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mercredi 19 janvier 2022Rubrique : enseignement supérieurTitre : Droits d'inscription à l'université
DROITS D'INSCRIPTION À L'UNIVERSITÉ
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas. Ma question s'adresse à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
« On ne pourra pas rester durablement dans un système où l'enseignement supérieur n'a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants » : c'est par ces mots que le Président de la République a appelé à une « nouvelle politique d'investissement dans l'enseignement supérieur et la recherche pour les dix ans qui viennent ». (M. Ugo Bernalicis applaudit.) Pensez-vous vraiment, madame la ministre, qu'il convient de poser le problème en ces termes ? Deux ans de crise sanitaire éprouvante pour les étudiants, privés de cours, de stages, d'emplois ; deux ans durant lesquels nous avons vu ces jeunes, fragilisés financièrement, mais aussi psychologiquement, grossir les files des demandeurs d'aide alimentaire ; tout cela pour qu'en une phrase, sans empathie, sans bienveillance aucune, le Président de la République nous explique que « l'enseignement supérieur n'a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants » – alors que la moitié d'entre eux travaillent et que, pour beaucoup, le logement demeure plus qu'un souci.
Ces propos résonnent violemment (Même mouvement) auprès de ces jeunes qui ne discernent pas d'issue favorable à la crise, y compris ceux pour lesquels le problème n'est pas financier. Au sous-financement chronique des universités, à l'inadaptation du système, à la précarité des étudiants, au fait que 50 % d'entre eux ne se présentent pas aux examens de première année et que la plupart, en fin de cycle, sont confrontés à l'absence de débouchés, la seule réponse qu'esquisse le Président est la fin de la gratuité de l'enseignement supérieur.
M. Ugo Bernalicis. Eh oui !
Mme Frédérique Dumas. Cette annonce n'a évidemment été accompagnée d'aucune autre proposition concrète, d'aucune concertation, d'aucun débat. Présentée comme la solution qui résoudrait magiquement tous les maux de l'université, elle consiste en fait à détruire un modèle sans garantir que le suivant sera plus vertueux.
Face à un diagnostic établi en fin de mandat, à un effet d'annonce électoral, à la perspective de nouveaux clivages, souhaitez-vous sincèrement, madame la ministre, remettre en cause la gratuité de l'enseignement supérieur public ? Que comptez-vous faire pour remédier réellement aux maux dont souffrent l'université et les étudiants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Toute phrase se termine par un point ou autre signe de même valeur.
M. Sylvain Maillard. C'est vrai !
Mme Frédérique Vidal, ministre . Si vous aviez eu l'honnêteté de lire intégralement celle qu'a prononcée le Président de la République,…
M. Ugo Bernalicis. Elle était longue, sa phrase !
Mme Frédérique Vidal, ministre . …vous auriez constaté son véritable sens : nous ne pouvons continuer à combiner les caractéristiques que je rappelais tout à l'heure – un financement presque exclusivement public, la gratuité, l'attribution massive de bourses et cependant une forte précarité étudiante.
Je le répète, c'est ce que le Président a réellement dit,…
M. Ugo Bernalicis. Justement !
Mme Frédérique Vidal, ministre . …et je vous incite d'autant plus à lire son discours que vous déclarez qu'il ne propose rien. Or il ne propose certes pas d'augmenter les frais d'inscription, mais au contraire d'accompagner davantage les étudiants, de mieux prendre en compte leur santé, d'accroître les possibilités offertes dans le cadre de la vie étudiante, de généraliser celle d'un suivi psychologique, de développer la formation continue tout au long de la vie, d'œuvrer en vue de conduire vers l'emploi la majorité des jeunes.
En outre, vous ne pouvez ignorer ce qu'a déjà accompli cette majorité : depuis les bancs de votre groupe (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LT et FI – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM), vous avez bien vu que nous supprimions la sécurité sociale étudiante, que nous instaurions la mutuelle à 1 euro, la gratuité des protections périodiques et de la contraception. Grâce à nous, 170 000 consultations également gratuites ont été données par des psychologues, 18 millions de repas à 1 euro servis. Madame la députée, si vous estimez que rien n'a été fait, si vous retenez des propos du Président de la République, qui n'a pas parlé un instant d'augmenter les droits d'inscription, qu'il veut précisément les augmenter, je vous laisse à vos conclusions ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. Sylvain Maillard. Très bien !
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mercredi 8 décembre 2021Rubrique : sang et organes humainsTitre : Trafic d'organes humains
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas. Hier, les États-Unis ont annoncé le boycott diplomatique des Jeux olympiques de Pékin. Le 31 janvier 2020, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a voté une résolution qui recommande notamment que « les États parties fassent preuve d'une grande prudence en ce qui concerne la coopération avec le système de réponse des greffes d'organes en Chine et la Croix-Rouge chinoise ».
Le 14 juin dernier, des experts de l'ONU ont reconnu être très alarmés par les rapports qu'ils ont reçus au sujet de la pratique de prélèvements forcés d'organes en Chine sur des prisonniers issus de minorités ethniques, linguistiques et religieuses, rapports qu'ils ont qualifiés de crédibles.
La France a signé en 2019 la convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains, dite convention de Compostelle. Sa ratification était enfin inscrite à l'ordre du jour de notre assemblée pour être discutée dans l'hémicycle ce jeudi 9 décembre mais nous avons appris ce matin qu'elle avait été retirée par le Gouvernement sans aucune explication et sans qu'une nouvelle date d'examen ne soit annoncée.
Ce même 9 décembre, le Uyghur Tribunal rendra son jugement sur les crimes contre l'humanité et le risque sérieux de génocide en cours contre les Ouïghours.
Retirer ce texte dans ce contexte est donc un geste symbolique extrêmement grave. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, est-ce le signe d'un renoncement ou bien au contraire d'une prise de conscience ? Le Gouvernement va-t-il passer à l'acte et prendre l'engagement de modifier le droit pénal français afin de permettre de lever les réserves que la France est un des très rares pays signataires à avoir émises ?
