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N° 2225

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 septembre 2014

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l’article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

sur l’adaptation du droit de l’énergie aux Outre-mer

ET PRÉSENTÉ PAR

Mme Ericka BAREIGTS et
M. Daniel FASQUELLE

Députés

——

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

I. POURQUOI LES OUTRE-MER DOIVENT ÊTRE LES TERRITOIRES PRIVILÉGIÉS DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE 9

A. UN APPROVISIONNEMENT NON SÉCURISÉ ET UN ACCÈS À L’ÉNERGIE NON GARANTI 9

1. Un mix énergétique qui dépend fortement de produits pétroliers importés 9

2. Des petits systèmes électriques non interconnectés subissant des temps de coupure importants 11

3. Le cas particulier de la Guyane : la situation très grave des communes de l’intérieur 14

a. Les bourgs-centres : des micro-réseaux très fragiles 15

b. Les écarts : des zones où les habitants n’ont pas accès à l’électricité 16

c. Une situation explosive en raison de la croissance démographique 16

B. UN MIX ÉLECTRIQUE TRÈS CARBONÉ, MALGRÉ DES GISEMENTS RENOUVELABLES IMPORTANTS ET DES ACTEURS LOCAUX DYNAMIQUES 17

1. Une électricité très carbonée en raison du poids des énergies fossiles dans la production électrique 17

2. Un développement des énergies renouvelables en avance sur la métropole et impliquant toutes les filières 18

3. Des acteurs dynamiques prêts à conquérir des marchés d’envergure mondiale 20

C. UN COÛT DU SYSTÈME ÉNERGÉTIQUE AMENÉ À CROÎTRE SANS UNE RÉORIENTATION DU MIX ÉNERGÉTIQUE VERS LES ÉNERGIES RENOUVELABLES 20

1. Un coût de production de l’électricité qui rend la péréquation tarifaire indispensable 20

a. Un coût de production très supérieur dans les Outre-mer 20

b. La péréquation tarifaire : une politique publique essentielle qui donne aux Ultra-marins un accès à un bien de première nécessité 21

c. Un fonctionnement centré autour des fournisseurs historiques, impliquant l’ensemble des producteurs d’électricité dans les ZNI. 23

2. Une fuite en avant des dépenses de CSPE pour les Outre-mer liée au modèle énergétique du « tout fossile » 25

D. SYNTHÈSE : UN NOUVEAU MODÈLE ÉNERGÉTIQUE POUR DÉPASSER LES CONTRAINTES DES OUTRE-MER 31

II. LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DANS LES OUTRE-MER VICTIME DE DISPOSITIFS NATIONAUX INADAPTÉS ET DE PRISES DE DÉCISIONS LOINTAINES 33

A. DES COMMUNES LAISSÉES À ELLES-MÊMES FACE À LA TÂCHE IMMENSE DE L’ÉLECTRIFICATION DE L’INTÉRIEUR GUYANAIS 33

1. Le financement des travaux d’investissement dans les centrales thermiques des bourgs-centres 33

2. L’électrification des écarts 34

B. UN DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES À L’ARRÊT EN RAISON D’UN CUMUL DE CONTRAINTES 36

1. Un constat implacable : le développement des ENR au point mort 36

2. Les causes : un cumul de contraintes qui conduit à l’élimination de tous les projets potentiels 40

a. Le seuil des 30 % d’énergies intermittentes dans le réseau électrique 40

b. Les obstacles réglementaires au développement de l’éolien 43

c. Une structuration embryonnaire de certaines filières géothermie et biomasse 44

d. Le coût du raccordement 45

e. L’extrême difficulté à trouver un financement 47

C. UNE POLITIQUE DE MAÎTRISE DE LA DEMANDE D’ÉNERGIE SUSPENDUE AUX TRANSCRIPTIONS TARDIVES DE DISPOSITIFS NATIONAUX 48

a. Les certificats d’économie d’énergie 48

b. Les dispositifs fiscaux d’aide à la rénovation thermique des bâtiments 50

c. Les obligations posées par la réglementation thermique des bâtiments 51

D. LE PROBLÈME DE FOND : L’INEXISTENCE D’UNE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DES OUTRE-MER 53

1. Des régions volontaristes qui s’approprient pleinement leur compétence en matière d’énergie 53

2. Un pouvoir d’élaboration de la politique énergétique monopolisé par l’État et EDF SEI 55

III. ONZE PROPOSITIONS POUR UNE NOUVELLE DONNE ÉNERGÉTIQUE DANS LES OUTRE-MER 59

A. LA GOUVERNANCE DE L’ÉNERGIE 59

1. Rappel du droit en vigueur 59

2. Les dispositions du projet de loi relatif à la transition énergétique 59

3. Les propositions de vos rapporteurs 60

B. L’ÉLECTRIFICATION DES COMMUNES DE L’INTÉRIEUR GUYANAIS 61

1. Rappel du contexte 61

2. La proposition de vos rapporteurs 62

C. LE SOUTIEN AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES 63

1. Rappel du droit en vigueur 63

2. Les dispositions du projet de loi relatif à la transition énergétique 63

3. Les propositions de vos rapporteurs 63

D. LA GESTION DE L’INTERMITTENCE DE LA PRODUCTION DES ENR 64

1. Rappel du contexte 64

2. Les propositions de vos rapporteurs 65

E. LA MAÎTRISE DE LA DEMANDE D’ÉNERGIE 66

EXAMEN EN COMMISSION 69

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 87

INTRODUCTION

La Commission des affaires économiques de l’Assemblé nationale a confié à vos rapporteurs une mission d’information sur l’adaptation du droit de l’énergie aux Outre-mer. Cette demande relayait un constat de terrain des députés ultra-marins. Selon eux, les procédures par lesquelles l’État menait la politique énergétique nationale sur l’ensemble de son territoire, n’étaient pas adaptée au contexte spécifique des Outre-mer. En particulier, les producteurs d’énergie renouvelables étaient exclus, non en droit mais en fait, des appels d’offres pilotés par la CRE pour le développement des différentes filières ; pourtant, leurs projets étaient soutenus au niveau local et comportaient un réel enjeu économique, social et environnemental pour les territoires.

Dans le cadre de cette mission, vos rapporteurs sont, pour ainsi dire, repartis de zéro, en explorant un terrain qui n’avait jamais fait l’objet d’investigations objectives et approfondies.

Nos travaux ont porté sur l’ensemble des dimensions de la question énergétique. Nous nous sommes d’abord interrogés sur le mix énergétique des Outre-mer : quelle est la situation actuelle ? Quelles sont les forces et les faiblesses des Outre-mer ? Quelles sont les perspectives de développement, et, à l’inverse, les contraintes ? Vers quel équilibre pouvons-nous tendre ?

Nous avons également examiné le cadre juridique : quelles sont les règles applicables à l’implantation d’installations de production d’énergie ? Aux actions de maîtrise de la demande d’énergie ? Quelle est la réglementation thermique ? L’ensemble de ces normes sont-elles adaptées au contexte local ? Quels sont les outils de programmation de la politique énergétique ?

Enfin, ces éléments étaient indissociables d’une approche économique. A ce titre, la question de la péréquation tarifaire à destination des zones non interconnectées (ZNI) a fait l’objet d’une attention toute particulière de notre part. Mais le débat ne se résume pas à la péréquation et nous avons réfléchi aux meilleures solutions pour mettre en adéquation les objectifs de politique énergétique locale et les financements.

Certaines auditions d’acteurs nationaux ont été menées à Paris, mais, pour l’essentiel, ce sont dans le cadre de deux déplacements - en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe puis à Mayotte et à La Réunion - que nous avons pu vraiment prendre en compte les points de vue des acteurs de terrain. Il était important de se rendre sur les territoires : il n’aurait pas été acceptable de se positionner en surplomb du contexte ultra-marin, sans être à l’écoute des spécificités de chaque département ou région d’Outre-mer. Une telle démarche était inhabituelle, tant les acteurs locaux, aussi impliqués soient-ils sur le sujet, ont l’impression que les grands axes de la politique énergétique des Outre-mer se déterminent loin d’eux.

Enfin, cette mission d’information s’inscrit dans le contexte particulier de l’examen imminent du projet de loi sur la transition énergétique, aux mois de septembre et d’octobre 2014. Cette perspective a conduit à nous focaliser sur deux objectifs : faire la synthèse de la problématique énergétique dans les Outre-mer, afin que le Parlement puisse discuter de ce sujet de manière éclairée, et faire des propositions concrètes. De cette manière, le présent rapport servira, nous l’espérons, de socle à la discussion des articles de ce projet de loi relatifs à l’outre-mer.

I. POURQUOI LES OUTRE-MER DOIVENT ÊTRE LES TERRITOIRES PRIVILÉGIÉS DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

A. UN APPROVISIONNEMENT NON SÉCURISÉ ET UN ACCÈS À L’ÉNERGIE NON GARANTI

1. Un mix énergétique qui dépend fortement de produits pétroliers importés

Du fait de leur caractère insulaire, l’approvisionnement énergétique des Outre-mer est contraint. Il repose en grande majorité sur les énergies fossiles, qui représentent entre 87 % (La Réunion) et 99 % (Mayotte) du mix énergétique primaire.

PART DES ÉNERGIES FOSSILES DANS LA CONSOMMATION D’ÉNERGIE PRIMAIRE

Source : Bilan énergétique Martinique 2012, Bilan énergétique de Mayotte 2011

Les solutions énergétiques pour les territoires d’Outre-mer sont bien plus limitées que dans l’Hexagone : elles reposent quasi-exclusivement sur les produits pétroliers. Si La Réunion et la Guadeloupe dépendent moins fortement de ces derniers (respectivement 53 % et 71 %), c’est parce qu’elles produisent une partie de leur électricité à base de charbon. La consommation de produits pétroliers en France métropolitaine est également importante, mais son mix énergétique primaire est plus équilibré car elle peut s’appuyer sur deux autres énergies majeures, le nucléaire (1) et le gaz naturel. La contribution des énergies renouvelables ne dépasse les 10 % que sur deux territoires : la Guyane et La Réunion.

MIX ÉNERGÉTIQUE PRIMAIRE – COMPARAISON HEXAGONE–OUTRE-MER

Sources : Les Chiffres clés de l’énergie en Guadeloupe, bilan 2012 ; Bilan énergétique 2012 de la Guyane ; Bilan énergétique 2012 de la Martinique ; Bilan énergétique 2013 de La Réunion ; Bilan énergétique 2011 de Mayotte ; Chiffres clés de l’énergie, 2013.

L’importance des produits pétroliers dans le mix énergétique primaire est liée en grande majorité au secteur des transports, dont ils constituent la source d’énergie quasi-unique. La consommation moyenne de carburants en Martinique et en Guadeloupe est supérieure à celle de l’Hexagone, en raison du moindre développement des solutions de transport en commun. Elle est quasi-équivalente à La Réunion. En revanche, les habitants de Guyane et surtout de Mayotte ont une consommation bien plus faible, ce qui illustre un véritable phénomène de « précarité transports ».

CONSOMMATION DE CARBURANTS (TEP/HB)

Sources : D’après les bilans énergétiques régionaux, calculs Assemblée nationale

La différence essentielle entre les mix énergétique des Outre-mer et de l’Hexagone réside dans la forte proportion du charbon et des produits pétroliers dans le mix électrique ultra-marin. Les Outre-mer n’ayant pas accès aux deux principales sources de production d’électricité utilisées dans l’Hexagone, le nucléaire et le gaz, ils sont contraints d’utiliser majoritairement les produits pétroliers et le charbon pour la fourniture de l’électricité en base. Seules la Guyane et La Réunion disposent, avec l’hydroélectricité, d’une source d’approvisionnement locale de forte capacité capable de produire de façon continue.

MIX ÉLECTRIQUE - COMPARAISON HEXAGONE-OUTRE-MER

Sources : Les Chiffres clés de l’énergie en Guadeloupe, bilan 2012 ; Bilan prévisionnel de l’équilibre offre/demande d’électricité de la Guyane, juillet 2013 ; Bilan énergétique 2012 de la Martinique ; Bilan énergétique 2013 de La Réunion ; Bilan énergétique 2011 de Mayotte ; Bilan électrique 2013, RTE

Les caractéristiques du mix énergétique des Outre-mer introduisent deux fragilités dans l’approvisionnement énergétique de ces territoires. Une rupture dans la chaîne d’importation des produits pétroliers mettrait en péril l’approvisionnement énergétique de l’île, et par conséquent le fonctionnement des services de base comme les hôpitaux ou les écoles. Si cette hypothèse demeure toutefois peu probable, en revanche, une forte hausse du prix du baril, tout à fait envisageable, aurait des conséquences dévastatrices pour les Ultra-marins, dans la mesure où les Outre-mer ne disposent pas aujourd’hui de solutions de substitution.

Dans l’optique de réduire les fragilités des systèmes énergétiques ultra-marins, la diversification des sources d’approvisionnement en énergie doit constituer une priorité, en s’appuyant, dans la mesure du possible, sur des ressources locales.

2. Des petits systèmes électriques non interconnectés subissant des temps de coupure importants

La sécurité d’approvisionnement en énergie repose également sur la fiabilité du système électrique. Pour garantir cette dernière, l’offre et la demande d’électricité doivent être en permanence équilibrées. Un système électrique répond d’autant mieux à ces contraintes qu’il est de taille importante et qu’il offre un foisonnement des moyens de production, c'est-à-dire que la défaillance de certains de ces moyens de production peut être compensée par la mise en service d’autres.

La France continentale dispose pour cela d’un parc de production d’une puissance de 126 GW et de la combinaison de différents moyens de production (nucléaire, hydraulique, gaz, éolien, etc.). Elle est également fortement reliée à ses voisins par des interconnexions, et peut donc s’appuyer sur les moyens de production de l’ensemble de la « plaque de cuivre européenne » lorsque la demande d’électricité est supérieure à l’offre sur son territoire. Ainsi, lors de la vague de froid de février 2012, les importations ont atteint une puissance record de 9 GW, soit 9 % de la pointe électrique de 100 GW atteinte durant cette période. La production des installations de l’Hexagone peut aussi être évacuée en cas d’excédent d’offre. Les échanges transfrontaliers d’électricité sont une composante essentielle de l’équilibre physique et économique du système électrique continental.

À l’inverse, les Outre-mer français sont de petits systèmes électriques, d’une taille 100 à 1 000 fois inférieure à celle du réseau métropolitain.

TAILLE DES SYSTÈMES ÉLECTRIQUES – COMPARAISON HEXAGONE - OUTRE-MER

(Fin 2012, en MW)

France continentale

La Réunion

Martinique

Guadeloupe

Guyane

Mayotte

126 000

868

437

493

281

91

Source : Bilans prévisionnels de l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité (RTE et EDF SEI), bilan énergétique de Mayotte.

Ce sont également des « zones non interconnectées » (ZNI), qui ne peuvent pas compter sur l’appui de moyens de production situés hors de leur territoire. Aucun d’entre eux n’est relié à un pays voisin par des lignes électriques, et il n’y a pas de projets d’interconnexions à court ou moyen terme :

– la Guyane est le seul territoire non insulaire ; des projets de liaison avec le Brésil ou le Suriname sont à l’étude, mais ils posent des problèmes techniques (coordination des paramètres de deux systèmes électriques différents), économiques (les distances à couvrir sont importantes, pour une population qui n’est pas suffisamment nombreuse pour assurer la rentabilité de la ligne) et stratégiques (faire reposer la sécurité de l’approvisionnement de la Guyane sur un pays étranger peut constituer une faiblesse) ;

– la Guadeloupe et la Martinique pourraient éventuellement être reliées à des îles caribéennes voisines dans le cadre d’un projet géothermique avec la Dominique (cf. infra) ;

– Mayotte et La Réunion sont des îles éloignées de leurs voisines, Madagascar, Maurice et les Comores, ce qui rend inenvisageables des projets d’interconnexions sous-marines.

Du fait des contraintes géographiques, les Outre-mer français ne peuvent donc s’appuyer que sur leurs propres moyens de production pour assurer la sécurité de leur approvisionnement électrique.

Ces caractéristiques engendrent des contraintes en termes de dimensionnement des moyens de production. Pour faire face à une défaillance subite d’un moyen de production ou à la hausse de la demande, le gestionnaire de réseau doit s’assurer de la disponibilité d’une puissance de réserve ou « réserve primaire ». Cette réserve nécessaire au maintien de l’équilibre offre-demande doit être proportionnellement plus élevée dans de petits systèmes électriques comme les Outre-mer que dans des zones fortement connectées (2).

À cette contrainte inévitable s’ajoute une fragilité héritée du passé : le maillage du réseau électrique des Outre-mer est moins dense qu’en métropole. Il est souvent linéaire et n’offre pas de possibilités de redondances. L’alimentation de certaines zones dépend souvent d’une seule ligne électrique ou d’un poste source, si bien qu’en cas de défaillance, les coupures sont inévitables. Ainsi, le 1er juillet dernier, le jour même de l’arrivée de la mission d’information à Fort-de-France, la Martinique connaissait un black-out en raison de l’incendie d’un poste source.

La conjugaison des deux facteurs, l’isolement et la faiblesse des réseaux électriques, explique que les Ultra-marins subissent une qualité de l’alimentation électrique détériorée, se traduisant notamment par un temps de coupure moyen bien plus élevé que celui de la métropole. La Réunion et la Guyane, qui disposent de barrages hydrauliques avec retenue, sont les meilleurs élèves des Outre-mer, avec un temps de coupure annuel moyen respectif de 246 et 318 minutes. Ces niveaux sont malgré tout trois fois plus élevés que dans l’Hexagone, dont la qualité de l’alimentation électrique a pourtant diminué par rapport au début des années 2000. Quant à la Guadeloupe et la Martinique, elles connaissent des « années noires » (2009 pour la Guadeloupe et 2011 pour la Martinique), durant lesquelles le temps moyen annuel de coupure par foyer dépasse une journée entière.

TEMPS DE COUPURE MOYEN ANNUEL – COMPARAISON HEXAGONE - OUTRE-MER

Critère B HIX (coupures hors événements exceptionnels)

 

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Moyenne

Guadeloupe

373

1655

328

399

259

294

551

Guyane

297

179

468

380

330

255

318

Martinique

448

340

337

2482

430

249

714

La Réunion

207

327

279

206

212

243

246

Hexagone (*)

76

85

84

71

75

nd

79

(*) Périmètre des concessions d’ERDF

Source : EDF SEI

Contraints de s’adapter, les usagers se dotent de leurs propres moyens de production. Les projets immobiliers incluent quasi-systématiquement des groupes électrogènes. En Martinique, le gestionnaire de réseau, EDF SEI, estime ainsi que le parc de ces groupes électrogènes privés s’élève à 100 MW, soit 23 % de la capacité de pointe du parc de production de l’île. Outre le fait que ces dispositifs soient très polluants, leur fonctionnement pose des problèmes de sécurité des personnes à proximité des installations.

Alors que la France est historiquement une nation forte de l’électricité, réputée pour la qualité de ses installations et la gestion de son réseau, les Outre-mer n’atteignent pas les mêmes standards. En raison de leurs caractéristiques géographiques de petits territoires insulaires, il paraît difficile d’atteindre les performances de l’immense réseau européen. Néanmoins, l’amélioration de la qualité de fourniture en électricité doit être un enjeu central de la politique énergétique des Outre-mer.

3. Le cas particulier de la Guyane : la situation très grave des communes de l’intérieur

Tous les Outre-mer sont concernés pas les difficultés d’accès à l’électricité, mais la Guyane est particulièrement touchée. Au cours de son déplacement sur ce territoire, la mission d’information a pu constater que la notion de service public de l’énergie y était particulièrement mise à mal.

Les communes du littoral sont connectées au réseau public de distribution dans des conditions analogues au réseau métropolitain. Elles sont reliées entre elles par des lignes haute-tension qui s’étendent sur 400 kilomètres entre Cayenne et Saint-Laurent du Maroni ; des extensions de distribution en moyenne-tension desservent les bourgs de Roura et Cacao à l’Est. L’ensemble de ces communes bénéficient de la production électrique des centrales thermiques appartenant à EDF SEI ainsi que du barrage de Petit-Saut.

En revanche, les 80 000 citoyens français de l’intérieur guyanais habitant le long des deux fleuves frontaliers de l’Oayapok et du Maroni, souffrent d’une discrimination majeure. Trop éloignés du littoral, ils ne peuvent pas être raccordés au réseau et sont donc alimentés en électricité par des systèmes électriques autonomes de très petite taille. Parmi eux, il faut distinguer ceux qui résident dans des bourgs-centres de ceux qui habitent dans des « écarts ».

a. Les bourgs-centres : des micro-réseaux très fragiles

Les bourgs-centres sont alimentés par de petites centrales thermiques qui sont la propriété des communes et sont exploitées par EDF. La sécurité de leur approvisionnement électrique est particulièrement précaire, ainsi que l’illustre la situation de Maripasoula.

Maripasoula : l’urgence énergétique

La mission d’information s’est rendue à Maripasoula, commune tout à fait représentative de la problématique des bourgs de l’intérieur guyanais. D’une population de 9 500 habitants, Maripasoula est située à 265 kilomètres du littoral. Elle est alimentée par une centrale de production construite en 1985 constituée de quatre groupes électrogènes, avec une puissance installée de 1,2 kW pour une puissance de pointe appelée de 0,7 kW. Cette centrale étant exploitée par EDF, les habitants bénéficient de la péréquation tarifaire.

La sécurité de l’approvisionnement électrique de Maripasoula est aujourd’hui très précaire. D’une part, la puissance installée ne suffit plus à assurer la puissance de pointe en cas de défaillances sur l’un des quatre groupes, ce qui contraint EDF à réaliser des délestages dans le bourg. D’autre part, la centrale dépend exclusivement d’arrivages de fioul par pirogue depuis Saint-Laurent du Maroni. La consommation journalière de Maripasoula représente 4 500 litres de fioul, soit l’équivalent d’un transport par pirogue par jour. Pendant la saison sèche, les volumes transportés par pirogue se réduisent et les livraisons s’espacent, ce qui menace la continuité du fonctionnement de la centrale. EDF procède même à du transport de carburant par hélicoptère. Un tel fonctionnement a des conséquences environnementales liées au transport de carburant en fûts sur le fleuve ; cela représente également un coût considérable, absorbé par la péréquation tarifaire, de l’ordre de 500 à 1 000 € par mégawattheure produit.

Déjà grave, la situation énergétique de Maripasoula deviendra intenable en raison de l’évolution démographique. Le taux de croissance de la population est de 8 %/an, engendrant une hausse annuelle de la pointe électrique de 6 %. Selon l’INSEE, Maripasoula comptera 19 000 habitants en 2020 et 42 000 en 2030. Les moyens de production actuels deviendront très rapidement dépassés.

Quant à la population, elle est l’otage des faiblesses du système électrique local. Non seulement elle se trouve contrainte dans sa recherche d’un confort standard par l’installation d’équipements électroménagers (réfrigérateur, matériel hifi, climatisation, etc.), mais elle ne peut espérer trouver d’emploi sur place. En effet, les centrales sont dans l’incapacité de répondre à des demandes individuelles trop fortes, susceptibles de perturber la qualité de l’énergie distribuée aux autres clients. Cela signifie concrètement qu’aucune entreprise (scierie, menuiserie, centrale à béton, etc.) ne peut s’implanter sur le territoire des bourgs-centres sans que cela ne dérègle le système électrique voire n’engendre des black-out. Pour avoir une activité sur place, une telle entreprise doit disposer de son propre système de production électrique, en dehors de la péréquation tarifaire (3).

b. Les écarts : des zones où les habitants n’ont pas accès à l’électricité

Les écarts sont des groupements d’habitation dispersés le long des deux fleuves frontaliers, éloignés des bourgs-centre parfois de plusieurs dizaines de kilomètres. Selon la Communauté de communes de l’Ouest guyanais (CCOG), ils rassembleraient 12 000 habitants. Sur ces zones en bordure de fleuve, l’approvisionnement électrique est pris en charge par les habitants eux-mêmes : ils acquièrent, le plus souvent au Suriname, des groupes électrogènes qui injectent de l’électricité sur des micro-réseaux - souvent hors normes - reliant quelques familles. Pour faire fonctionner les groupes électrogènes, ils sont également obligés d’acheter à des prix très élevés du carburant acheminé par bateau le long du fleuve.

c. Une situation explosive en raison de la croissance démographique

Déjà critique, la situation des communes de l’intérieur guyanais devrait s’aggraver dans les prochaines années sous l’effet d’une croissance démographique exponentielle. Le territoire de l’Ouest guyanais, qui ne comptait que 38 000 habitants en 1999, constitue aujourd’hui un bassin de vie de 95 000 habitants, soit une multiplication par 2,5 en 15 ans. Il concentre des communes où le taux de croissance moyen annuel est d’environ 10 %. Si un tel rythme se maintenait, la population de l’Ouest pourrait atteindre 276 000 habitants en 2030, soit un peu plus de la population de l’ensemble de la Guyane actuelle. Sans effort d’électrification spécifique, la moitié des habitants d’une région française serait totalement déconnectée du réseau de distribution publique et ne connaîtrait qu’un accès précaire à un bien essentiel, l’électricité.

