, à la situation économique ou encore parce que le gouvernement a changé d’avis en début d’année s’agissant de certaines annonces. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
Vous avez raison de dire que notre stratégie industrielle doit marcher sur deux jambes. D’un côté, il faut attirer les investissements étrangers et développer des filières d’avenir. À cet égard, les réformes structurelles menées ces dernières années – sur de nombreux sujets tels que le coût du travail, l’apprentissage ou la formation – y ont évidemment contribué. Vous l’avez dit, en matière d’investissements étrangers, la France est, pour la sixième année consécutive, le pays le plus attractif d’Europe.
Cependant, vous avez raison de rappeler que nous avons aussi la responsabilité de protéger et de développer l’existant. Plusieurs filières, comme l’automobile, la sidérurgie ou la chimie, sont en difficulté, avec parfois un ralentissement de la demande pour certains dispositifs – c’est le cas des pompes à chaleur, pour reprendre l’exemple de BDR Thermea.
Face à cette situation, nous devons garder un cap : la décarbonation de notre économie et toutes les aides qui doivent permettre l’électrification des usages. Nous le devons à tous ceux qui structurent des filières industrielles autour des énergies vertes – c’est le cas, bien sûr, des entreprises qui produisent des pompes à chaleur.
Nous devons également sortir d’une forme de naïveté en nous battant, au niveau européen, face à des concurrents qui ne respectent pas les règles du commerce international, subventionnent massivement leurs activités et ne jouent pas à armes égales avec nos producteurs. Nous devons insister pour que des mesures soient prises à ce niveau afin de mieux protéger nos industries. Vous savez que nous nous y employons. La Commission européenne a d’ailleurs commencé à reprendre certaines de nos propositions et, je l’espère, continuera à le faire.
Il nous faut enfin soutenir nos filières d’avenir, comme l’aéronautique ou le luxe, qui créent des emplois.
Nous devons marcher sur ces deux jambes, nous continuerons à le faire.
Défense des entreprises industrielles
Mme la présidente
La parole est à M. Emmanuel Maurel.
M. Emmanuel Maurel
Au sommet Choose France, le président de la République a vanté l’attractivité française retrouvée. Toutefois, nos compatriotes savent bien que ce triomphalisme de tribune occulte une réalité économique bien plus sombre, en témoignent un déficit extérieur abyssal et une cascade de plans sociaux.
La politique industrielle ne saurait se résumer à l’installation de data centers anglo-saxons ou construits en partenariat avec des Émiratis.
En réalité, moins d’un tiers des investissements étrangers relèvent de l’industrie et la France est très peu riche en emplois par rapport aux pays européens comparables. Surtout, une étude récente de la Banque de France indique que, sur les 900 milliards qui constituent le stock d’investissements étrangers en France, plus de 200 transitent par le Luxembourg, ce qui signifie qu’ils bénéficient de montages juridiques et fiscaux leur permettant d’échapper, totalement ou partiellement, à l’impôt.
Dès lors, je trouve saisissant le contraste entre l’optimisme surjoué à Versailles et la réalité que vivent les salariés français. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et EcoS.) Je pense à ceux de Vencorex, dont l’entreprise a été dépecée, à ceux d’Arcelor, que vous refusez obstinément de nationaliser (Mêmes mouvements) ou encore à ceux de Chapelle-Darblay auxquels vous ne voulez pas accorder les 20 millions dont ils ont besoin.
Avant de faire venir des entreprises étrangères, j’aimerais que l’on empêche nos propres multinationales françaises, gavées d’argent public, qui délocalisent et ferment des établissements et des usines, d’agir de la sorte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, SOC et EcoS. – M. Arnaud Le Gall applaudit également.)
Ma question est simple : au-delà de la communication événementielle, que faites-vous pour sauver les emplois et l’industrie française ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et EcoS ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie et de l’énergie.
M. Marc Ferracci, ministre chargé de l’industrie et de l’énergie
« Triomphalisme de tribune » : telle est l’expression que vous avez employée à propos du sommet qui s’est tenu lundi. Or Choose France, ce sont 180 000 emplois créés depuis son lancement en 2019, 50 milliards d’investissements et des emplois dans tous les territoires de France, pas uniquement dans les métropoles et les data centers.
Il faut sortir des caricatures et reconnaître que les investissements dans nos territoires constituent aussi un facteur de prospérité et de cohésion sociale. Vous êtes libres de nier cette réalité mais notre stratégie doit aussi s’appuyer sur ces investissements.
Vous affirmez que les data centers ne créent pas d’emplois. Or ils sont absolument nécessaires à notre souveraineté industrielle. Sans data center pour loger leurs données, nos entreprises ne s’approprieront pas les bénéfices de l’intelligence artificielle et les gains de productivité que celle-ci permet d’envisager.
Mme Sophia Chikirou
Avec l’extraterritorialité, il n’y a aucune souveraineté grâce aux data centers ! Vous racontez n’importe quoi !
M. Marc Ferracci, ministre
Vous commettez une erreur profonde lorsque vous considérez que le refus d’installer des data centers en France s’inscrirait dans une stratégie industrielle gagnante.
Lorsque vous expliquez que nous devons protéger certaines entreprises, vous brandissez la solution de la nationalisation de façon systématique, comme un réflexe (Exclamations sur les bancs du groupe GDR)…
M. Stéphane Peu
Ce n’est pas un réflexe !
M. Marc Ferracci, ministre
… alors que la meilleure façon de garantir les emplois, ce n’est pas de nationaliser mais de susciter des investissements.
M. Stéphane Peu
Vous avez raison contre les salariés ! Écoutez-les plutôt !
M. Marc Ferracci, ministre
Or Arcelor vient précisément de confirmer, grâce à l’action du gouvernement et aux propositions que nous avons défendues au niveau européen, par exemple en matière de protection commerciale, qu’elle allait consentir des investissements pour la décarbonation.
M. Stéphane Peu
Ce mépris est insupportable !
M. Marc Ferracci, ministre
C’est ce qu’attendent les salariés de ces entreprises.
M. Stéphane Peu
Écoutez les salariés d’Arcelor !
M. Marc Ferracci, ministre
Justement ! Pour avoir échangé avec eux, je peux vous dire que c’est l’investissement, en particulier dans la décarbonation, qui assurera un avenir à notre industrie et non pas les recettes que vous proposez. (M. Philippe Vigier applaudit.)
Mme Sophia Chikirou
Vous avez parlé pour ne rien dire !
Violences contre les policiers municipaux
Mme la présidente
La parole est à M. Gérault Verny.
M. Gérault Verny
Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur. Ce week-end, à Aix-en-Provence, deux policiers municipaux ont été sauvagement agressés en plein après-midi, alors qu’ils intervenaient à la suite d’un simple contrôle routier. Poursuivant un individu qui circulait illégalement sur une minimoto, ils ont été attaqués par une vingtaine de personnes dans le quartier du Jas-de-Bouffan. L’un d’eux a été frappé à la tête alors qu’il était seul, au sol, incapable même d’appeler des renforts. Bilan : plus de dix jours d’ITT. Le second, blessé lui aussi, n’a pu s’en sortir que grâce à l’intervention de plusieurs habitants du quartier, que je remercie ici.
Je veux rendre hommage au sang-froid et au courage de ces deux policiers municipaux. Seuls contre tous, ils ont poursuivi un individu dangereux dans un quartier difficile. L’un d’eux a gardé son sang-froid alors même qu’il était frappé au sol. Leur action témoigne d’un engagement total, au risque de leur vie, sans autre protection que leur sens du devoir.
Cette scène n’est pas un fait divers : elle est le symptôme d’un mal plus profond, qui se caractérise par la croissance d’un sentiment d’impunité dans certains quartiers, où l’uniforme n’inspire plus le respect mais devient une cible.
Ce sont les policiers municipaux qui, à Aix-en-Provence comme ailleurs, assurent la présence visible de l’ordre, interviennent en premier, connaissent les rues, les visages, les habitudes, et prennent des risques réels. Ils sont bien souvent les artisans invisibles de la sécurité et de la paix civile dans nos villes, là où la présence policière seule maintient encore un cadre. Mais ces agents, qui sont au service de la sécurité de tous, doivent être particulièrement protégés.
À cette fin, M. le ministre de l’intérieur soutiendra-t-il la proposition de loi visant à instaurer des peines planchers pour les crimes et délits commis contre les membres de la force publique et les pompiers, que le groupe UDR présentera ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
Je ne pourrai pas répondre à votre question puisqu’elle relève principalement du garde des sceaux.
Je dirai néanmoins premièrement que vous avez raison : les polices municipales – composées de plus de 28 000 agents, elles représentent la troisième force de sécurité intérieure – constituent le premier réceptacle, si je puis dire, de cette violence quotidienne que nous avons à combattre et que nous combattons.
C’est l’une des raisons pour lesquelles, dans le cadre du Beauvau des polices municipales et par l’intermédiaire du prochain texte qui sera présenté d’ici à la fin du mois de juin, nous allons conférer à ces polices des pouvoirs supplémentaires et reconnaître le statut de leurs agents afin que, grâce à une collaboration très étroite – visée dans le texte – entre polices municipales et police nationale, il puisse y avoir une complémentarité plus renforcée encore qu’elle ne l’est aujourd’hui.
M. Patrick Hetzel
Très bien !
M. François-Noël Buffet, ministre
Deuxièmement, j’en viens au fait particulier que vous rapportez. D’abord, au sujet des rodéos, contre lesquels nous menons une lutte incessante, je vous livre à nouveau le chiffre que j’ai évoqué hier : en avril 2025, 4 295 opérations de lutte contre ces rodéos ont été menées. S’agissant notamment du refus d’obtempérer, nous avons changé de stratégie : désormais, l’ensemble de nos forces de sécurité auront la possibilité de poursuivre.
Pour terminer, j’insiste sur un point : les polices municipales ont été véritablement engagées – je repense en particulier à Mulhouse – et s’engagent, comme vous l’avez rappelé, avec beaucoup de détermination. Elles le font sur l’instruction des maires, qui sont – il ne faut pas l’oublier – les patrons des polices municipales. Ils sont de plus en plus nombreux à s’engager à les mettre au service de l’ensemble de nos compatriotes, de telle sorte que non seulement elles protègent, bien sûr, les citoyens de leurs communes mais qu’elles participent également à la préservation de la sécurité de l’ensemble de nos concitoyens.
Je me répète mais je voudrais insister sur le fait que les poursuites pénales sont véritablement là. Les procureurs de la République, qui sont en relation permanente avec les maires, les assurent désormais aussi rapidement que possible et les délais se sont améliorés.
Comptes de la sécurité sociale
Mme la présidente
La parole est à Mme Joëlle Mélin.
Mme Joëlle Mélin
Monsieur le premier ministre, la Cour des comptes a déposé son rapport de certification des comptes du régime de la sécurité sociale pour l’exercice 2024, avec une annonce stupéfiante : la branche famille a encore perdu 6,3 milliards au cours de cet exercice, soit 16 milliards en trois ans !
Mme Stéphanie Rist
Sur combien ?
Mme Joëlle Mélin
De quoi parle-t-on ? De 595 milliards de prestations versées par les cinq branches de la sécurité sociale et de prestations de solidarité versées par les caisses d’allocations familiales, soit 20 % de notre richesse, et de 615 milliards prélevés aux entreprises et aux particuliers, notamment aux travailleurs.
Pour la vingtième année, le diagnostic est sans appel : ont été relevées des anomalies comptables significatives encore plus graves qu’en 2023 et quarante-deux insuffisances d’éléments probants. Tout cela projetterait dans la faillite n’importe quelle entreprise ! Imaginez : 70 % du budget gérés de manière totalement approximative !
J’en donnerai quelques exemples. L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale est certifiée malgré une très grande faiblesse des contrôles internes sur 72 milliards d’exonérations et le plafond de déficit pour 2025 de la même Acoss est prévu à 65 milliards, soit 20 milliards de plus que l’année précédente.
La branche maladie, en déficit de 14 milliards, traîne toujours une dette de 800 millions vieille de quarante ans ! Impossible de connaître les indus, encore moins les créances, sans doute d’un montant supérieur à 5 milliards, des pays étrangers.
La branche vieillesse, en déficit de 4 milliards, est plombée, vous le savez bien, par la dette de 40 milliards de la caisse des agents de l’État. Il persiste en outre des erreurs dans la liquidation d’un dossier sur dix.
Quant à la branche famille, non certifiée, elle dysfonctionne totalement, avec des circulaires qui changent tout le temps, des contrôles internes très déficients et une fraude estimée entre 3,8 et 4,7 milliards.
Mme Stéphanie Rist
Sur combien ?
Mme Joëlle Mélin
La moitié des indus ne sont pas recouvrés et les erreurs non corrigées après contrôle tournent toujours autour de 10 milliards. On pourrait citer encore bien d’autres éléments.
La Cour des comptes s’époumone depuis vingt ans sans résultat. Il est urgent d’ouvrir une commission d’enquête pour mettre les directeurs des caisses nationales et celui de la sécurité sociale devant leurs responsabilités. (Le temps de parole étant écoulé, Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice. – Les députés des groupes RN et UDR applaudissent cette dernière.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Vous avez décrit ce qu’est la sécurité sociale, telle qu’elle a été créée en 1945, financée par tous au bénéfice de tous. Vous avez aussi décrit la situation de déficit dans laquelle elle se trouve. Je rappelle qu’en 2019, elle était à l’équilibre. Il n’y a donc pas de fatalité : comme cela a été fait entre 2010 et 2019, nous avons devant nous un travail méthodique à conduire, afin qu’avant la fin de la décennie qui se sera écoulée entre 2020 – année du covid – et 2029 – année où l’objectif de faire redescendre le déficit public de la France sous la barre des 3 % devra être atteint –, nous remettions à l’équilibre ce grand système qui bénéficie à tous les Français.
Vous m’interrogez sur la certification des comptes. Je vous le dis avec beaucoup de gravité : comme vous l’affirmez, la situation est totalement incompréhensible pour les Français et totalement insatisfaisante.
Je suis ministre des comptes publics. Comme vous, je suis très mobilisée pour que cette situation cesse, d’autant plus que nous avons – heureusement ! – pris des mesures structurelles pour arrêter à la source, si je puis m’exprimer ainsi, les raisons de ces indus et de ces erreurs.
La première mesure que nous avons prise est l’instauration du dispositif en vigueur depuis le 1er mars 2025, ce que nous appelons la solidarité à la source, soit le préremplissage automatique des déclarations mensuelles à effectuer pour bénéficier de la prime d’activité et du RSA, grâce à ce que les Français connaissent très bien s’agissant du prélèvement des impôts à la source, pour que ce soit l’administration qui remplisse et le citoyen qui contrôle et non l’inverse. Ce système est plus simple pour les Français et permet des contrôles beaucoup plus efficaces.
Mme Stéphanie Rist
Eh oui !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Je dois dire qu’il s’agit d’un projet que j’ai eu le grand honneur de lancer lorsque j’étais ministre de la transformation publique, entre 2021 et 2022. Cela a pris plus de trois ans mais il est à présent effectif et je pense que nous pouvons nous en satisfaire. Pourquoi est-il essentiel ? Parce que, si nous n’entrons pas dans une logique de préremplissage automatique, nous nous mettons en danger.
Je serai également ravie de vous entretenir d’un deuxième élément : notre plan de lutte contre la fraude. L’an dernier, nous avons détecté plus de 30 % de fraudes supplémentaires en un an et avons ainsi recouvré, dans la sphère sociale, plus de 3 milliards d’euros. La poursuite de cette démarche constitue un autre de nos objectifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe EPR.)
M. René Pilato
Il y a 100 milliards à aller chercher dans les entreprises !
Compétitivité du transport maritime français
Mme la présidente
La parole est à M. Yannick Chenevard.
M. Philippe Vigier
Allez, on applaudit !
M. Yannick Chenevard
Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des transports. L’année 2025 est celle de la mer, un temps fort pour rappeler l’importance de notre souveraineté maritime, de nos ports, de nos marins. 80 % de nos approvisionnements arrivent par la mer.
En 2016, la loi pour l’économie bleue a instauré les exonérations de charges patronales dites non Enim (Établissement national des invalides de la marine). L’objectif était de renforcer la compétitivité du pavillon français. Ces mesures ont porté leurs fruits : le registre international français, le RIF – c’est-à-dire notre pavillon – a progressé de 34 % entre 2017 et 2023, alors même que le pavillon américain s’effondrait.
Cette dynamique est aujourd’hui fragilisée. Depuis le 1er mars, la suppression partielle de ces exonérations s’applique aux armateurs. Cette suppression a des conséquences concrètes : elle menace des centaines d’emplois, notamment ceux de jeunes officiers ; elle alourdit de plusieurs milliers d’euros par mois le coût d’un navire sous pavillon français et pénalise directement l’emploi national à bord ; elle va inciter les armateurs à quitter notre pavillon.
Notre flotte stratégique repose sur les armateurs français, sur les navires battant pavillon français sur toutes les mers du monde, sur des marins formés, embarqués, disponibles. Pour préserver cela, il nous faut rester compétitifs. Ne brisons pas les efforts qui ont porté leurs fruits.
Le gouvernement envisage-t-il de proposer, dans le prochain PLFSS, des mesures correctrices, y compris le rétablissement des exonérations, pour soutenir les armateurs et sécuriser notre flotte stratégique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ruralité.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée chargée de la ruralité
Permettez-moi tout d’abord d’adresser nos pensées les plus solidaires à toutes les victimes de la catastrophe climatique que connaît votre département, à leurs proches mais aussi à l’ensemble des forces de secours.
Votre question est très importante. J’y réponds à la place de mon collègue Philippe Tabarot, retenu en Allemagne pour le sommet annuel du Forum international des transports.
Votre question sur les entreprises maritimes me touche au cœur, comme tous les députés bretons présents, car nous connaissons l’importance de la flotte maritime de la France, par l’intermédiaire de Brittany Ferries.
Vous avez évoqué la modification, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, du périmètre des exonérations de cotisations patronales pour une catégorie de la flotte puisque, depuis le 1er mars, les armateurs opérant sur des navires de transport de passagers, des navires dédiés aux énergies renouvelables et des câbliers, bénéficient de la totalité des exonérations.
Cependant – c’est l’objet votre question –, ceux qui opèrent les autres navires de services et de fret sont, quant à eux, privés, si je puis dire, de l’exonération des parts chômage et famille, qui représentent entre 25 % et 45 % de leurs cotisations. Cette mesure a un impact très lourd sur le secteur maritime, qui est en proie à une concurrence très agressive, notamment sur le plan social. Je tiens d’ailleurs, monsieur le député, à saluer la qualité de votre rapport sur ce sujet, que tous reconnaissent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
Le ministre Philippe Tabarot est pleinement mobilisé – sous la responsabilité, naturellement, du premier ministre et de François Rebsamen – en faveur d’une révision de ce dispositif dans le cadre des discussions relatives au budget 2026. En effet, les mesures en question ont un profond impact sur notre secteur maritime.
Mme la présidente
Merci, madame la ministre.
Mme Françoise Gatel, ministre déléguée
Je vous donnerai plus tard la suite de ma réponse. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe EPR.)
Eaux en bouteille du groupe Nestlé
Mme la présidente
La parole est à Mme Claire Lejeune.
Mme Claire Lejeune
Monsieur le premier ministre, qui protégez-vous ? Qui protégez-vous lorsqu’un deal est passé avec Nestlé dans le dos des Français ? Voilà des dizaines d’années que les eaux naturelles et minérales de Nestlé, 400 fois plus chères que l’eau du robinet, sont en réalité traitées. C’est une fraude à 3 milliards, rien que pour les trois dernières années ! Ce sont des eaux traitées, car contaminées, par des procédés illégaux et qui présentent donc un risque sanitaire. Tout le monde savait : l’ARS, la préfecture, le ministère ! Un rapport, dont des paragraphes entiers ont été écrits sous la dictée de Nestlé, a été caviardé. C’est un scandale d’État qui remonte jusqu’à l’Élysée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP. – M. Jean-Claude Raux applaudit également.)
Qui protégez-vous lorsque, par la loi Duplomb, vous ouvrez grand la porte à la réintroduction des néonicotinoïdes, des pesticides 4 000 fois plus polluants que le DDT, qui a pourtant été interdit il y a une cinquantaine d’années ?
M. Patrick Hetzel
Regardez ce que dit la science !
M. Thibault Bazin
C’est caricatural !
Mme Claire Lejeune
Qui protégez-vous lorsque vous minimisez outrageusement le problème des PFAS, une bombe sanitaire qui a déjà explosé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Qui protégez-vous quand, dans vos textes de pseudo-simplification, vous attaquez le devoir de vigilance et tous les garde-fous qui permettent d’assurer la sécurité et la santé des Français et servent leur intérêt ?
Vous agissez comme les VRP des intérêts privés ! Vous faites de notre pays l’immense terrain de jeu d’un capitalisme de plus en plus débridé ! (Mêmes mouvements.)
Choose France ! Oui, choisissez la France, le pays où, dans les ministères, on ferme les yeux sur des scandales sanitaires ! Le pays où la drague des multinationales passera toujours devant l’intérêt général ! (Mêmes mouvements.)
M. Éric Coquerel
Ça c’est bien dit !
M. Alexandre Portier
La France est un pays communiste !
Mme Claire Lejeune
Le pays où les entreprises cotées en Bourse peuvent se gorger d’aides publiques et coécrire la loi au grand mépris de l’écologie, de la santé publique et de l’État de droit !