Les établissements de recherche et de santé publics et privés français ont passé depuis vingt ans de nombreuses conventions de coopération scientifiques et médicales avec la Chine. Or, si ces conventions prévoient bien évaluations et contrôles, il n'existe aucun outil concret et effectif pour les mener à bien, comme l'a souligné la direction générale de l'offre de soins (DGOS) ?
Allez-vous donc vous décider à aller plus loin et donner un avis favorable à la proposition de loi visant à s'assurer du respect des principes éthiques par nos partenaires extra-européens et nous garantir que nous ne nous rendrons pas indirectement complices du pire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – Mme Constance Le Grip applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
M. Pierre Cordier. On a les ministres qu'on peut !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Sur ce sujet des droits de l'homme en Chine, notamment sur la situation des Ouïgours, la France, vous le savez, a toujours fait entendre sa voix, une voix forte (Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe LR), une voix qui s'est ralliée à celle des Européens. J'en veux pour preuve le régime de sanctions qui a été arrêté le 22 mars dernier, étape historique depuis les événements de Tiananmen en 1989.
M. Maxime Minot. Historique ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État . En octobre dernier à nouveau, c'est la France qui a lu à l'ONU la déclaration commune sur la situation des Ouïghours. Vous le savez, nous ne transigerons sur rien. Nous soutenons la proposition d'Ursula von der Leyen qui vise à interdire la commercialisation des produits issus du travail forcé, position claire et nette.
S'agissant de la convention, je peux vous dire qu'elle sera inscrite prochainement à l'ordre du jour (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR) puisqu'elle sera discutée le 26 janvier 2022 dans cet hémicycle. Ce sera l'honneur de l'Assemblée de l'adopter. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)
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mercredi 22 septembre 2021Rubrique : prestations familialesTitre : Retards dans le traitement des dossiers de la CAF
RETARDS DANS LE TRAITEMENT DES DOSSIERS DE LA CAF
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas. Ma question s'adresse au ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le ministre, depuis plusieurs mois, les retards s'accumulent dans le traitement des dossiers de la CAF – caisse d'allocations familiales –, ce qui entraîne des conséquences désastreuses. Plus de 5 millions de pièces sont en attente de traitement ; en moyenne, les caisses accusent un retard de trois à quatre mois et dans certains endroits, les dossiers reçus le 12 mai dernier viennent seulement d'être traités. La réforme de l'APL – aide personnalisée au logement –, finalement entrée en vigueur le 1er janvier dernier, a catalysé les difficultés.
Tout d'abord, les jeunes dont les revenus sont compris entre 800 et 1 300 euros mensuels ont vu leur APL diminuer en moyenne de 95 euros par mois, et la baisse va jusqu'à 106 euros pour les salaires compris entre 1 201 et 1 521 euros. Par ailleurs, la réforme a introduit un nouveau mode de calcul très complexe, pris en charge par un nouveau logiciel qui s'est superposé à l'ancien système, devenu complètement obsolète. Cela a eu pour conséquence des bugs en cascade, des erreurs de calcul et d'importants ralentissements. Les salariés nous ont confié que pour verser l'allocation de rentrée scolaire à temps, il a fallu suspendre le système informatique pendant trois heures dans toute la France, tant il est dépassé.
À cela s'ajoute le manque d'effectifs. La convention d’objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 prévoyait 2 100 suppressions de postes, et les accueils physiques continuent de fermer. Une telle situation n'est pas tenable pour les allocataires, qui attendent depuis plusieurs mois les prestations auxquelles ils ont droit, alors que le contexte de crise sanitaire et économique a fragilisé de nombreux foyers. Elle ne l'est pas non plus pour les salariés des CAF, qui se voient imposer des heures supplémentaires ou des rachats de RTT pour suivre la cadence, et qui doivent parfois faire face à la colère de personnes en souffrance.
Monsieur le ministre, ma question est donc simple : allez-vous enfin engager les moyens nécessaires pour mener à bien la réforme sur le terrain, dans des conditions décentes pour les allocataires et pour les salariés ? Allez-vous en particulier décider d'un moratoire sur les suppressions de postes, dans le cadre des négociations de la prochaine COG ? M. le Premier ministre vient d'annoncer la recentralisation du RSA ; on peut donc craindre le pire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Vous avez évoqué la réforme de l'aide au logement, tant sur le fond que sur le plan de son organisation. Cette réforme est importante parce qu'elle est juste : vous le savez, elle a permis de mieux faire correspondre le montant de l'aide à celui des ressources les plus récentes des 6 millions de bénéficiaires. À ce titre, elle fait l'objet d'un suivi très attentif de la part du Gouvernement.
Vous avez mentionné plusieurs dysfonctionnements. Certes, quelques difficultés se sont fait jour et je vais y revenir. Mais je voudrais avant toute chose saluer l'engagement de l'ensemble des personnels de la CAF, que je rencontre régulièrement – en tant que secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, j'ai eu l'occasion, lors de mes déplacements, de me rendre dans de nombreuses caisses et ainsi d'échanger avec les agents à propos des difficultés qu'ils ont pu rencontrer ces dernières semaines et ces derniers mois.
Même si elle est encore tendue dans certains endroits, ce à quoi il faut évidemment remédier, la situation s'améliore. Vous l'avez dit, la réforme a pris appui sur un nouveau système d'information et de calcul. Des réglages et des incidents liés à cette nouveauté ont causé des difficultés réelles ; nous estimons néanmoins que 2 % seulement des allocataires ont été touchés à l'occasion de la contemporanéisation – c'est le terme consacré – de l'APL. En outre, chaque difficulté a été corrigée de manière individualisée et chaque anomalie a été réparée. Il est incontestable qu'elles ont surchargé le réseau et affecté ses agents ; je leur rends une fois de plus hommage.
Sachez cependant, madame la députée, que nous n'avons observé aucune rupture de service. Si un délai de traitement plus long a pu être constaté s'agissant de certains dossiers, le paiement a toujours été effectué, qu'il s'agisse des aides au logement ou des autres allocations que vous avez mentionnées.
