- - Rapport sur l'aval du cycle nucléaire Chapitre II (partie II) II. Les difficultés méthodologiques de la comparaison des filières de production de lélectricité 111 A. La question centrale du taux dactualisation 113 1. Pour un taux dactualisation à 40 ans de 5 % 114 2. Pour un taux dactualisation intergénérationnel faible mais non nul 118 3.Le raccordement du taux dactualisation à 40 ans au taux intergénérationnel 122 B. Les biais méthodologiques résultant des inégalités de contrainte réglementaire pesant sur les différentes filières, en particulier sur laval du cycle 123 C. La myopie des méthodes de choix dinvestissement 125 II. Les difficultés méthodologiques de la comparaison des filières de production de lélectricité Lorsquon calcule un coût de production de lélectricité, il faut déterminer les charges à imputer au kWh, et donc fixer le périmètre des coûts que lon intègre. Ce choix est essentiel pour la portée du résultat et la pertinence de la hiérarchie des coûts qui en résulte. Deux types de contraintes pèsent sur la définition de ce périmètre. La première est celle de la réglementation. Le nucléaire, par exemple, doit par hypothèse gérer ses déchets. Il est donc logique dintégrer au coût du kWh le coût de laval du cycle. La deuxième contrainte est celle de la disponibilité de sources statistiques. Dans le cas dévaluations officielles, la condition mise par les administrations pour intégrer des coûts est que ces derniers soient retracés par des données statistiques officielles ou par des données dont la valeur fait lobjet dun large consensus. Sinon, les coûts ne sont pas pris en considération. Cest ainsi que les coûts de laval du cycle pour les filières gaz et charbon ne sont pas encore déterminés par des instances officielles. Donc ils ne sont pas intégrés. Il résulte de ces deux éléments que les catégories de coûts considérées pour chacune des filières ne sont pas les mêmes. Par ailleurs, les comparaisons actuelles des coûts de production de lélectricité sont fondées sur la méthode dite des coûts moyens de production actualisés. Lactualisation, au demeurant nécessaire lorsque lon raisonne dans le temps, se traduit par une réduction des valeurs dautant plus fortes que celles-ci apparaissent loin dans le futur et que le taux dactualisation est fort (voir graphique suivant). Au total, le taux dactualisation a une influence complexe. Certaines dépenses contribuant au coût du kWh, comme celles relatives au stockage des déchets nucléaires, sont à très long terme. Elles peuvent être « écrasées », cest-à-dire devenir négligeables, si lon choisit un taux dactualisation élevé. De manière moins intuitive, une technologie comme le nucléaire voit son coût moyen actualisé baisser lorsque le taux dactualisation diminue, alors même quelle exige des investissements lourds et demande des délais de construction particulièrement longs. Ce résultat sexplique en considérant la méthode de calcul même. Pour calculer en effet le coût moyen de production actualisé, on divise le total des dépenses actualisées par celui des productions actualisées. Une réduction du taux dactualisation accroît le poids des dépenses et des recettes de production. Mais les dépenses augmentent moins que les recettes. Autrement dit, par cette même méthode, et suivant le même mécanisme, la production de long terme est dévalorisée par rapport à la production à court-moyen terme. Dans la comparaison nucléaire / gaz, cela veut dire quun taux dactualisation élevé diminue limportance relative des dépenses à long terme, ce qui favorise le nucléaire. Mais un taux dactualisation élevé dévalorise également la production à long terme et renforce limportance de la production immédiate. On voit donc que le choix du taux dactualisation a un impact certain sur le résultat final. Il faut garder ce fait à lesprit. Différentes considérations militent en faveur du choix dun taux dactualisation de 5 %. Lune des principales est la tendance à la baisse des taux dintérêt à long terme. A titre indicatif, le taux à 30 ans était, début 1999, égal à 4,6 % en