En 2009, la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité (PPI) faisait le constat suivant : « Un plan prioritaire d’électrification devrait être élaboré en collaboration avec EDF SEI, le syndicat d’électrification et les acteurs locaux afin d’électrifier les communes de l’intérieur. Ce plan pourrait notamment comprendre des objectifs annuels de réalisation et identifier les sites isolés prioritaires à électrifier dans les meilleurs délais ». Un tel plan prioritaire d’électrification n’a pas été mis en œuvre, et la situation des communes de l’intérieur est toujours aussi critique. Le projet de loi pour la transition énergétique devra amorcer pour de bon une initiative forte en faveur de ces territoires.

B. UN MIX ÉLECTRIQUE TRÈS CARBONÉ, MALGRÉ DES GISEMENTS RENOUVELABLES IMPORTANTS ET DES ACTEURS LOCAUX DYNAMIQUES

1. Une électricité très carbonée en raison du poids des énergies fossiles dans la production électrique

Excepté le cas particulier de la Guyane, où la production hydraulique joue un rôle prépondérant, les énergies renouvelables ne sont pour l’instant qu’un complément aux énergies fossiles pour la production d’électricité. Cette situation explique que le mix électrique ultra-marin soit fortement carboné.

ÉMISSIONS DE CO2 ISSUES DE LA PRODUCTION ÉLECTRIQUE (2011 - GCO2/KWH)

Source : Bilan énergétique de la Martinique, 2012 ; pour les chiffres sur l’UE27, Chiffres clés du climat, France et monde, édition 2012, SOeS

Les deux territoires où le contenu carbone de l’électricité est le plus élevé, la Guadeloupe et La Réunion, sont également ceux dont une partie de la production est assurée par des centrales thermiques fonctionnant au charbon. Le charbon est en effet le moyen de production le plus émetteur de gaz à effet de serre, avec 956 gCO2/kWh produit (4), contre 777 gCO2/kWh pour les turbines à combustion fonctionnant au fioul et 359 gCO2/kWh pour les centrales à cycle combiné gaz (utilisées sur le continent européen mais absentes dans les Outre-mer). Ces chiffres placent les Outre-mer français au rang des plus mauvais élèves mondiaux, comme la Chine ou l’Inde.

À l’autre extrémité du spectre, la Guyane bénéficie du faible contenu carbone de ses installations hydroélectriques ; malgré tout, en raison du rôle du fioul comme complément à la production hydroélectrique, les émissions de CO2 y sont supérieures à la moyenne européenne et quatre fois plus importantes qu’en France métropolitaine.

2. Un développement des énergies renouvelables en avance sur la métropole et impliquant toutes les filières

L’énergie hydraulique permet à deux territoires, la Guyane et, dans une moindre mesure, La Réunion, d’afficher une part d’énergies renouvelables dans le mix électrique très supérieure à celle de la France métropolitaine : 71 % et 48 % contre 19 %.

Les autres sources renouvelables de production électrique constituent encore un complément aux moyens de production thermiques. Malgré tout, les Outre-mer sont en avance par rapport à l’Hexagone dans le développement de ces filières.

PART DES ÉNERGIES RENOUVELABLES DANS LE MIX ÉLECTRIQUE

Hors hydraulique - 2012

Sources : Bilans énergétiques régionaux ; Bilan électrique 2012, RTE

Le développement du solaire photovoltaïque s’est effectué de manière relativement homogène dans tous les territoires d’outre-mer : il représente partout entre 5 % et 7 % du mix électrique, contre seulement 0,7 % dans l’Hexagone.

La biomasse, source de production d’électricité importante à La Réunion (9,5 % du mix électrique) et en Guadeloupe (3,6 %), est principalement issue de la récupération du potentiel énergétique de la bagasse. Néanmoins, sur ces deux territoires, la bagasse n’est qu’un complément à l’utilisation du charbon dans les centrales thermiques. La Martinique souhaiterait développer, avec le projet du Galion, une centrale de production fonctionnant intégralement à partir de biomasse – une partie de bagasse, une partie de biomasse importée. La Guyane, qui dispose d’une centrale biomasse à Kourou, a la volonté de développer une filière à partir d’une exploitation raisonnée des ressources forestières. La biomasse a l’avantage d’être une source de production prévisible, en base. Toutefois, il peut exister des difficultés d’approvisionnement liées à la campagne sucrière.

La Guadeloupe et La Réunion ont développé une filière éolienne, qui se heurte désormais à plusieurs difficultés : l’application du seuil des 30 % et les règles d’urbanisme (cf. infra).

Enfin, la Guadeloupe dispose d’une unité de production d’électricité à partir de géothermie à haute enthalpie, Bouillante. Le potentiel géothermique est particulièrement important dans les Antilles.

PUISSANCE INSTALLÉE DES FILIÈRES DE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ RENOUVELABLE DANS LES OUTRE-MER (2012)

En MW

 

Hydroélectricité

Éolien

Photovoltaïque

Biomasse (*)

Bagasse charbon

Géothermie

Guyane

119

-

34

2

 

-

Guadeloupe

9

27

64

-

60

14

Martinique

-

1

60

-

-

-

La Réunion

135

15

152

-

114

-

Mayotte

-

-

13

-

 

-

(*) Hors bagasse

Source : Bilans prévisionnels de l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité, EDF SEI ; Bilan énergétique régional de Mayotte

Ces filières ne sont pas réduites aux installations existantes et aux potentiels naturels déjà exploités : dans chaque région, les schémas régionaux climat air énergie (SRCAE) ont identifié les perspectives de développement et fixé des objectifs de capacités de production supplémentaires d’ici 2020 et 2030.

POTENTIELS DE DÉVELOPPEMENT DES FILIÈRES DE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ RENOUVELABLE IDENTIFIÉS DANS LES SRCAE

Capacités installées suivant le scénario volontariste à l’horizon 2020

 

Hydroélectricité

Éolien

Photovoltaïque

Biomasse

Géothermie

Autres

Guyane

130 à 140

19

116

15 à 25

 

8

Guadeloupe

14

66

90

27

45

16

Martinique

2,5 à 5

25 à 50

110 à 130

42 à 46

30 à 60

23,5

La Réunion

180

35

250

4,7

 

36 à 42

Source : Schémas régionaux Climat air énergie

Plusieurs filières d’avenir pourraient également trouver un terrain de développement privilégié dans les Outre-mer. La Réunion héberge par exemple un projet très ambitieux de SWAC (Sea water air conditioning) ; cette technologie consiste à pomper l’eau de mer en grande profondeur (1 100 mètres dans le cas de La Réunion), où elle est à la température de 5 °C, et à l’injecter dans un réseau de froid alimentant des quartiers résidentiels et des gros clients. La réalisation du projet SWAC de La Réunion, mené par GDF Suez, permettrait d’effacer une puissance électrique de pointe d’environ 30 MW, pour un montant total d’investissements de 150 millions d’euros. D’autres filières sont également en cours d’étude, comme la géothermie à basse température ou bien encore les hydroliennes.

3. Des acteurs dynamiques prêts à conquérir des marchés d’envergure mondiale

Le développement ambitieux des énergies renouvelables dans les Outre-mer a reposé sur l’implantation locale d’acteurs spécialisés et dynamiques, qui bénéficient de deux facteurs favorables. D’une part, les Outre-mer français constituent un marché de trop petite taille pour que les « majors » du secteur s’y intéressent et puissent amortir leurs projets de recherche et leurs investissements. D’autre part, les caractéristiques géographiques de ces territoires rendent nécessaires le développement de produits spécifiques.

Les entreprises locales du secteur des énergies renouvelables ont pu ainsi disposer d’un marché national sur lequel tester leurs produits, afin de les exporter sur des territoires aux caractéristiques similaires. Il s’agit en effet d’un marché porteur d’envergure mondiale : les territoires insulaires de la zone Caraïbes, de l’Océan indien, voire de l’Asie du Sud-Est, constituent un marché potentiel de plusieurs centaines de millions d’habitants.

En conclusion, les Outre-mer français doivent développer leurs ressources énergétiques propres. C’est à cette condition qu’ils parviendront à réduire les émissions de gaz à effet de serre générées par la production électrique. Ils pourront s’appuyer sur un tissu local d’entreprises et d’emplois, qui bénéficiera ensuite de perspectives d’export très intéressantes.

C. UN COÛT DU SYSTÈME ÉNERGÉTIQUE AMENÉ À CROÎTRE SANS UNE RÉORIENTATION DU MIX ÉNERGÉTIQUE VERS LES ÉNERGIES RENOUVELABLES

1. Un coût de production de l’électricité qui rend la péréquation tarifaire indispensable

a. Un coût de production très supérieur dans les Outre-mer

Les caractéristiques du mix électrique des territoires d’Outre-mer sont non seulement très défavorables d’un point de vue environnemental, mais aussi très préjudiciables à la compétitivité du coût de production de l’électricité. En effet, la production est assurée majoritairement par des centrales thermiques, dont les coûts moyens de production, déjà hauts dans des zones interconnectées, sont particulièrement élevés sur des territoires insulaires en raison des contraintes d’approvisionnement :

– centrales thermiques au charbon (production en base) : entre 150 et 200 €/MWh ;

– centrales thermiques au fioul (production en base) : entre 200 et 250 €/MWh, voire plus de 300 €/MWh à Mayotte ;

– turbines à combustion (production à la pointe) : 400 à 600 €/MWh.

Par comparaison, la part « production » du tarif réglementé de vente d’électricité est de l’ordre de 60 €/MWh. Ce prix reflète le coût moyen d’approvisionnement d’EDF en France continentale, constitué à 75 % d’électricité nucléaire et à 14 % d’hydroélectricité.

Au total, les coûts de production exposés par EDF SEI sont trois à quatre fois plus élevés que ceux d’EDF ; pour Électricité de Mayotte ce facteur est de huit.

COMPARAISON DU COÛT DE PRODUCTION D’EDF SEI ET D’EDM ET DU TARIF RÉGLEMENTÉ DE VENTE DANS LES OUTRE-MER (2012)

Sources : d’après les chiffres communiqués par la CRE ; calculs Assemblée nationale

Méthodologie : Les chiffres utilisés sont ceux de l’annexe 2 (Charges constatées au titre de l’année 2012) de la délibération de la CRE du 9 octobre 2013 portant proposition relative aux charges de service public de l’électricité et à la contribution unitaire pour 2014. À partir du montant des recettes de production totales d’EDF SEI ou d’EDM (en M€) et du prix unitaire du tarif de vente de chaque ZNI (en €/MWh), il est possible de déduire la quantité de MWh par territoire entrant dans la catégorie des surcoûts de production. Le coût de production unitaire d’EDF SEI et d’EDM par ZNI se déduit en divisant le montant de leurs coûts de production par la quantité de production.

Cette situation explique qu’il ait été mis en place un dispositif spécifique pour que ces écarts de coût de production, très défavorables aux zones non interconnectées, ne se retrouvent pas dans le prix payé par le consommateur final.

b. La péréquation tarifaire : une politique publique essentielle qui donne aux Ultra-marins un accès à un bien de première nécessité

La péréquation tarifaire est un principe qui s’impose à l’ensemble du territoire français : elle permet à chaque citoyen de bénéficier d’une électricité au même prix, quel que soit son lieu de résidence. L’outil central de la péréquation tarifaire est le tarif réglementé de vente, dont le niveau est fixé par les autorités publiques. Conformément à l’article L. 337-7 du code de l’énergie, le tarif réglementé de vente est accessible à tous les particuliers, à leur demande. Il ne faut donc pas oublier que la péréquation tarifaire profite à la très grande majorité des territoires, pas seulement aux Outre-mer. Elle n’apparaît que pour les Outre-mer et la Corse, pour lesquels il existe une comptabilité séparée en raison de leur situation particulière de zone non interconnectée. Mais le coût de la péréquation tarifaire en lui-même, dilué dans l’ensemble des recettes des ventes d’électricité, est bien plus important. À ce titre, les Outre-mer ne constituent pas un territoire favorisé de la République.

Historiquement destiné à compenser les écarts liés à la distribution de l’électricité dans les zones rurales, le principe de la péréquation a pris une dimension supplémentaire à partir de 1975. La loi n° 75-622 du 11 juillet 1975 relative à la nationalisation de l’électricité dans les départements d’outre-mer transpose ce principe aux Outre-mer. Son article 6 précise ainsi que : « Les tarifs de vente de l’énergie électrique en haute tension ou en basse tension dans les départements d’outre-mer seront progressivement alignés sur ceux de la métropole, l’unification totale devant être réalisée dans un délai maximum de sept années ».

Cet article trouve sa déclinaison dans le droit actuel à travers deux articles du code de l’énergie. L’article L. 337-8 du code de l’énergie dispose que « Les tarifs réglementés de vente de l'électricité (…) bénéficient, à leur demande, aux consommateurs finals domestiques et non domestiques pour leurs sites situés dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental ». L’article L. 362-4 précise que les tarifs de vente sont identiques à ceux pratiqués en métropole. Les consommateurs des zones non interconnectées, dont font partie les Outre-mer, ont donc droit à la fourniture d’électricité au même prix que sur le territoire de la France continentale, et ce malgré des caractéristiques techniques différentes qui rendent la production d’électricité plus chère.

Si la péréquation tarifaire s’applique à l’ensemble du territoire français, elle prend une importance toute particulière dans le contexte ultramarin, pour trois raisons.

Premièrement, le coût total de production de l’électricité dans les Outre-mer élevé résulte d’un retard des politiques d’électrification. Dans l’Hexagone, les collectivités de tous les départements ont bénéficié des concours financiers du FACE depuis 1936 : elles ont ainsi pu construire le réseau de distribution performant que nous connaissons aujourd’hui. Quant au réseau de transport et aux moyens de production, la loi de nationalisation de 1946 en a confié la propriété et la gestion à EDF, qui a ainsi mené une stratégie de développement ambitieuse et efficace. L’État n’a mis en œuvre une politique similaire dans les Outre-mer que depuis la loi du 11 juillet 1975, date à laquelle toutes les composantes du système électrique (transport, distribution et production) ont été nationalisées et les biens et obligations confiés à EDF SEI. Quant à Mayotte, la mise en œuvre complète de la péréquation tarifaire ne date que de 2007. Au regard de l’histoire, la péréquation tarifaire est donc une politique de solidarité nationale qui tire son origine dans les trente années de retard du service public national de l’électricité.

Deuxièmement, la péréquation tarifaire s’inscrit dans un contexte économique et social très difficile dans les Outre-mer. D’un côté, le niveau de vie dans ces territoires est bien moins élevé qu’en métropole. En 2010, le revenu médian par unité de consommation y est 38 % inférieur par rapport à la métropole (5). De l’autre, le coût de la vie y est plus élevé : les prix y sont 6 % (La Réunion) à 13 % (Guyane) plus élevés (6). Un tel constat a mené à l’adoption de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer, dont l’un des objets était de lutter contre la « vie chère ». La péréquation tarifaire pour les Français de l’Outre-mer répond au même objectif : leur donner accès aux biens essentiels à des tarifs acceptables.

Troisièmement, la péréquation tarifaire est un élément favorable aux entreprises locales, dans un contexte de concurrence avec les entreprises des territoires voisins (la Caraïbe pour la Martinique et la Guadeloupe ; le Brésil et le Suriname pour la Guyane ; les Comores, Maurice et Madagascar pour Mayotte et La Réunion), où la fourniture d’électricité est facturée à son coût réel. De manière générale, des infrastructures performantes, garantissant une fourniture électrique de qualité, sont une composante du positionnement des Outre-mer sur une production locale à forte valeur ajoutée.

c. Un fonctionnement centré autour des fournisseurs historiques, impliquant l’ensemble des producteurs d’électricité dans les ZNI.

Pour l’application du principe de la péréquation tarifaire a été mis en place un système de compensation : les opérateurs de service public chargés de fournir l’électricité dans les zones non interconnectées, EDF SEI et, à Mayotte, Électricité de Mayotte (EDM), doivent facturer celle-ci au tarif réglementé de vente. Les pertes auxquelles ils font face, égales à la différence entre le coût de production et le tarif réglementé de vente, leur sont remboursées intégralement à partir d’une contribution payée par l’ensemble des consommateurs français. Cette contribution est une composante de la CSPE (contribution au service public de l’électricité).

EDF SEI et EDM sont les gestionnaires de la péréquation tarifaire dans les Outre-mer et les destinataires exclusifs des compensations alimentées par la CSPE. Toutefois, les entreprises de service public ne sont pas les seuls producteurs d’électricité des outre-mer, ce qui implique de distinguer trois cas, énumérés par l’article L. 121-7 du code de l’énergie.

Premier cas, les fournisseurs historiques, EDF SEI et EDM, bénéficient d’une compensation pour le fonctionnement des installations dont ils sont les exploitants en propre. Cette compensation couvre leurs « surcoûts de production », représentant la différence entre le coût de production « normal et complet pour le type d’installation de production considérée dans cette zone » et la part production du tarif réglementé de vente, applicable sur l’ensemble du territoire français. Le coût de production normal et complet est calculé annuellement, à partir des coûts constatés par la CRE dans la comptabilité d’EDF et d’EDM.

Deuxième cas, EDF ou électricité de Mayotte rémunèrent les producteurs d’électricité qui participent à la fourniture d’électricité dans les Outre-mer. Le niveau de rémunération de ces producteurs est fixé selon deux types de règles différentes :

– dans le cas des contrats d’obligation d’achat, le prix d’acquisition correspond au tarif d’achat fixé dans le cadre d’un arrêté tarifaire ou du prix d’acquisition tel qu’il résulte de la procédure d’appel d’offres. Ce prix est censé permettre aux producteurs de développer leur projet tout en leur garantissant une rémunération raisonnable ;

– s’ils ne s’inscrivent pas dans ce cas précis, les producteurs doivent signer un contrat d’achat de gré à gré avec EDF SEI ou EDM, pour bénéficier d’un prix d’achat de leur électricité. Les surcoûts supportés par EDF SEI ou EDM liés à l’achat de cette électricité « sont pris en compte dans la limite des surcoûts de production qu'ils contribuent à éviter » (7) ; autrement dit, le niveau de référence est celui des installations de production thermiques « traditionnelles », et toute installation dont le coût de production se trouve au-dessus de ce tarif ne peut bénéficier d’un contrat. Avant signature, le projet de contrat entre un producteur tiers et EDF SEI (ou EDM) est communiqué à la CRE, pour qu’elle vérifie que la rémunération offerte au producteur est économiquement justifiée.

La majorité de l’électricité achetée par EDF SEI est produite par les centrales bagasse-charbon exploitées par Albioma en Guadeloupe et à La Réunion (45 % de l’électricité achetée par EDF et EDM dans les Outre-mer) et par des moyens de production thermiques détenus par EDF PEI.

Troisième cas, le dispositif de la péréquation tarifaire peut rémunérer des économies d’énergie ou des installations de stockage d’électricité. Avec le système de la péréquation tarifaire, les consommateurs ne paient pas l’électricité au « vrai prix ». Cela dissuade la réalisation des opérations d’économies d’énergie qui sont rentables par rapport au coût de production dans les outre-mer et non par rapport au tarif réglementé de vente. Afin de corriger cette situation, la LFR 2012 a étendu le périmètre du financement de la péréquation tarifaire dans les ZNI à deux nouveaux postes : les coûts des ouvrages de stockage d'électricité gérés par le gestionnaire du système électrique et les coûts supportés par les fournisseurs d'électricité en raison de la mise en œuvre d'actions de maîtrise de la demande portant sur les consommations d'électricité et diminués des recettes éventuellement perçues à travers ces actions (8). Le décret permettant de mettre en œuvre une telle disposition date du 1er août 2014 (9).

2. Une fuite en avant des dépenses de CSPE pour les Outre-mer liée au modèle énergétique du « tout fossile »

En raison de l’explosion des montants annuels de CSPE pesant sur les consommateurs, cette contribution est devenue l’un des éléments centraux du débat énergétique. L’article 50 du projet de loi relatif à la transition énergétique prévoit d’ailleurs un « comité de gestion de la contribution au service public de l’électricité », dont le rôle est de prévoir et de suivre l’évolution des dépenses de CSPE pour prévenir de nouvelles explosions.

Le coût de la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées, en tant que composante de la CSPE, est pointé du doigt. Les Outre-mer participeraient à la hausse insupportable des factures des consommateurs français. Cette vision de la péréquation tarifaire est pourtant fortement biaisée car elle passe sous silence plusieurs éléments d’analyse.

ÉVOLUTION DES CHARGES DE CSPE : CHARGES TOTALES ET CHARGES LIÉES AUX ZNI (EN M€)

Source : CRE

Tout d’abord, si l’on raisonne d’un point de vue relatif, les charges liées aux ZNI représentent une part dans le total des charges de CSPE comparable aux niveaux des années 2003 et 2004. Ayant connu un pic pour l’année 2008 à 49 %, cette part a progressivement décru, en raison de la montée en puissance à un rythme plus soutenu des dépenses liées aux énergies renouvelables dans l’Hexagone.

Ensuite, mentionner le taux de croissance des dépenses de CSPE liées aux ZNI, de 15 % par an, laisse de côté l’essentiel : l’analyse des causes d’une telle croissance. À ce titre, il est très intéressant de constater que la production d’électricité dans les Outre-mer connaît une inflexion notable depuis 2010.

ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ DANS LES OUTRE-MER DEPUIS 2007

Base 100 en 2007

Source : d’après les bilans énergétiques régionaux ; calculs Assemblée nationale

En 2010, le taux de croissance annuel de la consommation est supérieur à 3 % dans tous les territoires d’Outre-mer. Il atteint 6,3 % en Guadeloupe, 5,3 % en Guyane et 4,3 % en Martinique. 2011 est marquée par un fait historique : une baisse de consommation en Martinique et en Guadeloupe. Les taux de croissance de l’année 2012 sont tous inférieurs à 2 %, hormis à La Réunion (+ 2,2 %). Dans cette dernière région, les derniers chiffres pour l’année 2013 font état d’une évolution de 0,1 % de la production électrique. L’inflexion est encore plus spectaculaire dans le cas de Mayotte, qui est passée de taux de croissance autour de 10 % en 2008 et 2009 à des taux inférieurs à 2 % en 2011 et 2012. Au niveau agrégé, l’évolution moyenne de la production électrique des Outre-mer entre 2007 et 2012 est de 2,1 %, bien loin des 15 % de hausse des charges de CSPE liées aux ZNI. Cela signifie que ça n’est pas le comportement de consommation des Ultra-marins qui est en cause, mais la hausse du coût moyen de production du MWh dans les Outre-mer.

De manière générale, les consommateurs des Outre-mer sont les plus sobres de France :

CONSOMMATION MOYENNE D’ÉLECTRICITÉ PAR HABITANT (EN MWH)

Il s’en déduit que les éventuels effets pervers de la péréquation tarifaire ne sont pas avérés : facturer l’électricité en deçà de son coût réel de production n’alimente aucune surconsommation. Bien loin d’être dans l’ère du gaspillage, les Ultra-marins sont encore dans une phase où ils aspirent à avoir accès aux biens essentiels. Les priver de la péréquation tarifaire reviendrait à les pénaliser doublement.

Comment expliquer une telle dérive des coûts moyens de production ? Deux facteurs peuvent être avancés. Le premier est la « bulle photovoltaïque » de 2010. Jusqu’en 2011, la filière photovoltaïque a bénéficié, sur l’ensemble du territoire français, de tarifs d’achat très élevés, offrant des rémunérations bien trop fortes. Les projets se sont ainsi multipliés sans que les pouvoirs publics aient réagi à temps. Ce phénomène s’est traduit par des taux de croissance exubérants de 126 % et 124 % respectivement en métropole et dans les Outre-mer en 2010. La Guyane a ainsi construit les deux tiers de son parc actuel durant cette seule année. Le photovoltaïque dans les zones non interconnectées représente ainsi une dépense annuelle de 280 M€. En excluant ces chiffres, les charges de CSPE pour les ZNI n’ont jamais représenté un pourcentage aussi faible depuis plus de 10 ans.