Enfin, sachez – pour être totalement complet – qu'un plan de remédiation est à l'œuvre à la Caisse nationale des allocations familiales et dans chacune des CAF depuis plusieurs mois, et que d'autres tâches ont été reportées afin de mieux faire face à la situation. Je veux d'ailleurs souligner que la dernière mission importante, qui a consisté fin août à recalculer les droits de 1,3 million d'allocataires, s'est parfaitement déroulée. Nous sommes donc sur la voie d'une amélioration pour les 13 millions d'allocataires que comptent les CAF. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas. Vous nous confirmez donc, monsieur le secrétaire d'État, que le dispositif n'a pas fonctionné et que cette situation perdure. Il est vrai que, comme le montre la recentralisation du RSA, vous voulez toujours aller plus vite et plus fort, surtout quand ça ne marche pas ! (M. Bertrand Pancher applaudit.) C'est très angoissant et vous savez… (M. le président coupe le micro de l’orateur.)
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mardi 21 septembre 2021Rubrique : familleTitre : Intérêt de l'enfant - Résidence alternée
Mme Frédérique Dumas attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'intérêt pour l'enfant, en cas de séparation conjugale, de privilégier un temps de présence parentale aussi équilibré que possible. En effet, la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a fait entrer la résidence alternée dans le code civil. Les travaux préparatoires montrent que la volonté du législateur était de donner la priorité à ce mode de résidence. Ainsi, le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale manifeste le souhait « qu'en cas de désaccord des parents sur la résidence de l'enfant, la priorité soit donnée à la formule de la garde alternée » (rapport n° 3117 de M. Marc Dolez, déposé le 7 juin 2001). Pourtant, près de 20 ans après le vote de cette loi, seuls 12 % des enfants de parents séparés se trouvent en résidence alternée d'après l'Insee, alors que ce chiffre atteint, par exemple, 40 % en Belgique. Cette situation ne peut s'expliquer uniquement en avançant le désintérêt général des pères, puisque, en cas d'opposition de la mère, la demande de résidence alternée formulée par le père n'est accordée que dans 25 % des cas. Il apparaît donc que la volonté du législateur français de 2002 n'a pas été respectée. Une récente étude publiée par Dalloz, réalisée après une enquête auprès des juges (AJ Famille, juillet 2021), confirme que si certains juges aux affaires familiales sont plutôt favorables au principe de la résidence alternée, d'autres y sont opposés, ce qui nourrit chez les justiciables la crainte légitime d'un aléa judiciaire. Or dans un arrêt rendu le 1er juillet 2021, la cour d'appel de Paris, infirmant l'ordonnance de première instance, vient de juger que « la mise en place d'une résidence en alternance peut être tout à fait bénéfique pour l'enfant en lui permettant de développer avec chacun de ses parents de réelles relations et de continuer à se construire de la manière la plus équilibrée possible, en se nourrissant des apports spécifiques transmis par son père et par sa mère » (CA de Paris, pôle 3 - chambre 3, 1er juillet 2021, n° 20/12170). Ce principe doit d'ailleurs également s'appliquer pour les couples du même sexe au titre de l'égalité parentale. Une modification de la loi française permettrait d'unifier la jurisprudence et de réduire ainsi l'actuel aléa judiciaire, contraire au principe d'égalité devant la loi. Chacun a en effet le droit d'être jugé de la même façon, quel que soit son lieu de résidence. Cette priorité pourrait se traduire par la création, comme en Belgique, d'un régime de présomption légale, de la même façon qu'il est présumé conforme à l'intérêt de l'enfant d'entretenir des relations personnelles avec ses grands-parents (art. 371-4 du code civil). Elle lui demande donc ce qu'il entend mettre en œuvre pour un temps parental partagé en cas de séparation des parents et pour la promotion de la résidence alternée lorsqu'elle est possible.<
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mardi 17 août 2021Rubrique : politique extérieureTitre : Prélèvements forcés d'organes en Chine
Mme Frédérique Dumas attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la question des prélèvements forcés d'organes pratiqués en République Populaire de Chine. En 2018, M. le ministre a répondu à plusieurs questions écrites sur ce sujet. Parmi les nombreux éléments de réponse qu'il a apportés figurait celui-ci : « La Chine a rendu illégal le trafic d'organes en 2007 et a officiellement mis fin aux prélèvements d'organes sur des prisonniers exécutés en 2015. La réforme a permis des avancées positives. Aujourd'hui, le système de transplantation est basé sur des dons d'organes. L'enjeu pour la Chine demeure à présent la pleine mise en œuvre de la loi ». Cependant, bien que la Chine soit bien partie à la Convention de Palerme, de nombreuses preuves ont été apportées de pratiques de prélèvements d'organes dont l'origine n'est pas précisée et pour lesquels aucune preuve de consentement n'est apportée. On assiste par ailleurs à l'institutionnalisation de telles pratiques à l'égard de prisonniers de conscience, des minorités musulmanes ouïghoure et kazakhe, tibétaine, chrétienne ou encore des pratiquants du Falun Gong. En 2019, les spécialistes Matthew P. Robertson, Raymond L. Hinde et Jacob Lavee publiaient un article dans la revue BMC Medical Ethics qui concluait que « la seule explication plausible qu'il est possible de donner aux éléments étudiés par les auteurs est que les données officielles de transplantation d'organes sont falsifiées et manipulées systématiquement par la Chine. Certains donneurs apparemment non volontaires semblent être également classés à tort comme volontaires ». En 2019 toujours, le China Tribunal, un tribunal indépendant qui s'est constitué à Londres, a analysé toutes les preuves existantes sur ce sujet. Il a déterminé dans son jugement « à l'unanimité et au-delà de tout doute raisonnable, qu'en Chine, le prélèvement forcé d'organes sur des prisonniers d'opinion est pratiqué depuis un certain temps sur un très grand nombre de victimes ». En janvier 2020, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté la résolution 2327, proposée en 2016, sur le tourisme pour la transplantation d'organes. Dans cette résolution, l'Assemblée recommande « que les États parties fassent preuve d'une grande prudence en ce qui concerne la coopération avec le « China Organ Transplant Response System » (Système de réponse des greffes d'organes en Chine) et la Croix-Rouge chinoise, à la lumière d'une étude récente qui jette le doute sur la crédibilité de la réforme du système chinois de transplantation