France et en Allemagne, à 4,2 % en Grande-Bretagne. Par ailleurs, la hausse de prix semble devoir rester durablement modérée même si le chiffre de 1998 0,3 % en glissement -, est pour une part due au second contre-choc pétrolier. Dans ces circonstances, lapplication dun taux dactualisation de 8 % correspondrait à des taux dintérêt réels extraordinairement élevés. Conserver ce taux traduirait une préférence très forte pour le présent, signifiant en réalité un renoncement aux équipements fortement capitalistiques à retour sur investissement lent. Il apparaît que les pays industrialisés de développement comparable à celui de la France utilisent le taux de 5 %. Cest ainsi le cas des Etats-Unis, du Canada, du Danemark et des Pays-Bas, en particulier. Cest pour ces raisons que les Rapporteurs préconisent que le taux dactualisation retenu pour les calculs de coût de production de lélectricité, sur les durées de vie des équipements, soit pris égal à 5%. Par ailleurs, ils reconnaissent la spécificité du très long terme en matière dactualisation. Ils considèrent que lon peut utiliser lactualisation pour le très long terme, à condition de déterminer lévolution probable des coûts à cet horizon à laune du rythme séculaire du progrès technique. Au terme dun raisonnement explicité ci-après, les Rapporteurs préconisent lutilisation dun taux dactualisation à très long terme, dit intergénérationnel, égal à 0,5 %, au-delà de la durée de vie des équipements. A. La question centrale du taux dactualisation Les évaluations des coûts de production du KWh des différentes filières font toutes ressortir limportance capitale du choix du taux dactualisation. Dans lensemble des études citées, le choix du taux dactualisation influence dune manière déterminante les résultats et la hiérarchie de coûts de production du kWh selon la filière considérée. Cest le cas de létude Digec 1997 dont les auteurs proposent et utilisent deux taux dactualisation, à savoir 5% et 8 %, pour lensemble de leurs évaluations. Cest le cas aussi de lAEN/AIE-OCDE 1998 qui adoptent les taux de 5% et de 10% qui semblent encadrer les choix des pays de lenquête. Par ailleurs, dans les calculs transmis aux Rapporteurs1, EDF adopte le seul taux dactualisation de 8%, ce qui constitue un choix qui nest pas sans influence sur les hiérarchies de coût de production mises en évidence. En réalité, un double choix est nécessaire, sagissant du taux dactualisation. Il est nécessaire en premier lieu de définir sur des critères précis et clair le taux utilisable pour la durée de vie des équipements, cest-à-dire à lhorizon de 30 à 40 années. A cet égard, de nombreuses références existent car il sagit dun cas classique de choix dinvestissement et de la confrontation avec les taux dintérêt à long terme peut se révéler fructueuse. Tout autre est la question dun taux dactualisation pour une période dune centaine dannées, voire plus, quil est nécessaire denvisager pour laval du cycle du combustible, les installations à prendre en compte devant, dans certains cas, avoir une longévité courant bien au-delà de la durée de vie technique des centrales électriques. La question du taux dactualisation intergénérationnel doit à cet égard être posée et résolue. Quel taux dactualisation adopter pour les dépenses à très long terme ? En effet, un taux de 5 à 10 %, utilisé pour les 40 premières années, sil était en effet appliqué aussi à lhorizon dune centaine dannées par exemple, annulerait quasiment la valeur actuelle des dépenses correspondantes. La méthode de lactualisation des coûts nest ainsi daucune utilité pour le très long terme. Ces deux questions fondamentales pour la comparaison des coûts de production du kWh selon les différentes filières sont abordées dans les développements qui suivent. 