PART DES CHARGES LIÉES AUX ZNI DANS LE TOTAL DES CHARGES DE CSPE

Source : d’après CRE, calculs Assemblée nationale

Ces chiffres ne doivent pas pour autant jeter l’opprobre sur la filière photovoltaïque. Ils s’expliquent avant tout par un mauvais pilotage des aides par le Ministère de l’énergie d’alors. Réagissant avec retard à l’emballement de la filière en décembre 2010, ce dernier a imposé un moratoire sur l’attribution de contrats d’obligation d’achat (10) et mis fin au système de « guichet ouvert » qui prévalait jusqu’alors. Les tarifs d’achat et les appels d’offres proposés aux installations photovoltaïques sont, depuis, revenus à des niveaux tout à fait comparables au coût de production des autres énergies renouvelables. Les sur-rémunérations attribuées aux producteurs photovoltaïques ne sont donc pas un élément structurel.

Le second facteur expliquant cette dérive est la hausse du coût de production des centrales d’EDF, et notamment des centrales thermiques, dans une période de reprise soudaine des investissements.

Trois centrales thermiques de grande puissance sont entrées ou entreront en service entre 2012 et 2014 : Port Est à La Réunion (210 MW, 2012), Bellefontaine en Martinique (220 MW, 2013) et Pointe Jarry en Guadeloupe (210 MW, 2014) (11), ce qui représente un investissement total de 1,5 milliard d’euros. Ce choix s’est accompagné de la filialisation progressive de l’activité production d’EDF SEI, à travers la création d’EDF PEI, exploitant des trois centrales. Une partie de la production d’électricité d’EDF est sortie du régime de la couverture des surcoûts de production pour intégrer celui des contrats de gré à gré, EDF PEI devenant ainsi un producteur « comme les autres » :

ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ THERMIQUE SOUS CONTRAT D’ACHAT

(en GWh)

 

2011

2012

2013

2014

La Réunion

0

11

557

601

Martinique

131

166

251

880

Guadeloupe

192

241

248

500

Source : délibérations annuelles de la CRE relatives à l’évolution des charges de CSPE

Cet effet de substitution se traduit par un recul de la production assurée en propre par EDF SEI, et une augmentation parallèle de l’électricité thermique produite sous contrat d’achat.

Comme les périmètres entre EDF SEI et EDF PEI évoluent, l’analyse détaillée de l’évolution des coûts de production des centrales thermiques du groupe EDF est difficile. Toutefois, on constate que la somme des coûts de production EDF SEI et des coûts des contrats d’achat thermiques a fortement augmenté alors que, dans le même temps, la quantité d’électricité fournie n’a que très peu évolué :

ÉVOLUTION DE L'ENSEMBLE DES COÛTS DE PRODUCTION D'EDF DANS LES ZNI

(en M€)

 

2011

2012

2013

2014

Quantité d’électricité produite par EDF (*)

6 335

6 270

6 481

6 715

Taux de croissance production

-

-1 %

+3,4 %

+3,6 %

Coûts de production EDF SEI

1 172

1 204

1 122

976

Achats production thermique

91,8

122

314

720

Total coûts de production EDF (**)

1 264

1 326

1 436

1 696

Taux de croissance coût de production

-

+4,9 %

+8,3 %

+18 %

(*) Somme de la quantité d’électricité entrant dans le décompte des surcoûts de production et de la quantité d’électricité thermique achetée par EDF SEI

(**) Somme des coûts totaux de production d’EDF SEI et des coûts totaux de l’électricité thermique achetée par EDF SEI dans l’ensemble des ZNI.

Source : d’après les délibérations annuelles de la CRE relatives à l’évolution des charges de CSPE

La déconnexion entre la croissance de la production et celle des coûts de production d’EDF traduit une hausse du coût unitaire de production de l’entreprise, qui peut être estimée à 6 points en 2012, 5 points en 2013 et 14 points en 2014.

Une telle hausse s’explique par deux facteurs. La production thermique est très sensible aux variations des prix des carburants fossiles. Ces derniers ont connu une forte hausse en 2012, qui explique sans doute une grande part de l’augmentation des coûts de production de l’entreprise cette année-là (+ 5 %, dans un contexte de baisse de la production d’EDF de 1 %).

VARIATION ANNUELLE DU PRIX DES COMBUSTIBLES ALIMENTANT LES CENTRALES THERMIQUES DES OUTRE-MER

 

2 012

2 013

2 014 (*)

Antilles Guyane - Fioul

+ 12 %

-4 %

-3 %

Antilles Guyane - Diesel

+ 13 %

-6 %

-3 %

La Réunion - Fioul

+ 13 %

-12 %

-2 %

La Réunion - Diesel

+ 11 %

-7 %

-5 %

(*) Janvier à fin juin 2014 - Source : d’après EDF.

En revanche, le prix des produits pétroliers, en baisse les deux années suivantes, n’est pas responsable de la dérive des coûts de production d’EDF en 2013 et 2014, qui tire son origine dans l’entrée en service des nouvelles centrales d’EDF PEI. 2013 et 2014 sont en effet les années à partir desquelles ces unités commencent à fonctionner à plein régime. Or, l’entrée en service de nouvelles centrales a un impact très fort sur le niveau des coûts compensés à EDF dans le cadre de la CSPE, qui tient au mode de rémunération des producteurs bénéficiant de contrats d’achat de gré à gré. Outre une part variable, proportionnelle au kWh produit, ces contrats comprennent une part fixe destinée à couvrir l’investissement initial. L’entrée en service d’une nouvelle unité se traduit donc par un saut brusque des charges à compenser au producteur. Ce saut est d’autant plus important que le profil d’amortissement des investissements est dégressif. S’ajoute le fait que, dans la période actuelle de transition, les anciennes centrales thermiques continuent de fonctionner alors que les précédentes entrent en services, ce qui signifie que la part fixe est payée deux fois. Enfin, les nouvelles centrales thermiques, plus efficaces, se traduisent par des économies de carburant, mais représentent des investissements plus lourds en raison des nouvelles contraintes environnementales.

L’analyse détaillée des postes de charges couvertes par la CSPE permet de dépasser les discours préconçus sur le sujet de la péréquation tarifaire dans les Outre-mer. La hausse des coûts ne s’explique en rien par une hausse de la consommation électrique des Ultra-marins mais par une conjonction d’éléments complexes. Elle révèle en réalité l’inadaptation du modèle actuel, qui se caractérise par la vulnérabilité aux évolutions des prix des combustibles fossiles et la réalisation d’investissements coûteux dans des capacités de production polluantes.

En conclusion, la péréquation tarifaire à destination des ZNI est une politique publique justifiée et proportionnée, mais qui doit avoir une vocation transitoire et s’inscrire dans le cadre plus global d’une transition vers un nouveau modèle énergétique pour les Outre-mer.

D. SYNTHÈSE : UN NOUVEAU MODÈLE ÉNERGÉTIQUE POUR DÉPASSER LES CONTRAINTES DES OUTRE-MER

Au niveau national, les échanges sont vifs entre les tenants d’une politique ambitieuse de soutien aux énergies renouvelables et ceux qui souhaitent des orientations plus modérées. Dans ce débat, la question particulière de la transition énergétique dans les Outre-mer ne fait pas l’objet d’un traitement séparé. Pourtant, l’équation économique, sociale et environnementale de la transition énergétique des zones non interconnectées n’est pas du tout la même qu’en métropole. Tous les arguments convergent pour justifier le lancement d’une politique très ambitieuse reposant sur deux piliers : le développement des énergies renouvelables à partir de ressources locales et le soutien à la maîtrise de la demande d’énergie.

– Il existe un véritable enjeu de sécurité d’approvisionnement et de souveraineté énergétique. Les Outre-mer dépendent à 90 % de ressources fossiles importées et n’ont pas de solution de substitution. Développer de nouvelles sources de production locales permettrait de diversifier cet approvisionnement, tout en apportant des solutions à la faiblesse du réseau électrique dans certaines zones reculées.

– L’enjeu environnemental est évident : les Outre-mer français ne peuvent continuer à présenter un bilan carbone de leur production électrique aussi dégradé. Seuls ces territoires continuent à être alimentés par des centrales thermiques au charbon et au fioul d’un autre âge.

– Le développement des ENR ne nécessitera qu’un faible subventionnement et contribuera même, dans la plupart des cas, à réaliser des économies de CSPE en diminuant le coût moyen de production de l’électricité dans les Outre-mer. En raison du coût de production élevé des centrales thermiques classiques, toutes les énergies renouvelables sont déjà parvenues à la « parité réseau ». L’éolien terrestre (entre 100 et 150 €/MWh), la biomasse (environ 150 €/MWh pour la bagasse, 250 €/MWh pour le bois énergie), la géothermie (inférieure à 150 €/MWh) ou encore les fermes photovoltaïques (entre 150 et 200 €/MWh) présentent des coûts de production qui sont compétitifs. Encore faut-il offrir un cadre propice au développement de ces énergies, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. De même, les actions d’économie d’énergie ont des temps de retour sur investissement bien moins longs qu’en métropole.

– L’enjeu est de parvenir à sortir « par le haut » de la péréquation tarifaire, dispositif particulièrement nécessaire mais qui conduit malgré tout à subventionner massivement les énergies fossiles alors que les ENR ont atteint le seuil de rentabilité sans subvention ou en sont proches.

– Enfin, un développement économique local autour des filières vertes est tout à fait possible, pour peu que la France se positionne rapidement. Les Outre-mer français ont investi toutes les filières, disposent d’acteurs nombreux, dynamiques et innovants, et sont au cœur de marchés porteurs délaissés par les entreprises européennes (les Antilles et l’Océan indien). Plusieurs îles se sont déjà lancées dans la course mondiale à la maîtrise des systèmes énergétiques isolés. La France doit tirer parti de ses Outre-mer pour s’afficher comme le leader.

Comme l’ensemble des éléments exposés le montrent, le nouveau modèle énergétique, centré sur le déploiement de ressources locales, est déjà mûr pour être mis en place dans les Outre-mer. Les Outre-mer ont besoin d’entrer pleinement dans une transition énergétique dès aujourd’hui.

De ce constat, il est communément fait le raccourci que les Outre-mer pourraient être les « laboratoires » de LA transition énergétique. Cette façon de voir n’est pas la bonne : sous prétexte qu’ils accueillent les expérimentations de dispositifs ou de systèmes qui seraient ensuite déployés à grande échelle sur le continent, les Ultra-marins devraient-ils se satisfaire de mesures qui ne changent rien à leur situation ? La transition énergétique dans les Outre-mer, c’est créer un nouveau modèle énergétique adapté, élaboré pour les Outre-mer, et destiné à dépasser les contraintes propres de ces territoires.

II. LA POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DANS LES OUTRE-MER VICTIME DE DISPOSITIFS NATIONAUX INADAPTÉS ET DE PRISES DE DÉCISIONS LOINTAINES

Le contexte est particulièrement favorable à une transition énergétique dans les Outre-mer : d’un côté, les faiblesses des systèmes énergétiques de ces territoires commandent d’agir ; de l’autre, les outils sont disponibles pour répondre aux difficultés identifiées.

Cette stratégie évidente fait néanmoins face à une accumulation d’obstacles. La situation devient critique : les acteurs locaux, dynamiques et prompts à s’adapter à un cadre qui leur est pourtant peu favorable, vivent sur des développements passés et sont sur le point d’abandonner.

A. DES COMMUNES LAISSÉES À ELLES-MÊMES FACE À LA TÂCHE IMMENSE DE L’ÉLECTRIFICATION DE L’INTÉRIEUR GUYANAIS

Au regard de la gravité de la situation des communes de l’intérieur guyanais, le droit existant, provenant à la fois des dispositions du code de l’énergie et du contrat de concession de distribution spécifique (« Modèle guyanais »), conclu entre EDF SEI et les autorités concédantes, n’est pas adapté. Il donne aux collectivités (la Communauté de communes de l’Ouest guyanais, à l’Ouest, et les communes individuellement, à l’Est) des compétences qu’elles n’ont pas les moyens financiers d’exercer.

1. Le financement des travaux d’investissement dans les centrales thermiques des bourgs-centres

Le premier problème est celui du financement des investissements dans les moyens de production thermiques alimentant les micro-réseaux des bourgs-centre. La demande électrique des communes de l’intérieur augmente à une vitesse exponentielle, sous l’impulsion combinée de la croissance démographique et de l’équipement des ménages en électro-ménager ou en climatisation. Le taux de croissance de la consommation électrique a, par exemple, été de 4,9 % et 2,6 % en 2011 et 2012 dans les communes de l’intérieur, contre seulement 0,8 % et 1,9 % sur le littoral interconnecté. Les micro-centrales thermiques actuelles ne pourront bientôt plus faire face, et d’importants travaux d’investissements sont à prévoir. Une question se pose cependant : à qui revient la charge de financer ces travaux ?

L’article L. 2224-33 du code général des collectivités territoriales (12) donne la possibilité aux collectivités concédantes d’aménager des moyens de production autonomes et de les exploiter directement ou par le biais d’une concession, à la condition que cette solution soit plus économique que le raccordement au réseau de la zone alimentée. Cette autorisation ne vaut que pour les installations d’une taille inférieure à 2 MW (13) dans les Outre-mer hors Mayotte (1 MW dans le droit commun). Ce seuil englobe toutes les communes de l’intérieur guyanais, dont les moyens de production d’électricité sont tous inférieurs à cette puissance (14). Le 9e alinéa de l’article L. 2224-31 précise en complément que les opérations de production d’électricité peuvent donner droit aux aides d’électrification rurale (ex-FACE).

Ces dispositions sont interprétées strictement par EDF SEI qui considère que la possibilité laissée aux communes d’être propriétaires de moyens de production la délie de toute obligation, et ce d’autant plus que le FACE prévoit les financements correspondants. Ces arguments ne sont pas pertinents dans la mesure où :

– le programme spécial 794 du FACE pour le financement d’installations de production d’électricité dans les sites isolés ne prévoit aucune dotation pour la Guyane ni en 2013 ni en 2014 ;

– le financement FACE de moyens de production dans des sites isolés s’effectue par des dotations attribuées au cas par cas par les préfets, après examen des dossiers par le Conseil restreint du FACE ; il s’agit donc d’une procédure plus complexe que le financement d’opérations classiques de renforcement ou d’enfouissement ; le nombre d’opérations financées est par conséquent très faible : une en 2012, quatre en 2013, sept en 2015 (15).

– le subventionnement FACE ne couvre que 65 % du montant TTC des travaux ; les collectivités concédantes doivent donc financer une partie des investissements par des fonds propres.

2. L’électrification des écarts

S’agissant des écarts, ils ne sont pas intégrés dans le périmètre de la concession de distribution, ce qui les prive du bénéfice de la péréquation tarifaire. Le gestionnaire de réseau, EDF SEI, a mis en place depuis 2009 un programme d'électrification des villages dotés d'équipements publics, notamment d’écoles. Il doit aboutir à la reprise en concession par EDF des unités de production et des réseaux de plusieurs écarts (16).

Pour les habitants qui ne sont pas couverts par le programme d’EDF, les collectivités (communes ou communautés de communes) sont laissées à elles-mêmes. Lorsque les écarts sont situés trop loin de tout réseau électrique (soit du réseau de distribution public du littoral, soit d’un micro-réseau d’un bourg-centre), la problématique est la même que précédemment : si elles souhaitent un accès des habitants à l’électricité, les communes doivent prendre à leur charge l’investissement dans les moyens de production, en espérant un éventuel remboursement par le programme ad hoc du FACE.

Lorsque les écarts peuvent éventuellement être raccordés à un réseau existant, la charge financière de lextension du réseau repose, là encore, majoritairement sur les collectivités (17). Or, ces dernières n’ont pas les ressources nécessaires pour faire face à un tel défi, en raison du caractère inadapté des règles de répartition des aides de l’électrification rurale. Initialement créé, en 1936, pour favoriser l’électrification des zones rurales peu denses et non rentables, le FACE sert principalement aujourd’hui au renforcement et à la sécurisation du réseau existant – ces deux postes regroupent 87 % du total des aides. À l’inverse, l’extension du réseau de distribution ne constitue plus une priorité, et ne représente donc que 12 % des sommes versées aux collectivités territoriales. Les critères de répartition des aides entre département sont fondés sur ces objectifs : ils prennent en compte le linéaire du réseau préexistant et sa qualité (nombre de départs mal alimentés).

La Guyane se trouve en totale contradiction avec les orientations suivies par la politique d’électrification rurale et les critères d’attribution des aides : d’un côté, les besoins en extension du réseau sont très importants et sont, de loin, la priorité ; de l’autre, les réseaux existants sont peu étendus et récents, ce qui explique que les montants reçus soient très faibles. Au total, l’enveloppe FACE reçue par la Guyane en 2014 n’est que de 1,3 million d’euros, sur un total national de 370 millions d’euros. Cette enveloppe est, de plus, concentrée à 75 % sur la tranche « renforcement », qui représente 1 million d’euros, contre seulement 250 000 euros consacrés à l’extension. Or, les règles d’attribution des aides à l’électrification rendent impossible la fongibilité des crédits entre les différentes tranches. Les aides octroyées aux collectivités guyanaises pour raccorder les habitants au réseau sont donc tout à fait insuffisantes. Elles représentent seulement 3 kilomètres de lignes par an ! En comparaison, les besoins identifiés pour l’Ouest guyanais s’élèvent à 9,9 millions d’euros.

De manière plus générale, il convient de s’interroger sur la répartition des rôles entre EDF SEI et les collectivités concédantes. Ces dernières exercent deux missions : le contrôle de l’activité du concessionnaire et, dans certains cas, la maîtrise d’ouvrage sur le réseau de distribution ; la possibilité qui leur est donnée de gérer des ouvrages de production doit demeurer une exception. C’est à EDF SEI qu’est dévolue la mission d’alimentation en électricité des territoires d’Outre-mer : l’article L. 121-3 du code de l’énergie (18) dispose qu’EDF contribue à la réalisation de la mission de développement équilibré de l’approvisionnement en électricité, qui consiste notamment à garantir l’approvisionnement des zones du territoire non interconnectées au réseau métropolitain continental. Pourquoi exclure du cadre de cette mission la maîtrise d’ouvrage des centrales de thermiques alimentant les citoyens de l’intérieur de la Guyane ? Sur le reste du territoire des zones non interconnectées, EDF est propriétaire des centrales de production qu’il exploite et ses coûts d’investissements sont couverts, dans le cadre de la péréquation tarifaire. De même, l’absence de réseaux haute et moyenne tension dans ces zones reculées justifie-t-elle un transfert aux collectivités de l’intégralité des charges d’investissement sur le réseau ?

B. UN DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES À L’ARRÊT EN RAISON D’UN CUMUL DE CONTRAINTES

1. Un constat implacable : le développement des ENR au point mort

La France a fixé pour ses territoires ultramarins des objectifs très ambitieux de développement des énergies renouvelables. L’arrêté du 15 décembre 2009 relatif à la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) de production d’électricité prévoit, pour les zones non interconnectées, d’atteindre, dès 2020, 30 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie à Mayotte et 50 % au minimum dans les autres collectivités d'outre-mer.

La réalité est toute autre : après avoir pris de l’avance dans le secteur des énergies renouvelables, les Outre-mer sont aujourd’hui bien loin de la trajectoire fixée par la PPI. Au cours des nombreuses auditions menées dans les Outre-mer, la mission d’information a constaté à quel point les acteurs étaient unanimes lorsqu’ils dénonçaient le blocage de la quasi-totalité des projets sur le territoire. Ces visions de terrain sont tout à fait corroborées par les chiffres d’évolution du parc de production de deux filières emblématiques, le solaire photovoltaïque et l’éolien.

ÉVOLUTION DE LA PUISSANCE PHOTOVOLTAÏQUE RACCORDÉE AU RÉSEAU

Comparaison Hexagone-Outre-mer

(en MW)

 

Fin 2009

Fin 2010

Fin 2011

Fin 2012

Fin 2013

Avril 2014

Métropole

503

1 138

2 539

3 692

4 355

4 761

Outre-mer

68

152

264

311

318

333

Source : Tableaux de bord éolien –photovoltaïque, CGDD

ÉVOLUTION DE LA PUISSANCE PHOTOVOLTAÏQUE RACCORDÉE AU RÉSEAU DANS LES TERRITOIRES D’OUTRE-MER

TAUX DE CROISSANCE ANNUEL DE LA PUISSANCE PHOTOVOLTAÏQUE RACCORDÉE AU RÉSEAU

Comparaison Hexagone – Outre-mer

 

2010

2011

2012

2013

2014 (*)

Métropole

126 %

123 %

45 %

18 %

19 %

Outre-mer

124 %

74 %

18 %

2 %

9 %

(*) Les chiffres pour 2014 sont obtenus en prolongeant la tendance des deux premiers trimestres

Source : Tableaux de bord éolien –photovoltaïque, CGDD.

S’agissant du solaire photovoltaïque, l’essentiel de la puissance installée a été réalisée dans le cadre des tarifs d’achat antérieurs au moratoire de 2010. 2011 et 2012 ont vu la fin de la réalisation des projets ayant disposé des tarifs les plus avantageux. En revanche, depuis 2013, la progression du parc photovoltaïque des Outre-mer est à l’arrêt : seuls 7 MW de projets ont été réalisés en 2012 et 15 MW depuis le début de l’année 2014. La métropole a su conserver un rythme de développement de 18 %, se traduisant par une nouvelle capacité installée de 606 MW en 2013.

S’agissant de l’éolien, le constat est encore plus clair : les derniers projets réalisés remontent à 2010. Dans le même temps, le parc éolien de la métropole s’est accru de 3 300 MW, soit une progression de 70 % en quatre ans.

ÉVOLUTION DE LA PUISSANCE ÉOLIENNE RACCORDÉE AU RÉSEAU

Comparaison Hexagone-Outre-mer

(en MW)

 

Fin 2009

Fin 2010

Fin 2011

Fin 2012

Fin 2013

Avril 2014

Métropole

4 823

5 924 (+23 %)

6 714

(+13 %)

7520

(+11 %)

8 120

(+7 %)

8 248

(+6 %) (*)

Outre-mer

36

42

42

42

42

42

Guadeloupe

24

26

26

26

26

26

Guyane

0

0

0

0

0

0

Martinique

1

1

1

1

1

1

La Réunion

11

15

15

15

15

15

(*) Les chiffres pour 2014 sont obtenus en prolongeant la tendance du 1er trimestre

Source : Tableaux de bord éolien –photovoltaïque, CGDD

Les perspectives pour les deux filières ne sont pas plus réjouissantes, les nouveaux projets étant peu nombreux. Les projets de petite taille, qui bénéficient de tarifs d’achat, peuvent encore se réaliser. Mais s’ils permettent aux professionnels de la filière photovoltaïque de survivre, ils représentent une faible puissance cumulée. Quant aux projets de moyenne et de grande puissance, les perspectives de développement sont nulles.

En 2011, deux appels d’offres, portant spécifiquement sur les zones non interconnectées, concernaient les éoliennes terrestres et les installations solaires photovoltaïques équipées d’un dispositif de garantie de la production électrique comprenant un système de prévision de la production et un équipement de stockage.

CAPACITÉS CUMULÉES DES PROJETS LAURÉATS DES APPELS D’OFFRES
RÉSERVÉS AUX ZNI

 

Guadeloupe

Martinique

La Réunion et Mayotte

Guyane

Photovoltaïque

3 MW

6 MW

12 MW

19 MW

Éolien

14 MW

13 MW

24 MW (*)

9 MW

(*) La Réunion exclusivement.

Source : CRE

Depuis cette date, aucun projet ultra-marin n’a été retenu lors des cinq derniers appels d’offres pour des projets éolien ou photovoltaïque.

CARACTÉRISTIQUES DES APPELS D’OFFRES POUR LES FILIÈRES PHOTOVOLTAÏQUE ET ÉOLIENNE DEPUIS 2011

 

Installations pouvant candidater

Capacités ouvertes par l’appel d’offres

Montant de la subvention

AO du 13 mars 2013

Installations PV

> 250 kWc

380 MWc

54 M€/an
(1,1 Md€ sur 20 ans)

AO du 22 mars 2013 1re période

Installations

PV 100< < 250 kWc

40,3 MWc

6,2 M€/an
(124 M€ sur 20 ans)

AO du 22 mars 2013 2e période

Installations

PV 100< < 250 kWc

40,7 MWc

5,1 M€/an
(101 M€ sur 20 ans)

AO 2011

Eolien offshore

1 930 MW

1 100 M€/an

AO 2013

Eolien offshore

990 MW

650 M€/an

Source : d’après CRE

Au total, la file d’attente des projets photovoltaïques dans les Outre-mer s’élève à 73 MW au 30 juin 2014 contre 75 MW au 31 décembre 2012. Cela signifie que le flux de nouveaux projets suffit juste à compenser les réalisations et, surtout, les sorties de la file d’attente. Pour l’éolien, la file d’attente est de 20 MW, alimentée exclusivement par l’appel d’offres réservé aux zones non interconnectées pour des installations avec stockage. Les Outre-mer sont donc à l’écart des dispositifs destinés à soutenir les installations photovoltaïques et éoliennes de moyenne et grande puissance.