Le pays où des commissions d’enquête parlementaire sont piétinées, où Alexis Kohler peut les sécher, où les représentants de Nestlé peuvent mentir sciemment et s’en tirer. Qui protégez-vous ?
Monsieur le premier ministre, sur ces scandales qui touchent à nos vies et à notre santé, face aux intérêts privés, c’est votre responsabilité et celle de votre gouvernement qui sont engagées. (Les députés du groupe LFI-NFP se lèvent et applaudissent.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
Il y a beaucoup de questions dans votre question. (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Une députée du groupe LFI-NFP
Parce qu’il y a beaucoup de fraudes !
M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins
En tant que ministre de la santé, je répondrai sur le point qui me semble le plus important : la qualité de l’eau en France. Celle-ci est particulièrement bien contrôlée. Nous sommes le pays d’Europe qui contrôle le plus la qualité de l’eau. (Exclamations continues sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
M. Jean-François Coulomme
Ce n’est pas la question !
Mme Sophia Chikirou
Vous êtes mal !
M. Yannick Neuder, ministre
Quant à la qualité de l’eau des bouteilles Nestlé, elle ne pose pas de problème sur le plan sanitaire. Le sujet n’est pas sanitaire, mais concerne plutôt la qualité microcristalline des eaux. Il convient de faire toute la lumière sur le sujet. Le filtre utilisé par Nestlé,…
Mme Danièle Obono
C’est grave !
M. Yannick Neuder, ministre
…dont le retrait a été demandé, supprimait-il la qualité minéralogique des eaux ?
M. Jean-François Coulomme
Qui protégez-vous ?
M. Yannick Neuder, ministre
C’est une première question. J’ai pris la décision d’envoyer une note à l’ensemble des ARS pour vérifier ce point. Nous avons aussi saisi l’Anses pour définir les seuils et la Commission européenne pour que des seuils identiques aux seuils français soient appliqués à l’échelon européen. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe DR. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NFP.)
Mme Élise Leboucher
Assez de mensonges !
Politique de la ville
Mme la présidente
La parole est à Mme Marie Récalde.
Mme Marie Récalde
Monsieur le ministre de l’aménagement du territoire et de la décentralisation, quand le code postal détermine le destin d’un citoyen plus sûrement que son mérite, c’est une ségrégation territoriale silencieuse que nous ne pouvons tolérer. La crise du mal-logement s’aggrave et précarise plus de 14 millions de personnes. Les quartiers prioritaires, qui concentrent près de 10 % de la population, reçoivent moins de 1 % du budget de l’État. Nous attendons encore des actions fortes pour défendre le droit des personnes à se loger dignement.
Dans le combat républicain pour l’égalité des chances, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine est un acteur incontournable. Le nouveau programme national de renouvellement urbain engagé pour la période 2014-2030 porte ses fruits : dans les 450 quartiers transformés, les logements sont améliorés, les espaces publics sont valorisés et de nouvelles activités économiques sont encouragées.
Pourtant, à ce jour, la contribution de l’État de 1,2 milliard d’euros n’a été versée qu’à hauteur de 10 %, à un rythme qui met en péril la visibilité nécessaire de ses missions.
M. Inaki Echaniz
La honte !
Mme Marie Récalde
Pourquoi abandonner un programme qui fonctionne ? Les bailleurs sociaux et les collectivités, déjà asphyxiées financièrement, ne peuvent porter seuls le fardeau d’une mission relevant de la solidarité nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – M. Édouard Bénard applaudit également.) Vous le savez bien.
Il y a six mois, des négociations intenses, lors des discussions budgétaires, avaient permis d’obtenir un soutien indispensable pour les organismes de logements sociaux. Qu’en est-il de la signature de l’arrêté de baisse de la réduction de loyer de solidarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Inaki Echaniz
Il est où l’arrêté ?
Mme Marie Récalde
La deuxième phase du programme national de renouvellement urbain s’achèvera en 2026. Pouvons-nous compter sur vous les 11 et 12 juin, lors des Journées nationales de l’Anru, pour annoncer une Anru 3 suffisamment financée ? Votre absence d’engagement sur le programme de soutien aux quartiers populaires serait incompréhensible, ainsi que toute défiance vis-à-vis du secteur du logement social. Allez-vous enfin réengager l’État dans une politique de la ville ambitieuse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Inaki Echaniz
De l’argent pour le logement !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée du logement.
Mme Valérie Létard, ministre chargée du logement
Il me sera difficile de vous répondre en deux minutes tant votre question est large. En tant que ministre du logement, avec le soutien du premier ministre et du gouvernement, j’ai pris plusieurs décisions dans le cadre de la préparation et du vote du budget 2025. Vous m’interrogez sur la manière d’aider les bailleurs sociaux à proposer davantage de logements sociaux. Nous devons être au rendez-vous de la baisse de la ponction sur les fonds propres. L’arrêté sur la baisse de la RLS a été cosigné par mon ministère et celui des comptes publics – j’en remercie Amélie de Montchalin.
M. Inaki Echaniz
Ce n’est toujours pas au JO !
Mme Valérie Létard, ministre
Nous serons également au rendez-vous de la mobilisation des 850 millions du taux du livret A. Au total, 116 000 productions nouvelles et agréments neufs sont envisagés avec les bailleurs sociaux et 120 000 à 130 000 rénovations.
Vous avez raison, l’État a pris du retard ces dernières années avec l’Anru, mais il tiendra ses engagements pour le NPNRU : 50 millions avaient été affectés au budget cette année ; ils ne seront pas retirés au moment de débloquer les crédits de paiement puisqu’ils ont déjà été payés ! Dès février, l’État a honoré cet engagement. Ce ne sera pas suffisant, mais nous sommes dans un moment budgétaire difficile. L’Anru 2, le NPNRU, doit toutefois se poursuivre jusqu’en 2030, voire 2032. Chaque année, nous devons tous être mobilisés – Action logement, la Banque des territoires, les collectivités. Croyez-moi, nous le serons, et de deux façons. Tout d’abord, nous devons trouver la meilleure solution pour augmenter la part de l’État en 2026. Ensuite, les 11 et 12 juin prochains, nous discuterons avec les acteurs de la rénovation urbaine de la méthode proposée par l’État pour accompagner l’Anru à l’avenir.
Réserve opérationnelle de la gendarmerie
Mme la présidente
La parole est à Mme Christelle Petex.
Mme Christelle Petex
Monsieur le premier ministre, les gendarmes d’active sont chaque jour sur le terrain, engagés sans relâche dans des missions toujours plus nombreuses : lutte contre la délinquance, sécurité des mobilités, violences intrafamiliales, maintien de l’ordre public, j’en passe. Leur charge s’intensifie, leur présence est indispensable et leur engagement total. Dans ce contexte d’insécurité croissante, vous leur retirez un soutien essentiel : la réserve opérationnelle. La baisse de 16 % du budget de la réserve en 2025 est incompréhensible.
En Haute-Savoie, elle s’appuie sur 530 réservistes engagés, formés et prêts à intervenir. Pourtant, ils sont massivement laissés sur la touche, non pas pour inaptitude ou inhabilité, mais par manque de financement. Je parle bien de volontaires courageux et disponibles attendant leur convocation dans des brigades qui en ont grandement besoin. Bien que ce soit une autre enveloppe, vous continuez de programmer des préparations militaires gendarmerie, vous suscitez l’engagement, mais vous n’offrez aucune perspective d’action. C’est un gâchis de compétences, un mépris du volontariat, une totale incohérence. Nous en sommes convaincus : l’appui de la réserve n’est pas une option, mais une nécessité opérationnelle en soutien des gendarmes d’active, au front jour et nuit.
Concrètement, comment allez-vous garantir l’emploi effectif de nos réservistes mis de côté ? Surtout, quand comptez-vous redonner à la gendarmerie les moyens budgétaires indispensables à l’accomplissement de ses missions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DR.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
La question que vous soulevez est extrêmement importante. L’engagement de tous les réservistes est capital : service civique, sapeurs-pompiers volontaires et bénévoles. Je profite d’ailleurs de votre question pour saluer de nouveau les sapeurs-pompiers volontaires qui se sont mobilisés hier au Lavandou et dans le Var pour soutenir nos compatriotes (Applaudissements sur les bancs des groupes RN, EPR, SOC, DR, Dem et UDR) et que j’ai rencontrés hier soir.
Nous avons la volonté de mobiliser tous ceux qui souhaitent s’engager – nous sommes clairs sur ce point. La Lopmi a parfaitement déterminé les objectifs ambitieux qui sont les nôtres. Pour la gendarmerie, nous allons passer de 37 000 à 57 000 réservistes opérationnels d’ici à 2027. Dans la police nationale, ils passeront de 10 000 à 30 000. L’enjeu est majeur, quels que soient les dispositifs de réserve opérationnelle, tant nous avons besoin d’un outil de résilience.
Je rappelle que la gendarmerie consacre un budget de plus 75 millions à ses réservistes et que nous avons préservé ce montant en 2025. L’objectif est de le maintenir les années suivantes. Les réserves opérationnelles sont sollicitées et utiles dans le cadre de nombreux événements importants. Elles ne sont pas oubliées. Je ne veux pas qu’on laisse croire qu’elles ne sont jamais mobilisées. C’est tout l’inverse. On les sollicite lorsque c’est absolument nécessaire. Elles constituent un soutien incontestable à nos brigades. (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe EPR.)
Mme la présidente
La parole est à Mme Christelle Petex.
Mme Christelle Petex
En Haute-Savoie, c’est très clair : on annonce toujours plus de réservistes, mais ils ne sont pas présents sur le terrain, faute de financements. La sécurité des Français ne peut se réduire à un mauvais budget ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DR et sur quelques bancs du groupe UDR.)
Précarité alimentaire
Mme la présidente
La parole est à M. Boris Tavernier.
M. Boris Tavernier
Monsieur le premier ministre, lundi, le président de la République a réédité sa grande messe, le Choose France. Il a reçu, au château de Versailles, des patrons de la tech du monde entier et des milliardaires pour construire des entrepôts Amazon par-ci, des data centers par-là.
De mon côté, lundi, mon programme a été plus modeste. J’ai reçu des messages de nombreuses associations d’aide alimentaire informées d’une décourageante nouvelle par les services de leur préfecture : les crédits de renforts pour l’aide alimentaire ne sont pas reconduits. L’aide alimentaire, c’est moins sexy que la tech. Une épicerie sociale, ce n’est pas Versailles. Et pourtant, choisir la France, ça devrait être ça. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe SOC.) Choisir la France, ça devrait être recevoir à Versailles celles et ceux qui font tenir le pays, et non les abandonner au moment où leur travail n’a jamais été aussi essentiel.
Si ces crédits s’éteignent, la précarité alimentaire, elle, reste toujours aussi éclatante. Dois-je vous rappeler qu’aujourd’hui, en France, 53 % des travailleurs pauvres déclarent ne pas manger à leur faim ? Pour vous peut-être ces crédits non renouvelés ne sont que des chiffres, une manœuvre comptable, voire une technique de passe-passe bien commode pour économiser quelques milliers par-ci, quelques millions par-là, mais sur le terrain les conséquences seront réelles. À Lyon, c’est le risque de fermeture d’une association d’aide alimentaire pour les étudiants, dans le Béarn celui d’une épicerie sociale. Dans le Loiret, la banque alimentaire est mise à mal. Partout dans le pays, on entend le même refrain.
Face à ces crédits non renouvelés, ne répondez pas fonds « Mieux manger pour tous » : il existe, c’est très bien, mais il faut le pérenniser. Soyons sérieux, donner d’une main pour reprendre de l’autre, ce n’est pas une stratégie de financement pertinente, c’est cynique. Éteindre des crédits sans tenir compte des besoins, alors que bien trop de Français ont faim, c’est irresponsable.
Ma question est donc simple : pouvez-vous rassurer les acteurs de la solidarité et leur confirmer que les crédits non renouvelés seront sauvés ? Allez-vous choisir la France, même un petit peu ? (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS et SOC.)
M. Inaki Echaniz
Bravo !
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.
Mme Amélie de Montchalin, ministre chargée des comptes publics
Tous, nous choisissons la France, et surtout nous choisissons les Français. Les investissements de 20 milliards d’euros annoncés à Versailles permettront de créer des dizaines de milliers d’emplois et d’exporter. Grâce à ces investissements, des Français vont concourir, partout dans le pays, à notre prospérité collective. C’est la preuve que nous choisissons la France et les Français. Ces entreprises vont payer des charges et des impôts,…
M. Jean-Paul Lecoq
Et des cotisations ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre
…contribuer aux comptes publics et nous permettre de maintenir notre modèle social de solidarité. Je ne dispose pas ici des éléments précis me permettant de répondre à votre question.
M. Inaki Echaniz
C’est bien dommage !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Ce que je peux vous dire, en revanche, c’est que la France a toujours été et sera toujours mobilisée en faveur de l’aide alimentaire, massivement financée par les crédits européens. La France a milité pour que ces crédits soient maintenus et augmentés dans le cadre du budget 2021-2027 de l’Union européenne. Pendant la crise du covid, nous avons fait en sorte que des moyens supplémentaires soient débloqués pour les plus vulnérables. Souvenez-vous des mesures que nous avons prises pour les étudiants, notamment dans les Crous, avec le repas à 1 euro.
Soyez assuré que le gouvernement n’opposera pas les Français qui vont mieux aux Français qui ont besoin de soutien. Nous ne cherchons pas les économies de bouts de chandelle.
M. Inaki Echaniz
Un peu quand même !
Mme Amélie de Montchalin, ministre
Nous vous apporterons des réponses précises avec Catherine Vautrin après avoir examiné le sujet plus en détail – c’est comme cela, je crois, que nous devons travailler ensemble. N’opposons pas les Français les uns aux autres ; choisissons la France, les Français, la solidarité et la productivité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes EPR et Dem.)
Choose France
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Lecamp.
M. Pascal Lecamp
Monsieur le ministre chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger, le sommet Choose France, lancé en janvier 2018 comme un pré-Davos, s’est imposé comme un des grands rendez-vous d’affaires européen, tous les ans à Versailles et désormais en mai. Choose France, c’est 163 000 emplois créés et 88 milliards d’euros d’investissements en sept ans, un véritable succès en termes d’attractivité économique.
Derrière ces chiffres vertigineux, il y a des occasions concrètes pour nos concitoyens. Ainsi, lors de cette huitième édition, de Cambrai à Marseille, de Lacq à Saint-Avold, de Saint-Jean-de-Folleville à Ligny-en-Barrois en passant par Onnaing, Aubervilliers ou Val-de-Reuil, plus de 13 000 emplois directs ou indirects ont été annoncés. C’est désormais indéniable : La France est attractive, et dans un monde dans lequel les vents contraires sont nombreux, c’est un atout crucial. Mais dans le même temps, la crise secoue Valeo, Vencorex, Michelin, ArcelorMittal… et en première ligne, leurs salariés.
M. Pierre Cordier
C’est l’industrie traditionnelle qui prend.
M. Pascal Lecamp
Dès lors, monsieur le ministre délégué, comment renforcer notre trajectoire de première terre d’investissements en Europe tout en améliorant la rétention des postes créés et comment mieux cibler les futures éditions de Choose France vers des industries pourvoyeuses d’encore plus d’emplois sur notre territoire ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe Dem. – M. Jean Terlier applaudit également.)
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger.
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger
Je vous remercie pour votre question qui met une fois de plus en lumière le succès de cette édition de Choose France. Vous avez rappelé les chiffres cumulés depuis 2018. Ils sont importants non pas pour l’événement de Versailles en lui-même ni pour nos centres de décision métropolitains, mais pour l’ensemble de nos territoires, notamment pour les territoires qui ont souffert ces dernières décennies de désindustrialisation. Il y a un chiffre que je cite régulièrement parce qu’il parle de lui-même : plus des trois quarts des investissements industriels qui sont décidés à Choose France, c’est-à-dire provenant d’investisseurs étrangers, vont dans des villes de moins de 20 000 habitants. Ces investissements vont revitaliser l’ensemble de nos territoires.
Vous avez raison : il nous faut cibler au maximum des investisseurs dont les projets, notamment industriels, sont les plus pourvoyeurs d’emplois. Il faut aussi le faire dans des industries d’avenir dans lesquelles la France a une avance, en particulier technologique, et c’est pourquoi nous avons vu beaucoup de projets lundi à Versailles dans le domaine de l’énergie et dans celui de l’intelligence artificielle. À cet égard, ce que j’ai entendu plus tôt dans cette séance de questions au gouvernement est erroné : les data centers, c’est de l’industrie,…
M. Charles Sitzenstuhl
Exactement !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…et c’est immensément stratégique pour notre propre autonomie et notre propre souveraineté. On a besoin de maîtriser l’ensemble du spectre de la réindustrialisation jusqu’à ces technologies de rupture. Et il faut que toutes les régions puissent en bénéficier.
Vous avez bien remarqué qu’en France, depuis sept ans, on ouvre plus d’usines que l’on en ferme. (Mme Stéphanie Rist applaudit.)
M. Pierre Cordier
Ça dépend des secteurs !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
Nous devons bien sûr continuer à accompagner les entreprises en difficulté, les secteurs qui souffrent, ceux qui sont soumis à des risques de fermetures et de licenciements,…
M. Charles Sitzenstuhl
Baissez les impôts de production !
M. Laurent Saint-Martin, ministre délégué
…mais nous devons aussi continuer à accélérer pour que chez nous, de la vallée de la batterie à Dunkerque jusqu’à tous les projets d’énergies renouvelables, notre pays reste l’an prochain, pour la septième année consécutive, le pays le plus attractif d’Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes EPR et Dem. – M. Ian Boucard applaudit également.)
M. Manuel Valls, ministre d’État, ministre des outre-mer
Très bien !
Mme la présidente
La parole est à M. Pascal Lecamp.
M. Pascal Lecamp
Je vous remercie pour votre réponse. Le groupe Démocrate, autour de Marc Fesneau, voulait insister, en vous posant cette question, sur la nécessité d’être attentif au lien entre les futurs investissements directs étrangers et la création d’emplois de long terme participant à notre réindustrialisation comme vous-même l’avez précisé. C’est rassurant. Nos concitoyens, en effet, ne comprendraient pas que les annonces ne se transforment pas en une diminution sensible du chômage autour d’eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem. – Mme Stéphanie Rist applaudit également.)
Mme la présidente
Nous avons terminé les questions au gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jérémie Iordanoff.)
Présidence de M. Jérémie Iordanoff
vice-président
M. le président
La séance est reprise.
2. Droit à l’aide à mourir
Suite de la discussion d’une proposition de loi
M. le président
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir (nos 1100, 1364).
Discussion des articles (suite)
M. le président
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1275 à l’article 5.
Article 5 (suite)
M. le président
Sur l’amendement n° 1275, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir cet amendement.
M. Christophe Bentz
L’article 5 est consacré à l’encadrement procédural de l’aide à mourir. En commission, nous avons décidé qu’une demande à ce sujet ne pourrait être effectuée en téléconsultation. Puisque j’ai l’impression que nous sommes tous soucieux de protéger la volonté du patient, je propose d’inscrire dans le texte que, pas plus que la demande initiale, sa confirmation ne peut être effectuée en téléconsultation. Vu l’accord assez général sur ce point, j’espère, madame la ministre, que vous n’émettrez pas d’avis défavorable. (M. José Gonzalez applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Panifous, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
M. Laurent Panifous, rapporteur de la commission des affaires sociales
Vous souhaitez interdire que la confirmation d’une demande d’aide à mourir se passe en téléconsultation, comme cela est prévu pour la demande initiale depuis un vote en commission spéciale l’année dernière. Si la première demande me semble nécessiter un lien humain direct ainsi qu’éventuellement un examen du patient, je serai moins catégorique à propos de la confirmation, dans la mesure où le médecin aura déjà rencontré le demandeur et aura pu le revoir lors de la notification de sa décision. Par ailleurs, la téléconsultation pourrait permettre d’un accès plus égal à l’aide à mourir, qu’on pense aux personnes physiquement empêchées ou à celles vivant en milieu rural, à une certaine distance des professionnels de santé. Je fais confiance aux médecins pour déterminer combien de fois il est nécessaire de rencontrer la personne demandeuse.
Avis défavorable.
M. le président
La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, pour donner l’avis du gouvernement.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles
Monsieur Bentz, je ne vais pas être défavorable à votre amendement car il est satisfait.
En effet, si je peux comprendre que l’alinéa 5 de l’article 5 – « La personne ne peut pas présenter de demande lors d’une téléconsultation » – ne vous suffise pas, il ne faut pas oublier l’alinéa 17 de l’article 6, qui dispose que « la procédure prévue au présent article ne peut être réalisée par des sociétés de téléconsultation ». C’est la raison pour laquelle je demande le retrait de votre amendement.
M. le président
La parole est à M. le rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir.
M. Olivier Falorni, rapporteur général, pour la commission des affaires sociales, de la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir
Monsieur Bentz, vous souhaitez interdire que la confirmation d’une demande d’aide à mourir se passe en téléconsultation, comme cela est prévu pour la demande initiale depuis un vote en commission spéciale l’année dernière. Je ne vous apprends rien puisque vous avez participé à ses travaux du début à la fin. Si la première demande me semble nécessiter un lien humain direct ainsi qu’éventuellement un examen du patient, je serai moins catégorique à propos de la confirmation, dans la mesure où le médecin aura déjà rencontré le demandeur et aura pu le revoir lors de la notification de sa décision.