1. Pour un taux dactualisation à 40 ans de 5 % · Taux dactualisation et préférence temporelle Le taux dactualisation rend compte de la valeur-temps de largent. Une recette et une dépense dun montant donné, perçue ou faite dans le passé ou dans lavenir, nont pas la même valeur quun montant identique gagné ou dépensé aujourdhui. Cette notion est liée à celle de taux dintérêt en ce quelle exprime aussi une préférence temporelle. Les calculs de coûts de production du kWh recourent à la méthodologie des coûts actualisés. Ceci signifie quon définit une année de référence, en général lannée en cours. La chronologie des dépenses et éventuellement des recettes, est ensuite établie. On applique ensuite aux dépenses nettes un coefficient fondé sur le taux dactualisation qui varie selon lannée considérée. La même méthode est appliquée à la production délectricité de chacune année. Le coût de production moyen actualisé du kWh pendant la durée de vie de linstallation est le rapport des deux éléments précédents. Au total, le coût de production moyen sexprime de la manière suivante : CPE = Sn [ (In + Mn + Fn) (1 + ract)-n ] / Sn[ En (1 + ract)-n ] (A) avec : CPE : coût de production moyen actualisé du kWh pendant la durée de vie de linstallation Sn cumul sur la période In dépenses dinvestissement de lannée n Mn dépenses dexploitation et de maintenance de lannée n Fn dépenses de combustible de lannée n En production délectricité de lannée n ract taux dactualisation n année considérée · Les mécanismes daction du taux dactualisation sur le calcul du coût de production de lélectricité Dans la méthode du coût moyen actualisé, lapplication du taux dactualisation se fait tout à la fois aux dépenses dinvestissement, dexploitation et de maintenance et au coût du combustible, mais aussi, et cest là un effet majeur, à la production délectricité de chacune des années considérées. Laugmentation du taux dactualisation conduit à déprécier les dépenses à long terme. On pourrait donc penser que cette méthode atténue limpact du coût du capital plus élevé dans une centrale nucléaire (7000 F/kW pour la seule construction) par rapport au coût correspondant dune centrale à cycle combiné à gaz (3500 F/kW). Il est clair que lactualisation atténue ce poids plus lourd du capital. En dautres termes, plus le taux dactualisation est élevé et plus cette diminution relative est forte. Mais un autre effet intervient, celui de la durée de la construction. La durée de construction dune centrale nucléaire est de lordre de 6 ans2. Celle dune centrale à cycle combiné au gaz est de 3 ans3. Ceci veut dire que la centrale au gaz commence à produire dès la 4ème année. Il faut attendre au contraire la 7ème année pour que la centrale nucléaire commence à produire. Or la méthode du coût moyen de production actualisé implique, comme lindique la formule donnée plus haut, que la production de kWh annuelle est lui aussi actualisé. Ceci veut dire que les kWh produits dans les premières années pèsent « plus lourd » que ceux produits dans les dernières années. Plus le taux dactualisation est élevé, plus les kWh produits à brève échéance ont dimportance. Plus le dénominateur de la formule (A) est grand. Ce qui conduit à avantager tout moyen de production rentrant rapidement en production, donc, en lespèce le cycle combiné gaz par rapport au nucléaire. · Fonctions du taux dactualisation Le taux dactualisation a dans la pratique des fonctions et donc des niveaux différents, suivant la nature institutionnelle et les buts de son utilisateur. a) le taux dactualisation équivalent à un taux de rendement interne Ainsi, dans le cas dinvestisseurs privés, le taux dactualisation correspond à un taux de rendement interne. La DGEMP estimait en 1998 que le taux de rendement interne des entreprises privées intervenant sur le marché de lénergie en France était à cette date de 12 %. Selon lAEN/AIE-OCDE4, le taux de rendement interne aux Etats-Unis dans le domaine de lénergie est de 15 %. La définition du taux prend alors en considération dune part le coût de lendettement à long terme, si la firme doit emprunter pour investir et, dautre part, le taux de rémunération des placements alternatifs quelle peut faire au cas où elle renonce à investir alors que sa capacité dautofinancement le lui permettrait. b) le taux dactualisation pour le choix dinvestissements