La comparaison du développement des filières de l’éolien et du photovoltaïque dans l’Hexagone et dans les Outre-mer illustre un point essentiel : pour un même cadre légal et réglementaire, les taux de croissance sont tout à fait convenables dans l’Hexagone, mais nuls dans les Outre-mer. Cela démontre que le droit en vigueur est inadapté à la situation de ces derniers car il bloque la réalisation de tous les projets.

2. Les causes : un cumul de contraintes qui conduit à l’élimination de tous les projets potentiels

a. Le seuil des 30 % d’énergies intermittentes dans le réseau électrique

Lorsqu’elles représentent une part significative de la production instantanée dans un système électrique, les énergies renouvelables intermittentes peuvent entraîner des variations de puissance rapides et de grande amplitude susceptibles de mettre en danger la stabilité du système électrique, qui pourrait à cet instant précis ne pas disposer de suffisamment de réserves pour les compenser. Mayotte a, par exemple, connu un black-out le 23 mars 2012 en raison de la défaillance d’un groupe de production thermique, couplé à l’intermittence de la production photovoltaïque.

Pour prendre en compte cette difficulté, qui intervient principalement dans les petits systèmes électriques, l’arrêté du 23 avril 2008 (19) prévoit que, dans les ZNI, les installations de production intermittentes dont la puissance est supérieure à 3 kVA puissent être déconnectées du réseau dès que la puissance produite par ces installations dépasse 30 % de la puissance totale transitant sur le réseau (article 22). C’est le gestionnaire de réseau qui décide de procéder aux déconnexions ; l’ordre des installations concernées est fixé par rapport à la date de raccordement au réseau, les dernières installations raccordées étant les premières à être déconnectées. L’article 22 de l’arrêté du 23 avril 2008 crée ainsi un seuil de 30 % d’énergies intermittentes, au-delà duquel les producteurs concernés ne sont plus rémunérés pendant la période où ils sont déconnectés.

Cette disposition réglementaire est d’ores et déjà une contrainte dans les Outre-mer : le seuil de 30 % est régulièrement dépassé à La Réunion et en Guadeloupe, où le taux de pénétration maximale des énergies variables (20) est respectivement de 39 % et 35 %. La Martinique et la Guyane en sont également très proches, avec un taux de pénétration de 25 %.

TAUX DE PÉNÉTRATION DES ÉNERGIES INTERMITTENTES DANS LES SYSTÈMES ÉLECTRIQUES DES ZNI

Source : CRE

Concrètement, les gestionnaires de réseau dans les Outre-mer procèdent à un nombre croissant de déconnexions, comme en témoigne le cas particulier de La Réunion.

DÉCONNEXIONS D'INSTALLATIONS PHOTOVOLTAÏQUES À LA RÉUNION

 

Nombre de mois avec déconnexions

Nombre de jours avec déconnexions

Nombre de jours ouvrables avec déconnexions

2012

6

10

2

2013

11

55

19

Source : Bilan énergétique de l’île de La Réunion, 2012 et 2013

Alors qu’il s’agissait d’un phénomène encore marginal en 2012, l’année 2013 marque une véritable rupture, avec 55 jours de déconnexions. Celles-ci ne se produisent plus seulement pendant les week-ends, où la consommation est la plus faible – et par conséquent le seuil de 30 % plus rapidement atteint –, mais également durant les jours ouvrables.

Quelles sont les conséquences d’une telle règle ? En théorie, elle n’interdit pas la réalisation de nouveaux projets. Mais en pratique, elle prive de financement les porteurs de projet. En effet, la fréquence et la durée des déconnexions sont inconnues a priori et illimitées ; le contrat signé entre les producteurs et EDF SEI mentionne bien la possibilité d’être déconnecté 100 % du temps, une clause particulièrement dissuasive pour les banques qui voudraient accorder un prêt.

Devant l’impact des dispositions de l’arrêté de 2008 sur les producteurs, il convient d’en justifier la pertinence. Or, aucun élément technique officiel et précis n’appuie les dispositions réglementaires en vigueur. Dans un article des Annales des Mines de janvier 2013 (21), Bernard Mahiou, directeur finances et développement d’EDF SEI indique qu’ « elles sont issues d’un retour d’expérience d’EDF. Ce taux avait été retenu par le gestionnaire du réseau grec au vu de son expérience en Crète et est cohérent avec de nombreuses études. Néanmoins, il ne peut se comprendre comme un seuil de rupture. Le réseau peut présenter des instabilités importantes dès 20 % de puissance intermittente injectée comme il peut parvenir à éviter le délestage à 35 % de la puissance d’origine intermittente, si celle-ci ne s’effondre pas ». Le seuil de déconnexion a été fixé à partir de la pratique et peut donc tout à fait être contesté, et ce d’autant plus qu’il s’applique de façon uniforme dans toutes les ZNI. Il serait par exemple surprenant que le réseau guyanais, s’appuyant sur le barrage de Petit-Saut, ne soit pas capable d’intégrer davantage de moyens de production intermittents que le réseau d’autres systèmes insulaires n’ayant pas de capacités hydrauliques. Dans sa délibération du 23 janvier 2013 (22), la CRE fait le même constat : elle recommande ainsi de « permettre l’adoption de différents seuils qui dépendraient des caractéristiques du moyen de stockage utilisé ».

Vos rapporteurs ne sont malgré tout pas favorables à une remise en cause radicale du seuil des 30 %. D’une part, même si des interrogations se font jour sur le chiffre retenu, une règle imposant un seuil de déconnexion est vitale pour préserver la sécurité du réseau. Le développement des énergies renouvelables dans les Outre-mer ne doit pas se faire au détriment de la qualité de l’alimentation, dont il a déjà été souligné qu’elle était bien moindre qu’en métropole. D’autre part, élever le seuil à 35 ou 40 % ne ferait que retarder le problème en ne donnant que quelques années de marge, le temps que les capacités installées supplémentaires entraînent des dépassements du nouveau seuil fixé. Une telle mesure serait importante pour permettre aux acteurs locaux de survivre, mais elle ne leur donnerait pas de perspectives pour le moyen et le long terme. Ce ne serait pas non plus sur cette base que les territoires pourraient envisager une véritable évolution de leur mix énergétique vers les moyens de production décarbonés.

En conclusion, la controverse sur le seuil de 30 % souligne à quel point il est primordial de trouver une solution durable d’intégrer des moyens de production intermittents dans les systèmes électriques ultra-marins, faute de quoi aucune filière ambitieuse ne pourra s’y développer. Le stockage de l’électricité constitue la clé de voûte de la transition énergétique dans les Outre-mer.

b. Les obstacles réglementaires au développement de l’éolien

Confrontée à la règle des 30 %, la filière éolienne a dû également faire face à des contraintes réglementaires qui rendaient impossible l’implantation de tout parc éolien.

Le code de l’énergie encadre fortement l’implantation d’éoliennes en zone littorale. D’une part, aux termes de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme, « l’extension de l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et villages existants » dans les communes littorales. D’autre part, le dernier alinéa de l’article L. 553-1 du code de l’environnement prévoit que les installations éoliennes terrestres dont les mâts dépassent une hauteur de 50 mètres doivent respecter « une distance de 500 mètres par rapport aux constructions à usage d’habitation, aux immeubles habités et aux zones destinées à l’habitation définies dans les documents d’urbanisme en vigueur (…) ». Ces deux règles sont en contradiction logique : des installations nouvelles ne peuvent être construites à plus de 500 mètres de constructions à usage d’habitation tout en étant en continuité du bâti. Les territoires d’outre-mer étaient particulièrement concernés dans la mesure où la plupart de leurs communes sont en zone littorale. Ce cadre juridique aboutissait à une situation absurde, dans laquelle des projets ayant remporté un appel d’offres ne pouvaient pas être menés à leur terme.

C’est pourquoi la loi du 15 avril 2013 a modifié l’article L. 156-2 du code de l’urbanisme de façon à prévoir une dérogation au principe de continuité du bâti en zone littorale pour l’implantation d’éoliennes dans les communes littorales des quatre régions d’outre-mer et dans toutes les communes de Mayotte : « Par dérogation au deuxième alinéa, l'implantation des ouvrages nécessaires à la production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peut être autorisée par arrêté du représentant de l'État dans la région, en dehors des espaces proches du rivage, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites et des ministres chargés de l'urbanisme, de l'environnement et de l'énergie. En l'absence de réponse dans un délai de deux mois, les avis sont réputés favorables. La dérogation peut être accordée par arrêté du préfet, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites, et seulement si le projet ne porte pas atteinte à l’environnement ou aux paysages. ».

La portée de telles modifications est toutefois incertaine, dans la mesure où l’implantation de parcs éoliens n’est pas autorisée dans les « espaces proches du rivage », où les gisements de vent peuvent être importants, comme à La Réunion. De plus, la notion d’ « espaces proches du rivage » est encore imprécise, ce qui menace la sécurité juridique de tous les projets éoliens en zone littorale.

Signalons par ailleurs que la région Guadeloupe, dans le cadre de son habilitation législative dans le domaine de l’énergie (cf. infra), avait déjà adopté une délibération sur l’éolien en zone littorale qui a précédé de peu la loi du 15 avril 2013 (23). La cohabitation des deux textes a posé des problèmes de coordination juridique. La Guadeloupe a également pris une délibération pour tenter de lever une autre contrainte au développement de l’éolien sur son territoire : la coexistence d’éoliennes et du radar météorologique de Météo France (24).

c. Une structuration embryonnaire de certaines filières géothermie et biomasse

L’arrêt des filières de l’éolien terrestre et du solaire photovoltaïque s’explique par des raisons réglementaires, mais ce sont également des technologies matures, portées par des acteurs privés nombreux. En revanche, d’autres filières nécessitent un effort de structuration en amont et une intervention du secteur public pour amorcer des mesures structurantes.

Dans le cas de la géothermie, l’un des freins majeurs au développement de projets privés est le « risque géologique ». Un industriel peut parfois renoncer à un forage exploratoire coûteux en raison du caractère incertain du potentiel énergétique du gisement. La création d’un fonds de garantie serait de nature à débloquer certaines situations : plutôt que de faire reposer le risque financier sur l’industriel prenant le forage à sa charge, ce risque pourrait être mutualisé entre un pool de professionnels et la puissance publique. Selon les industriels rassemblés dans le cadre du cluster Geodeep (25), un fonds de garantie permettrait d’engager quatre projets de production d’électricité géothermique dans les DROM français d’ici 2020.

La réalisation de projets de production d’électricité à partir de la biomasse doit s’appuyer sur un lourd travail préalable d’identification et de mobilisation de la ressource locale. Cette tâche implique une multiplicité d’acteurs (agriculteurs, habitants, industriels, etc.), ce qui justifie un rôle d’animation et de coordination de la puissance publique. En Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, l’accroissement de la part de la biomasse dans le mix électrique passe par l’intensification de la valorisation énergétique de la bagasse, mais sans doute aussi par le développement d’une filière canne fibre, notamment sur les terres polluées par le chlordécone de Martinique et de Guadeloupe. Quant à la Guyane, elle compte actuellement une seule centrale biomasse en fonctionnement, celle de Kourou. Sa puissance installée, 2 MW, est sans commune mesure avec les ressources qu’offre le territoire guyanais, dont le potentiel est considérable. L’exploitation du bois énergie en complément du bois d’œuvre dans les forêts aménagées, l’exploitation du bois énergie en forêts dédiées, l’utilisation des déchets issus de l’exploitation forestière et ceux issus de la défriche agricole permettraient de garantir un approvisionnement sûr et prévisible aux producteurs d’énergie. Selon le SRCAE de la région Guyane, l’ensemble de ces sources – avec une part importante consacrée à la défriche agricole –, serait de nature à multiplier la capacité de production d’électricité actuelle par 10 d’ici 2020 et par 20 d’ici 2030.

Le développement des filières géothermie et biomasse nécessite un lourd travail de structuration de filière qui ne peut être réalisé qu’avec l’appui de la puissance publique. Dans le cas de la géothermie, ce travail est déjà bien avancé, et les perspectives de déboucher sur des applications industrielles rapides sont réelles. En revanche, la biomasse est une ressource très prometteuse dans tous les territoires d’Outre-mer. Un plan de développement ambitieux pourrait accélérer son essor.

d. Le coût du raccordement

Toutes les centrales de production d’électricité renouvelable doivent être raccordées au réseau pour injecter leur production, ce qui pose la question du financement des ouvrages de réseau liés à l’intégration de ces nouvelles sources de production.

Jusqu’en 2010, le financement de ces ouvrages était pris en charge par les gestionnaires de réseaux, qui répercutaient dans le TURPE les coûts qu’ils supportaient. La hausse exponentielle des demandes de raccordement à partir de 2007 a entraîné une augmentation de ce poste d’investissement, et menaçait la réalisation d’autres types de travaux. C’est pourquoi le législateur a prévu, avec la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (loi NOME), de mettre à la charge des producteurs d’électricité l’intégralité des coûts de branchement et d’extension du réseau, seuls les coûts de renforcement restant à la charge des gestionnaires de réseaux. Une telle disposition visait à inciter les producteurs à développer des projets là où le coût du développement des infrastructures était le plus faible, de façon à en minimiser l’impact financier pour la collectivité.

Le principe posé par la loi NOME était clair, mais son application posait problème dans la mesure où elle mettait à la charge du « premier arrivé » l’ensemble des investissements de branchement et d’extension. C’est pourquoi la loi du 12 juillet 2010 (« loi Grenelle II ») a introduit dans le code de l’énergie un principe de mutualisation des charges de financement entre les producteurs d’électricité renouvelable souhaitant se raccorder au réseau électrique et posé les bases de répartition des charges entre ces producteurs (26) :

– en fonction des objectifs de développement régional des énergies renouvelables établis par le SRCAE (cf. infra), le gestionnaire de réseau élabore un schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3RENR). Ce schéma comprend notamment les travaux de développement nécessaires à l’atteinte de ces objectifs, en distinguant création et renforcement, la capacité d’accueil globale du S3RENR, ainsi que la capacité d’accueil par poste ;

– l’ensemble de ces travaux fait l’objet d’un chiffrage global ; le coût prévisionnel des ouvrages à créer spécifiquement pour l’accueil des énergies renouvelables est pris en charge par les producteurs, via une « quote-part régionale », au prorata de leur puissance installée.

Bien que la date limite d’élaboration des S3RENR ait été fixée par la loi au 12 janvier 2012, seules neuf régions ont publié leur S3RENR (27). Dans ces neuf régions, la quote-part régionale est comprise entre 0 (en Alsace) et 70 000 €/MW installé (Midi-Pyrénées), avec une moyenne de 33 000 €/MW.

Dans les Outre-mer, le coût du développement du réseau calculé dans le cadre des projets de S3RENR conduirait à des quotes-parts qui sont sans commune mesure avec les niveaux des quotes-parts des régions de l’Hexagone :

– en Guadeloupe, la quote-part régionale s’élèverait à 213 000 €/MW installé ;

– à La Réunion, des discussions sont en cours entre la DGEC et EDF SEI ; le coût du raccordement serait compris entre 250 et 400 000 €/MW ;

–  ce coût serait de 600 000 €/MW pour les projets biomasse de l’Est guyanais.

Les niveaux de quote-part annoncés sont si élevés que les procédures d’élaboration des S3RENR n’ont pas encore été menées à leur terme. Si ces chiffres étaient validés, ils entraîneraient des surcoûts de raccordement considérables pour les porteurs de projet locaux, et donc probablement l’absence de tout développement futur.

Au même titre que la règle des 30 %, la mise en place des S3RENR dans le contexte particulier des Outre-mer doit être reconsidérée. Certes, il convient de rationaliser le développement des énergies renouvelables, de façon à minimiser les coûts de réseau qui leur seraient liés. Néanmoins, les chiffres actuels témoignent de l’inadaptation de la règle au contexte ultra-marin : les producteurs d’énergies renouvelables sont victimes d’une situation dans laquelle les réseaux électriques sont bien moins développés et ne touchent pas l’ensemble du territoire. Ils sont donc contraints de prendre à leur charge une partie du coût du rattrapage des infrastructures.

e. L’extrême difficulté à trouver un financement

Conséquence de la règle des 30 %, qui fait peser sur les producteurs la menace de déconnexions, et des règles relatives au coût du raccordement, les porteurs de projet ne sont pas compétitifs aux appels d’offres nationaux et ont des difficultés à monter des projets aux tarifs d’achat fixés, ce qui explique l’absence de nouveaux projets.

Les Outre-mer sont également exclus de l’accès à certains subventionnements par des organismes d’État. C’est notamment le cas du Fonds chaleur, dont l’objet ne correspond pas aux besoins énergétiques de territoires situés dans des zones tropicales ou équatoriales. Seule la filière solaire thermique, qui représente 121 dossiers sur un total de 126, entre pleinement dans les critères du Fonds. Certaines agences régionales de l’ADEME sont donc contraintes de rendre une partie des crédits qui leur sont alloués au titre du Fonds chaleur parce qu’elles ne trouvent pas de projets susceptibles d’être subventionnés ! Le doublement annoncé du Fonds, qui s’accompagnera d’une réduction des autres postes de subventions, suscite de fortes inquiétudes pour les projets en Outre-mer. L’ADEME a fait en sorte que les opérations de SWAC à La Réunion (21 M€) et en Polynésie française (2 M€) puissent en bénéficier ; ces deux opérations représentent à elles seules la moitié des aides de l’ADEME attribuées dans les Outre-mer au titre du Fonds chaleur, dont le total s’élève à 47 M€ depuis 2009. En revanche, aucune aide ne peut être attribuée sur des dossiers d’électricité renouvelable.

Dans la très grande majorité des cas, la seule solution est de se reporter sur le système du gré à gré, dans lequel les porteurs de projet doivent négocier un contrat d’achat de leur électricité avec EDF. Mais cette voie n’est pas adaptée à tous les cas : il s’agit d’une procédure longue et complexe, donc peu adaptée aux petits projets. De plus, elle interdit la possibilité de tout subventionnement : conformément aux règles fixées par le code de l’énergie, dont le respect est assuré au cas par cas par la CRE, un dossier ne peut être validé que s’il est « rentable », c'est-à-dire si son coût de production moyen complet est inférieur à celui d’une installation de référence ou, dit autrement, s’il fait réaliser des économies de CSPE. La comparaison des coûts de production ne peut prendre en compte d’autres aspects, notamment, l’impact sur l’emploi.

Seul le programme des investissements d’avenir (PIA) apporte un soutien décisif aux filières vertes Outre-mer. Dans le périmètre des programmes dont l’ADEME est l’opérateur (véhicule du futur, énergies décarbonées et chimie verte, réseaux électriques intelligents et économie circulaire), trois projets situés dans des régions d’Outre-mer ont été retenus :

– MILLENER : projet de smart grids coordonné par EDF SEI ciblant les particuliers, en Corse, en Guadeloupe et à la Réunion ;

– SEPMERI : projet coordonné par EDF visant à réaliser une station de transfert d’énergie par pompage (STEP) marine en Guadeloupe, et, éventuellement, à La Réunion ;

– GEOTREF : développement d’une plateforme d’innovation et de démonstration dans le domaine de la géothermie à haut température, en Guadeloupe et en Martinique ; ce projet est coordonné par TERANOV et fait l’objet d’un soutien des sociétés Géothermie de Martinique et de Guadeloupe.

Ces trois projets représentent un investissement total de 419 M€, soutenus par le PIA à hauteur de 65 M€ (soit un taux d’aide de 6 %).

L’ensemble de ces éléments expliquent pourquoi le développement des énergies renouvelables dans les Outre-mer tourne aujourd’hui au ralenti. Peu de projets d’ampleur sont susceptibles d’entrer en service dans les prochaines années : les projets éolien et photovoltaïque avec stockage lauréats des appels d’offres de 2011, dont une partie d’entre eux pourraient toutefois ne pas se réaliser en raison de l’abandon des porteurs de projet (cf. infra), la centrale biomasse du Galion, en Martinique, le projet de géothermie avec la Dominique et le SWAC de La Réunion.

C. UNE POLITIQUE DE MAÎTRISE DE LA DEMANDE D’ÉNERGIE SUSPENDUE AUX TRANSCRIPTIONS TARDIVES DE DISPOSITIFS NATIONAUX

La maîtrise de la demande d’énergie est une priorité de la politique énergétique nationale : c’est la clé de la diminution des émissions de gaz à effet de serre, du rééquilibrage du mix électrique et de la lutte contre la précarité énergétique. Plusieurs instruments sont mis en œuvre par la puissance publique : réglementation thermique des bâtiments neufs ou rénovés, aides à la rénovation thermique des bâtiments, certificats d’économie d’énergie, etc.

Déjà décisives dans le cadre de la France continentale, les économies d’énergie prennent une importance accrue dans le contexte des zones non interconnectées, où le coût de production de l’électricité est deux à trois fois supérieur à celui de la métropole. Pourtant, les dispositifs nationaux ne produisent pas les résultats escomptés, faute d’une adaptation aux particularités des territoires.

a. Les certificats d’économie d’énergie

En application de l’article 4 de l’arrêté du 29 décembre 2010 relatif aux modalités d'application du dispositif des certificats d'économies d'énergie (CEE), « la valeur des certificats d'économies d'énergie est doublée pour les actions réalisées dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental de transport d'électricité ». Ce bonus devrait se traduire par une plus grande collecte des CEE dans les Outre-mer qu’en métropole. En réalité, c’est l’inverse qui est constaté : les Outre-mer occupent la dernière place dans le classement des régions françaises.

VOLUMES RÉGIONAUX DE CERTIFICATS D'ÉNERGIE DÉLIVRÉS AU 31 MAI 2014
(GWH CUMAC)

Source : Lettre d’information « Certificats d’économies d’énergie », Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, juin 2014.

Le volume de CEE délivrés dans les Outre-mer au 31 mai 2014 s’élève à 10 500 GWh cumac, soit 2 % du volume total national. À titre de comparaison, la région Alsace, dont la population est équivalente à celle des Outre-mer (1,86 million d’habitants contre 1,88 million dans les Outre-mer) a réalisé 18 500 GWh cumac de CEE à la même date, soit 3,5 % du total national.

Deux explications peuvent être avancées pour expliquer ces résultats décevants. La première tient au fait que plusieurs des opérations les plus courantes ne soient pas pertinentes dans des climats tropicaux ou équatoriaux : le remplacement de chaudière individuelle (15,7 % du total des MWh cumac réalisés), le remplacement de chaudière collective (10 %), l’installation d’appareils de chauffage au bois (5,8 %). Un certain nombre de gisements très rentables à atteindre ne sont pas disponibles dans les Outre-mer, hormis la vente de lampes de classe A et la pose de chauffe-eau solaires qui représentaient 83 % du volume de CEE réalisés dans les Outre-mer au 31 mai 2011 (28). La collecte de CEE dans les Outre-mer doit donc « s’attaquer » directement aux gisements les plus difficiles à toucher, c'est-à-dire l’isolation des combles ou des toitures. Ce poste est assez dynamique en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane, où il représente entre 16 et 24 % des volumes de CEE, contre 6 % nationalement. Ces chiffres traduisent sans doute également l’absence de dispositifs d’aide complémentaires à la rénovation thermique des bâtiments.

Seconde explication, le moindre dynamisme du marché des CEE Outre-mer tient sans doute dans la faiblesse de la concurrence : comme les obligations sont définies à la maille nationale, les obligés ne sont pas contraints de réaliser un certain volume localement. La mise en place de guichets spécifiques aux Outre-mer, où les actions de maîtrise de la demande d’énergie sont tout à fait spécifiques, ne constitue pas leur priorité.