d'organes ». Le 14 juin 2021, des experts de l'ONU se sont dit « extrêmement alarmés » par les informations faisant état de « prétendus prélèvements d'organes » ciblant des minorités en détention en Chine. Ces experts ont déclaré que les informations reçues étaient crédibles et décrivaient que des détenus appartenant à des minorités ethniques, linguistiques et religieuses pourraient être soumis de force à des tests sanguins et à des examens d'organes tels que des ultrasons et des radiographies, sans leur consentement éclairé et que les résultats des examens seraient enregistrés dans une base de données de sources d'organes vivants qui facilite l'attribution des organes. Les experts ont également déclaré que malgré le développement progressif du système de dons d'organes chinois, « des informations continuaient d'émerger sur de graves violations des droits humains dans l'obtention d'organes pour la greffe en Chine ». La liste des preuves est donc sans fin. Dans ce contexte, elle lui demande de faire de la lutte contre les pratiques du prélèvement forcé d'organes en République Populaire de Chine une priorité absolue. Elle lui demande à ce titre si la France, au-delà des mécanismes déjà existants et de la prochaine ratification de la Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains, va mettre en place des actions concrètes afin de lutter concrètement contre ce fléau. Afin que les grands principes de la Convention de Compostelle ne soient pas que des mots et se traduisent dans la réalité, elle lui demande si la France va lever les réserves qu'elle a émises lors de la signature de la Convention de Compostelle et qui vident en partie cette dernière de sa substance. Elle lui demande de bien vouloir répondre à l'ensemble de ces points.<
La lutte contre le trafic et la traite des êtres humains constitue une priorité de premier plan pour l'action de la France sur la scène internationale. La France et la Chine sont parties à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite convention de Palerme, et à son protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. La définition internationalement agréée de la traite des êtres humains, telle qu'elle figure dans ce protocole, mentionne explicitement le prélèvement d'organes, qui doit donc être réprimé par tous les États parties. La France a par ailleurs soutenu les résolutions adoptées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et condamnant le trafic d'organes et de tissus d'origine humaine (résolutions WHA 40.13 et WHA 42.5). Elle soutient également les principes directeurs de l'OMS sur la transplantation d'organes énoncés dans la résolution WHA 44.25. Ces principes directeurs font du consentement l'un des principes de base du prélèvement d'organes afin de prévenir et combattre la traite des personnes à des fins de prélèvement d'organes et de trafic d'organes humains. Concrètement, la priorité accordée à cette question a conduit la France à rejoindre, en 2019, la campagne « Cœur bleu » lancée par l' Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), ainsi qu'à lancer un appel à un renforcement de la coopération internationale pour combattre la traite des êtres humains et soutenir les victimes à l'occasion de la 10e Conférence des États parties à la Convention de Palerme, qui s'est tenue du 12 au 16 octobre 2020. La France a porté conjointement avec les États-Unis une résolution sur le sujet lors de cette conférence. La France a également lancé un appel à un renforcement de la coopération internationale en la matière, lors du 14e Congrès des Nations unies pour la prévention du crime et la justice pénale, qui s'est tenu à Kyoto, du 7 au 12 mars 2021. À cette occasion, la France a veillé à ce que la lutte contre la traite des êtres humains soit reconnue comme une priorité collective dans le cadre de la déclaration politique adoptée à l'ouverture du Congrès par l'ensemble des parties. Cette déclaration constitue la feuille de route de la communauté internationale en matière de lutte contre la criminalité et de coopération judiciaire pénale pour les cinq prochaines années. Au sein de l'Union européenne, la traite des êtres humains, qui intègre la question de la traite aux fins du prélèvement d'organe, constituait l'une des 13 priorités du cycle politique européen de lutte contre la criminalité organisée (2014-2017) identifiées par EUROPOL. Cette priorité a été, avec le soutien de la France, maintenue dans le cycle 2018-2021. Au niveau national, tous les organismes et établissements français sont liés par la Convention d'Oviedo du Conseil de l'Europe sur les droits de l'Homme et la biomédecine. Leurs conventions de coopération avec des pays tiers doivent respecter les principes de bioéthique fixés par cette convention, et notamment la protection de l'être dans sa dignité et le respect à toute personne, sans discrimination, de son intégrité et de ses autres droits et libertés fondamentales à l'égard des applications de la biologie et de la médecine. Cette convention insiste également sur la nécessité d'un consentement libre et éclairé pour toute intervention dans le domaine de la santé et pose des conditions strictes au prélèvement d'organes ou de tissus aux fins de transplantation. Si les établissements français sont libres d'établir des coopérations avec l'étranger, au titre de la loi d'autonomie des universités de 2007, des mécanismes de vérification de conformité des accords avec la législation et les engagements internationaux de la France sont mis en œuvre au niveau de chaque établissement à travers le réseau des Fonctionnaires de défense et de sécurité. Le Comité consultatif national d'éthique a, en outre, un rôle de sensibilisation des institutions françaises comme internationales aux principes éthiques défendus par la France, particulièrement dans l'établissement de coopérations internationales en santé. La France est particulièrement vigilante quant au respect, en Chine comme ailleurs, des règles internationalement agréées dans ce domaine. De manière générale, la France évoque régulièrement la question des droits de l'Homme en Chine, et dénonce toute politique de répression des minorités lors des entretiens bilatéraux de haut niveau. Elle exprime publiquement ses préoccupations au Conseil des droits de l'Homme, au sein duquel son engagement, dont la force est reconnue par nombre de nos partenaires internationaux, lui a permis d'être très largement réélue l'an dernier. La France a, à l'occasion de la signature de la Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d'organes humains, et comme le permet l'article 30 de cette dernière, formulé plusieurs réserves. En premier lieu, elle se réserve le droit de ne pas appliquer les règles relatives à la tentative de