Accueil > Documents parlementaires > Rapports de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

- -

Rapport sur l'aval du cycle nucléaire
Par M. Christian Bataille et Robert Galley
Députés
Tome II : Les coûts de production de l’électricité

Suite du Chapitre I

III. En termes de coûts d’exploitation, le nucléaire actuel est sans rival 1

A. Des coûts complets très compétitifs pour le nucléaire selon les chiffres de 1995 1

1. Le coût complet de production du kWh nucléaire était de 19 cF en 1995 2

2. Les coûts complets de production des autres filières en 1995 sont supérieurs 7

B. Les coûts d’exploitation hors amortissement en 1997, également favorables 8

III. En termes de coûts d’exploitation, le nucléaire actuel est sans rival

Le parc électronucléaire français représentait en 1998 54,6 % de la capacité de production installée et produisait 78,2 % de la production de l’électricité. Ceci veut dire que le nucléaire fournit la base de l’approvisionnement du pays en électricité.

La tableau suivant détaille la composition du parc de production électrique d’EDF en 1997.

Tableau : Parc de production d’électricité d’EDF en 19971

Type d’équipement

Puissance installée (GW)

Production 1997 (TWh)

Nucléaire

REP 1450 MW

4,4

8,6

REP 1300 MW

26,4

169,3

REP 900 MW

30,7

198,1

Réacteurs à neutrons rapides

-

-

Total

61,5

376,0

Thermique classique

Charbon

8,6

12,8

Fioul (³ 250 MW)

7,2

0,8

Autres

1,9

2,9

Total

17,7

16,5

Hydraulique

Fil de l’eau

6,2

28,6

Eclusée

3,9

11,0

Lac

8,9

16,0

Pompage pur

1,8

2,2

Pompage mixte

2,5

3,0

Total

23,3

60,8

Total

Parc EDF

102,5

453,3

A. Des coûts complets très compétitifs pour le nucléaire selon les chiffres de 1995

Avant d’examiner les statistiques disponibles, une remarque doit être faite.

Le parc électronucléaire représentait en 1997 avec 61,2 GWe installés 54,6 % de la capacité de production d’électricité française. Or, avec 376 TWh produit, l’électronucléaire a assuré 78,2 % de la production d’électricité. Cette mise à contribution plus que proportionnelle du nucléaire est une indication de sa compétitivité (voir figure suivante).

Figure : Capacité de production et production des différentes composantes du parc électrique d’EDF en 19972

Le coût de production complet du kWh nucléaire en 1995 est présenté dans la suite. Les données relatives aux années 1996 et 1997 sont ensuite détaillées.

1. Le coût complet de production du kWh nucléaire amortissement compris était de 19 cF3 en 1995

En 1996, EDF constatant que la donne a changé en matière de production d’électricité avec un intérêt nouveau des énergies fossiles – gaz et charbon –, se livre à une première, la publication du coût du kWh produit par son parc électronucléaire et démontre chiffres détaillés à l’appui que son parc électronucléaire est compétitif.

Le premier constat fait en 1996 par EDF est que les énergies fossiles ont vu leur prix baisser dans des proportions importantes : le prix du gaz a été divisé par deux en dix ans et semble devoir rester dix à quinze ans à ce niveau. Le deuxième constat est l’amélioration continue des machines thermiques classiques. Les cycles combinés à gaz et les centrales à charbon ont connu des progrès technologiques majeurs, conduisant à des augmentations de rendement considérables qui ajoutent leurs effets à ceux de la baisse des prix. Dès 1996, le rendement des cycles combinés à gaz dépasse les 50 %. Par ailleurs, les coûts relatifs des centrales de faible puissance diminuent fortement. Dès 1996, le coût d’une turbine à gaz de 5 MW ne coûte pas plus cher, rapporté au kW installé, qu’un cycle combiné de 600 MW.

EDF note en 1996 que l’avantage compétitif du nucléaire était de 30 % en 1993. S’il s’est amenuisé depuis, l’avantage compétitif du nucléaire demeure. Le coût de production du kWh nucléaire tous paliers confondus est de 19 centimes en 1995.

La décomposition de ce coût de production entre les postes combustible, exploitation et charges de capital est retracée dans la figure suivante.

Figure : Coût de production complet du kWh nucléaire produit par EDF en 19954

· Des charges de capital représentant 6 cF/kWh – soit 32 % du total – mais devant baisser à l’avenir

Les charges en capital s’élèvent à 6 cF par kW produit en 1995.

a) les charges en capital proprement dites – 5 cF/kWh –

Sur ce total de 6 centimes, les charges de capital proprement dites représentent l’essentiel, soit 5 centimes. EDF note qu’en 1996, le parc a un âge moyen de 12 ans et qu’il est à moitié amorti. C’est un amortissement dégressif qui s’applique aux réacteurs. Par ailleurs, la durée de vie espérée étant de 40 ans, une période d’exploitation après amortissement fiscal et économique se profile. En conséquence on peut prévoir une baisse rapide de ce poste au demeurant très lourd – 26,3 % du total –.