Par ailleurs, la téléconsultation, en simplifiant par exemple la situation des personnes physiquement empêchées, pourrait permettre un accès plus égal à l’aide à mourir. Enfin, il faut faire confiance au médecin pour déterminer combien de fois il lui est nécessaire de rencontrer le patient. S’il est important qu’un lien se crée entre eux, il serait dommageable d’interdire le recours à la téléconsultation pour confirmer la demande d’aide à mourir. C’est pourquoi, comme Mme la ministre et M. le rapporteur, je suis défavorable à votre amendement.
M. le président
La parole est à M. Lionel Tivoli.
M. Lionel Tivoli
Je soutiens cet amendement car la précision qu’il vise à apporter au texte est capitale. On parle non pas d’un geste de soin courant ou d’une simple procédure administrative mais d’un choix de mort, d’un choix à l’origine d’un acte irréversible, qui a des dimensions éthiques, médicales, humaines et juridiques. On ne peut pas l’exprimer par visio, pas plus qu’on ne peut se marier ou répondre à la convocation d’un tribunal de cette façon-là.
M. Thibault Bazin
Pas encore !
M. Lionel Tivoli
Ce choix doit être fait de manière éclairée. Le médecin ne peut pas voir par écrans interposés si le patient est déterminé ou s’il subit des pressions. Cet entretien tout sauf anodin nécessite un face-à-face entre le praticien et le malade. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Matthieu Bloch.
M. Matthieu Bloch
Mme la ministre juge satisfait l’excellent amendement de notre collègue Bentz en s’appuyant sur l’article 6, lequel vise les sociétés de téléconsultation. Mais nous parlons d’une téléconsultation organisée directement entre le médecin et le patient, sans recours à une de ces sociétés. Je considère donc que l’amendement n’est pas satisfait et qu’il est au contraire très utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – M. Gérault Verny applaudit également.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1275.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 104
Nombre de suffrages exprimés 104
Majorité absolue 53
Pour l’adoption 53
Contre 51
(L’amendement no 1275 est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à M. Laurent Mazaury, pour soutenir l’amendement no 2069.
M. Laurent Mazaury
Il vise à garantir qu’une personne qui ne peut pas se déplacer jusqu’au cabinet de son médecin puisse toutefois faire une demande d’aide à mourir auprès de lui, peu importe le lieu où elle se trouve. Il me semble dans la logique de l’amendement précédent.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
L’article 5 est particulièrement important car nous devons établir une procédure la plus précise possible. Vous souhaitez que le médecin se déplace auprès de la personne malade, qu’il s’agisse de son domicile ou du lieu où elle est soignée. Il ne paraît pas utile de faire figurer dans la loi de tels éléments, qui relèvent d’adaptations de la prise en charge réalisées quotidiennement. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je comprends le sens de l’amendement puisque nous parlons de patients gravement atteints, dont le pronostic vital est engagé, et dont la mobilité est donc probablement limitée. Toutefois, rien, dans la rédaction actuelle, n’empêche le médecin de se déplacer au domicile du patient ou vers tout lieu où ce dernier réside. Je serai défavorable à l’amendement.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2069.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 111
Nombre de suffrages exprimés 106
Majorité absolue 54
Pour l’adoption 55
Contre 51
(L’amendement no 2069 est adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – MM. Laurent Mazaury et Charles Sitzenstuhl applaudissent également.)
M. le président
Sur l’amendement n° 1054, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Thomas Ménagé, pour soutenir cet amendement.
M. Thomas Ménagé
Il vise à prévoir un droit d’accès du médecin au système d’information que nous prévoyons de créer à l’article 11. En effet, d’après les échanges que j’ai pu avoir avec Mme la ministre hier soir, aux termes de la rédaction actuelle, le médecin n’a aucun moyen de vérifier si son patient a exprimé plusieurs demandes d’aide à mourir. Nous devons sécuriser la procédure en évitant la possibilité de demandes simultanées.
Par ailleurs, un tel accès permettrait au médecin chargé d’analyser une demande d’aide à mourir de vérifier l’existence de procédures antérieures, d’avoir une vision exhaustive de la situation du patient, de comprendre les raisons ayant préalablement amené un ou plusieurs de ses confrères à refuser une aide à mourir ou les raisons pour lesquelles une demande est réitérée. Les conditions de cet accès devront être précisées par un décret en Conseil d’État car le registre contiendra des données sensibles. Toutefois, pour éviter tout risque de fraude et pour apporter au médecin le plus d’éléments pour fonder sa décision, lui donner un accès aux antécédents du patient me paraît être une mesure de bon sens qui pourrait rassembler l’ensemble de l’hémicycle. (Applaudissements sur certains bancs du groupe RN.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Vous souhaitez que le médecin saisi d’une demande d’aide à mourir puisse accéder au système d’information créé par l’article 11. Or cet article prévoit que le médecin y enregistre tous les actes réalisés au cours de la procédure. Avec la rédaction actuelle, le médecin a accès au registre puisqu’il a l’obligation de l’enrichir. Je considère donc votre amendement comme satisfait et lui donne un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Monsieur le député, effectivement, nous avons échangé sur le sujet. Un système d’information spécifique est prévu pour suivre la procédure d’aide à mourir, dont la clé d’entrée est le numéro de sécurité sociale du patient. Ainsi, pour qu’un médecin puisse vérifier si une démarche a été engagée ou non, il n’aura qu’à saisir ce numéro.
L’amendement est donc satisfait.
M. le président
La parole est à M. Thomas Ménagé.
M. Thomas Ménagé
Monsieur le rapporteur, je n’ai pas été du tout convaincu par votre explication, car il ne s’agissait pas seulement d’une question d’écriture, mais aussi de lecture.
Madame la ministre, je prends acte des éléments que vous apportez devant la représentation nationale. Si vous me confirmez qu’un message d’erreur apparaîtra en cas de réitération d’une demande (Mme la ministre acquiesce), par exemple si le patient fait trois demandes simultanées auprès de trois médecins différents, je retire l’amendement.
(L’amendement no 1054 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1621.
M. Thibault Bazin
Que prévoit l’alinéa 6 ? Qu’une même personne ne peut présenter simultanément plusieurs demandes. Il faut le mettre en perspective avec l’alinéa 12, qui précise que le médecin doit se prononcer dans un délai de quinze jours.
Cela signifie-t-il que, durant ces quinze jours, il est impossible de formuler une autre demande ? Madame la ministre, pouvez-vous le confirmer ? Les personnels chargés du compte rendu le noteront afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté.
M. Hadrien Clouet
Ils notent tout, de toute façon !
M. Thibault Bazin
Et ensuite, après ces quinze jours, que se passe-t-il ? Si la demande est refusée, est-il possible d’en formuler une nouvelle ? La personne qui recevra cette nouvelle demande le seizième jour aura-t-elle connaissance du refus préalablement rendu après instruction et évaluation ?
Je propose de préciser que la personne ne peut présenter une nouvelle demande que si les conditions de la précédente ont notablement évolué. Sinon, en cas de refus, le demandeur risque de solliciter un autre médecin. Il ne s’agirait pas de demandes simultanées, mais cela peut tout de même soulever des questions.
Les médecins chargés d’instruire ces demandes auront-ils connaissance des refus précédents, et ce dans un délai suffisamment court ? En effet, nos systèmes d’information laissent parfois à désirer… Certains registres, pourtant prévus, n’ont même jamais été créés, et nous voyons bien les difficultés que cela engendre.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Je comprends votre volonté d’éviter la saturation. Vous vous interrogez sur la possibilité pour une personne de renouveler une demande après un premier refus. Qui jugera de la légitimité de cette nouvelle demande ? En toute logique, ce ne peut être que le médecin lui-même, qui se prononcera à partir des critères que nous avons définis.
Votre amendement ne me semble donc pas opérationnel. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je comprends parfaitement le sens de cet amendement – il s’inscrit dans la même logique que celui de M. Ménagé que nous venons d’examiner.
Prenons un cas concret : un patient formule une demande d’aide à mourir. Le médecin qui la reçoit l’enregistre, et la clé d’entrée du système est le numéro de sécurité sociale du patient. Cela répond à votre première question – peut-on formuler plusieurs demandes simultanément ? Non, puisqu’une demande est déjà en cours.
Le texte précise que le collège médical dispose de deux semaines pour répondre. Autrement dit, ces deux semaines constituent une sorte de délai suspensif : tant qu’une demande est en cours, une nouvelle ne peut être ouverte.
Ensuite, le médecin enregistre la réponse. Deux possibilités : soit le patient est jugé éligible, auquel cas il lui revient de décider de poursuivre ou non la procédure ; soit il ne l’est pas, et rien ne l’empêche alors, après réception de l’avis médical, de tenter une nouvelle demande.
En d’autres termes, des procédures simultanées ne sont pas possibles, mais des procédures successives, oui – avec, à chaque fois, un délai suspensif correspondant au temps d’examen de la demande par le collège médical.
Je pense avoir répondu à vos questions, monsieur Bazin ; votre amendement me semble satisfait.
M. Thibault Bazin
Pas totalement ! Mais M. Hetzel va vous répondre.
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Pour répondre à votre interpellation à Thibault Bazin…
Mme Catherine Vautrin, ministre
Ce n’était pas une interpellation, mais une réponse.
M. Patrick Hetzel
En réalité, l’amendement n’est pas satisfait. Selon ses termes, on ne pourrait formuler une nouvelle demande que si les conditions dans lesquelles la précédente a été effectuée ont significativement évolué. Or c’est là que nous divergeons : le texte ne prévoit rien en la matière. C’est donc fort légitimement que Thibault Bazin insiste sur cette exigence. J’ajoute que cela souligne, une fois de plus, la nécessité d’assurer une traçabilité de l’ensemble de la procédure.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
J’aurais, pour ma part, d’autres questions. Qui contrôlera, en pratique, l’application du sixième alinéa de l’article 5, qui dispose qu’une même personne ne peut présenter simultanément plusieurs demandes ? Toute personne ayant affaire régulièrement, pour une raison ou une autre, aux hôpitaux ou au monde médical sait que, malgré l’existence d’un numéro de sécurité sociale unique, il est tout à fait possible de se retrouver confronté à des doublons ou à des prescriptions multiples.
Quel support technique, administratif, numérique – ou autre – garantira l’absence de demandes simultanées ? Comment l’alinéa 6 pourra-t-il être appliqué de manière effective, au-delà de la déclaration de principes ? C’est précisément sur ce point que nous avons besoin d’explications, madame la ministre. Quel dispositif le ministère de la santé ou l’assurance maladie envisagent-ils pour tracer et contrôler ces demandes et éviter tout doublon ?
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
J’entends la question de notre collègue Sitzenstuhl, et c’est une bonne question. Mais je voudrais revenir à l’amendement de M. Bazin et aux propos de M. Hetzel. La ministre l’a rappelé, la demande est formulée par le patient. Le fait initiateur, c’est bien l’expression de sa volonté. Il n’est pas nécessaire d’aller chercher d’autres considérations : tout part du patient.
Il y a ensuite un délai de quinze jours, et au terme de ce délai, une réponse est apportée. L’amendement prévoit qu’une nouvelle demande ne peut alors être formulée que si la situation du patient a évolué par rapport à la précédente demande.
Mais, monsieur Bazin, le patient ne s’auto-évalue pas : c’est le médecin qui détient la clé de l’évaluation.
M. Thibault Bazin
Je parle des souffrances.
M. Philippe Vigier
C’est peut-être implicite dans votre rédaction, mais il serait bon d’être plus clair : il faut laisser au patient la liberté de réitérer sa demande, tout en évitant les demandes simultanées. L’assurance maladie pourra déployer un verrou numérique, ou tout autre support, comme cela existe déjà pour d’autres actes. Le rapporteur général du budget que vous êtes sait comment nous pourrions concrètement procéder – je peux vous souffler des idées. (Sourires.)
J’y insiste, c’est le patient qui lance la demande, et il n’y a pas lieu de juger des conditions dans lesquelles il l’a formulée.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Runel.
Mme Sandrine Runel
Monsieur Bazin, j’ai parfois l’impression que vous êtes encore plus caricatural que M. Ménagé. Vous voulez, encore et toujours, sécuriser – c’est le seul mot que vous avez à la bouche.
M. Thibault Bazin
Je n’ai pas parlé de sécuriser, là !
M. Pierre Cordier
Il n’a jamais dit ça !
M. Alexandre Portier
Ça mériterait un rappel au règlement.
Mme Sandrine Runel
Or le rapporteur et le gouvernement ont été clairs dans leurs réponses : il n’y aura pas cinquante demandes simultanées, et il n’y aura pas de fraude. Nous parlons ici d’une demande d’aide à mourir – pas d’une prestation sociale, objet habituel de vos interventions.
Il s’agit d’un droit, d’une possibilité d’accompagnement en fin de vie. Votre amendement n’a donc pas de sens. Cessez de vouloir toujours contraindre et sécuriser à outrance. Il faut permettre au patient de formuler ses demandes, y compris, si cela est possible, de manière simultanée.
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je comprends votre besoin d’information et vais vous répondre aussi précisément que possible. L’institution de l’aide à mourir implique de sécuriser chaque étape de la procédure, tant pour garantir le bon déroulement de la demande du patient que pour protéger les professionnels de santé impliqués et permettre un contrôle a posteriori par la commission de contrôle et d’évaluation. Je pense que nous sommes tous d’accord sur ce point.
C’est pourquoi la proposition de loi, comme le faisait le projet de loi précédent, prévoit la création d’un système d’information spécifique. Dans sa rédaction adoptée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, l’article 11 de la proposition de loi dispose que les professionnels de santé concernés enregistrent au fur et à mesure chacun de leurs actes dans un système d’information structuré et conforme à la loi dite Sren, de façon à garantir une conservation sécurisée des données sur un serveur hautement protégé.
La commission de contrôle et d’évaluation sera responsable du traitement des données alimentant ce système d’information. Elle sera également chargée d’un autre traitement de données lié au registre facultatif des professionnels volontaires, ce qui répond à plusieurs des questions soulevées.
Le système d’information vise donc deux objectifs distincts : la sécurisation des procédures pendant leur déroulement – le workflow, en bon français ; la fourniture des données nécessaires au contrôle systémique a posteriori de toutes les procédures d’aide à mourir.
Au cœur de ce système d’information se trouve le dossier individuel. Toute demande d’aide à mourir recueillie par un médecin entraînera l’ouverture d’un dossier unique, identifié par deux éléments : le numéro du patient et celui du médecin – c’est-à-dire celui du répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS). Seul un médecin peut ouvrir un dossier d’identification RPPS, avec authentification forte.
Lorsque le médecin crée un dossier, le système vérifie automatiquement si une demande est déjà ouverte pour le même patient – et si c’est le cas, l’indique au médecin – car la loi précise qu’il est impossible de déposer plusieurs demandes simultanément. Cela me permet de répondre précisément à M. Ménagé : l’existence d’un dossier non clos bloque l’ouverture d’un nouveau dossier.
En créant un dossier, le médecin peut également accéder aux demandes antérieures closes pour ce patient – qui n’ont donc pas conduit au décès de la personne, en raison d’un refus, d’un retrait de la demande ou d’une autre raison.
Qui peut accéder à un dossier ? L’accès aux dossiers doit être très sécurisé, compte tenu de leur sensibilité et du caractère confidentiel des informations qu’ils contiennent. Un médecin peut ouvrir un dossier avec un numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR), mais l’accès lui est exclusivement réservé. Aucune lecture n’est possible par un tiers, sauf si le médecin décide d’ouvrir un accès à d’autres professionnels de santé, qu’il active lui-même.
En cas de décision d’accès à l’aide à mourir, si ce n’est pas lui qui accompagne le patient, le médecin ouvre un accès au dossier au professionnel de santé – médecin ou infirmier, tel que convenu avec le patient – qui accompagnera la personne dans l’administration de la substance létale, après un échange ayant permis de s’assurer de la volonté et de la disponibilité du professionnel, en ayant eu recours si besoin au registre facultatif. Le médecin peut également ouvrir un accès restreint au pharmacien de la pharmacie à usage intérieur (PUI) concernée. Après la clôture du dossier par le médecin ou le professionnel qui accompagne l’administration de la substance, l’accès est ouvert à la commission de contrôle et d’évaluation.
Comment le dossier est-il clôturé ? Un dossier est clos lorsque la procédure prend fin : en cas de décision refusant l’aide à mourir ; en cas de décision autorisant l’aide à mourir et conduisant au décès de la personne suite à l’administration de la substance létale ; en cas de décès du patient en dehors du cadre de la procédure ; en cas de renoncement du patient à sa demande.
Enfin, que contient le dossier ? Il contient les renseignements et les pièces justificatives, dûment horodatées, correspondant à chaque étape de la procédure : premièrement, à la demande correspondent l’identification et l’authentification de la demande, une attestation de la délivrance d’informations – par exemple, de la proposition de prise en charge palliative ; deuxièmement, à son évaluation collégiale, les renseignements sur les professionnels sollicités, sur les professionnels participants et la motivation d’une éventuelle consultation d’autres professionnels quand celle-ci est facultative ; troisièmement, la décision ; quatrièmement, la confirmation ; cinquièmement, la prescription adressée à la PUI ; sixièmement, la détermination de la date et du lieu d’administration de la substance ; septièmement, l’éventuelle réévaluation du discernement, lorsque le délai entre la décision et la confirmation ou la date fixée par l’administration excède trois mois ; huitièmement, la demande de la substance létale à l’officine choisie ; neuvièmement, la récupération de la substance à l’officine par le professionnel de santé ; dixièmement, le compte rendu de l’accompagnement à l’administration de la substance ; onzièmement, la remise à l’officine d’un éventuel reliquat de substance létale.
J’espère avoir fourni à la représentation nationale tous les éléments concernant le système d’information prévu. (Mme Brigitte Liso, Mme Frédérique Meunier et M. Philippe Vigier applaudissent.)
M. Thibault Bazin
Plus encore qu’éclairés, nous avons été éblouis !
(L’amendement no 1621 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour soutenir l’amendement no 2031.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Afin de vérifier la stabilité du discernement, ou plutôt de la détermination de la personne qui sollicite la mort, compte tenu du caractère irrémédiable de la décision et en vue de lever toute incertitude éventuelle, je propose d’introduire un délai incompressible de dix-huit mois entre le début de la procédure et la mort.
Pourquoi une telle durée ? J’ai pris comme référence la maladie de Charcot : l’espérance de vie moyenne après l’apparition des premiers symptômes est de trois à quatre ans, et dépasse dix ans dans 10 % des cas.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
J’appelle l’attention des collègues sur le contenu de l’amendement proposé par M. Allegret-Pilot : il souhaite introduire un délai de dix-huit mois entre la « demande expresse » mentionnée au quatrième alinéa de l’article en discussion et l’éventuel acte final.
Mme Ségolène Amiot
Dix-huit mois de souffrance !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Tel qu’il est actuellement rédigé, le texte prévoit que le « médecin se prononce dans un délai de quinze jours à compter de la demande et notifie, oralement et par écrit, sa décision motivée à la personne. Il en informe par écrit, le cas échéant, la personne chargée d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne. » C’est ensuite après « un délai de réflexion d’au moins deux jours à compter de la notification » que « la personne confirme au médecin qu’elle demande l’administration de la substance létale ». Il a certes été ajouté en commission que ce délai pouvait être abrégé dans certaines circonstances.
Rappelons par ailleurs que « lorsque la confirmation de la demande intervient plus de trois mois après la notification, le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté en mettant en œuvre, si besoin, la procédure », et que « lorsque la personne a confirmé sa volonté, le médecin l’informe oralement et par écrit des modalités d’action de la substance létale ».
Vous constatez donc que le cadre prévu est aussi sécurisé qu’efficace : il rend le droit opérant, effectif.
À l’inverse, l’amendement de notre collègue prévoit un délai entre la demande d’aide à mourir et l’administration de la substance létale tel que, s’il était adopté, la quasi-totalité des personnes qui en feraient la demande seraient décédées avant de la recevoir. Rendez-vous compte : dix-huit mois !
Mme Ségolène Amiot
De souffrances !
M. Emmanuel Duplessy
Réfractaires à tout traitement !
Mme Ayda Hadizadeh
C’est peut-être le but !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Je tiens à alerter chacune et chacun d’entre vous : l’amendement, s’il était adopté, aurait de graves conséquences.
Mme Ayda Hadizadeh
Ne vous inquiétez pas : nous allons le rejeter.
M. Olivier Falorni, rapporteur général
J’espère que chacun mesure bien la portée de la modification qu’il tend à introduire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS. – Mmes Nicole Dubré-Chirat, Frédérique Meunier et Josy Poueyto applaudissent également.)
En l’état du texte, la procédure est encadrée ; elle offre notamment le temps nécessaire au médecin pour se prononcer et prévoit qu’il le fera dans un cadre collégial – à ce sujet, le président Valletoux et mon corrapporteur Laurent Panifous vous présenteront d’ailleurs des amendements particulièrement pertinents.
Adopter celui-ci, en revanche, reviendrait à supprimer le droit que nous voulons instaurer. J’en appelle donc à la vigilance et à la responsabilité de mes collègues : la question est grave et le vote auquel nous allons procéder sera lourd de conséquences.
Mme Lisette Pollet
Comme toujours !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
J’émets donc un avis très, très défavorable à cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC. – M. Michel Lauzzana applaudit également.)
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable.