commettre les infractions mentionnées aux articles 7 et 8 (sollicitation et recrutement illicites, offre et demande d'avantages indus ; préparation, stockage, transport, importation et exportation d'organes humains prélevés de manière illicite), dès lors que la tentative n'est pas incriminée par le droit pénal français (le délit de corruption, défini aux articles 432-11 et 433-1 du code pénal, s'applique en revanche de façon très large, y compris à des comportements s'apparentant à une tentative). La France a, par ailleurs, émis des réserves quant aux règles de compétences similaires à celles formulées par l'Espagne, la Croatie, la République tchèque et le Royaume-Uni. S'agissant des délits établis conformément à la Convention et commis hors du territoire national par l'un de ses ressortissants, la France a déclaré qu'elle n'exercerait sa compétence qu'à la condition que les faits soient également punis par la législation du pays où ils ont été commis (principe de la double incrimination) et que ceux-ci aient donné lieu, soit à une plainte de la victime ou de ses ayants droit, soit à une dénonciation officielle de la part des autorités du pays où ils ont été commis (cf. articles 113-6 et 113-8 du code pénal). Le Gouvernement a également déclaré, à l'instar de la Croatie, qu'il n'appliquera pas les règles relatives à la compétence d'un État lorsque l'infraction est commise par une personne ayant sa résidence habituelle sur son territoire. En effet, aucune disposition générale ne prévoit la compétence des juridictions françaises dans une telle situation, hormis dans les cas de crimes ou délits particulièrement graves, énumérés aux articles 113-13 et 113-14 du code pénal, tels que les actes de terrorisme. La France souhaite conserver une approche restrictive de ce critère de compétence, qui, s'il était étendu à de nombreuses infractions, serait susceptible de porter atteinte à la souveraineté des États sur le territoire desquels les faits ont été commis. La France n'envisage pas de lever ces réserves à l'occasion de la ratification de la Convention, dès lors que les dispositions concernées ne sont pas compatibles avec son droit pénal interne. Ces réserves n'entravent pas la mise en œuvre de la Convention par la France. -
mercredi 19 mai 2021Rubrique : politique extérieureTitre : Situation en Afghanistan
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas. Ma question s'adresse au ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Le 8 mai dernier, trois attentats ont eu lieu à la sortie d'une école de filles dans le quartier ouest de Kaboul : 63 personnes y ont trouvé la mort et plus de 150 ont été blessées – la plupart étaient des jeunes filles âgées de 12 à 17 ans.
Comme l'ont rappelé Fahimeh Robiolle et Michel Taube dans le journal Opinion internationale, les attaques les plus meurtrières de ces dernières années ont été menées en Afghanistan contre des civils, dans des écoles et des mosquées. Les talibans n'ont pas revendiqué ces attentats, ce qui leur permet d'échapper au regard de l'opinion internationale et d'imposer de plus en plus leurs conditions avant le départ définitif des Occidentaux. En septembre 2020, pour accepter la négociation de Doha, les talibans ont exigé la libération de 5 000 prisonniers. La communauté internationale l'a accepté, mais cela n'a contribué ni à faire avancer la paix ni à diminuer la violence. Pendant que les Américains accélèrent leur départ – qui sera définitif le 11 septembre 2021 –, les pourparlers continuent pour faire venir les talibans à la table des négociations, non plus à Doha mais à Istanbul. Cette fois-ci, le prérequis serait la libération de 7 000 prisonniers et le fait que l'ONU ne tienne plus de liste des personnes considérées comme proches des talibans, afin qu'elles puissent circuler librement.
Comment peut-on avoir la naïveté de penser que fermer les yeux sur les talibans nous aidera à lutter contre Al-Qaïda et que l'Afghanistan ne deviendra pas une des sources majeures de financement du terrorisme à travers la culture du pavot et maintenant la fabrication de l'héroïne, des activités qui alimentent le fléau de la drogue que nous prétendons combattre sur notre propre sol ? Une nouvelle guerre civile menace d'éclater en Afghanistan. Si elle survient, elle provoquera un flot de réfugiés dont s'indigneront à nouveau les pays européens, à commencer par le nôtre. Comment fermer les yeux ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que la France s'apprête bien à fermer son ambassade en Afghanistan ? Pouvez-vous nous préciser les initiatives concrètes en matière de coopération que la France, qui sera à la tête de l'Union européenne durant le premier semestre 2022, envisage de prendre après le 11 septembre ? La guerre contre le terrorisme est un échec, nous sommes en train de commettre les mêmes erreurs en Afrique, en Syrie, au Liban. Le conflit israélo-palestinien nous démontre le tragique auquel conduit l'escalade de la violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.
M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité. Madame la députée, nous continuons à suivre de très près la situation sur le terrain en Afghanistan. Comme vous l'avez dit, le 8 mai, le pays a été frappé par un terrible attentat qui a touché une école, tandis qu'un autre a frappé une mosquée près de Kaboul, le vendredi 14 mai dernier. Les violences ont retrouvé un niveau élevé, après la courte trêve du 13 au 16 mai, proposée par les talibans pour marquer la fin du ramadan. Les insurgés ont relancé leurs attaques d'envergure dans quinze provinces. Après une longue pause, l'équipe de négociateurs du gouvernement républicain afghan et celle des talibans ont repris leurs discussions de paix à Doha le 14 mai. Les talibans auraient accepté de participer à une conférence de paix internationale sous l'égide des Nations unies, à condition que les négociations se poursuivent ensuite à Doha, uniquement entre Afghans.
Malgré l'accentuation des violences, les Américains poursuivent le retrait de leurs troupes. Dans ce contexte politique et sécuritaire incertain, nous avons pris la décision d'inviter nos ressortissants à quitter l'Afghanistan dès que possible. Les États-Unis, le Canada, l'Italie et le Royaume-Uni ont envoyé à leurs ressortissants des messages similaires. Soucieuse du sort des personnels afghans, la France a amorcé leur mise en sécurité en France. Les premières opérations à cette fin ont commencé et vont se poursuivre dans les jours qui viennent. Nous le faisons non pas parce que nous aurions abandonné l'Afghanistan ou que nous adopterions je ne sais quelle position de retrait, mais parce qu'il est de notre responsabilité de protéger les agents qui ont servi la France, ainsi que leurs familles.