Figure : Ventilation détaillée du coût de production complet du kWh nucléaire produit par EDF en 19955

b) les charges de provision pour démantèlement – 1cF/kWh –

L’autre partie des charges de capital est constituée par les provisions pour démantèlement. Le coût de celui-ci est estimé à 15 % du coût complet d’investissement. Ramenée au kWh produit, le coût du démantèlement représente 1 cF. Contrairement aux charges financières et d’amortissement, les charges de démantèlement, qui sont provisionnées chaque année, ne devraient pas diminuer à l’avenir.

· Des charges d’exploitation représentant 7 cF/kWh – soit 36 % du total – et dont la maîtrise, sans relâchement sur la sûreté, est importante pour l’avenir

Les charges d’exploitation sont composées des charges directes occasionnées par le fonctionnement de la centrale elle-même et des charges indirectes

a) les charges directes d’exploitation – 5 cF/kWh –

Les charges directes d’exploitation représentent 5 cF/kWh soit 71,4 % du total des charges d’exploitation.

Les coûts de maintenance en constituent plus de la moitié. Les charges directes moyennes d’exploitation dépendent de la qualité du travail dans chacune des centrales. Une disponibilité accrue de chaque réacteur du parc permet de répartir ces charges sur un nombre plus grand de kWh et donc de faire diminuer ce poste, au demeurant important, comme cela est logique. La diminution du nombre d’incidents de fonctionnement et l’accélération des arrêts de tranche concourent à une meilleure productivité des équipements.

L’enjeu économique d’une bonne gestion des centrales est donc important. L’amélioration de la production par un meilleur taux de disponibilité ne peut pour autant se faire au détriment de la sûreté et de la radioprotection.

b) charges centrales et impôts et redevances – 2 cF/kWh –

Les charges indirectes d’exploitation sont de deux types : d’une part les impôts et redevances, d’autre part les charges centrales et les coûts de recherche et développement.

Les impôts et redevances représentent 1 cF/kWh.

Les charges centrales correspondent au coût des fonctions centrales de gestion d’EDF et sont imputées à hauteur de 0,2 cF/kWh.

Les coûts de recherche et développement sur la filière nucléaire sont logiquement imputés au coût du kWh. Ces coûts sont loin d’être négligeables puisqu’ils s’élèvent à 0,6 cF/kWh.

Le complément de 0,2 cF/kWh correspond à des charges centrales diverses.

· Des charges de combustible représentant 6 cF/kWh – soit 32 % du total – dont la diminution est possible à l’avenir

Ce poste est constitué de deux éléments, d’une part le coût du combustible proprement dit et d’autre part les coûts de l’aval du cycle nucléaire.

a) le coût du combustible – 3,3 cF/kWh –

Le coût du combustible représente un montant de 3,3 cF/kWh. Plusieurs facteurs l’influencent. En premier lieu, figurent bien évidemment le coût de l’uranium mais aussi celui de la séparation isotopique qui permet de produire, à partir de l’uranium naturel, l’uranium enrichi à 3,5 % ou plus en isotope fissile 235 du combustible classique.

Le deuxième facteur fondamental est celui du taux de combustion. Plus longtemps les assemblages restent en réacteur à énergie produite constante et plus la charge financière correspondante s’allège.

A cet égard , l’augmentation régulière des taux d’irradiation des combustibles UO2, selon la figure ci-après contribue à l’amélioration de la rentabilité.

Une autre possibilité existe, celle qui consiste à remplacer le combustible standard par du Mox. Une économie d’uranium peut alors être alors faite. La question de la compétitivité du Mox est discutée dans le deuxième chapitre.

Figure : Evolution des taux de combustion des assemblages UO2 classiques6,7

b) les provisions pour retraitement et stockage des déchets – 2,7 cF/kWh –

Le choix du retraitement implique un coût qui est logiquement imputé sur le coût du kWh, en contrepartie de la séparation des radionucléides, de la réduction de volume et de la préparation de plutonium.

En réalité, le combustible irradié ne peut être retraité immédiatement. Les colis de verre contenant les déchets C et les conteneurs renfermant les déchets B sont eux-mêmes entreposés à court terme en vue d’un entreposage de longue durée ou un stockage définitif.

Des provisions sont donc passées pour financer les charges à venir correspondantes. Le détail des provisions passées par EDF est analysé dans le deuxième chapitre.

2. Les coûts complets de production des autres filières en 1995 sont supérieurs

Comparer les coûts de production des centrales nucléaires qui fonctionnent en base avec ceux des centrales au charbon qui fonctionnent en semi-base ou en pointe ou avec ceux des turbines à combustion utilisées exclusivement pour la pointe est un exercice difficile.

Néanmoins, la SNET a fourni des évaluations qui confirment la meilleure compétitivité du nucléaire par rapport au charbon en France en 1995.