M. le président
La parole est à M. Hadrien Clouet.
M. Hadrien Clouet
Même s’il ne figurait pas sur l’amendement, nous aurions pu deviner le nom de son auteur, M. Allegret-Pilot, un collègue qui s’est illustré en qualifiant de « mascarade » l’introduction du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution ou en diffusant une carte raciste sur la hiérarchie des quotients intellectuels dans le monde. Dans ce débat, il importe de situer l’interlocuteur pour que nous puissions avoir une discussion au niveau où il l’a mis, c’est-à-dire au ras des pâquerettes.
L’amendement ici proposé vise à fixer un délai de dix-huit mois entre le moment où l’aide à mourir est demandée et celui où elle est réalisée – M. le rapporteur l’a excellemment expliqué à l’instant. On imagine bien que son auteur n’a pas compris le texte, puisque le dispositif que nous nous apprêtons à adopter prévoit déjà que la mise en œuvre puisse être repoussée s’il en est besoin, de sorte que la contrainte temporelle invoquée n’existe pas.
En revanche, l’adoption d’un tel amendement entraînerait deux conséquences possibles. La première option est qu’une personne atteinte d’une maladie incurable, qui souffre atrocement, devra souffrir dix-huit mois de plus (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP. – Mme Sophie Mette applaudit également) ; la deuxième, qu’une personne ayant reçu le diagnostic d’une affection susceptible d’entraîner de telles souffrances aura intérêt à en faire la demande le plus tôt possible, sachant qu’elle devra attendre dix-huit mois pour bénéficier de l’aide à mourir au cas où lesdites souffrances surviendraient.
Tel est donc le sens de l’amendement : soit des gens souffriront abominablement, gratuitement, pendant un an et demi, parce que vous l’aurez souhaité (Exclamations sur les bancs des groupes RN et UDR. – M. Alexandre Allegret-Pilot brandit un exemplaire du règlement de l’Assemblée),…
C’est ça, faites un rappel au règlement : on va s’amuser !
…soit (Les exclamations vont crescendo et couvrent la voix de l’orateur)…
Mme Hanane Mansouri
Ce n’est pas une ZAD, ici !
M. Gérault Verny
Ni un congrès de l’Unef !
M. Hadrien Clouet
Vous pouvez supporter de m’entendre encore trente secondes, ne vous inquiétez pas !
…soit certaines personnes demanderont l’aide à mourir plus tôt, pour que ces dix-huit mois soient tenables, ce qui signifie que des gens mourront plus vite !
J’espère donc que cet amendement sera rejeté massivement et sans aucune concession. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP et sur quelques bancs du groupe EcoS.)
Rappel au règlement
M. le président
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour un rappel au règlement.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Sur le fondement de l’article 58 de notre règlement : cette mise en cause personnelle me semble inadmissible.
Alors que nous sommes dans l’hémicycle pour discuter d’idées structurantes pour la société, nous avons droit à des injures de la part d’un député LFI…
Plusieurs députés du groupe LFI-NFP
Quelles injures ?
M. Alexandre Allegret-Pilot
…envers un représentant de la nation qui fait son travail, à seule fin de laisser à d’autres députés le temps d’affluer sur les bancs. (Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Je trouve cela inadmissible et je demande une sanction contre cet individu qui ose traiter de raciste un représentant de la nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – « Rendez l’argent ! » sur un banc du groupe LFI-NFP.)
M. le président
Merci, monsieur Allegret-Pilot. Si vous souhaitez demander des sanctions, il faut vous adresser au bureau de l’Assemblée.
Article 5 (suite)
M. le président
Je vous invite, les uns et les autres, à ne pas vous interpeller et à vous en tenir au fond des amendements.
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Il y a une heure et demie, je suis allée voir une amie de très longue date, une amie chère qui habite à Paris : elle est en fin de vie et accédera à la sédation profonde et continue cet après-midi. Elle m’a demandé de dire ceci dans l’hémicycle : elle souffre de trois cancers – un cancer de l’œsophage, un cancer du poumon, un cancer du foie ; elle a demandé l’arrêt des traitements il y a trois semaines – pas il y a dix-huit mois –, mais cela fait bien un an et demi qu’elle se bat, qu’elle suit tous les traitements, subissant chimio après chimio, et qu’elle souffre le martyre. Cela fait trois semaines qu’elle a décidé d’arrêter. Quand je l’ai vue à quatorze heures, elle m’a dit : « Je souffre tellement que je demande la sédation profonde et continue (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN), mais, le cancer ne s’étant pas généralisé, je ne sais pas combien de temps je vais rester sous cette sédation. Je souhaiterais recevoir l’aide à mourir maintenant, parce que cela abrégerait ma vie et que je ne veux plus vivre. » (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS. – M. Philippe Vigier applaudit également.)
M. Julien Odoul
Stop !
Mme Sandrine Rousseau
« Je veux mourir. » Elle me l’a dit comme ça, à quatorze heures, parce que le cancer la faisait tant souffrir que ses jours ne pouvaient plus continuer. Et vous nous dites qu’il faudrait qu’elle attende dix-huit mois pour obtenir enfin l’arrêt de ses souffrances ? (« C’est honteux ! sur les bancs du groupe LFI-NFP.) Eh bien, je vous le dis, l’humanisme est de notre côté : c’est ici que nous entendons les souffrances des personnes ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LFI-NFP, SOC, EcoS et GDR. – Mme Anaïs Belouassa-Cherifi, Mme Danielle Simonnet et M. Stéphane Delautrette, rapporteur de la commission des affaires sociales, se lèvent et continuent d’applaudir.)
M. le président
La parole est à Mme Hanane Mansouri.
Mme Hanane Mansouri
Nous avons eu le droit, de la part de M. le rapporteur général, à une inversion complète des valeurs. Vous nous reprochez de vouloir laisser du temps aux gens – du temps de vie aux côtés de leurs proches, de leur famille, de leurs amis ! (M. Gérault Verny applaudit. – Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.) C’est nous que vous accusez d’inhumanité, alors que vous ne voulez laisser qu’un délai de quinze jours au médecin pour rendre sa décision et de quarante-huit heures au patient pour la confirmer ? Quarante-huit heures pour confirmer que l’on veut décéder ? C’est inadmissible, et inhumain !
Mme Élise Leboucher
C’est leur demande !
Mme Dieynaba Diop
Vous voulez décider à la place de ceux qui ne supportent plus leurs souffrances ?
Mme Hanane Mansouri
N’inversez pas la charge et, de grâce, faites preuve d’honnêteté intellectuelle (Rires et exclamations s ur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS) : cessez de prétendre systématiquement que votre texte serait cadré, que les délais seraient corrects ! Votre texte est permissif et les délais beaucoup trop courts. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDR et RN.)
M. le président
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Disons les choses calmement : il s’agit quasiment d’un amendement d’obstruction. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et SOC.)
Alors même que le texte prévoit déjà un processus long et un délai raisonnable – personne ne demandera cette aide la veille pour le lendemain ! – et que nous avons fixé des règles et des critères d’éligibilité, imposer un délai de dix-huit mois aux personnes qui attendent l’aide à mourir revient à empêcher tout le monde d’y accéder. C’est contraire à l’évolution que nous souhaitons apporter avec ce texte, en complément de celui sur les soins palliatifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS.)
(L’amendement no 2031 n’est pas adopté.)
M. le président
Sur l’amendement n° 295, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Julien Odoul, pour soutenir cet amendement.
M. Julien Odoul
Proposé par ma collègue Marine Hamelet, il vise à rendre obligatoire, pour le médecin qui reçoit la demande d’euthanasie, d’informer le patient de la possibilité de bénéficier du dispositif prévu par la loi Claeys-Leonetti de 2016,…
M. Emmanuel Duplessy
C’est déjà dans le texte !
M. Julien Odoul
…à savoir la sédation profonde et continue jusqu’au décès.
M. Emmanuel Duplessy
C’est satisfait !
M. Julien Odoul
Nous l’avons dit, la législation actuelle n’est pas suffisamment connue ni accessible. Or elle permet de répondre à la souffrance des patients en fin de vie, puisqu’elle traite cette souffrance sans administrer la mort.
C’est d’ailleurs l’un des échecs dont témoigne l’examen de ce texte : il n’aurait jamais dû avoir lieu avant que l’ensemble des départements français aient été pourvus en unités de soins palliatifs et avant que la sédation profonde et continue ait fait l’objet d’une véritable démocratisation. Cette situation dure depuis des années : vous n’avez pas cru dans les soins palliatifs ni dans la sédation profonde et continue et par cet amendement, nous nous efforçons de réparer cette injustice. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN. – M. Gérault Verny applaudit également.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Vous avez raison : le développement des soins palliatifs revêt une importance majeure, et le travail que nous avons accompli la semaine dernière pour les renforcer est essentiel. Vous souhaitez que le médecin informe la personne sur le dispositif de la loi Claeys-Leonetti de 2016, et ce dès la réception de la demande d’aide à mourir, mais l’article 5 satisfait précisément votre préoccupation ! À l’alinéa 9, il est prévu que le médecin « informe la personne sur son état de santé, sur les perspectives d’évolution de celui-ci ainsi que sur les traitements et les dispositifs d’accompagnement disponibles ». Cette rédaction n’est peut-être pas suffisante…
M. Julien Odoul
En effet !
M. Laurent Panifous, rapporteur
…– je suis d’accord –, mais l’alinéa 10 ajoute que le médecin « informe la personne qu’elle peut bénéficier de l’accompagnement et des soins palliatifs […] et s’assure, si la personne le souhaite – elle n’y est pas forcée –, qu’elle y ait accès de manière effective ». Je considère donc, malgré toute l’importance que, comme vous, j’accorde aux soins palliatifs, que votre demande est satisfaite par la rédaction actuelle de l’article 5. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Ce n’est pas grave de répéter dans la loi une chose importante ! Cet amendement, justement, concerne un sujet important, puisqu’il est de nature à sécuriser les droits du patient et à nous prémunir contre le délit d’entrave. Nous ne sommes pas encore à l’article 17, qui est probablement la partie la plus sensible du texte – je ne veux pas devancer le débat que nous aurons à ce moment –, mais il me paraît fondamental d’informer le patient de ses droits et de l’existence de solutions alternatives dans la loi actuelle – la loi Claeys-Leonetti sur les soins palliatifs. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 295.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 189
Nombre de suffrages exprimés 186
Majorité absolue 94
Pour l’adoption 73
Contre 113
(L’amendement no 295 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Runel.
Mme Sandrine Runel
Je demande une suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
M. le président
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.)
M. le président
La séance est reprise.
Plusieurs groupes ont demandé à passer à « un orateur pour, un orateur contre ». (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR et SOC.) Cependant, j’ai cru comprendre que certains n’étaient pas d’accord ; il a été proposé que l’on en reste à « deux pour, deux contre » mais que les interventions se limitent à une minute. Si cela convient à tout le monde, nous allons essayer de procéder ainsi, afin d’accélérer un peu.
Mme Ayda Hadizadeh
Très bien !
M. le président
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 688 et 1890, qui font l’objet d’une demande de scrutin public par le groupe Rassemblement national.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l’amendement no 688.
Mme Anne-Laure Blin
Il a trait à un sujet dont nous avons déjà débattu sans obtenir gain de cause, malheureusement. Son objectif est de protéger les plus fragiles, les plus vulnérables, en écrivant clairement dans le texte que la volonté libre et éclairée du patient ne peut pas être présumée s’agissant d’une personne qui fait l’objet d’une protection juridique. Il est donc nécessaire que le médecin vérifie systématiquement si le demandeur est concerné par une telle mesure, mentionnée à l’article 425 du code civil et qui vise « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts » – près de 800 000 adultes sont actuellement concernés.
M. le président
La parole est à M. Alexandre Allegret-Pilot, pour soutenir l’amendement no 1890.
M. Alexandre Allegret-Pilot
Il ne s’agit pas de stigmatiser les personnes qui font l’objet d’une mesure de protection, mais bien de garantir que le médecin a connaissance de l’état de la personne qui formule la demande d’aide à mourir. Il devra donc systématiquement vérifier l’inscription ou non de cette personne sur le registre associé.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Vous souhaitez modifier l’alinéa 7 du présent article pour que le médecin vérifie systématiquement l’existence d’une mesure de protection.
Mme Anne-Laure Blin
Exactement !
M. Laurent Panifous, rapporteur
Je veux vous dire, et j’associe M. Juvin à ma réponse…
M. Philippe Juvin
Je n’ai encore rien dit ! (Sourires.)
M. Patrick Hetzel
Il anticipe !
M. Laurent Panifous, rapporteur
En effet !
M. Philippe Juvin
Il nourrit la machine !
M. Laurent Panifous, rapporteur
L’amendement est déjà satisfait depuis l’adoption en commission d’un amendement de M. Juvin qui acte ce principe de vérification systématique : le médecin « vérifie » ces informations – le verbe est au présent de l’indicatif.
Mme Anne-Laure Blin
Il vérifie quoi ? On ne sait pas !
M. Laurent Panifous, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis. Je précise que dès hier, comme je m’y étais engagée en séance, j’ai écrit à M. le garde des sceaux pour que le registre des personnes faisant l’objet d’une mesure de protection soit, comme M. Bazin me l’a demandé hier, disponible en 2026.
M. Thibault Bazin
Merci, madame la ministre.
M. le président
La parole est à Mme Justine Gruet.
Mme Justine Gruet
Lors de l’examen de l’article 4, nous avons dit que deux conditions nous semblaient difficiles à évaluer pour le médecin, la seconde – « être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France » – et la cinquième – « être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Cette dernière ne constitue pas, à mon sens, un critère médical, puisque c’est le juge qui est amené à évaluer la capacité de discernement des personnes majeures.
Je vous répète qu’il demeure des incertitudes et des interrogations à propos des majeurs protégés. J’ai été interpellée dans ma circonscription…
Mme Anne-Laure Blin
Oui, c’est un sujet qui préoccupe beaucoup les gens !
Mme Justine Gruet
…par des gens qui m’ont dit que la décision de recourir à l’aide à mourir, qui relève de l’intime, devrait pouvoir être prise sans nécessairement recueillir l’avis d’un tuteur. Le respect du principe de précaution doit cependant nous amener à protéger d’autant plus ces personnes vulnérables ; il importe donc que le médecin dispose de l’ensemble des informations permettant de vérifier leur discernement.
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 688 et 1890.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 157
Nombre de suffrages exprimés 151
Majorité absolue 76
Pour l’adoption 54
Contre 97
(Les amendements identiques nos 688 et 1890 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 36.
M. Patrick Hetzel
Lorsqu’une personne qui fait l’objet d’une mesure de protection juridique souhaite accéder à l’aide à mourir, je propose que l’on prévoie de consulter en amont la personne de confiance, la famille et des proches.
(L’amendement no 36, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Sur l’amendement no 2272, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Christine Loir, pour soutenir cet amendement.
Mme Christine Loir
Dans le cadre de la prise en charge médicale, en particulier lorsqu’une décision grave doit être prise, engageant le pronostic vital ou relevant d’une procédure d’aide à mourir, il est impératif de garantir que la personne concernée a toute sa capacité pour exprimer une volonté libre et éclairée. C’est pourquoi le médecin ne saurait se contenter de simplement poser la question de l’existence éventuelle d’une mesure de protection juridique : il doit systématiquement vérifier l’existence d’une telle mesure. L’absence de cette vérification pourrait exposer une personne sous tutelle ou sous curatelle à des décisions prises dans le mépris de ses droits fondamentaux, en la privant des garanties légales auxquelles elle a droit.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2272.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 166
Nombre de suffrages exprimés 159
Majorité absolue 80
Pour l’adoption 57
Contre 102
(L’amendement no 2272 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1622.
M. Thibault Bazin
Il a été posé à l’article 4, comme condition d’accès à l’aide à mourir, que la personne devait être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. Or il n’est pas toujours possible de garantir ce critère pour les personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation.
Le Conseil d’État a considéré, dans son avis relatif à l’accompagnement des malades en fin de vie, au point 29, que « la seule information de la personne chargée d’une mesure de protection avec représentation de la personne, et la possibilité pour celle-ci de former des observations dont le médecin devra tenir compte, sont insuffisantes ». Cela signifie que la disposition prévue à l’alinéa 9 de l’article 6 est insuffisante selon lui. Surtout, l’article 12, alinéa 2, n’ouvre pas aux personnes chargées de la mesure de protection la possibilité de former un recours contre la décision du médecin à l’endroit de la personne placée sous protection. Or le Conseil d’État estime que lorsque, selon les termes mêmes de l’article 459 du code civil, « l’état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée », des garanties doivent être prévues, en particulier que les personnes chargées de la mesure de protection doivent pouvoir saisir un juge dans l’intérêt de la personne protégée. Ce n’est pas le cas.
Par conséquent, en l’absence d’une telle garantie, je vous propose qu’en cas de réponse positive du médecin à la demande d’aide à mourir d’une personne sous mesure de protection juridique, le médecin informe celle-ci qu’elle ne pourra pas y avoir accès.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Adopter votre amendement reviendrait tout bonnement à interdire l’accès à l’aide à mourir à une personne qui serait placée sous une mesure de protection. La sanction serait lourde, d’autant plus que des garanties ont été prévues spécifiquement à leur égard. Ainsi, la personne assurant la protection juridique est obligatoirement informée et le médecin doit tenir compte de ses observations. Nous examinerons bientôt d’autres amendements qui visent à renforcer encore davantage la protection des plus vulnérables. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Le Conseil d’État vous enjoint à au moins garantir que la personne chargée de la mesure de protection pourra former un recours devant un juge car il considère qu’il n’est pas suffisant d’informer la personne chargée de la protection et de prévoir que le médecin tienne compte de ses observations. Je veux bien retirer l’amendement mais à condition que vous prévoyiez une telle garantie. Or je n’ai pas vu passer d’amendement du rapporteur ou de la ministre allant dans ce sens. Je le maintiendrai donc.
(L’amendement no 1622 n’est pas adopté.)
M. le président
Sur l’amendement no 213, je suis saisi par le groupe Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir cet amendement.
Mme Marie-France Lorho
Nous devons apporter une vigilance particulière au régime de protection dont bénéficie le demandeur au suicide assisté ou délégué. Si, par simple déclaration, un patient vulnérable ne déclare pas qu’il fait l’objet d’une telle mesure de protection, la responsabilité du médecin pourrait être engagée. Nous devons faire preuve de prudence en la matière. L’amendement tend à permettre au médecin qui nourrit des doutes raisonnables quant à l’existence d’une mesure de protection juridique entourant son patient, de demander à l’autorité compétente le régime de protection juridique dans lequel se trouve la personne. En l’état, le médecin peut simplement accéder au registre mentionné à l’article 427-1 du code civil. Or, eu égard aux conditions dégradées de travail que subissent les professionnels du secteur médical, il serait légitime d’encourager les médecins à procéder à cette vérification auprès de l’autorité compétente.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 213.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 165
Nombre de suffrages exprimés 153
Majorité absolue 77
Pour l’adoption 56
Contre 97
(L’amendement no 213 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet, pour soutenir les amendements nos 1519 et 1859, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Yannick Monnet
En commission, nous avons adopté un amendement pour inscrire, à la fin de l’alinéa 7, qu’en cas de doute ou de conflit, le juge des tutelles ou le conseil de famille, s’il est constitué, peut être saisi. J’ai entre-temps réfléchi avec le rapporteur à une rédaction plus efficace. Nous vous proposons ainsi, d’une part de supprimer les termes « Le cas échéant » puisque le médecin doit, en tout état de cause, à la personne protégée, une information loyale, d’autre part de remplacer « claire et appropriée sur son état » par « sur son état et adaptée à ses facultés de discernement ».
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Monsieur Bazin, l’alinéa 7 a été réécrit en commission et je vous invite à lire attentivement les amendements de M. Monnet, en particulier ceux qui arrivent, car ils seront de nature à vous rassurer, en visant à déplacer certaines dispositions à l’article 12 et à supprimer plusieurs mentions. Avis favorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je n’ai pas exactement la même lecture que le rapporteur. Le terme « Le cas échéant » tend à préciser que, dans cette situation, celle d’une personne faisant l’objet d’une protection juridique, le médecin doit veiller tout particulièrement à délivrer une information loyale, claire et appropriée. Avis défavorable à l’amendement no 1519 mais favorable au suivant.
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Nous voterons ces deux amendements même s’ils n’apportent pas grand-chose. Le premier, à la rigueur, n’est pas forcément inutile, mais le second ne change rien à la rédaction actuelle. La jurisprudence est en effet constante en la matière : pour être claire, une information se doit d’être appropriée aux facultés de discernement et de compréhension du patient. Nous les voterons tout de même, ne serait-ce que pour conserver la bonne ambiance de cette assemblée et parce que, finalement, ils sont tout aussi sympathiques que leur auteur. (Sourires.)
M. le président
Je vous précise que l’adoption de l’amendement no 1859 ferait tomber les amendements identiques nos 1451, 1863 et 2224 ainsi que l’amendement no 1354.
M. Yannick Monnet
Pourquoi mon amendement tomberait-il ? Il n’est pas contradictoire avec celui que je viens de présenter. Pourriez-vous suspendre la séance pour que je comprenne, s’il vous plaît ?
(La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.)
