Val-de-Marne (9e circonscription) | Mandat clos le 23 juin 2020 (15e législature)
  • M. Luc Carvounas
    Date : jeudi 13 février 2020
    Cible : Sur l'Article 10

    L’article 10 du projet de loi porté par le Gouvernement prévoit la mise en œuvre d’un « âge d’équilibre » à partir duquel les assurés pourront partir à la retraite à taux plein. Autour de cette « référence collective », s’articulera un mécanisme de bonus/malus qui impactera le montant des pensions.

    Le Gouvernement ne cache pas l’objectif de cette disposition : inciter les Françaises et les Français à travailler plus longtemps. Cette mesure centrale du projet de loi entre pourtant en contradiction avec la réalité du monde de l’emploi, et ce à plusieurs égards. 

    Dans un rapport publié en 2018, France Stratégie rappelait que le taux d’emploi des 60-64 ans n’atteignait que 30%en France tandis qu’il grimpait à plus de 42% en moyenne dans l’Union européenne. Pour la tranche d’âge 55-64 ans, ce taux n’était que de 56% contre 63% en moyenne dans les pays de l’OCDE. 

    De multiples causes expliquent le faible taux d’emploi des plus de 55 ans dans notre pays. Bien loin de idées reçues, on constate que seules 29% des personnes de 60 ans en situation de non-emploi touchent une pension de retraite. 

    Les séniors sont ainsi davantage confrontés aux situations de chômage de longue durée que le reste de la population. En 2018, 60,2% des personnes sans emploi de plus de 55 ans l’étaient depuis plus d’un an contre 41,8% pour l’ensemble des catégories actives selon les chiffres du Ministère du Travail.  

    Il apparait aussi clairement que le Gouvernement, dans son projet de loi, a omis une pluralité de facteurs et d’indicateurs qui pèsent sur les capacités d’emploi des plus âgés et, de ce fait, occulté une part substantielle de la réalité du monde du travail. Plus largement, l’idée d’instaurer un « âge d’équilibre » pose la question du modèle de société que nous souhaitons collectivement. 

    Ainsi, alors que France se distingue par un taux d’espérance de vie en bonne santé bien plus faible que dans le reste de l’Europe, il conviendrait davantage de porter un véritable projet progressiste, qui inclurait les plus fragiles au marché du travail plutôt que de les exposer à une précarité toujours plus grande, qui prendrait à bras-le-corps la problématique de la souffrance au travail plutôt que de contraindre les Françaises et les Français à travailler toujours plus longtemps dans des conditions parfois inacceptables.

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  • M. Luc Carvounas
    Date : jeudi 13 février 2020
    Cible : Sur l'Article 44

    Le Gouvernement a inscrit dans son projet de loi de réforme du système de retraite un « objectif de solidarité » passant notamment par la résorption des écarts de pension entre les femmes et les hommes mais également par une meilleure indemnisation des périodes d’interruption de l’activité professionnelle.

    Les inégalités de salaire entre genres continuent d’être importantes en France. Selon l’Observatoire des inégalités, les hommes touchent, pour un temps complet, 22,8% de salaire de plus que les femmes. Ces dernières continuent de gagner 21% de moins que leurs homologues masculins chez les 10% de la population les mieux rémunérés tandis que l’écart reste de 7% chez les 10% les moins bien rémunérés.

    A poste égal, il demeure un écart de salaire d’environ 10,5% entre hommes et femmes. Il convient par ailleurs de rappeler que ces dernières occupent bien plus souvent un emploi à temps partiel (près de 30%) que ne le font les hommes (environ 8%).

    Enfin, les femmes apparaissent davantage sujettes aux carrières hachées : 55% d’entre-elles arrêtent de travailler ou réduisent leur temps de travail au-delà de leur congé de maternité pour s’occuper de leur enfant contre seulement un homme sur dix selon les chiffres publiés en 2013 par l’INSEE. 