dintérêt public Le taux dactualisation peut aussi servir au choix dinvestissements non pas privés mais publics. Son niveau est alors fonction dune analyse macroéconomique nationale. Il ne peut alors sagir dun taux de rendement interne dun entreprise privée mais dun taux permettant la meilleure allocation possible pour léconomie nationale de ressources fiscales ou demprunt public. Le choix du taux est alors compliqué par le fait que bien souvent, la totalité des externalités générées par les projets alternatifs sont difficiles à appréhender et que la tentation existe dinternaliser ces externalités par le choix dun niveau spécifique du taux dactualisation. Dans ce cas, comme dans le cas dinvestissements privés, mais dans une moindre mesure, le niveau des taux dintérêt à long terme doit être pris en considération. c) le taux dactualisation en cas dimpact à long terme sur les générations futures Un investissement a pour but la production dun surplus dont le calcul dactualisation tente destimer la valeur actuelle. Mais il génère aussi dans la plupart des cas des externalités qui ne sont pas prises en compte par la méthodologie des coûts et bénéfices actualisés. Cest notamment le cas lorsque des atteintes à lenvironnement se produisent, durables ou non, réversibles ou non. Dans ce cas, un récent rapport au ministre de lenvironnement recommande « de choisir pour taux dactualisation, le taux social de préférence pour le présent, (préférence pure pour le présent et effet-richesse) plutôt que le taux de rentabilité du capital, plutôt réservé à un souci de rendement financier »5. En labsence de méthode explicite et directe de détermination du taux dactualisation, il semble que le choix de ce taux emprunte aux trois considérations et objectifs décrits précédemment. · Le choix dun taux dactualisation de 5% Les différentes considérations abordées plus haut militent en faveur du choix dun taux dactualisation de 5 %. Lune des principales est la tendance à la baisse des taux dintérêt à long terme. A titre indicatif, le taux à 30 ans était, début 1999, égal à 4,6 % en France et en Allemagne, à 4,2 % en Grande-Bretagne. Larbitrage entre des choix dinvestissement, y compris pour les investissements des entreprises publiques, doit nécessairement tenir compte du coût potentiel de la ressource. Or les taux dintérêt à long terme semblent durablement à des niveaux inférieurs à 8 %. Par ailleurs, la hausse de prix semble durablement modérée même si le chiffre de 1998 0,3 % en glissement -, est pour une part due au second choc pétrolier. Dans ces circonstances, lapplication dun taux dactualisation de 8 % correspond à des taux dintérêt réels extraordinairement élevés et pour tout dire injustifiés. La pérennité de ce taux traduirait en réalité un renoncement aux équipements fortement capitalistiques à retour sur investissement lent et reviendrait donc à donner une préférence exagérée au présent. Le tableau suivant présente les taux dactualisation utilisées par différents pays de lOCDE en 1997. Il apparaît que les pays industrialisés de développement comparable à celui de la France utilisent le taux de 5 %. Cest ainsi le cas des Etats-Unis, du Canada, du Danemark et des Pays-Bas, en particulier. Cest pour ces raisons que les Rapporteurs préconisent que le taux dactualisation retenu pour les calculs de coût de production de lélectricité soit de 5 %. Tableau : Taux dactualisation utilisés par les pays de lenquête AEN/AIE-OCDE sur les coûts de production de lélectricité6
2. Pour un taux dactualisation intergénérationnel faible mais non nul Le taux dactualisation intergénérationnel est souvent présenté comme devant être compris entre 3 et 6 %. En réalité, de tels niveaux conduisent à diminuer limportance relative des dépenses à long terme. Cest la méthode dactualisation, telle quelle a été exposée précédemment, qui produit un tel résultat. · Leffacement des dépenses à très long terme avec un taux dactualisation élevé La valeur actuelle de 100 francs dépensés dans 100 ans est de 36,97 francs avec un taux dactualisation de 1 %. La valeur actuelle de ces mêmes 100 francs dépensés dans 100 ans nest plus que de 0,76 franc avec un taux dactualisation de 5 %. Elle diminue à 0,01 franc avec un taux dactualisation de 10 %. Le graphique ci-après illustre ce phénomène. Le tableau suivant donne les valeurs correspondantes. Figure : Valeur actuelle dune dépense de 100 francs faites à différentes échéances selon différents taux dactualisation Tableau : Valeurs actuelles de dépenses à très long terme pour plusieurs taux dactualisation