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Si les amendements rédactionnels sont adoptés, les suivants tomberont, en effet, dont ceux qui tendaient à supprimer la dernière phrase de l’alinéa 7. Dans un souci de transparence, je tiens tout de même à vous informer que notre amendement no 1895 tendra à introduire une disposition similaire à l’article 12, dans la rédaction suivante : « Par dérogation au premier alinéa, la décision du médecin autorisant une personne faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne, à accéder à l’aide à mourir, peut être contestée dans un délai de deux jours suivant sa notification par la personne chargée de la mesure de protection, devant le juge des contentieux de la protection. En cas de doute sur l’aptitude de la personne ayant formé la demande d’aide à mourir à manifester sa volonté de manière libre et éclairée, la saisine du juge des contentieux de la protection suspend la procédure prévue au chapitre III. Le juge des contentieux de la protection statue dans un délai de deux jours. »
(Les amendements nos 1519 et 1859 sont successivement adoptés ; en conséquence, les amendements identiques nos 1451, 1863 et 2224 tombent, de même que l’amendement no 1354.)
M. le président
Nous en venons à trois amendements, nos 1942, 1189 et 2394, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1189 et 2394 sont identiques.
Sur ces trois amendements, je suis saisi par le groupe Rassemblement national de demandes de scrutins publics.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Lisette Pollet, pour soutenir le no 1942.
Mme Lisette Pollet
Cet amendement vise à clarifier une disposition qui demeure source d’insécurité juridique. En l’état, le texte prévoit que le juge des tutelles ou le conseil de famille peuvent être saisis en cas de doute sur le consentement d’une personne protégée. Que se passe-t-il s’ils ne le sont pas ? Peut-on rester dans le flou ? Nous proposons de rendre cette saisine systématique lorsqu’un doute sérieux existe afin que le juge se prononce spécifiquement sur le caractère éclairé de la décision de la personne protégée.
Le rôle du médecin est de soigner, celui du juge, d’interpréter l’intention des personnes qui se présentent devant lui. Le consentement d’une personne vulnérable doit être vérifié par une autorité impartiale, éventuellement après avis du conseil de famille. C’est une exigence de sécurité, de clarté et de respect du droit des personnes placées sous protection. Refuser cette précision reviendrait à laisser la porte ouverte à des interprétations variées et donc à des risques de dérive ou de contentieux.
M. le président
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1189.
M. Christophe Bentz
Dans le même esprit, il vise à rendre automatique, et non facultative, la saisine du juge des tutelles ou du conseil de famille.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l’amendement no 2394.
Mme Sandrine Rousseau
Le texte indique qu’en cas de doute sur le consentement, le juge des tutelles « peut être saisi ». Je propose d’écrire : « En cas de doute sur le consentement, le juge des tutelles est saisi », de manière à lever tout doute sur l’existence du consentement.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Yannick Monnet et Thibault Bazin présenteront des amendements identiques à l’article 12 en vue de réécrire de manière plus précise les modalités de saisine du juge des tutelles lorsque la demande d’aide à mourir vient d’un majeur protégé. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie Vidal
Alors que nous discutons de l’article 5, relatif à l’entrée dans le processus de demande, je m’étonne que vous nous renvoyiez sans cesse aux modifications qui vont être apportées à l’article 12.
Il est important que les précisions figurent à l’article 5, au début de la demande, et non à l’article 12 qui concerne la réponse du médecin à celle-ci. Je trouve dommage de supprimer des informations ici pour les remettre à l’article 12 alors qu’elles sont importantes à l’entrée du processus de demande de mort.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1942.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 167
Nombre de suffrages exprimés 164
Majorité absolue 83
Pour l’adoption 63
Contre 101
(L’amendement no 1942 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 1189 et 2394.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 171
Nombre de suffrages exprimés 167
Majorité absolue 84
Pour l’adoption 70
Contre 97
(Les amendements identiques nos 1189 et 2394 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à Mme Katiana Levavasseur, pour soutenir l’amendement no 2411.
Mme Katiana Levavasseur
L’information préalable est essentielle pour garantir le caractère libre et éclairé de toute décision relative à la fin de vie. Or les supports classiques ne sont pas toujours adaptés aux personnes souffrant de déficiences cognitives, sensorielles ou motrices. Dans une logique d’inclusion et d’égalité, cet amendement propose d’instituer une obligation de rendre accessibles les supports d’information et les formulaires.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
L’article 13 de la proposition de loi dispose qu’un décret en Conseil d’État précisera les modalités d’information de la personne ayant demandé l’aide à mourir. Ces éléments semblent davantage relever du pouvoir réglementaire. Votre préoccupation est légitime, mais l’amendement est satisfait.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Il faut en effet prévoir une information adaptée. Si le texte est voté, le gouvernement agira en ce sens par voie réglementaire. À ce stade, je vous demande de retirer votre amendement.
(L’amendement no 2411 est retiré.)
M. le président
La parole est à Mme Justine Gruet, pour soutenir l’amendement no 404.
Mme Justine Gruet
M. le rapporteur général raille fréquemment les apparentes contradictions entre certains de nos amendements ; à mon tour de m’étonner que Mme Rousseau ait voté contre son propre amendement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RN et UDR. – Mme Sandrine Rousseau s’exclame.) Je le souligne, monsieur le rapporteur général, car vous semblez traiter différemment les orateurs selon qu’ils sont favorables ou défavorables au texte.
Je reviens à l’amendement. Ma position et mes réflexions ont évolué : je le répète, la demande de bénéficier de l’aide à mourir est une demande très personnelle dont il n’est pas certain que la personne concernée ait envie qu’on informe son entourage.
Je continue donc à m’interroger au sujet des majeurs protégés et j’aurais aimé que nous soyons capables d’empêcher toute dérive et de prévenir les abus de faiblesse au détriment de ce public fragile. À cet égard, je dénonce votre opposition de principe vis-à-vis de l’amendement d’Anne-Laure Blin qui prévoyait simplement que le médecin puisse consulter le registre adéquat pour vérifier l’absence de mesure de protection.
Comment pourrions-nous nous assurer que l’avis libre et éclairé, qu’il n’y a pas de pression familiale extérieure, ni de pression financière ? Essayez de nous rassurer sur ce point, s’il vous plaît.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Vous souhaitez préciser que la personne qui assiste ou représente la personne protégée est consultée sur la demande d’aide à mourir. Je vous lis l’alinéa 9 de l’article 6 : « Lorsque la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne, [le médecin] informe la personne chargée de la mesure de protection et tient compte des observations qu’elle formule. »
Votre amendement est donc satisfait par l’article 6. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Certes, l’article 6, alinéa 9, prévoit un échange avec la personne chargée de la protection, mais nous souhaitons tout mettre en œuvre pour que ces personnes vulnérables ne soient l’objet d’abus de faiblesse ou d’autres dérives. De ce point de vue, les dispositions proposées par cet amendement ne sont pas en contradiction avec l’article 6, mais viennent le compléter.
M. le président
La parole est à Mme Justine Gruet.
Mme Justine Gruet
Pour chaque demande d’aide à mourir, s’assurera-t-on bien que la personne ne fait pas l’objet d’une mesure de protection ? Peut-être la réponse se trouve-t-elle à l’alinéa 7 : « Il vérifie ces informations en ayant accès au registre mentionné à l’article 427-1 du code civil » ? (M. le rapporteur général fait un signe d’approbation.)
(L’amendement no 404 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux demandes de scrutins publics : par le groupe Rassemblement national sur l’amendement no 1404 et par le groupe UDR sur l’amendement no 1482.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Thierry Frappé, pour soutenir l’amendement no 1404.
M. Thierry Frappé
Lorsqu’un geste chirurgical est envisagé, bien souvent, à l’issue de la consultation du chirurgien ou de l’anesthésiste, le patient signe un document attestant qu’il a reçu une information claire, éclairée et compréhensible et qu’il a pu poser toutes les questions qu’il souhaitait poser. Mon amendement est sensiblement basé sur le même principe. Il prévoit que la personne souhaitant accéder à l’aide à mourir signe un document reconnaissant que toute la procédure prévue à la sous-section présente a été respectée et expliquée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous
Votre préoccupation est légitime mais relève du pouvoir réglementaire et non du législatif. L’article 13 renvoie d’ailleurs à un décret en Conseil d’État pour préciser tout ce qui concerne la procédure, en particulier la forme et le contenu de la demande d’aide à mourir.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Tout à l’heure, j’ai exposé longuement la procédure de saisie, dans le système d’information, des données relatives à la demande d’aide à mourir. Chacun d’entre vous a donc pu mesurer à quel point tout était absolument tracé et horodaté. Monsieur le député, votre amendement est satisfait ; j’en demande donc le retrait.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1404.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 159
Nombre de suffrages exprimés 157
Majorité absolue 79
Pour l’adoption 54
Contre 103
(L’amendement no 1404 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Gérault Verny, pour soutenir l’amendement no 1482.
M. Gérault Verny
Il prévoit que l’entretien relatif à la demande d’aide à mourir se déroule en présence d’un représentant de la famille. En effet, l’entourage du patient est quasiment absent du processus alors que la famille joue un rôle fondamental dans l’accompagnement en fin de vie.
La présence d’un représentant de la famille lors de cet entretien offrirait un cadre humain plus chaleureux, susceptible de prévenir l’isolement psychologique du demandeur et de représenter un soutien affectif essentiel. Cette disposition favoriserait aussi le partage dans la prise de décision ; informée, la famille pourrait s’y associer, dans le respect de la volonté du patient.
La clause d’opposition expresse, toutefois, garantit le respect absolu de l’autonomie et de l’intimité de la personne qui conserve pleinement le droit de refuser la présence familiale.
Par cet amendement qui tend à enrichir quelque peu la dimension relationnelle de cette procédure, je tiens à dire que la famille y a toute sa place. (M. Alexandre Allegret-Pilot et Mme Nadine Lechon applaudissent.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1482, qui a reçu un avis défavorable de la commission et du gouvernement.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 167
Nombre de suffrages exprimés 155
Majorité absolue 78
Pour l’adoption 44
Contre 111
(L’amendement no 1482 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l’amendement no 1848.
Mme Sandrine Rousseau
Je tiens tout d’abord à préciser, en réponse à Mme Gruet, que je n’ai pas voté contre mon amendement mais contre l’amendement de M. Bentz. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Exclamations sur les bancs du groupe RN.)
Plusieurs député du groupe RN
Ils étaient identiques !
Mme Sandrine Rousseau
Oui, je vote contre les amendements du Rassemblement national et je suis heureuse que vous vous en aperceviez enfin – vous faites des progrès en politique, c’est bien !
Mon amendement tend à ce que la demande d’aide à mourir soit inscrite dans les directives anticipées, au moment où elle est formulée et où elle correspond ainsi réellement à la volonté de la personne. Si cette dernière veut par la suite revenir sur sa décision, une trace de cette demande sera néanmoins ainsi conservée. J’invite mes partenaires à voter cet amendement important.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Nous avons déjà débattu, à de nombreuses reprises, de la place des directives anticipées dans la procédure de demande d’aide à mourir. Je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai déjà eu l’occasion de développer, notamment sur l’importance de la réitération, jusqu’au dernier moment, de la volonté d’accéder à l’aide à mourir.
Afin que le texte, sur ce point, conserve sa cohérence ainsi que son équilibre, j’invite tous les collègues à ne pas voter cet amendement, comme ils n’ont pas voté, précédemment, ceux qui tendaient à rendre possible l’inscription de la demande d’aide à mourir dans les directives anticipées.
M. Jean-Paul Mattei
Très bien !
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis : cet amendement remettrait en cause la procédure telle que nous l’avons établie en ne rendant pas impérative la réitération, jusqu’au dernier moment, de la volonté d’accéder à l’aide à mourir.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Je vais commencer par les aspects techniques de la question. Vous parlez, madame Rousseau, de la possibilité de garder une trace de la demande de la personne et, éventuellement, de sa rétractation. Cela serait vrai dans un monde idéal : mais des problèmes peuvent affecter les serveurs informatiques, problèmes qui compromettraient la conservation de cette rétractation.
Je voudrais bien, ensuite, que vous nous expliquiez le but de votre amendement. Pourquoi voulez-vous que soit automatique l’inscription de la demande d’aide à mourir dans les directives anticipées, du moment qu’elle aura été formulée ? (Mme Marie-Noëlle Battistel s’exclame.) Je ne le comprends pas – il est vrai qu’avec seulement une minute de temps de parole, il est difficile d’aller au fond des questions.
M. le président
La parole est à Mme Justine Gruet.
Mme Justine Gruet
Je comprends, madame Rousseau, le sens de votre proposition. C’est un point sur lequel j’ai évolué lors des débats en commission : le risque existe d’un recours plus précoce à l’aide active à mourir par crainte de ne plus pouvoir y accéder ultérieurement, anticipant une perte de conscience.
Mme Alexandra Martin
C’est certain !
Mme Justine Gruet
Mme Simonnet a également défendu, à plusieurs reprises, ce recours aux directives anticipées. Il faut néanmoins considérer le problème sous l’angle de l’éthique. Faudra-t-il pratiquer l’aide active à mourir dès le moment de la perte de connaissance ? Comment décider du moment ? Que faire, si le discernement fait défaut, comme si fait défaut la capacité à formuler expressément la volonté d’avoir recours à l’aide active à mourir ? Ce sont des questions vertigineuses.
(L’amendement no 1848 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l’amendement no 2503, amendement sur lequel je suis saisi d’une demande de scrutin public par le groupe Rassemblement national. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Fabien Di Filippo
Cet amendement de notre collègue Philippe Juvin tend à préciser l’alinéa 7 en le faisant suivre d’un alinéa indiquant que « le médecin s’assure des capacités pleines et entières de discernement de la personne tout au long de la procédure de l’aide à mourir. »
Une telle précision est en accord avec les définitions de l’euthanasie et du suicide assisté. Dans le cas de maladies très graves, notamment de celles qui portent atteinte aux facultés cognitives, le discernement peut se trouver altéré à l’approche du moment fatal. Il convient donc de préciser que le médecin, tout au long de la procédure, s’assure de ce discernement.
Philippe Juvin y reviendra lors de la discussion de l’article 6, qui mentionne le cas où le discernement serait « gravement altéré ». Dans ce texte de loi, tout doit être très précis du point de vue de la science et de la médecine. Or qu’est-ce qu’un discernement « gravement altéré » ? Le discernement est altéré ou il ne l’est pas, du fait d’autrui ou des capacités de la personne elle-même.
Il est très important que nous arrivions à remettre bon ordre dans ce texte, au moyen de cet amendement ou de celui que M. Juvin défendra tout à l’heure à l’article 6. M. le rapporteur général parlait tout à l’heure de l’équilibre du texte ; mais le seul équilibre qui vaille, quand nous parlons d’un geste irréversible, est celui qui permet de garantir la protection des plus fragiles.
M. Philippe Gosselin
Très bien !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Vous voulez garantir que, du début à la fin de la procédure, le discernement de la personne soit entier. Cette demande est parfaitement légitime, mais je la considère déjà satisfaite.
On peut en effet lire, à l’article 4, que l’accès à l’aide à mourir ne peut être accordé que si la personne « est apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». On peut également lire, à l’article 6, que « la personne dont le discernement est gravement altéré par une maladie lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peut pas être regardée comme manifestant une volonté libre et éclairée ». L’article 10, enfin, indique que si le médecin « prend connaissance, après sa décision sur la demande d’aide à mourir, d’éléments d’information le conduisant à considérer que les conditions mentionnées à l’article L. 1111-12-2 – et donc la volonté libre et éclairée – n’étaient pas remplies ou cessent de l’être », il est mis fin à la procédure d’aide à mourir.
Votre légitime préoccupation est donc prise en compte et l’amendement est satisfait – avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
L’amendement que vous défendez, monsieur Di Filippo, est incomplet : que signifie en effet « tout au long de la procédure » ? Est-ce tous les jours ? Tous les quinze jours ?
M. Fabien Di Filippo
À chaque étape !
M. René Pilato
Mais si c’est à chaque étape, alors, comme le rapporteur vous l’a dit, votre amendement est déjà satisfait.
M. Fabien Di Filippo
Non !
M. René Pilato
Et s’il s’avère que le médecin constate, en effet, la perte du discernement, que proposez-vous ? Rien. Cet amendement ne tend qu’à rendre la loi bavarde, à moins qu’il ne soit qu’un amendement d’obstruction. Nous nous y opposerons.
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Les mots importants, dans cet amendement, sont : « capacités pleines et entières de discernement ». Si l’article 6, en effet, évoque le discernement, il n’évoque qu’un discernement « gravement altéré ». Nous pensons, pour notre part, qu’un discernement même un peu altéré suffit à motiver un refus d’aide à mourir. Le discernement doit donc être « plein et entier » – il ne suffit pas qu’il ne soit pas « gravement altéré ». C’est ce mot de « gravement » qui nous gêne : il faudra le supprimer quand nous en viendrons à la discussion de l’article 6 – et comme nous sommes précautionneux, nous aimerions que ce principe absolu des « capacités pleines et entières de discernement » soit énoncé dès le début de l’article 5.
M. Fabien Di Filippo
C’est du bon sens !
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2503.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 171
Majorité absolue 86
Pour l’adoption 67
Contre 104
(L’amendement no 2503 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 412 et 581, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq, pour soutenir l’amendement no 412.
Mme Geneviève Darrieussecq
Mon amendement fait sans doute également partie de ces amendements redondants, mais je tiens à revenir sur la question du volontariat. Il tend donc à préciser que le médecin participant à la procédure d’aide à mourir doit être volontaire et doit être inscrit sur la fameuse liste mentionnée à l’article L. 1111-12-12 du code de santé publique que tend à créer l’article 14 de la proposition de loi.
Si je ne me fais pas d’illusion sur les avis du rapporteur et de la ministre,…
M. Thibault Bazin
L’espoir fait vivre !
Mme Geneviève Darrieussecq
…je tiens à redire que le volontariat permet de ne pas entrer en contradiction avec les valeurs du soin, de rassurer les médecins – notamment ceux qui exercent en soins palliatifs – et de simplifier la procédure pour les médecins et leurs patients. Ces derniers sauraient ainsi directement où s’adresser – l’accès à ce dispositif risquerait de s’avérer, sans cela, très compliqué.
M. le président
La parole est à Mme Annie Vidal, pour soutenir l’amendement no 581.
Mme Annie Vidal
Cet amendement est presque identique à celui que Mme Darrieussecq a très bien défendu, je ne m’y attarderai donc pas.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Ce n’est pas tout à fait le même !
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Nous avons déjà débattu de cette idée d’une liste de médecins volontaires, qui, selon moi limiterait l’accès au droit à l’aide à mourir. C’est une chose que des médecins soient volontaires pour accompagner certains patients dans une procédure d’aide à mourir – par exemple les leurs. Mais c’en est une autre que d’obliger ces mêmes médecins, pour pouvoir le faire, à être inscrits sur une liste. Ils pourraient alors, contre leur volonté, se retrouver sollicités par d’autres patients. Le médecin, par ailleurs, est déjà protégé par la clause de conscience. Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je comprends les propositions de Mme Darrieussecq et de Mme Vidal, qui insistent toutes les deux sur la notion de volontariat.
Votre amendement, madame Darrieussecq, va toutefois jusqu’à exiger une inscription au registre, quand celui de Mme Vidal met simplement en avant la dimension volontaire de la démarche du médecin. Je donne donc pour cette raison un avis défavorable à l’amendement no 412 et je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée pour l’amendement no 581.
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick Hetzel
Je vous remercie, madame la ministre, de vous en être remis à la sagesse de l’Assemblée sur l’amendement no 581. Nous sommes un certain nombre à penser qu’une loi sert aussi à envoyer un signal. Or il est essentiel de rassurer pleinement les professionnels qui exercent en soins palliatifs – professionnels qui peuvent éprouver quelques réticences face à l’aide à mourir – en faisant savoir que la participation à ces procédures ne pourra se faire que sur la base du volontariat.
Cela ne fait en rien double emploi avec la clause de conscience : les deux dispositions sont, au contraire, complémentaires. C’est une question importante.
M. le président
La parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Aurélien Pradié
Créer une liste de volontaires est une très mauvaise idée.
D’abord, que l’on y soit favorable ou défavorable, une fois votée, la loi de la République devra s’appliquer sur l’ensemble du territoire. La seule exception possible renvoie à la clause de conscience, et non à une liste à laquelle on appartiendrait ou non. Pointer des praticiens qui pratiqueraient et ceux qui ne pratiqueraient pas l’aide à mourir diviserait les territoires et les établissements hospitaliers en ceux où l’on appliquerait le droit et ceux où l’on ne l’appliquerait pas sous couvert de la clause de conscience. Cela aboutirait à une forme de spécialisation des professionnels ou établissements. Favorable ou défavorable au texte, on ne peut pas souhaiter que des professionnels ou des établissements se spécialisent dans l’acte de donner la mort. Imaginons d’ailleurs la même liste pour d’autres pratiques relevant de droits fondamentaux, notamment pour l’accès à l’avortement : cela paraîtrait insupportable.
Ensuite, créer une telle liste reviendrait à considérer que la clause de conscience est une clause générale et qu’un praticien doit soit ne jamais pratiquer cet acte, soit ne jamais le refuser. Cette approche est contradictoire avec la position de ceux qui sont hostiles au texte. Un praticien, même inscrit sur la liste des volontaires, pourrait vouloir refuser l’aide à mourir à un patient parce qu’il considérerait qu’en l’espèce les conditions ne sont pas réunies, que le jugement du patient est altéré ou que sa famille ou son entourage exercent sur lui des pressions ; pourtant le fait de figurer sur la liste de professionnels censés pratiquer cet acte l’y contraindrait presque.