    Ces inégalités tout au long de la carrière ont un effet direct sur le niveau de retraite des femmes. De fait, bien que celles-ci cessent leur activité en moyenne un an après les hommes, leur pension de droit direct leur reste inférieure de 42%. On estime ainsi à environ 37% la part de femmes retraitées touchant moins de 1000 euros de pension brute de droit direct contre seulement 15% des hommes. 

    La réforme du système de retraite voulue par le Gouvernement aurait pu être l’occasion de mettre un terme à ces inégalités. Pourtant, il n’en est rien. Pire encore, il semble que les nouvelles modalités de détermination du montant des pensions pénaliseront davantage la plupart des femmes, en particulier les mères.

    Comme l’a démontré l’Institut de la Protection Sociale dans un rapport publié en novembre 2019, l’instauration d’un âge d’équilibre à 64 ans pénalisera durablement les mères d’un ou deux enfants. De fait, si ces dernières souhaitent liquider leur pension, comme actuellement, à l’âge de 62 ans, elles devront subir une décote de 10% qui « annihilera largement la majoration de 5% par enfant ».

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  • M. Luc Carvounas
    Date : jeudi 13 février 2020
    Cible : Sur l'Article 55

    L’article 55 du projet de loi portant réforme du système de retraite instaure une « règle d’or » imposant l’équilibre financier à horizon de cinq ans dès l’année 2025. Cette disposition en apparence anodine aura de lourdes conséquences sur la durée de travail des assurés et impactera durablement le montant de leur pension.

    Le Président de la République lui-même promettait en 2017, à la douzième page de son programme, de ne toucher ni « à l’âge de départ à la retraite » ni « au niveau des pensions ». Une fois au pouvoir, ce dernier rappelait par ailleurs sa préférence pour une réforme systémique – modifiant les modalités du système – à une réforme paramétrique – incluant des éléments purement budgétaires pour réduire à tout prix les coûts.  

    Quelques mois plus tard, alors que le texte gouvernemental a été officiellement remis au Parlement, ces promesses semblent toutes oubliées.

    S’est ainsi révélé un vaste projet de remise en cause des acquis du modèle de retraite existant à la faveur d’un nouveau système uniquement guidé par des préoccupations budgétaires.

    La mise en œuvre d’une « règle d’or » interdisant tout déficit sur une période glissante de cinq ans est l’un des éléments du projet de loi illustrant avec le plus de fidélité la prédominance des intérêts financiers au sein du nouveau système.

    Effet direct de la réforme : la baisse de la part de la dépense publique consacrée aux pensions de retraites attendue dès les premières années de mise en œuvre du nouveau système. Selon l’étude d’impact fournie par le Gouvernement, cette part passerait sous les 13% du produit intérieur brut (PIB) dès 2050 (contre 13,8% aujourd’hui) alors même que le nombre de bénéficiaires d’une pension de retraite est en constante augmentation. 

    Les assurés seront les premières victimes de cette réforme financière. Car tout semble permis pour assurer l’équilibre budgétaire du système. Ainsi, outre l’allongement du temps de travail, le montant des pensions lui-même apparait comme une variable d’ajustement.

    Comme l’illustre l’exemple suédois, il est à craindre que le nouveau système par point, de par la place centrale qu’il accorde aux éléments financiers, entrainera inévitablement une baisse du montant de la retraite des Françaises et des Français.

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  • M. Luc Carvounas
    Date : jeudi 13 février 2020
    Cible : Sur l'ensemble du texte

    Par ce Projet de Loi, le Gouvernement prétend mener une réforme juste et nécessaire. Elle est en réalité injuste et discutable.
    En effet, le Conseil d’Orientation des Retraites a démontré dans un récent rapport que notre système actuel de retraite reviendrait à l’équilibre financier en 2025. De plus, avec ce système, la France demeure le pays européen au plus faible taux de pauvreté des retraités, quand l’Allemagne et la Suède – pourtant tant vantées par le Gouvernement – sont les deux pays où le taux de pauvreté des retraités sont les plus forts. 