Tableau : Comparaison des coûts du kWh en 1995

 

charbon

nucléaire

référence

chaudière de 600 MW

Charbon pulvérulent

7000 heures par an à PCN

valeurs moyennes pour le parc REP 900 et REP 1300

charges de capital

5 cF / kWh

6 cF / kWh

charges d’exploitation

4 cF / kWh

7 cF /kWh

charges de combustible

13 cF / kWh

6 cF / kWh

total

22 cF / kWh

19 cF / kWh

remarque

fonctionnement non désulfuré

 

Aucun centrale au gaz ne fonctionnant en 1995 en France, la comparaison avec cette filière n’est pas possible sur la base de données nationales.

B. Les coûts d’exploitation hors amortissement en 1997, également favorables au nucléaire

Le coût complet de production du nucléaire en 1997 est considéré, à juste titre, comme un secret commercial par EDF.

Le tableau ci-après présente toutefois le coût de production hors amortissement du kWh selon le palier considéré.

Tableau : coût de production hors amortissement du kWh nucléaire en 19978

cF/kWh

REP 900

REP 1300

Exploitation (y compris charges complémentaires)

7,1

5,6

Combustible

6,1

5,6

Coût de production hors amortissement

13,2

11,2

Plusieurs enseignements. peuvent être tirés de ces résultats. Le premier est que le palier P4-P’4 (REP 1300) se caractérise bien, comme recherché, par une baisse des coûts d’exploitation grâce aux économies d’échelle et une baisse des coûts de combustible par un allongement du temps de présence en réacteur (voir tableau ci-après).

L’allongement du temps de présence en réacteur des assemblages est en effet un objectif essentiel pour EDF. Il permet en effet de tirer parti plus longtemps du potentiel du combustible et réduit la fréquence des arrêts de tranches, donc améliore la disponibilité du réacteur.

Tableau : modes de gestion du combustible dans les réacteurs du parc EDF9

type de gestion

caractéristiques

durée de la campagne

nombre de réacteurs concernés

Standard 900 MWe

paliers CP0, CP1 et CP2

rechargement par quart de coeur avec du combustible UO2, initialement enrichi à 3,7 % en uranium 235

12 mois

21

Hybride Mox 900 MW

palier CP1 et CP2

rechargement par quart de coeur avec du combustible UO2, initialement enrichi à 3,7 M en uranium 235 et par tiers de coeur avec du combustible Mox

12 mois

13 -> 20

Standard 1300 MWe

rechargement par tiers de coeur avec du combustible UO2 initialement enrichi à 3,1 % en uranium 235

12 mois

5

Campagnes allongées 1300 MWe (gestion Gemmes)

rechargement par tiers de coeur avec du combustible UO2 initialement enrichi à 4 % en uranium 235

18 mois

15

Standard prévu pour le 1450 MWe

rechargement par tiers de coeur avec du combustible UO2, initialement enrichi à 3,4 % en uranium 235

12 mois

3

L’abaissement du coût du kWh produit avec le palier P4-P’4 par rapport aux paliers CP0-CP1-CP2 de 900 MWe provient d’une part de l’économie d’échelle apportée par l’augmentation de puissance et d’autre part de l’allongement à 18 mois des campagnes pour 75 % des réacteurs du palier P4-P’4.

Ces coûts hors amortissement peuvent être comparés avec ceux des centrales thermiques fonctionnant en France, en distinguant les régimes de fonctionnement. Le tableau ci-dessous détaille ces coûts fournis par la SNET.

Tableau : Coûts de production de l’électricité dans les centrales au charbon dans les centrales actuellement exploitées par la SNET10.

1998

Charbon pulvérisé

Lit fluidisé circulant

 

330 MW

600 MW Huchet 6

250 MW

combustible FFEX (F/kW)

364

287

410

coût proportionnel (cF / kWh)

13,5

13,3

14,5

coût total hors amortissement :

- 3500 h/an

- 7000 h/an

(cF/kWh à PCN)

23,9

18,7

21,3

17,2

26,2

20,4

Le coût du nucléaire hors amortissement en 1997 s’élevait à 13,2 cF (REP 900) et 11,2 cF (REP1300).

La marge de compétitivité du nucléaire par rapport au charbon pulvérisé est donc, pour des fonctionnements en base de durées comparables, d’environ 4 centimes soit 30 %.

Cliquer ici pour accéder à la partie IV du chapitre I:
La maturité du parc, un atout a gérer conformément à l'intérêt national: A. Les difficultés de l'abandon du nucléaire à l'étranger

Cliquer ici pour retourner au sommaire général:

1 Audition des représentants d’EDF, 7 janvier 1999.

2 JCLangrand, Séminaire EFE, Paris, novembre 1998.

3 cF : centimes de franc

4 La Lettre d’information du Parc nucléaire, n° 24, juillet/août 1996, EDF, Paris.

5 La Lettre d’information du Parc nucléaire, n° 24, juillet/août 1996, EDF, Paris.

6 Audition des représentants d’EDF, 26 novembre 1998.

7 Assemblages classiques à l’UO2, par opposition aux assemblages de Mox (Mixed Oxide Fuel)

8 Audition des représentants d’EDF, 26 novembre 1998.

9 Rapport d’activité 1997, DSIN, Secrétariat d’Etat à l’industrie, Paris, 1998.

10 SNET, audition du 21 janvier 1999.



© Assemblée nationale