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ART. 13
N° 92
ASSEMBLEE NATIONALE
13 juin 2005

DROIT D’AUTEUR ET DROITS VOISINS
DANS LA SOCIÉTE DE L’INFORMATION - (n° 1206)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 92

présenté par

MM. Bloche, Christian Paul, Caresche, Mathus
et les membres du groupe Socialiste

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ARTICLE 13

(Art. L. 335-3-1 du code de la propriété intellectuelle)

Rédiger ainsi cet article :

« Constituent un délit puni des peines prévues à l’article L. 335-4 et auquel s’appliquent les dispositions des articles L. 335-5 à L. 335-10 :

« 1° Le fait pour une personne de contourner, en connaissance de cause, une mesure technique efficace accomplissant la fonction prévue à l’article L. 331-5 à l’égard d’une œuvre à laquelle s’applique le droit défini à l’article L. 122-1, sauf lorsque, pour l’utilisateur dans des conditions licites d’une telle œuvre, cet acte a pour seul objet de bénéficier des usages normaux prévus par le contrat ou par la loi ou résulte du fait que l’information prévue à l’article L. 331-6 n’était pas assurée ;

« 2° le fait pour une personne de supprimer ou modifier, en connaissance de cause, tout élément d’information sous forme électronique concernant le régime des droits afférents à une œuvre visé à l’article L. 331-10 ;

« 3° la distribution, l’importation aux fins de distribution, la communication au public ou la mise à disposition d’une œuvre dont un élément d’information mentionné à l’article L. 331-10 a été supprimé ou modifié sans autorisation ;

« 4° La fabrication, l’importation, la distribution, la vente, la location, la détention en vue de la vente ou de la location, la promotion publicitaire, en connaissance de cause, d’une application technologique, un composant ou une prestation de services, principalement destinés à permettre ou à faciliter la réalisation du fait mentionné soit au 1°, soit au 2° ci-dessus ou faisant l’objet d’une promotion, d’une publicité ou d’une commercialisation dans ce même but.

« La saisie de tout objet matériel ou immatériel constitutif du délit défini aux alinéas précédents ou de nature à en établir la commission s’opère dans les conditions prévues à l’article L. 332-1. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le considérant et les articles 6 et 7 de la directive font obligation aux Etats membres d’assurer une « protection juridique appropriée » aux actes de contournement de mesures techniques ou d’altération d’informations électroniques, tout en leur laissant le choix de ces moyens.

L’étude des autres transpositions européennes montre par ailleurs que le pays le plus rigoureux a été la Grèce qui a prévu un an de prison et 15 000 euros d’amende. De son côté, le Danemark n’a même pas prévu de peine de prison, mais s’est contenté d’imposer de modestes peines d’amende. Au-delà, des pays comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne ont choisi de ne punir pénalement que les seules hypothèses de contournement des mesures techniques à des fins commerciales.

Tout à l’inverse, en assimilant globalement tous les actes de contournement de mesures techniques ou d’atteinte à des informations électroniques au délit de contrefaçon, le projet de loi va très au-delà des attentes de la directive, puisque cette formule implique un traitement pénal de ces actes qu’elle qu’en soit la gravité ou la finalité, en même temps qu’elle dilue la notion de contrefaçon au-delà de la protection des droits d’auteur et des droits voisins et qu’elle étend abusivement la présomption de mauvaise foi, dérogatoire au droit commun. Renversant sans justification la charge de la preuve au détriment de la personne concernée, cette conséquence est de surcroît contradictoire avec la directive qui ne vise que des personnes agissant « en sachant, en en ayant des raisons valables de penser qu’elle poursuit » un objectif de contournement, ce que le projet de loi transpose d’ailleurs en parlant d’actes commis « en connaissance de cause ».

La directive précise dans son article 6-3 que les mesures techniques justifiant protection juridique ont pour objet de prémunir contre « les actes non autorisés par le titulaire d’un droit » et dans son article 6-4 qu’elles ne doivent pas porter atteinte au bénéfice des limitations ou exceptions légales, notamment de copie privée. Il y a donc lieu d’exclure du nouveau délit de contournement visant à assurer la protection juridique requise par la directive, les actes portant sur des mesures de protection ou informations électroniques appliquées à des œuvres n’étant plus soumises au droit exclusif d’autoriser (domaine public) ainsi que ceux ayant pour seul objet l’exercice des usages licites du consommateur (accès à l’œuvre, copie privée notamment) ou résultant du non respect de l’obligation d’information du consommateur sur les mesures techniques qui résulte de l’amendement n°... présenté par ailleurs.

Ces actes dénués d’intention frauduleuse étant ainsi légitimement exclus de tout dispositif pénal, une protection appropriée contre les actes frauduleux de contournement peut être établie en recourant aux mêmes peines maximales qu’en cas de contrefaçon ainsi qu’aux possibilités de procédures qui s’y appliquent (saisie notamment) mais en s’en tenant aux règles du droit commun en matière de charge de la preuve de la bonne ou mauvaise foi.

L’aggravation répressive des protections attendues par la directive se traduit également par l’utilisation au nouvel article L. 335-3-1 introduit par le projet de loi, des termes « porter atteinte » ou « altérer » qui peuvent viser même une tentative inaboutie de contournement au lieu de celui de «contourner », ainsi que par l’ajout aux 2°, 3°, 4°, des termes « en tout ou en partie » et la suppression de « principalement », l’ajout au 3° de « mettre à disposition sous quelque forme que ce soit », et la mention au 4°, des actes consistant à « reproduire » une publicité et à « faire connaître, directement ou indirectement » des procédés de contournement. Cette dernière formule, absente de la directive, introduit une atteinte particulièrement lourde à la liberté d’expression et d’information et doit être écartée. Il est donc proposé de réécrire les articles 13 et 14 du projet de loi en en revenant à une transposition fidèle de la directive.