La France soutient le processus de paix en Afghanistan et j'ai moi-même eu l'occasion d'évoquer cette question avec le ministre ouzbek des affaires étrangères, Abdulaziz Kamilov, dans le cadre de mon déplacement en Ouzbékistan, pays qui est au cœur des pourparlers pour l'avenir de l'Afghanistan. Seule la préservation des acquis de ces vingt dernières années permettrait une paix durable ; l'aide de l'Union européenne ne devrait être poursuivie qu'à cette condition.
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mercredi 14 avril 2021Rubrique : ParlementTitre : Amélioration du travail parlementaire
AMÉLIORATION DU TRAVAIL PARLEMENTAIRE
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Jeudi dernier, notre groupe a fait le choix d'inscrire plusieurs débats d'importance à l'ordre du jour de l'Assemblée. Je veux saluer le vote historique de la loi Molac pour la protection et l'enseignement des langues régionales qui répond à des attentes anciennes. Je veux aussi revenir sur notre proposition de loi pour une fin de vie libre et choisie. Au-delà des positions de chacun, légitimes sur un sujet qui touche à l'intime, je déplore les milliers d'amendements déposés par quelques députés : l'objectif affiché était simplement d'empêcher tout débat de fond. Mon groupe a fait le choix d'inscrire ces propositions de loi, précisément pour que le débat s'engage dans l’hémicycle. Il s'est achevé à minuit après l'adoption de l'article 1er.
Monsieur le Premier ministre, nous le savons, le Gouvernement a la maîtrise de notre ordre du jour. D'où ma première question : quelles suites entendez-vous donner à ce texte dans les prochaines semaines ? Plus largement, quelles suites pourraient être données à d'autres propositions dont nous n'avons pu débattre, destinées à lutter contre la spéculation foncière en Corse, à lutter contre les prélèvements forcés d'organes commis notamment en Chine contre les Ouïghours, à promouvoir une vraie régulation du cannabis par sa légalisation…
M. Fabien Di Filippo. On ne veut pas du cannabis ! C'est dangereux, le cannabis !
Mme Frédérique Dumas. …ou enfin, à reconnaître véritablement le vote blanc ?
Cet épisode illustre le peu de prérogatives de l'opposition, et plus largement du Parlement. Depuis 2017, nous constatons son affaiblissement constant et systématique, et plus encore ces douze derniers mois. Le Parlement est piétiné,…(MM. Boris Vallaud et Sébastien Jumel applaudissent.)
M. Pierre Cordier. C'est une ancienne députée LaREM qui le dit !
Mme Frédérique Dumas. …travaille dans l'urgence : abus des ordonnances, débats organisés après les décisions du Président de la République, contrôle artificiel de l'action du Gouvernement. Il est délétère pour notre démocratie de voir une telle concentration des pouvoirs dans les mains de quelques-uns, le Conseil de la Défense, voire d'une seule personne, son président.
Monsieur le Premier ministre, nous connaissons toutes et tous cette phrase de Montesquieu, « il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Tout pouvoir, quel qu'il soit, a besoin de limites réelles et non fictives et la séparation des pouvoirs est la pierre angulaire de la démocratie. Quand et comment entendez-vous la réhabiliter ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens et SOC. – M. Sébastien Jumel applaudit aussi.)
M. le président. Avant de céder la parole au Gouvernement, je voudrais juste rappeler que le système dit des niches parlementaires date de 2009, à la suite de l'heureuse réforme constitutionnelle de 2008. (M. Guillaume Larrivé applaudit.)
Un député du groupe LR . Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.
M. Marc Fesneau, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne. Je vous trouve bien prompte à critiquer des règles qui n’ont pas été fixées par ce Gouvernement, mais par des majorités antérieures et qui sont depuis lors appliquées. Certaines permettent d’avoir une niche parlementaire, vous les avez exercées à bon droit la semaine dernière. Au passage, il ne m'appartient pas de commenter le nombre d'amendements de tel ou tel groupe, parce que je pense que le droit d'amendement est un droit constitutionnel…
M. Pierre Cordier. Très bien, monsieur Fesneau !
M. Marc Fesneau, ministre délégué . …qui doit être garanti, que chacun en fait l'usage qu'il veut, et qu’on ne peut pas avoir un regard sélectif sur le nombre d’amendements, selon que cela arrange ou que cela arrange moins.
M. Sébastien Jumel. C'est vrai aussi pour la majorité !
M. Marc Fesneau, ministre délégué . Ceci étant, le débat a pu s'engager. C'était important de vous le rappeler, madame la députée : je n’arrange pas ce genre de choses au gré de ce qui peut intéresser le Gouvernement.
Ensuite, il ne vous aura pas échappé – je crois qu’à l’époque vous apparteniez à un groupe de la majorité –, qu’une révision constitutionnelle qui, à ce stade, n'a pu aboutir visait à essayer d'améliorer le travail parlementaire et à faire en sorte que les droits du Parlement puissent être renforcés.
M. Sébastien Jumel. Benalla est passé par là !
M. Raphaël Schellenberger. Eh oui ! Merci, Benalla !
M. Marc Fesneau, ministre délégué . Le travail est encore devant nous d'un point de vue constitutionnel. Par ailleurs, l'Assemblée nationale a ses propres règles, dans lesquelles il ne m'appartient pas de m’immiscer, pas plus que dans son règlement. Pour ce qui est du calendrier parlementaire, des temps sont réservés aux groupes de la majorité comme aux groupes de l'opposition auxquels vous appartenez. Il y a le temps du Gouvernement, avec en ce moment un certain nombre de textes, notamment celui issu de la Convention citoyenne sur le climat, et vous comprendrez bien qu'on ne puisse pas faire entrer tous les textes dans un calendrier parlementaire. Néanmoins, sur le sujet que vous avez évoqué, le Gouvernement compte bien poursuivre le travail qui a été amorcé dans la niche de jeudi dernier. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)
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mercredi 24 mars 2021Rubrique : politique extérieureTitre : Français détenus en Syrie
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Dumas.
Mme Frédérique Dumas. Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, du 26 février au 3 mars, mon collègue Hubert Julien-Laferrière, deux députés européens, Sylvie Guillaume et Mounir Satouri, et moi-même nous sommes rendus au Kurdistan irakien et au Rojava, dans le Nord-Est syrien, avec des avocats de l'ONG Avocats sans frontières et avons constaté sur place que les enjeux, les défis sécuritaires et humanitaires étaient considérables.
