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Rapport sur l'aval du cycle nucléaire
Par M. Christian Bataille et Robert Galley
Députés
Tome II : Les coûts de production de l’électricité

Chapitre I (suite de la partie II)

II. La contribution positive de l’électronucléaire à la compétitivité globale de l’économie française

D. Un secteur à fort contenu en emplois qualifiés 1

1. Un nombre d’emplois directs et indirects d’environ 120 000 1

2. L’électronucléaire davantage créateur d’emplois que les filières gaz ou charbon 3

D. Un secteur à fort contenu en emplois qualifiés

La filière électronucléaire présente, au plan de l’emploi, plusieurs caractéristiques spécifiques.

La première caractéristique est qu’il s’agit d’emplois fortement qualifiés. La recherche et développement en amont y joue un rôle important. L’exploitation des réacteurs nucléaires et des installations du cycle du combustible exige des personnels de niveaux de qualification élevés.

Par ailleurs, le contenu en emploi de cette filière est important. Ainsi, la construction des centrales exige des travaux de génie civil et de bâtiments importants, qui, eux-mêmes, requièrent une main d’œuvre abondante.

La troisième caractéristique est la mobilisation d’une main d’œuvre essentiellement nationale, le contenu en importations de la filière étant faible. On estime que l’industrie participe à hauteur de 85 % à la valeur ajoutée résultant de la construction de centrales nucléaires.

Le recensement des effectifs de la filière nucléaire permet d’illustrer ses caractéristiques au plan de l’emploi. La comparaison avec les autres filières de production de l’électricité permet de souligner sa spécificité.

1. Un nombre d’emplois directs et indirects d’environ 120 000

En 1987, alors que le programme nucléaire commençait à décélérer, environ 160 000 personnes travaillaient directement à ce programme, dont 70 000 pour la construction des centrales. Selon le CEA1, si l’on ajoute les emplois indirects, le nombre total d’emplois s’élèvait à 300 000, soit environ 1,3% de la population active. Depuis cette date, les effectifs ont décru mais représentent encore plus de cent mille emplois.

· Les effectifs du CEA

Les effectifs du CEA en 1998 atteignaient 16 000 personnes, dont 70 % environ sont affectés aux activités civiles. Rappelons que le budget du CEA pour 1998 s’élevait à 18 milliards de francs en 1998, soit une diminution de 1,7 % par rapport à 1997. Sur ces 18 milliards, 7 correspondent aux activités militaires et 11 milliards aux activités civiles, dont 4 proviennent de contrats avec l’industrie.

Parmi les 11 200 salariés du CEA affectés aux activités civiles, près de 7 840 travaillent sur des programmes de recherche et développement relatifs au nucléaire civil2. Les 3 360 emplois civils restant correspondent pour une moitié à des postes de recherche fondamentale et pour l’autre moitié à des postes de recherche technologique – l’autre moitié -.

· Les effectifs de l’Andra

Les effectifs de l’ANDRA, Agence nationale de gestion des déchets radioactifs, étaient quant à eux de 370 personnes en 1998, contre 250 personnes en 1991.

· Les effectifs de Framatome

L'évolution de l'emploi dans l'activité nucléaire de Framatome est présentée dans la figure ci-dessous3. Les effectifs des filiales américaines de services aux centrales nucléaires et de combustible, qui ne travaillent pratiquement pas pour le programme nucléaire français n'ont pas été pris en compte.

Figure : Evolution des effectifs de Framatome

Il convient par ailleurs de noter que le périmètre des unités du groupe travaillant pour le programme français a évolué, avec notamment depuis 1992 dans le domaine du combustible, la prise de contrôle de différentes entreprises.

Outre les emplois créés dans l'ensemble de l'industrie, il convient de signaler l'effet d'entraînement que le programme nucléaire a eu sur le plan technique dans de nombreux secteurs qui ont valorisé les méthodes et le savoir-faire acquis à propos du programme nucléaire en dehors de celui-ci, et ont maintenu et développé l'emploi ailleurs que dans le nucléaire. On estime qu'un emploi dans Framatome s'est traduit, jusqu'en 1992, par 1,5 emploi en moyenne chez ses fournisseurs et sous-traitants4.