    Aussi, comment prétendre que l’universalité du nouveau système proposé irait vers davantage de justice ? La réalité des faits démontre le contraire, notamment lorsque l’on souligne qu’il y’a 13 années d’écart d’espérance de vie entre les 5% des Français les plus riches et les 5% des Français les moins aisés. 

    Relevons aussi la détermination du Gouvernement à faire travailler les Français plus longtemps. En réalité, cette mesure reviendra à baisser les pensions, puisque seule une personne sur deux est employée entre 55 et 64, et seulement 30% des 60-64 ans détiennent un emploi en France. 

    Au sujet des régimes spéciaux, rappelons que cela ne concerne que 9 milliards d’euros sur un budget global retraites de 300 milliards d’euros.

    Malgré cela, le Gouvernement n’a de cesse d’opposer les Français les uns aux autres. Pourtant, il s’agit bien souvent de nos services publics et des conditions de vie digne que nous souhaitons pour leurs agents. 

    Sans réforme paramétrique, le Gouvernement pronostique un déficit supplémentaire de 8 à 17 milliards d’euros. Ces sommes sont pourtant à placer en balance avec les choix politiques budgétaires de la Majorité et du Président de la République depuis 2017 : suppression de l’ISF qui coûte 4 milliards d’euros par an au budget de la Nation, mesures sociales non compensées dans le budget de la Sécurité sociale suite au mouvement des Gilets Jaunes…

    Même la suppression de la Taxe d’habitation – 28 milliards d’euros par an en moins pour le budget de l’État – censée redonner du pouvoir d’achat aux Français risque donc d’être compensée par une baisse des pensions de retraites. 

    On peut d’ailleurs regretter fortement l’absence de simulateur crédible pour permettre aux usagers de calculer leur future retraite sur la base de ce nouveau système à points. Les différents éléments paramétriques de cette réforme apparaissent donc comme un outil permettant d’ajuster à terme le montant des pensions. Sur ce point, on peut s’inquiéter de la possible tentation pour les pouvoirs publics d’utiliser le système de retraite comme une variable d’ajustement pour  lutter contre le déficit public.

    Par ailleurs, cette incertitude permanente sur le niveau des pensions impactera directement les assurés qui ne pourront pas anticiper à l’avance le montant de leur retraite.

    Ces inquiétudes ne sont pas de vaines spéculations. En effet, la Suède, qui a adopté une réforme similaire de son système de retraite il y a vingt ans, est un exemple éclairant pour mettre en lumière les dangers d’un tel modèle de détermination des pensions.

    Ainsi, après la crise financière de 2008, le montant des pensions a fortement baissé : -3% en 2010, -4% en 2011. Plus largement, l’instauration d’objectifs budgétaires a conduit à une baisse du montant des retraites pour 92% des femmes et 72% des hommes. 

    Face à la dureté du système, les séniors doivent travailler toujours plus longtemps pour s’assurer un revenu digne. Aujourd’hui, 38% des Suédois de plus de 67 ans perçoivent toujours un salaire contre 18% en 2000. Le taux de pauvreté des retraités, quant à lui, culminait à 14,7% en 2017.

    Pourtant, une autre réforme des retraites est possible. 

    Avec la Plateforme commune des forces de Gauche et des Écologistes, nous publions des propositions qui garantiraient une réforme juste et efficace : améliorer le système par répartition ; garantir un droit à la retraite en bonne santé pour toutes et tous ; instaurer une règle d’or qui garantisse la parité du niveau de vie entre les retraités et les travailleurs, dans le public comme dans le privé ; prendre en compte plus encore la pénibilité ; assurer une retraite minimum au niveau du SMIC ; réaliser l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. 

    Compte tenu de l’ensemble de ces éléments non exhaustifs, je voterai bien évidemment contre cette réforme qui nous est proposée par le Président de la République et sa Majorité.

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