Cest pourquoi nombreux sont ceux qui considèrent que pour le très long terme, il est nécessaire de ne pas recourir à la méthode de lactualisation.7 Cest en particulier le cas de la DIGEC, qui nactualise pas les coûts des laboratoires souterrains et ceux du stockage souterrain. Cette approche contestable pour les laboratoires souterrains, compte tenu du fait que lintervalle de temps va de 1994 à 2006, peut en revanche se justifier pour un projet de stockage en couche géologique profonde dont la durée de vie est par construction de plusieurs centaines dannées. Pour autant, labandon de toute notion dactualisation pour le très long terme semble critiquable. Il signifie labandon de toute valeur donnée au temps, alors que pour la durée de vie des centrales électriques, les comparaisons font précisément intervenir les différences de calendrier de dépenses. Par souci de cohérence, il paraît préférable de rechercher une valeur correcte du taux dactualisation pour les dépenses à très long terme, plutôt que de renoncer à la méthode dactualisation pour un horizon de temps mais pas pour un autre. · La nécessité de considérer lévolution des coûts Contrairement à la pratique habituelle, il est indispensable dexaminer avec précision le scénario dévolution des dépenses avant de procéder à lactualisation de celles-ci. Autrement dit, avant dactualiser un coût, il est nécessaire dévaluer son montant8. Ainsi que lindique A. RABL, si lon fait lhypothèse conservatoire dun taux de croissance rc constant du coût, un coût payé à lannée n est calculé en appliquant un facteur (1 + rc )n au montant initial C0 du coût. Pour avoir la valeur actuelle de ce coût, on divise ensuite le résultat par (1 + ract)n. A. Rabl démontre quau final, la valeur actuelle peut être approximée par lexpression suivante : Valeur actuelle de Cn @ C0 / [1 + (ract - rc )]n (B) Cest donc finalement le taux net reff qui importe, avec ; reff = ract - rc (C) Au total, ce qui importe en réalité dans toute évaluation à très long terme, cest le taux dactualisation net, cest-à-dire la différence entre le taux dactualisation et le taux de croissance du coût. Or il est ordinairement donné peu dattention à la valeur du taux de croissance du coût. Dans de nombreux domaines de lévaluation des coûts environnementaux intergénérationnels, en particulier pour les impacts sur la santé et le changement climatique, il est possible détablir une valeur plausible pour le taux dactualisation (ract). Ce taux dactualisation doit être de lordre du taux de croissance à long terme de léconomie, cest-à-dire de 2 à 3 %. Quant à lévolution des coûts, elle ne peut être considéré comme négligeable. A cet égard, il faut distinguer les différentes composantes. Le cas particulier, au demeurant fondamental, des dépenses de santé peut être examiné en distinguant deux catégories dévolutions. On distingue laccès aux soins et les dépenses de soins proprement dites, selon : rc = rrd + rth (D) avec : rc : taux de croissance du coût des dépenses de santé rrd :taux de croissance de laccès aux soins rth : taux de croissance des dépenses thérapeutiques Le premier paramètre rrd est lié à laccès aux soins dun nombre croissant des personnes, au fur et à mesure du développement économique, ce qui augmente les dépenses. Une bonne façon dévaluer cet impact sur lévolution des coûts est de considérer quil est de lordre de grandeur du consentement à payer, lui-même peu différent de lévolution du PIB/habitant. Le deuxième paramètre rth est celui des progrès thérapeutiques qui font diminuer les dépenses. Comment