En effet, dans le seul camp d'Al-Hol, où la situation est désormais hors de contrôle, s'entassent plus de 60 000 personnes. Les évasions se multiplient ; plusieurs Françaises ont ainsi rejoint la région d'Idlib, contrôlée par la rébellion syrienne, à l'instar de Hayat Boumeddiene, la compagne d'Amedy Coulibaly, l'auteur des attentats de l'Hypercasher à Paris. La radicalisation au sein des camps inquiète les experts de l'Organisation des Nations unies qui traquent l'État islamique. Des cas de radicalisation, d'entraînement, de collecte de fonds et d'incitation à des opérations extérieures ont été signalés. Des mineurs seraient endoctrinés et préparés pour devenir de futurs combattants.
Dans les camps de Roj I et II, plus de 200 enfants français vivent dorénavant dans des conditions insoutenables. Deux tiers ont moins de 6 ans. Ce sont des victimes de guerre. Ne pas les rapatrier est indigne ; les exposer à la violence physique, psychique et idéologique est irresponsable.
Nous avons appelé dès notre retour à des mesures urgentes (M. Bertrand Pancher applaudit), dans le respect du principe européen de l'intérêt supérieur de l'enfant. (M. Olivier Faure applaudit.) Nous avons également appelé les autorités françaises à ne pas laisser nos ressortissants présents dans ces camps échapper à la justice et à les rapatrier en France, seul pays où ils pourront être judiciarisés et rendre compte de leurs actes, tout comme l'ont fait l'ensemble des juges antiterroristes.
Un silence glaçant nous a été opposé. Pourtant, le 4 mars dernier, le Premier ministre belge Alexander De Croo annonçait que la Belgique, qui se rangeait jusque-là dans le camp des pays résolument hostiles au rapatriement, allait rapatrier tous les enfants de moins de 12 ans, dans l'intérêt supérieur de l'enfant – c'est-à-dire avec leur mère.
Monsieur le ministre, la France va-t-elle enfin accepter de traiter cette question en toute transparence et de prendre à son tour ses responsabilités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et parmi les députés non inscrits.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie. Madame Dumas, vous vous êtes rendue en Irak et dans le Nord-Est syrien et avez pu constater que ces zones ne sont pas sous le contrôle effectif de la France ; il est donc plus difficile pour nous d'y agir.
Oui, nous nous attachons au sort des enfants, mais laissez-moi dire un mot des adultes, de ceux qui ont choisi de partir pour porter des coups aux populations locales et pour téléguider des actions ailleurs. Pour eux, aucune impunité n'est possible, eu égard aux victimes et d'un point de vue moral, tout simplement. Nous nous attachons, au sein de la coalition, à relever ce défi juridique.
S'agissant des enfants, oui, notre priorité absolue est de prendre en considération leur situation, au maximum.
M. Patrick Hetzel. C'est laborieux !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État . Ils n'ont pas choisi ce combat, mais en subissent les conséquences. La France s'honore d'avoir déjà organisé le retour de trente-cinq jeunes enfants, qui ont pu, grâce aux juridictions familiales et à la protection judiciaire de la jeunesse, être suivis et bénéficier d'une prise en charge médicale, comme l'attestera le garde des sceaux. Nous continuerons. Notre volonté est intacte ; nous prendrons au maximum en considération la situation des enfants.
En ce 23 mars 2021, souvenons-nous qu'il y a trois ans, un terroriste animé par cette hydre islamiste haineuse enlevait la vie au colonel Arnaud Beltrame. J'ai une pensée pour les victimes et pour lui en particulier. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)
M. Bertrand Pancher. Mais le terroriste, ce n'était pas ces enfants !
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mardi 9 février 2021Rubrique : pharmacie et médicamentsTitre : Biologie moléculaire - potentielle pénurie de consommables de laboratoire
Mme Frédérique Dumas attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur l'éventualité d'une pénurie mondiale de consommables utilisés par les laboratoires, notamment dans le cadre des processus de dépistage, de recherche d'anticorps et de séquençage liés à l'épidémie de covid-19. Dès le 9 janvier 2021, on savait que le variant britannique représentait 3 % des contaminations, que la dynamique de sa courbe épidémique était amorcée et que sa progression était inéluctable. Dès le lundi 25 janvier 2021, on savait qu'à Paris, la part du variant était passée à près de 15 %, avec une semaine d'avance sur les projections des modélisations effectuées début janvier 2021. On savait également que le variant sud-africain s'établissait déjà à 1 % de la contamination. Le variant brésilien représente quant à lui une menace liée à la porosité de la frontière entre la Guyane et le Brésil et les différents variants sont amenés à muter. Cela rend donc la biologie moléculaire, notamment le séquençage qui permet d'identifier les différents variants, absolument essentielle. Or on va devoir affronter vraisemblablement une pénurie mondiale des consommables utilisés par les laboratoires. En France les remontées d'informations sont alarmantes. Il existe d'ores et déjà une tension sur l'approvisionnement en embouts de pipettes (les « cônes »), en tubes et plaques pour la biologie moléculaire et, de manière plus générale, sur le petit matériel de laboratoire, essentiel pour réaliser les tests PCR, déterminer la sérologie ou procéder au séquençage. Certains laboratoires et hôpitaux n'avaient en date du 26 janvier 2021 plus de stocks, d'autres en avaient seulement pour dix jours ou quelques semaines au mieux. Devant cette pénurie, les services de virologie se voient contraints d'abandonner le séquençage du variant anglais qui circule maintenant au niveau des courbes épidémiologiques telles qu'elles avaient été modélisées. Cette pénurie affecte en réalité l'ensemble des laboratoires d'analyse médicale ainsi que les équipes de recherche contraintes de cesser certaines activités. Le constat d'une prochaine rupture d'approvisionnements est donc bien là et c'est tout le diagnostic biologique qui sera affecté. Elle lui demande donc si malgré ses déclarations en date du 26 janvier 2021, selon lesquelles « depuis un an, des prospections sont menées en temps réel avec l'ensemble des laboratoires privés et publics pour s'assurer qu'il n'y a pas de pénuries de consommables ou de réactifs » et selon