À ce titre, le décret « CSPE évité » aurait pu contribuer à développer une concurrence et à dynamiser la création d’actions d’économie d’énergie. Mais il crée une procédure complexe calquée sur les contrats de gré à gré conclus entre EDF SEI et les autres producteurs. Les acteurs souhaitant promouvoir de telles actions doivent présenter un dossier complet auprès de la CRE, justifiant le montant de la compensation demandée et expliquant en quoi la solution proposée se situe « parmi les meilleures techniques disponibles ». De plus, la compensation reçue ne peut pas excéder 80 % du surcoût évité. En d’autres termes, le décret oblige les opérateurs de MDE à être environ plus compétitifs que les producteurs d’énergie fossiles.

b. Les dispositifs fiscaux d’aide à la rénovation thermique des bâtiments

L’application aux Outre-mer des dispositifs liés au plan de rénovation énergétique de l’habitat (PREH) requiert un travail préalable d’adaptation aux spécificités locales, et particulièrement au climat. Pour l’heure, un tel travail n’a été que partiellement réalisé :

– les Ultra-marins sont les seuls Français à ne pas pouvoir bénéficier de la prime exceptionnelle d’aide à la rénovation énergétique ;

– seuls 11 éco-PTZ ont été attribués dans les Outre-mer depuis 2009 ; par comparaison, en métropole, le chiffre est de 32 000 pour la seule année 2013 ;

– les travaux de réhabilitation entrant dans le cadre du CIDD (crédit d’impôt développement durable) ne correspondent pas à la réalité énergétique des Outre-mer ; seule la pose d’un chauffe-eau solaire et, dans une moindre mesure, l’installation d’une chaudière bois et l’isolation thermique dans les Hauts de La Réunion, peuvent répondre aux besoins des particuliers ; une réflexion sur l’adaptation du PREH aux Outre-mer est en cours et devrait aboutir dans le cadre d’un projet de loi de finances ultérieur.

Les Outre-mer sont systématiquement laissés pour compte des dispositifs fiscaux destinés à inciter les ménages à rénover leur logement. Pourtant, ils souhaiteraient pleinement en bénéficier. Preuve en est, le décret « éco-conditionnalité » du 16 juillet 2014 leur est applicable à compter du 1er octobre 2015 : pour bénéficier de l’éco-PTZ ou du CIDD, les particuliers devront faire appel à un artisan labellisé « RGE » (reconnu garant de l’environnement).

c. Les obligations posées par la réglementation thermique des bâtiments

La réglementation thermique applicable pour les bâtiments neufs ou à rénover dans les Outre-mer est en retard. Dans l’Hexagone, la RT 2012, dont les prescriptions sont définies par un arrêté du 26 octobre 2010 (29), a su évoluer vers des obligations de résultats (besoin bioclimatique, consommation d'énergie primaire, confort en été). Les exigences de moyens sont limitées au strict nécessaire ; elles traduisent la volonté de faire pénétrer significativement une pratique, comme par exemple l’affichage des consommations. La RT 2012 n’est toutefois pas applicable en Outre-mer, comme le permet l’article L. 161-1 du code de la construction et de l’habitation. À l’inverse, la RTAA DOM (réglementation thermique acoustique aération), entrée en vigueur depuis 2010 (30), est critiquée unanimement car elle repose sur des obligations de moyens. La RTAA DOM prive les concepteurs des bâtiments de toute marge de manœuvre pour choisir des solutions techniques adaptées. Par conséquent, les coûts de construction augmentent sans que cela ne se traduise par des économies ultérieures sur la facture d’électricité. L’approche par les obligations de moyens est d’autant moins adaptée au contexte des Outre-mer qu’elle nécessite la certification de matériaux et de techniques de construction. Or, cette certification est coûteuse à obtenir pour les professionnels en raison de l’éloignement géographique des certificateurs, pour un marché potentiel restreint. Certaines entreprises locales ne peuvent donc pas commercialiser des produits innovants adaptés au climat et au bâti locaux en raison des freins imposés par la réglementation. Il existe un consensus pour faire évoluer la RTAA DOM vers des obligations de résultats, sur le modèle de la RT 2012. Mais sans une impulsion politique forte, ce travail réglementaire ne devrait pas aboutir avant 2017-2018.

S’ajoute à l’inadaptation de la réglementation thermique l’absence de diagnostic de performance énergétique. Cet outil, dont la mise en œuvre constitue une obligation communautaire posée par la directive 2010/31/UE, permettrait aux ménages de disposer d’une indication de la qualité thermique de leur logement. Mais la création d’un DPE DOM et son utilisation lors des transactions immobilières sont suspendues à la parution d’un arrêté spécifique aux territoires d’Outre-mer.

Usant des compétences qui leur étaient accordées par l’habilitation législative dans le domaine de la réglementation thermique pour la construction des bâtiments (cf. infra), la Guadeloupe et la Martinique ont adopté des réglementations spécifiques :

– une réglementation thermique locale fixant des obligations de résultats (31) ; le niveau de performance exigé est aligné sur celui de la RTAA DOM , ce qui donne au maître d’ouvrage le choix d’opter pour la réglementation thermique locale ou pour la RTAA DOM, si celle-ci est adaptée à son cas particulier ; les RT de Guadeloupe et de Martinique interdisent également la vente de climatiseurs dont la performance est en deçà de la catégorie A ;

– un DPE (32) Guadeloupe et Martinique, qui donne au particulier des informations claires sur l’efficacité énergétique d’un bâtiment ou d’un logement climatisé en fonction de quatre indicateurs (niveau de consommation d’énergie, efficacité de la climatisation, efficacité de la production d’eau chaude et efficacité de l’éclairage).

Dans les trois autres régions et départements d’Outre-mer continue de s’appliquer une réglementation thermique désuète, qui renchérit le coût de la construction pour un bénéfice environnemental contesté.

En conclusion, les Outre-mer sont encore le parent pauvre des politiques publiques dans le domaine des économies d’énergie. Ils pâtissent d’un contexte climatique très spécifique, qui requiert des adaptations de la réglementation, et de leur éloignement, qui explique que ces adaptations interviennent très tardivement.

D. LE PROBLÈME DE FOND : L’INEXISTENCE D’UNE POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE DES OUTRE-MER

1. Des régions volontaristes qui s’approprient pleinement leur compétence en matière d’énergie

L’implication des régions d’Outre-mer dans le secteur de l’énergie, tout à fait remarquable, s’exerce à travers trois types d’initiatives.

En premier lieu, elles pilotent activement l’élaboration des documents de planification régionaux dont l’existence est prévue par le droit en vigueur :

– le plan énergétique régional pluriannuel de prospection et d’exploitation des énergies renouvelables et d’utilisation rationnelle de l’énergie (PRERURE), instauré par la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000 (article L. 4433-18 du code général des collectivités territoriales). Ce document est élaboré par le Conseil régional et définit les objectifs en matière de mobilisation des énergies renouvelables et de maîtrise de la demande d’énergie ;

– le schéma régional climat air énergie (SRCAE), instauré par la loi Grenelle II (articles L. 222-1 à 222-3 du code de l’environnement), est commun à toutes les régions françaises ; élaboré conjointement par le président du Conseil régional et le préfet de région, il fixe des objectifs en matière de maîtrise de l’énergie, de développement des énergies renouvelables et de diminution des émissions de gaz à effet de serre. Le SRCAE comporte un volet éolien et sert de base au S3RENR (cf. supra).

L’élaboration de ces documents a fait l’objet d’un important travail de concertation au niveau local. La Réunion a prolongé cette démarche par l’installation d’une « gouvernance » du SRCAE, dont l’objet est de s’assurer de la mise en œuvre des actions préconisées par celui-ci. Il faut toutefois souligner que ces deux documents se recoupent très largement : l’existence du PRERURE dans les Outre-mer avait-elle été prise en compte au moment de la création des SRCAE, lors des discussions de la loi Grenelle II ? Afin de créer un lien entre les deux documents, la Guadeloupe et la Martinique, ont adopté une disposition par la voie de l’habilitation législative (33) exigeant que le SRCAE soit compatible avec le PRERURE.

En deuxième lieu, les régions d’Outre-mer contribuent à la mise en œuvre et au pilotage concret des politiques de l’énergie au niveau local, à travers la création d’agences régionales de l’énergie (Agence martiniquaise de l’énergie, Agence régionale énergie Réunion) et de sociétés d’économies mixtes (SEM Energie de Martinique, SPL Energies Réunion).

Enfin, deux régions, la Martinique et la Guadeloupe, bénéficient de l’habilitation législative en matière d’énergie, en application du troisième alinéa de l’article 73 de la Constitution (34). La Guyane et Mayotte n’ont pas demandé à bénéficier de cette habilitation, tandis que La Réunion n’en a pas la possibilité, conformément à l’alinéa 5 de l’article 73 de la Constitution.

Suivant la procédure prévue à l’article LO. 4435-10 du code général des collectivités territoriales, le Conseil régional de la Guadeloupe a demandé, en 2009 (35), l’habilitation à édicter des règles propres dans les domaines de la maîtrise de la demande d'énergie, de la réglementation thermique pour la construction de bâtiments et du développement des énergies renouvelables. Cette habilitation lui a été accordée par la loi du 27 mai 2009 de développement économique des Outre-mer. La loi n° 2011-884 du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique a prolongé l’habilitation de la région Guadeloupe et en a accordé le bénéfice à la Martinique (36) pour une durée de deux ans. L’habilitation était assortie de la condition suivante : « En ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, la puissance installée des nouvelles installations ainsi que la variation des prix de rachat autorisée dans la limite de plus ou moins 10 % font l'objet d'un avis préalable du ministre chargé de l'énergie, à rendre dans le délai maximal de trois mois à compter de sa saisine par le conseil régional de Guadeloupe ».

L’exercice de l’habilitation législative en Guadeloupe, région précurseur en la matière, a donné lieu à 19 délibérations du Conseil régional. Leur adoption a été précédée d’un travail de concertation approfondi, facilitant son accueil auprès des citoyens et des professionnels du secteur. Parmi les mesures les plus importantes :

– l’élaboration d’une réglementation thermique des logements neufs (RTG) et d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) spécifiques à la Guadeloupe ;

– la limitation de la taille des centrales photovoltaïques au sol et la création d’une commission rendant un avis sur l’implantation des projets éoliens et photovoltaïques ;

– des obligations d’information du consommateur lors de la vente de chauffe-eau électriques ou de climatiseurs, ainsi que l’obligation pour EDF SEI de faire apparaître sur les factures le coût réel de production du kWh électrique ;

– la possibilité de céder le crédit d’impôt développement durable à un organisme de prêt dans le cas de l’acquisition d’un chauffe-eau solaire.

L’habilitation législative dans le domaine de l’énergie permet ainsi aux territoires d’être plus réactifs et de corriger les inadaptations de la réglementation au contexte local. Toutefois, lorsqu’ils utilisent leur pouvoir constitutionnel, ils ne sont pas du tout accompagnés par l’État. Par manque d’instructions de leurs directions nationales, les services déconcentrés du Ministère de l’écologie (DEAL) et de l’ADEME n’ont que très peu contribué à l’élaboration des réglementations locales alors qu’ils auraient pu jouer un rôle d’appui technique. Par ailleurs, leur participation au contrôle de l’application des textes est pour l’instant incertaine.

Les régions d’Outre-mer contribuent activement aux politiques énergétiques locales. Elles s’appuient pour cela sur des outils communs à l’ensemble des régions françaises, comme le SRCAE  elles sont également innovantes, notamment dans l’exercice de l’habilitation législative en Guadeloupe et en Martinique. Cette prise de responsabilités fait naître des attentes légitimes qui sont cependant incompatibles avec le maintien de circuits de décision traditionnels.

2. Un pouvoir d’élaboration de la politique énergétique monopolisé par l’État et EDF SEI

Si les régions d’Outre-mer ont affiché leur souhait de prendre une part active dans la transition énergétique de leurs territoires, elles n’ont cependant pas la main sur plusieurs instruments de politique énergétique décisifs.

D’une part, le SRCAE n’a qu’une portée déclarative, contrairement à la programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité (PPI), élaborée par l’État. Seule la PPI ouvre la possibilité pour l’État de recourir à la procédure d’appel d’offres lorsque les capacités de production ne répondent pas aux objectifs fixés par la PPI, en application de l’article L. 311-10 du code de l’énergie. Par comparaison, le SRCAE fixe des objectifs au niveau territorial, mais ces derniers ne sont pas articulés avec le lancement d’appels d’offres. De même, selon l’article L. 314-4 du code de l’énergie, seuls les ministres chargés de l’économie et de l’énergie ont le pouvoir d’arrêter les tarifs d’achat dont bénéficient les installations de production d’énergie renouvelable. Par conséquent, les collectivités territoriales d’Outre-mer ne peuvent pas soutenir une filière renouvelable de leur propre initiative ; elles sont dépendantes de décisions nationales.

La Guadeloupe et la Martinique ont utilisé l’habilitation législative (37) pour intégrer, à titre consultatif, la procédure des appels d’offres pour des capacités de production d’énergie renouvelable sur leur territoire. Le ministre de l’énergie doit les informer des conditions de l’appel d’offres qu’il envisage de définir ; sans l’avis conforme des régions, il ne peut communiquer ces conditions à la CRE. Cette dernière doit également consulter l’autorité régionale lors de la rédaction du cahier des charges des appels d’offres et transmettre la fiche d’instruction relative à chaque offre ainsi que le rapport de synthèse sur l’appel d’offres. Mais ces dispositions ne donnent pas pour autant au pouvoir régional la capacité d’influer sur les candidats choisis car cette prérogative demeure de la compétence du Gouvernement. Or, comme le montre l’expérience, une telle compétence s’avérerait très utile : plusieurs projets ont été retenus dans le cadre des appels d’offres éolien et photovoltaïque avec stockage, alors même que les acteurs régionaux savaient pertinemment qu’ils n’étaient pas crédibles – ils étaient portés par des sociétés sans référence locale, ayant élaboré leur proposition « à distance », sans aucune prise en compte des contraintes propres du territoire.

D’autre part, le SRCAE n’est pas pris en compte par le gestionnaire de réseau, EDF SEI, à qui l’article L. 141-3 du code de l’énergie confie le rôle d’élaborer un bilan prévisionnel de l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité sur chaque ZNI. Les décisions d’investissement d’EDF se fondent sur la PPI, elle-même établie à partir du bilan prévisionnel d’EDF SEI. EDF, sous sa deuxième « casquette » de producteur, peut prendre des décisions d’investissements qui engagent le territoire pour plusieurs décennies sans en référer aux collectivités locales, sur le fondement d’un document établi par EDF en tant que gestionnaire de réseau. Concrètement, EDF a fait le choix d’investir lourdement dans le renouvellement de ses centrales thermiques dans les ZNI (cf. supra). Cette décision est cohérente avec l’objectif premier d’EDF de sécurisation du réseau électrique ; elle constitue également un engagement fort d’EDF vis-à-vis des Outre-mer car les trois centrales représentent un investissement total de 1,5 milliard d’euros, entièrement financé par EDF sur fonds propres. Toutefois, l’entrée en service de ces centrales prive tout concurrent potentiel d’un espace économique et ralentit l’investissement dans des moyens de production alternatifs. EDF, de son côté, ne prend aucun risque financier dans la mesure où ses investissements sont intégralement compensés par la CSPE, alimentant ainsi la hausse de cette dernière. Il est d’ailleurs intéressant de constater que les décisions d’investissement massives dans les ZNI sont postérieures aux dispositions introduites par un arrêté du 23 mars 2006 (38), qui prévoit une rémunération des capitaux employés de 11 % pour les nouveaux investissements de production contre un taux de 7,25 % pour ceux réalisés antérieurement.

Dans le même temps, EDF a pu refuser de soutenir des projets de production d’électricité renouvelable qui emportaient l’adhésion de toutes les parties prenantes locales, comme, par exemple, le projet de géothermie dans l’arc caribéen. Suite à des forages exploratoires financés par l'AFD, l'existence d'un potentiel géothermique a été confirmée dans le sud de l'île de la Dominique, sur le site de Roseau Valley. Les estimations envisagent une répartition de la puissance électrique disponible entre trois territoires : 20 MW servant à assurer l'autosuffisance de la Dominique, 40 MW pour la Martinique et 40 MW pour la Guadeloupe. Le projet "Géothermie Caraïbe" alliant les deux régions françaises ainsi que le gouvernement de la Dominique, est soutenu par l'AFD, la Caisse des dépôts, le BRGM et Électricité de Strasbourg. Le groupe EDF, qui devait initialement participer au financement du projet, s’est retiré, suite à une décision de son comité d’investissement, au motif d’une « moindre rentabilité du projet ». L’existence d’un projet industriel décisif pour les territoires a donc pu être menacée en raison de décisions financières du groupe EDF.

La question du rôle d’EDF (39) dans le processus de transition énergétique doit donc être posée. Il est tout à fait clair que les deux objectifs poursuivis pas l’entreprise, la sécurité du système électrique et la rentabilité des investissements, entrent en contradiction avec un changement de modèle voulu par le pouvoir politique régional ; pourtant, EDF SEI dispose de la plupart des clés du mix énergétique des territoires ultramarins et conserve la possibilité de réaliser les investissements de production qu’il souhaite en bénéficiant d’une rémunération garantie par le mécanisme de la péréquation tarifaire.

En conclusion, les travaux de vos rapporteurs font apparaître clairement que les régions n’ont pas la main sur les décisions de politique énergétique locale. Cette situation est la cause directe du blocage de la transition énergétique sur les territoires : d’un côté, l’État met en place des dispositifs de soutien inadaptés aux conditions locales et indépendants des stratégies énergétiques régionales ; de l’autre, EDF SEI met au premier plan son rôle de garant de l’équilibre énergétique du système, ce qui relègue l’objectif de transition énergétique au second plan.

III. ONZE PROPOSITIONS POUR UNE NOUVELLE DONNE ÉNERGÉTIQUE DANS LES OUTRE-MER

A. LA GOUVERNANCE DE L’ÉNERGIE

1. Rappel du droit en vigueur

- Les régions participent à l’élaboration du SRCAE (commun à toutes les régions françaises) et du PRERURE (spécifique aux régions d’outre-mer). Ces documents, qui se recoupent largement, contiennent des objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables et de MDE, mais leur portée n’est pas contraignante.

- C’est la PPI qui sert de base aux appels d’offres pour les énergies renouvelables et aux autorisations d’exploitation accordées aux installations thermiques.

- Le gestionnaire de réseau, EDF SEI ou EDM, réalise un bilan prévisionnel de l’équilibre entre l’offre et la demande dans chaque zone non interconnectée, qui sert de base à la PPI.

2. Les dispositions du projet de loi relatif à la transition énergétique

- L’article 61 précise que chaque territoire d’Outre-mer fait l’objet d’une programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) distincte. Les modalités d’élaboration de ces PPE sont les mêmes que celles de la PPE applicable à la France métropolitaine : elles sont fixées par décret, après avis du Conseil national de la transition écologique et font l’objet d’une présentation au Parlement une fois approuvée (article 49, modifiant les articles L. 141-1 à L. 141-6 du code de l’énergie). Toutefois, pour les Outre-mer, il est prévu que « les modalités spécifiques d’association et de consultation des organes exécutifs ou délibérant de la collectivité sont précisées par décret » (article 61).

- Les PPE contiennent un volet sur la sécurité d’approvisionnement, qui définit les critères de sûreté du système énergétique, et un volet sur les énergies renouvelables, qui détermine des objectifs par filière et l’enveloppe des ressources publiques associées.

- L’article 62 précise que, dans le cadre de leur nouvelle habilitation, la Guadeloupe et la Martinique transmettent à l’État les dispositions qu’elles souhaitent mettre en œuvre « en vue de leur prise en compte dans l’élaboration de la PPE ». Les impacts de ces dispositions sont inclus dans l’enveloppe maximale des finances publiques inscrite dans la PPE.

- Le PRERURE et le SRCAE continuent d’exister, ce dernier étant intégré au schéma d’aménagement régional (SAR).

- L’article 49 (modifiant l’article L. 141-9 du code de l’énergie) dispose que les gestionnaires de réseau d’électricité des ZNI établissent un bilan prévisionnel de l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité dans leur zone de desserte. Cette disposition reprend l’actuel article L. 141-3 sans aucune modification.

- L’article 55 oblige tout exploitant produisant plus du tiers de la production nationale d’électricité à établir un plan stratégique qu’il s’engage à mettre en œuvre pour respecter les objectifs de sécurité d’approvisionnement et de diversification des sources de production fixés dans la PPE. Le projet de loi ne prévoit pas d’application spécifique de ces dispositions aux Outre-mer.

3. Les propositions de vos rapporteurs

v Proposition n° 1 : Intégrer le SRCAE et le PRERURE dans la PPE et prévoir une élaboration partagée de la PPE entre le Conseil régional et l’Etat

Pour parvenir à amorcer un réel tournant dans les Outre-mer, il faut donner au pouvoir local un véritable pouvoir dans l’élaboration de la politique énergétique. Pourquoi faire une exception pour les Outre-mer ? Serait-ce un avantage trop important qui leur serait accordé, les autres régions françaises ne bénéficiant pas de tels pouvoirs ? En réalité, cette exception est parfaitement justifiée :

- car c’est une nécessité : sans cela les dispositifs mis en place ne sont pas adaptés aux Outre-mer, ce qui freine tout développement, comme l’ensemble des éléments contenus dans ce rapport l’ont montré ;

- car la situation est très différente de celle des régions de métropole : en tant que ZNI, les territoires d’Outre-mer sont les seuls à subir leurs décisions ; à l’inverse, les régions de métropole sont dépendantes les unes des autres.

La co-élaboration de la PPE entre le Conseil régional et l’État semble le cadre le plus adapté. À travers les objectifs fixés, ce dernier demeurerait le garant des équilibres économiques et de la sécurité énergétique. La collectivité territoriale pourrait, quant à elle, faire valoir une vision de la transition énergétique ancrée dans la connaissance des enjeux, des forces et des faiblesses du contexte local.

v Proposition n° 2 : Élargir les informations mises à la disposition du public par le gestionnaire du réseau public d’électricité.

Le gestionnaire du réseau de transport hexagonal, RTE, met à la disposition du public l’ensemble des informations relatives à l’évolution en temps réel du mix électrique en France continentale. Le marché de l’électricité permet dans le même temps d’avoir accès au prix de l’électricité, déterminé par le coût marginal de production d’électricité sur le réseau électrique européen. Ces informations fournissent une image fidèle du système électrique de l’Hexagone.

En revanche, de telles informations ne sont pas disponibles dans les zones non interconnectées, ce qui constitue un frein à la transition énergétique sur ces territoires.

Cette proposition vise à obliger les gestionnaires de réseau public de distribution d’électricité des ZNI à publier les informations relatives au mix électrique instantané et aux coûts de production. Ces informations auraient un intérêt :

- pédagogique ; elles donneraient aux Ultra-marins des outils pour mieux appréhender la problématique de la transition énergétique ;

- citoyen ; la production électrique dans les ZNI est un secteur régulé, dont les coûts de production sont intégralement compensés par la péréquation tarifaire ; rendre publics les coûts de production est donc une mesure de transparence ;

- économique ; ces données pourraient être utilisées par les professionnels souhaitant proposer des solutions innovantes pour diminuer les coûts de production ou développer des capacités de production et d’effacement moins émettrices de gaz à effet de serre.

v Proposition n° 3 : obliger tout exploitant produisant plus du tiers de la production d’électricité d’un territoire d’Outre-mer à établir un plan stratégique qu’il s’engage à mettre en œuvre pour respecter les objectifs contenus dans la PPE.

Cette proposition contraindrait EDF SEI, EDM et tout autre producteur ayant une part significative dans la production électrique d’un territoire, de respecter les prescriptions de la PPE. Il ne pourrait donc pas y avoir de déconnexion entre, d’une part, les objectifs politiques de transition énergétique et, d’autre part, la mise en œuvre d’investissements par des entreprises.

B. L’ÉLECTRIFICATION DES COMMUNES DE L’INTÉRIEUR GUYANAIS

1. Rappel du contexte

Les communes de l’intérieur guyanais sont responsables de la maîtrise d’ouvrage des travaux sur le réseau électrique, et, par défaut, sur les moyens de production d’une puissance inférieure à 2 MW. Or, elles ne disposent pas des ressources humaines et financières pour faire face à cette charge. Les subventions du FACE, dont les critères de répartition sont défavorables à la Guyane, sont insuffisantes pour réaliser les travaux nécessaires.

L’électrification de bourgs-centres ces communes est particulièrement précaire : elle repose sur des micro-centrales thermiques fragiles, polluantes et dont l’exploitation est très coûteuse ; quant à la population vivant dans les écarts, elle doit elle-même prendre en charge son alimentation électrique. La situation devrait s’aggraver en raison de la croissance démographique exponentielle de ces zones, de l’ordre de 10 % par an.

2. La proposition de vos rapporteurs

Trois options sont possibles

v Proposition n° 4 –a : Dédier une enveloppe spécifique à l’électrification des communes de Guyane dans le cadre des subventions attribuées par le FACE.

En application du 10ème alinéa de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, la répartition des aides du FACE est de nature réglementaire : elle est arrêtée annuellement par le ministre de l’énergie, après avis du conseil du FACE, et selon des règles fixées par décret. Il conviendrait donc d’en modifier les règles afin de prévoir des financements complémentaires pour la Guyane.