· Les effectifs d’EDF

Les effectifs totaux d’EDF étaient de 116 462 personnes en 1997, contre 116 918 en 1996, 116 805 en 1995, 117 507 en 1994 et 119 831 en 1990. La répartition des effectifs entre les grandes directions est représentée sur la figure suivante.

Figure : répartition des effectifs d’EDF au 31/12/975

La majorité des emplois d’EDF correspondent aux services à la clientèle (61 229 postes). La deuxième secteur employeur d’EDF est la Production et le Transport, avec 36 % du total. Les emplois relatifs aux centrales nucléaires sont compris dans ce total de 42 276 postes et en représentent environ la moitié. A ce nombre d’environ 20 000 agents EDF, il convient d’ajouter les 15 000 emplois des prestataires de service auxquels EDF fait appel.

· Les effectifs de Cogema

Les effectifs de Cogema au 31/12/1997 s’élevaient à 18 629 personnes. L’usine de La Hague comptait à la même date 3 130 salariés. Sur ce seul centre, les effectifs des entreprises extérieures prestataires représentaient environ 4 000 personnes. Ainsi, l’activité des installations de La Hague génère un total d’environ 8 000 emplois, ce qui correspond à près de 20 % du bassin d’emploi du Nord Cotentin.

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Au total, en prenant en compte non seulement les emplois directs liés aux activités nucléaires civiles du CEA, de Framatome, d’EDF, de Cogema et de l’Andra, mais aussi les emplois indirects liés à ces organismes ou entreprises, le nombre actuel d’emplois liés à la filière nucléaire semble être d’environ 120 000.

2. L’électronucléaire davantage créateur d’emplois que les filières gaz ou charbon

Une étude de l’emploi correspondant aux différentes filières de production de l’électricité nécessite en premier lieu une approche globale non seulement de l’activité de production proprement dite mais aussi de la réalisation des investissements préalables d’une part et de la fourniture du combustible d’autre part.

Il faut également prendre en compte non seulement les emplois directs mais aussi les emplois induits. Enfin, le cadre géographique doit être spécifié.

En tout état de cause, l’emploi associé à une filière comprend les trois catégories  suivantes :

a) l’emploi lié à l’investissement :

La construction des centrales thermiques classiques ou nucléaires génère, dans les travaux de génie civil, de bâtiment, de mécanique, par exemple, des emplois dont le nombre diffère fortement suivant la technique considérée ; l’importance relative de la recherche et développement en amont creuse également les différences en termes d’emplois liés.

b) l’emploi lié à l’exploitation :

Le pilotage des centrales thermiques classiques ou nucléaire nécessite une main d’oeuvre dont la composition et le nombre varient fortement d’une filière à une autre ; des différences de même ampleur s’observent pour les fournisseurs et les sous-traitants.

c) l’emploi lié au combustible :

La localisation des activités de production des combustibles ainsi que la maîtrise nationale ou non de ces activités définissent l’importance de l’emploi national associé. Ainsi l’extraction de l’uranium, la mise au point et la fabrication du combustible nucléaire et son retraitement impliquent des organismes nationaux comme le CEA, Cogema ou l’Andra. En revanche l’emploi relatif à l’approvisionnement en gaz ou en charbon dans la situation actuelle d’importation correspond principalement aux activités de transport.

Pour des raisons de disponibilité de sources statistiques, le cadre géographique des comparaisons de filières doit être limité à l’Europe, ce qui veut dire, par exemple, que les emplois liés au combustible sont pris en compte s’ils se trouvent en Europe et ne sont pas pris en compte s’ils se trouvent à l’extérieur de l’Europe.

· Les caractéristiques propres des trois filières nucléaire, charbon et gaz en termes d’emploi

Le tableau suivant présente les caractéristiques de chacune des filières vis-à-vis des trois catégories d’emploi.