Je considère que c’est une très mauvaise idée, contre-productive tant pour ceux qui sont hostiles au texte que pour ceux qui y sont favorables.
M. le président
Tenons-nous à des interventions d’une minute, chers collègues.
La parole est à Mme Geneviève Darrieussecq.
Mme Geneviève Darrieussecq
J’entends vos arguments, monsieur Pradié, mais les médecins pourront bien s’inscrire sur une plateforme, auprès de la commission qui sera chargée de vérifier la bonne application de la loi. Cette liste, toutefois, ne sera pas mise à la disposition du public, et je n’ai pas proposé de le faire.
Je vais retirer mon amendement au profit de celui de Mme Vidal, plus général, sur lequel Mme la ministre s’en est remise à notre sagesse.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Merci !
(L’amendement no 412 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. Stéphane Delautrette.
M. Stéphane Delautrette
On parle beaucoup de la nécessité de rassurer – sous-entendu, les professionnels de santé, notamment les médecins. Oui, il faut les rassurer, mais le texte dit bien, et il faut le redire, qu’aucun médecin ne sera obligé de pratiquer l’aide à mourir si sa conscience l’en empêche. La meilleure protection, pour les soignants, c’est la clause de conscience. Elle est d’autant plus rassurante pour eux qu’ils pourront l’appliquer quand ils le souhaiteront, c’est-à-dire que personne ne sera obligé de se déclarer de manière définitive comme favorable ou défavorable à cette pratique.
Ce qui m’inquiète cependant, et qui doit inquiéter tous les patients qui nous écoutent, c’est que jamais on n’évoque la nécessité de rassurer ceux qui, aujourd’hui, sont dans la souffrance. Les amendements que vous défendez doivent même les inquiéter beaucoup, alors qu’ils attendent que nous fassions enfin avancer le droit à l’aide à mourir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP.) Vous mettez tout en œuvre pour rendre la procédure inapplicable, pour transformer l’obtention de l’aide à mourir en parcours du combattant, alors que cette aide qu’ils appellent de leurs vœux est un droit consacré par les premiers articles du texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
(L’amendement no 581 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 338, 1849 et 1905, pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l’amendement no 338, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sandrine Runel, pour soutenir l’amendement.
Mme Sandrine Runel
Une fois n’est pas coutume, il s’agit de faire en sorte que le médecin puisse prendre connaissance des directives anticipées de la personne qui demande l’aide à mourir, et en tenir compte. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) préconise d’ailleurs une prise en considération entière des directives anticipées afin de garantir la volonté individuelle et le choix de l’accompagnement de la fin de vie lorsque la situation ne permet pas une expression réitérée en pleine conscience au moment idoine. Ne pas tenir compte des volontés écrites reviendrait à nier la liberté et l’autonomie des personnes malades, et viderait cette démarche anticipée de tout son sens.
Si les directives anticipées n’ont pas été rédigées, nous demandons que le médecin explique au patient les modalités de leur rédaction et celles de la désignation d’une personne de confiance.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau, pour soutenir l’amendement no 1849.
Mme Sandrine Rousseau
Il tend à rendre obligatoire la consultation des directives anticipées par le médecin au moment où une demande d’aide à mourir est formulée – nous jetterions de la sorte un pont avec le texte précédent consacré aux soins palliatifs.
M. le président
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l’amendement no 1905.
Mme Elsa Faucillon
Il précise que le médecin doit s’enquérir des directives anticipées et de l’identité de la personne de confiance. À défaut, il doit informer le malade des dispositions qui encadrent la rédaction de ces directives et la désignation d’une telle personne. En effet, un patient peut solliciter l’aide à mourir sans vouloir y recourir dans un délai proche ; entre-temps, dans le cadre de sa maladie, il peut être victime d’un coma ou d’une attaque cardiaque. Il est donc important qu’il ait fait part, dans ses directives anticipées, du fait par exemple qu’il ne souhaite pas être réanimé.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Je suis intervenu à de nombreuses reprises sur la question des directives anticipées. Non seulement je suis défavorable à ces amendements sur le fond, mais je tiens aussi à assurer la cohérence du texte. Nous souhaitons tous, le 27 mai, pouvoir voter un texte construit et équilibré, dont les articles ne se contredisent pas mutuellement.
Mme Elsa Faucillon
Les amendements ne contredisent pas le texte !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
De quel équilibre parlons-nous ? Le projet de loi initial, il y a un an, était déjà annoncé comme équilibré ; à sa sortie de la commission, alors qu’il avait évolué, il était de nouveau présenté comme équilibré ; là, alors que la proposition de loi a encore évolué en commission la semaine dernière,…
Mme Catherine Vautrin, ministre
Non !
M. Thibault Bazin
…on nous dit qu’elle doit rester équilibrée. C’est donc un équilibre mouvant ! Votre objectif est clair : il s’agit de susciter l’adhésion avec une série de garde-fous, qui ne sont peut-être que des faux-semblants.
Mme Catherine Vautrin, ministre
C’est faux !
M. Thibault Bazin
Ce qui m’inquiète dans vos amendements, qui se répètent, c’est votre volonté d’aller encore plus loin en assouplissant un des critères qui n’a pourtant rien d’anodin – vous l’avez d’ailleurs souligné, monsieur le rapporteur général, madame la ministre : être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. Nous ne pouvons qu’être opposés à ces amendements dès lors que nous trouvons déjà ce critère insuffisamment strict ; ici, il serait carrément annulé.
Cela pose une question de fond. Ce critère d’aptitude à manifester sa volonté de façon libre et éclairée se vérifie le jour de la demande, mais se vérifie-t-il le jour de l’administration de la substance létale ? En effet, le médecin – et parfois l’infirmier – qui va effectuer le geste ne sera pas forcément le même que celui qui avait examiné la demande, quinze jours auparavant.
M. le président
La parole est à M. Matthias Renault.
M. Matthias Renault
Je ne comprends pas bien l’opportunité de ces amendements à cet endroit du texte. La question des directives anticipées a déjà été écartée. Si l’on adopte ces amendements, cela veut dire qu’au moment de la demande orale formulée auprès d’un médecin, celui-ci irait consulter les éventuelles directives anticipées consignées par écrit. Qu’en attendra-t-on ? Si la demande exprimée oralement n’est pas claire, s’en remettra-t-on à la volonté fixée par écrit ? Ces amendements complètent peut-être d’autres dispositions qui ont été rejetées : ils auraient été cohérents si les directives anticipées avaient été retenues dans la procédure ; mais ils ne sont plus cohérents avec le texte tel qu’il est, et n’ont rien à faire là. Ou alors il y a quelque chose qui m’échappe s’agissant de la procédure. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RN.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 338.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 161
Nombre de suffrages exprimés 151
Majorité absolue 76
Pour l’adoption 42
Contre 109
(L’amendement no 338 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 1849 et 1905, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 37, 608 et 2440, pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l’amendement no 2440, je suis saisi par le groupe UDR d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Les amendements nos 37 de M. Patrick Hetzel, 608 de Mme Sandrine Dogor-Such et 2440 de M. Éric Michoux sont défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable également.
(Les amendements nos 37 et 608, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2440.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 161
Nombre de suffrages exprimés 153
Majorité absolue 77
Pour l’adoption 57
Contre 96
(L’amendement no 2440 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Christophe Marion, pour soutenir l’amendement no 2305.
M. Christophe Marion
Pour que la loi soit la plus précise et la plus complète possible, le présent amendement ajoute que l’information que le médecin doit fournir au patient concerne également le pronostic vital de ce dernier. L’information sur son état de santé pourrait certes être interprétée comme contenant celle sur son pronostic vital, mais la pratique montre que beaucoup de patients gravement malades sont encore trop souvent les moins bien informés sur leur état et sa possible évolution. L’amendement vise à y remédier en permettant au patient de disposer d’une information complète et transparente au moment de poursuivre la procédure liée à sa demande d’aide à mourir.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
La question du pronostic vital est au cœur du texte, mais elle fait déjà partie des cinq critères cumulatifs pour accéder au dispositif. L’alinéa que vous souhaitez modifier précise d’ailleurs que le médecin informe la personne « sur son état de santé [et] sur les perspectives d’évolution de celui-ci » – le pronostic vital est ici sous-entendu. J’émets donc un avis défavorable.
(L’amendement no 2305, repoussé par le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1624.
M. Thibault Bazin
Monsieur le rapporteur général, à l’occasion de la mission d’évaluation sur la loi Claeys-Leonetti, dont vous avez assuré la présidence, nous avons constaté que cette loi était méconnue des patients et parfois même des professionnels de santé. Nous parlons de personnes dont les souffrances sont telles qu’elles sont susceptibles d’aller voir un médecin pour demander l’aide à mourir, comme vous l’appelez et l’envisagez.
L’alinéa 9 est rédigé comme suit : le médecin « informe la personne sur son état de santé, sur les perspectives d’évolution de celui-ci ainsi que sur les traitements et les dispositifs d’accompagnement disponibles ». Il mériterait d’être complété, en précisant que le médecin doit évoquer la sédation profonde et continue, telle que définie dans le code de la santé publique.
En effet, la demande d’aide à mourir implique un tiers – la personne qui accompagne la démarche, notamment l’administration du produit létal, dont elle peut même être chargée. Le principe de la démarche n’est absolument pas le même que celui de la sédation profonde et continue, qui ne consiste jamais à provoquer ou à accélérer la mort, même si cela peut y contribuer. La question de l’intention du médecin est fondamentale ; elle entre en compte dans le rapport si singulier qui existe entre le soignant et le soigné – de nombreux médecins le confirment.
En changeant les options disponibles, on modifie aussi la façon dont les médecins répondent à ces demandes. Il faut donc préciser à cet endroit du texte que la sédation profonde et continue doit être présentée comme une possibilité car elle ne suppose pas la même intention.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Vous souhaitez que le médecin informe le patient de la possibilité de recourir à la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Votre amendement est satisfait, à la fois à l’alinéa 9 et à l’alinéa 10.
À l’alinéa 9, il est prévu que le patient reçoive une information sur les traitements et dispositifs d’accompagnement disponibles. L’alinéa 10 précise que le patient se voit proposer de bénéficier de soins d’accompagnement, y compris des soins palliatifs – la sédation profonde et continue fait partie de cet ensemble.
M. Philippe Vigier
Excellent !
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
Collègues, ce n’est pas sérieux ! Vous nous avez rebattu les oreilles avec la séparation des deux textes. Le premier parle des soins palliatifs, donc de la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Ce second texte sur l’aide à mourir…
Mme Justine Gruet
Aide active à mourir !
M. René Pilato
…prévoit que les personnes qui satisfont aux cinq critères se voient proposer de bénéficier des soins palliatifs. Si elles décident d’y renoncer, elles rentrent dans une autre procédure. Vous décidez malgré tout de revenir à l’autre texte : soit vous le faites exprès, soit c’est de l’obstruction manifeste ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.) Je vous en prie, arrêtons de perdre du temps !
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Cher collègue, je ne me permets pas de dire que vous n’êtes pas sérieux ; je vous respecte profondément.
M. Emmanuel Duplessy
Vous ne feriez pas ça si c’était le cas !
M. Thibault Bazin
Je me contenterai de parler du fond. L’amendement que j’ai déposé ne parle pas des soins palliatifs, qui sont d’ailleurs explicitement mentionnés à l’alinéa 10, comme l’a très justement relevé M. le rapporteur général.
Je propose de mentionner la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Ce n’est pas une disposition du texte que nous avons étudié la semaine dernière, mais de la loi Claeys-Leonetti de 2016.
J’appelle votre attention sur un point intéressant : l’impact qu’aura ce texte sur la relation entre le soignant et le soigné, et la nécessité de présenter les différentes options. Il importe souvent à la personne malade de connaître précisément les modalités de sa mort ! Lui rappeler que la sédation profonde et continue jusqu’au décès est une possibilité me paraît judicieux.
(L’amendement no 1624 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 215.
Mme Marie-France Lorho
Nous proposons de nous assurer que l’état des connaissances médicales soit pris en compte au moment du passage à l’acte. Le patient doit recevoir une information à ce sujet, notamment sur les nouveaux traitements potentiellement disponibles.
(L’amendement no 215, repoussé par la commission et le gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de quatre amendements, nos 1046, 214, 1623 et 1190, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement no 1046.
M. Dominique Potier
Il est presque rédactionnel, dans la mesure où il intervient peu sur le fond. Nous proposons de préciser l’intention du législateur, notamment à l’alinéa 9. Il ne faudrait pas laisser penser que les informations relatives à la prise en charge des besoins médicaux, matériels, psychologiques et sociaux s’adressent exclusivement aux personnes en situation de handicap.
Nous proposons donc de rappeler que cette information doit être universelle. Nous en avons parlé hier soir : les explications données par le médecin peuvent susciter de vrais malentendus. Même avec la meilleure volonté du monde, le patient peut se retrouver dans un état de sidération, d’angoisse ou de stress et mal comprendre l’information. La rédaction proposée permet de rappeler que tous les patients, quel que soit leur niveau de conscience ou d’intelligence des sujets médicaux, doivent se voir délivrer une information complète et pédagogique.
Par ailleurs, les personnes en situation de handicap doivent être orientées vers la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) pour bénéficier d’une information relative à leurs besoins matériels et sociaux. Il s’agit donc de préciser ces deux points.
M. le président
La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement no 214.
Mme Marie-France Lorho
Nous proposons que le patient, qu’il soit atteint d’un handicap ou non, soit informé de ses droits potentiels en matière de prise en charge de ses besoins médicaux, matériels, psychologiques et sociaux. Il faut envisager tous les cas de figure. Ainsi, si une personne dans une situation de grande précarité financière envisage de se faire donner la mort pour ne pas peser sur son entourage, il convient de s’assurer qu’elle connaisse tous les moyens mis à sa disposition pour lui épargner un tel choix. De même, une personne souffrant d’une pathologie psychologique peut ignorer qu’elle peut bénéficier de soins adaptés.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1623.
M. Thibault Bazin
La rédaction de cet amendement est différente, mais il est similaire dans l’esprit à celui de notre collègue Dominique Potier.
M. Philippe Vigier
C’est bavard !
M. Thibault Bazin
Non, mon cher collègue : nous insistons sur la spécificité des personnes en situation de handicap. Cette question peut préoccuper certains de nos concitoyens, qui sont en situation de handicap ou ont une personne en situation de handicap dans leur entourage – ils peuvent même être des proches aidants. Il me semble important de préciser que les personnes en situation de handicap doivent bénéficier d’une information spécifique, notamment relative aux conditions de vie et aux possibilités d’accompagnement. Nous ne souhaitons pas que les plus précaires, ou les personnes ne disposant pas d’un accompagnement satisfaisant, au-delà de l’affection dont elles souffrent, soient privées d’une information satisfaisante. Il faut bien les orienter. Nous proposons donc de corriger le texte en ce sens, pour que ces personnes disposent aussi d’une information et d’un accompagnement appropriés.
M. le président
La parole est à M. Christophe Bentz, pour soutenir l’amendement no 1190.
M. Christophe Bentz
Tout a été dit. Ces quatre amendements presque identiques partagent le même esprit : il s’agit de prendre en considération les besoins spécifiques des personnes handicapées.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Je redirai ce que j’ai dit en commission, où nous avons retiré les précisions portant uniquement sur les personnes en situation de handicap. Ce texte est à portée universelle. Il convient de ne pas stigmatiser ces personnes, même si je sais que ce n’est pas l’intention des auteurs de ces amendements. Le texte prévoit que les professionnels de santé doivent délivrer toutes les informations relatives aux divers types d’accompagnement à tous, de façon universelle.
Avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Nous avons déjà eu l’occasion d’échanger sur les personnes en situation de handicap et leurs droits. Nous souhaitons respecter la Convention relative aux droits des personnes handicapées : il faut tenir compte de la situation spécifique de chacun. Comme le rapporteur, je donnerai donc un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie
Ces amendements soulèvent un problème lié à la temporalité de l’information.
Nous avons déjà adopté une disposition similaire lors de l’examen du texte sur les soins palliatifs : une personne qui s’apprête à recevoir des soins palliatifs doit être informée qu’elle peut bénéficier de toutes les aides disponibles – c’est essentiel à cette étape.
Ici, il est question du moment où le patient fait une demande pour tout arrêter. Il est important qu’il reçoive une réponse dans des délais raisonnables. Or quand on connaît les délais de réponse des maisons départementales des personnes handicapées, et même si l’on imaginait un raccourcissement de ces délais, on sait qu’il ne sera pas possible d’obtenir une réponse en quinze jours, ce qui n’est pas envisageable en cas de douleurs réfractaires.
Il me semble donc que ce n’est pas le moment approprié pour délivrer cette information. Nous avons adopté cette disposition dans le premier texte car il est important de s’assurer que la personne dispose de tous les outils pour vivre au mieux la période qu’elle traverse, mais elle n’a pas sa place ici.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Je tiens à vous rassurer : loin de nous l’idée de stigmatiser les personnes en situation de handicap. Nous souhaitons au contraire mieux prendre en compte…
M. Olivier Falorni, rapporteur général
Le rapporteur n’a pas dit ça !
M. Thibault Bazin
Je le sais, mais je tiens à vous rassurer sur nos intentions.
Parfois, les demandes de mort des personnes en situation de handicap sont des appels à l’aide. Il faut réfléchir comment y répondre, en tenant compte de tous les éléments. Nous nous apprêtons à fêter les vingt ans de la loi sur le handicap et notre pays a encore des progrès à faire en la matière. En attendant, nous devons nous assurer que tous les aspects environnementaux soient pris en compte. En effet, comme vous l’avez dit à plusieurs reprises, il ne s’agit pas tant d’une question de durée, mais de qualité de vie. Il ne faudrait pas que les demandes d’aide à mourir soient causées par les défaillances de notre société.
Par ailleurs, s’agissant des souffrances réfractaires, je souhaiterais souligner un problème de cohérence des amendements adoptés. Le critère retenu mentionne des souffrances physiques ou psychologiques, quand la disposition suivante ne retient plus que psychologique. Cela devra être clarifié.
M. le président
La parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Aurélien Pradié
Je ferai d’abord une remarque d’ordre général : je comprends que les collègues opposés à la philosophie et à la visée de ce texte depuis le début des débats déposent des amendements en ce sens. Leur position est tout à fait légitime. En revanche, je ne comprends pas la raison d’être de ces amendements qui allongent le texte initial.
Si un de nos citoyens en situation de handicap doit attendre d’entamer des démarches pour bénéficier de l’aide à mourir ou de l’euthanasie pour recevoir des informations de la part de la maison départementale des personnes handicapées quant à l’adaptation de son logement ou à ses conditions de vie ou pour bénéficier d’un accompagnement psychologique, si tout au long de ces années, de ce parcours de vie, il n’a jamais pu bénéficier d’aucun soin, cela signifie que notre société tout entière a failli ! (M. Sébastien Peytavie applaudit.)
M. Philippe Vigier
Très bien !
M. Aurélien Pradié
Mon opinion sur le texte n’est pas faite et je comprends que l’on puisse y être opposé. En revanche, à partir du moment où il est possible de demander l’aide à mourir sans avoir reçu préalablement aucune information de ce type, c’est qu’il faut tout arrêter. Cela signifierait que notre société aurait échoué. (Mme Marie-Charlotte Garin applaudit.)
M. Sébastien Peytavie
Tout à fait !
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Le collègue Pradié a très bien dit les choses. Je ferai remarquer à Thibault Bazin qu’il est écrit « toute personne ». Depuis la loi de 2005, nous essayons de gommer toutes les différences de traitement dont peuvent notamment souffrir nos amis handicapés. Vous voulez les renvoyer à ce handicap, prenez garde ! Si la société devait attendre qu’une personne bénéficie de soins palliatifs et qu’elle demande l’aide à mourir pour daigner lui expliquer de quel accompagnement médical et social elle peut bénéficier, ce serait un échec total de la société. De grâce, ne laissez pas passer ce message : ce serait faire une croix sur vingt ans de combat ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem, LFI-NFP, SOC et EcoS. – Mmes Stella Dupont et Annie Vidal applaudissent également.)
(Les amendements nos 1046, 214, 1623 et 1190, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------
M. Philippe Juvin
On est très loin, parfois, d’une question médicale, y compris lorsqu’il y a des souffrances. La pauvreté et la précarité accentuent cela. Il s’agit donc de rendre les choses moins pénibles. Tous n’ont pas quelqu’un, comme Omar Sy dans le fameux film, pour pousser leur fauteuil roulant.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1625.
M. Thibault Bazin
Cet alinéa 10, que nous avons avantageusement complété en commission, est important. Il indique que le médecin « informe la personne qu’elle peut bénéficier de l’accompagnement et des soins palliatifs », et « s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective ».
Il faut cependant en préciser encore la rédaction, qui reste un peu impersonnelle, afin de s’assurer que le médecin donne un contact précis au malade désireux de s’orienter vers les soins palliatifs.
Or un médecin oriente le patient, lorsqu’il l’accompagne. C’est pourquoi je propose de le rédiger ainsi : « 2o Oriente la personne vers un médecin spécialiste des soins palliatifs définis à l’article L. 1110 et s’assure, si elle le souhaite, qu’elle y accède de manière effective, sauf si son état de santé ne le requiert pas ; »
Mais vous n’avez pas répondu à la question suivante, madame la ministre, lors de la définition des critères : si la personne le souhaite, et que son état de santé le requiert, mais qu’elle n’y a pas accès de manière effective, que se passe-t-il ? Cela suspend-il la demande, ou l’instruction de quinze jours aura-t-elle lieu ? Cela sera-t-il une condition ? Je demande cela car plus de 50 % des personnes qui en auraient besoin n’y ont pas accès.