Cette solution est la plus simple à mettre en œuvre, car elle n’entraîne aucune évolution des compétences respectives de chacun des acteurs de terrain.

v Proposition n°  4 –b : Un plan prioritaire d’électrification des communes de l’intérieur guyanais inscrit dans la PPE de Guyane et piloté par l’État et la région.

L’accès des citoyens à l’électricité constitue la priorité de la politique énergétique de la Guyane. A ce titre, la PPE de Guyane doit prévoir un volet spécifique précisant quels sont les objectifs poursuivis et les ressources disponibles pour y parvenir.

L’une des options peut consister à charger l’État et le Conseil régional, en application de la PPE, de lancer les appels d’offres nécessaires à l’accès et à la sécurisation de l’alimentation électrique des citoyens de l’intérieur guyanais, par la construction de capacités de production ou de lignes électriques.

v Proposition n°  4 –c : Un plan prioritaire d’électrification des communes de l’intérieur guyanais confié à EDF SEI.

Il est également possible d’inscrire dans le code de l’énergie la mission particulière d’EDF SEI dans les communes de Guyane, s’étendant à la réalisation, à l’entretien et à l’exploitation des installations de production et aux réseaux électriques ; une telle modification dérogerait aux règles communes de répartition de la maîtrise d’ouvrage, limitant les autorités concédantes à un rôle de contrôle du concessionnaire. L’action d’EDF serait inscrite dans son plan stratégique pour le territoire guyanais, établi en cohérence avec la PPE (cf. proposition n° 3).

C. LE SOUTIEN AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES

1. Rappel du droit en vigueur

- Les collectivités territoriales ultra-marines n’ont aucune compétence en matière de définition des appels d’offres et des tarifs d’achat ni de sélection des lauréats. Elles peuvent toutefois user de l’habilitation législative (sauf La Réunion), mais dans un cadre restreint : la puissance installée des nouvelles installations ainsi que la variation des prix de rachat autorisée dans la limite de plus ou moins 10 % font l’objet d’un avis préalable du ministre de l’énergie.

- La Guadeloupe et la Martinique doivent être informées des conditions des appels d’offres et de leurs résultats (dispositions issues de l’habilitation législative).

2. Les dispositions du projet de loi relatif à la transition énergétique

- Selon l’article 49, la PPE, déclinée pour chaque territoire d’Outre-mer, contient des objectifs quantitatifs par filière ; une enveloppe maximale indicative des ressources publiques mobilisées est fixée en engagements et en réalisations ; elle peut être répartie par objectifs et par filière. Son élaboration est précédée d’une étude d’impact économique et financière.

- La Guadeloupe et la Martinique ont la possibilité d’influer sur le contenu de la PPE, sans toutefois que ce soit garanti (transmission des dispositions spécifiques qu’ils envisagent de prendre dans le cadre de leur habilitation législative « en vue de leur prise en compte dans l’élaboration » de la PPE).

3. Les propositions de vos rapporteurs

v Proposition n° 5 : Décentraliser la fixation des tarifs d’achat et le lancement des appels d’offres.

Cette orientation est justifiée à deux titres :

- sous la responsabilité du pouvoir national, le lancement des appels d’offres et la fixation des tarifs d’achat pour les Outre-mer ne constituent pas des priorités et interviennent toujours en retard par rapport aux besoins des territoires ; en outre, ils ne s’inscrivent pas dans une stratégie régionale ; les autorités locales sont mieux à même de réaliser un suivi des objectifs de la PPE ;

- la PPE fixe un cadre clair au pouvoir local en termes d’objectifs de développement par filière et d’enveloppe financière dédiée, ce qui rend impossible toute dérive des coûts supportés par la CSPE. Il ne s’agit donc en définitive qu’une mesure d’application de la PPE.

Les modalités de lancement des appels d’offres et des tarifs d’achat pourraient être les suivantes. Le Conseil régional (ou le Conseil général dans le cas de Mayotte) disposerait de la compétence, aujourd’hui exclusivement dévolue au Gouvernement, de lancer des appels d’offres et de désigner les candidats retenus. La CRE conserverait son rôle dans l’élaboration des cahiers des charges et le classement des offres. S’agissant des tarifs d’achat, ils seraient arrêtés par les ministres de l’énergie, de l’économie et des Outre-mer, sur demande du Conseil régional.

v Proposition n° 6 : un plan de développement de la biomasse

Bien que l’ensemble des filières d’énergies renouvelables soient présentes sur les territoires ultra-marins, la biomasse prend une place particulière. Elle représente un potentiel très intéressant sur la quasi-totalité d’entre eux, et présente l’avantage d’être une source de production d’électricité non-intermittente. Néanmoins, l’exploitation de ce potentiel requiert un travail approfondi d’identification des gisements par type de biomasse valorisable et de structuration préalable d’une filière.

La pérennité de la biomasse énergie dans les Outre-mer repose sur deux mesures :

- une augmentation des prix d’achat de la bagasse utilisée dans les centrales thermiques, ainsi que le demande la proposition 4 du rapport d’information sur l’organisation commune du marché du sucre de MM. Jean-Claude Fruteau, Philippe Gosselin et Patrick Lebreton ;

- un plan de développement de la biomasse, inscrit dans chaque PPE territoriale.

D. LA GESTION DE L’INTERMITTENCE DE LA PRODUCTION DES ENR

1. Rappel du contexte

- Selon l’arrêté du 23 avril 2008, lorsque les installations de production intermittentes représentent plus de 30 % de la production instantanée d’un réseau d’une ZNI, le gestionnaire de réseau a l’autorisation de déconnecter certaines de ces installations. Ce seuil de 30 % est identique dans toutes les régions d’Outre-mer, quelles que soient les caractéristiques du système électrique local.

- Deux types de stockage de l’électricité sont d’ores et déjà programmés ou en cours de fonctionnement dans les Outre-mer :

o Les gestionnaires de réseau exploitent des installations de stockage centralisé dans deux territoires d’Outre-mer, à travers des batteries de grande capacité : EDF est propriétaire d’une batterie sodium soufre de 1 MW depuis 2009 à La Réunion ; à Mayotte, le projet Opera, piloté par EDM et Sunzil, a pour objectif de connecter une batterie de 3 MW.

o Les appels d’offres spécifiques et le tarif d’achat pour l’éolien terrestre constituent une première étape vers le stockage décentralisé couplé à des moyens de production intermittents ; leur mise en œuvre prouve que les dispositifs de prévision et de lissage de la production ont d’ores et déjà atteint la parité réseau : le prix moyen pondéré des projets retenus dans le cadre de l’appel d’offres photovoltaïque est de 213 €/MWh et le tarif d’achat pour les installations éoliennes avec stockage dans les ZNI est de 230 €/MWh.

- Le b) du 2° de l’article L. 121-7 du code de l’énergie prévoit que le financement des installations de stockage est une charge de service public dont le coût est pris est en compte dans la limite des surcoûts qu’elle contribue à éviter. Concrètement, le décret « CSPE évitée » permettra de financer des installations de stockage si le coût de l’électricité rendue par ces dernières est inférieur au coût de production des centrales auxquelles elles se substituent (cf. supra).

2. Les propositions de vos rapporteurs

v Proposition n° 7 : inscrire le seuil de déconnexion des énergies intermittentes dans chaque PPE territoriale.

Le maintien d’un seuil de déconnexion est aujourd’hui nécessaire pour garantir la fiabilité des réseaux électriques ultra-marins. Néanmoins, en raison des différences entre les systèmes électriques, il ne semble pas justifié d’imposer le même seuil à tous les territoires. C’est pourquoi vos rapporteurs préconisent de fixer ce seuil dans la PPE.

v Proposition n° 8 : intégrer un volet spécifique au stockage de l’électricité et à l’effacement dans les PPE des territoires d’Outre-mer.

Mettre en place des dispositifs spécifiques pour permettre aux producteurs d’énergies intermittentes d’aller au-delà du seuil des 30 % est primordial ; à défaut, le développement de ces énergies demeurera bloqué. Un tel développement est d’ores et déjà possible, pour des coûts qui sont proches des coûts de production actuels.

Deux axes peuvent être envisagés :

- le stockage centralisé : les batteries sont un élément du réseau, géré par le gestionnaire de réseau ;

- le stockage décentralisé : les batteries sont la propriété des producteurs d’électricité ou d’autre acteurs, qui sont rémunérés pour le service rendu au système. Dans le cas du producteur d’énergies renouvelables, le lissage de sa production peut lui être imposé dans son contrat d’achat. Cette solution peut également constituer un point d’entrée pour le véhicule électrique dans les Outre-mer.

Il est aujourd’hui impossible de déterminer lequel des modèles est le plus adapté. Cela nécessite d’être testé à grande échelle par la mise en œuvre d’appels d’offres spécifiques au stockage dans les Outre-mer.

Ces appels d’offres devront toutefois privilégier le stockage avec restitution de l’électricité à la pointe, et non substitution à une production en base. En effet, c’est à la pointe que la production d’électricité est la plus chère et la plus polluante. Restituer l’électricité en base reviendrait à payer deux fois les moyens de production : le stockage d’électricité et les centrales thermiques traditionnelles - dont une partie de la rémunération est fixe. Les batteries devront donc être capables de restituer l’électricité stockée plusieurs heures après sa production, par l’injection à la pointe du soir d’une électricité produite à la mi-journée.

E. LA MAÎTRISE DE LA DEMANDE D’ÉNERGIE

v Proposition n°9 : fixer des objectifs de développement des CEE par territoire en référence à un diagnostic de territoire inscrit dans la PPE.

Dans la situation actuelle, les Outre-mer ne représentent qu’une infime partie de la stratégie CEE de la stratégie des obligés, car leurs obligations sont fixées à la maille nationale. Afin de dynamiser le marché des CEE dans les Outre-mer, il convient de fixer des objectifs contraignants par territoire.

Pour s’assurer que de tels objectifs ne soient pas très coûteux à atteindre, la PPE déterminerait au préalable, dans un diagnostic de territoire, les gisements d’économies d’énergie financièrement atteignables. Là encore, la fixation des obligations en matière de CEE constituerait une mesure de déclinaison de la PPE : les CEE deviendraient l’instrument par lequel les objectifs en matière de maîtrise de la consommation d’énergie prendraient une valeur contraignante.

v Proposition n° 10 : accélérer l’évolution vers une nouvelle réglementation thermique et la mise en place des DPE dans les Outre-mer

L’inexistence de DPE en Guyane, à la Réunion et à Mayotte est un frein réel : les particuliers n’ont aucun moyen de mesurer la performance thermique de leur logement. A l’inverse, en Guadeloupe et en Martinique, la démarche d’élaboration d’un DPE dans le cadre de l’habilitation législative a été très bien perçue par les citoyens. De même, alors que la Guadeloupe et la Martinique ont pu évoluer vers une réglementation thermique fondée sur une obligation de résultats, les autres territoires d’Outre-mer sont contraints d’appliquer la RTAA DOM, dont l’inefficacité est démontrée.

Il est impossible de dupliquer l’expérience antillaise sur les autres territoires ultra-marins, qui ne disposent pas de l’habilitation énergie. Dans un tel contexte, la responsabilité repose sur le pouvoir exécutif national : les textes d’application adaptant la réglementation thermique et le DPE à l’ensemble des Outre-mer doivent entrer en vigueur au plus vite.

v Proposition n°11 : donner une autonomie aux services régionaux de l’ADEME dans l’élaboration des politiques d’aides

Les services régionaux de l’ADEME doivent s’inscrire dans un cadre national, qui se révèle, dans certains cas, inadapté et qui ne prend pas suffisamment en compte les spécificités des Outre-mer. Ils ne disposent pas de la latitude nécessaire pour élaborer des outils qui soient adaptés au contexte local dans lequel ils évoluent.

Vos rapporteurs proposent la création de deux grandes directions, l’une couvrant la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, l’autre couvrant Mayotte et La Réunion. Ces deux directions seraient chargées d’apporter un appui technique à la transition énergétique de ces territoires.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 17 septembre 2014, conjointement avec la Commission spéciale pour l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (n° 2188), la commission a examiné le rapport d’information sur l’adaptation du droit de l’énergie aux outre-mer.

M. le président François Brottes. La commission des affaires économiques a été à l’origine de la désignation, au sein du collège composant la Commission de régulation de l’énergie (CRE), d’un membre nommé « en raison de sa connaissance et de son expérience des zones non interconnectées ». Elle estimait que ces territoires n’étaient pas assez pris en compte, et je m’en étais ouvert à l’époque au ministre des outre-mer, M. Victorin Lurel. Plus récemment, Mme George Pau-Langevin, actuellement en charge de ce département ministériel, m’a fait part de sa détresse devant l’inadaptation des dispositifs existants pour réguler les mix énergétiques dans les zones non interconnectées (ZNI). Je remercie en conséquence Mme Éricka Bareigts et M. Daniel Fasquelle de s’être penchés sur ce délicat sujet.

Je salue la présence parmi nous du président de la délégation de l’Assemblée nationale aux outre-mer, M. Jean-Claude Fruteau. Au nom de cette délégation, M. Serge Letchimy a présenté la semaine dernière un rapport d’information sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

Mme Éricka Bareigts, rapporteure pour information au nom de la commission des affaires économiques, et rapporteure de la commission spéciale pour le titre VII et le chapitre IV du titre VIII du projet de loi. Les élus des territoires ultramarins que nous avons rencontrés lors de nos visites considèrent que les procédures selon lesquelles l’État mène sa politique énergétique nationale sur l’ensemble du territoire ne sont pas adaptées aux spécificités des outre-mer. Les producteurs d’énergies renouvelables seraient notamment exclus de fait des appels d’offre pilotés par la CRE, alors même que les projets proposés sont soutenus au niveau local et constituent des enjeux économiques, sociaux et environnementaux pour les territoires concernés.

Pour mener notre mission à bien, nous avons décidé de repartir de zéro pour explorer un terrain qui n’avait finalement jamais fait l’objet d’investigations objectives et approfondies. Les discussions sur le sujet demeurent en effet généralement superficielles et s’appuient sur deux idées préconçues : la péréquation tarifaire pour les outre-mer coûterait cher, et les outre-mer devraient constituer des laboratoires accueillant des expérimentations par filière.

Nous nous sommes d’abord interrogés sur le mix énergétique des outre-mer et sur ses spécificités, pour savoir vers quel équilibre il était souhaitable de tendre. Nous avons aussi choisi une approche économique, en abordant notamment la question de la péréquation tarifaire pour les ZNI, et nous avons réfléchi aux meilleures solutions susceptibles de permettre l’adéquation entre les objectifs de politique énergétique locale et les financements.

Nos travaux ont débuté à Paris le 11 juin dernier, mais c’est en nous rendant, au mois de juillet, en Guyane, à la Martinique, en Guadeloupe, à Mayotte et à La Réunion que nous avons pu comprendre les enjeux de ce dossier. Sur ces territoires, même si elle est aujourd’hui au point mort, la transition énergétique est une nécessité. Nous vous ferons des propositions pour faire sauter quelques-uns des verrous que nous avons identifiés.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour information au nom de la commission des affaires économiques. Je tiens à rendre hommage à Mme Éricka Bareigts, qui a accompli l’essentiel du travail sur ce rapport d’information.

Trois facteurs concourent à faire des outre-mer un territoire privilégié de la transition énergétique.

Les spécificités de l’approvisionnement de ces territoires en énergie constituent un premier facteur. En effet, cet approvisionnement n’est ni sécurisé ni garanti à tous les citoyens.

Tous les territoires d’outre-mer comptent plus de 80 % d'énergies fossiles dans leur mix énergétique primaire – les deux cas les plus extrêmes étant la Guyane avec 82 % d’énergies fossiles, et Mayotte avec 99 %. Contrairement à la France métropolitaine, où le nucléaire représente 75 % du mix électrique, les produits pétroliers et le charbon constituent en outre-mer la principale source de production d'électricité. Cette situation fragilise ces territoires en les rendant dépendants d'un approvisionnement extérieur, et en les exposant à une hausse du prix des produits pétroliers.

Les outre-mer font également face à une qualité dégradée de l’alimentation électrique, liée à des contraintes physiques spécifiques mais aussi à un réseau moins dense qu’en métropole. Le temps moyen de coupure annuel en témoigne : entre 2008 et 2013, il était d’environ quatre-vingts minutes en métropole, contre deux cent cinquante à La Réunion, trois cent vingt en Guyane, cinq cent cinquante en Guadeloupe et sept cents à la Martinique. En matière de qualité de l'électricité, il existe un fossé entre les outre-mer et l’Hexagone. La mission d'information en a d'ailleurs fait l'expérience directe, puisque la Martinique a connu un black-out le jour même de notre arrivée à Fort-de-France.

La situation est particulièrement grave dans les communes de l'intérieur de la Guyane, car 80 000 citoyens français habitant le long des deux fleuves frontaliers ne peuvent pas être raccordés au réseau. Les habitants des bourgs-centres sont alimentés en électricité par des micro-centrales thermiques incapables de répondre à des demandes trop fortes, ce qui rend impossible le développement d’une activité économique sur place et l’acquisition par les ménages d’équipements de confort standard. Le fonctionnement de ces micro-centrales assuré par EDF coûte très cher. Quant aux habitants des « écarts », groupements d'habitations dispersés le long des deux fleuves frontaliers, ils doivent prendre en charge eux-mêmes la production d'électricité en achetant à des prix élevés des groupes électrogènes et le carburant nécessaire. La situation, déjà critique, devrait s'aggraver dans les prochaines années sous l'effet d'une croissance démographique annuelle de l'ordre de 10 %. Près de 250 000 de nos concitoyens risquent d’ici à quelques années d’être privés d’un accès normal à l’électricité.

Un deuxième facteur justifie l'importance de la transition énergétique dans les outre-mer : le mix électrique de ces départements et régions est très carboné, malgré des gisements renouvelables importants et des acteurs locaux dynamiques La production électrique dans les outre-mer est fortement émettrice de gaz à effet de serre en raison du poids des produits pétroliers et du charbon. En 2011, les émissions de CO2 issues de la production électrique étaient de 90 grammes de CO2 par kilowattheure en France métropolitaine et, en moyenne, de 340 grammes en Europe. Si, en Guyane, ces émissions se situent légèrement au-dessus de cette moyenne, à 360 grammes/KWh grâce au fonctionnement du barrage de Petit-Saut, elles la dépassent très largement dans les autres territoires : 670 grammes à la Martinique, 680 à Mayotte, 750 à La Réunion, et 800 en Guadeloupe. Dans ces deux derniers territoires, la production à base de charbon explique ces chiffres très élevés.

Pourtant, les gisements d'énergies renouvelables représentent un potentiel important et diversifié. Toutes les filières sont présentes : hydroélectricité, éolien, photovoltaïque, géothermie, biomasse. Plusieurs filières d'avenir pourraient également trouver un terrain de développement privilégié dans les outre-mer, comme le sea water air conditioning (SWAC) à La Réunion. Leur développement repose sur l'implantation d'acteurs spécialisés et dynamiques, qui pourraient exporter leurs procédés sur des territoires aux caractéristiques similaires. Les territoires insulaires tropicaux d’Asie du Sud-Est ou de la Caraïbe représentent un marché porteur de plusieurs centaines de millions de consommateurs.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Un troisième facteur justifie que les outre-mer soient le territoire privilégié de la transition énergétique : sans réorientation du mix énergétique, le coût du système est amené à croître.

En raison des conditions d’approvisionnement, et parce que la production est assurée majoritairement par des centrales thermiques au charbon et au fioul, le mix électrique en outre-mer est très onéreux. Les coûts de production d’Électricité de Mayotte (EDM) sont huit fois plus élevés que ceux d’EDF. Le tarif réglementé de vente à Mayotte s’élève à 43 euros le mégawattheure alors, que le coût de production d’EDM est de 347 euros. De tels surcoûts ne peuvent évidemment être supportés par les seules populations. Ils justifient la mise en place d’une péréquation tarifaire. Il ne faut surtout pas oublier que ce dispositif existe sur l’ensemble du territoire français et qu’il ne bénéficie pas aux seuls Ultramarins. L’identification de la dépense de péréquation des ZNI dans une comptabilité séparée explique peut-être la croyance répandue que l’outre-mer profite seule du dispositif.

La péréquation prend toutefois une importance particulière pour l’outre-mer. D’abord parce que les différences de coûts s’expliquent aussi par le retard des politiques d’électrification de nos territoires. Depuis 1936, époque à laquelle nous n’étions que des colonies françaises, les collectivités métropolitaines ont bénéficié des concours financiers du fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACE) pour construire le réseau de distribution performant qui existe aujourd’hui. Ensuite, la « vie chère » est une réalité des outre-mer qui rend nécessaire la péréquation. Enfin, elle est favorable à l’activité économique locale confrontée à une concurrence des territoires voisins.

La péréquation n’est évidemment pas sans effet sur la contribution au service public de l’électricité (CSPE). Certains propos laissent penser que l’explosion des montants annuels de CSPE pesant sur les consommateurs s’expliquerait par l’influence de la péréquation qui pousserait l’outre-mer à la surconsommation. Nous avons voulu mettre ces assertions à l’épreuve des faits, et nous avons constaté que les consommateurs d’outre-mer étaient les plus sobres de France. Alors que l’habitant de l’Hexagone consomme en moyenne 6,84 mégawattheures, celui de Martinique en consomme 3,63, celui de Guadeloupe 4,27. Évidemment, ces chiffres s’expliquent aussi par le fait que nous n’avons pas d’hiver. Il n’en demeure pas moins que la surconsommation supposée des Ultramarins est un mythe.

Dans ces conditions, comment expliquer la progression de la CSPE ? Deux éléments ont joué un rôle. La « bulle photovoltaïque » de 2010, avec des tarifs d’achat très élevés pour l’électricité de la filière, a été à l’origine d’un parc pléthorique générant aujourd’hui une dépense très importante. Si l’on n’en tenait pas compte, l’augmentation de la CSPE resterait très raisonnable. La dérive de la CSPE s’explique par ailleurs par la hausse du coût de production des centrales EDF, notamment des centrales thermiques, dans une période de reprise des investissements. Trois centrales thermiques sont entrées ou entreront en service entre 2012 et 2014 : Port Est à La Réunion, Bellefontaine à la Martinique, et Pointe-Jarry en Guadeloupe. La filialisation progressive de l’activité de production d’EDF SEI – SEI pour systèmes énergétiques insulaires – a entraîné un recul de la production qu’elle assure en propre alors même que ses coûts de production augmentaient dans les ZNI de 8,3 % en 2013, mais de 18 % en 2014. Le modèle mis en place sur nos territoires est donc en cause. Il nous faut sortir de ce système qui est loin d’être vertueux.

Pour dépasser ces contraintes, nous devons évoluer vers un nouveau modèle énergétique. À l’enjeu de sécurité d’approvisionnement et de sécurité énergétique pour l’outre-mer s’ajoute l’enjeu environnemental. Le développement de nouvelles sources de production locales permettrait de diversifier l’approvisionnement. Les outre-mer ne peuvent continuer à présenter un bilan carbone de leur production électrique aussi dégradé.

Le développement des énergies renouvelables ne nécessitera qu’un investissement relativement faible, et il contribuera à réaliser des économies de CSPE en diminuant le coût moyen de l’électricité outre-mer. En raison du coût de production élevé des centrales thermiques classiques, toutes les énergies renouvelables sont déjà parvenues à la « parité réseau ». Pendant une période transitoire, il faudra cependant financer à la fois les centrales thermiques classiques, les nouveaux investissements, et le coût de la transition, ce qui sera évidemment assez lourd.

Nous sommes aujourd’hui au point mort parce que la politique énergétique dans les outre-mer est victime de dispositifs nationaux inadaptés ou inappliqués, et de prises de décisions lointaines.

Il est inadmissible de constater que des citoyens français n’ont pas accès à l’électricité sur leur propre territoire ou qu’ils doivent pour cela acheter eux-mêmes le fioul et les groupes électrogènes nécessaires, comme dans les « écarts » de Guyane déjà évoqués. Les communes de Guyane sont aujourd’hui livrées à elles-mêmes face à l’immense tâche de l’électrification de l’intérieur de la région sans disposer des moyens financiers d’assumer une telle charge. Le dispositif FACÉ permet seulement d’entretenir les lignes existantes mais pas de tisser un réseau qui n’existe pas en Guyane. L’enveloppe FACÉ reçue par la Guyane en 2014 n’est de toute façon que de 1,3 million d’euros sur un total national de 370 millions, alors que les problèmes de ce territoire sont immenses. Nous ne pouvons pas laisser plus de 200 000 Français hors du droit commun électrique.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. L’inadaptation des dispositifs nationaux et le caractère trop lointain des décisions concernent aussi les énergies renouvelables (ENR).