lesquelles « jusqu'ici on a toujours tenu, il n'y a pas de raison que cela change », si malgré les éléments objectifs et maintenant documentés sur le sujet, il était bien en mesure d'affirmer le 26 janvier 2021 qu'il n'y avait aucune tension, qu'il n'existait à cette date et n'existe à ce jour aucune décision de son ministère de prioriser un certain type de recherche, donc de conduire à en ralentir d'autres ou à les mettre à l'arrêt, qu'il y avait bien dès cette date une anticipation et un contrôle de la situation. Pour être plus précise, le Gouvernement pouvait-il donc à cette date et peut-il à ce jour donner des garanties au fait que la recherche en général ne sera pas affectée par les tensions qui existent et tout particulièrement la biologie moléculaire, la capacité de testage, la recherche d'anticorps et la recherche des variants et de ses mutants, et que, s'il y a priorisation, l'ensemble de la biologie médicale y compris dans d'autres domaines que la crise sanitaire ne sera pas non plus impacté ? Enfin le Gouvernement a-t-il anticipé avant le 26 janvier 2021 une réorientation des filières françaises des plastiques vers la production de ce type de matériel, afin de parer l'éventualité d'une pénurie mondiale et d'une rupture des stocks ? Elle lui demande de bien vouloir répondre à l'ensemble de ces points.<
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mardi 9 février 2021Rubrique : droits fondamentauxTitre : Mesures d'isolement et de contention en psychiatrie sur des patients mineurs
Mme Frédérique Dumas attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur les mesures d'isolement et de contention pratiquées en psychiatrie et sur la nécessité de renforcer les contrôles sur ces dernières, notamment en ce qui concerne les patients mineurs. Selon le rapport « Les droits fondamentaux des mineurs en établissement de santé mentale » publié en 2017 par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, un patient mineur hospitalisé en psychiatrie a moins de droits et voies de recours qu'un majeur hospitalisé sans son consentement. D'après l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH), 18 257 mineurs ont été admis en hospitalisation complète en psychiatrie pour l'année 2015, parmi lesquels 197 l'ont été sur décision du représentant de l'État, 239 au titre d'une ordonnance de placement provisoire du juge des enfants mais aussi 42 au titre de l'article D. 388 du code de procédure pénale (mineurs détenus et admis sur décision du préfet) et 5 au titre de l'article 706-135 du code de procédure pénale (après une décision d'irresponsabilité). À la lumière de ces statistiques, on note donc que les hospitalisations de mineurs décidées par un juge judiciaire ne constituent que 2 % du total des hospitalisations de mineurs en psychiatrie. 98 % des hospitalisations complètes de mineurs sont actuellement décidées par les titulaires de l'autorité parentale ou par le directeur de l'établissement de l'Aide sociale à l'enfance pour le cas où le mineur est placé en foyer et en famille d'accueil (services de l'Aide sociale à l'enfance). Ces hospitalisations de mineurs entrent dans la catégorie « soins libres » du code de la santé publique. Or, selon le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, « la notion de soins libres, théoriquement liée à celle de libre consentement, est particulièrement délicate en psychiatrie ; elle n'est garantie par aucun document, matérialisée par aucune signature du patient. S'agissant des mineurs, la décision d'hospitalisation appartient en premier lieu, aux titulaires de l'autorité parentale ou au tuteur ; selon le code de la santé publique, elle peut aussi intervenir à la demande du directeur de l'établissement ou du service à qui le mineur a été judiciairement confié. Dans ces hypothèses qui toutes sont assimilées aux soins libres, la décision n'appartient pas au mineur quand bien même la loi prescrit de recueillir son avis ». Toujours selon le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, « au mineur, l'hospitalisation peut être totalement imposée par un tiers - ses parents, voire le directeur de l'établissement qui l'accueille - sans qu'il bénéficie des garanties reconnues aux majeurs en situation comparable : il n'est pas nécessaire de justifier qu'il présente des troubles mentaux rendant impossible son consentement ; il n'est pas exigé que son état mental impose des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante ; il n'est pas exigé que la demande soit accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de quinze jours dont l'un émanant d'un médecin n'exerçant pas dans l'établissement d'accueil. Et pourtant, ce type d'hospitalisation, qui n'a de libre que le nom, n'est pas soumis au contrôle du juge. Tout se passe comme si ces "tiers" étaient présumés agir dans l'intérêt de l'enfant, le médecin de l'établissement d'accueil en étant le meilleur garant ». En 2017, le Contrôleur publiait ainsi 23 recommandations pour réformer la loi actuelle et renforcer le droit des mineurs en psychiatrie, notamment en proposant l'abrogation de l'alinéa 2 de l'article R. 1112-34 du code de la santé publique de façon à supprimer la possibilité d'internement d'un mineur à la demande d'un directeur d'établissement de l'Aide sociale à l'enfance ; pour le cas des mineurs hospitalisés à la demande de leurs représentants légaux, en leur permettant de saisir la commission départementale des soins psychiatriques, et lorsqu'ils contestent la nécessité de l'hospitalisation, en leur permettant de saisir le juge des libertés et de la détention. C'est ainsi qu'en France, plus de 18 000 enfants et adolescents sont placés en psychiatrie. Ils ne sont pas informés de leurs droits et n'ont aucune possibilité de contester l'hospitalisation psychiatrique auprès du juge judiciaire comme c'est pourtant toujours le cas pour les majeurs hospitalisés sous contrainte. Un mineur doit pouvoir s'exprimer et donner son avis sur son hospitalisation et avoir des voies de recours, étant rappelé qu'une hospitalisation abusive avec un traitement médicamenteux peut entraîner de graves effets délétères. Elle lui demande donc quelles mesures il compte entreprendre pour renforcer les droits des mineurs hospitalisés en psychiatrie et mettre en vigueur les recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.<
Hauts-de-Seine (13e circonscription)
| Mandat clos le 21 juin 2022 (15e législature)