La stratégie décennale des soins d’accompagnement est bienvenue, mais elle portera ses fruits dans dix ans. Si cette proposition de loi est adoptée dans quelques mois, ou même avant 2034, le risque que des personnes n’aient pas, préalablement à leur demande, bénéficié d’un accès effectif aux soins palliatifs est alors réel.
La procédure, telle qu’elle est actuellement rédigée, n’offre pas assez de garanties. Ce serait l’honneur de notre système de santé de prévoir cet accès effectif et c’est pourquoi je vous invite, madame la ministre, à nous apporter ces garanties-là.
M. le président
L’amendement no 421 de Mme Geneviève Darrieussecq est défendu.
La parole est à Mme Élisabeth de Maistre, pour soutenir l’amendement no 149.
Mme Élisabeth de Maistre
Cet amendement propose de rédiger ainsi l’alinéa 10 : « 2o Propose à la personne de bénéficier des soins palliatifs définis au 2o de l’article L. 1110-10 et s’assure qu’elle puisse y accéder. »
Il vise à se rapprocher du texte initial, avant modification en commission des affaires sociales, afin que le médecin propose à la personne engagée dans une demande d’aide à mourir de bénéficier des soins palliatifs. Dans la mesure où l’aide à mourir ne saurait être la règle, le médecin doit, avant toute chose, proposer à la personne malade de bénéficier des soins palliatifs.
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Tous demandent la reformulation de l’alinéa 10, insistant sur la nécessité pour les patients de pouvoir bénéficier des soins palliatifs.
Je partage votre volonté d’insister sur ce point. Pourtant, je défends le travail de la commission, qui a reformulé cet alinéa d’une manière qui me semble précise et claire : le médecin « s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle ait accès [aux soins palliatifs] de manière effective ». Il devrait rassurer celles et ceux qui considèrent que l’on ne peut ouvrir ce type de droits dans un pays où l’accès aux soins palliatifs serait inégalitaire.
Vos amendements, au contraire, obligeraient le patient à bénéficier de soins palliatifs, ce à quoi j’oppose qu’il peut le refuser.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements parce que, comme vient de le rappeler le rapporteur, la dernière partie de la phrase de l’alinéa 10 indique bien, en évoquant les soins palliatifs, que le médecin « s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective ».
En ce qui concerne les soins palliatifs, il faut en effet aller plus loin, étant entendu qu’ils peuvent être dispensés soit dans une unité spécialisée, soit dans des lits identifiés, soit à domicile. Ensuite, puisqu’il est écrit que la personne doit pouvoir en bénéficier de manière effective, la procédure ne peut se poursuivre si c’est pas le cas, l’une des conditions n’étant pas respectée.
C’est donc bien la volonté du patient qui doit être respectée. Les soins palliatifs restent facultatifs, ce qui signifie qu’à l’inverse, un patient qui ne demanderait pas à en bénéficier pourrait accéder à l’aide à mourir. C’est sa liberté.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Ces amendements sont très bons. Je vais les soutenir. Ils ont le grand mérite de replacer les soins palliatifs au cœur du débat.
Madame la ministre, chers collègues qui soutenez ce texte, vous dites que la volonté du patient est au cœur de tout, mais elle est conditionnée par ce scandale collectif de l’incapacité des gouvernements successifs à donner leur chance aux soins palliatifs. Les différentes lois, notamment celles de 2005 et de 2016, n’ont jamais complètement été appliquées. Elles sont méconnues de nos compatriotes et même de certains médecins.
Les médecins, les infirmiers, les soignants, qui travaillent dans les unités de soins palliatifs, et qui sont les plus compétents dans ce domaine, disent que, dans l’immense majorité des cas, les soins palliatifs permettent d’éviter l’euthanasie et le suicide assisté.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Dogor-Such.
Mme Sandrine Dogor-Such
Si je comprends bien l’alinéa 10, on informe la personne qu’elle peut bénéficier des soins palliatifs et d’accompagnement si elle le souhaite. Mais s’il n’y a pas d’unité dans son département, on lui propose une procédure d’aide à mourir.
Mme Marie-Noëlle Battistel
Mais non ! On ne lui propose pas : c’est elle qui la demande !
Mme Sandrine Dogor-Such
Comment le médecin peut-il s’assurer que la personne puisse accéder aux soins palliatifs ? Est-ce qu’elle doit faire plusieurs demandes d’accueil ? Attendre des réponses ? Attendre un certain délai ? Faut-il obtenir un rendez-vous avec un soignant en soins palliatifs ?
Ces amendements sont légitimes car le but de notre société est d’abord de soigner, avant d’administrer la mort. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole Dubré-Chirat
Les soins palliatifs sont une proposition, pas une obligation. C’est une possibilité, pour le patient, qui a le droit d’accepter, ou de refuser et de rester chez lui.
Mme Catherine Vautrin, ministre
Oui, c’est ce que j’ai dit !
Mme Nicole Dubré-Chirat
Quand l’accès aux soins palliatifs n’est pas possible dans une unité de soins palliatifs, il existe des lits de soins palliatifs dans des unités de soins, et s’il n’y a pas non plus de lits, il reste possible de faire appel à une équipe mobile qui vient accompagner la personne.
M. Thibault Bazin
C’est pour cela que 50 % des Français n’y ont pas accès. Tout va bien !
Mme Nicole Dubré-Chirat
On ne peut pas dire qu’on n’a rien fait pendant toutes ces années. Il existe de nombreuses unités de soins palliatifs, d’autres sont en cours de déploiement. Pour ce faire, il faut des lits mais aussi des soignants, qui peuvent être rares, d’autant que c’est une spécialité médicale assez récente. Il faut tenir compte de tout cela. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe EPR.)
M. Thibault Bazin
C’est vrai ça.
(L’amendement no 265 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2007.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 162
Nombre de suffrages exprimés 155
Majorité absolue 78
Pour l’adoption 59
Contre 96
(L’amendement no 2007 n’est pas adopté.)
(Les amendements nos 714, 1625, 421 et 149, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------
M. Frédéric Valletoux, président de la commission des affaires sociales
Comme Jean-Paul Mattei, je trouve que l’alinéa 10 de l’article 5 est très bien écrit ; il permet une gradation, tout en respectant évidemment le souhait du patient. Depuis plus de vingt ans, grâce à la loi Kouchner, on ne peut plus, légalement, obliger quelqu’un à se soigner ; si le patient ne veut pas de soins palliatifs, le médecin qui les lui aura proposés en prendra acte et n’en tiendra plus compte lors de l’examen de la demande d’aide à mourir. Tous les amendements tentent, chacun à leur façon, de redire ce que dit déjà très bien le texte. Maintenant que nous avons souligné notre attachement au texte tel qu’il est par le biais de plusieurs scrutins publics, tentons à présent, compte tenu du grand nombre d’amendements qu’il nous reste à examiner, d’avoir la discussion la plus ramassée possible.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 339.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 173
Nombre de suffrages exprimés 165
Majorité absolue 83
Pour l’adoption 62
Contre 103
(L’amendement no 339 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1799.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 171
Nombre de suffrages exprimés 163
Majorité absolue 82
Pour l’adoption 64
Contre 99
(L’amendement no 1799 n’est pas adopté.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 2119.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 177
Nombre de suffrages exprimés 171
Majorité absolue 86
Pour l’adoption 63
Contre 108
(L’amendement no 2119 n’est pas adopté.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1626.
M. Thibault Bazin
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, rassurez-vous, mon amendement va régler définitivement le problème ! Je propose qu’après que le médecin s’est assuré que le patient qui a accepté de recevoir des soins palliatifs les a effectivement reçus, il soit mis fin à la procédure d’aide à mourir – puisque le patient demande désormais de bénéficier de soins palliatifs !
Mme Brigitte Liso, rapporteure
L’amendement est satisfait !
M. Thibault Bazin
Non, il ne l’est pas, madame la rapporteure Liso, car on ne sait pas ce qu’il se passera une fois que le médecin se sera assuré que le patient a bien été pris en charge en soins palliatifs ; écrivons-le, car ce n’est pas mentionné dans le texte ! Vous avez souligné qu’il fallait respecter la liberté du patient, madame la ministre, et je vous rejoins sur ce point, mais encore faut-il qu’il s’agisse d’une vraie liberté.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Cet amendement s’inscrit dans la lignée d’autres examinés précédemment, tendant à prévoir des procédures totalement séparées, sans aucune espèce d’intersection entre elles. Nous en avons débattu lors de l’examen du texte sur les soins palliatifs, et à nouveau au début de la discussion de celui-ci : il doit être possible d’être pris en charge en soins palliatifs tout en faisant une demande d’aide à mourir. Une fois de plus, vous cherchez à faire en sorte que les personnes susceptibles de faire cette demande d’aide à mourir ne puissent pas demander des soins palliatifs qui les soulageraient pourtant de leurs douleurs ; je ne comprends vraiment pas la logique. Le groupe écologiste votera contre l’amendement.
M. le président
La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M. Jean-Paul Mattei
D’où qu’ils viennent, les amendements de ce type, s’ils étaient votés, créeraient une insécurité juridique, parce qu’ils entraîneraient la possibilité de déposer des recours au motif que la procédure d’aide à mourir n’aurait pas été bloquée après que le patient aura été pris en charge en soins palliatifs. Ce faisant, on fragiliserait l’article. Au reste, à bien lire les alinéas suivants, il est déjà prévu que la personne peut renoncer à tout moment à sa demande d’aide à mourir. Je suis troublé de constater que certains cherchent à fragiliser un texte assez bien écrit…
M. Sébastien Peytavie
Assez bien !
M. Jean-Paul Mattei
…en ouvrant la possibilité que des recours soient formés ; il n’est pas raisonnable de voter de tels amendements.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
La question de Mme Rousseau est légitime et, puisque je n’ai peut-être pas été assez clair, je vais reprendre mon explication. Une personne dont l’état de santé le requiert souhaite bénéficier de soins palliatifs ; le médecin s’assure alors qu’elle en bénéficie. Nous savons que dans l’immense majorité des cas, lorsqu’une personne entre en soins palliatifs, elle change d’avis sur l’aide à mourir – le chiffre est connu : de 3 % de demandes, on passe à 0,3 %. Il y a tout de même une intersection, madame Rousseau, car lorsque le médecin notifie, au bout de quinze jours, sa décision quant à l’aide à mourir, le patient peut être entré en soins palliatifs et avoir changé d’avis – vous me direz qu’il peut réitérer sa demande, mais je m’interroge sur ce cas particulier, puisque l’alinéa concerne une proposition de soins palliatifs qui n’est pas exactement l’objet du présent texte. J’ajoute qu’il ne s’agit pas de créer un recours, monsieur Mattei !
M. Gérault Verny
Très bon, Bazin !
(L’amendement no 1626 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements, nos 1627, 150 et 2517, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 150 et 2517 sont identiques.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1627, qui fait l’objet d’une demande de scrutin public par le groupe DR.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Thibault Bazin
Il vise à renforcer effectivement la collégialité de la décision du médecin concernant la demande d’aide à mourir, en rendant obligatoire la consultation d’un psychologue ou d’un psychiatre. Comme a tenu à le rappeler le président du comité d’éthique de l’Académie nationale de médecine, auditionné en commission le 2 avril, l’éthique est un questionnement collectif. Par cet amendement, je souhaite combler une absence car, en l’état, le texte ne prévoit pas ce qui se passerait si la personne malade était réorientée vers un psychologue ou un psychiatre. Dans l’esprit de la proposition de loi, le médecin qui notifie la décision devrait attendre l’avis favorable du psychologue ou du psychiatre avant de poursuivre la procédure d’aide à mourir – laquelle pourrait donc, le cas échéant, être arrêtée.
M. le président
La parole est à Mme Élisabeth de Maistre, pour soutenir l’amendement no 150.
Mme Élisabeth de Maistre
Cet amendement de mon collègue Le Fur vise le même objectif, à savoir orienter la personne qui souhaite recourir à une aide à mourir vers un spécialiste de la santé mentale qui pourra l’écouter et l’accompagner.
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin, pour soutenir l’amendement no 2517.
M. Philippe Juvin
Quand quelqu’un demande une aide à mourir – un suicide assisté ou une euthanasie –, il faut systématiquement requérir l’avis d’un psychiatre. Certains me répondront que nul ne peut obliger une personne malade à rencontrer un médecin, et c’est exact : elle pourra toujours refuser. Néanmoins, cela lui sera systématiquement proposé.
Mme Julie Laernoes et Mme Sandrine Rousseau
C’est déjà dans le texte !
M. Philippe Juvin
Il n’est pas écrit que cela lui sera systématiquement proposé. Or des troubles dépressifs, en particulier des troubles anxieux, peuvent altérer le jugement, fût-ce d’une manière discrète. Il faut aussi prendre soin de la santé mentale des Français.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Nous aborderons bientôt – si nous avançons suffisamment – la question de la collégialité et des professionnels amenés à se prononcer sur la demande d’aide à mourir. Néanmoins, l’alinéa 11 prévoit déjà que le médecin « propose à la personne de l’orienter vers un psychologue ou un psychiatre ». Le présent de l’indicatif du verbe « proposer » sous-entend qu’il est obligé de le faire : il est tenu de lui proposer cette orientation.
Mme Julie Laernoes
Eh oui !
M. Laurent Panifous, rapporteur
L’amendement est donc satisfait ; avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis. Je rappelle à nouveau que je présenterai un amendement no 2657 à l’article 6, tendant à prévoir, dans le cadre de la procédure collégiale, que dès lors qu’il existe un doute quant au discernement du patient, le médecin recueille l’avis écrit d’un neurologue ou d’un psychiatre. J’ai eu l’occasion de le dire à l’article 4, je le redis à présent et je défendrai l’amendement en question à l’article 6. Monsieur Hetzel, vous me direz qu’il n’est pas certain que cet amendement soit voté puisqu’il n’a pas encore été examiné…
M. Gabriel Attal
Nous le voterons !
Mme Catherine Vautrin, ministre
Il est vrai que je me réfère à l’article suivant, mais cela correspond à la hiérarchie du texte, qui est plus logique ainsi.
M. le président
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
À moins de ne pas avoir bien compris l’amendement de M. Bazin, je le trouve très dangereux.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Je suis d’accord !
M. Yannick Monnet
En l’état, le médecin propose d’orienter le demandeur d’une aide à mourir vers un psychiatre ou un psychologue, ce que le patient peut refuser – nous sommes d’accord. Mais s’il accepte, en l’obligeant à attendre l’avis favorable du spécialiste pour que la procédure collégiale continue, je crains, compte tenu des délais pour obtenir un rendez-vous et du fait qu’il est bien souvent impossible de consulter un psychiatre dans les territoires, qu’il choisisse plutôt de s’en priver. Autrement dit, l’amendement produira l’inverse de l’effet recherché.
M. le président
La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier
Le collègue Monnet l’a très bien dit à l’instant. La loi Kouchner existe, monsieur Bazin ! Écrire « propose » ou « oblige », ce n’est pas la même chose ; vous ne pouvez pas le laisser penser. Votre amendement présente une autre fragilité : si le psychiatre ou le psychologue donne un avis négatif, pourquoi faudrait-il s’appuyer uniquement sur cet avis pour refuser une demande d’aide à mourir ? Cela ferait sauter entièrement la dimension collégiale de la procédure,…
M. Yannick Monnet
C’est vrai !
M. Philippe Vigier
…à laquelle vous êtes tant attachés – nous y sommes d’ailleurs tous attachés, à tel point que nous en avons modifié les termes ; le président Valletoux est intervenu en ce sens, la ministre et le rapporteur général également. Ce ne serait pas bien.
Quant aux amendements identiques qui visent à faire en sorte que le psychologue ou le psychiatre s’assure que la lucidité du patient n’est pas atteinte, pardonnez-moi, mais cette condition est déjà prévue ; n’essayez pas de nous faire croire qu’elle pourrait être contournée. Les choses ont été rédigées avec clarté et rigueur, soyez à la hauteur !
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
Cette série d’amendements ne correspond en aucun cas à ce que vous laissez entendre. Nous cherchons simplement à orienter le patient vers des professionnels de la santé mentale, parce que les souffrances psychologiques doivent être prises en compte – cela a souvent été évoqué. La prise en charge globale de la personne qui fait une demande de mort ne peut pas faire abstraction de la santé mentale ; nous devrions tous en convenir.
En ce qui concerne la collégialité, madame la ministre, ne tournons pas autour du pot : j’ai regardé votre amendement no 2657 à l’article 6 : vous écrivez certes que le médecin sollicitera un psychiatre ou un neurologue lorsqu’il aura « un doute sérieux sur le discernement de la personne », mais vous ne dites rien de la nécessité que l’un ou l’autre rende un avis conforme. L’avis du psychiatre ou du neurologue obligera-t-il le médecin responsable de la procédure collégiale ? La dimension collégiale de la procédure m’apparaît comme un faux-semblant ; c’est cela qui nous préoccupe.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 1627.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 188
Nombre de suffrages exprimés 181
Majorité absolue 91
Pour l’adoption 70
Contre 111
(L’amendement no 1627 n’est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 150 et 2517 ne sont pas adoptés.)
M. le président
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 97, 263 et 1433, qui font l’objet d’une demande de scrutin public par les groupes RN et DR.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 97 de M. Fabien Di Filippo est défendu.
La parole est à M. Alexandre Portier, pour soutenir l’amendement no 263.
M. Alexandre Portier
Cet amendement, déposé à l’initiative de notre collègue Sylvie Bonnet, vise à améliorer la rédaction de l’alinéa 11 en précisant que la consultation d’un psychologue ou d’un psychiatre ne doit pas être optionnelle mais obligatoire, compte tenu de la gravité de la décision à prendre.
M. le président
La parole est à M. Philippe Ballard, pour soutenir l’amendement no 1433.
M. Philippe Ballard
L’euthanasie ou le suicide assisté constituent un billet aller, sans possibilité de retour. Il faut donc s’assurer du choix de la personne. Une consultation auprès d’un psychologue ou d’un psychiatre permettrait au patient, mais aussi à la société, de vérifier certaines choses, par exemple que le patient n’est pas victime de pressions familiales. Dans les pays qui ont fait le choix de l’euthanasie ou du suicide assisté – la Belgique, les Pays-Bas, le Canada –, on entend raconter des histoires gore, pour ne pas dire dégueulasses – pardon de devoir employer ce mot – (Protestations sur les bancs des groupes LFI-NFP, SOC et EcoS), où l’on oblige des personnes à recourir à l’euthanasie ou au suicide assisté pour des questions d’héritage. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Un député du groupe LFI-NFP
N’importe quoi !
M. Philippe Ballard
Ce n’est pas n’importe quoi, c’est la vérité ! Mais vous n’aimez pas la vérité, elle vous dérange ; c’est ce qui explique que vous ne soyez pas très à l’aise face à cet amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RN et UDR.)
M. le président
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Stéphane Delautrette, rapporteur.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
À titre personnel, je trouve vos propos proprement scandaleux et je crois que cet avis est largement partagé. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, LFI-NFP et EcoS.) Ce qui me dérange dans ces amendements, c’est qu’ils présupposent qu’une personne souhaitant recourir à l’aide à mourir est nécessairement déprimée ou dépressive. Vous rendez-vous compte du message que vous envoyez ainsi aux personnes qui sont dans la souffrance, qui attendent que nous fassions progresser leurs droits et que nous prenions mieux en compte leur situation ? En demandant que leur volonté soit systématiquement confirmée par un psychologue, vous laissez entendre que ces personnes ne seraient pas capables d’exprimer leur demande de façon libre et éclairée.
Mme Ayda Hadizadeh
Oui, c’est condescendant !
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Comme l’a bien expliqué Mme la ministre, l’article 6 relatif à la procédure – que je défendrai en tant que rapporteur – prévoit que si le médecin éprouve un doute sur le caractère libre et éclairé de la volonté du patient, il peut recueillir l’avis d’un psychologue ou d’un psychiatre. Toutefois, cela reste très différent de ce que vous proposez, puisque cet avis n’est sollicité que si un doute surgit quant au caractère libre et éclairé de la volonté de la personne. (Mme Christine Pirès Beaune applaudit.)
M. le président
La parole est à Mme Julie Laernoes.
Mme Julie Laernoes
Je m’insurge contre les propos tenus, qui ne devraient pas avoir leur place ici, selon lesquels des situations « gore » seraient constatées dans d’autres pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe EcoS et sur quelques bancs du groupe LFI-NFP. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe RN.) Je vous signale que les pays qui ont instauré une aide à mourir l’ont encadrée par une procédure claire. Aux Pays-Bas, puisque vous les citez, la loi prévoit une commission chargée d’examiner a posteriori tous les cas… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. Philippe Ballard
A posteriori ? Ce serait quand même mieux de le faire a priori !
Mme Julie Laernoes
Des critères a priori sont fixés pour pouvoir légalement accéder à l’aide à mourir, mais une commission examine également, a posteriori et à la loupe, l’ensemble des cas. Les dérives et les histoires « gore » dont vous parlez n’existent pas. (Mme Hanane Mansouri et M. Hervé de Lépinau s’exclament.) Au contraire, l’accès à l’aide à mourir permet de faire de la mort du patient, entouré par sa famille, un moment apaisé. Cessez de brandir ces faux étendards, ce n’est pas à la hauteur du débat ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EcoS et LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à Mme Justine Gruet.