Alors qu’aucune éolienne n'a été raccordée au réseau depuis 2010, le taux de croissance du photovoltaïque est nul dans les outre-mer en 2014, et aucun appel d'offres n’a été remporté par un projet ultramarin depuis 2012.

Cette situation s'explique par un cumul d’obstacles. Les nouvelles installations se voient tout d’abord appliquer le « seuil des 30 % ». Lorsque les ENR intermittentes représentent plus de 30 % de l'énergie instantanée sur le réseau, le gestionnaire de réseau peut les déconnecter. Une telle règle les empêche de trouver un financement auprès des banques faute de recettes prévisibles et suffisantes. Ensuite, jusqu'à l'adoption de la loi du 15 avril 2013, dite « loi Brottes », le développement de l'éolien était impossible en zone littorale, ce qui concernait la quasi-totalité de la surface de tous les territoires. De nombreuses incertitudes persistent malheureusement, notamment concernant la définition des espaces proches du rivage. S’il ne faut pas bloquer le développement de l’éolien, il faut toutefois rester très prudent, car les paysages constituent l’attrait touristique de ces territoires…

M. le président François Brottes. Vous évoquiez une disposition Brottes-Batho !

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Par ailleurs, l'application des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables engendre des coûts de raccordement très élevés à la charge des producteurs en raison de la faiblesse des réseaux locaux. En Guadeloupe, la quote-part régionale s’élèverait à 213 000 euros par mégawattheure installé alors qu’en métropole ce coût s’élève à zéro euro en Alsace et à 70 000 euros en Midi-Pyrénées. Ce coût serait de 600 000 euros pour les projets biomasse de l’Est guyanais, ce qui signifie qu’ils ne verront jamais le jour.

Enfin, les outre-mer n'ont pas accès à certaines subventions qui ne sont pas adaptées au contexte local. Les directions régionales de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) sont dans l’obligation de renvoyer leurs crédits au titre du Fonds chaleur, faute de trouver suffisamment de projets concernés. Le doublement des crédits du Fonds chaleur prévu dans le projet de loi suscite en conséquence de larges inquiétudes outre-mer, car il diminuera mécaniquement les subventions allouées à d'autres postes.

L'addition de ces contraintes est à l’origine de surcoûts considérables, qui expliquent que les porteurs de projet ne puissent pas être compétitifs dans les appels d'offre et que les tarifs d'achat soient souvent insuffisants pour couvrir le coût des projets en outre-mer.

Dans la très grande majorité des cas, la seule solution est de se reporter sur le système du gré à gré, dans lequel les porteurs de projet négocient un contrat d'achat de leur électricité avec EDF. Mais ce système interdit tout subventionnement car les installations doivent être rentables pour avoir le droit à un contrat. Le seul critère évalué est celui du coût moyen de production, qui doit être inférieur à celui d'une installation thermique traditionnelle. Malheureusement il importe peu qu’au final un projet ait des retombées largement positives pour un territoire.

Les transcriptions tardives de dispositifs nationaux freinent aussi le développement des énergies renouvelables outre-mer. Bien que la valeur des certificats d'économie d'énergie (CEE) soit doublée en outre-mer, ces territoires occupent la dernière place dans le classement des régions françaises en termes de volume de CEE délivrés. Cette situation s'explique par l'absence de gisements d'accès aisé, comme le changement de chaudières, mais surtout par le manque d’acteurs. Le seul acteur nécessairement présent localement est EDF, et ses obligations sont fixées à la maille nationale. Lorsqu’il n’existe aucun acteur correspondant au seuil national, comme à Mayotte, aucun certificat d’économie d’énergie ne peut être délivré.

Les dispositifs fiscaux d'aide à la rénovation thermique des bâtiments sont souvent adaptés avec retard. Les Ultramarins sont les seuls Français à ne pas pouvoir bénéficier de la prime exceptionnelle d'aide à la rénovation énergétique. Les critères de travaux permettant de bénéficier du crédit d’impôt développement durable ne sont toujours pas adaptés aux outre-mer. Seuls onze éco-prêts à taux zéro ont été attribués depuis 2009 outre-mer, alors que 32 000 l’ont été en métropole pour la seule année 2013.

La réglementation thermique acoustique aération (RTAA) des bâtiments spécifiques aux outre-mer est unanimement critiquée car elle repose sur des obligations de moyens et non de résultats. L'élaboration d'une nouvelle réglementation sur le modèle de la RT 2012 n'est pas envisagée avant 2017-2018.

De même, les outre-mer n'ont pas encore de diagnostic de performance énergétique (DPE). Seules la Martinique et la Guadeloupe ont mis en place des DPE dans le cadre de l’habilitation législative dont elles bénéficient en matière d’énergie.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Le problème de fond demeure l’inexistence d’une politique énergétique des outre-mer.

Si les acteurs locaux sont extrêmement investis et s’approprient pleinement leurs compétences – comme les régions chargées du pilotage des documents de planification –, ils ne décident pas vraiment de la politique énergétique. La programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité (PPI) est par exemple élaborée par l’État sur la base de bilans prévisionnels de l’offre et de la demande présentés par EDF SEI. Les territoires n’ont pas suffisamment la main pour développer des stratégies de politiques énergétiques locales.

Une nouvelle donne est donc indispensable et nous faisons plusieurs propositions en ce sens.

Afin de faire évoluer la gouvernance de l’énergie et de rendre du pouvoir aux acteurs locaux, il faut prévoir une élaboration partagée entre l’État et les régions de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).

Il est également indispensable d’assurer une meilleure transparence. Les populations des zones non interconnectées ne disposent pas, par exemple, des données chiffrées disponibles dans l’Hexagone, relatives à l’évolution en temps réel du mix électrique

Pour tenter de résoudre le problème de la Guyane, nous suggérons de dédier une enveloppe spécifique à l’électrification des communes de ce territoire dans le cadre des subventions attribuées par le FACÉ.

Afin de soutenir les énergies renouvelables, nous proposons de décentraliser la fixation des tarifs d’achat et le lancement des appels d’offres, ce qui s’inscrit dans le cadre de la PPE.

Avec le même objectif, un plan de développement de la biomasse devrait être développé.

Pour gérer l’intermittence de la production des ENR, un volet spécifique au stockage de l’électricité est indispensable. Les appels d’offres devront privilégier le stockage avec restitution aux heures de pointe plutôt que la substitution à la production de base.

Enfin, si nous voulons dynamiser le marché des certificats d'économie d'énergie dans les outre-mer, les obligations doivent être fixées par territoire et correspondre à la maille locale.

M. le président François Brottes. Vous avez pu disposer de quarante et une minutes pour présenter votre rapport, ce qui est assez exceptionnel…

Je vous félicite pour la qualité de votre travail. J’indique également que nous sommes à la fois dans le cadre de la commission spéciale sur la transition énergétique et de la commission des affaires économiques. Les membres de cette dernière seront amenés à voter tout à l’heure sur l’autorisation de publication du rapport.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour les titres Ier et V du projet de loi. Je salue à mon tour l’excellent travail des rapporteurs, notamment celui d’Ericka Bareigts, comme l’a souligné Daniel Fasquelle.

Je me réjouis de l’intérêt porté aujourd’hui à une situation qui perdure depuis trop longtemps, qui crée des différences de traitement entre les citoyens français et qui nécessite une prise en compte urgente.

Les éléments précis contenus dans ce rapport constituent un précieux apport dans le cadre de nos réflexions sur la loi de transition énergétique. Nous serons très attentifs à vos propositions, madame et monsieur les rapporteurs, pour poser des mécanismes d’adaptation des règles et trouver enfin des solutions efficaces à une situation préoccupante.

M. Denis Baupin, rapporteur pour les chapitres Ier à III du titre VIII du projet de loi. La proposition de loi « Brottes-Batho » ayant été rappelée, je voudrais poser une première question sur l’éolien et la loi littoral.

Certains parlementaires se sont battus pour que nous puissions avancer sur ces sujets. Le rapport fait état d’incertitudes juridiques qui freineraient le développement des éoliennes. Il est certes nécessaire de préserver les paysages. La question ne fait pas débat et est inscrite dans la loi. Mais il serait peut-être nécessaire d’apporter, dans la loi de transition énergétique, certaines précisions concernant la proximité du littoral, pour lever ces incertitudes juridiques et lancer le projet. Faute de quoi, cela ruinerait l’effort fait en faveur de l’éolien dans la proposition de loi.

J’en viens à ma deuxième question. Je me réjouis de la proposition que vous faites concernant le seuil de 30 % d’énergies variables renouvelables dans le réseau électrique et que cette disposition puisse être adaptée territoire par territoire. Cela ne concerne pas que les DOM-TOM, mais l’ensemble des ZNI. La situation de la Corse est aussi une question importante, même si, aujourd’hui, on est très largement en dessous des 30 %. Cependant, si l’on veut éviter le développement du fuel pour la production d’électricité en Corse, il faut pouvoir donner des perspectives.

Je citerai également l’Île de-Sein, qui est plus petite, mais qui fait aujourd’hui l’objet d’une bagarre intéressante, du point de vue conceptuel, entre EDF et des promoteurs d’alternatives, lesquels peuvent être intéressés par ce dépassement du seuil de 30 %.

M. Jean-Claude Fruteau, président de la délégation aux outre-mer. À la demande de notre collègue Serge Letchimy, la délégation aux outre-mer a souhaité participer à ce débat.

Je tiens à souligner l’importance du travail mené par nos deux rapporteurs. Il faut un traitement particulier dans ce domaine. Ericka Bareigts l’a fort bien résumé, nous sommes dans une situation de dépendance extrême par rapport à l’approvisionnement extérieur et nous sommes soumis à des conditions réglementaires qui ne sont pas adaptées à la situation de La Réunion et des outre-mer en général.

Ajoutons à cela des à-coups dans les décisions prises par le passé, notamment ces dix dernières années, qui n’ont pas facilité les choses dans le domaine du développement des énergies renouvelables en outre-mer. Il y a un vrai problème, et je me félicite que nous puissions l’exposer à l’occasion de ce texte, si important pour la nation tout entière.

M. Victorin Lurel. Je tiens également à féliciter nos deux collègues pour cet excellent rapport. C’est, à ma connaissance, le premier qui permette d’éclaircir un certain nombre de points qui, jusqu’à présent, restaient opaques, je dirais même ésotériques, pour nos concitoyens, y compris pour les élus. Je me réjouis donc de sa publication. Je n’ai pas eu le temps de le lire entièrement, mais ce que j’en ai entendu est édifiant.

Je m’associe également aux propos du président Brottes. C’est à sa demande, en effet, que la Commission de régulation de l’énergie a pu accueillir un représentant des ZNI en la personne de Mme Edwige, originaire de la Martinique et spécialiste reconnue en raison de sa très longue expérience dans ce domaine. Pour ma part, je demanderai, lors de l’examen du projet de loi, qu’il y ait un représentant des outre-mer au sein du comité de gestion de la CRE, car nous souhaitons qu’il y ait un représentant des ZNI dans les instances de direction, là où se prennent les décisions. Cela ne figure pas dans le rapport, mais je m’en suis ouvert à Mme la ministre pour la sensibiliser à cette question.

La CRE soutient le développement de certains projets innovants, comme ceux du Galion en Martinique, qui fait de la cogénération bagasse-bois. Mais elle refuse de prendre en charge le surcoût du projet de l’île Marie-Galante, en Guadeloupe, alors que nous sommes en deçà des coûts de production nationaux et qu’il s’agit du même projet de centrale bagasse-bois, avec du bois importé du Brésil. Ce n’est pas une simple question d’arithmétique, mais une philosophie, une certaine vision des choses. Aujourd’hui, ce projet est en panne. Toutefois, Albioma a fait des propositions pour tenir ces coûts.

Par ailleurs, j’estime que la péréquation est menacée. La configuration du périmètre industriel d’EDF, avec le passage entre EDF SEI (systèmes énergétiques insulaires) et EDF PEI (production énergétique insulaire), et une évolution forte en faveur des contrats de gré à gré, me paraît dangereuse. C’est, selon moi, une astuce permettant d’éviter l’application de la loi au plan national, et d’échapper à la péréquation et à la solidarité nationale. Le rapport l’indique clairement, c’est déjà le cas pour l’est guyanais où – j’ai beaucoup de mal à le comprendre – on laisse de lourds investissements à la charge des petites communes. Les communes du littoral guyanais, quant à elles, bénéficient de la péréquation nationale, contrairement à l’Ouest guyanais et à l’arrière-pays amazonien. Il y a là, manifestement, un problème de répartition des charges et d’égalité entre citoyens français. Il faut avoir une ambition nationale, un impératif national à l’égard de l’Ouest guyanais et faire jouer pleinement la péréquation en faveur de l’arrière-pays.

J’en viens à l’extension territoriale de la péréquation. Le rapport ne fait pas état de ce problème, que le président Brottes connaît bien, et sur lequel on ne peut pas faire l’impasse. À Wallis-et-Futuna, les 12 000 Français les plus éloignés de la métropole paient l’électricité six fois plus cher que le coût national. L’argument opposé est que c’est leur statut…

Le général de Gaulle avait pris des engagements sur la gratuité de la santé devant le roi d’Uvea, le Lavelua. C’est un bon exemple de la diversité de la République. Il y a, à Wallis-et- Futuna, trois rois traditionnels dont les fonctions ont été reconnues par le statut de 1961. Aujourd’hui, la gratuité ne joue plus pour les prothèses dentaires ni pour les lunettes. Voilà pourquoi les gens les plus édentés de France vivent à Wallis et Futuna ! Et pourtant, c’est là que l’on trouve les plus grands patriotes, qui ont une tradition d’engagement dans le service national. On leur dit que les choses ont changé, que la santé gratuite, c’est terminé, et qu’en raison de leur statut, ils ne peuvent pas bénéficier de la péréquation nationale. Wallis-et-Futuna compte 12 000 habitants : ce n’est pas cela qui va ruiner la France ! Nous avons le devoir moral de tout faire pour que ces citoyens puissent bénéficier de la péréquation nationale. Faute de quoi, il conviendrait d’accorder une subvention à ce petit territoire, qui compte dix-neuf élus, afin de baisser le coût de l’électricité. Lorsque j’étais au Gouvernement, j’ai pris des mesures dans ce sens, mais elles sont insuffisantes. Il faut poursuivre ce travail.

En ce qui concerne le pilotage de la politique énergétique, je souscris pleinement à toutes les propositions qui ont été évoquées. Il convient de mieux intégrer, mieux contrôler, voire mieux maîtriser la stratégie décidée par EDF et EDF SEI. Aujourd’hui, EDF PEI procède à une contractualisation hors contrôle. J’avoue avoir du mal à comprendre, car nous avons tous assisté, impuissants, à l’intégration et à la filialisation d’EDF Energies Nouvelles de M. Mouratoglou. Sachez que la région Guadeloupe, que j’ai l’honneur de présider, a demandé une habilitation, en vertu de l’article 73 de la Constitution. Nous faisons ce que l’on appelle des lois et des décrets de région, publiés au Journal officiel de la République française. J’ai ainsi publié 29 lois d’origine régionale, qui ont contribué à baisser les prélèvements sur la CSPE. Dans le projet de loi sur la transition énergétique, un alinéa précise que, désormais, ces lois et ces décrets devront se faire à budget constant et que leur application ne devra être en aucun cas imputée sur la CSPE.

Je rappelle à nos collègues qu’une habilitation, c’est « tout bénéfice » pour l’État, qui cède une compétence sans donner aucune ressource. Or rien que pour la maîtrise de l’énergie et la réglementation thermique des constructions, que demandent toute la Caraïbe, la République d’Haïti, le Venezuela, nous avons adapté aux pays tropicaux une législation faite pour les pays tempérés et nous avons dépensé près de 5 millions d’euros. La Martinique a fait de même, en apportant des améliorations. Nous avons ainsi contribué à baisser les prélèvements sur la CSPE. Eh bien, aujourd’hui, on nous demande de nous débrouiller, mais à budget constant ! Il faudrait pour le moins faire l’inventaire et le bilan chiffré de ce que nous avons fait. C’est une atteinte manifeste portée aux habilitations. J’ai donc déposé un amendement visant à supprimer cette disposition. Car si elle devait être appliquée, ce serait un coup sévère porté à la décentralisation et à l’autonomie régionale.

Enfin, le schéma régional climat air énergie (SRCAE) n’est pas prescriptif, mais déclaratif. Il faut l’intégrer dans la PPE, je souscris totalement à cette proposition, mais aussi dans les schémas d’aménagement régionaux (SAR), qui sont, eux, prescriptifs et normatifs. Nous aurions alors quelque pouvoir de contrôle.

Auparavant, c’était EDF qui recevait les propositions, notamment en matière photovoltaïque. C’était EDF qui, seule, classait les projets par ordre d’arrivée et d’importance et qui décidait souverainement, pour ne pas dire en toute opacité, du choix des bénéficiaires. EDF avait alors deux filiales, Tenesol, devenue Sunzil, laquelle est également une filiale du groupe Total, et EDF Energies Nouvelles de M. Mouratoglou. Depuis, EDF a absorbé totalement, pour des sommes folles, EDF Energies Nouvelles. C’étaient presque uniquement les projets de ces deux sociétés, quelle que soit la date de dépôt, qui étaient priorisés. J’ai dû demander, dans le cadre des lois d’habilitation que, désormais, les projets soient déposés au niveau de la région et que le choix entre l’habilitation et le système traditionnel de décision relève d’une commission mixte. Il y a là un problème de gouvernance et de pilotage qu’il faut clarifier dans le projet de loi.

Enfin, j’aimerais savoir ce qu’il en est des tarifs d’électricité, s’agissant notamment des tarifs bleus, pour les personnes en situation de précarité énergétique. À ce titre, la loi Brottes est une avancée importante.

M. le président François Brottes. Me féliciter ne vous autorise pas à dépasser votre temps de parole… (Sourires.)

M. Victorin Lurel. Nous devons atteindre un certain degré d’autonomie d’ici à 2020 – 50 % pour les outre-mer en général, un peu moins pour Mayotte – et l’autonomie totale en 2050. Contrairement au Grenelle, le rapport ne contient pas d’objectifs chiffrés pour l’outre-mer, alors qu’ils y figurent pour l’Hexagone. Il y a donc des améliorations à apporter. Cela étant, c’est un excellent rapport. Je l’étudierai de manière plus approfondie et je déposerai éventuellement des amendements.

M. le président François Brottes. J’ai toujours eu quelques difficultés à canaliser le temps de parole de Victorin Lurel. J’avoue cette faiblesse ! Et j’ai un peu le même problème avec Dino Cinieri, à qui je vais donner la parole…

J’indique que, dans quelques minutes, nous devons commencer une table ronde avec des représentants de l’ensemble des collectivités territoriales de notre pays, et que je suis encore saisi de cinq demandes de prise de parole… J’appelle donc chacun à la concision.

M. Dino Cinieri. Chers collègues, je veux d’abord, à mon tour, vous féliciter pour la qualité de votre rapport et la clarté de votre présentation.

L’outre-mer a plus que jamais besoin de stabilité, de visibilité et surtout de la pérennité des dispositifs.

Vous l’avez dit, depuis plusieurs années, de nombreuses filières renouvelables sont à l’arrêt. Avec la loi Grenelle, la France s’est fixé un objectif ambitieux pour les collectivités d’outre-mer : l’autonomie énergétique par le biais de la maîtrise des consommations et du recours aux énergies renouvelables à hauteur de 50 % de l’approvisionnement énergétique à l’horizon 2020.

Effectivement, les freins au développement de ces filières dans les territoires ultramarins n’ont toujours pas été levés, en particulier l’arrêté technique qui interdit l’injection en puissance de plus de 30 % d’électricité variable sur les réseaux non interconnectés. Cet arrêté condamne la poursuite du développement des énergies renouvelables électriques variables et sans stockage.

Le projet de loi de Mme Royal est-il, selon les spécialistes que vous avez auditionnés, suffisant pour relancer ces filières, et en particulier le solaire photovoltaïque ?

En matière d’investissement, pensez-vous qu’il sera possible de redonner confiance aux contribuables, suite aux déceptions engendrées par le raté du dispositif de défiscalisation dit « Girardin industriel solaire » ?

Mme Delphine Batho. Je voudrais à mon tour féliciter les rapporteurs et souligner à quel point la transition énergétique dans les territoires d’outre-mer est un sujet crucial. Vous avez parfaitement expliqué l’urgence qu’il y avait à prendre cette situation à bras-le-corps et à y apporter des réponses.

Je voulais aussi souligner la chance que représente pour nous le développement des énergies renouvelables et du stockage. Je pense notamment à un certain nombre de produits made in France, qui seront ensuite exportables dans des territoires ayant les mêmes caractéristiques, notamment climatiques.

Dans ce rapport, nombre de remarques me paraissent très pertinentes. Elles rejoignent d’ailleurs les réflexions issues du salon Energ’îles, initiative appuyée par le réseau Pure Avenir. Les régions d’outre-mer, qui s’étaient réunies au moment du débat national sur la transition énergétique, y avaient alors remarquablement contribué. J’en vois le prolongement dans ce rapport, qui constitue une base solide pour faire des propositions.

Ensuite, les questions posées sur la gouvernance et sur l’articulation des décisions nationales avec des spécificités territoriales sont, en fin de compte, assez comparables aux questions posées par les régions, y compris en métropole, concernant la mise en œuvre et le pilotage de la transition énergétique. Cela étant, il faut apporter des réponses adaptées en termes de gouvernance.

Je voudrais poser plusieurs questions.

La première porte sur l’éolien. Votre rapport soulève le problème posé par la notion d’« espaces proches du rivage », inscrite dans la loi et dont la définition est assez floue. Il y a aussi la question de l’augmentation des tarifs de rachat de l’éolien. Quel diagnostic faites-vous puisque cela n’a pas conduit, plus d’un an après, au redémarrage de l’éolien dans les territoires d’outre-mer ?

Je n’ai pas lu le rapport en détail, mais, concernant la question du solaire thermique, des appels d’offres spécifiques aux territoires d’outre-mer avaient été évoqués, voire annoncés. Où en est-on ?

Enfin, je crois qu’il faut faire sauter la règle des 30 %, en tenant compte, bien sûr, des caractéristiques de chaque territoire. La problématique rejoint ce qu’a dit Victorin Lurel sur la question de la gouvernance, de l’influence et du pouvoir de décision, s’agissant notamment d’EDF. Il y a aussi des enjeux stratégiques concernant la géothermie profonde : je pense notamment à la centrale de Bouillante. Ericka Bareigts a indiqué tout à l’heure que la transition énergétique nécessitait un certain nombre d’investissements. Cela vaut à l’échelle nationale. On peut donc dire que les points communs sont notables. Mais on a outre-mer un concentré de la situation nationale, avec, de surcroît, la possibilité de faire des territoires d’expérimentation, dans la mesure où les énergies renouvelables peuvent y être plus compétitives que les énergies fossiles utilisées actuellement.

Mme Frédérique Massat. Je souhaiterais interroger les auteurs du rapport sur le Fonds d’amortissement des charges d’électrification. À ce titre, nous avons eu des soucis dans certaines zones de montagne, notamment lors de la transformation du FACÉ en compte d’affectation spéciale (CAS). Les élus semblent avoir un peu perdu la main sur la façon dont étaient affectées les sommes issues de ce fonds dont, je le rappelle, EDF est l’un des contributeurs.

Aujourd’hui, vous déplorez à juste titre l’évolution du rôle joué par ce fonds, qui avait été créé, à l’origine, pour favoriser l’électrification des zones peu denses et en difficulté. Il visait à l’extension du réseau, pas uniquement à sa réparation. Aujourd’hui, le FACÉ n’est pas remis en cause, mais sa gouvernance semble être à revoir, afin qu’il puisse jouer son véritable rôle, car il est inadmissible que les écarts ne soient pas intégrés dans le périmètre de la concession. Les populations d’un territoire doivent toutes avoir accès au réseau.

J’en viens aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables et aux schémas régionaux climat air énergie dont le caractère non prescriptif pose généralement problème. Je m’étonne qu’EDF, qui a contribué à leur élaboration, ne les prenne pas en compte, s’agissant notamment des schémas de raccordement au réseau. Les schémas déterminés par les élus ne servent donc à rien. Ils doivent être prescriptifs, sinon, il faut les supprimer !

Mme Brigitte Allain. Je voudrais d’abord remercier nos collègues pour ce rapport, que je n’ai malheureusement pas eu le temps d’examiner dans le détail.

