L’article 1er du présent projet de loi attribue à la pêche et de l’aquaculture, comme à l’agriculture de manière générale, un intérêt général majeur « en tant qu’elles garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation, qui contribue à la défense de ses intérêts fondamentaux ».
Cette évolution permet de mettre en lumière l’importance de la pisciculture dans notre économie, et plus particulièrement de nos étangs.
En effet, les étangs de France représentent une ressource inestimable tant sur le plan écologique qu'économique. Avec 120 000 étangs et 60 000 gestionnaires, notre pays dispose du plus grand potentiel européen en termes de superficie d’étangs, mais paradoxalement, il ne se classe qu’au septième rang des producteurs. Aujourd’hui, la production annuelle est tombée à 3 000 tonnes, contre 12 000 tonnes il y a dix ans, ce qui révèle une décroissance alarmante. Face à cette situation, il est urgent de promouvoir les étangs et leurs usages tout en défendant leurs gestionnaires.
En effet, les étangs jouent un rôle crucial dans la production alimentaire (brochet, tanche, perche, sandre, truite, carpe, etc.). En étant non délocalisables tout au long de leur chaîne de valeur, ils concourent à une véritable souveraineté alimentaire dans un contexte où la France est devenue importatrice de nombreuses denrées. Renforcer cette production locale pourrait réduire notre dépendance vis-à-vis des importations et stabiliser l’approvisionnement en produits piscicoles.
Par ailleurs, sur le plan environnemental, les étangs soutiennent une biodiversité remarquable et spécifique : ils sont à la fois indispensables au maintien des zones humides adjacentes, qui sont essentielles en période de sécheresse, et jouent également un rôle épurateur crucial en filtrant de nombreuses molécules polluantes. Ils contribuent également à la régulation hydrologique en offrant de l’eau pour l’abreuvement, en régulant les inondations annuelles et en soutenant les niveaux d’étiage. Les étangs permettent aussi de gérer les précipitations soudaines et massives de plus en plus fréquentes, et servent de réserves pour l’irrigation agricole.
Enfin, les étangs représentent un atout touristique majeur en attirant les amateurs de pêche de loisirs et en offrant des paysages pittoresques qui enrichissent notre patrimoine culturel. Les étangs communaux jouent un rôle social important, renforçant les liens au sein des communautés locales. Le classement de certains étangs en tant que patrimoine naturel sous des labels tels que Ramsar, CEN, ou Réserve Naturelle, témoigne de leur valeur inestimable.
En dépit de toute leur importance, force est de constater que les étangs sont malheureusement souvent mal compris et injustement critiqués pour leur consommation d’eau. L’évaporation naturelle, souvent pointée du doigt, est une nécessité écologique qui maintient l’humidité bénéfique pour de nombreuses espèces précieuses comme les microorganismes et les batraciens. Les politiques actuelles, telles que les arasements subventionnés, ne résolvent pas les problèmes écologiques mais les déplacent, souvent au détriment d’écosystèmes délicats.
Aussi, au-delà des dispositions législatives du projet de loi, des actions politiques, et notamment fiscales, sont nécessaires pour soutenir ces écosystèmes fragiles, car les impôts fonciers basés sur un revenu cadastral théorique pénalisent sévèrement la pisciculture extensive en étangs. Il est également indispensable de repenser notre approche de la protection des espèces. Le classement européen des espèces protégées doit intégrer une régulation pragmatique qui tienne compte des dynamiques éthologiques et écologiques. Actuellement, la pisciculture en étangs contribue à nourrir des espèces protégées et offre des aménités environnementales profitant à toute la société, sans recevoir de compensations équitables.
En définitive, les étangs de France doivent être reconnus et valorisés pour leurs multiples bénéfices. À l’heure où une agriculture plus verte et durable est nécessaire, la pisciculture en étangs offre une solution écologique et économique viable. Défendre et promouvoir ces écosystèmes est non seulement un impératif écologique, mais aussi une nécessité pour garantir notre souveraineté alimentaire et préserver notre patrimoine naturel et culturel.