Mme Justine Gruet
Ne nous caricaturez pas systématiquement ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LFI-NFP et EcoS.)
Mme Élise Leboucher
Elle a simplement réagi aux propos de M. Ballard !
Mme Justine Gruet
La demande d’aide active à mourir peut parfois cacher un appel à l’aide du fait d’une souffrance profonde. Parmi les conditions d’accès à l’aide à mourir, nous avons inclus, outre le fait d’être atteint d’une affection en phase avancée engageant le pronostic vital, la présence d’une souffrance psychologique qui peut être dépourvue de souffrance physique. Or la définition d’une souffrance psychologique, c’est une détresse intérieure.
Nous respectons la liberté du patient – qui est primordiale – puisque, si nous souhaitons l’orienter systématiquement vers un psychologue ou un psychiatre, le patient demeure libre de refuser une telle consultation. Mais le temps d’échange avec un psychologue ou un psychiatre peut se révéler bénéfique dans une période si difficile, y compris pour l’accompagnement des proches, notamment pour dissiper les doutes que le patient éprouverait sur la nécessité ou non de prévenir ces derniers.
M. le président
La parole est à M. Charles Sitzenstuhl.
M. Charles Sitzenstuhl
Les collègues qui défendent le texte devraient cesser de se voiler la face pour affronter la réalité. Nous disposons maintenant de plusieurs années de retour d’expérience dans les pays où l’euthanasie a été légalisée. Or il y a eu des dérives,…
M. Patrick Hetzel
Mais bien sûr !
Mme Julie Laernoes
Ce n’est pas vrai ! Et ce n’est pas à force de le répéter que cela le deviendra !
M. Charles Sitzenstuhl
…cela a été dit et publié dans la presse – et pas seulement celle de la droite la plus conservatrice. J’admets que vous puissiez défendre cette vision de la mort ; mais dire qu’il n’y a eu aucune dérive, c’est une contrevérité !
En l’occurrence, s’assurer, par le passage devant un psychologue ou un psychiatre, que des personnes en grande souffrance – car ce ne sont pas des personnes bien portantes qui font une demande d’aide à mourir ! – sont certaines de vouloir recourir à l’euthanasie ou au suicide assisté, et que leur décision ne masque pas d’autres problèmes, cela me semble constituer une protection élémentaire.
M. Stéphane Delautrette, rapporteur
Vous pensez vraiment que les gens demandent une aide à mourir comme ça, sans réfléchir ?
M. le président
Je mets aux voix les amendements identiques nos 97, 263 et 1433.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 186
Nombre de suffrages exprimés 183
Majorité absolue 92
Pour l’adoption 72
Contre 111
(Les amendements identiques nos 97, 263 et 1433 ne sont pas adoptés.)
M. le président
La parole est à M. Mickaël Bouloux, pour soutenir l’amendement no 602.
M. Mickaël Bouloux
Cet amendement, que je défends au nom de ma collègue Céline Thiébault-Martinez et d’une grande majorité des membres du groupe socialiste, vise à ne pas oublier les proches. Nous débattons du droit, pour une personne, à choisir en conscience les conditions de sa propre fin de vie. Cependant, chacun sait que la mort ne se vit jamais seul. Autour de chaque demande d’aide à mourir se trouvent des enfants, des conjoints, des sœurs, des frères et des amis – des proches souvent épuisés, submergés par l’angoisse, la douleur et parfois la culpabilité. Nous avons aussi un devoir envers eux.
Nous proposons donc que les proches d’une personne ayant formulé une demande d’aide à mourir puissent, s’ils le souhaitent, être orientés vers un soutien psychologique ou psychiatrique. Ce n’est ni une obligation, ni une procédure lourde, simplement une main tendue, un accompagnement humain, conformément à l’esprit du texte. Il s’agit aussi d’un enjeu de santé publique, car les deuils anticipés et les fins de vie douloureuses peuvent laisser des traces durables. Nous espérons donc, au nom de la cohérence et de la solidarité qui doivent irriguer cette proposition de loi, que cet amendement sera adopté.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Il est vrai que le texte prévoit, dans la section consacrée à la procédure, que la personne formulant la demande d’aide à mourir puisse être orientée vers un psychologue ou un psychiatre. Cet amendement exprime une attention louable à l’égard des proches qui vivent l’angoisse et le deuil au cours de cette procédure. Cependant, la notion de « proches » paraît vague ; il est peu souhaitable d’inscrire au cœur du texte une notion aussi floue, même si je comprends l’intention honorable qui vous guide. Avis défavorable à l’amendement tel qu’il est rédigé.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Défavorable.
M. le président
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie
J’entends que la notion de « proches » n’est pas assez précise. Toutefois, cet amendement soulève une véritable question. En effet, on observe souvent, lors d’un décès, des médecins prescrire des antidépresseurs aux proches du défunt. Un accompagnement permettant de traverser l’épreuve du décès et de faire son deuil mériterait d’être instauré, même si se pose le problème du manque de psychologues présents dans les centres médico-psychologiques (CMP) et les hôpitaux.
M. le président
La parole est à Mme Élise Leboucher, rapporteure.
Mme Élise Leboucher, rapporteure
Nous comprenons la volonté qui préside à cet amendement, mais nous voterons contre. En effet, nous pensons que faire intervenir les proches dès l’étape de la demande est prématuré : le patient doit demeurer au centre du dispositif. Il convient d’inclure les proches plus tard, au moment de l’acte ou après. (Mme Karen Erodi applaudit.)
M. le président
La parole est à M. Christophe Bentz.
M. Christophe Bentz
Nous voterons en faveur de cet amendement. Certes, on peut considérer le terme de « proches » comme trop vague, mais il est intéressant et révélateur : en incluant ne serait-ce que l’entourage familial dans le cadre de la procédure de l’aide à mourir, il conforte ce que nous, opposants au texte, n’avons eu de cesse de répéter : la liberté de choisir sa fin de vie ne se réduit pas à un choix individuel. (« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
Ce type d’amendement le prouve : la demande d’aide à mourir concerne, en dehors du seul patient, sa famille, ses proches…
Mme Élise Leboucher
Seulement dans un second temps !
M. Jean-François Coulomme
On n’appartient pas à sa famille, on appartient à soi-même !
M. Christophe Bentz
…et, finalement, la société tout entière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.)
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 602.
(Le vote à main levée n’ayant pas été concluant, il est procédé à un scrutin public.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 178
Nombre de suffrages exprimés 171
Majorité absolue 86
Pour l’adoption 99
Contre 72
(L’amendement no 602 est adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes RN, DR et UDR.)
M. le président
Sur l’amendement no 716, je suis saisi par le groupe Droite républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Alexandre Portier, pour soutenir cet amendement.
M. Alexandre Portier
Il tend à introduire l’obligation d’obtenir l’avis favorable d’un psychologue ou d’un psychiatre avant de pouvoir poursuivre la procédure d’aide à mourir. Monsieur le rapporteur, j’ai bien compris votre réponse sur ce point tout à l’heure. Nous sommes en désaccord : pour notre part, nous considérons qu’il s’agit d’une mesure de protection des plus vulnérables.
Mme Élisa Martin
Les plus vulnérables, vous pourriez vous en préoccuper avant qu’ils meurent !
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à Mme Sandrine Rousseau.
Mme Sandrine Rousseau
Adopter cet amendement reviendrait à mettre sous tutelle le patient, dont le sort dépendra de la décision d’un psychiatre. Nous souhaitons que le patient, au moment où il prend la décision de recourir à l’aide à mourir, soit libre de la prendre. Tout ce que vous essayez de faire, c’est placer cette personne sous la coupe du corps médical,…
M. Alexandre Portier
On appelle cela la protéger !
Mme Sandrine Rousseau
…alors que nous voulons, au contraire, que son avis soit supérieur à celui des médecins. Ces derniers doivent vérifier que certaines conditions sont remplies, mais il revient ensuite à la personne seule de décider.
Cela me rappelle les débats relatifs à d’autres sujets sociétaux, où il fallait à chaque fois qu’un psychiatre intervienne. Pendant longtemps, on a prescrit des thérapies de conversion – une initiative citoyenne européenne visant à les interdire vient de recevoir plus d’un million de signatures.
M. Hervé de Lépinau
Quel est le rapport ?
Mme Sandrine Rousseau
Vous ne pouvez pas faire des psychiatres la solution à tout ce que vous refusez dans la société ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NFP.)
M. le président
La parole est à M. Aurélien Pradié.
M. Aurélien Pradié
Personne ne peut prendre à la légère ce dont nous parlons : il ne s’agit pas d’un droit comme les autres, puisqu’il a vocation à conduire à la mort.
Toutes les étapes qui permettent de filtrer, d’avoir des garanties, voire de sécuriser, ne peuvent être balayées d’un revers de main.
En revanche, la vraie question, fondamentale, qui sous-tend ces amendements est la suivante : est-il possible de prendre, en conscience, la décision de mourir ?
Ces amendements laissent entendre qu’à la fin de sa vie, c’est-à-dire à un moment fatidique, on serait incapable de prendre lucidement une telle décision. Je n’adhère pas à cette idée. La conscience humaine est forte. Elle est en mesure, y compris au dernier instant, de prendre une décision, aussi grave soit-elle, en toute lucidité.
Enfin, il faut se méfier de l’idée selon laquelle nos convictions – que nous soyons favorables ou opposés au texte – deviendraient une doctrine imposée à chacun. Car, si tel était le cas, cela porterait atteinte non seulement à la liberté, mais aussi à la citoyenneté.
M. le président
La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant
J’irai dans le même sens que les orateurs précédents. Je comprends votre volonté de protéger. Cependant, le texte dont nous discutons – qui doit bien sûr encore évoluer, et c’est d’ailleurs pourquoi nous débattons – me semble équilibré, y compris d’un point de vue juridique.
À force de complexifier le texte, comme nous le faisons depuis un moment, nous risquons de lui ôter le caractère très protecteur qu’il avait jusqu’à présent et de créer des nids à contentieux. Or, si je me range à présent aux arguments du rapporteur – car, comme vous tous, j’ai cheminé tout au long de nos débats –, c’est précisément parce que le texte a cette vertu d’être protecteur et parce qu’il est solide sur le plan juridique.
Je tiens donc à mettre en garde tous mes collègues : à trop vouloir protéger, on risque de créer des problèmes et des contentieux.
M. le président
La parole est à M. Philippe Juvin.
M. Philippe Juvin
Certes, nous avons cette discussion à chaque amendement, mais j’aimerais poser les termes du débat. Si nous souhaitons un recours systématique au psychiatre, c’est tout d’abord parce que, c’est bien connu, le désir de mort est fluctuant.
Ensuite, il existe un risque d’enfermement décisionnel, c’est-à-dire que certaines personnes – pas toutes, certes – risquent d’être prises au piège par une décision non réversible qu’elles ont prise dans un moment de détresse. C’est en tout cas au psychiatre – qui dispose d’une expertise que nous n’avons pas – de le déterminer.
M. Alexandre Portier
Exactement !
M. Philippe Juvin
Enfin se pose la question, abyssale, de l’équilibre entre l’autonomie accordée aux individus et la protection des plus vulnérables. Il est faux d’affirmer que tout le monde a la même liberté de choix. Par exemple, est-on libre lorsqu’on souffre de dépression ? Les psychiatres savent que non – c’est bien pour cela que nous avons besoin de leur expertise.
Mme Ayda Hadizadeh
Et vous êtes pour le remboursement intégral des consultations psychiatriques ?
M. Philippe Juvin
Nous souhaitons simplement apporter un peu de subtilité au débat. On n’est pas toujours libre, en particulier si l’on souffre d’une maladie psychiatrique.
M. le président
Je mets aux voix l’amendement no 716.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 184
Nombre de suffrages exprimés 179
Majorité absolue 90
Pour l’adoption 69
Contre 110
(L’amendement no 716 n’est pas adopté.)
M. le président
Je suis saisi de deux amendements, nos 1864 et 1628, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Yannick Monnet, pour soutenir l’amendement no 1864.
La parole est à M. Yannick Monnet.
M. Yannick Monnet
Je veux d’abord profiter de l’occasion pour répondre à M. Mattei et à M. Balanant. Ce ne sont pas nos amendements qui insécurisent le texte – ils ne font que traduire nos craintes –, mais l’état de la santé dans notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes EPR, LFI-NFP et DR.)
Mme Élisa Martin
Eh oui !
M. Yannick Monnet
Si l’accès aux soins était total, nos débats ne seraient pas de même nature. Nos amendements visent à assurer une accessibilité…
M. Erwan Balanant
Ça n’a rien à voir !
M. Yannick Monnet
Si, justement, c’est le cœur du débat !
Quand un Français sur deux n’a pas accès aux soins palliatifs, on a le droit d’être inquiet s’agissant de l’effectivité de ce droit.
D’ailleurs, cet amendement en témoigne, puisqu’il prévoit d’ajouter, à l’alinéa 11, relatif à la consultation d’un psychologue ou d’un psychiatre : « et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective ».
Dans ce pays, pour obtenir un rendez-vous avec un psychiatre sur Doctolib, le délai est de douze jours en Bretagne et de quarante jours en Île-de-France ou en Auvergne.
M. Philippe Juvin
Bravo !
M. Yannick Monnet
Les Français n’ont pas le même accès aux soins sur l’ensemble du territoire, c’est bien cela qui pose problème. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe HOR. – Mme Ayda Hadizadeh applaudit également.)
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1628.
M. Thibault Bazin
Dans le même esprit que le précédent – quoiqu’avec une rédaction différente –, cet amendement est issu, je dois le reconnaître, de nos débats en commission. On y a beaucoup parlé de liberté, mais celle-ci n’est totale que si l’on a accès à l’ensemble des dispositifs d’accompagnement qui existent. Sinon, cela ressemble à une fausse liberté.
De même qu’il faut garantir l’accès aux soins palliatifs, la prise en charge en matière de santé mentale doit être satisfaisante, sinon cela peut poser un problème – surtout si c’est le patient qui formule la demande. À cet égard, je souhaite rassurer ceux qui expliquaient que nous voulions obliger la personne à voir un psychologue ou un psychiatre. Mon amendement prévoit bien d’ajouter : « si elle le souhaite ».
Sans cet accès, il n’y a pas de liberté. Le président Valletoux disait tout à l’heure que l’idéal serait que ce texte devienne une loi d’exception. Or, si l’on n’assure pas cet accès, si on ne le prévoit pas, aussi bien au niveau des critères que de la procédure ou de la définition, il ne s’agira pas d’une loi d’exception – surtout avec les difficultés que connaît notre système de santé.
Ceux qui seront privés de cet accès risquent d’opter pour une fausse solution. Ce serait terrible, car s’ils avaient bénéficié d’une prise en charge satisfaisante, ils n’auraient pas choisi ce que vous appelez un ultime recours.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Monsieur Monnet, je vais défendre votre amendement puisque vous ne l’avez pas vraiment fait (Sourires) – M. Bazin, lui a défendu le sien. Ce sont des amendements presque identiques, mais pas tout à fait. Ils visent à s’assurer de l’effectivité de l’accès aux psychologues ou aux psychiatres.
Il est vrai que, s’agissant des soins palliatifs, nous avons ajouté en commission, à l’alinéa 10, la mention « de manière effective », ce qui constitue une garantie. Nombre d’entre vous réclament que l’accès au psychologue ou aux psychiatre soit également sécurisé.
Par souci d’harmonisation, et parce que nous voulons garantir cet accès – il doit être effectif dès lors que « le médecin propose à la personne de l’orienter » vers ces spécialistes –, je suis pour une telle mention dans le texte.
Toutefois, j’émettrai un avis favorable à celui de M. Monnet plutôt qu’à celui de M. Bazin – qui est excellent par ailleurs. Car, avec le no 1864, M. Monnet propose, pour l’alinéa 11, exactement la même formulation qu’à l’alinéa 10. D’un point de vue légistique, cela me semble donc préférable. Voilà pourquoi je demande à M. Bazin de retirer son amendement, même s’il va dans le bon sens, et émettrai à défaut un avis défavorable.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
J’ai lu ces amendements avec beaucoup d’intérêt. M. Bazin, généralement soucieux de précision, n’évoque pas dans son amendement une exigence très importante – qu’il a d’ailleurs réclamée à plusieurs reprises sur d’autres sujets – : l’effectivité.
Son amendement prévoit en effet d’ajouter : « et s’assure qu’elle puisse en bénéficier si elle le souhaite » alors que le no 1864 prévoit une autre rédaction : « et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective ».
J’émets donc un avis favorable à l’amendement de M. Monnet, qui me semble plus protecteur, et demande à M. Bazin de retirer le sien – à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président
La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault Bazin
J’entends bien vos arguments. Je ne suis pas dogmatique : quand un amendement va dans le bon sens, j’y suis favorable – c’est d’ailleurs l’état d’esprit qui m’anime dans ce débat. J’accepte donc de retirer mon amendement au profit de celui de notre collègue Yannick Monnet.
(L’amendement no 1628 est retiré.)
M. le président
La parole est à M. René Pilato.
M. René Pilato
Nous voterons bien sûr pour l’amendement de M. Monnet.
Tout à l’heure, le collègue Pradié évoquait la question de la conscience et les différences d’appréciation qui existent au sein de cette assemblée.
La question fondamentale, cardinale, c’est de savoir à qui appartient notre corps. Ceux qui estiment que notre corps nous appartient défendent des libertés. Par conséquent, ils ne veulent pas que la famille se mêle de ces questions, pas plus que le psychologue ou le psychiatre – sauf si la personne concernée le souhaite et, dans ce cas, il faut assurer l’accès à ces spécialistes de manière effective.
D’autres, en raison de leurs croyances – qui sont respectables –, considèrent que le corps ne nous appartient pas. Se pose alors un problème de rapport à la République laïque. Je vous invite à y réfléchir.
M. le président
La parole est à M. Sébastien Peytavie.
M. Sébastien Peytavie
Il a été question tout à l’heure de consultation obligatoire d’un psychiatre. Or il faudrait d’abord vérifier dans quelles situations notre droit prévoit une obligation de soins. Il me semble totalement décalé d’évoquer cette éventualité dans le cadre de notre débat.
Par ailleurs, je nous invite, tous, à dégager des moyens pour les psychologues dans le cadre du PLFSS, le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mme Marie-Charlotte Garin et Mme Anne Stambach-Terrenoir
Eh oui !
M. Sébastien Peytavie
Le dispositif Mon soutien psy, par exemple, ne propose que sept ou huit séances qui ne répondent pas aux besoins. Avec tout cet argent, on pourrait créer un grand nombre de postes à l’hôpital. Il faudra s’en souvenir à l’automne. (Applaudissements sur les bancs des groupes EcoS, LFI-NFP et GDR. – Mme Ayda Hadizadeh applaudit également.)
(L’amendement no 1864 est adopté.)
M. le président
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir les amendements nos 38 et 39, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
M. Patrick Hetzel
Le no 38 prévoit que le recours au psychologue ou au psychiatre doit intervenir dans un délai de quinze jours pour s’assurer du consentement libre et éclairé et de la réelle volonté de la personne. Je propose ainsi de compléter l’alinéa 11 par les mots : « dans le délai de quinze jours mentionné à l’article L. 1111-12-4 ».
Le no 39 est assez différent puisqu’il prévoit d’ajouter, à ce même alinéa : « Il s’assure que la décision du patient ne souffre d’aucune pression extérieure. »
Avec cet amendement, j’évoque de nouveau le risque d’abus de faiblesse. Ce type de situation peut se présenter – ne soyons surtout pas naïfs. Le rôle du législateur est de l’anticiper en prenant les mesures nécessaires.
Certes, il ne sera pas toujours possible d’écarter un tel risque. Cependant il faut savoir que le problème est tout sauf marginal. Je rappelle aux collègues qui n’ont pas suivi nos débats en commission que les contentieux liés à un abus de faiblesse sont assez fréquents – jusqu’à 1 000 par an.
M. le président
Quel est l’avis de la commission ?
M. Laurent Panifous, rapporteur
Il est défavorable sur les deux amendements. Tout d’abord, s’agissant du no 39, je rappelle que la proposition de loi que nous examinons ne concerne pas exclusivement les personnes âgées. Par conséquent, on ne peut exiger du psychologue ou du psychiatre, mentionnés à l’alinéa 11, qu’ils soient formés à cette spécialité.
Ensuite, s’agissant du no 38, je n’imagine pas que le médecin oriente le patient vers un psychologue au-delà du délai de quinze jours qui lui est imparti.
M. le président
Quel est l’avis du gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre
Même avis.
M. le président
La parole est à M. Hervé de Lépinau.
M. Hervé de Lépinau
Premièrement, il est dommage que M. Monnet soit parti car, dans l’exposé sommaire de l’amendement no 38, il est question du consentement. Or vous vous souvenez que M. Monnet m’a fait la leçon hier en m’expliquant que les vices du consentement n’avaient pas leur place dans notre débat puisqu’il ne s’agit pas d’un contrat – il faudrait parler uniquement de discernement. Pour ma part, je fais confiance à notre collègue Hetzel. Il est professeur d’université, par conséquent il connaît le sens juridique des mots qu’il emploie.
------------------Cette partie de la séance est en cours de finalisation---------------------------------------------