J’ai assisté, la semaine dernière, à la réunion de la délégation aux outre-mer. Le rapport pointe le problème du fameux blocage des 30 %, que nous devons, selon moi, supprimer du texte de loi. Il pointe aussi les questions d’accompagnement de financement et de rééquilibrage qui, comme l’a dit Victorin Lurel, restent peut-être l’héritage d’un passé colonial dont nous devons sortir. Il faut arrêter ce gâchis écologique et économique pour permettre le développement territorial et la création d’emplois grâce à la capacité de ces territoires à produire leur propre énergie, en soutenant les acteurs et en encourageant la valorisation des ressources naturelles locales. Elles sont importantes dans la plupart de ces territoires : l’eau, la biomasse, le soleil, le vent. Ces ressources sont citées dans le rapport, ainsi que les spécificités de certains territoires, qui ont besoin d’être soutenus dans cette démarche pour aller vers une quasi autonomie de la production d’énergie.

Par ailleurs, la question de la gestion des déchets n’est pas traitée. Dans un grand nombre de territoires, le coût est important et le bilan carbone négatif. L’énergie est produite à partir d’énergies fossiles importées, d’où un coût énergétique important au niveau du transport, et les déchets sont traités loin des territoires où ils sont produits. Or nous savons aujourd’hui que ce coût économique et écologique pourrait, au contraire, devenir un produit pour peu que l’on valorise les déchets au niveau local. Il y a là un potentiel énergétique important, car le tri et le traitement des déchets permettraient de produire non seulement des composts, mais aussi des engrais, du gaz, donc de produire de l’électricité et d’utiliser la chaleur à bon escient. Allons-nous passer à côté de cette question qui me paraît essentielle, aujourd’hui, pour les territoires d’outre-mer ?

Mme Annick Le Loch. Je souhaite féliciter nos deux rapporteurs, et en particulier Ericka Bareigts, qui a présenté de façon très pédagogique les problématiques des outre-mer. Cela étant, elles sont les mêmes sur les îles plus proches de la métropole. Je pense à l’île de Sein, mais aussi à Ouessant et Molène, qui sont également des ZNI. Toutes les problématiques soulevées, à savoir les freins réglementaires, mais aussi les bilans carbone désastreux, la CSPE, élevée dans ces secteurs, sont les mêmes sur les îles finistériennes, mais aussi, je le répète, sur toutes celles qui sont proches de la métropole.

Nous allons, à partir des solutions proposées dans le rapport, pouvoir mener des expérimentations, pourquoi pas sur ces îles où, jusqu’à présent, les énergies renouvelables (ENR) n’ont absolument pas été développées.

Mme Ericka Bareigts, rapporteure. Madame Allain, nous abordons la valorisation des déchets à travers la question de la biomasse. Ensuite, il faudra apporter dans la loi des éléments plus importants.

Madame Batho, il y a, certes, des similitudes entre les régions de l’Hexagone et les ZNI. Mais la grande différence, c’est que nous sommes des ZNI, et cela change tout ! Il faut, garder cela en tête, car cela modifie totalement l’approche que l’on peut avoir.

Enfin, pour répondre à Victorin Lurel, la réglementation de droit commun sur les tarifs sociaux s’applique aujourd’hui dans les ZNI.

J’en viens à une question qui nous a beaucoup intéressés, celle de la gouvernance. Cela me permettra peut-être de répondre en même temps sur la question des SRCAE et du FACÉ. Nos propositions visent à intégrer les documents de politique régionale qui ne s’imposent aujourd’hui à personne. Le SRCAE est bien fait, avec beaucoup d’énergie et d’intelligence, dans les territoires, mais ce n’est pas lui qui détermine les investissements dans ces mêmes territoires. C’est donc un travail qui n’est pas inutile, mais qui ne brise pas le cercle vicieux dans lequel nous nous trouvons.

L’idée est d’intégrer ou de faire disparaître le SRCAE au profit d’une approche globale qui s’impose juridiquement, partagée entre l’état et la région, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Celle-ci deviendra ainsi l’outil de gouvernance politique, concernant l’opportunité des projets. Du coup, cela permettra à la CRE de se référer, dans son évaluation de celle-ci, à ce qui aura été arrêté dans le cadre de la PPE par l’état et la région. Une annexe ou un document budgétaire donneront, de surcroît, une meilleure visibilité sur les investissements à réaliser dans les cinq, dix ou quinze ans. Ce document s’imposera à la CRE, bien sûr, mais aussi à EDF SEI et à tous les opérateurs qui voudront, demain, proposer des projets dans le cadre des politiques publiques territoriales de transition énergétique.

J’insiste sur ce point, car il s’agit d’un outil qui changera le cours des choses à l’approche de la transition énergétique dans les territoires. Elle se fera avec l’État et les régions, et les documents s’imposeront à ceux qui, jusqu’à présent, n’étaient pas soumis à des règles – je pense, entre autres, à EDF.

M. Daniel Fasquelle, rapporteur. Les éoliennes ont fait l’objet de plusieurs questions.

L’impossibilité de construire des éoliennes dans des espaces proches du rivage est une notion imprécise et parfois difficile à appliquer localement. Cela étant, il y a déjà une jurisprudence relativement abondante. Supprimer cette réserve me semblerait extrêmement dangereux. Nous aurions alors un développement totalement incontrôlé des éoliennes tout au long du littoral et nous risquerions d’abîmer des paysages exceptionnels. Si la loi Brottes n’a pas permis le développement des éoliennes dans les territoires ultramarins, il y a beaucoup d’autres raisons pour maintenir cette limite des espaces proches du rivage. Je pense notamment au coût du raccordement, qui est un véritable obstacle.

J’en viens à la règle des 30 %. Il faut maintenir une limite, mais sans doute l’adapter aux territoires, dans les PPE territoriales. C’est l’une des propositions du rapport.

Il y a aussi l’accès à certaines aides ou à certaines subventions, qui est difficile dans les territoires ultramarins.

Enfin, il y a les appels d’offres, qui sont mal ficelés. Je vous donne un exemple. On sait qu’un appel d’offres a été lancé à La Réunion et que deux entreprises nationales ont été retenues, évinçant des acteurs locaux qui n’étaient peut-être pas, il est vrai, en capacité de se mettre sur les rangs. Le résultat est que deux entreprises ont été retenues, mais qu’elles n’ont pas encore déposé de projet concret. Il y a tout un travail à faire sur la façon dont sont élaborés et lancés les appels d’offres, afin de laisser une place aux acteurs locaux.

Je conclurai en indiquant qu’il y a onze propositions dans le rapport. C’est un nombre relativement élevé, et elles permettront, si elles sont transformées en amendements et adoptées, de faire évoluer les choses. Il faut adapter les dispositifs nationaux et laisser plus de liberté à ces territoires pour tenir compte de leurs réelles spécificités. C’est de cette façon que nous pourrons faire émerger un modèle original. Il ne faut pas chercher à dupliquer ou à adapter aux territoires ultramarins ce qui a été pensé pour la métropole. Il faut aussi qu’ils puissent porter leurs propres projets, leurs propres modèles, qu’ils pourront ensuite exporter. Le made in France, c’est peut-être aussi cela. Il y a là de véritables chances et des solutions à trouver pour nos concitoyens. Ce peut-être aussi une nouvelle filière à construire dans certains de ces territoires, et donc une source d’emplois, en plus de la nécessaire préservation de l’environnement.

M. le président François Brottes. Je remercie les deux rapporteurs et tous ceux qui ont collaboré à ce rapport.

J’ai compris, en les écoutant, que les membres de la commission des affaires économiques ne s’opposaient pas à la publication de cet excellent rapport (Assentiment.). Chers collègues, je vous remercie.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

EDF

M. Bertrand Le Thiec, directeur adjoint des affaires publiques

M. Patrice Bruel, délégué aux régulations

Syndicat des énergies renouvelables (SER)

M. Jérôme Billerey, président de la commission des régions ultra-marines, directeur général du groupe Quadran

M. Hervé La Touche, élu du bureau de SOLER (Commission photovoltaïque du SER) et représentant de SOLER dans les Outre-mer, directeur Général de Sunzil

M. Romain Poubeau, responsable de la filière photovoltaïque et de la commission Outre-mer

Commission de régulation de l’énergie

M. Philippe de Ladoucette, président

M. Jean-Yves Ollier, directeur général

Mme Catherine Edwige, commissaire

M. Christophe Leininger, directeur du développement des marchés

Mme France de Saint-Martin, chargée de mission pour les relations institutionnelles

Ministère de l’outre-mer - Département de l'écologie, du logement, du développement et de l'aménagement durables

M. Cédric Loret, chef du département, ingénieur principal des services techniques

M. Éric Bassac, chargé de développement du groupe GDF Suez dans l’Océan indien

Ministère écologie, développement durable - Direction générale de l’énergie

M. Pierre Fontaine, sous-directeur

M. Antoine Caron, adjoint au chef de bureau

Île de Sein Énergies

M. Patrick Saultier, directeur général

Déplacement en Guyane

Conseil Général

M. Fabien Canavy, 1er vice-président délégué à l’environnement,

Mme Maud Mirval, ingénieur principal, direction de l’Aménagement et du développement durable

M. Jean-Pierre Parsemain, chef du service Énergie, aménagement et équipement rural

Communauté d’agglomération du centre littoral (CACL)

M. Xavier Chantre, directeur général des services

Communauté de communes de l’Ouest guyanais (CCOG)

M. Micky Jacobie, 7ème vice-président du CCOG, délégué à l’électrification et élu à Maripasoula

M. Claude Fabri, directeur des services techniques

Commune de Maripasoula

M. Serge Anelli, maire

Mme Juliette Daniel, adjointe au maire

Mme M-Thérèse Abienso, adjointe au maire

Mme Macleika Adam, adjointe au maire

Mme Valérie Linguet, conseillère municipale

M. Joseph Atia, conseiller municipal

M. Jean-Claude Petetot, DGSA

M. Pierre-Henri Bouyer, chargé d’études urbanisme

M. Sylvain Ballof, responsable service urbanisme, foncier, développement économique et aménagement

M. Micky Jacobie, conseiller municipal, 7ème vice-président du CCOG

M. Claude Fabri, responsable aménagement du territoire, CCOG

M. Denis Girou, directeur DEAL

Mme Mylène Jean Choy, chargée de mission Énergie-Climat DEAL

M. Hubert Contout, 1er vice-président du Conseil général

M. Sylvestre Joseph, conseiller municipal, délégué au sport

M. Marc Anelli, conseiller spécial, délégué aux affaires culturelles

M. Marc Couiyoun, chef de service EDF

ADEME

Mme Suzanne Pons, directrice

M. Pierre Courtiade, responsable Énergie

EDF

M. Jean-Philippe Biava, directeur

Groupement des professionnels de l’Energie en Guyane (GENERG)

M. Sébastien Bourgeois, président

Voltalia Guyane

M. Gautier Le Maux, chef de projet

Action pour une Qualité Urbaine et Architecturale Amazonienne (AQUAA)

M. Laurent Claudot, président

WWF Guyane

M. Laurent Kelle, responsable

Déplacement à la Martinique

M. Serge Letchimy, député, président de la région Martinique

ADEME

M. Jean-Michel Bordage, directeur régional

Agence Martiniquaise de l’énergie (AME)

M. Daniel Chomet, président

M. Laurent Bellemare, directeur

Solar Electric

M. David Doumith, président

M. Ludovic Jédré, directeur filiales DOM

Syndicat mixte d’électricité de Martinique (SMEM)

M. Ralph Monplaisir, président

Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement

M. Éric Legrigeois, Directeur régional et délégué ministériel de la zone de défense Antilles

M. Hervé Bougault, AFD

M. Hubert Roche, CDC

M. Gregory Julienne-Chenevot, Green Technologie

M. Jean-Christophe Andru, BRGM

M. Philippe Hunel, DRRT

M. Nade Renard, SMTVD

M. Judes Christine, SMTVD

M. Pedro Braithwaite, SMTVD

Mme Chalot Hélène, Alinea Solar France / Madinergie

M. Christian Blanchard, Albioma

M. François Decote, Hydrom

M. Patrick Laport, préfecture

M. Nicolas Domergue, Neophilia

M. Jean-Philippe Timon, Sunzil

Déplacement en Guadeloupe

Région Guadeloupe

M. Victorin Lurel, président

SyMEG

M. Albert Elatre, président

Synergîle

Albioma : M. Nicolas de Fontenay

SAS Tenarov/Geodeep : M. Jacques Chouraki

Quadran : Mme Anna Laffont

Equinoxe : M. Laurent Séauve

Genergies Antilles-Guyane : M. Andrés Mézière

Explicit : M. Nicolas Pouget

Geothermie Bouillante : M. Bernard Hira

BRGM : MM. Yoann Legendre et Jean-Marc Mompelat

Deal Guadeloupe : MM. Didier Renard et Philippe Edom

CAUE Guadeloupe : MM. Jack Sainsily et Joël Paul

Sunzil / SER : M. Hervé Latouche

Sunzil Caraïbes : M. Alain Vial-Collet

EDF Archipel Guadeloupe : MM. Pascal Mithois et Etienne Besnard

CROAG : Mme Joan Dessaint-Forni

Synergîle : M. Andrés Mézière (vice-président) et Mme Nathalie Chevon

Préfecture de la région Guadeloupe

Mme Marcelle Pierrot, préfète

ADEME

Mme Catherine Luciani, directrice régionale

Direction régionale des douanes

M. Stéphane Thomas, chef du pôle Orientations des contrôles

Déplacement à Mayotte

Espace info énergie

M. Michel Charpentier, président de l’Association des naturalistes

M. Benoit Morel, directeur de l’Association des naturalistes également Directeur de l’activité EIE

M. Souffou Tchico, conseiller énergie

M. Abissi Saindou, conseiller énergie

ADEME

Mme Christel Thuret, représentante Mayotte

SUNZIL

M. Tony Pistarino, directeur d’agence Mayotte

Préfecture de Mayotte

M. Philippe Laycuras, secrétaire général pour les affaires régionales de Mayotte

Déplacement à La Réunion

MEDDE – Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement de La Réunion

M. Daniel Fauvre, directeur

M. Samuel Laslandes, chargé de mission Energie

Albioma

M. Joël Teophin, directeur des exploitations

EDF

M. Michel Magnan, directeur régional

M. Damien Devillaine, adjoint au chef du service Système électrique

FRBPT

M. Bernard Siriex, Président

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)

M. Jean-François Cousin, direction de l’action régionale

Reuniwatt

M. Nicolas Schmutz, président

MEDEF

M. Bruno Renard, président de la commission Energie du Medef

Mme Sandrine Dunand-Roux, déléguée générale Medef Réunion

Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

M. Dominique Vienne, président

Conseil Régional

M. Alin Guezello, conseiller régional, délégué aux énergies nouvelles

M. Jean-Claude Futhazar, directeur général adjoint développement durable

Syndicat intercommunal d’électricité de La Réunion (Sidelec)

M. Maurice Gironcel, président

Cluster Temergie

M. Matthieu Hoarau, secrétaire général

Groupe Dijoux

M. Michel Dijoux, président

Sté Immobilière du Département de la Réunion (SIDR)

M. Georges Govindassamy, directeur général adjoint

M. Benoît Zimberger, directeur de l’habitat

Mairie de Saint-Denis

M. Jacques Lowinsky, premier adjoint

SORUN

M. Patrice Galbois, président

Solartrade

M. Charly Bell, co-fondateur

1 () Les conventions internationales d’élaboration des bilans d’énergie conduisent à donner une part importante à l’énergie nucléaire dans le mix énergétique primaire, car elle y est comptabilisée pour la chaleur produite par la réaction, dont les deux tiers sont perdus lors de la conversion en énergie électrique.

2 () Jean-Pierre Hansen et Jacques Percebois calculent par exemple que l’interconnexion de trois parcs de puissance respective de 10 900 MW, 4 900 MW et 1 900 MW permet de diminuer la puissance de réserve de l’ordre de 650 MW par rapport à une situation où ces trois parcs sont exploités séparément, tout en conservant le même niveau de fiabilité (Énergie, Économie et politiques, De Boeck, 2010).

3 () Cf. infra.

4 () Ces chiffres sont ceux utilisés RTE et l’Agence internationale de l’énergie pour calculer les émissions de CO2 liées au secteur électrique http://www.rte-france.com/fr/developpement-durable/eco2mix/donnees-nationales/emissions-de-co2-par-kwh-d-electricite-produite-en-france

5 () Les inégalités de revenus entre les DOM et la métropole, Christophe Michel, Maël Theulière, INSEE, février 2010.

6 () Comparaison des prix entre les DOM et la métropole en 2010, Jean-Pierre Berthier, Jean-Louis Lhéritier, Gérald Petit, INSEE, juillet 2010.

7 () Article L. 121-7 du code de l’énergie.

8 () L’opérateur de l’action de MDE peut demander à son client une rémunération sur la quantité d’électricité économisée, mais, dans la plupart des cas, cette rémunération ne peut couvrir la totalité du coût de l’action de MDE, dans la mesure où l’électricité est valorisée par le client au tarif réglementé de vente (environ 60 €/MWh) alors que la rentabilité de l’opération s’apprécie en fonction du coût normal et complet de production (environ 220 €/MWh).

9 () Décret n° 2014-864 du 1er août 2014 modifiant le décret n° 2004-90 du 28 janvier 2004 relatif à la compensation des charges de service public de l'électricité.

10 () Désormais, le dispositif différentie les installations par puissance installée : pour les installations d’une puissance inférieure à 100 kVa, le tarif d’achat est fixé par trimestre et décroît en fonction de la puissance installée le trimestre précédent ; pour les installations de moyenne puissance (entre 100 et 250 kVa), les contrats d’achat sont attribués sur la base d’appels d’offres simplifiés ; pour les installations de grande puissance (> 250 kVa), ce sont des appels d’offres ordinaires.

11 () EDF a également investi dans la centrale de Lucciana, en Corse (120 MW), entrée en service en 2013.

12 () Art. L. 2224-33. « Dans le cadre de la distribution publique d'électricité, et sous réserve de l'autorisation prévue à l'article 7 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, les autorités concédantes de la distribution d'électricité visées au I de l'article L. 2224-31 peuvent aménager, exploiter directement ou faire exploiter par leur concessionnaire de la distribution d'électricité toute installation de production d'électricité de proximité d'une puissance inférieure à un seuil fixé par décret, lorsque cette installation est de nature à éviter, dans de bonnes conditions économiques, de qualité, de sécurité et de sûreté de l'alimentation électrique, l'extension ou le renforcement des réseaux publics de distribution d'électricité relevant de leur compétence ».

13 () Décret n° 2004-46 du 6 janvier 2004.

14 () Bilan prévisionnel de l’équilibre offre/demande d’électricité, Guyane, EDF SEI, juillet 2013.

15 () Analyse de l’exécution du budget de l’État par mission et programme exercice 2013, Compte d’affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale, Cour des comptes, mai 2014.

16 () Providence (commune d'Apatou), extension de la desserte sur Apagui Ecole et Monfina (Grand Santi), Twenké-Taluen, Elae, Cayode, Antecume Pata et Pidima (commune de Maripasoula), ainsi que quelques écarts de l'Oyapock. Source : Bilan prévisionnel de l’équilibre offre/demande d’électricité

17 () Une part de 40 % est couverte par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE). Le maître d’ouvrage peut également demander le versement d’une contribution destinée à financer la part non couverte par le TURPE. En l’absence d’autorisation d’urbanisme – comme c’est le cas pour les écarts guyanais –, cette contribution échoit au bénéficiaire du raccordement (5° de l’article L. 342-11 du code de l’énergie), c'est-à-dire aux familles. Ces dernières n’ayant pas les capacités financières nécessaires au financement de travaux d’une telle ampleur, aucune contribution ne peut être demandée.

18 () Art. L. 121-3 du code de l’énergie « I. – La mission de développement équilibré de l'approvisionnement en électricité consiste à :

1° Réaliser les objectifs définis par la programmation pluriannuelle des investissements de production arrêtée par le ministre chargé de l'énergie ;

2° Garantir l'approvisionnement des zones du territoire non interconnectées au réseau métropolitain continental.

19 () Arrêté du 23 avril 2008 modifié, relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d’électricité en basse tension ou en moyenne tension d’une installation de production d’énergie électrique.

20 () Le taux de pénétration maximale est le rapport entre la puissance installée des moyens de production variables et la consommation minimale sur le réseau. Ce taux de pénétration atteint « facilement » les 30 % pour des raisons techniques. D’une part, les énergies intermittentes ont, par définition, un taux d’utilisation qui est plus faible que les énergies stables (de l’ordre de 25 % pour l’éolien terrestre et 15 % pour le solaire photovoltaïque). Par conséquent, une plus grande puissance installée est nécessaire pour obtenir un même niveau de production, ce qui explique que les moyens de production éolien et photovoltaïque représentent une part importante du parc de production. D’autre part, le taux de pénétration maximale est calculé au moment le plus défavorable, c'est-à-dire dans une situation où les installations tournent à pleine puissance (en milieu de journée pour le photovoltaïque) et, dans le même temps, la consommation est la plus faible (en journée le week-end).

21 () Gérer les énergies intermittentes électriques, Le cas des îles, Annales des Mines, Responsabilité & environnement n° 69, janvier 2013.

22 () Délibération du 23 janvier 2013 portant avis sur le projet d’arrêté fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental et disposant d’un dispositif de prévision et de lissage de la production.

23 () Délibération du 8 octobre 2012 du conseil régional de la Guadeloupe relevant du domaine de la loi relative à l'implantation des éoliennes en zone littorale.

24 () Délibération du 14 juin 2013 du conseil régional de la Guadeloupe relevant du domaine du règlement et relative à la réalisation d'une étude sur les perturbations météorologiques du radar de Météo-France situé au Moule avec les éoliennes installées sur l'archipel de la Guadeloupe

25 () Cluster rassemblant 12 entreprises françaises du secteur de la géothermie.

26 () Articles L. 321-7, L. 342-1 et L. 342-12 du code de l’énergie.

27 () Alsace, Auvergne, Bourgogne, Centre, Champagne-Ardenne, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais et Picardie.

28 () Lettre d’information « Certificats d’économies d’énergie », Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, juin 2014.

29 () Arrêté du 26 octobre 2010 relatif aux caractéristiques thermiques et aux exigences de performance énergétique des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles des bâtiments.

30 () À l’exception de Mayotte, où elle sera applicable à partir du 1er janvier 2017 ; toutefois, les logements sociaux construits dans le département sont soumis à une réglementation locale définie par arrêté préfectoral depuis le 1er juillet 2014.

31 () Délibération du 19 avril 2011 du conseil régional de la Guadeloupe relevant du domaine du règlement relative à la réglementation thermique et aux caractéristiques thermiques de l'enveloppe des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles de bâtiments (RTG) ; Délibération n° 13-1218-1 du 28 juin 2013 relevant du domaine du règlement relative à la réglementation thermique de la Martinique (RTM neuf) et aux caractéristiques thermiques de l'enveloppe des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles de bâtiments

32 () Délibération du 19 avril 2011 du conseil régional de la Guadeloupe relevant du domaine du règlement relative à la certification de la performance énergétique des bâtiments nouveaux et existants en Guadeloupe (DPE-G) ; Délibération n° 13-1219-1 du 28 juin 2013 du conseil régional de la Martinique relevant du domaine du règlement relative au diagnostic de performance énergétique de Martinique (DPE-M)

33 () Délibération du 22 mars 2011 relevant du domaine de la loi relative à la planification et la programmation de production d'électricité et de chaleur de sources d'énergie renouvelable ; Délibération n° 13-752-3 du 17 mai 2013 portant planification et programmation de production d'électricité et de chaleur de sources d'énergie renouvelable (délibération relevant du domaine du règlement).

34 () Article 73. « Dans les départements et les régions d'outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.

« Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s'exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement. ».

35 () Délibération n° 2009-269 du 27 mars 2009.

36 () Délibération n° 11-287-1 du 15 mars 2011.

37 () Délibération du 14 juin 2013 du conseil régional de la Guadeloupe relevant du domaine du règlement relative aux modifications de la procédure d'appel d'offres en matière d'énergies renouvelables ; Délibération n° 13-752-1 du 17 mai 2013 du conseil régional de la Martinique portant modification de la procédure d'appel d'offres en matière d'énergies renouvelables (délibération relevant du domaine du règlement).

38 () Arrêté du 23 mars 2006 relatif au taux de rémunération du capital immobilisé pour les installations de production électrique dans les zones non interconnectées.

39 () Le problème se pose différemment à Mayotte, dans la mesure où Électricité de Mayotte est une SEM dans laquelle le département de Mayotte est majoritaire. La conciliation des positions entre le fournisseur historique et les orientations de la politique énergétique régionale s’effectue donc au sein même de l’entreprise.


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