évaluer la valeur actuelle des dépenses de traitement des maladies par exemple dans 100 ans ? Il est vraisemblable, compte tenu du progrès technique, que ces dépenses auront diminué, alors que leur efficacité aura augmenté. A. Rabl prend lexemple du traitement du cancer9. Il y a un siècle, aucun cancer ne pouvait être guéri. En 1999, environ la moitié des cancers peuvent être guéri. Ceci correspond à un taux de croissance négatif de 0,7 %. Dautres observations montrent quun taux de croissance négatif des dépenses thérapeutiques de lordre de 0,5 % est cohérent avec les données économiques concernant le progrès médical. La valeur du taux dactualisation résultant des considérations précédentes apparaît comme la suivante : reff = ract - rc = ract (rrd + rth) = ract rrd - rth Or à très long terme, on peut considérer que le taux de croissance de léconomie auquel est égal ract, est peu différent de rrd, taux de croissance du revenu disponible par habitant. Il reste donc que : reff = - rth rth = - 0,007 avec rth négatif, de lordre de 0,7 %. Donc, reff = + 0,007 = 0,7 % (E) Par précaution, A. Rabl propose une valeur de lordre de 0,5 % pour le taux dactualisation intergénérationnel. Cette valeur paraît être une proposition intéressante qui pourrait utilisée, en parallèle avec dautres méthodes, dans les calculs du coût de production du kWh prenant en compte les dépenses à très long terme. 3. Le raccordement du taux dactualisation à 40 ans au taux intergénérationnel Si lon adopte le taux dactualisation de 5 % pour la durée de vie des équipements, cest-à-dire 40 ans, et un taux intergénérationnel de 0,5 % pour le très long terme, comment passer de lun à lautre ? La première méthode consisterait à faire décroître linéairement au-delà des 40 ans et sur 10 ans par exemple, le taux dactualisation pour le faire passer de 5 % à 0,5 % sur cette période. Une telle méthode présenterait linconvénient de réduire limportance relative des dépenses de la période de 10 ans. Une autre solution serait daccepter un seuil avec une réduction brutale de 5 à 0,5 % à la 41ème année. Cette approche peut être choisie par précaution. B. Les biais méthodologiques résultant des inégalités de contrainte réglementaire pesant sur les différentes filières, en particulier sur laval du cycle Les différences de traitement statistique pour les différentes filières de production de lélectricité sont fréquentes dans les études citées ci-dessus. En raison de difficultés de méthode ou de divergences de réglementation, les bases dimputation des coûts de production sur le coût final du kWh peuvent varier dune filière à lautre. Ceci constitue une limitation importante aux évaluations. La plus importante des limites provient de lintégration des coûts de laval du cycle au kWh nucléaire, alors que ce nest pas le cas pour les autres filières. Ainsi les coûts de traitement des déchets radioactifs, depuis le retraitement des combustibles jusquau stockage pourtant virtuel à la date de réalisation des études, sont intégrés au coût du kWh nucléaire. Au contraire, les coûts des rejets de polluants atmosphériques « classiques » comme le SO2 ou les NOx ne sont pas imputés au coût du kWh produit dans les centrales thermiques fonctionnant au charbon ou au gaz. Les émissions de CO2 ne sont pas non plus prises en compte pour le charbon et le gaz. Or la convention de Kyoto a vu les pays industrialisés prendre des engagements de réduction de leurs émissions de CO2, en raison des risques que fait peser sur lévolution du climat laugmentation de la concentration de latmosphère en gaz à effet de serre. On sait que les engagements de Kyoto ne pourront être tenus que si des taxes sur les rejets de CO2 ou des permis démission sont imposés en particulier aux producteurs délectricité. Ces taxes ou les permis auront un effet direct daugmentation du coût de production du kWh produit avec des combustibles fossiles. La distorsion de méthode entre les différentes filières est donc incontestable. Le cas de létude Digec est analysé en détail dans la suite. · Les biais méthodologiques de létude Digec 1997 Le tableau ci-après répertorie, dans le cas de létude Digec 1997, les différences de méthode pour les filières nucléaire, charbon et gaz. Tableau : Ecarts des méthodes statistiques utilisées par létude Digec 1997 pour le calcul du kWh produit avec les trois principaux types de centrales