Tableau : Comparaison des emplois nationaux et étrangers liés à chacune des filières de production de l’électricité

filière unité nucléaire charbon gaz
combustible et exploitation emplois / (TWh.an) 105 110 70-85
investissement durée de construction

emplois / (GW PCN)

93 mois

15 500

36 mois

13 000

34 mois

6 900

démantèlement emplois / (GW PCN) 1400 non déterminé non déterminé

Il apparaît clairement que la filière nucléaire est la plus riche en emplois. Elle est en effet fortement capitalistique, la construction mobilisant une main d’oeuvre très nombreuse, l’exploitation et la maintenance étant également des activités riches en main d’oeuvre.

Le charbon est proche du nucléaire, en raison de l’intensité en emplois des activités d’extraction et d’approvisionnement correspondantes.

La production d’électricité à partir de gaz est quant à elle pauvre en emplois, du fait que la valeur ajoutée est principalement liée à l’extraction du gaz largement automatisée.

Au total, le nucléaire est 60 % plus riche en emploi que le gaz et 9 % plus riche en emploi que le charbon, en faisant l’hypothèse que tous les emplois du cycle du combustible et de la production d’électricité sont nationaux.

A partir des données brutes précédentes, il est possible de construire une estimation globale, en considérant ensemble les trois catégories d’emploi de l’investissement, de l’exploitation et du combustible.

L’addition pure et simple des trois types d’emploi n’est pas possible. En effet, leur étalement dans le temps est très différent.

Les emplois liés à l’investissement disparaissent pour la plupart à la fin de la période de construction. Leur nombre est fonction en premier lieu de la puissance installée.

Les emplois d’exploitation et d’approvisionnement en combustible prennent alors le relais. Ils existent pendant toute la période d’exploitation. Leur nombre est principalement fonction de l’énergie distribuée qui dépend de la durée annuelle d’exploitation en base, semi-base ou pointe.

Pour surmonter ces phasages différents de l’investissement et de l’exploitation, il est possible d’adopter une approche marginaliste. On considère un régime stationnaire, dans lequel toute centrale arrivée en fin de vie est remplacée par une autre centrale identique, avec un âge des centrales uniformément échelonné dans le temps. On suppose aussi que la consommation d’électricité reste constante au cours du temps. Chaque année, une nouvelle centrale est donc mise en service pour remplacer la plus ancienne.

Dans cette approche, les emplois liés à l’investissement peuvent donc être considérés comme durables et assimilables aux emplois liés à l’exploitation et au combustible.

Le tableau suivant donne, sur ces bases, une estimation des emplois liés à chacune des filières et à l’ensemble des étapes investissement, exploitation et combustible.

Tableau : Intensité en emplois des filières de production de l’électricité à l’aide des centrales thermiques classiques ou nucléaires

filière nucléaire charbon gaz
emplois / (TWh.an) 180 165 105-120

La filière gaz apparaît comme la plus pauvre en emploi, toutes étapes confondues.

Le nucléaire présente un contenu en emploi plus élevé de 60 % que le gaz. Le charbon est quant à lui 9 % moins riche en emploi que le nucléaire.

Cliquer ici pour accéder à la fin de la partie II du chapitre I:
E. La contribution positive du nucléaire à l'économie française - l'analyse issue des modèles macroéconomiques.

Cliquer ici pour retourner au sommaire général:

1 A. Charmant, JG Devezeaux, N. Ladoux et M. Vielle, la France sans nucléaire, Revue de l’Energie, n° 434, octobre 1991.

2 Y. d’Escatha, TF1, 13/2/98.

3 B. Vieillard-Baron, Framatome, Communication aux Rapporteurs, 20 janvier 1999.

4 Depuis cette date ce coefficient a diminué en raison de la reprise par Framatome d'entreprises qui travaillaient déjà pour le secteur nucléaire du groupe sans en faire partie.

5 Source : EDF, Rapport annuel d’activité 1997.



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