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APRES L’ART. 12
N° 151 Rect.
ASSEMBLEE NATIONALE
8 décembre 2005

DROIT D’AUTEUR ET DROITS VOISINS
DANS LA SOCIÉTE DE L’INFORMATION - (n° 1206)

Commission
 
Gouvernement
 

AMENDEMENT N° 151 Rect.

présenté par

MM. Dionis du Séjour et Baguet

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ARTICLE ADDITIONNEL

APRES L’ARTICLE 12, insérer l’article suivant :

I. – Après l’article L. 335-3-2 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. 335-3-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 335-3-3. – Sans préjudice de l’application des dispositions de l’article L. 121-7 du code pénal, est assimilé au délit de contrefaçon :

« 1° Le fait, sciemment, d’éditer ou de mettre à la disposition du public, sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à la disposition du public non autorisée entre utilisateurs dudit logiciel d’œuvres ou d’objets protégés par un droit de propriété littéraire et artistique ou de provoquer sous quelque forme que ce soit ces utilisateurs à une telle mise à la disposition du public d’œuvres ou d’objets protégés par un droit de propriété littéraire et artistique.

« 2° Le fait, sciemment, de provoquer à la mise à la disposition du public sous quelque forme que ce soit ou l’utilisation d’un logiciel visé au 1° ci-dessus. »

II. – Après l’article L. 335-10 du même code, il est inséré un article L. 335-11 ainsi rédigé :

« Art. L. 335-11. – Sans préjudice de l’application des dispositions des articles 1382 et suivants du code civil, engage sa responsabilité toute personne éditant un logiciel ou le mettant sciemment à la disposition du public qui n’a pas fait toutes diligences utiles pour, compte tenu de la destination principale dudit logiciel, en éviter l’usage pour la mise à la disposition du public non autorisée entre utilisateurs dudit logiciel d’œuvres ou d’objets protégés par un droit de propriété littéraire et artistique, dès lors qu’il est manifeste que ledit logiciel est massivement utilisé pour un tel usage. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

L’essor des nouvelles technologies de l’information offre aux industries culturelles un potentiel de développement considérable, qui a pour corollaire la multiplication et la diversification des services de contenus culturels offerts au grand public.

Pour autant, les opportunités offertes par la révolution numérique ont entraîné des dérives, incontrôlées à ce jour, telles que des usages portés notamment par des logiciels d’échanges peer-to-peer.

Ces logiciels ont fortement contribué à la mise en circulation et au partage illicites de fichiers protégés par des droits de propriété intellectuelle.

Le développement de ces pratiques a lourdement pesé sur l’industrie musicale : perte d’emplois et restructurations, crise de la distribution spécialisée, perte de revenus pour les ayant droits et diminution drastique des opportunités offertes aux jeunes artistes.

La responsabilité des éditeurs de logiciel de peer-to-peer a récemment été confirmée par deux décisions de justice provenant, pour l’une, de la Cour suprême américaine et, pour l’autre, de la Cour fédérale australienne.

Ces deux décisions majeures de la Cour suprême des Etats-Unis et de la Cour fédérale australienne ouvrent la voie à une mise en œuvre généralisée à l’ensemble des éditeurs de logiciels de peer-to-peer de systèmes d’identification, de maîtrise des flux et de filtrage.

Ces nouvelles règles de fonctionnement des logiciels de peer-to-peer vont encourager le développement de modes inédits de distribution, via ces mêmes logiciels, en complément des circuits traditionnels de distribution.

Cependant, il est nécessaire d’assurer une concurrence loyale en éliminant les éditeurs de logiciel de peer-to-peer qui continueraient de permettre l’échange et le partage illicites de contenus protégés par un droit de propriété littéraire et artistique.

Si les règles de responsabilité du droit français permettent déjà d’agir à l’égard de ces éditeurs, il est important que le législateur français y consacre une disposition explicite.

Une telle disposition aurait le mérite de fixer un cadre juridique clair, transparent et valable pour tous ces nouveaux services de la société de l’information et ce faisant d’indiquer clairement aux éditeurs de logiciel de peer-to-peer à quelles conditions leur responsabilité pourra, le cas échéant, être engagée, ce qui épargnera également au juge de longues et fastidieuses procédures.

Deux cas de figure doivent être distingués :

– premièrement, la faute intentionnelle, qui correspond à la mise sur le marché d’un logiciel conçu pour le téléchargement illégal d’œuvres ou d’objets protégés par un droit de propriété littéraire et artistique, ou à l’incitation, en connaissance de cause, à utiliser un tel logiciel. Dans ce cas, la responsabilité pénale serait engagée au titre du délit de contrefaçon ;

– deuxièmement, la négligence fautive, qui consiste à ne pas agir contre un usage dévoyé massif permettant le téléchargement illicite d’œuvres ou d’objets protégés par un droit de propriété littéraire et artistique, d’un logiciel conçu pour un usage licite. Dans ce cas, la responsabilité civile de l’éditeur ou de celui qui le met sciemment à disposition serait engagée avec obligation de moyens pour remédier à la situation et mettre fin à l’utilisation dévoyée du logiciel.

L’objectif de l’amendement proposé n’est pas de sanctionner l’utilisateur mais les éditeurs de logiciels qui permettent ou facilitent la mise à disposition illicite de fichiers protégés. Pour autant, cette disposition contribuera à la sensibilisation de l’utilisateur sur les usages conformes à la loi des logiciels de peer-to-peer auxquels il pourra accéder.

Enfin, cet amendement incitera les éditeurs de logiciels à agir dans la légalité et constituera un signal fort en faveur du développement rapide de nouveaux modes de distribution via un réseau peer-to-peer dont les conditions d’exercice respecteront les prérogatives reconnues aux ayants droit par la loi.

L’objectif de cette disposition n’est pas de frapper d’illégalité la technologie du peer-to-peer. Bien au contraire, sa vocation est essentiellement préventive : inciter les opérateurs à agir dans la légalité.

Le texte n’ajoute et ne retranche rien au droit positif quant aux mesures susceptibles d’être prises au titre des conséquences attachées à la responsabilité des éditeurs de logiciels.