C. La myopie des méthodes de choix dinvestissement Deux limitations générales existent concernant les méthodes de choix dinvestissement : leur difficulté à intégrer les risques et leur incapacité à prendre en compte laspect immatériel de linvestissement. Cest pourquoi on peut recourir à la notion dopportunité dinvestissement. · Lopportunité dinvestir ou les paramètres immatériels des choix La notion dopportunité dinvestissement englobe les paramètres classiques des choix dinvestissement, à savoir les coûts et bénéfices attendus de la construction dun équipement. Mais elle y ajoute les notions de risque et de coûts et bénéfices immatériels. Les incertitudes relatives à la durée de vie économique, au coût dinvestissement, à la disponibilité, au coût du combustible, népuisent pas le champ des risques et des gains caractérisant un investissement à prendre en compte. a) les risques à prendre en compte Parmi les risques à prendre en compte, figurent : - le risque dévolution de la réglementation - les risques liés au fonctionnement de léconomie : évolution des prix à la consommation, modification de la structure du financement de léconomie - les risques de changement de politique économique ou énergétique b) les coûts et bénéfices immatériels Linvestissement immatériel est mal retracé par la comptabilité privée ou la comptabilité nationale. Pour autant, le choix dun investissement ne peut ignorer les composantes immatérielles dun choix dinvestissement, comme par exemple : - la dynamique de linnovation technologique dans les disciplines de la recherche et développement connexes - ladéquation du projet à la culture dentreprise et limage du projet parmi les salariés - limage du projet sur le marché visé et sur la population touchée par linvestissement · Lintégration du contexte économique densemble Il est à cet égard indispensable de remarquer que la modification des contextes économiques densemble conduit à bouleverser totalement la perception de limportance relative que lon peut avoir des divers critères de choix. Les différences de situation économique sont éclatantes entre les choix faits au début des années 1970 et les choix tels quon peut les envisager en 1999. Le tableau ci-après en fait le recensement. Tableau : Modifications du contexte économique densemble entre 1970 et 1999
En conséquence, lanalyse poussée de la structure du coût du kWh revêt une importance décisive. Il est naturel, dans ces conditions, quen 1999, les investissements dont le temps de retour est faible, comme le cycle combiné à gaz, présentent des avantages décisifs, alors que leurs inconvénients sont fortement minorés par la réalité économique et par la perception que les acteurs en ont. * Les limites des méthodes actuelles étant posées, il est nécessaire dexaminer les bases de calculs utilisées pour les différentes filières, afin de déterminer si tous les coûts sont correctement pris en compte et dévaluer, autant que faire se peut, leur dynamique. Cliquer ici pour accéder à la partie III du chapitre II: Cliquer ici pour retourner au sommaire général 1 EDF,audition du 7 janvier 1999. 2 69 mois dans létude Digec 1997 pour le palier N4 2ème train 1450 MWe. 3 34 mois dans létude Digec 1997 pour un cycle combiné à gaz de 650 MWe. 4 Audition des représentants de lAEN/AIE-OCDE, 10 décembre 1998. 5 M. Cohen de Lara D. Dron, Evaluation économique et environnement dans les décisions publiques, Documentation française, Paris, 1997. 6 Prévisions des coûts de production de lélectricité, AEN/AIE-OCDE, Paris, décembre 1998. 7 ou donc de prendre un taux dactualisation égal à 0%. 8 A. RABL, Ecological Economics, 17 (1996), 137-145, Elsevier. 9 A. Rabl, audition du 10 décembre 1998.
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